ilORI ..--. , UNIVERSITY ( LIBRA >LOS ANGELES. CALIF. FRENCH SHORT STORIES EDITED WITH NOTES AND VOCABULARY BY DOUGLAS LABAREE BUFFUM, Pu D. Pro/etsor of Romance Languages in Princeton University SECOND EDITION, REVISED NEW YORK HENRY HOLT AND COMPANY 81778 COPYRIGHT, 1907, BY HENRY HOLT AND COMPANY PRINTED IN THE U. S. A. 5 PREFACE IN teaching classes in French, I have felt the need of a collection of Short Stories, chosen from as large a \v>- number as possible of the representative authors of the nineteenth century with a view to: (i) literary worth, (2) varied style and subject-matter, (3) large vocabulary and idiomatic constructions, (4) interest for the student. ^ In an endeavor to meet these requirements I have prepared the present edition. Before reading these stories, the student should be familiar with the elementary principles of French gram- mar and with the common irregular verbs. The Notes, therefore, contain few grammatical explanations. Repe- tition of rules that may be found in the ordinary gram- mars would be unnecessary, and the instructor will A probably prefer to adapt this side of the work to the needs of the individual classes or better still to the needs of the individual student. The body of the notes is chiefly devoted to the explanation of literary and historical references. A few general remarks have been made in connection with each author in order to point out his place in French literature, but for detailed criticism the student should refer to Lanson: L'Histoire de la Literature Franfaise, Ninth Edition, Hachette et Cie., Paris, where additional bibliographical material iii fv PREFACE for the individual authors may be found. A summary of the more important works of each writer has also been given and one or more editions indicated. The Vocabulary is large (between 6000 and 7000 words), but contains few obsolescent or dialectic expres- sions. It is hoped that it will be found to contain all the words occurring in the text, with the exception of merely personal names having no English equivalent and of no signification beyond the story in which they occur. In a few instances words will be found in the text with special meanings; in these cases I have given in the vocabulary the ordinary signification as well as the special. Mere translations have been avoided in the notes; with the vocabulary and a knowledge of the elementary principles of French grammar, the student should be able to translate the text with little difficulty. D. L. B. CONTENTS PAGE PREFACE iii MfiRIMfiE V TAMANGO 3 MAUPASSANT i^ LA PEUR 30 DEUX AMIS 39 LA PARURE 49 LA MERE SAUVAGE 61 LA FICELLE 71 DAUDET LE SIEGE DE BERLIN 81 LA MULE DU PAPE 90 L'fiLixm DU REVEREND PERE GAUCHER 103 LE SECRET DE MAh-RE CORNILLE 116 LES TROIS MESSES BASSES 124 LES ETOILES 135 BALZAC EL VERDUGO 142 JESUS-CHRIST EN FLANDRE 157 COPPfiE LES VICES DU CAPITAINE , , ... 172 LE REMPLACANT 187 v Vi CONTENTS ABOUT PAGE L'ONCLE ET LE NEVEU 201 GAUTIER LE CHEVALIER DOUBLE 229 THEURIET LA SAINT-NICOLAS 242 LE FORGERON 259 MUSSET LE MERLE BLANC ............ 265 NOTES VOCABULARY 339 FRENCH SHORT STORIES MERIMEE TAMANGO LE capitaine Ledoux etait un bon marin. H avait commenc^ par etre simple matelot, puis il devint aide- timonier. Au combat de Trafalgar, il cut la main gauche fracasse'e par un e*clat de bois; il fut ampute", 5 et conge'die* ensuite avec de bons certificats. Le repos ne lui convenait guere, et, 1'occasion de se rembarquer se pre*sentant, il servit, en qualite* de second lieutenant, & bord d'un corsaire. L'argent qu'il retira de quelques prises lui permit d'acheter des livres et d'e"tudier la 10 thdorie de la navigation, dont il connaissait ddja par- faitement la pratique. Avec le temps, il devint capi- taine d'un lougre corsaire de trois canons et de soixante hommes d'dquipage, et les caboteurs de Jersey con- servent encore le souvenir de ses exploits. La paix le 15 ddsola: il avait amasse* pendant la guerre une petite fortune, qu'il espe"rait augmenter aux de*pens des An- glais. Force lui fut d'offrir ses services k de pacifiques negotiants; et, comme il e"tait connu pour un homme de resolution et d'expe"rience, on lui confia facilement 20 un navire. Quand la traite des negres fut d^fendue, et que, pour s'y livrer, il fallut non seulement tromper la vigilance des douaniers francais, ce qui n'e"tait pas tres dim rile, mais encore, et c'^tait le plus hasardeux, e"chapper 3 aux croiseurs anglais, le capitaine Ledoux devint un homme prdcieux pour les trafiquants de bois d'ebene. Bien different de la plupart des marins qui ont langui longtemps comme lui dans les postes subalternes, il n'avait point cette horreur profonde des innovations, 5 et cet esprit de routine qu'ils apportent trop souvent dans les grades superieurs. Le capitaine Ledoux, au contraire, avail 6t6 le premier & recommander a son armateur 1'usage des caisses en fer, destinees a contenir et conserver 1'eau. A son bord, les menottes et les 10 chalnes, dont les bailments negriers ont provision, dtaient fabriquees d'apres un systeme nouveau, et soigneusement vernies pour les preserver de la rouille. Mais ce qui lui fit le plus d'honneur parmi les marchands d'esclaves, ce fut la construction, qu'il dirigea lui-meme, 15 d'un brick destine a la traite, fin voilier, etroit, long comme un batiment de guerre, et cependant capable de contenir un tres grand nombre de noirs. II le nomma VEsptrance. II voulut que les entre-ponts, etroits et rentre*s, n'eussent que trois pieds quatre pouces de haul, 20 pre"tendant que cette dimension permettait aux esclaves de taille raisonnable d'etre commodement assis; et quel besoin ont-ils de se lever ? Arrives aux colonies, disait Ledoux, ils ne reste- ront que trop sur leurs pieds! 25 Les noirs, le dos appuye* aux bordages du navire, et disposes sur deux lignes paralleles, laissaient entre leurs pieds un espace vide, qui, dans tous les autres ne*griers, ne sert qu'a la circulation. Ledoux imagina de placer dans cet intervalle d'autres negres, couches perpendicu- 30 lairement aux premiers. De la sorte, son navire con- TAMANGO 5 tenait une dizaine de negres de plus qu'un autre du me"me tonnage. A la rigueur, on aurait pu en placer davantage; mais il faut avoir de 1'humanite, et laisser a un negre au moins cinq pieds en longueur et deux en 5 largeur pour s'e*battre, pendant une traversed de six semaines et plus: *Car enfin, disait Ledoux a son arma- teur pour justifier cette mesure libe*rale, les negres, apres tout, sont des hommes comme les blancs. DEsperance partit de Nantes un vendredi, comme to le remarquerent depuis des gens superstitieux. Les inspecteurs qui visiterent scrupuleusement le brick ne de"couvrirent pas six grandes caisses remplies de chatnes, de menottes, et de ces fers que 1'on nomme, je ne sais pourquoi, banes de justice. Us ne furent 15 {joint etonne's non plus de 1'enorme provision d'eau que devait porter VEsperance, qui, d'apres ses papiers, n'allait qu'au Se'ne'gal pour y faire le commerce de bois et d'ivoire. La traversed n'est pas longue, il est vrai, mais enfin le trop de precautions ne peut nuire. Si 1'on 20 etait surpris par un calme, que deviendrait-on sans eau? DEsperance partit done un vendredi, bien gre"e"e et bien e'quipe'e de tout. Ledoux aurait voulu peut-etre des mats un peu plus solides; cependant, tant qu'il 25 commanda le batiment, il n'eut point a s'en plaindre. Sa traversed fut heureuse et rapide jusqu'a la c6te d'Afrique. II mouilla dans la riviere de Joale (je crois) dans un moment ou les croiseurs anglais ne surveil- laient point cette partie de la c6te. Des courtiers du 30 pays vinrent aussitdt a bord. Le moment e*tait on ne peut plus favorable; Tamango, guerrier fameux et vendeur d'hommes, venait de conduire a la cote une grande quantite* d'esclaves, et il s'en de"fai'sait a bon marche", en homme qui se sent la force et les moyens d'approvisionner promptement la place, aussitot que les objets de son commerce y deviennent rares. 5 Le capitaine Ledoux se fit descendre sur le rivage, et fit sa visite a Tamango. II le trouva dans une case en paille qu'on lui avait e'leve'e a la hate, accompagne" de ses deux femmes et de quelques sous-marchands et conducteurs d'esclaves. Tamango s'etait pare" pour 10 recevoir le capitaine blanc. II e*tait vetu d'un vieil habit d'uniforme bleu, ayant encore les galons de caporal; mais sur chaque e"paule pendaient deux epaulettes d'or attaches au meme bouton, et ballottant, 1'une par devant, 1'autre par derriere. Comme il n'avait pas de 15 chemise, et que 1'habit e"tait un peu court pour un homme de sa taille, on remarquait entre les revers blancs de 1'habit et son calecon de toile de Guinee une bande considerable de peau noire qui ressemblait a une large ceinture. Un grand sabre de cavalerie dtait suspendu 20 a son cote* au moyen d'une corde, et 51 tenait a la main un beau fusil a deux coups, de fabrique anglaise. Ainsi e*quipe, le guerrier africain croyait surpasser en ele- gance, le petit-maitre le plus accompli de Paris ou de Londres. 25 Le capitaine Ledoux le consideYa quelque temps en silence, tandis que Tamango, se redressant a la muniere d'un grenadier qui passe a la revue devant un general Stranger, jouissait de 1'impression qu'il croyait produire sur le blanc. Ledoux, apres 1'avoir examine" en con- 30 naisseur, se tourna vers son second, et lui dit: TAMANGO 7 Voila un gaillard que je vendrais au moins mille ecus, rendu sain et sans avaries a la Martinique. On s'assit, et un matelot qui savait un peu la langue yolofe, servit d'interprete. Les premiers compliments 5 de politesse e'change's, un mousse apporta un panier de bouteilles d'eau-de-vie; on but, et le capitaine, pour mettre Tamango en belle humeur, lui fit present d'une jolie poire a poudre en cuivre, orne"e du portrait de Napoleon en relief. Le present accepte" avec la recon- 10 naissance convenable, on sortit de la case, on a'sssit a 1'ombre en face des bouteilles d'eau-de-vie, et Tamango donna le signal de faire venir les esclaves qu'il avail a vendre. Us parurent sur une longue file, le corps courbe" par 15 la fatigue et la frayeur, chacun ayant le cou pris dans une fourche longue de plus de six pieds, dont les deux pointes etaient re"unies vers la nuque par une barre de bois. Quand il faut se mettre en marche, un des con- ducteurs prend sur son dpaule le manche de la fourche 20 du premier esclave; celui-ci se charge de la fourche de Phomme qui le suit imme'diatement; le second porte la fourche du troisieme esclave, et ainsi des autres. S'agit-il de faire halte, le chef de file enfonce en terre le bout pointu du manche de sa fourche, et toute la colonne 25 s'arrete. On juge facilement qu'il ne faut pas penser a s'echapper a la course, quand on porte attache" au cou un gros baton de six pieds de longueur. , A chaque esclave male ou femelle qui passait devant lui, le capitaine haussait les e"paules, trouvait les hommes 30 che"tifs, les femmes trop vieilles ou trop jeunes et se plaignait de 1'abatardissement de la race noire. 8 MRIME Tout de"ge*nere, disait-il; autrefois c'e*lait bien different. Les femmes avaient cinq pieds six pouces de haut, et quatre hommes auraient tourne' seuls le cabestan d'une frigate, pour lever la maitresse ancre. Cependant, tout en critiquant, il faisait un premier 5 choix des noirs les plus robustes et les plus beaux. Ceux-la, il pouvait les payer au prix ordinaire; mais, pour le reste, il demandait une forte diminution. Ta- mango, de son cote, defendait ses interets, vantait sa marchandise, parlait de la rarete des hommes et des 10 perils de la traite. II conclut en demandant un prix, je ne sais lequel, pour les esclaves que le capitaine blanc voulait charger a son bord. Aussitot que 1'interprete cut traduit en francais la proposition de Tamango, Ledoux manqua tomber a 15 la ren verse, de surprise et d'indignation; puis, mur- murant quelques jurements affreux, il se leva comme pour rompre tout marche avec un homme aussi de"- raisonnable. Alors Tamango le retint; il parvint avec peine a le faire rasseoir. Une nouvelle bouteille fut 20 de'bouche'e, et la discussion recommenca. Ce fut le tour du noir a trouver folles et extravagantes les propo- sitions du blanc. On cria, on disputa longtemps, on but prodigieusement d'eau-de-vie ; mais l'eau-de-vie produisait un effet bien different sur les deux parties 25 contractantes. Plus le Francais buvait, plus il re"duisait ses offres; plus 1'Africain buvait, plus il ce"dait de ses pretensions. De la sorte, a la fin du panier, on tomba d'accord. De mauvaises cotonnades, de la poudre, des pierres a feu, trois barriques d'eau-de-vie, cinquante 30 fusils mal raccommodes furent donnds en dchange de TAMANGO 9 cent soixante esclaves. Le capitaine, pour ratifier le traite*, frappa dans la main du noir plus qu'a moitie ivre, et aussitot les esclaves furent remis aux matelots francais, qui se haterent de leur oter leurs fourches de 5 bois pour leur donner des carcans et des menottes en fer; ce qui montre bien la supdriorite' de la civilisation europe'enne. Restait encore une trentaine d'esclaves: c'e"taient des enfants, des vieillards, des femmes infirmes. Le navire xo e*tait plein. Tamango, qui ne savait que faire de ce rebut, offrit au capitaine de les lui vendre pour une bouteille d'eau- de-vie la piece. L'offre e*tait se*duisante. Ledoux se souvint qu'a la representation des VZpres Siciliennes a 15 Nantes, il avait vu bon nombre de gens gros et gras entrer dans un parterre deja plein, et parvenir cependant a s'y asseoir, en vertu de la compressibility des corps humains. II prit les vingt plus sveltes des trente esclaves. Alors Tamango ne demanda plus qu'un verre d'eau- K> de-vie pour chacun des dix restants. Ledoux re'fle'chit que les enfants ne payent et n'occupent que demi-place dans les voitures publiques. II prit done trois enfants; mais il ddclara qu'il ne voulait plus se charger d'un seul noir. Tamango, voyant qu'il lui restait encore 25 sept esclaves sur les bras, saisit son fusil et coucha en joue une femme qui venait la premiere: c'e*tait la mere des trois enfants. Achete, dit-il au blanc, ou je la tue; un petit verre d'eau-de-vie ou je tire. 30 Et que diable veux-tu que j'en fasse? re*pondit Ledoux. io Tamango fit feu, et Pesclave tomba morte a terre. Allons, a un autre! s'e"cria Tamango en visant un vieillard tout casse: un verre d'eau-de-vie, ou bien . . . Une de ses femmes lui de*tourna le bras, et le coup partit au hasard. Elle venait de reconnaitre dans le 5 vieillard que son mari allait tuer un guiriot ou magicien, qui lui avait predit qu'elle serait reine. Tamango, que l'eau-de-vie avait rendu furieux, ne se posseda plus en voyant qu'on s'opposait a ses volontes. II frappa rudement sa femme de la crosse de son fusil; 10 puis se tournant vers Ledoux: - Tiens, dit-il, je te donne cette femme. Elle etait jolie. Ledoux la regarda en souriant, puis il la prit par la main : - Je trouverai bien ou la mettre, dit-il. 15 L'interprete etait un homme humain. II donna une tabatiere de carton a Tamango, et lui demanda les six esclaves restants. II les dlivra de leurs fourches, et leur permit de s'en aller ou bon leursemblerait. Aussitot ils se sauverent, qui deca, qui dela, fort embarrasses 20 de retourner dans leur pays a deux cents lieues de la cote. Cependant le capitaine dit adieu a Tamango et s'occupa de faire au plus vite embarquer sa cargaison. II n'e*tait pas prudent de rester longtemps en riviere; 25 les croiseurs pouvaient reparaitre, et il voulait appa- reiller le lendemain. Pour Tamango, il se coucha sur 1'herbe, a 1'cmbre, et dormit pour cuver son eau-de-vie. Quand il se reveiHa. le vaisseau e*tait dja sous voiles et descendait la riviere. Tamango, la tete encore 30 embarrasse'e de la de*bauche de la veille, demanda sa TAMANGO II femme Ayche. On lui re*pondit qu'elle avait eu le malheur de lui de"plaire, et qu'il 1'avait donnee en present au capitaine blanc, lequel 1'avait emmenee a son bord. A cette nouvelle, Tamango stupdfait se frappa la tete, 5 puis il prit son fusil, et, comme la riviere faisait plusieurs devours avant de se de"charger dans la mer, il courut, par le chemin le plus direct, a une petite anse, e'loigne'e de 1'embouchure d'une demi-lieue. La, il esperait trouver un canot avec lequel il pourrait joindre le brick, dont 10 les sinuosites de la riviere devaient retarder la marche. II ne se trompait pas: en effet, il cut le temps de se jeter dans un canot et de joindre le ne"grier. Ledoux fut surpris de le voir, mais encore plus de 1'entendre redemander sa femme. 15 Bien donne* ne se reprend plus, rdpondit-il. Et il lui tourna le dos. Le noir insista, offrant de rendre une partie des objets qu'il avait recus en ^change des esclaves. Le capitaine se mit a rire. Alors le pauvre Tamango 20 versa un torrent de larmes, et poussa des cris de douleur aussi aigus que ceux d'un malheureux qui subit une operation chirurgicale. Tantot il se roulait sur le pont en appelant sa chere Ayche"; tantdt il se frappait la tete contre les planches, comme pour se tuer. Toujours 25 impassible, le capitaine, en lui montrant le rivage, lui faisait signe qu'il e*tait temps pour lui de s'en aller; mais Tamango persistait. II offrit jusqu'a ses Epau- lettes d'or, son fusil et son sabre. Tout fut inutile. Pendant ce de"bat, le lieutenant de I'Espgrance dit au 30 capitaine: H xjous est mort cette nuit trois esclaves, nous is MRIME avons de la place. Pourquoi ne prendrions-nous pas ce vigoureux coquin, qui vaut mieux & lui seul que les trois morts?- Ledoux fit reflexion que Tamango se vendrait bien mille e"cus; que ce voyage, qui s'annon- cait comme tres profitable pour lui, serait probablement 5 son dernier; qu'enfin sa fortune e*tant faite, et lui renon- cant au commerce d'esclaves, peu lui importait de laisser a la c6te de Guine*e une bonne ou une mauvaise reputa- tion. D'ailleurs, le rivage etait desert, et le guerrier africain entierement a sa merci. II ne s'agissait plus 10 que de lui enlever ses armes; car il cut e"te dangereux de mettre la main sur lui pendant qu'il les avail encore en sa possession. Ledoux lui demanda done son fusil, comme pour Pexaminer et s'assurer s'il valait bien autant que la belle Ayche*. En faisant jouer les ressorts, 15 il cut soin de laisser tomber la poudre de 1'amorce. Le lieutenant de son cote* maniait le sabre; et, Tamango se trouvant ainsi de'sarme", deux vigoureux matelots se jeterent sur lui, le renverserent sur le dos, et se mirent en devoir de le garrotter. La resistance du noir fut 20 he*roique. Revenu de sa premiere surprise, et malgre le de"sa vantage de sa position il lutta longtemps centre les deux matelots. Grace a sa force prodigieuse, il parvint k se relever. D'un coup de poing, il terrassa 1'homme qui le tenait au collet; il laissa un morceau de son 25 habit entre les mains de 1'autre matelot, et s'elanca comme un furieux sur le lieutenant pour lui arracher son sabre. Celui-ci Ten frappa k la tete, et lui fit une blessure large, mais peu profonde. Tamango tomba une seconde fois. Aussit6t on lui lia fortement les pieds 30 et les mains. Tandis qu'il se de"fendait, il poussait des TAMANGO 13 cris de rage, et s'agitait comme un sanglier pris dans des toiles; raais, lorsqu'il vit que toute resistance e"tait inutile, il ferma les yeux et ne fit plus aucun mouvement. Sa respiration forte et pre'cipite'e prouvait seule qu'il 5 6ta.it encore vivant. Parbleu ! s'e"cria le capitaine Ledoux, les noirs qu'il a vendus vont rire de bon coeur en le voyant esclave a son tour. C'est pour le coup qu'ils verront bien qu'il y a une Providence. 10 Cependant le pauvre Tamango perdait tout son sang. Le charitable interprete qui, la veille, avait sauve* la vie a six esclaves, s'approcha de lui, banda sa Messure et lui adressa quelques paroles de consolation. Ce qu'il put lui dire, je 1'ignore. Le noir restait immobile, ainsi 15 qu'un cadavre. II fallut que deux matelots le portassent comme un paquet dans 1'entre-pont, a. la place qui lui e"tait destined. Pendant deux jours, il ne voulut ni boire ni manger; a peine lui vit-on ouvrir les yeux. Ses compagnons de captivite", autrefois ses prisonniers, le >o virent paraitre au milieu d'eux avec un e"tonnement stupide. Telle dtait la crainte qu'il leur inspirait encore, que pas un seul n'osa insulter a la misere de celui qui avait cause* la leur. Favoris par un bon vent de terre, le vaisseau s'dloi- 25 gnait rapidement de la c6te d'Afrique. De"ja sans inquietude au sujet de la croisiere anglaise, le capitaine ne pensait plus qu'aux enormes bdndfices qui 1'atten- daient dans les colonies vers lesquelles il se dirigeait. Son bois d'e*bene se maintenait sans avaries. Point de 30 maladies cortagieuses. Douze negres seulement, et des plus faibles, ^taient morts de chaleur: c'e*tait bagatelle. 14 Afin que sa cargaison humaine souffrit le moins possible des fatigues de la traversee, il avail 1'attention de faire monter tous les jours ses esclaves sur le pont. Tour a tour un tiers de ces malheureux avait une heure pour faire sa provision d'air de toute la jour-ne'e. Une partie 5 de 1'equipage les surveillait armee jusqu'aux dents, de peur de revoke; d'ailleurs, on avait soin de ne jamais oter entierement leurs fers. Quelquefois un matelot qui savait jouer du violon les regalait d'un concert. II etait alors curieux de voir toutes ces figures noires se 10 tourner vers le musicien, perdre par degre"s leur expres- sion de desespoir stupide, rire d'un gros rire et battre des mains quand leurs chaines le leur permettaient. L'exercice est necessaire a la sante; aussi 1'une des salutaires pratiques du capitaine Ledoux, c'etait de 15 faire souvent danser ses esclaves, comme on fait piaffer des chevaux embarques pour une longue traverse*e. Allons, mes enfants, dansez, amusez-vous, disait le capitaine d'une voix de tonnerre, en faisant claquer un enorme fouet de poste. 20 Et aussitot les pauvres noirs sautaient et dansaient. Quelque temps la blessure de Tamango le retint sous les ecoutilles. II parut enfin sur le pont; et d'abord, relevant la tete avec fierte au milieu de la foule craintive des esclaves, il jeta un coup d'oeil triste, mais calme, sur 25 Pimmense etendue d'eau qui environnait le navire, puis il se coucha, ou plutot se laissa tomber sur les planches du tillac, sans prendre meme le soin d'arranger ses fers de maniere qu'ils lui fussent moins incommodes. Le- doux, assis au gaillard d'arriere, fumait tranquillement 30 sa pipe. Pres de lui, Ayche", sans fers, vetue d'une robe TAMANGO 15 e"le"gante de cotonnade bleue, les pieds chausse"s de jolies pantoufles de maroquin, portant a la main un plateau charge" de liqueurs, se tenait prete a lui verser a boire. Un noir, qui detestait Tamango, lui fit signe de regarder 5 de ce cote. Tamango tourna la tete, 1'apercut, poussa un cri; et, se levant avec impetuosite, courut vers le gaillard d'arriere avant que les matelots de garde eussent pu s'opposer a une infraction aussi e'norme de toute discipline navale: 10 Ayche"! cria-t-il d'une voix foudroyante Deja des matelots accouraient le baton leve"; mais Tamango, les bras croises, et comme insensible, retour- nait tranquillement a sa place, tandis qu' Ayche, fondant en larmes, poussait des cris de terreur. 15 La nuit, lorsque presque tout l'e*quipage dormait d'un profond sommeil, les hommes de garde entendirent d'abord un chant grave, solennel, lugubre, qui partait de 1'entre-pont, puis un cri de femme horriblement aigu. Aussitot apres, la grosse voix de Ledoux jurant et me- 20 nacant, et le bruit de son terrible fouet, retentirent dans tout le batiment. Un instant apres, tout rentra dans le silence. Le lendemain, Tamango parut sur le pont la figure meurtrie, mais 1'air aussi fier, aussi rdsolu qu'auparavant. 25 A peine Ayche" 1'eut-elle apercu, que, quittant le gail- lard d'arriere ou elle e"tait assise a cotd du capitaine, elle courut avec rapidite" vers Tamango, s'agenouilla devant lui, et lui dit avec un accent de de*sespoir concentre": Pardonne-moi, Tamango, pardonne-moi ! 30 Tamango la regarda fixement pendant une minute; puis, remarquant que 1'interprete e"tait eloigne": 16 Une lime! dit-il. Et il se coucha sur le tillac en tournant le dos a Ayche. Le capitaine la reprimanda vertement, lui donna meme quelques soufHets, et lui defendit de parler a son mari; mais il etait loin de soupconner le sens des courtes 5 paroles qu'ils avaient echangees, et il ne fit aucune question a ce sujet. Cependant Tamango, renferme avec les autres esclaves, les exhortait jour et nuit a tenter un effort genereux pour recouvrer leur liberte. il leur parlait du petit 10 nombre des blancs, et leur faisait remarquer la negligence toujours croissante de leurs gardiens; puis, sans s'ex- pliquer nettement, il disait qu'il saurait les ramener dans leur pays, vantait son savoir dans les sciences occultes, dont les noirs sont fort entiche's, et menafait 15 de la vengeance du diable ceux qui se refuseraient de 1'aider dans son entreprise. Dans ses harangues, il ne se servait que du dialecte des Peules, qu'entendaient la plupart des esclaves, mais que 1'interprete ne comprenait pas. La reputation de 1'orateur, 1'habitude qu'avaient 20 les esclaves de le craindre et de lui obeir, vinrent mer- veilleusement au secours de son eloquence, et les noirs le presserent de fixer un jour pour leur delivrance, bien avant que lui-meme se crut en e"tat de 1'effectuer. II rdpondait vaguement aux conjures que le temps n'etait 25 pas venu, et que le diable, qui lui apparaissait en songe, ne 1'avait pas encore averti, mais qu'ils eussent a se tenir prets au premier signal. Cependant il ne ne"gli- geait aucune occasion de faire des experiences sur la vigilance de ses gardiens. Une fois, un matelot, laissant 33 son fusil appuye contre les plats-bords, s'amusait a TAMANGO 17 regarder une troupe de poissons volants qui suivaient le vaisseau; Tamango prit le fusil et se mit a le manier, imitant avec des gestes grotesques les mouvements qu'il avail vu faire a des matelots qui faisaient 1'exercice. On 5 lui retira le fusil au bout d'un instant; mais il avait appris qu'il pourrait toucher une arme sans eveiller imme'diatement le soupcon; et, quand le temps vien- drait de s'en servir, bien hardi celui qui voudrait la lui arracher des mains. to Un jour, Aych lui jeta un biscuit en lui faisant un signe que lui seul comprit. Le biscuit contenait une petite lime: c'e"tait de cet instrument que ddpendait la re*ussite du complot. D'abord Tamango se garda bien de montrer la lime a ses compagnons; mais, lorsque la 15 nuit fut venue, il se mit a murmurer des paroles in- intelligibles qu'il accompagnait de gestes bizarres. Par degrds, il s'anima jusqu'a pousser des cris. A entendre les intonations varie"es de sa voix, on cut dit qu'il e"tait engagd dans une conversation anime'e avec une personne so invisible. Tous les esclaves tremblaient, ne doutant pas que le diable ne fut en ce moment meme au milieu d'eux. Tamango mit fin a cette scene en poussant un cri de joie. Camarades, s'e'cria-t-il, 1'esprit que j'ai conjure" 25 vient enfin de m'accorder ce qu'il m'avait promis, et je tiens dans mes mains 1'instrument de notre de'livrance. Maintenant il ne vous faut plus qu'un peu de courage pour vous faire libres. II fit toucher la lime a ses voisins, et la fourbe, toute 30 grossiere qu'elle e"tait, trouva crdance aupres d'hommes encore plus grossiers. 1 8 MRIME Apres une longue attente vint le grand jour de ven- geance et de liberte. Les conjures, lies entre eux par un serment solennel, avaient arrete leur plan apres une mure deliberation. Les plus determines, ayant Tamango a leur tete, lorsqu'ils monteraient a leur tour sur le pont, 5 devaient s'emparer des armes de leurs gardiens; quel- ques autres iraient a la chambre du capitaine pour y prendre les fusils qui s'y trouvaient. Ceux qui seraient parvenus a limer leurs fers devaient commencer 1'attaque; mais, malgre le travail opiniatre de plusieurs nuits, le 10 plus grand nombre des esclaves etait encore incapable de prendre une part energique a 1'action. Aussi trois noirs robustes avaient la charge de tuer 1'homme qui portait dans sa poche la clef des fers, et d'aller aussitot delivrer leurs compagnons enchaines. 15 Ce jour-la, le capitaine Ledoux e"tait d'une humeur charmante; centre sa coutume, il fit grace a un mousse qui avait merite le fouet. II complimenta 1'officier de quart sur sa manoeuvre, declara a 1'equipage qu'il e"tait content, et lui annonja qu'a. la Martinique, ou ils arrive- 20 raient dans peu, chaque homme recevrait une gratifica- tion. Tous les matelots, entretenant de si agre*ables ide*es, faisaient deja dans leur tete 1'emploi de cette gratification, lorsqu'on fit monter sur le pont Tamango et les autres conjures. 25 Ils avaient eu soin de limer leurs fers de maniere qu'ils ne parussent pas etre coupe's, et que le moindre effort suffit cependant pour les rompre. D'ailleurs, ils les faisaient si bien re*sonner, qu'a les entendre on cut dit qu'ils en portaient un double poids. Apres avoir hume" 30 Pair quelque temps, ils se prirent tous par la main et se TAMANGO 19 mirent a danser pendant que Tamango entonnait le chant guerrier de sa famille, qu'il chantait autrefois avant d'aller au combat. Quand la danse cut dure" quelque temps, Tamango, comme epuise* de fatigue, se 5 coucha tout de son long aux pieds d'un matelot qui s'appuyait nonchalamment contre les plats-bords du navire; tous les conjures en firent autant. De la sorte, chaque matelot dtait entoure* de plusieurs noirs. 10 Tout a coup Tamango, qui venait doucement de rompre ses fers, pousse un grand cri, qui devait servir de signal, tire violemment par les jambes le matelot qui se trouvait pres de lui, le culbute, et, lui mettant le pied sur le ventre, lui arrache son fusil, et s'en sert pour 15 tuer 1'officier de quart. En meme temps, chaque matelot de garde est assailli, desarme et aussitot e*gorge*. De toutes parts, un cri de guerre s'eleve. Le contre- maitre, qui avait la clef des fers, succombe un des premiers. Alors une foule de noirs inondent le tillac. eo Ceux qui ne peuvent trouver d'armes saisissent les barres du cabestan ou les rames de la chaloupe. Des ce mo- ment, I'e'quipage europe'en fut perdu. Cependant quel- ques matelots firent tete sur le gaillard d'arriere; mais ils manquaient d'armes et de resolution. Ledoux e*tait 25 encore vivant et n'avait rien perdu de son courage. S'apercevant que Tamango e"tait 1'ame de la conjura- tion, il espe*ra que, s'il pouvait le tuer, il aurait bon marche" de ses complices. II s'e"lanca done a sa rencontre le sabre a la main en 1'appelant a grands cris. Aussit6t 30 Tamango se pr^cipita sur lui. II tenait un fusil par le bout du canon et s'en servait comme d'une massue. ao MRIME Les deux chefs se joignirent sur un des passavants, ce passage etroit qui communique du gaillard d'avant a I'arriere. Tamango frappa le premier. Par un le*ger mouvement de corps, le blanc eVita le coup. La crosse, tombant avec force sur les planches, se brisa, et le centre- 5 coup fut si violent, que le fusil echappa des mains de Tamango. II e"tait sans defense, et Ledoux, avec un sourire de joie diabolique, levait le bras et allait le percer; mais Tamango etait aussi agile que les pantheres de son pays. II s'elanca dans les bras de son adversaire, 10 et lui saisit la main dont il tenait son sabre. L'un s'efforce de retenir son arme, 1'autre de 1'arracher. Dans cette lutte furieuse, ils tombent tous les deux; mais 1'Africain avait le dessous. Alors, sans se de*cou- rager, Tamango, etreignant son adversaire de toute sa 15 force, le mordit a la gorge avec tant de violence, que le sang jaillit comme sous la dent d'un lion. Le sabre echappa de la main defaillante du capitaine. Tamango s'en saisit; puis, se relevant, la bouche sanglante, et poussant un cri de triomphe, il perca de coups redouble's 20 son ennemi deja demi-mort. La victoire n'etait plus douteuse. Le peu de mate- lots qui restaient essayerent d'implorer la pitid des reVoltes; mais tous, jusqu'a 1'interprete, qui ne leur avait jamais fait de mal, furent impitoyablement massacre's. 25 Le lieutenant mourut avec gloire. II s'e"tait retire* a I'arriere, aupres d'un de ces petits canons qui tournent sur un pivot, et que 1'on charge de mitraille. De la main gauche, il dirigea la piece, et, de la droite, arme d'un sabre, 51 se ddfendit si bien qu'il attira autour de 30 lui une foule de noirs. Alors, pressant la detente du TAMANGO 21 canon, il fit au milieu de cette masse serre'e une large rue pave de morts et de mourants. Un instant apres il fut mis en pieces. Lorsque le cadavre du dernier blanc, ddchiquete et 5 coupe* par morceaux, eut etc* jete* a la mer, les noirs, rassasie*s de vengeance, leverent les yeux vers les voiles du navire, qui, toujours enfle'es par un vent frais, sem- blaient obe*ir encore a leurs oppresseurs et mener les vainqueurs, malgre" leur triomphe, dans la terre de 10 1'esclavage. Rien n'est done fait, penserent-ils avec tristesse; et ce grand fe'tiche des blancs voudra-t-il nous rame- ner dans notre pays, nous qui avons verse le sang de ses maitres? 15 Quelques-uns dirent que Tamango saurait le faire obeir. Aussitot on appelle Tamango a grands cris. II ne se pressait pas de se montrer. On le trouva dans la chambre de poupe, debout, une main appuyee sur le sabre sanglant du capitaine; 1'autre, il la tendait d'un 20 air distrait a sa femme Ayche", qui la baisait a genoux devant lui. La joie d'avoir vaincu ne diminuait pas une sombre inquietude qui se trahissait dans toute sa contenance. Moins grossier que les autres, il sentait mieux la difficult^ de sa position. 25 II parut enfin sur le tillac, affectant un calme qu'il n'e"prouvait pas. Presse* par cent voix confuses de diri- ger la course du vaisseau, il s'approcha du gouvcrnail a pas lents, comme pour retarder un peu le moment qui allait, pour lui-meme et pour les autres, decider de I'e'ten- 30 due de son pouvoir. Dans tout le vaisseau, il n'y avail pas un noir, si 22 stupide qu'il fut, qui n'eut remarque* 1'influence qu'une certaine roue et la boite placee en face exercaient sur les mouvements du navire; mais, dans ce mecanisme, il y avait toujours pour eux un grand mystere. Tamango examina la boussole pendant longtemps en remuant les 5 levres, comme s'il lisait les caracteres qu'il y voyait traces; puis il portait la main a son front, et prenait 1'attitude pensive d'un homme qui fait un calcul de tete. Tous les noirs 1'entouraient, la bouche beante, les yeux demesurement ouverts, suivant avec anxit le 10 moindre de ses gestes. Enfin, avec ce melange de crainte et de confiance que 1'ignorance donne, il imprima un violent mouvement a la roue du gouvernail. Comme un genereux coursier qui se cabre sous I'dperon d'un cavalier imprudent, le beau brick VEs- 15 perance bondit sur la vague a cette manceuvTe inouie. On eut dit qu'indigne* il voulait s'engloutir avec son pilote ignorant. Le rapport necessaire entre la direction des voiles et celle du gouvernail etant brusquement rompu, le vaisseau s'inclina avec tant de violence, qu'on 20 eut dit qu'il allait s'abimer. Ses longues vergues plon- gerent dans la mer. Plusieurs hommes furent ren- verse"s ; quelques-uns tomberent par-dessus le bord. Bientot le vaisseau se releva fierement contre la lame, comme pour lutter encore une fois avec la destruction. 25 Le vent redoubla d'efforts, et tout d'un coup, avec un bruit horrible, tomberent les deux mats, casses a quel- ques pieds du pont, couvrant le tillac de debris et comme d'un lourd filet de cordages. Les negres e'pouvante's fuyaient sous les e*coutilles en 30 poussant des cris de terreur; mais, comme le vent ne TAMANGO 23 trouvait plus de prise, le vaisseau se releva et se laissa doucement ballotter par les flots. Alors les plus hardis des noirs remonterent sur le tillac et le debarrasserent des de*bris qui 1'obstruaient. Tamango restait immobile, 5 le coude appuye* sur Phabitacle et se cachant le visage sur son bras replie. Ayche etait aupres de lui, mais n'osait lui adresser la parole. Peu a peu les noirs s'ap- procherent; un murmure s'eleva, qui bientot se changea en un orage de reproches et d'injures. 10 Perfide! imposteur! s'ecriaient-ils, c'est toi qui as cause* tous nos maux, c'est toi qui nous as vendus aux blancs, c'est toi qui nous as contraints de nous revolter contre eux. Tu nous avais vante ton savoir, tu nous avais promis de nous ramener dans notre pays. Nous 15 t'avons cru, insense*s que nous e*tions! et voila que nous avons manque* de pe*rir tous parce que tu as offense* le fe*tiche des blancs. Tamango releva fierement la tete, et les noirs qui 1'entouraient reculerent intimide*s. II ramassa deux 20 fusils, fit signe a sa femme de le suivre, traversa la foule, qui s'ouvrit devant lui, et se dirigea vers 1'avant du vaisseau. La, il se fit comme un rempart avec des tonneaux vides et des planches; puis il s'assit au milieu de cette espece de retranchement, d'ou sortaient mena- 25 cantes les baionnettes de ses deux fusils. On le laissa tranquille. Parmi les re*volte*s, les uns pleuraient; d'autres, levant les mains au ciel, invoquaient leurs fetiches et ceux des blancs; ceux-ci, a genoux devant la boussole, dont ils admiraient le mouvement continuel, 30 la suppliaient de les ramener dans leur pays; ceux-la se couchaient sur le tillac dans un morne abattement. Au 24 milieu de ces de'sespe'res, qu'on se reprdsente des femmes et des enfants hurlant d'effroi, et une vingtaine de blesses implorant des secours que personne ne pensait a leur donner. Tout a coup un negre parait sur le tillac: son visage 5 est radieux. II annonce qu'il vient de decouvrir 1'en- droit ou les blancs gardent leur eau-de-vie; sa joie et sa contenance prouvent assez qu'il vient d'en faire 1'essai. Cette nouvelle suspend un instant les cris de ces mal- heureux. Us courent a la cambuse et se gorgent de 10 liqueur. Une heure apres, on les eut vus sauter et rire sur le pont, se livrant a toutes les extravagances de 1'ivresse la plus brutale. Leurs danses et leurs chants e*taient accompagne's des ge*missements et des sanglots des blesses. Ainsi se passait le reste du jour et toute la 15 nuit. Le matin, au reveil, nouveau desespoir. Pendant la nuit, un grand nombre de blesses etaient morts. Le vaisseau flottait entoure de cadavres. La mer etait grosse et le ciel brumeux. On tint conseil. Quelques 20 apprentis dans 1'art magique, qui n'avaient point ose" parler de leur savoir-faire devant Tamango, offrirent tour a tour leurs services. On essaya plusieurs con- jurations puissantes. A chaque tentative inutile, le decouragement augmentait. Enfin on reparla de Ta- 25 mango, qui n'dtait pas encore sorti de son retranchement. Apres tout, c'etait le plus savant d'entre eux, et lui seul pouvait les tirer de la situation horrible ou il les avait place's. Un vieillard s'approcha de lui, porteur de propositions de paix. II le pria de venir donner son 30 avis; mais Tamango, inflexible comme Coriolan, fut TAMANGO 25 sourd a ses prieres. La nuit, au milieu du ddsordre, il avail fait sa provision de biscuits et de chair sale"e. II paraissait determine" a vivre seul dans sa retraite. L'eau-de-vie restait. Au moins elle fait oublier et 5 la mer, et 1'esclavage, et la mort prochaine. On dort, on reve de 1'Afrique, on voit des forets de gommiers, des cases couvertes en paille, des baobabs dont 1'ombre couvre tout un village. L'orgie de la veille recommenca. De la sorte se passerent plusieurs jours. Crier, pleurer, 10 s'arracher les cheveux, puis s'enivrer et dormir, telle tait leur vie. Plusieurs moururent a force dc boire; quelques-uns se jeterent a la mer, ou se poignarderent. Un matin, Tamango sortit de son fort et s'avanca jusqu'aupres du troncon du grand mat. 15 Esclaves, dit-il, 1'Esprit m'est apparu en songe et m'a reVele* les moyens de vous tirer d'ici pour vous ramener dans votre pays. Votre ingratitude me'riterait que je vous abandonnasse; mais j'ai pi tie* de ces femmes et de ces enfants qui crient. Je vous pardonne: dcoutez- 20 moi. Tous les noirs baisserent la tete avec respect et se serrerent autour de lui. Les blancs, poursuivit Tamango, connaissent seuls les paroles puissantes qui font remuer ces grandes mai- 25 sons de bois; mais nous pouvons diriger a notre gre* ces barques le"geres qui ressemblent & celles de notre pays. II montrait la chaloupe et les autres embarcations du brick. Remplissons-les de vivres, montons dedans, ei 30 ramons dans la direction du vent; mon maltre et le votre le fera souffler vers notre pays. 26 MRIME On le crut. Jamais projet ne fut plus insense*. Igno- rant 1'usage de la boussole, et sous un ciel inconnu, il ne pouvait qu'errer a 1'aventure. D'apres ses idees, il s'imaginait qu'en ramant tout droit devant lui, il trouverait a la fin quelque terre habitee par les noirs, 5 car les noirs possedent la terre, et les blancs vivent sur leurs vaisseaux. C'est ce qu'il avail entendu dire a sa mere. Tout fut bientot pret pour 1'embarquement; mais la chaloupe avec un canot seulement se trouva en e"tat de 10 servir. C'e"tait trop pen pour contenir environ quatre- vingts negres encore vivants. II fallut abandonner tous les blesses et les malades. La plupart demanderent qu'on les tuat avant de se sdparer d'eux. Les deux embarcations, mises a flot avec des peines 15 infinies et chargees outre mesure, quitterent le vaisseau par une mer clapoteuse, qui menacait a chaque instant de les engloutir. Le canot s'eloigna le premier. Ta- mango avec Ayche avait pris place dans la chaloupe, qui beaucoup plus lourde et plus chargee, demeurait con- 20 siddrablement en arriere. On entendait encore les cris plaintifs de quelques malheureux abandonne"s a bord du brick, quand une vague assez forte prit la chaloupe en travers et 1'emplit d'eau. En moins d'une minute, elle coula. Le canot vit leur desastre, et ses rameurs dou- 25 blerent d'efforts, de peur d'avoir a recueillir quelques naufrage"s. Presque tous ceux qui montaient la chaloupe turent noye"s. Une douzaine seulement put regagner le vaisseau. De ce nombre e"taient Tamango et Ayche*. Quand le soleil se coucha, ils virent disparaitre le canot 30 <'erriere 1'horizon; mais ce qu'il devint, on 1'ignore. TAMANGO 27 Pourquoi fatiguerais-je le lecteur par la description de"goutante des tortures de la faim? Vingt personnes environ sur un espace etroit, tantot ballottees par une mer orageuse, tantot brulees par un soleil ardent, se 5 disputent tous les jours les faibles restes de leurs pro- visions. Chaque morceau de biscuit coute un combat, et le faible meurt, non parce que le fort le tue, mais parce qu'il le laisse mourir. Au bout de quelques jours, il ne resta plus de vivant a bord du brick VEsperance 10 que Tamango et Ayche*. Une nuit, la mer tait agite*e, le vent soufflait avec violence, et I'obscurite' e"tait si grande, que de la poupe on ne pouvait voir la proue du navire. Ayche* dtait couchee sur un matelas dans la chambre du capitaine, 15 et Tamango etak assis a ses pieds. Tous les deux gardaient le silence depuis longtemps. Tamango, s'e'cria enfin Ayche", tout ce que tu souffres tu le souffres a cause de moi . . . Je ne souffre pas, re*pondit-il brusquement. Et il 20 jeta sur le matelas, a c6te* de sa femme, la moitie" d'un biscuit qui lui restait. Garde-le pour toi, dit-elle en repoussant douce- ment le biscuit; je n'ai plus faim. D'ailleurs, pourquoi manger ? Mon heure n'est-elle pas venue ? 25 Tamango se leva sans re*pondre, monta en chancelant sur le tillac et s'assit au pied d'un mat rompu. La tete penche*e sur sa poitrine, il sifflait Pair de sa famille. Tout a coup un grand cri se fit entendre au-dessus du bruit du vent de la mer; une lumiere parut. II entendit 28 d'autres cris, et un gros vaisseau noir glissa rapidement aupres du sien; si pres, que les vergues passerent au- dessus de sa tete. II ne vit que deux figures e'claire'es par une lanterne suspendue a un mat. Ces gens pous- serent encore un cri, et aussitot leur navire, emporte par 5 le vent, disparut dans Fobscurite. Sans doute les hommes de garde avaient apercu le vaisseau naufrage"; mais le gros temps empechait de virer de bord. Un instant apres, Tamango vit la flamme d'un canon et entendit le bruit de 1'explosion; puis il vit la flamme 10 d'un autre canon, mais il n'entendit aucun bruit; puis il ne vit plus rien. Le lendemain, pas une voile ne paraissait a 1'horizon. Tamango se recoucha sur son matelas et ferma les yeux. Sa femme Ayche* e"tait morte cette nuit-la. 15 Je ne sais combien de temps apres une fre'gate anglaise, la Bcllone, apercut un bailment demate* et en apparence abandonne" de son equipage. Une chaloupe, 1'ayant aborde, y trouva une n^gresse morte et un negre si de"charn et si maigre, qu'il ressemblait a une momie. 20 II e*tait sans connaissance, mais avait encore un souffle de vie. Le chirurgien s'en empara, lui donna des soins, et quand la Bellone aborda a Kingston, Tamango e*tait en parfaite sante*. On lui demanda son histoire. II dit ce qu'il en savait. Les planteurs de File voulaient 25 qu'on le pendit comme un negre rebelle; mais le gouver- neur, qui e"tait un homme humain, s'inteYessa a lui, trouvant son cas justifiable, puisque, apres tout, il n'avait ait qu'user du droit le*gitime de defense; et puis TAMANGO 29 ceux qu'il avait tue"s n'e*taient que des Francais. On le traita comme on traite les negres pris a bord d'un vais- seau ndgrier que 1'on confisque. On lui donna la libert^, c'est-a-dire qu'on le fit travailler pour le gouverne- 5 ment; mais il avait six sous par jour et la nourriture. C'dtait un fort bel homme. Le colonel du 75 le vit et le prit pour en faire un cymbalier dans la musique de son regiment. II apprit un peu d'anglais; mais il ne parlait guere. En revanche, il buvait avec exces du 10 rhum et du tafia. II mourut a I'h6pital d'une inflamma- tion de poitrine. MAUPASSANT LA PEUR A J.-K. Huysmam* V ON remonta sur le pont apres diner. Devant nous, la Mediterranee n'avait pas un frisson sur toute sa surface qu'une grande lune calme moirait. Le vaste bateau glissait, jetant sur le ciel, qui semblait ensemence d'etoiles, un gros serpent de fumee noire: et, derriere 5 nous, 1'eau toute blanche, agitee par le passage rapide du lourd batiment, battue par 1'helice, moussait, sem- blait se tordre, remuait tant de clartes qu'on eut dit de la lumiere de lune bouillonnant. Nous e'tions la, six ou huit, silencieux, admirant, Pceil 10 tourne vers 1'Afrique lointaine ou nous allions. Le commandant,' qui fumait un cigare au milieu de nous, reprit soudain la conversation du diner. Oui, j'ai eu peur ce jour-la. Mon navire est reste six heures avec ce rocher dans le ventre, battu par la 15 mer. Heureusement que nous avons ete recueillis, vers le soir, par un charbonnier anglais qui nous apercut. Alors un grand homme a figure brulee, a 1'aspect grave, un de ces hommes qu'on sent avoir traverse de longs pays inconnus, au milieu de dangers incessants, ?o et dont 1'oeil tranquille semble garder, dans sa profon- deur, quelque chose des paysages Granges qu'il a vus: un de ces hommes qu'on devine trempes dans ie courage, parla pour la premiere fois: 30 LA PEUR 31 Vous dites, commandant que vous avez eu peur; je n'en crois rien. Vous vous trompez sur le mot et sur la sensation que vous avez e*prouvee. Un homme e"nergique n'a jamais peur en face du danger pressant. 5 II est emu, agile", anxieux; mais la peur c'est autre chose. Le commandant reprit en riant: Fichtre! je vous re"ponds bien que j'ai eu peur, moi. Alors Phomme au teint bronze" prononja d'une voix lente: to Permettez-moi de m'expliquer! La peur (et les hommes les plus hardis peuvent avoir peur), c'est quel- que chose d'effroyable, une sensation atroce, comme une decomposition de 1'ame, un spasme affreux de la pensee et du cceur, dont le souvenir seul donne des frissons 15 d'angoisse. Mais cela n'a lieu, quand on est brave, ni devant une attaque, ni devant la mort inevitable, ni devant toutes les formes connues du pe*ril: cela a lieu dans certaines circonstances anormales, sous certaines influences mysteYieuses en face de risques vagues. La BO vraie peur, c'est quelque chose comme une reminiscence des terreurs fantastiques d'auirefois. Un homme qui croit aux revenants, et qui s'imagine apercevoir un spectre dans la nuit, doit e"prouver la peur en toute son epou- vantable horreur. 25 Moi, j'ai devine" la peur en plein jour, il y a dix ans environ. Je 1'ai ressentie, 1'hiver dernier, par une nuit de de"cembre. Et pourtant, j'ai traverse* bien des hasards, bien des aventures qui semblaient mortelles. Je me suis battu 30 souvent. J'ai e"te" laisse" pour mort par des voleurs. J'ai e"te" condamne", comme insurge", a etre pendu, en Ame"- 32 MAUPASSANT rique, et jete" a la mer du pont d'un batiment sur les cotes de Chine. Chaque fois je me suis cru perdu, j'en ai pris immediatement mon parti, sans attendrissement et meme sans regrets. Mais la peur ce n'est pas cela. 5 Je 1'ai pressentie en Afrique. Et pourtant elle est fille du Nord; le soleil la dissipe comme un brouillard. Remarquez bien ceci, Messieurs. Chez les Orientaux la vie ne compte pour rien; on est rdsigne tout de suite: les nuits sont claires et vides des inquietudes sombres 10 qui hantent les cerveaux dans les pays froids. En Orient, on peut cortnaitre la panique, on ignore la peur. Eh bien! voici ce qui m'est arrive" sur cette terre d' Afrique: Je traversais les grandes dunes au sud de Ouargla. 15 C'est la un des plus e*tranges pays du monde. Vous con- naissez le sable uni, le sable droit des interminables plages de 1'Oce'an. Eh! bien figurez-vous 1'Oce'an lui- meme devenu sable au milieu d'un ouragan; imaginez une tempete silencieuse de vagues immobiles en pous- 20 siere jaune. Elles sont hautes comme des montagnes, ces vagues inegales, diffe'rentes, souleve'es tout a fait comme des flots de'chaine's, mais plus grandes encore, et striees comme de la moire. Sur cette mer furieuse, muette et sans mouvement, le deVorant soleil du Sud 25 verse sa flamme implacable et directe. II faut gravir ces lames de cendre d'or, redescendre, gravir encore, gravir sans cesse, sans repos et sans ombre. Les chevaux ralent, enfoncent jusqu'aux genoux, et glissent en deValant 1'autre versant des surprenantes collines. 30 Nous e"tions deux amis suivis de huit spahis et de 33 quatre chameaux avec leurs chameliers. Nous ne par- lions plus, accable"s de chaleur, de fatigue, et desse'ches de soif comme ce desert ardent. Soudain un de nos hommes poussa une sorte de cri; tous s'arreterent; et 5 nous demeurames immobiles, surpris par un inexpli- cable phenomene, connu des voyageurs en ces contrees perdues. Quelque part, pres de nous, dans une direction inde- termine'e, un tambour battait, le myste'rieux tambour 10 des dunes; il battait distinctement, tantot plus vibrant, tantot affaibli, arretant, puis reprenant son roulement fantastique. Les Arabes, e*pouvante*s, se regardaient; et 1'un dit, en sa langue: "La mort est sur nous. Et voila que 15 tout a coup mon compagnon mon ami, presque mon frere, tomba de cheval, la tete en avant, foudroye par une insolation. Et pendant deux heures, pendant que j'essayais en vain de le sauver, toujours ce tambour insaisissable 20 m'emplissait 1'oreille de son bruit monotone, intermit- tent et incomprehensible; et je sentais se glisser dans mes os la peur, la vraie peur, la hideuse peur, en face de ce cadavre aime*, dans ce trou incendie* par le soleil entre quatre monts de sable, tandis que l'e*cho inconnu 25 nous jetait, a deux cents lieues de tout village francais, le battement rapide du tambour. Ce jour-la, je compris ce que c'e"tait que d'avoir peur; je 1'ai su mieux encore une autre fois . . . Le commandant interrompit le conteur: 30 - Pardon, Monsieur, mais ce tambour? Qu'dtait-ce? Le voyageur re*pondit: 34 MAUPASSANT Je n'en sals rien. Personne ne salt. Les officiers, surpris souvent par ce bruit singulier, 1'attribuent ge"ne"- ralement a 1'echo gross! , multiplie, demesurement enfle par les vallonnements des dunes, d'une grele de grains de sable emportes dans le vent et heurtant une touflfe j d'herbes scenes; car on a toujours remarque" que le phe- nomene se produit dans le voisinage de petites plantes brulees par le soleil, et dures comme du parchemin. Ce tambour ne serait done qu'une sorte de mirage du son. Voila tout. Mais je n'appris cela que plus tard. 10 J'arrive a ma seconde emotion. C'etait 1'hiver dernier, dans une foret du nord-est de la France. La nuit vint deux heures plus tot, tant le ciel etait sombre. J'avais pour guide un paysan qui marchait a mon cote, par un tout petit chemin, sous une ij voute de sapins dont le vent dechaine tirait des hurle- ments. Entre les cimes, je voyais courir des nuages en de*route, des nuages e*perdus qui semblaient fuir devant une e*pouvante. Parfois sous une immense rafale, toute la foret s'inclinait dans le meme sens avec 20 un ge"missement de souff ranee; et le froid m'envahissait, malgre" mon pas rapide et mon lourd vetement. Nous devions souper et coucher chez un garde fores- tier dont la maison n'&ait plus eloignee de nous. J'allais la pour chasser. 25 Mon guide, parfois, levait les yeux et murmurait: Triste temps ! Puis il me parla des gens chez qui nous arrivions. Le pere avail tue un braconnier deux ans auparavant, et, depuis ce temps, il semblait sombre, comme bante" d'un souvenir. Ses deux fils, mane's, 30 vivaient avec lui. LA PEUR 35 Les te*nebres e*taient profondes. Je ne voyais rien devant moi, ni autour de moi, et toute la branchure des arbres entre-choques emplissait la nuit d'une rumeur incessante. Enfin, j'apercus une lumiere, et bientot 5 mon compagnon heurtait une porte. Des cris aigus de femmes nous repondirent. Puis, une voix d'homme, une voix etrangle"e demanda: "Qui va la? B Mon guide se nomma. Nous entrames. Ce fut un inoubliable tableau. 10 Un vieux homme a cheveux blancs, a 1'ceil fou, le fusil charge* dans la main, nous attendait debout au milieu de la cuisine, tandis que deux grands gaillards, arme's de baches, gardaient la porte. Je distinguai dans les coins sombres deux femmes a genoux, le visage cache contre 15 le mur. On s'expliqua. Le vieux remit son arme contre le mur et ordonna de preparer ma chambre; puis, comme les femmes ne bougeaient point, il me dit brusquement: Voyez-vous, Monsieur, j'ai t\i6 un homme il y a 20 deux ans, cette nuit. L'autre anne*e, il est revenu m'ap- peler. Je 1'attends encore ce soir. Puis il ajouta d'un ton qui me fit sourire: Aussi, nous ne sommes pas tranquilles. Je le rassurai comme je pus, heureux d'etre venu 25 justement ce soir-la, et d'assister au spectacle de cette terreur superstitieuse. Je racontai des histoires, et je parvins a calmer a peu pres tout le monde. Pres du foyer, un vieux chien, presque aveugle et moustachu, un de ces chiens qui ressemblent a des gens 30 qu'on connait, dormait le nez dans ses pattes. Au dehors, la tempete acharne*e battait la petite 36 MAUPASSANT maison, et, par un e"troit carreau, une sorte de judas place" pres de la porte, je voyais soudain tout un fouillis d'arbres bouscule's par le vent a la lueur de grands dclairs. Malgre* mes efforts, je sentais bien qu'une terreur 5 profonde tenait ces gens, et chaque fois que je cessais de parler, toutes les oreilles ecoutaient au loin. Las d'assister a ces craintes imbeciles, j'allais demander a me coucher, quand le vieux garde tout a coup fit un bond de sa chaise, saisit de nouveau son fusil, en be"- 10 gayant d'une voix e*garee: <( Le voila! le voila! Je l'entends! Les deux femmes retomberent a genoux dans leurs coins en se cachant le visage; et les fils re- prirent leurs baches. J'allais tenter encore de les apaiser, quand le chien endormi s'eVeilla brusquement 15 et, levant sa tete, tendant le cou, regardant vers le feu, de son ceil presque e*teint, il poussa un de ces lugubres hurlements qui font tressaillir les voyageurs, le soir, dans la campagne. Tous les yeux se porterent sur lui, il restait maintenant immobile, dresse* sur ses pattes 20 comme hante* d'une vision et il se mit a hurler vers quel- que chose d'invisible, d'inconnu, d'affreux sans doute, car tout son poil se he'rissait. Le garde, livide, cria: I1 le sent! il le sent! il e*tait la quand je 1'ai tue*. Et les deux femmes e*garees se mirent, toutes les deux, a 25 hurler avec le chien. Malgre* moi, un grand frisson me courut entre les e"paules. Cette vision de 1'animal dans ce lieu, a cette heure, au milieu de ces gens eperdus, e*tait effrayante a voir. 30 Alors, pendant une heure, le chien hurla sans bouger; LA PEUR 37 il hurla comme dans 1'angoisse d'un reve; et la peur, l'e*pouvantable peur entrait en moi; la peur de quoi? Le sais-je? C'e'tait la peur, voila tout. Nous restions immobiles, livides, dans 1'attente d'un 5 e've'nement aflreux, 1'oreille tendue, le cceur battant, bouleverse's au moindre bruit. Et le chien se mit a tourner autour de la piece, en sentant les murs et ge'mis- sant toujours. Cette bete nous rendait fous! Alors, le paysan qui m'avait amend se jeta sur elle, dans une 10 sorte de paroxysme de terreur furieuse, et, ouvrant une porte donnant sur une petite cour, jeta 1'animal dehors. II se tut aussitot; et nous restames plonge"s dans un silence plus terrifiant encore. Et soudain tous ensemble, nous eumes une sorte de sursaut: un etre glissait contre 15 le mur du dehors vers la foret; puis il passa contre la porte, qu'il sembla tater, d'une main hdsitante; puis on n'entendit plus rien pendant deux minutes qui firent de nous des insense's; puis il revint, frdlant toujours la muraille; et il gratta Idgerement, comme ferait un enfant 20 avec son ongle; puis soudain une te"te apparut contre la vitre du judas, une tete blanche avec des yeux lumineux comme ceux des fauves. Et un son sortit de sa bouche, un son indistinct, un murmure plaintif. Alors un bruit formidable e"clata dans la cuisine. Le 25 vieux garde avait tire" et aussit6t les fils se prdcipiterent, boucherent le judas en dressant la grande table qu'ils assujettirent avec le buffet. Et je vous jure qu'au fracas du coup de fusil que je n'attendais point, j'eus une telle angoisse du cceur, de '*p 1'ame et du corps, que je me sentis de*faillir, prt a mourir de peur. 61778 38 MAUPASSANT Nous restames la jusqu'a 1'aurore, incapables de bouger, de dire un mot, crispe*s dans un affolement indicible. On n'osa de"barricader la sortie qu'en apercevant, par la fente a'un auvent, un mince rayon de jour. Au pied du mur, centre la porte, le vieux chien gisait, la gueule brise'e d'une balle. II e*tait sorti de la cour en creusant un trou sous une palissade. L'homme au visage brun se tut; puis il ajouta: Cette nuit-la, pourtant, je ne courus aucun danger; mais j'aimerais mieux recommencer toutes les heures ou j'ai affronte les plus terribles perils, que la seule minute du coup de fusil sur la tete barbue du judas. DEUX AMIS M - PARIS e*tait bloque", aflame" et ralant. Les moineaux se faisaient bien rares sur les toits, et les e'gouts se de- peuplaient. On mangeait n'importe quoi. Comme il se promenait tristement par un clair matin 5 de Janvier le long du boulevard exterieur, les mains dans les poches de sa culotte d'uniforme et le ventre vide, M. Morissot, horloger de son e"tat et pantouflard par occasion, s'arreta net devant un confrere qu'il reconnut pour un ami. C'e"tait M. Sauvage, une connaissance 10 du bord de 1'eau. Chaque dimanche, avant la guerre, Morissot partait des 1'aurore, une canne en bambou d'une main, une boite en fer-blanc sur le dos. II prenait le chemin de fer d'Argenteuil, descendait a Colombes, puis gagnait a 15 pied 1'lle Marante. A peine arrive* en ce lieu de ses rves, il se mettait a pcher; il pchait jusqu'a la nuit. Chaque dimanche, il rencontrait la un petit homma replet et jovial, M. Sauvage, mercier, rue Notre-Dame- de-Lorette, autre pecheur fanatique. Us passaient sou- 20 vent une demi-journe*e cote a cote, la ligne a la main et les pieds ballants au-dessus du courant; et ils s'e"taieni: pris d'amitie* Pun pour 1'autre. En certains jours, ils ne parlaient pas. Quelquefois ils causaient; mais ils s'entendaient admirablement sans 39 40 MAUPASSANT rien dire, ayant des gouts semblables et des sensations identiques. Au printemps, le matin, vers dix heures, quand le soleil rajeuni faisait flotter sur le fleuve tranquille cette petite bue"e qui coule avec 1'eau, et versait dans le dos 5 des deux enrages pecheurs une bonne chaleur de saison nouvelle, Morissot parfois disait a son voisin: (( Hein! quelle douceur !* et M. Sauvage repondait: <( Je ne con- nais rien de meilleur. Et cela leur suffisait pour se comprendre et s'estimer. 10 A Pautomne, vers la fin du jour, quand le ciel, ensan- glante* par le soleil couchant, jetait dans 1'eau des figures de nuages ecarlates, empourprait le fleuve entier, en- flammait 1'horizon, faisait rouges comme du feu entre les deux amis, et dorait les arbres roussis deja, fremis- 15 sants d'un frisson d'hiver, M. Sauvage regardait en souriant Morissot et prononcait: (< Quel spectacle ! )J Et Morissot emerveille repondait, sans quitter des yeux son flotteur: <( Cela vaut mieux que le boulevard, hein ? 20 Des qu'ils se furent reconnus, ils se serrerent les mains energiquement, tout emus de se retrouver en des circonstances si differentes. M. Sauvage, poussant un soupir, murmura: En voila des evenements ! B Morissot, tres morne, ge"mit: B Et quel temps! C'est aujourd'hui 25 le premier beau jour de l'anne*e. )} Le ciel etait, en effet, tout bleu et plein de lumiere. Ils se mirent a marcher cote a cote, reveurs et tristes, Morissot reprit : * Et la peche ? hein ! quel bon souvenir ! * M. Sauvage demanda: Quand y retournerons-nous?" 30 Ils entrerent dans un petit cafe et burent ensemble DEUX AMIS 41 une absinthe; puis ils se remirent a se promener sur les trottoirs. Morissot s'arreta soudain: "Une seconde verte, hein? M. Sauvage y consentit: W A votre disposition.* Et 5 ils pene"trerent chez un autre marchand de vins. Ils e*taient fort e"tourdis en sortant, trouble's comme des gens a jeun dont le ventre est plein d'alcool. II faisait doux. Une brise caressante leur chatouillait le visage. 10 M. Sauvage, que Pair tiede achevait de griser, s'arreta: *Si on y allait? Ouca? A la peche, done. Mais ou? 15 Mais a notre ile. Les avant-postes francais sont aupres de Colombes. Je connais le colonel Dumoulin; on nous laissera passer facilement. * Morissot fre"mit de de"sir: C'est dit. J'en suis.* Et ils se se'parerent pour prendre leurs instruments. 20 Une heure apres, ils marchaient cote a c6te sur la grand'route. Puis ils gagnerent la villa qu'occupait le colonel. II sourit de leur demande et consentit a leur fantaisie. Ils se remirent en marche, munis d'un laissez- passer. 25 Bientot ils franchirent les avant-postes, traverserent Colombes abandonne", et se trouverent au bord des petits champs de vigne qui descendent vers la Seine. II tait environ onze heures. En face, le village d'Argenteuil semblait mort. Les 30 hauteurs d'Orgemont et de Sannois dominaient tout le pavs. La grande plaine qui va jusqu'a Nanterre e"tait 4 MAUPASSANT vide, toute vide, avec ses cerisiers nus et ses terres grises. M. Sauvage, montrant du doigt les sommets, murmura: *Les Prussiens sont la-haut!* Et une inquietude paralysait les deux amis devant ce pays desert. 5 Les Prussiens! Us n'en avaient jamais aperfu mais 51s les sentaient la depuis des mois, autour de Paris, ruinant la France, pillant, massacrant, affamant, in- visibles et tout-puissants. Et une sorte de terreur superstitieuse s'ajoutait a la haine qu'ils avaient pour 10 ce peuple inconnu et victorieux. Morissot balbutia: <( Hein! si nous allions en ren- contrer ? M. Sauvage re*pondit, avec cette gouaillerie parisienne reparaissant malgre tout: 15 Nous leur offririons une friture. Mais ils hesitaient a s'aventurer dans la campagne, intimides par le silence de tout 1'horizon. A la fin, M. Sauvage se decida: 8 Allons, en route! mais avec precaution. 9 Et ils descendirent dans un 20 champ de vigne, courbes en deux, rampant, profitant des buissons pour se couvrir, Pceil inquiet, 1'oreille tendue. Une bande de terre nue restait a traverser pour gagner le bord du fleuve. Ils se mirent a courir; et des qu'ils eurent atteint la berge, ils se blottirent dans les roseaux 25 sees. Morissot colla sa joue par terre pour ecouter si on ne marchait pas dans les environs. II n'entendit rien. Ils etaient bien seuls, tout seuls. Ils se rassurerent et se mirent a pcher. 30 En face d'eux, Pile Marante abandonee les cachait DEUX AMIS 43 a 1'autre berge. La petite maison du restaurant e"tait close, semblait delaissee depuis des anne*es. M. Sauvage prit le premier goujon. Morissot attrapa le second, et d'instant en instant ils levaient leurs lignes 5 avec une petite bete argentee fretillant au bout du fil; une vraie peche miraculeuse. Ils introduisaient delicatement les poissons dans une poche de filet a mailles tres serrees, qui trempait a leurs pieds, et une joie delicieuse les penetrait, cette joie qui to vous saisit quand on retrouve un plaisir aime* dont on est prive" depuis longtemps. Le bon soleil leur coulait sa chaleur entre les e*paules; ils n'e"coutaient plus rien; ils ne pensaient plus a rien; ils ignoraient le reste du monde; ils pechaient. 15 Mais soudain un bruit sourd qui semblait venir de sous terre fit trembler le sol. Le canon se remettait a tonner. Morissot tourna la tete, et par-dessus la berge il aperfut, la-bas, sur la gauche, la grande silhouette du a Mont-Valerien, qui portait au front une aigrette blanche, une bue*e de poudre qu'il venait de cracher. Et aussitot un second jet de fumee partit du sommet de la forteresse; et quelques instants apres une nouvelle detonation gronda. 25 Puis d'autres suivirent, et de moment en moment, la montagne jetait son haleine de mort, soufflait ses vapeurs laiteuses qui s'elevaient lentement dans le ciel calme, faisaient un nuage au-dessus d'elle. M. Sauvage haussa les e"paules: Voila qu'ils recom- 30 mencent, dit-il. Morissot, qui regardait anxieusement plonger coup 44 MAUPASSANT sur coup la plume de son flotteur, fut pris soudain d'une colere d'homme paisible contre ces enrages qui se bat- taient ainsi, et il grommela: Faut-il etre stupide pour se tuer comme ca! 9 M. Sauvage reprit: (( C'est pis que des betes." 5 Et Morissot qui venait de saisir une ablette, de*clara: Et dire que ce sera toujours ainsi tant qu'il y aura des gouvernements. * M. Sauvage 1'arreta: (( La Republique n'aurait pas declare la guerre . . . }) 10 Morissot Pinterrompit: (< Avec les rois on a la guerre au dehors; avec la Rdpublique on a la guerre au de- dans. Et tranquillement ils se mirent a discuter, debrouillant les grands problemes politiques avec une raison saine 15 d'hommes doux et bornes, tombant d'accord sur ce point, qu'on ne serait jamais libres. Et le Mont-Valerien tonnait sans repos, demolissant a coups de boulet des maisons francaises, broyant des vies, dcrasant des etres, mettant fin a bien des reves, a bien des joies attendues, 20 a bien des bonheurs espere's, ouvrant en des coeurs de femmes, en des cceurs de filles, en des cceurs de meres, la-bas, en d'autres pays, des souffrances qui ne fini- raient plus. C'est la vie, d^clara M. Sauvage. 25 Dites plutot que c'est la mort, reprit en riant. Morissot. Mais ils tressaillirent effar^s, sentant bien qu'on venait de marcher derriere eux; et ayant tournd les yeux, ils apercurent, debout contre leurs e"paules, quatre 30 hommes, quatre grands hommes arme's et barbus, vetus DEUX AMIS 45 comme des domestiques en livre'e et coiffe*s de casquettes plates, les tenant en joue au bout de leurs fusils. Les deux lignes s'echapperent de leurs mains et se mirent a descendre la riviere. 5 En quelques secondes, ils furent saisis, emportes, jetes dans une barque et passes dans Pile. Et derriere la maison qu'ils avaient crue abandonee, ils apercurent une vingtaine de soldats allemands. Une sorte de geant velu, qui fumait, a cheval sur une 10 chaise, une grande pipe de porcelaine, leur demanda, en excellent francais: Eh bien, messieurs, avez-vous fait bonne peche? Alors un soldat de"posa aux pieds de 1'officier le filet plein de poissons, qu'il avait eu soin d'emporter. Le 15 Prussien sourit: Eh! eh! je vois que ca n'allait pas mal. Mais il s'agit d'autre chose. coutez-moi et ne vous troublez pas. Pour moi, vous etes deux espions envoyes pour me guetter. Je vous prends et je vous fusille. Vous faisiez 20 semblant de pecher, afin de mieux dissimuler vos pro- jets. Vous etes tombe's entre mes mains, tant pis pour vous; c'est la guerre. "Mais comme vous etes sortis par les avant-postes, vous avez assure"ment un mot d'ordre pour rentrer, 25 Donnez-moi ce mot d'ordre et je vous fais grace. * Les deux amis, livides, c6te a cote, les mains agite*es d'un le*ger tremblement nerveux, se taisaient. L'officier reprit: 'Personne ne le saura jamais, vous rentrerez paisiblement. Le secret disparaitra avec 30 vous. Si vous refusez, c'est la mort, et tout de suite. Choisissez. 46 MAUPASSANT Us demeuraient immobiles sans ouvrir la bouche. Le Prussien, toujours calme, reprit en dtendant la main vers la riviere: (( Songez que dans cinq minutes vous serez au fond de cette eau. Dans cinq minutes! Vous devez avoir des parents? 9 5 Le Mont-Valerien tonnait toujours. Les deux pecheurs restaient debout et silencieux. L'Allemand donna des ordres dans sa langue. Puis il changea sa chaise de place pour ne pas se trouver trop pres des prisonniers; et douze hommes vinrent se placer 10 a vingt pas, le fusil au pied. L'officier reprit: (( Je vous donne une minute, pas deux secondes de plus. 8 Puis il se leva brusquement, s'approcha des deux Francais, prit Morissot sous le bras, 1'entrama plus loin, 15 lui dit a voix basse: (( Vite, ce mot d'ordre? Votre camarade ne saura rien, j'aurai Pair de m'attendrir. Morissot ne repondit rien. Le Prussien entraina alors M. Sauvage et lui posa la meme question. 20 M. Sauvage ne repondit pas. Us se retrouverent cote a cote. Et 1'officier se mit a commander. Les soldats e"le- verent leurs armes. Alors le regard de Morissot tomba par hasard sur le 25 filet plein de goujons, restd dans 1'herbe, a quelques pas de lui. Un rayon de soleil faisait briller le tas de poissons qui s'agitaient encore. Et une defaillance 1'envahit. Malgre" ses efforts, ses yeux s'emplirent de larmes. 30 II balbutia: "Adieu, monsieur Sauvage. 9 DEUX AMIS 47 M. Sauvage rpondit: "Adieu, monsieur Morissot. * Us se serrerent la main, secoue's des pieds a la te"te par d'invincibles tremblements. L'officier cria: Feu! 5 Les douze coups n'en firent qu'un. M. Sauvage tomba d'un bloc sur le nez. Morissot, plus grand, oscilla, pivota et s'abattit en travers sur son camarade, le visage au ciel, tandis que des bouil- lons de sang s'dchappaient de sa tunique creve"e a la jo poitrine. L'Allemand donna de nouveaux ordres. Ses hommes se disperserent, puis revinrent avec des cordes et des pierres qu'ils attachment aux pieds des deux morts; puis ils les porterent sur la berge. 15 Le Mont-Vale"rien ne cessait pas de gronder, coiffe maintenant d'une montagne de fume'e. Deux soldats prirent Morissot par la tete et par les jambes; deux autres saisirent M. Sauvage de la meme facon. Les corps, un instant balance's avec force, furent >o lance's au loin, de*crivirent une courbe, puis plongerent, debout, dans le fleuve, les pierres entralnant les pieds d'abord. L'eau rejaillit, bouillonna, frissonna, puis se calma, tandis que de toutes petites vagues s'en venaient jus- 25 qu'aux rives. Un peu de sang flottait. L'officier, toujours serein, dit a mi-voix: "C'est le tour des poissons maintenant." Puis il revint vers la maison. 30 Et soudain il apercut le filet aux goujons dans 1'herbe. II le ramassa, 1'examina, sourit, cria: "Wilhelm!" 48 MAUPASSANT Un soldat accourut, en tablier blanc. Et le Prussian, lui jetant la peche des deux fusille"s, commanda: Fais- moi frire tout de suite ces petits animaux-la pendant qu'ils sont encore vivants. Ce sera delicieux. * Puis il se remit a fumer sa pipe. LA PARURE C'TAIT une de ces jolies et charmantes filles, nes, comme par une erreur du destin, dans une famille d'employe's. Elle n'avait pas de dot, pas d'espe"rances, aucun moyen d'etre connue, comprise, aime*e, dpousee 5 par un homme riche et distingue*; et elle se laissa marier avec un petit commis du ministere de ['Instruction publique. Elle fut simple, ne pouvant etre pare"e; mais malheu- reuse comme une de'classe'e; car les femmes n'ont point 10 de caste ni de race, leur beaute*, leur grace et leur charme leur servant de naissance et de famille. Leur finesse native, leur instinct d'e'le'gance, leur souplesse d'esprit sont leur seule hierarchic, et font des filles du peuple les e"gales des plus grandes dames. 15 Elle souffrait sans cesse, se sentant ne'e pour toutes les de*licatesses et tous les luxes. Elle souffrait de la pauvrete" de son logement, de la misere des murs, de 1'usure des sieges, de la laideur des e"toffes. Toutes ces choses, dont une autre femme de sa caste ne se serai t 20 mme pas apercue, la torturaient et 1'indignaient. La vue de la petite Bretonne qui faisait son humble manage eVeillait en elle des regrets de'sole's et des reves e"perdus. Elle songeait aux antichambres muettes, capitonne"es avec des tentures orientales, e'claire'es par de hautes 40 50 MAUPASSANT torcheres de bronze, et aux deux grands valets en culotte courte qui dorment dans les larges fauteuils, assoupis par la chaleur lourde du calorifere. Elle songeait aux grands salons vetus de soie ancienne, aux meubles fins portant des bibelots inestimables, et aux petits salons co- 5 quets, parfumes, fails pour la causerie de cinq heures avec les amis les plus intimes, les hommes connus et recherche's dont toutes les femmes envient et desirent 1'attention. Quand elle s'asseyait, pour diner, devant la table ronde couverte d'une nappe de trois jours, en face de 10 son mari qui decouvrait la soupiere en declarant d'un air enchante: (< Ah! le bon pot-au-feu! je ne sais rien de meilleur que cela . . .,* elle songeait aux diners fins, aux argenteries reluisantes, aux tapisseries peuplant les murailles de personnages anciens et d'oiseaux Granges 15 au milieu d'une foret de f eerie; elle songeait aux plats ex- quis servis en des vaisselles merveilleuses, aux galanteries chuchotees et ecoutees avec un sourire de sphinx, tout en mangeant la chair rose d'une truite ou des ailes de gelinotte. 20 Elle n'avait pas de toilettes, pas de bijoux, rien. Et elle n'aimait que cela; elle se sentait faite pour cela. Elle cut tant desire plaire, etre enviee, etre se*duisante et recherchee. Elle avait une amie riche, une camarade de couvent 25 qu'elle ne voulait plus aller voir, tant elle souffrait en revenant. Et elle pleurait pendant des jours entiers, de chagrin, de regret, de desespoir et de de"tresse. Or, un soir, son mari rentra, Pair glorieux et tenant a la main une large enveloppe. 30 LA PARURE 51 Tiens, dit-il, voici quelque chose pour toi. Elle de*chira vivement le papier et en tira une carte imprime'e qui portait ces mots: * Le ministre de PInstruction publique et M me Georges 5 Ramponneau prient JM^__et_^^_Loisei, de leur faire 1'honneur de venir passer la soire*e a 1'hotel du minis- tere, le lundi 18 Janvier. 9 Au lieu d'etre ravie, comme 1'esperait son mari, elle jeta avec de"pit 1'invitation sur la table, murmurant: 10 Que veux-tu que je fasse de cela ? Mais, ma che"rie, je pensais que tu serais contente. Tu ne sors jamais, et c'est une occasion, cela, une belle! J'ai eu une peine infinie a 1'obtenir. Tout le monde en veut; c'est tres recherche" et on n'en donne pas beaucoup 15 aux employe's. Tu verras la tout le monde officiel. Elle le regardait d'un ceil irrite", et elle declara avec impatience: Que veux-tu que je me mette sur le dos pour aller la? 20 II n'y avait pas songe"; 51 balbutia: Mais la robe avec laquelle tu vas au theatre. Elle me semble tres bien, a moi . . . II se tut, stupe"fait, e*perdu, en voyant que sa femme pleurait. Deux grosses larmes descendaient lentement 25 des coins des yeux vers les coins de la bouche; il be"gaya: Qu'as-tu ? qu'as-tu ? Mais, par un effort violent, elle avait dompte* sa peine et elle re"pondit d'une voix calme en essuyant ses joues humides: 30 Rien. Seulement je n'ai pas de toilette et par consequent je ne peux aller a cette fte. Donne ta 52 MAUPASSANT carte a quelque collogue dont la femme sera mieux nippee que moi. II etait desole. II reprit: - Voyons, Mathilde. Combien cela couterait-il, une toilette convenable, qui pourrait te servir encore en 5 d'autres occasions, quelque chose de tres simple? Elle re'fle'chit quelques secondes, etablissant ses comptes et songeant aussi a la somme qu'elle pouvait demander sans s'attirer un refus immediat et une excla- mation effaree du commis econome. 10 Enfin, elle re*pondit en hesitant: - Je ne sais pas au juste, mais il me semble qu'avec quatre cents francs je pourrais arriver. II avait un peu pali, car il reservait juste cette somme pour acheter un fusil et s'offrir des parties de chasse, 15 1'ete suivant, dans la plaine de Nanterre, avec quelques amis qui allaient tirer des alouettes, par la, le dimanchc. II dit cependant: Soit. Je te donne quatre cents francs. Mais tache d'avoir une belle robe. 20 Le jour de la fte approchait, et M me Loisel semblait triste, inquiete, anxieuse. Sa toilette e"tait prete cepen- dant. Son mari lui dit un soir: Qu'as-tu ? Voyons, tu es toute drole depuis trois jours. 25 Et elle repondit: Cela m'ennuie de n'avoir pas un bijou, pas une pierre, rien a mettre sur moi. J'aurai Pair misere comme tout. J'aimerais presque mieux ne pas aller a cette soiree. 30 LA PARURE 53 II reprit: Tu mettras des fleurs naturelles. C'est tres chic en cette saison-ci. Pour dix francs tu auras deux ou trois roses magnifiques. 5 Elle n'e"tait point convaincue. Non . . . il n'y a rien de plus humiliant que d'avoir Pair pauvre au milieu de femmes riches. Mais son mari s'e"cria: Que tu es bete! Va trouver ton amie M me Fores- 10 tier et demande-lui de te preter des bijoux. Tu es bien assez lie"e avec elle pour faire cela. Elle poussa un cri de joie. C'est vrai. Je n'y avais point pense\ Le lendemain, elle se rendit chez son amie et lui 15 conta sa de"tresse. M me Forestier alia vers son armoire a glace, prit un large coffret, 1'apporta, 1'ouvrit, et dit a M me Loisel: Choisis, ma chere. Elle vit d'abord des bracelets, puis un collier de 20 perles, puis une croix venitienne, or et pierreries, d'un admirable travail. Elle essayait les parures devant la glace, he"sitait, ne pouvait se decider a les quitter, a les rendre. Elle demandait toujours: - Tu n'as plus rien autre ? 25 Mais si. Cherche. Je ne sais pas ce qui peut te plaire. Tout a coup elle de'couvrit, dans une boite de satin noir, une superbe riviere de diamants; et son cceur se mit a battre d'un de*sir immode're'. Ses mains tremblaient Y> en la prenant. Elle 1'attacha autour de sa gorge, sur sa robe montante, et demeura en extase devant elle-meme. 54 MAUPASSANT Puis, elle demanda, he*sitante, pleine d'angoisse: Peux-tu me preter cela, rien que cela ? Mais oui, certainement. Elle sauta au cou de son amie, 1'embrassa avec em- portement, puis s'enfuit avec son tre*sor. 5 Le jour de la fete arriva. M me Loisel cut un succes. Elle etait plus jolie que toutes, elegante, gracieuse, souriante et folle de joie. Tons les hommes la regar- daient, demandaient son nom, cherchaient a etre pr- sente"s. Tous les attaches du cabinet voulaient valser 10 avec elle. Le ministre la remarqua. Elle dansait avec ivresse, avec emportement, grise*e par le plaisir, ne pensant plus a rien, dans le triomphe de sa beaute", dans la gloire de son succes, dans une sorte de nuage de bonheur fait de tous ces hommages, de 15 toutes ces admirations, de tous ces desirs eveilles, de cette victoire si complete et si douce au cceur des femmes. Elle partit vers quatre heures du matin. Son mari, depuis minuit, dormait dans un petit salon desert avec trois autres messieurs dont les femmes s'amusaient 20 beaucoup. II lui jeta sur les e"paules les vetements qu'il avait apportes pour la sortie, modestes vetements de la vie ordinaire, dont la pauvrete* jurait avec l'e*legance de la toilette de bal. Elle le sentit et voulut s'enfuir, pour ne 25 pas etre remarque"e par les autres femmes qui s'enve- loppaient de riches fourrures. Loisel la retenait: Attends done. Tu vas attraper froid dehors. Je vais appeler un fiacre. 3 LA PARURE 55 Mais elle ne l'e*coutait point et descendait rapidement 1'escalier. Lorsqu'ils furent dans la rue, ils ne trou- verent pas de voiture; et ils se mirent a chercher, criant apres les cochers qu'ils voyaient passer de loin. 5 Ils descendaient vers la Seine, desespe'res, grelot- tants. Enfin ils trouverent sur le quai un de ces vieux coupe's noctambules qu'on ne voit dans Paris que la nuit venue, comme s'ils eussent ete honteux de leur misere pendant le jour. 10 II les ramena jusqu'a leur porte, rue des Martyrs, et ils remonterent tristement chez eux. C'etait fini, pour elle. Et il songeait, lui, qu'il lui faudrait etre au Minis- tere a dix heures. Elle ota les vetements dont elle s'etait enveloppe les 15 e"paules, devant la glace, afin de se voir encore une fois dans sa gloire. Mais soudain elle poussa un cri. Elle n'avait plus sa riviere autour du cou. Son, mari, a moitie' deVetu deja, demanda: Qu'est-ce que tu as ? 20 Elle se tourna vers lui, affolde: J'ai . . . j'ai . . . je n'ai plus la riviere de M me Forestier. II se dressa, e*perdu: Quoi! . . . comment! . . . Ce n'est pas possible! Et ils chercherent dans les plis de la robe, dans les 25 plis du manteau, dans les poches, partout. Ils ne la trouverent point. II demandait: - Tu es sure que tu 1'avais encore en quittant le bal ? Oui, je 1'ai touched dans le vestibule du Ministere. 30 Mais si tu 1'avais perdue dans la rue, nous 1'aurions entendue tomber. Elle doit etre dans le fiacre. 56 MAUPASSANT Oui. C'est probable. As-tu pris le numro ? Non. Et toi, tu ne 1'as pas regarde"? Non. Us se contemplaient atterres. Enfin Loisel se rhabilla. Je vais, dit-il, refaire tout le trajet que nous avons 5 fait a pied, pour voir si je ne la retrouverai pas. Et il sortit. Elle demeura en toilette de soiree, sans force pour se coucher, abattue sur une chaise, sans feu, sans pensee. Son mari rentra vers sept heures. II n'avait rien 10 trouve. II se rendit a la Prefecture de police, aux journaux, pour faire promettre une recompense, aux compagnies de petites voitures, partout enfin ou un soupcon d'espoir le poussait. 15 Elle attendit tout le jour, dans le meme e"tat d'effare- ment devant cet affreux desastre. Loisel revint le soir, avec la figure creuse*e, palie; il n'avait rien decouvert. II faut, dit-il, ecrire a ton amie que tu as brise la 20 fermeture de sa riviere et que tu la fais reparer. Cela nous donnera le temps de nous retourner. Elle crivit sous sa dicte. Au bout d'une semaine, ils avaient perdu toute espe*- rance. 25 Et Loisel, vieilli de cinq ans, de"clara: II faut aviser a remplacer ce bijou. Ils prirent, le lendemain, la boite qui 1'avait renferme*, et se rendirent chez le joaillier, dont le nom se trouvait dedans. II consulta ses livres: 30 LA PARURE 57 Ce n'est pas moi, madame, qui ai vendu cette riviere; j'ai du seulement fournir 1'ecrin. Alors ils allerent de bijoutier en bijoutier, cherchant une parure pareille a 1'autre, consultant leurs souvenirs, 5 malades tous deux de chagrin et d'angoisse. Ils trouverent, dans une boutique du Palais-Royal, un chapelet de diamants qui leur parut entierement semblable a celui qu'ils cherchaient. II valait quarante mille francs. On le leur laisserait a trente-six mille. jo Ils prierent done le joaillier de ne pas le vendre avant trois jours. Et ils firent condition qu'on le reprendrait pour trente-quatre mille francs, si le premier etait retrouve* avant la fin de feVrier. Loisel possedait dix-huit mille francs que lui avait 15 laisse*s son pere. II emprunterait le reste. II emprunta, demandant mille francs a Pun, cinq cents a 1'autre, cinq louis par-ci, trois par-la. II fit des billets, prit des engagements ruineux, eut affaire aux usuriers, a toutes les races de preteurs. II compromit 20 toute la fin de son existence, risqua sa signature sans savoir meme s'il pourrait y faire honneur, et, e'pouvante" par les angoisses de 1'avenir, par la noire misere qui allait s'abattre sur lui, par la perspective de toutes les privations physiques et de toutes les tortures morales, il 25 alia chercher la riviere nouvelle, en deposant sur le comptoir du marchand trente-six mille francs. Quand M me Loisel reporta la parure a M me Forestier, celle-ci lui dit, d'un air froisse*: - Tu aurais du me la rendre plus t6t, car je pouvais 30 en avoir besoin. Elle n'ouvrit pas Pe*crin, ce que redoutait son amie. 58 MAUPASSANT Si elle s'e"tait apercue de la substitution, qu'aurait-elle pense"? Qu'aurait-elle dit? Ne 1'aurait-elle pas prise pour une voleuse? M me Loisel connut la vie horrible des necessiteux. Elle prit son parti, d'ailleurs, tout d'un coup, hdroi'que- 5 ment. II fallait payer cette dette effroyable. Elle payerait. On renvoya la bonne; on changea de loge- ment; on loua sous les toits une mansarde. jjrf*A Eile connut les gros travaux du manage, les odieuses besognes de la cuisine. Elle lava la vaisselle, usant ses 10 ongles roses sur les poteries grasses et le fond des cas- seroles. Elle savonna le linge sale, les chemises et les torchons, qu'elle faisait secher sur une corde; elle des- cendit a la rue, chaque matin, les ordures, et monta 1'eau, s'arretant a chaque etage pour souffler. Et, vetue comme 15 une femme du peuple, elle alia chez le fruitier, chez l'e*picier, chez le boucher, le panier au bras, marchan- dant, injurie'e, defendant sou a sou son miserable argent. II fallait chaque mois payer des billets, en renouveler d'autres, obtenir du temps. 20 Le mari travaillait, le soir, a mettre au net les comptes d'un commercant, et la nuit souvent, il faisait de la copie a cinq sous la page. Et cette vie dura dix ans. Au bout de dix ans, ils avaient tout restitue*, tout, avec 25 le taux de Pusure, et 1'accumulation des inteYets super- pose's. M me Loisel semblait vieille, maintenant. Elle e"tait de venue la femme forte, et dure, et rude, des manages pauvres. Mai peigne"e, avec les jupes de travers et les 30 LA PARURE 59 mains rouges, elle parlait haut, lavait a grande eau les planchers. Mais parfois, lorsque son mari e"tait au bureau elle s'asseyait aupres de la fenetre, et elle songeait a cette soiree d'autrefois, a ce bal ou elle avail etc" si belle 5 et si fete"e. Que serait-il arriv si elle n'avait point perdu cette parure? Qui sait? qui sait? Comme la vie est singu- liere, changeante! Comme il faut peu de chose pour vous perdre ou vous sauverl 10 Or, un dimanche, comme elle e*tait allee faire un tour aux Champs-filyse'es pour se delasser des besognes de la semaine, elle apercut tout a coup une femme qui promenait un enfant. C'etait M me Forestier, toujours jeune, toujours belle, toujours seduisante. 15 M me Loisel se sentit e"mue. Allait-elle lui parler? Oui, certes. Et maintenant qu'elle avait paye", elle lui dirait tout. Pourquoi pas? Elle s'approcha. Bonjour, Jeanne. zo L'autre ne la reconnaissait point, s'e'tonnant d'etre appele*e ainsi familierement par cette bourgeoise. Elle balbutia: Mais . . . madame! . . . Je ne sais . . . Vous devez vous tromper. 25 Non. Je suis Mathilde Loisel. Son amie poussa un cri: Oh ! . . . ma pauvre Mathilde, comme tu es change'e! . . . Oui, j'ai eu des jours bien durs, depuis que je ne 30 t'ai vue; et bien des miseres . . . et cela a cause de toi! . . . 60 MAUPASSANT De moi . . . Comment ca ? Tu te rappelles bien cette riviere de diamante que tu m'as prete*e pour aller a la fete du Ministere. Oui. Eh bien ? Eh bien, je 1'ai perdue. 5 Comment! puisque tu me Pas rapporte*e. Je t'en ai rapporte" une autre toute pareille. Et voila dix ans que nous la payons. Tu comprends que fa n'e"tait pas aise* pour nous, qui n'avions rien . . . Enfin c'est fini, et je suis rudement contente. 10 M me Forestier s'etait arretee. Tu dis que tu as achete" une riviere de diamants pour remplacer la mienne? Oui. Tu ne t'en e"tais pas a perdue, hein! Elles e"taient bien pareilles. 15 Et elle souriait d'une joie orgueilleuse et naive. M me Forestier, fort e*mue, lui prit les deux mains. Oh! ma pauvre Mathilde! Mais la mienne e*tait fausse. Elle valait au plus cinq cents francs! . . . LA MRE SAUVAGE JE n'e*tais point revenu a Virelogne depuis quinze ans. J'y retournai chasser, a 1'automne, chez mon ami Serval, qui avail enfin fait reconstruire son chateau ckftruit par les Prussiens. 5 J'aimais ce pays infiniment. II est des coins du monde delicieux qui oht pour les yeux un charme sensuel. On les aime d'un amour physique. Nous gardens, nous autres que se"duit la terre, des souvenirs tendres pour certaines sources, certains bois, certains e"tangs, certaines jo collines, vus souvent et qui nous ont attendris a la facon des eVe'nements heureux. Quelquefois meme la pense'e retourne vers un coin de foret, ou un bout de berge, ou un verger poudre" de fleurs, apercus une seule fois, par un jour gai, et rested en notre cceur comme ces images 15 de femmes rencontre"es dans la rue, un matin de prin- temps, avec une toilette claire et transparente, et qui nous laissent dans 1'ame et dans la chair un de"sir inapaise", inoubliable, la sensation du bonheur coudoye*. A Virelogne, j'aimais toute la campagne, seme'e de 20 petits bois et traverse*e par des ruisseaux qui couraient dans le sol comme des veines, portant le sang a la lerre. On pe'chait la-dedans des e*crevisses, des truites et des anguilles! Bonheur divin! On pouvait se baigner par places, et on trouvait souvent des be*cassines dans les 6j 62 MAUPASSANT hautes herbes qui poussaient sur les bords de ces minces cours d'eau. J'dtais Ufger comme une chevre, regardant mes deux chiens fourrager devant moi. Serval, a cent metres sur ma droite, battait un champ de luzerne. Je tournai les 5 buissons qui forment la limite du bois des Saudres, et j'apercus une chaumiere en ruines. Tout a coup, je me la rappelai telle que je 1'avais vue pour la derniere fois,en i869,propre,vetue de vignes,avec des poules devant la porte. Quoi de plus triste qu'une 10 maison morte,avec son squelette debout,delabre,sinistre? Je me rappelai aussi qu'une bonne femme m'avait fait boire un verre de vin la-dedans, un jour de grande fatigue, et que Serval m'avait dit alors 1'histoire des habitants. Le pere, vieux braconnier, avail etc tue par 13 les gendarmes. Le fils, que j'avais vu autrefois, etait un grand garcon sec qui passait egalement pour un feroce destructeur de gibier. On les appelait les Sauvage. tait-ce un nom ou un sobriquet? Je he"lai Serval. II s'en vint de son long pas d'e'chas- 2< sier. Je lui demandai: Que sont devenus les gens de Ik ? Et il me conta cette aventure. n Lorsque la guerre fut de'clare'e, le fils Sauvage, qui 35 avait alors trente-trois ans, s'engagea, laissant la mere seule au logis. On ne la plaignait pas trop, la vieille, parce qu'elle avait de 1'argent, on le savait. LA M&RE SAUVAGE 63 Elle resta done toute seule dans cette maison iso!6e si loin du village, sur la lisiere du bois. Elle n'avait pas peur, du reste, e"tant de la mme race que ses hommes, une rude vieille, haute et maigre, qui ne riait pas souvent 5 et avec qui on ne plaisantait point. Les femmes des champs ne rient guere d'ailleurs. C'est affaire aux hommes, cela! Elles ont 1'ame triste et bornee, ayant une vie morne et sans e"claircie. Le paysan apprend un peu de gaiet bruyante au cabaret, mais sa compagne 10 reste serieuse avec une physionomie constamment seVere. Les muscles de leur face n'ont point appris les mouvements du rire. La mere Sauvage continua son existence ordinaire dans sa chaumiere, qui fut bientot couverte par les 15 neiges. Elle s'en venait au village, une fois par semaine, chercher du pain et un peu de viande; puis elle retour- nait dans sa masure. Comme on parlait des loups, elle sortait le fusil au dos, le fusil du fils, rouille", avec la crosse use"e par le frottement de la main; et elle e"tait 20 curieuse a voir, la grande Sauvage, un peu courbee, allant a lentes enjambe*es par la neige, le canon de 1'arme de"passant la coiffe noire qui lui serrait la tete et em- prisonnait ses cheveux blancs, que personne n'avait jamais vus. 25 Un jour les Prussiens arriverent. On les distribua aux habitants, selon la fortune et les ressources de chacun. La vieille, qu'on savait riche, en cut quatre. C'e"taient quatre gros garcons a la chair blonde, a la barbe blonde, aux yeux bleus, demeure's gras malgr les 30 fatigues qu'ils avaient endure"es de"ja, et bons enfants, bien qu'en pays conquis. Seuls chez cette femme agde, 64 MAUPASSANT ils se montrerent plains de provenances pour elle, lui e*pargnant, autant qu'ils le pouvaient, des fatigues et des defenses. On les voyait tous les quatre faire leur toilette autour du puits, le matin, en manches de chemise, mouillant a grande eau, dans le jour cru des neiges, leur 5 chair blanche et rose d'hommes du Nord, tandis que la mere Sauvage allait et venait, pre"parant la soupe. Puis on les voyait nettoyer la cuisine, f rotter les carreaux, casser du bois, e*plucher les pommes de terre, laver le linge, accomplir toutes les besognes de la maison, comme 10 quatre bons fils autour de leur mere. Mais elle pensait sans cesse, au sien, la vieille, a son grand maigre au nez crochu, aux yeux bruns, a la forte moustache qui faisait sur la levre un bourrelet de poils noirs. Elle demandait chaque jour, a chacun des 15 soldats installs a son foyer: Savez-vous ou est parti le regiment francais, vingt- troisieme de marche ? Mon garcon est dedans. Ils re"pondaient: Non, bas su, bas savoir tu tout.* Et, comprenant sa peine et ses inquietudes, eux qui 20 avaient des meres la-bas, ils lui rendaient mille petits soins. Elle les aimait bien, d'ailleurs, ses quatre enne- mis; car les paysans n'ont guere les haines patrio- tiques; cela n'appartient qu'aux classes supeYieures. Les humbles, ceux qui paient le plus parce qu'ils sont 25 pauvres et que toute charge nouvelle les accable, ceux qu'on tue par masses, qui forment la vraie chair a canon, parce qu'ils sont le nombre, ceux qui souffrent enfin le plus cruellement des atroces miseres de la guerre, parce qu'ils sont les plus faibles et les moins re"sistants, 30 ne comprennent guere ces ardeurs belliqueuses, ce point LA MERE SAUVAGE 6$ d'honneur excitable et ces pretendues combinaisons politiques qui e*puisent en six mois deux nations, la victorieuse comme la vaincue. On disait dans le pays, en parlant des Allemands de 5 la mere Sauvage: En v'la quatre qu'ont trouvd leur glte. Or, un matin, comme la vieille femme e"tait seule au logis, elle apercut au loin dans la plaine un homme qui venait vers sa demeure. Bientot elle le reconnut, c'etait 10 le piston charge de distribuer les lettres. II lui remit un papier plie et elle tira de son e"tui les lunettes dont elle se servait pour coudre; puis elle lut: "Madame Sauvage, la prdsente est pour vous porter une triste nouvelle. Votre garjon Victor a etc tue" hier 15 par un boulet, qui Pa cense"ment coup en deux parts. J'dtais tout pres, vu que nous nous trouvions cote a cote dans la compagnie et qu'il me parlait de vous pour vous preVenir au jour meme s'il lui arrivait malheur. "J'ai pris dans sa poche sa montre pour vous la 20 reporter quand la guerre sera finie. "Je vous salue amicalement. CESAIRE RIVOT, *Soldat de 2* classe au 23 de marche.* La lettre dtait datde de trois semaines. 25 Elle ne pleurait point, elle demeurait immobile, telle- ment saisie, he'be'te'e, qu'elle ne souffrait meme pas encore. Elle pensait: V'la Victor qu'est tu^ mainte- nant. Puis peu a peu les larmes monterent a ses yeux, et la douleur envahit son cceur. Les ide"es lui 66 MAUPASSANT venaient une a une, affreuses, torturantes. Elle ne Pem- brasserait plus, son enfant, son grand, plus jamais! Les gendarmes avaient tue le pere, les Prussiens avaient tue* le fils . . . II avait etc coupe* en deux par un boulet. Et il lui semblait qu'elle voyait la chose, la chose horrible: 5 la tete tombant, les yeux ouverts, tandis qu'il machait le coin de sa grosse moustache, comme il faisait aux heures de colere. Qu'est-ce qu'on avait fait de son corps, apres? Si seulement on lui avait rendu son enfant, comme on lui 10 avait rendu son mari, avec sa balle au milieu du front ? Mais elle entendit un bruit de voix. C'etaient les Prussiens qui revenaient du village. Elle cacha bien vite la lettre dans sa poche et elle les rejut tranquille- ment avec sa figure ordinaire, ayant eu le temps de bien 15 essuyer ses yeux. Ik riaient tous les quatre, enchantes, car ils rappor- taient un beau lapin, vole" sans doute, et ils faisaient signe a la vieille qu'on allait manger quelque chose de bon. 20 Elle se mit tout de suite a la besogne pour preparer le dejeuner: mais, quand il fallut tuer le lapin, le cceur lui manqua. Ce n'e*tait pas le premier pourtant! Un des soldats 1'assomma d'un coup de poing derriere les oreilles. 25 Une fois la bete morte, elle fit sortir le corps rouge de la peau; mais la vue du sang qu'elle maniait, qui lui couvrait les mains, du sang tiede qu'elle sentait se refroidir et se coaguler, la faisait trembler de la tete aux pieds; et elle voyait tou jours son grand coupe" en deux, 30 et tout rouge aussi comme cet animal encore palpitant. LA MtRE SAUVAGE 67 Elle se mit a table avec ses Prussiens, mais elle ne put manger, pas meme une bouche"e. Us deVorerent le lapin sans s'occuper d'elle. Elle les regardait de cote", sans parler, murissant une id^e, et le visage tellement impas- 5 sible qu'ils ne s'apercurent de rien. Tout a coup, elle demanda: Je ne sais seulement point vos noms, et v'lk un mois que nous sommes en- semble. Us comprirent, non sans peine, ce qu'elle voulait, et dirent leurs noms. Cela ne lui suffisait pas; 10 elle se les fit e'crire sur un papier, avec 1'adresse de leurs families, et, reposant ses lunettes sur son grand nez, elle conside*ra cette e*criture inconnue, puis elle plia la feuille et la mit dans sa poche, par-dessus la lettre qui lui disait la mort de son fils. 15 Quand le repas fut fini, elle dit aux hommes: - J'vas travailler pour vous. Et elle se mit a monter du foin dans le grenier ou ils couchaient. Ils s'dtonnerent de cette besogne; elle leur expliqua 90 qu'ils auraient moins froid; et ils 1'aiderent. Ils entas- saient les bottes jusqu'au toit de paille; et ils se firent ainsi une sorte de grande chambre avec quatre murs de fourrage, chaude et parfume'e, ou ils dormiraient a merveille. es Au diner, un d'eux s'inquidta de voir que la mere Sauvage ne mangeait point encore. Elle affirma qu'elle avail des crampes. Puis elle alluma un bon feu pour se chauffer, et les quatre Allemands monterent dans leur logis par 1'e'chelle qui leur servait tous les soirs. 30 Des que la trappe fut referme"e, la vieille enleva 1'e'chelle, puis rouvrit sans bruit la porte 'du dehors, et 68 MAUPASSANT elle retourna chercher des bottes de paille dont elle emplit sa cuisine. Elle allait nu-pieds, dans la neige, si doucement qu'on n'entendait rien. De temps en temps elle e"coutait les ronflements sonores et inegaux des quatre soldats endormis. 5 Quand elle jugea suffisants ses preparatifs, elle jeta dans le foyer une des bottes, et, lorsqu'elle fut en- flamme'e, elle Peparpilla sur les autres, puis elle ressortit et regarda. Une clarte violente illumina en quelques secondes 10 tout I'intdrieur de la chaumiere, puis ce fut un brasier effroyable, un gigantesque four ardent, dont la lueur jaillissait par 1'etroite fenetre et jetait sur la neige un e"clatant rayon. Puis un grand cri partit du sommet de la maison, i$ puis ce fut une clameur de hurlements humains, d'appels de*chirants d'angoisse et d'epouvante. Puis, la trappe s'e"tant e"croulee a l'inte"rieur, un tourbillon de feu s'elanca dans le grenier, perca le toit de paille, monta dans le ciel comme une immense flamme de torche; et toute la 2* chaumiere flamba. On n'entendait plus rien dedans que le cre*pitement de 1'incendie, le craquement des murs, 1'e'croulement des poutres. Le toit tout a coup s'effondra, et la carcasse ardente de la demeure lanca dans Pair, au 25 milieu d'un nuage de fume"e, un grand panache d'e"tin- celles. La campagne, blanche, e'claire'e par le feu, luisait :omme une nappe d'argent teint^e de rouge. Une cloche, au loin, se mit a sonner. 30 La vieille -Sauvage restait debout, devant son logis LA MERE SAUVAGE 69 detruit, arme de son fusil, celui du fils, de crainte qu'un des hommes n'e*chappat. Quand elle vit que c'dtait fini, elle jeta son arme dans le brasier. Une detonation retentit. 5 Des gens arrivaient, des paysans, des Prussiens. On trouva la femme assise sur un tronc d'arbre, tranquille et satisfaite. Un officier allemand, qui parlait le francais comme un fils de France, lui demanda: 10 Ou sont vos soldats ? Elle tendit son bras maigre vers 1'amas rouge de 1'in- cendie qui s'e"teignait, et elle repondit d'une voix forte: La-dedans ! On se pressait autour d'elle. Le Prussien demanda: 15 Comment le feu a-t-il pris ? Elle prononca: C'est moi qui 1'ai mis. On ne la croyait pas, on pensait que le dsastre 1'avait rendue folle. Alors, comme tout le monde 1'entourait 20 et l'e*coutait, elle dit la chose d'un bout a 1'autre, depuis 1'arrive'e de la lettre jusqu'au dernier cri des hommes flambe's avec sa maison. Elle n'oublia pas un detail de ce qu'elle avait ressenti ni de ce qu'elle avait fait. Quand elle cut fini, elle tira de sa poche deux papiers, 25 et, pour les distinguer aux dernieres lueurs du feu, elle ajusta encore ses lunettes, puis elle prononca, montrant Tun: Ca, c'est la mort de Victor." Montrant 1'autre, elle ajouta, en de"signant les ruines rouges d'un coup de tete: fa, c'est leurs noms, pour qu'on derive chez 30 eux. Elle tendit tranquillement la feuille blanche a I'ofncier, qui la tenait par les e*paules, et elle reprit: 70 MAUPASSANT Vous e*crirez comment c'est arrive", et vous direz a leurs parents que c'est moi qui ai fait ca. Victoire Simon, la Sauvage! N'oubliez pas. L'officier criait des ordres en allemand. On la saisit, on la jeta contre les murs encore chauds de son logis. 5 Puis douze hommes se rangerent vivement en face d'elle, a vingt metres. Elle ne bougea point. Elle avail com- pris: elle attendait. Un ordre retentit, qu'une longue detonation suivit aussitot. Un coup attarde" partit tout seul, apres les 10 autres. La vieille ne tomba point. Elle s'affaissa comme si on lui cut fauche les jambes. L'officier prussien s'approcha. Elle e"tait presque couple en deux, et de sa main crispde elle tenait sa 15 lettre baignee de sang. Mon ami Serval ajouta: C'est par represailles que les Allemands ont de*truit le chateau du pays qui m'appartenait. Moi, je pensais aux meres des quatre doux garcons 20 brule*s la-dedans; et a 1'he'roisme atroce de cette autre mere, fusillee contre ce mur. Et je ramassai une petite pierre, encore noircie par le feu. LA FICELLE SUR toutes les routes autour de Goderville, les paysans et leurs femmes s'en venaient vers le bourg, car c'e"tait jour de marche. Les males allaient, a pas tranquilles, tout le corps en avant a chaque mouvement de leurs 5 longues jambes torses, de"formees par les rudes travaux, par la pesee sur la charrue qui fait en meme temps monter I'e'paule gauche et devier la taille, par le fau- chage des bles qui fait ecarter les genoux pour prendre un aplomb solide, par toutes les besognes lentes et 10 pe*nibles de la campagne. Leur blouse bleue, empesee, brillante, comme vernie, ornee au col et aux poignets d'un petit dessin de fil blanc, gonfle*e autour de leur torse osseux, semblait un ballon pret a s'envoler, d'ou sortaient une tete, deux bras et deux pieds. 15 Les uns tiraient au bout d'une corde une vache, un veau. Et leurs femmes, derriere 1'animal, lui fouettaient les reins d'une branche encore garnie de feuilles, pour hater sa marche. Elles portaient au bras de larges paniers d'ou sortaient des tetes de poulets par-ci, des 20 teles de canards par-la. Et elles marchaient d'un pas plus court et plus vif que leurs hommes, la taille seche, droite et drape"e dans un petit chale ^triqu^, dpingl^ sur leur poitrine plate, la tete enveloppe*e d'un linge blanc colle* sur les cheveux et surmonte'e d'un bonnet. 71 72 MAUPASSANT Puis, un char a banes passait, au trot saccade* d'un bidet, secouant arrangement deux hommes assis cote a cote et une femme dans le fond du ve*hicule, dont elle tenait le bord pour attenuer les durs cahots. Sur la place de Goderville, c'etait une foule, une 5 cohue d'humains et de betes melanges. Les cornes des bceufs, les hauts chapeaux a longs poils des paysans riches et les coiffes des paysannes emergeaient a la sur- face de 1'assemblee. Et les voix criardes, aigues, glapis- santes, formaient une clameur continue et sauvage que 10 dominait parfois un grand e*clat pousse par la robuste poitrine d'un campagnard en gaiete, ou le long meugle- ment d'une vache attache'e au mur d'une maison. Tout cela sentait 1'etable, le lait et le fumier, le foin et la sueur, degageait cette saveur aigre, aff reuse, humaine 15 et bestiale, particuliere aux gens des champs. Maitre Hauchecorne, de Bre'aute, venait d'arriver a Goderville, et il se dirigeait vers la place, quand il aper- cut par terre un petit bout de ficelle. Maitre Hauche- corne, e'conome en vrai Normand, pensa que tout i e"tait bon a ramasser qui peut servir; et il se baissa pe'niblement, car il souffrait de rhumatismes. II prit, par terre, le morceau de corde mince, et il se disposait a le rouler avec soin, quand il remarqua, sur le seuil de sa porte, maitre Malandain, le bourrelier, qui le regar- 25 dait. Us avaient eu des affaires ensemble au sujet d'un licol, autrefois, et ils e"taient reste*s fache*s, e*tant rancu- niers tous deux. Maitre Hauchecorne fut pris d'une sorte de honte d'etre vu ainsi, par son ennemi, cherchant dans la crotte un bout de ficelle. II cacha brusquement 30 sa trouvaille sous sa blouse, puis dans la poche de sa LA FICELLE 73 culotte; puis il fit semblant de chercher encore par terre quelque chose qu'il ne trouvait point, et il s'en alia vers le marche, la tete en avant, courbe en deux par ses douleurs. 5 II se perdit aussitot dans la foule criarde et lente, agitee par les interminables marchandages. Les paysans tataient les vaches, s'en allaient, revenaient, perplexes, toujours dans la crainte d'etre mis dedans, n'osant jamais se decider, epiant 1'oeil du vendeur, cherchant to sans fin a decouvrir la ruse de 1'homme et le de"faut de la bete. Les femmes, ayant pose* a leurs pieds leurs grands paniers, en avaient tir leurs volailles qui gisaient par terre, liees par les pattes, 1'ceil effare", la crete ecarlate. 15 Elles e"coutaient les propositions, maintenaient leurs prix, 1'air sec, le visage impassible, ou bien tout a coup, se de'cidant au rabais propose", criaient au client qui s'eloignait lentement: C'est dit, malt' Anthime. J* vous 1' donne. 20 Puis, peu a peu, la place se de"peupla, et Pangelus sonnant midi, ceux qui demeuraient trop loin se re*pan- dirent dans les auberges. Chez Jourdain, la grande salle e"tait pleine de man- geurs, comme la vaste cour e"tait pleine de ve*hicules de 25 toute race, charrettes, cabriolets, chars a banes, tilbu- rys, carrioles innommables, jaunes de crotte, de'forme'es, rapie*ce*es, levant au ciel, comme deux bras, leurs bran- cards, ou bien le nez par terre et le derriere en 1'air. Tout contre les dineurs attable's, 1'immense chemin^e, 30 pleine de flamme claire, jetait une chaleur vive dans le dos de la ranged de droite. Trois broches tournaient, 74 MAUPASSANT chargdes de poulets, de pigeons et de gigots; et une delectable odeur de viande rotie et de jus ruisselant sur la peau rissol^e, s'envolait de 1'atre, allumait les gaietes, mouillait les bouches. Toute 1'aristocratie de la charrue mangeait la, chez 5 mait' Jourdain, aubergiste et maquignon, un malin qui avait des e"cus. Les plats passaient, se vidaient comme les brocs de cidre jaune. Chacun racontait ses affaires, ses achats et ses ventes. On prenait des nouvelles des recoltes. Le 10 temps etait bon pour les verts, mais un peu mucre pour les bls. Tout a coup, le tambour roula, dans la cour, devant la maison. Tout le monde aussitot fut debout, sauf quel- ques indiffe'rents, et on courut a la porte, aux fenetres, 15 la bouche encore pleine et la serviette a la main. Apres qu'il cut termine son roulement, le crieur public lanca d'une voix saccadde, scandant ses phrases a contretemps: II est fait assavoir aux habitants de Goderville, et 20 en general a toutes les personnes presentes au mar- ch^, qu'il a etc* perdu ce matin, sur la route de Beuze- ville, entre neuf heures et dix heures, un portefeuille en cuir noir, contenant cinq cents francs et des papiers d'affaires. On est prie* de le rapporter a la mairie, 25 incontinent, ou chez maitre Fortune* Houlbreque, de Manneville. II y aura vingt francs de recompense. Puis 1'homme s'en alia. On entendit encore une fois au loin des battements sourds de 1'instrument et la voix affaiblie du crieur. 30 on se mit i parler de cet e*ve"nement, en e*nu- LA FICELLE 75 merant les chances qu'avait maltre Houlbreque de retrouver ou de ne pas retrouver son portefeuille. Ei le repas s'acheva. On finissait le cafe", quand le brigadier de gendarme- 5 rie parut sur le seuil: II demanda: Maitre Hauchecorne, de Bre'aute', est-il ici ? Maitre Hauchecorne, assis a 1'autre bout de la table, re"pondit: 10 Me v'la. Et le brigadier reprit: Maitre Hauchecorne, voulez-vous avoir la com- plaisance de m'accompagner a la mairie. M. le maire voudrait vous parler. 15 Le paysan, surpris, inquiet, avala d'un coup son petit verre, se leva et, plus courbe encore que le matin, car les premiers pas apres chaque repos e"taient particuliere- ment difficiles, il se mit en route en re'pe'tant: Me v'la, me v'la. 20 Et il suivit le brigadier. Le maire 1'attendait, assis dans un fauteuil. C'e"tait le notaire de 1'endroit, homme gros, grave, a phrases pompeuses. Maitre Hauchecorne, dit-il, on vous a vu ce matin 25 ramasser, sur la route de Beuzeville, le portefeuille perdu par maitre Houlbreque, de Manneville. Le campagnard, interdit, regardait le maire, apeure* de"ja par ce soupyon qui pesait sur lui, sans qu'il comprit pourquoi. 30 Me", me", j'ai ramasse" U portafeuille ? Oui, vous-mme. 76 MAUPASSANT Parole d'honneur, je n'en ai seulement point eu connaissance. On vous a vu. On m'a vu, me" ? Qui ca qui m'a vu ? M. Malandain, le bourrelier. 5 Alors le vieux se rappela, comprit et, rougissant de colere: Ah! i m'a vu, cu manant! I m'a vu ramasser ct'e ficelle- la, tenez, m'sieu le maire. Et, fouillant au fond de sa poche, il en retira le petit 10 bout de corde. Mais le maire, incre"dule, remuait la tele:' ' Vous ne me ferez pas accroire, maitre Hauche- corne, que M. Malandain, qui est un homme digne de foi, a pris ce fil pour un portefeuille. 15 Le paysan, furieux, leva la main, cracha de cote pour attester son honneur, re"pe"tant: C'est pourtant la ve"rite du bon Dieu, la sainte ve'rite', m'sieu le maire. La, sur mon ame et mon salut, je 1' re"pete. 20 Le maire reprit: Apres avoir ramasse" 1'objet, vous avez meme en- core cherche' longtemps dans la boue, si quelque piece de monnaie ne s'en dtait pas e'chappe'e. Le bonhomme suffoquait d'indignation et de peur. 25 Si on pent dire! ... si on peut dire . . . des menteries comme fa pour de"naturer un honnete homme! Si on peut dire! . . . II eut beau protester, on ne le crut pas. II fut confronte" avec M. Malandain, qui re'pe'ta et 30 soutint son affirmation. Us s'injurierent une heure LA FICELLE 77 durant. On fouilla, sur sa demande, maitre Hauche- corne. On ne trouva rien sur lui. Enfin, le maire, fort perplexe, le renvoya, en le pre- venant qu'il allait aviser le parquet et demander des 5 ordres. La nouvelle s'e"tait re*pandue. A sa sortie de la mairie, le vieux fut entoure, interroge avec une curiosite" seYieuse ou goguenarde, mais ou n'entrait aucune indignation. Et il se mit a raconter 1'histoire de la ficelle. On ne le 10 crut pas. On riait. II allait, arre'te' par tous, arretant ses connaissances, recommencant sans fin son re"cit et ses protestations, montrant ses poches retourndes, pour prouver qu'il n'avait rien. 15 On lui disait: Vieux malin, va! Et il se fachait, s'exaspe'rant, enfieVre*, de'sole' de n'etre pas cru, ne sachant que faire, et contant toujours son histoire. 20 La nuit vint. II fallait partir. II se rait en route avec trois voisins a qui il montra la place oft il avait ramass^ le bout de corde; et tout le long du chemin il parla de son aventure. Le soir, il fit une tourne*e dans le village de Bre*aute, 25 afin de la dire a tout le monde. II ne rencontra que des incre*dules. II en fut malade toute la nuit. Le lendemain, vers une heure de 1'apres-midi, Marius Paumelle, valet de ferme de maitre Breton, cultivateur 30 a Ymauville, rendait le portefeuille et son contenu a maitre Houlbreque, de Manneville. 7ft MAUPASSANT Get homme prtendait avoir, en effet, trouve" 1'objet sur la route; mais, ne sachant pas lire, il 1'avait rap- port k la maison et donne a son patron. La nouvelle se repandit aux environs. Maltre Hauche- corne en fut informe. II se mit aussitot en tournee et 5 commenca a narrer son histoire complete'e du denoue- ment. II triomphait. C' qui m' faisait deuil, disait-il, c'est point tant la chose, comprenez-vous; mais c'est la menterie. Y a rien qui vous nuit comme d'etre en reprobation pour 10 une menterie. Tout le jour il parlait de son aventure, il la contait sur les routes aux gens qui passaient, au cabaret aux gens qui buvaient, a la sortie de 1'eglise le dimanche suivant. II arretait des inconnus pour la leur dire. 15 Maintenant, il e"tait tranquille, et pourtant quelque chose le genait sans qu'il sut au juste ce que c'etait. On avail 1'air de plaisanter en 1'ecoutant. On ne paraissait pas convaincu. II lui semblait sentir des propos der- riere son dos. 20 Le mardi de 1'autre semaine, il se rendit au marche de Goderville, uniquement pousse" par le besoin de con- ter son cas. Malandain, debout sur sa porte, se mit a rire en le voyant passer. Pourquoi? 25 II aborda un fermier de Criquetot, qui ne le laissa pas achever et, lui jetant une tape dans le creux de son ventre, lui cria par la figure: Gros malin, va! Puis lui tourna les talons. MaUre Hauchecorne demeura interdit et de plus en 30 plus inquiet. Pourquoi l'avait-on appele" ff gros malin* ? LA FICELLE 79 Quand il fut assis & table, dans 1'auberge de Jourdain, il se remit a expliquer Paffaire. Un maquignon de Montivilliers lui cria: Aliens, aliens, vieille pratique, je la connais, ta 5 ficelle! Hauchecorne balbutia: Puisqu'on Pa retrouve" cu portafeuille ? Mais 1'autre reprit: - Tais-te, mon pe", y en a un qui trouve, et y en a un 10 qui r'porte. Ni vu ni connu, je t'embrouille. Le paysan resta suffoque". II comprenait enfin. On Paccusait d'avoir fait reporter le portefeuille par un compere, par un complice. II voulut protester. Toute la table se mit a rire. 15 II ne put achever son diner et s'en alia, au milieu des moqueries. II rentra chez lui, honteux et indigne, etrangle par la colere, par la confusion, d'autant plus attend qu'il e"tait capable, avec sa finauderie de Normand, de faire ce dont 20 on Paccusait, et meme de s'en vanter comme d'un bon tour. Son innocence lui apparaissait confuse*ment comme impossible a prouver, sa malice etant connue. Et il se sentait frappe* au cceur par Pinjustice du soupcon. Alors il recommenca a center Paventure, en allon- 25 geant chaque jour son rdcit, ajoutant chaque fois des raisons nouvelles, des protestations plus e*nergiques, des serments plus solennels qu'il imaginait, qu'il pre- parait dans ses heures de solitude, Pesprit uniquement occupe" de Phistoire de la ficelle. On le croyait d'autant 30 moins que sa defense e"tait plus complique'e et son argu- mentation plus subtile. 80 MAUPASSANT a, c'est des raisons d' menteux, disait-on derriere son dos. II le sentait, se rongeait les sangs, s'epuisait en efforts inutiles. 11 de'pe'rissait a vue d'ceil. Les plaisants maintenant lui faisaient center la Ficelle* pour s'amuser, comme on fait center sa bataille au soldat qui a fait campagne. Son esprit, atteint a fond, s'affaiblissait. Vers la fin de de*cembre, il s'alita. II mourut dans les premiers jours de Janvier, et, dans le delire de 1'agonie, il attestait son innocence, re"pe*tant: Une 'tite ficelle . . . une 'tite ficelle . . . t'nez, la voila, m'sieu le maire. DAUDET LE SIEGE DE BERLIN Nous remontions 1'avenue des Champs-filysees avec le docteur V . . ., demandant aux murs troues d'obus, aux trottoirs defences par la mitraille, 1'histoire de Paris assidge", lorsqu'un peu avant d'arriver au rond-point de 5 1'fitoile, le docteur s'arreta, et me montrant une de ces grandes maisons de coin si pompeusement groupees autour de 1'Arc de triomphe: Voyez-vous, me dit-il, ces quatre fenetres ferme'es la-haut sur ce balcon? Dans les premiers jours du 10 mois d'aout, ce terrible mois d'aout de 1'an dernier, si lourd d'orages et de ddsastres, je fus appele la pour un cas d'apoplexie foudroyante. C'etait chez le colonel Jouve, un cuirassier du premier Empire, vieil entete* de gloire et de patriotisme, qui des le de"but de la guerre 15 e"tait venu se loger aux Champs-filyse'es, dans un apparte- ment a balcon . . . Devinez pourquoi? Pour assister a la rentre'e triomphale de nos troupes . . . Pauvre vieux! La nouvelle de Wissembourg lui arriva comme il sortait de table. En lisant le nom de Napoleon au 20 bas de ce bulletin de de"faite, il e*tait tombe" foudroyd. "Je trouvai 1'ancien cuirassier e*tendu de tout son long sur le tapis de la chambre, la face sanglante et inerte comme s'il avait recu un coup de massue sur la tte. Debout, il devait etre tres grand; couche", il Si 82 DAUDET avait 1'air immense. De beaux traits, des dents superbes, une toison de cheveux blancs tout frisks, quatre-vingts ans qui en paraissaient soixante . . . Pres de lui sa petite-fille a genoux et toute en larmes. Elle lui ressem- blait. A les voir 1'un a cote de 1'autre, on cut dit deux 5 belles medailles grecques frappees a la meme empreinte, seulement 1'une antique, terreuse, un peu effacee sur les contours, 1'autre resplendissante et nette, dans tout l'e"clat et le veloute de 1'empreinte nouvelle. *La douleur de cette enfant me toucha. Fille et 10 petite-fille de soldat, elle avait son pere a 1'etat-major de Mac-Mahon, et 1'image de ce grand vieillard dtendu devant elle evoquait dans son esprit une autre image non moins terrible. Je la rassurai de mon mieux; mais, au fond, je gardais peu d'espoir. Nous avions affaire a 15 une belle et bonne hemiplegie, et, a quatre-vingts ans, on n'en revient guere. Pendant trois jours, en effet, le malade resta dans le meme e"tat d'immobilite et de stu- peur . . . Sur ces entrefaites, la nouvelle de Reichs- hoffen arriva a Paris. Vous vous rappelez de quelle 20 dtrange fajon. Jusqu'au soir, nous crumes tous a une grande victoire, vingt mille Prussiens tue"s, le prince royal prisonnier . . . Je ne sais par quel miracle, quel courant magne'tique, un cho de cette joie nationale alia chercher notre pauvre sourd-muet jusque dans les 25 limbes de sa paralysie; tou jours est-il que ce soir-la, en m'approchant de son lit, je ne trouvai plus le meme homme. L'oeil etait presque clair, la langue moins lourde. II cut la force de me sourire et begaya deux fois: -Vic . . . toi . . . re! 30 Oui, colonel, grande victoire! . . . LE SIEGE DE BERLIN 83 *Et a mesure que je lui donnais des details sur le beau succes de Mac-Mahon, je voyais ses traits se de- tendre, sa figure s'eclairer . . . "Quand je sortis, la jeune fille m'attendait, pale et 5 debout devant la porte. Elle sanglotait. Mais il est sauve*! 8 lui dis-je en lui prenant les mains. *La malheureuse enfant cut a peine le courage de me rdpondre. On venait d'amcher le vrai Reichshoffen, Mac-Mahon en fuite, toute 1'armee dcrasee . . . Nous 10 nous regardames consterne's. Elle se desolait en pen- sant a son pere. Moi, je tremblais en pensant au vieux. Bien sur, il ne rdsisterait pas a cette nouvelle secousse . . . Et cependant comment faire? . . . Lui laisser sa joie, les illusions qui 1'avaient fait revivre! . . . Mais 15 alors il fallait mentir . . . "Eh bien, je mentirai!" me dit 1'he'roique fille en essuyant vite ses larmes, et, toute rayonnante, elle rentra dans la chambre de son grand-pere. C'^tait une rude tache qu'elle avait prise la. Les 20 premiers jours on s'en tira encore. Le bonhomme avait la tete faible et se laissait tromper comme un enfant. Mais avec la sante ses ide'es se firent plus nettes. II fallut le tenir au courant du mouvement des armees, lui re*diger des bulletins militaires. II y avait pitie* vrai- 25 ment a voir cette belle enfant penchee nuit et jour sur sa carte d'Allemagne, piquant de petits drapeaux, s'effor- cant de combiner toute une campagne glorieuse; Bazaine sur Berlin, Frossard en Baviere, Mac-Mahon sur la Baltique. Pour tout cela elle me demandait conseil, et 30 je 1'aidais autant que je pouvais; mais c'est le grand-pere surtout qui nous servait dans cette invasion imaginaire. 84 DAUDET II avait conquis 1'Allemagne tant de fois sous le premier Empire! II savait tous les coups d'avance: "Mainte- hant voila ou ils vont aller . . . Voila ce qu'on va faire ..." et ses previsions se realisaient toujours, ce qui ne manquait pas de le rendre tres fier. 5 Malheureusement nous avions beau prendre des villes, gagner des batailles, nous n'allions jamais assez vite pour lui. II e"tait insatiable, ce vieux! . . . Chaque jour, en arrivant, j'apprenais un nouveau fait d'armes: "Docteur, nous avons pris Mayence, }) me disait la 10 jeune fille en venant au-devant de moi avec un sourire navre", et j'entendais a travers la porte une voix joyeuse qui me criait: "Ca marche! fa marche! . . . Dans huit jours nous entrerons a Berlin. 8 15 *A ce moment-la, les Prussiens n'etaient plus qu'a huit jours de Paris . . . Nous nous demandames d'abord s'il ne valait pas mieux le transporter en province; mais, sit6t dehors, 1'etat de la France lui aurait tout appris, et je le trouvais encore trop faible, trop engourdi de sa 20 grande secousse pour lui laisser connaitre la verite". On se de"cida done a rester. "Le premier jour de 1'investissement, je montai chez eux je me souviens tres emu, avec cette angoisse au cceur que nous donnaient a tous les portes de Paris 25 ferme'es, la bataille sous les murs, nos banlieues devenues frontieres. Je trouvai le bonhomme assis sur son lit, jubilant et fier: "Eh bien, me dit-il, le voila done commence" ce siege! "Je le regardai stupe"fait: 30 "Comment, colonel, vous savez? ... LE SIEGE DE BERLIN 85 Sa petite-fille se tourna vers moi: Eh! oui, docteur . . . C'est la grande nouvelle . . . "Le siege de Berlin est commence". B 'Elle disait cela en tirant son aiguille, d'un petit air si 5 pose", si tranquille . . . Comment se serait-il doute* de quelque chose? Le canon des forts, il ne pouvait pas 1'entendre. Ce malheureux Paris, sinistre et boule- verse", il ne pouvait pas le voir. Ce qu'il apercevait de son lit, c'dtait un pan de 1'Arc de triomphe, et, dans sa 10 chambre, autour de lui, tout un bric-a-brac du premier Empire bien fait pour entretenir ses illusions. Des portraits de mare'chaux, des gravures de batailles, le roi de Rome en robe de baby; puis de grandes consoles toutes raides, orne*es de cuivres a trophees, chargdes de 15 reliques impe'riales, des me'dailles, des bronzes, un rocher de Sainte-He"lene sous globe, des miniatures repre"sen- tant la meme dame frisottde, en tenue de bal, en robe jaune, des manches a gigots et des yeux clairs, et tout cela, les consoles, le roi de Rome, les mare'chaux, 20 les dames jaunes, avec la taille montante, la ceinture haute, cette raideur engoncee qui e"tait la grace de 1806 . . . Brave colonel! c'est cette atmosphere de victoires et conquetes, encore plus que tout ce que nous pouvions lui dire, qui le faisait croire si naivement au siege de 25 Berlin. A partir de ce jour, nos operations militaires se trouverent bien simplifies. Prendre Berlin, ce n'e*tait plus qu'une affaire de patience. De temps en temps, quand le vieux s'ennuyait trop, on lui lisait une lettre 30 de son fils, lettre imaginaire bien entendu, puisque rien n'entrait plus dans Paris, et que, depuis Sedan, 1'aide 86 DAUDET de camp de Mac-Mahon avail 6t& dirige" sur une for- teresse d'Allemagne. Vous figurez-vous le desespoir de cette pauvre enfant sans nouvelle de son pere, le sachant prisonnier, prive de tout, malade peut-etre, et obligee de le faire parler dans des lettres joyeuses, un peu courtes, 5 comme pouvait en ecrire un soldat en campagne, allant toujours en avant dans le pays conquis. Quelquefois la force lui manquait; on restait des semaines sans nouvelles. Mais le vieux s'inquietait, ne dormait plus. Alors vite arrivait une lettre d'Allemagne qu'elle venait 10 lui lire gaiment pres de son lit, entretenant ses larmes. Le colonel ecoutait religieusement, souriait d'un air entendu, approuvait, critiquait, nous expliquait les passages un peu troubles. Mais ou il etait beau surtout, c'est dans les reponses qu'il envoyait a son fils: *N'ou- 15 blie jamais que tu es Francais, lui disait-il . . . Sois gdndreux pour ces pauvres gens. Ne leur fais pas 1'invasion trop lourde . . . Et c'etaient des recom- mandations a n'en plus finir, d'adorables prechi-precha sur le respect des proprietes, la politesse qu'on doit aux 20 dames, un vrai code d'honneur militaire a 1'usage des conquerants. II y melait aussi quelques considerations ge*ne"rales sur la politique, les conditions de la paix a imposer aux vaincus. La-dessus, je dois le dire, il n'e"tait pas exigeant: 25 a L'indemnit de guerre, et rien de plus ... A quoi bon leur prendre des provinces? . . . Est-ce qu'on peut faire de la France avec de 1'Allemagne ? . . . I1 dictait cela d'une voix ferme, et 1'on senta.it tant de candeur dans ses paroles, une si belle foi patriotique, 30 qu'il dtait impossible de ne pas tre e"mu en 1'dcoutant. LE SIEGE DE BERLIN 87 Pendant ce temps-la, le siege avancait toujours, pas celui de Berlin, helas! . . . C'e"tait le moment du grand froid, du bombardement, des epidemics, de la famine. Mais, grace a nos soins, a nos efforts, a 1'infatigable 5 tendresse qui se multipliait autour de lui, la se're'nite' du vieillard ne fut pas un instant troubled. Jusqu'au bout je pus lui avoir du pain blanc, de la viande fraiche. II n'y en avait que pour lui, par exemple; et vous ne pouvez rien imaginer de plus touchant que ces dejeuners de 10 grand-pere, si innocemment dgoistes, le vieux sur son lit, frais et riant, la serviette au menton, pres de lui sa petite-fille, un peu palie par les privations, guidant ses mains, le faisant boire, 1'aidant a manger toutes ces bonnes choses defendues. Alors anime par le repas, 15 dans le bien-etre de sa chambre chaude, la bise d'hiver au dehors, cette neige qui tourbillonnait a ses fenetres, 1'ancien cuirassier se rappelait ses campagnes dans le Nord, et nous racontait pour la centieme fois cette sinistre retraite de Russie ou 1'on n'avait a manger que 20 du biscuit geld et de la viande de cheval. - ff Comprends-tu cela, petite ? nous mangions du cheval ! *Je crois bien qu'elle le comprenait. Depuis deux mois, elle ne mangeait pas autre chose . . . De jour en 25 jour cependant, a mesure que la convalescence appro- chait, notre tache autour du malade devenait plus difficile. Get engourdissement de tous ses sens, de tous ses membres, qui nous avait si bien servis jusqu'alors, commencait a se dissiper. Deux ou trois fois ddja, les 30 terribles borders de la porte Maillot 1'avaient fait bondir, I'oreille dresse'e comme un chien de chasse; on fut oblig6 88 DAUDET d'inventer une derniere victoire de Bazaine sous Berlin, et des salves tire"es en cet honneur aux Invalides. Un autre jour qu'on avail pousse" son lit pres de la fenetre c'e*tait, je crois, le jeudi de Buzenval il vit tres bien des gardes nationaux qui se massaient sur 1'avenue 5 de la Grande-Arme"e. "Qu'est-ce que c'est done que ces troupes-la ? de- manda le bonhomme, et nous 1'entendions grommeler entre ses dents: "Mauvaise tenue! mauvaise tenue ! 10 "II n'en fut pas autre chose; mais nous comprlmes que dorenavant il fallait prendre de grandes precautions. Malheureusement on n'en prit pas assez. "Un soir, comme j 'arrivals, 1'enfant vint a moi toute troublee: 15 " C'est demain qu'ils entrent, s me dit-elle. "La chambre du grand-pere e*tait-elle ouverte? Le fait est que depuis, en y songeant, je me suis rappele qu'il avait, ce soir-la, une physionomie extraordinaire. II est probable qu'il nous avait entendus. Seulement, 20 nous parlions des Prussiens, nous; et le bonhomme pensait aux Francais, a cette entree triomphale qu'il attendait depuis si longtemps, Mac-Mahon descen- dant 1'avenue dans les fleurs, dans les fanfares, son fils a cote* du mare'chal, et lui, le vieux, sur son balcon, en 25 grande tenue comme a Lutzen, saluant les drapeaux troue*s et les aigles noires de poudre . . . "Pauvre pere Jouve! II s'e"tait sans doute imagind qu'on voulait 1'empe'cher d'assister a ce defile" de nos troupes, pour lui eViter une trop grande Emotion. Aussi 30 se garda-t-il bien de parler a personne; mais le lende- LE SIEGE DE BERLIN 89 main, a 1'heure mme ou les bataillons prussiens s'en- gageaient timidement sur la longue voie qui mene de la porte Maillot aux Tuileries, la fenetre de la-haut s'ouvrit doucement, et le colonel parut sur le balcon avec son 5 casque, sa grande latte, toute sa vieille de*froque glorieuse d'ancien cuirassier de Milhaud. Je me demande encore quel effort de volonte", quel sursaut de vie 1'avait ainsi mis sur pied et harnache. Ce qu'il y a de sur, c'est qu'il dtait la, debout derriere la rampe, s'dtonnant de 10 trouver les avenues si larges, si muettes, les persiennes des maisons ferme'es, Paris sinistre comme un grand Lazaret, partout des drapeaux, mais si singuliers, tout blancs avec des croix rouges, et personne pour aller au-devant de nos soldats. 15 Un moment il put croire qu'il s'e"tait trompe . . . Mais non! la-bas, derriere 1'Arc de triomphe, c'dtait un bruissement confus, une ligne noire qui s'avancait dans le jour levant . . . Puis, peu a peu, les aiguilles des casques brillerent, les petits tambours d'Ie"na se o mirent a battre, et sous 1'arc de 1'fitoile, rhythme'e par le pas lourd des sections, par le heurt des sabres, dclata la marche triomphale de Schubert! . . . Alors, dans le silence morne de la place, on entendit un cri, un cri terrible: "Auxarmes! . . . auxarmes! . . . 25 les Prussiens. 9 Et les quatre uhlans de 1'avant-garde purent voir la-haut, sur le balcon, un grand vieillard chanceler en remuant les bras, et tomber raide. Cette fois, le colonel Jouve e"tait bien mort. " ' LA MULE DU PAPE DE tous les jolis dictons, proverbes ou adages, dont nos paysans de Provence passementent leurs discours, je n'en sais pas un plus pittoresque ni plus singulier que celui-ci. A quinze lieues autour de mon moulin, quand on parle d'un homme rancunier, vindicatif, on dit: ^Cet 5 homme-la! mefiez-vousl . . . il est comme la mule du Pape, qui garde sept ans" son coup de pied. J'ai cherche bien longtemps d'ou ce proverbe pouvait venir, ce que c'etait que cette mule papale et ce coup de pied garde pendant sept ans. Personne ici n'a pu me 10 renseigner a ce sujet, pas meme Francet Mama!, mon joueur de fifre, qui connait pourtant son legendaire provencal sur le bout du doigt. Francet pense comme moi qu'il y a la-dessous quelque ancienne chronique du pays d' Avignon; mais il n'en a jamais entendu parler 15 autrement que par le proverbe . . . - Vous ne trouverez cela qu'a la bibliotheque des Cigales, m'a dit le vieux fifre en riant. L'ide*e m'a paru bonne, et comme la bibliotheque des Cigales est a ma porte, je suis alle m'y enfermer pendant 20 huit jours. C'est une bibliotheque merveilleuse, admirablement monte, ouverte aux poetes jour et nuit, et desservie par de petits bibliothe'caires a cymbales qui vous font de la 90 LA MULE DU PAPE 9! musique tout le temps. J'ai passe" la quelques journees delicieuses, et, apres une semaine de recherches, sur le dos, j'ai fini par decouvrir ce que je voulais, c'est-a-dire 1'histoire de ma mule et de ce fameux coup 5 de pied garde" pendant sept ans. Le conte en est joli quoique un peu nai'f, et je vais essayer de vous le dire tel que je 1'ai lu hier matin dans un manuscrit couleur du temps, qui sentait bon la lavande seche et avait de grands fils de la Vierge pour signets. io Qui n'a pas vu Avignon du temps des Papes, n'a rien vu. Pour la gaiete, la vie, 1'animation, le train des fetes, jamais une ville pareille. C'etaient, du matin au soir, des processions, des pelerinages, les rues jonchees de fleurs, tapissees de hautes lices, des arrivages de car- 15 dinaux par le Rhone, bannieres au vent, galeres pa- voise"es, les soldats du Pape qui chantaient du latin sur les places, les crecelles des freres que'teurs; puis, du haut en bas des maisons qui se pressaient en bourdonnant autour du grand palais papal comme des abeilles autour 20 de leur ruche, c'e"tait encore le tic tac des metiers a dentelles, le va-et-vient des navettes tissant 1'or des chasubles, les petits marteaux des ciseleurs de burettes, les tables d'harmonie qu'on ajustait chez les luthiers r les cantiques des ourdisseuses; par la-dessus le bruit des 25 cloches, et toujours quelques tambourins qu'on entendait ronfler, la-bas, du c6te" du pont. Car chez nous, quand le peuple est content, il faut qu'il danse, il faut qu'il danse; et comme en ce temps-la les rues de la ville e"taient trop dtroites pour la farandole, fifres et tambourins se 9 2 DAUDET postaient sur le pont d' Avignon, au vent frais du Rhone, et jour et nuit 1'on y dansail, 1'on y dansait . . . Ah! 1'heureux temps! 1'heureuse ville! Des hallebardes qui ne coupaient pas; des prisons d'fitat ou 1'on mettait le vin a rafraichir. Jamais de disette; jamais de guerre . . . Voila comment les Papes du Comtat savaient gou- verner leur peuple; voila pourquoi leur peuple les a tant regretted! . . . II y en a un surtout, un bon vieux, qu'on appelait Boni- face . . . Oh! celui-la, que de larmes on a versees en 10 Avignon quand il est mort! C'etait un prince si aimable, si avenant! II vous riait si bien du haut de sa mule! Et quand vous passiez pres de lui, fussiez-vous un pauvre petit tireur de garance ou le grand viguier de la ville, il vous donnait sa benediction si poliment! Un 15 vrai pape d'Yvetot, mais d'un Yvetot de Provence, avec quelque chose de fin dans le rire, un brin de marjolaine a sa barrette, et pas la moindre Jeanneton ... La seule Jeanneton qu'on lui ait jamais connue, a ce bon pere, c'e*tait sa vigne, une petite vigne qu'il avail 20 planted lui-meme, a trois lieues d' Avignon, dans les myrtes de Chateau-Neuf. Tous les dimanches, en sortant de vepres, le digne homme allait lui faire sa cour; et quand il etait la-haut, assis au bon soleil, sa mule pres de lui, ses cardinaux 25 tout autour e*tendus aux pieds des souches, alors il faisait ddboucher un flacon de vin du cru, ce beau vin, couleur de rubis qui s'est appele* depuis le Chateau- Xi-uf des Papes, et il le d^gustait par petits coups, en LA MULE DU PAPE 93 f^ I\ regardant sa vigne d'un air attendri. Puis, le flacon vide", le jour tombant, il rentrait joyeusement a la ville, suivi de tout son chapitre; et, lorsqu'il passait sur le pont d' Avignon, au milieu des tambours et des farandoles, sa 5 mule, mise en train par la musique, prenait un petit amble sautillant, tandis que lui-meme il marquait le pas de la danse avec sa barrette, ce qui scandalisait fort ses cardinaux, mais faisait dire tout le peuple: "Ah! le bon prince! Ajh! le brave pape! 10 Apres sa vigne de Chateau-Neuf, ce que le pape aimait le plus au monde, c'etait sa mule. Le bonhomme en raffolait de cette bete-la. Tous les soirs avant de se coucher il allait voir si son ecurie e"tait bien fermee, si rien ne manquait dans sa mangeoire, et jamais il ne se 1*5 serait leve" de table sans faire pre"parer sous ses yeux un grand bol de vin a la franchise, avec beaucoup de sucre et d'aromates, qu'il allait lui porter lui-meme, malgre les observations de ses cardinaux ... II faut dire aussi que la bete en valait la peine. C'etait une belle mule 20 noire mouchetee de rouge, le pied sur, le poil luisant, la croupe large et pleine, portant fierement sa petite tete seche toute harnachde de pompons, de noeuds, de grelots d'argent, de bouffettes; avec cela douce comme un ange, I'oeil naif, et deux longues oreilles, toujours en 25 branle, qui lui donnaient Pair bon enfant . . . Tout Avignon la respectait, et, quand elle allait dans les rues, il n'y avait pas de bonnes manieres qu'on ne lui fit; car chacun savait que c'dtait le meilleur moyen d'etre bien en cour, et qu'avec son air innocent, la mule du Pape 94 DAUDET en avait men plus d'un a la fortune, a preuve Tistet Vedene et sa prodigieuse aventure. Ce Tistet Vedene etait, dans le principe, un effront6 galopin, que son pere, Guy Vedene, le sculpteur d'or, avait ete oblige de chasser de chez lui, parce qu'il ne 5 voulait rien faire et debauchait les apprentis. Pendant six mois, on le vit trainer sa jaquette dans tons les ruis- seaux d 'Avignon, mais principalement du cote de la maison papale ; car le drole avait depuis ^ongtemps son idee sur la mule du Pape, et vous allez voir que c' etait i quelque chose de malin . . . Un jour que Sa Saintete se promenait toute seule sous les remparts avec sa bete, voili mon Tistet qui 1'aborde, et lui dit en joignant les mains d'un air d'admiration : Ah mon Dieu ! grand Saint-Pere, quelle brave mule 15 vous avez la! ... Laissez un peu que je la regarde . . . Ah! mon Pape, la belle mule! . . . L'empereur d'Aile- magne n'en a pas une pareille. Et il la caressait, et il lui parlait doucement comme a une demoiselle : 20 Venez 93. mon bijou, mon tresor, ma perle fine . . . Et le bon Pape, tout 6mu, se disait dans lui-meme : Quel bon petit garconnet! . . . Comme il est gentil avec ma mule ! Et puis le lendemain savez-vous ce qui arriva ? Tistet 25 Vedene troqua sa vieille jaquette jaune contre une belle aube en dentelles, un camail de soie violette, des souliers a boucles, et il entra dans la maitrise du Pape, ou jamais avant lui on n'avait recu que des fils de nobles et des neveux de cardinaux . . . Voila ce que c'est que Pin- 30 trigue! . . . Mais Tistet ne s'en tint oas la. LA MULE DU PAPE 95 Une fois au service du Pape, le drole continua le jeu qui lui avail si bien rdussi. Insolent avec tout le monde, il n'avait d'attentions ni de provenances que pour la mule, et toujours on le rencontrait par les cours du palais 5 avec une poignde d'avoine ou une bottelee de sainfoin, dont il secouait gentiment les grappes roses en regardant le balcon du Saint-Pere, d'un air de dire: (< Hein! . . . pour qui ca? . . . B Tant et tant qu'k la fin le bon Pape, qui se sentait devenir vieux, en arriva a lui laisser 10 le soin de veiller sur I'dcurie et de porter a la mule son bol de vin a la francaise; ce qui ne faisait pas rire les cardinaux. > Ni la mule non plus, cela ne la faisait pas rire . . . , Maintenant, a 1'heure de son vin, elle voyait toujours 15 arriver chez elle cinq ou six petits clercs de maitrise qui se fourraient vite dans la paille avec leur cattail et leurs dentelles; puis, au bout d'un moment, une bonne odeur chaude de caramel et d'aromates emplissait 1'dcurie, et Tistet Vedene apparaissait portant avec precaution le 20 bol de vin a la francaise. Alors le martyre de la pauvre bete commencait. Ce vin parfume' qu'elle aimait tant, qui lui tenait chaud, qui lui mettait des ailes, on avait la cruaute de le lui apporter, la, dans sa mangeoire, de le lui faire 25 respfrer; puis, quand elle en avait les narines pleines, passe, je t'ai vuj La belle liqueur de flamme rose s'en allait toute dans le gosier ' de ces j*arnements . . . Et encore, s'ils n'avaient fait que lui voler son vin; mais c'e"taient comme des diables, tous ces petits clercs, 30 quand ils avaient bu! . . . L'un lui tirait les oreilles, 96 DAUDET 1'autre la queue; Quiquet lui montait sur le dos, Belu- guet lui essayait sa barrette, et pas un de ces galopins ne songeait que d'un coup de reins ou d'une made la brave bete aurait pu les envoyer tous dans I'e'toile polaire, et meme plus loin . . . Mais non! On n'est pas pour 5 rien la mule du Pape, la mule des benedictions et des indulgences . . . Les enfants avaient beau faire, elle ne se fachait pas; et ce n'etait qu'a Tistet Vedene qu'elle en voulait . . . Celui-la, par exemple, quand elle le sentait derriere elle, son sabot lui demangeait, et vrai- 10 ment il y avait bien de quoi. Ce vaurien de Tistet lui jouait de si vilains tours! II avait de si cruelles inven- tions apres boire! ... ses bras et marcha pres de lui sur la mer. Le soldat se dressa soudain en disant dans son langage de naivete: Ah! nom d'une pipe! je te suivrais au diable . . . Puis, sans paraitre e*tonne", il marcha sur la mer. La 5 vieille pecheresse, croyant a la toute-puissance de Dieu, suivit 1'homme et marcha sur la mer. Les deux paysans se dirent: Puisqu'ils marchent sur 1'eau, pourquoi ne ferions- nous pas comme eux? 10 Us se leverent et coururent apres eux en marchant sur la mer. Thomas voulut les imiter; mais, sa foi chancelant, il tomba plusieurs fois dans la mer, se re- leva; puis, apres trois epreuves, il marcha sur la mer. L'audacieux pilote s'etait attache comme un re"mora 15 sur le plancher de sa barque. L'ayare avait eu la foi et s'etait leve; mais il voulut emporter son or, et son or 1'emporta au fond de la mer. Se moquant du charr latan et des imbeciles qui 1'ecoutaient, au moment ou il vit 1'inconnu proposant aux passagers de marcher sur 20 la mer, le^gavant se prit a rire et fut englouti par 1'Ocean. La jeune fille fut entrainee dans 1'abime par son amant. lA'veque et la vieille dame allerent au fond, lourds de crimes peut-etre, mais plus lourds encore d'incre'dulite', de confiance en de fausses images, lourds de deVotion, 95 le*gers d'aumones et de vraie religion. La troupe fidele qui foulait d'un pied ferme et sec la plaine des eaux courroucees entendait autour d'elle les horribles sifflements de la tempete. D'e*normes lames venaient se briser sur son chemin. Une force 30 invincible coupait l'Oce"an. A travers le brouillard JE'SUS-CHRIST EN FLANDRE 171 ces fiddles apercevaient dans le lointain, sur le rivage, une petite lumiere faible qui tremblotait par la fenetre d'une cabane de pecheur. Chacun, en marchant cou- rageusement vers cette lueur, croyait entendre son 5 voisin criant a travers les mugissements de la mer: Courage! 9 Et cependant, attentif a son danger, personne ne disait mot. Us atteignirent ainsi le bord de la mer. Quand ils furent tous assis au foyer du pecheur, ils chercherent en vain leur guide lumineux. 10 Assis sur le haut d'un rocher, au bas duquel Pouragan jeta le pilote attache" sur sa planche par cette force que deploient les marins aux prises avec la mort, PHOMME descendit, recueillit le naufrage" presque brise; puis il dit en dtendant une main secourable sur sa tete: 15 Bon pour cette fois-ci, mais n'y revenez plus, ce serait d'un trop mauvais exemple. II prit le marin sur ses epaules et le porta jusqu'a la chaumiere du pecheur. II frappa pour le malheureux, afin qu'on lui ouvrit la porte de ce modeste asile, puis io le Sauveur disparut. En cet endroit fut bati, pour les marins, le couvent de la Merci, ou se vit longtemps Pempreinte que les pieds de Jesus-Christ avaient, dit-on, laisse*e sur le sable. En 1793, lors de Pentree des Fran- cais en Belgique, des moines emporterent cette pre"cieuse 25 relique, Pattestation de la derniere visite que Je*sus ait faite sur la Terre. COPPEE LES VICES DU CAPITAINE NOUVELLE PEU importe le nom de la petite ville de province ou le capitaine Mercadier trente-six ans de services, vingt-deux campagnes, trois blessures, se retira quand il fut mis a la retraite. Elle etait pareille a toutes les petites villes qui sol- 5 licitent, sans 1'obtenir, un embranchement de chemin de fer, comme si ce n'etait pas 1'unique distraction des indigenes d'aller tous les jours, a la meme heure, sur la place de la Fontaine, voir arriver au grand galop la diligence, avec son bruit joyeux de claquements de z fouet et de grelots. Elle comptait trois mille habitants, que la statistique appelait ambitieusement des ames, et tirait vanite de son titre de chef-lieu de canton. Elle possedait des remparts plantes d'arbres, une jolie riviere pour pecher a la ligne, et une eglise de la charmante 15 epoque du gothique flamboyant, deshonoree par un affreux Chemin de Croix venu tout droit du quartier Saint-Sulpice. Tous les lundis, elle s'e'maillait des grands parapluies bleus et rouges de son marche, et les gens de la campagne y venaient en charrettes et en 20 berlingots; mais, le reste de la semaine, elle se replon- geait avec delices dans le silence et dans la solitude qui la rendaient chere a sa population de petits bourgeois. 172 LES VICES DU CAPITAINE 173 Ses rues taient pave"es en tetes de chat; on y apercevait, par les fenetres des rez-de-chaussde, des tableaux en cheveux et des bouquets de marie'e sous un verre, et, par les demi-portes des jardins, des statuettes de Napo- 5 le"on en coquillages. La principale auberge s'appelait naturellement L?cu de France, et le receveur de 1'en- registrement rimait des acrostiches pour les dames de la socie'te'. Le capitaine Mercadier avait choisi cette residence 10 de retraite par la raison frivole qu'il y avait autrefois vu le jour, et que, dans sa tapageuse enfance, il y avait de"croche les enseignes et maconn les boutons de son- nettes. Pourtant il ne venait retrouver la ni parents, ni amis, ni connaissances, et les souvenirs de son jeune 15 age ne lui retracaient que des visages indignes de mar- chands qui lui montraient le poing du seuil de leur boutique, un catdchisme ou on le menacait de Penfer, une dcole ou on lui predisait I'dchafaud, et, enfin, son depart pour le regiment, hat par une malediction pater- 20 nelle. Car ce n'e"tait pas un saint homme que le capitaine. Son ancienne feuille de punitions e"tait noire de jours de salle de police inflige's pour actes d'indiscipline, absences aux appels et tapages nocturnes dans les 25 chambre*es Bien des fois on avait du lui arracher ses galons de caporal et de sergent, et il lui avait fallu tout le hasard et toute la licence de la vie de campagne pour gagner enfin sa premiere Epaulette. Dur et brave soldat, il avait passe" presque toute sa vie en AlgeYie, 30 s'e"tant engagd dans le temps ou nos fantassins portaient le haut ke"pi droit, les buffleteries blanches et la grosse 1 74 COPPl E giberne. H avait eu Lamoriciere pour commandant; le due de Nemours, pres duquel il avait recu sa premiere blessure, 1'avait decore"; et quand il dtait sergent-major, le pere Bugeaud 1'appelait par son nom et lui tirait les oreilles. II avait e*te" prisonnier d'Abd-el-Kader, portait 5 les traces d'un coup de yatagan sur la nuque, d'une balle dans Pepaule et d'une autre dans la cuisse; et, malgre 1'absinthe, les duels, les dettes de jeu et les juives aux yeux noirs en amande, il avait peniblement conquis, a la pointe de la bai'onnette et du sabre, son 10 grade de capitaine au i er regiment de tirailleurs. Le capitaine Mercadier trente-six ans de services, vingt-deux campagnes, trois blessures, venait done d'obtenir sa pension de retraite, pas tout a fait deux mille francs qui, joints aux deux cent cinquante francs 15 de sa croix, le mettaient dans cet etat de misere honorable que 1'fitat reserve a ses anciens serviteurs. Son entree dans sa ville natale fut exempte de faste. II arriva, un matin, sur Pimperiale de la diligence, machonnant un cigare eteint et deja lie avec le con- 20 ducteur a qui, pendant le trajet, il avait raconte* le passage des Fortes de Fer; plein d'indulgence du reste pour les distractions de son auditeur, qui 1'interrompait souvent par un blaspheme ou par 1'epithete de carcan adressee a la jument de droite. Quand la voiture s'ar- 25 reta, il lanca sur le irottoir sa vieille valise, maculee d'etiquettes de chemins de fer aussi nombreuses que les changements de garnison de son proprietaire; et les oisifs d'alentour f urent absolument stupe*faits de voir un homme decore" chose encore rare en province offrir le vin 30 blanc au cocher sur le comptoir du prochain cabaret. LES VICES DU CAPITAINE 17$ H s'installa sommairement. Dans une maison de faubourg, oft mugissaient deux vaches captives et ou les poules et Ics canards passaient et repassaient sous la porte charretiere, une chambre meublee etait a louer. 5 Precede d'une maritorne, le capitaine gravit un escalier a grosse rampe de bois, parfume d'une forte odeur datable, et p^n^tra dans une vaste piece carrelee que tapissait un papier bizarre, representant, imprimee en bleu sur fond blanc et re'petee a 1'infini, 1'image de Joseph 10 Poniatowski a cheval, sautant dans 1'Elster. Cette decoration monotone, mais qui rappelait nos gloires militaires, sdduisit sans doute le capitaine, car, sans s'inquieter du peu de confortable des chaises de paille, des meubles de noyer et du petit lit aux rideaux jaunis, 15 il conclut sans hesitation. Un quart d'heure lui suffit pour vider sa malle, pendre ses habits, releguer dans un coin ses bottes, et orner la muraille d'un trophe*e com- pose de trois pipes, d'un sabre et d'une paire de pistolets. Apres une visite a l'e*picier d'en face, chez lequel il ?o acheta une livre de bougies et une bouteille de rhum, il revint, de*posa son emplette sur la chemine'e, et pro- mena autour de lui le regard d'un homme tres satisfait. Puis, avec la promptitude des camps, il se rasa sans miroir, brossa sa redingote, inclina son chapeau sur 25 1'oreille, et s'alla promener par la ville, en qu6te d'un cafd. II Le sejour de 1'estaminet etait une habitude invete"- ree chez le capitaine. II y satisfaisait a la fois les trois vices egaux dans son coeur: le tabac, 1'absinthe et les 176 COPPE cartes. Sa vie tout entiere s'y etait e'coule'e, et il aurait pu dresser de toutes les villes ou il avait garnisonne' un plan par cantines, marchands de tabac a comptoir, cafes et cercles militaires. II ne se sentait vraiment a son aise qu'une fois assis sur le velours ras d'une ban- 5 quette, devant un carre de drap vert pres duquel s'amon- cellent les chopes et les soucoupes. Son cigare ne lui semblait bon que s'il avait frotte* 1'allumette sous le marbre de la table, et jamais il n'avait manque", apres avoir attache son sabre et son kepi a la patere et s'etre 10 install^ en lachant quelques boutons de sa tunique, de pousser un profond soupir de soulagement et de s'ecrier: a va mieux! Son premier soin fut done de rechercher 1'etablisse- ment qu'il fre'quenterait, et, apres avoir fait un tour 15 de ville sans rien trouver a sa convenance, il arreta enfin son regard de connaisseur sur le cafe Prosper, situe a I'angle de la place du Marche et de la rue de la Paroisse. Ce n'dtait pas son ide"al. L'exte'rieur offrait bien 20 quelques details par trop provinciaux: ce garcon en tablier noir, par exemple, et ces petits ifs dans leurs caisses vertes, et ces tabourets, et ces tables de bois recouvertes de toile cire*e. Mais 1'interieur plut au capitaine. II fut re*joui, des son entree, par le bruit 25 du timbre que toucha la grasse et fraiche dame du comptoir, en robe claire, avec un ruban ponceau dans ses cheveux bien pommades. II salua galamment cette personne et jugea qu'elle occupait, avec une suffi- sante majeste", sa place triomphale entre les deux ddi- 30 fices de bols a punch, congrument couronne*s par des LES VICES DU CAPITAINE 177 billes de billard. II constata que la salle 6ta.it gaie, propre, dgalement sem^e de sable jaune; il en fit le tour, se regarda passer dans les glaces, appre"cia les panneaux, oil des mousquetaires et des amazones sablaient le 5 champagne dans des paysages pleins de roses tremieres, se fit servir, fuma, trouva le divan moelleux et 1'absinthe savoureuse, et fut assez indulgent pour ne pas se plaindre des mouches qui se baignaient dans les consommations avec une familiarit toute campagnarde. 10 Huit jours apres, il e"tait devenu un pilier du cafe" Prosper. On y connut bien vite ses habitudes ponctuelles, on preVint ses de"sirs, et il ne tarda point a prendre ses repas avec les patrons du lieu. Recrue precieuse pour 15 les habitue's, gens terrasses par le terrible ennui de la province et pour qui 1'arrivee de ce nouveau venu, passe maitre a tous les jeux et racontant assez gaiement ses guerres et ses amours, e"tait une veritable bonne fortune; le capitaine fut lui-meme enchant^ de ren- 20 contrer des humains encore ignorants de son repertoire. II en avait done pour six mois a dire ses razzias, ses chasses, ses batailles, la retraite de Constantine, la capture de Bou-Maza, et les receptions d'officiers avec leur total effrayant de punchs au kirsch. 25 Faiblesse humaine! il n'dtait pas fach d'etre un peu oracle quelque part, lui dont les petits sous-lieutenants, arrivant de Saint-Cyr, fuyaient naguere les trop longues histoires. Ses auditeurs ordinaires dtaient le maitre du cafe", gros 30 sac a biere silencieux et stupide, toujours en manches de veste et remarquable seulement par ses pipes a 178 COPPE sujets; 1'huissier-priseur, personnage goguenard et ve"tu de noir, meprise* pour son habitude peu e'le'gante d'era- porter le reste de son sucre; le receveur de 1'enregistre- ment, celui des acrostiches, etre tres doux et d'une constitution faible, qui envoyait aux journaux illustre"s 5 la solution des mots carres et des rebus; et enfin le ve'terinaire du canton, le seul qui, en sa qualite d'athee et de ddmocrate, se permit quelquefois de contredire le capitaine. Ce practicien, homme a favoris touffus et a pince-nez, presidait le comite" radical aux epoques 10 d'elections, et, lorsque le cure* faisait une petite collecte parmi ses deVotes pour orner son eglise de quelque horrible statue en platre dore et enlumine, denoncait par une lettre au Sibcle la cupidite des fils de Loyola. Le capitaine etant un soir sorti pour aller chercher 15 des cigares, apres une discussion politique assez vive, le susdit veterinaire grommela quelques phrases sourdes et irritees ou il etait question de dire son fait,* de "traineur de sabre,* et de "couper la figure.* Mais 1'objet de ces menaces vagues etant rentre soudain, 20 en sifBant une marche et en faisant le moulinet avec sa canne, 1'incident n'eut pas de suites. En somme, le groupe vivait en bonne intelligence et se laissait volontiers pre"sider par le nouvel habitue", dont la tete martiale et la barbiche blanche etaient 25 vraiment assez imposante; et la petite ville, qui e*tait de*ja fiere de bien des choses, pouvait 1'etre aussi de son capitaine en retraite. LES VICES DU CAPITAINE 179 III Le bonheur parfait n'existe pas, et le capitaine Mer- cadier, qui croyait 1'avoir rencontre" au cafe Prosper, dut bientot revenir de cette illusion. Le fait est que le lundi, jour de marchd, 1'estaminet 5 n'dtait pas tenable. Des 1'aube, il e"tait envahi par les maraichers, les fermiers, les marchands de cochons, les marchands de volailles; gens a grosse voix, a gros cous rouges, a gros fouet a la main, portant la blouse neuve et la casquette 10 de loutre, concluant leurs affaires autour d'un litre, tapant du pied, frappant du poing, tutoyant le garcon et crevant le billard. Quand le capitaine arrivait a onze heures pour ab- sorber sa premiere absinthe, il trouvait tout ce monde 15 de"ja gris et commandant des dejeuners considerables. Sa place ordinaire e"tait prise; on le servait lentement et mal. Le timbre du comptoir ne cessait de retentir; le patron et le garcon, la serviette SOTS le bras, couraient, affolds. Bref, c'e"tait un jour ne"faste et qui bouleversait 20 son existence. Or, un lundi matin qu'il e*tait reste* chez lui, sur d'avance que le cafe* serait trop bruyant et trop en- combre*, un doux rayon de soleil d'automne 1'engagea a descendre s'asseoir sur le bane de pierre place" a cote* 25 de la porte de la maison. II e"tait la, assez me'lancolique et fumant un cigare humide, quand il vit venir du bout de la rue c'e"tait une ruelle mal pave"e et aboutissant a la campagne une demi-douzaine d'oies, que chassait de- vant elle avec une gaule une petite fille de huit ou dix ans. 180 COPPE Le capitaine, en arretant son regard distrait sur cette enfant, s'apercut qu'elle avait une jambe de bois. II n'y avait rien de paternel dans le coeur de ce soudard. C'etait celui d'un celibataire endurci. Lorsque jadis, 5 dans les rues d'Alger, les petits mendiants arabes le poursuivaieut de leurs prieres importunes, le capitaine les avait souvent chasses d'un coup de cravache; et les rares fois qu'il avait penetre dans le menage nomade d'un camarade marie et pere de famille, il etait parti en 10 maugrdant contre les bambins criards et malpropres qui avaient touche avec leurs mains grasses aux dorures de son uniforme. Mais la vue de cette infirmite particuliere, qui lui. rappelait le douloureux spectacle des bless ures et des 15 amputations, emut cependant le vieux soldat. II eprouva presque un serrement de coeur devant cette chetive creature, a peine vetue d'un jupon en loques et d'une mauvaise chemise, et qui courait bravement derriere ses oies, son pied nu dans la poussiere, en 20 boitant sur son pilon mal equarri. Les volailles, reconnaissant leur domicile, entrerent dans la cour de la laiterie, et la petite se disposait a les suivre quand le capitaine Parreta par cette question: Eh! fillette, comment t'appelles-tu ? 25 Pierrette, monsieur, pour vous servir, re*pondit-elle en fixant sur lui ses grands yeux noirs, et en e*cartant de son front sa chevelure en desordre. -Tu es done de la maison? Je ne t'avais pas encore vue. 30 Oui-da, et je vous connais bien, allez! Car je LES VICES DU CAPITAINE l8l couche sous 1'escalier, et vous me reVeillez, en rentrant, tous les soirs. -Vraiment, petiote? Eh bien! on marchera sur ses pointes, a 1'avenir. Et quel a"ge as-tu ? 5 Neuf ans, monsieur, vienne la Toussaint. La patronne d'ici est-elle ta parente? Non, monsieur, je suis en service. On te donne ? . . . La soupe et le lit sous 1'escalier. 10 -Et qu'est-ce qui t'a arrangee comme cela, ma pauvre petite? Un coup de pied de vache, quand j'avais cinq ans. As-tu ton pere et ta mere? L'enfant rougit sous son hile. 15 Je sors des Enfants-Trouve's, dit-elle d'une voix breve. Puis, ayant gauchement salue" elle rentra dans la maison en claudicant; et le capitaine entendit s'dloi- gner, sur le pave* de la cour, le bruit sec de la petite 20 jambe de bois. - Nom de nom! songea-t-il en reprenant machi- nalement le chemin du cafe", voila qui n'est pas re"gle- mentaire. Un soldat, du moins, on le flanque aux Invalides, avec 1'argent de sa me'daille pour s'acheter 25 du tabac. Un officier, on lui colle une perception, et il se marie dans sa province. Mais, a cette gamine, une pareille infirmite"! Voila qui n'est pas re*glemen- taire. Ayant constate" en ces termes 1'injustice de la destined, 30 le capitaine vint jusqu'au seuil de son cher cafe"; mais il y apercut une telle cohue de blouses bleues, il y entendit l82 un tel brouhaha de gros rires et de carambolages, qu'il rentra chez lui, plein d'humeur. Sa chambre c'etait peut-etre la premiere fois qu'il y passait plusieurs heures de la journe"e lui parut sordide. Les rideaux du lit avaient le ton d'une pipe 5 culottee, le foyer etait jonche* de crachats et de bouts de cigares, et on aurait pu dcrire son nom dans la poussiere qui revetait tous les meubles. II contempla quelque temps les murailles ou le sublime lancier de Leipsick trouvait cent fois un glorieux trepas; 10 puis, pour se desennuyer, il passa en revue sa garde- robe. Ce fut une lamentable serie de poches perches, de chaussettes a jour, de chemises sans bouton. II me faudrait une servante! se dit-il. Puis il songea a la petite boiteuse. 15 Voila. Je louerais le cabinet voisin. L'hiver vient, et la petite doit geler sous 1'escalier. Elle sur- veillerait mes vetements, mon linge, nettoierait le caserne- ment. Un brosseur, quoi! Mais un nuage assombrit ce tableau confortable. Le 20 capitaine se souvenait que Peche"ance de son trimestre 6ta.it encore lointaine, et que sa note prenait des pro- portions inquietantes au cafe Prosper. Pas assez riche! revait-il en monologuant. Et cependant on me vole la-bas, c'est positif. La pension 25 est beaucoup trop couteuse; et ce barbu de ve"terinaire joue comme feu Besigue. Vcila huit jours que je paie sa consommation. Qui sait? je ferais peut-etre mieux de charger la petite de 1'ordinaire. La soupe au cafe" le matin, le pot-au-feu a midi et un rata tous les soirs. 30 Les vivres de campagne, enfin. fa me connait. LES VICES DU CAPITAINE 183 De*cide*ment, il e"tait tente*. En sortant, il vit justement la maltresse de la maison, grosse paysanne brutale, et la petite invalide, qui, toutes deux, la fourche a la main, remuaient le fumier dans la cour. 5 Sait-elle coudre, savonner, faire la soupe ? de manda-t-il brusquement. Qui ? Pierrette ? Pourquoi done ? - Sait-elle un peu de tout cela ? Dame! elle sort de 1'hospice, oii 1'on apprend a 10 se servir soi-meme. - Dis-moi, fillette, ajouta le capitaine en s'adressant a 1'enfant, je ne te fais pas peur! Non, n'est-ce pas? Et vous, la mere, voulez-vous me la ce*der? J'ai besoin d'une domestique. 15 Si vous vous chargez de son entretien. Alors, c'est dit. Voila vingt francs. Qu'elle ait, ce soir, une robe et un soulier! Demain nous arran- gerons le reste. Et, apres avoir donne une petite tape amicale sur la 20 joue de Pierrette, le capitaine s'eloigna, enchante* de ce qu'il venait de conclure. II faudra peut-etre rogner quelques bocks et quel- ques absinthes, pensait-il, et se me'ner du be*sigue du ve'te'rinaire. Mais il n'y a pas a dire, ce sera bien plus 25 rdglementaire. IV Capitaine, vous e"tes un lacheur. Telle fut Papostrophe dont les cariatides du cafe* Prosper saluerent de*sormais les entries du capitaine, de jour en jour plus rares. i 84 COPPE Car le pauvre homme n'avait pas pre*vu toutes les consequences de sa bonne action. La suppression de 1'absinthe matinale avail suffi a couvrir les modestes frais de 1'entretien de Pierrette; mais combien n'avait-il pas fallu d'autres reformes pour parer aux depenses 5 imprevues de son menage de garcon! Pleine de recon- naissance, la petite fille voulait la prouver par son zele. Deja la chambre avail change d'aspect. Les meubles e*taient ranges et astiques, le foyer decenl, le carreau verni, et les araignees ne filaient plus leurs toiles sur les 10 Morts de Poniatowski placees dans les coins. Quand le capilaine revenail, la soupe au choux 1'invilait par son parfum des 1'escalier, et la vue des plats fumants sur la nappe, grossiere mais blanche, aupres d'une assiette a fleurs et d'un couverl reluisanl, achevait de le mettre en 15 appetit. Pierrette profitait alors de la bonne humeur de son maltre pour avouer quelque secrete ambition. II fallait des chenets pour la cheminee, ou elle faisait maintenanl du feu, un moule pour les gateaux qu'elle reussirait si bien. Et le capilaine, que la demande de 20 1'enfanl faisait sourire et qui se sentait doucement gagner par les volupte's du at home, promellait d'y penser, et le lendemain remplacait ses londres par des cigares d'un sou, hdsilail devant 1'offre de cinq points d'e"carte, ou se refusail son Iroisieme bock ou son second 25 verre de chartreuse. Certes, la lutte fut longue; elle fut cruelle. Bien des fois, vers 1'heure d'un aperitif interdil par 1'economie, quand la soif lui schail la gorge, le capilaine dul faire un effort he'roique pour relirer sa main de"ja pose"e sur 30 le bee de cane de 1'eslaminet; bien des fois, il erra en LES VICES DU CAPITAINE 185 reVant de roi retourne* et de quinte et quatorze. Mais, presque toujours, il rentrait courageusement chez lui; et comme il aimait davantage Pierrette a chaque sacri- fice qu'il lui faisait, il 1'embrassait mieux ces jours-la. 5 Car il 1'embrassait. Ce n'e'tait plus sa servante. Une fois qu'elle se tenait debout pres de la table, 1'appelant: Monsieur I et toute respectueuse, il n'y put tenir, il lui prit les deux mains et il lui dit avec fureur: Embrasse-moi d'abord, et puis assieds-toi et fais- 10 moi le plaisir de me tutoyer, mille tonnerres! Aujourd'hui c'est fini. La rencontre d'un enfant a sauve* cet homme d'une vieillesse ignominieuse. II a substitue* a ses vieux vices une jeune passion ; il adore ce petit etre infirme qui sautille autour de lui, dans la 15 chambre commode et bien ameublee. De"ja il a appris a lire a Pierrette, et voici que, se rappelant sa calligraphic de sergent-major, il lui trace des exemples d'e*criture. Sa plus grande joie, c'est lorsque 1'enfant, attentive devant son papier et faisant 20 parfois un pate* qu'elle enleve vivement avec sa langue, est parvenue a copier toutes les lettres d'un interminable adverbe en ment. Son inquietude, c'est de songer qu'il devient vieux et qu'il n'a rien a laisser a son adopted. Aussi voila qu'il est presque avare; il thesaurise; il 25 veut se sevrer de tabac, bien que Pierrette lui bourre sa pipe et la lui allume. II compte e*pargner sur son faible revenu de quoi acheter plus tard un petit fonds de mercerie. C'est la que, lorsqu'il sera mort, elle vivra obscure et paisible, gardant accroche'e quelque part, 30 dans 1'arriere-boutique, une vieille croix d'honneur qui la fera se souvenir du capitaine. 1 86 COPPE Tous les jours, il va se promener avec elle sur le rempart. Quelquefois passent par la des gens Stran- gers a la ville, qui jettent un regard de compassion sur- prise sur ce vieux soldat epargne* par la guerre et sur cette pauvre enfant estropiee; et alors il se sent attendrir oh! delicieusement, jusqu'aux larmes, quand un de ces passants murmure en s'eloignant: Pauvre pere! sa fille est pourtant jolie! LE REMPLAgANT IL avait dix ans a peine quand on 1'arreta, une pre- miere fois, pbur vagabondage. II dit aux juges ceci: Je m'appelle Jean-Francois Leturc, et voila six 5 mois que je suis aupres de 1'homme qui chante, entre deux lanternes, sur la place de la Bastille, en frottant une corde a boyau. Je dis le refrain en meme temps que lui, et ensuite c'est moi qui crie: Demandez le recueil de chansons nouvelles, dix centimes, deux sous!" to II e"tait toujours en ribote et me battait; voila pourquoi les agents m'ont trouve*, 1'autre nuit, dans les demoli- tions. Avant, j'e*tais avec celui qui vend du poil a gratter. Ma mere etait blanchisseuse, elle se nommait Adele. Autrefois un monsieur Pavait e"tablie dans un 15 rez-de-chausse*e, a Montmartre. C'etait une bonne ouvriere et qui m'aimait bien. Elle gagnait de 1'argent parce qu'elle avait la clientele des garcons de cafe et que ces gens-la ont besoin de beaucoup de linge. Le di- manche, elle me couchait de bonne heure, pour aller au 20 bal; mais, en semaine, elle m'envoyait chez les Freres ou j'ai appris a lire. Enfin, voila. Le sergent de ville qui battait son quart dans notre rue s'arre'tait toujours devant la fenetre pour lui parler. Un bel homme, avec la me'daille de Crime*e. Us se sont maries, et tout 187 i 88 COPPE a marche* de travers. II m'avait pris en grippe et ex- citait maman centre moi. Tout le monde me flanquait des calottes, et c'est alors que, pour fuir la maison, j'ai passe* des journees entieres sur la place Clichy, ou j'ai connu les saltimbanques. Mon beau-pere perdit sa 5 place, maman ses pratiques; elle alia au lavoir pour nourrir son homme. C'est la qu'elle est devenue poi- trinaire, rapport a la buee. Elle est morte a Lariboi- siere. C'e*tait une bonne femme. Depuis ce temps-la, j'ai vecu avec le marchand de poil a gratter et le racleur 10 de corde a boyau. Est-ce qu'on va me mettre en prison ? II parla ainsi carrement, cyniquement, comme un homme. C'etait un petit galopin deguenille", haut comme une botte, le front cache sous une Strange ti- 15 gnasse jaune. Personne ne le re"clamant, on le mit aux Jeunes Detenus. Peu intelligent, paresseux, surtout maladroit de ses mains, il ne put apprendre la qu'un mauvais metier, 20 rempailleur de chaises. Pourtant il e*tait obe"issant, d'un naturel passif et taciturne, et ne semblait pas trop prof on dement corrompu dans cette e"cole de vice. Mais lorsque, arrive a sa dix-septieme anne"e, il fut relance sur le pave" parisien, il y retrouva, pour son malheur, 25 ses camarades de prison, tous affreux droles exercant les professions de la boue. C'e*taient des eleveurs de dogues pour la chasse aux rats dans les e*gouts; des cireurs de souliers, les nuits de bal, dans le passage de rOpeYa; des lutteurs amateurs se laissant volontaire- 30 ment tomber par les hercules de foire; des pcheurs a LE REMPLA^ANT 189 la ligne, en plein soleil, sur les trains de bois. II fit un peu de tout cela, et, quelques mois apres sa sortie de la maison de correction, il fut de nouveau arrete pour un petit vol: une paire de vieux souliers enlevee a un e"talage. 5 Re"sultat: un an de prison a Sainte- Pelagic, ou il servit de brosseur aux detenus politiques. II ve'cut, e*tonne", dans ce groupe de prisonniers, tous tres jeunes et negligemment vetus, qui parlaient a voix haute et portaient la tete d'une facon si solennelle. Us 10 se reunissaient dans la cellule du plus age d'entre eux, garcon d'une trentaine d'anne"es, incarcere depuis long- temps deja et comme install^ a Sainte-Pelagie: une grande cellule, tapisse"e de caricatures colorizes, et par la fenetre de laquelle on voyait tout Paris, ses toits, ses 15 clochers et ses domes, et, la-bas, la ligne lointaine des coteaux, bleue et vague sur le ciel. II y avait aux murailles quelques planches charge'es de volumes et tout un vieil attirail de salle d'armes: masques creves, fleurets rouille"s, plastrons et gants perdant leur e*toupe. 20 C'est la que les politiques dinaient ensemble, ajoutant a 1'immuable "soupe et le bceuf* des fruits, du fromage, et des litres de vin que Jean-Francois allait acheter a la cantine: repas tumultueux, interrompus de violentes disputes, ou 1'on chantait en choeur au dessert la Car- 25 magnate et le fa iral On prenait cependant un air de dignite" les jours ou 1'on faisait place a un nouveau venu, traite" d'abord gravement de citoyen, mais des le lendemain tutoye* et appele* par son petit nom. II se disait la des grands mots: Corporation, Solidarity, et 30 des phrases tout a fait inintelligibles pour Jean-Francois, telles que celle-ci, par exemple, qu'il etitendit une fois i go COPPE proferer imperieusement par un affreux petit bossu qui noircissait du papier toutes les nuits: C'est dit. Le cabinet est ainsi compose: Ray- mond a 1'instruction publique, Martial a 1'interieur, et moi aux affaires etrangeres. 5 Son temps fait, il erra de nouveau a travers Paris, surveille de loin par la police, a la facon de ces hannetons que les enfants cruels font voler au bout d'un fil. II devenait un de ces etres fuyants et craintifs que la loi, avec une sorte de coquetterie, arrete et relache tour a 10 tour, un peu comme ces pecheurs platoniques qui, pour ne pas depeupler leur vivier, rejettent bien vite a 1'eau le poisson sortant a peine du filet. Sans se douter qu'on fit tant d'honneur a son chetif individu, il avail un dossier special dans les mysterieux cartons de la rue de 15 Jerusalem, ses nom et prenoms etaient ecrits en belle batarde sur le papier gris de la couverture, et les notes et rapports, soigneusement classes, lui donnaient ces appel- lations graduees : le nomme Leturc, 1'inculpe Leturc, et enfin le condamne Leturc. 20 II rcsta deux ans hors de prison, dinant a la Cali- fornie, couchant dans les garnis a la nuit et quelquefois dans les fours a chaux, et prenant part, avec ses sem- blables, a d'interminables parties de bouchon sur les boulevards, pres des barrieres. II portait la casquette 25 grasse en arriere, les pantoufles de tapisserie et la courte blouse blanche. Quand il avait cinq sous, il se faisait friser. II dansait chez Constant, a Montparnasse, achetait deux sous, pour le revendre quatre, k la porte de Bobino, le valet de cceur ou 1'as de trefle servant 30 de contre-marque, ouvrait a 1'occasion une portiere de LE REMPLAANT 19 1 voiture, entrainait des rosses au marche aux chevaux. Tous les malheurs! il tira au sort et amena un bon numero. Qui sail si 1'atmosphere d'honneur qu'on respire au regiment, si la discipline militaire, ne 1'auraient 5 pas sauve ? Repris, dans un coup de filet, avec de jeunes rodeurs qui devalisaient les ivrognes endormis sur les trottoirs, il se de*fendit tres energiquement d'avoir pris part a leurs expeditions. C'etait peut-etre vrai. Mais ses antecedents lui tinrent lieu de preuve, et il fut envoye 10 pour trois ans a Poissy. La, il fabriqua de grossiers jouets d'enfant, se fit tatouer les pectoraux et apprit Par- got et le Code penal. Nouvelle liberation, nouveau plongeon dans le cloaque parisien, mais bien court, cette fois, car au bout de six semaines tout au plus il fut de x5 nouveau compromis dans un vol nocturne, aggrave d'escalade et d'effraction, affaire tenebreuse ou il avait joue un role obscur, moitie dupe et moitie receleur. En somme, sa complicite parut evidente, et il fut condamne a cinq annees de travaux forces. Son chagrin, dans 20 cette aventure, fut surtout d'etre separe d'un vieux chien qu'il avait ramasse sur un tas d'ordures et gueri de la gale. Cette bete 1'avait aime. Toulon, le boulet au pied, le travail dans le port, les coups de baton, les sabots sans paille, la soupe aux 25 gourganes datant de Trafalgar, pas d'argent pour le tabac, et 1'horrible sommeil du lit de camp grouillant de forcats, voila ce qu'il connut pendant cinq etes tor- rides et cinq hivers souffletes par le mistral. II sortit de la ahuri, fut envoye en surveillance a Vernon, ou il 30 travailla quelque temps sur la riviere; puis, vagabond incorrigible, il rompit son ban et revint encore a Paris i 92 COPPE II avait sa masse, cinquante-six francs, c'est-a-dire le temps de la reflexion. Pendant sa longue absence, ses anciens et horribles camarades s'etaient disperses. II etait bien cache* et couchait dans une soupente, chez une vieille femme a qui il s'etait donne comme un marin 5 las de la mer, ayant perdu ses papiers dans un recent naufrage, et qui voulait essayer d'un autre e"tat. Sa face halee, ses mains calleuses et quelques termes de bord qu'il lachait de temps a autre, rendaient ce roman assez vraisemblable. 10 Un jour qu'il s'etait risque a flaner par les rues, et que le hasard de la marche 1'avait conduit jusque dans ce Montmartre ou il etait ne, un souvenir inattendu 1'arreta devant la porte de 1'ecole des Freres dans la- quelle il avait appris a lire. Comme il faisait tres 15 chaud, cette porte etait ouverte, et, d'un seul regard, le farouche passant put reconnaitre la paisible salle d'etude. Rien n'etait change: ni la lumiere crue tombant par le grand chassis, ni le crucifix au-dessus de la chaire, ni les gradins reguliers avec les planchettes garnies d'encriers 20 de plomb, ni le tableau des poids et mesures, ni la carte ge"ographique sur laquelle etaient meme encore piquees les epingles indiquant les operations d'une ancienne guerre. Distrait, et sans reflechir, Jean-Francois lut, sur la planche noircie, cette parole de 1'fivangile 25 qu'une main savante y avait tracee comme exemple d'e"criture: II y a plus de joie au ciel pour un pe"cheur qui se repent que pour cent justes qui perseVerent. C'etait sans doute 1'heure de la recreation, car le 30 Frere professeur avait quittd sa cathedre, et, assis sur LE REMPLAANT 1 93 le bord d'une table, il semblait center une histoire a tous les gamins qui 1'entouraient, attentifs et levant les yeux. Quelle physionomie innocente et gaie que celle de ce jeune homme imberbe, en longue robe noire, en 5 rabat blanc, en gros vilains souliers, et dont les cheveux bruns mal coupes se retroussaient par derriere! Toutes ces figures plottes d'enfants du peuple qui le regardaient paraissaient moins enfantines que la sienne, surtout lorsque, charme d'une candide plaisanterie de pretre 10 qu'il venait de faire, il partait d'un bon et franc eclat de rire qui montrait ses dents saines et bien range'es, et si communicatif, que tous les e'coliers e"clatarient bruyam- ment a leur tour. Et c'dtait simple et doux, ce groupe dans ce rayon joyeux qui faisait dtinceler les yeux clairs 15 et les boucles blondes. Jean-Franjois le considdra quelque temps en silence, et, pour la premiere fois, dans cette nature sauvage, toute d'instinct et d'appe"tit, s'eVeilla une myste'rieuse et douce Emotion. Son cceur, ce rude coeur cuirasse", 20 que la trique du chiourme ou la lourde poigne de I'ar- gousin tombant sur l'e"paule ne faisait plus tressaillir, battit jusqu'a 1'oppression. Devant ce spectacle, ou il revoyait son enfance, ses paupieres se fermerent doulou- reusement, et, contenant un geste violent, en proie a la 35 torture du regret, il s'eloigna a grands pas. Les mots Merits sur le tableau noir lui revinrent alors & la pense"e. S'il n'e"tait pas trop tard, apres tout? murmura- t-il. Si je pouvais encore, corame les autres, mordre 30 honnetement dans mon pain bis, dormir mon somme sans cauchemar? Bien malin le mouchard qui me re- 194 COPPE connaitrait! Ma barbe, que je rasais la-bas, a repousse" maintenant drue et forte. On peut se terrer dans la grande fourmiliere, et la besogne n'y manque pas. Quiconque ne creve point tout de suite dans 1'enfer du bagne en sort agile ct robuste, et j'y ai appris a monter 5 aux cordages avec des charges sur le dos. On batit partout ici, et les macons ont besoin d'aides. Trois francs par jour, je n'en ai jamais tant gagne". Qu'on m'oublie, c'est tout ce que je demande. II suivit sa courageuse resolution, il y fut fidele, et, 10 trois mois apres, c'etait un autre homrae. Le maitre pour lequel il travaillait le citait comme son meilleur compagnon. Apres la longue journee passe"e sur 1'echelle, au grand soleil, dans la poussiere, a ployer et a redresser constamment les reins pour prendre le moellon des ij mains de 1'homme place" a ses pieds et le repasser a 1'homme place au-dessus de sa tete, il rentrait manger la soupe k la gargote, e"reinte", les jambes lourdes, les mains brulantes et les cils colles par le platre, mais content de lui et portant son argent bien gagne* dans le au noeud de son mouchoir. II sortait maintenant sans rien craindre, car son masque blanc le rendait meconnais- sable, et puis il avait observe que le regard mefiant du policier s'arrete peu sur le vrai travailleur. II e"tait silencieux et sobre. II dormait le bon sommeil de la 25 bonne fatigue. II e"tait libre. Enfin, recompense supreme! il cut un ami. C'e"tait un garcon macon comme lui, nomme' Savinien, un petit paysan limousin, aux joues rouges, venu k Paris le baton sur l'e"paule, avec le paquet au bout, qui fuyait 30 le marchand de vin et aHait a la messe le dimanche LE REMPLAANT 195 Jean-Francois 1'aima pour sa sante", pour sa candeur, pour son honnetete*, pour tout ce que lui-meme avait perdu et depuis si longtemps. Ce fut une passion pro- fonde, contenue, qui se traduisait par des soins et des 5 provenances de pere. Savinien, lui, nature mobile et e"goiste, se laissait faire, satisfait seulement d'avoir trouve" un camarade qui partageait son horreur du cabaret. Les deux amis logeaient ensemble dans un garni assez propre; mais leurs ressources tant tres 10 borndes, ils avaient dfi admettre dans leur chambre un troisieme compagnon, vieil Auvergnat sombre et rapace, qui trouvait encore moyen d'e"conomiser, sur son maigre salaire, de quoi acheter du bien dans son pays. Jean-Francois et Savinien ne se quittaient presque 15 pas. Les jours de repos, ils allaient faire ensemble de longues promenades aux environs de Paris et diner sous la tonnelle, dans une de ces guinguettes ou il y a beau- coup de champignons dans les sauces et d'innocents re*bus au fond des assiettes. Jean-Francois se faisait 20 alors center par son ami tout ce qu'ignorent ceux qui sont ne"s dans les villes. II apprenait le nom des arbres, des fleurs et des plantes, Pe'poque des differentes rdcoltes; il e"coutait avidement les mille details du grand labeur bucolique: les semailles d'automne, le labourage d'hiver, 25 les fetes splendides de la moisson et de la vendange, et les fleaux battant le sol, et le bruit des moulins au bord de 1'eau, et les chevaux las mends a 1'abreuvoir, et les chasses matinales dans le brouillard, et surtout les longues veille"es autour du feu de sarment, abre"ge*es par 30 les histoires merveilleuses. II de*couvrait en lui-meme une source d'imagination jusqu'alors inconnue, trouvant 196 COPPE une volupte* singuliere au seul reVit de ces choses douces, calmes et monotones. Une crainte le troublait pourtant, celle que Savinien ne vlnt a connaitre son passe. Parfois il lui echappait un mot tenebreux d'argot, un geste ignoble, vestiges de 5 son horrible existence d'autrefois, et il eprouvait la douleur d'un homme de qui les anciennes blessures se rouvrent, d'autant plus qu'il croyait voir alors, chez Savinien, s'eveiller une curiosite malsaine. Quand le jeune homme, deja tente par les plaisirs que Paris offre 10 aux plus pauvres, 1'interrogeait sur les mysteres de la grande ville, Jean-Francois feignait 1'ignorance et de- tournait 1'entretien; mais il concevait alors sur 1'avenir de son ami une vague inquietude. Elle n'etait point sans fondement, et Savinien ne 15 devait pas rester longtemps le naif campagnard qu'il etait lors de son arrivee a Paris. Si les joies grossieres et bruyantes du cabaret lui re"pugnaient toujours, il etait profondement trouble par d'autres de"sirs pleins de dangers pour 1'inexperience de ses vingt ans. Quand 20 vint le printemps, il commenca a chercher la solitude et erra d'abord devant 1'entree illuminee des bals de barrieres, qu'il voyait franchir par les couples de fillettes en cheveux, se tenant par la taille et se parlant tout bas. Puis, un soir que les lilas embaumaient et que 1'appel 25 des quadrilles etait plus entrainant, il franchit le seuil, et, des lors, Jean-Francois le vit changer peu a peu de moeurs et de physionomie. Savinien devint plus coquet, plus depensier; souvent il empruntait a son ami sa miserable epargne, qu'il oubliait de lui rendre. Jean- 30 Franfois, se sentant abandonn^, a la fois indulgent LE REMPLAANT 197 et jaloux, souffrait et se taisait. II ne se croyait pas le droit d'adresser des reproches; mais son amitie pe*netrante avait de cruels, d'insurmontables pressenti- ments. 5 Un soir qu'il gravissait 1'escalier de son garni, ab- sorb^ dans ses preoccupations, il entendit, dans la chambre ou il allait entrer, un dialogue de voix irritees parmi lesquelles il reconnut celle du vieil Auvergnat, qui logeait avec lui et Savinien. Une ancienne habitude 10 de m^fiance le fit s'arreter sur le palier, et il e"couta pour connaitre la cause de ce trouble. Oui, disait 1' Auvergnat avec colere, je suis sur qu'on a ouvert ma malle et qu'on y a void les trois louis que j'avais caches dans une petite boite; et celui 15 qui a fait le coup ne peut etre qu'un des deux com- pagnons qui couchent ici, a moins que ce ne soit Maria, la servante. La chose vous regarde autant que moi, puis- que vous etes le maitre de la maison, et c'est vous que je trainerai en justice si vous ne me laissez pas tout de suite 20 chambarder les valises des deux macons. Mon pauvre magot! il e*tait encore hier a sa place, et je vais vous dire comment il est fait, pour que, si nous le retrouvons, on ne m'accuse pas encore d'avoir menti. Oh! je les con- nais, mes trois belles pieces d'or, et je les vois comme je 25 vous vois. II y en a une plus use"e que les autres, d'un or un peu vert, et c'est le portrait du grand Empereur; 1'autre, c'est celui d'un gros vieux qui a une queue et des epaulettes; et la troisieme, ou il y a dessus un Philippe en favoris, je 1'ai marque*e avec mes dents. C'est qu'on 3 ne me triche pas, moi. Savez-vous qu'il ne m'en f allait plus que deux autres comme ca pour payer ma vigne. 198 COPPE Aliens! fouillez avec moi dans les nippes des camarades, ou je vais appeler la garde, fouchtra! Soil! repondit la voix du patron del'hotel, nous aliens chercher avec Maria. Tant pis si vous ne trouvez rien et si les macons se fachent. C'est vous qui m'aurez force. 5 Jean-Francois avait 1'ame remplie d'epouvante. II se rappelait la gene et les petits emprunts de Savinien, 1'air sombre qu'il lui avait trouve depuis quelques jours. Cependant il ne voulait pas croire a un vol. II entendait 1'Auvergnat haleter, dans 1'ardeur de sa recherche, et 10 il serrait ses poings fermes centre sa poitrine, comme pour comprimer les battements de son cceur. Les voila! hurla tout a coup 1'avare victorieux. Les voila! mes louis, mon cher tresor! Et dans le gilet des dimanches de ce petit hypocrite de Limousin. 15 Voyez, patron ! ils sont bien comme je vous ai dit. Voila le Napoleon, et 1'homme a la queue, et le Philippe que j'ai mordu. Regardez 1'encoche. Ah! le petit gueux! avec son air de sainte-nitouche. J'aurais plutot soupconne" 1'autre. Ah! le sce'le'rat! faudra qu'il aille au bagne. 20 En ce moment, Jean-Francois entendit le pas bien connu de Savinien qui montait lentement 1'escalier. *I1 va se trahir, pensa-t-il. Trois etages. J'ai le temps. B Et, poussant la porte, il entra, pale comme un mort, 25 dans la chambre, ou il vit I'h6telier et la bonne stupe"- faite, dans un coin, et 1'Auvergnat a genoux parmi les hardes en de"sordre, qui baisait amoureusement ses pieces d'or. En voila assez, fit-il d'une voix sourde. C'est moi 30 9111 ai pris 1'argent et qui 1'ai mis dans la malle du LE REMPLAANT 199 camarade. Mais c'est trop ddgoutant. Je suis un voleur et non pas un Judas. Allez chercher la police. Je ne me sauverai pas. Seulement, il faut que je disc un mot en particulier a Savinien, que voila. 5 Le petit Limousin venait en effet d'arriver et, voyant son crime decouvert, se croyant perdu, il restait la, les yeux fixes, les bras ballants. Jean- Francois lui sauta violemment au cou, comme pour 1'embrasser; il colla sa bouche a Poreille de Savinien, 10 et lui dit d'une voix basse et suppliante: -Tais-toi! Puis, se tournant vers les autres: Laissez-moi seul avec lui. Je ne m'en irai pas, vous dis-je. Enfermez-nous, si vous voulez, mais 15 laissez-nous seuls. Et, d'un geste qui commandait, il leur montra la porte. Ils sortirent. Savinien, brise" par 1'angoisse, s'e"tait assis sur un lit et baissait les yeux sans comprendre. 20 ficoute, dit Jean-Francois, qui vint lui prendre les mains. Je devine. Tu as vol les trois pieces d'or pour acheter quelque chiffon a une fille. Cela t'aurait valu six mois de prison. Mais on ne sort de la que pour y rentrer, et tu serais devenu un pilier de correc- 25 tionnelles et de cours d'assises. Je m'y entends. J'ai fait sept ans aux Jeunes De*tenus, un an k Sainte-Pelagie, trois ans a Poissy, cinq ans a Toulon. Maintenant, n'aie pas peur. Tout est arrange. J'ai mis 1'affaire sur mon dos. 30 Malheureux! s'e"cria Savinien; mais PespeYance renaissait deja dans ce lache coeur. 200 COPPE Quand le frere aine est sous les drapeaux, le cadet ne part pas, reprit Jean-Francois. Je suis ton rempla- fant, voila tout. Tu m'aimes un peu, n'est-ce pas? Je suis paye. Pas d'enfantillage. Ne refuse pas. On m'aurait houcl^ un de ces jours; car je suis en rupture 5 de ban. Et puis, vois-tu, cette vie-la, ce sera moins dur pour moi que pour toi; fa me connait, et je ne me plains pas si je ne te rends pas ce service pour rien et si tu me jures que tu ne le feras plus. Savinien, je t'ai bien aime, et ton amitie m'a rendu bien heureux, car c'est 10 grace a elle que, tant que je t'ai connu, je suis reste honnete et pur, et tel que j'aurais toujours etc, peut- etre, si j'avais eu comme toi un pere pour me mettre un outil dans la main, une mere pour m'apprendre mes prieres. Mon seul regret, c'etait de t'etre inutile et de 15 te tromper sur mon compte. Aujourd'hui, je me de*- masque en te sauvant. Tout est bien. Allons, adieu! ne pleurniche pas, et embrasse-moi, car j'entends deja les grosses bottes sur Pescalier. Us reviennent avec la rousse, et il ne faut pas que nous ayons Pair de nous 20 connaitre si bien devant ces gens-la. II serra brusquement Savinien contre sa poitrine; puis il le repoussa loin de lui, lorsque la porte se rouvrit toute grande. C'etait 1'hotelier et 1'Auvergnat qui amenaient les 25 sergents de ville. Jean-Francois s'elanca sur le palier, tendit ses mains aux menottes et s'e*cria en riant: En route, mauvaise troupe! Aujourd'hui il est a Cayenne, condamne' a perpe'tuite', comme rdcidiviste. 30 ABOUT L'ONCLE ET LE NEVEU JE suis sur que vous avez passe vingt fois devant la maison du docteur Auvray, sans deviner qu'il s'y fait des miracles. C'est une habitation modeste et presque cached, sans faste et sans enseigne; on ne lit pas meme 5 sur la porte cette inscription banale: Maison de sante. Elle est situe"e vers Pextrdmite de 1'avenue Montaigne, entre le palais gothique du prince Soltikoff et le gymnase du grand Triat, qui re'ge'nere I'homme par le trapeze. Une grille peinte en bronze s'ouvre sur un petit jardin 10 de lilas et de rosiers. La loge du concierge est a gauche: le pavilion de droite contient le cabinet du mddecin et 1'appartement de sa femme et de sa fille. Le corps de logis principal est au fond; il tourne le dos a 1'avenue et ouvre toutes ses fenetres au sud-est, sur un petit pare 15 bien plant en marronniers et en tilleuls. C'est la que le docteur soigne et souvent gueYit les alie'ne's. Je ne vous introduirais pas chez lui, si Ton courait risque d'y rencontrer tous les genres de folie; mais ne craignez rien, vous n'aurez pas le spectacle navrant de 1'imbe'cillite', 20 de la folie paralytique, ou meme de la de'mence. M. Auvray s'est cre'e', comme on dit, une spe'cialite': il traite la monomanie. C'est un excellent homme, plein de savoir et d'esprit, philosophe et e"leve d'Esquirol et de Laromiguiere. Si vous le rencontriez jamais avec sa 2O2 ABOUT tete chauve, son menton bien rase", ses habits noirs et sa physionomie terne, vous ne sauriez s'il est me'decin, professeur, ou pretre. Lorsqu'il ouvre ses levres epaisses, vous devinez qu'il va vous dire: ^mon enfant!" Ses yeux ne sont pas laids pour des yeux a fleur de te'te ; 5 ils promenent autour d'eux un large regard limpide et serein; on apercoit au fond tout un monde de bonnes pensees. Ces gros yeux sont comme des jours ouverts sur une belle ame. La vocation de M. Auvray s'est decidee lorsqu'il e*tait encore interne a la Salpetriere. 10 II etudia passionnement la monomanie, celte curieuse alteration des facultes de 1'esprit qui s'explique rare- ment par une cause physique, qui ne repond a aucune lesion visible du systeme nerveux, et qui se guerit par un traitement moral. II fut seconde dans ses observations 15 par une jeune surveillante de la division Pinel, assez jolie et fort bien dlevee. II se prit d'amour pour elle, et, aussitot docteur, il l'e*pousa. C'e*tait entrer modeste- ment dans la vie. Cependant il avait un peu de bien, qu'il employa a fonder l'e"tablissement que vous savez. 20 Avec un peu de charlatanisme, il cut fait sa fortune; il se contenta d'y faire ses frais. II eVite le bruit, et, lors- qu'il a obtenu une cure merveilleuse, il ne le dit pas sur les toits. Sa reputation s'est faitc toute seule, presque a son insu. En voulez-vous une preuve? Le trait de 25 Monomanie raisonnante, qu'il a public chez Bailliere en 1842, en est a sa sixieme edition, sans que 1'auteur ait envoye* un seul exemplaire aux journaux. Certes la modestie est bonne en soi, mais il n'en faut pas abuser. M Ile Auvray n'a pas plus de vingt mille francs de dot, 30 et elle aura vingt-deux ans en avril. L'ONCLE ET LE NEVEU . 203 H y a quinze jours environ (c'dtait, je crois, le jeudi 13 ddcembre), un coupe* de louage s'arrSta devant la grille de M. Auvray. Le cocher demanda la porte, et la porte s'ouvrit. La voiture s'avanca jusqu'au pavilion 5 habite" par le docteur, et deux hommes entrerent vive- ment dans son cabinet. La servante les pria de s'asseoir et d'attendre que la visite fut termine'e. II dtait dix heures du matin. L'un des deux Strangers e*tait un homme de cin- 10 quante ans, grand, brun, sanguin, haut en couleur, pas- sablement laid, et surtout mal tourne; les oreilles percees, les mains dpaisses, les pouces enormes. Figurez-vous un ouvrier revetu des habits de son patron : voila M. Morlot. Son neveu, Francois Thomas, est un jeune homme 5 de vingt-trois ans, difficile a de"crire, parce qu'il res- semble a tout le monde. II n'est ni grand ni petit, ni beau ni laid, ni taille" comme un hercule, ni cisele" comme un dandy, mais moyen en toutes choses, modeste des pieds a la tfite, chatain de cheveux, d'esprit et meme lo d'habit. Lorsqu'il entra chez M. Auvray, il semblait fort agile": il se promenait avec une sorte de rage, il ne tenait pas en place, il regardait vingt choses a la fois, et il aurait touchd a tout s'il n'avait eu les mains lie"es. Calme-toi, lui disait son oncle; ce que j'en fais, 25 c'est pour ton bien. Tu seras heureux ici, et le docteur va te gue"rir. - Je ne suis pas malade. Pourquoi m'avez-vous attach^ ? Parce que tu m'aurais jete" par la portiere. Tu 30 n'as pas ta raison, mon pauvre Francois; M. Auvray te la rendra. 204 ABOUT Je raisonne aussi bien que vous, mon oncle, et je ne sais ce que vous voulez dire. J'ai 1'esprit sain, le jugement rassis et la memoire excellente. Voulez- vous que je vous recite des vers? Faut-il expliquer du latin? Voici justement un Tacite dans cette biblio- 5 theque ... Si vous preferez une autre experience, je vais resoudre un probleme d'arithmetique ou de geome- tric . . . Vous ne voulez pas? ... Eh bien! ecoutez ce que nous avons fait ce matin . . . Vous ctes venu a huit heures, non pas m'eVeiller, 10 puisque je ne dormais point, mais me tirer de mon lit. J'ai fait ma toilette moi-meme, sans 1'aide de Germain; vous m'avez prie de vous suivre chez le docteur Auvray, j'ai refuse; vous avez insiste, je me suis mis en colere. Germain vous a aide a me Her les mains, je le chasserai 15 ce soir. Je lui dois treize jours de gages, c'est-a-dire treize francs, puisque je 1'ai pris a raison de trente francs par mois. Vous lui devrez une indemnite, vous tes cause qu'il perd ses e"trennes. Est-ce raisonner, cela? et comptez-vous encore me faire passer pour 20 fou? . . . Ah! mon cher oncle, revenez a de meilleurs sentiments! souvenez-vous que ma mere etait votre soeur! Qiv dirait-elle, ma pauvre mere, si elle me voyait ici? . . Je ne vous en veux pas, et tout peut s'arranger Vamiable. Vous avez une fille, M lle Claire 25 Morlot . . . Ah! je 'y prends! tu vois bien que tu n'as plus ta tte! J'ai une fille, moi? Mais je suis garcon, et tres garcon! -Vous avez une fille, reprit machinalement Fran- 30 cois- L'ONCLE ET LE NEVEU 205 Mon pauvre neveu! . . . Voyons, coute-moi bien. As-tu une cousine? Une cousine? non, je n'ai pas de cousine. Oh! vous ne me trouverez pas en defaut. Je n'ai ni cousins 5 ni cousines. Je suis ton oncle, n'est-il pas vrai ? Oui, vous etes mon oncle, quoique vous Payez oublie" ce matin. Si j'avais une fille, elle serait ta cousine; or, tu n'as jo pas de cousine, done je n'ai pas de fille. Vous avez raison . . . J'ai eu le bonheur de la voir cet e*te" aux eaux d'Ems avec sa mere. Je 1'aime; j'ai lieu de croire que je ne lui suis pas indifferent, et j'ai Phonneur de vous demander sa main. 15 La main de qui ? La main de M lle votre fille. Allons! pensa Poncle Morlot, M. Auvray sera bien habile s'il le guerit! Je payerai six mille francs de pension sur les revenues de mon neveu. Qui de trente 20 paye six, reste vingt-quatre. Me voila riche. Pauvre Francois! II s'assit et ouvrit un livre au hasard. Mets-toi la, dit-il au jeune homme, je vais te lire quelque chose. Tache d'eVouter, cela te calmera. II lut: 25 *La monomanie est I'opiniatrete* d'une ide*e, 1'empire exclusif d'une passion. Son siege est dans le cceur, c'est la qu'il faut la chercher et la gueVir. Elle a pour cause 1'amour, la crainte, la vanite", 1'ambition, les re- mords. Elle se trahit par les memes symptomes que la 30 passion; tant6t par la joie, la gaiete", 1'audace et le bruit; tantdt par la timidite", la tristesse et le silence. 206 ABOUT Pendant cette lecture, Francois parut se calmer et s'assoupir: il faisait chaud dans le cabinet du docteur. * Bravo! pensa M. Morlot; voici dja. un prodige de la medecine: elle endort un homme qui n'avait ni faim ni sommeil. Francois ne dormait pas, mais il jouait le 5 sommeil dans la perfection. II penchait la tete en mesure, et reglait mathematiquement le bruit monotone de sa respiration. L'oncle Morlot y fut pris: il pour- suivit sa lecture a voix basse, puis il bailla, puis il cessa de lire, puis il laissa glisser son livre, puis il ferma les 10 yeux, puis il s'endormit de bonne foi, a la grande satis- faction de son neveu, qui le lorgnait malicieusement du coin de 1'oeil. Francois commenca par remuer sa chaise; M. Morlot ne bougea pas plus qu'un arbre; Francois se promena 15 en faisant craquer ses bottes sur le parquet: M. Mc^ot se mit a ronfler. Alors le fou s'approche du bureau, trouve un grattoir, le pousse dans un angle, 1'appuie solidement par le manche et coupe la corde qui atta- chait ses bras. II se delivre, rentre en possession de ses 20 mains, retient un cri de joie et vient a petits pas vers son oncle. En deux minutes M. Morlot fut garrotte solide- ment, mais avec tant de delicatesse, que son sommeil n'en fut pas meme trouble. Francois admira son ouvrage et ramassa le livre, 25 qui avait glisse jusqu'a terre. C'e"tait la derniere edi- tion de la Monomanie raisonnante. II 1'emporta dans un coin et se mit a lire, comme un sage, en attendant 1'arrive'e du docteur. L'ONCLE ET LE NEVEU 207 n II faut ponrtant que je raconte les antecedents de Francois et de son oncle. Francois etait le fils unique d'un ancien tabletier du passage du Saumon, appele M. Thomas. La tabletterie est un bon commerce; on 5 y gagne cent pour cent sur presque tous les articles. Depuis la mort de son pere, Francois jouissait de cette aisance qu'on appelle honnete, sans doute parce qu'elle nous dispense de faire des bassesses, peut-etre aussi parce qu'elle nous permet de faire des honnetete's a nos amis: 10 il avait trente mille francs de rente. Ses gouts etaient extremement simples, comme je crois vous 1'avoir dit. II avait une preference inne"e pour ce qui ne brille pas, et il choisissait naturellement ses gants, ses gilets et ses paletots dans' cette se"rie de 15 couleurs modestes qui s'e*tend entre le noir et le marron. II ne se souvenait pas d'avoir reve" panache meme dans sa plus tendre enfance, et les rubans qu'on envie le plus n'avaient jamais trouble son sommeil. II ne portait pas de lorgnon, par la raison, disait-il, qu'il avait de bons 20 yeux; ni d'epingle a sa cravate, parce que sa cravate tenait sans epingle; mais le fait est qu'il avait peur de se faire remarquer. Le vernis de ses bottes 1'eblouissait. II aurait ete fort en peine si le hasard de la naissance 1'eut afflige d'un nom remarquable. Si pour 1'achever, 25 son parrain 1'eut appele Americ ou Fernand, il n'aurait signe de sa vie. Heureusement ses noms etaient aussi modestes que s'il les cut choisis lui-meme. Sa timidite l'empcha de prendre une carriere. Apres avoir franchi le seuil du baccalaureat, il s'adossa a cette 2O& ABOUT grande porte qui conduit a tout, et il resta en contempla- tion devant les sept ou huit chemins qui lui etaient ouverts. Le barreau lui semblait trop bruyant, la me"decine trop remuante, 1'enseignement trop imposant, le commerce trop complique, 1'administration trop 5 assujettissante. Quant a 1'armee, il n'y fallait pas songer: ce n'est pas qu'il cut peur de 1'ennemi; mais il tremblait a 1'idee de l'uniforme. II s'en tint done a son premier metier, non comme au plus facile, mais comme au plus obscur: il 10 vecut de ses rentes. Comme il n'avait pas gagne son argent lui-meme, il pretait volontiers. En retour d'une vertu si rare, le ciel lui donna beaucoup d'amis. II les aimait tous sincerement, et faisait leurs volontes de tres bonne 15 grace. Lorsqu'il en rencontrait un sur le boulevard, c'etait toujours lui qui se laissait prendre le bras, faisait un demi-tour sur lui-meme et cheminait ou 1'on voulait le conduire. Notez qu'il n'etait ni sot, ni borne, ni igno- rant. II savait trois ou quatre langues vivantes; il posse- =o dait le latin, le grec et tout ce qu'on apprend au college; il avait quelques notions de commerce, d'industrie,d'agri- culture et de litte"rature, et il jugeait sainement un livre nouveau, lorsque personne n'e*tait la pour l'e*couter. Mais c'est avec les femmes que sa faiblesse se mon- 25 trait dans toute sa force. II fallait toujours qu'il en aimat quelqu'une, et si le matin, en se frottant les yeux, il n'avait pas vu quelque lueur d'amour a 1'horizon, il se serait leve* maussade et il eut mis infailliblement ses bas a 1'envers. Lorsqu'il assistait a un concert ou a un 30 spectacle, il commencait a chercher dans la salle un L'ONCLE ET LE NEVEU 209 visage qui lui plut, et il s'en eprenait jusqu'au soir. S'il avait trouve", le spectacle 6ta.it beau, le concert d^licieux; sinon, tout le monde parlait mal ou chantait faux. Son cceur avait une telle horreur du vide, qu'en 5 presence d'une beaute" mediocre, il se battait les flancs pour la trouver parfaite. Vous devinerez sans moi que cette tendresse universelle n'etait point ddbauche, mais innocence. II aimait toutes les femmes sans le leur dire, parce qu'il n'avait jamais ose parler a aucune. 10 C'e*tait le plus candide et le plus inoffensif des roue's; Don Juan, si vous voulez, mais avant Dona Julia. Lorsqu'il aimait, il re*digeait en lui-meme des decla- rations hardies qui s'arretaient re*gulierement sur ses levres. II faisait sa cour: il montrait le fond de son 15 ame; il poursuivait de longs entretiens, des dialogues charmants dont il faisait les demandes et les re"ponses. II trouvait des discours assez e"nergiques pour amollir des rochers, assez brulants pour fondre la glace; mais aucune femme ne lui sut gre de ses aspirations muettes: 20 il faut vonloir pour etre aime". La difference est grande entre le desir et la volonte", le de*sir qui vogue mollement sur les nuages, la volonte", qui court a pied dans les cailloux; 1'un qui attend tout du hasard, 1'autre qui ne demande rien qu'a elle-meme; la volonte qui marche 25 droit au but a travers les haies et les fosse's, les ravins et les montagnes; le de*sir qui reste assis a sa place et crie de sa voix la plus douce: . . . Clocher, clocher, arrive, ou je suis mort! Cependant, au mois d'aout de cette anne*e, quatre 30 mois avant de lier les bras de son oncle, Francois avait 210 ABOUT ose" aimer en face. II avait rencontre" aux eaux d'Ems une jeune fille presque aussi farouche que lui, et dont la timidite" frissonnante lui avait donne du courage: c'etait une Parisienne frele et delicate, pale comme un fruit muri a Pombre, transparente comme ces beaux enfants 5 dont le sang bleu coule a ciel ouvert sous Pepiderme. Elle tenait compagnie a sa mere, qu'un mal invete're' (une laryngite chronique, si je ne me trompe) condamnait a prendre les eaux. II fallait que la mere et la fille eussent ve"cu loin du monde, car elles promenaient sur 10 la foule bruyante des baigneurs un long regard etonne. Francois leur fut presente a 1'improviste par un con- valescent de ses amis qui se rendait en Italic par PAlle- magne. II les vit assidument pendant un mois, et il fut, pour ainsi dire, leur unique compagnie. Pour les 15 ames delicates, la foule est une grande solitude; plus le monde fait de bruit autour d'elles, plus elles se serrent dans leur coin pour se parler a Poreille. La jeune Parisienne et sa mere entrerent de plain-pied dans le cceur de Francois, et s'y trouverent bien. Elles y 20 de"couvraient tous les jours de nouveaux tresors, comme les premiers navigateurs qui mirent le pied en AmeYique; elles foulaient avec delices cette terre vierge et mystd- rieuse. Elles ne s'enquirent jamais s'il e"tait riche ou pauvre: il leur suffisait de le savoir bon, et nulle trou- 25 vaille ne pouvait leur etre plus precieuse que celle de ce cceur d'or. De son cote, Francois fut ravi de sa me- tamorphose. Vous a-t-on jamais raconte* comment le printemps e"clot dans les jardins de la Russie? Hier la neige couvrait tout; aujourd'hui arrive un rayon de 30 soleil qui met Phiver en deYoute. A midi les arbres L'ONCLE ET LE NEVEU 211 sont en fleur, le soir ils se couvrent de feuilles, le lende- main ils ont presque des fruits. Ainsi fleurit et fructifia 1'amour de Francois. Sa froideur et sa gene furent emporte'es comme les glacons dans une debacle; 1'enfant 5 honteux et pusillanime se fit homme en quelques se- maines. Je ne sais qui prononca d'abord le mot de mariage, mais qu'importe? il est toujours sous-entendu lorsque deux coeurs honnetes parlent d'amour. Francois e*tait majeur et maitre de sa personne, mais 10 celle qu'il aimait ddpendait d'un pere dont il fallait obtenir le consentement. C'est ici que la timidite" du malheureux jeune homme reprit le dessus. Claire avait beau lui dire: fieri vez hardiment; mon pere est averti: vous recevrez son consentement par le retour du cour- 15 rier. II fit et refit sa lettre plus de cent fois, sans se decider k 1'envoyer. Cependant la tache e"tait facile, et 1'esprit le plus vulgaire s'en fut tire* glorieusement. Franjois connaissait le nom, la position, la fortune et jusqu'a 1'humeur de son futur beau-pere. On 1'avait 20 initie" a tous les secrets de la famille; il e*tait presque de la maison. Que lui restait-il & faire ? A indiquer en quelques mots ce qu'il e"tait et ce qu'il avait; la re"ponse n'e*tait pas douteuse. II he"sita si longtemps, qu'au bout d'un mois Claire et sa mere furent re'duites k douter de lui. Je 25 crois qu'elles auraient encore prisquinze jours de patience, mais la sagesse paternelle ne le leur permit pas. Si Claire aimait, si son amant ne se d^cidait pas a declarer of- ficiellement ses intentions, il fallait, sans perdre de temps, mettre la jeune fille en lieu sur, Paris. Peut-tre 30 alors M. Francois Thomas prendrait-il le parti de venir la demander en mariage: il savait ou la trouver. 212 ABOUT Un matin que Francois allait prendre ces dames pour la promenade, le maitre d'hotel lui annonca qu'elles etaient parties pour Paris. Leur appartement etait deja occupe par une famille anglaise. Un si rude coup, tombant a 1'improviste sur une tete si faible, egara sa 5 raison. II sortit comme un fou, et se mit a chercher Claire dans tous les endroits ou il avait Phabitude de la conduire. II rentra chez lui avec une violente migraine qu'il soigna Dieu sait comment! II se fit saigner, il prit des bains d'eau bouillante, il s'appliqua des sinapismes 10 feVoces; il vengeait sur son corps les souffrances de son ame. Lorsqu'il se crut gueri, il repartit pour la France, bien decide* a demander la main de Claire avant meme de changer d'habit. II court a Paris, saute hors du wagon, oublie ses bagages, monte dans un fiacre, et crie 15 au cocher: Chez Elle, et au galop! Ou cela, bourgeois ? Chez monsieur . . ., rue . . . Je ne sais plus! II avait oublie" le nom et 1'adresse de celle qu'il aimait. 20 <( Allons chez moi, pensa-t-il; je retrouverai ... II tendit sa carte au cocher qui le conduisit chez lui. Son concierge e"tait un vieillard sans enfants, appele Emmanuel. En arrivant devant lui, Francois le saiua profonddment et lui dit: 25 Monsieur, vous avez une fille, M lle Claire Em- manuel. Je voulais vous e*crire pour vous demander sa main; mais j'ai pense qu'il serait plus convenable de faire cette demarche en personne. On reconnut qu'il e"tait fou, et 1'on courut chercher 30 son oncle Morlot au faubourg Saint-Antoine. L'ONCLE ET LE NEVEU 213 L'oncle Morlot etait le plus honnete homme de la rue de Charonne, qui est une des plus longues de Paris. II fabriquait des meubles anciens avec un talent ordinaire et une conscience extraordinaire. Ce n'est pas lui qui 5 aurait donne" du poirier noirci pour de 1'ebene, ou livre un bahut de sa fabrique pour un meuble du moyen age! Et cependant il posse"dait, tout comme un autre, Part de fendiller le bois neuf et de simuler des piqures de vers, dont les vers etaient innocents. Mais il avait pour 10 principe et pour loi de ne faire tort a personne. Par une moderation presque absurde dans les industries de luxe, il limitait ses benefices a cinq pour cent en sus des frais generaux de sa maison: aussi avait-il gagne* plus d'estime que d'argent. Lorsqu'il e*crivait une facture, il recom- 15 mencait 1'addition jusqu'a trois fois, tant il avait peur de se tromper a son profit. Apres trente ans de ce commerce, il e"tait a peu pres aussi riche qu'en sortant d'apprentissage: il avait gagn sa vie comme le plus humble de ses ouvriers, et il se 20 demandait avec un peu de jalousie comment M. Thomas s'y e*tait pris pour amasser des rentes. Si son beau- frere le regardait d'un peu haut, avec la vanite" des parvenus, il le regardait de bien plus haut encore, avec 1'orgueil d'un homme qui n'a pas voulu parvenir. 25 II se drapait superbement dans sa m^diocrite, et disait avec une morgue ple'be'ienne: Au moins, je suis sur de n'avoir rien a personne. B L'homme est un Strange animal: je ne suis pas le premier qui 1'ait dit. Get excellent M. Morlot, dont 30 1'honne'tete" me'ticuleuse amusait tout le faubourg, sentit au fond du coeur comme un chatouillement agr&ble 214 ABOUT lorsqu'on vint lui annoncer la maladie de son neveu. II entendit une petite voix insinuante qui lui disait tout bas: *Si Francois est fou, tu deviens son tuteur. * La probite se hata de repondre: Nous n'en serons pas plus riches. Comment! reprit la voix: mais la pension 5 d'un aliene n'a jamais coute trente mille francs par an. D'ailleurs nous prendrons de la peine; nous negligerons nos affaires; nous meritons une compensation; nous ne faisons tort a personne. Mais, repliqua le desinteresse- ment, on se doit gratis a sa famille. Vraiment! mur- 10 murait la voix. Alors, pourquoi notre famille n'a-t-elle jamais rien fait pour nous ? nous avons eu des moments de gene, des echeances difficiles: ni le neveu Francois, ni feu son pere n'ont jamais songe a nous. Bah! s'dcria la bonte" d'ame, cela ne sera rien ; c'est une 15 fausse alerte, Francois guerira en deux jours. Peut-etre aussi, poursuivit la voix obstinee, la maladie tuera son malade, et nous heriterons sans faire tort a personne. Nous avons travaille' trente ans pour le souverain qui regne a Potsdam; qui sait si un coup de marteau sur la 20 tete d'un etourdi ne fera pas notre fortune?* Le bonhomme se boucha 1'oreille; mais cette oreille tait si large, si ample, si noblement eVasee en forme de conque marine, que la petite voix subtile et perseverante s'y glissait toujours malgre' lui. La maison de la rue de 25 Charonne fut confiee aux soins du contre-maitre; 1'oncle prit ses quartiers d'hiver dans le bel appartement de son neveu. II dormit dans un bon lit, et s'en trouva bien. II s'assit a une table excellente, et les crampes d'estomac dont il se plaignait depuis nombre d'annees 30 furent gudries par enchantement. II fut servi, coiffe, L'ONCLE ET LE NEVEU 215 rase* par Germain, et il en prit 1'habitude. Peu a peu il se consola de voir son neveu malade; il se fit a 1'idde que Francois ne gudrirait peut-etre jamais. Tout au plus s'il re'pe'tait de temps en temps, par acquit de con- 5 science: ^Je ne fais tort a personnel" Au bout de trois mois, il s'ennuya d'avoir un fou au logis, car il croyait etre chez lui. Le perpetuel radotage de Francois et sa manie de demander Claire en mariage lui parurent un fle'au intolerable: il rdsolut de faire xo maison nette et d'enfermer le malade chez M. Auvray. "Apres tout, se disait-il, mon neveu sera mieux soigne* et je serai plus tranquille. La science a reconnu qu'il dtait bon de dpayser les fous pour les distraire: je fais mon devoir. 9 15 C'est dans ces pens^es qu'il s'dtait endormi, lorsque Francois s'avisa de lui Her les mains: quel reVeill m Le docteur entra en s'excusant. Francois se leva, remit son livre sur le bureau, et exposa 1'affaire avec une grande volubilite", en se promenant a grands pas. 20 Monsieur, dit-il, c'est mon oncle maternel que je viens confier a vos soins. Vous voyez un homme de quarante-cinq a cinquante ans, endurci au travail ma- nuel et aux privations d'une vie laborieuse; du reste, ne de parents sains, dans une famille ou 1'on n'a jamais 25 vu un cas d'alie*nation mentale. Vous n'aurez done pas & lutter contre une maladie he*re"ditaire. Son mal est une des monomanies les plus curieuses que vous ayez eu 1'oc- casion d'observer : il passe avec une incroyable rapidite" 2l6 ABOUT de 1'extreme gaiete" a 1'extreme tristesse, c'est un melange singulier de monomanie proprement dite et de me'lancolie. II n'a pas completement perdu la raison? Non, monsieur, il n'est pas en demence; il ne deraisonne que sur un point; et il appartient bien a 5 votre speciality. Quel est le caractere de sa maladie ? Helas! monsieur, le caractere de notre siecle, la cupidite! Le pauvre malade est bien de son temps. Apres avoir travaille depuis Penfance, il se trouve sans .10 fortune. Mon pere, parti du meme point que lui, m'a laisse un bien assez considerable. Le cher oncle a commence par etre jaloux; puis il a songe qu'etant mon seul parent, il deviendrait mon heritier en cas de mort, et mon tuteur en cas de folie, et comme un esprit faible 15 croit aisement ce qu'il desire, le malheureux s'est per- suade" que j'avais perdu la tete. II 1'a dit a tout le monde, il vous le dira a vous-meme. Dans la voiture, quoiqu'il cut les mains lides, il croyait que c'etait lui qui m'amenait chez vous. 20 A quelle epoque remonte le premier acces? A trois mois environ. II est descendu chez mon concierge et lui a dit d ; un air effare': a Monsieur Em- manuel, vous avez une fille . . . laissez-la dans votre loge et venez m'aider a Her mon neveu. * 25 Juge-t-il bien de son tat ? sait-il qu'il est malade ? Non, monsieur, et je crois que c'est bon signe. Je vous dirai, de plus, qu'il y a des derangements notables dans les fonctions de la vie de nutrition. II a perdu completement 1'appe'tit, et il est sujet a de longues 30 insomnies. L'ONCLE ET LE NEVEU 217 -Tant mieux! un aliene" qui dort et qui mange regulierement est a peu pres incurable. Permettez-moi de le reVeiller. M. Auvray secoua doucement 1'epaule du dormeur, 5 qui se dressa en pieds. Son premier mouvement fut de se frotter les yeux. Lorsqu'il vit ses mains liees, il devina ce qui s'e*tait passe" durant son sommeil, et il partit d'un grand e"clat de rire. La bonne plaisanterie! dit-il. 10 Francois tira le docteur a part. -Vous voyez! Eh bien, dans cinq minutes, il sera furieux. Laissez-moi faire. Je sais comment il faut les prendre. II sourit au malade comme a un enfant qu'on 15 veut amuser. Mon ami, lui dit-il, vous vous eVeillez de bonne heure; avez-vous fait de bons reves? Moi ! je n'ai pas reve*. Je ris de me voir lie" comme un fagot. On dirait que c'est moi qui suis le fou. 20 La! dit Francois. Ayez la bonte" de me de"barrasser, docteur; je m'expliquerai mieux quand je serai a mon aise. Mon enfant, je vais vous delier ; mais vous pro- mettez d'etre bien sage? 25 Ah ca, monsieur, est-ce qu'en bonne foi vous me prenez pour un fou? Non, mon ami, mais vous eies malade. Nous vous soignerons, nous vous gudrirons. Tenez! vos mains sont libres, n'en abusez pas. 30 Que diable voulez-vous que j'en fasse? Je voua amenais mon neveu . 2l8 ABOUT Bien! dit M. Auvray; nous parlerons de cela tout a 1'heure. Je vous ai trouve" endormi; vous arrive-t-H souvent de dormir le jour ? Jamais! c'est ce b6te de livre . . . Oh! oh! fit 1'auteur, le cas est grave. Ainsi vous 5 croyez que votre neveu est fou ? A lier, monsieur; et la preuve, c'est que j'ai dti lui attacher les mains avec cette corde. Mais c'est vous qui aviez les mains attaches. Vous ne vous souvenez pas que je viens de vous de"- 10 livrer ? C'etait moi, c'etait lui. Laissez-moi done vous expliquer toute 1'affaire! Chut! mon ami, vous vous exaltez, vous etes tres rouge: je ne veux pas que vous vous fatiguiez. Con- 15 tentez-vous de rdpondre a mes questions. Vous dites que votre neveu est malade? Fou! fou! fou! Et vous etes content de le voir fou? Moi ? 20 Re"pondez-moi franchement. Vous ne voulez point qu'il gueYisse, n'est-ce pas? Pourquoi ? Pour que sa fortune reste entre vos mains. Vous voulez tre riche? II vous fache d'avoir travaille" si 25 longtemps sans faire fortune? Vous pensez que votre tour est venu? M. Morlot ne rdpondait pas. II avail les yeux fiche*s en terre. II se demandait s'il ne faisait pas un mauvais rve, et il cherchait a de'meler ce qu'il y avait de re"el 30 dans cette histoire de mains lides, cet interrogatoire, et L'ONCLE ET LE NEVEU 219 les questions de cet inconnu qui lisait a livre ouvert dans sa conscience. Entend-il des voix ? demanda M. Auvray. Le pauvre oncle sentit ses cheveux se dresser sur sa 5 te"te. II se souvint de cette voix acharne'e qui lui parlait a 1'oreille, et il repondit machinalement: Quelquefois. Ah! il est hallucine'. Mais non! je ne suis pas malade! Laissez-moi sortir! Je perdrais la tete ici. Demandez a tous mes 10 amis, ils vous diront que j'ai tout mon bon sens. Tatez- moi le pouls, vous verrez que je n'ai pas la fievre. Pauvre oncle! dit Francois. II ne sait pas que la folie est un de"lire sans fievre. Monsieur, ajouta le docteur, si nous pouvions 15 donner la fievre a nos malades, nous les gudririons tous. M. Morlot se jeta sur son fauteuil. Son neveu con- tinuait a arpenter le cabinet du docteur. Monsieur, dit Francois, je suis profonde'ment afHige' du malheur de mon oncle, mais c'est une grande 20 consolation pour moi de pouvoir le confier a un homme tel que vous. J'ai lu votre admirable livre de la Mono- manie raisonnante: c'est ce qu'on a crit de plus re- marquable en ce genre depuis le Traite des maladies mentales du grand Esquirol. Je sais, du reste, que vous 25 dies un pere pour vos malades, je ne vous ferai done pas Pinjure de vous recommander M. Morlot. Quant au prix de sa pension, je m'en rapporte absolument a vous. II tira de son portefeuille un billet de mille francs 30 qu'il posa lestement sur la chemine'e. J'aurai 1'honneur de me presenter ici dans le 224 ABOUT Je donne tous ses biens aux pauvres. Un verre d'eau, s'il vous plait, pour laver mes mains!" On le transfera dans la maison de sante. La, il s'agita tellement, qu'il fallut lui mettre une veste de forte toile qui se lace par derriere et dont les manches 5 sont cousues a 1'extremite: c'est ce qu'on appelle la camisole de force. Les infirmiers prirent soin de lui. M me Auvray et sa fille soignerent Francois avec amour, quoique les details du traitement ne fussent pas tou jours agreables; mais le sexe le plus delicat se 10 complait dans 1'heroisme. Vous me direz que ces deux femmes voyaient dans leur malade un gendre et un mari, mais je crois que s'il cut etd un etranger il n'y aurait presque rien perdu. Saint Vincent de Paul n'a invente qu'un uniforme, car il y a dans la femme de 15 tout rang et de tout age 1'etoffe d'une sceur de charite*. Assises nuit et jour dans cette chambre pleine de fievre, la mere et la fille employaient leurs moments de repos a deviser ensemble de leurs souvenirs et de leurs espdrances. Elles ne s'expliquaient ni le long 20 silence de Francois, ni son brusque retour, ni 1'occa- sion qui 1'avait conduit a 1'avenue Montaigne. S'il aimait Claire, pourquoi s'elre fait attendre pendant trois mois? Avait-il done besoin, pour s'introduire chez M. Auvray, de la maladie de son oncle? S'il avait 25 oublid son amour, pourquoi n'avait-ii pas conduit son oncle chez un autre medecin ? On en trouve assez dans Paris. Peut-etre avait-il cru sa passion gue*rie, jusqu'au moment ou la presence de Claire 1'avait de'rrompe'? Mais non, puisque, avant de la revoir, il 1'avait de- 30 mande*e en mariage. L'ONCLE ET LE NEVEU 225 A toutes ces questions, ce fut Francois qui re*pondit dans son delire. Claire, penchee sur ses levres, recueil- lait avidement ses moindres paroles; elle les commentait avec sa mere et le docteur, qui ne tarda pas a entrevoir 5 la ve'rite'. Pour un homme exerce* a demeler les idees les plus confuses et a lire dans I'ame des fous comme dans un livre a demi efface", les revasseries d'un fieVreux sont un langage intelligible, et le de*lire le plus confus n'est pas sans lumieres. On sut bientot qu'il avait 10 perdu la raison et dans quelles circonstances; on s'ex- pliqua meme comment il avait cause* innocemment la maladie de son oncle. Alors commenca pour M lle Auvray une nouvelle se*rie de craintes. Francois avait 6t6 fou. La crise 15 terrible qu'elle avait provoque'e sans le savoir gurirait- elle le malade? Le docteur assurait que la fievre a le privilege de juger, c'est-a-dire de terminer la folie: cependant il n'y a pas de regie sans exception, en me'de- cine surtout. Suppose* qu'il gue*rit, n'aurait-on pas a 20 craindre les rechutes? M. Auvray voudrait-il donner sa fille a un de ses malades ? Pour moi, disait Claire en souriant tristement, je n'ai peur de rien: je me risquerais. Je suis la cause de tous ses maux; ne dois-je pas le consoler? Apres 25 tout, sa folie se rduisait a demander ma main: il n'aura plus rien a demander le jour ou je serai sa femme; nous n'aurons done rien a craindre. Le pauvre enfant n'dtait malade que par un exces d'amour; gudris-le bien, cher pere, mais pas trop. Qu'il reste assez fou pour m'aimer 30 comme je 1'aime! Nous verrons, re"pondit M. Auvray. Attends que 226 ABOUT la fievre soit passee. S'il est honteux d'avoir e"te malade, si je le vois triste ou melancolique apres la guerison, je ne reponds de rien. Si, au contraire, il se souvient de sa maladie sans honte et sans regrets, s'il en parle avec resignation, s'il revoit sans repugnance les personnes 5 qui 1'ont soigne", je me moque des rechutes! Eh! mon pere, pourquoi serait-il honteux d'avoir aime jusqu'a 1'exces? C'est une noble et genereuse folie, qui n'entrera jamais dans les petites ames. Et comment aurait-il de la repugnance a revoir ceux qui 10 Pont soigne? . . . C'est nous! Apres six jours de delire, une sueur abondante em- porta la fievre, et le malade entra en convalescence. Lorsqu'il se vit dans une chambre inconnue, entre M me et M lle Auvray, sa premiere ide"e fut qu'il e"tait 15 encore a 1'hotel des Quatre-Saisons, dans la grande rue d'Ems. Sa faiblesse, sa maigreur et la presence du me'decin le ramenerent a d'autres pense"es: il se souvint, mais vaguement. Le docteur lui vint en aide. II lui versa la veYite avec prudence, comme on mesure les 20 aliments a un corps affaibli par la diete. Francois commenca par e"couter son histoire comme un roman ou il ne jouait aucun role; il e*tait un autre homme, un homme tout neuf, et il sortait de la fievre comme d'un tombeau. Peu a peu les lacunes de sa mdmoire se 25 comblerent. Son cerveau e*tait plein de cases vides qui se remplirent une a une, sans secousse. Bient6t il fut maltre de son esprit; il rentra en possession du passe". Cette cure fut oeuvre de science et surtout de patience. C'est la qu'on admira les managements paternels de 30 M. Auvray. L'excellent homme avail le ge"nie de la L'ONCLE ET LE NEVEU 227 douceur. Le 25 de"cembre, Francois, assis sur son lit, leste d'un bouillon de poulet et de la moitid d'un jaune d'ceuf, raconta sans interruption, sans trouble et sans divagation, sans honte, sans regrets, et sans autre e*mo- 5 tion qu'une joie tranquille, 1'histoire des trois mois qui venaient de s'e*couler. Claire et M me Auvray pleuraient en I'dcoutant. Le docteur avait Pair de prendre des notes ou d'e*crire sous la dicte"e, mais il tombait autre chose que de 1'encre sur son papier. 10 Quand le re"cit fut acheve', le convalescent ajouta en forme de conclusion: Aujourd'hui, 25 de*cembre, a trois heures de releve'e, j'ai dit a mon excellent docteur, a mon bien-aime' pere, M. Auvray, dont je n'oublierai plus ni la rue, ni le 15 nume'ro: "Monsieur, vous avez une fille, M lle Claire Auvray; je 1'ai vue cet 6t6 aux eaux d'Ems, avec sa mere; je 1'aime; elle m'a bien assez prouve qu'elle m'aimait, et, si vous ne craignez pas que je retombe malade, j'ai 1'honneur de vous demander sa main. 20 Le docteur ne fit qu'un petit signe de tete, mais Claire passa ses bras autour du cou du malade et le baisa sur le front. Je ne desire pas une autre re*ponse lorsque je ferai pare! lie demande. Le meme jour, M. Morlot, plus calme et delivre" de la 25 camisole, se leva a huit heures du matin. En sortant du lit, il prit ses pantoufles, les tourna, les retourna, les sonda soigneusement, et les passa a 1'infirmier en le suppliant de voir si elles ne contenaient pas trente mille livres de rente. C'est alors seulement qu'il consentit k 30 se chausser. II se peigna pendant une bonne demi- heure en re'pe'tant: "Je ne veux pas qu'on dise que la 228 ABOUT fortune de mon neveu est passe*e sur ma te"te. II secoua chacun de ses ve'tements par la fenetre, apres les avoir fouilles jusque dans leurs derniers replis. Habille, il demanda un crayon et e'crivit sur les murs de sa chambre: BIEN D'AUTRUI NE DE'SIRERAS. 5 Puis il commenca a se frotter les mains avec une in- croyable vivacite", pour se convaincre que la fortune de Francois n'y etait pas attached. II se gratta les doigts avec son crayon, en les comptant depuis le premier jusqu'au dixieme, tant il avait peur d'en oublier un. 10 M. Auvray lui fit sa visite quotidienne: il se crut en presence d'un juge d'instruction, et demanda instanv- ment a etre fouille. Le docteur se fit reconnaitre et lui apprit que Franfois e"tait gueri. Le pauvre homme demanda si 1'argent etait retrouve. (< Puisque mon 15 neveu va sortir d'ici, disait-il, il lui faut son argent: ou est-il ? Je ne 1'ai pas. A moins qu'il ne soit dans mon lit!" Et il culbuta son lit si lestement qu'on n'eut pas le temps de 1'en empecher. Le docteur sortit en lui serrant la main ; il frotta cette main avec un soin scrupuleux. 20 On lui apporta son dejeuner; il commenca par explorer sa serviette, son verre, son couteau, son assiette, en repetant qu'il ne voulait pas manger le fortune de son neveu. Le repas fini, il se lava les mains a grande eau. La fourchette est en argent, disait-il; s'il m'dtait reste 25 de 1'argent apres les mains!* M. Auvray ne ddsespere pas de le sauver, mais il faudra du temps. C'est surtout en e"te et en automne que les me"decins gueYissent la folie. GAUTIER LE CHEVALIER DOUBLE Qui rend done la blonde Edvvige si triste? que fait- elle assise a 1'e'cart, le menton dans sa main et le coude au genou, plus morne que le desespoir, plus pale que la statue d'albatre qui pleure sur un tombeau? 5 Du coin de sa paupiere une grosse larme roule sur le duvet de sa joue, une seule, mais qui ne tarit jamais; comme cette goutte d'eau qui suinte des voutes du rocher et qui a la longue use le granit, cette seule larme, en tombant sans relache de ses yeux sur son cceur, Pa 10 perce et traverse* a jour. Edwige, blonde Edwige, ne croyez-vous plus a Je*sus- Christ le doux Sauveur? doutez-vous de Pindulgence de la tres sainte Vierge Marie? Vous allez etre mere; c'e"tait votre plus cher voeu; votre noble dpoux, le comte 15 Lodbrog,a promis un autel d'argent massif, un ciboired'or fin a l'e"glise de Saint-Euthbert si vous lui donniez un fils. Helas! helas! la pauvre Edwige a le cceur perce* des sept glaives de la douleur; un terrible secret pese sur son ame. II y a quelques mois, un Stranger est venu BO au chateau; il faisait un terrible temps cette nuit-la: les tours tremblaient dans leur charpente, les girouettes piaulaient, le feu rampait dans la chemine'e, et le vent frappait a la vitre comme un importun qui veut entrer. L'dtranger dtait beau comme un ange, mais comme 2^0 GAUTIER un ange tombd; il souriait doucement et regardait douce- ment, et pourtant ce regard et ce sourire vous glacaient de terreur et vous inspiraient 1'effroi qu'on e*prouve en se penchant sur un abime. Une grace scelerate, une langueur perfide comme celle du tigre qui guette sa proie, 5 accompagnaient tous ses mouvements; il charmait a la facon du serpent qui fascine 1'oiseau. Get Stranger e"tait un maltre chanteur; son teint bruni montrait qu'il avait vu d'autres cieux; il disait venir du fond de la Boheme, et demandait 1'hospitalite pour cette 10 nuit-la seulement. II resta cette nuit, et encore d'autres jours et encore d'autres nuits, car la tempete ne pouvait s'apaiser, et le vieux chateau s'agitait sur ses fondements comme si la rafale cut voulu le de*raciner et faire tomber sa couronne 15 de creneaux dans les eaux dcumeuses du torrent. Pour charmer le temps, il chantait d'etranges poesies qui troublaient le cceur et donnaient des idees furieuses; tout le temps qu'il chantait, un corbeau noir vernisse, luisant comme le jais, se tenait sur son epaule; il battait 20 la mesure avec son bee d'e'bene, et semblait applaudir en secouant ses ailes. Edwige palissait comme les Us du clair de lune : Edwige rougissait, rougissait comme les roses de 1'aurore, et se laissait aller en arriere dans son grand fauteuil, languissante, a demi morte, enivre"e 25 comme si elle avait respire* le parfum fatal de ces fleurs qui font mourir. Enfin le maitre chanteur put partir; un petit sou- rire bleu venait de deYider la face du ciel. Depuis ce jour, Edwige, la blonde Edwige ne fait que pleurer dans 30 1'angle de la fenStre. LE CHEVALIER DOUBLE 2JI Edwige est mere; elle a un bel enfant tout blanc et tout vermeil. Le vieux comte Lodbrog a commands au fondeur 1'autel d'argent massif, et il a donne" mille pieces d'or a 1'orfevre dans une bourse de peau de renne 5 pour fabriquer le ciboire; il sera large et lourd, et tiendra une grande mesure de vin. Le pretre qui le videra pourra dire qu'il est un bon buveur. L'enfant est tout blanc et tout vermeil, mais il a le regard noir de l'e"tranger: sa mere 1'a bien vu. Ah! 10 pauvre Edwige! pourquoi avez-vous tant regarde" l'e*tran- ger avec sa harpe et son corbeau ? . . . Le chapelain ondoie 1'enfant; on lui donne le nom d'Oluf, un bien beau nom! Le mire monte sur la plus haute tour pour lui tirer 1'horoscope. 15 Le temps e"tait clair et froid: comme une machoire de loup cervier aux dents aigues et blanches, une ddcoupure de montagnes couvertes de neiges mordait le bord de la robe du ciel; les dtoiles larges et pales brillaient dans la erudite* bleue de la nuit comme des soleils d'argent. zo Le mire prend la hauteur, remarque l'anne"e, le jour et la minute; il fait de longs calculs en encre rouge sur un long parchemin tout constelle" de signes cabalistiques; il rentre dans son cabinet, et remonte sur la plate- forme, il ne s'est pourtant pas trompe" dans ses supputations, 25 son theme de nativite* est juste comme un tre"buchet a peser les pierres fines; cependant il recommence: il n'a pas fait d'erreur. Le petit comte Oluf a une e*toile double, une verte et une rouge, verte comme l'espe"rance, rouge comme jo 1'enfer; 1'une favorable, 1'autre ddsastreuse. Cela s'est-U jamais vu qu'un enfant ait une dtoile double? 228 ABOUT fortune de mon neveu est passde sur ma tte. II secoua chacun de ses vetements par la fenetre, apres les avoir fouilles jusque dans leurs derniers replis. Habille", il demanda un crayon et e"crivit sur les murs de sa chambre: BIEN D'AUTRUI NE DSIRERAS. 5 Puis il commenca a se frotter les mains avec une in- croyable vivacite, pour se convaincre que la fortune de Francois n'y etait pas attached. II se gratta les doigts avec son crayon, en les comptant depuis le premier jusqu'au dixieme, tant il avait peur d'en oublier un. 10 M. Auvray lui fit sa visite quotidienne: il se crut en presence d'un juge d'instruction, et demanda instanv ment a etre fouille. Le docteur se fit reconnaltre et lui apprit que Francois e"tait gueri. Le pauvre homme demanda si 1'argent e*tait retrouve*. <( Puisque mon 15 neveu va sortir d'ici, disait-il, il lui faut son argent: ou est-il ? Je ne 1'ai pas. A moins qu'il ne soit dans mon lit! Et il culbuta son lit si lestement qu'on n'eut pas le temps de 1'en empecher. Le docteur sortit en lui serrant la main; il frotta cette main avec un soin scrupuleux. 20 On lui apporta son dejeuner; il commenca par explorer sa serviette, son verre, son couteau, son assiette, en repetant qu'il ne voulait pas manger le fortune de son neveu. Le repas fini, il se lava les mains a grande eau. "La fourchette est en argent, disait-il; s'il m'e'tait reste" 25 de 1'argent apres les mains! 8 M. Auvray ne de*sespere pas de le sauver, mais il faudra du temps. C'est surtout en e"te" et en automne que les me'decins gue"rissent la folie. GAUTIER LE CHEVALIER DOUBLE Qui rend done la blonde Edvvige si triste? que fait- elle assise a I'dcart, le menton dans sa main et le coude au genou, plus morne que le desespoir, plus pale que la statue d'albatre qui pleure sur un tombeau? 5 Du coin de sa paupiere une grosse larme roule sur le duvet de sa joue, une seule, mais qui ne tarit jamais; comme cette goutte d'eau qui suinte des voutes du rocher et qui a la longue use le granit, cette seule larme, en tombant sans relache de ses yeux sur son cceur, 1'a 10 perce et traverse" a jour. Edwige, blonde Edwige, ne croyez-vous plus a Je"sus- Christ le doux Sauveur? doutez-vous de 1'indulgence de la tres sainte Vierge Marie? Vous allez etre mere; c'etait votre plus cher vceu; votre noble e"poux, le comte 15 Lodbrog,a promis un autel d'argent massif, un ciboired'or fin a l'e"glise de Saint-Euthbert si vous lui donniez un fils. Helas! helas! la pauvre Edwige a le cceur perce* des sept glaives de la douleur; un terrible secret pese sur son ame. II y a quelques mois, un Stranger est venu BO au chateau; il faisait un terrible temps cette nuit-la: les tours tremblaient dans leur charpente, les girouettes piaulaient, le feu rampait dans la chemine'e, et le vent frappait a la vitre comme un importun qui veut entrer. L'dtranger tait beau comme un ange, mais comme 2^0 GAUTIER un ange tombe"; il souriait doucement et regardait douce- ment, et pourtant ce regard et ce sourire vous glacaient de terreur et vous inspiraient Peffroi qu'on dprouve en se penchant sur un abime. Une grace scelerate, une langueur perfide comme celle du tigre qui guette sa proie, 5 accompagnaient tous ses mouvements; il charmait a la facon du serpent qui fascine 1'oiseau. Get Stranger etait un maltre chanteur; son teint bruni montrait qu'il avait vu d'autres cieux; il disait venir du fond de la Boheme, et demandait 1'hospitalite pour cette 10 nuit-la seulement. II resta cette nuit, et encore d'autres jours et encore d'autres nuits, car la tempete ne pouvait s'apaiser, et le vieux chateau s'agitait sur ses fondements comme si la rafale cut voulu le deraciner et faire tomber sa couronne 15 de creneaux dans les eaux e*cumeuses du torrent. Pour charmer le temps, il chantait d'etranges poesies qui troublaient le cceur et donnaient des ide*es furieuses; tout le temps qu'il chantait, un corbeau noir vernisse, luisant comme le jais, se tenait sur son epaule; il battait 20 la mesure avec son bee d'ebene, et semblait applaudir en secouant ses ailes. Edwige palissait comme les Us du clair de lune: Edwige rougissait, rougissait comme les roses de 1'aurore, et se laissait aller en arriere dans son grand fauteuil, languissante, a demi morte, enivre'e 25 comme si elle avait respire* le parfum fatal de ces fleurs qui font mourir. Enfin le maitre chanteur put partir; un petit sou- rire bleu venait de decider la face du ciel. Depuis ce jour, Edwige, la blonde Edwige ne fait que pleurer dans 30 1'angle de la fenetre. LE CHEVALIER DOUBLE 2$! Edwige est mere; elle a un bel enfant tout blanc et tout vermeil. Le vieux comte Lodbrog a command^ au fondeur 1'autel d'argent massif, et il a donne* mille pieces d'or a 1'orfevre dans une bourse de peau de renne 5 pour fabriquer le ciboire; il sera large et lourd, et tiendra une grande mesure de vin. Le pretre qui le videra pourra dire qu'il est un bon buveur. L'enfant est tout blanc et tout vermeil, mais il a le regard noir de l'e"tranger: sa mere 1'a bien vu. Ah! 10 pauvre Edwige! pourquoi avez-vous tant regarde* I'dtran- ger avec sa harpe et son corbeau ? . . . Le chapelain ondoie 1'enfant; on lui donne le nom d'Oluf, un bien beau nom! Le mire monte sur la plus haute tour pour lui tirer 1'horoscope. 15 Le temps e"tait clair et froid: comme une machoire de loup cervier aux dents aigues et blanches, une de"coupure de montagnes couvertes de neiges mordait le bord de la robe du ciel; les e*toiles larges et pales brillaient dans la erudite" bleue de la nuit comme des soleils d'argent. zo Le mire prend la hauteur, remarque Panne"e, le jour et la minute; il fait de longs calculs en encre rouge sur un long parchemin tout constelle" de signes cabalistiques; il rentre dans son cabinet, et remonte sur la plate-forme, il ne s'est pourtant pas trompe" dans ses supputations, 25 son theme de nativite* est juste comme un trdbuchet a peser les pierres fines; cependant il recommence: il n'a pas fait d'erreur. Le petit comte Oluf a une e*toile double, une verte et une rouge, verte comme 1'espe'rance, rouge comme jo I'enfer; 1'une favorable, 1'autre ddsastreuse. Cela s'est-il jamais vu qu'un enfant ait une dtoile double? 232 GAUTIER Avec un air grave et compasse" le mire rentre dans la chambre de 1'accouchee et dit, en passant sa main osseuse dans les flots de sa grande barbe de mage: Comtesse Edwige, et vous, comte Lodbrog, deux influences ont preside a la naissance d'Oluf, votre pre- 5 cieux fils: 1'une bonne, 1'autre mauvaise; c'est pourquoi il a une etoile verte et une etoile rouge. II est soumis a un double ascendant; il sera tres heureux ou tres mal- heureux, je ne sais lequel; peut-etre tous les deux a lafois. Le comte Lodbrog repondit au mire: (( L'e"toile verte 10 1'emportera. Mais Edwige craignait dans son coeur de mere que ce ne fut la rouge. Elle remit son menton dans sa main, son coude sur son genou, et recommenca a pleurer dans le coin de la fenetre. Apres avoir allaite son enfant, son unique occupation e"tait de regarder a 15 travers la vitre la neige descendre en flocons drus et presses, comme si 1'on eut plum la-haut les ailes blanches de tous les anges et de tous les cherubins. De temps en temps un corbeau passait devant la vitre, croassant et secouant cette poussiere argentic. 20 Cela faisait penser Edwige au corbeau singulier qui se tenait toujours sur Pe*paule de 1'etranger au doux regard du tigre, au charmant sourire de vipere. Et ses larmes tombaient plus vite de ses yeux sur son cceur, sur son cceur perce a jour. 25 Le jeune Oluf est un enfant bien Strange: on dirait qu'il y a dans sa petite peau blanche et vermeille deux enfants d'un caractere different; un jour il est bon comme un ange, un autre jour il est me'chant comme un diable, il mord le sein de sa mere, et de"chire a coup d'ongles le 30 visage de sa gouvernante. LE CHEVALIER DOUBLE 233 Le vieux comte Lodbrog, souriant dans sa mous- tache grise, dit qu'Oluf fera un bon soldat et qu'il a 1'humeur belliqueuse. Le fait est qu'Oluf est un petit drole insupportable: tantot il pleure, tantot il rit; il est 5 capricieux comme la lune, fantasque comme une femme; il va, vient, s'arrete tout a coup sans motif apparent, abandonne ce qu'il avait entrepris et fait succdder a la turbulence la plus inquiete Pimmobilite" la plus absolue; quoiqu'il soit seul, il parait converser avec un inter- 10 locuteur invisible! Quand on lui demande la cause de toutes ces agitations, il dit que l'e"toile rouge le tour- mente. Oluf a bientot quinze ans. Son caractere devient de plus en plus inexplicable; sa physionomie, quoique <5 parfaitement belle, est d'une expression embarras- sante; il est blond comme sa mere, avec tous les traits de la race du Nord; mais sous son front blanc comme la neige que n'a raye"e encore ni le patin du chasseur ni macule'e le pied de Tours, et qui est bien le front de la o race antique des Lodbrog, scintille entre deux paupieres orange*es un ceil aux longs cils noirs, un ceil de jais illumine des fauves ardeurs de la passion italienne, un regard veloute", cruel et doucereux comme celui du maitre chanteur de Boheme. 35 Comme les mois s'envolent, et plus vite encore les anne"es! Edwige repose maintenant sous les arches tenebreuses du caveau des Lodbrog, a c6t du vieux comte, souriant, dans son cercueil, de ne pas voir son nom pe"rir. Elle e"tait de"ja si pale que la mort ne Ta 30 pas beaucoup change"e. Sur son tombeau il y a une belle statue couche"e, les mains jointes, et les pieds sur 234 GAUTIER une levrette de marbre, fidele compagnie des trepasse"s. Ce qu'a dit Edwige a sa derniere heure, nul ne le sait, mais le pretre qui la confessait est devenu plus pale encore que la mourante. Oluf, le fils brun et blond d'Edwige la de'sole'e, a 5 vingt ans aujourd'hui. II est tres adroit a tous les exercices, nul ne tire mieux 1'arc que lui; il refend la fleche qui vient de se planter en tremblant dans le cceur du but; sans mors ni eperon il dompte les chevaux les plus sauvages. 10 II n'a jamais impune'ment regarde une femme ou une jeune fille; mais aucune de celles qui I'ont aime n'a etd heureuse. L'inegalite fatale de son caractere s'oppose a toute realisation de bonheur entre une femme et lui. Une seule de ses moities ressent de la passion, 1'autre 15 eprouve de la haine; tantot 1'etoile verte Pemporte, tantot 1'etoile rouge. Un jour il vous dit: (< blanches vierges du Nord, etincelantes et pures comme les glaces du pole; prunelles de clair de lune; joues nuance'es des fraicheurs de 1'aurore boreale!" Et 1'autre jour il 20 s'ecriait: *O filles d'ltalie, dorees par le soleil et blondes comme 1'orange! coeurs de flamme dans des poitrines de bronze!* Ce qu'il y a de plus triste, c'est qu'il est sincere dans les deux exclamations. Helas! pauvres desole"es, tristes ombres plaintives, 25 vous ne 1'accusez meme pas, car vous savez qu'il est plus malheureux que vous; son coeur est un terrain sans cesse foule par les pieds de deux lutteurs inconnus, dont chacun, comme dans le combat de Jacob et de 1'Ange, cherche a desse'cher le jarret de son adversaire. 30 Si 1'on allait au cimetiere, sous les larges feuilles LE CHEVALIER DOUBLE 83$ veloutdes du verbascum aux profondes de*coupures, sous Pasphodele aux rameaux d'un vert malsain, dans k folle avoine et les orties, 1'on trouverait plus d'une pierre abandonee oil la rose'e du matin re"pand seule 5 ses larmes. Mina, Dora, The'cla! la terre est-elle bien lourde a vos seins ddlicats et a vos corps charmants ? Un jour Oluf appelle Dietrich, son fidele e"cuyer; il lui dit de seller son cheval. Maitre, regardez comme la neige tombe, comme 10 le vent siffle et fait ployer jusqu'a terre la cime des sapins; n'entendez-vous pas dans le lointain hurler les loups maigres et bramer ainsi que des ames en peine les rennes a 1'agonie? Dietrich, mon fidele e*cuyer, je secouerai la neige 15 comme on fait d'un duvet qui s'attache au manteau; je passerai sous 1'arceau des sapins en inclinant un peu 1'aigrette de mon casque. Quant aux loups, leurs griffes s'e'mousseront sur cette bonne armure, et du bout de mon e'pe'e fouillant la glace, je ddcouvrirai au pauvre to renne, qui geint et pleure a chaudes larmes, la mousse fralche et fleurie qu'il ne peut atteindre. Le comte Oluf de Lodbrog, car tel est son titre depuis que le vieux comte est mort, part sur son bon cheval, accompagne* de ses deux chiens grants, Murg et Fenris, 25 car le jeune seigneur aux paupieres couleur d'orange a un rendez-vous, et de*ja peut-etre, du haut de la petite tourelle aigue en forme de poivriere se penche sur le balcon sculpte", malgr le froid et la bise, la jeune fille inquiete, cherchant a de"meler dans la blancheur de la 30 plaine le panache du chevalier. Oluf, sur son grand cheval a formes d'eldphant, dont 236 GAUTTER il laboure les flancs a coups d'eperon, s'avance dans la campagne; il traverse le lac, dont le froid n'a fait qu'un seul bloc de glace, ou les poissons sont enchasse's, les nageoires e*tendues, comme des purifications dans la pate du marbre; les quatre fers du cheval, armes de cro- 5 chets, mordent solidement la dure surface; un brouillard, produit par sa sueur et sa respiration, 1'enveloppe et le suit; on dirait qu'il galope dans un nuage; les deux chiens, Murg et Fenris, soufflent, de chaque cote de leur maltre, par leurs naseaux sanglants, de longs jets de 10 fumee comme des animaux fabuleux. Voici le bois de sapins; pareils a des spectres, ils etendent leurs bras appesantis chargees de nappes blanches; le poids de la neige courbe les plus jeunes et les plus flexibles : on dirait une suite d'arceaux d'ar- 15 gent. La noire terreur habite dans cette foret, ou les rochers affectent des formes monstrueuses, ou chaque arbre, avec ses racines, semble couver a ses pieds un nid de dragons engourdis. Mais Oluf ne connait pas la terreur. 20 Le chemin se resserre de plus en plus, les sapins croisent inextricablement leurs branches lamentables; & peine de rares eclaircies permettent-elles de voir la chaine de collines neigeuses qui se detachent en blanches ondulations sur le ciel noir et terne. 25 Heureusement Mopse est un vigoureux coursier qui porterait sans plier Odin le gigantesque; nul obstacle ne 1'arrete; il saute par-dessus les rochers, il enjambe les fondrieres, et de temps en temps il arrache aux cail- loux que son sabot heurte sous la neige une aigrette 30 d'dtincelles aussitot e"teintes. LE CHEVALIER DOUBLE 237 Aliens, Mopse, courage! tu n'as plus a traverser que la petite plaine et le bois de bouleaux; une jolie main caressera ton col satine", et dans une e*curie bien chaude tu mangeras de Porge monde'e et de 1'avoine a 5 pleine mesure. Quel charmant spectacle que le bois de bouleaux! toutes les branches sont ouate"es d'une peluche de givre, les plus petites brindilles se dessinent en blanc sur I'obscurite' de 1'atmosphere : on dirait une immense 10 corbeille de filigrane, une madre'pore d'argent, une grotte avec tous ses stalactites; les ramifications et les fleurs bizarres dont la gele*e e*tame les vitres n'offrent pas des dessins plus complique"s et plus varies. Seigneur Oluf, que vous avez tarde"! j'avais peur 15 que Pours de la montague vous cut barre le chemin ou que les elfes vous eussent invite" a danser, dit la jeune chatelaine en faisant asseoir Oluf sur le fauteuil de chene dans 1'inte'rieur de la cheminee. Mais pourquoi etes-vous venu au rendez-vous d'amour avec un com- eo pagnon? Aviez-vous done peur de passer tout seul par la foret? De quel compagnon voulez-vous parler, fleur de mon ame? dit Oluf tres surpris a la jeune chatelaine. Du chevalier a 1'e'toile rouge que vous menez 25 tou jours avec vous. Celui qui est ne* d'un regard du chanteur bohe'mien, 1'esprit funeste qui vous possede; defaites- vous du chevalier a 1'e'toile rouge, ou je n'e*cou- terai jamais vos propos d'amour; je ne puis etre la femme de deux hommes a la fois. 30 Oluf cut beau faire et beau dire, il ne put seulement parvenir a baiser le petit doigt rose de la main de Brenda; 238 GAUTIER il s'en alia fort me'content et re*solu a combattre le cheva- lier k Pe"toile rouge s'il pouvait le rencontrer. Malgre 1'accueil severe de Brenda, Oluf reprit le lendemain la route du chateau a tourelles en forme de poivriere: les amoureux ne se rebutent pas aisement. 5 Tout en cheminant il se disait: "Brenda sans doute est folle; et que veut-elle dire avec son chevalier a Petoile rouge ? La tempete e"tait des plus violentes; la neige tour- billonnait et permettait a peine de distinguer la terre ie du ciel. Une spirale de corbeaux, malgre les abois de Fenris et de Murg, qui sautaient en Pair pour les saisir, tournoyait sinistrement au-dessus du panache d'Oluf. A leur tete etait le corbeau luisant comme le jais qui battait la mesure sur Pepaule du chanteur bohemien. 15 Fenris et Murg s'arretent subitement: leurs naseaux mobiles hument Pair avec inquietude; ils subodorent la presence d'un ennemi. Ce n'est point un loup ni un renard; un loup et un renard ne seraient qu'une bouchee pour ces braves chiens. 20 Un bruit de pas se fait entendre, et bientot parait au devour du chemin un chevalier monte sur un cheval de grande taille et suivi de deux chiens enormes. Vous Pauriez pris pour Oluf. II e"tait arme" exacte- ment de meme, avec un surcot historic du meme bla- 25 son; seulement il portait sur son casque une plume rouge au lieu d'une verte. La route etait si e*troite qu'il fallait que Pun des deux chevaliers reculat. Seigneur Oluf, reculez-vous pour que je passe, dit le chevalier a la visiere baissde. Le voyage que je 30 fais est un long voyage; on m'attend, il faut que j 'arrive. LE CHEVALIER DOUBLE 839 Par la moustache de mon pere, c'est vous qui reculerez. Je vais a un rendez-vous d'amour, et les amoureux sont presses, re"pondit Oluf en portant la main sur la garde de son e*pe*e. 5 L'inconnu tira la sienne, et le combat commenca. Les e'pe'es, en tombant sur les mailles d'acier, en fai- saient jaillir des gerbes d'etincelles p&illantes; bientot, quoique d'une trempe supe*rieure, elles furent e'breche'es comme des scies. On cut pris les combattants, a travers 10 la fumee de leurs chevaux et la brume de leur respiration haletante, pour deux noirs forgerons acharne"s sur un fer rouge. Les chevaux, anime's de la meme rage que leurs maitres, mordaient a belles dents leurs cous veineux, et s'enlevaient des lambeaux de poitrail; ils s'agitaient 15 avec des soubresauts furieux, se dressaient sur leurs pieds de derriere, et se servant de leurs sabots comme de poings ferme"s, ils se portaient des coups terribles pen- dant que leurs cavaliers se martelaient affreusement par-dessus leurs tetes; les chiens n'e"taient qu'une mor- 20 sure et qu'un hurlement. Les gouttes de sang suintant a travers les dcailles imbrique'es des armures et tombant toutes tiedes sur la neige, y faisaient de petits trous roses. Au bout de peu d'instants 1'on aurait dit un crible, tant les gouttes 25 tombaient frdquentes et presses. Les deux chevaliers e*taient blesses. Chose Strange, Oluf sentait les coups qu'il portait au chevalier inconnu; il souffrait des blessures qu'il faisait et de celles qu'il recevait: il avait e"prouve" un grand 30 froid dans la poitrine, comme d'un fer qui entrerait et chercherait le cceur, et pourtant sa cuirasse n'dtait pas 24O GAUTIER fausse"e a 1'endroit du coeur: sa seule blessure etait un coup dans les chairs au bras droit. Singulier duel, oft le vainqueur souffrait autant que le vaincu, ou donner et recevoir e*tait une chose indifferente. Ramassant ses forces, Oluf fit voler d'un revers le 5 terrible heaume de son adversaire. terreur! que vit le fils d'Edwige et de Lodbrog ? il se vit lui-meme devant lui: un miroir cut e"te moins exact. II s'etait battu avec son propre spectre, avec le chevalier a 1'etoile rouge; le spectre jeta un grand cri et disparut. 10 La spirale de corbeaux remonta dans le ciel et le brave Oluf continua son chemin; en revenant le soir a son chateau, il portait en croupe la jeune chatelaine, qui cette fois avait bien voulu Pe'couter. Le chevalier a 1'etoile rouge n'etant plus la, elle s'dtait decidee a laisser 15 tomber de ses levres de rose, sur le coeur d'Oluf, cet aveu qui coute tant a la pudeur. La nuit etait claire et bleue, Oluf leva la tete pour chercher sa double etoile et la faire voir a sa fiancee: il n'y avait plus que la verte, la rouge avait disparu. 20 En entrant, Brenda, tout heureuse de ce prodige qu'elle attribuait a 1'amour, fit remarquer au jeune Oluf que le jais de ses yeux s'etait change" en azur, signe de reconciliation celeste. Le vieux Lodbrog en sourit d'aise sous sa moustache blanche au fond de son torn- 25 beau; car, a vrai dire, quoiqu'il n'en cut rien te"moigne", les yeux d'Oluf 1'avaient quelquefois fait re'fle'chir. L'ombre d'Edwige est toute joyeuse, car 1'enfant du noble seigneur Lodbrog a enfin vaincu Pinfluence maligne de 1'oeil orange, du corbeau noir et de 1'e'toile 33 rouge: 1'homme a terrassd 1'incube. LE CHEVALIER DOUBLE 241 Cette histoire montre comme un seul moment d'oubli, un regard meme innocent, peuvent avoir d'influence. Jeunes femmes, ne jetez jamais les yeux sur les maitres chanteurs de Boheme, qui recitent des poesies enivrantes 5 et diaboliques. Vous, jeunes filles, ne vous fiez qu'a l'e"toile verte; et vous qui avez le malheur d'etre double, combattez bravement, quand meme vous devriez frap- per sur vous et vous blesser de votre propre e'pe'e, 1'ad- versaire inteVieur, le me'chant chevalier. 10 Si vous demandez qui nous a apporte* cette Idgende de Norvege, c'est un cygne; un bel oiseau au bee jaune, qui a traverse" le Fiord, moitie" nageant, moitid volant. THEURIET LA SAINT-NICOLAS MONSIEUR le sous-directeur peut-il recevoir M me Blouet? demanda le garcon de bureau, entr'ouvrant discretement 1'un des battants de la porte du cabinet. Le cabinet sous-directorial est une piece spacieuse, haute de plafond, severe d'aspect, avec ses deux fenetres 5 garnies de rideaux de damas vert, son papier de tenture et ses fauteuils de drap du meme ton, ses cartonniers et sa bibliotheque d'acajou. Le parquet soigneusement cire* reflete comme un miroir la froide symetrie de ce mobilier administratif, et la glace de la chemine'e ren- 10 voie avec la meme correcte fidelite 1'image d'une pendule- borne de marbre noir, accoste'e de deux lampes de bronze et de deux flambeaux dore's. Tournant le dos a la chemine'e, le sous-directeur, Hubert Boinville, travaille penche surle large bureau d'acajou encombrd de dossiers. 15 II releve sa figure grave et melancolique encadree d'une barbe brune oft brillent ca et la quelques fils gris, et ses yeux noirs aux paupieres fatigudes laissent tomber un regard indifferent sur la carte que lui tend le digne et solennel huissier. Sur ce petit carre* de bristol, il y a 20 ^crit a la main, d'une Venture vieillotte et trembKe: Veuve Blouet. B Le nom ne lui apprend rien, et, tout en rejetant la carte au milieu des dossiers, il a un geste d'impatience. 242 LA SAINT-NICOLAS 243 C'est une vieille dame, ajoute 1'huissier, faut-il la renvoyer ? Faites-la entrer, re*pond le sous-directeur d'un ton re"signe". 5 Le garcon de bureau se redresse dans son habit a boutons de mdtal, disparait, puis, au bout d'un instant, introduit la solliciteuse qui, des le seuil, e"bauche une antique re've'rence. Hubert Boinville se souleve a demi et d'un signe 10 froidement poli indique a la visiteuse un fauteuil ou elle s'assied apres avoir renouvele* sa re\-e"rence. C'est une petite vieille en pauvres vfitements noirs. La robe de me'rinos a plus d'une reprise; elle est fripe'e et d'un ton verdatre. Un voile de crpe ddfraichi, qui a 15 de*ja du servir pour plus d'un deuil, pend mise'rable- ment de chaque cote* du chapeau de'mode' et laisse voir, sous un tour de faux cheveux chatains, une figure ronde- lette, ridee comme une reinette d'hiver, avec de petits yeux vifs et une petite bouche dont les levres rentre*es 20 trahissent 1'absence des dents. Monsieur, commence-keUe d'une voix un peu es- souffle'e, je suis fille, veuve et soeur d'employ^s qui ont fourni de bons et loyaux services, et j'ai adresse* une demande de secours a la Direction ge'ne'rale . . . Je 25 de*sirerais savoir si je puis espe'rer quelque chose. Le sous-directeur a e'coute' ce d^but sans sourciller. II a entendu tant de suppliques analogues! Avez-vous de*ja i secourue, madame ? demande- t-il flegmatiquement. 30 Non, monsieur, jusqu'a present j'avais pu vivre sans tendre la main . . . J'ai une petite pension et . . . 244 THEURIET Ah! interrompt-il sechement, dans ce cas je crains bien que nous ne puissions rien pour vous . . . Nous avons a soulager beaucoup de personnes mal- heureuses qui n'ont pas m&ne cette ressource d'une pension. 5 Attendez, monsieur! s'e'crie-t-elle de'sespe'rdment, je n'ai pas tout dit . . . J'avais trois garcons, ils sont morts; le dernier donnait des lecons de mathematiques . . . L'autre hiver, en allant du Pantheon au college Chaptal, par une pluie battante, il a attrape' un mauvais 10 rhume qui a tourne" en fluxion de poitrine et qui Pa emmene" en quinze jours . . . Ses lecons nous faisaient vivre, moi et son enfant, car il m'a laisse" une petite-fille. Les frais de maladie et les frais mortuaires m'ont mise a sec. J'ai engage mon titre de pension pour payer les 15 dettes criardes . . . Me voila seule au monde avec la petiote, sans un pauvre sou, et j'ai quatre-vingt-deux ans . . . C'est un grand age, n'est-ce pas done? Sous leurs paupieres ridees, les yeux de la vieille solliciteuse sont devenus humides. Le sous-directeur 20 1'a dcoutee plus attentivement. Les intonations un peu chantantes et certaines locutions provinciales de la vieille dame resonnent a son oreille comme une musique deja entendue et jadis familiere. Ces facons de parler ont un gout de terroir qu'il croit reconnaitre et qui lui 25 cause une sensation singuliere. II sonne, demande le dossier de "la veuve Blouet, * et quand le solennel gar- con de bureau pose, d'un air important, la mince chemise jaune sur la table, Hubert Boinville compulse les pieces avec un inte*rt visible. 30 Vous tes Lorraine, madame, reprend il en mon- LA SAINT-NICOLAS 245 trant a la veuve une figure moins ferme'e, ou court un faible sourire. Je m'en e*tais doute* a votre accent. Oui, monsieur, je suis de 1'Argonne . . . Com- ment, vous avez reconnu mon accent? Je croyais 5 bien 1'avoir perdu apres avoir si longtemps volte aux quatre coins de la France, comme un camp-volant. Le sous-directeur regarde avec une compassion croissante cette pauvre veuve d'employe* qu'un coup de vent a arrache'e a sa foret natale, et jete*e dans Paris 10 comme une feuille seche, apres Pavoir longuement roulee par les chemins arides de la vie bureaucratique. II sent peu a peu s'amollir son cceur de fonctionnaire et re*pond en souriant de nouveau: Moi aussi je suis de 1'Argonne, et j'ai ve*cu long- 15 temps pres de votre village, a Clermont . . . Allons, ma dame, ayez bon courage . . . J'espere que nous ob- tiendrons le secours que vous de*sirez . . . Vous avez donne* votre adresse? Oui, monsieur, rue de la Sante*, 12, pres du couvent 20 des Capucins . . . Bien des mercis; je m'en vais contente de vos bonnes paroles, et contente aussi d'avoir retrouve* un pays . . . Et la vieille dame se retire apres s'e'tre confondue en re've'rences. 25 Des que M me Blouet a disparu, le sous-directeur se leve et va appuyer son front a la vitre de 1'une des fentres qui donnent sur les jardins de 1'hotel. Mais ce ne sont pas les cimes des marronniers a demi-effeuille's qu'il contemple; son regard, devenu reveur, s'en va plus loin 30 ... Tres loin, la-bas, vers 1'Est, au dela des plaines et des collines crayeuses de la Champagne, jusqu'a une 246 THEURIET valle*e adosse*e & une grande foret, avec une modeste riviere qui roule son eau jaune entre des files de peu- pliers, au pied d'une vieille petite ville aux toils de tuiles brunes . . . C'est la qu'il a ve*cu enfant, c'est la qu'il revenait 5 chaque anne"e aux vacances. Son pere, greffier de la justice de paix, y menait la vie e"troite et serrde des petits bourgeois sans fortune, fileve' a la dure, accoutume de bonne heure au devoir strict et au travail acharne', Hubert a quitte* le pays a vingt ans et n'y est plus guere 10 retourne' que pour suivre le convoi de son pere. Doue" d'une intelligence supdrieure et d'une volonte de fer, enrage travailleur, il a monte" rapidement les degres de 1'dchelle administrative. tre sous-directeur a trente- huit ans, cela passe dans le monde des bureaux pour un 15 avancement exceptionnel. Austere, ponctuel, reservd et poli, a cheval sur les reglements, il arrive au ministere a dix heures, n'en sort qu'a six et emporte du travail chez lui. D'une nature peu expansive bien que sensible au fond, il passe pour etre tres boutonne. II va peu dans le 20 monde et sa vie a 6t6 tellement prise par le travail qu'il n'a jamais eu le temps de songer au manage. Son cceur a pourtant parle* une fois, dans 1'Argonne, alors qu'il avait vingt ans, mais comme il n'e"tait qu'un mince surnume'raire sans fortune, la fille qu'il aimait 1'a de*- 25 daigne", et s'est marine richement avec un gros marchand de bois. Cette premiere deception a laisse" a Boinville une arrie're-amertume que ses succes admin istratifs n'ont jamais completement corrigde. Son esprit est reste* teint^ de melancolie, et, ce soir, apres avoir entendu 30 cette vieille femme lui parler de sa de"tresse avec cet LA SAINT-NICOLAS 247 accent de terroir qu'on n'oublie jamais, il s'est senti envahi d'une tristesse retrospective. Le front pose" centre la vitre, il remue comme un amas de feuilles mortes, les lointains souvenirs de jeunesse, 5 ensevelis profonde'ment dans sa memoire, et le parfum des saisons passe*es au pays natal lui remonte douce- ment au cerveau. II revient a son fauteuil, et prenant le dossier Blouet, il 1'annote au crayon de cette mention marginale: 10 'Situation digne d'inte"rt accorder* puis il sonne le garcon et renvoie le dossier au sous-chef chargd des secours. Le jour ou le secours fut accorde" officiellement, Hubert Boinville quitta son bureau un peu plus tot *5 que d'habitude. L'ide"e lui e"tait venue d'aller annoncer lui-meme la bonne nouvelle a sa vieille payse. Trois cents francs, c'e"tait une goutte d'eau a peine, tombant du reservoir de I'dnorme budget ministe*riel, mais dans le budget de la veuve cette goutte devait se 20 changer en une rose"e bienfaisante. Encore qu'on fut au commencement de de"cembre, le temps e*tait doux, et Boinville fit a pied le long trajet qui le se"parait de la rue de la Sante". Quand il arriva a destination, la nuit commencait a ent^nebrer ce quartier de"sert. A la lueur 25 d'un bee de gaz plac pres du couvent des Capucins, il apercut le n 12, au-dessus d'une porte batarde percde dans un long mur de moellons. II n'eut qu'a pousser cette porte entre-biillde et se trouva dans un vaste 248 THEUR1ET jardin, ou 1'on distinguait, dans 1'ombre, des Carre's de legumes, des touffes de rosiers, et ca et la des silhouettes d'arbres fruitiers. Au fond, deux ou trois points lu- mineux e"clairaient la facade d'un corps de logis en e*querre. Le sous-directeur se dirigea en tatonnant vers 5 le rez-de-chaussde et eut la chance de tomber sur le jardinier en personne, qui le guida vers 1'escalier menant au logement de la veuve. Apres avoir treTjuche" deux fois sur des marches boueuses, Boinville heurta a une porte, par-dessous 10 laquelle filtrait une mince raie de lumiere et fut tout e'tonne' quand, cette porte s'dtant ouverte, il vit devant lui une jeune fille d'une vingtaine d'annees qui se tenait sur le seuil, levant sa lampe d'une main et regardant le visiteur avec des yeux surpris. 15 C'e*tait une jeune personne vetue de noir, a la physio- nomie vive et avenante. La lumiere tombant de haut e*clairait a point ses cheveux chatains frisottants, ses joues rondes a fossettes, sa bouche souriante et ses yeux bleus limpides. 20 Ne me suis-je pas trompe"? murmura Boinville, est-ce bien ici que demeure M me Blouet ? Oui, monsieur, donnez-vous la peine d'entrer . . . Grand'mere, c'est un monsieur qui te demande. Je viens! re"pondit une voix grele qui sortait d'une 25 piece contigue; et une minute apres, la vieille dame arrivait en trottinant, avec son tour de travers sous son bonnet noir, et achevant de ddnouer les cordons d'un tablier de toile bleue. Sainte mere de Dieu! s'e"cria-t-elle dbaubie en 30 teconnaissant le sous-directeur, comment, c'est vous, LA SAINT-NICOLAS 249 monsieur? . . . Faites bien excuse, je ne m'attendais guere a 1'honneur de vous voir . . . Claudette, offre done le fauteuil a monsieur le sous-directeur . . . C'est ma petite-fille, monsieur, tout ce qui me reste au monde. 5 Hubert Boinville s'etait assis dans un antique fauteuil de veiours d'Utrecht, et d'un rapide coup d'ceil il avait examine la piece qui paraissait servir a la fois de salon et de salle a manger. Peu de meubles, un petit poele de faience blanche a dessus de marbre rouge ; a cote, une 10 spacieuse armoire de village en che'ne; au milieu, une table ronde recouverie de toile cire*e; des chaises de paille, et au mur deux vieilles lithographies coloriees de Boilly; le tout tres propre et avec un bon petit air campagnard. II expliqua brievement 1'objet de sa visite. 15 Ah! mon Lia.ve monsieur, bien des mercis! s'ex- clama la veuve . . . On a raison de dire: un bonheur n'arrive jamais seul . . . Figurez-vous que la petiote a passe* ses examens pour entrer dans les Telegraphes, et, en attendant d'etre placed, elle fait par-ci par-la des 20 enluminures . . . Aujourd'hui, elle a i payde d'une grosse commande d'images, et alors nous avons de'cide' que nous feterions ce soir la Saint-Nicolas, comme au bon vieux temps . . . Vous vous souvenez? Mais, grand'mere. interrompit la jeune fille en 25 riant, monsieur ne sait pas ce que c'est que la Saint- Nicolas ... A Paris, on ne fete pas ce saint-lit! Si fait, monsieur sait parfaitement ce que je veux dire. II est du pays, Claudette, il est de Clermont. La Saint-Nicolas! reprit le sous-directeur dont la 30 figure triste s'dpanouit, je crois bien! . . . C'est au- jourd'hui en effet le six de"cembre . . 25 THEURIET Cette date avail allume toute une flambe'e de sou- venirs d'enfance qui eclairaient joyeusement son cer- veau. A cette clarte", il revit la vaste chemine'e paternelle, e'gaye'e par les apprets de la fete patronale; il entendit la musique sautillante des violons, allant par les rues 5 chercher les filles pour le bal annuel; et il se rappela ses Emotions du lendemain, quand il courait pieds nus pour tater dans 1'atre ses sabots pleins de joujoux que saint Nicolas, sur son ane, avait apportes nuitamment par la cheminee. 10 Done, ce soir, continua avec volubilite la grand'- mere, nous avons re*solu de ne manger rien que des plats du pays. Le jardinier d'en bas nous a donne", en choux, navets et pommes de terre, de quoi faire une bonne potee; j'ai achete un saucisson de Lorraine, et quand 13 vous etes entre j'etais en train de preparer un tol-fait. Oh! un tot-jaitl s'e"cria Boinville devenu plus expansif, voila bien vingt ans que je n'ai entendu pro- noncer le nom de ce gateau d'ceufs, de lait et de farine, et plus longtemps encore que je n'y ai goute ... 20 Ses traits s'etaient anime's et la jeune fille, qui 1'obser- vait a la derobe"e, crut voir passer une lueur gourmande dans ses yeux bruns. Tandis qu'il souriait, pensif, au souvenir de ce mets du pays, la grand'mere et Claudette s'etaient retirees un 25 peu a l'e"cart et paraissaient discuter avec vivacite* une grave question. Non, grand'mere, chuchotait la jeune fille, ce serait indiscret. Pourquoi done ? murmura la veuve, je suis sure 30 que cela lui ferait plaisir. LA SAINT-NICOLAS 251 Et comme il les regardait intrigue", la grand'mere revint vers lui: Monsieur, commenca-t-elle, vous avez de*ja 6t6 bien bon pour nous et si ce n'&ait pas abuser, j'aurais 5 encore une faveur a vous demander ... II est de"ja tard et vous avez un bon bout de chemin a faire pour aller retrouver votre diner . . . Vous nous rendriez bien heureuses si vous vouliez gouter de notre tdt-jait . . . N'est-ce pas, Claudette? o Oui, grand'mere, seulement monsieur dinera mal, et d'ailleurs il est sans doute attendu chez lui. Non, personne ne m'attend, repondit Boinville en songeant au restaurant ou d'habitude il dinait solitaire- ment et maussadement, je suis libre, mais . . . 15 II he*sitait encore, tout en regardant les yeux rieurs et printaniers de Claudette: puis, tout a coup, il s'e*cria avec une rondeur dont il n'etait pas coutumier: Eh bien! j'accepte sans facon et avec plaisir! A la bonne heure! fit la vieille dame toute ra- 20 gaillardie . . . Claudette, qu'est-ce que je te disais ? . . . Mets vivement le couvert, puis tu iras chercher du vin, tandis que je retournerai a mon tdt-fait . . . Claudette, vive comme un Idzard, avait ouvert la grande armoire. Elle en tira une nappe a liteaux 25 rouges, puis des serviettes. En un clin d'ccil la table fut dressde. La jeune fille alluma un bougeoir et des- cendit, tandis que la veuve, assise avec des chataignes dans son giron, les fendait lentement et les e"talait sur le marbre du poele. 30 N'est-ce pas que la petite est preste et gaie? disait- elle au sous-directeur . . C'est ma consolation . . Elle 252 THEURIET r^jouit ma vieillesse comme une fauvette qui chante sur un vieux toit ... Et elle reprenait en secouant ses chataignes: Ce sera un maigre souper, mais un souper offert de bon coeur, et puis fa vous rappellera le pays, nomme ? (n'est-ce pas ?) 5 Claudette 6ta.it remonte'e, rouge et un peu essouffie'e; la bonne dame apporta la potee fumante et embaumee et on se mit a table. Entre cette brave octoge*naire tout heureuse, et cette jeune fille si rieuse et si naturelle; devant cette nappe 10 qui fleurait 1'iris, dans ce milieu quasi-campagnard, qui lui reparlait des choses du passe, Hubert Boinville fit honneur a la potie. II se degelait peu a peu et causait familierement, s'amusant aux saillies de Claudette et riant d'un bon rire enfantin aux mots patois dont la 15 grand'mere emaillait ses phrases. De temps en temps, la veuve se levait et allait a la cuisine surveiller son entremets. Enfin elle reparut, triomphante, tenant la cocotte de fonte, d'ou s'dlevait le tot-fait avec des bour- souflures brunes et dorees et une appetissante odeur de 1.0 fleur d'oranger. Apres vinrent les chataignes grilldes au four et encore toutes craquantes dans leur decree fendille'e et rissole'e. La vieille dame tira du fond de Parmoire une bouteille de fignolette, cette liqueur du pays fabriqude avec de l'eau-de-vie et du vin doux; puis, ^5 tandis que Claudette desservait, elle prit machinalement son tricot et s'assit pres du poele, tout en jasant; mais, sous 1'influence d'une chaleur douce, jointe a 1'action de la fignolette, elle ne tarda pas a s'assoupir. Claudette avait pose* la lampe au milieu de la table; Hubert et la 30 jeune fille se trouvaient ainsi presque en tete-a-te'te, LA SAINT-NICOLAS 253 et Claudette, naturellement gaie et enjoue*e, de*frayait quasiment a elle seule la conversation. Elle aussi avail passe" son enfance en Argonne, pres d'une vieille tante, et elle rappelait a Boinville de menus 5 details locaux dont la precision le remettait insensible- ment dans le milieu provincial d'autrefois. Comme il faisait tres chaud dans la chambre, Claudette avait entr'ouvert la croise"e, et il arrivait des bouffe'es d'air frais, impre*gne*es de 1'odeur maraichere du jardin d'en TO bas, oft 1'on entendait le glouglou d'une fontaine s'e"gout- tant dans une auge de pierre, tandis qu'au loin une cloche de couvent sonnait lentement I'Angelus. Hubert Boinville cut tout a coup une hallucination. La fignoletle lorraine et les yeux clairs de cette jolie fifle 15 qui eVoquait pour lui les paysages forestiers de sa petite ville, y e"taient pour beaucoup. II lui sembla qu'il avait recule* de vingt ans en arriere, et qu'il dtait transport^ dans quelque rustique logis de sa province natale. Ce vent dans les arbres, ce frais murmure d'eau vive, c'e*tait 20 la voix caressante de 1'Aire et le frisson des futaies de 1' Argonne; cette cloche qui chantait la-bas, c'e"tait celle de I'e'glise paroissiale du bourg fetant la veille'e de Saint-Nicolas . . . Sa jeunesse ensevelie pendant vingt ans sous les paperasses administratives, sa jeunesse j2 revivait dans toute sa verdeur, et devant lui les yeux bleus de Claudette riaient si inge"nument, avec un e*clat d'avril en fleur, que son cceur engourdi se rdveillait et battait un plaisant tic-tac dans sa poitrine . . . La vieille dame s'e"tait re'veille'e en sursaut et bal- 30 butiait des paroles d'excuse. Hubert Boinville se leva; il e"tait temps de prendre conee". Apres avoir chaude- 254 THEURIET ment reinerae* M me Blouet et avoir promis de revenir, il tendit la main a Claudette. Leurs regards se rencon- trerent un moment et ceux du sous-directeur etaient si brillants, que les paupieres de la jeune fille s'abaisserent vivement sur ses rieuses prunelles azurees. Ce fut elle 5 qui le reconduisit jusqu'au has, et quand ils furent sur le seuil, il lui serra encore une fois la main sans trouver rien a lui dire . . . Et cependant il avait le coeur plein, le sous-directeur, et quand il se retrouva seul dans le desert tenebreux 10 de la rue de la Sante", il lui sembla qu'il entendait chanter dans le ciel tous les violons de la Saint-Nicolas. in Hubert Boinville donnait de nouveau, comme on dit en style de bureaucratic, <( une impulsion active et e"clairee au service. 9 La machine administrative avait 15 recommence" a amonceler sur sa table la mouture quoti- dienne des rapports petit ordre et des rapports grand ordre, des lettres au ministre et des projets d'arrete"s. Les seances du Conseil, les audiences et les commissions ne lui avaient pas laisse une heure pour aller rue de la 20 Sante". Pourtant le souvenir de la soiree de la Saint- Nicolas lui revenait souvent au milieu de son travail. A plusieurs reprises, il avait e"te* distrait dans la lecture d'un dossier par 1'image rayonnante des beaux yeux de Claudette. Cette apparition voltigeait sur les paperasses 25 comme un le"ger papillon bleu; le soir, quand le sous- directeur rentrait dans son morne appartement de garcon, elle 1'accompagnait et semblait le regarder LA SAINT-NICOLAS 255 railleusement, tandis qu'il tisonnait son feu qui brulait mal. Alors il songeait a ce bon diner dans la petite chambre campagnarde ou le poele ronflait si joyeuse- ment, a ce gai babil de jeune fille qui avait un moment 5 ressuscite' les sensations de sa vingtieme anne*e. Dans la re"guliere monotonie de sa vie affairee, ou les intimites fe"minines tenaient si peu de place, la soire'e de la rue de la Sante' tranchait comme une e"claircie ensoleille'e au milieu d'une plaine brumeuse. Parfois, il regardait o me'lancoliquement dans la glace sa barbe deja grison- nante; il pensait sa jeunesse sans amour, k sa maturite* commencante, et il se disait comme le bonhomme La Fontaine: *Ai-je passe* le temps d'aimer?" Alors, il dtait pris d'une nostalgie de tendresse qui lui mettait f5 1'esprit en dsarroi, et il regrettait de ne s'etre point marie". Un jour, par une sombre apres-midi de la fin de de- cembre, le solennel garcon de bureau entr'ouvrit discrete- ment la porte du cabinet et annonca: 10 Madame veuve Blouet. Boinville se leva avec empressement pour recevoir la visiteuse. Apres qu'il 1'eut fait asseoir, il lui demanda en rougissant des nouvelles de sa petite-fille. Merci, monsieur, re"pondit-elle, la petite va bien, 25 votre visite lui a porte" chance . . . Elle sollicitait depuis longtemps une place dans les Te'le'graphes . . . Elle a recu hier sa nomination et je n'ai pas voulu quitter Paris sans prendre conge* de vous et vous tdmoigner toute notre reconnaissance. 30 La poitrine de Boinville se serra. Vous quitte/ Paris ? demanda-t-il, ce poste est done en province ? 256 THEURIET Oui, dans les Vosges . . . Et naturellement j'ac- compagne Claudette . . . J'ai quatre-vingt-deux ans, mon cher monsieur; je n'ai plus grand temps a passer dans ce monde et nous ne voulons pas nous se*parer. Vous partez bient6t? 5 Dans la premiere semaine de Janvier . . . Adieu, monsieur, vous avez etc* tres bon pour nous, et Clau- dette m'a bien recommande de vous remercier en son nom . . . Le sous-directeur, interdit et absorbe, ne re*pondait 10 guere que par des monosyllabes. Quand la vieille dame fut sortie, 51 resta longtemps accoude sur son bureau, la tete dans ces mains. Cette nuit-la, il dormit mal, et, le lendemain, il fut de tres maussade humeur avec ses employes. II ne tenait pas en place. Des 15 trois heures, il brossa son chapeau, quitta le ministere et sauta dans une voiture qui passait. Une demi-heure apres, il traversait tout frissonnant le jardin maraicher du n 12 de la rue de la Sante* et il sonnait a la porte de M me Blouet. 20 Ce fut Claudette qui vint lui ouvrir. A 1'aspect du sous-directeur, elle tressaillit, puis devint toute rouge, tandis qu'un sourire passait dans ses yeux bleus. Grand'mere est sortie, dit-elle, mais elle ne tardera pas a rentrer, et elle sera si heureuse de vous voir! ... 25 Ce n'est pas M me Blouet que je de"sirais surtout rencontrer, mais vous, mademoiselle. Moi? murmura-t-elle, trouble. Oui, vous, re'pe'ta-t-il brusquement . . . Sa gorge se serrait, il cherchait ses mots et les trouvait avec 33 peine: Vous partez toujours au mois de Janvier? LA SAINT-NICOLAS 257 Elle re*pondit par un signe de tete affirmatif. Ne regrettez-vous pas de quitter Paris ? Oh! si ... Cela me fait gros coeur . . . Mais quoi ? Cette place est pour nous une bonne fortune et grand'- 5 mere pourra au moins vivre en paix pendant ses der- nieres anne*es. Et si je vous donnais un moyen de rester a Paris, tout en assurant le repos et le bien-etre de M me Blouet ? Oh! monsieur! s'exclama la jeune fille dont le 10 visage s'e"panouit. C'est un moyen hdroique, reprit-il en hesitant; vous le trouverez peut-etre au-dessus de vos forces. Je suis courageuse . . . Dites seulement, monsieur. Eh bien! mademoiselle ... II s'arreta pour re- 15 prendre sa respiration; puis, tres vite, presque rude- ment, il ajouta: Voulez-vous m'e'pouser? Mon Dieu! . . . balbutia-t-elle, et l'e"motion la laissa sans voix. Tout en exprimant une violente surprise, sa figure 20 n'avait rien d'effarouche'. Sa poitrine e"tait agite, ses levres restaient entr'ouvertes, mais ses grands yeux bleus humides brillaient d'un e"clat tres doux. Quant a Boinville, il n'osait la regarder, de peur de lire sur ses traits un refus humiliant. Pourtant, inquiet 25 de son silence prolong^, sans relever la tte, il lui de- manda: Me trouvez-vous trop ag^? Vous semblez tout effraye'e! . . . Effraye, r^pondit-elle ingdnument, non, mais trouble et . . . contente! . . . C'est trop beau . . . Je 30 n'ose pas y croire! Chere enfant! s'dcria-t-ii en lui prenant les mains, 258 THEURIET croyez-y et croyez surtout que le veritable heureux, c'est moi, parce que je vous aime! Elle restait muette, mais dans le rayonnement de ses yeux il y avait une telle effusion de reconnaissance et de tendresse, qu'Hubert Boinville ne pouvait plus s'y 5 meprendre. II y lut sans doute qu'elle aussi se sentait heureuse, et pour les memes raisons, car il 1'attira plus pres de lui. Elle se laissait faire et Hubert, plus hardi, ayant leve les mains de la jeune fille a la hauteur de ses levres, les baisait avec une vivacite toute juvenile. 10 Sainte mere de Dieu! s'ecria la vieille dame qui arriva sur ces entrefaites. Us se retournerent, lui, un peu confus; elle, tout empourpree et radieuse. M me Blouet, dit enfm gaiement Hubert Boinville, i ne vous scandaiisez pas! Le soir ou j'ai dine chez vous, saint Nicolas est descendu dans ma cheminee comme au temps ou j'etais enfant, et il m'a fait cadeau d'une femm3 ... La voici, c'est votre petite-fille . . . Nous nous marierons le plus tot possible, si vous le 20 permettez. ZOLA LE FORGERON LE Forgeron e"tait un grand, le plus grand du pays, les e"paules noueuses, la face et les bras noirs des flammes de la forge et de la poussiere de fer des marteaux. II avail, dans son crane carre*, sous I'dpaisse broussaille 5 de ses cheveux, de gros yeux bleus d'enfant, clairs comme de 1'acier. Sa machoire large roulait avec des rires, des bruits d'haleine qui ronflaient, pareils a la respiration et aux gaiety's ge*antes de son soufflet; et, quand il levait les bras, dans un geste de puissance 10 satisfaite, geste dont le travail de 1'enclume lui avait donne" 1'habitude, il semblait porter ses cinquante ans plus gaillardement encore qu'il ne soulevait *la Demoiselle, 8 une masse pesant vingt-cinq livres, une terrible fillette qu'il pouvait seul mettre en danse, de 15 Vernon & Rouen. J'ai ve"cu une annde chez le Forgeron, toute une anne*e de convalescence. J'avais perdu mon coeur, perdu mon cerveau, j'e'tais parti, allant devant moi, me cherchant, cherchant un coin de paix et de travail, ou je pusse eo retrouver ma virilite". C'est ainsi qu'un soir, sur la route, apres avoir de'passe' le village, j'ai apercu la forge, isole"e, toute flambante, planted de travers a la croix des Quatre-Chemins. La lueur dtait telle, que la porte charretiere, grande ouverte, incendiait le carrefour, et 260 ZOLA que les peupliers, ranges en face, le long du ruisseau, fumaient comme des torches. Au loin, au milieu de la douceur du cre"puscule, la cadence des marteaux sonnait a une demi-lieue, semblable au galop de plus en plus rapproche* de quelque regiment de fer. Puis, la, 5 sous la porte beante, dans la clarte, dans le vacarme, dans Pe"branlement de ce tonnerre, je me suis arrete, heureux, console deja, a voir ce travail, a regarder ces mains d'homme tordre et aplatir des barres rouges. J'ai vu, par ce soir d'automne, le Forgeron pour la ic premiere fois. II forgeait le soc d'une charrue. La chemise ouverte, montrant sa rude poitrine, ou les cotes, a chaque souffle, marquaient leur carcasse de metal dprouve", il se renversait, prenait un elan, abattait le marteau. Et cela, sans un arret, avec un balance- 15 ment souple et continu du corps, avec une poussee im- placable des muscles. Le marteau tournait dans un cercle re"gulier, emportant des etincelles, laissant derriere lui un e'clair. C'etait <( la Demoiselle,* a laquelle le Forgeron donnait ainsi le branle, a deux mains; tandis 20 que son fils, un gaillard de vingt ans, tenait le fer en- flamme' au bout de la pince, et tapait de son cote, tapait des coups sourds qu'etouffait la danse e*clatante de la terrible fillette du vieux. Toe, toe, toe, toe, on eut dit la voix grave d'une mere encourageant les premiers 25 be"gayements d'un enfant. a La Demoiselle" valsait toujours, en secouant les paillettes de sa robe, en lais- sant ses talons marque's dans le soc qu'elle faconnait, chaque fois qu'elle rebondissait sur 1'enclume. Une flamme saignante coulait jusqu'a terre, dclairant les 30 nre'tes saillantes des deux ouvriers, dont les grandes LE FORGERON 261 ombres s'allongeaient dans les coins sombres et confus de la forge. Peu a peu, 1'incendie palit, le Forgeron s'arreta. II resta noir, debout, appuye* sur le manche du marteau, avec une sueur au front qu'il n'essuyait 5 me'me pas. J'entendais le souffle de ses cotes encore ebranlees, dans le grondement du soufflet que son fils tirait, d'une main lente. Le soir, je couchais chez le Forgeron, et je ne m'en allais plus. II avait une chambre libre, en haut, au- 10 dessus de la forge, qu'il m'offrait et que j'acceptai. Des cinq heures, avant le jour, j'entrais dans la be- sogne de mon hote. Je m'eVeillais au rire de la maison entiere, qui s'animait jusqu'a la nuit de sa gaiete" e"norme. Sous moi, les marteaux dansaient. II semblait que 15 la Demoiselle me jetat hors du lit, en tapant au plafond, en me traitant de faineant. Toute la pauvre chambre, avec sa grande armoire, sa table de bois blanc, ses deux chaises, craquait, me criait de me hater. Et il me fallait descendre. En bas, je trouvais la forge deja 20 rouge. Le soufflet ronronnait, une flamme bleue et rose montait du charbon, ou la rondeur d'un astre semblait luire, sous le vent qui creusait la braise. Cependant, le Forgeron pre*parait la besogne du jour. II remuait du fer dans les coins, retournait des charrues, examinait 25 des roues. Quand il m'apercevait, il mettait les poings aux c6tes, le digne homme, et il riait, la bouche fendue jusqu'aux oreilles. Cela l'e*gayait, de m'avoir de*loge" du lit a cinq heures. Je crois qu'il tapait pour taper, le matin, pour sonner le re*veil avec le formidable carillon 3 de ses marteaux. II posait ses grosses mains sur mes e*paules, se penchait comme s'il eut parle" a un enfant, 262 ZOLA en me disant que je me portais mieux, depuis que je vivais au milieu de sa ferraille. Et tous les jours, nous prenions le vin blanc ensemble, sur le cul d'une vieille carriole renverse*e. Puis, souvent, je passais ma journde a la forge. L'hiver 5 surtout, par les temps de pluie, j'ai vecu toutes mes heures la. Je m'inte'ressais a 1'ouvrage. Cette lutte continue du Forgeron centre ce fer brut qu'il pe"trissait a sa guise, me passionnait comme un drame puissant. Je suivais le me"tal du fourneau sur 1'enclume, j'avais ic de continuelles surprises a le voir se ployer, s'etendre, se rouler, pareil a une cire molle, sous 1'effort victo- rieux de 1'ouvrier. Quand la charrue etait terminee, je m'agenouillais devant elle, je ne reconnaissais plus 1'ebauche informe de la vieille, j'examinais les pieces, 15 revant que des doigts souverainement forts les avaient prises et faconnees ainsi sans le secours du feu. Parfois, je souriais en songeant a une jeune fille que j'avais apercue, autrefois, pendant des journe'es entieres, en face de ma fenetre, tordant de ses mains fluettes des 20 tiges de laiton, sur lesquelles elle attachait, a 1'aide d'un fil de soie, des violettes artificielles. Jamais le Forgeron ne se plaignait. Je 1'ai vu, apres avoir battu le fer pendant des journees de quatorze heures, rire le soir de son bon rire, en se frottant les 25 bras d'un air satisfait. II n'etait jamais triste, jamais las. II aurait soutenu la maison sur son epaule, si la maison avait croule. L'hiver, il disait qu'il faisait bon dans sa forge. L'e'te', il ouvrait la porte toute grande et laissait entrer 1'odeur des foins. Quand Pete vint, a la 30 tombe'e du jour, j'allais m'asseoir a cote de lui, devant LE FORGERON 263 la porte. On e*tait a mi-c6te; on voyait de la toute la largeur de la valise. II dtait heureux de ce tapis im- mense de terres labourers, qui se perdait a 1'horizon dans le lilas clair du crepuscule. 5 Et le Forgeron plaisantait souvent. II disait que toutes ces terres lui appartenaient, que la forge, depuis plus de deux cents ans, fournissait des charrues a tout le pays. C'etait son orgueil. Pas une moisson ne poussait sans lui. Si la plaine dtait verte en mai et 10 jaune en juillet, elle lui devait cette soie changeante. II aimait les rdcoltes comme ses filles, ravi des grands soleils, levant le poing contre les nuages de grele qui crevaient. Souvent, il me montrait au loin quelque piece de terre qui paraissait moins large que le dos de sa 15 veste, et il me racontait en quelle anne*e il avail forgd une charrue pour ce carr d'avoine ou de seigle. A 1'epoque du labour, il lachait parfois ses marteaux; il venait au bord de la route; la main sur les yeux, il regar- dait. II regardait la famille nombreuse de ses charrues 20 mordre le sol, tracer leurs sillons, en face, a gauche, a droite. La vallee en e*tait toute pleine. On eut dit, a voir les attelages filer lentement, des regiments en marche. Les socs des charrues luisaient au soleil, avec des reflets d'argent. Et lui, levait les bras, m'appelait, 25 me criait de venir voir quelle *sacrde besogne* elles faisaient. Toute cette ferraille retentissante qui sonnait au- dessous de moi, me mettait du fer dans le sang. Cela me valait mieux que les drogues des pharmacies. J'e*tais 30 accoutum a ce vacarme, j'avais besoin de cette musique des marteaux sur i'enclume pour m'entendre vivre. 264 ZOLA Dans ma chambre tout anime'e par les ronflements du soufflet, j'avais retrouve* ma pauvre tete. Toe, toe, toe, toe, c'e"tait la comme le balancier joyeux qui re"glait mes heures de travail. Au plus fort de 1'ouvrage, lorsque le Forgeron se fachait, que j'entendais le fer 5 rouge craquer sous les bonds des marteaux endiables, j'avais une fievre de g&mt dans les poignets, j'aurais voulu aplatir le monde d'un coup de ma plume. Puis, quand la forge se taisait, tout faisait silence dans mon crane; je descendais, et j'avais honte de ma besogne, 10 a voir tout ce metal vaincu et fumant encore. Ah! que je 1'ai vu superbe, parfois, le Forgeron, pendant les chaudes apres-midi! II etait nu jusqu'a la ceinture, les muscles saillants et tendus, semblable k une de ces grandes figures de Michel- Ange, qui se i redressent dans un supreme effort. Je trouvais, a le regarder la ligne sculpturale moderne, que nos artistes cherchent pdniblement dans les chairs mortes de la Grece. II m'apparaissait comme le heros grandi du travail, 1'enfant infatigable de ce siecle, qui bat sans 23 cesse sur 1'enclume 1'outil de notre analyse, qui faconne dans le feu et par le fer la societe* de demain. Lui, jouait avec ses marteaux. Quand il voulait rire, il pre- nait la Demoiselle, 8 et, a toute volee, il tapait. Alors il faisait le tonnerre chez lui, dans 1'haletement rose 25 du fourneau. Je croyais entendre le soupir du peuple a 1'ouvrage. C'est la, dans la forge, au milieu des charrues, que j'ai gueYi a jamais mon mal de paresse et de doute. MUSSET mSTOIRE D'UN MERLE BLANC I QU'IL est glorieux, mais qu'il est penible d'etre en ce monde un merle exceptionnel! Je ne suis point un oiseau fabuleux, et monsieur de Buffon m'a de'crit. Mais, he'las! je suis extremement rare, et tres difficile a 5 trouver. Plut au ciel que je fusse tout a fait impossible! Mon pere et ma mere elaient deux bonnes gens qui vivaient depuis nombre d'anne'es, au fond d'un vieux jardin retire" du Marais. C'e*tait un menage exemplaire. Pendant que ma mere, assise dans un buisson fourrd, o pondait re"gulierement trois fois par an, et couvait, tout en sommeillant, avec une religion patriarcale, mon pere, encore fort propre et fort petulant, malgre" son grand age, picorait autour d'elle toute la journe'e, lui apportant de beaux insectes qu'il saisissait de*licatement par le 15 bout de la queue pour ne pas ddgouter sa femme, et, la nuit venue, il ne manquait jamais, quand il faisait beau, de la re*galer d'une chanson qui rdjouissait tout le voi- sinage. Jamais une querelle, jamais le moindre nuage n'avait trouble* cette douce union. 20 A peine fus-je venu au monde, que, pour la premiere fois de sa vie, mon pere commenfa a montrer de la mauvaise humeur. Bien que je ne fusse encore que d'un gris douteux, il ne reconnaissait en moi ni la cou- leur, ni la tournure de sa nombreuse poste*rite". 265 66 MUSSET Voila un sale enfant, disait-il quelquefois en me regardant de travers; il faut que ce gamin-Ik aille ap- paremment se fourrer dans tous les platras et tous lei tas de boue qu'il rencontre, pour etre toujours si laid e si crotte". Eh! mon Dieu, mon ami, re"pondait ma mere, toujours roulee en boule dans une vieille ecuelle dont elle avait fait son nid, ne voyez-vous pas que c'est de son age? Et vous-meme, dans votre jeune temps, n'avez-vous pas etc un charmant vaurien? Laissez 10 grandir notre merlichon, et vous verrez comme il sera beau; il est des mieux que j'aie pondus. Tout en prenant ainsi ma defense, ma mere ne s'y trompait pas; elle voyait pousser mon fatal plumage, qui lui semblait une monstruosite; mais elle faisait comme 15 toutes les meres, qui s'attachent souvent a leurs enfants, par cela meme qu'ils sont maltraites de la nature, comme si la faute en e*tait a elle, ou comme si elles repoussaient d'avance 1'injustice du sort qui doit les frapper. Quand vint le temps de ma premiere mue, mon pere ? > devint tout a fait pensif et me considera attentivement. Tant que mes plumes tomberent, il me traita encore avec assez de bonte et me donna meme la patee, me voyant grelotter presque nu dans un coin; mais des que mes pauvres ailerons transis commencerent a se re- 25 couvrir de duvet, a chaque plume blanche qu'il vit paraitre, il entra dans une telle colere, que je craignis qu'il ne me plumat pour le reste de mes jours. He*las! je n'avais pas de miroir; j'ignorais le sujet de cette fureur, et je me demandais pourquoi le meilleur des 30 peres se montrait pour moi si barbare. HISTOIRE D'UN MERLE BLANC 267 Un jour qu'un rayon de soletl et ma fourrure nais- sante m'avaient mis, malgre moi, le coeur en joie, comme je voltigeais dans une allee, je me mis, pour mon mal- heur, a chanter. A la premiere note qu'il entendit, 5 mon pere sauta en Pair comme une fuse*e. Qu'est-ce que j'entends la ? s'ecria-t-il; est-ce ainsi qu'un merle siffle? est-ce ainsi que je siffle? est-ce la siffler? Et, s'abbattant pres de ma mere avec la contenance to la plus terrible: Malheureuse! dit-il, qui est-ce qui a pondu dans ton nid ? A ces mots, ma mere indigne'e s'elanca de son e*cuelle, non sans se faire du mal a une patte; elle voulut parler, 15 mais ses sanglots la suffoquaient; elle tomba a terre a demi pamee. Je la vis pres d'expirer; e'pouvante' et tremblant de peur, je me jetai aux genoux de mon pere. O mon pere! lui dis-je, si je siffle de travers, et si je suis mal vetu, que ma mere n'en soit point punie! ,o Est-ce sa faute si la nature m'a refuse* une voix comme la vdtre! Est-ce sa faute si je n'ai pas votre beau bee jaune et votre bel habit noir a la francaise, qui vous donnent Pair d'un marguillier en train d'avaler une omelette ? .Si le ciel a fait de moi un monstre, et si quel- 25 qu'un doit en porter la peine, que je sois du moins le seul malheureux! II ne s'agit pas de cela, dit mon pere; que signifie la maniere absurde dont tu viens de te permettre de siffler ? qui t'a appris a siffler ainsi centre tous les usages 30 et toutes les regies? He'las! monsieur, re"pondis-je humblement, j'ai 268 MUSSET comme je pouvais, me sentant gai parce qu'il fait beau, et ayant peut-etre mange trop de mouches. On ne siffle pas ainsi dans ma famille, reprit mon pere hors de lui. II y a des siecles que nous sifflons de pere en fils, et, lorsque je fais entendre ma voix la nuit, 5 apprends qu'il y a ici au premier etage, un vieux mon- sieur, et au grenier une jeune grisette, qui ouvrent leurs fenetres pour m'entendre. N'est-ce pas assez que j'aie devant les yeux 1'affreuse couleur de tes sottes plumes qui te donnent Pair enfarine", comme un paillasse de la M foire. Si je n'e"tais le plus pacifique des merles, je t'aurais deja cent fois mis a nu, ni plus ni moins qu'un poulet de basse-cour pret a etre embroche'. Et bien! m'ecriai-je, revolt^ de 1'injustice de mon pere, s'il en est ainsi, monsieur, qu'a cela ne tienne! 15 je me de"roberai a votre presence, je delivrerai vos re- gards de cette malheureuse queue blanche par laquelle vous me tirez toute la journee. Je partirai, monsieur, je fuirai; assez d'autres enfants consoleront votre vieillesse, puisque ma mere pond trois fois par an; j'irai loin de 20 vous cacher ma misere, et peut-etre, ajoutai-je en sanglotant, peut-etre trouverai-je, dans le potager du voisin ou sur les gouttieres, quelques vers de terre ou quelques araigndes pour soutenir ma triste existence. Comme tu voudras, repliqua mon pere, loin de 25 s'attendrir a ce discours; que je ne te voie plus! Tu n'es pas mon fils; tu n'es pas un merle. Et que suis-je done, monsieur, s'il vous plait ? Je n'en sais rien, mais tu n'es pas un merle. Apres ces paroles foudroyantes, mon pere s'eloigna 30 k pas lents. Ma mere se releva tristement, et alia, en HISTOIRE D'UN MERLE BLANC 269 boitant, achever de pleurer dans son dcuelle. Pour moi, confus et de'sole', je pris mon vol du mieux que je pus, et j'allai, comme je 1'avais annonce", me percher sur la gouttiere d'une maison voisine. II 5 Mon pere cut 1'inhumanite" de me laisser pendant plusieurs jours dans cette situation mortifiante. Malgre sa violence, il avait bon coeur, et, aux regards detournes qu'il me lancait, je voyais bieri qu'il aurait voulu me pardonner et me rappeler; ma mere, surtout, levait sans 10 cesse vers moi des yeux pleins de tendresse, et se risquait meme parfois a m'appeler d'un petit cri plaintif; mais mon horrible plumage blanc leur inspirait, malgre eux, une repugnance et un effroi auxquels je vis bien qu'il n'y avait point de remede. 15 Je ne suis point un merle? 8 me re'pe'tais-je; et, eri effet, en m'epluchant le matin et en me mirant dans 1'eau de la gouttiere, je ne reconnaissais que trop claire- ment combien je ressemblais peu a ma famille. <( ciel! re'pe'tai-je encore, apprends-moi done ce qui je suis!* 20 Une certaine nuit qu'il pleuvait a verse, j'allais m'en- dormir extdnue* de faim et de chagrin, lorsque je vis se poser pres de moi un oiseau plus mouilld, plus pile et plus maigre que je ne le croyais possible. II e"tait a peu pres de ma couleur, autant que j'en pus juger a travers 25 la pluie qui nous inondait, a peine avait-il sur le corps assez de plumes pour habiller un moineau, et il e"tait plus gros que moi. II me sembla, au premier abord, un oiseau tout a fait pauvre et ne*cessiteux; mais il gardait, 270 MUSSET en depit de 1'orage qui maltraitait son front presque tondu, un air de fierte qui me charma. Je lui fis modeste- ment une grande reverence, a laquelle il repondit par un coup de bee qui faillit me jeter a bas de la gouttiere. Voyant que je me grattais 1'oreille et que je me retirais 5 avec componction sans essayer de lui repondre en sa langue: Qui es-tu ? me demanda-t-il d'une voix aussi en- rouee que son crane dtait chauve. Helas! monseigneur, repondis-je (craignant une 10 seconde estocade), je n'en sais rien. Je croyais etre un merle, mais 1'on m'a convaincu que je n'en suis pas un. La singularite de ma reponse et mon air de sincerite 1'interesserent. II s'approcha de moi et me fit conter mon histoire, ce dont je m'acquittai avec toute la tristesse i^ et toute 1'humilite qui convenaient a ma position et au temps affreux qu'il faisait. O- * A. - JV 'I bi tu etais un ramier comme moi, me dit-il apres m'avoir e"coute, les niaiseries dont tu t'affliges ne t'in- quie*teraient pas un moment. Nous voyageons, c'est 20 la notre vie. Fendre Pair, traverser 1'espace, voir a nos pieds les monts et les plaines, respirer 1'azur meme des cieux, et non les exhalaisons de la terre, courir comme la fleche a un but marque" qui ne nous e"chappe jamais, voila notre plaisir et notre existence. Je fais plus de 25 chemin en un jour qu'un homme n'en peut faire en dix. Sur ma parole, monsieur, dis-je un peu enhardi, vous etes un oiseau bohemien. C'est encore une chose dont je ne me soucie guere, 30 reprit-il. Je n'ai point de pays; je ne connais que trois HISTOIRE D'UN MERLE BLANC 3J1 choses: les voyages, ma femme et mes petits. Ou est ma femme, la est ma patrie. Mais qu'avez-vous la qui vous pend au cou ? C'est comme une vieille papillote chiffonne'e. 5 Ce sont des papiers d'importance, repondit-il en se rengorgeant; je vais a Bruxelles de ce pas, et je porte au celebre banquier *** une nouvelle qui va faire baisser la rente d'un franc soixante-dix-huit centimes. Juste Dieu! m'e"criai-je, c'est une belle existence 10 que la votre, et Bruxelles, j'en suis sur, doit etre une ville bien curieuse a voir. Ne pourriez-vous pas m'emmener avec vous? Puisque je ne suis pas un merle, je suis peut-etre un pigeon ramier. Si tu en e"tais un, rdpliqua-t-il, tu m'aurais rendu 15 le coup de bee que je t'ai donne" tout a 1'heure. Et bien! monsieur, je vous le rendrai; ne nous brouillons pas pour si peu de chose. Voila le matin qui parait et 1'orage qui s'apaise. De grace laissez-moi vous suivre! Je suis perdu, je n'ai plus rien au monde r> si vous me refusez, il ne me reste plus qu'a me noyer dans cette gouttiere. Eh bien, en route! suis-moi, si tu peux. Je jetai un dernier regard sur le jardin oil dormait ma mere. Une larme coula de mes yeux; le vent et la 5 pluie Pemporterent. J'ouvris mes ailes, et je partis. m Mes ailes, je 1'ai dit, n'dtaient pas encore bien robustes. Tandis que mon conducteur allait comme le vent, je m'essoufflais a ses cote's; je tins bon pendant quelque 272 MUSSET temps, mais bientot il me prit un eblouissement si violent, que je me sentis pres de ddfaillir. -Y en a-t-il encore pour longtemps? demandai-je d'une voix faible. -Non, me re"pondit-il, nous sommes au Bourget; 5 nous n'avons plus que soixante lieues a faire. J'essayai de reprendre courage, ne voulant pas avoir Pair d'une poule mouillee, et je volai encore un quart d'heure, mais, pour le coup, j'etais rendu. Monsieur, begayai-je de nouveau, ne pourrait-on 10 pas s'arreter un instant? J'ai une soif horrible qui me tourmente, et, en nous perchant sur un arbre . . . Va-t'en au diable! tu n'es qu'un merle! me re*- pondit le ramier en colere. Et, sans daigner tourner la tete, il continua son voyage 15 enrage. Quant a moi, abasourdi et n'y voyant plus, je tombai dans un champ de ble. J 'ignore combien de temps dura mon evanouissement. Lorsque je repris connaissance, ce qui me revint d'abord en memoire fut la derniere parole du ramier: Tu n'es 20 qu'un merle, m'avait-il dit. B O mes chers parents, pensai-je, vous vous etes done trompes! Je vais re- tourner pres de vous; vous me reconnaitrez pour votre vrai et le"gitime enfant, et vous me rendrez ma place dans ce bon petit tas de feuilles qui est sous 1'ecuelle de ma 25 mere. Je fis un effort pour me lever; mais la fatigue du voyage et la douleur que je ressentais de ma chute me paraly- saient tous les membres. A peine me fus-je dresse* sur mes pattes, que la ddfaillance me reprit, et je retombai 30 sur le flanc. HISTOIRE D'UN MERLE BLANC 273 L'affreuse pense*e de la mort se presentait de"ja a mon \fff~nv \. ' LftAj^ -fc(^V t -- esprit, lorsque, a travers les bluets et les coqji'ehcots, je vis venir a moi, sur la pointe du pied, deux charmantes personnes. L'une dtait une petite pie^ fort bien mou- 5 chete"e ^et extremement coquette, et Pautre une tourterelle couleur de rose. La tourterelle s'arreta a quelques pas de distance, avec un grand air de pudeur et de compas- sion pour mon infortune; mais la pie s'approcha en sau- tillant de la maniere la plus agre"able du monde. 10 Eh! bon Dieu! pauvre enfant, que faites-vous la? me demanda-t-elle d'une voix folatre et argentine. He"las! madame la marquise, repondis-je (car e'en devait etre une pour le moins), je suis un pauvre diable de voyageur que son postilion a laisse en route, et je 15 suis en train de mourir de faim. Sainte Vierge! que me dites-vous? re*pondit-elle. Et aussitot elle se mit a voltiger ca et la sur les buissons qui nous entouraient, allant et venant de cote et d'autre, m'apportant quantite* de baies et de fruits, dont elle fit 20 un petit tas pres de moi, tout en continuant ses questions. Mais qui etes-vous? mais d'ou venez-vous? C'est une chose incroyable que votre aventure! Et ou alliez- vous? Voyager seul, si jeune, car vous sortez de votre premiere mue! Que font vos parents? d'ou sont-ils? 25 comment vous laissent-ils aller dans cet e*tat-la? Mais c'est a faire dresser les plumes sur la tete! Pendant qu'elle parlait, je m'e'tais souleve" un peu de c6te", et je mangeais de grand apodtit. La tourterelle restait immobile, me regardant toujours d'un ceil de 30 phie*. Cependant elle remarqua que je retournais la te"te d'un air languissant, et elle comprit que j'avais soif. 274 MUSSET De la pluie tombe*e dans la nuit une goutte restait sur un brin de mouron; elle recueillit timidement cette goutte dans son bee, et me Papporta toute fraiche. Certainement, si je n'eusse pas e*te si malade, une per- sonne si re"serve"e ne se serait jamais permis une pareille 5 demarche. Je ne savais pas encore ce que c'est que 1'amour, mais mon cceur battait violemment. Partage" entre deux emotions di verses, j'etais penetre d'un charme inexpli- cable. Ma panetiere e"tait si gaie, mon ^chanson si 10 expansif et si doux, que j'aurais voulu dejeuner ainsi pendant toute 1'eternite. Malheureusement, tout a un terme, meme 1'appetit d'un convalescent. Le repas fini et mes forces venues, je satisfis la curiosite de la petite pie, et lui racontai mes malheurs avec autant de sin- 15 ce^ite" que je 1'avais fait la veille devant le pigeon. La pie m'e'couta avec plus d'attention qu'il ne semblait devoir lui appartenir, et la tourterelle me donna des marques charmantes de sa profonde sensibilite". Mais, lorsque j'en fus a toucher le point capital qui causait 20 ma peine) c'est-a-dire 1'ignorance ou j'e"tais de moi- meme: - Plaisantez-vous ? s'ecria la pie; vous, un merle! vous, un pigeon! Fi done! vous etes une pie, mon cher enfant, pie s'il en fut, et tres gentille pie, ajouta-t-elle aj en me donnant un petit coup d'aile, comme qui dirait un coup d'eventail. - Mais, madame la marquise, re"pondis-je, il me semble que, pour une pie, je suis d'une couleur, ne vous en de*plaise ... 30 - Une pie russe, mon cher, vous fites une pie russe! HISTOIRE D'UN MERLE BLANC 275 Vous ne savez pas qu'elles sont blanches? Pauvre garcon, quelle innocence! Mais, madame, repris-je, comment serais-je une pie russe, (Slant ne au fond du Marais, dans une vieille 5 dcuelle cassde? Ah! le bon enfant! Vous etes de 1'invasion, mon cher; croyez-vous qu'il n'y ait que vous? Fiez-vous a moi, et laissez-vous faire; je veux vous emmener tout a 1'heure et vous montrer les plus belles choses de la terre. 10 Ou cela, madame, s'il vous plait ? Dans mon palais vert, mon mignon; vous verrez quelle vie on y mene. Vous n'aurez pas plus tot 6l6 pie un quart d'heure, que vous ne voudrez plus entendre parler d'autre chose. Nous sommes la une centaine, 15 non pas de ces grosses pies de village qui demandent I'aumone sur les grands chemins, mais toutes nobles et de bonne compagnie, effile'es, lestes, et pas plus grosses que le poing. Pas une de nous n'a ni plus ni moins de sept marques noires et de cinq marques blanches; c'est 20 une chose invariable, et nous mdprisons le reste du monde. Les marques noires vous manquent, il est vrai, mais votre qualitd de Russe suffira pour vous faire admettre. Notre, vie se compose de deux choses: caqiu'k-r et nous attifrr. Dqniis If matin jusqu'a midi. 25 nous nous attifons, et, depuis midi jusqu'au soir, nous caquetons. Chacune de nous perche sur un arbre, le plus haut et le plus vieux possible. Au milieu de la foret s'eleve un chene immense, inhabitd, helas! C'e*tait la demeure du feu roi Pie X, oil nous allons en pelerinage 30 en poussant de bien gros soupirs; mais, a part ce teger chagrin, nous passons le temps a merveille. Nos 270 MUSSET jfcoMalJ& femmes ne sont pas plus begueules que nos maris ne sont jaloux, mais nos plaisirs sont purs et honnetes, parce que notre coeur est aussi noble que notre langage est libre et joyeux. Notre fierte n'a pas de bornes, et, si un geai ou toute autre canaille vient par hasard a 5 s'introduire chez nous, nous le plumons impitoyable- ment. Mais nous n'en sommes pas moins les meilleures gens du monde, et les passereaux, les melanges, les chardonnerets, qui vivent dans nos taillis, nous trouvent toujours pretes a les aider, a les nourrir et a les defendre. 10 Nulle part il n'y a plus de caquetage que chez nous, et nulle part moins de medisance. Nous ne manquons pas de vieilles pies deVotes qui disent leurs patenotres toute la journee, mais la plus eventee de nos jeunes coin- meres peut passer, sans crainte d'un coup de bee, pres 15 de la plus severe douairiere. En un mot, nous vivons de plaisir, d'honneur, de bavardage, de gloire et de chiffons. - Voila qui est fort beau, madame, re*pliquai-je, et je serais certainement mal appris de ne point obeir aux 20 ordres d'une personne comme vous. Mais avant d'avoir 1'honneur de vous suivre, permettez-moi, de grace, de dire un mot a cette bonne demoiselle qui est ici. Mademoiselle, continuai-je en m'adressant a la tour- terelle, parlez-moi franchement, je vous en supplie; 25 pensez-vous que je spis ve*ritablement une pie russe? A cette question, la tourterelle baissa la tete, et devint rouge pale, comme les rubans de Lolotte. Mais, monsieur dit-elle, je ne sais si je puis . . . Au nom du ciel, parlez, mademoiselle! Men 30 dessein n'a rien qui puisse vous offenser, bien au con- HISTOIRE D'UN MERLE BLANC 277 traire. Vous me paraissez toutes deux si charmantes, que je fais ici le serment d'offrir mon coeur et ma patte a celle de vous qui en voudra, des 1'instant que je saurai si je suis pie ou autre chose; car, en vous regardant, ajoutai- 5 je, parlant un peu plus has a la jeune personne, je me sens je ne sais quoi de tourtereau qui me tourmente singulierement. - Mais, en effet, dit la tourterelle en rougissant encore davantage, je ne sais si c'est le reflet du soleil 10 qui tombe sur vous a travers ces coquelicots, mais votre plumage me semble avoir une le*gere teinte . . . Elle n'osa en dire plus long. O perplexite" ! m'e'criai-je, comment savoir a quoi m'en tenir ? comment donner mon coeur a 1'une de vous, 15 lorsqu'il est si cruellement dechire"? O Socrate! quel pre*cepte admirable, mais difficile a suivre, tu nous as donne", quand tu as dit: * Connais-toi toi-meme!" Depuis le jour ou une malheureuse chanson avait si fort contrarie mon pere, je n'avais pas fait usage de ma sto-voix. En ce moment, il me vint a 1'esprit de m'en ser- vir comme d'un moyen pour discerner la veYite. Par- bleu! pensais-je, puisque monsieur mon pere m'a mis a la porte des le premier couplet, c'est bien le moins que le second produise quelque effet sur ces dames!" Ayant 25 done commence" par m'incliner poliment, comme pour reclamer 1'indulgence, a cause de .la pluie que j'avais recue, je me mis d'abord a siffler, puis a gazouiller, puis a faire des roulades, puis enfin a chanter a tue-tete, comme un muletier espagnol en plein vent. 30 A mesure que je chantais, la petite pie s'eloignait de , moi d'un air de surprise qui devint bientdt de la stupe*- 278 MUSSET faction, puis qui passa a un sentiment d'effroi accom- pagne d'un profond ennui. Elle decrivait des cercles autour de moi, comme un chat autour d'un morceau de lard trop chaud qui vient de le bruler, mais auquel il voudrait pourtant gouter encore. Voyant 1'effet de 5 mon e*preuve, et voulant la pousser jusqu'au bout, plus la pauvre marquise montrait d'impatience, plus je m'e'gosillais a chanter. Elle resista pendant vingt-cinq minutes a mes melodieux efforts; enfin. n'y pouvant plus tenir, elle s'envola a grand bruit, et regagna son 10 palais de verdure. Quant a la tourterelle, elle s'e*tait, presque des le commencement, profondement endormie. Admirable effet de 1'harmonie ! pensai-je. O Marais! 6 e*cuelle maternelle! plus que jamais je reviens a vous! 15 Au moment ou je m'e'lancais pour partir, la tourterelle rouvrit les yeux. Adieu, dit-elle, Stranger si gentil et si ennuyeux ! Mon nom est Gourouli; souviens-toi de moi! Belle Gourouli, lui re*pondis-je, vous etes bonne, 20 douce et charmante; je voudrais vivre et mourir pour vous. Mais vous etes couleur de rose; tant de bon- heur n'est pas fait pour moi! Le triste effet produit par mon chant ne laissait pas que de m'attrister. "He'las! musique, helas! poe*sie, 25 me re"pe"tais-je en regagnant Paris, qu'il y a peu de cceurs qui vous comprennent!' En faisant ces reflexions, je me cognai la tete centre HISTOIRE D'UN MERLE BLANC 379 celle d'un oiseau qui volait dans le sens oppose* au mien. Le choc fut si rude et si impreVu, que nous tombames tous deux sur la cime d'un arbre qui, par bonheur, se trouva la. Apres que nous nous fumes un peu secoue's, 5 je regardai le rfouveau venu, m'attendant a une querelle. Je vis avec surprise qu'il e*tait blanc. A la ve'rite', il avail la tete un peu plus grosse que moi, et, sur le front, une espece de panache qui lui donnait un air he'roi- comique. De plus, il portait sa queue fort en Pair, avec *o une grande magnanimite; du reste, il ne me parut nulle- ment dispose a la bataille. Nous nous abordames fort civilement, et nous nous flmes de mutuelles excuses, apres quoi nous entrames en conversation. Je pris la liberte de lui demander son nom et de quel pays il e*tait. 15 - Je suis etonne', me dit-il, que vous ne me connais- siez pas. Est-ce que vous n'etes pas des notres? En ve'rite', monsieur, re'pondis-je, je ne sais pas desquels je suis. Tout le monde me demande et me dit la meme chose; il faut que ce soit une gageure qu'on ait so faite. - Vous voulez rire, re*pliqua-t-il; votre plumage vous sied trop bien pour que je me'connaisse un confrere. Vous appartenez infailliblement a cette race illustre et vdndrable qu'on nomme en latin cacuata, en langue 25 savante kakatoes, et en jargon vulgaire cacatois^ Ma foi, monsieur, cela est possible, et ce serait bien de 1'honneur pour moi. Mais ne laissez pas de faire comme si je n'en e*tais pas, et daignez m'apprendre a qui j'ai la gloire de parler. 30 Je suis, re"pondit 1'inconnu, le grand poete Kaca- togan. J'ai fait de puissants voyages, monsieur, des 280 MUSSET traversdes arides et de cruelles peregrinations. Ce n'est pas d'hier que je rime, et ma muse a eu des malheurs. J'ai fredonne sous Louis XVI, monsieur, j'ai braille pour la Republique, j'ai noblement chante 1'Empire, j'ai discretement loue la Restauration,* j'ai meme fait 5 un effort dans ces derniers temps, et je me suis soumis, non sans peine, aux exigences de ce siecle sans gout. J'ai lance dans le monde des distiques piquants, des hymnes sublimes, de gracieux dithyrambes, de pieuses elegies, des drames chevelus, des romans crepus, des vaudevilles 10 poudres et des tragedies chauves. En un mot, je puis me flatter d'avoir ajoute au temple des Muses quelques festons galants, quelques sombres creneaux et quelques inge"nieuses arabesques. Que voulez-vous? je me suis fait vieux. Mais je rime encore vertement, monsieur, 15 et, tel que vous me voyez, je revais a un poeme en un chant, qui n'aura pas moins de six pages, quand vous m'avez fait une bosse au front. Du reste, si je puis vous etre bon a quelque chose, je suis tout a votre service. 20 -Vraiment, monsieur, vous le pouvez, re*pliquai-je, car vous me voyez en ce moment dans un grand em- barras poetique. Je n'ose dire que je sois un poete, ni surtout un aussi grand poete que vous, ajputai-je en le saluant,. mais j'ai recu de la nature un gosier qui me 25 deniange quand je me sens bien aise ou que j'ai du chagrin. A vous dire la vdrite, j'ignore absolument les regies. Je les ai oublides, dit Kacatogan, ne vous inquietez pas de cela. 30 Mais il m'arrive, repris-je, une chose facheuse; HISTOIRE D'UN MERLE BLANC 281 c'est que ma voix produit sur ceux qui 1'entendent a peu pres le meme effet que celle d'un certain Jean de Nivelle sur . . . Vous savez ce que je veux dire? - Je le sais, dit Kacatogan; je connais par moi-meme 5 cet effet bizarre. La cause ne m'en est pas connu**, mais 1'effet est incontestable. Eh bien ! monsieur, vous qui me semblez etre le Nestor de la poesie, sauriez-vous, je vous prie, un remede a ce penible inconvenient? 10 Non, dit Kacatogan, pour ma part, je n'en ai jamais pu trouver. Je m'en suis fort tourmente* e"tant jeune, a cause qu'on me sifflait toujours; mais, a 1'heure qu'il est, je n'y songe plus. Je crois que cette repugnance vient de ce que le public en lit d'autres que nous: cela 15 le distrait. - Je le pense comme vous; mais vous conviendrez, monsieur, qu'il est dur, pour une creature bien in- tentionne*e, de mettre les gens en fuite des qu'il lui prend un bon mouvement. Voudriez-vous me rendre le 90 service de m'e'couter, et de me dire sincerement votre avis ? -Tres volontiers, dit Kacatogan; je suis tout oreilles. Je me mis a chanter aussitot, et j'eus la satisfaction de voir que Kacatogan ne s'enfuyait ni ne s'endormait. 25 II me regardait fixement, et, de temps en temps, il in- clinait la tete d'un air d'approbation, avec une espece de murmure flatteur. Mais je m'apercus bientot qu'il ne m'dcoutait pas, et qu'il revait a son poeme. Profitant d'un moment ou je reprenais haleine, il m'interrompit 30 tout a coup. Je 1'ai pourtant trouve"e, cette rime! dit-il en souriant 282 MUSSET et en branlant la tete; c'est la soixante-mille-sept-cent- quatorzieme qui sort de cette cervelle-la! Et Ton ose dire que je vieillis! Je vais lire cela aux bons amis, je vais le leur lire, et nous verrons ce qu'on en dira! Parlant ainsi, il prit son vol et disparut, ne sem- 5 blant plus se souvenir de m'avoir rencontre*. Reste" seul et de'sappointe', je n'avais rien de mieux a faire que de profiter du reste du jour et de voler a tire- d'aile vers Paris. Malheureusement, je ne savais pas ma route. Mon voyage avec le pigeon avait ete" trop 10 peu agreable pour me laisser un souvenir exact; en sorte que, au lieu d'aller tout droit, je tournai a gauche au Bourget, et, surpris par la nuit, je fus obligd de chercher un gite dans les bois de Morfontaine. Tout le monde se couchait lorsque j 'arrival. Les 15 pies et les geais, qui, comme on le sait, sont les plus mauvais coucheurs de la terre, se chamaillaient de tous les cotes. Dans les buissons piaillaient les moineaux, en pie"tinant les uns sur les autres. Au bord de 1'eau marchaient gravement deux he*rons, perche's sur leurs 20 longues dchasses, dans 1'attitude de la meditation, George Dandins du lieu, attendant patiemment leurs femmes. D'e*normes corbeaux, a moitie* endormis, se posaient lourdement sur la pointe des arbres les plus e'leves, et nasillaient leurs prieres du soir. Plus bas, les 25 me'sanees amoureuses se .pourchassaient encore dans 1 * Ml- J- J tJ J^WSS5]3 -cr- ies taillis, tandis qu'un pi vert eboarine poussait son manage par derriere, pour le faire entrer dans le creux HISTOIRE D'UN MERLE BLANC ...A 28} d'un arbre. Des phalanges de / fnquets arrivaient des champs en dansant en 1'air comme des bouffe'es de fume'e, et se precipitant sur un arbrisseau qu'elles couvraient j \AMK j .vjJoJfWWa , tout entier; des pinsons, des fauvettes, des rouges- 5 gorges, se groupaient l^gerement sur des Branches decouples, comme des cristaux sur une gfra'riaole. De toute part resonnaient des voix qui disaient bien dis- tinctement: Allons, ma femme! Allons, ma fille! Venez, ma belle! Par ici, ma mie! Me voila, mon 10 cher! Adieu, mes amis! Dormez bien, mes enfants! Quelle position pour un celiDaratre, que de coucher dans une pareille auberge! J'eus la tentation de me joindre a quelques oiseaux de ma taille, et de leur demander 1'hospitalite*. La nuit, pensais-je, tous les 15 oiseaux sont gris; et d'ailleurs, est-ce faire tort aux gens que de dormir poliment pres d'eux? ' Je me dirigeai, d'abord vers un fosse* ou se rassem- blaient des ^eiourifektfx\ Us faisaient leur toilette de nuit avec un soin tout particulier, et je remarquai que e.o la plupart d'entre eux avaient les ailes dories et les pattes vernies: c'e"taient les dandies de la foret. Us e*taient assez bons enfants, et ne m'honorerent d'aucune attention. Mais leurs propos e*taient si creux, ils se racontaient avec tant de fatuite" leurs tracasseries et 25 leurs bonnes fortunes, ils se frottaient si lourdement 1'un a 1'autre, qu'il me fut impossible d'y tenir. J'allai ensuite me percher sur une branche ou s'alignaient une demi-douzaine d'oiseaux de diffdrentes especes. Je pris modestement la derniere place a 1'ex- 30 tre'mite' de la branche, espe*rant qu'on m'y souffrirait. Par malheur, ma voisine e*tait une vieille colombe, aussi 284 MUSSET seVhe qu'une girouette rouille'e. Au moment ou je m'approchai d'elle, le peu de plumes qui couvraient ses os e"tait 1'objet de sa sollicitude; elle feignait de les eplucher, mais elle cut trop craint d'en arracher une: elle les passait seulement en revue pour voir si elle avait 5 son compte. A peine l'eus-je touchee du bout de 1'aile, qu'elle se redressa majestueusement. Qu'est-ce que vous faites done, monsieur ? me dit- elle en pincant le bee avec une pudeur britannique. Et, m'allongeant un grand coup de coude, elle me jeta 10 a bas avec une vigueur qui cut fait honneur a un porte- faix. Je tombai dans une bruyere ou dormait une grosse gelmotte. Ma mere elle-meme, dans son dcuelle, n'avait pas un tel air de beatitude. Elle etait si re- 15 bondie, si epanouie, si bien assise sur son triple ventre, qu'on 1'eut prise pour un pate dont on avait mange la croute. Je me glissai furtivement pres d'elle. <( Elle ne s'eVeillera pas, me disais-je, et, en tous cas, une si bonne grosse maman ne peut pas etre bien mechanic. 9 20 Elle ne le fut pas en effet. Elle ouvrit les yeux a demi, et me dit en poussant un leger soupir: -Tu me genes, mon petit, va-t'en de Ul. Au meme instant, je m'entendis appeler: c'etaient des grtves 'qui, du haut d'un korbiei^ me faisaient signe 25 de venir a elles. "Voila enfin de bonnes ames, pen- sai-je. Elles me firent place en riant comme des folles, et je me fourrai aussi lestement dans leur groupe em- plume' qu'un billet doux dans un manchon. Mais je ne tardai pas a juger que ces dames avaient mange" plus 30 de raisin qu'il n'est raisonnable de le faire; elles se HISTOIRE D'UN MERLE BLANC 285 soutenaient a peine sur les branches, et leurs plaisan- teries de mauvaise compagnie, leurs Eclats de rire et leurs chansons grivoises me forcerent de m'eloigner. Je commencais a de'sespe'rer, et j'allais m'endormir 5 dans un coin solitaire, lorsqu'un rossignol se mit a chanter. Tout le monde aussitot fit silence. Helas.' que sa voix e"tait pure! que sa mdlancolie meme paraissait douce! Loin de troubler le sommeil d'autrui, ses accords semblaient le bercer. Personne ne songeait a le faire 10 taire, personne ne trouvait mauvais qu'il chantat sa chanson a pareille heure; son pere ne le battait pas, ses amis ne prenaient pas la fuite. II n'y a done que moi, m'e'criai-je, a qui il soit de*fendu d'etre heureux! Partons, fuyons ce monde 15 cruel! Mieux vaut chercher ma route dans les tdnebres, au risque d'etre a vale* par quelque mbou, que de me laisser de*chirer ainsi par le spectacle du bonheur des autres! Sur cette pense*e, je me remis en chemin et j'errai 20 longtemps au hasard. Aux premieres clarte's du jour, j'apercus les tours de Notre-Dame. En un clin d'ceil, j'y atteignis, et je ne promenai pas longtemps mes re- gards avant de reconnaitre notre jardin. J'y volai plus vite que 1'e'clair . . . He*las! il dtait vide . . . J'appelai 25 en vain mes parents: personne ne me re*pondit. L'arbre ou se tenait mon pere, le buisspn maternel, I'e'cuelle cherie, tout avait disparu. La Cogne'e avail tout de*truit; au lieu de Pallet verte ou j'e*tais ne^ il ne restait qu'un cent de fagots. 286 MUSSET VI Je cherchai d'abord mes parents dans tous les jardins d'alentour, mais ce fut peine perdue; ils s'etaient sans doute refugies dans quelque quartier eloigne, et je ne pus jamais savoir de leurs nouvelles. Penetre d'une tristesse affreuse, j'allai me percher 5 sur la gouttiere ou la colere de mon pere m'avait d'abord exile". J'y passais les jours et les nuits a deplorer ma triste existence. Je ne dormais plus, je mangeais a peine: j'e"tais pres de mourir de douleur. Un jour que je me lamentais comme a 1'ordinaire: 10 Ainsi done, me disais-je tout haut, je ne suis ni un merle, puisque mon pere me plumait; ni un pigeon, puisque je suis tombe" en route quand j'ai voulu aller en Belgique; ni une pie russe, puisque la petite marquise s'est bouch les oreilles des que j'ai ouvert le bee; ni une 15 t:)urterelle, puisque Gourouli, la bonne Gourouli elle- meme, ronflait comme un moine quand je chantais; ni un perroquet, puisque Kacatoga . n'a pas daigne m'ecouter; ni un oiseau quelconque, enfin. Et cepen- dant j'ai des plumes sur le corps; voila des pattes et 20 voila des ailes. Je ne suis point un monstre, tdmoin Gourouli, et cctte petite marquise elle-meme, qui me trouvaient assez a leur gre*. Par quel mystere inexpli- cable ces plumes, ces ailes et ces pattes, ne sauraient- elles former un ensemble auquel on puisse donner un 25 nom? Ne serais-je pas par hasard . . . J'allais poursuivre mes dol^ances, lorsque je fus interrompu par deux portieres qui se disputaient dans la rue. HISTOIRE D'UN MERLE BLANC 287 Ah! parbleu! dit 1'une d'elles a 1'autre, si tu en viens jamais a bout, je te fais cadeau d'un merle blanc! Dieu juste! m'ecriai-je, voila mon affaire. Providence! je suis fils d'un merle, et je suis blanc: je 5 suis un merle blanc! Cette decouverte, il faut 1'avouer, modifia beaucoup mes ide"es. Au lieu de continuer a me plaindre, je commenjai a me rengorger et a marcher fierement le long de la gouttiere, en regardant 1'espace d'un air to victorieux. C'est quelque chose, me dis-je, que d'etre un merle blanc; cela ne se trouve point dans le pas d'un ane. J'e"tais bien bon de m'affliger de ne pas rencontrer mon semblable: c'est le sort du genie, c'est le mien! Je 15 voulais fuir le monde, je veux l'e"tonner! Puisque je suis cet oiseau sans pareil dont le vulgaire nie 1'existence, je dois et pretends me comporter comme tel, ni plus ni moins que le Phenix, et me'priser le reste des volatiles. II faut que j'achete les memoires d'Alfieri et les poemes 20 de lord Byron; cette nourriture substantielle m'inspirera un noble orgueil; sans compter celui que Dieu m'a donne*. Oui, je veux ajouter, s'il se peut, au prestige de ma naissance. La nature m'a fait rare, je me ferai myste'rieux. Ce sera une faveur, une gloire de me voir. 25 Et, au fait, ajoutai-je plus bas, si je me montrais tout bonnement pour de 1'argent ? Fi done! quelle indigne penstJe! Je veux faire un poeme comme Kacatogan, non pas en un chant, mais en vingt-quatre, comme tous les grands hommes; ce 30 n'est pas assez, il y en aura quarante-huit, avec des notes et un appendice! II faut que Punivers apprenne 288 . AlUSSET que j'existe. Je ne manquerai pas, dans mes vers, de deplorer mon isolement; mais ce sera de telle sorte, que les plus heureux me porteront envie. Puisque le del m'a refuse" une femelle, je dirai un mal affreux de celles des autres. Je prouverai que tout est trop vert, hormis 5 les raisins que je mange. Les rossignols n'ont qu'a se bien tenir; je demontrerai, comme deux et deux font quatre, que leurs complaintes font mal au coeur, et que leur marchandise ne vaut rien. II faut que j'aille trouver Charpentier. Je veux me creer tout d'abord 10 une puissante position litteraire. J'entends avoir autour de moi une cour composee, non pas seulement de jour- nalistes, mais d'auteurs veritables et meme de femmes de lettres. J'ecrirai un role pour M lle Rachel, et, si elle refuse de le jouer, je publierai a son de trompe que 15 son talent est bien inferieur a celui d'une vieille actrice de province. J'irai a Venise, et je louerai, sur les bords du grand canal, au milieu de cette cite feerique, le beau palais Mocenigo, qui coute quatre livres dix sous par jour; la, je m'inspirerai de tous les souvenirs que 1'auteur 20 de Lara doit y avoir laisse"s. Du fond de ma solitude, j'inonderai le monde d'un deluge de rimes croisees, calqudes sur la strophe de Spenser, ou je soulagerai ma grande ame, je ferai soupirer toutes les mesanges, rou- couler toutes les tourterelles, fondre en larmes toutes 25 les be*casses, et hurler toutes les vieilles chouettes. Mais, pour ce qui regarde ma personne, je me montrerai in- exorable et inaccessible a Pamour. En vain me pressera- t-on, me suppliera-t-on d'avoir pitie" des infortunees qu'auront seMuites mes chants sublimes; a tout cela, je 30 repondrai: *Foin! O exces de gloire! mes manuscrits HISTOIRE D'UN MERLE BLANC 289 se vendront au poids de 1'or, mes livres traverseront les mers; la renommee, la fortune, me suivront partout; seul, je semblerai indifferent aux murmures de la foule qui m'environnera. En un mot, je serai un parfait 5 merle blanc, un veritable e*crivain excentrique. Jete, choyd, admire, envie, mais completement grognbn et insupportable. vn II ne me fallut pas plus de six semaines pour mettre au jour mon premier ouvrage. C'e*tait, comme je me 10 l'e"tais promis, un poeme en quarante-huit chants. II s'y trouvait bien quelques negligences, a cause de la prodigieuse fe'condite' avec laquelle je 1'avais e*crit; mais je pensai que le public d'aujourd'hui, accoutume' a la belle litte"rature qui s'imprime au bas des journaux, ne 15 m'en ferait pas un reproche. J'eus un succes digne de moi, c'est-a-dire sans pareil. Le sujet de mon ouvrage n'e"tait autre que moi-meme: je me conformai en cela a la grande mode de notre temps. Je racontais mes souffrances passdes avec une 20 fatuitd charmante; je mettais le lecteur au fait de mille details domestiques du plus piquant inte'ret; la descrip- tion de l'e*cuelle de ma mere ne remplissait pas moins de quatorze chants: j'en avais compte" les rainures, les trous, les bosses, les Eclats, les e*chardes, les clous, les 25 taches, les teintes diverses, les reflets; je montrais le dedans, le dehors, les bords, le fond, les cote's, les plans incline's, les plans droits; passant au contenu, j'avais e*tudie* les brins d'herbe, les pailles, les feuilles seches, 290 MUSSET les petits morceaux de bois, les graviers, les gouttes d'eau, les ddbris de mouches, les pattes de hannetons casse'es qui s'y trouvaient; c'&ait une description ravissante. Mais ne pensez pas que je 1'eusse imprimee tout d'une venue; il y a des lecteurs impertinents qui 1'auraient 5 sautee. Je Pavais habilement coupee par morceaux, et entremelee, au recit afin que rien n'en fut perdu; en sorte que, au moment le plus interessant et le plus dramatique, arrivaient tout a coup quinze pages d'ecuelle. Voila, je crois, un des grands secrets de Part, et comme je n'ai 10 point d'avarice, en profitera qui voudra. L'Europe entiere fut e"mue a Papparition de mon livre ; elle devora les revelations intimes que je daignais lui communiquer. Comment en eut-il e"te autrement? Non seulement j'enumerais tous les faits qui se ratta- 15 chaient a ma personne, mais je donnais encore au public un tableau complet de toutes les revasseries qui m'avaient passe par la tete depuis Page de deux mois; j'avais meme intercaleV au plus bel endroit, une ode composed dans mon ceuf. Bien entendu d'ailleurs que je ne negligeais 20 pas de trailer en passant le grand sujet qui preoccupe maintenant tant de monde; a savoir, Pavenir de Phu- manite'. Ce probRme m'avait paru inte'ressant; j'en dbauchai, dans un moment de loisir, une solution qui passa ge'ne'ralement pour satisfaisante. 25 On m'envoyait tous les jours des compliments en vers, des lettres de felicitation et des declarations d'amour anonymes. Quant aux visites, je suivais rigoureuse- ment le plan que je m'e'tais trace; ma porte e*tait fermee & tout le monde. Je ne pus cependant me dispenser de 30 recevoir deux Strangers qui s'etaient annonce"s comme HISTOIRE D'UN MERLE BLANC 2Q1 e"tant de mes parents. L'un etait un merle du Se'ne'gal, et Pautre un merle de la Chine. Ah! monsieur, me dirent-ils, en m'embrassant a m'e'touffer, que vous etes un grand merle! que vous 5 avez bien peint, dans votre poeme immortel, la profonde souffrance du ge*nie meconnu! Si nous n'etions pas de"ja aussi incompris que possible, nous le deviendrions apres vous avoir lu. Combien nous sympathisons avec vos douleurs, avec votre sublime me'pris du vulgaire! 10 Nous aussi, monsieur, nous les connaissons par nous- memes, les peines secretes que vous avez chanties! Voici deux sonnets que nous avons faits, ,1'un portant I'autre, et que nous vous prions d'agre"er. Voici en outre, ajouta le Chinois, de la musique 15 que mon e*pouse a composed sur un passage de votre preface. Elle rend merveilleusement 1'intention de 1'auteur. Messieurs, leur dis-je, autant que j'en puis juger, vous me semblez dene's d'un grand cceur et d'un esprit 20 plein de lumieres. Mais pardonnez-moi de vous faire une question. D'ou vient votre me*lancolie? Eh! monsieur, re"pondit 1'habitant du Se'ne'gal, regardez comme je suis bati. Mon plumage, il est vrai, est agreable a voir, et je suis revetu de cette belle couleur 25 verte qu'on voit briller sur les canards; mais mon bee est trop court et mon pied trop grand; et voyez de quelle queue je suis affuble"! La longueur de mon corps n'en fait pas les deux tiers. N'y a-t-il pas la de quoi se donner au diable? 30 - Et moi, monsieur, dit le Chinois, mon infortune est encore plus pdnible. La queue de mon confrere balaye 2Q2 MUSSET les rues; mais les polissons me montrent au doigt, a cause que je n'en ai point. Messieurs, repris-je, je vous plains de toute mon ame; il est toujours facheux d'avoir trop ou trop peu n'importe de quoi. Mais permettez-moi de vous dire 5 qu'il y a au Jardin des Plantes plusieurs personnes qui vous ressemblent, et qui demeurent la depuis longtemps, fort paisiblement empaille'es. De meme qu'il ne suffit pas a une femme de lettres d'etre devergondee pour faire un bon livre, ce n'est pas non plus assez pour un 10 merle d'etre mecontent pour avoir du genie. Je suis seul de mon espece, et je m'en afflige; j'ai peut-etre tort, mais c'est mon droit. Je suis blanc, messieurs; devenez-le, et nous verrons ce que vous saurez dire. VIII Malgre* la resolution que j'avais prise et le calme que 15 j'affectais, je n'etais pas heureux. Mon isolement pour dtre glorieux, ne m'en semblait pas moins penible, et je ne pouvais songer sans effroi a la necessite" ou je me trouvais de passer ma vie entiere dans le celibat. Le retour du printemps, en particulier, me causait une 2* gene mortelle, et je commencais a tomber de nouveau dans la tristesse, lorsqu'une circonstance imprevue ddcida de ma vie entiere. II va sans dire que mes Merits avaient traverse* la Manche, et que les Anglais se les arrachaient. Les 25 Anglais s'arrachent tout, hormis ce qu'ils comprennent. Je recus un jour, de Londres, une lettre signed d'une jeune merlette: HISTOIRE D'UN MERLE BLANC 293 J'ai lu votre poeme, me disait-elle, et 1'admiration que j'ai e'prouve'e m'a fait prendre la resolution de vous offrir ma main et ma personne. Dieu nous a cree"s 1'un pour 1'autre! Je suis semblable a vous, je suis une mer- 5 lette blanche! ... On suppose aise"ment ma surprise et ma joie. Une merlette blanche ! me dis-je, est-il bien possible ? Je ne suis done plus seul sur la terre! Je me hatai de re*- pondre a la belle inconnue, et je le fis d'une maniere qui 10 temoignait assez combien sa proposition m'agre*ait. Je la pressais de venir a Paris ou de me permettre de voler pres d'elle. Elle me re*pondit qu'elle aimait mieux venir, parce que ses parents 1'ennuyaient, qu'elle mettait ordre a ses affaires et que je la verrais bientot. 15 Elle vint, en effet, quelques jours apres. bonheur! c'etait la plus jolie merlette du monde, et elle e"tait encore plus blanche que moi. Ah! mademoiselle, m'e'criai-je, ou plutot madame, car je vous considere des a present comme mon Spouse 20 hfgitime, est-il croyable qu'une creature si charmante se trouvat sur la terre sans que la renomme'e m'apprit son existence? Bdnis soient les malheurs que j'ai e"prouves et les coups de bee que m'a donnds mon pere, puisque le ciel me rdservait une consolation si inespe're'e! Jusqu'a 25 ce jour, je me croyais condamne* k une solitude e"ter- nelle, et, a vous parler franchement, c'dtait un rude fardeau a porter; mais je me sens, en vous regardant, toutes les quality's d'un pere de famille. Acceptez ma main sans de"lai; marions-nous a 1'anglaise, sans c6r6- 30 monie, et partons ensemble pour la Suisse. - Je ne 1'entends pas ainsi, me rdpondit la jeun 294 MUSSET merlette; je veux que nos noces soient magnifiques, et que tout ce qu'il y a en France de merles un peu bien ns y soient solennellement rassemble's. Des gens comme nous doivent a leur propre gloire de ne pas se marier comme des chats de gouttiere. J'ai apporte une 5 provision de bank-notes. Faites vos invitations, allez chez vos marchands, et ne le*sinez pas sur les rafraichisse- ments. Je me conformai aveuglement aux ordres de la blanche merlette. Nos noces furent d'un luxe e"crasant; on y 10 mangea dix mille mouches. Nous recumes la bene- diction nuptiale d'un reverend pere Cormoran, qui tait archeveque in partibus. Un bal superbe termina la journee; enfin rien ne manqua a mon bonheur. Plus j'approfondissais le caractere de ma charmante 15 femme, plus mon amour augmentait. Elle re'unissait, dans sa petite personne, tous les agrements de 1'ame et du corps. Elle e"tait seulement un peu begueule;. mais j'attribuai cela a 1'influence du brouillard anglais dans lequel elle avait ve"cu jusqu'alors, et je ne doutai pas 20 que le climat de la France ne dissipat bientot ce leger nuage. Une chose qui m'inquie'tait plus sdrieusement, c'e'tait une sorte de mystere dont elle s'entourait quelquefois avec une rigueur singuliere, s'enfermant a clef avec ses 25 cameristes, et passant ainsi des heures entieres pour faire sa toilette, a ce qu'elle pretendait. Les maris n'aiment pas beaucoup ces fantaisies dans leur mdnage. II m'e*tait arrive* vingt fois de frapper a 1'appartement de ma femme sans pouvoir obtenir qu'on m'ouvrit la porte. 30 Cela m'impatientait cruellement. Un jour, entre autres> HISTOIRE D'UN MERLE BLANC 295 j'insistai avec tant de mauvaise huraeur, qu'elle sc vit oblige'e de ce'der et de m'ouvrir un peu a la hate, non sans se plaindre fort de mon importunite". Je remarquai, en entrant, une grosse bouteille pleine d'une espece de 5 colle faite avec de la farine et du blanc d'Espagne. Je demandai a ma femme ce qu'elle faisait de cette drogue; elle me repondit que c'etait un opiat pour des engelures qu'elle avait. Get opiat me sembla tant soit peu louche; mais quelle 10 defiance pouvait m'inspirer une personne si douce et si sage, qui s'etait donnee a moi avec tant d'enthousiasme et une sincerite si parfaite? J'ignorais d'abord que ma bien-aime'e fut une femme de plume; elle me 1'avoua au bout de quelque temps, et elle alia meme jusqu'a me 15 montrer le manuscrit d'un roman ou elle avait imite a la fois Walter Scott et Scarron. Je laisse a penser le plaisir que me causa une si aimable surprise. Non seulement je me voyais possesseur d'une beaute" incom- parable, mais j'acque*rais encore la certitude que 1'in- ao telligence de ma compagne e*tait digne en tout point de mon gdnie. Des cet instant nous travaillames ensemble. Tandis que je composais mes poemes, elle barbouillait des rames de papier. Je lui recitals mes vers a haute voix, et cela ne la genait nullement pour e"crire pendant 25 ce temps-la. Elle pondait_ ses romans avec une facilite* presque e"gale a la mienne, choisissant toujours les su- jets les plus dramatiques, des parricides, des raj>ts, des meurtres, et mme jusqu'a des filouteries, ayant tou- jours soin, en passant, d'attaquer le gouvernement et 30 de prficher l'moi). fu, another dialectic pecu- liarity for ce; portafeuille, for portefeuille. 76. 8. I m'a vu. The omission of / in il is general in popular speech and is not restricted to the Norman dialect. In Paris il y a becomes i ya, etc. C.U, see preceding note. ct'e, for cette. m'sieur, another example of slurring over syllables in the speech of the uneducated. 31. une heure durant. Prepositions rarely follow their substantives in French. Even durant may precede its noun. This preposition is really a present participle. Cf., for the same position of a present participle, ce pendant (ce-pendani) and maintenant (main-tenant). As a preposition, durant differs from pendant in that it does not so much mean at some time during as during the whole time. 79. 9. Tais-te", mon pe", y en & = Tais-loi, man pere, il y en a, peculiarities already noted. 80. 13. Une 'tite ficelle . . . Vnez=*Une petite ficelle . . tentz. 310 NOTES ALPHONSE DAUDET Nlmes, 1840 Paris, 1897 Daudet has given the impressions and experiences of his early life in the two volumes with which he established his reputation: Le Petit Chose and Lettres de Man Moulin. In the former he describes the struggles of his boyhood, and in the latter the customs and legends of his native Provence. The books which he published later are of a different char- acter, marked by the influence of the Naturalistic School, but, unlike the other members of this school, he was endowed with a supple, spontaneous, sympathetic nature, which en- abled him to feel what he describes. Thus while Maupassant describes with the greatest art what he observes, Daudet describes what he observes and feels. He had too much originality ever to come completely under the influence of the Naturalists. His best short stories fall into two classes those relating to the Franco-Prussian war (Le Siege de Berlin, La Derniere Classe, etc.), and those relating to life in the Midi (Lettres de Man Moulin; with the exception of Le Siege de Berlin, all the stories given in the text are from this collec- tion). His best novels are given in the following list: in these he has often been compared with Dickens and Thackeray. Important works: Les Amoureuses (verse, 1858), Le Petit Chose (1868), Lettres de Mon Moulin (1869), Aventures Pro- digieuses de Tartarin de Tarascon (1872), L'Arlesienne (drama, 1872), Conies (1873), Fromont Jeune el Risler Aine (1874), Jack (1876), Le Nabab (1877), Numa Roumestan (1880), Sapho (1884), Tartarin sur les Alpes (1885), La Defense de Tarascon (1887), L'Immortel (1888), Port Tarascon (1890). Editions: Charpentier, Dentu, Hetzel, Lemerre have each published several of his works. Ftammarion has an edition in 13 vols. (illustrated). NOTES jit LE SIEGE DE BERLIN 81. i. Champs-llys6es. This celebrated avenue extend) from the Place de la Concorde (created in 1748 by Louis XV) to the Place de 1'fitoile. Before 1670 the land was under cultivation; the promenade as it is to-day goes back to 1818. At the eastern extremity are the Chevaux de Marly by Coustou, and at the western the Arc de Triomphe by Chalgrin. This arch, which is the chef d'ceuwe of the genre, is in the center of the Place de 1'Etoile. It was begun under Napoleon in 1806 and finished thirty years later. By the rond-point, mentioned in line 4, is meant the Place de 1'fitoile, a circle from which twelve avenues radiate. 3. Paris assie'ge'. The allusion is to the siege of Paris in 1870-1871, when, after successive defeats on the German frontier, the capital was exposed to the German troops. The siege lasted from September 19, 1870, to January 28, 1871, when the city capitulated. The Franco-Prussian war was faused by the insistance on the part of the French Emperor mat Prussia should not support the candidacy of a Hohen- zollern prince for the Spanish throne. The French ambassa- dor (Benedetti) having accosted the Prussian king on a public promenade at Ems for the purpose of pressing this demand, the king refused to listen. The French regarded this as an insult to France, and, as the relations were already strained, war was declared. Overconfidence on the part of the French, who thought that the great successes of Napoleon I would be repeated, and lack of preparation were among the causes of defeat. The French were defeated at Wissembourg on August 4 (cf. p. 81, 1. 18), at Reichshoffen (cf. p. 82, 1. 19), at W6rth and at Saarbriicken. Gravelotte (August 18) was the most hotly contested battle. The decisive defeat of the war was suffered at Sedan, September i. On the German side the leaders were: King William, the Crown Prince, Bismarck and von Moltke; on the French: Napoleon III, MacMahon, Bazaine (who surrendered Metz), Frossard and Wimpffen. 312 NOTES After the defeat at Sedan Napoleon III was deposed and a temporary republic proclaimed, with Trochu as President and Governor of Paris, Faure, Minister of Foreign Affairs, and Gambetta, Minister of the Interior. Gambetta escaped from Paris in a balloon and directed operations from Tours. The war was brought to a close by the capitulation of Paris. 13. premier Empire. The Empire of Napoleon I (1804- 1815). See note to p. 7, 1. 9. 84. 6. nous avions beau prendre des villes. Littre ex- plains this idiom as follows: <( Avoir beau, c'est toujours avoir beau champ, beau temps, belle occasion; avoir beau faire, c'est proprement avoir tout favorable pour faire. Voilk le sens ancien et naturel. Par une ironic facile a comprendre, avoir beau a pris le sens d'avoir le champ libre, de pouvoir faire ce qu'on voudra, et, par suite, de se perdre en vains efforts.* 85. 12. roi de Rome. The son of Napoleon I and his second wife, Marie-Louise, proclaimed Roi de Rome (the old designation of the Emperor-elect) at his birth (1811). After Waterloo he bore the title of Duke o} Reichstadt. Had he succeeded Napoleon I, he would have reigned as Napoleon II, hence the second Emperor bore the title of Napoleon III. The last years of the Duke of Reichstadt were passed with his uncle, the Austrian emperor; he died in 1832. 86. 26. I/indemnite" de guerre. The allusion is to the enormous indemnity demanded by the Germans at the close of the war (one billion dollars). 27. prendre des provinces. The French lost Alsace and Lorraine in this war. 87. 19. retraite de Russie. In 1812 Napoleon I invaded Russia with the Grande-Annie (550,000 men). He marched to Moscow, but was compelled to retreat when he found the city burned and supplies cut off. In the disastrous retreal NOTES 313 which followed, cold and famine destroyed thousands of the soldiers; the army finally dwindled to 40,000 fugitives. 88. 2. aux Invalides. The Hdtel des Invalides, or Sol- diers' Home, was founded by Louis XIV in 1674. The architect was Hardouin-Mansard, better known as the archi- tect of the palace at Versailles. The adjoining church contains the magnificent tomb of Napoleon I, whose remains were brought from St. Helena and placed there in 1840. 5. gardes nationaux. Members of the Garde nationale or militia. 89. 2. la longue voie qui mfene de la porte Maillot aux Tuileries. The Avenue de la Grande-Armee and the Champs- lys6es. The palace of the Tuileries was burned during the civil war, which broke out and lasted for a few months in 1871 at the close of the Franco-Prussian war (known as the Commune). 6. Milhaud. A deputy and strong republican in the con- vention of 1792, he voted for the death of Louis XVI. He distinguished himself in the Italian campaigns and especially as a leader of cuirassiers in the Prussian campaign. The bravery of his cuirassiers has become legendary. He repulsed the Prussians at Ligny in 1815, and managed to save himself from the law Against regicides after Waterloo. LA MULE DU PAPE 90. 13. provengal. The dialects of France fall into two great classes: the Langue d'oll, in the north, and the Langue d'oc, in the south (oil is the old northern form for oui, oc the southern form). The difference really dates from Roman colonization, which occurred on the Mediterranean some seventy-five years before Caesar conquered northern Gaul (58-50 B.C.). Provencal is one of the principal dialects of the southern group. Because of political and literary supe- riority the language of Paris, or of the lie de France, gradually 314 NOTES became the general literary language of France. The dialects, however, still live on, and Provencal has recently been some- what revived as a literary language by the efforts of Mistral and other poets. Provence was united to France in 1487. 15. Avignon. This city, the old capital of the Comtat- Vcnaissin, was the seat of the papacy from 1309 to 1377. In 1348 Clement VI bought it from the House of Provence, and it thus belonged to the Church until 1791, when it was united to France. The papal palace, now used as a barrack, and a part of the old bridge, alluded to in this story, remain. 91. 14. hautes lices. The two terms haute lice (high warp) and basse lice (low warp) are applied to the manner of weaving tapestry. In the haute lice the warp is vertical and the weaver stands behind while weaving in his figures (or the woof); in the basse lice the warp is horizontal and the weaver works in his pattern from above. That is, in the haute lice he works from the wrong side of the tapestry and in the basse lice from the right side. The work.in the former case is slower, therefore more expensive, and is supposed to be of a higher order. The terms really apply to the process of weaving rather than to the tapestry itself. 92. 2. 1'on y dansait. An allusion to a popular nursery- rime with this refrain; it runs: Sur le pont d'Avignon, On y danse, on y danse; Sur le pont d'Avignon, On y danse tout en rond. 16. Yvetot. The little Norman town of Yvetot, whose lords called themselves kings from the fourteenth to the sixteenth centuries, is often playfully referred to in literature (cf. Be"ranger's poem Le Roi d' Yvetot). 99. 15. en Avignon. Notice the preposition. NOTES 315 101. 8. penitents. Name given to certain religious orders in Catholic countries, distinguished by their habits (cf. the name) and charitable acts (their characteristic cos- tume consists of a long robe and a hood completely enveloping the head, with holes for the eyes; they care for the sick, bury the poor, etc.); a well-known order was that established about 1272 by Bernard of Marseilles. 10. freres flagellants. " The Flagellants were a fanatic sect which arose in Italy in 1260. They maintained that flagella- tion was of equal virtue with baptism and the sacrament. They walked in procession, with shoulders bare, and whipped themselves till the blood ran down their bodies, to obtain the mercy of God and appease his wrath against the vices of the age." L'fiLIXIR DU RfiVfiREND PERE GAUCHER 103. 10. Pre'montre's. The Premonstrants, known also as the white canons, were a religious order of regular canons or monks of Premontre in Picardy, instituted by Norbert in 1220. Poor at first their wealth and numbers rapidly in- creased, especially in France and Germany. 12. chartreuse. The cordial known as chartreuse was, until recently, manufactured at the monastery of La Grande Chartreuse, near Grenoble. This Carthusian monastery was founded by Saint Bruno in 1082. Because of recent religious laws the monks have been forced to withdraw from France. The characteristics of the order are charity, austerity, silence and seclusion. The "fathers" are dressed in white. 17. Chemin de la croix en petits tableaux. The small pictures represented the principal moments of the Passion. These pictures are hung on the walls of the church in order that the faithful may pray before them, they are known as the Stations de la croix, and the act of piety is referred to by the phrase faire son chemin de croix. 20. Erasme. Erasmus, known as the prince of the Hu- manists, is one of the most important figures of the Renais- 31 6 NOTES sance. His chief works are: Praise of Folly, Colloquies (both against the sins of the world), an edition of the Church Fathers and of the Greek Testament. In the last two works and in his correspondence he exerted a powerful influence for culture. He wrote strongly against the self-indulgence, idleness and ignorance of the monks, and incurred the hostility of many conservative churchmen. His works were in Latin, and in France he is often referred to as the Latin Voltaire. Erasmus and his two friends, Sir Thomas Moore and Colet, were for some time connected with the University at Oxford and hence are known as the Oxford Reformers. 107. i. picholine. Derived from the proper name Pic- ciolini, one who is said to have invented the preparation in the eighteenth century. 9. Paques. Feminine singular when referring to the Jewish festival (Paque), plural when referring to the Christian festival. By an ellipsis of jour the word is at times treated as a masculine singular (Pdques est arrive). 108. i. le dernier AngeTus. There are three in the service: in the morning, at noon, and in the evening. 112. 22. Bergerette . . . s'en va-t-au bois. An example of what is familiarly termed in French a cuir. LE SECRET DE MAlTRE CORNILLE 117. 16. commune. The Old French provinces were abolished during the Revolution, and the territory of France was redivided into departements, of which there are, at present, 87; each department is governed by a pre/et or prefect. These departments are subdivided into 362 arrondissements with a sous-prefet at the head of each, these into about 2900 cantons governed by a council, and these in turn into about 36,000 communes governed by mayors. The chief executive of the Republic is the President, elected for seven years by the NOTES 317 Senate and Chamber of Deputies. These latter legislative bodies are composed respectively of 300 members elected for nine years (one third every three years) and of about 600 members elected for four years. The President appoints ten ministers to aid him in his executive duties. When a cabinet receives only a minority of votes of confidence in the Chamber of Deputies, it resigns in a body and a new cabinet is formed. The executive power is represented throughout France by the presets, sous-prefets and mayors. Each commune, can- tor, arrondissement and department possesses a council which cannot treat political affairs. A deliberative body and a representative of the executive are thus found side by side throughout the strongly centralized Republic. 119. 7. devant. Temporal, for avant (this use of devant is rare). 14. Dieu merci. A remnant of the Old French objective case without a preposition, that is la merci Dieu for la merci de Dieu (cf. H6tel-Dieu, etc.). 123. 14. parlements. There were formerly twelve judi- cial parliaments in France serving as courts of appeal and for the registration of royal edicts. LES TROIS MESSES BASSES 130. 9. Dom . . . scum! That is, Dominus vobtscum. Stutuo! for et cum spiritu tuo. 131. 7. vade retro, Satanas! Mat. xvi. 23; Mark viii. 33; Luke iv. 8. 133. 9. Garrigue. This term is used in the south of France for uncultivated land. There is also a village of this name, and Garrigues is a name given to a spur of the C6vennts (cf. other fanciful names used by Daudet: Trinqtulagc, Pamptrifouste, etc.). 318 NOTES LES fiTOILES 136. i. le LuWron. This thickly wooded chain is in the department of Vaucluse on the northern bank of the Durance. It is about 30 miles long and reaches a height of 3500 feet (also written Leberon). 140. 22. chemin de saint Jacques. These details of popular astronomy are translated from the Almanack Pro- vetifal, published in Avignon. Saint James is the patron saint of Spain. According to one legend the body of the apostle was brought from the East to Compostella in Galicia; according to another he came there to preach the gospel. Here the relics remained until they were discovered in the ninth century by Theodomir, bishop of Iria, who is said to have been led to the spot by a star (campus Stella}. The shrine built at Compostella by the Gothic king, Alfonso II, became, in time, one of the most famous in Christendom. 25. Charlemagne. Charlemagne, or Charles I, from whom the Carlovingian dynasty derives its name, succeeded his father, Pepin le Bref, in 768; he was crowned Emperor, Christmas, 800. He is the greatest figure of the Middle Ages; successful in war he built up the Empire of the West, bounded by the North Sea, the Elbe, Bohemia, the Ebro and the Atlantic. He published the laws known as Capitu- laries, reformed justice, fostered schools and protected letters. His weak successors were unable to hold together the various parts of his vast empire. In 778 while returning from an expedition in Spain against the Saracens, his rear-guard was attacked by them in the valley of Roncevaux and the paladin Roland was slain. This battle became legendary and formed the kernel of the Old French poem, the Chanson de Roland. 26. char des ames. The usual popular names for the Great and Little Bear are: Le Grand chariot and Le Petit chariot. The Trois bfites are the horses, and the charretier the driver. NOTES 319 141. 8. Maguelonne. Applied to the planet Venus in Provence. The ancient city of this name was situated on an island near Montpellier, and contained a bishopric famous in the times of Jhe Goths and throughout the Middle Ages. In 1536 the see was moved to Montpellier. 9. se marie avec lui tous les sept ans, when the stars are in close conjunction. HONORfi DE BALZAC Tours, 1799 Paris, 1850 Because of his father's circumstances Balzac was at an early age placed in a law office; this work was especially irksome to him, and he soon went over to literature. For a long time he suffered hardships from want of money, which seems to have strongly colored much of his work. In 1850 he married a wealthy Polish lady, Madame Hanska, but he never was able to enjoy the life of ease to which he had been looking forward for many years; his death occurred a few months after his marriage. Balzac's chief work is to be found in his Comidie Humaine, a collection of stories filling some forty volumes. It is divided into: (i) Scenes de la Vie Privee, (2) Scenes de la Vie de Province, (3) Scenes de la Vie Parisienne, (4) Scenes de la Vie PolUique, (5) Scenes de la Vie Militaire, (6) Scenes de la Vie de Campngne, (7) tudes Philosophiques, (8) Etudes Analytiques. These novels are often connected by the reappearance of certain chnracters, and especially by the analysis of character, which is always intimately con- nected with Balzac's name. Of a robust, exuberant and vulgar nature, his style is poor; he lacked an artistic sense and was without poetic genius. He was unable to depict a gentleman or a lady; but he excelled in the analysis of char- acter, especially among the middle and lower classes, and in the descriptions of their surroundings. It is thus that he stands at the head of the Realists. 320 NOTES Important works: To the Comedie Humaine (1829-1850) above mentioned should be added the Contes Drolatiques (in which he imitates the style and language of the sixteenth century) and several volumes of Contes. ,In the Comedie Humaine the following novels should be mentioned: Pere Goriot, Le Lys dans la Vallee, Eugenie Grandet, Le Cure de Tours, Cesar Birolteau, Le Cure de Village. Editions: His complete works have been published in several editions. Calmann Levy has one in 24 vols., another in 45. EL VERDUGO This story was written in 1829 (the date 1820, found in several editions is due to a misprint in an early edition) and appeared the following year (January 29) in La Mode, one of the publications of fimile de Girardin (the founder of penny-papers). Balzac later (1835) included it among the Etudes Philosophiques. In a note Balzac stated that the names had been altered: Le respect du a des infortunes contemporaines oblige le narrateur a changer le nom de la ville et de la famille dont il s'agit. La Mode, Jan. 29, 1830. 142. i. Menda. A fictitious name (cf. above). 143. n. Lfigafies. Fictitious as far as this story is concerned. A Marquis of Leganes was at the head of the government of Milan at the close of the seventeenth century, and the family has been important in Spanish history; there is also a Spanish town of this name south of Madrid. 18. le general G . . . t . . . r. Possibly Gouvion-Saint- Cyr, Marshal of France (1764-1830), is meant. 19. Ferdinand VII. This Spanish king was deposed by Napoleon as soon as he ascended the throne (1808), and sent to Valencay, in the center of France. Napoleon then gave the Spanish crown to his own brother Joseph; this created great dissatisfaction in Spain, and was followed by an uprising, to which the English lent support. The uprising was crushed, NOTES 321 but a guerilla warfare was kept up against the French. Fer- dinand regained his throne after Napoleon's fall in 1814, and reigned till 1833. 144. 9. la ffcte de saint Jacques, July 25. 161. 10. David. The painter David (1748-1825) exerted during the Revolution and Empire a strong influence against the mannerisms of the eighteenth century, and established a new school of painting, characterized by classic purity. His best known paintings are the Enlevement des Sabines, scenes from contemporary life (Serment du jeu de paume) and portraits of contemporaries (Madame Recamier). 13. Murillo. This celebrated Spanish painter, born in Seville, is especially known because of his two paintings (now in the Louvre): the Immaculate Conception and the Assumption. 165. ii. frappe sans peur, tu es sans reproche. An allusion to the phrase applied to Bayard (1475-1524), who caused such admiration by his bravery and generosity during the wars of Charles VIII and Louis XII, that he was known as le chevalier sans peur et sans reproche. jfiSUS-CHRIST EN FLANDRE This story (1831), also from the Etudes Philosophiques, is followed by a political and religious allegory, which has been omitted. This latter fragment was at first published sepa- rately (1831) under the title of L'Eglise, the title was later omitted, and it was appended (1845) to the story Jesus-Christ en Flandre. Artistically the story is improved by the omis- sion of the allegory. 167. Dedication, la Flandre. This country was espe- cially important during the Middle Ages because of the thrift and industry of its cities, of which the most influential were 322 NOTES Ghent, Ypres and Bruges (now in Belgium); the old northern province of France was also called Flandre-fran$aise. 4. Middelbourg. This town is the capital of the island of Walcheren; apparently this latter island is meant when Balzac speaks of the ile de Cadzant; the passage is not clear. 5. celebre dans les annales du protestantisme. An allusion to the bloody wars carried on by the Spanish in the six- teenth century in order to stamp out Protestantism in the Low Countries. 15. bourgmestre. The Burgomasters were the chief magistrates of the larger towns in Holland, Flanders and Germany. 16. Brabant, Flandre, Belgique. Brabant is now a pro- vince of Belgium; Flanders has given two provinces to the same country (East and West Flanders); Belgium, as a nation, dates from 1830. It belonged to the House of Burgundy from 1385 to 1477, ^en passed to Austria, and was under French rule from 1795 to 1815. After Waterloo it was united to Holland, and became independent in 1830. 161. 9. Grand merci. Merci is feminine; the adjective grand had no feminine form, either in Latin (grandem) or in Old French (grant); the present expression is due to the preservation of the old form (cf. grand' mere, etc.). 166. 14. baronnie de Gavres. Gavre, a village on the Scheldt, near Ghent, is probably referred to. The Seigneurie de Game, from which a celebrated Belgian family derived its name, passed to the Egmont family in 1521. There is a French village of this name (G&vres) in Brittany, near Lorient. 168. 5. la mire. Familiar use of the article in address. 6. lombard. In the Middle Ages the Lombards were engaged especially in banking and money-lending, thus the term came to be applied to pawnbrokers. NOTES 323 171. 23. Pentre'e des Francais en Belgique. In 1793 Dumouriez, the French republican general, overran the Low Countries; the conquest was continued in 1794, and by 1795 the region was under French control. FRANCOIS COPPfiE Paris, 1842 Paris, 1908 Coppe"e is known as a poet and writer of short stories. His work usually deals with the pathetic side of humble life. He has been accused of sentimentality and superficiality; he is, however, one of the most popular and accomplished of the modern French poets, a dramatist of some merit and the author of a number of contes relating to the life of the peuple, particularly in and about Paris. Important works: Poesies (several collections, 1864-1890), Theatre (best plays: Le Passant, 1869; Le Luthier de Cre- mone, 1876; and Les Jacobites, 1885), several volumes of Contes (1882-1894). Edition: Lemerre. LES VICES DU CAPITAINE 172. 1 6. gothique flamboyant. The Gothic architec- ture is characterized by high, sharply pointed arches, clustered columns, etc.; it succeeded the heavier Roman architecture with the semicircular arch. The gothique flamboyant is especially marked by its wavy, flame-like ornamentation. 17. quartier Saint -Sulpice. Most of the images used in French churches are sold in this quarter. 173. 2. tableaux en cheveux. Pictures made of hair, usually the hair of a dead relative and made up into some suggestive form (crown, etc.). 324 NOTES 7. acrostiches. As an example compare the following written by some sycophant for Louis XIV: Louis est un heros sans peur et sans reproche; On de'sire le voir aussitot qu'on 1'approche, Un sentiment d'amour enflamme tous les coeurs; II ne trouve chez nous que des adorateurs; Son image est partout, excepte dans ma poche. 29. Alg&ie. The French occupation dates from 1830. Their most stubborn opponent was Abd-el-Kader (1807- 1883); he was conquered and imprisoned at Amboise; set at Uberty in 1852, he became a faithful friend of the French. Bugeaud (Governor of Algeria), Lamoriciere, and the king's second son, the Duke de Nemours, were all leaders in the conquest. 174. 1 6. croix. The cross of the Legion of Honor (founded by Napoleon in 1802 to reward military or civil service) carries with it a small pension. The cross is not usually worn, but in its stead a small bow of ribbon. 175. 25. s'alla promener. An old and, at present, un- usual order; the ordinary position of the reflexive may be seen in the last paragraph of this story. 177. 22. Constantino. An unsuccessful attempt was made to capture this city in 1836; it was finally taken in 1837. It is the chef-lieu of the Algerian department of the same name. 23. Bou-Maza. This Arab agitator and leader attempted to stop the progress and conquests of the French in Algeria from 1845 to 1847. He first drew attention by his renuncia- tion of all worldly goods, on account of his connection with a religious order. He then came forward as a religious and political reformer, stirring up the native tribes against the French. He repeatedly attacked cities in which the invaders were quartered, but after two years he became discouraged NOTES 325 and gave himself up as a prisoner. Kept for some time '*n prison in France, he was finally liberated by Napoleon III. 27. Saint-Cyr. This town, three miles west of Versailles, is at present known for the military school founded there in 1806. Formerly the building was used by Madame de Maintenon, wife of Louis XIV by a secret marriage, as a school for daughters of the nobility. 178. 6. mots carrel. A word-square is a puzzle or device consisting of a series of words so selected that when arranged in a square they may be read alike across or down- ward. Example: sated atone toast ensue deter rebus. A French example is: G a (j'ai grand appitif). 182. 10. lancier de Leipsick, Poniatowski. 27. feu Besigue. The captain speaks as if the name of the game came from its inventor; the origin of the word is unknown. 186. 17. calligraphic de sergent-major. The sergeant- major has charge of the accounts. LE REMPLAfANT 187. 6. la Bastille. This prison was begun in 1369 and finished in 1382; it became a prison of state, and its fall on July 14, 1789, marks the beginning of the French Revolution. The anniversary of its fall has been set aside as a national holiday. The place de la Bastille is near the site of the prison, in the eastern section of Paris. 15. Montmartre. This name is given to the Quarter con- 326 NOTES taining the bulte de Montmartre, at the top of which is the church of the Sacre-Caur. Its character may be seen from the story. 20. Freres. A number of the Parisian schools have, until recently, been under the supervision of the church. 188. 29. passage de 1'Opfra. Off the Boulevard des Italiens, near the Ope*ra Comique. 189. 24. la Carmagnole et le Ca ira. The Carmagnole was a short jacket worn by certain of the French revolution- ists. The word comes, probably, from the name of a town in Italy (Carmagnola); by extension the word was applied to a song sung by the revolutionists alluded to above. It begins: Madam' Veto avail promis De faire e"gorger tout Paris, Mais le coup a manque" Grace k nos cannoniers. (Madame Veto is Marie- Antoinette.) Ca ira is the name of another revolutionary song; its name comes from the refrain. These two songs, with Che"nier's Chant du Depart and Rouget de Lisle's Marseillaise, were the most popular of the Revolu- tionary period. 190. 15. rue de Jerusalem. This street no longer exists; the offices of the police department were formerly located here. 30. Bobino. Familiar name for the Thtatre du Luxem- bourg, founded in 1816; it no longer exists, though there is a cheap theatre of this name in the southern section of Paris. 191. 10. Poissy. An important prison is located here. 11. 1'argot. The slang in use among criminals is meant. 12. Code pe"nal. A special division of the Code Napoleon; the latter was drawn up by or under the supervision of NOTES 327 Napoleon in 1802, and is a harmonious body of laws which took the place of the previous medley of usages and observ- ances. 23. Toulon. Cf. Jean Valj can's experiences in Les Misirdbles. 192. 28. II y a plus de joie au ciel, etc. Cf. Luke xv. 7. 197. 26. grand Empereur, Napoleon I; gros vieux, Louis XVIII; Philippe en favoris, Louis-Philippe. Louis XVIII reigned after Napoleon was deposed in 1814 until his return from Elba, and again after the battle of Waterloo until 1824; he was a brother of Louis XVI, who was beheaded in the Revolution, and of his successor Charles X; the latter reigned from 1824 to 1830. Louis-Philippe was then put on the throne and reigned until 1848; he was a son of Philippe- figalite (of unsavory reputation during the Revolution), and represents the Orleans branch of the Bourbons. 198- 2. fouchtra! An oath so much used in Auvergne that the natives are often so called; it corresponds to the northern fichtre. 200. 29. Cayenne. The chief penal settlement (outside of France) for French criminals is now La Nouvelle-Cattdonie, an island in the southern Pacific belonging to France since 1853. EDMOND ABOUT Dieuze, 1828 Paris, 1885 A native of Lorraine, About was trained at the cole Normale in Paris, and later studied at the French school of architecture in Athens, where he gathered material for his works on Greece. An exquisite story-teller and a charming talker, he was in favor with Napoleon III. After the Franco- 328 NOTES Prussian war he became a strong republican. A poor dram atist, but a good novelist and an author of excellent short stories, he is known above all as a journalist. He was a strong anticlerical republican, and wrote brilliant articles for the Figaro, the Moniteur, the Opinion Nationale and the Gaulois; he was also the founder of the XIX e Siecle and wrote for the London Athenaum. Important works: La Grece Contemporaine (1854), Tolla (1855), Les Mariages de Paris (1856), Germaine (1857), Maitre Pierre (1858), La Question Romaine (1860), L'Homme a I'Oreille Cassee (1862), Le Cas de M. Guerin (1862), Le Nez d'un Notaire (1862), La Vieille Roche (1865), Trente et Quarante (1865), Les Mariages de Province (1868), Le Roman d'un Brave Homme (1880), Nouvelles et Souvenirs (1885). Edition: Hachette (not complete, his work is widely scattered). L'ONCLE ET LE NEVEU 201. 6. avenue Montaigne. Runs southwest from the Champs-filyse'es to the Place de 1'Alma. 7. Soltikoff. The name of a noted Russian family prom- inent in the army since the sixteenth century. Several mem- bers of the family have lived in Paris. Alexis Soltikoff, traveler and archEeologist, lived in Paris for several years and left to the government his collection of precious jewels. 202. 23. cure. Refers to the course of treatment; the French equivalent of the English word is guerison, 204. 5. Tacite. Tacitus (54-140), celebrated Latin historian, author of: Agricola, Germania, Historic and A nnales. 19. ses gtrennes. French servants regard their gifts at New Year's almost as a part of their wages. 207. 3. passage du Saumon. In the center of Paris NOTES 329 near the Rue Montorgueil; there is also an Impasse Saumon near the Pere Lachaise cemetery. 16. rfever panache. Cf.- such expressions as: avoir le panache (to be tipsy), conversation panachee (on all kinds of topics), faire panache (to be thrown over a horse's head, etc.). 25. Ame'ric ou Fernand. Fancy names which need not be translated. The English equivalents would be Americus and Ferdinand. 209. ii. Don Juan. The chief character in Tirso de Molina's Spanish drama entitled: El Burlador de Sevilla y Convidado de Piedrd, first published at Barcelona in 1630. The typical seducer appears in the folk-lore of many countries, but Tirso de Molina so masterfully presented the character that it is accepted as a Spanish conception. Cf. in French Moliere's play; in music Mozart has used the same theme. 228. 5. Bien d'autrui ne d&ireras. In the French trans- lation of the Tenth Commandment convoiter is the verb used. THEOPHILE GAUTIER Tarbes, 1811 Paris, 1872 Born in Gascony, Gautier was educated, partly in his native town, partly at the Lyc&e Charlemagne, in Paris. Here he became a friend of Gerard de Nerval, who was of such influence on the later decadent school. He was a friend of the Romanticist, Victor Hugo, and the typical red waistcoat which he wore at the first presentation of Hernani has become historic. In 1830 he published a volume of verse, and two years later Albertus in the extreme Romantic style. A nov- elist and poet, he traveled extensively and embodied his experiences and impressions in many works on travel and art-criticism. His work is characterized by a remarkable aesthetic appreciation, an almost flawless, ornate style, and 330 NOTES a strong tendency toward the fantastic. Faguet says of him: "He knew all the resources of the French language and style." He stands, above all, for form (cf. his poem L'Art). Important works: Poesies (1830), Albertus (1832), Made- moiselle de Maupin (1835), Fortunio (1838), Les Grotes- ques (1844), Avatar and Jettatura (1857) , maux et Camics (1858), Le Roman de la Momie (1858), Le Capitaine Fracasse (1863). Edition: Charpentier, in 34 vols. LE CHEVALIER DOUBLE 231. 14. horoscope. The observation of certain planets or fixed stars at the time of birth, according to which the astrologer predicts the child's destiny. 234. 29. combat de Jacob et de 1'Ange. Genesis xxxii. 24. In literature this combat typifies the struggle of superior minds with difficulties met by them in the accomplishment of their mission. dessecher. In the French Bible demettre is used. ANDRE THEURIET Marly-le-Roi, 1833 Bourg-Ia-Reine, 1907 Theuriet was born at Marly-le-Roi, near Paris, was in school at Bar-le-Duc, and later studied law in Paris. He was connected with the Finance Department and with a number of publications (Le Moniteur, L' Illustration, etc.). He wrote verse, especially for the Revue des Deux Mondes; but his chief work has been done in fiction. Here he delights in describing country scenes, particularly in Lorraine. With Ferdinand Fabre and George Sand he is fond of introducing expressions borrowed from the dialects, in order to heighten the local color of his stories. With Octave Feuillet he may be said to go back to that phase which George Sand offers in NOTES 331 such stories on simple country life as La Petite Fadette, La Mare au Diable and Francois le Champi. Important works: Le Chemin des Bois (1867), M Ue Guignon (1874), Le Mariage de Gerard (1875), Sous Bois (1878), Nos En/ants (1878-1892), La Maison des Deux Barbeaux (1879), besides numerous collections of short stories. Edition: Charpentier, Lemerre, Dentu and Ollendorff have each published portions of his work. LA SAINT-NICOLAS 244. 9. Pantheon. This celebrated edifice, on the square of the same name, is at the summit of the old hill of Sainte-Genevieve (the patron saint of Paris). It was designed by the architect Soufflot (1713-1780) in the neo-Grecian style. At first a church, it was used during the Revolution as a temple for the reception of the remains of noted men; during the nineteenth century it has served at various times as a church and as a temple of glory. It is now used as a place of burial for celebrated Frenchmen. collfege Chaptal. On the Boulevard des Batignolles. Chaptal (1756-1832) was a distinguished chemist; his name is connected with various processes in the manufacture of alum, saltpetre, cement, cotton dyes, etc.; he became one of Napoleon's ministers. 245. 15. Clermont. This town (Clermont-en-Argonne) is not to be confused with the more important Clermont- Ferrand, the old capital of Auvergne. 19. rue de la Sante. East of the Observatory, near-by is the couvent des Capucins; these monks form a branch of the Franciscan order, which was founded by Saint Francis of Assisi in the thirteenth century. The name Capucin comes from the cowl worn by the monks; they are dressed in brown or gray, go barefooted and never shave their faces. 31. Champagne. This province, lying to the east of Para and west of Lorraine, was united to France in 1286. 33 2 NOTES 249. 6. velours dIJtrecht. A kind of velvet containing wool and goats' hair, especially used for upholstering. 12. Boilly. Painter, lithographer and wood-carver (1761- 1845). He usually depicts intimate scenes from middle-class life, though some of his subjects are drawn from the Revo- lution (Les Tricoteuses, etc.). He lithographed much of his work himself, and was a caricaturist of some merit; as a painter, he excelled in small pictures, in the study of gestures and expressions. 22. Saint -Nicolas . The patron saint of Russia, a bishop and contemporary of the Roman Emperor Diocletian (reigned 284-305) under whom he was persecuted. 262. 15. patois. Differs from a dialect in that it has not yet risen to the dignity of literature. 265. 12. La Fontaine. The greatest of the French fabu- lists and a great poet (1621-1695). He is known especially for his Fables and his Contcs. " His fables have an irresistible charm, and have become the universal book, the manual for all ages and conditions." fiMILE ZOLA Paris, 1840 Paris, 1903 After the completion of his school course he became con- nected with the well-known publishing house of Hachette, and wrote for various newspapers. His first important work in fiction appeared in 1864, under the title Contes a Ninon (the story published in the text is from the Nouveaux Contes & Ninon, published in 1874). These short stories, Thlrese Raquin (1867), L'Attaque du Moulin (1880). the religious trilogy (Lourdes, Rome, Paris, 1894-1897), and the four gospels (Fecondite, Travail, Virile and Justice, the last interrupted by >is death, 1899-1902) represent his best work outside of the NOTES 333 volumes with which his name is especially connected, namely: The Rougon-Macquart series (1871-1893). In this latter series he traces the effects of heredity throughout a family; these novels are characterized by an attempt at scientific exactitude, which is an especial mark of the Naturalistic School, of which, in certain respects, he was the leader. His style is strong, but vulgar, and, in general, his subject-matter is overwhelm- ingly saturated with vulgarity. His strongest effects are produced in his longer stories by massing details. To give an idea of his manner, the more important works of the Rougon-Macquart series may be mentioned: La Fortune des Rougon (first of the series), Le Venire de Paris (Parisian markets), La Faute de I' Abbe" Mouret (unfortunate passion), L'Assommoir (Parisian saloons), Pot-Bouille (middle-class life), Au Bonheur des Dames (shops), La Joie de Vivre (health and fate opposed), Germinal (mines), L'CEuvre (artists), La Terre (peasantry, it is unnecessary to add that he portrays the worst side), Le Reve (cathedral establishments), La Bete Humaine (railways), L' Argent (finance), La Debacle (the Franco-Prussian war, one of his strongest works). From 1898 until his death most of his time was devoted to the defense of Dreyfus (cf., especially, J' accuse). The story given, in the text is by no means typical of the author as seen ill the Rougon-Macquart series. Important works: See list just given. Edition: Charpentier, 38 vols. LE FORGERON 269. 15. Rouen. The old capital of Normandy with some 120,000 inhabitants; it was here that Jeanne Dare was burned in 1431. 264. 15. Michel-Ange (ch = k). Michael Angelo was born at Caprese in Tuscany in 1475. ^is numerous works in painting, sculpture and architecture are "majestic and sub- lime," and he is without an equal in the originality and 334 NOTES power of his conceptions. Among his works are: the cupola of Saint Peter's in Rome, the tomb of Jules II (with the statue of Moses), the statue of Christ -with the cross, the decorations of the Sistine chapel in the Vatican (with the painting of the Last Judgment). He died in 1564. ALFRED DE MUSSET Paris, 1810 Paris, 1857 Musset at an early age became a member of the cinacle or inner circle of the Romantic .writers, with whom he is intimately connected. In 1829 he published a volume of verse of great merit; this and the Spectacle dans un Fauteuil made him famous at once. He had an extremely excitable, poetic temperament ^nd a weak will, which rendered him incapable of entering any useful employment, such as a position in the French Embassy at Madrid, or writing regu- larly for periodicals, both of these positions having been offered him. He was elected to the Academy in 1852, and did little work thereafter. His best work was done in verse and in the drama, but his short stories are of extraordinary merit. His poems (especially the Nuits) possess pre-emi- nently the lyric quality, genuineness, originality and passion. His dramas, having usually some proverb as a title, show great delicacy, grace, ingenuity and wit. His short stories are exquisite. His style, in contrast to that of Gautier, shows little care for form, and in many respects he may be compared with the English poet Byron. Important works: Conies d'Espagne et d'lialie (1829), Spectacle dans un Fauteuil (1829), Rolla (1833), Lettre a Lamartine (1836), Confessions d'un Enfant du Siecle (1836). Poesies Nouvelles (1840), Comedies et Proverbes (1840-1851, about fifteen), besides several Nouvelles and Contes (1840- 1854), such as: Emmeline, Frederic et Bernerette, Fils du Titien, ISargot, Croisilles, Le Merle Blanc (1854). Editions: Charpentier, in 9 vols.; Lemerre, in 10 vols. NOTES 335 LE MERLE BLANC 265. 3. Buff on. Celebrated naturalist and one of the greatest of French writers (1707-1788). His chief w>rk is the Histoire Naturelle des Quadrupedes. A frequently quoted aphorism, occurring in his speech when admitted to the French Academy, is typical of the author: Le style est I'homme meme. His character, habits and appearance resemble his style, which is brilliant, refined, noble, proud. On one of his statues is the inscription: Majestati nature par ingenium (His genius equals the majesty of nature). 276. 29. feuroiPieX. The double meaning is obvious; at the time when the story was written Pius IX was Pope, and Charles X, the last of the aristocratic Bourbon kings, had reigned a few years before. The passage is directed against the affectation of the aristocratic circles. 277. 15. Socrate. Socrates, the illustrious Greek phil- osopher, wrote no books, his instruction was given in conver- sation. He avoided systems, and did not attempt to change the natural instincts of men. He thought that a knowledge of virtue was all that was needed in order that men should do right. His phrase, which is characteristic of his teaching, is given in the text. 280. 3. Louis XVI. Ascended the throne in 1774, and was beheaded in 1793. Well-meaning, but weak and under the influence of court favorites and of the Queen, Marie-An- toinette, he lost his popularity because of his hesitation after the convocation of the fctats-Gtneraux in 1789; his unpopu- larity was increased because of the assistance he lent to the nobles who had fled from France at the outbreak of the .Revolution, by his own flight to Varennes, and finally because of his negotiations with a foreign power. He was imprisoned and condemned to death by the Convention. The execution 336 NOTES took place on January 21, 1793, in the Place de la Revolution (Place de la Concorde). 4. la R6publique. A Republic has been proclaimed three times in France. The first (here alluded to) was proclaimed September 21, 1792, and lasted (in name at least) until 1804, when the Empire of Napoleon I was established (j'ai noble - ment chante" 1'Empire); it is divided into three periods: the Convention (to 1795), the Directory (to 1799) and the Consu- late (to 1804). The second Republic was proclaimed in 1848, after the fall of Louis-Philippe, and the third after the battle of Sedan in the Franco-Prussian war (cf. notes to pp. 7, 197, and 81). 5. la Restauration. The Restoration of the Bourbons under Louis XVIII and Charles X (cf. note to p. 197). 12. des Muses. The nine Muses were daughters of Jupiter and Mnemosyne. They presided over the liberal arts, and were made sisters to show the intimate relation of the arts; they were: Clio (history), Euterpe (music), Thalia (comedy), Melpomene (tragedy), Terpsichore (dance), Erato (elegy), Polymnia (lyric poetry), Urania (astronomy), Calliope (elo- quence and heroic poetry). 285. 21. Notre-Dame. This celebrated cathedral, one of the finest Gothic churches in Europe, is situated on the island of the Seine known as the lie de la Cite; the construc- tion was begun in 1163 on the site of an ancient Merovingian cathedral, the building was finished about 1230, but restora- tions were made by the architect Violet-le-Duc in the nine- teenth century. For a vivid picture of the cathedral, cf. Victor Hugo's novel Notre-Dame de Paris. 287. 19. me'moiresd'Alfieri. His autobiography is meant, the most important of his prose-writings. It depicts a man continually under the influence of pride and discontent, but one whom pride and discontent stimulate to noble actions. Other works of Alfieri are: Misogallo, a furious denuncia- tion of France; Saul, perhaps his most successful play; NOTES 337 and Myrrha. He is famous chiefly because of his tragedies (1749-1803). 20. Byron. The English Romantic poet (1788-1824), author of Childe-Harolde, Don Juan, Lara. A French critic (Taine) says of him : II y avait en lui des tern petes inte'rieures, des avalanches d'idees qui ne trouvaient d'issue que par l'e"criture. II n'invente pas, il observe; il ne cree pas, il transcrit. Sa copie est pousse"e au noir, mais c'est une copie." 288. 23. la strophe de Spenser. As, for example, the strophe of the Faerie Queene. 289. 13. la belle litte'rature qui s'imprime au bas des journaux. The feuilleton or continued story which is printed at the bottom of the French papers. 19. Je racontais mes souSfrances, etc. Musset here satirizes the style of the early nineteenth century (the mal du siecle) seen in the work., of Byron and Alfieri, Goethe's Werther, Chateaubriand's Atala and Rene, etc. 292. 6. Jardin des Plantes. This Botanical Garden, in the southeast section of Paris, was created in 1626; the mu- seum of natural history was added in 1793; later a menagery was added. 296. 1 6. Scarron. One of the most original and eccen- tric figures of the seventeenth century (1610-1660). His Nouvelles and his greatest work, the Roman Comique, show strong Spanish influence; the Roman Comique is an unfinished stoty of strolling actors, in what is known in Spanish as the picaresque style (cf. Le Sage's Gil Bias, etc.); this consists in an amusing, realistic description of life among the lower classes, their adventures, pranks, etc. The word picaresque comes from the Spanish picaro (rogue). All novels of this type go back to the Spanish Lazarillo de Tormes (middle of six- teenth century) of unknown authorship. Walter Scott. Th 338 NOTES English poet and novelist (1771-1832). As a novelist he, in certain respects, created the historical novel. Notice the combination: Scarron and Walter Scott. 297. 6. Boileau. Author of the Art Poetique, the Lutrin (lectern), Satires and pttres; he was the poetic reformer of the seventeenth century (1636-1711). His chief work consists in his efforts to do away with affectation, pedantic erudition, insipidity, and the like in French poetry. Musset probably had in mind something like the following from the Art Poetique: Hatez-vous lentement; et sans perdre courage, Vingt fois sur le metier remettez votre ouvrage; Polissez-le sans cesse et le repolissez; Ajoutez quelquefois, et souvent effacez. 26. C16op&tre. The celebrated and beautiful Egyptian queen by whom Caesar and Antony were fascinated. After his defeat at Actium, Antony followed her to Alexandria; be- ing told that she had destroyed herself he fell on his sword. Cleopatra, being unable to fascinate Antony's conqueror, and being unwilling to assist at his triumph, herself committed suicide. The allusion to the pearl is based on the story that she once dissolved a priceless pearl in a cup of vinegar. 298. ir. comme Alceste. The quotation is from Al- ceste's parting words at the close of Moliere's Misanthrope (presented June 4, 1666). The original reads: . . . Un endroit 6cart6 Oil d'etre homme d'honneur on ait la libertfi. VOCABULARY ABBREVIATIONS The following abbreviations have been used in the vocabulary: adj. adjective inter]. interjection adv. adverb m. masculine substantive art. article m.,f. masculine and femi- card. cardinal numeral nine substantive cf. compare ord. ordinal con]. conjunction P- page con], pr. conjunctive pronoun pi. plural def. definite pass. possessive dem. demonstrative pr. pronoun disj. pr. disjunctive pronoun prep. preposition /- feminine substan- reft. reflexive tive rel. relative indef. indefinite s. substantive int. interrogative V. verb VOCABULARY 4, prep, to, at, in, on, by, of, from, for, with, under, within, belonging to; la, in the style of, like; ce que, as. abaisser, v. to lower, cast down; s' , be lowered, sink. abandon, m. abandon, aban- donment. abandonner, T. to abandon, give up, relax. abasourdir, v. to deafen, stun. abatardissement, m. degen- eration. abattement, m. prostranon, dejection. abattre, v. to fell, throw down, bring down, strike down; s* , fall, burst (upon), alight; abattu, -e, cast down, prostrated. abbaye, /. abbey. abbe, m. abbot, abbe" (gen- eral title for Catholic priests). Abd - el - Kader, celebrated Arab emir (1807-1883). abeille, /. bee. abime, m. abyss. abimer, v. to plunge into an abyss, be lost (in), ruin; s' , be swallowed up, bury oneself, be injured. ablette, /. bleak (small fish). aboi, m. barking, last extrem- ity. abondant, -e, adj. abun- dant. abord, m. access, arrival, landing; d* , at first, first; au premier , at first meeting or sight. ^ border, v. to board, accost, broach, arrive. aboutir, v. to result, end. abre"ger, v. to abridge, cut short. abreuvoir, m. watering- trough. abri, m. shelter. abriter, v. to shelter. absence, /. absence. absinthe, /. wormwood, ab- sinth. 342 VOCABULARY absolu, -e, adj. absolute. absolument, adv. absolutely. absolution, /. absolution. absorber, v. to absorb, im- bibe. absoudre, v. to absolve. absurde, adj. absurd. abuser, v. to abuse, take ad- vantage, go too fast. acajou, m. mahogany. accabler, v. to overwhelm, crush. accent, m. accent, note. accentuer, v. to accentuate; s' , become accentuated. accepter, v. to accept. acces, m. access, attack. accident, m. accident. accommoder, v. to accommo- date; s' , accommodate oneself, agree (to), put up (with). accompagner, v. to accom- pany. accomplir, v. to accomplish. accord, m. accord, agree- ment, tune, harmony; tom- ber d* , agree. accorder, v. to accord, grant. accoster, v. to accost, flank. accoucher, v. to be confined, give birth to; accouche"e, /. woman in childbed. accouder (s'), v. to lean on one's elbow; accoude*, -e, leaning on one's elbow, accourir, v. to run up, hasten. accoutumer, v. to accustom; accoutume", -e, accustomed, used. accrocher, v. to hang up; s' , hang (on), lay hold. accroire, v. to believe (a falsehood). accroupi, -e, adj. crouching, squatting. accueil, m. reception, wel- come. accueillir, v. to receive, greet, welcome. accumulation, /. accumula- tion, piling up. accuser, v. to accuse, ac- knowledge, show. acharner, v. to infuriate; s' , be infuriated, be fierce; acharne, -e, adj. in- furiated, implacable, hard (work). achat, m. purchase. acheter, v. to buy. achever, v.to com pi etc, finish; s' , come to an end. acier, m. steel. acquerir, v. to acquire, gain. acquit, m. receipt, discharge; par de conscience, for conscience sake. acquirter, v. to acquit, pay. acrostiche, m. acrostic. acte, m. act. actif, -ive, adj. active. action, /. action. activer, v. to stir up VOCABULARY 343 activitl, /. activity. actrice, /. actress. adage, m. adage. addition, /. addition, bill. adieu, m. farewell, good-by, adieu. admettre, v. to admit. administratif, -ive, adj. ad- ministrative, official. administration, /. administra- tion. admirable, adj. admirable. admirablement, adv. admi- rably. admiration, /. admiration. admirer, v. to admire. adopte, -e, adj. and s. adopt- ed, adopted child. adorable, adj. adorable. adorateur, m. adorer. adorer, -v. to adore. adosser, v. to lean against, back (by); s' , put one's back against. adresse, /. address, skill. adresser, v. to address, give. adroit, -e, adj. adroit, skilful, dexterous. adulation, /. adulation, flat- tery. advenir, v. to happen, come to pass. adverbe, m. adverb. adversaire, m. adversary. affaiblir, v. to enfeeble, weak- en; s' , grow weaker. affaire, /. affair, matter; pi. affairs, business; avoir a, to have dealings with, have to do with. affaire, -e, adj. busy. affaisser, v. to sink; s' , settle down, sink, collapse. affamer, v. to starve; aflame", -e, starved, famished, hun- gry- affecter, v. to affect, assume. afiicher, v. to post. affirmatif, -ive, adj. affirma- tive. affirmation, /. affirmation, statement. affirmer, v. to affirm, state. affliger, v. to afflict; s' , grieve. affole, -e, adj. distracted, beside oneself. affolement, m. madness, crazed state. affranchir, v. to release, free. affreusement, adv. frightfully, dreadfully. affreux, -euse, adj. frigthful, dreadful. affronter, v. to face, brave. affubler, v. to dress up (ridic- ulously). afin (de or que), con], in order to, in order that. africain, -e, adj. and s. African (written Africain when s.). Afrique, /. Africa. age, m. age. 344 VOCABULARY 4g6, -e, adj. aged, old. agenouiller (s'), v. to kneel. agent, m. agent, police agent, policeman. aggraver, v. to aggravate. agile, adj. agile. agir, v. to act; s' de, be a question of. agitation, /. agitation, com- motion. agiter, v. to agitate, shake, move, disturb; s' , be agi- tated, stir, toss about; sa poitrine e"tait agitfie, her breast heaved. agneau, m. lamb. agonie, /. death agony. agre"able, adj. agreeable. agre"er, v. to receive favor- ably, accept, be acceptable. agrement, m. charm. agriculture, /. agriculture. ah, inter j. ah! ahuri, -e, adj. dazed, dumb- founded. aide, /. aid; m. helper, assist- ant; de camp, m. aide- de-camp. aide-meunier, m. miller's boy. aider, v. to aid, help, assist. aide-timonier, m. assistant steersman or helmsman. aieul, -e, m., }. grandfather, grandmother, ancestor. aigle, m. eagle (bird); /. eagle (standard). aigre, adj. acid, sour, sharp. aigrelet, -te, adj. sourish, rather sharp. aigrette, /. egret, tuft, plume. aigu, -e, adj. acute, sharp, shrill, aiguille, /. needle, point, spike, aiguillonner, v. to spur on, excite. aiguiser, v. to sharpen. aile, /. wing, aisle; du nez, nostril. aileron, m. pinion, tip of a wing. ailleurs, adv. elsewhere; d* , besides, aimable, adj. kind, agreeable, amiable. aimer, v. to love, like; mieux, prefer; aime, -e, loved, beloved. alne*, -e, adj. and s. elder, eldest, senior, ainsi, adv. and conj. thus, so, therefore; que, just as. air, m. air, appearance. Aire, /. Aire (river in Ar- gonne, northeast France). aisance, /. ease, aise, /. ease, pleasure, glad- ness; a son , a 1' , at one's ease, comfortable; adj. glad, aise", -e, adj. easy, aisement, adv. easily. Aix, former capital of Pro- vence. VOCABULARY 345 ajouter, v. to add; s* , add oneself, be added. ajuster, v, to adjust, ar- range. alambic, m. alembic. albatre, m. alabaster. Alceste, hero of Moliere's Misanthrope, now stands for the typical misanthro- pist. alcool, m. alcohol. alentour, adv. around; d* , neighboring. alerte, adj. alert, quick, wide- awake; /. alarm. Alfieri, celebrated Italian tragic poet (1749-1803). Alger, Algiers. Alge"rie, /. Algeria. alienation, /. alienation; mentale, insanity. aliene, -e, m., /. lunatic, in- sane person. aligner, v. to line up; s' , line up, Jbe in line, fall in line. aliment, m. food, nourish- ment. aliter, v. to confine to one's bed; s' , take to one's bed. allaiter, v. to nurse, suckle. alle'e, /. going, passage, walk, path. allegrement, adv. briskly, gaily. Allemagne, /. Germany. allemand, -e, adj. and s. German (written Allemand when s.). aller, v. to go, go on, be (of the health, etc.); s'en , go away; s'en en mor- ceaux, fall to pieces; allons! come; allez! va! go along, get out, that's sure, etc. allocution, /. allocution, short speech. allonger, v. to lengthen, give (a blow). allumer, v. to light, kindle. allumette, /. match. allure, /. bearing, manner. alors, adv. then; que, conj. at the time when. alouette, /. lark. alourdir, v. to make drowsy. Alpilles, pi., /. Alpilles (lower spur of the Alps in Pro- vence, called also Alpines). alteration, /. alteration, de- rangement. alternativement, adv. alter- nately. altier, -ire, adj. proud, lofty. amande, /. almond. amandier, m. almond-tree. amant, m. lover. amarrer, v. to moor. arnas, m. heap, pile. amasser, v. to pile up, accu- mulate. amateur, m. amateur; adjec- tively, amateur, fond of. 34 6 VOCABULARY Amazone, /. Amazon (the Amazons were a fabulous race of women living in Cappadocia, celebrated for their prowess in war). ambitieusement, adv. ambi- tiously. ambition, /. ambition. amble, m. amble. ame, /. soul, heart, mind. amener, v. to lead, bring, draw. amer, -fere, adj. bitter. Ame'rique, /. America. ameubler, v. to furnish. ameuter, v. to arouse, excite. ami, -e, m., f. friend, sweet- heart; mon , my dear. amiable, adj. amicable; a 1* , amicably, by private con- tract. amical, -e, adj. friendly, ami- cable. amicalement, adv. amicably, in a friendly manner, cor- dially. amitie", /. friendship; se pren- dre d' , take a liking. amollir, v. to soften; s' , become soft. amonceler, v. to pile up; 8* , be piled up. amorce, /. bait, percussion- cap. amour, m. love, love affair. amoureusement, adv. loving- amoureux, -euse, adj. and s. in love, sweetheart, lover. ample, adj. ample. amputation, /. amputation. amputer, v. to amputate; il fut amput6, his limb was amputated, he had his limb amputated. amuser, v. to amuse; s' , amuse oneself, be amused, have a good time; amusant, -e, amusing. an, m. year. analogue, adj. analogous. analyse, /. analysis. analyser, v. to analyze. ancien, -ne, adj. ancient, former, of former times. ancre, /. anchor. andalou, -ouse, adj. and s. Andalusian (written Anda- lou when 5.), Andalusian horse. Andre", Andrew. ane, m. ass, donkey. ange, m. angel. angelus, m. angelus. anglais, -e, adj. and s. Eng- lish, Englishman (written Anglais when s.). angle, m. angle, corner. angoisse, /. anguish, great anxiety. anguille, /. eel. animal, m. animal, creature. animation, /. animation. animer, v. to animate, excite; VOCABULARY 347 s* , become animated, be enlivened. annales, pi., f. annals. anneau, m. ring. annee, /. year. annoncer, v. to announce; 8* , announce oneself, promise. annoter, v. to annotate, make notes on. annuel, -le, adj. annual. anonyme, adj. anonymous. anormal, -e, adj. abnormal. anse, /. handle, inlet, cove. anspessade, m. corporal's aid (grade no longer existing). antce"dent, m. antecedent. antichambre, /. antechamber. antique, adj. antique, ancient, old-fashioned. Anvers, Antwerp (chief Bel- gian seaport). anxie'te', /. anxiety. anxieusement, adv. anxiously. anxieux, -euse, adj. anxious. aout, m. August. apaiser, v. to appease, soothe; s' , be calmed, subside. apercevoir, v. to perceive, no- tice, see; s' , perceive, etc. aperitif, m. appetizer. apeure", -e, adj. frightened. aplatir, v. to flatten. aplomb, m. plumb, perpen- dicular position, firm hold; d* , straight, peroendicu- lar. apoplexie, /. apoplexy. apostrophe, /. apostrophe, reproach. apparaitre, v. to appear. appareiller, v. to set sail, weigh anchor. apparemment, adv. apparent- ly- apparence, /. appearance. apparent, -e, adj. apparent. apparition, /. apparition, ap- pearance. appartement, m. apartment. appartenir, v. to belong. appel, m. call, roll-call, appeal. appeler, v. to call; s* , be named. appellation, /. appellation, name. appendice, m. appendix. appesantir, v. to make heavy, weigh down. appetissant, -e, adj. appetiz- ing. appetit, m. appetite. applaudir, v. to applaud. appliquer, v. to apply. apporter, v. to bring, carry, bring forward. appre"cier, v. to estimate, judge the value of, value. apprendre, v. to learn, teach, tell, inform; s' , be learn- ed; mal appris, ill-bred. apprenti, m. apprentice. apprentissage, m. apprentice- ship. VOCABULARY appret, m. preparation. approbation, /. approbation. approcher, v. to approach; s' , approach. approfondir, v. to sound, make a deep study of. approuver, v. to approve, ap- prove of. approvisionner, v. to pro- vision, supply. appuyer, v. to support, lean, rest; appuye", -e, leaning. '.ipres, prep, and adv. after, afterwards; d' , accord- ing to; les mains, about the hands; que, conj. after. apres-midi, /. (or m.) after- noon. arabe, adj. and s. Arabic, Arabian, Arab (written Arabe when 5.). arabesque, /. arabesque, tra- cery. araigne"e, /. spider. arbre, m. tree. arbrisseau, m. shrub. arc, m. bow, arch; Arc de triomphe, Arch of Triumph (in the Place de 1'fitoile, Paris). arcade, /. arcade. arceau, m. vault, arch. arche, /. ark, arch. archeveque, m. archbishop. architecture, /. architecture. ardent, -e, *dj. ardent, burn- ing, fiery, glowing, red- hot. ardeur, /. ardor, fervor, spirit, arete, /. fish-bone, protruding angle, outline. argent, m. silver, money. argenter, v. to silver; argeote", -e, silvery. argenterie, /. silver-plate. Argenteuil, town six miles northwest of Paris. argentier, m. treasurer (old). argentin, -e, adj. silvery, sil- ver-toned. Argonne, /. Argonne (thickly- wooded district in northeast France, in the departments of Marne, Meuse and Ar- dennes). argot, m. slang, criminals' slang. argoussin, m. convict-guard. argumentation, /. argumen- tation, reasoning. aride, adj. arid, dry. aristocratic, /. aristocracy. arithme'tique, /. arithmetic. Aries, city on the Rhone, 53 miles north of Marseilles. armateur, m. ship-owner. arme, /. arm, weapon. armee, /. army. arrner, v. to arm. armoire, /. cupboard, press, closet. armure, /. armor. aromate, m. aromatic. VOCABULARY 349 arome, m. aroma, flavor. arpenter, v. to measure, stride along, walk. arracher, v. to snatch, tear off, pull out, draw. arranger, v. to arrange, "fix"; s* , be arranged. arrtt, m. stop, pause. an-fite", m. decision, order. arreter, v. to arrest, stop, draw up; son regard sur, let his glance rest on; S* , stop. arriere, adv. and s. back, rear, stern; en , back, backwards, behindhand, behind, on the back (of the head, etc.); a P , aft. arriere -amertume, /. bitter after-taste. arriere-boutique, /. back shop. arriere-pensee, /. mental res- ervation, thought not ex- pressed. arrivage, m. arrival (by water), landing. arrived, /. arrival. arriver, v. to arrive, happen, befall, come, succeed. art, m. art. article, m. article. artifkiel, -le, adj. artificial . artillerie, /. artillery. artiste, m. artist. as, m. ace. ascendant, m. ascendancy, influence. asile, m. asylum, shelter refuge. aspect, m. aspect, appearance, sight. asphodele, m. asphodel. aspiration, /. aspiration, in- spiration, breathing. assaillir, s. to assail, as- sault. assassin, m. assassin, mur- derer. assavoir, v. to know (old and legal). assembled, /. assembly. asseoir, v. to seat, set; s' , sit, be seated. assez, adv. enough, sufficient, rather. assidument, adv. assiduously, diligently. assie"ger, s. to besiege. assiette, /. plate. assise, /. court of assize, criminal court. assistance, /. audience, assis- tance. assistant, m. person present. assister, v. to be present, at- tend, assist. assombrir, v. to darken. assommer, v. to fell, knock on the head, stun. Assoucy (d'), minor burlesque poet, ridiculed by Boileau (1604-1679). 350 VOCABULARY assoupir, v. to make drowsy, lull; s* , become drowsy. assujettir, v. to subject, sub- due, fasten, make firm; assujettissant, -e, binding, requiring constant atten- tion. assurance, /. assurance. assortment, adv. assuredly, surely. assurer, v. to assure, assert. astiquer, v. to polish. astre, m. orb, star. athge, m. atheist. atmosphere, /. atmosphere. atre, m. hearth, fireplace. atroce, adj. atrocious. attabler, v. to seat or place at table. attache", m. attache", follow- er. attacher, v. to attach, fasten, bind, tie, tie up hang; s' , attach oneself, be or be- come attached, stick. attaque, /. attack. attaquer, v. to attack. attarder, v. to delay; s' , be delayed or belated, linger; attarde", -e, delayed, be- lated. atteindre, v. to attain, reach, attack; atteint, -e, at- tacked, diseased, affected. attelage, m. team. attendre, v. to await, wait for, expect; s' a, expect. attendrir, v. to move, affect, touch; s' , be moved, grow tender, be softened. attendrissement, m. tender- ness, feeling. attente, /. waiting, wait, ex- pectation. attentif, -ive, adj. attentive. attention, /. attention, care. attentivement, adv. attentive- ly- atte"nuer, v. to attenuate, soften. atterrer, v. to strike down, cast down, overwhelm. attestation, /. attestation, tes- timonial. attester, v. to attest, certify. attifer, v. to dress up. attirail, m. apparatus, ac- coutrements, equipment, set. attirer, v. to attract, draw; 8* , draw upon oneself. attitude, /. attitude. attrape, /. catch, take-in; inter j. caught! attraper, v. to catch. attribuer, v. to attribute. attrister, v. to sadden. au (aux) = a le (a les). aube, /. dawn, alb (white garment of the clergy). auberge, /. inn, tavern. aubergiste, m. inn-keeper. aucun, -e, adj. no, none, any. audace, /. audacity. VOCABULARY 351 audacieux, -euse, adj. auda- cious, daring. audience, /. hearing, audience. auditeur, m. auditor, hearer. auge, /. trough. augmenter, v. to increase. Augustin, Augustine; Saint , Saint Augustine, the celebrated bishop of North Africa, author of the Con- fessions (354-430). aujourdTiui, adv. to-day. aumone, /. alms, charity. aumdnier, m. chaplain. auparavant, adv. before, pre- viously. aupres (de), prep, near, with, compared with. auquel (auxquels, etc.) = a lequel, etc. aureole, /. aureola. aurore, /. dawn; bore'ale, aurora borealis. aussi, adv. and conj. also, so, as, therefore. aussitot, adv. straightway, at once, as soon as; que, conj. as soon as. austere, adj. austere. autant, adv. as much, as many, as well, likewise; d' plus (moins), so much the more (less). autel, m. altar. auteur, m. author. automne, m., /. autumn. autorite", /. authority. autour, adv. and prep, (with de), around. autre, adj. other, else; - temps, formerly; P an- ne"e, the other year, last year; nous autres les vieux, we old people. autrefois, adv. formerly, for- mer times. autrement, adv. otherwise. autrui, m. others, other peo- ple. auvent, m. penthouse, awn- ing. auvergnat, -e, adj. and s. of Auvergne, native of Au- vergne (written Auvergnat when s.). avaler, v. to swallow. avance, /. advance; d* , in advance. avancement, m. advance- ment, promotion. avancer, v. to advance; s' , advance. avant, prep., adv. and s. be- fore, forward part, bow, brow, thrust forward; en , forward, in front, fore- most. avant-garde, /. vanguard, ad- vance-guard. avant -poste, m. outpost. avare, adj. and s. avaricious, miserly, miser. avarice, /. avarice, stinginess. avarie, /. damage. 352 VOCABULARY Ave, m. Ave, Ave Maria (prayer to the Virgin). avec, prep. with. avenant, -e, adj. pleasing, prepossessing, comely. avenir, m. future. aventure, /. adventure; a 1' , at hazard, at a venture; par , by chance. aventurer (s'), v. to risk one- self, venture. aventurier, m. adventurer. avenue, /. avenue. avertir, -v. to warn, give notice. aveu, m. avowal, confession. aveugle, adj. blind. aveugle"ment, adv. blindly. aveuglette, /. used only in a 1' , groping about blindly. avidement, adv. eagerly. avidite, /. avidity, eagerness. Avignon, city on the Rhone, 75 miles north of Mar- seilles. avis, m. opinion, advice, warning. aviser, v. to apprize, advise, see about, think (of); s' , take into one's head. aviver, v. to brighten, en- liven. avocat, m. lawyer; du diable, at Rome one who opposed canonization of an individual, he debated against the avocat dc Dieu, who favored the canoniza- tion. avoine, /. oats. avoir, v. to have, make (a gesture); - - faim, peur, soif, be hungry, afraid, thirsty; il y a, there is, there are, ago; qu'avez- vous? what is the matter with you?; qu'est-ce qu'il y a? what is the matter?; beau (with infinitive), in vain. avouer, v. to acknowledge, confess. avril, m. April. azur, -e, adj. and s. azure, sky-blue. azure, -e, adj. azure. B babil, m. prattle. baby, m. baby. baccalaureat, m. baccalau- reate. badigeon, m. whitewash. bagage, m. baggage, lug- gage. bagatelle, /. mere trifle. bagne, m. convict-prison. bah, interj. ah!, pshaw] bahut, m. chest. baie, /. bay, berry. baigner, v. to bathe; se , bathe. VOCABULARY 353 baigneur, m. bather, bath- man. baile, m. bailiff, overseer (in Provence). bailler, v. to yawn. bailli, m. bailiff. Bailliere, Parisian publisher. bain, m. bath. baionnette, /. bayonet. baiser, v. to kiss. baisser, v. to lower, drop; se , stoop, bow down. bal, m. ball (dance). balancement, m. balancing, balance. balancer, v. to balance, swing. balancier, m. pendulum. balayer, v. to sweep. balbutier, v. to stammer, stammer out. balcon, m. balcony. ballant, --e, adj. swinging, dangling. balle, /. ball, bullet. ballon, m. balloon. ballotter, v. to toss about, dangle. balourd, -e, adj. thick-head- ed, stupid. Baltique, /. Baltic. balustrade, /. balustrade. bamtftn, m. little boy, brat. bambou, m. bamboo. ban, m. ban, restriction of a convict to a certain dis- trict; rompre son , to run away from such a district, break one's furlough. banal, -e, adj. hackneyed, commonplace. bane, m. bench, seat. bande, /. band, strip. bandeau, m. band, bandage. bander, v. to bandage, bind up. bandit, m. bandit, ruffian. bank-note, /. English bank- note. banlieue, /. outskirts, sub- urbs. banniere, /. banner. banquet, m. banquet. banquette, /. bench. banquier, m. banker. baobab, m. baobab (largest of known trees). bapteme, m. baptism, chris- tening. baraque, /. booth. barbare, adj. barbarous. barbe, /. beard; a la de, under the nose of. barbiche, /. small beard on the chin. barboter, v. to dabble, wade. barbouiller, v. to daub, be- smear, scribble on. barbu, -e, adj. and s. bearded, bearded man. Barnabite, m. Barnabite (member of the religious order founded at Milan in I5S9). 354 VOCABULARY barometre, m. barometer. baronnie, /. barony. barque, /. bark, small boat. barre, /. bar; barres de jus- tice, iron bars to which mutinous sailors were at- tached by means of rings. barreau, m. bar, law. barter, v. to bar, close. barrette, /. cardinal's cap, beretta, scullion's cap. barriere, /. barrier, city wall. barrique, /. barrel, cask. bas, m. stocking. bas, se, adj., adv. and s. low, lower side, bottom, in a low tone; en , below, down stairs; voix basse, low voice, whisper; la , yonder, over there; a , down, down with. basane, -, adj. tanned, sun- burned. basse -cour, /. farmyard, back yard, poultry-yard. bassesse, /. baseness, low action. bassine, /. pan, preserving pan. Bastille, /. Bastille, fortress, prison. bat, m. pack-saddle. bataille, /. battle, line of battle. bataillon, m. battalion; chef de , major. hatard, -e, adj. bastard; porte batarde, house-door (neither porte-cochere nor porte d'allee). batarde, /. handwriting be- tween round and running hand. bateau, m. boat. batiment, m. building, vessel. batir, v. to build, make. baton, m. stick, staff, club. battant, m. leaf (of a folding door). battement, m. beating. batterie, /. battery. battre, v. to beat, strike, flap, swing, scour; son quart, have his beat, pace up and down; se , fight. Baux (les), village 12 miles northeast of Aries. bavardage, m. talkativeness, prattling, gossip. Baviere, /. Bavaria. Bazaine, French marshal, sur- rendered Metz to the Ger- mans in 1871, regarded almost as a traitor in France (1811-1888). beant, -e, adj. gaping, wide- open. be'at, -e, adj. sanctimonious, blissful. beatitude, /. beatitude, bliss. beau (bel before vowels) , belle, adj. beautiful, fair, hand- some, fine; avoir , see avoir; tout tout nou- VOCABULARY 355 veau, a new broom sweeps clean; il y a de belles annles de cela, that was a fine long time ago; de plus belle, harder than ever; belle, /. beauty. beaucoup, adv. much, many; y fetre pour , to count for a good deal, mean much. beau-frere, m. brother-in-law. beau-pere, m. father-in-law, step-father. beaute", f. beauty. bee, m. beak, prow ; de gc.z, gas-light ; de cane, latch. be'casse,./. woodcock. becassine, /". snipe. begayement, m. stammering. be"gayer, v. to stammer, stam- mer out. [dish. bgueule, adj. haughty, pru- beler, v. to bleat. Belgique, /. Belgium. belle, see beau. belliqueux, -euse, adj. war- like, quarrelsome. Bellone, /. Bellona (Roman goddess of war). Benedicite (Latin), m. Latin blessing spoken before meals. benediction, /. benediction, blessing. benefice, m. profit. benir, v. to bless; benit, -e, blessed, consecrated, holy. benitier, m. holy-water fount. bercer, v. to rock, soothe, lull. berge, /. river-bank. berger, m. shepherd; Etoile du , planet Venus. bergerette, /. shepherd-girl. Berlin, Berlin. berlingot, m. single-seated berlin (carriage). besides, pi., j. spectacles. besigue, m. besigue (game). besogne, /. work, occupation, business. besoin, m. need, necessity. bestial, -e, adj. bestial. bfete, /. and adj. beast, animal, foolish, silly, stupid; ce de livre, this stupid book. Beuzeville, Norman village 15 miles east of Le Havre. bibelot, m. trinket, knick- knack. bibliothecaire, m. librarian. bibliotheque, /. library, book- case. bidet, m. pony, nag. bien, adv. and s. well, very, quite, many, comfortable, proper, suitable, all right, indeed, good-looking; s. good, goods, property; que, cow/, although. bien-alme, -e, adj. and s. well-beloved, sweetheart, darling. bien-6tre, m. comfort. 35 6 VOCABULARY bienfaisant, -e, adj. benefi- cent. bienfait, m. benefit, favor. bientdt, adv. soon. biere, /. beer. bijou, m. jewel. bijoutier, m. jeweler. bilieux, -euse, adj. bilious. billard, m. billiard -table, bil- liards; bille de , billiard- ball. bille, /. billiard-ball, marble. billet, m. note, promissary note; doux, love-letter. billot, m. block, log. bique, /. she-goat. bis, -e, adj. brown. biscuit, m. biscuit. bise, /. north wind. bissac, m. wallet. bizarre, adj. bizarre, odd, strange. blafard, -e, adj. palish, wan, dim. blanc, -anche, adj. and s. white; d'Espagne, whi- ting. blancheur, /. whiteness, white. blanchir, v . to whiten, render white, whitewash. blanchisseuse, /. washer- woman, laundress. blason, m. coat df arms. blaspheme, m. oath. ble", m. wheat, grain. blme, adj. pale, wan. blesser, v. to wound. blessure, /. wound. bleu, -e, adj. blue. bleuatre, adj. bluish. bloc, m. block; d'un , like a log. blond, -e, adj. and s. blond fair, light. bloquer, v. to blockade. blottir (se), v. to crouch. blouse, /. blouse. bluet, m. bluebottle (flower). Bobino, name of small Pari- sian theater. bock, m. glass of beer. boeuf, m. ox, beef. Boheme, /. Bohemia. bohemien, -ne, adj. and s. Bohemian, gipsy, vagrant. Boileau, celebrated French poet and critic (1636 1711). Boilly, Parisian painter and lithographer (1761-1845). boire, v. to drink. bois, m. wood; d'lbene ebony, negroes. boiserie, /. wainscoting. boite, /. box. boiter, v. to limp. boiteux, -euse, adj. and s. lame, lame person. bol, m. bowl. bombardement, m. bombard- ment. bon, -ne, adj. good, kind, pleasant, agreeable; bonne, f. mai^ servant. VOCABULARY 357 bonasse, adj. soft (applied to persons), silly, simple. bond, m. bound, leap, jump. bondir, v. to bound, leap, jump. bonheur, m. happiness, good fortune. bonhomme, m. good-natured old fellow, worthy old cod- ger, old fellow, fellow. Boniface, name of nine popes ranging from 418 to 1404 (none at Avignon). bonjour, m. good day, good morning. bonne, see bon. bonnement, adv. simply. bonnet, m. cap. bonsoir, m. good evening. bonte, /. goodness, kindness. bord, m. edge, border, bank, brim, rail, side; a , on board. bordage, m. planking. bord6e, /. broadside, volley. border, v. to border, run along the side of. boreal, -e, adj. northern; see also aurore. borne, /. limit, mile-stone. borner, v. to limit, restrict; borne", -e, limited, shallow, narrow. bosse, /. bump, hump. bossu, -e, adj. and s. hump- backed, humpback. bo tie, /. boot, bundle. bottele'e, /. bundle, bale. bouche, /. mouth. bouchee, /. mouthful. boucher, m. butcher. boucher, v. to stop up. bouchon, m. stopper, cork; partie de , game in which quoits are thrown at pieces of money placed on corks, "pitch-penny." bOUCle, /. buckle, ring, curl (of hair). [ U P-" bonder, v. to buckle, " buttle boue, /. mud. boueux, -euse, adj. muddy. bouffee, /. puff, whiff. bouffette, /. tuft, knot (of ribbon). bougeoir, m. flat candlestick. bouger, v. to move, budge. bougie, /. wax candle. bouillir, v. to boil; bouillant, -e, boiling. bouillon, m. bubble, broth. bouillonner, v. to bubble, boil. boule, /. ball. bouleau, m. birch-tree. boulet, m. cannon-ball, ball. boulevard, m. boulevard. bouleverser, v. to upset, over- turn, agitate, throw into a panic. Bou-Maza, Arab agitator and opponent of the French, es- pecially from 1845 t< 1847. bouquet, m. bouquet, cluster bourdonner, v. to buzz, hum. 358 VOCABULARY bourg, m. town, market-town. bourgade, /. small town, ham- let. bourgeois, -e, adj. and s. bourgeois, member of the middle class, citizen; petits , lower middle class; ou cela ? where's that, boss? Bourget (le), village six miles northeast of Paris. bourgmestre, m. burgomaster. bourreau, m. executioner. bourrelet, m. pad. bourrelier, m. harness-maker. bourrer, v. to cram, stuff, fill. bourse, /. purse. boursouflure, /. swelling, puff. bousculer, v. to jostle, turn upside down. boussole, /. compass. bout, m. end, bit; en venir a , to manage, succeed. bouteille, /. bottle. boutique, /. shop. bouton, m. button, knob. boutonner, v. to button; bou- tonn6, -e, buttoned up, reserved. bouvier, m. cowherd. boyau, m. gut; corde & , catgut. brabancon, -ne, adj. of Bra- bant, Brabantine. Brabant, m. Belgian province (capital: Brussels). bracelet, m. bracelet. braconnier, m. poacher, brailler, v. to brawl, bawl, shout, squall. braise, /. embers, live coals, bramer, v. to troat, bellow, roar. brancard, m. litter, shaft, branchage, m. branches, branche, /. branch, branchure, /. branches (term used, especially in central France, for branchage}. branle, m. swinging, swinging motion, swing, impulse; en , swinging; dormer le , to swing, branler, v. to swing, shake, wag. bras, m. arm. brasier, m. clear bright fire, fire of red-hot coals, fiery furnace. brave, adj. brave, worthy. bravement, adv. bravely, bravo, inter 7. bravo! Breaute", Norman village 15 miles east of Le Havre, brebis, f. sheep, breche, /. breach, bredouiller, v. to splutter, stutter. bref, -eve, adj. and adv. brief, short, curt, in short, breton, -ne, adj. and s. of Brittany, Breton (written Breton when 5.). breViaire, m. breviary. VOCABULARY 359 bric-a-brac, m. odds and ends, curiosities, bric-a-brac. brick, m. brig, brievement, adv. briefly, in a few words. brigadier, m. corporal, brigand, m. brigand, ruffian. briller, v. to shine; brillant, -e, brilliant, shining. brin, m. blade, sprig, brindille, /. twig, sprig. brise, /. breeze, briser, v. to break, break down, shatter; se , be broken. bristol, m. bristol-board, pasteboard. britannique, adj. British, broc, m. jug, pitcher, brocart, m. brocade. broche, /. spit, roasting-spit. brocher, v. to figure, sew (books). broderie, /. embroidery. bronze, m. bronze, bronze figure. bronzer, v. to bronze, brosser, v. to brush. orosseur, m. brusher, orderly. brouhaha, m. uproar, hulla- baloo. brouillard, m. fog, mist, brouiller, v. to mix up; se , fall out, quarrel, broussaille, /. underbrush, brush. brouter, v. to browse, nibble. broyer, v. to crush, crush out, grind. Bruges, Belgian city near the coast (Flanders). bruine, /. drizzle, bruissement, m. rustling, humming, roaring, bruit, m. noise, report, bruler, v. to burn, scorch; brulant, -e, burning, brume, /. mist, brumeux, -euse, adj. misty, f ggy- brun, -e, adj. brown, dark. brunir, v. to brown, bronze. brusque, adj. blunt, abrupt, brusk. brusquement, adv. bruskly, rudely, quickly. brut, -e, adj. raw, rough, crude. brutal, -e, adj. brutal. brutalite", /. brutality. Bruxelles, Brussels, capital of Belgium. bruyamment, adv. noisily. bruyant, -e, adj. noisy. bruy&re, /. heath, heather. bucolique, adj. bucolic, pas- toral. budget, m. budget. buee, /. reek, vapor, steam, puff of smoke. buffet, m. sideboard, re- freshment-room . buffleterie, /. buff-belts, straps. Buffon (de), celebrated 360 VOCABULARY French naturalist (1707- 1788). Bugeaud, French genera! and governor of Algeria (1784- 1849). buis, m. boxwood. buisson, m. bush. bulletin, m. bulletin. bureau, m. desk, office. bureaucratic, /. bureaucracy; de , bureaucratic. bureaucratique, adj. bureau- cratic, of the offices, office. burette, /. cruet. burin, m. graver (tool). but, m. goal, target. butte, /. knoll, hillock, rising ground. buveur, m. drinker. Buzenval, castle and heights near Paris (northwest of Saint Cloud) , scene of battle against the Germans on Thursday, Jan. 19, 1871. Byron, English Romantic poet (1788-1824). c' (c'), see ce. ca, see cela. ca, adv. and interj. here, now!, come now!; et la, here and there, cabalistique, adj. cabalistic. cabane, /. cabin, hut. cabaret, m. tavern, bar. cabestan, m. capstan. cabinet, m. office, study, closet, cabinet, small room. caboteur, m. coaster. cabrer (se), v. to rear. cabriolet, m. cabriolet, cab. cacatois, m. cockatoo. cacher, v. to conceal, hide. cacheter, v. to seal. cacuata, "Latin" for cock- atoo (apparently Musset's invention). cadavre, m. corpse, dead body. cadeau, m. present. cadence, /. cadence, measure. cadencer, v. to cadence; ca- dence", -e, measured. cadet, -te, adj. and s. younger, junior, younger brother. Cadzant, Dutch village be- tween mouth of the Scheldt and Belgian frontier; ile de , now called Walcheren, island at mouth of the Scheldt, capital: Middel- bourg (word is usually written Cadzand"). cafe, m. coffee, cafe". cage, /. cage. cahot, m. jolt. caillou, m. pebble. caisse, /. case, chest, box, till. calcul, m. calculation. calecon, m. drawers. calice, m. chalice, calyx, cup. VOCABULARY Calif omie, /. California; also name of a cheap restaurant formerly situated near the Place Maubert in Paris. calleux, -euse, adj. callous. calligraphic, /. calligraphy, penmanship. calme, adj. and s. calm, quiet, calmness, tranquil- lity. calmer, v. to calm, quiet; se , become calm. calorifere, m. hot-air furnace, register. calotte, /. skull-cap, box on the ear. calquer, v. to trace, copy, imitate servilely. camail, m. camail, priest's cloak. camarade, m., f. comrade. Camargue, /. Cam argue, the island formed by the two arms of the Rhone at its mouth. cambuse, /. ship's storeroom. camelot, m. camlet (kind of cloth containing goats' hair) . cameriste, /. lady in waiting, maid. camionnage, m. cartage, dray- age. camisole, /. short outer gar- ment or shirt; de force, strait-jacket. camp, m. camp; lit de , cot. campagnard, -e, adj. and s. country, countryman. campagne, /. country, cam- paign. camper, v. to camp, encamp. camp-volant, m. body of scouts, one always on the go- canaille, /. rabble, riffraff, scamp. canal, m. canal. canard, m. duck, hoax. candelabre, m. candelabrum, branched candlestick. candeur, /. candor, frankness. candide, adj. candid, frank. cane, /. duck; bee de , see bee. canne, /. cane. canon, m. cannon, gun-barrel. canot, m. small boat, ship's boat. can tine, /. canteen, mess, place where food is sold in barracks, etc. cantique, m. canticle, chant. canton, m. canton. cantonner, v. to canton, quar- ter, lodge. capable, adj. capable. cape, /. cape with a hood. capitaine, m. captain. capital, -e, adj. capital, chief, essential; capitale, /. capi- tal. capitonner, v. to pad, uphol- ster, hang. 362 VOCABULARY Capitou, 1'ane de , cf. such phrases as I'dne de Buridan. capitulation, /. capitulation. caporal, m. corporal. caprice, m. caprice. capricieuz, -euse, adj. capri- cious. captif, -ive, adj. captive. captivite", /. captivity. capture, /. capture. capuche, /. capeline, hood (usually kind of hood for women). capuchon, m. cowl. capucin, m. capuchin monk. caquetage, m. cackling, gos- sip. caqueter, v. to cackle, gossip. car, conj. for. caractere, m. character. carafe, /. carafe, water-bottle, decanter. carambolage, m. carrom, can- non (at billiards). caramel, m. caramel, burnt sugar. carcan, m. iron collar, pil- lory, jade. carcasse, /. carcass, skeleton, frame. cardinal, m. cardinal. caresser, v. to caress; cares- sant, -e, caressing. cargaison, /. cargo. cariatide, /. caryatid; du caf6=pilier du cafe". caricature, /. caricature. carillon, m. chimes, peal. carillonner, v. to chime. Carmagnole, /. kind of jacket, name of a revolutionary song. carpe, /. carp. carre", -e, adj. and s. square. carreau, m. flooring-tile, floor, pane. carrefour, m. cross-roads, square. carreler, v. to pave (with bricks, tiles). carre'nient, adv. squarely, flatly, to the point. carrifere, /. career. carriole, /. jaunting car, cart. carrosse, m. coach. carte, /. card, map. carton, m. cardboard, paste- board, box (for filing papers), cartoon. cartonnier, m. set of card- board boxes or drawers. cas, m. case, event, affair. case, /. cabin, hut, compart- ment, pigeon-hole. caserne, /. barracks. casernement, m. lodging in barracks, quarters. casque, m. helmet. casquette, /. cap. casser, v. to break, break off, annul; casse", -e, broken, decrepit. casserole, /. saucepan. caste, /. caste. VOCABULARY catechisme, m. catechism. cath&lrale, /. cathedral. cathedre, /. chair (teacher's, etc., little used). cauchemar, m. nightmare. cause, /. cause, reason; a de, because of; a que, because. causer, v. to cause, produce, chat. causerie, /. chat, chatting. cavalerie, /. cavalry. cavalier, m. rider, horseman, cavalier. caveau, m. vault, small cellar. Cayenne, capital of French Guiana (South America) and a penal settlement. ce, dem. pr. this, that, it; qui, que, which, what. ce, cette (pi. ces), dem. adj. pr. this, that; cette nuit, last night, to-night. ceci, dem. pr. this, this thing. cder, v. to cede, yield, give up. ceinture, /. belt, waist. cela, dem. pr. that, that thing; par meme que, because of the very fact that; abbreviated: ca; fa ira, name of a French revolutionary song. ce'lebre, adj. celebrated. ce'le'brer, v. to celebrate, ex- tol, solemnize. celeste, adj. celestial, heaven- ly. celibat, m. celibacy, single life. celibataire, m. bachelor. celle, see celui. cellule, /. cell. celui, celle (pi. ceux, celles), dem. pr. this, that, this one, etc.; ci, la, the lat- ter, the former; qui, he who, etc. cendre, /. ashes, cinders. cense'ment, adv. supposedly, virtually, practically. cent, card, one hundred. centaine, /. about one hun- dred. centieme, ord. hundredth. centime, m. centime (fifth of a cent). cependant, adv. and conj. however, yet, meantime. cercle, m. circle, club. cercueil, m. coffin, casket. ce're'monie, /. ceremony. cerisier, m. cherry-tree. cerner, v. to surround, invest. certain, -e, adj. certain. certainement, adv. certainly. certes, adv. certainly. certificat, m. certificate. certitude, /. certainty, assur- ance. cerveau, m. brain, intellect. cervelle, /. brains, brain, head, mind. cervier, see loup. 364 VOCABULARY cesse, /. ceasing, cessation, cesser, v. to cease, ceux, see celui. chacun, -e, pr. each, chagrin, m. grief, vexation, chaine, /. chain. chair, /. flesh, meat. chaire, /. pulpit, teacher's chair, desk, chair. chaise, /. chair; a por- teurs, sedan-chair, chile, m. shawl, chaleur, /. heat, warmth. chaloupe, /. launch, large rowboat. chalumeau, m. reed-pipe, blow-pipe. chamailler, v. to squabble; se , squabble, wrangle, chamarrer, v. to trim with lace, braid, chambarder, v. to smash, ransack (slang), chambre, /. chamber, room; de poupe, poop-cabin. chambre'e, /. chamberful, mess, barrack-room. chameau, m. camel, chamelier, m. camel-driver. champ, m. field. Champagne, /. Champagne (Province). champagne, m. champagne. champignon, m. mushroom. Champs-Elyse'es, pi., m. Ely- sian Fields, Champs-FJy- sees (avenue in Paris). chance, /. chance, luck. chanceler, v. to totter, stag, ger, waver, wave. changement, m. change. changer, v. to change; se , be changed; changeant, -e, changing, changeable, fickle. chanoine, m. canon (digni- tary of the church). chanson, /. song. chant, m. song, chant, canto. chanter, v. to sing, sing of, chant; chantant, -e, sing- ing. chanteur, m. singer; maitre , meistersinger. chapeau, m. hat. chapelain, m. chaplain. chapelet, m. chaplet, string (of beads, stones, etc.). chapelle, /. chapel. chaperon, m. hood, chaperon. chapitre, m. chapter. Chaptal, distinguished French chemist (1756-1832); col- lege , school in Paris. chaque, adj. each. char, m. cart, chariot; ft banes, wagonette. charbon, m. coal. charbonnier, m. charcoal-bur- ner, coal-dealer, collier. chardonneret, m. goldfinch. charge, /. charge, order, load, burden. charger, v. to charge, load, VOCABULARY 365 put in charge, commission; se , take charge, burden oneself. charitable, adj. charitable. charit6, /. charity. charlatan, m. charlatan, quack. charlatanisms, w. charlata- nism, quackery. Charlemagne, Charlemagne. charme, m. charm, delight. charmer, v. to charm; char- mant, ~e, adj. charming. Charonne (rue de), street in the Faubourg Saint-An- toine, Paris). charpente, /. timber-work, frame. charpentier, m. carpenter. Charpentier, a Parisian pub- lisher. charretier, -fere, adj. and s. for carts, carter, charioteer. charrette, /. cart. charrue, /. plow. Chartreuse (La Grande), /. Carthusian monastery for- merly near Grenoble, the monks have moved to Spain; chartreuse, /. cor- dial manufactured by these monks. chasse, /. hunt, hunting, chase. chasser, v. to chase, drive, drive away, hunt. chasseur, m. hunter. chassis, m. sash, frame. chastement, adv. chastely. chasuble, /. chasuble (gar- ment with cross on back and pillar on front worn over the alb). chat, m. cat. chataigne, /. chestnut. chatain, -e, adj. chestnut, brown. chateau, m. castle. Chateau -Neuf (du Pape), vil- lage and papal castle in the valley of the Rhone ten miles north of Avignon, also a wine made there. chatelaine, /. lady of a castle or manor. chatouillement, m. tickling. chatouiller, v. to tickle. chaud, -e, adj. and s. warm, hot, warmth. chaudement, adv. warmly, hotly. chauffer, v. to warm. chaumiSre, /. thatched cot- tage. chaumine, /. hut, hovel. chausser, v. to put on shoes or stockings. chaussette, /. sock, hose. chauve, adj. bald, bare. chaux, /. lime. chavirer, v. to capsize. chef, m. chief, leader. chef -lieu, m. chief town county-seat. 366 VOCABULARY chemin, m. way, road; grand , highway; de fer, railway; de (la) Croix, calvary. cheminee, /. chimney, fire- place, mantel. cheminer, v. to go on one's way, proceed, walk. chemise, /. shirt, chemise, en- velope (for papers). chene, m. oak. chenet, m. andiron. cher, -fire, adj. and s. dear. chercher, v. to search, seek, look for. che"ri, -e, adj. and s. beloved, darling. cheYubin, m. cherubim, cherub. chtif, -ive, adj. thin, puny, sickly, paltry, wretched. che"tivement, adv. miserably, poorly, meanly, wretchedly. cheval, m. horse; a , on horseback; a sur, astride, thoroughly famil- iar with. chevalier, m. knight, cavalier. chevelu, -e, adj. long-haired, hairy (applied to Romantic poets). chevelure, /. head of hair, hair. cheveu, m. hair; en cheveux, bareheaded, made of hair. chevre, /. goat. chez, prep, at the house of, with, in. chic, adj. and m. stylish, smart, style, stylishness. chien, m. dog. chiffon, m. rag, trinket. chiffonner, v. to crumple, rumple. Chine, /. China. chinois, -e, adj. and s. Chi- nese, Chinaman (written Chinois, when s.). chiourme, /. crew of galley- slaves, convict-prison; m. = garde -chiourme. chirurgical, -e, adj. surgical. chirurgien, m. surgeon. choc, m. shock, striking to- gether, collision. chceur, m. choir, chorus. choisir, v. to choose. choix, m. choice. chope, /. beer-glass. chose, /. thing, autre , something else. chou, m. cabbage. chouette, /. kind of screech- owl, chough. choyer, v. to fondle, coddle, pet. chre'tien, -ne, adj. and s. Christian. chronique, /. chronicle. chronique, adj. chronic. chuchotement, m. whisper- ing, whisper. chuchoter, v. to whisper. chut, inter j. hush! chute, /. fall. VOCABULARY 367 ci, adv. here (frequent as suffix, celui-ci, etc.); par par la, here and there, now and then. ciboire, m. ciborium, pyx (vase for the host), cidre, m. cider. ciel, m. sky, heaven, cierge, /. taper, cigale, /. grasshopper; avoir des cigales en tete, to have a bee in the bonnet, be tipsy. cigare, m. cigar. cil, m. eyelash. cilice, m. haircloth, cime, /. summit, top. cimeterre, m. scimitar (broad curved sword). cimetiere, m. cemetery, cinq, card. five, cinquante, card, fifty, circonstance, /. circumstance, circulation, /. circulation, moving around. cire, /. wax. cirer, v. to wax, polish; toile cire"e, oilcloth. cireur, m. bootblack, ciseler, v. to chisel, chase, ciseleur, m. chiseler, chaser, sculptor. cite", /. oldest part of a city, city. citer, v. to cite, citoyen, -ne, m., f. citizen, citre, m. regularly used in Old French for a kind of pumpkin or melon, no longer used in north of France. civiere, /. litter. civilement, adv. civilly. civilisation, /. civilization. clair, -e, adj., adv. and s. clear, light-colored, clearly; de lune, moonlight. Claire, Clara. clairement, adv. clearly. claire-voie, /. lattice, lattice- gate. clameur, /. clamor, uproar. clapoteux, -euse, adj. chop- ping, choppy. claquement, m. clapping, snapping. claquer, v. to clap, snap, crack, chatter (of the teeth). clarte, /. light, splendor, bril- liancy, glow. classe, /. class. classer, v. to class, classify. claudicant, -e, adj. and pres- ent participle, limping (La- tinism). clavier, m. key-ring. clef, /. key. Cleopatre, Cleopatra. clerc, m. clerk (church). clerge", m. clergy. Clennont, village in north- east France, department of Meuse (full name: en- Argonne) . 3 68 VOCABULARY Clichy, town beyond northern limit of Paris, street and square in northern section of Paris, a debtor's prison was formerly here located. client, m. client, customer. clientele, /. practice, custom, customers. clignoter, v. to wink, blink. climat, m. climate. clin, m. wink; en un d'oeil, in the twinkling of an eye. cliquette, /. snappers. cloaque, m. cloaca, sewer, sink. cloche, /. large bell. clocher, m. belfry. clocheton, m. bell-turret, bel- fry. clochette, /. small or hand bell. cloitre, m. cloister. clore, v. to dose (defective and little used). clou, m, nail. clouer, v. to nail, fix. coaguler, v. to coagulate; se , coagulate. coche, /. barge. cocher, m. coachman. cochon, m. pig, hog. cocotte, /. saucepan. code, m. code. cceur, m. heart, center, hearts (at cards) ; de bon , heart- a y . coffret, m. small box, jewel- casket. cogn6e, /. axe, hatchet (for felling). cogner, v. to knock, strike. cohue, /. throng, press, crowd. coiffe, /. head-dress, cap. coiffer, v. to put on the head, dress the hair; coiffe, -e (de), wearing on the head. coin, m. corner. col, m. neck, collar (in the sense of neck, col is old, cou is now used). col&re, /. anger. colimacon, m. snail; en , spiral. colle, /. glue, paste. collecte, /. collection. college, m. school, high- school. collegue, m. colleague. coller, v. to stick, glue, stick or fasten on, hold fast. collet, m. collar. collier, m. necklace. colline, /. hill. colombe, /. dove. Colombes, small town beyond northwest limit of Paris. colonel, m. colonel. colonie, /. colony. colonne, /. column. colonnette, /. small column. colorer, v. to color; se , be- come colored. VOCABULARY 369 colorier, v. to color, stain. combat, m. combat, fight, struggle. combattant, m. combatant, fighter. combattre, v. to combat, fight. combien, adv. how much, how many, how. combinaison, /. combination. combiner, v. to combine, con- trive. combler, v. to fill up, heap; se , be filled up. comite", m. committee. commandant, m. comman- dant, commander. commande, /. command, or- der. commander, v. to command, order, give orders. comme, adv. and conj. as, so, how, as if, as it were; un autre, as any one else. commencement, m. com- mencement, beginning. commencer, v. to commence, begin. comment, adv. and inter}. how, what!; s'appelle- t-il, what is his name ? commentateur, m. commen- tator. commenter, v. to comment, comment on. commercant, m. tradesman, merchant. commerce, m. commerce, business, trade; faire le de, trade in. commere, /. godmother, gos- sip. commettre, v. to commit, in- trust. commis, m. clerk. commission, /. commission, committee. commode, adj. comfortable. commode'ment, adv. comfort- ably. communaute', /. community, society. commune, /. commune. communicatif, -ive, adj. com- municative, contagious. communiquer, v. to commu- nicate, make known, run. compagne, /. companion, hel- per, wife. compagnie, /. company; de bonne , well-bred; de mauvaise , ill-bred, im- proper. compagnon, m. companion, workman (who is not yet a maltre, applied particu- larly to masons). compasser, v. to measure, weigh, regulate. compassion, /. compassion. compensation, /. compensa- tion. compere, m. godfather, crony, gossip. VOCABULARY complainte, /. complaint, lam- entation. complaire, v. to please; se , take delight. complaisance, /. complacency, kindness. complet, -fete, adj. complete. completement, adz;, complete- iy. compllter, v. to complete. complice, m., f. accomplice. complicity, /. complicity. complies, pi., /. compline (last of the service after vespers). compliment, m. compliment. complimenter, v. to compli- ment. compliquer, v. to complicate; complique, -e, complicated. complot, m. plot. componction, /. compunction, repentance. comporter, v. to allow; se , behave. composer, v. to compose; se , be composed. composition, /. composition. comprendre, v. to understand. compressibility, /. compressi- bility. compression, /. compression, pressure. comprimer, v. to compress, check. compromettre, v. to compro- mize, involve. comptable, adj. accountable, responsible. compte, m. count, account, reckoning, calculation, re- gard. compter, v. to count, number, include, pay, count on. comptoir, m. counter, bar. compulser, v. to examine, look over. Comtat (le), district around Avignon, belonged to the popes from 1274 to 1791 (full name: Comtat -Ve- naissin) . comte, m. count. comtesse, /. countess. concentrer, v. to concentrate. concert, m. concert, harmony. concevoir, i>. to conceive, ap- prehend. concierge, m. concierge, door- keeper, porter. concilier, v. to conciliate; se , be reconciled. conclure, v. to conclude. conclusion, /. conclusion. condamner, v. to condemn; condamne, -e, condemned one condemned. condition,/, condition, service. conducteur, m. conductor, driver, leader. conduire, v . to conduct, drive, lead, take. confection, /. making, con- struction. VOCABULARY 371 conference, /. conference, lec- ture. confesser, v. to confess, hear confession. confesseur, m. confessor. confiance, /. confidence. confidence, /. confidential re- mark, secret. confier, v. to confide; se a, trust. confisquer, v. to confiscate. confiteor, m. confiteor, prayer (of the Catholic service before confession). confondre (se), v. to be con- founded, be confused, lose oneself. conformer (se), v. to conform, comply. confortable, adj. and s. com- fortable, comfort. confrere, m. colleague, fellow- member. confrerie, /. brotherhood, sis- terhood. confronter, v. to confront. confus, -e, adj. confused. confusement, adv. confused- ly, indistinctly. confusion, /. confusion. conge, m. leave, dismissal. congedier, v. to dismiss, dis- charge. congrument, adv. congruous- ly, properly. conjuration, /. conspiracy. conjure", m. conspirator. conjurer, v. to conjure, pray urgently. connaissance, /. acquaint- ance, consciousness, knowl- edge. connaisseur, m. connoisseur, good judge. connaitre, v. to be acquainted with, know, learn of; con- nu, -e, known, well known; ca me connait, I know about that, I've been there; se a, know about. conque, /. conch, sea-shell. conqu6rant, m. conqueror. conque'rir, v. to conquer, gain, win. conqufcte, /. conquest. conscience, /. conscience. consciencieusement, adv. con- scientiously. consecutif, -ive, adj. consec- utive. conseil, m. counsel, council. consentement, m. consent. consentir, v. to consent, agree. consequence, /. consequence. consequent (with par), conj. consequently, therefore. conservation, /. preservation. conserver, v. to preserve. considerable, adj. consider- able. considdrablement, adv. con- siderably. consideration, /. considera- tion, reflection. 372 VOCABULARY considerer, v. to consider, look at. consolation, /. consolation. console, /. bracket. consoler, v. to console; se , be consoled. consommation, j. consumma- tion, drink. constamment, adv. constantly. Constance, /. constancy, firm- ness. Constant, name of a dance- hall in Paris. Constantino, chef-lieu of the department of the same name in Algeria, has be- longed to France since 1837- constater, v. to verify, ascer- tain, settle. consteller, v. to star. consternation, /. consterna- tion. consterner, v. to astound, dis- may, strike with conster- nation. constituer, v. to constitute, make up; se , give one- self up. constitution, /. constitution. construction, /. construction. construire, v. to construct, build. consulter, v, to consult. contact, m. contact. contagieuz, -euse, adj. con- tagious. conte, m. short story, tale. contemplation, /. contempla- tion. contempler, v. to contem- plate, survey. contenance, /. countenance. contenir, v. to contain, re- strain. content, -e, adj. contented, happy, glad, satisfied. contenter, v. to content, sat- isfy; se , be contented. contenu, m. contents. center, v. to tell, tell of, re- count, relate. conteur, m. story-teller, nar- rator. contigu, -e, adj. adjacent. continu, -e, adj. continuous. continuel, -le, adj. contin- ual. continuer, v. to continue. contour, m. contour, outline, circumference, edge. contractant, -e, adj. con- tracting. contradictoire, adj. contra- dictory. contraindre, v. to constrain, compel. contraire, adj. and s. con- trary. contrarier, v. to thwart, pro- voke, contradict. contraste, m. contrast. contraster, v. to contrast. centre, prep, against, close VOCABULARY 373 by; tout , right against; troqucr , swap for. centre -coup, m. rebound. contredire, v. to contradict. contr6e, /. country, region. contre-maltre, m. foreman, boatswain's mate. ontre marque, /. check, door- check. contretemps, m. unseason- ableness, accident; a , unseasonably, at the wrong time. contribution, /. contribution, tax. convaincre, v. to convince. convalescence, /. convales- cence. convalescent, m. convales- cent. convenable, adj. suitable, pro- per. convenance, /. fitness, suit- ableness; a sa , to his taste. convenir, v. to suit, agree. conversation, /. conversation. converser, v. to converse. conviction, /. conviction. convoi, m. convoy, escort, funeral procession. convulsif, -ive, adj. convul- sive. convulsion, /. convulsion, fit. coordonner, v. to c -ordinate, arrange. copeau, m. chip, shaving. copie, /. copy. copier, v. to copy. coq, m. cock; de bruyert, heath-cock, grouse. coque, /. shell, hull. coquelicot, m. wild poppy. coquet, -te, adj. coquettish, smart. coquetterie, /. coquetry. coquillage m. shell, shell- work. coquin, -e, m., f. rascal, rogue. cor, m. horn; donner du , to blow the horn. corbeau, m. raven, crow. corbeille, /. basket. cordage, m. cordage, rope. corde, /. line, rope, cord. cordon, m. cord, string. Coriolan, Coriolanus. cormoran, m. cormorant. come, /. horn. cornue, /. retort. corporation, /. corporation. corps, m. body; a , hand to hand; prendre du , get stout. correct, -e t adj. correct, accu- rate. correction, /. correction. correctionnelle, /. court for misdemeanors. corriger, v. to correct, re- move. corrompre, v. to corrupt. 374 VOCABULARY corsaire, adj. and m. pirate, privateer. Corse, /. Corsica. c6te, /. rib, slope, coast; & , side by side. cote", m. side, direction; du de, in the direction of; de , to or on one side, side- wise; de et d'autre, on one side and on the other. coteau, m. hillock, hill. cotonnade, /. cotton fabrics. cou, m. neck. couchant, -e, adj. and m. setting, sunset, west. couche, /. couch, bed; arbre de , shaft. coucher, v. to put to bed, lay, sleep, set; se , go to bed, lie down; couche, e, lying down, in bed, recum- bent; en joue, aim at. coucheur, m. bed-fellow, per- son hard to get on with. coude, m. elbow. coudoyer, v. to elbow, jostle, touch elbows with. coudre, v. to sew. couler, v. to flow, run, run down, trickle down, sink, pour out. couleur, /. color. coulpe, /. sin, fault; faire sa , confess one's sins, do penance. coup, m. blow, stroke, shot, sip, gulp, gust, cast, nod, deed; tout d'un , all of a sudden; tout & , all of a sudden, suddenly; pour le , for once, this time; sur , time after time; de bee, wipe, taunt; d'ceil, glance; de pied, kick; de fusil, gunshot; fusil a deux coups, double- barreled gun. coupable, adj. culpable, guilty. coupe, /. cup, bowl. coupe", m. coupe, brougham. couper, v. to cut. couple, /. couple (masculine when objects not alike). couplet, m. couplet, stanza. cour, /. court, yard. courage, m. courage. courageusement, adv. cour- ageously. courageux, -euse, adj. cour- ageous, brave. courant, m. current, course; au de, in touch with. courbe, /. curve. courber, v. to curve, bend. courir, v. to run, run around, hasten away, play. couronne, /. crown. couronner, v. to crown. courrier, m. courier, mail. courTOUce", -e, adj. angry, raging. cours, m. course, stream. course, /. course, race; a la , on a run. VOCABULARY 375 coursier, m. courser, steed. court, -e, adj. short. courtier, m. broker, agent. cousin, -e, m., /. cousin. couteau, m. knife. couter, -v. to cost, be costly, be a trouble. couteux, -euse, adj. costly. coutume, /. custom. coutumier, -ere, adj. custo- mary, habitual, accus- tomed. couvent, m. convent, mon- astery. couver, v. to brood on or over, sit. couvercle, m. cover. couvert, m. cover (at table); mettre le , lay the table; a , protected, sheltered. couverture, /. cover, cover- ing. couvrir, v. to cover; se , be covered. crachat, m. spit, spittle. cracher, v. to spit. craindre, v. to fear, dread. crainte, /. fear, dread. craintif, -ive, adj. fearful, timorous. crarnpe, /. cramp. crane, m. skull, cranium. craquement, m. cracking, crackling. craquer, v. to crack, crackle. cravache, /. riding-whip. cravate, /. cravat. crayeux, -use, adj. of chalk, chalky, crayon, m. pencil. creance, /. credence, belief. creation, /. creation. creature, /. creature. crecelle, /. rattle. creche, /. crib, manger. credo, m. creed. creer, v. to create. creneau, m. battlement. crfipe, m. crape. cre"pitement, m. crackling. cre"pu, -e, adj. frizzled, woolly. crepuscule, m. twilight. crfete, /. crest, comb (of a bird, etc.). creuser, v. to dig, hollow, hollow out, scoop out, rack. creux, -euse, adj. and s. hol- low, empty, shallow; de son venire, pit of his stomach. creVasse, /. crevass. crever, v. to burst open, burst, break, split, tear, die. cri, m. cry, shout. criard, -e, adj. noisy, shrill, sharp, screaming, squal- ling; dette criarde, crying debt. crible, m. sieve. cribler, v. to riddle, pierce all over. eric, m. jack (for lifting, etc.). 376 VOCABULARY crier, v. to cry, call, creak, crack. crieur, m. crier. crime, m. crime. Crimee, /. Crimea, peninsula in the Black Sea (scene of war between Russia, on one side, and France, Eng- land and Piedmont, on the other, 1854-1855). criminel, -le, adj. criminal. Criquetot, Norman village 15 miles north of Le Havre. crise, /. crisis, attack. crisper, v. to contract, shrivel up, clench, irritate (the nerves), subject to a ner- vous strain. cristal, m. crystal, cut glass. critiquer, v. to criticize. croasser, v. to croak. crochet, m. hook, calk or calkin (of a horseshoe). crochu, -e, adj. hooked, crooked. croire, v. to believe; a, be- lieve in; je crois bien, in- deed I do, indeed I am, etc. croisee, /. window, casement, transept. croiser, v. to cross, intersect; croise", -e, crossed, alter- nating. croiseur, m. cruiser. croisiere, /. cruising, police service by cruisers. croitre, -v. to increase, grow; croissant, -, increasing, growing. croix, /. cross. crosse, /. butt-end, shepherd's staff, crosier (of a bishop or abbot). crotte, /. dirt, mire, mud, dung. crotte", -e, adj. covered with dirt, dirty, squalid. crouler, v. to crumble, fall in. croupe, /. crupper, buttocks; en , behind. croute, /. crust. croyable, adj. believable, cred- ible. croyance, /. belief, faith, creed. cru, m. growth, soil, vine- yard; vin du , native wine. cru, -e, adj. raw, crude, harsh. cruaute", /. cruelty. crucifix, m. crucifix. erudite, /. crudity, rawness, harshness. cruel, -le, adj. cruel. cruellement, adv. cruelly. cucule, /. monk's cowl, scap- ulary (band worn over the priest's garment). cueillir, v . to gather. cuiller, /. spoon. cuir, m. leather. cuirasse, /. cuirass, breast- plate. VOCABULARY 377 cuirasse", -e, adj. iron-plated, hardened. cuirassier, m. cuirassier (cav- alryman wearing a cuirass). cuire, v. to cook; Tin cuit, mulled wine. cuisine, /. kitchen. cuisse, /. thigh. cuivre, m. copper. cul, m. bottom, back. culbuter, v. to send head over heels, throw over, over- throw. culotte, /. breeches. culotter, v. to color (a pipe). cultivateur, m. cultivator, far- mer. cupidite", /. cupidity, cove- tousness. cure, /. cure, healing, treat- ment. cure, m. vicar, parish-priest. curieusement, adv. curiously. curieux, -euse, adj. curious. curiosite, /. curiosity. cuve, /. vat, tub. cuver, v. to ferment, sleep off. cygne, m. swan. cymbale, /. cymbal. cymballer, m. cymbal-player. cyniquement, adv. cynically. d', see de. dague, /. dagger. daigner, v. to deign. dalle, /. flagstone. damas, m. damask (kind of silk with raised figures, also linen of the same pattern). dame, /. lady. dame, inter j. indeed!, well now! damnation, /. damnation. damner, v. to damn. Dandin, principal character of Moliere's comedy by this name (George Dandin) , now stands for a weak husband who has to put up with the caprices of his wife. dandy, m. dandy. danger, m. danger. dangereux, -euse, adj. dan- gerous. dans, prep, in, into, at, to. danse, /. dance; mettre en , set dancing. danser, v. to dance. danseur, -euse, m., f. dancer, partner. date, /. date. dater, v. to date. davantage, adv. still more, more. David, French painter (1748- 1825). de, prep, of, from, by, with, in, to, on, in regard to, for, during, than, ago, = English possessive (*s). debacle, /. breaking up, thaw, overthrow, downfall. 378 VOCABULARY de'barquement, m. landing. de"barquer, v. to disembark, land. de"barrasser, v. to disembar- rass, free. dbarricader, v. to take down the barricade, open. de"bat, m. debate, dispute, controversy. de"battre, v. to debate; se , be debated, struggle, writhe. dSbauche, /. debauch, de- bauchery, dissoluteness. de"baucher, v. to debauch, en- tice away. de"biter, v. to retail, sell, utter. d^bordement, m. overflow, overflowing. de'boucher, v. to uncork, open. debout, adv. upright, stand- ing; se tenir , to stand. debris, m. debris, remains, wreckage, ruins. de"brouiller, v. to unravel, solve, straighten out. de'but, m. beginning. deca, prep, and adv. on this side; ... dela, hither .... thither, here . . . there. de"capiter, ' v. to decapitate, behead. de*cembre, m. December. decent, -e, adj. decent. deception, /. deception. de"chainer, v. to unchain, let loose. de"charge, /. discharge. d^charger, v. to discharge; se , empty. decharne, -e, adj. emaciated, thin. dechiqueter, v. to cut to pieces, slash. deciliter, v. to tear, rend, lacerate, divide; se , be torn, be torn asunder; de"- chirant, -e, heartrending. de'cide'ment, adv. decidedly. decider, v. to decide; se , decide, be decided, make up one's mind. decimer, v. to decimate, de- stroy. declaration, /. declaration. declarer, v. to declare. declasse, -e, adj. and s. un- classed, one dropped from one's class, waif. decoller, v. to behead, un- stitch, take the paste off. decomposition, /. decomposi- tion, dissolution. deconvenue, /. mishap, dis- comfiture. decoration, /. decoration, badge, order. decorer, v. to decorate, confer a medal on. decouper, v. to cut off or out, cut, bring out, cause to stand out. VOCABULARY 379 decoupure, /. cutting out, cutting, outline. encouragement, m. discour- agement. decourager, v. to discourage; decourageant, -e, discour- aging. dfe'couverte, /. discovery. dficouvrir, v. to discover, un- cover; se , be discovered. de"crire, v. to describe. de"crocher, v. to unhook, take down. d&upler, v. to decuple, in- crease tenfold. d&Iaigner, v. to disdain. dedaigneux, -euse, adj. dis- dainful. dedain, m. disdain. dedans, adv. and s. inside, within, in it, etc.; au , within; la , in there, in it, etc.; mettre , get into a scrape, cheat. d&lorer, v. to ungild; dedore", -e, with the gilding taken off or worn off. def alliance, /. weakness, faintness. defaillir, v. to fail, grow weak, faint; defaillant, -e, weak- ening. defaire, v. to undo, untie, put in disorder; se , get rid (of); defait, -e, undone, in disorder, with distorted features. dgfaite, /. defeat. defaut, m. fault, weak side, defect, blemish; en , at fault, defendre, v. to defend, forbid, prohibit; se , defend one- self, deny, defense, /. defense, defenseur, m. defender. defiance, /. distrust. de"fier, v. to defy, defile, m. filing-by. defiler, v. to file by, march off. de"f oncer, v. to stave in, break in. de"former, v. to deform, put out of shape. defralchir, v. to take away the freshness; defraichi, -e, faded. de"frayer, v. to defray, carry on, amuse. de"froque, /. old clothes. de"gager, v. to disengage, set free, give forth. de"geler, v. to thaw; se , thaw out. de'ge'ne'rer, v. to degenerate. de"gouter, v. to disgust; d6- goutant, -e, disgusting. degr6, m. degree, step, rung. d6gringoler, v. to tumble down, roll or scramble down. deguenille, -e, adj. ragged, deguiser, v. to disguise, cloak, deguster, v. to taste. 3 8o VOCABULARY dehors, adv. and s. outside, out, out of doors; du , exterior; au , outside, without. deja, adv. already. dejeuner, v. to breakfast, lunch; m. breakfast, lunch. dela, prep, and adv. beyond, thither, there; au de, beyond. deiabrer, v. to tear to pieces, dilapidate, shatter. deiai, m. delay. deiaisser, v. to abandon, for- sake. deiasser (se), v. to repose, refresh oneself. delectable, adj. delectable, delicious. deliberation, /. deliberation. deiiberer, v. to deliberate. deiicat, -e, adj. delicate. deiicatement, adv. delicately. deiicatesse, /. delicacy, deft- ness. delices, pi., f. delight. deiicieusementl adv. deli- ciously, delightfully. delicieux, -euse, adj. deli- cious, delightful. deiier, v. to untie. deiire, m. delirium. delit, m. offense, misdemea- nor. dflivrance, /. delivrance, de- li rery. deiivrer, v. to deliver, free. deioger, v. to dislodge, put out. deluge, m. deluge, flood. demain, adv. to-morrow. demande, /. request, demand, offer of marriage. demander, v. to request, ask, ask for, demand; la porte, call out for the door to be opened. demanger, v. to itch. demarche, /. gait, act; faire cette , take this step. demasquer, v. to unmask. demater, v. to dismast. deme'ler, v. to disentangle, unravel, distinguish. demence, /. dementia, in- sanity. demener (se), v. to struggle, jump about, knock about, busy oneself, make much ado. demesurement, adv. immod- erately, excessively, very widely. demeure, /. dwelling, abode. demeurer, v. to remain, live. demi, -e, adj. half (frequent prefix); a , half-way. demi-porte, /. half-door, half- gate, low gate. demi-tour, m. half-turn; faire un sur lui-meme, to turn around. democrate, m. democrat. demode, -, adj. out of style. VOCABULARY demoiselle, /. young lady, miss, dragon-fly, paving- rammer, sledge-hammer. demolir, v. to demolish. demolition, /. demolition, rub- bish, materials of a building that has been torn down. de'mon, m. demon, devil. demonstration, /. demonstra- tion. demontrer, v. to demonstrate, show. denaturer, v. to change the nature of, misconstrue, mis- represent. denier, m. farthing, penny; beaux deniers comptants, ready money. denoncer, v. to denounce. denouement, m. denouement, solution, end. denouer, v. to untie. dent, /. tooth; mordre a belles dents, to bite as hard as possible. dentele", -e, adj. denticulated, notched, like lace. dentelle, /. lace, work resem- bling lact. deo gratias (Latin), thanks be to God. de'part, m. departure. d6passer, v. to pass beyond. de'payser, v. to send from home, put out of one's natural surroundings. depeche, /. despatch. de"pecher, v. to hasten, hurry; se , hasten, hurry. dependre, v. to depend, be subject, belong. depens, />/., m. expense. depense, /. expense, larder, pantry. depensier, -ere, adj. extrava- gant. deperir, v. to perish, pine away. depeupler, v. to depopulate, unstock; se , be depopu- lated. depit, m. spite, vexation. deplaire, v. to displease. de"plorer, v. to deplore. deployer, v. ^c unfold, display, put in acti, . de"poser, v. to put down. depouiller, v. to strip. depuis, prep, from, for; que, conj. since. deraciner, v. to uproot. deYaisonnable, adj. unreason- able. deraisonner, v. to wander, rave. deYanger, v. '.o derange, dis- turb, inconvenience. derangement, m. derange- ment, disarrangement, dis- order. deYider, v. to unwrinkle, smooth, cheer up. dernier, -ire, adj. last, lowest derober, v. to steal, conceal; VOCABULARY se , steal away, slip away; a la d^robe'e, stealthily. derouler (se), v. to unrdl spread out. deroute, /. rout, defeat, con- fusion, flight. derriere, prep., adv. and *. behind, rear, back; pfed de , hind foot; par , behind, from behind. des, prep, from, since, at; 1'escalier, as soon as the stairway was reached; que, con], as soon as, when. des = de les. dsappointer, v. to disappoint. de'sarmer, v. to disarm. de'sarroi, m. disorder, con- fusion. desastre, m. disaster. de"sastreux, -euse, adj. dis- astrous. de'savantage, m. disadvan- tage. de"savouer, v. to disavow, dis- own, deny. Desbordes -Valmore (Marce- line), Flemish author of short stories and fables (1787-1859). descendant, m. descendant. descendre, v. to descend, go down stairs, run down, take down, land, dismount, get out (of a carriage, etc.). descente, /. descent, declivity. description, /. description. de'senfariner, v. to take the flour off (little used). d6sennuyer (se), v. to divert oneself. de'sert, -e, adj. and s. deserted, desert. desesperement, adv. desper- ately. de'sespe'rer, v. to despair; de"s- espe're', -e, desperate, dis- heartened, desperate per- son. desespoir, m. despair, despe- ration; en de cause, as a last shift. dishonorer, v. to dishonor. designer, v. to designate, point out. de"sinteressement, m. disinter- estedness. d<5sir, m. desire, wish, eager- ness. dsirer, v. to desire, wish, covet. de"soler, v. to desolate, grieve, render disconsolate; se , grieve, be distressed, be dis- consolate; de'sole', -e", dis- consolate, desolate, grieved. de'sordre, m. disorder. de'sormais, adv. henceforth. desquels=de lesquels. dess6cher, v. to dry up, wither, exhaust. dessein, m. design, aim, pur- pose, object. dessert, m. dessert. VOCABULARY desservir, v. to clear the table, serve. dessin, m. design, drawing. dessiner, v. to design; se , be designed, appear, be seen. dessous, adv., prep, and s. below, under, lower side; au de, below, beneath; la , beneath, under- neath; par , beneath; avoir le , to be at the bottom, have the worst of it. dessus, adv., prep, and s. above, over, on, upper hand, top, over it, etc.; au de, above; par , over, above ; par le bord, over- board; la , thereupon, upon that subject; par la- , over all; monter , mount, get on; a de, with a top of. destin, m. destiny, fate. destination, /. destination. destinee, /. destiny. destiner, v. to destine, in- tend. destructeur, m. destroyer. destruction, /. destruction. detachement, m. detachment, troop. detacher, v . to detach, let go, give (a blow, etc.); se , stand out. detail, m. detail. de"teindre, v. to fade. de"tendre, v. to unbend, slacken; se , relax. detente, /. trigger. detenu, -e, m., /. person kept in confinement, prisoner; Jeunes Detenus, Reforma- tory. determiner, v. to determine. dtester, v. to detest. detonation, /. detonation, re- port. detour, m. detour, turn, turn- ing. de'tourner, v. to turn aside; detourae", -e, turned aside, indirect. de"tresse, /. distress. de"troit, m. straits. de"tromper, v. to undeceive. de"truire, v. to destroy. dette, /. debt. deuil, m. mourning, sorrow, period of mourning. deux, card, two; et de , two done! deuxieme, ord. second (ab- breviated: 2 e ). deValer, v. to go down, let down. deValiser, v. to rob, strip, go through. devant, prep., adv. and s. be- fore, in front of, front; par , in front; au de, to meet. devenir, v. to become; qu'est- VOCABULARY il devenu, what has become of him ? deVergonde", -e, adj. shame- less. d6vetir, v. to undress. dlvier, v. to deviate, swerve, put out of a straight line. deviner, v. to divine, conjec- ture, guess. deviser, v. to chat. devoir, v. must, ought, to owe, be obliged, be; m. duty; du, due, due. dlvorer, v. to devour. deVot, -e, adj. and s. devout, devout person. deVotion, /. devotion. devouement, m. devotion, self- sacrifice. dia, inter j. haw! (to call horses, etc., to the left). diable, m. devil. diabolique, adj. diabolical. dialecte, m. dialect. dialogue, m. dialogue. diamant, m. diamond. diantre, m. and inter j. deuce, the deuce! dictee, /. dictation. dieter, v. to dictate. dicton, m. saying, proverb. diete, /. diet, dieting. Dieu, m. God; mon , heavens, etc. difference, /. difference. different, -e, adj. different. difficile, adj. difficult. difficult^, /. difficulty. digne, adj. worthy, dignified. dignite", /. dignity. diligence, /. diligence, stage- coach. dimanche, m. Sunday. dimension, /. dimension. diminuer, v. to diminish, lessen. diminution, /. diminution. dinde, /. turkey-hen. diner, v. to dine; m. dinner. dineur, m. diner. diplomatic, /. diplomacy. dire, v. to say, tell, tell of, call, pronounce, speak; se , say to oneself, be said; pour sinsi , so to speak; c'est-a , that is to say; c'est dit, it's settled. direct, -e, adj. direct. direction, /. direction, man- agement; generate, gen- eral management. diriger, v. to direct; se , go (towards, etc.). discerner, v. to discern, per- ceive, see. discipline, /. discipline, pun- ishment. discours, m. discourse, speech, conversation. discretement, adv. discreetly. discretion, /. discretion. discussion, /. discussion. discuter, v. to discuss, argue. disette, /. want, need. VOCABULARY 35 disjoindre, v. to disjoin, sepa- rate. disparaitre, v. to disappear. dispenser, v. to free, exempt, excuse; se , dispense (with), avoid. disperser, v. to disperse; se , be dispersed, disperse. disposer, v. to dispose, ar- range, incline; se , dis- pose oneself, prepare. disposition, /. disposition, dis- posal. dispute, /. dispute, quarrel. disputer, -v. to dispute; se , dispute with one another. dissijnuler, v. to dissimulate, hide. dissiper, v . to dissipate, scat- ter; se , be dissipated, disappear. distance, /. distance. distillerie, /. distillery. distinctement, adv. distinctly. distinguer, v. to distinguish, make out; distingue, -e, distinguished. distique, m. distich, couplet. distraction, /. distraction. distraire, v. to distract, divert, amuse; distrait, -e, inat- tentive, absorbed, heedless. disrribuer, v. to distribute. dithyrambe, m. dithyrambic (enthusiastic lyric poem). divagation, /. wandering, rambling. divan, m. sofa. divers, -e, adj. diverse, differ- ent. divin, -e, adj. divine. division, /. division. dix, card. ten. dix-huit, card, eighteen. dixieme, ord. tenth. dix-neuf, card, nineteen. dix-sept, card, seventeen. dix-septieme, ord. seven- teenth. dizaine, /. about ten, half a score. docile, adj. docile. docte, adj. learned, erudite. docteur, m. doctor. dogue, m. bulldog. doigt, m. finger. dole"ance, /. complaint, la- ment. dom, m. dom (religious title). dome, m. dome. domestique, adj. and s. do- mestic, servant. domicile, m. domicile, abode. dominer, v. to dominate, over- look. Dominus vobiscum (Latin), the Lord be with you; Domine, vocative, O Lord. dompter, v. to tame, subdue, master. don, m. gift, don (Spanish title). dona, dona, /. donna, dona (Spanish title). 3 86 VOCABULARY done, conj. t adv. and inter]'. then, therefore, pray, do, just, now. dormer, v. to give, cause; sur, open on; se , give or represent oneself, take (trouble), donneur, m. giver. dont, rel. pr. of which, with, in, on, by which, etc. dorenavant, adv. henceforth, in future. dorer, v. to gild; dore", -e, gilded, golden. dormeur, m. sleeper, dormir, v. to sleep. dorure, /. gilding, gilt, dos, m. back, dossier, m. back (of a seat), bundle of papers, report, file. dot, /. dowry. douairiere, /. dowager, douane, /. custom-house. douanier, m. custom-house official. double, adj. double, doubler, v. to double. doucement, adv. sweetly, gently, softly, quietly. doucereux, -euse, adj. sweet- ish, sweet or gentle but not agreeable, doucettement, adv. rather gently, moderately, nicely (familiar). douceur, /. gentleness, soft- ness, mildness, agreeable temperature. douche, /. shower-bath. douer, v. to endow. douleur, /. pain, grief, sorrow douloureusement, adv. pain- fully. douloureux, -euse, adj. pain^ fid. doute, m. doubt. douter, v. to doubt; se de, suspect. douteux, -euse, adj. doubtful, uncertain. doux, douce, adj. sweet, gentle, soft, mild. douzaine, /. dozen. douze, card, twelve. dragon, m. dragon. dramatique, adj. dramatic. drarne, m. drama, tragedy. drap, m. cloth. drapeau, m. flag. draper, v. to drape, cover; se , dress oneself. drelindin, adv. ting - a - ling (onomatopoetic) . dresser, v. to erect, raise, straighten up, set up, draw up, train, lay; se , draw oneself up, rise. drogue, /. drug. droit, -e, adj., adv. and m. straight, erect, right, up- right, directly; a bon , by good right; droite, /. right hand. VOCABULARY 387 dr&le, adj. droll, comical, ludicrous, odd; m. ras- cal. dru, -e, adj. and adv. thick, thickly, fast. du = de le. due, m. duke; de Nemours, second son of Louis-Phil- ippe, took part in the Algerian campaigns. duel, m. duel. dune, /. dune, downs dupe, /. dupe. duquel = de lequel. dur, -e, adj. hard; a la dure, rigorously, harshly. durant, prep, during. dure"e, /. duration. durer, v. to last. duvet, m. down. E e, abbreviation for ordinals: 2 e , etc. au, /. water; de vie, brandy; aux eaux, at the watering-place; laver a grande , scrub (by throw- ing on water); mouiller a grande , to use much fresh water on, soak; prendre les eaux, to take the cure. e"battre (s'), v. to skip about, frolic. baubi, -e, adj. amazed, as- tounded. e"bauche, /. sketch, rough draft, something still in the rough. e"baucher, v. to sketch, make only part way or awk- wardly. e"bene, m. ebony, jet-black; bois d' , see bois. e"blouir, v. to dazzle. eT>louissement, m. dazzling, giddiness. e'bouriffe', -e, adj. in disorder, with disheveled hair or head-feathers, in a flurry. ebranlement, m. shaking, up- roar, concussion. e"branler, v. to shake, move. gbrecher, v. to notch. e"caille, /. scale, shell, flake, chip. e*carlate, s. used adjectively, scarlet. cart, m. digression, error; & P , aside. carte", see ^carter. ^carter, v. to turn aside, put aside, set aside, spread; e'carte', -e, wide apart, lone- ly; carte", m. e"cart (card- game). ecclesiastique, adj. and m. ecclesiastic, ecclesiastical. echafaud, m. scaffold. echange, /. exchange. ^changer, v. to exchange. 3 88 VOCABULARY echanson, m. cupbearer. echapper, v. escape (from); 8* , escape (from). echarde, /. prickle, splinter. echasse, /. stilt, long leg of a wading-bird. ecnassier, m. wading-bird. e"cheance, /. term, falling-due. echelle, /. ladder. echo, m. echo. 6choir, v. to fall, come, be due. echouer, v. to run aground, fail. eclaboussure, /. splash. eclair, m. lightening, flash. Sclaircie, /. clearing, glade, bright spot. e'clairer, v. to light, light up, illumine, enlighten, give light to; s' , brighten up, clear up. eclat, m. splinter, fragment, burst, crash, brightness, splendor. gclater, v. to burst, fly in pieces, burst forth, shine; eclatant, -e, shining, bril- liant, dazzling, resounding. e"clore, v. to hatch, come forth, blossom. e"cole, /. school. colier, m. scholar, school- boy. econome, adj. economical. Economic, /. economy. economiser, v. to economize. e'cope, /. scoop. e"corce, /. bark, shell. ecouler, v. to run, flow out; s' , run, elapse, pass by, be spent. . to strike, knock, coin, decree; -- dans la main, shake hands. fraternitg, /. fraternity. frayeur, /. fright. fredonner, v. to trill, hum. frigate, /. frigate. frfile, adj. frail, feeble. fre'mir, v. to shudder, shake, quaver, murmur. fre'ne'tiquement, adv. franti- cally. fre*quent, -e, adj. frequent. fre*quenter, v. to frequent. frfcre, m. brother, friar. fretiller, 7;. to wriggle. friper, v. to wear out. friquet, m. tree-sparrow. frire, v. to fry. friser, v. to curl; se , curl one's hair; fris6, -e, curled, curly . frisotter, v. to frizzle, curl repeatedly. frisson, m. shiver, ripple, rustling. frissonner, v. to shiver, shud- der, tremble, shake. friture, /. fry. frivole, adj. frivolous. froid, -e, adj. and s. cold. froidement, adv. coldly. VOCABULARY 405 froideur, /. coldness, cool- ness. Froissart, French chronicler froissement, m. rumpling. froisser, v. to rumple, offend. frolement, w. rustling. frdler, -v. to graze, brush. fromage, w. cheese. fromageon, m. cheese made from sheep's milk. froment, m. wheat (best qual- ity of ble"). front, m. forehead, brow, face. frontiere, /. frontier. Frossard, French general of the second empire (1807- frottement, m. rubbing. frotter, v. to rub, scratch; se , rub oneself, rub against one another, flatter ful- somely. fructifier, v. to bear fruit. fruit, m. fruit. fruitier, m. fruiterer; adj. , -ire, fruit; arbre , fruit- tree. fruste, adj. defaced, worn. fuir, v. to flee, flee from, fly, avoid; fuyant, -e, fleeing, fugitive. fuite, /. flight. fumle, /. smoke, fume. furrier, v. to smoke; fumant, -e, smoking. fumier, m. dung-heap, dung. funebre, adj. funereal, mourn ful. funeste, adj. fatal, baneful, disastrous, gloomy. fureur, /. fury, furieusement, adv. furiously, prodigiously. furieux, -euse, adj. and s. furious, madman. furtivement, adv. furtively, stealthily. fus6e, /. rocket, fusil, m. gun; a pierre, flint-lock. fusilier, v. to shoot, shoot at; fusillfi, -e, person shot, futaie, /. forest of old trees. futur, -e, adj. future. gage, m. pledge, security; pi. wages, gager, v. to wager, hire, be in the pay (of). gageure, /. wager, bet. gagner, v. to gain, win, win over, reach, earn, make (money). gai, -e, adj. gay, cheerful, merry. gaiement, adv. gaily, merrily, gaiete, /. gaiety, jollity, glee. merriment. gaillard, -e, adj. and s. jolly, jovial, jolly fellow, lusty 406 VOCABULARY fellow; d'arriere, quar- ter-deck; d'avant, fore- castle. gaillardement, adv. merrily, spiritedly. gaiment = gaiement. galamment, adv. gallantly. galant, -e, adj. and s. gallant, courtly, graceful, suitor, sweetheart. galanterie, /. gallantry, com- pliment. gale, /. itch, mange. galere, /. galley. galerie, /. gallery, corridor. Galice, /. Galicia (northwest- ern province of Spain). galloise, /. woman loving pleasure, of easy morals (Old French). galon, m. stripe. galop, m. gallop. galoper, v. to gallop. galopin, m. rogue, imp. gamin, -, m., f. gamin, brat. gant, m. glove. garance, /. madder, madder- root. garantir, v. to guarantee. garcon, m. boy, bachelor, journeyman, fellow, waiter. garconnet, m. little boy. garde, /. guard, police, watch, protection, hilt; m. guar- dian, guard, keeper; sur ses gardes, on his guard. garde chiourme, m. convict- keeper. garder, v. to guard, keep, have (hope); se de, take care not to. garde-robe, /. wardrobe. gardien, m. guard, keeper. gargote, /. cheap eating- house. garnement, m. scamp. garnir, v. to furnish, fit out, trim; garni, m. furnished lodgings. garnison, /. garrison. garnisonner, v. to garrison, be stationed (verb derived from garnison). garrotter, v. to bind. gastronomique, adj. gastro- nomic. gateau, m. cake. gauche, adj. left, awkward, clumsy; /. left hand. gauchement, adv. awkwardly. gaucher, -ire, adj. left-hand- ed. gaufrer, v. to goffer, plait, flute. gaule, /. pole. gavotte, /. gavot (dance). Gavres, see note to p. 166. gaz, m. gas. gaze, /. gauze, veil. gazon, m. grass, sward. gazouiller, v. to warble, twit- ter, chirp. geai, m. jay. VOCABULARY 407 geant, -e, adj. and s. gigan- tic, giant. geindre, v. to moan, whine. gelee, /. frost. geler, v. to freeze. gelinotte, /. fat pullet, black grouse. gmir, v. to groan, moan. gemissement, m. groan, wail. gendarme, m. gendarme, mil- itary police officer. gendarmerie, /. military police. gendre, m. son-in-law. gene, /. uneasiness, embar- rassment, straightened cir- cumstances. gener, v. to embarrass, trou- ble, be in the way of. general, -e, adj. and s. gen- eral. ge'ne'ralement, adv. generally, in general. genereux, -euse, adj. gener- ous, brave, courageous, noble. genie, m. genius. genou, m. knee. genre, m. kind, sort. gens, pi., m. (preceding adj. takes feminine form) peo- ple; jeunes , young men. gentil, -le, adj. nice. gentiment, adv. nicely, pret- tily. genuflexion, /. genuflection, bending the knee. geographique, adj. geograph- ical. geome'trie, /. geometry. Georges, George (also written George). gerbe, /. sheaf, cluster. g6sir, v. to lie. geste, m. gesture. giberne, /. cartridge-box or pouch. gibier, m. game. gigantesque, adj. gigantic. gigot, m. leg of mutton; manche a , leg-of-mutton sleeve. gilet, m. waistcoat, vest. girandole, /. girandole, sprig of gems. giron, m. lap. girouette, /. weather-vane, weather-cock. gite, m. abode, resting-place. givre, m. hoar-frost, white frost. glace, /. ice, plate-glass, mir- ror. glacer, v. to ice, freeze, chill. glacon, m. icicle, piece of ice. glaive, m. sword. glapisser, v. to yelp. glisser, v. to slide, slip, glide; se , slip, glide (in). globe, m. globe. gloire, /. glory. glorieusement, adv. glorious- 408 VOCABULARY glorieux, -euse, adj. glorious, vainglorious, proud. glose, /. gloss (explanation of obscure words in a text). glouglou, m. gurgling. gobelet, m. goblet. Goderville, Norman village, about 20 miles north of Le Havre. goguenard, -e, adj. and s. bantering, jeering, scoffing, banterer, scoffer. gommier, m. gum-tree. gonfler, v. to swell out, puff out; goring, -e, swollen. gorge, /. throat. gorger (se), v. to gorge one- self. gosier, m. gullet, throat. gothique, adj. and s. Gothic. gouaillerie, /. joking, jeering. goujon, m. gudgeon (fish). gourgane, /. horse bean. gourmand, -e, adj. greedy. gourmand ise, /. gluttony. gout, m. taste. gouter, v. to taste. goutte, /. drop. gouttiere, /. gutter. gouvernail, m. rudder, helm. gouvernante, /. governess. gouverne, /. guidance. gouvernement, m. govern- ment. gouverner, v. to govern. gouverneur, m. governor. {race, /. grace, charm, favor, thanks, pardon, mercy; faire , to pardon; de for mercy's sake, pray; de bonne , with good grace, cheerfully. gracieux, -euse, adj. gracious. grade, m. grade, rank. gradin, m. bench, raised seat, step. graduer, v. to graduate; grain, m. grain, squall. grand, -e, adj. and s. great, grand, tall, large, wide (open), long (hair, step), full, warm or hot (sun- light); galop, full gallop; air, open air; s. lord, grandee, tall man, big fellow, grandfather (famil- iar); Grande-Arme'e, army with which Napoleon I made his campaign in Russia (1812), also name of the avenue continuing the Champs-llyse"es beyond the Arc de Triomphe. grandesse, /. grandeeship. grandeur, /. greatness, height, grandeur. grandir, v. to grow tall, gt>w, make tall or great. grand -livre, m. ledger. grand'mere, /. grandmother. grand -pere, m. grandfather. grand'route, /. highway. grange, /. barn. granit, m. granite. VOCABULARY 409 grappe, /. cluster, bunch. gras, -se, adj. fat, greasy. gratification, /. gratuity, re- ward. gratis, adv. gratis, for noth- ing. gratter, v. to scratch, scrape; poll a , finely cut hair, used for practical jokes. grattoir, m. ink-eraser. gravats, pi., m. plaster, stones from a demolished build- ing, rubbish. grave, adj. grave. gravement, adv. gravely. Graveson, village near Aries (in the department of Bouches-du-Rh6ne) . gravier, m. gravel (also in plural). gravir, v. to climb, clamber up. gravure, /. engraving. gre", m. will, pleasure, liking; bon mal , willing or unwilling; savoir , see savoir. grec, grecque, adj. and s. Greek (written Grec when 5.). GrSce, /. Greece. gredin, m. rascal, scoundrel. gr6er, v. to rig. greffier, m. clerk (of the court). grele, adj. slender, shrill. grele, /. hail, hailstorm. grelot, m. bell (in form of a ball), clapper. grelotter, v. to shiver. grenadier, m. grenadier. grenier, m. loft, garret, attic. gres, m. sandstone. gre"sil, m. sleet. griffe, /. claw. grille, /. grating, iron fence, iron gate. griller, v. to broil, roast. grimper, v. to climb; grim- pant, -e, climbing. grippe, /. whim, caprice; prendre en , take a dis- like to. gris, -e, adj. and s. gray, tipsy. grisatre, adj. grayish. griser, v. to make tipsy, in- toxicate. grisette, /. grisette (coquet- tish working or shop girl). grisonner, v. to turn gray; grisonnant, -e, growing gray. grive, /. thrush. grivois, -e, jolly, broad, ri- bald. grognon, adj. grumbling, growling, peevish. grommeler, v . grumble, mut- ter. grondement, m. growling, rumbling, roaring. grander, v. to scold, growl, rumble, roar. 410 VOCABULARY gros, grosse, adj. big, large, stout, heavy, rough, coarse; - rire, loud laugh; temps, stormy weather; grosse voiz, gruff voice; la mer est grosse, the sea is rough. grossier, -ere, adj. coarse, gross, rude, low, uncivi- lized. grossir, v. to enlarge, mag- nify, swell. grotesque, adj. grotesque. grotte, /. grotto. grouillant, -e, adj. swarming, alive. groupe, m. group. grouper, v. to group. guenille, /. rag; pi. rags, tatters, old clothes. guere, adv. scarcely; ne . . . , scarcely. gue"rir, v. to cure, get well; se , be cured. guerison, /. cure. guerre, /. war. guerrier, -ere, adj. and s. of war, warlike, warrior. guetter, v. to watch, watch for, spy on. gueule, /. mouth (of animals), jaws, opening. gueux, -euse, adj. and s. beggarly, poor, beggar, scoundrel. guide, m. guide; /. rein. guider, v. to guide. Guillaume, William. Guinee, /. Guinea (used rather indefinitely to des- ignate the West African coast from Cape Verga to Cape Negro. guinguette, /. small country eating-house, restaurant in the country. guiriot, m. magician (term borrowed from an African dialect). guise, /. manner, way. gymnase, m. gymnasium. ['h = aspirate h] habile, adj. clever, skilful. habilement, adv. cleverly, skil- fully. habiller, v. to dress, prepare. habit, m. coat, dress-coat, pi. clothes. habitacle, m. binnacle (case for the compass). habitant, m. inhabitant. habitation, /. habitation, dwelling, house. habiter, v. to live in, dwell, inhabit. habitude, /. habit; d' , usual, usually. habitue 1 , m. frequenter, regu- lar customer. habituel, -le, adj. habitual VOCABULARY 411 habituer, v. to accustom. 'hache, /.ax. 'haie, /. hedge; faire la , line up. 'haillon, m. rag, tatter. 'haine, /. hatred, hate. 'hair, v. to hate. 'hale, m. tan. haleine, /. breath. 'hAler, v. to tan. 'haletement, m. panting, puff- ing. 'haleter, v. to pant. 'hallebarde, /. halberd. hallucination, /. hallucina- tion. halluciner, v. to hallucinate, affect with hallucinations. 'halte, /. halt. 'hanneton, m. May-bug, May- beetle. 'hanter, v. to haunt. 'harangue, /. harangue, speech. 'hardes, pi., /. clothes. 'hardi, -e, adj. bold, fearless. 'hardiesse, /. boldness, liber- ty- 'hardiment, adv. boldly. harmonic, /. harmony; table d' , sounding-board; met- tre en , harmonize, ad- just. 'harnacher, v. to harness, harness up, trick out, be- deck. 'harpe, /. harp. 'hasard, m. hazard, chance, risk, danger; au , at random. 'hasardeux, -euse, adj. hazar- dous. 'hate, /. haste, hurry; a la , in haste. 'hater, v. to hasten, hurry; se , hasten, hurry. 'hau, inter j. whoa, also used in hunting to call the dogs when stag is in the water. 'hausser, v. to lift, shrug. 'haut, -e, adj., adv. and s. high, tall, aloud, loud, loudly, top, height; en , up-stairs; en de, on top of; de en bas, from top to bottom ; la , up there; & haute voix, aloud ; regar- der d'un peu , to look at rather loftily. 'haut-de-chausses, m. bree- ches. 'hauteur, /. height, eleva- tion. 'havre, m. haven, harbor. 'he", inter j. ho! 'heaume, m. helmet. he'be'ter, v. to stupify. 'hein, inter j. hey, what? he"las, inter], alas. 4 hler, v. to hail. hfilice, /. screw, propeller. he'miple'gie, /. hemiplegy (pa- ralysis of one side). herbe, /. grass, herb. 412 VOCABULARY hercule, m. hercules, strong man. hre"ditaire, adj. hereditary. -h6risser, v. to bristle; se , bristle, stand up. he'riter, v. to inherit. hentier, m. heir. heroi-comique, adj. heroi- comic.heroi-comical, mock- heroic. heroi'que, adj. heroic. ie"roiquement, adv. heroically. n^roi'sme, m. heroism. 'heron, m. heron. 'heros, m. hero. hesitation, /. hesitation. he"siter, v. to hesitate. heure, /. hour, o'clock; sur 1' , forthwith; de bonne , early; tout a 1* , in a little while, in a moment just now; a la bonne , good, that's right. heureusement, adv. happily, fortunately. heureux, -euse, adj. and s. happy, fortunate, favor- able, successful, happy per- son. 'heurt, m. shock, knock, beat- ing. 'heurter, v. to strike against, knock. 'hibou, m. owl. 'hideux, -euse, adj. hideous. bier, adv. yesterday. 'hierarchic, /. hierarchy. hirondelle, /. swallow. histoire, /. history, story. historic", -e, adj. adorned, em- bellished. historiette, /. little story, tale. hiver, m. winter. 'hocher, v. to shake. hommage, m. homage, re- spects. homrne, m. man, "old man >: ( = husband). honnete, adj. honest, honoi able, decent, respectable. honnetement, adv. honestly. honetete', /. honesty, atten- tion, courtesy. honneur, m. honor; faire a, to honor. honorable, adj. honorable. honorer, v. to honor. 'honte, /. shame; avoir , be ashamed. c honteux,-euse, adj. ashamed, shameful, bashful. hopital, m. hospital for the poor. horizon, m. horizon. horloge, /. clock. horloger, m. clock-maker, watch-maker. hormis, prep, except, save. horoscope, m. horoscope. horreur, /. horror. horrible, adj. horrible. horriblement, adv. horribly. 'hors (de), prep, out of; d* lui, beside himself. VOCABULARY 413 hospice, m. asylum, found- ling asylum. hospitalit^, /. hospitality. note, m. luist, guest. hotel, m. hotel, mansion, large private house. h&telier, m. hotel-keeper, landlord. 'houle, /. swell (sea). 'hue, inter j. gee (to call horses, etc., to the right), get up. huissier, m. usher, sheriff's bailiff, process-server, door- keeper (in court, etc.). huissier -priseur, m. appraiser. 'huit, card, eight; jours, week. 'hum, inter j. hum. humain, -e, adj. and s. hu- man, humane, human be- ing. humanite, /. humanity. humble, adj. and s. humble, humble person. humblement, adv. humbly. humer, v. to inhale, breathe in. humeur, /. disposition, ill- humor, humor; belle , fine humor. humide, adj. humid, damp, moist. humiliant, -e, adj. humiliat- ing. humiliation, /. humiliation. humilite", /. humility. 'huppe, /. top-knot, tuft, pe- wet (bird). 'hurlement, m. howl, howling, shriek, roar. 'hurler, v. to howl. Huysmans, naturalistic nove- list (1848- ). hymne, m. hymn (feminine when meaning church- hymn). hypocrite, m. hypocrite. ibis, m. ibis. ici, adv. here, this place; par , this way. ideal, -e, adj. and s. ideal. ide"e, /. idea. identifier, v. to identify. identique, adj. identical. identiquement, adv. identi- cally. lena, town in Saxe- Weimar, scene of battle (1806) in which Napoleon defeated the Prussians. if, m. yew-tree. ignoble, adj. ignoble, base, vile. ignominieux, -euse, adj. ig- nominious. ignorance, /. ignorance. ignorer, v. to be ignorant of, not to know; ignorant, -e, ignorant. 414 VOCABULARY il, conj. pr. he, it, there. ile, /. island. illuminer, v. to illuminate, light up. illusion, /. illusion. illustre, adj. illustrious. illustrer, v. to illustrate. image, /. image, likeness, cut, picture. imaginaire, adj. imaginary. imagination, /. imagination. imaginer, v. to imagine, con- ceive; s' , imagine. imbecile, adj. and s. imbecile, foolish, silly. imbe'cilite, /. imbecility. imberbe, adj. beardless. imbrique", -e, adj. imbri- cated, overlapping. imiter, v. to imitate. imme'diat, -e, adj. immediate. imme'diatement, adv. imme- diately. immense, adj. immense. immobile, adj. motionless. immobility, /. immobility, in- action. immode're', -e, adj. immoder- ate, excessive. immortel, -le, adj. immortal. immuable, adj. unchange- able, invariable. impassible, adj. impassible, unmoved. impassibility, /. impassibility. impatience, /. impatience. impatient, -e, adj. impatient. impatienter, v. to put out of patience, provoke. imperceptible, adj. impercep- tible. imperial, -e, adj. imperial. imperiale, /. imperial, top. impertinence, /. impertinence. impertinent, -e, adj. imperti- nent. impe'rieusement, adv. impe- riously. impetuosit6, /. impetuosity. impitoyablement, adv. piti- lessly. implacable, adj. implacable. implorer, v. to implore. importance, /. importance. important, -e, adj. impor- tant. importer, v. to matter; qu'importe, what does it matter?; n'importe quoi, anything whatsoever. importun, -e, adj. and s. im- portunate, obtrusive, trou- blesome person. importunity, /. importunity. imposer, v. to impose; im- posant, -e, imposing. impossibility, /. impossibility. impossible, adj. impossible. imposteur, m. impostor. impre"gner, v. to impregnate. impression, /. impression. impreVu, -e, adj. unforeseen, unexpected. imprimer, v. to impress VOCABULAR\ print, give (motion); s' , be printed. improviste (a P), adv. un- awares, unexpectedly, sud- denly. imprudent, -e, adj. impru- dent. impulsion, /. impulse, im- . petus. impune'ment, adv. with im- punity, without conse- quence. irnpuni, -e, adj. unpunished. inaccessible, adj. inaccessible. inaccoutume, -, adj. unac- customed. inanime, -e, adj. inanimate, lifeless. inapaise, -e, adj. unappeased. inattendu, -e, adj. unex- pected. incapable, adj. incapable. incarce"rer, v. to incarcerate, imprison. incarne", -e, adj. incarnate. incendie, m. fire, conflagra- tion. incendier, v. to set fire to, burn down, send out fire upon. incertitude, /. uncertainty. incessamment, adv. incessant- ly- incessant, -e, adj. incessant. incident, m. incident. inclinaison, /. inclination. inclination, /. inclination, bow. incliner, v. to incline, tilt, s' , bow, lean, hang down. incommode, adj. uncomfort- able, inconvenient. incomparable, adj. incompar- able. incomprehensible, adj. in- comprehensible. incompris, -e, adj. not under- stood, unappreciated. inconnu, -e, adj. and s. un- known, strange, stranger. incontestable, adj. incontest- able ; adv. at once. incontinent, -e, adj. inconti- nent, intact. inconvenient, m. inconven- ience, drawback. incorrigible, adj. incorrigible, incredule, adj. and s. incred- ulous, skeptical, incredu- lous person. incredulity, /. incredulity. incroyable, adj. incredible. incube, m. incubus, evil spirit. inculper, v. to accuse; in- culpe", -e, accused, one ac- cused. incurable, adj. incurable. indecis, -e, adj. undecided, doubtful. indemnite, /. indemnity. indetermine, -e, adj. indeter- minate, vague, uncertain. indicible, adj. unspeakable, unutterable. indifferent, -e, adj. and s. in- VOCABULARY different, of no difference or importance, indifferent person. indigene, adj. and s. indige- nous, native. indignation, /. indignation. indigne, adj. unworthy, shameful, contemptible. indigner, v. to make indig- nant; indigne", -e, indig- nant. indiquer, v. to indicate. indiscipline, /. indiscipline, insubordination. indiscret, -fete, adj. indiscreet. indistinct, -e, adj. indistinct. individu, m. individual, self. induire, v. to induce, lead. indulgence, /. indulgence, ten- derness, pardon. indulgent, -e, adj. indulgent. Industrie, /. industry, manu- facturing. inegal, -e, adj. unequal, ir- regular. ine'galite', /. inequality, un- evenness. inerte, adj. inert. inespe're', -e, adj. unhoped- for, unlooked-for. inestimable, adj. inestimable, priceless. inevitable, adj. inevitable, cer- tain. inexorable, adj. inexorable, inflexible, relentless. inexperience, /. inexperience. inexplicable, adj. inexplicable, unaccountable. inextricablement, adv. inex- tricably. infailliblement, adv. infalli- bly, without fail, surely. infame, adj. infamous. infatigable, adj. indefati- gable. . inie"rieur, -e, adj. inferior, lower. infernal, -e, adj. infernal. infini, -e, adj. infinite, very great; a 1* , infinitely. infiniment, adv. infinitely, im- mensely. infirme, adj. and s. infirm, weak, infirm person. infirmerie, /. infirmary. infirmier, m. nurse. infirmite", /. infirmity. inflammation, /. inflamma- tion. inflexible, ad], inflexible. infliger, v. to inflict. influence, /. influence. informe, adj. unformed, shapeless. informer, v. to inform; s' , inquire. infortune, -e, adj. and s. un- fortunate, unfortunate per- son. infortune, /. misfortune. infraction, /. infraction, vio- lation. infuser, v. to infuse, steep. VOCABULARY 417 ingenieux, -euse, adj. in- genious. ingenu, -e, adj. ingenuous, artless. ingenument, adv. ingenuous- ly, artlessly, frankly. ingratitude, /. ingratitude. inhabite, -e, adj. uninhab- ited. inhumanit, /. inhumanity, cruelty. inintelligible, adj. unintelligi- ble. initier, v. to initiate. injure, /. insult, wrong. injurier, v. to insult, abuse, revile. injustice, /. injustice. inne, -e, adj. innate. innocemment, adv. innocent- ly- innocence, /. innocence. innocent, -e, adj. innocent. innommable, adj. that cannot be named (rare, Littre' and the Dictionnaire gtntral do not recognize this word, given by Larousse). innovation, /. innovation. inoffensif, -ive, adj. inoffen- sive. inonder, v. to flood , pour over. inoubliable, adj. not to be forgotten. inoui, -e, adj. unheard of. inquiet, -fete, adj. anxious, uneasy, restless. inquieter, v. to disturb, worry; s* , be disturbed, be un- easy, fret; inquie'tant, -e, disquieting, alarming. inquietude, /. disquietude, restlessness, anxiety. insaisissable, adj. that cannot be seized, incomprehensible. insatiable, adj. insatiable. inscription, /. inscription. insecte, m. insect. insense, -e, adj. and s. mad, foolish, madman. insensible, adj. without feel- ing, indifferent. insensiblement, adv. insensi- bly. insigne, m. badge; pi. insig- nia. insinuant, -e, adj. insinuat- ing. insister, v. to insist. insolation, /. sunstroke. insolent, -e, adj. insolent. insomnie, /. insomnia, sleep* lessness, sleepless period. insouciance, /. unconcern, carelessness. insouciant, -e, adj. careless, heedless. inspecteur, m. inspector. inspiration, /. inspiration. inspirer, v. to inspire, instil, suggest; s* , inspire one- self, be inspired. installation, /. installation. installer, v. to install. VOCABULARY instamment, adv. earnestly, urgently. instant, m. instant. instinct, m. instinct. instinctif, -ive, adj. instinc- tive. instinctivement, adv. instinc- tively. instruction, /. instruction ; juge d' , examining mag- istrate. instruire, v. to instruct, in- form. instrument, m. instrument. insu, m. unknown, ignorance; occurs only in such phrases as: & son , without his knowledge. insulter, v. to insult. insupportable, adj. insupport- able. insurge, m. insurgent, rebel. insurmontable, adj. insur- mountable. intelligence, /. intelligence, understanding, harmony, correspondence. intelligent, -e, adj. intelligent. intelligible, adj. intelligible. intendant, m. intendant, man- ager, steward. intention, /. intention ; a votre , on your account. intentionne, -e, adj. inten- tioned ; bien , well-mean- ing- intercaler, v. to insert. interdire, v. to interdict, for- bid, prohibit, dumfound, amaze. int6resser, v. to interest; s' , be interested; inte'ressant, -, interesting. inte're't, m. interest. interieur, -e, adj. and s. in- terior, department of the interior, home office. interlocuteur, m. interlocutor, speaker. interminable, adj. intermina- ble. intermittent, -e, adj. inter- mittent. interne, m. intern, student in a hospital. interprete, m. interpreter. interpreter, v. to interpret. interrogatoire, m. question, ing, examination. interroger, v. to interrogate, question. interrompre, v. to interrupt. interruption, /. interruption. intervalle, m, interval, space. intime, adj. intimate. intimider, v. to intimidate; s' , be intimidated. intimite, /. intimacy. intolerable, adj. intolerable, unbearable. intonation, /. intonation. intrigant, m. intriguer. intrigue, /. intrigue. intrigu^, -e, adj. puzzled. VOCABULARY 419 wtroduire, v. to introduce, put in. inutile, adj. useless, need- less. invalide, aij. and s. disabled, infirm, disabled or old soldier; Les Invalides, Sol- diers ^Home. invariable, adj. invariable. invasion, /. invasion. inventaire, m. inventory. inventer, v. to invent. inventeur, m. inventor. invention, /. invention. investissement, m. invest- ment, siege. inve'te're', -e, adj. inveterate, deep-rooted, obstinate. invincible, adj. invincible, in- controllable. invisible, adj. invisible. invitation, /. invitation. inviter, v. to invite, extend an invitation. involontairement, adv. invol- untarily. invoquer, v. to invoke. iris, m. rainbow, orris, flag (flower, root). ironic, /. irony. irre've'rencieux, -euse, adj. ir- reverent. irriter, v. to irritate, incense, anger. isole", -c, adj. isolated, apart. isolement, m. isolation. Italic, /. Italy. italien, -ne, adj. Italian (written Italien when s.). ite, missa est (Latin), go, the mass is said. ivoire, m. ivory. ivraie, /. rye-grass, tare. ivre, adj. intoxicated, drunk. ivresse, /. intoxication, drunkenness. ivrogne, m. drunkard. j, see je. Jacob, Jacob. Jacques, James. jadis, adv. of old, in former times, jaillir, v. to burst forth, gush out, flash. jais, m. jet. jalousie, /. jealousy, jaloux, -ouse, adj. jealous, jamais, adv. never, ever; nc ... , never, jambe, /. leg. Janvier, m. January, jaquette, /. jacket, kilt (for children); trainer la , to loaf, wander about. jardin, m. garden; Jardin des Plantes, botanical Garden in Paris. jardinier, m. gardener, jargon, m. jargon. Jarre, /. jar. 42O VOCABULARY jarret, m. ham, hock, leg. jaser, v. to chatter, gossip. jaune, adj. and s. yellow. jaunir, v. to yellow, become yellow. je, con}, pr. I. Jean, John. Jeanne, Jarre; I and II, queens of Naples in four- teenth and fifteenth cen- turies. Jeanneton, familiar diminu- tive of Jeanne, sweetheart. Jersey, /. island of Jersey, be- longing to the English, and largest of the Channel islands. Jerusalem, Jerusalem ; rue de , formerly a street in Paris where police offices were situated. J6sus, Jesus; Maria, hea- vens, etc. Jesus-Christ, Jesus Christ. jet, m. jet, puff. jete"e, /. jetty, pier. Jeter, v. to throw, cast, throw out, cast or give forth. jeu, m. game, gambling. jeudi, m. Thursday. jeun (a), adv. fasting. jeune, adj. young; fille, girl. jcAne, /. fasting. jeunesse, /. youth. joaillier, m. jeweler. Joale, see note to p. 5. joie /. joy, delight, pleasure; en , joyful, gay. joindre, v. to join, add, reach; se , join oneself (to), meet, unite. joli, -e, adj. pretty, good- looking. jonc, m. rush, reed. joncher, v. to strew, cover. Joseph, brother of Napoleon I, placed by him on the throne of Naples (1806-1808), and on the Spanish throne (1808-1813). joue, /. cheek; coucher en , see coucher; tenir en , see tenir. jouer, v. to play, feign; faire le ressort, make the spring work or fly back. jouet, m. toy, plaything. joueur, m. player; de fifre, fifer. jouir, v. to enjoy (object is preceded by de). joujou, m. toy, plaything. jour, m. day, daylight, open- ing; a , open-work, worn through, through; au tombant, at nightfall; petit , dawn ; dans le levant, in the increasing light of dawn. Jourdain, principal character in Moliere's Bourgeois Gen- tilhomme, has become a type. VOCABULARY 421 journal, . newspaper. journaliste, m. journalist. journee, /. day. jovial, -e, adj. jovial. joyeusement, adv. joyfully, gaily. joyeuz, -euse, adj. joyous, merry, cheerful. Juan (don), chief character in the play of this name by Tirso de Molina, the typical noble libertine. Dona Julia was his victim. Juanito, Spanish diminutive of Juan = Jean. jubilant, -e, adj. jubilant. judas, m. traitor, peep-hole. judicieux, -euse, adj. judi- cious, discreet. juge, m. judge. jugement, m. judgment. juger, v. to judge, determine, consider, criticize, see; de, judge of, realize. juif, -ive, m., }. jew, Jewess. juillet, m. July. Julia, see Juan. jument, /. mare. jupe, /. skirt. jupon, m. petticoat. jurement, m. oath. jurer, ?'. to swear, contrast. jus, m. juice. jusque, prep, to, up to, un- til; jusqu'a, to, as far as, even; 1A, till there, till juste, adj. and adv. just, exact, righteous, exactly; au , exactly. justement, adv. exactly, just at this time, at the right time, precisely. justice, /. justice; de paix, jurisdiction of a justice of the peace; trainer en , drag into court. justifiable, adj. justifiable. justifier, v. to justify. juve*nile, adj. juvenile, youth- ful. kakatoes, m. cockatoo. Kakatogan, fanciful proper name derived from kaka- toes. kepi, m. military cap. Kingston, seaport and capital of Jamaica. kirsch, m. cherry-brandy. 1*, used before on for euphony. I', see le, la (article or pro- noun). k, see le. Id, adv. there, here (frequent as affix or suffix); haut, up there; par , that way t 422 VOCABULARY over that way, there; -has, yonder, over there. labeur, m. labor, toil. laboratoire, m. laboratory. labour, m. plowing. laborieux, -euse, adj. labo- rious. labourage, m. plowing. labourer, v. to plow, plow up, tear up. lac, m. lake. lacer, v. to lace; se , be laced. lache, adj. cowardly. lacher, v. to loosen, let out, release, undo, let go. lacheur, m. "quitter." lacte", -e, adj. milky. lacune, /. lacuna, gap, blank. La Fontaine, French poet and fabulist (1621-1695). lai, -e, adj. lay. laid, e, ad], homely, ugly. laideur, /. plainness, home- liness, ugliness, unsightli- ness. laine, /. wool. laisser, v. to let, leave, let alone, let have, bequeath; se faire, let anything be done, be passive, not resist; 11 ne laissait pas que de, he did not fail to. laissez -passer, m. pass, permit. lait, m. milk. laiterie, /. dairy. laiteux, -euse, adj. milky. lai ton, m. brass. lambeau, m. rag, shred, strip. lame, /. strip, blade, wave. lamentable, adj. lamentable, sorrowful. lamenter, v. to lament; se , lament. Lamoriciere, French general and statesman (1806- 1865). larnpe, /. lamp. . lancer, v. to dart, throw, hui^J, let go. lancier, m. lancer. langage, m. language. langue, /. tongue, language. langueur, /. languor. languir, v. to languish, stag- nate; se , pine (for); languissant, -e, languish- ing, languid, feeble. lanterne, /. lantern. lapidaire, m. lapidary. lapin, m, rabbit. Lara, title of one of Byron's poems. lard, m. bacon. large, adj. broad, wide, sweeping. largeur, /. breadth, width. Lariboisifere, name of a hos- pital in Paris founded by the wife of a senator bear- ing this name. larme, /. tear; pleurer & chaudes larmes, to shed hot tears. VOCABULARY 423 Laromiguiere, French philos- opher, one of the founders of eclecticism (1756-1837). laryngite, /. laryngitis. las, -se, adj. weary, tired. lasser (se), v. to get tired, be wearied. latin, -e, adj. and s. Latin. latte, /. lath, cavalry sword. lavande, /. lavender. laver, v. to wash. lavoir, m. wash-house, public place for washing clothes. lazaret, m. lazaret, quaran- tine station, pest-house. le, la (!', before vowels; les, pi.), def. art. the; de la sorte, in that way. le, la (les, />/.; lui, leur, in- direct), conj. pr. him, her, it, so, them, to him, etc. legion, /. lesson. lecteur, m. reader. lecture, /. reading. Ledoux, ironical proper name (contrast the man's occu- pation). legendaire, m. collection of legends, folk-lore. tegende, /. legend. le"ger, -ere, adj. light, slight, agile, light-hearted. le"gerement, adv. lightly, slightly, nimbly. legion, /. legion. legitime, adj. legitimate. legume, m. vegetable. Leipsick, city in Saxony, scene of battle between . French and the Allies in 1813. lendemain, m. following day, next day. lent, -e, adj. slow. lentement, adv. slowly. lequel, laquelle (lesquels, les- quelles, pi.), rel. and int. pr. which, who, which?, who? les, see le. lesiner, v. to be stingy, hag- gle. lesion, /. lesion, injury. lessive, /. lye, washing. leste, adj. nimble, quick, lively. lestement, adv. quickly, light- iy- lester, v. to ballast, stay one's stomach. lettre, /. letter; fl. letters, lit- erature; femme de lettres, literary woman. lettre", -e, adj. lettered, liter- ary. leur, conj. />r., see le; adj. their; le , theirs. lever, v. to raise; se , rise, arise. Ifevre, /. lip. levrette, /. female grayhound. le"vrier, m. grayhound. lezard, m. lizard. liberal, -e, adj. liberal. 424 VOCABULARY liberation, /. liberation. liberte, /. liberty. libre, adj. free. librement, adv. freely. h'ce, /. arena, field, warp; haute , see note to p. 91. licence, /. license, liberty. licol, m. halter. lien m. bond. lier, v. to bind, tie, tie up, bind together; lie", -e, inti- mate. lieu, m. place, spot; avoir , take place; au de, in- stead of; j'ai de, I have reason to. lieue, /. league (2\ miles). lieutenant, m. lieutenant. ligne, /. line, fishing-line. lilas, m. lilac. limbes, pi., m. limbo, border, vague state. lime, /. file. limer, v. to file, polish up, finish off. limite, /. limit, boundary. limiter, v. to limit. Limousin, province of Li- mousin (west of Auvergne); , e, adj. and s. of this province, native of this province. limpide, adj. limpid, clear. lin, m. flax; toile de , linen. linge, m. linen, cloth; laver le , wash the clothes. lion, m. lion. liqueur, /. liquor, cordial. lire, v. to read; se , be read. lis, m. lily. lisiere, /. border, outskirts. lit, m. bed. liteau, m. colored stripe. lithographic, /. lithograph. litre, m. litre (about $ of a quart) litte'raire, adj. literary. litte"rature, /. literature. livide, adj. livid, livre, m. book. livre, /. pound, franc (often used instead of franc in speaking of an income). livre*e, /. livery. livrer, v. to deliver, give over; se a, devote or apply oneself to, give oneself over to. local, -e, adj. local, locution, /. locution. loge, /. lodge, porter's room, box (theater). logement, m. lodging, apart- ments. loger, v. to lodge; se , lodge oneself, take lodgings. logis, m. house, dwelling, lodging-house, lodgings; corps de ^-, main building. loi, /. law. loin, adv. far away, distant; au , far away; de . afar, at a distance. VOCABULARY 425 lointain, -, adj. and s. dis- tant, far away, distance. loisir, m. leisure. Lolotte, diminutive of Char- lotte, name often given to cats. lombard, m. Lombard, pawn- broker. londres, m. londres (cigar). Londres, London. long, ue, adj. and s. long; a la longue, in the long run; plus , longer, fur- ther; le de, along; tout de son , de tout son , his whole length. longtemps, adv. long time, long, for a long time; y en a-t-il pour , have we much more of this? longuement, adv. for a long time. longueur, /. length. loque, /. rag, tatter. lord, m. lord. Lorette, Loretto (town near Ancona in Italy); Notre- Dame de , shrine at Loretto. lorgner, v. to squint at, look out of the corner of the eye. lorgnon, m. eyeglasses. lorrain, -e, adj. and s. of the province of Lorraine, in- habitant of this province (written Lorrain when s.). Lorraine, /. Lorraine, former province in northeastern France. lors, adv. then; prep, (with de), at the time of; pour , then, thereupon. lorsque, conj. when. louage, m. letting, hiring; coupe de , rented coupe. louange, /. praise. louche, adj. squint-eyed, sus- picious. louer, v. to rent, praise; se , hire oneself out, praise one- self. lougre, m. lugger. louis, m. louis (gold piece = $4). Louis XVI, French king, be- headed in the Revolution (1793), ascended the throne in 1774. loup, w.wolf; cervier, lynx. lourd, -e, adj. heavy, weighty, dull, drowsy. lourdement, adv. heavily. loutre, /. otter, otter-skin. Louvain, city in Belgium, containing the old Univer- sity of this name. loyal, -e, adj. loyal. Loyola, founder of the order of the Jesuits (1481-1556). Luberon, chain of mountains in the department of Vau- cluse (Provence). lueur, /. gleam, light. 426 VOCABULARY lugubre, adj. lugubrious, mournful. lui, conj. pr., see fe; disj. pr. him, it, himself, itself. lui-mfime, elle-mSme (eux- memes, elles-memes, pi.}, pr. himself, herself, itself, etc. luire, v. to shine. lumiere, /. light, enlighten- ment, knowledge. lumineux, -euse, adj. lumi- nous, shining. lundi, m. Monday. lune, /. moon. lunette, /. telescope; pi. spec- tacles. luthier, m. maker of stringed instruments. lutte, /. struggle. lutter, v. to struggle. lutteur, m. wrestler. Lutzen, town in Saxony, Na- poleon here won a victory over the Prussians and Russians in 1813. luxe, m. luxury; Industrie de , manufacture of articles of luxury. luzerne, /. lucern (plant used for fodder). M., abbreviation for Mon- sieur; m', see me. ma, see mon. micher, v. to chew. machinal, -e, adj. mechani- cal. machinalement, adv. mecha- ically. machine, /. machine. machoire, /. jaw. machonner, v. to munch, chew. Mac-Mahon, French marshal and second president of the Republic from 1873-1870 (1808-1893). ma$on, m. mason. magonner, v. to build, wall up., stop up. maculer, v. to spot, stain. madame, /. madam, Mrs.; abbreviated: M me . mademoiselle, /. Miss, young lady, my dear young lady, etc.; abbreviated: M 1Ie . madre'pore, m. madrepore (one of the coral zo- ophytes). mage, m. magian, astrologer; pi. Wise Men (Bible). magician, m. magician. magique, adj. magic. magnan, m. silkworm. magnanimity /. magnanim- ity. magne'tique, adj. magnetic. magninque, adj. magnifi- cent. magot, m. ape, hoard. Maguelonne, name given to VOCABULARY 427 the planet Venus in Pro- vence. mai, m. May. maigre, adj. and s. meagre, thin, thin person. maigreur, /. thinness. maille, /. mesh, link (of a coat of mail). Maillot, name of a gate in the western wall of Paris, at one entrance to the Bois de Boulogne. main, /. hand. maint, -e, adj. many, many a. maintenant, adv. now. maintenir, v. to maintain; se , keep up, remain. maire, m. mayor. mairie, /. mayor's office, town- hall. mais, con}, but; oui, yes indeed, why yes; non, no indeed, no I tell you. maison, /. house. maitre, m. master, proprietor, boss; d'hotel, head- waiter, butler; autel, high altar. maitresse, /. mistress; ancre, sheet-anchor. maitrise, /. singing-school (for choir boys). majestfi, /. majesty. majestueusement, adv. ma- jestically. majeur, -e, ad], major, greater, of age. majordome, m. major domo, steward. mal, -e, adj. (used only in a few phrases), bad, evil; male rage (also written as one word), rage, fury. mal, adv. and s. evil, wrong, harm, trouble, malady, wrongly, badly; au coeur, sick at the stomach; (familiarly, used as adj.) bad: cela est mal, etc. malade, adj. and s. ill, sick, patient. maladie, /. malady, illness, disease. maladroit, -e, adj. awkward. male, adj. and s. male. malediction, /. malediction, curse. maigre', prep, in spite of. malheur, m. misfortune, bad luck, unhappiness. malheureusement, adv. un- fortunately. malheureux, -euse, adj. and s. unhappy, unfortunate wretched, wretch, unfortu- nate person. malhonnetement, adv. impo- litely. malice, /. malice, mischiev- ousness, roguishness. malicieusement, adv. mali- ciously, slyly. malin, -igne, adj. and s. cun- ning, sly, shrewd, malig- 428 VOCABULARY nant, evil, cunning person, etc., rascal. malle, /. trunk. malpropre, adj. dirty. malsain, -e, adj. unhealthy. maltdtier, m. extortionate tax- collector. maltraiter, v. to maltreat, use roughly, beat upon. Mamai, Daudet's fifer, a character occurring in sev- eral of his Lettres de Man Moulin . maman, /. mama. tnanant, m. rustic, clod-hop- per, peasant. manche, /. sleeve ; La Manche, English channel; m. han- dle. manchon, m. muff. mangeoire, /. manger. manger, v. to eat, eat up, squander. mangeur, m. eater. manie, /. mania. manier, v. to handle. manisre, /. manner. Manneville, village in western Normandy, about 35 miles ' north of Le Havre. manoeuvre, /. manoeuvre, handling (of a boat), move- ment, labor. manquer, v. to be lacking, be missing, lack, miss, come near, fail. mansarde, /. attic, garret. mante, /. mantle. manteau, m. mantle, cloak. manuel, -le, adj. manual. manufacture, /. manufacture, factory, manufactory. manuscrit, m. manuscript. maquignon, m. horse-dealer, jockey. maraicher, -re, adj. and s. of a market-garden, market- gardener. Marais, quarter in Paris north of the Hotel de Ville, more usually called the Temple. marais, m. marsh, swamp. Marante, island in the Seine near Colombes. marbre, m. marble. marbrer, v. to marble, stain or line like marble. marchand, m. merchant. marchandage, m. bargain- ing. marchander, v. to bargain, haggle. marchandise, /. merchandise, wares, goods. marche, /. march, walk, gait, step, progress, border; se mettre en , to begin marching, set out on the march; regiment de , field regiment. marche", m. market, market- place, bargain, bargaining; & bon , cheaply; avoir VOCABULARY 429 bon , make short work (of). marcher, v, to march, walk, go, proceed, get on. mardi, m. Tuesday. marechal, m. marshal. marginal, -e, adj. marginal. marguillier, m. churchwar- den. mari, m. husband. manage, m. marriage. Marie, Mary. marier, v. to marry, marry off; se avec, marry; se , get married; mariee, /. bride. marin, -e, adj. and s. marine, of the sea, sailor, seafarer. marine, /. marine, navy, shipping. marinier, m. boatman, barge- man. maritorne, /. maid of all work, slattern. marjolaine, /. marjoram. marmiton, m. scullion. maroquin, m. morocco- leather. marque, /. mark, sign. marquer, v. to mark, show, indicate; le pas de la danse, beat time for the dance; marque", -e, adj. marked out, indicated, marked, evident. marquis, -e, m., /. marquis, marchioness. marri, -e, adj. grieved, sorry. marron, m. and adj. chestnut, chestnut-colored. marronnier, m. chestnut-tree. Marseille, Marseilles, princi- pal seaport and second city in France. marteau, m. hammer; coup de sur la tte, crack on the head, crazy turn. marteler, v. to hammer. Martial, Latin poet, known especially because of his epigrams (43-104). Martial (in Le RemplaQant), there was no important contemporary politician by this name; perhaps Martel, politician and president of the Senate, is referred to (this name occurs in some editions). martial, -e, adj. martial. Martinez de la Rosa (1789- 1862), Spanish statesman and writer, opposed to Napoleon; he lived in Paris (1823-1831) and there met Balzac. Martinique, /. Martinique, French island in the West Indies (capital: Fort -de- Prance). martyr, m. martyr; rue des Martyrs, in Paris, runs south from the Montmartre quarter. 430 VOCABULARY martyre, m. martyrdom. mas, m. country-house (in Provence). masculin, -e, adj. masculine. masque, m. mask. massacre, m. massacre. massacrer, v. to massacre. masse, /. mass, pile. masser, v. to mass; se , be massed, become massed. massif, -ive, adj. massive, solid. massue, /. club. masure, /. ruin, hovel. mat, m. mast; grand , main- mast. matelas, m. mattress. matelot, m. sailor, seaman. maternel, -le, adj. maternal, on the mother's side. mathe'matiquement, adv. mathematically. mathematiques, pi., /. math- ematics. Mathilde, Matilda. matin, m. morning. matinal, -e, adj. morning, early. matines, pi., f. matins, morn- ing prayers. maturit6, /. maturity. maudire, v. to curse; maudit, -e, cursed. maugre'er, v. to curse, storm. maussade, adj. cross, sour, ill-humored, sulky. maussadement, adv. sulkily, in ill-humor, disagreeably tediously. mauvais, -e, adj. and s. bad, wretched, evil, disagree- able, dirty, ill (humor), absurd. Mayence, Mayence, Mainz (city on the left bank of the Rhine, in Germany). me, conj. pr. me, to me. mei culpa (Latin), by my fault. mecanisme, m. mechanism. mechant, -e, adj. and s. naughty, mean, mischie- vous, bad, malicious, wick- ed, mean person, etc. meconnaitre, v. to fail to recognize, disown; m&X>n- nu, e, unrecognized. me'connaissable, adj. unrec- ognizable. mecontent, -e, adj. dissatis- fied. me'contenter, v. to dissatisfy. me'cre'ant, m. infidel. medaille, /. medal. medecin, TO. doctor, physician. medecine, /. medicine. mediocre, adj. mediocre, or- dinary. me'diocrite', /. mediocrity. medisance, /. slander, back- biting. meditation, /. meditation. M&literrane'e, /. Mediterra- nean Sea. VOCABULARY 431 mefiance, /. distrust. mefier (se), v. (with de), to distrust, be wary of, be distrustful ; mefiant, -e, adj. suspicious. meilleur, -e, adj. better; le , best. me"lancolie, /. melancholy, melancholia. me"lancolique, adj. melan- choly. melancoliquement, adv. sadly, mournfully. melange, m. mixture. me"langer, v. to mingle, mix. meler, v. to mingle, mix; se de, meddle with. melodieux, -euse, adj. melo- dious. membre, m. member, limb. meme, adj. and adv. same, self, very, even; de , in the same way; par cela que, see cela; de que, just as. memoire, /. memory; m. me- moir. menace, /. threat. menacer, v. to menace, threaten. manage, m. housekeeping, household; faire le , to do the housework. management, m. regard, cau- tion, consideration, man- agement. mendiant, m. beggar. mener, v. to lead, bring, menottes, pi., f. handcuffs, ment, adverbial termination (=iy). mental, -e, adj. mental. menterie, /. untruth, false- hood, story, fib (familiar). menteur, -euse, adj. and s. lying, liar; menteva. t dia/tctic. mention, /. mention, note. mentir, v. to lie. menton, m. chin. menu, -e, adj. and s. thin, small, trifling, bill of fare. me"prendre (se), v. to be mis taken. me'pris, m. contempt, scorn. meprise, /. mistake. rngpriser, v. to despise. mer, /. sea. mercerie, /. mercery, haber- dashery. merci, /. mercy, thanks, thank you (masculine with grand). mercier, m. mercer, haber- dasher. mere, /. mother. merinos, m. merino, wool (from Spanish sheep). me'riter, v. to merit, deserve. merle, m. blackbird ( blanc, used figuratively for anything very rare). merlette, /. martlet, black- bird. merlichon, m. little black- 432 VOCABULARY bird (a word derived from merle). merveille, /. marvel, wonder; a , wonderfully well. merveilleusement, adv. won- derfully, marvelously. merveilleux, -euse, adj. and s. wonderful, marvelous, anything marvelous. mesange, /. titmouse, tom- tit. messe, /. mass; grand' , high mass. mesure, /. measure, propor- tion; en , accordingly, in proportion; & in proportion as. mesurer, v. to measure. metal, m. metal. metamorphose, /. metamor- phosis. metamorphoser, v. to meta- morphose. m6tayer, m. farmer. me"ticuleux, -euse, adj. over- scrupulous, fastidious. metier, m. trade, loom, frame. metre, m. metre (39 inches). mettre, v . to put, place, put on, set; en joie, make glad; au jour, bring to light, produce ; en pieces, tear to pieces; a la porte, put out of doors; ordre a, set in order; se a, be- gin; se en devoir, set about; se en route, start; se en retard, be late; se en colere, get angry. mets, m. dish (of food). meuble, m. piece of furniture, furniture; pi. furniture. meubler, v. to furnish. meuglement, m. bellow, bel- lowing. meuh, inter 7. my! meule, /. millstone. meunerie, /. milling, miller's business. meunier, -ere, m., f. miller, miller's wife. meurtre, m. murder. meurtrir, v. to bruise. mi, adv. and adj. (invariable), equally; a -- cdte, half- way up hill; a -voix, neither loud nor low. miarro (Provercal), m. farm- boy. Michel -Ange, Michael An- gelo, great Italian paint- er, sculptor and architect microscopique, adj. micro- scopic, microscopical. Middelbourg, Dutch town, capital of the island of Walcheren, formerly flour- ishing, now only a local market. midi, m. midday, noon, twelve o'clock. mie, /. crumb, sweetheart. mien, -ne, pass. adj. pr- VOCABULARY 433 (usually with article), mine. mieux, adv. better, more; tant , so much the better; de mon , the best I can; le , best. mignon, -ne, adj. and s. dar- ling, dainty. migraine, /. sick-headache. mil, card, thousand (in dates). Milhaud, celebrated general of Napoleon I (1766-1833). milice, /. militia. milieu, m. middle, midst, sur- roundings. militaire, adj. military. militairement, adv. in mili- tary fashion, militarily. mille, card, thousand. mimique, adj. and /. mimic, mimicry. mince, adj. thin, slender, nar- row, unimportant. mine, /. mien, look, appear- ance; faire de, pretend to. miniature, /. miniature. ministere, m. department (of a cabinet minister), build- ing for the administration offices. ministerieL, -le, adj. minis- terial. ministre, m. minister. minoterie, /. milling estab- lishment, large mill. minotier, m. miller (on a large scale), grain-factor. minuit, m. midnight. minute, /. minute. minutieux, -euse adj. mi- nute, particular. miracle, m. miracle, wonder. miraculeux, -euse, adj. mi- raculous. mirage, m. mirage. mire, m. astrologer. mirer, v. to aim at; se , look at oneself, admire oneself. mirifique, adj. wonderful (fa- miliar). miroir, m. mirror. miroiter, v. to glitter, shine. miserable, adj. and s. miser- able, wretched, wretch. miserablement, adv. miser- ably, wretchedly. misere, /. misery, destitution, hardship; air cornme tout, poverty-stricken ap- pearance. mise'ricorde, /. mercy. missel, m. missal, mass-book. mistral, m. mistral (col/.) or- gan. orgeuil, m. pride. orgueilleux, -euse, adj. proud. Orient, m. Orient. E:ist. oriental, -e, adj. and s. Orien- tal. Orion, m. Orion. ornement, m. ornament. orner, v. to ornament, adorn. orphelin, m. orphan. ortie, /. nettle. OS, m. bone. osciller, v. to oscillate, swing. oser, v. to dare. osier, m. osier, willow; d' , wicker. osseux, -euse, adj. bony. Ostende, Ostend, Belgian port on the North Sea, at present popular summer resort. 6ter, v. to remove, take off or away. ou, conj. or; ... either ... or. ou, adv. where, in which, when; par ? which way? ouaille, /. flock. Ouargla, town in southern Algeria, on the outskirts of the desert of Sahara. ouater, v. to wad, pad. oubli, m, forgetfulness, obliv- ion. oublier, v. to forget. ouest, m. west. oui, adv. yes; da, yes in- deed. ouragan, m. hurricane. ourdisseur, -euse, m., /. war- per. ours, -e v., f. bear. VOCABULARY 443 outil, m. tool. outre, prep, and adv. beyond, besides; en , in addition, besides. ouvrage, m. work. ouvrage", -e, adj. worked, wrought, figured. ouvrier, -ere, adj. and s. working, workman, work- woman. ouvrir, v. to open; s' , open; ouvert, -e, open; a ciel ouvert, exposed to heaven or the air; a livre ouvert, (as) in an open book. pacifique, adj. pacific, peace- ful. Pacdme (Saint), anchorite of the fourth century. page, /. page (of a book). page, m. page, boy. paille, /. straw, straw-bot- tom. paillasse, /. straw mattress; m. clown. paillette, /. spangle, golden flake, gold dust. paire, /. pair. paisible, adj. peaceful. paisiblement, adv. peacefully. paix, /. peace. palais, m. palace. Palais-Royal, m. palace In Paris near the Louvre, built in 1629 for Richelieu, now used for administrative pur- poses and shops. pale, adj. pale. paletot, m. paletot, overcoat, greatcoat. pallet, m. landing (of a stair- case). palir, v. to become pale, make pale. palissade, /. palissade, stock- ade, paling. palme, /. palm-branch, palm; m. width of the hand; de Dieu, mild oath. (In Provencal palme = French paume.) palot, -te, adj. palish, wan. palpitant, -e, adj. palpitat- ing. pamer, v. to faint away, swoon; se , faint away. Pampe'rigouste, fanciful Pro- vencal name used by Dau- det. pan, m. side, face, skirt. panache, m. plume, diversity of colors; rtver , to have fantastic dreams. panier, m. basket. panique, /. panic, sudden fright. panne, /. plush, straitened circumstance; en , lying to. panneau, m. panel. 444 VOCABULARY panetiere, /. pouch, mistress of the pantry. Panth6on, m. Pantheon. panthere, /. panther. pantouflard, m. term applied during siege of 1871 to Parisians who did guard duty within the walls. pantoufle, /. slipper. paon, m. peacock. papal, -e, adj. papal. pape, m. pope. paperasse, /. old paper. papier, m. paper. papillon, m. butterfly. papillote, /. curl-paper. Paques, m. Easter. paquet, m. package, pack. par, prep, by, through, with, for, in, on, along, by way of, per; ci . . . la, here . . . there; dessus, see dessus ; trois fois an, three times a year. paradis, m. paradise. paraitre, v. to appear. parallele, adj. parallel. paralyser, v. to paralyze. paralysie, /. paralysis. paralytique, adj. and s. para- lyzed, paralytic. parapluie, m. umbrella. parapet, m. parapet. parbleu, inter j. egad!, upon my word ! pare, m. park, enclosure, sheepfold. parce que, conj. because. parchemin, m. parchment. par -dessus, see dessus. pardon, m. pardon, I beg your pardon. pardonner, v. to pardon. pareil, -le, adj. and t. simi- lar, like, such, equal. parent, -e, m., f. relative; pi. relatives, parents. parer, v. to adorn, attire, dress up; a, guard against, look out for. paresse, /. laziness, idleness. paresseux, -euse, adj. lazy. parfait, -e, adj. perfect. parfaitement, adv. perfectly. parfois, adv. at times. parfum, m. perfume, flavor. parfumer, v. to perfume, scent. parier, v. to wager, bet. Paris, Paris. parisien, -ne, adj. and s. Parisian (written Parisien when s.). parlement, m. parliament (usually judicial). parier, v. to speak. parmi, prep, among. paroisse, /. parish, parish- church. paroissial, -e, adj. parish. paroissien, -ne, adj. and s. parishional, parishioner; m. prayer-book. parole, /. word, speech. parozysme, m. paroxysm, fit. VOCABULARY 445 parquet, m. bar, prosecutor's offices, orchestra (theater), French floor. parrain, m. godfather. parricide, m. parricide. part, /. part, direction; a , aside, except for; autre , somewhere else; quelque , somewhere; nulle , nowhere. partager, v. to share, divide. parterre, m. rear of orchestra, pit (theater). parti, m. party, side, decision, match; prendre le , make up one's mind; prendre son de, to resign oneself to, submit to. partibus (in), applied to pre- lates who have the title and character of bishops, but no jurisdiction. particulier, -ere, adj. particu- lar, peculiar, private. particulierement, adv. partic- ularly, [game. partie, /. part, portion, party, partir, v. to depart, leave, come from, begin, burst out, set out, go off; a de, from. par tout, adv. everywhere. parure, /. ornament, set of jewels. parvenir, v. to reach, attain, succeed, arrive; parvenu, -e, parvenu, parvenue, upstart. pas, m. step; de ce , at once, directly. pas, adv. not, no; ne . . . , not, no. passablement, adv. passably, tolerably. passage, m. passage, passing, transfer, covered gallery for persons on foot. passager, m. passenger, passavant, m. gangway, passe, /. pass, thrust; inter j. je t'ai vu, presto, out of sight ! passementer, v. to lace adorn, passer, v. to pass, pass over, go by, transfer, project; se , pass, happen, take place; passant, -e, adj. and s. passing, passer-by; passe", -e, adj. and s. past. passereau, m. sparrow, passif, -ive, adj. passive, meek. passion, /. passion, passionnement, adv. passion- ately, passionner, v. to impassion, move. pasteque, /. watermelon, pastoral, -e, adj. pastoral, patatin, patatan, used as a refrain. pate, /. paste, dough, pate", m. pastry, pie, blot. pate, /. paste (for poultry). 446 VOCABULARY patenfitre, m. paternoster, Lord's prayer, prayer. pater, m, paternoster, Lord's prayer (Latin). patere, /. peg (for clothes, etc.). paternel, -le, adj. paternal. patibulaire, adj. patibulary, belonging to a gibbet. patiemment, adv. patiently. patience, /. patience. patin, m. skate. patois, m. patois; used adjec- tively : of the patois, pro- vincial. patre, m. shepherd. patriarcal, -e,adj. patriarchal. patrie, /. native land, father- land. patriotique, adj. patriotic. patriotisme, m. patriotism. patron, m. patron, master, employer, cockswain. patronal, -e, adj. patronal, of the patron saint. patronne, /. mistress. patte, /. paw, foot. paturage, m. pasturage, pas- ture. pature, /. pasture, food. paume, /. palm (of the hand). paupiere, /. eyelid. pauvre, adj. and s. poor, piti- ful ; de moi, poor me ! pauvresse, /. poor woman, beggar. pauvrete", /. poverty. pave", m. pavement. paver, v. to pave. pavilion, m. pavilion, wing of a house. pavoiser, v. to deck, adorn with flags. pavement, m. payment. payer, v. to pay, pay for. pays, m. country, fellow coun- tryman. paysage, m. landscape, scen- ery. paysan, -ne, m., }. peasant. payse, /. fellow country- woman (feminine of pays). pe"age, m. toll. peau, /. skin. pecaire, inter], compassionate or disdainful (in Provence). peche, /. peach. p6che, /. fishing, catch; faire bonne , have good luck fishing. pe'che', m. sin. plcher, v. to sin. pficher, v. to fish, fish for. pe"cheur, pcheresse, m., f. sinner. pdcheur, -euse, m., }. fisher- man, fisherwoman. pectoral, m. pectoral muscle, breast. peigner, v. to comb; se , comb one's hair. peindre, v. to paint, picture. peine, /. suffering, grief, pain, difficulty, trouble, labor, VOCABULARY 447 torment; 3. , scarcely; porter la , bear the burden or consequences; homme de , laborer. peintre, m. painter. peinture, /. painting. pelerinage, m. pilgrimage. peluche, /. plush. penal, -e, adj. penal. penaud, -e, adj. abashed, sheepish. pencher, v. to bend, lean; se , bend, bend down; penche", -e, bent, bowed, leaning. pendant, prep, during; que, conj. while. pendre, v. to hang, hang up. pendule, /. clock, mantel- clock; borne, mantel- clock. pe'ne'trer, v. to penetrate, enter, go in, invade; pe'ne'- trant, -e, penetrating. pfinible, adj. difficult, labo- rious, painful, distressing. pe"niblement, adv. with diffi- culty, painfully. pe'ninsule, /. peninsula. penitent, m. penitent. pens^e, /. thought. penser, v. to think; pensez, think, just imagine. pensif, -ive, adj. pensive, thoughtful. pension, /. pension, board, boardine-houae or school. pensionnaire, m., f. boarder. pente, /. slope. percale, f. percale, cambric muslin. perception, /. perception, col- lectorship. percer, v. to pierce, cut in, run through, go or wear through. percher, v. to perch; se , perch, roost. perdre, -v. to lose, ruin; se , lose oneself, get lost, be lost. pere, m. father. peregrination, /. peregrina- tion, foreign travel. perfection, /. perfection ; dans la , to perfection. perfide, adj. and s. perfidious, perfidious person. pe"ril, m. peril. pfirir, v. to perish, be lost. perle, /. pearl; fake la , to pearl, be covered with bub- bles after stirring. permettre, v. to permit, allow. permission, /. permission. perpendiculairement,arfi>. per- pendicularly. perpe"tuel, -le, adj. perpet- ual. perpetuite", /. perpetuity; & for life. perplexe, adj. perplexed, puz. zled. perplexite, /. perplexity. 448 VOCABULARY perron, m. perron, elevated stone landing. perroquet, m. parrot. perruque, /. wig. person, -e, adj. and s. Per- sian (written Person when S.). perse've'rer, v. to persevere, continue; perseVe"rant, -e, persevering, persienne, /. outside Venetian blind, window-blind, persister, v. to persist. personnage, m. personage, person. personne, /. person; m. any one, no one; ne . . . , no one. perspective, /. perspective, persuader, v. to persuade, pervers, -e, adj. perverse, de- praved, wicked. pesee, /. weighing, pressing. pfese-liqueur, m. hydrometer, peser, v. to weigh, rest. petard, m. firecracker. p6tiller, v. to crackle, sparkle. petiot, -e, adj. and s. tiny, midget, little one. petit, -e, adj. and s. small, little, short, small person, little one, young. petite -fille, /. granddaughter. petit -maitre, m. dandy. pe"trification, /. petrifaction. pe"trir, v. to knead, mould, petulant, -e, adj. petulant. peu, adv. and s. little, not very, a little, few; & , little by little; dans , in a short time; un , a little, somewhat; un bien, rather; --de chose, not much, little. Peules, pl.,m. a mixed African race (Berber, Arab and Ne- gro blood) in Senegambia and along the Niger. peuple, m. people, common people. peupler, v. to people, popu- late. peuplier, m. poplar. peur, /. fear; avoir , be afraid; faire , frighten. peut-Stre, adv. perhaps. phalange, /. phalanx. pharmacie, /. pharmacy, drug-store. phase, /. phase. phenix, m. phenix, fabulous bird, only one of its kind, could rise from its ashes after having been burned. phenomene, m. phenomenon. Philippe, Philip. philosophe, m. philosopher. phrase, /. phrase. physionomie, /. physiognomy, face. physique, adj. physical. piaffer, v. to stamp, paw. piailler, v. to bawl, squeal, cry out shrilly. VOCABULARY 449 piauler, v. to whine, whimper. picholine, /. picholine; olives a la , prepared green olives served as a side-dish. picorer, -v. to maraud, pick. pie, /. magpie; adj. pious. Pie X, Pius X. piece, /. piece, room; la , apiece, pied, m. foot; fusil au , gun resting on the ground. piege, m. trap; d'optique, optical illusion. Pie"mont, m. Piedmont (pro- vince of northern Italy). Pierre, Peter, pierre, /. stone; a feu, flint. pierreries, pi., }. precious stones. pi^te", /. piety. pie"tiner, v. to trample, stamp, pieton, m. pedestrian, any one traveling on foot, pieux, -euse, adj. pious. pigeon, m. pigeon; ramier, wood-pigeon. pigeonnier, m. pigeon-house, pignon, m. gable, pilier, m. pillar, maintainer, steady customer, pilier, v. to plunder, pi Ion, m. pestle, wooden leg. pilote, m. pilot, pin, m. pine-tree, fir. pince, /. pinch, pincers, tongs, pinceau, m. brush (painter's). pince-nez, m. eyeglasses. pincer, v. to pinch, bite, com- press (one's lips). Pinel, celebrated French phy- sician, first to treat the insane in a kindly manner (1745-1826). pinson, m. chaffinch. pipe, /. pipe; nom d'une , popular oath. piquet, v. to prick, stick, bite, sting, stick in; piquant, -e, prickly, sharp, biting, stinging, keen. piquet, m. picket, squad, pi- quet (card-game). piqueur, m. huntsman, out- rider. piqure, /. prick, puncture, hole. pis, adv. worse; le , worst; tant , so much the worse. pistolet, m. pistol. pitie", /. pity. pitoyable, adj. pitiful. pittoresque, adj. picturesque. pivert, m. green woodpecker. pivot, m. pivot. pivoter, v. to turn on a pivot, turn around. place, /. place, square, room, stead. placer, v. to place, assign. plafond, m. ceiling. plage, /. shore, beach. plain, -e, adj. level; de 450 VOCABULARY pied, on a level, smoothly, easily. plaindre, v. to pity; se , complain. plaine, /. plain, plainte, /. complaint, wail, plaintif, -ive, adj. plaintive, plaire, v. to please; plut au ciel, would to heaven; plaisant, -e, adj. and s. pleasant, agreeable, wag, joker. plaisanter, v. to joke, jest, plaisanterie, /. joke, plaisir, m. pleasure, plan, m. plan, plane. planche, /. plank, board; noircie, blackboard, plancher, m. floor, flooring, planchette, /. little board, little shelf, plante, /. plant, planter, v. to plant, place; la, give the slip to, leave in the lurch. planteur, m. planter, plastron, m. plastron, breast- protector, plat, m. dish. plat, -e, adj. flat. plat-bord, m. gunwale, plateau, m. platter, plate -forme, /. platform. platonique, adj. platonic. platras, m. old plaster, rub- bish, platre, m. plaster. plebeien, -ne, adj. plebeian. plein, -e, adj. full, open (air, sea); jour, broad day- light; en juillet, in the middle of July. plenier, -fere, adj. plenary. pleur, m. weeping; pi. tears. pleurer, v. to weep. pleurnicher, v. to whimper, snivel. pleuvoir v. to rain. pli, m. fold, plait. plier, v. to fold, bend. plisser, v. to plait, crease, wrinkle. plomb, m. lead. plongeon, m. plunge, dive. plonger, v. to plunge, dive. ployer, v. to bend; se , bend oneself, be bent. pluie, /. rain; - battante, heavy or beating rain. plumage, m. plumage. plume, /. feather(s), pen; femme de , literary woman, writer. plumer, v. to plume, pluck, strip off the feathers. plupart, /. greater part, most. plus, adv. and s. more, no more; le , most; ... , the more . . . the more; ne . . . , no longer, never more; non , either; de , in addition, more; de en , more and more. plusieurs, adj., pi. several. VOCABULARY 451 plutfit, adv. rather, sooner. poche, /. pocket, pouch, bag. poSle, m. stove; /. frying- pan. pofeme, m. poem. poe"sie, /. poetry, poesy. poete, m. poet. pofitique, adj. poetic. poids, m. weight. poignarder, v. to stab. poigne, /. strength of the wrist, fist (familiar). poign^e, /. handful. poignet, m. wrist. poil, m. hair (of the body, of an animal), nap. poing, m. fist, hand. point, m. point, place; a , just right. point, adv. not at all; ne . . . , not at all. pointe, /. point, tip -top; sur ses pointes, on tiptoe; a la du pied, on tiptoe. pointu, -e, adj. pointed. poire, /. pear; a poudre, powder-horn. poirier, m. pear-tree, pear- wood. poisson, m. fish. Poissy, town on the Seine, 16 miles west of Paris. poitrail, m. chest (of horses, etc.). poitrinaire, adj. and s. con- sumptive, consumptive per- son. poitrine, /. breast, chest, lungs. poivriere, /. pepper-box, sen- try-box. polaire, adj. polar. p61e, m. pole. poli, -e, adj. polite. police, /. police, police-duty. policier, m. police officer. poliment, adv. politely. polisson, m. mischievous child, scamp. politesse, /. politeness, civility. politique, adj. and s. political; m. politician; /. politics. pommader, v. to pomatum, paint. pomme, /. apple; de terre, potatoe. pompeusement, adv. pom- pously. pompeux, -euse, adj. pom- pous. pompon, m. topknot, tuft (woolen). ponceau, adj. poppy-colored, flame-colored. ponctuel, -le, adj. punctual. pondre, v. to lay. Poniatowski, Polish general and marshal of France, to avoid disgrace of defeat after the battle of Leipsick (1813) was lost he leaped on horseback into the F.lstei and was drowned. pont, m. bridge, deck. 45 2 VOCABULARY pontife, m. pontiff. pont levis, m. drawbridge. populaire, adj. popular. population, /. population. porcelaine, /. porcelain. porche, m. porch. port, m. port. portail, m. portal, front of a church. porte, /. door, gate, door- way. porte-bannilre, m. banner- bearer. portefaix, m. porter. portefeuille, m. portfolio, pocketbook. porter, v. to carry, bear, bring, wear, support, deal (blows); se , be (of the health), be directed. Portes de Fer, name of several mountain passes, the one referred to in the text is in Algeria. porteur, m. bearer, porter. portifere, /. door-curtain, car- riage-door, portress, door- keeper. portrait, m. portrait. poser, v. to place, put, set down, ask (a question); se , place oneself, alight; pose, -e, steady, sedate. positif, -ive, adj. positive, certain. position, /. position. posse'der, v. to possess, have command of, have; se , contain oneself; with neg- ative: be beside oneself; posse"de, -e, possessed. possesseur, m. possessor, owner. possession, /. possession. possible, adj. possible. poste, /. post, post-office, mail; m. military post, post, posi- tion; fouet de , horse- whip. poster v. to post. poste'rite', /. posterity. postilion, m. postilion. pot, m. pot; au-feu, boiled beef. potager, m. kitchen-garden. pote"e, /. potful, pot, stew. potence, /. gallows, gibbet-. poterie, /. pottery. poterne, /. postern (gate). Potsdam, near Berlin (the Versailles of Prussia); tra- vailler pour le souverain qui regne a , to work to no purpose. pouce, m. thumb, inch. poudre, /. powder. poudrer, v. to powder, make a mocking gesture. poule, /. hen, fowl. poulet, m. chicken. pouls, m. pulse. poupe, /. poop, stern. pour, prep, for, to, in order to, for the sake of; que, VOCABULARY 453 con], that, in order that; cent, per cent. pourchasser, v. to pursue, hunt for, hunt. pourquoi, conj. why. poursuivre, v. to pursue, con- tinue, keep up. pourtant, adv. and conj. how- ever, nevertheless. pourvoir, v. to provide. pourvu que, conj. provided that. pousse*e, /. pushing, thrust. pousser, v. to push, send forth, grow, grow out, utter, urge on, heave. poussiere,/. dust, mist. poussie'reux, -euse, adj. dusty. poutre, /. beam, girder. pouvoir, v. to be able, can, be able to do, avail; se , be possible; m. power. praticien, m, practitioner. pratique, /. practice, use, cus- tom, practical side; vieille , old rascal. pratiquer, v. to practice, fre- quent. preau, m. yard (of a monas- tery, etc.). precaution, /. precaution. >re*ce"dent, -e, adj. and s. pre- ceding, precedent. pre"ce"der, v. to precede. pre'cepte, m. precept. precher, v. to preach. prechi-precha, m. preaching. monotonous repetition (Lit- tre" gives this word the acute accent). pre"cieux, -euse, adj. precious. precipitation, /. precipitation, hurry. pre"cipiter, v. to precipitate, hurry, throw; se , rush forth, rush forward, throw oneself; pre"cipite", -e, pre- cipitate, hurried, has*y. pre'cise'ment, adv. precisely, exactly. precision, /. precision. predire, v. to predict, proph- esy. preface, /. preface (of the mass: part immediately be- fore the canon). prefecture, /. prefecture (of- fice of the prefect). preference, /. preference. pre"ferer, v. to prefer. premier, -fere, adj. first. Premontre"s, pi., m. Premon- strants (religious order founded in 1120). prendre, v. to take, take on, catch, seize, take up or from, occupy, find (pleas- ure); se , be taken; se d'amour, fall in love; se a, begin; s'y , go about it; il lui prend, there comes to him. prenom, m. first or Christian name. 454 VOCABULARI preoccupation, /. preoccupa- tion. prfioccuper, v. to preoccupy. pre"paratif, m. preparation. pr6parer, v. to prepare. pres, prep, (with de) and adv. near, about to; a peu , almost. presbytere, HI. rectory, vica- rage, parsonage. prescrire, v. to prescribe. presence, /. presence. present, -e, adj. and s. pres- ent, person present; m. present, gift; a , at pres- ent, now; la prfisente, the present letter, etc. prfisentement, adv. at present, now. presenter, v. to present. preserver, v. to preserve. pre"sider, v. to preside, preside over. presque, adv. almost, nearly. pressentiment, m. presenti- ment. pressentir, v. to have a pre- sentiment, foresee. presser, v. to press, hurry, urge; SC , be in a hurry, crowd, press close; pres- sant, -e, pressing, urgent; presse", -e, pressed, in a hurry. prestance, /. bearing, impos- ing appearance. preste, adj. quick, agile. prestige, m. prestige, in fluence, magic spell. prfit, -e, adj. ready. prfitendre, v. to pretend, claim; pretendu, -, pre- tended, so-called, false. prevention, /. pretension, claim. prfeter, v. to lend, attribute. prteur, m. lender. prfetre, m. priest. preuve, /. proof. provenance, /. obligingness, consideration, kind atten- tion. preVenir, v. to anticipate, warn, inform. provision, /. prevision, con- jecture. prevoir, v. to foresee. prie-Dieu, m. prayer-stool. prier, v. to pray, beg, request. priere, /. prayer, entreaty. prieur, m. prior. prince, m. prince. principal, -e, adj. principal. principalement, adv. princi- pally. principe, m. principle. printanier, -ere, adj. like or of the spring, bright young (eyes) . printemps, m. spring. prise, /. capture, seizure, prize, hold, clutch; aux prises avec, struggling with. prison, /. prison. VOCABULARY 455 prisonnier, -4re, m., f. pris- oner. privation, /. privation. priver, v. to deprive. privilege, m. privilege. privile'gier, v. to privilege. prix, m. price, value, prize. probable, adj. probable. probablement, adv. probably. probit^, /. probity, honesty, integrity. probleme, m. problem. procession, /. procession. prochain, -e, adj. next, near- est, coming. prochainement, adv. shortly, soon. proche, adj. near, nigh. prodige, m. prodigy, marvel, miracle. prodigieusement, adv. pro- digiously. prodigieux, -euse, adj. pro- digious. prodiguer, v. to lavish. produire, v. to produce; se , be produced. profe"rer, v. to utter. professeur, m. professor. profit, m. profit, advantage. profitable, adj. profitable. profiter, v. to profit. profond, -e, adj. profound, deep. profonde'ment, adv. profound- ly, deeply. profondeur, /. depth. proie, /. prey. projet, m. project, plan. prolonger, v. to prolong. promenade, /. walk, outing, promenade. promener, v. to lead, take out, take about, cast, direct, let wander (the eyes); se take a walk, ride, etc. promesse, /. promise. promettre, v. to promise. promptement, adv. promptly. promptitude, /. promptness. prononcer, v. to pronounce, utter, declare. propice, adj. propitious, fa- vorable. proportion, /. proportion. propos, m. purpose, object, remark, talk; tenir des , talk; a , by the way. proposer, v. to propose. proposition, /. proposition. propre, adj. proper, clean, own. proprement, adv. properly, correctly; dit, properly so called. proprie"taire, m. proprietor, owner. proprie'te', /. propriety, prop- erty. prosterner, v. *o prostrate. prote"ger, v. to protect. protestaatisme, m. Protestan- tism. protestation, /. protestation. 45 6 VOCABULARY protester, v. to protest. proue, /. prow, bow. prouver, v. to prove. provencal, -e, adj. and s. Provencal; a la proven- gale, in the Provencal style (written Provencal when $.). Provence, /. Provence, the extreme southeastern pro- vince in France before the Revolution, united to France in 1487. proverbe, m. proverb. providence, /. providence. province, /. province; de , provincial; en , to or in the provinces. provincial, -e, adj. provin- cial. provision, /. provision, supply. provoquer, v. to provoke. prrrt, interj. used for a sud- den or quick movement. prudence, /. prudence. prudent, -e, adj. prudent. prunelle, /. pupil, eyeball, eye. prussien, -ne, adj. and s. Prussian (written Prussien when s.). psaume, m. psalm. public, -ique, adj. and s. public. publier, v. to publish. pudeur, /. modesty, bashful- ness, shame. puis, adv. then. puiser, v. to draw, draw forth, acquire. puisque, con}, since. puissance, /. power. puissant, -e, adj. powerful, mighty, strong. puits, m. well. punch, m. punch. punir, v. to punish. punition, /. punishment. pupitre, m. desk. pur, -e, adj. pure. purifier, v. to purify. pusillanime, adj. pusillani- mous, faint-hearted. pyramide, /. pyramid. qu', see que. quadrille, /. quadrille. quai, m. quay. qualite, /. quality, rank, ca- pacity. quand, conj. when ; meme, even if, all the same. quant (a), adv. as for, as to. quantit^, /. quantity. quarante, card, forty. quart, m. quarter, watch, beat; officier de , officer of the watch. quartier, m. quarter, block (of stone). quasi, adv. almost. VOCABULARY 457 quasiment, adv. almost, as it were. quatorze, card, fourteen; at piquet: four cards alike, so called because of the value. quatorzieme, ord. fourteenth. quatre, card, four; che- mins, four roads, cross- roads. quatre -vingts, card, eighty. quatre - vingt - deux, card. eighty-two. que, conj. and adv. that, in order that, than, until, as, why, how, let (used also to avoid repetition of a conjunction, then takes meaning of first conjunc- tion); de, how many; ne . . . , only, but, ex- cept; est-ce , introduc- ing a question. que, rel. pr. whom, which, what, ever. que, int. pr. what?; qu'est-ce que, what? quel, quelle, adj. pr. (rel. or int.} what, which. quelconque, indef. adj. pr. whatever, whatsoever. quelque, indef. adj. pr. some, few. quelquefois, adv. sometimes. quelqu'un, une, indef. pr. some one, somebody (pi. quelques uns, -unes). querelle, /. quarrel, dis- pute. question, /. question. qufite, /. quest, search. queteur, -cuse, adj. begging, mendicant. queue, /. tail, queue. qui, rel. pr. who, which, what; ... , some . . . others; que, who- ever. qui, int. pr. who?, which?, what?; qu'est-ce , what; est-ce , who? etc. quiconque, inde}. pr. who- ever. quinte, /. fifth, quint (at pi- quet: highest five cards of the same suit); avoir et quatorze, to have com- mand, have everything. quinzaine, /. about fifteen, fortnight. quinze, card, fifteen; jours, two weeks. quitter, v. to quit, leave, lay aside. quoi, int. and rel. pr. what, which; de , wherewith, cause, reason, material; mais , but what can one do or ask for; que, whatever; je ne sais , I don't know what, some- thing. quoique, conj. although. quotidien, -ne, adj. daily. 458 VOCABULARY R rabais, m. rebate, reduction. rabat, m. neck-band. raccommoder, v. to mend, re- pair, patch up. raccourcir, v. to shorten, cut short. race, /. race, species, sort. Rachel, celebrated tragic ac- tress (1821-1858). racine, /. root. racleur, m. scraper, bad fid- dler. raconter, v. to tell, relate, recount. radical, -e, adj. radical. radieux, -euse, adj. radiant. radotage, m. dotage, non- sense, rambling talk. radoter, v. to dote, talk non- sense, rave. rafale, /. gust, blast, squall. raffoler, v. to dote on, be madly in love with. rafraichir, v. to refresh, cool. rafraichissement, m. refresh- ment, cooling, cooling drink, shower, breeze, freshening. ragaillardir, v. to cheer up, make merry. rage, /. rage. raide, adj. stiff, rigid. raideur, /. stiffness. rale, /. line, streak. raillerie, /. raillery, mockery, jeer. railleusement, adv. jestingly, teasingly. rainure, /. groove. raisin, m. grape(s). raison, /. reason, mind; avoir , be right; a de, at the rate of. raisonnable, adj. reasonable. raisonner, v. to reason; rai- sonnant, -e, reasoning, ra- tional. rajeunir, v. to make young again, rejuvenate. raler, v. to have a rattling in the throat, have the death- rattle. ramasser, v. to pick up, gather, collect. rame, /. oar, ream. rameau, m. bough, branch. ramener, v. to bring or lead back. ramer, v. to row. rameur, m. rower. ramier, m. ring-dove, wood- pigeon. ramification, /. ramification. rampe, /. hand-rail, banister, railing. ramper, v. to creep, crawl. rancune, /. rancor, spite. rancunier, -ere, adj. spiteful, vindictive. rang, m. rank, row. ranged, /. row. VOCABULARY 459 ranger, v. to range, arrange, draw up, line up, put in order; se , draw up, line up. rapace, adj. rapacious, greedy. rapide, adj. rapid. rapidement, adv. rapidly. rapidite, /. rapidity. rapie"cer, v. to repair, patch, patch up. rappeler, v. to recall; se , remember, recall. rapport, m. report, relation; a, on account of. rapporter, v. to bring back; s'en a, leave the matter to. rapprocher, v. to draw or bring near. rapt, m. abduction. rare, adj. rare, scarce, thin, occasional, few, infre- quent. rarement, adv. rarely. rarete, /. scarcity. ras, -e, adj. closely cut, short- napped. raser, v. to shave. rassasier, v. to satiate, glut. rassembler, v. to reassemble, assemble; se , assemble, meet. rasseoir, v. to reseat; se , sit down again; rassis, -e, calm, sedate, sober- minded. rassurer, v. to reassure; se , reassure oneself, be reas- sured, rat, m. rat. rata, m. stew (popular). rateau, m. rake. ratifier, v. to ratify. rattacher, v. to tie again; se , be attached. rature, /. erasure, ravin, m. ravine. ravir, v. to ravish, enrap ture, delight; ravissant, -, ravishing, bewitching, lovely, rayer, v. to stripe, streak, scratch. Raymond, journalist and writer (1812-1886). rayon, m. ray, beam, rayonnement, m. radiance, rayonner, v. to beam, shine; rayonnant, -e, radiant, beaming, shining. razzia, /. raid, realisation, /. realization. re"aliser, v. to realize; se , be realized, rebelle, adj. and s. rebellious, rebel, rebondir, v. to rebound; re- bondi, -e, plump, chubby, rebord, m. edge, ledge. re"bus, m. rebus. rebut, m. refuse, waste, trash, riffraff, rebuter, v. to rebuff; se , be rebuffed, be discouraged. 460 VOCABULARY receleur, m. receiver of stolen goods. recent, -e, adj. recent. reception, /. reception. recette, /. recipe. receveur, m. receiver, col- lector; de 1'enregistre- ment, recorder, registra- tion officer. recevoir, v. to receive. rechapper, v. to escape again, escape. rgchaud, m. chafing-dish, dish for heating. recherche, /. investigation, searching, search. rechercher, v. to search for again, search for; recher- che", -e, in demand, sought after, refined, select. rechute, /. relapse. rlcidiviste, m. old offender. re"cit, m. recital, narration. reciter, v. to recite. reclamer, v. to reclaim, claim. re"colte, /. crop, harvest. recommendation, /. recom- mendation. recommander, v. to recom- mend, commend, bid. recommencer, v. to recom- mence, begin again. recompense, /. recompense, reward. r^compenser, v. to reward. reconciliation, I. reconcilia- tion. reconduire, v. to reconduct, lead back, go back with, reconnaissance, /. gratitude, reconnaitre, v. to recognize, admit, realize, know, reconstruire, -c. to reconstruct, rebuild. recoucher (se), v. to lie down again. recourber, v. to curve, recouvrer, v. to recover, recouvrir, v. to cover again, cover; se , be covered again. r^cr^ation, /. recreation, recrue, /. recruit. recueil, m. collection, recueillir, v. to gather, pick up, take in; recueilli, -e, meditative, musing. reculer, v. to draw back, fall back, go back, recoil; se , go back, recoil, move back. redemander, v. to ask again, demand back, redescendre, v. to descend again, redhibitoire, adj. redhibitory, setting aside a contract. rdiger, v. to draw up, word . redingote, /. frock-coat, redire, v. to say again, tell again, retell. redonner, v. to give back, re- store; un peu de coeur VOCABULARY 461 au ventre, revive the spirits a little. redoubler, v. to redouble, in- crease; redouble, e, re- doubled, again and again. redouter, v. to dread. redresser, v. to straighten, erect again, redress; se , draw oneself up, straighten up. require, v. to reduce, compel; se , reduce oneself, be reduced. re"el, -le, adj. real. rellement, adv. really, in reality. refaire, v. to make again, go back over. refendre, v. to split again. refermer, v. to close again. re'fle'chir, v. to reflect, take into consideration. reflet, m. reflection. rentier, v. to reflect. reflexion, /. reflection; faire la , to reflect. re"forme, /. reform. refrain, m. refrain. refroidir, v. to cool; se , grow cool. refugier (se), v. to take refuge. refus, m. refusal. refuser, v. to refuse; se , to refuse, deny oneself. regagner, v. to regain, get back to. re"galer, v. to regale, treat. regard, m. glance, sight, re- gard, attention. regarder, v. to regard, look at, look, watch, concern. re'ge'n6rer, v. to regenerate. regiment, Ji. regiment. regie, /. rule. reglement, m. rule, regulation. re"glementaire, adj. according to regulations, regular (also written reglementaire). re"gler, v. to regulate, settle. re"gner, v. to reign. regret, m. regret. regretter, v. to regret. re"gulier, -ere, adj. regular. re"gulierement, adv. regularly. Reichshoffen, town in upper Alsace, scene of defeat of French in 1870. rein, m. kidney, back; coup de , blow or quick move- ment of the back, usually used for the effort made by a horse drawing a load. reine, /. queen. reinette, /. winter-pippin, ren net. rejaillir, v. to gush out again, spurt out or up. rejeter, v. to throw back or down, reject. rejoindre, v. to rejoin. rejouir, v. to rejoice, cheer; se , be delighted. relache, /. respite, relaxation relacher, v. to release. 462 VOCABULARY relancer, v. to throw again. relation, /. relation, connec- tion. rele'guer, v. to relegate, con- sign. relevee, /. afterno'on. r clever, v. to lift again, raise, lift, set up again; se , raise oneself up, rise again, stand up, right itself. relief, m. relief. religieusement, adv. religious- ly. religieux, -euse, adj. religious. religion, /. religion. relique, /. relic. reluisant, -e, adj. shining, glistening. remarquable, adj. remark- able. remarquer, v. to remark, notice. rembarquer (se), v. to reem- bark. remede, m. remedy. remercier, v. to thank. remettre, v. to put back, give back, deliver, give over, pardon; se , put oneself back, set out again; se a, begin again. reminiscence, /. reminiscence, recollection. remonter, v. to remount, go up again, go back, rise again* re'mora, m. remora (fish said to have power to stop vessels). remords, m. remorse. rempailleur, m. chair-mender, chair-bottomer. rempart, m. rampart. remplajant, m. substitute. remplacer, v. to replace, sub- stitute. remplir, v. to fill; se , be filled ; rempli, -e, filled, full. remuer, v. to move, rouse, shake, stir, stir up, wave; se , bestir oneself, move about; remnant, -e, stir- ring, turbulent. renaitre, v. to be born again, spring up again. renard, m. fox. rencontre, /. meeting; a sa , to meet him. rencontrer, -v. to meet, find; se , meet. rendez-vous, m. rendezvous, meeting, appointment. rendre, v. to render, give back, give, make; se , render oneself, surrender, betake oneself, go; se amoureux, fall in love; rendu, -e, rendered, knocked up, done for. renfermer, v. to shut up again, shut up, confine, enclose. rengorger (se) , v. to puff one- self up, bridle up. VOCABULARY 463 renne, m. reindeer, renom, m. renown, fame, rep- utation. renomme'e, /. renown, fame, celebrity. renoncer, v. to renounce, renouveler, v. to renew, re- peat. renseigner, v. to inform, rente, /. income, annuity, in- come from government bonds, stocks, etc. rentre"e, /. reentrance, return. rentrer, v . to reenter, go back in, come in, take in, drive in, bend in, compress, turn in; en possession, regain possession. renverse (a la), adv. back- ward, on one's back. renverser, v. to overturn, up- set, throw over, throw back; se , throw oneself back, renvoyer, v. to send back or away, dismiss, reflect, rlpandre, v. to scatter, spread ; se , spread, be spread, be spread out, scatter, reparaitre, v. to reappear. r6parer, v. to repair, reparler, v. to speak again, repartir, v. to set out again, leave. repas, m. repast, meal, repasser, v. to pass again, pass on, iron. repentir (se), v. to repent; re- pentant, -e, repentant, pen- itent. repertoire, m. repertory. re*pe"ter, v. to repeat. re"pit, m. respite. replet, -te, adj. rather stout, fat. repli, m. fold. replier, v. to fold again, fold. re"pliquer, v. to reply. replonger (se), v. to replunge, go back (in). re"pondre, v. to respond, an- swer, reply; de, answer for. re"pons, m. response (Catholic service). re"ponse, /. response, answer, reply. reporter, v. to carry back. repos, m. repose, rest. reposer, v. to repose, rest, re- place; se , rest; repose", -e, rested, quiet, leisurely. repousser, v. to push back, throw back, repulse, grow out again. reprendre, v. to take again, take up, continue, catch again, take back, regain, seize again; bien donne ne sereprend plus, what is once given cannot be taken back, represaille, /. retaliation, re- prisal; pi. reprisal. 464 VOCABULARY representation, /. representa- tion, presentation. representer, v. to represent. reprimander, v. to reprimand. reprise, /. retaking, darn; a plusieurs reprises, several times. reprobation, /. reprobation, reproof; Stre en , be reproved. reproche, m. reproach. reproduire, v. to reproduce. republicain, -e, adj. republi- can. republique, /. republic. repugnance, /. repugnance. repugner, v. to be repugnant. reputation, /. reputation. reserver, -v. to reserve, put by; reserve", -e, reserved. reservoir, m. reservoir. residence, /. residence. resignation, /. resignation. resigner, v. to resign; resigne, -e, resigned. resistance, /. resistance. resister, v. to resist, with- stand, endure; resistant, -e, resisting. resolu, see re"soudre. resolution, /. resolution. resonner, v. to resound, sound, clank. resoudre, v. to resolve, deter- mine, solve; resolu, -e, resolute. respect, m. respect. respecter, 7-. to respect; se , respect oneself, have self- respect. respectueux, -euse, adj. re- spectful. respiration, /. respiration, breathing, breath. respirer, v. to breathe, inhale. resplendissant, -e, adj. re- splendent. ressembler, v. to resemble. ressentir, v. to feel again, feel, experience; se , feel the effects, show signs. resserrer, v. to narrow; se , become narrow. ressort, m. spring, activity, strength. ressortir, v. to go out again, stand out. ressource, /. resource. ressusciter, v. to revive. restaurant, m. restaurant. restauration, /. restoration. reste, m. rest, remains; du , for the rest, besides. rester, v. to. remain, stay; restant, -e, remaining. restituer, v. to restore, give back. resultat, m. result. resurrection, /. resurrection. retard, m. delay; en , late. retardataire, m. late comer, loiterer. retarder, v. to delay, put off. retenir, v. to retain, hold VOCABULARY 465 back, hold, confine, keep, restrain. retentir, v. to resound, re- echo, ring. retentissement, m. resound- ing, echo, noise. retirer, v. to retire, draw back, take from, get, draw out; se , retire, withdraw; retire", -e, retired, lonesome. retomber, v. to fall again, fall back. retour, m. return. retourner, v. to return, turn around, turn over again or inside out, turn; se , turn around, return, look about. retracer, v. to retrace, trace again, recall. retraite, /. retreat, retirement; mettre a la , to pension off. retranchement, m. intrench- ment, barricade. re'trospectif, -ive, adj. retro- spective. retrousser (se), v. to turn up. retrouver, v. to find again; se , find oneself again, be found again, find one's way. rlunir, v. to reunite, bring together; se , meet. rfussir, v. to succeed, succeed in or with. rtussite, /. success. revanche, /. revenge. revasserie, /. wild dream, dis- turbed dream. reve, m. dream. re"veil, m. awakening, re veille. reVeiller, v. to awaken; se , awaken. re"veillon, m. midnight feast, supper. re"veillonner, v. to sup or feast at midnight. reflation, /. revelation. reVeler, v. to reveal. revenant, m. ghost. revendre, v. to resell. revenir, v. to come back, re- turn, recover; n'y revenez plus, don't do it again; sur ses pas, retrace one's steps. revenu, m. income. rSver, v. to dream. reVerence, /. reverence, bow, courtesy. re've'rend, -e, adj. and s. rev- erend, reverend father. reverie, /. revery, dreaming. revets, m. reverse, facing (of cloth), back stroke (from left to right). revfctir, v. to reclothe, clothe, put on, cover. re'veur, -euse, adj. dreaming, dreamy. revivre, v. to revive, come to life again, live again. revoir, v. to see again; au 466 VOCABULARY , good-by (till next meet- ing)- reVoltl, m. rebel, mutineer. revolte, /. revolt. revolter, v. to stir up to re- volt, arouse; se , re- volt. revolution, /. revolution. revue, /. review. rez-de-chausse'e, m. ground- floor. rhabiller, v. to dress again. Rhone, m. Rhone. rhum, m. rum. rhumatisme, m. rheumatism. rhume, m. cold. rhythme, -e, adj. rhythmical, having the time beaten. ribambelle, /. string, lot, swarm. ribote, /. drunken bout; en , drunk, tipsy. ricaner, v. to sneer, chuckle. riche, adj. rich. richesse, /. wealth, riches. ride, /. wrinkle. rideau, m. curtain. rider, v. to wrinkle; ride", -e, wrinkled. rien, m. nothing, anything; ne . . . , nothing; que, only. rieur, -euse, adj. laughing. rigoureusement, adv. rigor- ously. rigoureux, -euse, adj. rigor- ous, hard. rigueur, /. rigor; a la , strictly speaking, at a pinch. rime, /. rime. rimer, v. to rime. rire, v. to laugh; se de, laugh at, make fun of, scoff at; m. laughter, laugh; riant, -e, laughing, cheer- ful. risque, m. risk. risquer, v. to risk; se , risk oneself, risk. rissoler, v. to brown, roast brown . rivage, m. shore, beach, side. rive, /. bank, shore. riviere, /. river; de dia- mants, diamond necklace. robe, /. robe, dress, gown. robuste, adj. robust, strong. roche, /. rock. rocher, m. rock, cliff. rfider, v. to roam, prowl, hover. rddeur, m. prowler. rogner, v. to cut off. roi, m. king. role, m. role, part. remain, -e, adj. and s. Ro- man (written Remain when 5.). roman, m. novel, story. romanesque, adj. romanes- que, fantastic, romantic. Rome, /. Rome; roi de , Napoleon II. VOCABULARY 467 rompre, v. to break, break off. rond, -e, adj. round. ronde, /. round; a la , all around, roundabout. rondelet, -te, adj. roundish, rather round, plump. rondeur, /. roundness, ful- ness, frankness. rond-point, m. circle, circus (place where several ave- nues meet). ronflement, m. snoring, snore, roar, roaring. ronfler, v. to snore, roar, hum, sound. ronger, v. to gnaw; se les sangs, fret, be consumed. ronronner, v. to purr. rosace, /. rose-window. rose, /. rose; adj. pink. roseau, m. reed. rose"e, /. dew. rosier, m. rose-bush. rosse, /. worn-out horse, hack. rossignol, m. nightingale. Rossini, celebrated Italian composer (1792-1868). rfitir, v. to roast. roucouler, v, to coo. roue, /. wheel. roue", m. rake, profligate. Rouen, former capital of Nor- mandy, on the Seine 85 miles northwest of Paris. rouge, adj. and m. red, red- hot, redness, red glow. rouge-gorge, m. redbreast, robin . rougir, v. to redden, blush. rouille, /. rust. rouiller, v. to rust; rouille, -e, rusty. roulade, /. rolling, roulade (in music). roulement, m. rolling, beating (of a drum). rouler, v. to roll, roll about; se , roll oneself, roll about, roll up. rousse,/. "cops" (slang), roussir, v. to brown, redden, scorch, route, /. route, way, highway, road; en , on the way, let us be off. routine, /. routine, rouvrir, v. to reopen ; se ,. to reopen. roux, rousse, adj. russet, red- dish brown. royal, -e, adj. royal. made, /. kick (with both hind feet), ruban, m. ribbon; a flours, flowered ribbon. Rubini, celebrated Italian tenor (1795-^854). rubis, m. ruby. ruche, /. hive. rude, adj. rude, rough, heavy, rudement, adv. rudely, rough- ly, terribly, rue, /. street. 468 VOCABULARY ruelle, /. alley. ruer, v. to throw, cast; se , throw oneself, rush. mine, /. ruin. miner, v. to ruin. ruineux, -euse, adj. ruinous. ruisseau, m, small stream, gutter. ruisseler, v. to drip, trickle. rumeur, /. murmur, uproar, hum. Rupelmonde, town in Bel- gium (Flanders), on the Scheldt. rupture, /. rupture, breaking, break; etre en de ban, to be subject to arrest for having broken one's fur- lough. ruse, /. ruse, trick. russe, adj. and s. Russian (written Russe when s.). Russie, /. Russia. rusticite, /. rusticity, boorish- ness. rustique, adj. rustic. S s', see se or si. sa, see son. sable, m. sand. sabler, v. to toss off, drink. sabot, m. wooden shoe, hoof; coup de , kick. sabre, m. sabre, broadsword. sac, m. sack, bag; a bifcre, "beer-barrel." saccader, v. to jerk; saccade*, -e, jerking, rough. sacre, -e, adj. sacred, cursed, damned. sacrifice, m. sacrifice. sacrifier, v. to sacrifice. sacristain, m. sacristan, sex- ton. sacristie, /. sacristy, vestry- room. Sadi, greatest of the Persian poets, author of the Garden of the Roses (1184-1291). safran, m. saffron, yellow. sage, adj. and s. good, well- behaved, wise, sage. sagesse, /. wisdom, sense. saigner, v. to bleed; saignant, -e, bleeding, bloody. saillant, -e, adj. protruding, standing out, striking. saillie, /. spurt, sally, projec- tion. sain, -e, adj. healthy, sound. sainement, adv. healthily, soundly. sainfoin, m. sainfoin (plant used for fodder). saint, -e, adj. and s. saintly, holy, sacred, saint. Saint-Agrico, name of a church in Avignon, found- ed in 680 (usually written Saint -Agricol). Saint -Antoine, Saint-Antho- VOCABULARY 469 ny, anchorite of the Egyp- tian desert, subjected to many temptations that have been popularized (251-356); Faubourg , industrial quarter in east- ern section of Paris. Saint-Cyr, town near Ver- sailles, the French West- Point. Sainte-Helene, /. Island of Saint Helena off the coast of western Africa, to which Napoleon was banished in 1815 and where he died in 1821. sainte-nitouche, /. sanctimo- nious person, one who affects an innocent air. Sainte-Pelagie, a prison in Paris (near the Jardin des Plantes). saintement, adv. holily, bles- sedly. saintet6, /. holiness; Sa Sain- tetl, His Holiness. Saint -Euthbert, probably a misprint for Saint-Cuth- bert, English saint, bishop of Lindisfarne, died 687, life written by Bede. Saint Jacques, Saint James ; de Galice, the patron saint of Spain, see note to p. 140. Saint Nicolas, Saint Nicholas; la , December 6. Saint -Sulpice, Saint Sulpicius (famous church and quar- ter on the left bank of the Seine in Paris). Saint-Vincent-de-Paul, foun- der of the congregation of Sisters of Charity (1576- 1660). saisir, v. to seize, catch, take possession of, startle, strike; se , be seized; se de, seize, lay hold of. saison, /. season. salaire, m. pay. sale, adj. dirty, nasty. sale 1 , -e, adj. salted, salt. salle, /. hall, room; de police, guard-room; a manger, dining-room; d'armes, fencing-room. salon, m. drawing-room, re- ception-room. Salpetriere, /. name of hospi- tal in Paris, especially for nervous diseases. saltimbanque, m. mounte- bank, juggler, street actor. saluer, v. to salute, bow to, bow, greet. salut, m. salutation, safety, salvation, greeting, I salute you. salutaire, adj. salutary, healthy. salve, /. salute, volley. sang, m. blood; le me montait, I was becoming excited or angry. 470 VOCABULARY sanglant, -e, adj. bloody, deeply flushed. sanglier, m. wild boar. sanglot, m. sob. sangloter, v. to sob. sanguin, -e, adj. blood-red, sanguine. Sannois, village and hill about eight miles northwest of Paris. sans, prep, without; que, conj. without. sante", /. health; maison de , hospital, sanitarium. sapin, m. fir-tree, spruce. sarment, m. vine-shoot. sarrasin, -e, adj. and s. Sara- cenic, Saracen (written Sarrasin when s.}. satin, m. satin. satine, -e, adj. satin, glossy, soft. satisfaction, /. satisfaction. satisfaire, v. to satisfy; satis- faisant, -e, satisfactory; satisfait, -e, satisfied. Sarurne, m. Saturn. sauce, /. sauce. saucisson, m. sausage (large). Saudres (les). There is no well-known forest by this name, probably an inven- tion of Maupassant. sauf, sauve, adj. safe; prep. save, except. saumon, m. salmon, salmon color. sauter, v. to jump, leap, skip, skip over; au cou de, fall on the neck of. sautiller, v. to hop, skip; sautillant, -e, hopping, skipping, tripping. sauvage, adj. and s. savage, wild. sauver, v. to save; se , run away. sauvetage, m. rescue. Sauveur, m. Saviour. savant, -e, adj. and s. learned, scholar, learned man. saveur, /. savor, flavor. savoir, v. to know, know to be, know how, can; gre", thank; a , that is, to wit; m. knowledge, learning. savoir-faire, m. ability, art of succeeding in anything un- dertaken. savonner, v. to soap, wash. savoureux, -euse, adj. sa- vory. scandale, m.- scandal. scandaliser, v. to scandalize; se , be scandalized. scander, v. to scan. scarabee, m. scarab, beetle. Scarron, burlesque writer, author of the Roman co- mique (1610-1660). scelerat, -e, adj. and s. wicked, heinous, villain, wretch, rascal. scene, /. scene. VOCABULARY 471 sceptique, adj. and s. scepti- cal, sceptic. Schubert, Austrian composer (1797-1828). Schwartz, monk of the four- teenth century, to whom was attributed invention of powder. scie, /. saw. science, /. science, learning. scintillement, m. sparkling, twinkling. scintiller, v. to scintillate, twinkle, sparkle. Scott (Walter), the Scotch novelist (1771-1832). scrupuleusement, adv. scru- pulously. scrupuleux, -euse, adj. scru- pulous. sculpter, v. to sculpture, carve, engrave. sculpteur, m. sculptor, carver. sculptural, -e, adj. sculptural. se (s') ( refl. pr. himself, her- self, itself, themselves, etc. stance, /. sitting, meeting; tenante, forthwith. sec, seche, adj. dry, dried up, skinny, keen, sharp; mettre & , drain dry, take all one's money. sechement, adv. dryly. secher, v. to dry, dry up. second, -e, adj. and s. second, mate (on a ship). seconde, /. second. seconder, v. to second, sup* port, aid. secouer, v. to shake. secourable, adj. helping. secourir, v. to succor, aid, help. secours, m. succor, aid, help, assistance; Bon Secours, title applied to the Virgin. secousse, /. shake, shaking, shock. secret, -etc, adj. and m. secret. section, /. section. Sedan, town on the Meuse 167 miles northeast of Paris, scene of the greatest French defeat in the war of 1870. sedui.re, v. to seduce, attract, lead astray; se"duisant, -e, seductive, attractive. seigle, m. rye. seigneur, m. lord. seigneurial, -e, adj. seignio- rial, lordly. sein, m. breast. Seine, /. Seine. Be" jour, m. sojourn, stay, visit, staying. seller, v. to saddle. selon, prep, according to. semaille, /. sowing. semaine, /. week. semblable, adj. and s. similar, like, fellow-creature. semblant, m. pretense. sembler. v. to seem. 472 VOCABULARY semer, v. to sow, strew. Senegal, m. French colony in western Africa. sens, m. sense, senses, direc- tion. sensation, /. sensation. sensibilit^, /. sensitiveness, feeling. sensible, adj. sensitive. sensuel, -le, adj. sensual. sentier, m. path. sentiment, m. sentiment. sentir, v. to feel, perceive, smell, smell of, smack of; se , feel oneself, feel, feel that one has. seoir, v. to sit, suit, be be- coming, be befitting (de- fective). separer, v. to separate; se , be separated, separate. sept, card, seven. septembre, m. September. septieme, ord. seventh. serein, -e, adj. serene, un- ruffled, calm. se're'nite', /. serenity. sergent, m. sergeant; de ville, policeman. sergent -major, m. sergeant- major. serie, /. series. se'rieusement, adv. seriously. slrieux, -euse, adj. serious. serment, m. oath. serpent, m. serpent. serpentin, m. worm (of a still). serrement, m. pressure, squeezing, anguish. serrer, v. to tighten, squeeze, press, restrict, embrace, fit tight on, shake (hands); se , crowd, press together, tighten; la poitrine se serra, (he) felt a tightening at the heart; serre", -e, tight, close, compact, close-fisted. serrure, /. lock. servante, /. maid-servant. service, m. service. serviette, /. napkin, towel. servilite", /. servility. servir, v. to serve, be of use; se de, make use of. serviteur, m. servant. ses, see son. seuil, m. threshold. seul, -e, adj. alone, single, mere; a elle seule, by her- self alone, all alone. seulement, adv. only, even. seulet, -te, adj. all alone. seVere, adj. severe. sevrer, v. to sever, wean. sexe, m. sex. si, con}, and adv. if, to see if, so, however, yes (contra- diction) ; a peine , scarce- ly; fait, yes, indeed (con- tradiction). sicilien, -ne, aa j- and s. Sicilian (written Sicilien when 5.). siecle, m. century, age, era; VOCABULARY 473 Le Siecle (name of anticler- ical Parisian newspaper). siege, m. seat, siege. sien, sienne, adj. pr. (usually with le), his, hers, its. sieste, /. siesta, afternoon nap. sifflement, m. whistling. siffler, v. to whistle, hiss. signal, m. signal. signaler, v. to signal, mark out. signature, /. signature. signe, m. sign. signer, v. to sign; se , cross oneself. signet, m. book-mark. signification, /. signification. signifier, v. to signify. silence, m. silence. silencieusement, adv. silently. silencieux, -euse, adj. silent. silhouette, /. silhouette (draw- ing representing a profile traced by means of a shadow), outline. sillon, m. furrow. simple, adj. and s. simple, mere, simple (medicinal herb). simplicity, /. simplicity. simplifier, v. to simplify. simulacre, m. image, shadow, phantom. simuler, v. to feign, imitate, take on the appearance of. sinapisme, m. mustard-plas- ter. sincere, adj. sincere. sincerement, adv. sincerely. since'rite', /. sincerity. singularity, /. singularity. singulier, -ere, adj. singular, peculiar. singulierement, adv. singu- larly. sinistre, adj. sinister. sinistrement, adv. sinisterly. sinon, con}, if not, otherwise. sinuosite, /. bend. sire, m. sire, lord. site, m. site, spot. sitot, adv. so soon, as soon as; dit fait, no sooner said than done; que, conj. as soon as. situation, /. situation. situer, v. to place; situe, -e, situated. six, card. six. sixieme, ord. sixth. sobre, adj. sober. sobriquet, m. nickname. soc, m. plowshare. socie'te', /. society. Socrate, Socrates. soeur, /. sister. soi, refl. pr. oneself, itself (indefinite). soi disant, -e, adj. so called. soie, /. silk. soif, /. thirst; avoir , be thirsty. soigner, v. to care for, take care of, nurse 474 VOCABULARY soigneusement, adv. care- fully. soi-meme, reft. pr. oneself. soin, m. care, attention. soir, w. evening. soiree, /. evening, evening entertainment. soit, adv. be it so, so be it; ... , either . . . or. soixante, card, sixty. soixante -dix, card, seventy. soixante -dix -huit, card, sev- enty-eight. sol, m. soil, ground. soldat, m. soldier. soleil, m. sun, sunshine; en plein , in the hot sun, right in the sun; grand , hot sun. solennel, -le, adj. solemn. solennellement, adv. solemn- ly. solidarity, /. solidarity, joint interest, fellowship. solide, adj. solid, strong, firm. solidement, adv. solidly, firm- ly. solitaire, adj. solitary, alone. solitairement, adv. in solitude, alone. solitude, /. solitude. solliciter, v. to solicit, ask for. solliciteur, -euse, m., /. solici- tor, solicitress, one who asks assistance. sollicitude, /. solicitude. Soltikoff, see note to p. 201. solution, /. solution, sombre, adj. sombre, dark, gloomy. sommairement, adv. sum- marily, somme, /. sum; en , on the whole; m. nap, sleep, sommeil, m. sleep; avoir , be sleepy. sommeiller, v. to slumber, doze. sommet, m. summit, top. son, m. sound. son, sa (ses, pi.}, pass. adj. pr. his, her, its. sender, v. to sound, probe, songe, m. dream, illusion. songer, v. to dream, muse, think, sonnaille, /. bell (for cattle, etc.). sonner, v. to ring, sound, strike, ring out or for. sonnet, m. sonnet, sonnette, /. small bell, door- bell. sonore, adj. sonorous. sorbier, m. sorb, service-tree, sorcier, -re, m., f. sorcerer, sorceress, witch, wizard. sordide, adj. sordid, dirty, filthy. Sorgue, /. small river of southern France, running from the Fountain of Vau- cluse to the Rhone. sort, m. lot, fate. VOCABULARY 475 sorte, /. sort, kind; en que, con}, so that; de la , see le. sortie, /. going out, exit, egress, coming out. sortilege, m. sorcery, witch- craft, spell. sortir, v. to go out, come out, get out, take out, leave (table). sot, -te, ad}, and s. foolish, stupid', fool. sottise, /. foolishness, foolish act or remark. sou, m. sou, rent. soubresaut, m. start. souche, /. stump, stock. souci, m. care, anxiety. soucier, v. to disturb; se , care, be concerned. soucoupe, /. saucer. soudain, -e, adj. and adv. sudden, suddenly. soudard, m. old soldier. souffle, m. breath, breath- ing. souffler, v. to blow, blow out, breathe. soufflet, m. bellows, box (on the ear). souffle ter, v. to buffet. souffrance, /. suffering. souffrir, v. to suffer, tolerate. souhaiter, v. to wish. soulagement, m. relief. soulager, v. to relieve. soulevement, m. rising. soulever, v. to raise, lift; se , raise oneself, rise. soulier, m. low shoe. soumettre, v. to submit, sub- ject; se , submit, yield; soumis, -e, submissive, obe- dient. soumission, /. submission. soupcon, m. suspicion, sur- mise, bit, smack. soupconner, v. to suspect. soupe, /. soup. soupente, /. loft, garret. souper, v. to take supper, eat supper; m. supper. soupiere, /. soup-tureen, tu- reen. soupir, m. sigh. soupirer, v. to sigh. souple, adj. supple. souplesse, /. suppleness, flex- ibility. source, /. source, spring. sourcil, m. eyebrow. sourciller, v. to frown; sans , without moving an eyelash. sourd, -e, adj. deaf, muffled, dull, hollow (voice). sourd muet, m. deaf-mute. sourire, v. to smile, be favor- able; m. smile; souriant, -e, smiling. sous, prep, under, beneath, at. sous-chef, m. assistant direc- tor, deputy head -clerk. VOCABULARY sous-directeur, m. sub-direc- tor. sous-directorial, -e, adj. of the sub-director. sous-entendre, v. to under- stand (without being ex- pressed). sous-lieutenant, m. second lieutenant. sous-marchand, m. assistant merchant. soutenir, v. to sustain, bear, maintain; se , sustain oneself, stand upright, sup- port oneself. souvenir (se), v. to remem- ber; m. memory, recol- lection, remembrance, sou- venir. souvent, adv. often. souverain, -e, adj. and s. sovereign. souverainement, adv. sov- ereignly, supremely. spacieux, -euse, adj. spacious, roomy. spahi, m. spahi (in Algeria native cavalryman in ser- vice of the French). spasme, m. spasm. special, -e, adj. special. spe'cialite', /. specialty. spectacle, m. spectacle, show, play. spectateur, m. spectator. spectre, m. spectre. Spenser, the English poet, author of the Faerie Queene (I553-I599). sphinx, m. sphinx. spirale, /. spiral. splendide, adj. splendid. squelette, m. skeleton. stalactite, /. stalactite. stalle, /. stall. statistique, /. statistics. statue, /. statue. statuette, /. statuette, small statue. strict, -e, adj. strict. strie, -e, adj. streaked. strophe, /. strophe. stupefaction, /. stupefaction. stupefait, -e, adj. stupefied, astonished. stupeur, /. stupor. stupide, adj. stupid. style, m. style. suave, adj. suave, sweet, gen- tle, delicate. subalterne, adj. subaltern, inferior. subir, v. to undergo. subitement, adv. suddenly. sublime, adj. sublime. subodorer, v. to smell from afar. substantiel, -le, adj. sub- stantial. substituer, v. to substitute. substitution, /. substitution. subtile, adj. subtle. succe"der, v. to succeed, follow. succes, m. success. VOCABULARY 47/ succession, /. succession, in- heritance. succomber, v. to succumb, yield, die. Sucre, m. sugar. sud, m. south. sud-est, m. southeast. suer, v. to sweat, perspire. sueur, /. sweat, perspiration. suffire, v. to suffice, be enough; suffisant, -e, suffi- cient. suffoquer, v. to suffocate, choke. suinter, v. to ooze. Suisse, /. Switzerland. suite, /. following, retinue, succession, result; tout de , immediately; prendre sa , follow him. ttu'vre, v. to follow; suivant, -e, following. sujet, -te, adj. subject. sujet, m. subject; au de, about; pipe a sujets, carved pipe. superbe, adj. superb, splen- did. superbement, adv. superbly, haughtily. supe'rieur, -e, adj. superior, upper. superiority, /. superiority. superposer, v. to superpose, add. superstitieux, -euse, adj. su- perstitious. supplice, m. punishment, tor- ment, torture. supplier, v. to supplicate, beg; suppliant, -e, supplicating. supplique, /. supplication. supporter, v. to support. supposer, v. to suppose; sup- pose" que, conj. suppose that. suppression, /. suppression. supputation, /. computation, reckoning. supreme, adj. supreme. sur, -e, adj. sure, certain, safe. sur, prep, on, upon, over, near, about, towards. surcot, m. outer garment (obsolete, from Old French sourcot). surete", /. safety. surexcitation, /. overexcite- ment. surface, /. surface. surmonter, v. to surmount. surnaturel, -le, adj. super- natural. surnum6raire, m. supernu- merary, one not yet receiv- ing a salary. surpasser, v. to surpass, go beyond. surplis, m. surplice (outer white garment of the clergy). surprendre, v. to surprise; surprenant, -e, surprising surprise, /. surorise. 478 VOCABULARY sursaut, m. start; en , with a start; de vie, new lease on life. surtout, adv. above all, es- pecially. surtout, m. surtout (overcoat), epergne (of a dinner ser- vice). surveiller, v. to watch, look after. surveillance, /. supervision, watch; en , under watch. surveillant, -e, m., /. watcher, guard, guardian, nurse (in hospital). surveille, /. second day be- fore. surveiller, v. to watch, watch over, look after. sus, adv. above; en de, prep, above. susdit, -e, adj. above-men- tioned, aforesaid. suspect, -e, adj. suspicious, suspected. suspendre, v . to suspend. svelte, adj. slender. syme'trie, /. symmetry. sympathiser, v. to sympathize. symptome, m. symptom. systeme, m. system. t 1 , see tc. ta, see ton. tabac, m. tobacco. tabatiere, /. snuff-box. tabellion, m. notary (of a village). table, /. table. tableau, m. picture, diagram, table; noir, blackboard. tabletier, m. toy-dealer, dealer in inlaid work. tabletterie, /. toy-business, manufacture or selling of articles with inlaid work. tablier, m. apron. tabouret, m. stool, footstool. tache, /. stain, spot. tache, /. task. tacher, v. to try. Tacite, Tacitus. taciturne, m. taciturn, re- served. taffetas, m. taffeta (a fine lustrous silk). tafia, m. tafia (spirits distilled from the fermented skim- mings and syrup of sugar- cane). taille, /. cut, figure, stature, size, waist, body (of a dress). tailler, v. to cut, cut out, form. taillis, m. copse, underwood, thicket. taillole, /. broad woolen belt, usually red (worn in Pro- vence). taire, v. to suppress, keep quiet; se , become silent, VOCABULARY 479 hold one's tongue, be silent. talent, m. talent, talon, m. heel. Tamango, name of negro and title of one of Meri- meVs stories. tambour, m. drum, drummer, tambourin, m. tambourine, tandis, adv. meanwhile; que, conj. whereas, while, tant, adv. so much, so many; que, conj. so long as; soit peu, ever so little; bien que mal, as well as possible. tante, /. aunt. tan tot, adv. soon, a little ago, just now; ... ,-now . . . now. tapage, m. uproar, noise, dis- turbance. tapageur, -euse, adj. roister- ing, noisy, uproarious, riot- ous. tape, /. rap, slap. taper, v. to slap, strike, stamp. tapis, m. carpet, table-cover. tapisser, v. to carpet, drape, hang, paper. tapisserie, /. tapistry; pan- toufle de , carpet slipper. tarabin (taraban), refrain of a song. Tarascon, town on the Rhone 13 miles below Avignon, scene of several of Dau- det's stories, tard, adv. late, tarder, v. to delay, be slow in, be long in. tarir, v. to dry up. tas, m. pile, heap, tater, v. to feel, feel of. tatonner, v. to grope, feel one's way. tatouer, v. to tattoo, taudis, m. hovel, dirty hole, taux, m. rate, tax. te, conj. pr. (familiar), you, to you (occasionally: thee, to thee). teint, m. dye, tint, complexion, teinte, /. tint, tinge, hue. teinter, v. to tint, color, tel, telle, adj. such; un tel, such a. te'le'graphe, m. telegraph; Les Te'le'graphes, telegraph de- partment (controlled by the state in France), tellement, adv. so, to such a degree, temoignage, m. testimony, testimonial, evidence, te'moigner, v. to witness, show, tell of. temoin, m. witness, tempe, /. temple (of the head). tempSte, /. tempest, temple, m. temple, church, temps, m. time, weather; jeune , youth. 480 VOCABULARY tenable, adj. habitable, ten- an table. tendre, adj. tender. tendre, v. to stretch, stretch out, hand, give, hang; tendu, -e, stretched, tense, on the alert. tendresse, /. tenderness, fond- ness. tenebres, pi., /. darkness. te"nebreux, -euse, adj. dark, gloomy, obscure. tenir, v. to hold, keep, have possession, stay; tiens, te- nez, wait !, see !, there !, ah !; a, insist on; qu'ii cela ne tienne, do not let that be an objection, may that be no hindrance; il n'y put , he could not stand it; en joue, keep covered (with a gun); se bien , look out; se , remain, hold, take place, stand, hold out; s'en a, stick to, bear; a quoi m'en , what to be- lieve. tentation, /. temptation. tentative, /. attempt. tenter, v. to tempt, attempt, try, make (trial). tenture, /. hangings, tapestry; papier de , wall-paper. tenue, /. bearing, carriage, discipline, dress, full dress; en grande , in full dress. terme, m. term; de bord, sailor's expression. terminer, v. to terminate, end, finish. terne, adj. dull, lusterless. terrain, m. soil, piece of land, terrasse, /. terrace, terrasser, v. to dig, throw down, strike down, over- whelm, terre, /. earth, land, ground, earthenware; par , on the ground; blanche, white clay, terrer (se) , v . to burrow, cover oneself with earth, terreur, /. terror. terreux, -euse, adj. earthy, color of earth. terrible, adj. and s. terrible, terrible side or thing, terrifier, v. to terrify. terroir, m. soil, tes, see ton. tfite, /. head, brains; de chat, cobble-stone; 41- , in private. theatre, m. theater, theme, m. theme, subject, topic, exercise. th6orie, /. theory. th6sauriser, v. to hoard, tic tac, m. tick-tack, ticking, tifede, ad}, lukewarm, tepid. tie"dir, v. to become tepid or lukewarm. tiers, m. third. VOCABULARY 481 tige, /. stem, shaft, wire. tignasse, /. snarled head of hair. tigre, m. tiger. tilbury, m. tilbury (cabriolet without a cover). tillac, m. deck. tilleul, MI. linden-tree. timbre, m. bell, hand-bell, tone, sound. timidement, adv. timidly. timidite", /. timidity. tintement, m. tinkling, tinter, v. to tinkle, ring. tirailleur, m. sharpshooter, skirmisher. tire-d'aile, /. quick jerk of the wings; a , as quickly as possible. tirer, v. to draw, draw about, pull, get out, pump, cast, shoot; vanite" de, be proud of, glory in; au sort, draw lots; s'en , acquit oneself, get oneself out, manage, get through. tireur, m. puller. tiroir, m. drawer. tisonner, v. to poke (the fire). tisser, v. to weave. titre, m. title, claim, right. toast, m. toast. toe, m. rap, tap. toi, disj. and conj. pr. (famil- iar), you, to you (occasion- ally: thou, thee, to thee). toile, /. cloth, canvas, linen, web; de Guinee, Guinea cloth (blue cotton-cloth); pl. toils. toilette, /. toilet, dress. toi-meme, pr. (familiar), your- self, you yourself (occa- sionally: thyself, etc.). toison, /. fleece, head of hair, toit, m. roof, housetop. tombeau, m. tomb. tombe'e, /. fall. tomber, v. to fall, be thrown (wrestling); le jour tombe, it grows dark. ton, ta (tes, pl.), pass. adj. pr. (familiar), your (occasion- ally: thy). ton, m. tone, tint, shade. tondre, v. to shear, crop; tondu, -e, shorn, cropped. tonnage, m. tonnage. tonneau, m. cask. tonnelle, /. arbor. tonner, v. to thunder. tonnerre, m. thunder; mille tonnerres, by thunder. toque, /. flat cap. torche, /. torch. torchere, /. vase for holding a torch, candelabrum (for lighting halls, etc.). torchon, m. dish-cloth. torconnier, m. tyrant, extor- tionist (Old French). tordre, v. to twist. torrent, m. torrent, flood. torride, adi. torrid. 482 VOCABULARY tors, -e, adj. twisted, crooked ; tors, m. body. [wrong. tort, m. wrong ; avoir , be tortiller, v. to twist about. torture, /. torture, torment. torturer, v. to torture, tor- ment. t6t, adv. soon. total, m. total. t6t-fait, m. kind of cake (pro- vincial). toucher, v. to touch, move, touch on, cash; a, touch, meddle with; en deux mots, talk it over a bit; touchant, -e, touching, pathetic. touffe, /. tuft, clump, cluster. touffu, -e, adj. bushy. toujours, adv. always, all the time, all time, continuously, ever, still, nevertheless. Toulon, principal naval sta- tion on the Mediterranean, 42 miles east of Marseilles. toupie, /. top. tour, /. tower. tour, m. turn, lathe, circuit, trick, feat, twist, false hair for front of head, false bangs; a de bras, with all one's might; a , in turn; fermer a double , doubly lock. tourbillon, m. whirlwind. tourbillonner, v. to whirl. tourelle, /. turret. tourmenter, v. to torment, torture, distress. tournebroche, m. turnspit. tourne'e, /. turn, tour, trip; se mettre en , start on one's rounds. tourner, v. to turn, turn around or over or the cor- ner of; se , turn oneself, be turned; mal tourne', badly formed or shaped. tournoyer, v. to turn, whirl, whirl round and round. tournure, /. shape, figure. tourtereau, m. turtle-dove, sweetheart. tourterelle, /. turtle-dove. tous, see tout. Toussaint, /. All Saints' day (November i). tout, -e (tous, toutes, />/.), adj., adv. and s. all, every, everything, wholly, quite, very; a fait, wholly, en- tirely; a 1'heure, pretty soon, a little ago; tous (les) deux, both; --de suite, immediately; de meme, all the same; & coup, all of a sudden, suddenly; d'un coup, all of a sudden; en, while, all the time (with participle). toute-puissance, /. omnipo- tence. tout-puissant, -e, adj. all- powerful, omnipotent. VOCABULARY 483 tracasserie, /. stir, bustling, worry, trickery. trace, /. trace, mark. tracer, v. to trace. tradition, /. tradition. traduire, v. to translate, bring before; se , be translated, be shown. Trafalgar, Spanish cape, northwest of Gibraltar, scene of Nelson's victory in 1805. trafiquant, m. trader, dealer. trage"die, /. tragedy. trahir, v. to betray; se , betray oneself, be betrayed. trahison, /. treason. train, m. pace, rate, bustle, course, train, raft; en de, in the act of, about to; de poste, post-haste; mettre en , set going; aller leur , go on, keep on. trainer, v. to drag, trail, trail about. traineur, m. drawer, dragger; de sabre, sword-trailer, swash-buckler. trait, m. trace, shaft, trait, feature, draught, traite, /. trade on African coasts, slave-trade. trait5, m. treaty, agreement, treatise. traitement, m. treatment, traiter, v. to treat, treat of, de, treat as, call. trajet, m, journey, trip, dis- tance, way. tramontane, /. North Star, north wind (on the Medi- terranean). trancher, v. to cut, cut off or out, stand out, form a contrast. tranquille, adj. tranquil, quiet; laisser , let alone. tranquillement, adv. tranquil- ly. tranquillity, /. tranquillity, quiet. transi, -e, adj. chilled, be- numbed. transfgrer, v. to transfer. transparent, -e, adj. trans- parent. transport, m. transportation, transport. transporter, v. to transport, convey, remove. trapeze, m. trapeze. trappe, /. trap-door. Trappe (La), /. La Trappe, monastery about 100 miles west of Paris, founded in 1140, perpetual silence was one of its rules. travail, m. work, labor, work- manship. travailler, v. to work. travailleur, m. worker. travers, m. breadth, width irregularity; & , through, across; en , crosswise; 484 VOCABULARY de , awry, not on straight, crooked, cross wise, askance, wrong, amiss; a tort et Si , at random, helter-skel- ter. traverse, /. cross-road, short cut, cross-piece. traverse*e, /. crossing, passage, voyage. traverser, v. to cross, pass through. tre"bucher, v. to stumble, trip. tre"buchet, m. delicate balance. trefle, /. clover, club (at cards). treize, card, thirteen. tremblement, m. trembling. trembler, v. to tremble; trem- blant, -e, trembling, quak- ing, shaking; tremble", -e, trembling, wavy. trembloter, v. to quiver, tremble, flicker. tre'mi&re, adj., }. rose hollyhock. trempe, /. temper. tremper, v. to soak, temper. trentaine, /. about thirty. trente, card, thirty. tre"pas, m. death. tre"passer, v. to depart this life, die. trfes, adv. very. tresor, m. treasure. tressaillir, v. to startle, start, jump, thrill. tribune, /. tribune, gallery, organ-loft, gallery for dis- tinguished persons. tricher, v. to cheat, trick. tricorne, m. three-cornered hat. tricot, m. knitting. trier, v. to sort, pick out, choose. trimestre m. quarter, "quar- ter's pay. trin, refrain of a song. trinquer, v. to touch glasses before drinking. Trinquelage, proper name de- rived from trinquer. triomphal, -e, adj. trium- phal. triomphe, m. triumph. triompher, v. to triumph; triomphant, -e,triumphant. triple, adj. triple. trique, /. cudgel. triste, adj. and s. sad, dismal, wretched, gloomy, sad side. tristement, adv. sadly. tristesse, /. sadness, depres- sion. trois, card, three. troisieme, ord. third. trompe, /. trumpet. tromper, v. to deceive; se , be mistaken, make a mis- take. trompette, /. trumpet. tronc, /. trunk, tree-trunk. troncon, m. fragment, stump. trop, adv. too, too much. VOCABULARY 485 trope, m. trope (figure of speech). trophee, m. trophy, group of arms hung on a wall; cuivres a , copper tro- phies. troquer, v. to swap, exchange. trot, m. trot. trotter, v. to trot. trottiner, v. to jog along. trottoir, m. sidewalk. trou, m. hole. trouble, m. and adj. trouble, embarrassment, confusion, turbid, dim, cloudy. troubler, v. to trouble, disturb, confuse; se , be dis- turbed. trouer, v. to make a hole in, pierce; troue", -e, pierced, full of holes. troupe, /. troop, crowd, gang, school (of fish, etc.). troupeau, m. flock, herd. trouvaille, /. find. trouver, v. to find, consider; se , find oneself, be found, chance to be, be. truffe, /. truffle (kind of mush- room) . truffer, v. to stuff with truf- fles. truite, /. trout. tu, conj. pr. (familiar), you (occasionally: thou). tuer, v. to kill; a tue-tftte, at the top of one's voice. tuile, /. tile. Tuileries (Les), pi., /. the Tuileries, formerly palace in Paris, west of the Louvre, burned by the Commune in 1871, now only the gardens remain. tumulte, m. tumult, noise. tumultueux, -euse, adj. tu- multuous, riotous, stormy. tunique, /. tunic, coat (of a uniform). turbulence, /. turbulence. tuteur, m. guardian. tutoyer, v. to address famil- iarly, with tu instead of vous. type, m. type. uhlan, m. uhlan (German lancer). un, e, card, and indef. art. one, a, an; 1' , one; et d* , one is over with, one done!; les uns . . . d'autres, some . . . others, unanime, adj. unanimous^ general. uni, -e, adj. united, smooth, uniform, unieme, ord. first; vingt et , twenty-first. uniforme, m. uniform. union, /. union. 486 VOCABULARY unique, adj. unique, only. uniquement, adv. only. univers, m. universe. univergel, -le, adj. univer- sal. university, /. university. usage, m. usage, use. user, v. to use, use up, wear away; de, make use of. usure, /. usury, illegal interest, wear and tear. usurier, m. usurer. Utrecht, Dutch city, south- east of Amsterdam. vacance, /. vacancy, vacation; pi. vacation. vacarme, m. uproar, hubbub. vache, /. cow. vade retro, Satanas (Latin), get thee behind me, Satan. va-et-vient, m. going and coming. vagabond, m. vagabond, va- grant. vagabondage, m. vagrancy. vague, /. wave. vague, adj. and s. vague, in- distinct; le , the vague. vaguement, adv. vaguely. vain, -e, adj. vain, empty, useless, fruitless. vaincre, v. to conquer, van- quish; vaincu, -e, adj. and s. conquered, one con- quered. vainqueur, m. victor, con- queror. vaisseau, m. vessel, ship. vaisselle, /. dishes, gold or silver plate. valet, m. valet, servant, knave or jack (at cards). valise, /. valise. vallee, /. valley. vallonnement, m. arrange- ment in the form of small valleys, hills and valleys. valoir, v. to be worth, bring in, get; mieux, be worth more, be better. valse, /. waltz. valser, v. to waltz. valter, v. (provincial), to toss about, run about. vanite, /. vanity. vanter, v. to boast of, brag about, extol; se , boast (of). vapeur, /. vapor, steam, mist. varier, v. to vary. vase, m. vase. vaste, adj. vast. vaudeville, m. light comedy containing songs, topical song. vaurien, m. good-for-nothing fellow, scamp. veau, m. calf, veal. ve"hicule, m. vehicle. VOCABULARY 487 reille, /. eve, day before, watching, vigil. veillfie, /. sitting up, sitting up on the eve of a holiday, watch, vigil, evening work, working together in the evening. veiller, v. to watch. veine, /. vein. veineux, -euse, adj. veiny, veined. velours, m. velvet. veloute", -e, adj. smooth, vel- vety; m. smoothness, soft- ness, delicate flavor. velu, -e, adj. hairy. vendange, /. vintage. vendangeur, m. vintager. vendeur, m. vendor, seller. vendre, v. to sell; se , be sold. vendredi, m. Friday. ve"ne"rable, adj. venerable. vengeance, /. vengeance. venger, v. to avenge. venir, v. to come; de, have just; a, come to, happen; s'en , come away or along; venu, m. comer. Venise, Venice. v&utien, -ne, adj. and s. Venetian (written Ve'nitien when s.). vent, m. wind; en plein , in the open air. vente, /. sale. Ventoux (le mont), mountain belonging to a spur of the Alps northeast of Avignon, so named because of the constant winds. ventre, m. belly, stomach. venue, /. coming; tout d'une , poorly developed, all at once. vfipres, pi., }. vespers. ver, m. worm, moth. verbascum, m. verbascum (scientific name for mullen). verdatre, adj. greenish. verdeur, /. verdure, freshness. verdugo, m. (Spanish) =bour- reau. verdure, /. verdure, verger, m. orchard, vergue, /. yard (of a ship), veritable, adj. veritable, true, real. ve"ritablement, adv. veritably. verite 1 , /. truth, vermeil, -le, adj. vermilion, red, rosy; m. gilded silver or copper. vernir, v. to varnish, polish; verni, -e, varnished, pol- ished, glazed, enameled, patent (leather), vernis, m. varnish, polish, vernisser, v. to glaze; ver- nisse', -e, glossy. Vernon, town on the Seine, 50 miles west of Paris, verre, m. glass; petit , small glass of brandy. 488 VOCABULARY vers, m. verse. vers, prep, towards. versant, m. slope. verse (a), adv. hard, fast. verser, v. to pour forth or out, shed, verset, m. verse (of a hymn, etc.). version, /. version. vert, -e, adj. and s. green; une verte, a glass of absinth, vertement, adv. greenly, freshly, severely, vigorous- iy- vertige, m. vertigo, giddiness, dizziness. vertu, /. virtue. verum (Latin), true, truly. veste, /. short coat, jacket; manche de , jacket- sleeve. vestibule, m. vestibule. vestige, m. vestige, trace. vetement, m. garment, cloth- ing, piece of clothing; pi. clothes. ye'te'rinaire, m. veterinary sur- geon, horse-doctor. vfitir, v. to clothe, dress, ar- ray, cover. veuf, veuve, m., /. widower, widow. viande, /. meat. vibrer, v. to vibrate. vice, m. vice. vicier. v. to vitiate; se , be- come vitiated or defective. victime, /. victim. victoire, /. victory. victorieux, -euse, adj. vic- torious. vide, adj. and s. empty, free, empty space, emptiness, gap, place where something is lacking; a , empty. vider, i>. to empty, bail out; se , be emptied. vie, /. lite, living. vieillard, m. old man. vieillesse, /. old age. vieillir, v. to grow old, age. vieillot, -te, adj. oldish. vierge, /. and adj. virgin. vieux (vieil, before vowels), vieille, adj. and s. old, old man or woman. vif, vive, adj. lively, alive, keen, brisk, bright; eau vive, running-water. vigilance, /. vigilance. vigne, /. vine, vineyard. vigneron, m. vine-dresser, wine-grower. vigoureux, -euse, adj. vig- orous. vigueur, /. vigor, strength, force. viguier, m. viguier, provost (formerly in south of France). vilain, -, adj. mean, dirty, nasty, coarse, wretched, scandalous. villa, /. villa. VOCABULARY 489 village, m. village. ville, /. city, town. vin, m. wine. vingt, card, twenty. vingtaine, /. score. vingtieme, ord. twentieth. violemment, adv. violently. violence, /. violence, force. violent, -e, adj. violent. violet, -te, adj. violet. violette, /. violet. violon, m. violin. vipere, /. viper. Virelogne, name apparently invented by Maupassant. virer, v. to turn; de bord, tack about. virilite", /. virility, manhood, strength. visage, m. visage, counte- nance, face. vis-a-vis (de), prep, face to face with. viser, v. to aim at. visible, adj. visible. visiblement, adv. visibly. visiere, /. visor. vision, /. vision, sight. visionnaire, adj. and s. vis- ionary, dreamer. visite, /. visit. visiter, v. to visit. visiteur, -euse, m., /. visitor. vite, adv. quickly. vitesse, /. speed. vitrage, m. glass windows, windows. vitrail, m. glass window (usu- ally stained). vitre, /. window-pane. vivacite", /. vivacity. vivement, adv. quickly, brisk- ly- vivier, m. fish-pond. vivre, v. to live, pass; pi., m. food, provisions, supplies; vivant, -e, living, alive, modern (language); vi- vant, m. lifetime. vocation, /. vocation, calling. voeu, m. vow, wish. vogue, /. vogue, fashion. voguer, v. to float. voici, prep, here is, here are, you see here, etc.; le . here he is. voie, /. way. voila, prep, there is, there are, you see there, that's it, that's how it is, there you have it, etc.; le , there he is. voile, m. veil; /. sail. voilier, -ere, adj. and m. sailer (ship). voir, v. to see; se , see one- self, be seen; voyons, let us see, come now !; voyant, -, gaudy, showy; vu que, con], seeing that. voire, adv. (old), indeed, truly. voisin, -e, adj. and s. neigh- boring, adjoining, neighbor. 490 VOCABULARY voisinage, m. neighborhood. voiture, /. carriage. voix, /. voice. vol, m. theft. vol, m. flight. volatile, /. fowl, poultry. volatile, m. winged animal, bird, fowl. voice, /. flight; a toute , in full swing, power- fully, loudly; a la grande , in full flight, pealing loudly. voler, v. to steal, rob. voler, v. to fly. voleur, -euse, m., }. thief. volontairement, adv. volun- tarily. volonte", /. will, wish. volontiers, adv. willingly. voltiger, v. to hover, flutter. volubilite, /. volubility. volume, m. volume. volupte, /. pleasure, charm. vos, see votre. Vosges (Les), pi., m. the Vosges, chain of moun- tains between Alsace and Lorraine. votre (vos, pi.}, pass. adj. pr. your. v&tre, pass. adj. pr. (usually with le), yours. vouloir, v. to wish, will; - dire, mean ; en a, have a grudge against, be angry with. vous, con}, and disj. pr. you, to you. vous-me'me(s), pr. you, your- self, yourselves. voute, /. vault, arch, canopy, voyage, m. voyage, journey, trip. voyager, v. to travel. voyageur, m. traveler. voyant, -e, see voir. vrai, -e, adj. true, real; a dire, to tell the truth, vraiment, adv. truly, really, vraisemblable, adj. likely, probable. vu que, see voir. vue, /. view, sight; a , in sight; 4 d'oeil, visibly. vulgaire, adj. and s. vulgar, low, common, common herd. W [w, this letter does not belong to the French alphabet, it occurs only in foreign words.] wagon, m. railway-coach. Wilhelm (German) = Guil- laume. Wissembourg, town in Al- sace, scene of battle be- tween French and Prus sians in 1870. VOCABULARY 491 y, adv. and con], pr. there, to, at or in it, to, at or in them, to him, etc., here, yatagan, m. yataghan (long Turkish dagger), yeux, see ceil. YmauvUle, Norman village, four miles east of Goder- ville. yolof, -e, adj. and s. negro race of Senegambia under French rule (written also: wolof and jolof), belonging to this race. Yvetot, town in Normandy, 31 miles west of Le Havre. zele, m. zeal. UNIVERSITY OF CALIFORNIA LIBRARY Los Angeles This book is DUE on the last date stamped below. MAY 2 6 KC'D LD-URL FEB2319?a DEC 10 M DISCHARGE-U! 1975 1980 Form L9-37i-3,'57(C5424>.4)444 3 1158 00564 4124 A 001 233 973 5