HG 179 M769q THE LIBRARY OF THE UNIVERSITY OF CALIFORNIA LOS ANGELES f OIIESTIONS SOCIALES CONFERENCES ['A n ALBERT DE MONTRY .-■ ot;>ooTro- PARIS I IMPRIlMfRIE ET L I T H OG P.ft PH I E HI RENOU F. T r/iA'JL!)E rvi;r pk rivoi.t, 144 1871 1,1 ^ 9 i ^r^r. /^ 'J I ^1 jf Z7 ^? ^^ ^ ''^ QUESTKMSSQCMES CONFERENCES PAR ALBERT DE MONTRY Mli.9 f QUESTIONS SOCIALES Premiere Conference. LE CREDIT VIAGER. Messieurs, Le but que nous nous proposons dans cette premiere conference, est d'etudier avec vous la doctrine du Credit viager, c'est-a-dire, la theorie de I'assurance elevee a son maximum d'application et de valeur dans I'inter^t de la famille, de I'ordre et de la propriete. Tant au point de vue foncier qu'au simple point de Yue domes- tique et civil, les formes du credit moderne sont entachees d'un vice que Ton croit tellement incurable qu'on s'y r^signe de toutes parts. Essayons de mettre ce vice en lumiere et d'en eveiller la con- science. — ll — L'emprunt, qui— du moins sous le jour des idees que nous allons exposer devant vous — devrait etre moins redoute que systema- tique, puisque, a la faveur d'une organisation rationnelle, 11 exclu- rait I'expropriation, renouvellerait I'instrument de travail et com- manditerait periodiquement I'industrie, — ce que voulut etrealisa la loi jubilaire chez les Hebreux, ce que la France realiserait a son tour en appliquant le precede de I'assurance a la conservation du patrimoine, — l'emprunt, disons-nous, se trouve, a I'heure qu'il est, discredite dans les 7/8^^ de nos families. Aujourd'hui on ne procede guere a l'emprunt qu'a regret, avec des restrictions pusillanimes. On le considere volontiers comme un premier pas vers la dilapidation; prejuge, — il faut bien le dire, — qui n'est pas sans fondement. D'oii vient ce prejuge si dommageable au developpement du tra- vail territorial, lorsque Ton reclame dot et trousseau pour chaque nouveau menage, mise premiere de fonds pour chaque etablissement nouveau, roulement commanditaire pour chaque fondation indus- trielle? Est-ce que, dans I'agriculture, pour chaque generation nouvelle qui s'eleve, les necessites ne sont pas identiquement les monies? Assurement elles le sont ! Oui, l'emprunt est necessaire a I'agriculture comme a I'industrie, aux particuliers, qui meurent, comme aux nations, qui demeurent. Mais pour restituer a l'emprunt son caractere et sa portee, pour que sa liberation devienne periodique, c'est a la forme economique de cette liberation qu'il faut principalement s'attacher. En principe, l'emprunt doit &tre personnel, et la clio) — profit du maintien des meubles et des immeub'.cs, soit centre la grele, I'epizootie, le feu du ciel, etc. A I'essentiel pres, nous a\ons tout ce qu'il nous faut; nous n'avons tout juste oublie que nous- m6mes. Quelques Compagnies en France ont mis le pied dans ce courant — mais avec quelle parcimonie de courage! — Si elles ont vulgarise {'assurance contre I'incendie a ce point qu'il n'y a plus maintenant sur tout le sol frangais une seule maison, depuis le palais jusqu'a la chaumiere, qui ne soit assuree contre ce risque eventuel, — I'assu- rance sur la vie est restee a I'etat de pure exception. Neuf millions de manages en ignorent encore les bienfaitset meme jusqu'a I'existence. Cependant, a une epoque ou s'agitent avec tant de passion toutes les questions sociales qui touchent a la constitution du credit per- sonnel et professionnel, a I'amelioration du sort de la classe ou- vriere, aux caisses de retraite, aux associations de toute nature, comment n'a-t-on pas compris encore que la solution de toutes ces questions se rencontrait dans I'assurance etne pouvait se rencontrer que la? Comment, alors que toutes les ecoles declarent que le plus vif do tous les besoins est la creation de la propriete, la ou elle n'existe pas, et son extension et sa consolidation la ou elle existe, n'a-t-on pas demande a I'assurance sur la vie la solution du probleme? Comment n'a-t-on pas compris que le meilleur moyen d'y parvcnir, c'etait d'assurer aux enfants le sort que le pere leur destine et de mettre leur avenir a I'abri des eventualites et des catastrophes de tout genre qui les menacent ; qu'en un mot il fallait conslituer I'he- ritage pour tous et a tous, et que le meilleur moyen de constituer I'lie- ritage dans les families, c'etait d'associer tous les efforts dans ce but, et que la forme naturelle, necessaire de cette association elait Tassurance? — 51 — Est-ce qu'il eut ete plus difficile de faire comprendre a celui qui possede un etat, une profession, une Industrie dont \it sa famille, que c'est un devoir pour lui d'assurer cet etat, celte profession, cette Industrie centre le risque de mort prematuree, risque qui en detruisant sa vie aneantitle capital representatif de I'etat, de la pro- fession, et le plus souvcnt porte un coup funeste a son Industrie, que de faire comprendre au proprietaire de la maison, de la ferme ou de la cha'umiere que son propre interet, celui de sa famille, lui impo- sent I'obligation d'assurer cette maison, cette ferme, cette chaumiere centre le risque eventuel de I'inccndie ! Ce que Ton a fait dans un cas, pourquoi ne I'a-t-on pas fait dans I'autre ? Comment toutes les ecoles d'economistes n'ont-elles pas fait con- verger leurs efforts vers I'assurance, qui leur donnait la plus haute de tautes les solutions? La portee sociale d'une pareille oeuvre n'est, a son horizon le plus culminant, que la recapitulation meme des resultats qu'elle obtient dans I'intcrieur de chaque foyer domestique. Entrc la famille et la civilisation, le rapport est constant. Qui degrade la premiere degrade la seconde. La generalisation de I'assurance en cas de mort equilibrerait des milliers de relations. , Que Ton tiennc au sol ou qu'on n'y tienne pas, qu'on appartienne a la ville ou que Ton vive dans les travaux des chsmps, I'avenir a sa pierre d'attente. • L'epargne soustraite aux fluctuations de I'accident journalier eta leur neant entre dans une voie de fructification progressive. : EUe ne risque plus de s'enfuir a la voix do I'occasion qui la dfe- sipc et nous en decourage. - 52 — l)e pere en fils, la coutume s'acquiert et se maintient de jeter un pont d'or entre chaque generation ; et chaque generation, par I'assu- rance, entre dans la vie avec sa feuille de route. L'element du progres, dont on a mille fois desespere, cesse d'etre une aspiration sterile, un voeu sans precision et sans objet. II prend corps, il pent circuler, il circule en effet au moyen de cet heritage dans les veines et dans les rangs de I'industrialisme serieux. L'esprit de famille, ga et la affaibli, se reconquiert avec ses posi- tions perdues. L'heritier legitime a la conscience ou d'etre quelque jour le con- tinuateur de I'etablissement paternel, ou le possesseur d'un mate- riel d'industrie qui lui mettra sa boussole sous les yeux et son gouvernail a la main. L'idee du droit se debrouille et se rectifie en mSme temps que celle de la propriete. Avec le retour aux idees pratiques, une marche nouvelle com- mence. La gratitude contractee envers ces mesures de prevoyance passe dans les moeurs du pays a titre de tradition domestique. Demandons plus encore au principe de I'assurance afin d'alleger 1 e sacrifice, d'en vulgariser Tusage parmi les families industrielles et ouvrieres, et de le mettre a la portee des moindres bourses, d'en elargir a priori, la portee et le cadre d'action. Demandons-lui de combiner le benefice de I'assurance dont le monlant sera paye apres la mort, avec la faculte de toucher, jusqu'a ce moment-la, le revenu des Economies annuelles qui servent a fonder I'assurance. De cette fagon I'^pargne ne chomera jamais; car elle atteint un double but : — 53 — Le signataire d'un contrat d'assurance pour le cas de mort en profile pendant sa Yie, comme d'une rente ou d'un.bien-fonds, et si son deces survient trop vite, il aura capitalise dans ce bref delai la moyenne de I'epargne qu'il se serait amassee pendant le cours d'une existence normale. Si sa \ie se prolonge, son revenu s'accroit en raison de chaque versement. Un exemple d^montrera et fera comprendre la portee de ce pro- c6d6. Une personne 5gee de 30 ans assure, par le versement annuel de 2/i9 fr., une somme de 10,000 fr. qui sera payee a ses heritiers lors de son deces. Examinons, au point de \'ue purement financier, les resultats de I'operation selon le plus ou le moins de duree de la vie. Si cette personne \it peu, deux ans par exemple, elle aura pay<^ /i98 fr., elle aura regu 3 °/o d'inter^t de cette somme et laissera 10,000 fr. a sa famille, c'est-a-dire plus de vingt fois le montant de ses versements. Si elle vit 10 ans, elle aura effectue dix versements annuels qui lui auront donne 3 o/o d'inter^t par an, et, de plus, elle aura con- stitu6 pour les siens un patrimoine de 10,000 fr. C'est un placement a 25 °/o outre les 3 o/o d'inter6t pergus chaque annee, soit au total 28 °/o. Si son existence se prolonge vingt annees, I'assurance de 10,000 fr., constituee par vingt annuites de 2Zi9 fr., represente un placement a plus de 9 ^/o. Si elle vit 30 ans, les 10,000 fr. assures representent encore un placement de 2 ^/o qui, augmentes des 3 °/o payes annuellement pour int^r^t, donnent un total de 5 ®/o. — 54 — A quelque point de vue que Ton se place, le risque de mort prematuree est convert, et, sur cette base donnee a I'assurance pour le cas de mort, une assimilation parfaite s'etablit des lors entre la profession et I'exploitation d'un bien fonds. La propriete est cons- tituee, et comme tout homme doit avoir une profession, I'heritage de tons et pour tous se trouve generalise. La Caisse des retraites est un premier pas fait par I'Etat lui-meme dans la voie des garanties reciproques, mais elle procede au rebours de I'assurance pour le cas de mort en circonscrivant I'objet de I'homme d'epargne dans le cercle de sa propre personnalite. A ce point de vue, il absorbe le produit et le fonds, puis il ne laisse pour la generation ulterieure que I'heritage d'une tradition d'individualisme. S'il est bien d'associer les hommes d'une generation, il est mieux de solidariser le sort des generations entre elles. Lebien relatifquepeutfaire I'institution de la Caisse de retraites nous laisse sans enthousiasme. Si le travailleur est fermement resolu de donner I'exemple du tra- vail toute sa vie a ses enfants, et de rester le libre depositaire des clauses de son testament, il ne lui sera pas plus difficile, sous le jour nouveau ou se presente I'assurance, de fonder I'avenir de sa famille en s'y preparant une retraite pour ses vieux jours. En ne prenant que la m6me peine, son but sera plus largement atteint. II aura du meme coup constitue I'assurance sur sa propre t^te, en restant libre d'en varier la destination, et se sera constitue un revenu viager dont la progression tranquillisera sa vieillesse. Les families vivent d'abord pour leurs enfants. Nous les croyons done interess^es a fonder quelque chose de plus fecond que la Caisse des retraites. — 55 — A partir d'un jour donne, si chacun de nous tie travaillait plus que pour lui seul, lo niveau dc la fortune nationale baisserait pro- gressivement. L'isolement des economies du pere de famille est aussi I'isolement de sa vieillesse. Quoi de plus deplorable que le sort des enfants du client de la Caisse de retraites vis-a-vis de I'accident de sa mort prematuree? Admettons qu'il n'aliene pas son capital, quel decompte peut-il esperer, a moins d'efforts surhumains qu'on ne saurait attendre que du tres-petit nombre ? S'il I'aliene (et c'est la plus commune faron d'agir), en cas de mort prematuree, tout est dit. La Caisse de retraites meconnalt de plus un autre ressort. Les classes laborieuses, pour entrer a pleines voiles dans la haute politique de I'epargne, ont besoin de I'exemple et des encourage- ments donnes par les autres classes. La foule attire la foule, et les petites bourses regardent les grosses comme des chefs de hie et des cautions qui ne sont nuUement a dedaigner. La fixation d'un maximum est une faute, une tres-grande faute. 11 6tait convenable de laisser doubter, decupler, voire m^me cen- tupler les depots de leur avenir. L'exclusion n'est ni dans le ton de nos moeurs, ni dans le sens general de nos idees. L'argent est de I'argent de quelque part qu'il vienne, et les petits dcus n'ont jamais d'autre nom que le leur. L'economie dont I'objet special est de repondre au pressentiment des revers ult^rieurs et tardifs merite que le tresor public ouvreles portes a deux battants devant elle. — 36 — Parce que certains riches n'auraient pas envisage d'assez bonne heure la necessite de se resigner a la perspective de vivre comme des pauvres, serait-il politique de les condamner a la destinee de I'indigent? L'epargne n'exclut pas la richesse dont elle est le principe ; elle enseigne aux plus serres Tart de se trouver du superflu. Sur la voie du bien a faire, on doit toute justice a I'idee de la Caisse de retraites. A titre de precedent pour faciliter la propagation de nos vues, elle n'est et ne pent ^tre qu'un premier pas vers I'assurance pour le cas de mort. QUESTIONS SOGIALES 111 Troisi^me Conference. L'^PARGNE en FRANCE — SES DEVELOPPEMENTS — SON AVENIR. Danscette troisieme conference, nous nous occuperonsderepargne sous son double aspect simple et compose; nous indiquerons en- suite, au point de vue de ses developpements et de son avenir, les precedes qui nous paraissent devoir en vulgariser I'usage. Point de depart, but et moyen, tout est different entre ces deux formes de I'epargne. L'6pargne simple s'est produite exclusivement dans nos cites sous le nom desormais populaire de la Gaisse d'epargnes. La politique de soi-disant conservation, dont le coup de vent do Fevrier nous a manifesto I'impuissance, a largement encourage cette institution. Nous ne scruterons ni I'origine, ni les sources de catte espece d'epargnes; nousne chercherons ni d'oii elle vient, ni ou elle va. Les statistiques publi^es par I'administration des Caisses d'epar- gnes ofifrent a ce sujet de curieux elements aux reflexions des 6co- — 58 — nomistes; mais, ne le cachons point, une conclusion en ressortpour nous, c'est qu'au lieu d'encourager ce mode d'epargne, on ferait mieux et plus sagement de le decourager. Dp quelle source provient, en fin de compLe, le revenu qu'on lui paie tous les ans? Du Tresor public. Mais, pour que le Tresor public s'en charge en bonne logique, quel est le role actif que le capital des depositaires des Gaisses d'epargnes joue dans les besoins superieurs de la circulation ? II faut le dire^ ce role est completement nul, ou peu s'en faut. En consequence, les revenus servis a la Caisse d'epargnes pesent de tout leur poids sur nos contributions. Improductifs de fait par la seule raison que les remboursements sont d'une heure a I'autre exigibles, les fonds de la Caisse d'epar- gnes ne peuvent servir en aucun temps de levier salutaire a la puis- sance publique. On est oblige de compter avec elle, du jour au len- demain pour ainsi dire. Ses revenus ne peuvent alors proceder que de I'impot. Encore si, par consideration pour unc charge dont le budget de la France est greve, ^ette epargne respectait nos crises et ne les aggra- vait pas. Point ! L'epargne simple exige ses remboursements au plus fort m6me de nos souffrances; elle pese dans le plateau de nos diffi- cultes comme une crise de plus. I8/18 et 1870 nous I'ont demontre surabondamment. II n'en est pas de meme de l'epargne composee, c'est-a-dire de r^pargne collective. Les sources de cette epargne ne sont ni suspectes, ni mysterieuses; sa destination est connue, elle s'adresse a I'esprit de famille, elle — 50 — va le chercher partout, dans les villeset dans les campagnos. Moins vulgaire et plus utile que sa rivale, elle li'a rencontre aucune pro- t ection officielle; elle se produit seule ct n'attend son suoces que de refficacite de ses propres combinaisons; elle apportera meme un jour un secours puissant a la propriete des qu'elle en eveillera le' sentiment. C'est a la famille que s'adresse I'epargne collective; nous evoque- rons done ici la famille en la repiesentant, aux exceptions pres, comme la source de I'epargne collective, par contraste a I'individu dont les economies alimentent plus specialemcnt I'epargne simple. L'cpargne collective a pour objet d'associer les chefs de menage centre le poids de leurs obligations domestiques, de former et de regir, dans I'interet de ieurs vues respectives, un tresor commun dont la puissance de rinter6t compose developpe la richesse, puis de repartir ce tresor entre les associes survivants a des epoques determinees par avance, et de rendre, par la, les economies amas- sees pendant le cours de telle ou telle periode, equivalentes a celles que chacun, isolementpris, n'aurait amassees qu'a charge decruelles privations et pendant un laps de temps plus considerable. Chacun d'eux fournit une contribution temporaire, afin, lors d'un temps donne, de se procurer un capital sur telle ou telle tete, en cas de survivance. Cette contribution n'est obligatoire que dans la supposition des longevites qu'elle concerne, puisqu'elle cesse du jour oil meurt la t^te sur laquelle I'engagement repose. On court un risque, il est vrai, mais on se prepare un soulage- ment dans le cas ou le risque n'aurait pas lieu. C'est une transac- tion entre le certain et I'incertain, transaction qui profile a I'un quand elle ne profite pas a I'autre. Generalement d'ailleurs, ces ressources d'ordre eventuel sent for- mees en vues d'obligations egalement eventuelles. Par exemplc, un pere a des enfants qui sortent du premier 5ge, le temps de leur edu- — 60 — cation le pr^occupe; sur ses revenus ou son industrie, tout calcul fait, il se sent en mesure d'economiser la somme suffisante pour subvenir pendant dix ou douze annees aux frais de leur education; mais il sent aussi la necessite de limiter ses economies et de les re- duire au minimum, afin de ne pas desorganiser son budget domes- tique. Comment doit-il s'y prendre? S'il garde sa pecune dans son secretaire, elle ne lui rapportera rien; il pourra meme indiscretement y porter la main pour la satis- faction de quelque fantaisie. Un larcin peut d'ailleurs deconcerter sa prudence. La speculation pour sa part otfre des chances qu'il ne veut courir sous aucun pretexte, vu qu'il s'agit pour lai d'un devoir dont, apres tout, la date ne s'ajournera pas. Ces eventualites et ces necessites sent evidemment les m^mes dans tous les menages. Que plusieurs peres de famille raisonnent ainsi, qu'ils mettent leurs embarras en commun, et I'Epargne Collective est creee. Selon I'evenement, les survivants heriteront de la masse qu'ils se partageront au prorata. Si des obligations persistent chez tel ou tel,il se trouvera dans la position deleur tenirtete. Lesfavorises n'auront eu que la moitie du souci, les autres que la moitie de leur fatigue. Cette cote mal taillee repond a I'intention commune et balance les sacrifices par les soulagements. Ce que nous disons de qaelques chefs de famille, on le dira a plus forte raison de dix mille et de cent mille. Mais ici revocation de chiffres semblables assied la prevision en lui donnant les nombres pour base mathematique. L'action de I'individualite reste toujours insaisissable quand on la restreint dans des circonscriptions trop etroites, au rebours, elle — 61 — offre prise au calcul et rev^t un caractere vraiment social quand on veut en suivre les effets sur de vastes horizons. Unissez dix mille ou cent mille peres de famille et qu'ils soient mis a m6me de cooperer de front et d'ensemble a la formation du capital necessaire a la totalite de leurs obligations, il en resultera par le fait, a I'epoque des repartitions, comme une balance entre les vivants et les morts. Les mathematiques egaliseront les resultats d'apres les debourses annuels et proportionnellement a la longevite des existences qui les interessent. Avec ce procede, nulle obligation ne persistera dans les families qu'a charge de faire jaillir ses res- sources. Par ce moyen des lors plus de devoirs en souffrance. II importe que Ton vienne en aide aux families par des institu- tions ou se puissent coaliser librement des efforts genereux au profit de tel ou tel soulagement domestique, et que, sans rompre les cloi- sons de la vie privee, I'epargne collective rende les families soli- daires dans de libres et justes proportions. En France, il ne faut qu'appeler la famille au secours de la famille. Tout ce qui tend au bien marche sur cette base ; sur le plan de la famille se coordonnent tons les actes vraiment serieux de la vie. En ceci I'epargne collective I'emporte sans conteste sur I'e- pargne simple. L'epargne simple ne s'adresse en quelque sorte qu'a I'individu qui n'a d'autre objectif que lui-m6me. L'epargne collective s'adresse a la famille. L'education avec ses varietes qui repondent a nos destinations ultcrieures ; le choix libre d'une profession militaire, liberale ou religieuse; I'apprentissage d'une Industrie qu'on ne saurait aborder sans un materiel; I'avenir enfin de sa propre vieillesse ou de la vieillesse des siens dont il faut songer a preparer I'abri, telles sont les perspectives sur lesquelles chacun de nous a besoin de dirigQr un regard ferme, et ces perspectives s'ouvrent tour a tour de la naissance a la mort devant celui que la Providence ^constitue le chef de chaque interieur. Le mdcanisme administratif de I'epargne collective repose entiere- ment sur rintelligencc des tables de mortalite. Au point de vue de la mort, qu'il faut bien porter en ligne de compte ici-bas, chacun de nous, balance faite, n'a qu'un certain espace de temps devant lui. Cette mesure, invariable pour la statis- tique et mise en lumiere par elle, a pris dans les transactions de placements viagers le nom de Vie moyenne. Tel decede plus tot, tel decede plus tard. Dans I'inventaire commun, les eventualites se balancent autour du chifTre comraun, des compensations peuvent s'etablir; le tarif de ces compensations a sa raison d'etre, et les gens d'epargne, groupes dans une memo association d'un nombre corres- pondant, acquierent la certitude, des qu'on les y rassemble, que le sinistre inevitable de la mort se repartit avec impartialite dans le ditTerentes categories d'ages; de la sorte, la solidarite se trouve armee centre les chocs done chacun souflFrirait, jusqu'a I'exc^s peut- etre, s'il restait dans Tisolement. De cette facon, les economies a faire pour couArir les , charges eventuelles et parer a des sinistres certains ne se font plus au hasard et dans le vague. La science mathematique en repond et se porte garant des resultats. La prevoyance est tenue en eveil, chaque famille sait a quoi s'en tenir, et vis-a-vis du budget de sa propre fortune, son chef agit avec precision et securite. Avec ce systeme, plus les families deviennent pombreuses plus aussi le sacrifice prend le caractere d'un acte conservatoire du plus vif interet. Quelles que puissent ^tre les eventualites, on les embrasse toutes a la fois. Le sacrifice legitime de chaque associe s'arrete a des moyennes; et, ,dans ces mesures, les epargnes capitalisees par Taction du temps et 63 — I'augment successif des interits composes, se rendent au jour dit vers leur destination. Nul devoir ne reste desormais en souffrance. Favorises par le sort, les survivanls recueillent tout le fruit des pre- cautions prises et ne se voient plus exposes aux chances funestes qui doivent etre la consequence de I'isolement. Sans prctendre eloigner de ce systeme d'epargnes les idees de spe- culation qui sont d'ailleurs inherentes a toute espece de placement, — fiit-ce en viager, — on doit y voir, avant tout, un acte de sacri- fice en m^me temps qu'un acte de conservation. L'idee beneficiaire qui se produit au profit des survivants et des ayants-droit ne se produit effectivement qu'en second ordre; une pen- see morale domine et la statistique de toutes les Compagnies d'assu- rances en fait foi. On veut pourvoir a I'education liberale ou profes- sionnelle d'un enfant, a sa dot lorsque c'estune fille, a son remplace- ment sous les drapeaux quand c'cst un garcon, puis au capital d'eta- blissement, d'industrie et de commandite, ou bien encore a un fonds de rente pour le repos d'une mere, d'un frere, d'un vieux serviteur, et meme aussi a des moyens de retraite pour son propre compte. II s'agit pour la famille d'amortir a I'avance les eventualites des charges incertaines ou les suites inevitables d'un sinistre certain. L'epargne composee embrasse ce double devoir et se divise par cela meme en deux branches. Elle necessite : 1° Des institutions d'epargnes pour le cas de survie dont I'objectif est de repondre aux charges eventuelles de la vie; 2° Des institutions d'assurances pour le cas de mort dont I'objectif est de se mesurer avec le sinistre certain de la mort. Socialement parlant, cos deux modes sont inseparables, et le pre- mier n'est que le complement du second. . Quelque dignc d'interet que soit pour chacun la necessite de pour- — 64 — voir le plus economiquement possible a la serie de ses obligations domestiques, une preoccupation d'ordre majeur domine cetteneces- site. La mort qui ne suit pas avec methode I'echelle successive des 5ges, pent frapper le chef de famille longtemps avant qu il ait atteint son but, et steriliser tout a coup, dans sa tombe prematurement ouverte, des preparatifs d'epargne dont il ne pourrait leguer autour de lui la continuation a qui que ce soit. Avec lui, et sans I'auxiliaire de I'epargne collective, I'entreprise commencee peut s'ecrouler des le debut au dommage de tous les siens. Plutot que de laisser des orphelins dans la mine, le pere cher- chera des expedients, perdra I'occasion et se decouragera, non sans critiquer avec une profonde amertume les institutions de son pays qui n'offrent pas de ressources equivalenles a celles que Ton ren- contre de toute part sur le sol anglais et dans les Etats d'Amerique. Les families privilegiees des dons de la fortune parent tant bien que mal a ces vides et se tirent encore d'affaires. Mais chez nous ce n'est que le petit nombre, et la mobilite des moeurs dont on se plaint en France avec raison, s'aggrave par sur- croit de la mobilite de nos destinees. Le lendemain de la mort de son chef, une famille, lorsqu'elle se dissout, ajoute un ferment de plus aux ravages de la dispersion commune. L'assurance pour le cas de mort influera sur nos destinees civiles et politiques. Les families et les pays y gagneront reciproquement en stabilit6. La prevoyance paternelle constituera un heritage relatif aux en- fants et les edifiera par un exemple que ces derniers prendront la resolution de leguer a leur tour. Les obligations domestiques dont I'accomplissement depend avanl — 65 — tout de ['existence du chef de famille, y gagneront-elles m6me de ne pas risquer sept fois sur huit d'etre desorientees par sa mort ? Un capital immense, enfoui I'on ne saurait dire ou, et qui ne repa- rait a peu pres que par dixieme en dix annees de temps, fera retour dans la circulation. 11 ne s'agit que d'organiser pour ce capital des issues satisfaisantes. Si Ton se met en face du chiffre que presentent actuellement en France et I'epargne simple et I'epargne composee, on supputera rapidement I'accroissement possible de ce chiffre par le developpe- ment special de I'epargne composee (1). ^valuons-en les probabilites en moyenne : Neuf millions de menages existent sur le sol frangais bon an, mal an. Sans risquer une exageration, on pent evaluer a 100 fr. par groupe i'un dans I'autre le terme commun des economies de chaque famille ayant les memes servitudes en perspective. A ce compte, il s'agirait de 900 millions de francs par an. Get entassement anonyme dont il faut sous divers points de vue accuser et feliciter la tendresse des families, a pour le moins son occasion d'etre durant pres de dix annees, moyen terme qu'on peut trouver modeste. Restreint a ce terme, il formerait, si la balance des reapparitions decennales ne le ramenait par dixieme, chaque annee, dans le cou- rant de la vie publique, un capital de neuf milliards. En fait, dans cctte alternative de flux et de reflux, c'est sur cette masse de capitaux que durant dix annees plane une sterilite rela- tive a contre-sens des puissances de I'inter^t compose , de sorte qu'en retournant de fond en comble la these de la prevoyance, au- trement dire, en supposant a I'epargne des courants reguliers et (1) Ea Angleterre,le chiffre des assurances sur la vie depassait 10 milliards eii 1869. — G6 — soutenus, on se verrait peut-etre oblige de doubler, a I'heure pre- sente, restimation du capital que I'organisation serieuse de I'epargne collective ferait jailiir du sein des families frauQaises. Quel pourrait etre des iors le role que Ton serait a meme d'assi- gner a ce capital enorme? Bornons-nous, pour I'instant, a montrer le parti que la propriete tirerait aussitot du capital de I'epargne pour se degrever du fardeau de ses hypotheques. L'epargne,sous cet aspect, a besoin d'aller au-devant du gage fon- cier et de participer a la somme de richesse qu'elle engendrerait sur le sol. La propriete, que Ton peut mettre en mesure de fournir ce gage, doit, pour sa part, etre mise a meme de rencontrer dans le fonds commun de I'epargne un pr^teur qui fonctionne publiquement avec des prix connus et des transactions simplifiees. Sans insister plus que de raison sur un de ces contrastes d'ex- tr^mes qui ferait paraitre dans un jour nouveau I'avenement de la democratie, ne serait-il pas edifiant que I'epargne du fermier et du travailleur yint cooperer tout a coup a la delivrance de la grande propriete? Cette operation, vigoureusement constituee, offrirait un double attrait, d'abord aux pr6teurs, c'est-a-dire a I'epargne par un inter^t plus eleve, ensuite aux emprunteurs par I'introduction d'un mode d'amortissement qui les soustrairait, eux et leurs ayants-droit, aux perspectives de I'expropriation. Pour atteindre ce resultat, il suffira de faire intervenir dans la transaction du pret le ressort du calcul aleatoire. L'aleatoire ou le viager ne sont ici que I'expression d'une meme loi. — 67 — Nul n'ignore que, soit pour le cas de siirvie, soil pour le cas de mort, les versements fails par un souscripteur dans I'inter^t de son contrat sont interrompus de plein droit des que vient a deceder la t6te sur laquelle cette forme d'engagement repose. Le pret au proprietaire emprunteur pent 6tre constitue sur la nn^me base pour les remboursements, — c'est-a-dire d'apres une echelle d'inter^t en rapport avec les probabilites de la carriere qui lui reste a parcourir, — ce que determine la table de mortalite. Juste a I'heure de son deces cessera sa dette. La mort donne quittance de plein droit. Degreve par I'evenement, le domaine entier,libre de toute especede charge, fait aussitot retour aux ayants-droit du defunt. L'inter^t, dans cette hypothese, s'elevera tout naturellement a des proportions plus fortes, moins fortes cependant, qu'au premier abord on ne le croira, vu que dans la realite la redevance n'est que viagere. Dans ces conditions, la plus-value n'est que relative. C'est la rente viagere renversee. Au bout d'une seule generation, la propri^te se trouverait inte- gralement degrevee. Toutes les hypotheques pourront 6tre rapidement transformees sur cette base, rien que par I'epargne frangaise. Le pere de famille, proprietaire d'un domaine, entreverra ainsi dans un laps de temps probable, avec certitude, la pleine liberation de ses enfants; il s'arrangera en consequence, il redoublera d'acti- vite devant cet espoir, de concert avec les siens dont il aura la consolation d'entrevoir I'affranchissement. Ce sera du m6me coup son assurance en cas de mort. L'emploi de son emprunt, par I'aptitude la plus commune, facili- tera des ameliorations qui ne sortiront pas des mains de la famille. — C8 — L'entretien, la reparation et le degrevement de la propriete, son amelioration ou son exploitation sur des proportions nouvelles, ne- cessitent le secours de I'association. L'emprunt trouvera de larges facilites parmi nous, des qu'il s'eta- blira sur la base du viager. Par un heureux conflit du jeu des extremes que la circulation m6me explique, i'epargne des petits menages devient une banque d'escompte pour le titre officiel qui degrevera la propriete. Pour sa part, I'epargne collective doit contribuer a I'alimentation des banques foncieres qui lui presenteront le plus solide de tous les placements, d'abord par la securite du gage, ensuite par I'identite des principes qui reglent ses conditions. Appliquons-nous done tout d'abord a I'organisation de I'epargne collective. L'Angleterre nous a devances sur le terrain de I'epargne pour le cas de mort — a laquelle un siecle plus tard on a du I'inspiration qui fit instituer I'epargne pour le cas de vie sous le nom de tontines. Places sous le joug d'une jurisprudence qui n'etait pas celle du droit commun, la seule efficace et veridique, les etablissements tontiniers ont subi des statuts contradictoires et meticuleux qui ont paralyse leur developpement, etouffe leur croissance, emp^che I'amelioration de leurs reglements en mettant a I'ecart la science mathematique. La manie dereglementer et d'astreindre la speculation aux ferules de la bureaucratie en a precipite I'avortement. La predilection administrative pour I'epargne simple coupa des lors les ailes a I'epargne collective; on ne comprit ni ses principes, ni sa portee, en Tobligeant a circonscrire I'emploi de ses fonds dans le domaine de la rente d'Etat. Pour prater un secours artificiel — 69 — au maintien relatif des cours du perpetuel, on devait un jour ou I'autre amener la mine d'une tentative avortee des le berceau. C'est done moins aux etablissements d'alors qui poserent les prin- cipes des operations aieatoires en cas de vie qu'il faut adresser des bMmes, qu'aux administrations dont les faux calculs ont arr^te I'essor d'une institution dont la puissance economique n'etait d'ail- leurs que fort peu comprise encore. Trois critiques battaient en breche la charte organique de ces etablissements que Ton enferma depuis lors dans le cercle etroit de la tontine : 1° L'impossibilite de constituer des mutualites capables dejusti- fier les previsions que leurs initiateurs etaient en droit de formuler sur le produit des operations aieatoires; 2o La decheance, consequence forcee de I'oubli du principe des grands nombres qui doivent dominer dans la constitution des mu- tualites ; 3° L'emploi des fonds de I'epargne dans la rente. La denomination m^me de tontine que le regime administratif donnait a ces etablissements devait en outre contribuer a I'entrave de leur marche. L'assimilation par cela m^me qu'elle rappelait I'histoire desas- treuse de la caisse Lafarge autorisait des repugnances, quoique deja le bon sens fut mis a m6me de pressentir le parti que I'inter^t de la famille aurait a tirer tot ou tard d'un vaste systeme de cotisations entre vifs. Renfermee dans des mutualites de dix societaires au minimum ou de mille societaires au maximum, limites que le specialisme obli- gatoire d'alors et la diversite m^me des specialites ne permettaient guere de franchir, I'epargne collective ne reposait plus sur aucun des principes qui doivent la rendre sincere dans son organisation et stable dans la moyenne de ses produits. — 70 — Ainsi restreint a des nombres mesquins, le principe se conciliait mal avec des repartitions dont la triple eventualite deconcertait perpptuellement le souscripteur. Tantot nulles, tantot excentriques, tantot renfermees par I'impar- iialite fortuite de revenement dans la limite des moyennes, des re- partitions capricieuses sur lesquelles il devenait impossible d'asseoir la prevoyance, intimidaient la presque generalite des souscripteurs ou ne tentaient que les avidites exceptionnelles frappees des resul- tats exceptionnels. Proclames a son de trompe, non sans intention, ces resultats ne servaient guere que d'amorce dans les calculs de la speculation. Avec tout le renfort de ses artifices, la speculation debile de cette epoque ne parvenait a constituer que des groupes inconsistants sous I'empire d'etroits statuts; les etablissements restaient inhabiles a regir les inter^ts de la clientele d'une maniere une et collective. On manquait a la fois de systeme et de plan. La mutualite dont on fai- sait le panegyrique aurait en vain cherche sa base ; elle n'existait guere que de nom dans la redaction du prospectus. Le minimum de forces qui donne la vie, I'equilibre et I'aplomb necessairea I'asso- ciation, demeurait a I'etat d'ideal. De peur d'intimider la clientele et de tarir une source d'opera- tions qui faisaient tant bien que mal vegeter quelques etablisse- ments, la question de principe restait a I'ecart, Qu'en devait-il advenir ? que la mortalite dont on avait mecounu le centre poids devait courir capricieusement a travers des groupes sans consistance, raver les uns, oublier les autres et aneantir ainsi de deux facons egalement derisoires le but que chaque souscripteur se propose en venant participer a des operations dont I'objet est genereux et le merite incontestable. On avait cependant, depuis longtemps, rendu hommage a la ne- — 71 — cessite de fonder la mutualite sur les grands nombres et reconnu que de notoriete scientifique, autrement dire de Pascal a Fermat, le moindre nombre qu'il faille admettre exige,en bonne regie viagere, qu'on le fixe tout au moins a 10,000 tetes. On congoit en effet que sur cette base les ecarts ont moins de prise; que Tevenement de la mortalite se regularise en quelque sorte; qu'il doit amener des resultats a peu pres certains; que le hasard se trouve pour ainsi dire cerne dans tous ses caprices, et que I'etendue memo de Taction offerte a ses eventualites permet de les subordonner au calcul. Partout oil les cadres des associations sont illimites au lieu d'etre restreints, les souscripteurs se morcellent en groupes au lieu de former des masses correspondantes a la moyenne, ce qui tient a I'absence de tout mecanisme unitaire et d'ensemble organique, ab- sence qui ne permet pas {'application reguliere du calcul des proba- bilites sur les eventualites de la vie. Par suite, le contraste entre la serie des repartitions devient sujet a des inegalites choquantes, I'indisciplinable variabilite des resul- vant etre la consequence obligee de ce vice constitutif. Comment fallait-il obvier a ce vice? En etablissant la mutualite moins sur la difference des obligations respectives, — qui ne sont en realite tout au plus que nominales, — que sur un nombre de societaires capables de repondre stricte- ment a la serie generale des eventualites en cas de survie. La statistique a fait d'immenses travaux sur ce point et fourni des renseignements qu'il est bon de serrer de pres. En these, dans une serie de nombres suffisants et d'intervalles paralleles, il s'etablit des proportions a peu de chose pres inva- riables entre le nombre des morts ; et la statistique en formule les proportions entre les divers ages par des resultats d'ordre correspon- dant aiixquelles on se trouve a meme d'en referer. II s'agit en effet d'line meme loi de rapport pour la constitution de ces cadres economiques dont le benefice de siirvivance est I'at- trait commun. Sur dix ou douze mille societaires, Tevenement de la mortalite, circonscrit en quelque fagon par des forces suffisantes, n'a pas la la liberte d'agir d'une maniere anormale. Aucune protestation contradictoire ne pourrait infirmer cette assertion. L'experience de I'Angleterre et de I'Amerique a confirme la regie. Dans les mutualites hostiles au principe des nombres, la decheance devait s'eriger en systeme afin de pouvoir grossir, a I'aide de ces mortalites artificielles, inaccessibles au calcul des probabilites, le pecule des rares souscripteurs que Ton devait appeler dans quinze ou vingt ans a ces depouilles opimes des repartitions. Le souscripteur dont les versements aleatoires se trouvent inter- rompus durant I'execution de son engagement devait etre, d'apres les statuts, exclu des fruits de son propre capital ainsi que des be- nefices monies de la survivance. Le capital seul, ou pour plus d'exactitude, le simple total des versements brut etait restitue sous condition de survie lors de la repartition. Or, pour tout souscripteur, le danger de tomber en decheance est proportionnel a la longueur m^me de ses engagements ; car, que peut-il y avoir de plus flottantque la fortune individuelle? Le danger des decheances menace les petites bourses, c'est-a-dire le plus grand nombre, de preference aux grandes, dont le nombre est circonscrit par le fait ? — 73 — Et quiconque a souscrit un engagement disproportionne dont il comprend trop tard la folie, vu son impuissance d'en atteindre le terme, est, par cela seul, place sous une autre epee de Damocles. La decheance rev6t a ses yeux un caractere de confiscation; il apergoit les privilegies de I'epargne dresser leurs plans dont son maigre pe- cule va devenir la proie. Des ce jour, I'operation se discredite dans son esprit. II y voit la ruine des obligations pour lesquelles il aven- turait tant de sacrifices; il en medit avec amertume, en degoute ses proches et ses voisins, regarde I'epargne collective comme un piege, et si plus tard la fortune lui revient, soyez-en sur, on ne I'y re- prendra pas; il esquivera le peche de la recidive. Ainsi construite, I'Epargne collective aura d'autant moins de pro- selytes qu'elle fera plus de victimes. Au fond la decheance n'en est pas moins I'indefectible penalite de tout souscripteur dans les operations aleatoires. Mais elle ne doit 6tre qu'une penalite restreinte et librement con- sentie par le societaire. A la decheance, il faut apporter deux correctifs souverains, qui tous deux restituent I'epargne au but serieux que le plus grand nombre se propose. La faculte de retrait a des epoques fixes et periodiques, voila le premier. Le rachat des contrats en tout temps par le tresor commun, ra- chat qui doit se faire en quelque temps que ce soit, d'apres un tarif dont les conditions soient notoires pour tous; voila le second. La faculte de retrait rapproche le capital des mains de son depo- sitaire au lieu de le distancer par des termes indefinis, comme dans les contrats a dates lointaines dont les versements restent irreduc- tibles. — Ill — Ce droit protege le grand nombre qui se compose des petites bourses. II sert de bouclier a la fortune du souscripteur dans une even- tualite de deroute. La faculte periodique de retrait change de fond en comble la physionomie de I'operation aleatoire et fait disparaitre les vices dont nous venons de tracer I'esquisse. La faculte de retrait, c'est le pouvoir absolu stipule par le sous- cripteur, iors de la signature du contrat, de sortir de I'association a des periodes determinees, quinquennales par exemple, en repre- nant a son choix soit la totalite, soit seulem ent une partie de ses versemenls bruts, leurs interets et les benefices des periodes qu'il a parcourues. Ce droit ne renferme nulle equivoque, il ne saurait avoir et ne comporte pas de limites. Le probleme en face de la faculte periodique de retrait se pre- sente sous deux faces qui s'objectivent I'une a i'autre et se retor- quent reciproquement. L'argentest mobile de sa nature ; la perspective des incarcerations prolongees I'effarouche, et volontiers il les evite. Par contre, son affluence dans les operations financieres est proportionnelle au nombre des issues qu'on lui laisse, et la Caisse d'epargne demontre qu'il s'acclimate a raison de sa liberte. Qu'importe, apres tout, que tel ou tel individu, pour des raisons dont il ne doit compte a per- sonne, dispose a telle ou telle epoque d'une somme qu'en definitive il etait parfaitement le maitre de ne pas confier a tel ou tel mode d'epargnes? L'episode est minime en lui-meme; la question vis-a- vis de la masse entiere et du nombre deses solidarites estde savoir si le remplacement est possible. Grace a la faculte qui devient universelle, cela ne fait pas question. Dans ce cas, ou voit-on le - 75 changement? Ce n'esi pas a telle circonscription nominale qu'il faut rattacher la barque de I'operation; mais a la generalite seule des engagistes. Les individualites ne sont rien; les masses seules doivent ^tre prises en consideration. La veritable speculation agit en vue de la moyenne des nombres et calcule ses operations sur la possibility de leur persistance. La liberie des transactions en decuple tou- jours I'attrait. Dix souscripteurs embarrasses qui trouvent a propos la porte ouverte, en font par cela meme les honneurs a cent autres qui ne demandent pas mieux que d'entrer, parce que cette facilite mSme leur convient et les rassure. Les exiles facultatifs de I'assurance ne sont a tout prendre que des missionnaires inparlibus infidelium jaloux de rentrer dans leurpatrie apres en avoir propage la croyance. Sur ce pied I'abord de I'opera- tion demeure accessible au plus grand nombre qu'epouvanterait a bon escient le systeme administratif inverse. La faculte de retrait demeure a tous egards la condition vitale de I'epargne collective. EUe en fixe la fortune et satisfait point par point aux scrupules que ce mode d'epargnes motivait autrefois, a trop juste titre, meme dans la bonne foi de ceux qui n'en desespe- raient pas encore. En effagant la faculte periodique de retrait de sa charte, I'epargne aleatoire est restde sous le coup de trois inconvenients indeniables qui devaient la faire succomber : 1^ Risque pour les souscripteurs d'aggregation a des cadres mise- rablement peuples ; 2° Manque de boussole mathematique et complete incertitude quant aux dividendes de chaque repartition ; 3° Poursuite obligatoire d'un engagement dont l'irreductibilit6 ne peut que multiplier les occasions de dech^ance. En revanche, avec la faculte de retrait, I'Epargne collective s'en- richit d'abord de trois avantages permanents : — 7G — i" Certitude de pouvoir s'agreger, en quelque temps que ce soit, a des cadres peuples et formes ; 2° Criterium experimental pour determiner le chiffre de son mi- nimum d'epargnes, ou, — ce qui reproduit le meme point de vue sous d'autres termes, — certitude d un repartiteur invariable et d'un revenu constant, grace au gouvernement normal des lois de la mor- talite; 3° Exclusion de la decheance dans une proportion de quatre cin- quiemes au benefice des vues des souscripteurs. Aux vices que nous venons de constater dans I'epargne aleatoire (1835 et ISZil), si nous ajoutons I'emploi de ses fonds en rente d'Etat, son discredit ne sera plus un mystere. Onereux pour les achats lors de I'encaissement, il le devenait plus encore peut-etre a I'epoque de la revente et du remboursement. Au lieu de simplifier le calcul et de decharger I'eventuel, on aggravait I'un par I'autre A r6ventualite qui resulte des probabilites de la vie, eventualite fort appreciable et soumise a des lois mathematiques, on ajoutait un element inaccessible aux calculs, echappanta toutes previsions. Aussi I'on a vu des mutualites (18Zi8 - 18/i9) perdre la moitie de leur capital. Non-seulement le tresor de I'epargne etait frappe dans ses sources de production, mais le regime administratif le poussait encore dans les ouragans qui souvent frappent la rente perpetuelle, lors qu'au contraire le tresor de I'epargne devait etre la piscine regeneratrice de la propriete et de I'hypotheque. La chute des tontines aleatoires nepeut que profiter a I'epargne collective et I'experience du passe devient par cela meme le salut de I'avenir. QUESTIONS SOGIALES IV Quatri^me Conference. » VOIES ET MOYENS. Messieurs, Dans la premiere conference nous avons examine iatheoriedu Pr6t et du Credit viager dans son application a la propriete fonciere ; nous en a\ons constate la portee. Dans la seconde nous vous avons montre I'efficacite de I'Assurance pour le cas de mort au point de vue de la generalisation de I'heri- tage et de la constitution du patrimoine industriel. Dans la troisieme, apres avoir examine I'Epargne collective pour le cas de survie, nous avons indique ses developpements possibles; nous avons montre son avenir et le role quelle avait a jouer dans les Banques departemenlales de Credit Viager. Nous allons maintenant jeter un coup d'ceil sur les moyens pra- tiques a mettre en usage pour vulgariser des institutions appel6es a converger vers un but commun, celui dc former le grand reservoir ou la propriete puisera les ressources necessaires a sa liberation et a sa regeneration. Suivant la these inverse de notre exposition, nous entrerons d'a- bord dans le chapitre 'de I'Epargne collective pour le cas de vie, puis nous aborderons I'Assurance pour le cas de mort, et nous con- cluerons ensuite par la Banque du Credit viager. Le systeme des epargnes mises en commun , destinees avec le temps a se grossir de leurs propres interets et dont on repartit le total a la survivance, necessite, sous le nom de Caisse des fipargnes collectives, la creation d'une caisse speciale.Cette Caisse doit ^tre oreanisee de telle sorte que la mutualite s'y constitue sur les nombres mathematiquement exigibles, afin que la mortalite s'y deploie d'une fagon normale et que les resultats prennent, dans la pensee de I'engagiste, un caractere de fixite et de certitude. Des necessites d'un autre caractere, demandent la creation de la Caisse des Obligations viageres. L'epargne pour le cas de mort exige la constitution de la Caisse des Heritages. L'edification des Banques foncieres de credit viager a pour con- sequence remission de titres fiduciaires que nous designerons sous le nom de Metalliqnes hypothecaires ; ce sera I'ceuvre de la Caisse des Frets. CAISSE DES fiPARGNES COLLECTIVES La Caisse des fipargnes collectives comprend cinq series uni- formes entre elles. Ses repartitions s'operent dans des intervalles reguliers de cinq ans. On s'engage pour un voyage de vingt-cinq ou trente ans ad libitum; mais, facultativement, des qu'on le veut, on s'arr^te a tel ou tel debarcadere quinquennal que Ton determine; tandis que les fonds qui poursuivent la route restent associes dans les m^mes in ventaires. La reserve du retrait quinquennal est de droit commun pour chaque souscripteur. Les trois avantages de ce mecanisme sont inseparables. La Caisse ne reconnalt pas de specialite proprement dite entre des operations dont le benefice de survivance est I'objet commun. Elle accepte tous les placements d'ordre analogue. Que la souscription soit faite en vue de pourvoir aux frais d'edu- cation et d'apprentissage des enfants, en vue de constitution d'une dot, d'un capital d'etablissement ou d'un capital destine au rem- placement militaire, ou bien encore en vue d'une pension de re- traite, etc., etc., peu importe ! La destination ulterieure des fonds appartient toujours et en tout 6tat de cause a I'arbitraire du sous- cripteur; il conserve a ce sujet sa liberte pleine et entiere. En con- sequence, la Caisse associe toutes les epargnes quelle que soit leur destination; elle associe parallelement tous les 5ges d'apres des tarifs de compensation dont les tables de mortalite sont la loi su- preme, et les mises des souscripteurs concourent toutes sur le pied de la regie de proportion. Ce mecanisme permet a la Caisse de se conformer en plein a la theorie des probabilites. Selon les divers objectifs que le souscripteur se propose, il fait usage du systeme des echeances successives ou du systeme de I'echeance unique. Par I'un et par I'autre il obtient de recevoir un capital donne a une epoque donnee soit en une seule fois, soit par fractions determi - nees a I'avance et d'apres sa volonte', toujours libre de se formuler meme apres coup, selon les conseils de I'evenement. La l'* serie — Serie A — a ses repartitions aux echeances de ; 1875 — 1880 — 1885 — 1890 — 1895 etc. — 80 — La 2^ serie — Serie B — a ses repartitions aux echeances de : 1876 — 1881 - 1886 — 1801 - 1896 etc. La 3^ serie — Serie C — a ses repartitions aux echeances de : 1877 — 1882 — 1887 — 1892 - 1897 etc. La li^ serie — Serie D — a ses repartitions aux echeances de : 1878 — 1883 — 1888 — 1893 — 1898 etc. La 5^ serie — Serie E — a ses repartitions aux echeances de : 1879 — 188^1 — 1889 — 189Zi — 1899 etc. Chacune des series repond a des millesimes differents. Leur plan commun repond aux exigences d'un calendrier perpe- tuel; il accueille toutes les combinaisons qui peuvent seconder les vues economiques du souscripteur et permet de recevoir touts es- pece de placement quel que puisse etre sa volonte lorsqu'en arrive le terme. Rien qu'en cinq annees,les cinq series passent tour a tour en revue. Chaque annee offre de la sorte une repartition quinquennale. Chaque repartition est definitive pour les souscripteurs dont les engagements expirent ; facultative pour les souscripteurs dont I'en- gagement est perseverant. La faculte de retrait s'exerce sur le tout ou sur la portion du tout, selon I'idee ou les besoins du souscripteur, aucune limite que celle qu'il fixe lui-meme n'etant posee a son exercice. Desire-t-il faire echoir ses placements et leurs produits successi- vement, pendant des periodes qu'il fixe a ses convenances; il choi- sira, selon les epoques d'ouverlures successives des series, tels ou tels degres inegaux dans ces periodes Le versement qu'il effectue en 1871 lui assure une rentree en 1876, celui de 1872 lui en assure une autre en 1877 et successi- — 81 — \ement les versements cfTectues en 1873-1874-1875 lui donncront des rentrecs en 1878-1879-1880. Prefere-t-il que ses versements successifs lui offrent une seule rentree avec leurs benefices accumules, lors de 1880 par exemple, il s'incorporera dans la serie A qui a ses repartitions en 1875-1880- 1885, etc. Lesouscriptcurqui,pour repondrc a des calculs de famille, voudra venir a la repartition de la periode quinquennale ayant ses stations en 1876-1881-1886, etc, etc., s'cTgregera a la serie B; celui qui voudra s'agreger a la repartition 1887 s'enrolera dans la serie C qui a ses stations en 1877-1882-1887, etc. Ces stations lui permettent de reprendre haleine et de se raviser; il peut alors soit augmenter, soit diminuer sa souscription, soil en toucher le montant a sa guise. Sa liberie d'action est absolue ; sa pr6voyance le conduit, ses besoins le decident. II verse ce qu'il peut, ce qu'il veut; aucune limite n'est imposee a ses epargnes. Sa quote-part dans la repartition est toujours fixee : 1" Au prorata de la somme versee; 2° Selon I'epoque du versement; 3" Par rapport a I'age de la tdte sur laquelle le placement est fait et aux risques afferents a cet age, II a la certitude de recevoir . 1° L'i'ntegralite du capital depose; 2° L'interet de ce meme capital ; 3° Une part proportionnelle dans les benefices de la mortalite. II peut faire son placement en une scule fois ou par fractions, sur la t6te et au profit de qui bon lui scmble. Mais le mieux est de souscrire sur la t^te des individus en faveur desquels on fait ses epargnes et la forme des versements fractionnes reste la plus favorable pour la plupart des fortunes. II peut stipuler I'alienation ou la non alienation du capital, mais 11 est plus convenable, pour I'avantage des resultats qu'on poursuit, de stipuler I'alienation du capital en cas de mort, ca:r le benefice est plus considerable en cas de survivance. Avant tout le souscripteur reste completement libre a tous egards vis-a-vis des engagements qu'il prend. II peut faire le placement sur sa tete, sur la t^te de ses ascendants ou de ses descendants ; par suite, les versements ou la quotite du resultat deviennent proportionnels a la longevite des existences auxquelles la pensee du depositaire se rapporte. Ces versements cessent quand I'evenement fait disparaltre I'interet du contrat. En somme, s'il perd il a perdu le moins possible, tout en se met- tant en regie vis-a-vis de ses devoirs. Et ce qui tempere le risque de perte, c'est la faculte qu'il a de pouvoir a chaque station retirer a son gre tout ou partie de son capital. Le risque et le benefice deviennent une sorte de donation entre- vifs, d'echange reciproque envers les families selon les eventualit^s de vie ou de mort qui se balancent entre elles, et des que Ton pra- tique ce mode en grande echelle, la somme de mortalite qui profite au nombre des survivants soulage tour a tour les generations appe- lees au partage du fond commun grossi des epargnes et des inter^ts accumules sur le capital primitif. Dans ces vastes mutualites les resultats ne sauraient osciller d'un extreme a I'autre, car I'operation demeure en plein equilibre avec ce systeme, conforme aux previsions statistiques de I'ordre alea- Loire. Le benefice moyen considere jusqu'a ce jour comme un r^ve par la routine de la speculation tontiniere se de^age et triomphe en plein. Sur ces bases, la Caisse des epargnes collectives donne tous les resultats qu'elle doit donner et frappe tous les buts que Ton se pro- pose. Son acces est facile comme celui de la Caisse d'epargne, si vul- .^aire parmi nous. Et si Ton songe que sur des bases defectueuses les etablissements dits tontiniers ont en quelques annees reuni 600,000,000 de sous criptions, on pourra calculer la portee de I'institution dont nous venons de tracer I'esquisse. La Caisse destparqnes collectives, par le developpement qu'elle doit prendre, deviendra evidemment, I'un des affluents les plus considerables qui conduira I'epargne francaise au reservoir gene- ral, oil doit puiser le Credit viager pour ses prets a la propriete. Deux autres courants doivent egalement y verser avec abondance le capital necessaire a I'escompte, toujours facultatif, des titres fonciers emis par le Credit viager. Ces deux courants sortiront parallelement de la Caisse des Obli- gations viageres et de la Caisse des Heritages. CAISSE DES OBLIGATIONS VIAGERES La speciality de la Caisse des Obligations viageres, c'est remis- sion des Obligations viageres. L'Obligation viagere c'est la rente viagere universalisce, c'est la popularisation meme de la Caisse des retraites. L'Obligation viagere est de deux especes : Celie qui donne immediatement un revenu ; Celle qui donne un revenu a partir d'une epoquc determinee. - S[i — L'Obligation viagere a revenu immediat produit 25 fr. d'inter^t, payables par semestre de 12 fr. 50 c. La quotite de son prix varie a recholle des ilges des obligataires. A 50 ans, une obligation viagere coutera 314. fr. A mesure que I'obligataire avance en age, le prix de Tobligation diminue. A 60 ans, elle ne coute plus que 2Zi8 fr. A 65 ans, elle descend a 216 fr. A 70 ans, elle tombe a 190 fr. C'est-a dire : Qu'a 60 ans on acquiert, pour la minime somme de 2Zi8 fr,, une obligation qui rapporte annuellement 25 fr. d'interet. Qu'a 65 ans, pour 216 fr., on achete un titre qui produit 25 fr. de rente pendant le reste de ses jours. Et qu'a 70 ans on ob'.ient la m^me obligation rapportant 25 fr. de rente pour 190 fr. Les interets se pergoivcnt au moyen de coupons attaches au titre, et ces coupons dispensent de toutes les formalites inherentes au paiement ordinaire des arrerages de rentes yiageres. On acquiert une, deux, trois de ces obligations au fur et a mesure, selon les epargnes dont on dispose. Et ces acquisitions peuvent se multiplier indefiniment. De la sorte, on se Irouve a meme d'employer les economies qu'ou realise dans la })roportion meme de ces realisations. Plus n'est besoin de se trou\er en face d'un capital considerable pour se constituer un revenu viager. L'obligation viagere est a la portee de toutes les bourses, pelitcs et irrandes. — 85 — Chacun est libre d'agir dans la mesure de ses propres conve- nances, tantot pour son propre compte, tantot pour Ic compte do tiers dont on veut ameliorer le sort. L'Obligation viagere a terme, repose sur le meme principe. Son revenu est egalement invariable. Seulenjent, pour les allegements relatifs du prix nominal ou d'a- chat, au lieu d'etre paye comme I'obligation dont nous parlions au precedent paragraphe, ce revenu n'est exigible qu'a partir d'une epoque stipulee par I'acquereur lui-meme. Le prix venal del' Obligation viagere a terme, au lieu d'etre deter- mine comme dans rObligation viagere a revenu immediat, par r^ge seul de I'obligataire, Test tout a la fois par I'^ge du souscrip- teur et par le terme qu'il fixe pour I'entree en jouissance des inte- rs ts. Plus on s'y prend de bonne heure, pour I'achat des Obligations viageres a terme, en stipulant une date lointaine pour la jouissance des interets, moins aussi, par cela m6me, le prix venal de I'obliga- tion s'eleve. Plus, au contraire, on s'y prend tardivement, en vue d'epoques dont les echeances seraient plus rapprochees, plus aussi croit le prix de I'obligation. II est facile de comprendre que la difference des prix est propor- tionnelle a I'intervalle plus ou moins grand qui s'ecoule entre lo temps de I'acquisition et I'epoque de I'entree en jouissance. Si le prix venal tombe en ce cas a des proportions minimes, c'est que I'augmentation des interets prend une marge proportionnelle aux chances que Ton affronte. Ainsi done, a 30 ans, par exemple, une obligation dont le service d«s interets (25 fr.) ne devra commencer qu'a 60 ans, coutera sim - — 86 — plement (prix net) la somme de 27 fr.; prix egal, a peu de chose pres, au chiffre du revenu de I'obligation. Achetee a UO ans, elle coutera 45 fr. A 50 ans, 76 fr. Pournepas tomberdans I'inconv^nient dont on fait un reproche a I'Etat, lequel supprime le droit a la pension de retraite par cela seul que Ton n'a pas atteint la limite d'age ou de service fixee judaique- ment par la loi, il reste a prevoir le chapitre eventuel des infir- mites precoces et des cas de force majeure, qui, relativement a Findividu, haterait, a I'improYiste, le besoin de son entree en jouis- sance. line institution dite sincerement de prevoyance doit tenir compte des accidents capables de se jeter en travers d'un si lonj^ parcours. Fidele aux principes que nous avons poses, I'obligation viagere, ici, ne pouvait etre frappee de la decheance ou Ton tombe dans les Compagnies, chez qui, pour s'assurer une rente de..., a partir de tel 5ge, on contracte I'engagement de verser une serie d'annuites, qui ne cessent qu'au jour ou la rente commence. Nul de nous, en effet, ne saurait prendre, avec la certitude de les remplir, de si longs et continuels engagements. L'elimination de ces deux eventualites, celle des infirmites precoces ou des cas de force majeure, serait imprudente et fausserait, pour I'obligataire, I'esprit meme de la combinaison. II importe done de poser, des ici meme, ce principe, que tout porteur d'Obligations viageres a terme aura la faculte d'en operer Techange, au moment qu'il jugera cpportun, centre des Obligations a revenu immediat. Mais il devient evident, par contre, que les revenus en perspcc- 87 — tive desquels le souscripteur aura fait son acquisition se trouveront diminues d'autant. Entre les deux hypotheses, — celle d'obligations viageres dont on ne se proposait de toucher les revenus qu'a I'age de 60 ans, par exemple, — et celle d'une anticipation reflechie sur un temps que Ton trouYeextr6me,— il faut s'attcndre a des reductions echelonn^es et proportionnelle a I'anticipation que Ton determine. A I'obligataire done de prevoir et d'agir en consequence. L'Obligation viagere a revenu immediat satisfait a des necessites de differentes natures. Elle s'adresse plus specialement a ccux qui veulent accroitre leurs revenus. Les mines que subissent aujourd'hui tant de families, tant d'in- dustries, la g6ne qui atteint un si grand nombre d'individus, la ne- cessite de pourvoir a des imprevus de toutes sortcs, donnent a robligation viagere a revenu immediat, une haute importance. G'est un placement degage de toute espece de sollicitude qui doit entrer dans nos moeurs, par la raison majeure qu'il repond surtout aux previsions necessaires a I'age mur, et que, dans une foule de cas, 11 facilite des mesures de prudence que nos affections autorisent et justifient. L'Obligation viagere a terme resout le probleme des Caisses de retraites pour les employes, pour les ecclesiastiques, pour la classi; int6ressante, a tantde titres, de la domesticite; — elle pent assurer I'existence des veuves; elle permet au pere de famille de favoriser I'etablissement de ses enfants, et de leur partager, de son vivant, le fruit de son propre labour, sans avoir a traverser les difficultes quo les licitations accumulent au sein des families apres le d^ces de leur chef, — avantage precieux qui resserre les liens naturels et deve- loppe les sentiments affectueux des enfants en desinteressant do — 88 — toute arriere-pensee jusqu'a ceux-la memes dont on suspecterait les inauvais sentiments. Un chef de famille, en s'y prenant de bonne heure, pent, bon an, mal an, acheter sur ses economies un nombre quelconque d'obliga- tions viageres a terme, dont les interets lui seront servis a p^iitir de sa soixantieme annee et lui constitueront une rente de 5, 6, ^ ou 10,000 fr., en raison de sa prudence et de ses epargnes. Cette rente lui permettraalors de disposer entierement d'un chiffre serieux en faveur de ses enfants, sans qu'il ait a redouter de voir ses jours de vieillesse atteints par les privations oa par la gene. En France, generalement, les pensions de retraite attribuees aux fonctionnaires de I'Etat sont un des avantages les plus attrayants qu'offrent les emplois publics. On se resigne volontiers a subir des retenues qui ne s'exercent pas moins de trente annees pour jouir, apres ce laps de temps, d'une rente qui representera les 5 pour 100 preleves, chaque annee, sur les appointements. Et pourtant, que d'eventualites jusqu'a I'entree en jouissance ! Les infirmites precoces, les demissions, les revocations, les chan- gements de fortune, les revers, font disparaitre dun coup, non-seu- lement la perspective de la rente, mais aussi les retenues anterieu- rement effectuees; et cela, sans compensation d'aucune sorte. L'Obligation viagere a terme ne rencontre devant elle aucune de ces tristes et mauvaises chances. Elle donne son produit a I'epoque voulue. quelle que soit la position de I'obligataire; et ce produit, rien ne pent le faire perdre que le seul accident de la mort prema- turee. Les employes de I'industrie et du commerce, les petits industriels, les artistes trouveront dans ce mode de placement la certitude, par suite d'une simple et fort peu couteuse prevoyance, de s'assurer des jours de repos pour lu vieillesse, comme aussi Ic moyen de se fonder au sein de leur famillc et dans les contrees qui les ont vus naitre, une rctraite dont ils auront calcule d'avance I'extension. Le clerge plus particuliercment encore doit trouver dans I'Obli- gation viagere a terme un moyen de combler les lacuncs de nos institutions qui laisscnt au depourvu les veterans du sacerdoce. L'experience a donne la preuve que les caisses diocesaines, fon- dees pour assurer les vieux jours des vieux pretres etaient gen6ra- lement placees sur des bases trop etroitcs. Au point de vue de sa population ecclesiastique, la circonscrip- tion de cliaque diocese est, numeriquement parlant, si reduite, qu'elle ne saurait conslituer des fondations capables de resister aux chocs des moindres cventualites. Le nombro des pr6tres seculiers en fonction est, en effet, plus que circonscrit dans nos dioceses organises par le concordat. Ce petit nombre, restreint autour de la caisse diocesaine, sous la haute juridiction de I'ev^que, ne permet pas d'etablir des calculs d'apres un chiffre qui, par son ampleur, maintiendrait I'equilibre d'une association en vue des infirmites precoces et de la pension de retraite. La loi des nombres, sur laquelle porte le calcul statistique des probabilites de vie afferentes a chaque ^ge, manque de base ferme en regard d'un personnel de /i a 500 individus qui forment, tout au plus, le cadre departcmental de ce morcellement du clerge. On a cru pouvoir, il est vrai, suffire a la double necessite des pensions de retraite pour les vieux jours et des fonds de prevoyance pour les infirmites precoces des desservants de tons les degres, en erigeant, sous des noms decents, des hospices speciaux. Mais ces ho>pices du sacerdoce repugnent a la grande majorite. On passe le niveau sur des tetes qui toutes ne s'y resignent pas absolument sans protestation. Le libre arbitre de chacun se trouve elimine par cela seul et sur le choix des lieux et sur celui des relations; choix qui, cependant, n'a rien d'indifferent en lui-meme. Si modestes que soient les pretentions d'une foule de vieux pre- tres, encore faut-il qu'au jour ou rincapacite vient a les saisir, le choix d'une retraite reste facultatif an point de vue de leurs conve- nances, et que chacun d'eux, en particulier, demeure a meme d'opter a sa guise, entre tels et tels amis, entre tel ou tel couvent, en se conservant a part soi les ressources qui laissent encore les uns et les autres libres de changer d'avis. II devenait interessant de combler ces lacunes par des combinai- sons qui vinssent en aide a ces pretres octogenaires, infirmes, uses peut-6tre par les travaux de I'apostolat et de I'education, ou par la longue pratique du sacerdoce, et qui n'obtiennent de la sollicitude episcopale que des secours dont I'esprit deresignation m6iiie se dis- simule rarement I'insuffisance. II fallait que ces combinaisons repondissent aux necessites qui peuvent assaillir le present, en meme temps qu'aux necessites de I'avenir, et de fagon a combler une lacune dans nos institutions civiles. En presence de I'inefficacite des caisses diocesaines; En I'absenee de toute institution economique qui constitue, aux veterans ecclesiastiques des pensions de retraite, comme I'Etat en constitue au profit des anciens de la magistrature et des veterans de I'armee, c'est aux institutions financieres a seconder la prevoyance individuelle, en offrant aux fideles les voies et les moyens de mettre la vieillesse de leurs desservants a I'abri des privations. Ce but est desormais atteint. Cette lacune, le Credit viager I'a — 91 — comblee par la creation des Obligations viageres a terme, dont le prix s'abaisse avec I'age et dont, par contre coup, le revenu s'eleve, au fur et a mesure que Ton gravit I'echelle de la longevite. L'Obligation viagere est ce qui pent, en effet, le mieux repondrc aux besoins de la vieillesse, lorsque, retire de ses fonctions prati- ques, le pr6tre, en dehors de toute activite, redoute I'isolement et I'abandon, A I'extremite opposee, — puisqu'aussi bien les extremes se tou- chent, — il existe une classe interessante a laquelle s'adresse tout particulierement I'Obligation viagere a terme, — c'est la classe des domestiques. Cette classe est une des plus nombreuses. En these generale, a peu d'exceptions pres, dont nous n'avons pas a nous occuper ici, I'avenir de cette classe offre bien des incer- titudes. Apres avoir use les annees de jeunesse et de vigueur a des fonc- tions qui veulent de la perseverance et du devouement, la vieillesse condamne forcement nos domestiques au repos. Peu de gens de service, dans I'etat de nos moeurs, doivent esperer de rencontrer leur derniere heure de repos au foyer des families pres desquelles ils auront passe la plus vaillante partie de leur existence. La domes- ticite polie des villes et I'insouciance qui en est le triste comple- ment ont remplace les vieilles moeurs patriarcales des ancetres. — Que ce soit un bien, que ce soit un mal, la question n'est pas la. Le fait force la main. Prenons-le tel quel. Les inconvenients d'une semblable carriere se font surtout sentir aux jours du declin, quand les facultes ont perdu toute souplesse, et que les infirmitcs de I'Ageentraincnt le conge. Quelque intelligent et laborieux que soit un domeslique, il a, de nos jours, change hu't ou dix fois demaison dans une certaine periode de temps. La mort, — 92 — les vicissitudes industrielles et politiques, des changements de resi- dence, il a tout a craindre des courants et des contre-courants travers lesquels il se voit contraint desormais de frayer sa route. La nece^site, pour cette classe entiere — pour ceux surtout qi prennent leur fonction a coeur, — de prevenir les jours de fatigui d'abandon oblige et quelquefois d'ingratitude, n'a pas besoin d'^ti longtemps demontree ; elle ressort du spectacle qui se deroule d( puis assez longtemps sous nos yeux. Le systeme des Obligations viageres aterme a droit a I'attention des hommes et des femmes voues au service. La plupart sont celiba- taires, ou bien n'embrassent leur condition que pour suffire, apres un veuvage, a des devoirs qui rendent cette condition plus interes- sante encore. La majeure partie des domestiques, durant tout le temps que le service est possible, apeu dedepensesafaire. Bonnombre nesavent ou placer leurs economies et redoutent, par dessus tout, dans un placement, les vicissitudes qui deja les ont fait si souvent voyager d'une famille a I'autre. Dans rObligation viagere, ils peuvent placer leurs epargnes en toute securite avec des garanties serieuses. Que le domestique place, chaque annee, en obligations viageres une partie de ses emoluments; Que, des I'age ou il entre au service, il s'impose le devoir d'acheter chaque annee une obligation, dont le revenu lui sera paye a son ar- rivee a I'age de 60 ans. Supposons-le ^ge de 30 ans. II aura done trente annees de service, et, pendant ces trente an- nees, il aura acquis 30 obligations lui donnant droit a un revenu de 750 francs. — oa — One Ini auront coiite cliacune de ces obligations? La premiere occa-ionne-a a peine iin dehoiirse de Z|7 fr., la seconde de 50 fr., la troisieme de 52 fr., et ainsi de suite. Et quelle lacilitc prcsente I'Obligation viagere a terme a ceuxqui veulent s'attacher un bon serviteur; combien peu coiltera la rente qu'oR leur laissera si Ton a recours a I'Obligation viagere! L'altrait qu'ofTre ce mode de vulgarisation de la rente viagere, fait apercevoir au premier coup d'oeil I'importance des sommes que le Credit viager pent lui demander pour les reverser sur la pro- priete fonciere a titre de Pret viager. Ce mouvement de va-ct-vient est fort simple. La Caisse des Prets viagers reroit de la Caisse des Obligations viageres des fonds dont ella lui paie I'interet au taux determine par ses tarifs. Elle prete a son tour ces memes fonds a la propriete fonciere qui lui paie un interet viager dont le taux est fixe d'apres les tarifs de la Caisse des Prets. Double operation, oil les risques se balancent et s'equilibrent. On jugera de I'importance du concours que le Credit viager peut attendre de la Caisse des Obligations viageres par le chiffre des placements qui ont ete effectues en France, dans les compagnies d'assurances et a la Caisse des retraites. La Caisse des retraites a regu pour constitution de rentes viageres plus de 500 millions de francs. Les Compagnies d'assurances ont encaisse de ce chef plus de 250 millions. C'est done un capital de 850 millions, qu'un meilleur amenage- ment aurait pu diriger vers la propriete. Voyons, maiutcnant, ce que la Caisse des Heritages, donncra au Credit viager. 9i — CAISSE DES HERITAGES Pour propager I'Assurance pour le cas de mort, dans un pays comme le notre, enlevons lui le caractere de sacrifice a s'imposer, qui fait hesiter a la contracter, et presentons-la tout simplement sous le litre de Caisse des Heritages, que nous lui donnerons desormais. La terminologie a son importance. La meprise sur les choses d'utilite majeure vient parfois du carac- tere des mots qui nous les traduisent. En France, nous ne possedons pas encore cette religion du devoir, qui donne I'energie d'en accepter les charges avec la ferme resolu- tion de les remplir. Lorsqu'on parle d'une Assurance pour le cas de mort, notre fausse delicatesse s'effarouche comme si le mot de mort, qu'il faudra bien prononcer tot ou tard cependant, en evoquait tout a coup la vision mena^ante a notre chevet, Chez nous, un pere de Famille eprouve des milliers de scrupules, lorsqu'il s'agit de faii e son testament ; il faut la croix et la banniere pour en venir a bout. Nous ne savons pas songer a la mort m^me dans I'interet de notre vie et dans celui plus precieux pour nous encore, et quinoustient absolument au coeur, I'inter^tdenosenlants. A cetle puerilite particuliere aux classes aisees et moins critiquee qu'elle ne merite de I'^tre, il faut attribuer le peu d'ampleur que I'Assurance pour le cas de mort a prise au milieu de nous. L'impulsion que la speculation aurait pu lui donner n'a pas eu son retentissement necessaire, et Ton s'est abstenu des combinaisons qui pouvaient seules la populariser. Ce n'est plus comme une simple Assurance qu'il faut presenter, desormais, aux peres de Famille, Facte qui doit constituer le patri- moine des leurs. — 95 — II faut leur montrer que c'est un placement qu'ils font, un bien- fords qu'ils achetent, une propriete qu'ils se constituent, Comme dans le placement, comme dans racquisition d'un bien- fonds, comme dans I'achat d'une valeur, leur epargne produira son interet immediat, m^me de leur vivant. Ce n'est plus une privation qu'ils s'imposent, c'est une immobi- lisation relative et temporaire a laquelle ils se soumettent. Le capital immobilise dans un bien-fonds (comme la terre qui est la propriete par excellence) donne un revenu maximum de 3 p. 100. Le capital immobilise dans la Caisse des Heritages rapportera le meme produit, c'est-a-dire 3 p. 100. Le remboursement ne presente aucune incertitude ; il arrivera tot ou tard, puisque cette eventualite n'est qu'une question de temps. Comme placement, il n'en est pas de meilleur ct de plus solide. Comme avantage, il n'en est pas qui puisse en offrir d'aussi pal- pable, d'aussi considerable et de mieux garanti. En outre, ce capi- tal dont ils tireront un revenu, peut se doubler, se tripler, se decu- pler, se centupler par I'accident meme de la mort prematuree. Deux hypotheses le demontreront jusqu'a I'evidcnce, et feront mieux encore comprendre le mecanisme et la portee de cette forme d'Assurance. Premiere hypothese. — A I'age de trente-cinq ans revolus, la lon- g^vite probable dont chacun de nous dispose est evaluee mathema- tiquem.ent a trente et un ans, ce qui, par conclusion, permet d ad- mettre qu'un homme de trente-cinq ans a par devant lui la chance de vivre jusqu'a I'age de soixante-six ans. Sur cette base, supposons trois choses : i' Que la longevite reponde, en effet, a la longevite probable ; — 2" qu'un homme de trente-cinq ans fasse cliaque annee une economie de 100 fr. ; — 3° qu'il en deduise, sur le pied de 3 p. 100. les arre- rages dont il veiit jouir pendant sa vie. Tout compte fait, il en arrivera a se trouver lors de son dernier jour en face d'un capital net de 3,100 fr., dont I'ayant droit, son heritier, aura des ce moment la pleine et libre disposition. A la verite, la formation de ce capital depend d'une eventual! le, celle de sa mort, et celui qui gere solitairement ses propres epar- gnes, en dehors de toute association, peut fort bien parcourir ou ne pas parcourir la carriere assignee par I'esperance mathematique. Tout par rapport a lui, reste a la mcrci de i'evenement qui peut arr^ter avant I'heure cette laborieuse accumulation de ses epargoes. Deuxieme hypotbese. — Au contraire, supposons que, des Tage de trente-cinq ans, la meme epargne annuelle (celle de 100 fr.) soit ver^ee a la Caisse des Heritages (deduction faite, ainsi que dans la premiere liypothese, des arrerages a 3 p. 100), ce versement donnera au deposilaire, lors meme qu'i! viendrait a deceder le surlendemain meme de la signature de son central, apres un seul et unique verse- ment de 100 fr. la certitude solidement garantie de transmettre aux siens une somme totale de 3,500 fr., autrement dire 3,Zi00 fr. de surcroit. Ce contraste a son eloquence. De la premiere hypotbese, celle des economies solitairement regies par soi-meme, il resulte que la mort prematuree reduit le fonds que Ton se propose de former, aux proportions m^me de la longevite reelle, a 200 fr. si I'individu ne vit que 2 ans, a 500 fr. s'il ne vit que 5 ans, ainsi de suite. Tandis que, dans la deuxieme hypotbese, celle des economies gerees par la Caisse des Heritages, la mort, si prematuree soit-elle, repond invariablement aux esperances de la longevite mathemafque, et — 97 — realise dans tous les cas, avec un augment notable, le capital fixe dont le constituant s'est propos6 la disposition testamentaire. L'avantage est evident et ne laisse pas d'Kesitation dans le choix. G'est ainsi que Ton peut, griice a cette combinaison, marier le re- venu naturel de I'^pargne avec la garantie d'une somme fixe aux heri tiers. Presentee comme nous venons de le faire, I'Assurance pour le cas de mort ecartera de I'esprit des families le prejuge qui trop souvent la fait repousser, etune valeur de plus prendra desormais place dans I'actif de la Famille, a cote des valeurs qui composentson avoir. La Caisse des Heritages s'adresse a toutes les classes — a celles des proprietaires de fait, jaloux d'accroitre le patrimoine des en- fants lorsque la Famille s'est accrue elle-m^me, comme a celles qui possedent la profession ou I'industrie qui nourrit la Famille et dont la valeur represente I'instrument de travail que le pare doit le^uer a ses enfants. EUe consolide et accroit I'heritage la ou le fonds existe deja ; elle le cree la ou il n'existe pas. Un exemple rendra plus eloquent ce court plaidoyer en favour de la Caisse des Heritages. Qu'un pere dc famille, Age de 35 ans, veuille assurer une somme de 10,000 fr. a sa famille : qu'aura-t-il a verser dans la Caisse des heritages? — 28i fr. par an. Pour chaque annuite, la Caisse des Heritages lui servira un inte- r6t de 3 p. 100, et cet inter6t lui sera pave au moyen de coupons au porteur annexes au titre de I'Assurance. Supposons qu'il ait effeclu(§ dix versements, a la dixieme anneeil jouira d'une rente annuelle de 75 fr. 20 — que chaque annuity aug- mentora — et le droit de sa famille a la somme de 10,000 fr. reste intact. — 0$ — En outre de cet inter^t qui place le contrat d'assurance sur le meme rang que le titre de propriete, la Caisse accorde une partici- pation dans les benefices qu'elle realise et cette participation se tra- duit soit par un paiement en especes, soit par une augmentation de la somme assuree. Quelle est la famille, si modeste soit son travail, 'qui ne puisse realiser dans I'annee un placement de 100 francs a la Caisse des Heritages? Eh bien ! ce placement, en supposant quele chef de la famille soit 5ge de trente ans, lui constitue un revenu de 3 p. 100 et assure a la famille un capital deZi,0i6 francs que la Caisse des Heritages paiera le lendemain meme de la mort. On gravira, ou Ton descendra I'echelle de la progression, selon qu'on Toudra reconstituer la valeur partielle ou totale du capital de la profession que Ton veut assurer contre le risque de mort prema- turee qui I'a fait disparaitre. Si Ton mesure I'importance que doit prendre en France la Caisse des Heritages au developpement des Compagnies anglaises ; on comprendra toute I'ampleur des ressources que cette caisse pourra fournir un jour a la Caisse des Prets viagers. En Angleterrelechififre dessommes assurees depasse 10 Milliards. Une seule Compagnie, I'EqnilaUe society^ a verse aux heritiers de ses souscripteurs AW millions. EUe a paye en outre aux souscripteurs eux-m6mes, a titre de participation dans ses benefices, — 38i millions. Ces chiffres ont leur eloquence, et lorsque les neufs millions de families frangaises auront compris, qu'elles doivent trouver dans la Caisse des Heritages, le moyen de constituer leur patrimoine, de generation en generation, en assurant le capital representant la va- leur de la profession de leur chef, le plus grand probleme que I'eco- nomique des temps modernes a pu se poser, sera completement resolu. — 90 — CAISSE DES PRETS VIAGERS. Les prets viagers sont effectues par la Caisse des Prets, selon les regl6s et dans les mesures indiquees par la cliarte qu'il la r^git. L'emprunteur regoit le montant du prit, en retour, il paie une redevance viagere qui se compose du lover de I'argent et de I'amor- tissement du capital. La mort quittance sa dette, etsa propriete liberee retourne affran- chie de toute redevance a ses ayants droits. Toute la doctrine du Pret Viager se resume dans cette tres-courte formule : — La vie paie, la mort libere. — Cette formule explique nettement le j?nncipe, le but et le moyen de la doctrine du Pret et du Credit Viager. Du bilan de la propriete fonciere que nous avons mis sous vos yeux, il ressort que son actif est de 85 milliards, que son passif n'est que de 10 milliards. L'excedant del'actif est done de 75 milliards. G'est sur cet excedant d'actif de 75 milliards que doivent operer les Banques foncieres pour I'avenir. C'est sur le passif de 10 milliards qu'elles doivent agir pour le degrevement du passe. En presence de pareils chiffres, il est manifeste que le numeraire, dans le fonctionnement des Banques foncieres, ne doit 6tre considere que comme un appoint, et qu'il faut avoir recours a une monnaie fiduciaire — a I'instar des institutions foncieres du duche de Posen. Done la propriete territoriale de la France doit oaitre monnaie sur la concentration du gage formidable qu'elle ofiFre; en etablis- sant, par Tapplication de la Loi des probabilites a la duree de la — 100 — Tie moyenne, une espece de solidarity de fait entre tous les pro- prietaires fonciers. Cette necessite admise, abordons la formation du capital fidu- ciaire que la Caisse des Prets doit mettre en circulation sous le nom de Metalliques Hypothecaires, et dont I'echange se fera a I'eclieance des titres, centre especes metalliques, ou par I'escompte facultatif, soit a la Caisse des Epargnes collectives; soit a la Caisse des Obligations viageres; soit a la Caisse des heritages. Ces reservoirs seront inepuisables comme I'epargne elle-m^me — et I'epargne trouvera dans la possession de ces titres un placement d'un produit certain a I'abri de toutes les eventualites. Les garanties sont reciproques — le mouvement de va et vient se perpetuant en raison meme de la solidite du gage et du resultat. A I'emprunteur, la Banque du Credit viager remettra en Metal- liques hjrpctliecaires le montant m6me de son emprunt. Ces Metalliques, il lui sera loisib!e de les echanger centre des especes aux caisses designees, dans la mesure de ses besoins. Les Metalliques Hypothecaires produisent un interet de 5 p. 100 payable par semestre, avec decompte d'une fraction quotidienne d'inter^t jusqu'au jour de leur complet amortissement. Leur garantie est triple et repose : Ic — Sur les biens hypotheque's au profit de la Compagnie; 2° — Sur le capital social du Credit Viager; 3° — Sur la masse des annuites de remboursement. Les biens hypotheques au profit de la Compagnie ne figurent dans I'ensemble des garanties que pour le chifFre en maximum de 50 p. 100, c'est-a-dire que pour la moitie de leur valeur d'estime; ce qui suffit (avec le capital social du Credit Viager et les annuites viageres des emprunts) pour la garantie absolue du titre. — 101 — Les obligations emises par les villes, par les compagnies de chemins de fer et par les compagnies industrieiles ne sauraient, pour quiconque examine a fond les choses, offrir aux capitaux de I'epargne le degre de securite qui, de droit comme de fait, s'attache aux Metalliques Hypothecaires. En face des titres que le Credit Viager met en circulation et dont la valeur repose sur des biens fonciers; en face de I'ensemble des annuites que paient les emprunteurs et qui facilitent et assurent I'amortissement annuel, le remboursement en especes ne saurait dependre d'aucune sorte d'eventuallte. Le Credit Viager pour sa part accepte les Metalliques Hypo- thecaires comme especes : En paiement de constitution d'assurances; En paiement d'Obligations \iageres et en constitution de rentes viageres; En remboursement des pr6ts effectues. De plus, ses caisses les escomptent contre du numeraire, mais fa- cultativement, c'est-a-dire, dans la mesure des encaissements que lui donnent abondamment, du reste, la Caisse des Epargnes Collec- tives, la Caisse des Heritages et la Caisse des Obligations viageres. La facilite que presente I'escompte de ces titres leur garantit une circulation qui les assimile au billet de banque, sur lequel ils ont en outre cette superiorite qu'ils produisent un inter^t quotidien. Peu de mots vont suffire pour faire comprendre I'economie finan- ciere de ce moyen de credit. Le Credit Viager fait un pret sur hypotheques. Il'regoit de I'em- prunteur un titre authentique; puis, en compensation, la Caisse des Prets lui remetdes Metalliques Hypothecaires, comme valeur egale. Ces titres sont remboursables, comme les annuites de pr6ts, a difF^rentes ^cheances. — 102 — Leur amortissement et le service de leurs inter^ts correspondent, avec line regularite mathematique, aa paiement des annuites aux- quelles s'est oblige I'emprunteur, annuites qui comprennent aussi I'interet du pret avec son amortissement. Sous ce double aspect les Metalliques Hypothecaires trouvent en eux-m§mes une double garantie, — celle du paiement des inter6ts et celle des amortissements successifs. Supposons un pr^t viager de 20,000 fr. ou de 30,000 fr. fait pour 10 annees et remboursable en 10 annuites. Le Credit Viager emettra pour 20 ou 30,000 fr. de Metalliques Hypothecaires, amortissables en 10 annuites, avec le paiement des inter^ts par semestre. Par cette concordance, le Metallique Hypothecaire se trouve avoir pour garantie de remboursement le gage m^me que possede la Compagnie. En outre, il a par devers lui la garantie collective qui s'etablit entre tons les emprunteurs par I'application generale des lois de la mortalite, ainsi que la propre garantie du capital de I'institution. De plus, — avantage precieux — les capitaux en disponibilite qui cherchent un placement sont a m^me de prendre les Metalliques Hypothecaires aux echeances fixes qui leur conviennent. De cette marche il resulte que les emissions de Metalliques Hypo- thecaires ne peuvent se faire que proportionnellement et dans la limite m^me des prets, nulle autre marge n'etant laissee a la Caisse des Prets pour franchir cette limite qui constitue la securite majeure du titre. Les m6mes lois qui reglent prudemment I'examen des assurances payables au deces, president a celui des pr^ts sur hypotheque. L' operation est identique, avec cette diflference que dans I'assu- — 103 — ranee payable au deces les amuites constituent le capital que Ton se propose delaisser ases beritiers, tandis que dans lepr^tviagerelles constituent la liberaiion du gage hypotheque pour cette m^me somme que I'emprunteur a regue par anticipation. Ajoutons que Ton pent toujours laisser dechoir I'assurance pour le cas de deces par la suspension des annuit^s, tandis que, dans I'hy- potheque, ou le gage reste en vue, le paiement de I'annuit^ prend un caractere obligatoire auquel on ne pent se soustraire, vu que, Ton risquerait de tomber sous la loi du sequestre ou des pour- suites. Les Metalliques Hypothecaires seront recherches, ad libitum, par les capitaux circulant auquels ils offrent un placement commode, escomptable a volonte ou remboursable a des epoques echelonnees sur de courts termes ou sur de longs termes, selon la commodite, avec cet avantage, pour le cas d'escompte, que les interets sont de- comptes au jour le jour, conformement au tableau que reproduit chaque titre. Aucun titre, emanat-il de I'Etat lui-m^me, ou d'etablissements industriels, ou d'etablissements de credit, n'offre de securite plus ferme a I'epargne, tous etant exposes a des eventualites manifestos auxquelles echappent de fait les Metalliques Hypothecaires. Qu'y-a-t-il, en eflet, de plus stable que la propriete immobiliere avec son gage qu'elle transporte hereditairement de generation en generation ? et que pourrait-on exiger de mieux pour asseo'ir la se- curite du capital, surtout alors que, a la garantie speciale du pr^t qu'elle represente, s'ajoute, par surcroit, la garantie de la masse des annuites payees par les emprunteurs et celle de la Compagnie elle-m6me. Les interets des Metalliques Hypothecaires sont payes sur cou- pons au porteur dont I'echeance correspond a I'encaissement parallele des annuites de pr^ts. — 10^ — La certitude de leur paiement a reoheance a la meme raison d'etre que celle du paiement du capital aux edieances stipulees; chaque annuite comprenant rinter6t et ramortissemtnt du pret. L'amortissement annuitaire du pr6t assure done Ig service regulier des interets aussi completement que le remboursemea en especes des Metalliques Hypothecaires. Le porteur ne pent eprouver ni ajournement, ni retard ; et par le precede de I'escompte, toujours facultatif, il conserve la possibilite de faire appel a son capital avant I'echeance primitivement fixee, si quelque besoin I'exige avant I'heure. En vulgarisant le placement hypothecaire et en le rendant acces- sible aussi bien au capital de I'epargne qu'aux capit:iux d'une cer- taine importance, qui, jusqu'a present, en avaient seuls le privilege, les Metalliques Hypothecaires, soustraits- aux eventualites qui s'attachent toujours aux placements hypothecaires entre particuliers deviennent le corollaire serieux de I'ObligationViagere. Telle est le plan de I'organisation de I'epargne en France ; tel est I'ensemble des voies et des moyens d'execution qui sont mis en oeuvre pour atteindre le but que le Credit Viager s'est propose. Ii3i0. — Imp. Reuou et Maulde. QIJESTIOXF^ .-OCIAT.KS Cinquieme Conference LA BA^E Dl' CREDIT EST DANS LE SUFFRAGE UNIVEltSF.L Messieurs , Ceque veut avant tout le credit, c'est la stabilite des institutions; leur perpetuel remaniement Feffarouche. Le credit n'existe et ne pent exister que lorsque les detenteurs des capitaux ont foi dans la longevity des etablissements politiques. Dire credit, c'est dire foi. Large ou restreint, chancelant ou ferme, le credit n'est en somme que I'inflexible resultat de telle ou telle situation donn^e, politique ou particuliere, le thermometre m^me de I'ordre. Le credit so mesure a I'inventaire social de tel ou tel peuple, a I'inventaire domestique de telle ou telle famille. Lorsque I'equilibre regno entre les diverses conditions de I'ordre social, la situation est bonne; le credit suit alors une marche ascen- dante, I'interSt s'abaisse, ct (ce qui n'est que la reproduction du 8 — 106 — m6me axiome) on peut se procurer un plus grand nombre de capi- taux pour le m6me prix; tandis que lorsque I'equilibre cesse entre Jes conditions de I'ordre social, c'est-a-dire lorsque la situation est mauvaise, il se produit un effet inverse. L'interfit s'exagere alors jusqu'a I'usure, et, ce qui revient au m6me, Ton obtient moins de capitaux pour une somme identique, toutes les garanties so- ciales se trouvant en suspicion. Ce qui se passe toutes les fois que le pays tombe en revolution donne la demonstration radicale de cette v6rite. Tant pese la confiance, tant vaut le crMit. Verity qui n'a pas be- soin d'autres developpements. Dans son acception superieure, le credit ne s'adresse pas au premier venu, mais a des positions speciales et privil^giees qui pos- sedent exclusivement et naturellement la puissance de I'attirer. Lorsqu'on en fait ranalyse au point de vue del'atelier social, dont le credit est la respiration et I'^me, I'ordre general des relations communes, reduit a ses elements radicaux, repose sur la triple dis- tinction: Du capitaliste, qui est le chef de cet atelier; Du manoeuvre, qui en est la force active ; Du tenancier, qui participe a la fois de la personnalile du capita- liste comme contre-maltre, et de la personnalite du manoeuvre comme assembleur, a titre d'intermediaire commun et de foyer do rapport entre les deux personnalites. L'expression de tenancier resume ici pour nous la condition inter- mediaire que nous rencontrons incessamment entre la condition du capitaliste et la condition du manoeuvre. Le capital et le travail, que chacun se propose d'associer aujour- d'hui, ne peuvent ni plus ni moins que le feu (par exemple) et I'eau, moteurs obliges de I'industrie modorne. se rapprocher entre eux — 107 — ([Li'a la laveur d'un moyon (ie raitport qui, dans notrc comparaison, ne sorait autre que la machine. La machine jouc ici le role du tenancier entre les deux elements qui se detruiraient par leur contacf, et dont Tassociation est cepen- dant indispensable; la machine sert d'intermediaire, elle oppose un obstacle aux conflits et leur sert de trait d'union. C'est la distinction que notrc mot de tenancier caracterise. Dans le menu detail de la vie pratique, tons, tint que nous sommes, nous participons de deux de ces conditions speciales et distinctes. Le capitaliste peut toujours 6tre tenancier, mais il n'est jamais mana*u\re. Le manoeuvre n'est qu'exceptionnellement tenancier. Le tenancier est f{uelquefois capitaliste, quelquefois manoeuvre. Sur ce pied, chez chacun de nous, dans tel ou tel temps donne, telle ou telle nuance domine telle ou telle autre. Les voies qui menent a ces diverses conditions sociales ne sont sans doute fermees a personne; chacun peut aller plus ou moins aisement de tel a tel degre; tour a tour, en effet, des individus les escaladent et dans tons les sens: les iins a leur detriment, les autres a leur avantage, mais tout le monde a la fois ne peut ^^tre capi- taliste, manoeuvre et tenancier. Gette impossibilite constitue le fait social. Sans cette solidarite entre les trois conditions dont le tenancier est I'axe, dont le capitaliste et le manoeuvre sont les extremes, I'e- quilibre social serait rompu. Leur union reste forcee pour leur uti- lite respective et rt'ciproque, quoique leurs roles soient differents. La Societe seule en donne la recapitulation inlegrale. C'est en cela que Ton a pu dire, avec une haute raison, que le capital, le travail et le sol sont associes virtuellement depuis le — lOS — fommenceinenl du moiule, quoiqirils no rassciu piir^ toiijours \u)\i menage. Le capitaliste dispose des valturs qui sont robjet meme du credit, el le manoeuvre n'en profile que par I'intermediaire du tenancier qui en a hesoin, Cette harmonie ne saurait <^fre changee. En sabstituant, comme on le propose souvent, I'etat au capita- lisle et rassociation au tenancier, la regie ne varierait pas vis-a-vis du manoeuvre. L' association, a proprement parler, est dans le tenancier, qu& tour a tour, — au point de vue de I'accident, — on appellera pro- prietaire, petit proprietaire. fermier, industriel, clief d'atelier, oti contre-maltre (la denomination n'y fait rien) ; c'est a la personne du tenancier qu'en derniere analyse le credit s'adresse indivisiblement, soit que le tenancier, devenu responsable a I'egard du capital, admette, a ses risques et perils, le manoeuvre en participation, soit que cette participation s'escompte a la faveur de la convention du salaire. II faut done degager la situation du tenancier, responsable du credit qui le concerne essentiellement, par exclusion du capitaliste qui dispose des objets du credit, et par exclusion aussi du manoeuvre qui n'en dispose pas et qui n'en est pas responsable quoiqu'il en soit passible a tons egards. Le role du tenancier, en quelque lieu que ce puisse 6tre de notre mappemonde, tient la place que Ton assigne communement dans les theories modernes a I'organisation m(^me du travail. Le tenancier en est le pivot, la cheville ouvriere et I'ame, n'im- porte I'industrie speciale a mettre en cause, mais en cedant toutefois les honneurs du pas a Tindustrie de la terre qui fournit les matieres premieres de tons genres (mineraux, vegetaux. animaux). Le tenan- — i09 — \-ier, econoniiqiieniLMil j^arhmt, c'csl r(^\p!oiliilion prise a sa racinc, r'est la terre a moltro on valour, le cluintior vivant, rindispensable atelier de la productioji. Si vous faites abstraction dii toiiancior, I'orga nidation entiere du (travail d^sparait. Atteint dans la personne du tenanoier, rcnsemble du diamj) social so metamorphose en champ de guerre. Tout a la fois le capitalistc ct la thoorie restent stcriles; le manoeuvre et 'la pratique sont para- lyses. Si le tenancier ne les rallie, leur division persiste et s'exagere. Plus d'entente des qu'on le supprime, on s'il s'en risque une, elleest mensongere; ou s'il en arrive une, e'est pour des conflits ct des collisions. Son chaos est le leur, son equilibre est leur salut, son ifoyer est leur lien de rapprochement et d'entente cordiale. La revolution do 18^8, en prociamant le suffrage universel, a profondement modifie les conditions du capitaliste et du tenancier [)iiele sous ces ilivei'St.'^ formes, si cc n'est entie les mains du chef do famillc qui s'eii irouve le detenteur naturel, legal, legitime V Or, quelle difference le suffrage universel etablit-il entre le chef famille et I'individu ? Aucune. Tons deux sont egaux devant le scrutin, quoique socialemenl parlant, I'inegalite soil frappante par la ditference des charges et des devoirs, autrement dire, des actions sociales qui leur incombent. Oue Ton mette en regard les droits sociaux de trois jeunes gens appeles d'hier a I'exercice du suffrage, et les droits ou les charges do deux chefs de famille, proprietaires, industriels, chefs dc travail, maries, peres chacun de trois enfants mineurs encore, et que Ton dise si, devant I'equite m6me,ces trois individualites doivent dominer les deux voix qui representent, tout compte fait, dix individualites! En presence de cette position que la loi electorale fait au chef de famille; en face d'un scrutin oil la minorite de fait devient la majo- rite de droit, oii I'individu qui ne represente que lui seul, ecrase I'etre collectif qui represente les interets mineurs qui se groupent autour de lui, comment veut-on que le credit, dont le chef de famille est la personnification vivante, puisse exister avec eclat? La loi civile lui reconnalt le privilege de representer le groupe entier dont il est le chef et comme tel responsable. Virtuellement et de fait, il represente sa femme et ses enfants mineurs. La loi politique lui denie ce dxoit de representation legitime. 11 ne represente devant le scrutin que son individualite pure et simple; sa voix nepese pas plus que celle du manoeuvre qui ne pos- sede rien, du celibataire qui ue represente (jue lui seul, du vaga- bond social qui deserte les obligations et leurs charges. Ell fiappant de sterilite politique Ic cliel' de famille, c'est-ii-dire le detenteur de la propriete et de la propriety sous toutes ses formes, numeraire, instruments de travail etsol, nosiois electorales du jour out frappe ^e credit en personne. Pour son propre et prive compte, que! etablissement a long terme le pere de famille oserait-i! organiser? quel capitaliste serieux et sans arriere-pensee serait assez t^meraire pour lui en fournir les moyens dans la situation ou le place aujourd'hui la loi des elections? La France prise dans son ensemble, c'est-a-dire entre ses chefs de famille et le chiffre absolu de leurs actions sociales, n'est-elle pas a !a merci d'une minorite numerique, et les derniers evenements n'ont- lis pas donne jusqua la derision la mesure des ecarts possibles du suffrage universel ? Quand la majorite disparalt, I'expedient predomine, et quand le droit se desarme, le fait pr6domine. L'anomalic qui s'installe aveuglement entre la loi politique et la loi civile est desormais frappante. Comment, logiqucment, le pere de famille peut'il peser /j/tts dans ia balance des devoirs sociaux et peser nwins dans la balance des devoirs politiques? Comment peut'il ^tre considere comme chef de file dans les matieres de credit et reduit a sa stricte individualite dans le scrutin, sans qu'une anomalie pareille amene I'anarchie et le chaos, sans que la prediction de Proudhon se v^rifie de point en point ? Chacune de ces deux positions est le plein dementi de Tautre. Dans un pays ou Ton preconise Tassociation sous toutes les formes, n'est-ce pas la tuer dans son germe que de la nier publique- ment dans le suffrage du chef de famille, en lui refusant de compter an scrutin du pays pour le nombre d'aclions sociales dont il est, iqtres tout, le charge de pouvoir et le represenlant '' ~ 115 — Ouvrons le Code civil au litre que ce monument de notre legisla- tion met en lumiere, nous y voyons, art. 372-37o, que I'enfant resle sous I'autorite du pere jusqu'a lYige de son emancipation ou de sa majorite et que le pere seul exerce cette autorite de plein droit ; nous y lisons encore a I'art 389 que le pere est responsable des biens personnels de ses enfants mineurs, et que d'.apres I'art. 1384, il est egalement responsable des dommages causes par eux. Si, dans la loi civile, le chef de famille se trouve chargt^ de la responsabilite de la famille, s'il represente sa femme et ses enfants mineurs, en vertu de quel principe, absolument inedit, la loi poli- tique lui confisque-t-elle le droit de representer le groupe dont il est le clief? En vertu de quel dialectique lui d6nie-t-elle un caractere et des privileges dont la loi civile a fait la base et la pierre d'assise de I'ordre social ? Et comment, a moins d'une t6merite qui n'a pas de nom, le ca- pital pourrait-il contracter avec le pere de famille, dans la situation Equivoque ou la premiere de nos lois organiques tient politiquement le tenancier du patrimoine? Comment enfm celui-ci pourrait-il 6tre le promoteur du travail- lorsque sa preponderance a la fois legitime et naturelle se trouve mise completement en ^chec devant le scrulin? Sous la pression qu'exerce le suffrage universel sur le capital et sur le tenancier, comment veut-on que le credit s'organise? La propriete, qu'il ne faut pas envisager sous un seul aspect, car elle est territorialeen m6me temps qu'industrielle et pecuniaire aussi bien qu'artistique, se trouve toute entiere aujourd'hui sous la coupe du suffrage universel, celui-ci ne se basant encore que sur un per- sonnel amoindri dans ses valeurs, c'est-a-dire restant a la merci d'une minorile celibataire el qui ne possede le nombre (jue par I'exclusion m^nie de la famille. — lib — - La peTSpoctiNo qui nous niontrc, a Iravers les prograimnes de Vinlcrnationafe, le manoeuvre devenu tout-puissant par le moyen des lois electorales, c'est-a-dire oppresseur a son tour, ne peut que continuer a paralyser nos ressources principales, intimider I'argent, . tar.ir la main-d'ceuvre, tenir la mercuriale en echec, et ceia tant que le suffrage universel, cet organe si precieux en theorie des volontes populaires, mais si fausse dans son usage, restera ce qu'il est en ce moment, I'expression pratique de I'individualisme. 11 faut, avant tout, proceder a la delivrance politique du chef de famille, c'est-a-dire du detenteur de la propriete (numeraire, in- strument de travail et sol), pour qu'en revanche le chef de famille, rentre dans les traditions hierarchiques de I'atelier social, precede ii son tour a notre propre delivrant^e. Cette oeuvre preliminaire une fois accomplie, on pourra jeter les solides bases de I'association des travailleurs, afin de donner une large satisfaction a leurs aspirations, a leurs besoins. Par opposition au programme de V Internationale, il faut que les bases de I'association des travailleurs reposent sur la famille, sur i'organisation du patrimoine, c'est-a-dire sur la formation de I'ins- Irument de travail pour la famille, du secours entre-vifs et de la caisse de retraite des veterans du travail. Alors, et seulement alors, I'objectif des populations armees du suffrage universel, si redoutable aujourd'hui, parce qu'il est sans oontre-poids, change du tout au tout. Par le fait, I'esprit de famille en possede I'influence, la direction et les forces. L'interet du calme et de la prosp^rite du pays en determinent le mot d'ordrc. f)ans une conference qui viendra riore cctte serie de prolegomenes — fl7 — en iixellanl k'Lir inlcMiliou fondamenlnlf en (nidcnce, nous demon- Ireions rinter6t predominant que I'ensemble des notabilites bour- geoises, cette aristocratic de toute nation democratique , doit atta- cher rationellement a I'Association nationale des Travailleurs . Cette association — qui, scion nous, doit resoudre par le cote pratique, le probleme de I'association du travail et du capital, — constituera sa m^^illeure assurance contre les risques dont la menace la coalition inattendue qui, sous le nom d'Associalion Iiiterualionale des Travailleurs, marche impitoyablemcnt, a la favour de la loi des nombres, et comme en aveugle, au bouleversemcnt general des institutions (dejii si compromises) de I'ordre moderne. Ces preliminaires admis, formulons la loi du suffrage en confor- mity des vues organiques dont nous avons indique I'esquisse. 101 ORGANIQUE DU SUFFRAGE UNIVERSEL Article premier. Sont clectciirs et 6li,c;ibles Ions les Frangais ages de vingi el (in ans, jouissant de leiirs droits r.ivils et politiques. Art. Tout citoyen, lorsqu'il sc presente au scrutin national, a droits un nombre de suffrages 6gal au nombro de personnel dont il a la charge legale comme chef de famille. — 118 — Tout ciloycn se repres(M)te d'abord lui-mSmr; de pU'in di'oit encoi'o il reprcsentc sa fomine, scs oni'ants mineurs (i) H Ics filles majeures rostees dans la famille (2). 11 represente egalement ccnx donl il devient le tuteur et Ic 'Ciirateur legal (3). Art. o. Tout citoyen porteur d'un pouvoir et do la carte elcctorale d!i mandantpeut voter pour ses parents et amis emp^ches (4). Art. 4. L'election a pour base le quantum de la population. Les departements, I'Algerie et les Coionies auront un de- pute par chaque cent mille ^mes, avec un depute de plus par fraction excedant 50,000 habitants. Art. 5. Dans les limites de I'article i8 de la presente loi, les elec- teurs sont convoques, de plein droit, le premier dimanche de m li. tons Igs ans. Art. G. Les 6!ecteurs voteront dans les sections designees pour chaque deparlement (en raison de la population des com- munes) par le reglement61ectora], que I'Assemblee nationale arrfitera en vertu de I'art. 17 de la prdsente loi. (1) " U reste (Fenfant) sous leur autoritd jusqu'i sa majority ou son t^man- cipatiou » (art. 372 Code civ.). (2) Le pere seul exerce cette autorit^ w (art. 373 Code civ.). (3) « Le tuteur prendra soin de la personne du mineur et la representera dans tons les acies civilsn (art. ^50 Code civ.). (/i) (t Le mandat ou procuration est un acte par lequel unc personne donne a une autre le pouvoir d ^ faire quelque chose pour le mandant en son nom » (■art. 1984 Code civ.). — 119 — Art. 7. La caile clec.loral!', si^noe par le maire ('t d'liii mcmbre (ielogu6 du coiiscil municipal, revctuc dii cachei dc la mairie, constatera les qualitcs civiles de I'clecteiir cl le nombre dc sidi'ragcs auqiicl il a droit. Celte carte servira seule et exclusivement de bulletin de vote. Art. 8. Le bullelin de vote ne doit porter quun seul nam de can- didal, ccrit lisiblement et sans ratures ou surcharges non approuvees au dos dc la carte electorale. Art. 1). Sont elus et proclames deputes pour chaque d^partemcnt, et dans les limites du nombre attribue a chaque departe- ment, les candidals de^ignes qui auront reuni le plus grand nombre de voix par ordre nuuicrique. Art. 10. En cas de vacances, soit par deces, soit par demission ou autre motif, le depute qui cesse de faire partie de I'Assem- blee natiouale sera remplace de plein droit, et dans les iiuiites de I'art. 18, par le candidal qui^ dans I'ordre du re- censement general des voles du departement, vient imme- diatement aprcs les deputes elus. Art. 11. Les registres clectoraux seront dresses par raulorite mu-- nicipale d'apres le recensement de la population, qui devra? s'ed'ectuer tons les cincr ans. — 120 — Ces rcgistres, lenus par ordre aiphabetique, indiqneroni les noms, pr6noms, age ct domicile des <51ccteurs, leurs qua- lilcs civiles, et Ic nombrc de suffrages on d'actions sociales aiiqiiel chacim d'eux a droit. lis resteroni deposes dans les mairies a la disposition de tons ceax qui voudront en prendre connaissance. G'est d'apres ces registres que le conseil mu- nicipal delivrera k chaque ^lecteur sa carte electorale. Art. 12. Tout citoyen dont le nom aura ete omis sur les registres clecloraux a le droit de requerir, jusqu'au 31 mars de I'annee 61ectorale, son inscription sur le registre des elections, en produisant les pieces justificatives qui constatent ses qualit^s civiles et le nombre de suffrages auquel il a droit. Art. 13. Le scrutin est ouvert un seul jour, de six heures du matin a six heures du soir. Le depouillcment des votes se fait dans chaque section, irrmediatement apres la seance, et le r^sultat sectionnaire, dont proces-verbal est dresse, est aussitot proclame. Les depouillements des votes de chaque section sont im- mediatement transmis a la mairie^ par les bureaux section- naires, avec les pieces c\ I'appui. Le conseil municipal assemble, apres verification dont proces-verbal est dresse, les envoie au chef-lieu du departe- ment, au bureau central, qui proclame le resultat definitif. La composition et la formation du bureau central sont d^- termin6es par le rfeglement electoral vote par I'Assemblee nationale, aux termes de I'art. 17 de la presente loi. 121 Art. 14. Les etats de depoiiillemrnt d«^s elections, avec les proc^s- verbaiix et les pieces a Tappui , reslent deposes a la prefec- ture de chaque departement et tenus a la disposition des electeurs qui voudront les consulter. Art. 13. L'usurpateur d'un suffrage qui n'incomberait pas legili- raement a sa charge sera frappe d'interdiction civique a temps, sans prejudice des penalites edictees par la loi. Cette interdiction sera proportionnelle a I'usurpation du nombre de suffrages, et dans la mesure prescrite par le r^- glemcnt electoral. Art. 16. Nul ne peut etre exempte de sa participation au scrutin. En consequence, ceux qui ne se presenteront pas, par enx- memes ou par fonde de pouvoirs, seront representes dans chaque commune par le delegue electoral, qui votera pour eux. Le reglement electoral determinera, pour chaque election, la composition et le mode de fonctionnement du delegue electoral. Art. 17. L'Assembl^e nationale arrgtera le reglement electoral qui determinera les conditions de domicile, de residence, — Ic nombre de deputes attribue h chaque departement, ci I'Algerie et aux Colonies, en raison du recensement, — les causes exclusives du droit d'^lire et d'etre 61u, — le mode 9 122 de rormalion des bureaux electoraux et du delegue electoral, — les mesures h prendre pour assurer la complete libert6 des elections, — les poursuites et les p^nalit^s centre les crimes et d61its Electoraux, etc. Art. 18. Les pouvoirs de I'AssemblEe nationale sont absolus et sans limites de dur6e. L'Assembl6e se renouvelle tons les ans par cinquieme;, en suivant I'ordre alphab^lique des d^partements divises en cinq zones, et en attribuant h chacune de ces cinq zones le cinquieme des deputes c\ Elire chaque annee. Les deputes sortants peuvent etre re61us. Art. 19. Sont abrogees toutes les dispositions l^gales qui restrei- gnent la liberte des candidatures, quelles que soient ces res- trictions. Tel que nous venons de le formuler, le suffrage universel a d^sor- mais son principe d'organisation, sa formule, sa raison d'etre. R se trouve en accord parfait avec la loi civile, harmonie neces- saire, qui tourne a I'instant m6me au profit du credit, tant parti- culier que public. Allons jusqu'au fond des choses. La loi que nous proposons n'est evidemment que la mise en lu- miere des forces que renferme le cadre electoral; le personnel n'en varie pas, seulement chaque suffragant y reconquiert sa valeur propre, valeur absolue ans le droit, relatiy? dans le fait. — 123 — Lt' }>ere ft le Ills, aiiisi i[ue repoux, y paraissent souls a Tajie prescrit. Le droit est ascendant, I'age et le devoir en gravissent reguliere- ment I'echelle; et Tordre domestique ainsi que I'ordrc civil mar- chent de concert avec I'ordre social. Pourrait-on faire, apres tout, que — de droit divin, de droit na- ture! et de droit social tout ensemble — le pere ne fut pas ce qu'il est et ce qu'il sera toujours : — Le denominateur legitime, le repre- sentant officiel et la force d'agr^gation de la famille? Et puisqu'on ne pent se soustraire a ce fait, pourquoi done ne s'y pas conformer ? En principe, le chef de famille dispose de ce que la famille pos- sede, — le fait purement exceptionnel de son interdiction possible ne prouvant apres tout que la regie. — Le chef de la famille en est I'experience acquise, le soutien et le nourricier. C'est autour de lui que tournent les relations ainsi que les obligations ; et ses immu- niteS) quelque supputation qu'on en fasse, ne sont, en definitive, que la remuneration de son fardeau. A quel titre, en consequence, le conscrit politique, emancipe de la veille, balancerait-il au scrutin ou risquerait-il d'etouffer sa fa- mille tout entiere : pere, mere, freres et soeurs? — Monstruosite qui, dans notre pays, blesse le credit social, la raison et I'ordre public. Le chiffre du jeune citoyen majeur et libre ne vaut et ne doit valoir que le tarif de sa valeur personnelle, jusqu'a ce qu'il ait pris famille a son tour. Au detriment de I'ordre moral, aujourd'hui ce sont les mineurs (mineurs a tons les points de vue) qui I'emportent lorsqu'on fait j»re\a]oir raigiiMHMit fics inajor-ites |)ui('menf iinmeii(|ues! — 12(1 — Dans rint^r^t de la France, il faut que, en depit de leur mino- rite niim^rique, les int^r^ts et les devoirs majeurs (majeurs sous tous les points de vue) conservent la preponderance au scrutin. Deux faits d'ordre si radicalement distincts ne peuvent demeurer confondus. Celui qui ne possede rien encore sous le toit de la famille, qui n'a pas encore acquis d'exp^rience dans sa profession, qui ne pent encore se targuer d'obligations contractees au profit des siens, ne saurait peser, dans la balance du sens commun, du bon droit et du pays, le m^me poids que celui qui possede la famille et son avoir, que celui dont I'experience est un fait, que celui qui porte legale- ment la charge des obligations communes. Qu'oserait-on objecter contre I'introduction du principe de la famille dans le suffrage universel? Est-ce qu'il existerait deux raisons ? Une raison pour proclamer, dans nos Codes, la preponderance du chef de famille, comme base de nos lois civiles? Puis une autre rai- son pour meconnaltre cette preponderance dans la loi du suffrage dont les deviations peuvent determiner I'effondrement du pays? Loin de restreindre le droit de suffrage, nous ne songeons qu'a I'etendre encore en le mettant de plus en plus en parfait accord avec la loi civile. C'est ainsi que nous accordons au tuteur le droit de representer ses pupiies dans le scrulin. Si Tarticle Z|50 I'investit du droit de les representer dans tous les actes civils, il n'y a aucune raison pour qu'il n'ait pas le meme droit dans le scrutin dont les resultats peu- vent avoir une si grande influence sur la fortune et I'avenir des mincurs. dont la tute'.lo lui domeuro temporollemont confiee. En principe, la famille entiere doit etrc representee par son chef I-egdl et peser pour sa valeur niim6rique dans la balance des inter6ts du pays. C'est un nouveau cens, il est vrai; mais nouveau dans I'acception du suffrage universel lui-mSme, c'est-a-dire, legitime et proportion- nel aux obligations directes que Ton contracte. Lcs actions sociales du chef de famille atteignent leur maximum, et le celibataire qui resle au-dessous n'a que le cens reduit qu'il a librement vor.lu. N*effa(;ons pas le fait: mais courbons-le devant le droii. Petite ou grande n'excluons aucune espece de valeur, nous devons les estimer toutes, en conscience, a leur veritable taux. Le vide et le plein ne sauraient marcher de front sur une ligne d'egalite judaique. Ici les proportions sont dans I'evidence meme. et cette evidence conclut. Sans I'intervention d'un pared ensemble, mis en eclipse depuis que le probleme de la representation sincere du pays s'aeite. pas de suffrage universel dans la loyaute de rex{)rossion et dans I'estime de tous. En fait, dans une societe bien organis6e. toute personne qui en fait partie pese incontestablement, dans la balance sociale, d'un poids quelconque et reclame sa voix au chapitre, soit directe- ment, soit par un fonde de pouvoir. L'incompatibilite ne s'objecte rationnellement que lorsqu'il y a danger pour la securite publique. Nous voudrions mj^me aller ])lus loin! vSous le regime de nos lois civiles, la fomme pent posseder, avoir — 126 - line fortune personnoUe et en joiiir. Elle pent avoir des inlerets pe- cuniaires, des affaires. Elle peut exprimer sa pensee, ecrire, enseigner et contracter. Du moment ou la loi civile consacre ses droits, son incapacite politique ne repose plus sur aucun principe. La logique conduit absolument a cette conclusion. JVous voyons. dans la vie pratique, que bon nombre de femmes presentent toutes les garanties sociales qu'on exige de I'electeur; — qu'elles sont proprietaires; — qu'elles dirigent des etablissements industriels; — qu'elles paient des impots; — qu'elles paient pa- tente; — que beaucouj) de veuves sont devenues legilimementc/je/J>" de famUle. Pourquoi. des lors, ue jouiraient-elles pas, devant le scrutin, et de maniere ou d'autre, au besoin par un alter ego repr^sentatif, des droits que la loi civile leur reconnait pleinement? On peut admettre, pour rester d'accord avec la loi civile, que la femme en puissance de mari ne puisse voter ; les motifs de cette interdiction sont faciles a comprendre. Mais la femme majeure, celibataire, ne peut-elle avoir les monies obligations que I'homme majeur celibataire? i^lariee, ne peut-elle representer, devant le scrutin, son mari in- terdit, lorsque la loi lui en a confie la tutelle, conformement a ['article 507 du Code civil? Veuve, et devenue chef de famille, pourquoi ne representerait-elle pas devant la loi politique, ses enfants mineurs, lorsqu'elle en est la tutrice legale, conformement a I'article 390 du Code civil? Nous cttmprennns que \v cjircK'tero inliprent a la femme doivp — 127 — mettre sa timidite en dehors de certains contacts ; mais le droit dc se donner un mandataire Electoral a son gre ne protegerait-il pas suffisamment le droit qu'on liii reconnaitrait? Tel que nous le constituons le droit electoral est une digue au celibat. II installe la famille et lo manage a leur poste d'honneur. II constitue le seul et veritable cens qui doive d^sormais compter dans I'urne. Ne I'oublions pas I Ce n'est pas seulement rindividualisme toujours si soucieux de ses droits, mais qui de ses devoirs ne se soucie guere, ce n'est pas lui qui vicie le suffrage actuel, c'est encore I'absenteisme. Nous en avons constate les deplorables effets dans les Election de Paris en 1870 et 1871. A rindividualisme nous devious opposer le correctif de la coUec- tivite, c'est-a-dire, la famille. A I'absenteisme il fallait opposer le droit de mandat, et la puis- sance du DELEPAE ELECTORAL. Le droit de mandat est inscrit dans nos Codes. — Tout Frangais l)eut en vertu de I'article iSSU du Code civil donner a un autre, en vertu d'une procuration, le pouvoir de faire quelque chose pour lui, et le representer dans tous les actes qui concernent ses inter6ts de fortune et de famille. Aucune raison plausible ne saurait des lors prevaloir pour pres- crire ce droit en matiere electorate. Mais le droit de mandat n'est pas un correctif assez energique contre Tabsenteisme, il faut, de toute necessite, faire appel a cetto creation nouvelle de delegue electoral, qui n'est pas sans analogue dans nos coutumes. - 128 — Le droit electoral est de fait une servitude civique, ainsi que la redevance du sang, ainsi que la quote-parte de I'impot. Dans des circonstances exceptionnelles, lorsque, pour des raisous qui s'expriment, il serai t trop onereux d'etre soldat, on se fait rem- placer sous les drapeaux. Lorsque le conscrit est absent, le maire tire au sort pour lui. Pourquoi, des lors, ne pourrait-on pas revendiquer un charge de pouvoir electoral ? {]e sont la des circonstances identiques. La liberte n'est et ne pent ^tre, dans aucun cas, le droit de s'abs- tenir d'un devoir. En principe, chaque citoyen compte a titre de fraction, dans Veniier de ce que Ton nomme I'ordre social, et pese indefectible- inent dans le droit souverain. Que le citoyen use de son suffrage dans le sens de sa conscience, lien de mieux; mais il n'a pas le droit de s'^liminer de I'urne. II se doit a son droit. Lorsque la France parle, ce ne pent etre qu'au grand complet. La France n'est pas le tiers, le quart ou la moitie de la France, seiilemcnt : c'est toute la France. £t, de fait, comment croire a la longevite des etablissements politi- ques dont, habituellement, les deux tiers de la nation s'abs- tiennent? 11 iniporte a retablissemer.t national, genereusemenl compris, de porter le cachet de trente-huit millions d'ames. — 1^9 — b'ou cetle necessite, pour forcer rabsenteismc dans ses dernierj* letranchements, d'etendre a la loi politique le benefice de la loi civile qui accorde a tout citoyen le droit de se faire representer par un mandataire. D'ou encore, la necessile logique de creer un onjane Ugal aux absents, aux scissionnaires de I'ordre, aux interdits civils et politi- ques et a ceux qui sont prives de toute issue legale vers le scrutin. De meme qu'aii sujet d'un refus en matiere d'impot, de m6me qu'a regard des refractaires, votons pour la saisie du suffrage de {'absent volontaire et pour son execution provisoire. C'est un stimulant energique pour I'electeur jaloux de ses droits. G'est une penalite d'ordre moral pour I'electeur qui manque a son devoir. En somme cette institution, bien consideree, sera purement coni- minatoire. Elle suspendra I'epee de Damocles sur le front de ceux qui se plaisent a faire bon marche du credit, du travail, et de la stabilite publique. Elle reveillera Temulation, et creera le point d'honneur electoral. Tel est insouciant de ses droits, ou se donne pour tel, qui se de- fend bien de les abandonner a d'autres, si ce n'est en desespoir de cause et lorsqu'il se trouve dans I'impossibilite d'agir autrement. On peut negliger I'exercice de ses droits, mais ne pas vouloir que d'autres s'en servent a notre place. La these, lei, change avec I'hypothese. Quiconque ne se presente pas ou ne se fait pas representer, perd le droit de protester contre I'expression legitime du suffrage, et no peut reclamer conimc un droit celui do faire uno banqueroute.elcc- torale au pays. — 130 - Coniproiiiis ou non par revenement, il ne saurait se plaindre que la loi I'ait pris en traltre, lorsqu'il a mis de la perseverance a s'abs- tenir. Le suffrage est un imp6t, une dette sacree, il importe a tout ci- toyen d'y fairc honneur; car les vides electoraux, en s'elargissant de plus en plus, enervent I'autorite du suffrage universel dans le for des consciences, et la cause de la liberie m^me^ y perd une garan- tie morale. Ce que Ton retranche a Texercice des droits electoraux, on I'a- joute en probabilites, aux chances de la guerre civile, et c'est avec I'unanimite des (Elections qu'il faut fermer le gouffre des revolu- tions. La legislation du pays ne saurait, sous aucun pretexte,, accepter la demission d'une partie plus ou moins considerable des citoyens. Pourquoi, d'ailleurs, constituerions-nous I'absence dans son tort, lorsque nous pouvons legalement la constituer dans son droit? Contumace ou non, il faut que tout suffrage regoive son accom- plissement meme par provision, et comme qui dirait en effigie, sauf au suffragant contumace, et lorsque sa conscience en appellerait tontre lui-m6me, apurger le fait de sa libre absence aux assises des elections ulterieures. On objectera que dans I'etat de nos idees, I'organisation du DELEGUE ELECTORAL offrira quclqucs apprehensions. Dans la constitution de Tancien regime la question n'aurait pas fait un pli. Les trois plus hauts fonctionnaires de la magistrature, de I'armee, du sacerdoce, c'est-a-dire, les representants du droit, de la force, et de la conscience, auraient, soit d'ensemble, soit localite par loca- ?ite. forme logiquement le personnel du hh.v.cri: ELEc/ronAL. - 131 — La, jadis. an premier c;ou[) d'oeii se disLinguait pour nous du moins, le veritable etat-major du pays. Mais avec les progres dont notre temps se felicite, notre simple remarque ne doit decourager aucune initiative, et nous souscrirons de grand coeur a n'importe quel equivalent pourvu qu'il soit se- rieux. Le principe de la preponderance du chef de famille 6tant reconnu, La collectivity ayant reconquis son poids. ses nombres, sa me- sures, L'individualisme se trouvant restraint a ses seuls co-efficients; En d'autres termes, les forces contenues actuellement dans le suffrage universel, etant mises en lumiere, classees et pesees selon leur valeur numerique; Etant admis le droit do mandat; Etant accepte la creation du delegue electoral; II ne restait plus qu'a simplifier les rouages de la loi, afin d'en rendre I'application facile et rapide. Deux idees dominent dans les articles qui mettent en mouvement le mecanisme electoral. — La carte electorale, remplacant le bulletin. — Le vote pour un seul candidat, remplacant le scrulin de liste. Desormais la carte qui constate I'identite de I'electeur, devient le bulletin de vote. La consequence obligee de cette innovation cntraine de fait la publicite dans le vote. L'opinion qu'on nomme publiqite aujourd'hui, par forme d'anti- phrase, ^esso pn oiTot. d'otre anonyme ^t serrpto. — 132 — De la soiie, le suffrage accepte sa propre responsabilite ; loute election se fait au grand jour et la clartc remplace les tenebres. Le vote exprime sur et par la carte meme de I'electeur, simplifie tout et rend I'opcration du depouillenient rapide. Consequences : — Vitrification facile des suffrages. ' — Ecart instantane de toute espece de fraude. Le bulletin secret, — G'est la porte anonyme ouverte aux abus, aux suspicions, aux recriminations. — C'est la porte ferme au controle, a la v^rite, a la sincerite des elections, a la manifestation franche de toute opinion sincere. La carte electorale, au dos de laquelle est inscrit le noni du candidat, — C'est le certificat d'identite de I'election. — C'est la constation des qualites civiles et du nombre de suf- frages auxquels chacun a droit. — C'est la piece probante qui valide I'election et que tout citoyen est a m6me de verifier. G'est I'honnetete, la sincerite, la v<^rite introduites dans le scrutin national. Esquissons rapidement les consequences du vote ad imum homi- nem ; c'est-a-dire pour un seul homme. Le vote en faveur d'un seul candidat qui impose a I'electeur de ne voter que pour un seul candidat, de n'inscrire qu'un seul nom sur son bulletin, de ue poser dans I'urne qu'un seul bulletin, est le complement necessaire de la reforme que nous teutons d'introduire dans la loi electorale. Le vote ad unum hominem, ou comme le designe M. Emile de Gi- rardin, le vote uninominal est le regime oppose au scrutin de liste. — 1.H3 — II change du tout an tout le re;^ullat du S'ltVrage. Au lieu de marcher dans I'inconnii il marche hardiment dans le conn 11. Que peut, en effet, un electeur de Paris, par exemple, place dans la necessite de dresser une lisle do quarante el quelques noms? Quel est celui d'entre nous, quelque eclaire quo nous le suppo- sions, qui soit en etat de choisir quarante-trois deputes, en faveur desquels il pourra voter consciencieusement et avec connaissance de cause? Et n'est-ce pas nous contraindre violemment a Tabsenteisme que de nous mettre en face de la difficulte de chercher quarante-trois noms, ou d'adopter une des listes que Ton jette sous nos yeux et dont les trois quarts des personnes nous sont inconnues ? Ne nous abusons pas. Donner son suffrage, c'est se demettro d'un droit personnel en faveur d'une superiority qu'on remarque, et dont on estime a la lois I'esprit et les resolutions. En consequence le suffrage doit 6tre ad unum hominem, aulrement dire encore, une predilection, un ulicr ego, un chef de file naturel de notre personnalite. 11 ne nous est pas donne de multiplier individuellement de sem- blables choix a I'infini. Rien de plus facile que de fairc un choix. Rien de plus difficile que do faire des choix. Le vote pour un seul candidal simplifie tout. II fait disparailre les majorites et les minorites. 11 les converlit en des nnanimites. Rien de plus simple, en effet, que de relever le n ombre des suf- frages obtenus par chaque candidal et de s'on lenir a ceux qui — 13/| — reunissent le plus grand nombre de \oix; c'est-a-dire, de declarer elus sur la nomenclature officielle des elections, ceux qui se trouvent portes au sommet de la liste de recapitulation, sous la rubrique du plus grand nombre, en defalquant le reste, sauf, si quelque lacune accidentelle vient a s'ouvrir par la demission ou par la mort, a ressaisir ceux des elus dont le nom se presente im- mediatement a la suite. Le suffrage fld iiuum hominem se recommande par sa simplicite, la notoriete des elus et I'ascendant qu'il exerce imperieusement sur chaquo electeur. A ce titre I'Asemblee des elus porte justement un caractere sou- verain et le chef du pouvoir executif, qu'il soit temporairement elu comme un autre, n'est et ne pent 6tre que le primus inter pares. Ce systeme mis en jeu en Am^rique pour I'election du president et du vice-president ne saurait rencontrer d'objections serieuses. Le vote uninominal, dit M. Emile de Girardin, c'est la liberie des opinions s'exprimant toutes en pleine independance, en pleine sin- cerite, et pesant chacune exactement son poids. Le scrutin de liste, c'est I'oppression organisee des minorites, c'est le despotisme localise des majorites. Le vote uninominal, c'est -la representation fidele et proportion- nelle de tous les partis, de toutes les individualites, de tous les culles, de toutes les ecoles, de toutes les professions, de tous les besoins, de tous les interets pesant un poids quelconque. II com- pose des unanimites echelonnees, puisque tout elu, — que le nom- bre soit faible ou considerable. — est toujours elu a I'unanimite. II utilise toutes les voix, tous les bulletins deposes dans la bolte du scrutin, d'ou il resulle qu'il n'y a plus ni majorite, ni minorite. Ce systeme n'a pas seulement I'avantage d'etre un instrument de precision et de pacification, au lieu d'etre un instrument d'exclusion et d'antasonisnie, il a aussi Tavantnge d'economiser les rouages — J3j — suivants : inajorite absolue, niiijorite relative, scrutin de ballottage, elections partielles. La liberty electorale veut que chacun vote en paix, comme il I'entend et pour qui il lui plait, sans agression, sans intimidation, sans corruption, sans que cJio'.sir un nom ait forcement pour con- sequence d'en exclure un autre, sans que voter pour ait indirecte- ment pour etFet de voter contre, sans qu'il soit necessaire d'arborer une cocarde et de se ranger sous I'un des drapeaux en presence. Nous avons dit que la longevite des etablissements politiques etait une des conditions du credit; nous devions alors poser comme principe la perpetuity de I'Assemblee, qu'elle soit cousiiluante ou legislative, peu importe. L'occasion seule doit decider tour a tour de ce double caractere; Du moment oil le pays gouverne le pays; Du moment ou le pouvoir reside tout entier dans I'Assemblee nationale; cette Assemblee doit avoir, absolument, le caractere de longevity, qui garanlit la stability des institutions et la duree des gouvernements. La souverainete representative doit done rester indeclinable dans tous les temps. En face de cette intention declaree, la chambre doit 6tre perma- nente, mais renouvelable par cinquieme, tous les ans. IJien entendu qu'il ne saurait etre question de fermer aux deputes sortantsles chances nouvelles d'une election immediate^ Une pareille elimination frapperait, non-seulement le pouvoir souverain des electeurs, mais ercore le droit incoercible des candi- dats. L'opinion publique a ses favoris et ses preferences que rien ner pent faire denieriter devant elle. — i;^6 — f.on nombre d'esprits moderes, tie tons les partis, inclinent deja vers cetle conclusion. Cette proposition reunit les divers avantages que i'on cherche sans preter aux inconvenients qu'on peut redouter. Elle est le seul veritable obstacle aux brusques revolutions de la rue et aux velleites de coups d'etat. Elle satisfait a I'ideal que chacun se propose aussi bien en face de I'insurection que de I'usurpation. Elle tient le pouvoir executif sous la constante surveillance de I'Assemblee. Elle n'agite les masses electorales que dans des proportions dont persoune ne peut s'alarmer. Resultat precieux pour le credit public. Nous avons expose les motifs pour lesquels nous reclamons la reforme radicale du suffrage universel. Nous avons indique les bases que nous voulons donner a la loi electorale, pour la mettre en pleine harmonie avec iios lois civiles. Ces bases adoptees, le suffrage universel a desormais ce principe d'organisation, cette formule d'expression, cette raison d'etre, hors desquels, selon les conclusions du celebre socialiste Proudhon, le suffrage ne peut etre que le chaos et I'anarchie. Un mot nous resume : L'avenir du veritable credit fo>t.ier dont nous ne possedons en- core que le mot, est dans l'avenir de ce que nous nommons le CREDIT VIAGER. La garantie de cet avenir est dans la preponderance de la fa- mille; et sa stabilite, sous ce rapport, dans celle que le legislateur saura donner au suffrage universel. TABLE 'an-ea in- Confi:renci: 2^- id. 3^- id. k^ id. b' id. Le Credit viager 3 De la generalisation de I'heritage 31 L'Epargne en France — Ses developpe- ments — Son avenir 57 Voies et raoyens 77 La base du credit est dans le suffrage universel. 1^^ Taris, — Tmi[K R''^'V• rt M\i;^r;:. v \ ■ '\- :.\: W, W UNIVERSITY OF CALIFORNIA LIBRARY raSCHARGE Los Angeles y This book is DUE on the last date stamped below. rm L9-Series 4939 UC SOUTHERN REGIONAL LIBRARY f ACILITV AA 000 568 341 HG 179 M769q