1 3 .\\\E-UNIVER% vvlOSANCElfj> 3\ J* - & ^ ^^ v% 1 1 5 | | 1 I ?o u^ J I | < vvlOS-ANCElfj> * ^133NV-S01^ ^OF-CAL!FO% ^A X^V ^1 S ^ ^ rn fcj ^13DNV'SOV^ ^3AINO-3^ ^E^UN!VER%. Z S125TS S li=^TiS | s s ^lOSANCElfj^ S I I I I < ~ lOSANHLf^ H'NIVERS//, |p a ^ v/MAINIHKV E-UNIVER 1 1 f ^ S o 1 1 I ? ^UIBRARYOr 1 i I ^ ^ ~ < %- ? g ,\V\EUNIVER% t^ e ^P ^ i I i s > < 5 =a Q C3 0= i I \\E DNIVERS//, <^ *>^ = rn S 5 5. .vlOSAf 9 =Ui = ? ^ S i A\\E -UNIVERS/A. \ s & M c o o c o o BIBLIOTHEQUE DES SCIENCES ET DE L'INDUSTBJE O O O O O O O L'Aeronautique PARIS SOCIETY FRANCA1SE D'fiDITIONS D'ART MAY K 1)1 T BUR DBS COLLECTIONS QUANTI 9 et 11, rue Saint-Benolt 3 L'AERONAUTIQUE BIBLIOTHEQUE DES SCIENCES ET DE L INDUSTRIE OUV 'RAGES PARUS A. Badoureau. LES SCIENCES EXPERIMENT ALE a inouvelle edition eutierement re fondue). O. Chemin et F. Verdier. LA HOUILLE ET SES DERIVES. P. Lefevre et G. Cerbelaud. LES GHEMINS DE i EH. E.Lisbonne. LA .NAVIGATION MARITIME. H. Deutsch (de la Meurthe). LE PKTROLE. Badoureau et Grangier. LES MINES, LES MINI EKES ET LES CARRIERS s. Guy Le Bris LES CONSTRUCTIONS METALLIQUES. E. Estaunie. LES SOURCES DE L'ENERGIE ELECTRIQUE. F. Bere. LES TABACS. D 1 Brocchi. LA PISCICULTURE DANS LES EAUX DOUCES. J. Sageret. LES APPLICATIONS DE L'ELECTRICITE (transformations de 1'energie electrique). EN PREPARATION U. Le Verrier. LA METALLURGIE in; I-KU. E. Flavien. LE TISSAGK MECANKU-E. Tous droils reserves BIBLIOTHEQUE DES SCIENCES ET DE I/INDUSTRIE PUBLIEE SOUS LA DIRECTION De till. J. PICHOT et POL LEFEVRE, anciens cleres de 1'Ecole poly technique. L'AERONAUTIQUE IV1. BANET-RIVET PROFESSEUR AU LYCEE MICHELET PARIS SOCIETE FRANQAISE D'EDITIONS D'ART L. -HENRY MAY i) ET H, RUE SAINT-BENOIT, 9 ET U 1898 STACK Stack Annex ANNEX Cag L'AERONAUTIQUE INTRODUCTION LES ORIGINES DE L'AERONAUTIQUE I. De tout temps et en tout lieu, 1'homme s'est demande s'il ne serait pas possible d'imiter Foiseau et do quitter la terre en s'elevant dans les airs. Les legendes de I'antiquite, comme celle de Dedale et de son fils Icare, abonclent en recits de tenta- tives de ce genre, recits qui prouvent que, s'inspirant de la Nature, rhorame a d'abord cherche a imiter le vol des oiseaux. Au iv e siecle avant J.-C., Archytas de Tarentc, savant pytha- goricien auquel on attribue 1'invention de la vis, de la poulie et du cerf-volant, aurait, d'apres Aulu-Gelle, construit une colombe en bois pouvant s'elever en 1'air et s'y soutenir au moyen d'un mecanisme reste inconnu. Des recits dignes de foi racontent qu'au xi e siecle, Olivier de Malmesbury, savant benedictin anglais, entreprit de voler, en s'elanc,ant du haul d'une tour, a 1'aide de deux ailes attaches a ses bras et a ses pieds. On dit qu'apres avoir pu parcourir une certaine distance, il tomba et se cassa les jambes. II attribua, et avec raison, cet accident a ce qu'il avail oublie de munir son appareil d'une queue, qui lui aurait perrnis de garder son equi- libre et d'atterrir doucement. Au xvi c siecle, Leonard de Vinci a 6tabli, le premier, que 1'oi- i 2 l/AfiRONAUTIQUE seau, qui est plus lourd que Tair, s'y soutient et avance en rendant ce fluide plus dense la ou il passe que la ou il ne passe pas . Pour voler, il doit prendre son point d'appui sur 1'air : son aile. en s'abaissant. exerce sur ce fluide unepression de haul en has, dont la reaction de has en haul force le centre de gra- vite de 1'animal a remonter a chaque instant a la hauteur ou 1'oi- seau desire se maintenir. Certains croquis parvenus jusqu'anous, montrent que Leonard de Vinci s'etait m6me occupe, comme Olivier de Malmesbury, de permettre a l'horame de voler a 1'aide d'ailes convenablement fixees a son corps. On lui doit aussi 1'invention du parachute qu'il decrit dans les termes suivants : Si un homme a un pavilion de toile empesee, dont chaque face ait 15 brasses de large et soil haute de 12 brasses, il pourra se Jeter, de quelque grande hauteur que ce soil, sans crainte de danger. Enfin, on peut encore dire que c'est a Leonard de Vinci qu'on doit 1'idee du premier helicoptere : Si, dit-il, cet instrument, en forme de vis, est bien fait, c'est-a-dire fait en toile de lin dont on a bouche les pores avec de 1'amidon, et si on le tourne avec vitesse, une telle vis se fera son ecrou dans I' air et montera en haul. On en aura une preuve en faisant mouvoir rapidement a travers 1'air une regie large et mince : le bras est force de suivre la direction du tranchant de cette planchette. La charpente de la- dite toile doit etre faite avec de longs et gros roseaux. On en peut faire un petit modele en papier, dont Faxe soil une lame de fer mince que Ton tord avec force. Quand on laissera cette lame libre elle fera tourner la vis. En 1680, Borelli publia des etudes remarquables, par leur jus- tesse, sur le vol des oiseaux. D'apres lui, Taile agit sur 1'air, dans la phase d'abaissement , a la facon d un plan incline , pour produire , par suite de la resistance que lui oppose ce fluide, une reaction qui pousse le corps de Tanimal en haut d'abord et, de plus, en avant. Quant a 1'action de Taile qui remonte, elle est analogue a celle d'un cerf-volant, et, par suite, LES ORIGIXES DE L' AEHONAUTIQUE elle continue a soutenir le corps de 1'oiseau en attendant le coup d'aile qui va suivre. Mais Borelli ne songea nullement a profiler de ses observations pour flonner a 1'homme les moyens de voler. En 1742, on s'occupa beaucoup de la tentative du marquis de Bacqueville, renouveleede celle d'Olivier de Malmesbury etqui se termina par un accident analogue. Paucton qui, en 1768, a esquisse le projet d'un veritable heli- coptere, merite aussi une mention. Enfin, en 1784, Launoy et Bienvenu presentment a 1'Academie des Sciences de Paris, et firent fonctionner devant elle, un heli- coptere mu par un fort ressort. Mais, deja, Joseph et Elienne Montgolfier remplissaient le monde du bruit de leur decouverte, et on n'accorda peut-etre pas a I'ingenieuse machine de ces avia- teurs tout Tinleret qu'elle meritait. II. --On sail, depuis Archimede, que tout corps plonge, entierement on no?i, dans un liquide en equilibre, subit de la part du liquide une poussee verticals, dirigee de has en haut, egale au poids du liquide deplace. Considerons done un corps plonge entierement dans un liquide, de 1'eau par exemple : Si son poids est plus grand que la poussee qu'il subit, il tom- bera au fond de 1'eau sous faction d'une force descensionnelle egale, a chaque instant, a la difference entre le poids du corps, qui est invariable, et la poussee, qui est invariable aussi et, par suite, est constanle non seulement en direction, mais encore en grandeur. Si le poids du corps est plus petit que la poussee, celle-ci 1'emporte, et, contrairement aux lois ordinaires de la Pesanteur, le corps s'elevera sous Taction d'une force ascensionnelle, qui, evidemment, sera encore constanle en grandeur comme en direction. Un bouchon maintenu au fond d'un vase plein d'eau et que 1'on abandonne a lui-meme offre un exemple de ce mou- vement ascensionnel. 4 I/AtiRONAUTIQUE Un Iroisieme cas peut aussi se presenter : celui ou le poids du corps est egal a la poussee de 1'eau. Alor?, poids et poussee s'equilibrent mutuellement : aucune force ne sollicile le corps ni a descendre ni a monter, et il reste en equilibre au milieu du liquide, a Tendroit meme ou il se trouve place ; que, pour une cans : quelconque, il vienne a gagner une couche differenle de celle ou il flolle, il y reslera encore en equilibre. Mais cet etat ^equilibre indifferent n'est possible que si le poids du corps reste rigoureusement constant : la moindre augmentation dans ce poids le fait immediatemenl descendre ; la plus minime dimi- nution le fait immediatement monter. De la les difficultes que presente la conslruction des bateaux sous-marins, lorsque leur ascension ou leur descente est obtenue par des chambres a air que Ton rcmplit ou que Ton vide d'eau, suivant les besoins. L'e- tat d'6quilibre de ces engins est toujours precairc, el c'est ainsi que Ton s'explique comment aucun d'eux, depuis van Drebbel (1620) jusqu'a Goubet (189o), n'a pu donner des resullats veri- tablement pratiques au point de vue de la stabilite d'immersion. Lorsque Galilee, apres Aristote, eut demontre la ponderabilile de Tair, et que Torricelli eut prouve que celte ponderabilite a pour consequence 1'existence de la pression atmospheriquc, on pensa immediatement que le principe decouvert par Archimede devait s'elendre a 1'air, et Otto de Guericke en donna, le pre- mier, une demonstration experimentale, en invenlant le baroscope. II semble done que, des celte epoque, la decouverte des aeros- tats s'imposait. Si le poids du volume d'air deplace est, en effet, plus grand que celui du corps, celui-ci doit prendre, dans Fair, un mouvement ascensionnel, comme le fait un bouchon de liege plonge dans 1'eau, et il est evident que pour qu'un corps satis- fasse a de pareilles conditions, il suffit de remplir une enveloppe tres I6gere d'un gaz moins dense que 1'air ambiant. Mais, au xvu e siecle, Tetude des gaz etait encore dans 1'enfance et on sail qu'il ne fallut rien moins que les Iravaux de Moilrel d'Ele- LES ORIGINES DE L' AERONAUTIQUE 5 ment et de Hales, au commencement du siecle suivant, pour apprendre aux physiciens a les recueillir et a les garder. L'histoire des prog-res de 1'esprit humain monlre, d'ailleurs, qu'il ne suffit pas, pour qu'une decouverte scientifique produise toutes les consequences qu'on est en droit d'en attendre, qu'elle soil purement et simplement acceptee ; il faut encore que, s'im- pregnant dans les cerveaux, elle y passe, pour ainsi dire, a 1'etat d'idee innee. La Ghiraie, a propos justemenl de la decouverte de la pesan- teur de 1'air et des ga/, nous presente un exemple frappant de Texaclitude de cette proposition. La ponderabilile de Fair etait, en eflet, acceptee depuis longtemps par les physiciens, que les chimistes continuaient a n'en tenir aucun compte, et cependant, comme le fait rcmarquer MendeleefF, on ne pouvait, dans ces conditions, avoir aucune notion exacle sur la plupart des pheno- menes chimiques. La gloire de Lavoisier consiste a avoir, le premier, tenu compte non settlement de cette ponderabilite, mais encore de celle de tous les gaz. Si Ton reflechit que ce n'est que vers 1775, c"est-a-dire un siecle et demi apres Galilee, que I'illuslre Francais a commence a imposer ses idees, il n'y a rien d'etonnant a ce que la decouverte des aerostats n'ait ete faite que vers la fin du xvm e siecle. Lalande s'abusait done en disant : Cctait si simple! Comment riy a-t-on pas soncje! 11 seraitinjuste, cependant, derapporteruniquement aux efforts des Montgolfier la decouverle des aerostats. Comme tous les inventeurs, comme Lavoisier Iui-m6me, les deux freres, ainsi que le fait remarquer Figuier, ont beneficie d'une longue serie de travaux isoles, et souvent sans but special, qui avaient ras- semble les elements de leur invention. En 1670, le pere Lana, de Brescia, avail imagine de construire un navire sesoutenant dans Fair else deplac.anta 1'aide de voiles : Quatre globes de cuivre dans lesquels on aurail fait le vide pour les rendre plus legers que le poids du volume d'air deplace, devaient supporter le navire ; les voiles auraient assure la pro- 6 L'AERONAUTIQUE pulsion. La conception scientifique des globes vides etait exacte, mais le pere Lana ne pensail point a la force d'ecrasement enorme que la pression atmospherique devait exercer sur eux. Quant a 1'idee de la voile , qui assimilait son bateau aerien a un vaisseau pousse par le vent, elle est completement erronee, comme nous aurons lieu de 1'expliquer par la suite. Plus tard, en 1735, le pere Galien, d r Avignon, formula assez claireraent le principe des areos- tats. S'appuyant sur le principe d'Archimede, il soutint que si Ton pouvait emplir d'un air suffisamment rarefie un globe forme d'une etoffe legere, ce globe possederait necessaire- ment une force ascensionnelle, qui lui permettrait de s'elever en 1'air avec un navire et loute sa cargaison. II proposait de puiser cet air rarefie dans les hautes regions de 1'atmosphere, sur le sommet des haules mon- tagnes, oubliant que cet air, ramene au niveau du sol, se redui- rait de volume et prendrait la densite de 1'air ambiant. II ne vint pas el il ne pouvait pas venir a 1'idee du pere Ga- lien, e~tant donnee 1'ignorance relative ou Ton etait encore, a son epoque, des proprieles des gaz, de se servir d'autres gaz que 1'air ; il ne pouvait pas davantage penser a employer la cha- leur pour rarefier Fair, car les premieres notions un peu precises sur la diminution de densite des gaz par 1'action de la chaleur datent de Priestley, seulement. Mais lorsque, en 1765, Caven- dish eut etudie completement le gaz hydrogene et montre que ce gaz, tel qu'on le preparait a cette epoque, est sept ibis moins dense que 1'air, on vit, peu apres, Black emettre 1'idee qu'en emplissant d'hydrogene une enveloppe legere, cette enve- Fig. 1. Etienne Montgollier. LES ORIGINES DE L AERONAUTIQUE 7 loppe pourrait enlever en 1'air un certain poids. Or, les travaux de Cavendish, de Black, la decouverte de 1'oxygene, de 1'azote et d'autres gaz par Priestley, furent, quelquesannees apres, resu- mes par ce dernier dans un livre celebre : des D'ft'erenles es/>eces (Fair, livre qu'Etienne et Joseph Montgolfier (fig. 1 et 2) eurent entre les mains. C'est evidemment dans cet ouvrage que les deux freres trouverent le germe de leur invention. II est juste cependant de dire que les Montgolfier, deja connus dans le monde savant par leurs decouvertes dans les Sciences Me- caniques, avaient songe, avant de connaitre le livre de Priestley, a imiter la Nature en enfermant un nuage artificiel de vapeur d'eau (gaz plus leger que 1'air) dans une enveloppe en papier, qui aurait du etre soulevee, en meme temps que la vapeur renfermee se serait soutenue dans Fair comme un nuage. Mais la temperature interieure condensa leur vapeur, et Fenveloppe en papier, alourdie, retomba bienlot sur le sol. La fumee produite par la combustion du bois et enfermee dans une enveloppe de toile ne leur donna pas de meilleurs resultats. Des qu'ils eurent connaissance de Touvrage de Priestley, ils remplacerent par de 1'hydrogene la vapeur d'eau et la fumee. Mais le gaz traversa Tenveloppe de papier qu'ils employaient, et ils renoncerent a s'en servir. Pevenant alors a leur premiere idee, ils s'imaginerent que 1'electricite etait une des causes de 1'ascension des nuages, et ils se mirent a la recherche d'un gaz qui eut des propriet6s elec- triques. Ils penserent le trouver en brulant ensemble de la paille mouillee et de la laine : un parallelipipede creux en soie fut Fig. 2. Joseph Montgolfier. 8 L'AfiRONAUTIQUE gonfle avec ce gaz et ils eurent Timmense joie cle le voir s'elever d'abord aii plafond de leur chambre, puis, dans un second essai, dans les airs ! Cette experience memorable eut lieu aii mois de novembre 1782. Cinq mois auparavant, en Anglelerre, Tibere Cavullo, voulant executer Texperience indiquee par Black, remplit des sacs en papier avec du gaz hydrogene. Mais, comme dans les experiences des Montgolfier, le gaz traversa le papier. II fut plus heureux avec des bulles de savon, 1'eau etant impermeable : les bulles s'eleverent en 1'air, comme Black 1'avait predit. De nos jours encore, dans tous les cours de Chimie, on repete cette derniere experience, pour demontrer 1'exactitude de 1'extension, aux gaz, du principe d'Archimede. En somme, des celte epoque, la decouverte des aerostats etait (et c'est bien ici le cas de le dire) dans 1'air. Mais Tibere Cavallo s'arreta au moment mSme ou il touchait a la solution du probleme, tandis que les Montgolfier comprirent, du premier coup, 1'importance et 1'utilite de leur decouverte, et n'hesiterent pas a la faire connaitre au monde entier par une experience pu- blique qui eut lieu, le 4 juin 1783, a Annonay : Un gros ballon en toile couverte de papier, gonfle par 1'air chaud et sature d'humidite que produisit la combustion de 5 a 6 kilogrammes de paille mouillee et de laine hachee, s'eleva, en quelques minutes, a une hauteur d'environ 2.000 metres, puis descend] tmajestueusement pour tomber a 4 kilometres du point de depart, environ. III. L'experience d'Annonay produisit une sensation immense. Etienne Montgolfier fut mande a Paris et prevenu que 1'experience serait repetee aux frais de 1'Academie des Sciences. Mais la curiosite elait trop vivement excitee pour que Ton s'ac- commodat des lenteurs habituelles des commissions academiques, et on resolut, dans le public, de la recommencer le plus tot qu'il serait possible. Une souscription fut ouverte ; des fonds conside- LES ORIGINES DE I/AfiRONAUTIQUE 9 rabies reunis en quelques jours : les freres Robert, constructeurs d'instruments de physique, furent charges d'edifier la machine et le physicien Charles (fig. 3) de diriger leur travail. Charles ignorait de quel gaz s'etaient servis les inventeurs ; il savait seulement, d'apres le proces-verbal de I'experience d'An- nonay, que la machine avait ele remplie avec un gaz dont la den- site etait la moilic de celle de 1'air ordinaire. II ne perdit pas son temps a chercher ce gaz. II comprit que 1'electricite n'etait pour rien dans 1'ascension de la machine d'Annonay , comme de Saussure le demontra en donnant un mouvement ascensionnel a un petit ballon de papier plein d'air, par la simple introduction, a son interieur, d'une barre de fer rouge. II resolut de remplir sim- plement un ballon de gaz inflam- mahle, comme on appelait encore I'hydrogene a cette epoque. [/ex- perience reussit, et le premier ballon a hydrogene, ballon non monte, d'ailleurs, fut lance au Champ-de-Mars le 27 aout 1783. Ce ballon avait ete construit et rempli aux deux tiers par les freres Robert, place des Victoires, ou se trouvaient leurs ateliers. Le 26 aout, tout se trouvant pret pour 1'expetience, on trans- porta, pendant la nuit, pour eviter 1'affluence des curieux, la machine au Champ-de-Mars, ou devait s'effectuer son ascen- sion. Une fois le ballon place dans 1'enceinte disposee pour le recevoir, on le retint a 1'aide de petites cordes fixees au meridien du globe et arr6t6es dans des anneaux de fer planter en terre; puis, des que le jour parut, on s'occupa de preparer du gaz hydrogene pour achever de le remplir. A midi, il etait pr6t a 2 Fig. 3. Le physicien Charles. 10 L'ARONAUTIQUE s'elancer, mais il ne pariit qu'a cinq heures, aux acclamations des trois cent mille personnes qui s'etaient massees au Champ- de-Mars et dans ses environs pour assister a ce curieux spec- tacle. Un coup de canon annonga que Inexperience allait commencer; 11 servit en merae leraps divertissement pour les savants qui, places sur la terrasse du Garde-Meuble, sur les tours de Notre- Dame et a 1'Ecole militaire, devaient appliquer les instruments et le calcul a 1'observation du phenomene. Delivre de ses liens, le globe s'elanc,a avec une telle vitesse, qu'il fat porte en deux minutes a 1 .000 metres de hauteur environ ; la il trouva un nuage obscur dans lequel il se perdit. Un second coup de canon annonga sadisparilion ; mais on le vitbientot percer la nue, reparaitre un instant a une tres grande elevation, puis s'eclipser enfin dans d'autres nuages. Un sentiment d'admiration et d'enthousiasme indicible s'enapara alors de I'esprit des spec- tateurs : 1'idee qu'un corps parti de la lerre voyageait en ce moment dans Tespace, avait quelque chose de si merveilleux, elle s'ecarlait si fort des lois ordinaires, que Ton ne pouvait se defendre des plus vives impressions. L'aerostat, cependant, ne fournit pas toute la carriere qu'il aurait pu parcourir. Dans leur desir de lui donner une forme completement spherique, et d'en augmenter ainsi le volume aux yeux des spectateurs, les freres Robert avaient voulu, contraire- ment a 1' opinion de Charles, que le ballon futentierement gonfle au depart; ils introduisirent meme de Fair au moment de le lancer, afiu de tendre toutes les parties de I'eloffe. L'expansion du gaz amena la rupture du ballon lorsqu'il f'ut parvenu dans une region elevee. II se fit, a sa partie superieure, une large dechi- rure, le gaz s'echappa, et le globe vint tomber lentement, apres trois quarts d'heure de marche, aupres d'Ecouen. Le 19 septembre 1783, une Montgolftere (car c'est le nom que Ton a immediatement donne aux ballons gonfles d'air chaud, comrne celui de Texperience d'Annonay) partit du pare de Ver- LES ORIGINES DE L AERONAUTIQUE 11 sallies. On avait enferme dans une cage d'osier, suspendue a la partie inferieure de la machine, un raouton, un coq el un canard, qui etaient ainsi destines a devenir les premiers navigateurs aeriens. Dix minutes apres, 1'aerostat, avec sa cage, tomba a une lieue de Versailles, dans le bois de Vaucresson : Pilatre de Rozier, Fig. 4. Montgolfiere de Pilatre de Rozier et du marquis d'Arlandes. accouru sur les lieux, constata que les animaux qui y etaient enfermes n'avaient eprouve aucun mal. Des lors, on crut pouvoir avec quelque confiance transformer les ballons en appareils de navigation aerienne et Elienne Mon- golfier se chargea lui-meme de la construction d'un ballon des- tine a recevoir des voyageurs. Les dimensions du nouvel aerostat (fig. 4) elaient considerables : il n'avait pas moins de 20 metres de hauteur sur 1C de diametre, et pouvait contenir 20000 metres cubes d'air. On disposa autourde la partie exlerieure du ballon une galerie circulaire d'osier, recou- 12 L'AERONAUTIQUE verte de toile, destines recevoir les aeronautes. Cette galerie avail tm metre de large ; une balustrade la protegeait et permel- tait d'y circuler commodement : on pouvait ainsi faire le tour de 1'orifice de Faeroslat. Au milieu de cet orifice, se trouvait, sus- pendu par des chaines, un rechaud en fil defer, avec les matieres inflammables dont la combustion devait entrainer 1'appareil. On avail emmagasine dans une parlie de la galerie, une provi- sion de paille, pour donner aux aeronautes la faculte de s'elever a volonte en activant le feu. C'est avec celte machine que Pi- latre de Rozier el le marquis d'Ar- landes (fig. o et 6), avec une inlre- pidite sans egale, eurent Taudace d'entreprendrele premier des voyages aeriens, le 21 novembre 1783. 11s traverserent Paris, de la Muetle au moulin de Croulebarbe, en meme temps qu'ils s'elevaient jusqu'a pres de 1.000 metres de hauteur, demon- trant ainsi a la foule accourue pour les admirer que 1'homme peut s'ele- ver dans les airs el que les lois soi- disant ineluctables de la Pesanteur ne le sonl pas plus que les autres. Mais si Pilatre de Rozier avail alteint son but, on reconnut bien vile que 1'appareil dont il s'etail servi ne pouvait rendre que de Ires mediocres services. Sans compter les dangers d'in- cendie, la necessite constanle d'alimenter le feu absorbail evi- demmenl tous les momenls des aeronaules et leur otait toute possibilite de se livrer a des experiences ou a des observations scientifiques. On comprit done immediatement, apres 1'ascension de la Muette, que les ballons a hydrogene pouvaient seuls offrir la securite et Fig. 5. Pilatre de Rozier. LES ORIGINES DE L AERONAUTJQUE 13 la commodite indispensables a 1'execution des voyages aeriens- Le voyage de Pilatre de Rozier et du marquis d'Arlandes avail etc surtout un trait d'audace ; 1'ascension de Charles et de Robert, executee le l er decembre 1783, avec un ballon a hydrogene (fig. 7), au jardin des Tuileries, presenta des conditions toutcs differentes. Pour cette ascension, Charles imagina : la soupape, qui donne issue au gaz hydrogene, per- met d'eviter 1'explosion qui pourrait resulter d'une trop grande augmen- tation de la pression interieure et permet aussi de descendre a volonte ; la nacelle, ou s'embarquent les voyageurs ; le filet, qui soutient la nacelle, reparlit egalementla pres- sion en tous les points de 1'enveloppe du ballon, qu'il protege sans la com- primer, se pretant a tous ses mou- vements de contraction ou de dila- tation ; le lest, qui regie 1'ascen- sion, permet de planer et modere la chute ; Yenduit de caoutchouc qui, applique sur le tissu du ballon, le rend impermeable et previent la deperdition du gaz ; Yappendice ou manche, qui sert au gon- flement du ballon, et permet la libre sortie du gaz lorsque le bal- lon esl completement gonfle ; Tusage du barometre, qui permet de determiner a chaque instant, par relevalion ou la depression du mercure, la hauteur ou Ton se trouve. En m6me temps, il inventait, pour la preparation en grand de 1'hydrogene, I'appareil a tonneaux (Chap. Ill), que Ton a employe jusqu'a nos jours (1875). C'esta lui, aussi, que Ton doit Yequili- brage du ballon, ainsi que les ballons-pilotes qu'on lance, un peu avant le depart, pour s'assurer de la direction et de la vitesse du Fig. G. Le marquis d'Arlandes. li L'ARONAUTIQUE vent, et qui meriteraient leur nora, s'ils n'avaient la deplorable habitude de prendre, merae lances simultanement, des directions aussi differentes que possible, se dispersant generalement en eventail dans un angle dont I'ouverture peut aller jusqu'a 90". La relation que Charles a ecrite de ce voyage montre chez lui un excellent esprit d'observation. Rien ne lui echappe : Tabsence de toute sensation de vertige au moment du depart, le senti- ment de securite absolue qui envahit peu a peu les voya- geurs, les mouvements gira- toires du ballon autour de son axe, la buee qui rend visible le gaz lorsqu'il s'echappe de 1'ori- fice inferieur de Taerostat, le role de soupape automatique que joue 1'appendice, les cou- ranls d'air qui resultent des mouvements du ballon suivant la verticale, courants descen- dants quand il monte, ascen- dants quand il descend, le re- froidissement considerable de 1'air avec Taltitude, etc. Ajou- tons, pour 6tre complet, qu'apres avoir depose Robert a Nesles, Charles s'enleva encore une fois de terre : en 10 minutes, il arriva a 1'altitude de 4.000 metres, eprouva des bourdonnements d'oreilles dus certainement a la rarefaction de fair et, sur- tout, a la vitesse de la montee, et eut le plaisir d'assisler a un second coucher du soleil, son premier atterrissage ayant eu lieu au moment de la disparition de Tastre pour les observateurs pla- ced sur le sol. II atlerrit doucement a quelques kilometres de Nesles, heureux de s'elre elance dans les airs, plus heureux Fig. 7. Aerostat de Charles et de Robert. LES ORIGINES DE L' AERONAUTIQUE 15 encore, ont pretendu les mauvaises langues, d'avoir regagne le plancher des vaches. En somme, tout d'un coup et tout d'une piece, comme le dit si bien Figuier, Charles a cree, a propos de cette ascension, la pre- miere et la derniere du celebre physicien , 1'ar t de 1'Aeroslation. Sauf I'emploi de Yancre, les modifications apportees au cercle par Blanchard, dans son ascension du 2 mars 1784, le guide-rope, in- vention de Green, d'une simplicite presque geniale, on a ajoute peu de choses, depuis 115 ans, aux dis- positions imaginees par Charles, au moins en ce qui concerne les ballons nondirigeables. La figure 8 permet, d'ailleurs, de com- parer les ballons actuels avec Taeroslat de Charles et de se rendre compte, a peu pres, des progres ac- complis. Les recompenses acade- miques ne manquerent pas aux Montgolfier et aux pre- Fig . 8 . _ Aerostat moderne. miers aeronautes. Les deux Montgolfier entrerent a 1'Academie des Sciences comme membres titulaires; Pilatre de Ro/ier, le marquis d'Arlandes, Charles et Robert, a titre d'associes surnumeraires ; enfin, le pere des Montgolfier fut anobli. Quant aux ascensions, elles se multiplierent, a partir de cette epoque, en France et dans toute 1'Europe. 11 s'engagea m6me, 16 L'AtfRONAUTIQUE presque immediatement, une vive polemique entre les partisans des montgolfieres et ceux des ballons a hydrogens. On verra dans le chapitre suivant les raisons pour lesquelles, abstraction faite des chances d'incendies, les ballons a gaz leger, comine 1'hydrogene, doivent eHrepreferes aux ballons a gazlourd, comrae 1'air chaud. CHAPITRE PREMIER THEORIE DU BALLON LIBRE On a souvent compare un ballon flotlant libreraent dans 1'at- mospliere a une bulle gonflee de gaz, abandonnee a elle-meme. La coraparaison est exacte si le ballon n'est pas monle ; elle ne Test plus si le ballon est monte. L'komme, a dit Pascal, n'est ijitun roseait, mais c'est im roseau peasant; un ballon monte n'est qu'une bulle de gaz, mais c'est une bulle de gaz douee de vie et de raison, une molecule pemante, capable de lutter contre les fatalites brutales du monde exterieur. Aussi, pour se faire une idee a peu pres exacle des principes de 1'Aerostatique, est-il necessaire d'etudier d'abord, a 1'aide du rai- sonnement, la marche dans 1'air d'un ballon libre. 1. Avanttout, il imporle d'avoir une idee, au moins approxi- mative, de la constitution du milieu dans lequel se meuvent les aerostats, c'est-a-dire de {'Atmosphere. On sail, depuis Pascal, qu'a mesure qu'on s'eleve au-dessus du sol, la pression atmospherique diminue. On sail aussi, depuis Mariotte, qu'a une meme temperature, le poids speciflque dun gaz (c'est-a dire sa densite par rapport a I'eau] varie propor- tionnellement a la pression qu'il supporte (loi de Mariotte). Enfin, on sail aussi, et c'est une consequence du principe dArchimede, que, dans une masse formee de fluides de densites dillerentes, ces 3 18 I/AfiRONAUTIQUE fluides tendent a se superposer les uns au\ aulres par ordre decroissant des densites. Des lors, si Ton suppose 1'atmosphere parfaitement calme, les couches d'air qui la composent doivent se superposer les unes aux autres dans 1'ordre decroissant de leurs densites, leur force elastique (ou, ce qui revient au meTne, la pression atmospherique correspondante) diminuanta mesure que leur hauteur augmente. C'est ce qui a lieu d'ordinaire, malgre les perturbations qui, a chaque instant, troublent 1'ocean aerien : presque toujours on constate qu'a mesure qu'on s'eleve, le poids specifique, et, par suite, la pression des couches d'air que Ton traverse, diminue regulierement. Mariotlea, le premier, demontre que si Ton suppose la tempe- rature constante suivant tine verticals, les pressions dc'croissent., suivant cette verticals , en progression geornetrique, lorsquc les hauteurs auxquelles elles correspondent crousent en progression arithmelique. Halley, traduisant algebriquement cette loi, connue sous le nom de loi du nivellement, a donne une formule appro- chee permettant de calculer 1'altitude en fonction de la pression atmospherique et, reciproquement, la pression atmospherique en fonction de 1'altitude. Cette formule 5. -; = 18.400% -A, (l) qui suppose Tair sec et a la temperature de 0, et dans laquelle et s a designent, en metres, 1'altitude des deux stations, h et h n les valeurs correspondantes de la pression atmospherique, exprimees en colonne de mercure, s'appelle formule du nwelle- ment barometrique . Comme, si a eta n representent les poids spe- cifiques de 1'air a ces deux stations, on a, en supposant toujours la temperature conslante suivant la verlicale, la proportion /in ' THEORIE DU BALLON LIBRE IV) la formule du nivellement peut done, en cas de besoin, e"tr'e rem- placee par la suivante : (3) La Table ci-dessous, qui donne jusqu'a 6.000 metres, et a 40 metres pres, les altitudes en fonction de la pression atmospherique, exprimee en millimetres de mercure, perrnel de se faire de la loi du nivellement une idee plus exacte que celle qui resulte de la formule d'Halley. Lalroisieme colonne de celle Table indique, pour les differentes altiludes, la hauteur dont il faut s'elever pour que la pression atmospherique diminue de un millimetre, ce qui per- met de calculer avec facilite 1'allilude correspondante a des pres- Baromelre Altitudes en m. Difference . :t 20 m. pres. pour [*"". Barometre Altitudes en m. Difference. Baro a rfc 20 m. pres. pour I"". o5o 6082" 1 22 m ,5 565 365 5860 21,9 575 375 5664 21,3 585 385 5433 20,8 595 395 5228 20,2 605 405 5028 19,7 615 415 4833 19,2 625 425 4643 18,8 635 435 4457 18,4 645 445 4275 18,0 655 455 4098 17,6 665 465 3924 17 ; 2 675 475 3754 16,8 685 485 3587 16,5 695 495 3424 16,1 705 505 3264 15,8 715 515 3108 15,5 725 525 2954 15.2 735 535 2802 14,9 745 545 2655 14,7 755 555 2510 14,4 760 2367* 14 m ,l 2227 13,9 2089 13,6 1954 13,4 1821 13,2 1690 13,0 1561 12,8 1434 12,5 1310 12,3 1187 12,2 106G 12,0 947 11,9 829 11,6 713 11,5 599 11,3 487 11,2 376 li,0 267 10,8 159 iO,7 52 10,6 10,5 20 I/AfiRONAUTIQUE sions comprises entre deux valeurs consecutives de la premiere colonne de la Table. Si la formule d'Halley n'est que grossierement approchee, c'est parce qu'elle suppose la temperature constante le long d'une me'me verticale,alorsquedepuis longtemps Tobservation a montre que, sauf quelques cas d'inversion relativernent rares, la tempe- rature decroit toujours a mesure qu'on s'eleve dans Tatmosphere. Pour avoir une formule du nivellement a peu pres exacle, il fau- drait connaitre la loi suivantlaquelle la temperature decroit quand I'altilude augmenle, ou, au moins, la loi suivant laquelle elle decroit a mesure que la pression diminue. Actuellement, on admet, avec Saigey et Mendeleeff, que la decroissance de la temperature est, jusque vers 6.000 metres environ, proportionnelle a la diminution de la pression, c'est-a- dire que t a etant la temperature a la pression /<, t a + t la tempe- rature, sur la meme verticale, a la pression /? + 15 on a t n t a+ , = a (h a /i n+l ], (A) a etant une constante qui depend evidemment de la latitude, de la saison, etc. Gette constante est, aujourd'hui encore, meme dans nos regions, fort mal connue. On peut cependant, jusqu'a 4.000 melres, lui attribuer la valeur moyenne La formule precedente peut alors, dans les limites que nous venons d'indiquer, etre remplacee par la suivante : /. - = ,. 85 ( - ^-) , (4) t etant la temperature au niveau de la mer, ou la hauteur moyenne du barometre est de 760 millimetres, les temperatures etant, d'ailleurs, exprimees en degres centigrades, et les pres- sions en millimetres de mercure. THfiORIE DU BALLON LIBRE 21 II. Considerons, maintenant, un ballon rempli d'un gaz quelconque et muni a sa partie inferieure d'un appendice dont 1'orifice soil assez large pour permettre au fluide interieur d'etre toujours en equilibre de pression avec 1'air exterieur. Admeltons que le gaz aerostatique employe soil toujours, pendant la duree de 1'ascension , en equilibre de temperature avec 1'exlerieur. Designons par V le volume du ballon a un instant donne, para le poids specifique de 1'air ambiant (c'est-a-dire sa densite par rapport a 1'eau) a cet instant. Appelons Ha densite du gaz aeros- tatique, le mot densite elant pris dans le sens ou on 1'entend en Physique, c'est-a-dire designant le rapport constant qui existe toujours entre le poids d'un volume de gaz et le poids du meme volume d'air, le gaz et 1'air etant a la m&me temperature et a la meme pression. La pouswe de lair sur le ballon egale, d'apres} le principe d'Archimede, au poids du volume d'air qu'il deplace, est Va. Le poids du gaz qui le remplit est \ad. Par suite, la force verlicale, dirigee de bas en haul, que le gaz du ballon poarrait exercer sur un dynamometre ou, mieux, la force portative de ce gaz, sera \ a \ a d = \a(i d). Si, comme c'est le cas a propos des aerostats, cette force est employee a soulever des corps tels que Tenveloppe, les agres, la nacelle, etc., d'un ballon, corps solides dont le poids apparent dans fair est a tres peu pres le meme que leur poids absolu, la force portative devra 6tre regardee comme d tres peu pres egale au poids total que le ballon pcut soulever. Des lors, si Ton appelle force ascensionnelle propre d'un aerostat, a un instant donne, le 22 L'ARONAUTIQUE poids total que le gaz du ballon peut soulever, on voit que cette force est, en general, donnee par la formule F = V (\ - d}, (5) qui montre que la force ascensionnelle propre dun ballon, a im instant donne : i est proportionnelle a son volume et au poids specifique de fair ambiant ; 2 est d'autantplus grande que le gaz aerostatiqite employe est plus leger. Faisons V = 1 dans cette formule : le produit ? = a (1 d) (6) representera alors la force ascensionnelle de 1'unite de volume d'un gaz aerostatique quelconque a un instant donne, ce qu'on appelle sa force ascensionnelle propre d un instant donne. Seulement, pour rendre comparables les nombres qui expriment soil la force ascensionnelle propre d'un aerostat, soit celle d'un gaz aeroslatique, on est d'accord, en Aeronautique, pour rappor- ter ces nombres au niveau de la mer ou la pression moyenne est de 760 millimetres, et de supposer qu'a ce niveau 1'air est sec et a 0, c'est-a-dire a un poids specifique tres voisin de 0,0013. La force ascensionnelle propre dun aerostat est alors donnee par la formule : F = Vx 0,0013 (1 rf), (7) la force ascensionnelle propre d\m c/az aerostatique etant ?0 = 0,0013 (1 d). (8) Considerons alors le c/az hydrogene (hydrogene pur des aero- naules) que fournissent les appareils industriels actuellement employes, gaz qui possede une densil6 moyenne d = 0,154, THEORIE DU BALLON LIBRE 23 densite qui est a peu pres le septieme de celle de 1'air. Sa force ascensionnelle propre sera ?0 == 0,0013 (1 0,154) =0,0010998, c'est-a-dire que la force ascensionnelle d'un metre cube d'hydro- gene est de l kg ,0998 environ. Pour le gaz d'eclairage (gaz des aeronautes), dont la densite moyenne est d = 0,465, on trouverait ?0 = 0,0013 (1 0,465) = 0,0006955, c'est-a-dire que la force ascensionnelle d'un metre cube de gaz d'eclairage est de O ki? , 6955 environ. Ces nombres sont d'ailleurs un peu trop forls. En realite, si Ton tient compte de 1'humidite moyenne de 1'air, il taut prendre pour poids specifique moyen de 1'air, a Paris (et dans les lieux peu eleves au-dessus de la mer), le nombre 0,001287. On trouve alors, pour 1'hydrogene : cp ~ 0,001088, pour le gaz d eclairage : ?0 = 0,000688545, c'est-a-dire que la force ascensionnelle propre de Chydroc/enc est, pratiquement, par metre cube, de / kilogramme, celle du gaz d eclairage e'tant de O kR ,688 en moyenne. Considerons maintenant un ballon tel que le Ballon militaire normal employe en France, ballon dont le rayon est de 5 metres environ et le tonnage de 540 metres cubes. Sa force ascension- nelle propre sera, si on le remplit de gaz hydrogene, F = 540 X 1 kg. = 540 kg. ; si on le remplit de gaz d'eclairage : F = 540 X O kg ,688 = 3"J' r ,o. 24 Giffard a donne un moyen commode de mesurer approximati- vement la force ascensionnelle propre d'un gaz. A cet effet, on remplit du gaz un ballon en baudruche, d'un metre cube, termine par une chaine en metal dont les chainons, de meme poids, sont numerotes (fig. 9). Sous 1'influence de la force ascensionnelle du gaz, le ballon seleve dans 1'air et ne s'arr6te que lorsque cette force est equilibree par le poids de la portion de chaine soulevee, poids facile a eva- luer, d'apres le nombre des chainons souleves. Comme on opere dans des conditions de chaleur, de pression et d'humidite analogues acelles auxquelles le ballon sera sou- ~~ Fis 9 mis, que la baudruche est une substance tres legere, que la chaleur et I'humidite n'en font pas sensiblement varier les dimensions, il n'y a pas besoin de se preoccuper des corrections. III. Cherchons maintenant 1'influence que peut avoir sur la force ascensionnelle propre d'un aerostat son ascension dans 1'at- mosphere. Deux cas peuvent se presenter : ou le ballon estp/em, c'est-a- dire completement yonfle au depart; ou il est flasqne, c'est-a- dire incompletement gonfle au depart. a}. Supposons d'abord le ballon plein. A mesure qu'il monte, il penetrera dans des couches d'air de moins en moins denses, dont la force elastique diminue de plus THEORIE DU BALLON LIBRE 25 en plus. Des lors, son gaz s'echappera peu a peu par I'orifice. En supposant que le principe d'Archimede soil applicable a un corps en mouvement, hypothese que 1'experience justifie, la force ascen- sionnelle propre du ballon, au niveau du sol, sera F = Vo, (I rf), etant le poids specifique de 1'air ambiant. Pour une couche d'air de poids specifique quelconque a p> cette force ascensionnelle sera Comme, necessairement, a p < a , on aura F p < F . La force ascensionnelle propre dun ballon plein diminue done a nifisure giiil seleve. Elle serait nulle pour a p = 0, c'est-a-dire a la limite extreme de 1'atmosphere. b}. Examinons maintenant le cas du meme ballon, suppose incompletement gonfle au depart. Soil V son volume au depart (V etant plus petit que son volume r6el V). A cet instant, sa force ascensionnelle propre est F =V (1 rf). Le ballon s'elevant a travers des couches d'air dont la force elas- tique diminue progressivement, son gaz tend, en vertu de son expansibilite, a occuper un volume de plus en plus considerable, de sorte que le ballon tend peu a peu a se gonfler completement, sans cependant que le poids du gaz qu'il contient change. Appe- lons m le poids specifique d'une couche d'air, pour laquelle le ballon n'est pas encore completement gonfle, V m le volume du ballon dans cette couche, a m etant plus petit que , mais V m etant plus grand que V . Pour cette couche, la force ascensionnelle propre sera F m -V A (l -d] 4 26 L'AERONAUTIQUE Mais le poids du gaz n'a pas change, c'est-a-dire que et, par suite, \ d m V a . Des lors, V m fl m (l d) = V a (1 - d), c'est-a-dire que F m == F . La force ascensionnelle d'un ballon flasque reste done constantc, tant que ce ballon nest pas completement gonfle. Cherchons le poids specifique q de la couche d'air pour laquelle le ballon est completement gonfle : a cet instant, sa force ascensionnelle propre est encore egale a F ; d'un autre cote, elle est egale a F,, (1 d). On a done F =Vfl q (i-d), relation qui donne, en y remplacant F par sa valeur, la formule fondamentale : Un ballon flasque est done, quels que soient son volume ct la densite du gaz ae'rostatigue, completement gonfle lorsqiiil atleint une couche (fair dont le poids specifique est tine fraction de celui de la couche d'air du depart, egale d la fraction qui represente le remplissage du ballon. Par exemple , si le ballon est gonfle aux O -^- au moment du depart, il sera completement gonfle dans une couche d'air dont le poids specifique sera les -^- du poids speci- fique de Fair au niveau du sol et, cela, quels que soient son volume et la densite du gaz aerostatique employe. II va de soi qu'une fois le ballon completement gonfle, tout se passe comme dans le cas d'un ballon plein : sa force ascension- nelle diminue de plus en plus a mesure qu'il s'eleve. THEORIE DU BALLON LIBRE 27 IV. Considerons, enfm, un aerostat veritable, c'est-a- dire 1'ensemble forme par le ballon, son filet, sa nacelle, ses agres, etc. #). Supposons d'abord le ballon plein. Soit V son volume, d la densite du gaz aerostatique, P son poids mort irreductible, c'est-a-dire la somme des poids de 1'en- veloppe, du filet, de la nacelle et des agres, a { le poids specifique de 1'air au depart. Equilibrons le ballon a cet instant, en plagant dans la nacelle un poids total L de lest, tel que le poids mort total P -f- L du ballon soil egal a sa force ascensionnelle propre : V (l d}= P-f- L. [a] Pour que 1'aerostat puisse s'elever, il suffira evidemment de le debarrasser d'une portion quelconque du lest qu'il emporte. Soit A O le poids de lest projete. Le ballon, dont le poids mort total n'est plus que P -f- L A O , s'elevera, dans ces conditions, sous 1'influence d'une force ascensionnelle reelle egale a V (i rf) - (P -f L - A O ) = ), c'est-a-dire egale a la rupture d'cqiiilibre provoquee. Si un ballon plein conservait toujours la meme force ascension- nelle propre, il en serait evidemment de meme de 1'aerostat con- sidere. Mais, comme on Ta vu, a mesure qu'un ballon plein monte, sa force ascensionnelle propre diminue. Par suite, comme le poids total P -f- L ). qu'emporte le ballon reste le meme, il est evident que la force ascensionnelle reelle du ballon diminuera et finira par devenir nulle : a ce moment, 1'aerostat s'arretera et flottera. Appelons a a le poids specifique de 1'air dans la zone d'equilibre ou le ballon s'arrete et flotte. Pour cette zone, la force ascensionnelle de 1'aeroslat est \a a (i rf), et puisqu'il y a equilibre entre cette force et le poids mort total du ballon, on a 28 L'AERONAUTIQUE d'oii, en remplacant P -)- L par la valeur qu'en donne 1'equation (a], la forraule ^n-^o- v(1 X l rfj . (c) Si le ballon est monte, c'est-a-dire eraporte un ou plusieurs voyageurs, et qu'on veuille s'elever davantage, il faudra evi- derament projeter une nouvelle quantite de lest ) M . En remar- quant que la formule (c) est generate, on aura, pour le poids specifique de la nouvelle zone d'Squilibre, la valeur n + 1 = n V (l rf) ' ou, en reraplagant a n par sa valeur tir6e de (c), En continuant ainsi a projeter de nouvelles quanlites de lest A 2 ,)> 3 , etc., on finira par atteindre une zone d'equilibre dont le poids specifique a { aura la valeur V (1 - d) d'ou. en posant / designant ainsi la somme des quantites de lest projetees pen- dant 1'ascension, la formule fondamentale II resulte d'abord des calculs precedents quon seleve aussi haut, avec un ballon completement gonfle au depart, en proje- tantpar petites portions un poids donne de lest, quen le proje- tant d'un seul coup. II est done possible, lorsqu'un ballon de ce THEORIE DU BALLON LIBRE 29 genre est raonte, de regler a volonte la vitesse d'ascension, ce qui, surtout au depart, est tres important au point de vue de la securile des voyageurs et de Taerostat. Pour les ballons non monies, comme les baltons-sondes , il faut, du premier coup, les debarrasser du poids de lest necessaire pour leur permetlre d'atieindre la hauteur voulue, a moins que Ton ait recoursau precede Kovanko, dontil sera parle plus loin (chap. in). Quant a la formule (10), elle montre que : 1 Etant donne un ballon plein, il s'e/eve d'autant plus haul que le poids de lest projete (soit en bloc, soil graduellement) est plus considerable. En effet, plus / est grand, plus, toutes choses egales d'ailleurs, #, est petit, et, par suite, la hauteur de la zone d'equilibre, la difference entre le poids specifique de la zone de depart et celui de la zone d'arrivee (zone d'equilibre] e'lant, d'ailleurs, propor- tionnelle au poids de lest projete, car la formule (10) donne 2 Pour un meme poids de lest projete, un ballon gonfle monte d'autant plus haul que son volume est plus petit, le gaz aerostatique etant le meme. En effet, plus V est petit, plus la fraction ~^. /- est grande et, par suite, plus , est petit, la v ^i u) difference entre le poids specifique de la zone de depart et celui de la zone d'arrivee etant inversement proportionnelle au volume du ballon. 3 Pour un meme poids de lest projete et a volume egal, de deux aerostats pleins, celui qui est rempli du gaz le plus lourd est celui qui s'eleve le plus haul, r^sullat qui elonne au premier abord, d'ou le nom de PARADOXE AfiRosiAiiQUE donne a ce theoreme. En effet, plus d est grand, plus 1 d est pelit; par suite, plus la fraction _ est grande et, par consequent, plus a, est petit, la difference entre le poids specifique de la zone de depart et celui de la zone d'equilibre etant inversement proportionnelle 30 I/AliRONAUTIQUE a la force ascensionnelle proprc du gaz aerostatiquc, car 1 d est proportionnel a a . , Pour fixer les idees, considerons le ballon normal de 540 moires cubes. Supposons cet aerostat completementrempli de gaz au niveau de la mer (ou dans un lieu peu eleve), de fagon qu'on puisse admettre que la pression atmospherique est d'environ 160 milli- metres et le poids specifique de 1'air egal a 0,0013 a peu pres. Sup- posons aussi la temperature egale a et cherchons la hauteur des zones d'equilibre qu'atteindra le ballon, suivant les valeurs que Ton donnera soil a la rupture d'equilibre, soit au volume de 1'ae- rostat ou, encore, suivant la nature du gaz aerostatique employe. Admettons d'abord que le ballon est rempli dthydrogene et que la rupture d'equilibre est de 10 kilogrammes. En remarquant que dans 1'application de la formule (8), comme dans 1'application des formules precedentes, il est necessaire d'exprimer les donnees en unites correspondantes et, par suite, ici, les poids en tonnes, le poids specifique de la zone d'equilibre sera : <"= ;0 > -W-o,.Mr n ' 00128 - Or, si Ton appelle h { la valeur, en millimetres de mercure, de la pression atmospherique correspondant a la zone d'equilibre de poids specifique 0,00128, on a, d'apres la formule (2), la propor- tion A, 0,00128 760 0,0013 ' d'ou hi = 748 millimetres a peu pres. La Table ci-dessus (p. 19) montre que cette pression corres- pond a une hauteur de 127 metres environ. Si on veut monter plus haul, il faut projeter du lest. En sup- THEORIE DU BALLON LIBRE 31 posant le poid total de lestprojete de 40 kilogrammes, on trou- vera, pour le poids specifique de la zone d'equilibre, a { = 0,00121 . Un calcul analogue au precedent montrera que ce poids speci- fique correspond a une pression h { = 707 millimetres a peu pres, soit, d'apres la Table, a une hauteur de 576 metres environ. Si ce ballon est remplide gaz declairage, plus lourd que 1'hy- drogene, on trouvera, pour les me'mes ruptures d'equilibre, des zones d'equilibre de poids specifiques 0,001623 et 0,001162, correspondant a des pressions de 739 et de 679 millimetres, et a des hauteurs d'environ 223 metres et 900 metres, hauteurs plus considerables que les precedentes, conformement au paradoxe aerostatique. Enfin, si le volume du ballon etait moitie de celui du ballon normal considere, soit 270 metres cubes, on trouverait que pour une projection de 40 kilogrammes de lest, le ballon plein de gaz hydrogene s'eleverait a 1.150 metres environ, c'est-a-dire au double, a peu pres, de la hauteur atteinte avec le tonnage de 540 metres cubes. II importe de remarquer que la hauteur a laquelle un ballon s'eleve, pour une rupture d'equilibre donnee, depend de 1'alti- tude de la station de depart. Cela provient de ce qu'a mesure qu'on s'eleve dans 1'atmosphere une difference. donnee de poids specifique correspond, conformement a la loi du nivellement, a des differences d'altitude de plus en plus considerables. Supposons, par exemple, le ballon normal de 540 metres cubes, plein d'hydrogene, lance d'une station de 840 metres d'altitude, station pour laquelle le poids specifique de I'air est = 0,00117 ; 32 L'ARONAUTIQUE supposons que le poids de lest projete soil de 40 kilogrammes. On trouvera, pour la valeur du poids specifique de la zone d'equi- libre, la valeur , = 0,000843, qui correspond a une pression de 434 millimetres et a une hauteur de 1.446 metres environ, soil 600 metres au-dessus dusol, aulieu de 490 metres. 6). Considerons maintenant un ballon flasque, de volume total V, mais ayant seulement un volume V au depart (V etant plus petit que V). Suit \ la rupture d'equilibre qui donne au ballon sa force ascensionnelle. Tant que 1'aerostat n'est pas completement gonfle , sa force ascensionnelle propre, comme on 1'a vu plus haut, reste cons- tante et, par suite, il en sera de meme, ici, de sa force ascen- sionnelle reelle, le poids mort total P -f- L \ etant invariable. Soumis a Faction d'une force verticale constante,dirigee debas en haut, le ballon prendra ou, du moins, tendra a prendre un mou- vement uniformement accelere et arrivera ainsi, avec des vitesses de plus en plus grandes, a la couche d'air pour laquelle il est completement gonfle, couche dont le poids specifique a q est donne par la formule (9). A pariirde cet instant, tout se passera comme pour un ballon plein, dont le depart aurait lieu a partir d'une couche d'air de poids specifique q . Sous 1'influence de la force ascensionnelle A O , 1'aerostat tendra done a s'arreter dans une zone d'equilibre de poids specifique #>.<, donnee par la formule (10), soit Si on veut s'elever plus haut, il faudra jeter du lest, et, pour une depense totale de lest /, que cette depense ait lieu peu a peu ou d'un seul coup, le poids specifique de la zone d'equilibre sera evidemment THEORIE DU BALLON LIBRE 33 ou, en remplagant a q par sa valeur, a \ = QO -y v (i d)' formule fondamentale qui montre qu'tm ballon flasque se'leve d'autant plus haut qiiil est moins gonfle au depart, que son volume total est plus faible, que la projection de lest est plus con- siderable et que le gaz ae'rostatique est plus lourd. Pour fixer ies idees, supposons le ballon normal de 340 metres cubes, gonfle aux , partant du niveau de la mer ou d'un lien peu eleve, et contenant du ga,z hydrogene. En appliquant Ies for- mules precedentes, le poids specifique de la zone de gonflernent sera ,. Le poids du gaz etant constant, d'ou et V'fl p (\ d} =Vfl, (i rf). La force ascensionnelle propre du ballon restant constante, sa force descensionnelle restera done egale a BJ. Par suite, sous F in- fluence d'une surcharge, un ballon prend toujotirs un mouvement descensionnel uniformement accelere ou qui, du moins, tend d le devcnir, et ne sarr&te qua terre. Si Ton veut enrayer la descente,il faudra projeter un poids de lest au moins egal a w : le ballon rebondira alors jusqu'k sa zone primitive d'equilibre, mais apres avoir perdu une quantity de lest d'autant plus considerable que la surcharge aura et6 plus grande. Chaque surcharge devant 6tre combattue de la m6me facon, on voit que toute une cal6gorie d'influences accidentelles a pour resultat de faire perdre de plus' en plus de lest a Ta6ros- tat. Quant au mouvement de descente du a la surcharge, il so 36 I/AfiRONAUTIQUE produit, dans certains cas, avec ime si grande intensite qu'il est positivement irresistible, ce qui tient a ce que le ballon, dont le gaz et 1'enveloppe sont relativement froids, rencontrant. dans sa descente, des couches d'air generalement de plus en plus chaudes : 4 sa force descensionnelle augmenle rapidement, par suite de la difference des temperatures ; 2 son enveloppe joue le role d'un veritable condcnseur de machine a vapeur et se charge de quan- tites d'eau de plus en plus considerables. On profile quelquefois, cependant, de ce dernier genre de sur- charge. Tous les aeronautes savent que Ton peut regagner la terre, sans toucher a la soupape (et, par suite, sans perdre de gaz), si Ton attend le coucher du soleil, a cause de la condensation considerable d'humidite qui se produit dans Tatmosphere, au moment ou 1'astre disparaissant, son action calorifique cesse. Examinons maintenant une influence telle que celle de la reap- parition du soleil. Un coup de soleil, comme on dit, ne change pas notablement la temperature de la zone d'equilibre et, par suite, le poids specifique de cette zone (on sail que le pouvoir absor- bant des gaz pour la chaleur est tres faible). Mais il n'en est pas de meme pour le gaz du ballon : 1'enveloppe, matiere solide, possede un pouvoir absorbant assez considerable et, des lors, elle peut echauffer d'un certain nombre de degres le gaz aerostatique. Cet effet du coup de soleil se trouve, d'ailleurs, amplifie par la vaporisation de la couche d'eau qui, pendant le cours d'une ascension, se depose presque toujours sur 1'enveloppe. Quoi qu'il en soil, designons par t 1'elevation de temperature du gaz interieur due au coup de soleil, et supposons, pour sim- plifier les calculs, qu'a cet instant, le gaz interieur soit, ainsi que 1'air ambiant, a 0. Par suite de sa dilatation, il va s'echapper par 1'orifice et, en meme temps, son poids specifique, qui etait aid, deviendra { l ^_ ^ , a designant le coefficient de dilatation des gaz. Des lors, le poids du gaz qui reste dans le ballon et le rem- plit, au lieu d'elre V'c?, ne sera plus que { "'^ . La force THfiORIE DU BALLON LIBRE 37 ascensionnelle propre du ballon, qui etait V, (1 d), deviendra done : valeur qu'on aurait pu obtenir immediatement en remplagant, dans laformule (5), dpar . L'equilibre esl rompu, et comme d le ballon montera. Seulement, le ballon, qui etait plein au moment du coup de soleil, restera plein pendant la durec de son ascension, puisqu'il penetrera dans des couches d'air de moins en moins denses. Sa force ascensionnelle propre diminuera done rapidement et finira par s'annuler. Si a f est le poids de la nouvelle zone d'equi- libre, la condition d'equilibre i \ = P+L donnera, en remplacant P -(- L par sa valeur, la relation approchee qui montre que a f est independant de V et est d'autant plus faible que a } est plus petit et que d est plus grand, ainsi que t. Par suite, lorsqiCun ballon plein subit un coup de soleil, il monte comme sous I' influence d'une projection de lest, et la hauteur de la zone d" equilibre nouvelle atteinte, independante du volume du ballon, est d'autant plus grande que le gaz aerostatiqiie est plus lourd, faction calorifique plus intense et, enfin, la zone ou s'est pro- duit le coup de soleil, plus elevi-e. II est clair, d'ailleurs, que ce theoreme s'applique a toutes les influences accidentelles qui agissentpour eleverla temperature du gaz interieur. 38 L'AfiRONAUTIQUK Pour fixer les idees, consideronsun ballon planant a 2.954 m., hauteur correspondanl a une pression de 525 mm. et a un poids specifique de 0,000898. Supposons 1'augmentation de tempera- ture due a la radiation solaire e"gale a 20, c'est-a-dire posons / == 20. Supposons, aussi, le ballon rempli de gaz hi/drorjene. On aura : =, 0,0008981 - = 0,000706, poids specifique correspondantaune hauteur de 3.062 m. environ. Le ballon, sous 1'influence du coup de soleil, s'est done eleve de 108 metres a peu pres au-dessus de la zone d'equilibre normale. Un calcul analogue montre que, rempli de gaz d'eclairage, il s'eleverait, dans les memes conditions, de 278 metres environ. Le coup de soleil et les influences analogues remplacent done un delestage. Aussi les aeronautes utilisent-ils souvent le coup de soleil, ou son apparition le matin, soil pour monter sans perdre de lest, soit encore pour compenser les effets d'une surcharge ou m6me d'un simple refroidissement du gaz du ballon. II est evident que V occupation du soleil ou le refroidissement subit du gaz du ballon, par suite de son entree dans une couche d'air froide, produirait, independamment de tout effet de sur- charge, un effet contraire de celui du coup de soleil. Le ballon se contracterait et descendrait, comme sous Faction d'une sur- charge. Au point de vue de la sustentation prolongee, le coup de soleil (et les causes qui agissent dans le meme sens) occasionnent, en somme, une perte de gaz. D'un autre cole, pratiquement, il est impossible de combattre la surcharge (et les causes qui agis- sent dans le meme sens) sans perdre du lest. Les influences accidentelles que nous avons enumerees plus haul doivent done, en general, etre regardees comme des ennemis du ballon, du moins au point de vue d'un voyage au long cours, les unes tendant a elever le ballon au-dessus de sa zone d'equilibre nor- THEORIE DU BALLON LIBRE 39 male, les autres tendant a le precipiter vers le sol. Ainsi s'ex- plique la difficulte qu'eprouvent encore, actuelleraent, les aero- naules a stalionner plus de quelques heures dans les airs. VI. Lorsque la quantite de gaz perdue est suffisante et que la provision de lest louche a sa fin, il est temps de songer a des- cendre. A cet effet, on donne un coup de soupape, c'est-a-dire qu'on ouvre la soupape pendant un instant, de maniere a permettre a une certaine quantile de gaz de s'echapper. Soit v la diminution presque de volume qu'eprouve alors le ballon, P son poids mort irreductible, L la provision de lest reservee pour la descente, #i le poids specitique de la zone d'equilibre. La force ascension- nelle du ballon n'est plus \a t (i rf), mais (V v) a\ (1 d}\ son poids mort total P -L. L = Va, (1 d) 1'emporte done sur cette force, et le ballon descend sous 1'in- fluence d'une force descensionnelle f= P + L (V ),(! rf), ou, en remplagant P -)- L par sa valeur, / = ,(! of). (13) Mais, comme dans le cas ouil y a surcharge, a mesure quele ballon descend, il devient flasque, le poids du gaz restant toujours le meme. La force descensionnelle /resteradonc conslante pendant toute la duree de la descente et le ballon prendra ou, du moins, tendra a prendre, sous 1'influence do celle force, un mouvement descensionnel uniformement accelere, pour ne s'arreler qu'a terre. Si la soupape est parfaitement construite et le coup de soupape bien donne, le poids du gaz sorti etant relativement Ires petit, f sera tres petit, car, alors, v sera relativement tres petit. En 40 L'AfiRONAUTIQDE general, s'il n'en est pas ainsi, soit par suite d'une surcharge accidentelle, soit encore par suite de Taccroissement de tempe- rature des couches d'air inferieures, la force descensionnelle augmente et peut devenir tres grande. 11 faut alors, pour eviter tout accident, jeter du lest : a la suite de cette projection, le ballon remontera a sa zone de depart, mais il y arrivera a 1'etat de ballon flasque, car son volume, au lieu d'etre V, n'est plus que V v. Des lors, au contraire de ce qui se passe dans le cas de la sur- charge, il depassera sa zone de depart, pour ne s'arreter que dans une zone d'equilibre plus elevee. Si Ton appelle A le poids de lest projete, le poids specifique de cette zone sera, en appli- quant la formule (9), donne par la formule II pourra arriver ainsi que le ballon rebondisse, a chaque coup de soupape, a une hauteur plus grande que celle dont il est parti. G'est a 1'aeronaute de se servir de 1'ancre et du guide-rope pour 1'aider dans ses manoeuvres d'atterrissage. Le role de I'ancre se comprend facilement. Celui du guide-rope est double : 1 la partie qui repose sur le sol allege d'autant le poids du ballon et, par suite, lui permet de remonter, si la chute est trop brusque; 2 le frottement qu'il developpe en trainant diminue considerablement (de moitie en temps ordinaire) la vitesse du mouvement du ballon. II est clair, d'ailleurs, qu'en ramenant une partie du guide-rope dans la nacelle, on peut, si on le juge necessaire, alourdir Taerostat et lui redonner un mouvement descensionnel. II va de soi que lorsque 1'etoffe du ballon n'est pas rigou- reusement impermeable, les fuites de gaz inevitables produisent, en somme, le meme effet qu'un coup de soupape et doivent se combattre, par consequent, de la meme fagon, c'est-a-dire a 1'aide de legeres projections de lest. THEOR1E DU BALLON LIBRE ii Remarque. Ponr comprendre nettement la theorie du coup de soupape, il est necessaire, de remarquer que le gaz interieur n'est pas, comme nous Tavons suppose jusqu'ici, a la meme pression que I' air exttrieur, mais, en realite, a une pression un peu supe- rieure. Les deux pressions sont, en effet, egales a 1'orifice de 1'appendice, mais si on s'eleve suivant une verti- cale, la pression diminue moins vile a 1'inlerieur, ou se trouve un gaz le- ger, qu'a Texterieur ou se trouve 1'air almospherique, la difference des deux pressions etant evidemment maxima au sommeldu ballon. Giffard a indique une demonstration experimental tres simple de 1'exis- tence de cet exces de pression, ou surpression, comme on 1'appelle d'or- dinaire. Qu'on remplisse d'hydrogene Fig- 10> un pelit ballon sans soupape, mais ouvert a sa partie inferieure : on le verra, si on le retourne brusquement, se vider sans que 1'air rentre par 1'orifice, et ce qui le prouve, c'est que le ballon se contractera a sa parlie infe- rieure, a mesure que le gaz s'echappera (fig. 10). Soil Z la hauteur du ballon, d la densile du gaz, a le poids spe- cifique de 1'air ambiant a la hauteur de 1'orifice, poids specifique que Ton peut supposer constant le long de la verticale de hau- teur Z. La suppression au sommet du ballon sera, pour la couche d'air consideree, donnee, evidemmenl, par la formule ou P = Z?, (U) a representant la force ascensionnelle propre du gaz aerostatique 42 L'ARONAUTIQUE dans la couche d'air ou le ballon se trouve. Gomme P est pro- portionnel a Z et a remplie d'air pur. Or, a cette temperature, la densite de 1'air chaud par rapport a celle de 1'air exterieur, suppose a 0, est Tout au plus, 1'air chaud dont on peut gonfler une montgolfiere d'une centaine de litres, comme celles que construisent les ecoliers, peut-il atteindre la temperature de Hl, ce qui corres- pond a une densite 1 1 + 0,004 x 110 = 0,694. L'air chaud est done un gaz aeroslatique lourd, et, par suite, abstraction faite des dangers d'incendie et de Tinconvdnient d 'avoir a entretenir leur feu, les montgolfteres doivent etre reje- tees. GHAPITRE II CONSTRUCTION D'UN AEROSTAT I. Depuis Charles, 1'enveloppe d'un ballon, monte ou non, a toujours, a moins qu'il ne s'agisse d'un ballon dirigeable, la forme d'une sphere. La sphere, en effet, presente les avantages suivants : minimum de surface et, par suite, de poids, au moins en ce qui concerne 1'enveloppe, pour un volume donne, ce qui reduit a leur minimum les frais de construction et les pheno- menes d'exosmose ; maximum de resistance pour une epaisseur donnee de 1'enveloppe; construction plus facile de 1'enveloppe et du filet, le filet se mariant plus intimement avec 1'enveloppe ; gonflement plus aise ; stabilite plus grande de route. Reste a chercher le volume que Ton doit donner a un ballon, plein ou flasque, pour qu'il puisse arriver a une hauteur donnee. Supposons-le plein. La formule (3) permet de calculer le poids specifique a { do la zone d'equilibre qui correspond a une hauteur donnee z au-dessus du sol, car elle donne immediatement log , == log a. - (15) On aura des lors le volume cherche V en exprimant que Taerostat doit flotter dans la zone de poids specifique a,, ce qui donne la relation Vfl, (1 d) = P, d'ou CONSTRUCTION o'tJN AEROSTAT 47 d designant la densite de gaz areostatique, P le poids mort total Fig. 11. Euscmble du greement d'un aerostat. A, Ijulloii. M, appondice ou inanchc. CC, ccrcle. N, nacelle. a, soupapc. 6, corde de soupupc. e, filet. /, [iclitcs patlcs d'oic. e, grandes patlcs d'oic. /, suspentcs. o. petits et gros cabillols. /r, guidp-ropo. /<, corde d'ancrc. P, ou, en remplac.ant V par sa valeur tiree de la proportion prece- dente, 4 , P inegalite du 3 e degre dont la resolution prete aux memes remar- ques que celle de Tequation (17). II. Les principales parties d'un aerostat sont : 1 L'euvelofjpe ou ballon proprement dit, avec sa soupape et son appendice ou manche; 2 le filet, qui aboutit au ccrcle; 3 la CONSTRUCTION D UN AEROSTAT 49 nacelle qui est suspendue en cercle; 4 les engins ne~cessaires a la montee, a la sustentation et a la descente (lest, ancre, etc.). Etudions successivement la fabrication de ces differentes parties : a}. Lesetoffes que Ton peut employer pour faire 1'enveloppe sont : en premier lieu, la sole ou taffetas ; puis le ponghee ou soie de Chine; ensuite, la toile de lin, le tissu de coton (percale ou cretonne] ; enfm, surtout pour les ballons-sondes , la bau- druche ou une soie particuliere, sur les proprietes de laquelle nous reviendrons plus loin. Le ponghee, a cause de sa grande resistance, de sa souplesse (me 1 me apres le vernissage), de son impermeabilite et de son bon marche relatif est, actuellement, le tissu le plus employe", surtout lorsque le voyage aerien doit avoir une certaine dur6e. Cette etoffe, essayee au dynamometre, presente, m6me apres qu'elle a ete vernissee, une resistance minima de 800 kilo- grammes par metre de longueur suivant la trame et suivant la chatne, ce qui veut dire que pour separer en deux une piece de cette etoffe, il faudrait exercer, dans le sens de la trame ou celui de la chaine, un effort de 800 kilogrammes par metre de longueur. Mais, a cause des coutures, il ne faut compter que sur une r6sis- tance de 400 kilogrammes par metre, quand le ballon est construit. Cette question de resistance est de la plus haute importance. On a vu dans le chapitre precedent qu'au sommet d'un ballon s'exerce, a 1'interieur, une surpression dont la valeur est donn6e par la formule (14), et quipossedesa valeur minimum quand le ballon est encore a terre. Cette surpression a evidemment pour effet de developper au sommet du ballon une tension qui, si on assimile un ballon re'duit a son enveloppe a une bulle liquide spherique (ce qui, evidemment, est loin d'etre rigoureux), est donnee par la relation connue T=-5-XP, (D) 50 I/AfiRONAUTIQUE R etant le rayon du ballon, P la suppression. Considerons alors un ballon au niveau du sol, etsoit, dans ces conditions, P la valeur de la suppression, la force ascension- nelle propre du gaz. Negfigeons fappeadice. Alors, dans la for- mule (14), P =2 R et 1'on a P = 2 R , d'ou, pour T, la valeur T = R 2 ?0 , (18) qui montre que la tension de I'eto/fe an sommet d'un ballon sphe- rique est a peu pres proportionnelle au carre du rayon et a la force ascensionnelle propre du gaz ahostatique. Mais comtne la tension maxima de Tetoffe correspond, evidem- ment, au point du ballon oil la surpression P est maximum, c'est-a-dire au sommet, le plus grand rayon qu'on puisse donner a une etoffe dont la resistance a la dechirure est connue s'obtiendra en calculant R d'apres cetle formule, et sera done formule qui montre que le phis grand rayon quon puisse donner a un ballon consiruitavecune ttoffe donnee, est, a peu pres, pro- portionnel a la racine carree de sa resistance et inversement pro- portionnel a la racine carree de la force ascensionnelle propre du gaz aerostatique. Pour fixer les idees, cherchons le plus grand rayon qu'on puisse donner a un ballon rempli d'hydrogene dont Tenveloppe est du poughee, en admettant 400 kilogrammes pour la resistance de ce tissupar metre de longueur. La formule precedente donnera R = y ( TQ^J = 20 metres environ. Dans la pratique, il sera prudent de rester au-dessous de ce CONSTRUCTION D UN AEROSTAT 51 chiffre et de ne faire travailler 1'etoffe qu'a 1/5 de sa rupture, ce qui revient a supposer sa resistance 5 fois plus petite qu'elle ne Test reellement. On aura alors R = y ^^- = 9 metres environ , valeur qui correspond a un tonnage d'environ 2.900 metres cubes. Si Ton tient compte du surcroit de pression du a 1'appendice, on voit meme qu'il sera prudent, pour un ballon de ponghee, de ne pas depasser un rayon de 8 m., soil un tonnage de 2.100 m :J a peu pres. Pour les tonnages superieurs, il faudra se servir d'une double, triple, etc., enveloppe ou, au moins, employer 1'etofFe en double, en triple, etc., dans la moitie superieure du ballon. I'exp6rience moritrant que lorsqu'on double, triple, etc., une etofle, sa resis- tance a la dechirure augmenle a peu pres dans le meme rapport que son epaisseur. b}. Passons maintenant a la construction de 1'enveloppe. Le probleme revient a conslruire une sphere, c'est-a-dire un corps rond, avec des feuilles d'etofle planes. Theoriquement, le probleme est insoluble, car on ne peut jamais, en deformant une sphere, I'appliquer exactement sur un plan. On est done oblige, pour conslruire une enveloppe spherique, d'assembler des mor- ceaux d'etofle de (agon a former non une sphere, mais une sur- face qui s'en rapprochera suffisamment. Le probleme ainsi pose presenle de nombreuses solutions ; mais le precede qui permet d'assembler et de coller les morceaux de la 1'ac.on la plus simple est la melhode dile methode des fitseaux, employee dans la cons- truction des globes terrestres, la seule que nous exposerons dans cet ouvrage : Supposons la sph6re coupee par un nombre infini de plans horizontaux perpendiculaires a son axe veitical (c'est-a-dire a 1'axe vertical du ballon), chacun de ces plans coupantla sphere suivant une circonference. Remplagons chacune de ces circon- 52 L AfiRONAUTIQUE ferences par un polygone regulier circonscrit d'un nombre quel- conque n de cotes. 11 est evident que tous ces polygones reguliers engendreront une surface un peu plus grande que celle de la sphere, mais qui en differera d'autant moins que n sera plus grand. Soit PjAP;, un des meridiens de la sphere sur lesquels s'appuient les cdtes des polygones reguliers ainsi definis (fig. 12). En ce qui concerne ce meridien, tous les cotes correspondants M,M 2 , N,N 2 , A^,, etc., ont la meme direction, puisque ce sont des droites horizontales : leur ensemble forme done une por- tion de surface cylindrique droile, a base circulaire, limitee par deux courbes planes. Ces courbes etant les intersections de cette surface par deux plans menes par 1'axe Pj P 2 , sont necessairement des ellipses, si- tuees dans des plans verticaux, dont le petit axe est le diametre vertical P, P 2 de la sphere, leur grand axe etant le rayon du polygone circonscrit a 1'equa- teur de cette surface. La sphere sera ainsi remplacee par n por- tions de surfaces cylindriques, telles que la surface P^AjA.Po, auxquelles on donne le nom de fuseaux (ou cotes] et dont les lignes de separation sont des arcs d'ellipse dont 1'excentricite sera d'autant plus faible que le nombre n des cotes des polygones circonscrits et, par suite, le nombre des fuseaux sera plus grand. Reste maintenant a obtenir la forme d'un fuseau. Pour cela il faut le supposer developpe et applique sur un plan, ce qui est possible, un cylindre ouvert suivant une de ses generatrices pouvant toujours etre applique exactement sur une surface plane. Le calcul montre que les deux courbes qui limitent le fuseau sont alors des arcs de cosinuso'ide, symetriques Tun de CONSTRUCTION D UN AfiROSTAT 53 1'aulre par rapport a sa ligne mediane, ou axe, qui n'est que la moitie developpee du meridien P^*, la base du fuseau, c'est-a- dire sa plus grande largeur AjA,, etant un arc de 1'equateur egal a la n iime partie dc sa longueur L'equation de cette cosinusoi'de est d'ailleurs y = R Ig a cos x, (20) R etant le rayon du ballon, a le demi-angle du fuseau, de sorte que _ 360 ~ 2n ' les axes des y et des x correspondant respectivement a 1'equateur et au meridiendeveloppes, Tangle x etant la latitude de 1'abscisse, abcisse dont la valeur est 3 * x. Les formules S = 4ra tg a, (21) et V = -i-*tga, (22) donnent respectivement la surface et le volume du spheroide ainsi obtenu, la longueur de Tare de cosinusoi'de etant donnee par la formule approchee : (23) Soit alors a construire un ballon de 6 metres de rayon au moyen de 48 fuseaux. La base du fuseau sera 9_'D <)-. ^^ (\ " D .as? O m ,786, n 48 sa longueur 7:R = TT x 6 = 18 ra ,85, son angle 2a==^ = 54 I/AfiRONAUTlQUE son demi-angle, a = 3 45'. Or tg 345' == 0,0655 ; par suite R tg a = 6 X 0,0655 = O ra ,393, et 1'equation de la cosinuso'ide sera : y = O in ,393 cos x. Rien de plus facile, des lors, que de construire le fuseau par points. Supposons, par exemple, qu'on veuille obtenir 20 de ces points, nombre suf'fisant pour les besoins de la pratique. On remar- quera d'abord qu'il suffit pour cela de determiner 10 points de la portion de courbe A 2 P 2 , car la moitie inferieure A 2 P t est symetrique de cette portion de courbe par rapport a 1'axe des y., et la cosinuso'ide P t A t P 2 est symetrique de la cosinuso'ide P i A 2 P, par rapport a I'axe kx du fuseau. On calculera alors les abscisses qui correspondent aux valeurs 0, 9, 18, ...... , 90, de Tangle x, et on cherchera, a 1'aide des Tables trigonome- triques, les valeurs correspondantes des ordonnees, soil O m ,393, O m ,393 X cos 9, O m ,393 X cos 18, ...., 0. Prenant maintenant un patron de papier de longueur convenable, 10 metres environ, on tracera sur ce patron deux perpemlicu- laires \x et Ay (fig. 13) correspondant aux axes des x et des y. CONSTRUCTION D'UN AEROSTAT 57 On portera ensuite, sur 1'axe des x, a 1'aide du compas, 10 lon- gueurs x i x 2j x. 2 x 3 , P 2 , egales chacunes a et correspondantes aux abscisses calculees. On raenera a Te- querre des paralleles a 1'axe des y par les points de division ainsi oblenus ; puis, avec des ouvertures de compas AA 2 , x i y v x 2 y 2 , x 9 y 9 , egales aux valeurs successives trouvees pour les y , on tracera 56 L'AfiRONAUTIQUE des arcs de cercle qui couperont ces paralleles, a droite et a gauche de 1'axe des x, en des points qui correspondent exacteraent aux deux courbes qui limitent la moitie superieure du fuseau. En reunissant ces points par une courbe convenablement tracee, on aura le patron dune moitie du fuseau (on se souviendra qu'aux extremites [du fuseau, les tangentes aux deux courbes qui le limitent font entre elles, comme il est facile de le demontrer, un angle egal a Tangle du fuseau, soit, ici, 7 30'). Le patron de lautre moitie du fuseau pourra aisement se tailler, ensuile , avec le patron obtenu, puisque les deux moities du fuseau sont symetriques par rap- port a 1'axe des y. Dans la pratique, on se contente souvent, pour tailler les fuseaux, d'une epure dessinee comme il suit : On trace sur le papier une demi-circonference dont le rayon est le dixieme, par exemple, de la base du fuseau (fig. 14). Du centre A de cette demi-circonference , on mene un certain nombre de rayons, 20 par exemple, egalement inclines les uns sur les autres et, par suite, correspondant a un meme nombre de divisions egales de la demi-circonference. On mene les paral- leles correspondantes aux points de division ainsiobtenus et, pour plus de commodite, on les projette comme Tindique la figure, sur dix droites paralleles equidistanles, menees perpendiculaire- ment a la verticale A P 2 . II est evident que les paralleles ainsi menees sont proportionnelles aux cosinus des angles que font les rayons menes du centre A avec la base A,A 2 de la demi-circonference decrite, et, par suite, donnent les longueurs relatives de 10 diametres de la moitie superieure du fuseau. Soit alors a construire, a 1'aide de ce graphique, un ballon CONSTRUCTION D'UN AEROSTAT i>7 d'un rayon de 6 metres, forme de 48 fuseaux. La circonference de ce ballon etant de 37 m ,7 environ, la longueur du fuseau sera de 18 m ,3S : sa base sera de ^- = O m ,785 environ. * , O m ,785 On tracera done 1'epure precedente avec un rayon de 1Q = T, 85. Ensuite, apres avoir, sur un patron de papier d'envi- ron 10 metres de longueur, mene les deux perpendiculaires A, A, = O m ,785 et P t P 2 - i8 >85 = 9 m ,425, on prendra, sur A P 8 , 10 longueurs egales chacune a la dixieme partie de AP 2 , soil O m ,942. Par les points ainsi determines on menera des per- pendiculaires a 1'axe AP 2 et on fmira le trace comme plus haul, chacune des longueurs A,A 1? y l y. i , y z y 2 ...., devant etre ampli- fiee 10 fois avant d'etre reportee sur le patron La moiti6 du I 58 L'ARONAUTIQUE fuseau ainsi obtenue sera, si 1'epure a ete bien faite et a une assez grande echelle, dessinee avec la m6me approximation que par la methode precedente. D'apres le patron en papier obtenu, on taille un patron defi- nitif, devant servir a decouper les fuseaux. En general, on ne taille pas un fuseau d'un seul morceau : on 1'etablit en trois ou quatre fragments et il faut alors autant de patrons que de frag- ments. On epingle le patron sur 1'etoffe, et on decoupe les fuseaux, soil successivement un a un, soil en masse, en mena- geant de chaque cole le rebord necessaire a la couture. Les differents fragments composant un fuseau entier etant reu- nis, on les coud solidement a la machine avec du fil de chanvre ou de soie. Puis on coud les fuseaux les uns aux autres, d'abord deux par deux, puis quatre par quatre. On rabat les coutures et, pour eviter les fuites de gaz, on les recouvre d'une bande faite avec l'6toffe de 1'enveloppe et que Ton fixe avec un vernis conve- nablement choisi. Le ballon ainsi obtenu a, d'ailleurs, des dimensions tres voi- sines de celui de la sphere demandee. Ainsi, dans 1'exemple choisi, le tonnage de ce sphero'ide, une fois rempli de gaz, est de 90o m3 ,472 au lieu de 904 m3 ,781, volume de la sphere theorique. La surface est 4S2 ra2 ,736 au lieu de 452 m2 ,390, surface de la sphere theorique. Enfm, la longueur commune des cotes des fuseaux est de 18 m ,859aulieude 18 m ,850, longueur theorique du demi-meridien. II est evident que dans le cas d'un ballon spherique, la melhode graphique ne presente aucun avantage sur la methode trigono- metrique. En revanche, elle est beaucoup plus generale, car elle peut evidemment s'appliquer a un aerostat de forme quelconque, CONSTRUCTION D'UN AEROSTAT 59 pourvu que cette forme soit celle d'une surface de revolution autour de son axe vertical. Remarquons que puisqu'un ballon spherique , des qu'il est plein de gaz , tend , par suite des pressions interieures qui s'exercent en ses differents points, a se deformer et a prendre la forme de poire, il faudrait, rigoureusement, tailler les fuseaux en tenant compte de cette deformation. Remarquons aussi que le nombre des fuseaux qui entrent dans la construction d'un ballon depend de la largeur de 1'etoffe employee. La couture d'un fuseau a un autre, necessitant ordi- nairement l c ,5pour chaque cote du fuseau, et les fausses coupes correspondant a un ecart e"gal , on voit qu'avec une etofie de 80 centimetres, par exemple, on ne peut compter que sur 74 centimetres de largeur reelle. Pour le ballon de 6 metres de rayon, pris comme exemple, dont la circonlerence est de 37 m ,70, il faudra done, avec une pareille etoffe, employer- 50 fuseaux a peu pres. Quel que soit le tissu employe, il est de toute necessite, une fois le ballon cousu, de s'arranger de fac,on a eviter la perte de gaz par exosmose. On a propose divers moyens pour arriver a attenuer cette perle. D'abord, 1'emploide ballons metalliqucs, cequi n'est guere pratique ; ensuite la metallisation des enveloppes, par exemple leur argenture par depot galvanique precede qui aurait, entre autres avantages, celui d'annuler lefrottement de rairsuiTenve- loppe, puis d'attenuer le coup de soleil, et, enfin, d'emp6cher 1'eau de s'accumuler sur les mailles du filet. Cependant, le moyen le plus communement encore employe est, comme il y a un siecle, le vcrnissage de 1'enveloppe. Gette operation s'execule a l'interieur et a 1'exterieur, et il est evident que c'est surtout a la partie superieure du ballon, ou 1'exces de pression de l'interieur sur 1'exterieur est maximum, qu'elle doit 6tre faite avec le plus de soin. Bien des vernis ont ete preconises et employes depuis un 60 I/AfiRONAUTIQUE siecle. Les meilleurs sont ceux a base d'huile cle lin siccative, et, en premiere ligne, d'apres Graffigny, le vernis Arnold, forme du melange de deux series d'huile de lin cuite, la premiere, traitee par la litharge et le bioxyde de manganese, qui la rendent plus siccative, 1'autre epaissie au contact de 1'air, en la maintenant longtemps a une temperature elevee. L'operation du vernissage n'est pas, d'ailleurs, sans presenter quelques difficultes : 1'enveloppe du ballon s'echauffe considera- blement, en eflet, par suite de la reaction chimique qui se produit entre le vernis et 1'etofie, reaction que favorise encore lachaleur due au frotlement intense qu'il faut exercer pour que le vernis penetre dans les pores. Aussi fail-on toujours suivre le vernis- sage de la ventilation, c'est-a-dire du gonflement a 1'air du ballon , gonflement que Ton opere a 1'aide d'une pompe a com- pression. Non seulement cette derniere operation (a laquelle d'ailleurs les aeronautes se livrent apres chaque ascension) est indispensable parce que, halant Tevaporation du vernis. elle empeche un echauffement sponlane de 1'etoffe trop conside- rable, mais elle permet aussi de s'assurer que 1'etofl'e n'a pas de trous, et peut meme servir a juger les effets de 1'exosmose : un ballon gonfle d'air, qui a passe la nuit sans se degonfler sensiblement, peut etre regarde comme bien construit. On com- prend, des lors, au moins pour les ballons ordinaires. I'innlilite du remplacement des enveloppes de soie, dont on se sert actuel- lement, par des enveloppes metalliques, que Ton ne pourrait manier convenablernent, et qui se gondoleraient au moindre choc, a moins d'etre en acier assez epais, auquel cas le ballon serait incapable de s'enlever. II importe de remarquer que le vernissage augmenle de beau- coup le poids de 1'enveloppe, qui est plus que triple par cette operation, surtout lorsqu'on tient a avoir une eloffe parfailement impermeable. Cette augmentation de poids a evidemment pour effet une diminution considerable de la force ascensionnelle. Malhcureusement, il est impossible d'eviter le vernissage, m6me CONSTRUCTION D UN AEROSTAT 6f dans le cas d'un ballon-sonde , quoique ces appareils soient plutot destines a s'elever haul qu'a planer. II n'existe au monde qu'un seul tissu que Ton puisse regarder comme absolument impermeable a 1'hydrogene et dont le vernis- sage soil, par suite, inutile : c'est la baudruche. Ce tissu est le plus leger de tous, sa resistance est considerable : avec huit couches de baudruche, on obtient une etoffe dont le poids ne depasse pas 213 grammes par metre carre et dont la resistance est de 1.200 kilogrammes par metre de longueur. Malheureuse- ment, la baudruche cotite cher ; elle est, par sa nature organique, sujelte a une decomposition rapide ; il est difficile deladefendre, sans risquer de 1'alterer, contre les atteintes des ins.ectes. Enfin, avec le temps, elle devient dure et cassante. c]. Le filet, en chanvre ou en soie, a pour eflet de repartir egalemenl sur toute la surface de 1'enveloppe le poids de la nacelle et de son contenu. L'experience a montre qu'il y a des avantages serieux a ce qu'il n'enveloppe le ballon que jusqu'aux 2/3 seulement en par- tant du sommet. Quant a son epaisseur, ou plutot quantal'epais- seur des cordons qui le forment, nous nous bornerons, pour en donner une idee, et en ecariant des calculs qui relevent plulot du domaine de la Mecanique que de celui de 1'Aerostatique, a dire qu'un ballon de 8 metres de rayon, gonfle augaz d'eclairage. dont la force ascensionnelle est de 1.395 kilogrammes et dont 1'enve- loppe de ponghee pese, soupape comprise, 380 kilogrammes, exige un filet (suppose en chanvre) d'une section totale d'a peu pres 30 centimetres carres (correspondant a un diametre de 6 C .2) : dans ces conditions, le filet pourra soutenir le poids qu'il est des- tine a porter, soil 1.395 380= 1.015 kilogrammes. Cette valeur relaiivement faible de la section tolale d'un filet fait comprendre poucquoi les cordons de chanvre employes a sa construction paraissent, au premier abord, d'un diametre si minime. Comme 1'enveloppe, le filet est forme d'un certain nombre de fuseaux dont le trace s'effectue comme celui des fuseaux de 1'enve- 62 L'AfiRONAUTIQUE loppe. Seulement, le trace des mailles ne se fait pas de lameme facon pour la moitie superieure que pour la moitie inferieure. On demande, en effel, aux mailles de la partie superieure de s'adapter exactement sur 1'enveloppe, tandis que les mailles de la partie inferieure doivent, lorsqu'on gonfle le bal- lon, permettre au filet de descendre en prenant la forme d'un cylindre legerement conique presque vertical. Des lors, en ce qui concerne les mailles supe- rieures, le point de depart de la maille equatoriale est un triangle ABC ayant pour base la largeur de cette maille et que Ton construit equilateral afm d'egaliser les tractions en ses trois sommets (fig. 15). Toutes les autres mailles a, a,... sont tracees a 1'equerre en leur conservant le m6me angle et la mSme forme : il suffit, a cet effet, de mener des paralleles aux deux cotes AC et BC du triangle de base, en limitant ces paralleles aux bords du fuseau. Quant au point de depart des mailles inferieures, c'est bien encore un triangle equilateral ABC' egal au triangle A B G et qui, avec celui-ci, complete la maille equatoriale (fig. 16). Mais afin de permettre au filet de descendre verticalement, on se preoc- cupe, avant tout, de donner aux cotes des losanges Fig. 15. une longueur invariable. Les mailles changent alors d'angle et de forme, a mesure qu'elles se rappro- chent de la parlie du ballon ou le filet devient tangent a 1'enve- loppe, s'allongeant ainsi de plus en plus. La figure montre, d'ailleurs, comment, a ^artir du point (situe au 2/3 du diametre du ballon en partant du sommet) sont disposees les premieres pattes d'oie, /?,/>,... dites petites pattes d'oie, qui reunissent les mailles deux a deux, lorsque le filet devient tangent au ballon. Elle montre aussi, ainsi que la figure 11, comment ces petites pattes d'oie sont elles-memes X CONSTRUCTION D ? UN AfiROSTAT 63 reunies deux a deux par les grandes pattes dole P auxquelles on attache les cordeaux de suspension (ou suspentes] qui terminent le filet. L'execution du filet ne presente rien de particulier : 1'epure etant tracee sur une planche, on plante des clous a 1'intersection de chaque maille et on la reproduit en les calquant sur le dessin. On fait le nceud de chaque maille sur un clou, ce qui faciiite beaucoup 1'execution. Le lecteur trouvera dans les ouvrages techniques sur la construction des ballons les renseignements desira- bles. Ajoulons que, d'ordinaire, on pro- file, pour alleger le filet, de son en- roulement autour de la partie supe- ricure du ballon, enroulement qui a pour effet de diminuer, a mesure que Ton s'approche de la soupape, la tension des cordes, ce qui permet de diminuer graduellement leur sec- tion. Une fois construit, le filet est tou- jours passe a une preparation hy- drofuge, destinee a le rendre impu- trescible et a allenuer les variations de longueur que subirait le chanvre sous 1' action de 1'eau et du soleil. D'ordinaire, les petites cordes molles dont le diametre ne depasse pas un centimetre sont trempees dans une dissolution de cachou; quant aux cordeaux, chacun d'eux est passe dans un recipient contenant un melange chaud de goudron, et de suif. Cette ope- ration a malheureusement pour effet d'augmenter le poids du Fig. 16. 64 L AfiRONAUTlQUE filet et de diminuer la resistance de ces differentes parties a la ruplure ; mais il n'y a pas moyen de 1'eviter. d). Dans 1'aerostat monte par Charles et Robert, le cercle en- tourait 1'equateur du ballon. On ne tarda pas a comprendre Tin- convenient de cette disposition au point de vue de la stabilite de la nacelle et, surtout, au point de vue de la solidite de 1'enve- loppe, pressee, comme elle 1'etait, par les suspentes. Aussi, comme nous 1'avons dit plus haul, des 1785 Blanchard o o Fig. 17. Cercle. montait un ballon dans lequel le cercle d'arr image etait place au-dessous de 1'enveloppe, comme dans les ballons actuels, et possedait un diametre beaucoup plus petit , ce qui ne pouvait qu'augmenter sa solidite. De nos jours, cette partie de 1'aerostat, qui a pour but prin- cipal de reparliruniformementle poids dela nacelle et de son con- tenu sur tout le filet, est souvent un simple tube de lailon creux, d'autres fois un assemblage de cerceaux en hetre, en noyer ou en chene, de section circulaire, courbes a chaud, colles, tournes, et enfin vernis. Sa solidite doit etre a toute epreuve, puisque c'est lui qui porte la nacelle et les aeronautes et que, tant que le mouvement du ballon peut etre considere comme accelere, il est soumis, en plus du poids qu'il porle, a 1'action de la force ascensionnelle. Aussi, lorsqu'il est en bois, le serre-t-on fortement, exterieureme.nt, avec une longue cordeletle solidement nouee. Comme il est tres voisin de la nacelle, on a soin de le placer assez au-dessous de 1'orifice de 1'appendice, pour que le gaz CONSTRUCTION D UN AEROSTAT 65 qui s'echappe pendant Tascension n'incommode pas les aero- nautes. Le cercle (fig. 17) est pourvu d'un certain nombre A' encoches dans lesquelles on fait passer des boucles faites par epissures. On laisse un bout de 10 a 12 centimetres et on fait une seconde boucle ou Ton fixe un cabillot. Aux petites encoches et aux petits cabillots correspondants 0,0,... sont fixees les suspentes; aux encoches profondes portant les gros cabillots 0,0,... correspondent les cordes de nacelle. En general, pour les ballons de ton- nage moyen, un cercle d'arrimage porte 40 encoches, dont 32, les plus petites, correspondent aux 32 suspentes, aux 32 grandes pattes d'oie, et aux 128 fu- seaux de filet. Pour les ballons a fort tonnage, ces nombres ne sont plus exacts, Inexperience demontrant que la grandeur d'une maille de filet, a Fequa- teur, ne doit jamais depasser 1/3 de metre. D'ailleurs, aujourd'hui, dans les ballons bien construits, le principe de suspension rigide pose par Dupuy de Lome, et que Ton exposera plus loin (Chap. VII), est applique meme aux nacelles de petite dimension. Dans les ballons-sondes, le filet est construit assez sommaire- ment, de facon a avoir un poids minimum ; le cercle devient inu- tile, et les suspentes s'accrochent a un nceud (fig. 18), ou Ton amarre une longue corde portant le panier qui sert de nacelle, panier dont nous reparlerons plus loin (Chap. III). e}. Les nacelles en usage dans les ballons ordinaires sont des paniers en osier ^tresses, dont le fond ^est renforce par de Fig. 18. Filet et panier d'un ballon-s 66 L'AfiRONAUTIQUE solides traverses et par des planches minces, et dont le bor- dage est rendu indSformable par un cadre interieur en fer creux. Toutessontmuniesdesowtesdontledessus sertde siege (fig. 19). Pour plus de solidite, les cordes de la nacelle sont tressees avec 1'osier, etpassent sous les pieds des voyageurs, c'est-a-dire sous le pont en planches de la nacelle. Seuleraent, il faut veiller a ce que I'humidite ne les pourrisse pas. /). La soupape la plus com- munement employee encore par les ae~ronautes est celle de Charles. En principe, la soupape de Charles (fig. 20 et 21) se compose essentiellement de deux clapets en bois a et b, mobiles autour d'une charniere, et qui s'ouvrent de haul en bas. Cette ouverture s'obtient a volonte a Taide d'une corde G traversant le ballon de part en part, de maniere a e"tre a portee de l'ae"ronaute. Gette corde, au voisinage des clapets, se bi- Fig. 19. Nacelle. furque en deux cordeaux p et q attaches a deux pitons plantes au milieu de chacun de& clapets. En tirant sur cette corde, on ouvre les clapets ; lorsqu'on cesse de tirer, des ressorts de rappel puis- sants ?, en cuivre ou en caoutchouc, au nombre de deux ou de quatre, agissent en sens inverse de la corde et forcent les cla- pets a reprendre leur position primitive. II est necessaire de luter les clapets, qui sont d'ailleurs soigneusement feutres, si on veut que la soupape fonctionne bien. Le meilleur lut est la graisse a wagon, qui se soude automatiquement chaque fois que Ton referme les clapets, ou la vaseline. CONSTRUCTION D UN AEROSTAT 67 Malgre cette precaution, il est presque impossible de main- tenir les clapets hermetiquement fermes. Meme en protegeant la soupape par une sorte de toit, comme 1'a fait le premier GiEfard, il est difficile d'empecher la pluie ou la neige de penetrer dans Scupap Fig. 20-21. Soupape de Charles. les fissures. Aussi emploie-t-on souvent aujourd'hui la soupape d'Yon. Cette soupape (fig. 22 et 23) ne comporte qu'un seul et unique clapet AB, circulaire et d'une seule piece. Le joint est forme par un rebord qui entre dans une encoche garnie de caoutchouc : ce rebord forme ainsi comme une sorte de couteau circulaire qui ne permet pas a des morceaux de glace, en s'interposant entre lui et 1'encoche, d'empecher la fenneture de la soupape. Quatre ressorts de rappel a boudin, en acier, assurent cette fermelure. La tige du clapet, terminee par un ecrou, glisse dans un creux et 1'ouverture s'obtient par le moyen d'une corde, comme dans les soupapes ordinaires. Yon a d'ailleurs perfectionne cette sou- pape en faisant horizon taux les ressorts de rappel, ce qui la rend moins encombrante. r,8 L AtfRONAUTIQUE La pose de la soupape se fait a peu pres comme il suit : On pratique une ouverture au soramet du ballon, et on y fait entrer le cercle de la soupape. On fixe d'abord 1'etoffe avec des semences de tapissier, puis on la serre solidement sur le siege de la soupape, avec une bande de cuir ramolli, qu'on fixe avec de pelits clous a larges tetes. On cloue ensuite, tout autour et a distance egale lesunes des autres, un certain norabre de courroies de cuir a boucles a,0,... et on serre le tout avec un long cordeau, que Ton tourne une douzaine de fois autour de la soupape. Ces cour- roies servent de reperes pour la pose du filet et 1'attache du cor- dage particulier, appele couronne (cordage figure avec la soupape dTon dans la figure 23), qui ter- inine le filet a sa partie superieure. Notons, en passant, qu'a cause de 1'exces de pression aux environs de la soupape, 1'enveloppe est toujours, dans cette partie du ballon, renforcee au moyen d'une collerette d'etoffe double. Quelle que soit la soupape employee, il importe que le poids de la corde ne soit pas assez grand pour ouvrir de lui-meme les clapets. Sinon, le ballon peut se vider sans qu'on s'en apercoive, ?omme il est arrive au Geant, sous la direction de Nadar, dans sa premiere ascension (4 oct. 1863) : les voyageurs etaient partis de Paris, pleins d'espoir, se demandant vers quelles contrees incon- nues les porterait leur ballon ; ils descendirent piteusement a Meaux. 11 importe aussi que la corde de soupape n'echappe pas de la main de 1'aeronaute pendant le trainage et, si la chose arrive, qu'on puisse la retrouver facilement. II serait bon de la peindre d'une couleur eclatante, en rouge par exemple. Le fameux et Fig. 22. Soupape d'Yon. CONSTRUCTION D UN AfiROSTAT 69 terrible trainage du Geant, lors de sa seconde ascension, a sa descenle dans le Hanovre (18 oct. 1863), eut peut-etre ete evite, si cette derniere precaution avait ete prise. En general, la corde de la soupape est attachee au cerele. Settlement, il faut avoir soin de lui laisser du jeu, car, a mesure que le ballon se vide Us' allonge, de sorte que la distance qui separe la soupape de 1'appendice va en augmentant. Si Ton negligeait cette precaution, la soupape pourrait rester ouverte sans que 1'aeronaute i Fig. 23. Couronne d'un ballon et soupape d'Yon. s'en doutat. Pareil accident est arrive a W. de Fonvielle qui, en 1873, faillit perir pour avoir neglige cette precaution elementaire. Autant que possible, les soupapes metalliques doivent e"tre rejetees. En effet, ces soupapes peuvent, pendant 1'ascension, se charger fortement d'electricite", soit par suite du frottement du filet contre 1'etoffe du ballon, soit encore parce que la soupape se met en equilibre electrique avec les couches d'air ahaut poten- tiel que 1'aerostat traverse. Au moment de 1'alterrissage, une etincelle peut alors eclater entre la soupape et 1'aeronaute charge du degonflement, etmettre le feu au gaz du ballon. Le maln'est pas grand si 1'hydrogene n'est pas melange d'air ; mais, dans le cas contraire, ilpeut y avoir explosion et mort dliomme, comme cela est arrive, en 1883, en Allemagne. 70 L'AERONAUTIQUE Actuellement, les aeronautes militaires se servent de soupapes qui, comme celle de Renard (Chap. XI), ne comportent aucune piece metallique. Le poids de lasoupape doit etre calculei de fac,on qu'il n'y ait pas deformation de la tele du ballon : autour d'une soupape trop lourde, ilse formerait, dans 1'etoffe, une rigole ou 1'eau ne tar- derait pas a s'accumuler. On doit chercher aussi a donner a 1'ouverture de la soupape tin diametre tel qu'une fois le ballon retombeaterre, il puisse se vider en 4 ou 5 minutes. Soit r la valeur que doit avoir le rayon d'ouverture de la soupape pour que le ballon puisse se vider en 4 minutes, soil 240 secondes, v la vitesse d'ecoulement du gaz en metres par secondes, Z la hauteur du ballon, d la densite du gaz aeros- tatique, g 1'acceleration de la pesanteur (g 9 m ,81). On a, en vertu d'une loi connue, due a Torricelli, (24) D'autre part, le volume du gaz ecoule pendant les 240 secondes sera 240 rcr 2 u ; mais, a cause de la contraction de la veine fluide et de la diminution de pression qui resulte du degonflement, il est prudent de diminuer ce volume de 1/4 et, par suite, d'admettre pour le volume reel ecoule pendant les 240 secondes, la valeur U = 180 TO' 2 y. (25) D'apres la convention faite, il faut que ce volume soit egal au volume du ballon. Negliyeons fappendice : il faut alors que 180 -r*v = -|--R 3 , (a) O R e tan t le rayon du ballon, et, dans ces conditions, (A) CONSTRUCTION D'UN AfiROSTAT 71 Ces deux equations de condition donnent, en remplagant c/ par sa valeur, i --- ' 29 r^ a tres peu pres. formule qui semble indiquer qu'a mesure que le tonnage auymente, on doit faire croitre le rayon de la soupape dans line proportion un peu plus forte que le rayon du ballon. Dans le cas de Yhydrogene, d = 0,1 54 en moyenne, et r = -- R v/R a peu pres. Dans le cas du gaz tfeclairage, d = 0,465 en moyenne, et Comme ? = R v/R a peu pres. - = environ, on voit que pour deux ballons de meme volume, le rayon de la soupape, suivant que le gaz aerostatique est du gaz d'eclairage ou de Fhydrogene, devrait varier dans le rapport de 3 d 2, d peu pres. Dans la pratique, a tort peut-etre, on ne se preoccupe pas de ces variations obligees du diametre de la soupape avec le tonnage d'abord, la nature du gaz aerostalique ensuite. On donne au dia- metre reel de la soupape une valeur egale au du diametre du ballon, valeur qui n'est pas exageree, etant donne que le dia- metre efficace de 1'ouverture d'une soupape est tres inferieur a son diametre reel. Quelquefois, les ballons sont munis de soupapes de manoeuvres, plus petites que la soupape ordinaire, qui permettent d'econo- miser le gaz et qui sont ordinairement placees a 1'equiiteur. D'autres fois, et cette idee est due a Lhoste, on adaple au ballon des ballonnets-satellites de 40 a 50 m 3 de capacite environ, munis 72 I/AfiROMAUTIQUE de petites soupapes a 1'aide desquelles, sans elre force de toucher a la grande, on amene la rupture d'equilibre desiree. Soupapes de manoeuvre ou ballonnets- satellites sont surtout utiles avec la sou- pape a clapets ordinaire, dont le lut se brise souvent lorsqu'on 1'ouvre, de sorte qu'une fois un premier coup de soupape donne, il est rare que la fermeture soit completement hermetique. Enfin, on adapte encore assez souvent au ballon une corde de dechirure (corde de misericorde), a Taide de laquelle on peut fendre l'6toffe lorsque, par suite d'un accident quelconque, 1'ori- fice du ballon est bouche. Cette corde est employee, dans les ballons-sondes, par Hermite et Besamjon : ces ballons n'ont pas de soupape superieure, ou, plutot, elle est remplacee par un disque d'etoffevernissee, que la corde detache au moment de ratterrissage, de sorte que le ballon se vide instantanement et risque moins d'etre endommage. <7). ISappendice ou manche doit avoir un orifice d'un diametre tel que le ballon montant avec une vitesse de 4 metres par seconde (ce qui est considerable), le gaz qui s'en echappe n'ait pas une vitesse superieure a 2 metres par seconde, la pression resultante etant, dans ces conditions, tres faible. Un calcul assez complique montre que pour atteindre ce but, il faitt que le diametre de C orifice inferieur de I appendice soit environ 1/20 de celui du ballon. G'est a peu pres ce qu'il faut, aussi, pour pouvoir, au moment du vernissage et du sechage retourner 1'enveloppe par 1 'orifice superieur de 1'appendice. Si, de plus, on veut que 1'appendice forme une veritable soupape automatique, s'ouvrant ou se fermant d'elle-meme suivant que le ballon se gonfle ou se contracte, Texperience montre qu'il est necessaire que la longueur de fapnendice soit a peu pres le triple de son diametre. En somme, 1'appendice presente, en general, 1'aspect d'un tube cylindrique en etoffe (fig. 11), legerement evase par le haut, dont le volume est environ 16 000 a peine de celui du ballon. Sa construction, son vernissage, sa jonction avec le bal- CONSTRUCTION o'lJN AfiROSTAT 73 Ion doivent 6tre effectuees avec le plus grand soin. Le cercle (Tappendice, destine a empe"cher 1'orifice inferieur de s'obstruer, se pose comme la soupape. Malgre le role de soupape que joue 1'appendice, beaucoup d'ae- ronautes, dans les voyages de longue duree ou Ton se mainlient a une faible hauteur en guide-ropant. munissent leur aerostat, pour se defendre centre les pertes de gaz et, surtout, contre la diffusion de 1'air a Hnterieur du ballon, d'une soupape infe- rieure, generalement une sorte de clapet tres leger s'ouvrant sous une pression de 2 a 3 centimetres d'eau. Mais le dispositif est delicat et mieux vaut, alors, allonger 16gerement 1'appen- dice. C'est ce que Ton fait dans les ballons-sondes, ou 1'appendice a toujours une longueur assez considerable (fig. 18). On cherche, ainsi, a creer, surtout, un exces de surpression permettant a 1'en- veloppe de resister aux enormes pressions qu'exerce sur elle Fair exle"rieur, pendant la montee. Dans ces ballons, en effet, il faut se resigner, a moins que Ton emploie la melhode Kovanko (Chap. Ill), a sacrifierd'un seul coup la quantite delest necessaire pour gagner I'allitude voulue : de la des vitesses, pendant la montee, considerables, et des pressions encore plus conside- rables, la resistance de 1'air croissant proportionnellement au carre de la vitesse. L'allongement de 1'appendice a aussi pour effet de diminuer les pertes de gaz qui resultent de Yaplatisse- ment du ballon par 1'air exterieur. Quelquefois, dans ces ballons, 1'appendice est rigide. Alors, pendant la descente, 1'air se m61ange au gaz ae"rostalique, et la vilesse de la chute est ainsi fortement ralenlie. h}. Le lest est contenu dans des sacs (fig. 19) en toile d'une hauteur de 45 a 50 centimetres a pen pres, places dans la nacelle, quelques-uns au-dehors. On les reraplit de sable fin, pour eviter les accidents. Leur poids varie entre 10 et 20 kilogrammes. II est evident que le poids de lest a emporter depend de la hauteur a laquelle on veut arriver, de la duree de 1'ascension, des JO 74 I/AfiRONAUTIQUE influences accidentelles que subit 1'aerostat, etc. Cependant, on peut, a la rigueur, calculer a 1'avance la quantite minimum necessaire : Le poids a sacrifier pour alleindre a une zone de poids speci- fique a l est donne par la formule I = y(a a l ) (1 rf)> (27) que Ton deduit immediatement de la formule (8). On peut regar- der ce poids comrae un maximum, car le gaz interieur reste plus chaud que Fair exterieur, ce qui a pour effet d'augmenter la poussee que subit le bailon. Quant au poids necessaire a la descente, on pourrait croire, si Ton s'en rapportait a la formule (H), qu'il peut 6tre insigni- fiant. Mais, abstraction faite de toute surcharge accidentelle, il faut tenir compte,de 1'augmentation de force descensionnelle qui resulte de 1'accroissement de temperature des couches d'air que le ballon traverse en descendant, augmentation qui a pour effet de dirninuer la poussee qu'il subit. Admettons que le poids minimum p de lest aprojeter pendant la descente soil la difference entre la poussee de 1'air dans la zone d'equilibre, a la temperature t de cette zone, et la poussee qu'eprouverait le ballon si celte zone etait a la temperature T du sol. La poussee de Fair dans cette zone, a la temperature t, est, en designant par a le coefficient de dilatation des gaz, par h } la pression de la zone d'equilibre, 0,0013 V 6tant le volume du ballon apres le coup de soupape, volume qu'on peut regarder comme sensiblement egal au volume du ballon avant, un coup de soupape momentane, si la soupape est bien construite, diminuant a peine de j^ la capacitc du bal- CONSTRUCTION D'UN AfiROSTAT 75 Ion ; la poussee qu'eprouverait le ballon si la zone d'6quilibre elait a la temperature T, serait v 0,0013 W < i + aT x< 760"' La difference des deux poussees sera alors. a tres peu pres, en remarquant que KT = a (T i) environ et que a = 0,004, donnee par la forraule p = V X 0,0013 X 0,004 (T /) A . Remplacons T / par sa valeur tiree de la formule (4) : cette difference et, par suite, le poids minimum de lestnecessaire a la descente sera p = 55 V X 0,0013 X 0,004 X - i - , (28) expression qui montre que le poids de lest quil faut conserve)' pour la descente est independant du c/az aerostatique et pro- porlionnelau volume du ballon. Considerons, parexemple, un aerostat rempli d'hydrogene, de 8 metres de rayon et, par suite, d'un tonnage de 2.140 metres cubes. Supposons que le coup de soupape donne ne diminue que de 7-^ le volume du ballon. 1UUU Pour s'elever a 1.000 metres, hauteur pour laquelle h\ = 670 mm. et a\ = 0,00106, il faudra projeter, d'apres la formule (27), 253 kilogrammes de lest a peu pres et, pour descendre de cette hauteur, il en faudra conserver, d'apres la formule (28), au moins fiO kilogrammes, chiflre qu'on peut, sans inconvenient, majorer de moitie, soil, en tout, une provision minimum de 343 kilo- grammes. Mais si Ton veut atleindre 3.000 metres, hauteur pour laquelle h { = 522 mm. et , = 0,000 824, il faudra projeter 680 kilogrammes de lest a peu pres et, pour descendre, il faudra en conserver 112 kilogrammes, soil, en tout, une provision mini- 76 L AfiRONAETIQUE mum de850 kilogrammes, sil'onmajore de moitie le chitTre 112. Dans le premier cas, le poids de 1'enveloppe, de la nacelle et des engins d'arrel etant au moins de 660 kilogrammes, la force ascensionnelle de 1'aerostat de 2.140 kilogrammes, il restera dis- ponible une force portative de 1.000 kilo- grammes environ; dans le second cas, la force portative sera a peine de 630 kilo- grammes. 7c). Parmi les engins d'arrel, un des meilleurs, celui dont le jeu est le plus stir, est certainement le guide-rope, grosse Fi 24 - Aucre d'Yon corde ^ e 70 alOO, ISOetmeme 200 metres de long, dbnt les details de construction varient au gre des aeronautes et dont 1'emploi a ete explique dans le chapitre precedent. Grace au guide-rope, on peut, s'il n'y a pas de vent et si le lieu de Tatterrissage est bien choisi, mettre pied a terre sans secousses appreciates. Mais s'il y a du vent, le guide-rope peut ne pas suffire : Yancre, alors, devient necessaire. L'ancre ordinaire, que tout le monde connait, est encore employee par un grand nombre d'aeronautes : elle a pour avan- tage d'etre d'une solidite a toute epreuve. Quelques aeronautes, cependant. preferent Yancre d'Yon, a quatre patles (fig. 24) formee de deux ancres ordinaires , dont les pattes d'arret sont, a chaque instant, forcement et normalement au travail. D'autres emploient Yancre clHerve a 8 pattes. Le poids de Tancre, quelle qu'elle soit, doit toujours, d'ailleurs, e"tre en rapport avec la taille de Taerostat. On admet empirique- ment que son poids doit etre les 3 p. 100 de la force ascension- nelle, soit, par exemple, 30 kilogrammes pour un ballon de 1.000 metres cubes gonfle a I'hydrogene. Un engin plus puissant que Tancre d'Yon, quoiqu'un peu deli- cat, est 1 ; 'ancre-kerse de Renard. Celte ancre se compose d'une serie de cadres en fer, se reployant les uns sur les autres au CONSTRUCTION o'UN AEROSTAT 77 repos, et munis sur leurs deux faces de dents en acier qui mor- dent dans le sol. Elle prend instantanement dans tous les ter- rains, et arrete aussitot le ballon, si lance qu'il soil. La corde d'ancre, le guide-rope, sont toujours attaches au cercle, et pendent en rouleaux centre les parois exterieures de la nacelle. V" ""/ Ordinairement, on fixe la corde d'ancre et celle du guide-rope en croix sur le cercle, quelques instants avant le depart de 1'aerostat, a 1'aide de courroies que Ton coupe au mo- ment voulu. On intercale souvent sur 1'attache de la corde d'ancre, la songle de caoutchouc de Giffard A (fig. 25), afm que 1'elasticite de l'at tache amoindrisse le choc brusque de I'arrfit, au moment ou 1'ancre vient en prise. La coide d'ancre doit avoir un diametre qui lui permette de resister au moment de 1'alterrissage , a un vent soufflant en tempete, c'est-a- dire anime d'une vitesse d'au moins 20 metres par seconde, vent dont la force de traction, sur un ballon de rayon R, est donnee (Chap. VIII) par la formule /= 89 R-, R etant exprime en metres, f en kilogrammes. Par exemple, etant donne un ballon de 8 metres de rayon, il faudra, pour resister a la traction qu'exerce un vent de 20 metres sur ce ballon au moment de I'atterrissage, traction qui est de 5.696 kilogrammes, donner a la corde d'ancre, supposee en chanvre, un diametre que la Mecanique indique devoir 6tre de #. 25. Corde d'ancre aver, sangle de caoutchouc de Grif- fard. 78 L'AERONAUTIQUE 32 mm ,3 a peu pres. Ce diametre correspond a une section de 8 cm2 ,19 et a un poids de O kg , 819 par metre de longueur, soil, pour une longueur de 30 metres, une corde d'ancre d'un poids de 24 k %5 a peu pres. Pour les ascensions maritimes, on se sert ordinairement du cone-ancre de Sivel. a clapet delesteur, que Ton fixe a Fexlre- mite du guide-rope (fig. 26). C'est un vaste sac conique, en toile goudronnee, d'une capacite en rapport avec le ton- nage du ballon. A la mer, ce cone se rem- plit d'eau et permet de mainlenir Faeros- tat au-dessus des flots, soil pour planer, soil pour attendre du secours. Si Ton veut reprendre le voyage interrompu, on Fig. 26. Cone-ancre. ti re sur ^ a corde qui commande le cla- pet : le c6ne se vide et le ballon reprend son mouvement ascensionnel. La figure 11 donne une vue generale de 1'ensemble du gree- ment d'un Aerostat, avec ses proportions exactes. GHAPITRE III GONFLEMENT ET LANCEMENT D'UN BALLON INSTRUMENTS D'O BS E RVATI N I. A priori, tout gaz moins dense quel'airpeut servirdegaz aerostatique. Pratiquement, il n'en est pas ainsi. Un gaz eminemment toxique, comme Voxyde de carbone, ou causlique, comrae le gaz ammoniac, ou m6me trop soluble dans 1'eau, comme ce m6me gaz ammoniac, doit etre rejete. De plus, comme un gaz lourd, c'est-a-dire dont la densite est voisine de celle de Fair, rend un aerostat difficilement maniable (Chap. I), on voit qu'un gaz tel que V azote, par exemple, dont la densite est 0,91, doit Stre rejete comme gaz aeroslatique, ce qui est a regretter, car 1'azote, qu'on pourrait obtenir actuellement assez bon marche, serait precieux par suite de son incombustibilite et de son innocuite. On pourrait, il est vrai, proposer de diminuer la densite de 1'azote en le chauffant; mais ce serait retomber dans les dangers d'incendie qui ont fait renoncer aux montgolfieres, et la densite de 1'azote differe si peu de celle de Fair, qu'il serait presque aussi avantageux, alors, de revenir a Tair chaud. La vapeur d'eau serait, en tant que gaz, preferable a 1'azote, sa densite etant, lorsqu'elle est saturante, de 0,645 a peu pres, et E. Aime pense, comme on le verra plus loin, qu'il serait peut-6tre bon de recourir, partiellement au moins, a son emploi ; mais il y a toujours cette question du danger d'incendie. U helium, nouvellement decouvert, dont la densite est a peu pres 0,14 et qui n'est pas combustible, est peut-etre le gaz ae>os- so L'ARONAUTIQUE tatique de 1'avenir, mais, actuellement, on ignore comment s'en procurer de grandes quantites. Les deux seuls gaz aerostatiques sont done : 1 le gaz d'eclai- rage, que les aeronautes appellent tout simplement le gaz, dont la densite est, en moyenne 0,46 ; 2 Yhydrogene, tel que le pro- duit 1'industrie, qu'ils appellent hydrogene pur, dont la densite est, en moyenne, 0,154. Le gaz d'eclairage est fourni par les usines a gaz. Nous ne par- lerons done pas de sa fabrication. Nous nous bornerons a rap- peler : 1 que si le gaz riche, c'est-a-dire celui qui est riche en hydro-carbures, est excellent pour 1'eclairage, il est mauvais pour le gonflement des balions, tandis que le gaz pauvre, mauvais pour 1'eclairage, estlemeilleur au point de vue aerostatique, etant plus leger et moins susceptible d'eprouver des condensations par- tielles, dans les regions froides de 1'atmosphere, que le gaz riche; 2 que la densite du gaz d'eclairage est tres variable, etant com- prise (au moins a Paris) entre 0,370 et 0,523; 3 enfin, que le gaz d'eclairage, meme lave et purifie, contient toujours pres de 7 p. 100 d'oxyde de carbone et, par suite, est deletere. Pour 1'hydrogene, deux modes de production sont employes : la vote humide, et la voie seche. Dans le premier mode, le gaz est retire de 1'acide sulfurique H 2 SO*, additionne d'eau, que Ton traite par une quantite conve- nablede zinc ou de morceaux de ferraille. Avec le zinc, la reac- tion est representee par 1'equation chimique E- SO V + Zn = 2H + Zn SO V . (29) Avec le fer, elle est representee par 1'equation H- S0 ; + Fe = 2H -f Fe SO V . (30) Avec le zinc, le residu est du sulfate de zinc ZnSO v ; avec le fer, c'est du sulfate de fer FeSO 4 . Dans les deux cas, le residu a peu de valeur, a cause des frais que necessiterait 1'installation d'appa- CONFINEMENT ET LANCEMENT D UN BALLON 81 reils de lessivage propres a purifier Tun ou 1'autre de ces sels et a les faire crislalliser. II semble qu'on pourrait reraplacer sans inconvenient 1'acide sulfurique par 1'acide chlorhydrique HC1. Les equations prece- dentes deviendraient alors : 2HC1 -f Zn = 2H -f ZnCl 2 . , 2HC1 + Fe = 2H -f FeCl'M A la seule inspection de cesformules, 1'acide chlorhydrique parai- traitm6me devoir etre plus avantageux que 1'acide sulfurique, car pour un meme poids de zinc ou de fer il suffirait, pour obtenir 2 parties d'hydrogene, de 73 parties d'acide chlorhydrique, au lieu de 98 parties d'acide sulfurique. Mais 1'acide sulfurique est fourni par Tindustrie presque a son maximum de concentration, tandis que 1'acide chlorhydrique du commerce n'est qu'une simple dissolution dans 1'eau. 11 en re"sulle que le poids d'acide chlorhydrique commercial capable de fournir un poids donne d'hydrogene est, en realite, beaucoup plus considerable que celui de 1'acide sulfurique. D'ailleurs, les vapeurs d'acide chlorhy- drique qui s'echappent toujours des bonbonnes dans lesquelles on le transporte sont genantes et dangereuses ; il est difficile de les eliminer completement dans la preparation du gaz, et, alors, elles corrodent 1'enveloppe de 1'aerostat. Get acide doit done etre rejele. Cherchons maintenant quel est le plus avantageux du zinc ou du fer. Les equations precedentes montrent que pour obtenir 2 parties d'hydrogene il faut 60 parties de zinc et 50 parties de fer ; de plus, a poids egal, le zinc est plus cher que le fer; enfin le zinc a le defaut de donner naissance, dans la preparation de 1'hy- drogene, a de 1'hydrogene arsenic AsH :t , gaz des plus toxiques. L'avantage que presenle le sulfate de zinc d'etre plus soluble que le sulfate de fer n'est evidemment pas compense par tous ces inconvenients. Le zinc doit done 6tre rejete et, seuls, dans le precede par voie humide, doivent etre employes 1'acide sul- furique et le fer. 82 L'ARONAUTIQUE Le precede par voie seche repose ordinairement sur la decom- position de la vapeur d'eau H ? par le fer chauffe au rouge. Cette reaction est representee parl'equation : 3Fe + 4H 2 = 8H + Fe 3 0'. (32) Le fer se transformant, sous 1'action de la vapeur d'eau, en oxyde magnetique de fer Fe 3 v , il resulte du simple examen de cette equation que, pour un meme poids de fer, ce procede fournit un poids plus considerable d'hydrogene que le procede par voie humide; de plus, il a 1'avantage de ne pas exiger le transport el 1'usage de liquides corrosifs. Maisde nombreux essais ont montre qu'en revanche I'lnstallation, sur place, de fours enormes, d'une manoeuvre delicate, se detruisant rapidement, le rend Ires couteux et que, de plus, son degagement est loin d'etre rapide et regulier, comme par la voie humide. Aussi, quoique ce procede ait ete employe par Coutelle et Gonte, pendant les guerres de la Revolution, pour gonfler lour ballon militaire rEntreprenantj il a ete abandonne. Pour la meme raison, on a mis de cote aussi le procede inge- nieux, du a Giffard, dans lequel on traitait directement 1'oxyde de fer (oxyde ordinaire Fe-0 :l ou oxyde magnelique Fe 3 v ) porte au rouge, par un courant d'oxyde de carbone CO. L'oxyde etait reduit, comme 1'indiquent les equations Fc 2 3 + SCO = 2Fe -f 3CO-, Fe 3 v -f 4CO = 3Fe -f 4C0 2 . En faisant alors passer un courant de vapeur d'eau sur le fer ainsi obtenu, on avait de I'hydrogene : 3Fe + 4H J = 8H -f Fe 3 0'. Le fer, il est vrai, s'oxydait de nouveau, se transformant en oxyde magnetique Fe 3 v . Mais un courant d'oxyde de carbone le faisait revenir a 1'etat metallique, et ainsi de suite. En somme, la meme quantite de fer, ou plutot de minerai, servait indcfmimenl ; GONFLEMENT ET LANCEMENT D UN BALLON 83 il n'y avait a d6penser que le coke necessaire a la fabrication de 1'oxyde de carbone et le charbon employe a la vaporisalion de 1'eau. On a obtenu, cependant, d'assez bons resultats en cherchant a. obtenir Thydrogene par la calcination d'un melange de zinc et de chaux Ca(OH) 2 . La reaction est representee par 1'equation Ca (OH) 2 -f Zn = 2H + Ca0 2 Zn, qui indique que le residu solide de 1'operation est du zincate de calcium Ca0 2 Zn. Renard a mfime montre qu'il y a avantage, dans certains cas, a remplacer la chaux par une dissolution d'un salin particulier (carbonate de soude Na 2 C0 3 impur), car alors la reaction a lieu h la temperature ordinaire, le residu solide de 1'operation Slant du zincate de sodium Na 2 2 Zn. Menlionnons aussi 1'emploi du gaz d'eau comme gaz aerosta- tique. A priori, ce gaz, melange d'hydrogene, d'oxyde de car- bone, de gaz carbonique et d'azote devrait Stre rejet6, malgr6 sa legerete, a cause des proprietes toxiques de 1'oxyde de carbone, Mais Longsden a prouve qu'en ajoutant an coke qui sert a le preparer un sel de potasse ou de soude, 1'oxyde de carbone disparaitpresque complelement : seulement, le gaz s'alourdit. Quoi qu'il en soil, le precede de fabrication de 1'hydrogene par le fer et 1'acide sulfurique, preconise par Charles, est encore le meilleur. G'est, du moins, le plus employe. Le dispositif que le celebre physicien invenla pour sa premiere ascension et que la figure 27 fait facilement comprendre, n'est plus en usage, malgre les perfectionnements que le temps y avait apporles. Cette methode de fabrication, appelee methods des lonneaii.x, presentait un grave inconvenient : le degagement de gaz qui avait lieu dans chacun des tonneaux ou recipients ou se trouvait le melange de ferrailles et d'acide sulfurique, d'abord assez rapide, allait en effet en se ralentissant a mesure que le 84 I/AfiRONAUTIQCE sulfate de fer prenait naissance avec plus d'abondance, le metal s'encroutait, en quelque sorte, du sel forme. Apres le degagement du gaz, une cristallisation s'amoncelait au fond des recipients que, souvent, ilfallait briser pour en retirer les residus. Lorsque, en 1875, Renard eut donne le principe des appareils a circulation, tous les aeronautes serieux, Giffard, Yon, G. Tissan- dier, etc., s'enpresserent de 1'adopter dans la construction de Fig. 27. Appareil des tonneaux. leurs appareils a hydrogene. Voici en quoi consiste ce principe : Le generateur (ou bouilleur] dans lequel se produit 1'hydrogene est divise en deux parties superposees, par une plaque horizontale garnie de petits trous. Un gueulard deverse la tournure de fer, qui remplit la partie superieure du generateur, tandis que 1'acide sulfurique etendu d'eau, venant d'un reservoir place a une assez grande hauteur, arrive au-dessous de la plaque et, grace a sa pression, penetre a travers les trous, dans la tournure. Le sulfate de fer forme, entraine de bas en haut avec le liquide, s'ecoule d'une maniere permanente, et la tournure n'est pas exposee ainsi a se recouvrir d'une croute de sel. II n'y a plus qu'a faire passer le gaz a travers un laveur et un dessiccateur convenables, pour 1'obtenir aussi pur et aussi sec que possible. On arrive ainsi, aujourd'hui, a construire des appareils donnant plus de 300 metres cubes de gaz a 1'heure. La figure 28 permet de se faire une idee du generateur de GONFLEMENT ET LANCEMENT D'UN BALLON 85 campagne You, construit sur le principe des appareils a circu- lation, et qui ne differe du generateur fixe du mfirae ingenieur qu'en ce qu'il est porle sur un chariot a quatre roues : Ce generateur se compose essentiellement de deux boidlleurs A, en tole garnie de plomb, communiquant entre eux a la partie Fig. 28. Generateur de campagne Yon. inferieure, et surmontes chacun d'un gueulard destine a recevoir la tournure de fer ; le tout est ferme au moyen d'une fermeture- hydraulique a boulons. L'eau et 1'acide sulfurique necessaires a la reaction, amenes par le tuyau H, sont distribues automati- quement, dans les proportions convenables, par des pompes action- nees au moyen d'un petit moteur special, qui regoit sa vapeur par un tube particulier en caoutchouc. La dissolution de sulfate de fer, residu de la reaction, s'ecoule constamment au dehors par un tuyau G adapte a un siphon de deversement. A la sortie des bouilleurs, le gaz passe dans le laveur B, ou il barbote dans une eau sans cesse renouvelee par une pompe spe- 86 I/AtiRONAUTIQUE dale montee sur la bielle du moteur ; cette eau s'ecoule constam- ment par le tuyau F, adapte comrae le tuyau G. De la, le gaz arrivait primiti vement dans deux secheurs C el D, contenant de la soude caustique et duchlorure de calcium : le tuyau mobile E, en tissu verni, le conduisait alors au ballon. Aujourd'hui, on supprime souvent les secheurs, Texperience ayant montre que le gaz n'est pas tres alourdi par la presence d'un peu de vapeur d'eau : le tuyau mobile E est alors adapte directement au laveur. II est impossible, meme dans une revue aussi rapide que celle- ci des precedes de fabrication industriels de 1'hydrogene, de passer sous silence les efforts qui ont ele fails pour obtenir de 1'hydrogene par electrolyse de I'eau. Renard est evidemment un de ceux qui ont etudie le mieux cette question. L/appareil que propose I'eminent aeronaute serait compose essentiellement d'une serie de grands voltametres en fer, remplis d'eau distillee, alcalinisee avec de la soude caustique NaOH dans la proportion de 15 p. 100, et dans lesquels on lancerait le couranl d'une dynamo mise en mouvemenl par un moleur quel- conque. Le couranl, en traversant I'eau alcalinisee, decompose la soude caustique en sodium, qui tend a se former sur 1'electrode negative (cathode), et en eau oxygenee H 2 2 , qui tend a se former sur 1'electrode positive (anode) : 2NaOH = 2Na -f H 2 2 . Mais I'eau oxygenee H 2 2 se decompose spontanement en eau et oxygene : H 2 2 = H 2 -f- 0, tandis que le sodium, reagissant sur I'eau du voltametre, la soude caustique se reforme, en m^me temps qu'il y a degagement d'hy- drogene : 2Na -f 2H 2 = 2NaOH + 2H. CONFINEMENT ET LANCEMENT D UN BALLON SI II y a done, en somme, decomposition de 1'eau du voltamelre, degagement de gaz oxygene le long de 1'anode, de gaz hydro- gene le long de la cathode, et regeneration continue de la soude caustique : H-0 = 2H 0. (33) Chaque voltametre (fig. 29) consiste essentiellement en un grand cylindre AA de 3 m ,40 de hauteur, a peupres, et de 30 centimetres de diametre, a 1'interieur duquel setrouve un second cylindre en fer BB, de 3 m ,29 de haul a peu pres et d'environ 17 centimetres de diametre, perce d'un grand nombre de petits trous qui permettent 1'ascension des gaz a rinterieur du cylindre. LTeau alcalini- see remplit le voltametre jusqu'a une hauteur de 2 m , SO. Tandis que le cy- lindre exterieur, mis en communication avec le pole negatif de la dynamo, sert de cathode, le cylindre exterieur, en communication avec le p61e positif, sert d'anode. I/appareil est hermetiquement clos a sa partie superieure, les deux electrodes etant, naturellement, isolees Tune de 1'autre par une lame de caout- chouc. Au-dessus du niveau du liquide, le cylindre interieur est continu et forme canal pour 1'oxygene. Le voltametre est muni a sa partie inierieure d'un robinel R dont 1 'ajutage le met en communication avec un reservoir sureleve, qui contient la solution alcaline. On peut se demander comment les deux gaz, oxygene et hydro- gene, ne se melangent pas : rien de plus simple que le moyen employe pour eviter ce melange. II a suffi d'enfiler 1'electrode interieure dans un sac en toile d'amiante CC, ferme par le has, 203 310 Fig. 29. 88 L'AERONAUTIQUE arrivant jusqu'au niveau de 1'eau, el qui est fixe, a sa partie supe- rieure, a un anneau de caoutchouc. La toile d'amiante etant impermeable aux gaz, et cependant opposant une resistance rela- tivement minime au passage du courant electrique, 1'oxygene mis en liberte le long de 1'electrode positive ne peut pas se melanger a 1'hydrogene et, traversant les petits trous perces dans cette electrode, monte a son interieur jusqu'a la partie qui forme canal. 1'hydrogene remplissant la partie annulaire. II importe de remarquer que 1'amiante ne separe completement les deux gaz qu'autant qu'ils conservent a peu pres la me'me pression. Aussi est-il necessaire d'interposer pour chaque gaz, entre le voltametre et la canalisation, un compensatew pouvant ramener les niveaux de 1'eau a Tegalite dans les deux comparti- ments du voltametre. Ge compensateur se compose de deux vases communiquant a leur partie inferieure par un large tube ; les gaz arrivent dans chaque vase par un tuyau debouchant au-dessus du niveau de 1'eau. Vient-il a se produire un arrt momentane dans Tune des conduites, 1'eau se denivulle dans le compensateur, mais la pression reste constante a 1'orifice des tubes. II est evident que si le prix de la force motrice est a peu pres nul, que si, par exemple, on utilise, pouractionner la dynamo, une chute d'eau, 1'hydrogene ainsi obtenu peut revenir a bonmarche. Cependant, meme en employant un moteur a vapeur, Renard croit ne pouvoir compter que sur fr. 50 pour le prix d'un metre cube de gaz. Malheureusement le degagementdugaz est excessivement lent : le grand modele de voltametre industriel construit par Renard, marchant sous un courant de 365 amperes et une difference de potentiel de 2 volt8 ,7, ne donne que 158 litres d'hydrogene par heure, soil 3 ra3 ,79 de gaz en 24 heures. C'est a peine si les puis- santes machines electriques de Neuhausen, en Suisse. qu'action- nent les rapides du Rhin, et qui fournissent un courant de 1.500 amperes sous une difference de potentiel de 30 volts, produiraient, en langant un courant dans 10 voltametres Renard places en serie, 150 metres cubes d'hydrogene en 24 heures. GONFLEMENT ET LANCEMENT D UN BALLON En revanche, la purete du gaz obtenu, dont la densite est d'a peu pres -pr- (celui de Yhi/drogene chimiquement pur est 77-7) et dont, par suite, la force ascensionnelle est de 1.100 grammes par metre cube (celui de Thydrogene chimiquement pur etant de 1 . 1 17 grammes a peu pres) , compense largement le defaut d'un trop lent degagement. Aussi, en Allemagne, le precede Renard, plus ou moins modifie, est-il employe couramment. II. Le gaz obtenu, le ballon construit, il n'y a plus qu'apro- ceder a l'operalion du gonflernent, operation qui se compose de deux parties : le gonflernent proprement dit et fappareillage. Fig. 30. Ballon sur ses amarres. Autrefois, on suspendait Tenveloppe entre deux mats. Actuelle- ment, on se contenle d'etendre simplement 1'enveloppe sur le so' et on la remplit de gaz suivant la methods en epervier, la plus logique et la plus usitee. On elale le ballon sur une bache, sa soupape au centre, et 1'equateur au cercle. On dispose ensuite le filet, dont on egalise les mailles, et on engage le tuyau de yonflement, forme ordi- nairement de toile vernissee, dans la manche de Tappendice, en 12 90 L'ARONAUTIQUE ayant soin d'attacher solidemcnt lamanche a ce tuyau. Si, en effet, on laissait des jours, le gaz produirait des aspirations et injecterait de Fair dans 1'interieur du ballon, quipourrait perdre ainsi une quantite notable de sa force ascensionnelle. L 'assemblage ctant consolide a 1'aide de ligatures en toile ou de ficelles, on laisse , arriver le gaz dans le ballon , qui se souleve peu a peu, sa soupape au centre. On accroche a la circonfe- rence du filet, de fagon a le tendre obliquement, des sacs de lest, dc 15 a 25 kilogrammes , qu'on des- cend a mesure que le gaz lend les parois de Tenveloppe et communique a Fappareil une plus grande force ascensionnelle. On concoit mainle- nant pourquoi, au-dessous de 1'equa- teur, le filet doit tomber presque verticalement, puisque c'est a ses mailles que sont attaches les sacs qui maintiennent Faerostat contre le vent, et que ces sacs ont evidem- ment pour effet de le tendre suivant la verticale, a partir de Fequateur. Qu'on precede suivant la methode que nous venons de decrire ou suivant la methode en baleine, sur laquelle nous n'insisterons pas, il faut que Fetoffe puisse toujours se dilaler librement : sans cela, toute la pressioa du gaz portant sur la partie superieure de la sphere, celle-ci pourrait crever. Quand le ballon estsurses amarres (fig. 30), c'est-a-dire quand le gonflement tire a sa fin et que les sacs de lest se trouvent aux dernieres mailles du filet, a 1'endroit ou les cordelles de sus- pension s'attachent aux pattes d'oie, alors a lieu Yappareillage. On fixe le cercle au filet, a Faide des cabillots et des boucles, puis Ton attache la nacelle par le meme systeme. Cette operation Fig. 31. GONFLEMENT ET LANCEMENT D'UN BALLON 01 accomplie, on cravate le ballon, c'est-a-dire qu'on ferme la manche avec un noeud coulant, afm d'empecher la sortie du gaz et la rentree de Tair, phenomenes qui se produisent frequemment lorsque le ballon s'agite sous le souffle du vent. Les sacs de lest sont alors decroches des mailles du filet et places, les crochets siraplement a cheval , sur les cordes de sus- pension. Par sa puis- sance ascensionnelle, le ballon s'eleve, les sacs glissent en avangant et arrivent pres du cercle. Les aides les enlevent, les entassent dans la nacelle, et 1'aerostat de- gage se redresse entie- rement comme le mon- tre la figure 31 , emprun- tee, ainsi qu'un grand nombre des details qui precedent, au Traite \ V d' Aerostation de Graffi- Fig. 32. Appareil Casse. HI. Legonflementacheve, on passe a.Yequilibrageo\ipesage. A cet eflfet, les passagers et 1'aeronaute conducteur prennent place dans la nacelle ; on arrime au cercle les engins d'amH ; on accroche les instruments aux cordelles de la nacelle, et les ba- gages sont attaches aux cordages. L'a6ronaute monte sur le cercle, detache le tuyau de gonflement et examine minutieuse- ment si tout va bien. On debarrasse alors le ballon du nombre de sacs de lest qui represente le poids des voyageurs a enlever et, enfin, les aides 1'abandonnent a Iui-m6me. Comme en general, il n'a pas encore la force de s'elever, il 92 I/AfiRONAUTIQUK faut le debarrasser encore d'autant de sacs qu'il est necessaire, jusqu'a ce qu'on le sente dispose as'envoler. Au commandement de 1'aeronaule, on lache toutes les amarres, en se servant souvent, pour plus de precision dans la manoeuvre, d'un appareil a declen- chement instantane, tel que Yanpareil Casse (fig. 32). L'aeronaute sacrifie un ou plusieurs sacs de lest, et le ballon prend definitive- ment son vol. Mais, avant de crier Idchez tout , 1'aeronaute doit s'assurer que le terrain est degage sousle ventre du ballon, et qu'il a tout le temps necessaire, avec la force ascension- nelle dont il dispose, pours'elever au-dessus des maisons, des edifices, des arbres vers lesquels le ventle pousse. 11 faut, pourcela, se rappeler que la trajectoire du ballon, par suite de 1'action du vent, est non pas une Fi 33 verticale, mais une courbe, et savoir evaluer approximativement la quantite de lest qu'il est necessaire de projeter au moment du depart, pour eviter un obstacle de hauteur donn6e, place a une distance donnee. La courbe reelle, que decrit le ballon au moment ou il prend son essor, est trop complexe pour 6tre etudiee ici. Mais si le ballon s'eleve avec une assez grande lenteur pour qu'on puisse negliger la resistance que 1'air lui oppose, il est facile de voir que cette courbe est une parabole telle que OM (fig. 33), ayant pour axe la verticale Oz menee par son point de depart. Cette parabole a pour Equation : v representant la vitesse du vent, y 1'acceleration du mouve- ment que prend le ballon au moment ou il quitte terre, acce- 16ration qu'on peut regarder comme a peu pres constante, pen- dant les premiers instants de 1'ascension, m6me si le ballon est plein, 1'axe des z correspondant d'ailleurs aux hauteurs, tandis GOXFLEMENT ET LANCEMENT D UN BALLON 93 que celui des x correspond a la route du ballon projetee sur le sol. Soil alors // la hauteur MP de 1'obstacle a franchir, d sa dis- tance OP au ballon. Pour qu'il n'y ait pas rencontre, il faut que pour x = d, on ait, au moins, z = h, ce qui donne la condition 2A . i x Mais si P est le poids total du ballon a 1'equilibrage (gaz compris), A O la rupture d'equilibre, g 1'acceleration due a lapesanteur, on a en vertu du principc de la proportionnalite des forces aux acce- lerations, la proportion i=p=r' qui donne T = ?p-=Tr- ( 35 ) La condition (a) devient alors '* == ^rf s + 2Aw a ' ( 36 ) expression qui montre que A O augmente avec v, h et P et dirainue avec d : le poids minimum de lest d sacrifier au moment du depart pour e'viter tin obstacle donne est done d'autant plus con- siderable que le vent est plus violent, I' obstacle plus eleve et le ballon plus volumineux, ce poids diminuant quand la distance de I obstacle augmente, toutes choses evidentes a priori. Sans attacher une importance exageree a la formule (36), il est certain que la valeur qu'elle donne pour le poids de lest a sacrifier 94 I/AfiROXAl TIOl 1. etant un Minimum (car la resistance de Fair au mouvement ascen- sionnel du ballon a certainement pour effet de diminuer les ordonnees de la parabole OM. qui est remplacee par une courbe telle que OM'), elle pent rendre quelques services. Ainsi, supposons qu'un ballon militaire normal de 510 metres cubes, plein d'hydrogene, pesant. a tres peu pres, 540 kilo- grammes au moment de 1'equilibrage. se trouve a 100 metres d'un obstacle de 25 metres de hauteur, et admettons que la vitesse du vent soil de 5 metres a la seconde. Cette formule donne, en remarquant que g == 9, 81, 2 x 25 X 25 x 540 k _ _ K = o ,10, 0.81 x 10000 + 2 x 25 X 25 pour le poids minimum de lest a projeter au moment du depart. Si 1'obstacle etait seulement a 50 metres, ce poids minimum serait \ = 20 k ',2. Dans la pratique ces calculs ne sont pas, d'ordinaire, possibles, a cause de la difficulte d'evaluer exaclement la vitesse du vent qui, bien souvent, souffle en rafales. Le plus sur, si Ton est troppres d'un obstacle, est de s'en ^loigner le plus possible, ce qui est facile, le ballon ne pesant, pour ainsi dire, rien au moment de Tequilibrage. Si le vent est par trop violent, 1'aeronaute, tenant le double d'un filin passe par-dessus le cercle et tenu de terre par plusieurs personnes, laisse le ballon s'elever captif, jusqu'a ce qu'il ait franchi Tecueil qui s'oppose a son ascension. On prend des precautions analogues dans le lancement des bal- lons-sotides. Au point de reunion des suspentes se trouvent fixees : d'abord une cosse dans laquelle coulisse le cubic de manceuvre ; puis deux cordes. Tune legere, a rextremite de laquelle sont sus- pendus les appareils, 1'autre solide, que Ton attache a un plateau charge de sacs de lest, lorsque, par le jeu du cable de manoeuvre, le ballon est monte a la hauteur voulue. A ce moment, on tire le CONFINEMENT ET LANCEMENT D UN BALLON 95 cable par une de ses extr6mit6s, puis, lorsqu'il est tomb6 a terre, on tranche d'un coup de couteau le cordage de retenue. II est prudent de diminuer la vitesse vertigineuse de ces bal- lons au d6part, vitesse due a l'6norme rupture d'equilibre neces- saire pour atteindre les hautes altitudes, de pareilles vitesses ayant pour effet de sournettre le ballon a des pressions enormes de la part de 1'air ainbiant (la resistance de 1'air 6tant propor- tionnelle au carre de la vitesse). Dans ce but, on munit souvent les ballons-sondes d'un sac d<- didi'stayi'., imagine par Kovanko, qui, a un moment donn6, se detache automaliquement. Ce sac est attach^ au ballon par rinlermediaire d'un declic, de telle sorte qu'un ressort joue et le laisse tomber lorsque, par suite de la sortie progressive du gaz par 1'orifice de 1'appendice, le poids du ballon est suffisamment al!6g6. IV. Les Instruments d* observation les plus indispensables, ceux que tout aeronaule serieux ne peut se dispenser d'emporter pour la plus simple des ascensions, sont : en premier lieu, un barometre, une boussole, des cartes au 80/000 des pays traverses, unejumelle marine; en second lieu, un thermometre et un hygrometre. Le barometre le plus employe est le barometre anero'ide de Vidi, bien connu de tout le monde (fig. 34), auquel il est Fi - 34 - Barometre aneroide. bon de joindre un barometre a mercure. Grace a la Table donnee plus haul (Chap. 1;, Taeronaute, en regardant le barometre, pourra toujours calculer, a quelques metres pres, sa position exacte au-dessus du niveau de la mer. D'ailleurs, la plupart des barometres aneroides sont, aujourd'hui, a 1'aide de cette Table, gradues en hauteurs. Le thermometre le plus en usage est le tltermometre a mercure. II est bon d'y joindre un thermometre a alcool, gradu6 avec soin, 96 I/AfiRONAUTIQLE qui permet d'observer des temperatures inferieures a 40, tem- perature de congelation du mercure. Un thermometre a maxima et a minima, le thermometrographe de Be Hani, par exemple, peut 6tre aussi de quelque utilite. Le psychrometre d' August est presque toujours 1'hygrometre qu'emploient les aeronautes (fig. 35). Son observa- tion est facile, il est solide, mais, malheureusement, les formules que Ton emploie pour deduire de ses indications 1'etat hygrometrique de Fair ambiant sont mal etablies, surtout au-dessous de 0. Les plus communement employees sont : Au-dessm de .... / = /' 0,00079 h (t Au-dessous de 0.. . ./ = /' 0,00069 h (t (37) Fig. 35. Psychrometre d' August. f etant la tension de la vapeur u'eau cherchee, / la temperature de 1'air ambiant, c'est-a-dire du ther- mometre sec (qui remplace ainsi un thermometre ordinaire), t' celle du thermometre humide, lorsqu'il a pris sa temperature definitive d'equilibre, / ; la pression maximum de la vapeur d'eau a t degres. L'etat hygrometrique cherche est alors : (38) Des Tables permettent.comme pour la formule d'Halley, d'abreger les calculs. Dans toute ascension serieuse, on emporte aussi des appareils enregistreurs, barometres, thermometres, psychrometres, etc., (fig. 36, 37, 38), dont le principe est trop universellement connu pour que nous croyions devoir insister. Ces instruments per- mettent de tracer, minute par minute, independamment des voyageurs, le graphique de Fascension, au triple point de vue de Taltitude, de la temperature et de 1'lmmidite des couches INSTRUMENTS D OBSERVATION 1)7 d'air traversees. A la rigueur, un barometre et un psychrometrc suffisent, puisque 1'un des deux thermometres du psychrometre, le thermometre sec, peut remplacer un thermometre enregistreur ordi- naire. On commence a joindre a ces ap- pareils \actinometre enregistreur de Violle (fig. 39), compose essentielle- ment de deux thermometres dont les parties sensibles sont placees a Tinterieur de boules en metal, dont 1'une est brillante et 1'autre noir mat. Quelle que soit la nature des instruments d'observation, leur principale qualite doit etre une grande simplicite dans la cons- '' action et le maniement. En ballon monte, en effet, aucune --* Fig. 36. Barometre enregistreur. Fig. 37. Thermometre enregistreur. mesure de precision n'est possible. La precision n'est meme pas necessaire, etant donne 1'etat perpetuel d'agilation du milieu ambiant, et, par suite, ses variations continuelles de proprietes. L'emploi d'instruments compliques pourrait plutot entrainer des consequences facheuses, surtout en ce qui concerne les obser- vations barometriques. 13 98 L'AERONAUTIQUE La nuit, enfin, toule observation deviendrait impossible si 1'aeronaute n'emporlait pas de quoi s'eclairer. Comme il ne faut Fig. 38. Psychrometre enregistreur. pas, a cause des dangers d'incendie, songer a des lampes ordi- naires, une lampe electrique, comme celle de Trouve ou la lampe a arc de Renard, est alors abso- lument necessaire. Dans les dallons-sondes, afin de reduire au minimum le poids des instruments, on reunit dans la m6me boite barometre et thermo- metre, de fagon que les styles cor- respondant a ces appareils tracent leurs sillons sur le me"me papier : tel est le principe du barothermo- fjraphe enregistreur de Richard. On peut faire mieux et reunir dans la meme bolte un barometre, un thermometre sec et un thermo- metre mouille : on a ainsi le me- iiorogrdphe universal de Richard (fig. 40), comprenant a la fois un barometre, un thermometre et un psychrometre, le tout en aluminium (comme le barothermographe), de sorte que le Fig. 30. Antinometre enregis- treur de Violle. INSTRUMENTS D OBSERVATION 99 poids total de 1'instrument ne depasse pas 1.200 grammes. On verra plus loin (Chap. X) comment Cailletet est arrive a donner, pour ainsi dire, la vue a ces sortes d'automates, par la construc- tion de son enregislreur photographiqut. Ajouions qu'actuellement le cylindre mobile des enregistreurs Richard est place a 1'interieur d'une enveloppe cylindrique fixe, ou Ton a pratiqu6 une fente pour le passage des styles, et dont le Fig. 40. M6t6orographe universe!. but est de meltre les diagrammes a 1'abri de toute deterioration, dans le cas ou la descente aurait lieu avec tralnage. De plus, comme, par suite des basses temperatures qui regnent dans la haute atmosphere, Tencre qui imbibait, a I'origine, les plumes tragantes, se congelait presque constamment, ces plumes ont ete remplacees par une pointe creusant un sillon sur du noir de fumee disposS a la surface exterieure du papier qui enveloppe le cylindre mobile. Tous les enregistreurs emportSs par un ballon-sonde sont places dans un petit panier en osier, a claire-voie, au milieu duquel ils sont suspendus par I'interm6diaire de bracelets en 100 I/AfiROXAUTIQUE caoutchouc qui les preservent de toute deterioration a la descente (fig. 18)-. Le panier lui-me'me est accroche, par le meme procede, a 1'interieur d'un grand cylindre en osier, reconvert exterieure- menl d'un parasoleil, c'est-a-dire d'un re\6tement en papier, argent6 exterieurement, noirci interieurement. Les instruments sont ainsi a 1'abri, non seulement des chocs, mais encore du rayonnement solaire. Les indications des enregistreurs etant sujettes a caution, a cause des variations de proprietes de leurs parties metalliques, on eraploie souvent des instruments de controle. En ce qui concerne les minima indiques par les thermometres. Hermile et Assmann ont eu 1'idee de se servir de thermometres photogeniqiies a minima, contenant de 1'alcool, consiruits comme il suit : Le thermometre est diaphragme par deux bandes longitudi- nales d'email. L'alcool est colore par du noir d'aniline. Si Ton applique une bande de papier sensibilise derriere la tige de ce thermomelre, la lumiere agira sur le papier jusqu'au niveau de Falcool seulement. 11 en resulte que la hauteur des ordonnees noircies dans le negatif donnera la mesure du relrait produit par la contraction de la colonne thermometrique. 11 ne serait pas difficile, comme le fait observer W. de Fonvielle, de transformer un pareil thermometre en un enregistreur, au moyen d'un cylindre mobile recouvert de papier sensibilise. GHAPITRE IV LE BALLON DANS LES AIRS I. Le depart termine, 1'aeronaute doil ranger son lest a sa porter dans le fond de la nacelle, amarrer la corde de la soupape a un cabillot du cercle, larguer le guide-rope, qui doit 6tre pret a tout evenement, s'assurer enfin que 1'ancre est relevee de maniere que son extremile ne puisse, independamment de la volont6 de 1'aeronaute, accrocher aucun objet, etc. Les instruments d'obser- vation doivent e~tre en position convenable, le barometre sous Trail du capitaine. Chacun des voyageurs doit garder la place qu'on lui a assignee, en s'etudianl a ne point faire de mouvements inutiles. La manoBuvre du ballon, surtout si 1'aeronaute veut faire un voyage de longue duree, n'est pas aussi simple qu'on pourraitle croire, si Ton se contentait de s'en rapporter a la theorie exposee dans le Chapitre I. On a admis, en effet, dans cette theorie, que le ballon une fois arrived a sa zone d'equilibre, s'y maintenait de lui-m^me. Une pareille hypothese n'est admissible que s'il arrive a cette zone avec une vitesse nulle. 11 est clair que si 1'ascension a et6 bien menee, cette vitesse n'est pas aussi considerable qu'on pourrait le croire, me"me dans le cas d'un ballon flasque : la resistance de Tair, qui croit proportionnellement au carre de la vitesse, dimi- nue, en effet, considerablement la vitesse d'un ballon libre, que son mouvement soit ascensionnel ou descensionnel. Mais de la 102 I/AfiRONAUTIQUE a la considerer comme negligeable a 1'instant ou 1'aerostat penetre danssa zone d'equilibre, il y a loin. II est done essential si Ton veut avoir une idee exacle de la trajectoire suivie, d'en tenir compte. Grace a la vitesse acquise, le ballon, en realite, ne fait que traverser sa zone d'equilibre et monte plus haut. Mais, dans ce mouvement, il perd constamment du gaz. Arrive dans sa zone d'arre't, il n'a plus une force ascensionnelle suffisante pour faire equilibre a son poids mort total, car ce poids est justement egal a sa force ascensionnelle dans la zone d'equilibre. 11 descendra done presque immediatement sous 1'influence d'une force des- censionnel/e egale a la difference entre les forces ascensionnellcs propres de la zone d'equilibre et de la zone d'arrtt. Mais, alors, tout se passera comme par 1'efFet d'un coup de soupape plus ou moins prolonge, c'est-a-dire que des le commencement de la descente, le ballon deviendra flasque et tendra a prendre un mouvement descensionnel uniformement acceler6. Si le ballon nest pas monte, il ne s'arr&tera qu'a terre ; s'il est monte'. il en sera de meme, mais on pourra cependant, en jetant du lest, eviter un atterrissage qui pourrait etre desastreux. Sup- posons qu'on jette du lest : le ballon rebondira. Mais comme son poids mort total est moindre qu'au depart, la zone d'equilibre a laquelle il parviendra sera plus elevee que tout a 1'heure, et il en sera de meme, le plus souvent, de la nouvelle zone d'arret. A chaque bond, le ballon s'elevera done de plus en plus haut. Le mouvement normal d'un ballon non monte consiste done en un bond plusou moins gig antesque^suivi presque immediatement du retour a terre, tandis que le mouvement normal d'un ballon monte consisle en une serie de bonds a la suite desquels il s'eleve a des hauteurs de plus en plus considerables. Dans le premier cas, a cause du vent qui le pousse, le ballon decrit une trajectoire a peu pres telle queAMD(fig. 41). Dans le second cas, il decrit une sorte de trajectoire serpentine telle que AMNP (fig. 42), gravissant ce qu'E. Aim6 appelle la montagne LE BALLON DANS LES AIRS 103 russe des aeronautes, jusqu'au moment ou, n'ayant plus ni gaz ni lest, il retombe lourdementet definitivementa terre. Si la perte de gaz eprouvee entre la zone d'equilibre et la zone d'arret est par trop considerable, il peut arriver qu'il soit impos- sible, meme avec une forte depense de lest, d'amHer la chute du Fig. 41. Fig. 42. ballon : on dit alors qu'il s'est emballe. Ce phenomene d'em- ballement d'un ballon, qui bondissant trop haul au-dessus de sa couche d'equilibre tombe ensuite corame une balle de plomb, et ne se releve plus, a cause de la perte considerable de gaz qu'il a subie en depassant celte zone, est assez frequent, m6me en ballon monte, surtout dans les ascensions en grandes hauteurs, ou 1'aero- naute depense du premier coup une grande parlie du lest dispo- nible. Gay-Lussac, Glaisher. etc., ont du le subir, comme le montre le diagramme de la fameuse ascension des 11.000 metres executee, le 5 seplembre 1862, par Glaisher (fig. 43). 11 arrive meme souvent que les aeronautes font emballer leur ballon pour atterrir sans toucher a la soupape et, par suite, en perdant le moins de gaz possible. Dans les ascensions ordinaires, le mouvement suivanl la tra- jectoire serpentine est enraye par une foule d'influences acciden- telles. En manoeuvrant convenablement, il est presque toujours possible, de maintenir assez longtemps le ballon dans sa zone d'equilibre normale. Un air relativement calme, une atmosphere pure, 1'occultation prolongee du soleil, la nuit ct, alarigueur, un 104 L AfiRONAUTIQUE judicieux emploi du guide-rope, etc., sont les conditions que Ton doit rechercher pour ce genre de voyage aerien. G'est grace a la reunion de toutes ces conditions que Sivel, Croce-Spinelli, Jobert, I \ 1 noon 10000 3000 8000 7000 6000 5000 {000 3000 2000 1000 sK n : I i i i O'SI ! i -js- 1 i -is -J - R* - e-si ? .,/ \ / V / I 6 J \ V t 5 0^ 15 30 5 00 Wolverhampton 15 30 /5 Coldwesto Fig. 43. Diagrauime de Tascension des 11.000 metres de Glaisher. A. et G. Tissandier ont pu, a bord du Zenith, le 23 et le 24 mars 1815, effectuer leur f'ameux voyage de vingt-deux heures, de Paris a Arcachon. Le diagramme de ce voyage (fig. 44) montre qu'apres avoir decrit, de 6 h. 20 a 9 heures du soir, une trajectoire ser- pentine, le Zenith est a peu pres reste dans sa zone d'equilibre jusqu'au lever du soleil, a 6 heures du matin. Vient apres une seconde trajectoire serpentine que les aeronautes arrivent h LE BALLON DANS LES AIRS 10* enrayer vers 8 heures a force de coups de sonpape ; puis, a partir de 10 heures, se succedent une serie de bonds qui, conve- nableraenl enrayes encore par des coups de soupapes el des pro- jections de lest, leur ont perrais d'atterrir vers 5 heures du soir. Quoi qu'il en soil, etant donne que 1'idSal, en Aeronautique, est de maintenir une trajectoire a tres peu pres horizonlale, on Fij, r . 44. Diagramme du voyage du Zenith, de Paris a Arcachon. voit que la manoBuvre propre a obtenir ce resultat, quand on a alteint la zone d'6quilibre, est tres simple : ne jamais toucher a la soupape, en se contentant de combaitre, par de faibles projec- tions de lest, la tendance du ballon a descendre, Les projections de lest ne doivent 6tre faites que par Taero- naute conducteur, seul. Sans sa permission aucun objet ne doit etre jet6 au dehors de la nacelle. D'abord, le moindre allege- ment peut avoir, dans certains cas, des consequences assez graves : ainsi dans la fameuse ascension du Neptune au-dessus de la mer du Nord, G. Tissandier ayant jete un os de poulet en dehors de la nacelle, alors que le ballon revenait du large et planait sur la terre, determina son ascension jusqu'au courant u 106 L'AERONAUTIQUE superieur qui, auparavant, 1'avait entraine vers la mer; heureu- sement que Duruof, le conducteur du Neptune, ayant ouvert la soupape, pu retrouver le courant inferieur et ramener ainsi son ballon vers la terre. Erisuite, il est evident qu'un objet, mme d'un poids assez faible, projete en dehors de la nacelle, peut, en arri- vant a terre, occasionner les plus graves accidents. Toutes les considerations precedentes ne font, d'ailleurs, que faire ressortir 1'importance du lest. Aussi doit-il 6tre employe avec la plus rigoureuse parcimonie, et, surtout, 1'aeronaute doit se garder de toucher a la provision reservee pour 1'atterrissage. Quelques trous dans 1'enveloppe d'un ballon sont moins dange- reux qu'un manque de lest : c'est la penurie de lest qui faillit occasionner la mort de Blanchard dans sa fameuse traversee de la Manche, le 7 Janvier 1785, et, cependant, il avail pour lui la chance d'un vent favorable. Bien des catastrophes auraient et6 evit6es si Ton avait toujours ete penetre de 1'importance de cette verite. II. Un aeronaute n'a pas seulement a se preoccuper des indi- cations du barometre et de la depense de son lest. 11 faut encore qu'il ait constamment I'o3il au thermometre et a I'hygrometre. Si, une fois dans la region des nuages, il voit la temperature s'abais- ser, 1'humidite augmenter, il faut qu'il cherche a s'elever pour retrouver le soleil et alleger ainsi son ballon. Si, au contraire, le coup de soleil se fait par trop sentir, il peut y avoir avantage, pour lui, a regagner la region des nuages. Aucun incident ne doit lui echapper. La machine qu'il monte doit etre 1'objet d'une surveillance de tous les instants . II doit avoir sans cesse present a 1'esprit 1'idee des dangers qu'il court (et fait courir aux autres) en cas de fausses manoeuvres. Pour cette raison le capitaine-aeronaute doit elre maitre a son bord, quels que soient le nombre des passagers et leur experience per- sonnelle. Comme le fait observer W. de Fonvielle, le regime par- lementaire n'est pas de mise a bord des aerostats. II est presque LE BALLON DANS LES AIRS 107 inutile /)], a designant le coefficient de dilatation des gaz. Supposons, par exemple, un ballon en equilibre dans une couche d'air a 0, a 3.108 metres d'altitude, couche d'air pour laquelle la pression barometrique est 513 millimetres. Ce ballon se trouvera encore en equilibre dans une couche d'air de 5 plus chaude, dont la pression sera 51S [1 -f 0,004 X 8] = 525 millimetres a peu pres (0,004 etant la valeur du coefficient de dilatation de Tair), pression correspondant a une hauteur d'environ2.954 metres. Le ballon pourra done, sans perte de gaz par 1'appendice, monter ou descendre, sans contraction, de pres de 150 metres. Une variation dans 1'etat hygrometrique de Fair produirait, evidemment, un effet analogue. D'ailleurs, la plupart du temps, les aeronautes, pour s'assurer s'il y a perte de gaz, ou non, par Tappendice, se contentent d'observerTorifice du ballon. En general, dans la belle saison. LE BALLON DANS LES AIRS 109 1'expansion du gaz est accompagnee d'un refroidissement qui, etant donnee Fhumidite qu'il contient toujours, amene la forma- tion d'un brouillard. Ce phenomene, observe par Charles des sa premiere ascension (Introduction), se traduit, en langage aero- nautique, par le dicton : le ballon fume sa pipe. En hiver, le gaz est trop sec, de sorte que le brouillard ne se produit pas ; mais 1'odeur suffit, alors, pour avertir 1'aeronaute. Quant au thermometre, il ne faut pas oublier que ses indications sont toujours en retard, un certain temps etant necessaire au liquide thermometrique pour se mettre en equilibre de tempera- ture avec le milieu exterieur. Son observation n'en est pas moins indispensable. Dans les regions oil, par exemple, 1'aeronaute perd de vue le sol, elle offre un moyen de s'apercevoir que Ton change de direction. En effet, si la temperature, apres avoir subi pendant plus ou moins de temps la decroissance normale qui accompagne Tascension, vient a augmenter brusquement, c'est une preuve que Ton quitte un courant Nord pour passer dans la direction d'un courant Sud. Au contraire, si la decroissance s'accentue sans qu'il y ait formation d'un nuage qui cache le soleil, c'est que Ton passe d'un courant Sud dans un courant Nord. L'hygrometre, comme le thermometre, donne des indications precieuses, car 1'etat hygromelrique de 1'air va d'ordinaire en diminuant a mesure qu'on s'eleve. II peut m6me indiquer a 1'ae- ronaute le voisinage d'un cours d'eau, d'une for6t, 1'experience ayant montre depuis longtemps combien la nature du sol influe sur les couches d'air avoisinantes. Mais, comme pour le thermo- metre, ses indications sont toujours en retard. Les barometres enregistreurs, ct, surtout, les thermometres enregistreurs, presentent les memes inconvenienls : leurs indica- tions, deja assez grossieres, ont done, en plus, le grand defaut de ne jamais coincider avec Tinstant precis indique par les chro- nometres dont ils sont munis. En ce qui concerne les thermometres, von Hergessel a trouve, no L'ARONAUTIQUE heureusemenl, le moyen de remedier a cet inconvenient, grave surtout lorsqu'il s'agit de ballo?is-sondes, ballons non monies oii 1'habilete" de 1'operateur ne peut corriger la defectuosite des ins- truments. Si Ton admet, en effet, que la variation de temperature dun thermometre enregistreur, dans r unite de temps, est proportion- nclle a la vilesse du ballon et a Vecart qui existe entre la tempera- ture indiquee et la temperature reelle de lair, on a, en designant par A9 la variation de temperature du thermometre dans un temps tres court A/, par la temperature du thermometre a 1'ins- tant t, par 8,, la temperature reelle de 1'air a cet instant, par V la vitesse du ballon au meme instant, la formule : A A representant evidemment la variation de temperature du ther- mometre dans Tunite de temps, A une constante qu'il s'agit de determiner. A cet effet, von Hergessel admet que, la nuit, pendant tout le temps qu'un ballon reste a peu pres a la meme altitude, la difference 9 O p entre la temperature indiquee et la tempe- rature reelle, reste constante. La vitesse V elant alors facilement calculable, ainsi que la variation -^- de la temperature du ther- mometre dans Tunite de temps, a Taide du diagramme de 1'as- cension, il a trouve pour A la valeur A = 1856 ' la vitesse V etant exprimee en metres par minute. De la, la formule e, = e-i^, (39) qui permet de calculer a chaque instant la temperature reelle 0,, dans laquelle le signe -f- correspond a la descente, le signe a 1'ascension, le thermometre indiquant toujours, evidem- LE BALLON DAMS LES AIRS 111 ment, a la descente, des temperatures trop basses, tandis qu'a la montee il indique toujours des temperatures trop elevees. III. Si Ton veut atteindre les hautes altitudes, les regions glaciales qui, ete comme hiver, regnent au-dessus de 7.000 a 8.000 metres, les precautions a prendre de-dennent extremement nombreuses. Non seulement il faut se teriir pr6t a combattre des froids terribles, mais encore on a a lutter contre le vertiye des hauteurs, qui n'est autre chose que le fameux mal des man- lay nes. En ballon, ou la fatigue musculaire ne se fait pas senlir comme dans les ascensions en montagne, c'est seulement a partir de 4.700 metres environ (hauteur correspondant a une pression de 420 millimetres) que ce mal commence a se produire. Comme il est du a la rarefaction de 1'oxygene, dont la tension indivi- duelle n'est plus, dans ces regions elevees, suffisante pour entre- tenir la respiration, il faut eviter d'abord que 1'ascension soil trop rapide : on peut alors habituer peu a peu 1'organisme aux efl'ets que produit le manque de ce gaz vital. Malgre cela, il cst difficile d'eviter des bourdonnements d'oreilles, des emissions de sang par le nez et les oreilles et, enfin, quelquefois, 1'asphyxie. Glaisher qui, avant de s'aventurer dans les hautes regions, avait eu le soin de s'entrainer peu a peu, n'en a pas moins failli succomber, ainsi que son compagnon Coxwell, dans la fameuse ascension du 5 septembre 1862 dont nous avons parle plus haut. Tout marcha bien jusqu'a 8.000 metres; mais, apres, 1'asphyxie commenQa son ceuvre ; heureusement, le ballon etait emballe, de sorte qu'il redescendit de lui-meme assez vile pour permettrc aux voyageurs de revenir a eux. P. Bert a, d'ailleurs, indique le moyen de combattre ce ter- rible mal. Apres de nombreuses experiences sur des chiens, des oiseaux, etc., soumis a des pressions excessivement faibles, il a demontre que le vertige des hauteurs e~tant du a la trop faible tension individuelle de 1'oxygene dans 1'air rarefie ou se trouvent 112 L'AERONAUTIQUE plonges les aeronautes, il suffit, pour empecher Fasphyxie, de respirer, des que Ton eprouve un commencement de malaise, en quantite suffisanle, un melange convenable d'oxygene et d'air, a la pression normale. Le mal des hauteurs n'a cependant pas pour cause unique la rarefaction de 1'oxygene. 11 y a lieu de tenir compte, aussi, des effets physiques dus a la depression : si le mouvement ascen- sionnel de Taerostat est par trop rapide, la decompression brusque qui en est le resultat peut produire les efFels funestes dont sont souvent victimes les ouvriers qui travaillent dans 1'air comprime : elle peut amener les gaz dissous dans le sang a se degager par bulles sur tout le parcours des capillaires, en for- mant ainsi, comme dit Jamin, des chapelets qui arretent la circu- lation et entrainent facilement la mort. II y a lieu, enfm, de compter avec 1'action que le froid et la secheresse de 1'air auK hautes altitudes peuvent exercer sur des temperaments peu robustes. La terrible catastrophe du Zenith, le 15 avril 1875, dans laquelle deux aeronautes distingues, Sivel et Croce-Spinelli, ont trouv6 la mort, a montre la necessite, en pareille maliere, d'ob- server scrupuleusement les prescriptions de la science. P. Bert avait calcule qu'il fallait, dans les hautes regions de 1'atmosphere au moins 150 litres d'oxygene par minute pour trois personnes. Or, les malhenreux aeronautes qui, au dernier moment, s'etaient adjoint G. Tissandier, avaient a peine, a eux trois, une provi- sion de 150 litres pour un voyage dont la duree, dans ces hautes regions, devait certainementatteindre au moins une bonne heure. Celte catastrophe n'a pas ete, cependant, sans profit pour 1'Ae- ronautique. Enmontrantles dangers a courir, elle a donne Tidee des ballons-sondes ; en montrant les precautions a prendre, elle a permis, un peu plus tard, de reprendre sans crainte les ascen- sions a grandes hauteurs. C'est ainsi que le 4 decembre 1894, le D r Berson, muni de ballonnets a oxygene pur en nombre suffisant, a pu s'elever a 9.156 metres, sans eprouver le moindrc malaise respiratoire, LE BALLON DANS LES AIRS 113 malgre un froid de 48, ascension qui fait de ce savant, pour ceux qui revoquent en doute les 1 1.000 metres de Glaisber, le champion du mondc pour les altitudes. IV. Quand la provi- sion de sable tire a sa fin, qu'il n'en reste qu'un pen plus de la quantite ncces- saire a la descente, il est necessaire d'atterrir. Les precautions a prendre sont alors les suivantes : Les instruments fragiles sont ranges dans un pa- nier, plein de paille ou de coton, attache au cercle. On coupe la ficelle qui retient roulee la corde d'ancre, et on fait de me"me pour celle du guide-rope, si celui-ci, a tort, comme le prouve 1'aventure du Jean-Bart, racontee plus haul, n'a pas deja e~te largue. Seulement, on a soin que 1'ancre demeure accrochee sur le bord de la nacelle, line main sur la corde de la soupape, 1'autre sur un sac de lest qui est appuye sur le bordage de la nacelle, 1'aeronaute choisit alors son point d'atterrissage. Lorsque la vitesse du vent est inferieure a 6 metres par seconde, le moindre emplacement vide suffit. Si cette vitesse varie entre 6 et 10 metres, on peut descendre en plaine. Pour des oura- gans filant au-dessus de 60 kilometres a 1'heure, il est presque necessaire de choisir une for6t, si Ton veut que 1'ancre puisse mordre a coup sur. Dans les conditions ordinaires, des que le guide-rope louche terre, ce dont on s'aperc,oit a 1'inclinaison que prend alors la 15 Fig. 45. Berson. H4 L'ARONAUTIQUE nacelle sous 1'effort da vent (car, par suite du frottement, le ballon n'est plus libre et perd a peu pres la moitie de sa vitesse) on ouvre la soupape, ce qui fait descendre le ballon. Si la des- cente est trop rapide, on releve le guide-rope pour le relancer a nouveau a terre a 1'inslant convenable, quilte a rouvrir, si c'esl necessaire, la soupape. II peut arriver qu'on alterrisse a 1'aide de 1'emploi seul du guide-rope. Mais, en general, a 20 metres a peu pres de terre, on jette 1'ancre en meme temps qu'on maintient la soupape ouverte. Si 1'ancre prend (et elle prend presque toujours si elle est bien construite) le ballon s'arrtHe instantanement et arrive au sol. Le choc a terre est, d'ailleurs, presque toujours assez doux si la manoeuvre est bien executee, ce qui tient a ce que le poids de 1'ancre et des cordes, delestant beaucoup, a ce moment, 1'aerostat, amorlit la secousse. En somme, les efforts de 1'aeronaute doivent tendre a oble- nir l'arre"t immediat du ballon, et a eviter le trainage qui requite presque toujours du jeu defectueux des engins d'arrel, ou d'une fausse manoeuvre. Si on ne peut 1'eviter (ce qui arrivera fatalement si 1'ancre ne mord pas) il faut atlenuer ses effets, sou- vent desastreux, et le seul moyen est d'avoir encore line quan- tile convenable de lest a sa disposition. On peut alors forcer le ballon a bondir au-dessus des obstacles de toute sorte qu'il peut rencontrer en tralnanta terre : le trainage du Gtant, a sa descente en Hanovre (Chap, II), a ete du surtout a la penurie de lest au moment de la descente. Si le vent est par trop violent, le dega- gement par la soupape insuffisant, on pourra user de la corde de dechirure. Mais on ne doit avoir recours a cette manoeuvre que lorsqu'on a traln6 assez de temps pour ne pas avoir a craindre d'6tre, a ce moment, enleve brusquement de terre. Quand 1'ancre a mordu, ou que le ballon est vide, on peut songer a sorlir de la nacelle. Mais une chose qu'il taut eviter, c'est d'en sortir en sautant, alors qu'on est tout pres de terre, et que d'autres voyageurs se trouvent dans 1'aerostat. Cette manoeuvre peu loyale, qu'on a reproche a Biot, lors de sa fameuse LE BALLON DANS LES AIRS US ascension avec Gay-Lussac (Chap. X), est d'ailleurs environnee, comrae le fait remarquer W. de Fonvielle, de perils de tout genre, celui qui s'esquive etant expose a se troraper sur la hau- teur qui le separe du sol. Dans les circonstances normales, une fois 1'atlerrissage ter- raine, on ouvre en grand la soupape, et on procede au degonfle- ment du ballon, operation qui ne presenle, d'ordinaire, aucun danger pourvu qu'on ait soin de ne pas approcher de corps enflamm6 dans le voisinage. Le degonflement acheve, on enleve le filet, on replie 1'enveloppe, fuseaux par fuseaux, on la roule, la soupape en dedans, et on la met dans la nacelle, apres 1'avoir enveloppee d'unebache. De retour a son local, le ballon doit 6tre imraediateraent deballe, deroule, elendu et examine. On r6pare ses accrocs, on le ventile pour arreter Faction du vernis sur la soie et cons- later si quelques trous n'ont pas echappe a 1'examen. Enfin, on le replie pour la derniere fois, et il est pr6t ainsi pour une nouvelle ascension. V. Une question importante est celle de Yes time t c'est-a-dire de la determination du point ou Ton se trouve et de la route suivie sur terre. En general, en ce qui concerne le point, une bonne carte d'6tat-major et une jumelle marine suffisent, pourvu, bien enlendu, que la vue de la terre ne soit pas masqu6e par les nuages. La carte n'a pas m6me besoin d'etre detaillee, car le paysage, a une certaine hauteur, est tellement rapelisse, que les rivieres et les chemins de fer fournissent des points de repere presque toujours plus que suffisants. En ce qui concerne la route suivie, on se sert ordinairement de la boussole, qui doit 6tre suspendue a la Cardan, munie d'une rose des vents, et doit pouvoir 6tre tenue a la main. Seu- lement, il y a alors une complication provenant de ce qu'il est rare qu'un ballon soit immobile aulour de son axe vertical. La lid L'AfiROiNAUTIQUE plus petite variation qui detruit la symetrie de la forme provoque, en effet, des mouvements giraloires du ballon autour de son axe vertical, mouvements que Charles avail parfaitement obser- ves des sa premiere ascension, comme nous 1'avons vu plus haul (Introduction). Seulement, a moins de circonstances tout a fait exceptionnelles, ce mouvement est pendulaire, c'est-a-dire que le ballon n'execute jamais une rotation complete. 11 en resulte que lors du changement de sens, la vitesse de giration est nulle. Comme elle est presque nulle avant et apres ce moment, on peut determiner 1'instant qu'il faut choisir pour executer des observa- tions un peu precises. II est possible, d'ailleurs, d'attenuer les erreurs commises qui, il faut 1'avouer, sont, quelquefois, si considerables, que certains aeronautes considerent la boussole comme un objet de fantaisie. Ainsi, 1'observation du mouvement de Y ombre que le ballon decoupe a la surface du sol, compare a la direction de 1'aiguille aimantee peut donner, tres nettement Tangle de la route. On peut encore (comme 1'a fait Sivel pendant Fascension des 22 heures) laisser trainer a terre, quand la chose est possible, un guide- rope suffisamment long, qui se dirige toujours de lui-meme a 1'arriere de la nacelle. Le mieux serait d'employer le gyroscope, aujourd'hui entre dans la pratique courante : on sail que la posi- tion de 1'axe de rotation de cet instrument est absolument inva- riable dans 1'espace , de sorte que si Ton a eu soin de Torienter dans une direction connue, celle-ci devient une ligne de repere sur laquelle on peut regler la marche du ballon. II ne faut pas s'illusionner, cependant, sur 1'emploi de la bous- sole ou du gyroscope. Avec les ballons ordinaires, qui flottent au gre du vent, ils ne peuvent servir que si la terre est visible. Si le ballon est dans les nuages, ils deviennent inutiles : on est perdu dans 1'espace et, a tout prix, il faut chercher a se rappro- cher de terre. II n'en serait pas de meme, evidemment, avec un ballon dirigeable, dont la vitesse serait superieure a celle du vent, car on se trouverait, alors, dans les monies conditions de LE BALLON DANS LES AIRS 117 navigabilite qu'un navire ordinaire ou un sous-marin. II va de soi que des observations astronoraiques peuvent 6tre regardees comme presque impossibles en ballon libre. Enfin, une question de la plus haute importance est la deter- mination de la vitesse de marche. On peut s'en faireune idee approximative en evaluant le temps quele ballon met a traverser normalementune route, ou mieux, un fleuve, dont la largeur est donnee par la carte. Mais cette melhode ne laisse pas que de devenir embarrassante si la tra- versee se fait sous un angle quelconque. En somme, on est encore, aujourd'hui, a la recherche d'un locliaeronautique qui soil verita- blement satisfaisant. CHAPITRE V LES MERVEILLES DE (.'ATMOSPHERE- - IMPRESSIONS DE VOYAGE I. Passons rapidement en revue quelques-uns des pheno- menes qui, dans une ascension unpeu prolongee meritent d'altirer 1'attention du voyageur. Un de ceux qui etonne le plus 1'aeronaute novice est le suivant : A une certaine hauteur, la terre, qui devrait apparaitre, a Fig. 46. Cuvette a6ronautiquc. priori, comme une surface convexe, paraitau contraire, a mesure qu'on monte, se creuser de plus en plus : c'est le phenomene que Nadar a spirituellement appele la cuvette acronautique , en ce sens que la petite portion visible de notre globe prend la forme d'une cuvette dont le voyageur occuperait le centre, a la hauteur des bords (fig. 46). Si extraordinaire que puisse paraitre cette illusion d'oplique, LES MERVEILLES DE I/ATMOSPHERE 119 elle n'est cependant pas particuliere aux ascensions en ballon. En r6alit6, c'est un ph6nom6ne banal, que Ton observe journel- lement, sans s'en rendre corapte, et cela aussi bien au niveau du sol qu'a 6.000 metres plus haul. Considerons, en effet, un observateur place sur le sol, au milieu d'uneplaine assez grande pour que rien n'arr6te le regard a 1'horizon. Soil la position des pieds, A celle de Trail, et sup- posons OA = l m ,7o, hauteur correspondant a un homme de taille moyenne (fig. 47). Par suite de la sphe~ricit6 du globe, la limite de la visibilite de 1'observateur est, dansces conditions, de 4.800 metres environ. Or il est evident que les rayons qui, des divers poinls de cette plaine, arriveront a I'oail, se rapprocheront de plus en plus de 1'horizontale a mesure que leur distance augmentera. En particulier, un rayon tel que MA, venant de 1'horizon, arrivera a 1'observateur en faisant avec Tho- rizontale AB de Trail un angle MAB AMO, appele depression vraic, donn6 par la relation d'ou Ton deduit MAB = minute a peu pres. Dans ces conditions, tout se passe, evidemment, comme si le point M 6tait situ6 a la hauteur de Trail. II en sera de mfime de tous les points tels que M places a Yhorizon vrai, de sorte que Tobservateur aura la sensation d'etre plac6 au centre d'une sorte de cuvette dont les bords s'elevent a la hauteur de son rail. Si, d'ordinaire, le phenomene passe inapercu, si, par exemple, une route s'etendant en droite ligne devant nous parait horizontale, alors qu'elle devrait nous donner la sensation d'un plan qui s'^leve 120 L'ARONAUTIQUE r o graduellement, c'est que les effets de la perspective, dontnotre ceil a appris a tenir compte, corrigent la sensation visuelle. Ce qui le prouve, c'est que sur mer, ou tout objet de comparaison manque, nous voyons tres nettement Timmense plaine liquide s'elever autour de nous, toujours a la hauteur de 1'oeil qui re- garde. Du rivage meme, un navire dont la masse est suffisante pour cacher 1'horizon, nous parait place sur une hauteur. Supposons maintenant Tobservateur place a une altitude quel- conque au-dessus du sol. Soil A la position de Toeil sur la verticale OA de Tobservateur (fig. 48), B un des points qui limitent 1'horizon (abstrac- tion faite des effets dus a la refrac- tion des rayons lumineux par Tat- mosphere). Appelons ,3 la depression vraie, c'est-a-dire Tangle H'AB que fait Thorizontale AH' de Teeil avec la droite AB, et designons par R le rayon CO de la terre, par h la distance AO de Tceil au sol. La droite AB etant necessairement tangente a la sphere terrestre au point B, le triangle ABC, rec- tangle en B, donne, en remarquant que Tangle ACB = , la rela- tion d'ou Fig. ou, a tres peu pres, Afetant tres petit par rapport au diametre 2 R du globe terrestre, te P _ i r* lg 2 ~ V 2R ' ou encore, plus simplement, (40) LES MERVEILLES DE I/ATMOSPHERE 121 formule quimontre q\i& la depression vraie augmente proportion* nellement a la ratine carree de la hauteur. Or R = 6.311.000 metres environ. Des lors, pour h = 969 metres, on aura [3=1 a peu pres ; pour une hauteur quadruple, soil h = 3.816 metres, on aura (3 = 2; pour une hauteur neuf fois plus grande, soil h = 8.721 metres, on aura ,3 = 3, etc. Avec des angles si faibles 1'horizon paraitra, evidemment, s'elever toujours a la hauteur de 1'oeil. Quant aux effets de perspective, 1'experience montre qu'en 1'air, a partir de 1.000 metres d'altitude environ, il n'y a plus depreciation exacte de la distance ou des dimensions reelles des objets : une foret parait un champ de pommes de terre, un fleuve parait un ruisseau. Ces eflets ne peuvent done pas eor- riger, pour ces altitudes, la sensation visuelle. II arrive m6me qu'a ces hauteurs, la surface du sol prenantune teinte uniforme- ment grise ou bleuatre, tous les points de cette surface, aussi bien ceux qui sont directement au-dessous du ballon que ceux qui sont a 1'horizon, semblent tous a egale distance de 1'aero- naute, qui apercoit ainsi la cuvette des aeronautes sous la forme d une coupe a tres peu pres hemispherique. Si le ballon est au-dessus de la mer, le phenomene de la cu- vette n'est plus seulement curieux, il devient admirable. En ge- neral, les bords de la cuvette brillent au soleil, 1'eau diffusant en tous sens les rayons de la lumiere qu'elle rec.oit; au-dessous, la mer est sombre, et cependant illumine~e dans ses profondeurs, en ce sens que Yon pent apercevoir le fond par 30, 40 et meme 10 metres, selon le plus ou moins de limpidite de 1'eau. Dans la direction perpendiculaire, en effet, les brusques reflexions et re- fractions de lumiere qui, dans les conditions ou Ton cherched'or- dinaire a observer le fond, troublent la vue, sont ecartes : les rayons de lumiere qui viennent du fond arrivent a Tobservateur avec leur intensite primitive. On s'est meme servi deja de ce phenomene pour explorer le fond de la mer a 1'aide des ballons. Ainsi; il y a quelques mois, aux environs de Toulon, on a pu id 122 I/AfiRONAUTIQUE retrouver par ce precede la coque d'un torpilleur coule peu aupa- ravant, et dont on cherchail vainement la place depuis plusieurs jours. La refraction atmospherique, contrairement a une opinion assez repandue, n'inlervient dans le phenomene de la cuvette aeronautique que d'une facon tout a fait secondaire : On sait, en effet, que par suite du pouvoir refringent de Fair, pouvoir qui augmente avec la densite des couches d'air, tout , M . rayon lumineux provenant d'une etoile ou d'un point quelconque place a une certaine hauteur decrit une trajectoire legere- Av -zi // - : ment curviligne telle que AM / : (fig. 49), dont la concavite est, '////////iff///////////?/////// en general, tournee du cote du [Fig. 49. sol, de sorte que, pour 1'obser- vateur place a terre, le point M qu'il regarde lui apparait en M', la droite AM 7 elant tangente a la courbe AM. Dans ces conditions, le point regarde parait plus releve au-dessus de 1'horizon qu'il ne Test reelleraent, et cela d'autant plus que ce point en est plus rapproche, les points situes au zenith apparaissant seuls dans leur veritable position. Supposons maintenantl'observateur a la place du point lumineux, c'est-a-dire place en M et regardant un- point A du sol : il verra ce point dans la direction MA', tangente a la courbe AM au point M, c'est-a-dire que ce point lui paraitra releve, et d'autant plus qu'il sera plus rapproche de 1'horizon. II en sera de merae de tous points situes a 1'horizon de la nouvelle position M de 1'observa- teur tous paraitront releves, les points situes a son zenith ou aux environs de son nadir etant, seuls, vus dans leur veritable posi- tion. Mais il ne faut pas oublier que m6me, a 1'horizon, la refrac- tion atmospherique, dans les conditions normales, releve a peine de - degre les points que Ton regarde. Si done la refraction atmospherique amplifie le phenomene de LES MERVEILLES DE I/ATMOSPHERE 123 la cuvette des aeronautes, ce n'est que dans des limites tres restreintes. D'ailleurs, 1'exaclitude de la theorie precedente est prouvee par ce fait qu'au bout d'un certain nombre d'ascensions, en raison de 1'education de Tcei!, cette illusion d'optique cesse de se produire. Le phenomene de diffraction appele aureole des aeronautes, cou- Fig. 50. Aureole des aeronautes. ronnes anti-solaires, et qui s'accompagne d'ordinaire d'un autre, le spectre des aeronautes, est, aussi, un de ceux qui emerveillent le plus les debutants : A un moment donne, 1'ombre du ballon sur les nuages, ainsi que celle des aeronautes, parait entouree d'un certain nombre de couronnes irisees et concentriques, ou Ton distingue les sept couleurs du spectre : violet, indigo, bleu, vert, jaune, orange, rouge, le violet etant interieur et le rouge exterieur (fig. 50). Observe de tout temps au sommet du Brocken, la description exacte de ce phenomene a ete faite, pour la premiere fois, par 124 L'AERONAUTIQUE Bouguer, qui eut Toccasion de 1'etudier pendant son voyage dans 1'Amerique du Sud : La premiere fois que nous le remarquames, dit-il, nous etions tous ensemble sur une montagne, nommee Cambamarca. Un nuage dans lequel nous etions plonges, et qui se dissipa, nous laissa voir le soleil qui se levait et qui etait Ires eclatant ; le nuage passa de Tautre cote : il n'etait pas a trente pas, lorsque chacun denous vit son ombre projetee dessus et ne voyait que lasienne, parce que le nuage n'offrait pas une surface unie. Le peu de distance permettait de distinguer toutes les parties de 1'ombre : on voyait les bras, les jambes, la te" te ; mais ce qui nous e" tonna, c'est que cette derniere parlie etait ornee d'une^/ozVe ou aureole formee de trois ou quatre petites couronnes concentriques d'une couleur tres vive, chacune avec les me'mes varietes que le premier arc-en-ciel : le rouge etait en dehors. Les intervalles entre ces cercles etaienl egaux : le dernier cercle etait plus faible ; et, enfin, a une grande distance, nous voyions un grand cercleblanc qui environnait le tout. C'est comme une espece d'apolheose pour chaque spectateur ; et je ne dois pas manquer d'avertir que chacun jouit tranquillement du plaisir sensible de se voir orne de toutes ces couronnes, sans rien apercevoir de celles de ses voisins... Ordinairement le dia- n metre du premier iris etait d'environ 5 -^ , du suivant d'envi- ron 11, de 1'autre de 17, et ainsi de suite ; celui du cercleblanc etait 67. II ressort de celte description que c'est en tournant le dos au soleil que le voyageur apercevra 1'aureole des aeronautes. Pour qu'elle se manifeste, il faut non pas une pluie, mais un nuage forme de goultelettes d'eauexessivement fines, dontle diametre, d'apres Mascart, varie entre 6 milliemes et34 milliemes de milli- metre au plus. Quant au grand cercle blanc vu par Bouguer, et qu'on appelle encore cercle d'Ulloa ou arc-en-ciel blanc, on est d'accord pour le considerer comme un veritable arc-en-ciel dont les couleurs sont tres pales, et, d'ailleurs, on l'aper(;oit rarement. W. de Fonvielle a parfaitement demerit, dans son Manuel pra- LES MERVEILLES DE L ATMOSPHERE 125 tique de V Aeronaute, 1'aureole des aeronautes, ainsi que 1'ombre qui 1'accompagne : ISombre du ballon et des aeronautes est limitee, dit-il,par des rayons qui, venant du soleil, sont paralleles : c'est done une sur- face cylindrique ayant pour base la courbe de contact du ballon, de la nacelle et des objets qu'elle renferme (y compris les voya- geurs), avec des generatrices de m6me direction. La silhouette que Ton voit surle nuage est 1'intersection de cette ombre avecle plan reflechissant produit par les nuees : c'est done une figure dont les dimensions lineaires sontinvariables. A mesure que Ton s'eloigne du nuage, on la voit necessairement diminuer de dia- metre angulaire et, par suite, se rapetisser de plus en plus aux yeux de 1'observateur, tandis qu'elle augmente ou, du moins, semble augmenter a mesure que Ton s'en rapproche. II n'en est pas de meme de Yaure'ole : le diametre apparent des anneaux irises qui la forment etant invariable, elle conserve toujours la meme grandeur apparente, seulement son eclat, qui diminue quand on s'eloigne, augraente quand on se rapproche du nuage. C'est quand le nuage est tres voisin, que le spectacle est admirable : 1'ombre, etant immense, deborde du cadre lumineux que forme 1'aureole, on n'apercoit plus dans 1'interieur que le fantome de la nacelle. Le voyageur aerien a devanl lui un sosie qui repele tous ses mouvements. II ne faut pas confondre le phenomene de Taureole avec celui de Varc-en-ciel ou iris. Ge dernier, qui consiste en une bande d'apparence circulaire, dans la largeur de laquelle sont distri- butes les couleurs du spectre, le rouge au dehors, est du a la reflexion et a la decomposition des rayons de lumiere a Tinterieur des gouttes d'eau, de dimensions relativement considerables, qui forment les nuages de pluie. Seulement, tandis qu'a terre on n'apercoit qu'une parlie peu considerable de 1'arc-en-ciel et des arcs surnumeraires qui souvent Taccompagnent (130 a peu pres), en ballon, il peut arriver qu'on aper^oive les cercles irises a peu pres complets. 126 L/AfiRONAUTIQUE De meme on peut, en ballon, observer mieux qu'a terre, les halos et tous les phenomenes qui sont dus, comme 1'avait devine Mariotte, a la presence, dans Fair, de petites aiguilles de glace qui y flottent ou descendent tres lentement a cause de leur faible masse. Ces nuages a glace ont ete maintes fois, d'ailleurs, Fig. 51 Mirage superieur en ballon. observes par les aeronautes, comme on le verra plus loin (Chap. X). Les nuages peuvent aussi donner lieu a d'autres phenomenes curieux, particulierement a des phenomenes de mirage. (Test, en effet, en ballon que Ton peut apercevoir le plus fre- quemment, non seulement le mirage inferieur decrit par Monge, mais encore le mirage superieur et le mirage lateral. Dans le premier et dans le deuxieme cas, 1'aeronaute voit le ballon ettous les objets qu'il renferme comme reflechis par une masse d'eau LES MERVEILLES DE LATMOSPHERE 127 tranquille situee soil au-dessous, soit au-dessus de lui. Ainsi la figure 51 monlre un cas Ires elrange qui s'est produil sur le bord de la mer : les aeronautes ont pu voir les vaisseaux ren- verses naviguant dans le ciel au-dessus du ballon. Dans le casdu mirage lateral, lout se passera corame si 1'aero- Fig. 52. Anneau volant. naute avail dans son voisinage un immense miroir vertical : le ballon et les objels qu'il renferme, voyageurs compris, possede alors un sosie qui 1'accompagne dans tous ses mouvements. On distingue facilement ce phenomene du phenomene de V ombre du ballon sur les nuages, dont nous avons parle a propos de 1'au- reole, en ce que les dimensions de ce sosie restent invariables. D'autres phenomenes, non moins curieux que les precSdenls, sont dus soit aux nuages, soit a la presence de la vapeur d'eau en gouttelettes plus ou moins fines dans 1'air. S'il est plonge au milieu d'uri nuage de faible epaisseur, il sem- 128 I/AfiRONAUTIQUE blera a 1'aeronaute qu'il se trouve au centre (Tune sorte d'an- neau volant lui permettant de ne voir la terre que par-dessous, le ciel par-dessus (fig. 52). Si I'Spaisseur du nuage devient plus considerable, terre et ciel disparaitront : il se trouvera alors comme dans une immense cathedrale dont le sol, les colonnes et Fig. 53. Voute de nuages. la nef sont formes par les masses aqueuses et flottantes qui 1'en- vironnent de toutes parts (fig. 53). Si, dans les heures du milieu de la journee, Fair est humide et que le ballon nage dans un air homogene, la cuvette des ae"ro- nautes ne se formera pas a Fhorizon, mais dans des regions plus voisines. L'ae>onaute sera alors dans un veritable puits, qui lui montrera le ciel seulement par le haul, tandis que dans toutes les autres directions, son rayon visuel sera completement arrSte. Pour terminer, disons qu'en ballon, on peut encore observer certains phenomenes acoustiques d'un grand interest. LES MERVEILLES DE LATMOSPHERE 129 C'est ainsi qu'on peut constater facilement, en ballon, la ten- dance qua le son a monter, propriete qui provient de ce que la vitesse du son, par suite du refroidissement graduel de 1'air, diminue avec la hauteur. Glaisher a entendu, a une hauteur de 3.000 metres, Taboiement d'un chien, le sifflet d'une locomotive Ce dernier put mSme tre entendu, un jour que 1'atmosphere etait entierement humide, a une hauteur de 6.500 metres. Dans la meme ascension, Glaisher entendit le vent gemir sous lui, a 3.000 metres de hauteur (juin 1862). Au mois de mai de la meTne annee le sourd murmure de Londres s'entendait a 5.000 metres de hauteur. II est vrai qu'un autre jour les cris de plusieurs mil- liers de personnes ne furent plus perceptibles au-dessus de 1.500 metres. Nombre d'aeronautes ont observe des phenomenes analogues. Ainsi G. Flammarion a constate que, tandis qu'il entendait une voix qui lui parlait a 500 metres au-dessous de lui, la sienne avail cesse d'etre perceptible a 100 metres au-dessus, les ondes sonores quand elles descendent, eprouvant une veritable reflexion a la surface des couches d'air plus chaudes qu'elles ren- contrent. Le phenomene de reflexion totale du son qui a lieu lorsque les ondes sonores rencontrent la surface de Teau, d'un 6tang, d'une riviere, etc., permet d'observer de remarquables echos. Lachambre en a tire parti, dans une de ses ascensions, pour cal- culer sa hauteur et controler les indications de son barometre : mesurons, en effet, a Taide d'une montre a secondes, le temps t ecoule entre la production du son et son retour par reflexion, la vitesse moyenne du son etant de 340 metres a la seconde, la formule h == ilOf, (41) permettra de calculer la hauteur h de l'ae>ostat en metres. II. Le depart lent produit chez le spectateur une emotion 17 130 I/AfiRONAUTIQUE coraplexe de plaisir, de regret et de crainte : le plaisir que procure le rare et le majestueux ; le regret de n'etre point soi-m6me acteur dans la scene ; la crainte inspiree par le sentiment du mysterieux, surtout chez les personnes depourvues de notions scientifiques. Le depart rapide produit une commotion plutot qu'une emotion : il arrache le cri de la compassion et de la terreur. Le sentiment du danger imminent et extraordinaire que semblent courir les aeronautes 1'emporte sur toute autre consideration, du moins pen- dant les premiers instants, jusqu'a ce que la reflexion ait remis les choses au point. Chez 1'aeronaute, le depart occasionne aussi des emotions diverses suivant son degre de vitesse ; mais que ce depart soil majestueux ouprecipite, c'est toujours pour le nautonier aerien un moment sublime. II semble rester immobile, supporte dans le vide par des ailes mysterieuses. S'il monte lentement, c'est la terre qui s'eloigne de lui comme un beau rivage s'eloigne du matelot, jusqu'a ce que tout ce qui est a sa surface ait pris des proportions diminutives. Lechangementgraduel, incessant et relativement ra- pide de la dimension des objets fait croire a un enchantement. On songe, malgre soi, aux baguettes magiques et aux pays des fees. Si I'aerostats'eleve avec unegrande vitesse, les villes, leshommes, les bruits, tout semble s'engloutir au-dessous de Taeronaute. Lui seul, dans un silence de mort, paraitsurvivre, apres un effroyable cataclysme, sauve comme par miracle, profondement etonne de planer au-dessus du gouffre. L'emotion est indicible (Malfroy). Elle redouble si un vent violent emporte le ballon : alors la course folle des sillons, la danse des vallons verts et des collines chauves, le defile rapide des villages assis aux bords des eaux, al'ombre des bois, etc... s'ajoutent a I'impression ressentie. Gependant, c'est 1'aerostat qui marche, c'est la terre qui reste immobile, et tous ces spectacles si enivrants ne sont, en somme, qu'une consequence vulgaire des lois du mouvement relatif, et proviennent de ce qu'en ballon, le voyageur n'eprouve aucune sensation de mouvement. IMPRESSIONS DE VOYAGE 131 En ballon, en effet, il n'y a pas meme de vent : des bulles de savon que 1'aeronaute poserait devant lui sur une planchette, y resteraient dans, un etat de repos complet et la flamme d'une bougie n'y vacillerait pas. L'aerostat est exactement dans les memes conditions , par rapport au courant aerien ou il est plonge, qu'une boule de bois qui seraitlestee dans le courant d'un fleuve; cette boule avance, mais ce n'est pas elle qui marche, c'est 1'eau dans laquelle elle est plongee. Par les vents les plus violents, le ballon que vous avez'vu, avant le depart, fouettant 1'air avec fracas de son taffetas encore assez flasque, luttant contre les cordages qui le retiennenta terre, tant6t soulevant les hommes de manosuvre cramponnes a la nacelle et aux cordes d'equateur, tantot repousse contre le sol avec une telle violence qu'il semble vouloir s'y ecraser, ce ballon, une fois libre, part et file dans 1'air sous 1'ouragan, sans contre-heurt, sans secousses, sans os- cillations, sans vibrations. G'est 1'athlete qu'on voulait Her : il etait indomptable dans 1'indignation de s'a force contre tout joug. Le voici libre, il est tranquille (Nadar). Tout au plus, lorsque le ballon s'eleve avec rapidite, sent-on 1'action d'un courant d'air descendant, le phenomene contraire se passant lorsque le ballon descend. II y a cependant des exceptions a cette regie, mais seulement dans des circonstances extraordi- naires, lorsque le ballon se trouve dans une zone ou se produisent des remous violents. Alors 1'aerostat monte, descend, vaa droite, a gauche, comme s'il semblait incertain de sa direction. A une certaine hauteur au-dessus d'une grande ville, rimpression est curieuse. Nous sommesal.500 metres au-dessus de Paris. La capitale et ses environs ne sont plus entierement visibles, car deja de petits brouillards, transparents comme une legere fumee blanche, forment 1'embryon d'une mer de nuages au-dessous de notre nacelle. Le soleil est sans ardeur : il disparait de temps en temps dans la brume. L'intervalle laisse par les nuages nous permet cependant de contempler le paysage lilliputien de la terre. Je dis lilliputien, car je ne puis m'empecher de songer aux voyages 132 L'ARONAUTIQUE de Gulliver, et de croire que, dans notre ile volante, nous sommes les geants de Brobdingnag. Je dirai meme que ce n'est pas sans quelque sentiment de vanite que nous jetons les regards sur les infmiment petits de la planete que nous venons de quitter. Qu'ils sont curieux cesasticots qui fourmillent sur des rubans bleus trans- parents ! Les terriens donnent a ces larves le nom de bateaux et a ces bandes d'6toffe les noras de Seine et de Marne. Et ces chateaux de cartes, ils les ont appetes villages ! Et ces petites plates-bandes de maraichers, ils les nomment forels! Et ces petits filets blancs, il parait que ce sont des routes ! Ces filets verts, des haies vives ! Ces galons bleus ou argentes, des rivieres ! Et ces moucherons qui se meuventau milieu des chateaux de cartes sont des hommes. Ce sont, dit-on, les etres intelligents de la planete. Leur science a decouvert que leur pays etait une boule. Quelle erreur ! II est creux comme une coupe. Et cette grande capitale, on en ferait le tour en peu de minutes ! Et on pourrait allumer son cigare a ce reverbere, dresse dans un jardinet, qui passe pour le plus haut monument de la terre ! Pourtant nous reconnaissons que 1'ensemble du paysage terrestre est d'une delicatesse ravis- sante. C'est une merveilleuse tapisserie aux milliers de dessins divers, ou tous les tons se detachent avec une incroyable nettete. Mais le ballon descend : nous ne sommes plus qu'a 800 metres, qu'apercevons-nous al'horizon? Un gros serpent bleu etalant ses replis sur une ouate floconneuse et cachant sa tete et sa queue dans ce duvet, tin soleil rouge 1'eclaire et ses ecailles chatoyantes refletent les nuances les plus variees. Sa couche elevee est lege- rement irisee. Ma premiere impression est que les terriens ont constat6 avec de puissants telescopes que nous avions 1'air de nous moquer d'eux, et qu'ils ont mis la ce reptile, sur les con- fins de leur pays creux, pour nous effrayer et nous empecher d'y revenir. Heureusement la reflexion delrompe nos sens abuses ; nous reconnaissons la Marne, dormant tranquillement dans son lit, orne de superbes rideaux de nuages mobiles, aux couleurs multiples et changeantes (Malfroy). IMPRESSIONS DE VOYAGE 133 Nous reraontons, nous approchons des nuages. L'airs'epaissit, la terre disparait enlierement au-dessous de nous. On ne voit plus rien. On se trouve plonge au milieu de vapeurs laiteuses. Cependant, peu a peu, la masse s'eclaire, la clarte, uniforme Fig. 54. Lever de lune sur la mer des nuages. d'abord, devient plus vive et plus brillante au z6nith. Tout a coup, la masse des nuages s'enfonce sous la nacelle et le soleil nous envoie ses brulants rayons. Ou sommes-nous, grand Dieu ! Dans la mer des nuages ! une mer d'une sauvage grandeur, d'une immense etendue d6solee, avec des Hots de neige, des icebergs, 134 des rochers de glace, des rivages. L'aureole des aeronautes pro- jette la splendeur de ses arcs-en-ciel concentriques sur les masses floconneuses en mouvement dans le lointain, et le soleil donne al'ensemble des couleurssans cesse renouvelees. II semble que nousallons bientot atteindre les bords feeriques de eel ocean fantastique, et debarquer sur quelque sol enchante. Mais semblables aux rivages des lacs de lumiere des pays chauds, les plages fuient devant nous au moment ou nous croyons nous approcher d'elles (Malfroy). Cette wr des images, qui esl peut-etre le plus beau spectacle que Ton puisse contempler en ballon, defie, en effet, loute com- paraison. Ni les mers de glace, ni les champs de neige des Alpes, dit G. Tissandier, ne donnent une idee de ce plateau de vapeur qui s'etend sous notre nacelle comme un cirque flocon- neux ou des vallees d'argent apparaissent au milieu de mamelons de feu. Ni la mer au soleil couchant, ni les flots de 1'ocean eclaircis par 1'astre du jour au zenith, n'approchent en splendeur de cette armee de cumulus arrondis, qui ont aussi leurs vagues et leurs montagnes d'ecurne, mais qui ont, en plus, une lumiere d'apotheose. Mais la nuit arrive ! Quel silence ! Quelle solitude ! Comme les heures passent ! Quelle est cette lueur qui manifeste dans le lointain et prend des proportions de plus en plus grandes ? C'est la lune qui se leve (fig. 54). Bien etranges sont les sentiments que Ton eprouve a etre suspendu ainsi mysterieusement dans le vide infini, au sein des tenebres et au clair de lune ; indefmissables sont les emotions que Ton ressent en voyant cette boule de soie qui ne tient a rien, errer dans les sentiers sans traces de 1'air. Un jour, Guy de Maupassant confia au papier les impressions qu'il avait eues pendant un voyage de nuit. On se saurait mieux faire que de le citer : La terre n'est plus, la terre est noyee sous des vapeurs lai- teuses qui ressemblent a une mer. Nous sommes seuls maintenant IMPRESSIONS DE VOYAGE 135 avec la lune, dans 1'immensite, et la lune a 1'air d'un ballon qui voyage en face de nous ; et noire ballon qui reluit a Fair d'une lune plus grosse que 1'autre, d'un monde errant au milieu du ciel, au milieu des aslres, dans i'etendue infinie. Nous ne parlons plus, nous ne vivons plus, nous ne pensons plus; nous allons delicieusement inertes, a travers 1'espace. L'air qui nous porte a fait de nous des etresqui luiressemblent, des etres muets, joyeux et fous, grises par cette envolee prodigieuse, estrangement alertes, bien qu'immobiles. On ne sent plus la chair, on ne sent plus pal- piter le coeur, on est devenu quelque chose d'inexprimable, des oiseauxqui n'ont pas meme la peine de battre de 1'aile. Tout souvenir a disparu de nos ames, tout souci a quilte nos pensees, nous n'avons plus de regrets, de projets ni d'esperances. Nous regardons, nous sentons, nous jouissons eperdument de ce voyage fantastique ; rien que la lune et nous dans le ciel ! Nous sommes un monde vagabond, un monde en marche comme nos soBurs les planetes, et ce petit monde porte des hommes qui ont quitte la terre et 1'ont deja presque oubliee. Le silence est presque absolu, solennel. II n'est trouble que par le faible souffle d'une locomotive, paries aboiements affaiblis de quelques chiens qui sentent qu'il y a quelque chose d'anormal dans le systeme general des choses et par le tic tac discordant des mouvements des chronometres de nos enregistrateurs. Nous avons presque froid, car la temperature est basse et nous sommes immobiles ; nous ne nous plaignons point ; nous ne desirons point que le temps aille plus vite ; nous craignons meme que le terme de notre voyage n'arrive trop t6t. Lanuitse termine, cependant ! Deja, depuis quelque temps, se dessine a Thorizon un arc de lumiere, qui impregne 1'atmos- phere de sa blanche clarte. La lune palit et les etoiles disparais- sent les unes apres les autres pour ceder la place a 1'astre du jour. Les pres, les vallees, les rivieres sont converts d'une legere vapeur que le soleil dissipe a ses premiers rayons. Les oiseaux 136 I/AfiRONAUTIQUE chantent et envoient au ciel leurs notes les plus pures. L'azur du firmament devient plus transparent : ce n'est plus la ieinte foncee de la nuit. Deja 1'aurore rougit 1'horizon et le soleil va paraitre ! La clarte augmente toujours et annonce progressivement 1'arrivee de 1'astre. Enfin, le voila qui apparait comme un immense globe rouge pose sur les vapeurs de la campagne ! Le silence succede au gazouillement des oiseaux, le vent cesse de souffler et, pen- dant quelques instants, la nature parait se recueillir comme effrayee par la majeste de 1'astre qui 1'eclaire et la vivifie. Puis, tout reprend plus hardiment, les oiseaux chantent avec plus de vigueur, la brise sefait entendre dans le feuillage, les vapeurs se dissipent, et sous Faction des chauds rayons du soleil, riotre ballon bondit de nouveau dansl'espace (M. Farman). CHAPITRE VI L'EMPLOI DESCOURANTS AERIENS Les ballons etaient a peine inventes que Ton chercha a les diriger dans 1'air. Les moyens que Ton a proposes successivement pour arriver a ce r6sultat peuvent se require a deux : la naviga- tion par I' utilisation des courants aeriens et la navigation par un propulseur, Ce Chapitre et le Chapltre suivant vont 6tre consacres a Tetude des tentatives faites dans ces deux sens. T. L'idee de la navigation ae>ienne par 1'emploi des courants atmospheriques est due a Pilatre de Rozier. Elle esl forlement appuyee par ce fait que la direction des courants d'air en un mSme endroitn'estgeneralement pas la m6me suivant la hauteur a laquelle on se place au-dessusdu sol. II y a longtemps que Ton a observe que les nuageschassentsoz/yen/dans un sens contraire a celui du vent regnant a la surface. On sait que les brises de terre et les brises de mer, lesquelles alternent reguliereraent le soir et le matin, coexistent a une hauteur assez faible, etque les montagnes, pendant la belle saison, produisent des brises ana- logues. Lorsque le vent vient du nord, et que la pression, au lieu d'augmenter, reste basse, il est permis d'augurer que le phe"no- mene tient a la presence d'un vent du sud, regnant dans les hautes regions de {'atmosphere. Le me"me raisonnement peut s'appliquer dans le cas inverse, c'est-a-dire lorsque le vent sud regne a terre par de fortes pressions. Si done un vent n'est pas 138 I/AfiRONAUTIQUE favorable a la direction que Ton desire prendre, il est possible souvent, en s'61evant plus ou moins haul, de trouver un courant se rapprochant de cette direction. Les indications du Bureau central Meteorologique peuvent, aussi, rendre quelques services. Quoi qu'il en soil, c'est a 1'aide d'un courant aerien favorable que Blanchard et Jeffries, des le 7 Janvier 1785, ont pu traverser la Manche, de Douvres a Calais, quoiqu'ils n'eussent emporte que 30 livres de lest, imprudence qui faillit, d'ailleurs, leur couter cher, car c'est par miracle qu'ils purent atterrir. Mais, dans cette traversee restee justementcelebre, un seulet unique courant aerien fut utilise. II n'en fut pas de mSme dans lafameuse ascension du Neptune, le 16 aout 1868, a Calais, ascen- sion qui est peut-elre, au point de vue de 1'utilisation des cou- rants aeriens, une des plus remarquables que Ton puisse citer. Grace a 1'existence de deux courants superposes, 1'un dirige du N.-E. au S.-O., depuis la surface jusqu'a 600 metres de hauteur, 1'autre, du S.-O auN.-E., a partir de 600 metres, Duruof et G. Tissandier, partant de Calais d'abord, puis. d'un lieu situe aux environs du cap Gris-Nez, purent s'avancer successivement deux fois sur la mer du Nord, a 27 kilometres du rivage, et retourner chaque fois a leurs points de depart. II n'est nullement prouve, cependant qu'en un point quel- conque du globe les courants aeriens possedent toujours, a des altitudes differentes, des directions opposees ou simplement obliques. Si 1'experience, montre qu'il y a parfois dans 1'atmos- phere des courants superposes, elle montre aussi qu'assez fre- quemment il n'y en a pas, au moins dans les limites actuel- lement possibles des ascensions aeronautiques. Ainsi, dans une ascension faite a la Villette, G. Tissandier s'est eleve jusqu'a 2.000 metres sans rencontrer, pendant deux heures et demie, un courant aerien capable de lui faire traverser Paris, et a du redescendre a Clichy. Pour la meme raison, si Ton a reussi assez souvent, depuis Blanchard, a franchir le Pas-de-Galais, pour aller d'Angleterre L EMPLOI DBS COURANTS AERIENS 139 en France, il a fallu altendre jusqu'en 1883 pour voir le trajet inverse effectue, malgre eux, d'ailleurs, par Morlan et de Costa, et ce n'est qu'en septembre 1883, apres trois tentatives infruc- tueuses, que Lhoste, en se servant des courants aeriens, a pu franchir la Manche, en partant de Boulogne : 11 quitta Boulogne, pousse par un vent d'est; a 1.000 metres, il renconlra un vent sud, et resta en 1 'air jusqu'a la nuit. Ne sachant, ; - Beufoq MANCHE Fig. 55. Traversee de la Manche, par Lhoste. a cause de la brume, ou il etait, il descendit jusqu'a 400 metres ouil futrepris par le courant est. II remonla alors a 1.600 metres, oil il rencontra un courant sud-ouest. Redescendant encore une fois sur la mer, il apergut les phares de Douvres et eut la chance heureuse de rencontrer a ce moment un courant est, qui le con- duisit vers la terre. II franchit la c6te anglaise, a une altitude dc 300 metres, et atterrit a 2 kilometres de New-Rommay (fig. 55). Ainsi, pendant toute la duree de ce p6rilleux trajet, pres de terre, soufflait un vent d'est; vers 1.000 metres, un vent du sud- ouest. On peut objecter que Ton decouvrira un jour les lois du regime 140 L AfiRONAUTIQUE des vents dans toutes les saisons et a toutes les altitudes et qu'a- lors on pourra se rendre en ballon d'un point a un autre en lou- voyant, la manreuvre se reduisant, en fin de compte, a monter ou a descendre. Mais 1'echec de Texpedition Antfree, dans la cam- pagne de 1896, montre qu'on ne peut meme pas, actuellement, compter sur les resultats que donnent des observations prolon- gees, au moins pour les vents voisins de la surface du sol : les vents du sud qu'attendait le hardi voyageur pour s'elancer vers le Pole Nord et, qui, au Spitzberg, auraient du souffler au moins un jour sur trois pendant le mois de juillet, out, cette annee-la justeraent, brille par leur absence. La navigation en ballon libre au moyen des couranls aeriens ne peut done pas, pour le moment, etre considered comme un moyen a peu pres sur de se diriger dans les airs. 11. D'ailleurs, la condition primordiale de 1'emploi des cou- rants aeriens est, evidemment, la possibilite de faire monter ou descendre 1'aerostat pendant une periode de temps determine, sans etre force d'atterrir. Or, comme on 1'a vu plus haul (Chap. 1), pour faire monter le ballon, il faut depenser du lest ; pour le faire descendre, il faut depenser du gaz et, en m6me temps, du lest. Si, une fois dans une zone favorable, on se contenle de suivre le lit du vent, arrivent les influences accidentelles, qui font tou- jours depenser du lest ou perdre du gaz. Gette faron de naviguer est done eminemment vicieuse : priver le ballon a la fois de son lest et de son gaz, est une methode absurde, que Pesce qualifie spirituellement de mctkode de la double saignee. Par suite de cette fac.on de proceder, les plus longues ascensions exScutees jusqu'a nos jours n'ont pas depasse une duree de vingt-quatre heures. Ainsi, 1'ascension du Zenith, de Paris a Arcachon, dont il a ete question au Chapitre IV, n'apas dure plus de vingt-deux heures, et c'cst pour la premiere fois que, dans les derniers jours d'octobre 1891, deux aeronautes, Surcouf et Godard, ont pu se vanter d'etre restes vingt-quatre L EMPLOI DES COURANTS AERIENS 141 heures en ballon libre, sans atterrir un seul instant, au-dessus des vastes plaines de I'Allemagne du Nord, qu'ils ont parcourues, dans ces conditions, sur une longueur de plus de 1.600 kilo- metres. Un moyen, cependanl, se presente immedialemenl a 1'esprit pour supprimer, au raoins, la perte de gaz : termer completemenl le ballon. Mais, avec les enveloppes actuelles, le ballon eclaterait a quelques centaines de metres en Tair, des que 1'exces de pres- sion du gaz exterieur sur le gaz inlerieur serait seulement de 5 p. 100 de la pression almospherique. On a propose, il est vrai, des buttons ferme's en aluminium, dont la paroi presenlerail une resistance de 16 kilogrammes par millimetre carre. Mais 1'ex- perience des bicyclettes faites de ce metal a montre qu'il est loin de presenter les qualiles voulues : un ballon en aluminium se gondolerait avec la plus deplorable facilile. Pilatre de Rozier, qui avail parfaitement compris les inconve- nients de la methode de la double saignee, avail essaye d'y reme- dier par 1'association de la montgolfiere et du ballon a hydro- gene. 11 est evident que cetait mettre le feu, comme le lui disait Charles, a c6te de lapoudre; mais c'etait aussile moyen de s'ele- ver sans projection de lest, de s'abaisser sans perdre de gaz, et de recommencer avec quelques chances de succes Faventureuse traversee de Blanchard. Malheureusemenl 1'experience de Vaero- montyolfiere se termina par une cataslrophe : le 15 juin 1185, 1'intrepide Pilatre et son infortune camarade Remain venaient se briser a quelques pas de la mer, a Boulogne, non a la suite de 1'incendie de leur ballon, mais tout simplement a la suite de son explosion, Fenveloppe qu'ils avaient choisie n'ayant pas eu une resistance suffisante. Meusnier, des 1784, avail propose, pour supprimer les pertes de gaz et de lest, Temploi de ce qu'on peul appeler le lest d'air. Le ballon concu par le savant officier devait 6tre entierement ferme, el forme d'une double enveloppe : Tinlerieure, Yenveloppe impermeable, en soie vernissee, Ires legere, assez grande pour 142 L'ARONAUTIQUE n'etre jamais completement tendue, a sa partie superieure, par le gaz qu'elle etait destinee a contenir ; Fexterieure, Venveloppe de force, en forte toile, inextensible, impermeable a Fair comprime. L'espace compris entre les deux enveloppes et qu'on laissait assez grand, devait contenir de 1'air que Ton y aurait comprime a 1'aide d'une pompe placee dans la nacelle et avec laquelle la chambre a air ainsi menagee aurait communique par 1'inter- mediaire d'un tuyau fabrique avec la toile de 1'enveloppe de force. Au depart, le ballon interieur ne devait pas etre gonfle com- pletement, et il devait y avoir de 1'air dans la chambre. Quand, en montant, le ballon interieur, d'abord flasque, serait devenu plein et qu'on aurait voulu monter encore, on aurait laisse echapper de la chambre Fair que la tension du gaz contenu dans 1'enveloppe interieure aurait comprime ; cette derniere serait, alors, redevenue flasque. Pour descendre, on aurait simplement comprime 1'air de la chambre a air au moyen de la pompe. Comme, grace a la disposition de 1'enveloppe de force, le volume exte- rieur de 1'aerostat eut ete toujours a peu pres invariable, la poussee de 1'air sur le ballon aurait toujours ete la meme et, par suite, dans le premier cas, le ballon se serait allege, dans le second alourdi. En somme, avec ce systeme, il riy aphis de perte de gaz et le lest devient inutile, ou, plut6t, Vair exterieur sert de lest, et ce lest est inepuisable. Les freres Robert simplifierent 1'invention de Meusnier, en rempla^ant le ballon a double enveloppe par un ballon ordinaire ouvert a sa partie inferieure, contenant un ballonnet compensa- teur, en forte toile, dans lequel on comprimait 1'air exterieur a 1'aidede la pompe installee dans la nacelle. 11s essayerent de s'as- surer des avantages que 1'invention de Meusnier pouvait presenter, dans une ascension faite a Saint-Cloud, le 15 juillet 1784, avec un aerostat ellipsoidal dont il sera parle dans le Chapitre suivant. Mal- heureusement, le ballonnet se detacha, boucha 1'orifice du ballon, et cet essaise serait termine par une catastrophe sans la presence L'EMPLOI DBS COTJRANTS AERIENS 143 d'esprit d'un des voyageurs, le due de Chartres, qui, se servant de son epee comme corde de dechirure, n'hesita pas a eventrer la machine. II est facile de se rendre compte, d'ailleurs, que le ballonnet ne presente qu'a un faible degre les avantages que lui pr6tait Meusnier. Comme le dit Lapointe, en admettant que 1'aerostat soil completement ferme, comme le voulait 1'inventeur, son emploi ne permet que de petites variations de hauteur, et cela parce que 1'usage de 1'air comprime est limite par la resistance du tissu constituant les enveloppes du ballon. Si on laisse ouvert 1'aerostat a sa partie inferieure, ce qui est prudent, les avanlages du ballonnet sont encore plus minces : la compression produite par le gaz sur Fair du ballonnet est insuffisante, il y a perte de gaz quand on comprime 1'airdu ballonnet, et la saignee est simple, voila tout. Aussi, le ballonnet de Meusnier, malgre les perfectionnements proposes par Renard, qui a montre que la pompe n'est pas absolument indispensable, n'est-il pas employe par les aeronautes, au moins en tant que lest d'air. On s'estplutotbien trouve de Yhelice-lcst, dont 1'idee est due a Van Hecke : G'est une helice a axe vertical (comme les helices dont on se sert dans certains sous-marins pour descendre ou monter), en toile, qu'on attache simplement a un des bords de la nacelle, et qu'on actionne soit a bras, soil au moyen d'un moteur de puis- sance relativement faible (fig. 56). En la faisant tourner dans un sens ou dans 1'autre, elle aspire 1'air de bas en haut pour faire descendre le ballon, remplagant ainsi la soupape, ou elle le refoule de haut en bas pour le faire monter, remplagant ainsi le lest. Avec une helice de 2 m ,50 de diametre, a laquelle il imprimait 100 tours par minute, Mallet a pu obtenir un mouvement ascen- dant de 100 metres par minute. Malgre cela, le poids de IMice, la difficulte de trouver un moteur leger et, en m6me temps, assez puissant pour la faire tourner et remplacer le travail musculaire de 1'aeronaute, font 144 L'AERONAUTIQUE que, malgre les services qu'elle paralt pouvoir rendre, elle est, en somme, fort peu employee. E. Aime, s'est, aussi, occupe, dans ces derniers temps, de cette question si delicate de la sustentation prolonged d'un ballon Fig. 56. - Helice-lest. dans 1'air, el propose, pour atleindre ce but, de chauffer le gaz de 1'aerostat par des injections de vapeur d'eau. La thermosphere (c'est le nom qu'il donne a un ballon chauffe ainsi) est un ballon spherique, d'une capacite de 2.500 metres cubes, contenantseulement2. 000 metres cubes d'hydrogene mesu- resalapressionnormale. Elle est done susceptible d'atteindre,avant d'etre completement gonflee et sans perdre de gaz par son orifice inferieure, une altitude d'environ 2000 metres. Cette thermosphere est Iest6e de maniere a ne pouvoir etreenlevee de terre par le seul effort de Thydrogene ; elle esttrop lourde de 10 kilogrammes par exemple. C'est une injection de vapeur produite par un generateur L'EMPLOI DES COURANTS AERIENS 145 Serpollet, qui determine et regie le mouvement ascensionnel : il suffit d'ouvrir, au moment du depart, le robinet qui fait communi- quer un reservoir d'eau avec le generateur pour obtenir instantane- ment le delestage necessaire. La vapeur introduite dans la masse gazeuse de la thermosphere dilate 1'hydrogene, par les calories qu'elle lui cede en se refroidissant et, de plus, en augmente le volume en raison de la place qu'elle occupe elle-meme sous la tension qu'elle possede a la temperature finale du melange sature : ainsi, le calcul montre qu'il suffit d'elever la temperature dn milieu thermospherique de 1 a 2 degres au-dessus de la tempe- rature de 1'air ambiant pour creer, avec une faible depense de combustible, une force ascensionnelle de 10 a 20 kilogrammes. L'aeronaute dispose done ainsi d'une force ascensionnelle qu'il peut faire varier a son gr6, en cours de route, pour se maintenir en equilibre, s'elever jusqu'a 2.000 metres, ou meme descendre dans le voisinage du sol. Des que le point de rosee est atteint, 1'eau condensee se depose sur les parois interieures et ruisselle jusqu'a un collecteur d'ou un tube de caoutchouc le ramene au reservoir place dans la nacelle. Elle passe de la dans le gene- rateur, et ainsi de suite. En reglant convenablement le robinet d'alimentation et la flamme du bruleur, on pourrait, avec ce precede, voyager jusqu'a complet epuisement de la provision de petrole. Si Ton avait soin de se ravitailler a terre en temps voulu, le trajet pourrait meme devenir indefini. Pesce, de son cote, reprenant une idee deja ancienne, a pro- pose de placer a 1'interieur du ballon, qui serait completement ferme, uii ballonnet-reyulateur, a 1'interieur duquel on enverrait le trop-plein de gaz. Ce ballonnet-regulateur, en soie tres resistante, serait rempli, au depart, de gaz a la pression atmosplierique. Des le depart ou des que le ballon serait plein, s'il partait flasque, on comprime- rait le gaz a 1'interieur du ballonnet, a 1'aide d'une pompe. Un robinet de detente (qu'on commanderait a la main ou a 1'aide d'un 19 146 L'AfiRONAUTIQUE petit servo-moteur electrique relie a un manometre, et merae automalique) permettrait de regler convenableraent la manoeuvre. II est evident qu'apres avoir sacrifie le poids de lest necessaire pour s'elever de quelques centaines de metres, on pourrait se maintenir en Fair, par ce moyen, presque indefiniment. II est clair qu'en reglant convenablement le volume du ballonnet, tout au plus arriverajt-on a y avoir du gaz comprime a 4 ou 5 atmospheres. La difficulte est de trouver une soie assez resistante. II ne faut pas songer, en effet a un ballonnet metallique, a cause de son poids, ou il faudrait le faire de petite capacite, et on arriverait alors a etre force d'y comprimer le gaz du ballon a 30 ou 40 atmospheres, ce qui exigerait 1'emploi de puissantes pompes de compression. Mais la thermosphere n'existe qu'a 1'etat de prqjet; la soie resis- tante de M. Pesce n'est pas encore trouvee et, le fut-elle, quo ce systeme devrait encore etre soumis au conlrole de 1'experience. Enfin, 1'emploi d'un moteur a charbon ou a petrole, malgre 1'exemple donne par Giffard (Chap. VII) n'inspirera encore pen- dant longlemps qu'une mediocre confiance aux aeronautes. Actuellement, pour obtenir une sustentation dans 1'air un pen prolongee, on en est reduit a 1'emploi du guide-rope. Le guide-rope, d'apres la theorie qui en a ete faite plus haut (Chap. I), attenue, en effet, fortement les pertes de gaz et de lest et, pendant la nuit et par un temps brumeux, il donne aussi la direction du ballon. C'est grace a lui que Mallet a pu effectuer, avec un arret assez prolonge", il est vrai, une ascension de 36 heures, de Paris en Allemagne. Seulement, il faut qu'un vent favorable et d'une vitesse convenable favorise Taeronaute. De plus, son emploi presente de serieux inconv6nients : d'abord la hauteur d'une ascension se trouve limitee a quelques centaines de metres au plus, a moins que Ton ne dispose d'une reserve de lest suffisante pour enlever completement le guide-rope au-des- sus du sol ; ensuite, le trainage de cette corde sur un terrain accidente, ou elle peut s'enrouler autour d'un arbre ou d'un rocher, peut, evidemment, tlevenir dangereux. L'EMPLOI DES COURANTS AERIENS 147 148 I/AfiRONAUTIQUE III. C'est en guide-ropant, comme disent les aeronautes, qu'Andree, reprenant une idee de Sivel, est parti, le 11 juillet 1897, a la conquele du Pole Nord. Son ballon I 'Aigle (fig. 57), construit a Paris, par Lachambre, d'un tonnage d'environ 4.500 metres cubes et d'a peii pres 20 metres de diametre, etait a double enveloppe en ponghee au- dessous de 1'equateur, a triple au-dessus. Gonfle a 1'hydrogene, il pouvait porter trois voyageurs avec des approvisionnements pour quatre mois ; son impermeabilite etait suffisante pour lui permettre de rester de vingt a trente jours en Tair. La descente devait s'executer avec une corde de dechirure, 1'aerostat n'ayant pas de soupape superieure, mais seulement de petites soupapes de manreuvre placees a 1'equateur. Une chemise en soie, d'un poids de 40 kilogrammes, recouvrait lapartie superieure du ballon dans le but d'empficher la neige de s'y accumuler. Une soupape de surete, destinee a conserver le gaz, et pouvant s'ouvrir automa- tiquement sous une pression de 10 millimetres d'eau, fermait la parlie inferieure de 1'appendice. Le poids de 1'enveloppe ne depassait pas 1.000 kilogrammes; celui du filet et des suspentes (qui sont au nombre de 48), 400. La nacelle, completement close, d'une hauteur d'a peu pres 2 metres, etait divisee en deux etages, 1'etage inferieur con- tenant deux couchettes. Avec les accessoires indispensables et ses six cordes de suspension, elle pesait environ 186 kilo- grammes. Elle elait percee de deux ouvertures a la partie infe- rieure : 1'une servant a descendre, a quelques metres au-dessous de la cabine, le rechaud a Talcool sur lequel on fera la cuisine ; par 1'autre, garnie de porcelaine, on pouvait, au besoin, cracker, comme dit spirituellement E. Gautier. Au-dessus du cercle etaient fixes divers objets, notamment le lest, les instruments scien- tifiques, un traineau, etc., sans compter le panier aux vivres. Trois guide-ropes d'un poids total de 1.000 kilogrammes, enduits de vaseline pour mieux glisser, devaient servir a maintenir le ballon a une hauteur de 250 metres au-dessus du sol, c'est-a-dire L'EMPLOI DBS COURANTS A^RIENS 149 en dessous de la region inferieure des nuages, mais en dessus des brouillards de la surface terrestre. L'originalite du projet consistait en ce que cet aerostat etait muni d'une sorte ftappareil de direction, compose d'une voile fixee suivant un des meridiens du ballon, appareil dont Tidee parait due a Lhoste et Mangot, qui 1'auraient essaye dans leur traversee de la Manche, de Cherbourg a Londres, le 29 juillet 1886. II est evi- dent que si un guide-rope est croche dans le m6me meridien que celui ou se trouve fixee la voile, celle-ci n'a aucun effet, et le ballon derive comme a 1'ordinnire dans le lit du vent, mais avec plus de vitesse. Par centre, si le guide-rope occupe une position intermediate, la voile se presentera obliquement au vent, et le ballon, au lieu de suivre le lit du vent, en sera ecarte, sa route pouvant faire avec lui un angle qui , d'apres les expe- riences d'Andree, a une valeur moyenne de 27. En somme, on voit que, dans ce projet, le ballon n'etait pas libre, mais place dans les conditions d'un navire a voile, la resistance de la carene etant remplacee par le trainage des guide-ropes sur le sol ou dans la mer. On a pris, comme point de depart, 1'ile des Danois (fig. 58). C'est la qu'a ete construit le hangar ou le remplissage a ete effectue. Le depart a ete fixe en juillet, parce qu'alors 1'air est suffi- samment clair, et qu'une fois sur trois, pendant ce mois, les vents du sud regnent au Spitzberg. Le soleil qui, a cette epoque, est continuellement a 1'horizon. a du eclairer continuellement la route de 1'aeronaute, ce qui est un grand avantage. Sa presence aura eu encore pour effet de maintenir la temperature du ballon et de 1'air a un chiffre assez egal pour que la force ascension- nelle de 1'aerostat ne puisse subir que des variations minimes. Une circonstance avantageuse pour les aeronautes consiste en ce que le terrain de la banquise, comme 1'a demontrS le der- nier voyage de Nansen, ne presente que des inegalites relative- ment minimes, au moins jusqu'au 89 degre, de sorle que les 150 L'ARONAUTIQUE guide-ropes pourront certainement glisser assez facilement et qu'il n'y a pas a redouter 1'obstacle tres serieux que presenle- rait la rencontre d'une chalne des montagnes. Une seconde cir- constance favorable est qu'il ne se produit jaraais de decharges electriques dangereuses dans les regions polaires. Ajoutons, enfin. qne les pluies y sonl insisrnifiantos, el qu'il Fig. 58. n'y a rien a craindre des tempeles, comparativement rares a cette epoque. Des savants eminents, comrae Berthelot, des aeronautes dis- tingues, comme Lapointe et Surcouf, ont fait, an projet d'An- dree et aux moyens employes pour le realiser, des objections plus ou moins serieuses. Nous ne les releverons pas, sauf une, qui est capitale, a savoir que le regime des vents, aux environs du P6le, est un regime de bourrasques, comme dans 1'Europe centrale. II semble bien que reminent Suedois (fig. 59) n'a pas voulu tenir compte de cette loi, qu'admettent cependant tous les meteorologistes. L EMPLOI DBS COCRANTS AfiRIEXS Aussi, ne manquera-t-on pas de dire, si Andree reussit, que c'est le hasard qui 1'a favorise. Mais n'est-ce pas le hasard qui a favorise Hippalus lorsque cet intrepide marin a affronte le pre- mier les vagues de I'Ocean Indien pour decouvrir la route de 1'Inde la plus courte ? N'est-ce pas le hasard qui a favorise Colomb ? Cependant, Vopinion publique, inquiete a juste litre, croit peu au succes de 1'expedition Andree , et Pesce pre- conise , depuis quelque temps, un mode original, mais qui semble bien peu pratique, de penetration au Pole Nord. II propose, pour cela, d'unir le ballon au sous-marin, le paraly- lique a 1'aveugle. En temps ordinaire, tant que la mer serait libre, le bateau submer- sible naviguerait a fleur d'eau. A 1'approche des banquises, le sous-marin plongerait a une profon- deur suffisante pour pou- voir passer en dessous et n'emergerait qu'une fois la banquise depassee. Ce bateau aurait, dans son chargement, tout le mate- riel voulu pour le gonflemenl d'un ballon de 300 a 400 metres cubes. Ce ballon ne serait, en realite, qu'un simple poste d'obser- vation, maintenu toujours a 1'etat captif et destine a explorer la region, faire les observations necessaires, prendre des vuespho- tographiques, etc. Une fois la region bien exploree, on replierait le materiel aerostatique et, apres avoir determine avec precision la direction du nord et oriente le gyroscope (qui, pres du Pole, doit Fig. 5'J. Andree. 152 L'ARONAUTIQUE necessairement remplacer la boussole) dans cette direction, le sous-marin s'immergerait jusqu'au niveau inferieur de la ban- quise et en franchirait avec precaution 1'etendue. Dans le cas ou 1'ouverture la plus voisine serait trop eloignee, on pourrait choisir un point intermediate pour y faire, a distance, une ouverture, par Texplosion d'une torpille dirigeable. 11 ne faut pas oublier, en effet, que Nansen a demontre que le banquise n'a que quelques metres d'epaisseur. En emergeant dans la nouvelle ouverture, qu'elle fut naturelle ou artificielle, on recommencerait la meme serie d'operations. De proche en proche, par etapes successives, on fmirait, croit fer- mement Pesce, par arriver au point tant desire. CHAPITRE VII LES BALLONS DIRIGEABLES Le Chapitre precedent montre qu'il est absolument indispen- sable, pour resoudre le probleme de la direction des ballons, de pouvoir donner a 1'aerostat une vitesse propre lui permettant de lutter contre le vent et d'en triompher. Examinons done rapide- ment les efforts qui ont ete fails pour resoudre ce difficile pro- bleme. 1. Quelques aeronautes du siecle dernier avaient songe, pour rendre les aerostats dirigeables, a les munir de veritables voiles, comme celles des navires. Mais, quand un ballon depourvu de tout propulseur est en equilibre dans 1'air et se dSplace horizon- taleraent, ou a peu pres, par rapport a la surface du sol, il se trouve, relativement a 1'air ambiant, dans la plus complete immo- bilite : il n'a aucun mouvement qui lui soit propre; ce n'est pas lui qui marche, c'est la masse d'air au milieu de laquelle il est immerge. Des voiles qui, necessairement, font corps avec 1'ae- rostat, ne pourraient lui donner aucun mouvement de translation par rapport a cetle masse d'air. II faut done, pour resoudre le probleme dc la navigation aerienne par les ballons, les munir d'un propulseur convenable, actionne par un molt'iir, qui soit capable de leur donner une vitesse propre, suffisante pour leur permettre de marcher contre le vent. Tout le sysleme deviendra alors un navire veritable ou, comme on dit encore, un aeronef. 154 I/AfiRONAUTIQUE a). Cherchons la valeur que doit avoir cette vitesse propre par rapport a celle du vent. La question qui se pose tout d'abord est celle-ci : peut-on lutter centre le vent, avancer, en donnant au ballon une vitesse inferieure a celle du vent? ou faut-il que celte vitesse soil supe- rieure a celle du vent? En d'autres lermes, peut-on, en lou- voyant, gagner sur le vent avec une vitesse moindre, comme on Fig. 60. peut le faire avec un bateau? A priori, non. car, comme le fait remarquer Lapointe, un bateau, dont une partie est dans 1'eau et 1'autre dans 1'air, n'est pas assimilable a un ballon qui, comme un bateau sous-marin, est entierement plonge dans le fluide qui le porte. D'ailleurs rimpossibilite de louvoyer se deduit aisement du principe suivant, qu'il est impossible de ne pas admeltre comme evident : Pour un ballon diriyeable, le lieu geomelrique des points abor- dables au bout de V unite de temps, est, pour une meme zone d'equi- libre, la circonference decrite d\m point situe sous le vent du point de depart, a une distance de ce point egale a la vitesse du vent dans f unite de temps, avec un rayon egal a la vitesse propre du ballon (qu'on suppose constante, ainsi que celle du vent). Ainsi, P 6tant le point de depart (fig. 60), PP' la vitesse du vent dans Tunite de temps (cette unite de temps etant com- pletement arbitraire, c'est-a-dire pouvant etre une heure ou un nombre quelconque d'heures), P'Q la vitesse propre du ballon LES BALLONS DIRIGEABLES 155 dans la meme unite de temps, la circonference P'Q est le lieu des points abordables au bout de Tunite de temps. Supposons alors la vitesse propre P'Q' du ballon plus petite que la vitesse PP' du vent; posons P'Q = V, PP' = V r La circon- ference abordable au bout de 1'unite de temps aura pour centre P' et pour rayon P'Q = V. Mangle abordable, c'est-a-dire la portion de 1'horizon ouverte a Taerostat (eta Tinterieur de laquelle son chemin pourra etre une courbe quelconque], sera (fig. 61) Tangle TPT,, tangent exterieurement a la circonference abordable et donne par la formule qui montre qu'il est toujours plus petit que 180, puisque, par hypothese, V < V r Quant a la direction du cap, c'est-a-dire la direction qu'il faudra donner au ballon pour aboutir en un point tel que Q, par exemple, elle sera evidemment P'Q, la direction du ballon sur le sol, c'est-a-dire le chemin ros- tat, pour une raison ou une autre, devient flasque, en augmen- tant le volume du ballonnet, a, du meme coup, pour effet de comprimer le gaz et de le forcer a tendre 1'enveloppe, qui con- serve ainsi son in variability de forme. Le calcul permet facilement, d'ailleurs, de determiner les dimensions a donner au ballonnet pour que 1'aeronef, apres 21 162 L'AERONAUTIQUE s'6tre eleve a une hauteur determinee, puisse etre maintenu completement gonfle jusqu'a 1'atterrissage. Soil h la pression de 1'air a celte hauteur, V le volume occupe alors par le gaz aerostatique, h la pression au niveau du sol. Supposons le bal- lon arrive a terre : le gaz, qui s'est contracte depuis le commen- cement de la descente, n'occupe plus, en vertu de la loi de Mariotte, qu'un volume V --. Des lors, si Ton veut que 1'enve- loppe ne devienne pas flasque a 1'atterrissage, il 1'aut que ce volume soit egal au volume V v auquel se trouve reduite la chambre a hydrogene quand le ballonnet contient son volume d'air maximum v. De la la relation qui donne '(44) Reciproquement, v etant donne, la hauteur maxima qu'on pourra atteindre sans craindre que le ballon se deforme, sera donnee par la relation (45) L'allongement du ballon, rinvariabilite de forme donnee a 1'en- veloppe, ne suffisentpas, evidemment, pour reduire a son mini- mum la resistance de 1'aeronef a 1'avancement. II faut encore que la nacelle et le filet, par leur forme et leur disposition, con- courent a celte diminution : c'est a quoi Ton arrive en diminuant autant que possible le nombre des cordages et en donnant a la nacelle elle-m^me une forme allongee. c). La resistance a 1'avancement reduite au minimum, il faut encore, si Ton veut rendre pratique la navigation aerienne, que le dirigeable employe presente toutes les conditions de stabilite possibles au point de vue de la securite des passagers et de la route a suivre. LES BALLONS DIRIGEABLES 163 Dupuy de Lome a, le premier montre, en 1871, que pour qu'un ballon reunisse des conditions de stabilite le rendant habitable, il faut d'abord que le systeme entier de I'a6ronef, ballon-filel- nacelle, forme un tout rigide. Supposons, en efFet, qu'il n'en soil pas ainsi. Chacun des mouvemenls des passagers, en deplagant le centre de gravite de 1'appareil, fait porter 1'eflbrt principal, tantot sur Tune, tantot sur 1'autre des suspentes. II en resulte, d'une part, que chaque suspente peut, a un moment donne, avoir a supporter presque a elle seul le poids total de la nacelle et, par suite, doit avoir une resistance plus grande que si la suspension etait solidarisee ; d'autre part, que les passagers ne peuvent se d6placer sans pro- duire des oscillations desagreables. Abstraction faite, d'ailleurs, de ce genre d'oscillations, il faut encore remarquer que tout changement dans la vitesse du ballon (et ces changements sont inevitables) a pour efFet de provoquer aussi des oscillations, la proue se relevant ou s'abaissant suivant qu'il y a ralentissemenl ou acceleration du mouvement. Conside- rons, quelle que soil la cause qui la produise, une de ces oscilla- tions : quand la proue se releve, le dessous du ballon offre au vent plus de surface a 1'avant, moins de surface a 1'arriere ; en meme temps, le gaz monte vers la proue et la permanence de forme n'est plus assuree. Quand la proue s'abaisse, les m6mes phenomenes se produisent a 1'arriere. Done, quelle que soil la cause des mouvements de tangage du ballon, ces mouvements tendent a s'accentuer, et peuvent devenir dangereux. 11 est vrai que ces oscillations se produiront encore si le systeme forme un tout rigide ; mais alors, comme il conslitue une sorte de bloc de forme invariable et que le centre de gravit6 est toujours au-dessous du point d'applicalion de la force ascensionnelle, elles ne tardent pas a s'amortir d'elles-m6mes. Le principe de la mSthode employee par Dupuy de Lome pour arriver a faire de 1'aeronef un tout rigide, est le suivant : On relic chaque point P de la nacelle (fig. 63), non a un point 164 L'ARONAUTIQUE unique, comme dans les ballons ordinaires, mais a deux points A et B choisis de telle fac,on que la verticale PV du point P soil tou- jours comprise a Tinterieur de Tangle APB. Quand ce systeme APB s'incline pour une cause quelconque, le poids de la nacelle tend simultanement les deux cor- dages AP, BP, et il est evident que le systeme possede, des lors, la meme rigidite que s'il etait forme de barres metalliques soli- Fig- 63. dement rivees a leurs articula- tions. Si P et Q designent deux points places aux extremites de la nacelle, les suspentes exle- rieures, AP et BR constituent ce qu'on appelle le filet porteur, les suspentes interieures AQ et BP constituant ce qu'on appelle le filet des balancines. Ces conditions de stabilite ne sont pas, d'ailleurs, suffisantes. La stabilite de route, c'est-a-dire la stabilite dans la direction, est absolument necessaire pour le probleme dont on poursuit la realisation. Pour 1'obtenir, il faut d'abord eviter les mouvements de t6te a queue : on a vu plus haut comment on y arrive en donnant aux dirigeables une forme dissymetrique. 11 faut ensuite pouvoir maintenir ou modifier a volonte, et par un moyen simple, la direction suivie : c'est ce que Ton obtient, comme dans les bateaux, a 1'aide d'un youvernail. Seulement, comme le gou- vernail serait evidemment impuissant a mainlenir la stabilite de route, si la resistance variait a chaque instant (ce qui serait le cas avec un ballon qui ne se maintiendrait pas completement gonfle), on voit que la permanence de la forme doit Stre consi- d6ree non seulement comme un moyen de diminuer les distances a 1'avancement, mais encore comme un moyen d'assurer la sta- bilite de route. Un autre genre de stabilite encore plus important el, par suite, dont il faut encore se preoccuper, c'est la stabilite verticale. LES BALLONS DIRIGEABLES 165 Le principal obstacle a la stabilite verticale est cause par les ruptures d'equilibre qui, comme on 1'a vu dans le Chapitre pre- cedent, sont, actuelleraent, presque impossibles a eviter. Non seulement, grace a ce defaut commun a tous les ballons, la lon- gueur du voyage est toujours fortement diminuee, mais, de plus, une rupture d'equilibre, si petite qu'elle soil, donne toujours naissance a des mouvements de tangage plus ou raoins desagreables. Supposons, en effet, que cette rupture d'equilibre donne, par exeraple, une vitesse ascendante v au bal- Ion (fig. 64); cette vitesse se composera avec la vitesse V du ballon, et la resistance a Tavancement s'exercera suivant la direction a, ce qui augmentera d'abord, de beaucoup, la resistance et fera naltre, inevitablement, des oscil- lations qui pourront devenir dangereuses avec des ballons tres allonges. Toutefois le calcul montre qu'en augraentant la vitesse propre de 1'aeronef, on ameliorerait de plus en plus sa stabilite dans le plan horizontal. II n'en est pas moins vrai que toute disposition qui empScherait le deplacement suivant la verticale serait tres precieuse. Fio , 65 Enfin, il est evident qu'il faudrait aussi s'ar- ranger de fac,on que la distance qui separe les centres de traction et de resistance B et A de 1'aerostat (ce dernier etant un point place entre le centre de gravite" de Taerostat et son centre de pousse"e. lequel coincide a peu pres avec le centre de gravite du ballon proprement dit) fut nulle ou, au moins, aussi petite que possible. On reduirait ainsi a son minimum 1'efTet que produit le couple de renversement que forment les deux forces de traction et de resistance, couple dont le bras de levier AB (fig. 65) est la distance des points d 'application de ces deux forces, egales et opposees puisque le mouvement de 1'aeronef est suppose uniforme. Malheureusement, 166 I/AfiRONAUTIQUE la difficulte que Ton eprouve a placer 1'arbre del'helice en dehors el au-dessus de la nacelle rend tres difficile 1'execution de cette condition. d}. Examinons, maintenant, la question du raoteur. Les moteurs actuellement en usage peuvent se ramener a trois types principaux : les machines a vapeur, les moteurs d gaz (parmi lesquels les moteurs d pelrole], les machines electriques, (piles, accumulateurs, etc.). Reste a savoir lequel de ces trois types est appele a fournir le moteur, a la fois leger et puissant, que Ton desire. Mais il y a deux facons d'envisager la question de legerete : ou la duree pendant laquelle le travail doit 6tre depense n'importe pas, ou il faut que Ton puisse compter sur un debit de travail de longue duree. Dans le premier cas, il suffira de s'enquerir d'un moteur dont Tunite de puissance soil aussi legere que possible, c'est-a-dire qui donne le plus de chevaux possible, pour le poids le plus petit possible. C'est ce qu'a fait Giffard, en 1832, comme on le verra plus loin. Dans le second cas, et c'est le seul interessant, car un dirigeable doit pouvoir naviguer, pour elre pratique, pendant au moins dix heures consecutives, il faut tenir compte de la provision a em- porter pour faire fonctionner le moteur pendant ce temps : de 1'eau si c'est une machine a vapeur, des liquides convenables si c'est une pile, du petrole si c'est une machine a hybrocarbures. Jl faut alors, non seulement un moteur leger par unite de puissance, mais encore il faut que la depense de 1'unite de travail pendant 1'unite de temps corresponde a une addition de poids aussi faible que possible. L'etude des differentes sortes de machines montre qu'actuelle- ment ce sont les moteurs a petrole qui paraissent presenter le plus d'avantages et, qu'a deTaut, une machine a vapeur vaut encore mieux qu'une machine electrique comme celles qu'ont employe Baumgarten et Wolfert, A. et G. Tissandier, Renard et Krebs. LES BALLONS DIRIGEABLES 167 Cependant ces machines, piles ou accumulateurs ont un immense avanlage : conservant le me"me poids, a Ires peu pres, pendant la duree de 1'ascension, elles aident fortement a la stabilite ver- ticale, tandis que les machines a vapeur ou a gaz s'allegent con- tinuellement. Aussi, n'est-il pas douteux que si Ton trouvait un jour une source d'electricite pouvant fournir une grande somme de travail pour un poids assez faible, par exemple, des accumu- lateurs beaucoup plus legers que ceux que Ton fabrique .actuelle- ment, on reviendrait a ce genre de moteurs. 11. Ce n'cst pas du premier coup que Ton esl arrive a etablir une theorie rationnelle des dirigeables : c'est a la suite d'une longue serie d'efforts souvent incoherents. Ainsi le dirigeable construit en 1784 par les freres Robert, d'apres les idees de Meusnier et de Brisson, ne presentait de re- marquable que sa forme ellip- soi'dale et une nacelle allongee. Le moteur, forme de rames en taffetas, etait plus qu'insuffi- Fig. 66. Dirigeable de Jullieu. sant et ce n'est probablement que grace a son gouvernail que, dans Tascension du 19 sep- tembre 1184, les aeronautes parvinrent a devier do quelques degres de la ligne du vent. Le modele de dirigeable que Jullien, en 1850, fit marcher centre le vent, dans 1'enceinte de THippodrome de Paris, consti- tuait un progres a cause de sa forme en fuseau et de sa dissyme- trie (fig. 66). Les ailes que 1'invenleur avail placees de chaque cote de 1'aerostat, avaient aussi le merite de const! tuer de veri- tables helices; mais le moteur qui les actionnait, un simple mou- vement d'borlogerie, etait evidemment insuffisant. Le grand dirigeable, d'un tonnage de 2.500 metres cubes, que Giffard, encourage par les experiences de Jullien, lanc,a dans les airs, le 25 septembre 1852, etuit loin d'etre sans d^fauts (fig. 67). II nc realisait (comme le rcmarque R. Soreau dans le Bulletin 168 I/AfiRONAUTIQUE de la societe des Ingenieurs civils de France, auquel nous avons fait de norabreux emprunts) ni la permanence de forme, ni la dissymetrie necessaire pour eviter les mouvements de tete a queue, ni la rigidite du systeme, ni la stabilite verticale ; enfin, son construcieur avait eu le tort de le remplir de gaz d'eclai- rage, au lieu d'hydrogene, et de se servir d'une nacelle de forme Fig. 67. Dirigeable de Giffard. ordinaire. En revanche, le moteur, une machine a vapeur a cylindre vertical el a tirage force, etait, pour Tepoque, admirable : non seulement, elle avait ete agencee de maniere a eliminer presque mathematiquement tout danger d'incendie, mais encore, quoique d'une force de 3 chevaux, elle ne pesait que 53 kilo- grammes par cheval, pour une heure de marche. La bielle de cette matiere actionnait, d'ailleurs, a raison de 110 tours par minute, un helice a 3 branches de 3 m ,40 de diametre. Neanmoins, a cause des defauts que nous venons de signaler, le dirigeable de 1'eminent ingenieur ne put atteindre, le 25 sep- tembre 1852, qu'une vitesse propre de 2 m ,50. Lorsque, en 1855, Giffard voulut atteindre une vitesse de 5 metres en augmentant la force de sa machine et Yallongement de son ballon, c'est-a- dire le rapport de la longueur a la hauteur, les mouvements de LES BALLONS DIRIGEABLES 169 tangage devinrenl si violents que son conslrueteur n'echappa que par miracle a la mort. Le dirigeable de Dupuy de Lome (fig. 68), quoique non dissy- metrique, etait bien superieur, comme construction, a ceux de Giffard. Grace a 1'emploi du ballonnet ABC, la rigidit6 de forme etait parfaitement obtenue. La presence de deux filets, le filet Fig. 68. Dirigeable de Dupuy de Lome. porteur et le filet des balancines, assurait la slabilite. La forme allongee de la nacelle, le remplacement de la partie superieure du filet par une simple housse, remplacement qui avail pour con- sequence la suppression du capitonnage du filet, contribuaient grandement a diminuer la resistance a 1'avancement. Enfin, 1'eminent ingenieur avail eu la prevoyance de gonfler son ballon a Thydrogene. Malheureusement, par exces de prudence, peut-etre aussi par le desir de mainlenir autant que possible la stabilile verlicale (car la machine humaine, comme la pile, conserve loujours a pen pres le meme poids) et d'assurcr a ses experiences, ell'cc- 23 170 I/AfiRONAUTIQUE tuees en 1811 et 1872, la plus grande duree possible, Dupuy- de Lome perdit, en partie, 1'avantage de la force ascensionnelle con- siderable que possedait son ballon en employant, pour actionner 1'helice, au lieu d'un moteur a vapeur, une equipe de huit homraes. Le 11 fevrier etle 2 mars 1882, Baumgarten etWolfert essaye- rent, a Charlottenburg, un aerostat allonge, a propulsion elec- trique, qui presentait le caractere parliculier d'etre sans force Fig. 69. Ascension en dirigeable de A. et G. Tissandier. (26 septembre 1884). ascensionnelle au depart, etant muni de deux helices destinees, 1'une a lui assurer un mouvement ascensionnel, 1'autre un mou- vement de propulsion. Les experiences faites ne donnerent aucun resultat. II n'en fut pas de meme des experiences de A. et G. Tissandier. Gomme Baumgarten et Wolferl, A. et G. Tissandier furent seduits par les avantages que presente 1'emploi d'une pile comme source de force motrice au point de vue de Tabsence presque complete de tout danger d'incendie, de la stabilite verticale et de la facilite de la mise en marche (puisqu'un simple commutateur LES BALLONS DIRIGEABLES 171 suffit pour lancer le courant). Apres un premier essai infructueux, le 8 octobre 1883, ils executerent, le 26 septembre 1884, une Ires belle ascension, pendant laquelle, a Irois reprises differentes, (fig. 69) ils lutterent victorieusement centre le vent, dont la vitesse etait d'environ 3 metres a la seconde, avec un dirigeable ^,-* *~ .-- - Fig. 70. Le dirigeable la France dans les airs. qui, d'ailleurs, ne diffe"rait pas essentiellement de ceux de Giffard. Mais, un mois auparavant, le 9 aout 1884, Renard et Krebs, attaches aux ateliers militaires de Chalais-Meudon, avaient ex6- cut6, a 1'aide de leur aeronef la France, un des beaux voyages aeriens qui ont etabli leur reputation. En gros, la France avail la forme d'un enorme cigare ou d'un enorme poisson, marchant le gros bout en avant, en dessous duquel serait suspendue une perissoire servant de nacelle (fig. 7CM. 172 I/AERONAUTIQUE Le tonnage de ce ballon, gonfle a I'hydrogene. etait d'a peu pres 1.864 metres cubes, sa longueur de 50 m ,40, son diametre maximum de 8 m ,40, N La section maitresse (ou maitre-couple) de lacarene, de 55 metres carres de superficie environ, etait placee au tiers de la longueur, apartir de la pointe avant. La meridienne du ballon se composait de deux arcs paraboliques ayant pour axe 1'intersection du maitre-couple avecleplan meridien. La forme dissymetrique adoptee elait conforme aux experiences indiquees plus haul. Elle est, d'ailleurs, celle qu'indique le calcul pour les soiis-marins a grande. ritesse et a t'irant tTcati constant, c'est-a- Fig. 71. Dirigeable de Renard (la France). dire pour les sous-marins qui doivent se mouvoir dans un plan a peu pres horizontal. Le ballon, comme celui de Dupuy de Lome, etait muni d'un ballonnet. Deux tuyaux partant du ballon descendaient dans la nacelle : 1'un destine a remplir d'air le ballonnet au moyen d'un ventilateur; 1'autre servant a assurer une issue a 1'exces de gaz produit par la-dilatation. Une housse, comme dans le ballon de Dupuy de Lome, remplac.ait le filet; mais elle etait formee sim- plement de fuseaux trans versaux, ce qui permettait de la rendre proportionnellement pluslegere que celle employee par Teminent ingenieur. La nacelle etait ratlachee au ballon par des suspentes, legeres et courtes (fig. 71) qui la reliaient presque verticalement a la housse, en dessinant a peu pres deux plans paralleles a 1'axe, disposition qui avail pour effet de diminuer de moitie la resistance LES BALLONS DIRIOEABLES 173 du filet, comparee a celle de celui de Dupuy de Lome, mais qui a pour effet aussi de diminuer la stabilite du systeme, par suite du rapprochement du centre de gravite et dn centre de pouss6e de 1 'aerostat. L'allongement de la France etant tres considerable, le mode de suspension par reseaux triangulaires, indique par Dupuy de Lome, n'etait plus suffisant. Renard et Krebs en imaginerent un autre : au lieu de passer par un meme point nodal, les balan- cines furent groupees en deux faisceaux et venaient s'attacher sur deux traversieres qui, partant des pointes des faisceaux, s'attachaient vers le milieu de la nacelle. Celle-ci e~tait formee de quatre perches rigides de bambou, relives entre elles par des montants transversaux ; sa longueur etait d'environ 33 metres, et sa hauteur au milieu de 2 metres. EHe etait recouverle de soie de Chine tendue sur ses parois, ce qui donnait une resistance bien moindre qu'avec des parois d'osier. Des fenfitres etaient menagees sur les cot6s. Le moteur etait constitue par une machine Gramme, qui ne pesait que 400 kilogrammes pour 8,5 chevaux, et une pile le'gere, tres puissante, que les lecteurs trouveront d6crites dans les Sources d'energie electriqtte, par E. Estaunie : cette pile pouvait donner un cheval-heure par 20 kilogramme de poids a peu pres. Le moteur transmettait son mouvement, par rintermediaire d'un pignon engrenant avec une grande roue, a Tarbre de 1'helice. Get arbre, creux afin d'6tre plus I6ger, d'une longueur de ir metres, etait installe sur des paliers oscillants, maintenus en place par des tendeurs : il y avail ainsi rapprochement des centres de traction et de resistance et, par suite, augmentation de la slabilite verticale. L'helice, formee deux palettes evidees au centre, d'un dia- metre de 7 metres, etait faite de deux tiges de bois reliees entre elles par des lattes convenablement recourbees et recouvertes d'un tissu en soie vernie, aussi tendu que possible. Au lieu de la placer a 1'arriere, comme dans tous les aeronefs precedents, on 174 L'AfiRONAUTIQUE 1'avait place a ravant, ce qui augmente, il est vrai, la resistance au emplacement, mais ce qui facilite, par centre, la manoeuvre, du gouvernail et, parait-il, la bonne tenue du ballon contre le vent, 1'helice mordant ainsi dans un milieu qui n'a pas ete encore trouble par le passage de la ma- chine. L' evaluation du travail neces- saire pour imprimer a 1'aerostat une vitesse donnee avail ete faite de deux manieres : 1 en partant de la Ibrmule generale donnee plus haut et des donnees posees par Dupuy de Lome a propos de la resistance de 1'air, dans ses experiences ; 2 en appliquant la formule admise dans la marine pour passer d'un navire a un autre de forme tres peu differente, et en supposant que, dans le cas du ballon, les travaux sont dans les rapports de densite des deux fluides, air et eau. On arriva ainsi a admettre la necessite d'un tra- vail d'au moins 5 chevaux par seconde pour obtenir une vitesse propre de 8 a 9 metres ; d'ou, en tenant compte du rendement de la machine , un travail electnque sensiblement double, mesure aux bornes de la machine, soit de 12 chevaux. Le gouvernail^ directement fixe a 1'arriere de la nacelle, comme dans les bateaux, differait de ceux employes jusqu'alors, [ A' 7 ~~ A 1 sce ? 8i n n de Renard et Krebs (23 sep- tembre 1885). LES BALLONS DIRIGEABLES 175 et par sa forme et par sa position. II etait fait de deux eloffes de soie, bieri tendues sur un meme cadre, mais tres legerement eloignees 1'une de 1'autre, de fac,on a constituer deux pyramides quadrangulaires, de tres faibles hauteurs, accolees 1'une a 1'autre. Cette forme a pour effet de rendre la resistance de 1'air sur le gouvernail sensiblement perpendiculaire au cadre, tandis qu'avec la forme ordinaire, cette resistance produit, surtout aux grandes vitesses, une concavite plus ou moins accentuee du cote le plus eloigne du ballon, d'ou une resistance oblique qui a pour effet de diminuer 1'action du gouvernail. Le 9 aout 1884, le ballon la France, ayant a son bord ses deux constructeurs, partait des ateliers militaires de Ghalais-Meudon par un temps calme, evoluait avec la plus grande docilile dans le voisinage de 1'etablissement, puis rentrait a Chalais, ou il des- cendait sur la pelouse m6me du depart, malgre les ecueils dont elle est entouree. II avait parcouru 7.600 metres en 20 minutes. Cette experience eut un retentissement considerable, et pro- voqua le plus vif enthousiasme. Ce n'etait cependant qu'une ascen- sion d'essai, dans laquelle les aeronautes n'avaient pas ose employer toute leur force motrice, et s'etaient hates de rentrer au port, desireux simplement de se donner a eux-m6mes la demons- tration pratique qu'ils avaient preparee pour les autres. Les ascensions ulterieures, executees sur de plus longs par- cours et dans des conditions atmospheriques moins favorables, furerit souvent contrariees par des accidents de machine. La derniere, celle du 23 septembre 1885, fut celle qui donna, le plus long parcours et les plus beaux resultats : le ballon partit vent debont et vint jusqu'a Paris, decrivant une courbe ele- gante dont les inflexions regulieres prouvent d'une maniere frap- pante la puissance relative du moteur et la surete de la mano3uvre (fig. 72). Apres avoir franchi les fortifications, il retourna vent arriere a Chalais, qu'il gagna en moins d'un quart d'heure. C'est dans cette ascension que la vitesse moyenne atteignit sa plus grande valeur, soil 6 m ,50. 176 L'AERONAUTIQUE III. Peut-on dire, apres les belles experiences de Chalais- Meudon, que le probleme de la navigation par les ballons est resolu au point de vue pratique ? Non ! D'abord la vitesse maximum de 6 m ,50 obtenue avec la France est evidemment insuffisanie : il faudrait la doubler et, par suite, rendre le moteur huit fois plus leger, toutes choses egales d'ail- leurs, pour pouvoir lutter centre le vent au moins 1 fois sur 10; il faudrait, ensuite, porter au moins a 10 heures la duree du trajet qui, avec la pile legere Renard, aurait pu, tout au plus, etre de 2 heures. Enfin, toutes les tentatives faites depuis les experiences de Renard, a 1'aide de ballons fusiformes et de propulseurs dif- ferant plus ou moins de 1'helice, pour obtenir des vitesses supe- rieures, n'ontpas donne des resultats superieurs a ceux obtenus par Imminent officier. D'ailleurs, on peut se demander si le jour ou on atteindra des vitesses de 10 a 12 metres par seconde, 1'etoffe d'un dirigeable sera assez solide pour resister aux pressions centre lesquelles elle aura a lutter a la moindre deformation, meme quand on provo- querait une surpression interieure par rallongement de 1'appen- dice. En realite, la question n'est pas la. II ne s'agit pas, pour faire entrer victorieusement les dirigeables dans la pratique, de leur donner une vitesse propre de 10 a 11 metres. Pour qu'ils puissent faire, comme un train de chemin de fer, leurs 60 kilometres a 1'heure, c'esta une vitesse propre d'au moins 30 metres qu'il 1'aut arriver, et, dans ces conditions, une enveloppe d'acier ne serail pas de trop pour garantir la securite" des voyageurs. Mais un pareil aerostat, quand meme on le remplirait fthydrogem chimi- quement pur, serait alors plus lourd que fair, c'est-a-dire plus lourd que la masse d'air qu'il deplace, d'ou une nouvelle compli- cation dans la resolution du probleme poursuivi. II est vrai que, comme on le verra dans le chapitre suivant, a inesure que la vitesse augmente, la question de sustentation perd une partie de son importance, la resistance produite par les LES BALLONS DIRIGEABLES 177 grandes vitesses pouvant, en effet, donner lieu, si le ballon est convenablement dispose, a des reactions verticales de has en haul, c'est-a-dire a des composantes de soulevement capables de suppleer a Tinsuffisance de plus en plus marquee de la force ascensionnelle. Mais alors, on arrive fatalement a cette conclusion que, seuls, des appareils plus lourds que Cair fourniront la solu- tion du probleme de la navigation aerienne, 1'Avialion devenant ainsi le prolongement naturel de I'Aerostation. Remarquons, pour finir, que meme si 1'experience deraontrait que les enveloppes telles que celles dont on se sert actuellement pour les ballons peuvent resister aux fortes pressions que fait naitre une vitesse de 10 a 12 metres, le probleme de la navigation aerienne par les dirigeables, m6me restreint dans ces faibles limites, ne serai t pas pour cela resolu. Comme le dit tres bien E. Aime, onne possederajamais, dans un dirigeable, que Yillusion de la direction, tant qu'on n'aura pas trouve un moyen efficace d'empficher la double saignee : on sait combien on en est encore loin. Ge n'est pas a dire, cependant, que les ballons dirigeables soient pour Tinstant, completement inutiles. Ilspourront etre precieux, au contraire, a une arm6e en campagne, a une ville assi^g^e, comme engins d'exploration. Mais, m6me a ce point de vue spe- cial, leur superiorite sur les ballons captifs n'est point encore telle- ment marquee que Ton aitpu les substituer dans ce service. 13 GHAPITRE VIII LES LOIS DE L'AVIATION En 1864, I'aeronaute Nadar (fig. 73), frappe des echecs de toutes les tentatives de navigation aerienne a 1'aide des aerostats, n'hesi- tait pas a publier dans la Presse un manifeste, devenu fameux dans 1'histoire de 1'Aeronau- tique, et qui commenQait par ces mots : ce qui a tue, depuis quatre-vingts ans, tout a fheure qiion la cherche, la direction des ballons, ce sont les ballons. On s'est moque de Nadar, de ses partisans G. de La Lan- delle , Ponton d'Amecourt et Babinet. II faut bien recon- naitre, cependant, que les essais infructueux des Giffard, des Dupuy-de-L6me, des Tissandier et des Renard leur ont donne raison. Fig. 73. Nadar. Depuis ce manifeste , d'ail- leurs, les hommes de science les plus s6rieux, jetant, pour ainsi dire, par-dessus bord, la decou- verte des Montgolfier, au lieu de s'attacher a diriger la vessie flottante de Charles , comme on 1'avait fait jusqu'alors, croyant que la etait la solution (quoique la Nature, qui a cree Toiseau, LES LOIS DE L'AVIATION 179 n'ait jaraais rien fait qui ressemble a un aerostat), ont essay e de faire la conquete de 1'air a 1'aide d'appareils plus lourds que i'air, c'est-a-dire formes, comme les oiseaux (qui ne sont, en somme, que des mecaniques volantes), de parties plus lourdes que I'air. (Test ce probleme qui constitue ce qu'on appelle le Probleme de r Aviation. I. La sustenlation et le raouvement dans 1'air d'un corps plus lourd que lair ne pouvant s'expliquer, comme 1'avait pressenti Leonard de Vinci (Introduction), que par suite de la resistance que ce fluide oppose au mouvement de ce corps, il est clair que toute recherche relative a 1'Aviation doit se baser sur les lois de la resistance de fair au mouvement d'un corps qui y est entierementplonge. 11 est done essentiel, pour avoir une id6e de la nature du probleme de 1'Avia- tion, de connaitre ces lois, au moins dans le cas le plus simple, c'est-a-dire celui du mouvement dans I'air d'une surface plane d'epaisseur negligeable, un carre.au, pour parler le langage technique. Supposons d'abord que le carreau CG possede un mouvement orthogonal, c'est-a-dire un mouvement dirige suivant sa nor- male ON ou, ce qui revient au meme, supposons que le carreau soil frappe normalement par le vent (fig. 74). Dans ce cas, 1'ex- perience montre que la resistance R eprouv^e par le carreau, normale a sa surface, augmente proportionnellement a cette surface et au carre de sa vitesse, de sorte qu'elle peut elre repre- sentee par la formule R = KSV, (46) dans laquelle R designe la resistance en kilogrammes, S la sur- face du carreau en metres carres, V la vitesse du vent en metres par seconde, et K un coefficient que Ton peut regarder comme 180 I/AfiRONAUTIQUE constant lorsque le mouvement du carreau a lieu dans une couche d'air de poids specifique a peu pres constant, et que sa vitesse ne depasse pas 50 metres a la seconde. On s'accorde generalement aujourd'hui a donner a ce coefficient la valeur K = 0,071, (47) quoique Otto Lilienthal penche pour la valeur K = 0,13. Supposons maintenant que le carreau CC possede un mouve- ment oblique, ou, ce qui revient au meme, soil frappe par le vent sous un angle quelconque a, I'angle d'attaque, comme on 1'appelle (fig. 75). L'expe- rience montre alors que , non seule- ment la resistance normale R que sup- Fig 75 porle le carreau estproportionnelle a sa surface et au carre de la vitesse, mais encore qu'elle vane avec Tangle d'attaque, etant proportionnelle, a tres peu pres, au sinus de cet angle, au moins lorsqu'il n'est pas trop grand. On peut alors la represenler, a 1'aide de la for- mule R = K'SV 2 sin a, (48) K' designant encore un coefficient, constant dans les memes limites que le precedent, mais dont la valeur, a peu pres double de la precedente, est K' = 0,15. (49) Ici une remarque importante s'impose. Quand le mouvement du carreau est orthogonal, c'est-a-dire a lieu normalement a la direction du vent, le point d'application de la resistance ou centre de pression coincide avec le centre de gravite du carreau et, par suite, si le carreau a une forme reguliere, avec son centre de figure. Mais si le mouvement est oblique, il en est autrement : le centre de pression ne coincide plus avec le centre de yravite G, LES LOIS DE L AVIATION 181 mais est place un peu au-dessus, comme Bertinet, un des pre- miers, 1'a fait remarquer et comme Pettier 1'a veriiie directement dans ses experiences sur les cerfs-volants. La theorie du parachute, celle du mode de mouvement des aerostats dans 1'air et, enfin, celle du cerf-volant, dont les appli- cations prennent, tous les jours, une importance de plus en plus grande, sont des consequences directes des lois precedentes. a). Considerons un carreau de surface S, de poids P, abandonne a Faction de la pesanteur et assujetli a se maintenir horizontal pendant sa chute. Tout d'abord le carreau tendra a prendre un mouvement uniformement accelere dont la vitesse serait, a chaque instant, donnee par la formule : V = gt, g designant 1'acceleration due a la pesanleur, soil 9 m ,8i, t la duree de la chute. La resistance de 1'air intervenant, le poids du carreau sera, a chaque instant, centre-balance par une force, verticale aussi, dirigee de has en haul, augmentant proportionnel- lement au carre de la vitesse, qui finira par devenir egale au poids du carreau. A partir de cet instant, aucune force n'agira plus sur le carreau et on peut admettre (ce qui n'est pas tout a fait exact) que celui-ci, en vertu de la vitesse acquise, continuera sa des- cente d'un mouvement uniforme au lieu d'un mouvement uni- formement accelere. Soit V la vitesse de ce mouvement uniforme, vitesse qu'on appelle la vitesse de regime. A 1'instant oil le car- reau a atteint cette vitesse, son poids est egal a la resistance de Tair. On a dortc, a cet instant, ou d'ou la formule : i- FT (50) 182 L'ACRONAUTIQUE qui raontre que la vitesse de regime cTun carreau quitombe ortho- ijonalement sons I' influence de son propre poids est proportion- nelle a la ratine carree de ce poids et en raison inverse de la ratine carree de sa surface. Supposons P = 1 kilogramme, 8 = 1 metre carre. Alors, comme K = 0,07i< line surface pesant 1 kilogramme par metre carre prend done, sous 1'influence de son poids et par suite de la resistance de 1'air, une vitesse de regime de 3 m ,75 par seconde environ. Ceci pose, considerons une surface horizontale gree'e en para- chute, par exemple un cercle de toile AB, bien tendu, que des cordelettes de meme longueur, disposees regu- lierement, attachent a un point central C situe au-dessus et auquel nous supposons applique un certain poids P (fig. 76). Supposons que ce poids soit de 80 kilogrammes (c'est-a-dire celui d'un homme moyen, avec la nacelle qui le con- tient), que le poids du parachute proprement dit, c'est-a-dire de la surface sustentatrice AB, soil de 20 kilogrammes pour une surface de 100 metres carres, sur- face qui correspond a un rayon de o'",64. Negligeons la resistance opposee par 1'air a la nacelle et aux autres engins du parachute. La vitesse de regime, d'apres le calcul precedent, sera done de 3, 75 seulement, c'est-a-dire relativement assez faible, ce qui permetlra, quelle que soit la hauteur d'ou on s'est elance, d'al- lerrir sans trop de danger. Le temps que met la vitesse de regime a s'etablir est d'ailleurs donne par la formule (51) dans laquelle y designe Tacceleralion due a la pesanteur, V, la LRS LOIS DE L AVIATION 483 vitesse reelle du parachute a chaque instant, V sa vitesse de regime, la resistance du poids qu'il soutient elant negligee. Cette formule qui montre que, rigoureusement, la vitesse de regime n'est atteinte qu'apres un temps infini, permet cependant de calculer approximati- vement le temps qu'elle met a s'etablir. Si Ton veut, par exemple, dans le casconsidere, calculer ce temps a 1/100 6 de se- conde pres, il suffira d'y faire V = 3 m ,76, V, = 3 m ,7o. On verra facile- ment qu'elle est atteinte apres 1 s , 2 a peu pres de chute. D'ailleurs , pratique- ment, les valeurs que donne la formule (ol) sont trop grandes. En realite, dans un para- chute la surface de sus- tentation a toujours une forme concave , afin d'augrnenter la resis- tance de Tair (c'est pour cette raison qu'on donne de Yembue aux voiles des navires), et, par suite, la vitesse a Tatterrissage est toujours moindre que la vitesse calculee. Ainsi, Dute-Poilevin, avec un para- chute de 12 metres de diametre (ce qui fait 108 metres carres de surface) auquel il avail donne 7 metres de profondeur, est arrive a terre avec des vitesses de l m ,30 a l m ,50 seulement par seconde, le poids du parachute etant de 30 kilogrammes, et 77. Parachute de Garnerin (ferine). 184 L'ARONAUTIQUE celui de 1'homme de 72 kilogrammes, soil un poids total de 102 kilogrammes pour 108 metres carrSs de surface. Tel que 1'a employe" Garnerin, son veritable inventeur, et tel qu'on 1'emploie encore aujourd'hui, le parachute est, en somme, une sorte de parasol d'au moins 5 metres de rayon, forme d'un certain nombre de fuseaux de taffetas cou- sus ensemble et reunis au sommet a une rondelle de bois. G'est cette rondelle qui porte les cordes qui soutiennent la nacelle, a laquelle sont attachees aussi les cordelettes fixees au bord du parasol, dont le role est d'empe'cher le parachute de se retourner par 1'effort de 1'air (fig. 77). La distance de la corbeille au sommet de 1'appareil est d'environ 10 metres. Lors de 1'ascension,, 1'ap- pareil est ferme, mais seu- lement aux 3 / 4 envir0n 5 un cercle de bois leger de l m ,50 de rayon, concentrique au parachute, le maintient un peu ouvert de maniere a favoriser, au moment de la descente, lorsque 1'aeronaute a coupe la corde qui le suspendait au ballon, 1'ou- verture et le developpement de la machine par Teffet de la resis- tance de 1'air (fig. 78). Garnerin plagait son parachute entre le ballon et la nacelle, ce qui augmentait considerablement la hauteur de 1'aerostat et ren- daient difficile la manoeuvre de la soupape ainsi que les manoeuvres Fig. 78. Parachute de Garnerin (ouvert). LKR LOIS DE L AVIATION 183 d'atterrissage. Capazza a fait disparaitre cet inconvenient en trans- formant le filet du ballon lui-mSme en parachute. Mais, m6me aveC la modification de Capazza, la hauteur de 1'aerostat est encore assez grande, et, d'ailleurs, les aeronautes n'airaent guerele parachute qui, par son poids, alourdit beaucoup le ballon. Comme ils disent (avec raison), quand un ballon est bien construit et forme d'un bon tissu, il n'a aucune chance de crever. De plus, comme, pendant la descente, il devient tou- jours flasque, sa partie inferieure tend a se creuser et fait ainsi fonction de parachute. Notons qu'apres sa premiere descenle, au pare Monceau, le 22 oclobre 1791, Garnerin, sur le conseil de Lalande, apporta au parachute un perfectionnement indispensable, qui lui donna toutes les conditions necessaires de securite. II pratiqua. a son sommet, une ouverture circulaire assez etroite, le trou de Lalande, surmontee d'un tuyau de 1 metre de hauteur, qui permit a 1'air qui s'accumulait dans la concavite du parachute, de s'echapper. De cette maniere, sans nuire aucunement a I'effet de 1'appareil, on evite les oscillations dangereuses auxquelles Garnerin n 'avail echappe que par miracle dans ses premieres experiences. b}. Passons a 1'etude du mode de mouvement d'un aerostat dans 1'air, lorsqu'on fait entrer en ligne de compte la resistance de ce fluide. Dans le cas d'un ballon spherique, la resistance de 1'air expri- mee en kilogrammes, le rayon r et la vitesse v etant exprimes en metres, est donnee approximativement (abstraction faite de la nacelle et des suspentes), par la formule R == 0,012 hr-v\ (52) // etant la pression de 1'air ambiant exprimee en atmospheres. On voit quW/e croitproportionnellement an carredn rayon, tfesi- a-dire a la section du ballon, et au carrt de la vitesse, et quelle di- minue proportionnellementa la pression de lair ambiant, c'est-a- dire a mesure que le ballon s'eleve. '24 186 L'AERONAUTIQUE Cette formule permet d'abord de calculer 1'effort qu'exerce le vent sur le ballon au moment du depart. Dans ce cas, h = 1, et R = 0,102rV. (53) Par exemple, une <7ranrfe &me,de 10 metres devitesseparseconde, exerce sur un ballon normal d'un tonnage de 540 metres cubes et d'un rayon d'environ 5 metres, un effort R = 255 kilogrammes environ. Elle permet ensuite de se rendre un compte relativement exact de la nature des mouvements d'ascension ou de dimension d'un aerostat, lorsque la vitesse de regime est etablie. Si /est la force ascensionnelle du ballon a un instant donne, R la resistance de 1'air a cet instant, v lavilesse de regime cor- respondante, on a, en effet, en remarquant que /=R, la relation / = 0,102 ArV, d'ou Dans le cas d'un ballon flasque, la force ascensionnelle /est cons- tante, \J~h diminue assez lentement, et, d'ailleurs, r augmenle, puisque le ballon se dilate a mesure qu'il s'eleve : la vitesse de regime d'un ballon flasque, pent done etre regardee comme cons- tante et, par suite, le mouvement d'ascension d'un ballon flasque comme sensiblement uniforme. Si le ballon est plein. ou si de flasque il devient plein, alors / diminue, et, par suite, la vitesse de regime diminue rapidement : le mouvement d'un ballon plein est done un mouvement retarde', dont 1'etude est trop complexe, d'ailleurs, pour 6tre abordee ici. LES LOIS DE L AVIATION 187 Remarquons qu'un ballon etant toujours flasque pendant la descents, son mouvement descensionnel serait toujours sensi- blement uniforme, si Taugmentation considerable de temperature des couches d'air qu'il rencontre, n'augmentait a chaque instant la force descensionnelle. L'effort exerce par le vent sur un ballon, lors de 1'atterrissage, au moment oil celui-ci est ancre, est precieux aussi a connaltre, au moins approximativement. En general, pour le calculer, on admet qu'a cet instant le ballon est a peu pres degonfle et, par suite, reduit a une surface plane circulaire ayant pour diametre le diametre du ballon, que le vent est suppose frapper orthogo- nalement. Si r est le rayon du ballon, V la vilesse du vent, les formules (46) et (47) donnent R = 0,011 X TO-* V 2 , ou, en remplac,ant TT par sa valeur 3,1416, R = 0,222 r- V 2 . (55) Pour un vent de 20 metres a la seconde, vitesse qu'on peut regarder comme un maximum dans nos pays, cette formule donne R = 89 r 2 environ. (56) 11 serait peut-e" tre preferable d'adopter pour ce calcul, la valeur que Lilienthal attribue a la constante K. On aurait alors : R = 163 r 2 environ. (56 bis) c.) Abordons maintenant la theorie du cerf -volant > que de nombreux travaux, particulierement ceux de Bertinet, ont singu- lierement elucidee dans ces dernieres annees. Un cerf-volant, en somme, estun carreauCG, reliepar une corde inextensible et de poids negligeable, a un point fixe 0. Admet- tons que ce carreau soil constamment incline d'un angle aigu a sur 1'horizon et supposons qu'il receive, sur sa face inferieure, 188 L'AERONAUTIQUE un vent horizontal regulier, soufflant dans la direction VG, c'est-a-dire venant du cote oil se trouve le point fixe (fig. 19). L'action du vent se reduit a une pression qui, puisque la vitesse du vent est constante, ainsi que 1'incidence, est elle-meme cons- tanle. Supposons la corde atta- chee au centre de gravite G du carreau et, pour simplifier les raisonnements , admettons (ce qui n'est pas exact) que ce point coincide avec le centre de pres- sion, c'est-a-dire que la resis- tance du vent s'exerce sui- vant GR, perpendiculairement, Fig. "79. d'ailleurs, au carreau GG. Le carreau etanl suppose avoir une position donnee dans 1'espace, cherchons d'abord a expliquer comment il peut se maintenir en Fair. A cet effet, decomposons la resistance GR en deux forces, le premiere GT, dirigee dans le prolongement de la corde OG, la seconde GP', dirigee verticalement de bas en haul. II est clair que la composante G T' sera detruite par la resistance de la corde ; mais il n'en sera pas de meme de la composaute GP ; : celle-ci aura pour effet de combattre 1'action G P de la pesanteur sur le carreau, et, par suite, de le soutenir, d'oulenomqu'on lui donne de composante de sustentation ou composante de soitlevement. D6signons par P' cette composante, par R la resistance du vent, par P le poids du carreau ; soil p = GOX Tangle de la corde avec 1'horizontale XY. Le triangle RGP' donne, en remarquant que Tangle RP'G = 90 + (3 et que Tangle P'RG = 90 (a -f [3), la proportion d'ou p/ _ R cosp LES LOIS DE L AVIATION \ ou, en remplagant R par savaleur donnee par la formule (48), P' = KSV 2 sin a formule qui montre que la compomnte de soulevement, pour une valeur donnee de r angle d'attaque et une position donnee du car- reau, est proportionnelle au carre de la vitesse du vent. II est clair, par consequent, que la suslentation du carreau dans 1'air sera toujours possible silavitesse du vent estassez considerable : il suffira qu'on ait ou d oil, pour la vitesse minimum que doit avoir le vent, la valeur v v/ p COS P V KS sin a cos (a + (3) ' Gherchons maintenant a nous rendre compte de \effet du vent sur le carreau. Pour cela , decomposons la resistance GR en deux forces, Tune GT,, diri- gee dans le prolonge- ment de la corde OG, Tautre GR, , perpendi- culaire a cette direction (fig. 80). Faisons de *V- inline pour le poids GP, decompose ainsi suivant G/ 1 et G, forces directement opposees aux prece~dentes. La composante GR, = R cos (a -f- ,3) ; lacom- posante Gr = P cos [3. La difference de ces deux forces est p R cos (a -f (3) P cos [1 190 L'AfiRONAUTIQUE Pour que celte difference soil toujours dirigce dans le sens de la composanle GRj, il suffit qu'on ait R \ p cos ft / n ^ cos ( + p) ' ce qui sera toujours possible, si le vent a une vitesse assez con- siderable. Mais, alors, celte force aura pour effet de faire monter le carreau, en faisant decrire au point d'attache G une circonfe- Y rence de centre 0, ayant pour '////////, '///////7, ~ rayon } a longueur OG de la corde. Fig- 81. Ainsi, avec un vent de vitesse convenable, non settlement le car- reau comidere pent se soutcnir dans I'espace, mais encore il pourra s'elever dans lair. II est facile, d'ailleurs, de calculer la hauteur limite GH qu'il pourra atteindre (fig. 81). On a, a chaque instant, GH = OG sin p, ou, en posant GH = A, OG = /, h = / sin p Or, il est evident que la hauteur cherchee sera alteinte quand la force p seranulle, c'est-a-dire quand on aura p cos (a + p) p R cos[i P " Tirons de cette formule la valeur de p, substituons-la dans la formule precedenle, et nous aurons la hauteur cherchee. On peut encore se demander quelle est la condition ne'cessaire pour que le carreau puisse s'enlever. Pour repondre a cette question, il suffit de supposer (3=0, c'est-a-dire la corde hori- zontale. On a alors p = R cos a. LES LOIS DE L AVIATION 191 Mais, a cet instant, la force p est verticals et dirigee de has en haut. La condition cherchee est done R cos a > P, forraule qui donne, en remplagant R par sa valeur, la vitesse minimum que doit avoir le vent pour enlever le carreau, soil V = ' KS sin 2 a. Cherchons, enfin, la tension de la corde. II est evident qu'elle est, a chaque instant, egale a la difference des deux composantes GT, = R sin (a -f j3) et Gt = P sin [3. Elle est done donnee par la formule T = R sin (a -f p) P sin p. II va de soi que si le carreau peut monter sous Faction du vent cetle tension est toujours positive, c'est-ft-dire que la corde est toujours tendue. Mais 1'inegalite etant toujours satisfaite quand le carreau monte, il en est de m6me, a fortiori, de Tinegalit^ R p sinjj F sia(+p)' qui exprime que la tension de la corde est positive, c'est-a-dire dirigee suivantGTj. On peut construire des cerfs-volants de toutes les formes : quadrangulaires ou pentagonaux, plans ou concaves, etc. La plu- part du temps on les munit d'une queue qui, si elle est suffisam- ment legere et longue, leur permet, comme 1'a demontre Berti- net, tout alourdis qu'ils soient ainsi, de monter plus facilement et plus haut, en m6me temps qu'elle augmente leur stabilite. 192 L AfiRONAUTIQTJF, Remarquons qu'on pourrait faire monter un cerf-volant dans un air calme. Mais alors, en tenant 1'extremite de la ficelle, il faudrait courir sur le sol pour creer le vent artificiel necessaire. II . Le probleme de 1'Aviation semble se subdiviser, au pre- mier abord, en deux parties, correspondant chacune a l'6tude des moyens a employer pour fournir les forces necessaires : 1 pour soutenir en 1'air un corps plus lourd que 1'air ; 2 pour donner a ce corps un raouvement horizontal. En d'autres termes, ce pro- bleme semble se composer de deux problemes, celui de la sustentation et celui de la direction, et, des lors, il apparait infi- niment plus difficile que celui de la direction des ballons puis- que, dans ceux-ci, la question de sustentation est toute resolue. II parait de plus evident, a priori, que la solution du probleme du plus lourd que 1'air exigera des moteurs encore plus puis- sants que ceux que necessitent les ballons dirigeables, car au travail de la direction s'ajoute forcement celui de la sustentation. Cependant comme, ainsi qu'on 1'a vu plus haul (Chap. VII), 1'im- possibilite de la navigation par les dirigeables a tourne actuelle- ment tous les chercheurs vers I'aviation, il importe d'avoir au moins une idee approximative de la question et des solutions qu'elle semble comporter. Remarquons d'abord que les moyens que Ton emploie ou que Ton a employes pour resoudre le probleme en question resident, en fin de compte, dans le mouvement horizontal (rectiligne ou circulaire) d'une surface convenablement inclinee, la propulsion amenant par elle-meme la sustentation. Par suite, les deux par- ties du probleme n'en font, en realite, qu'une. Ceci pose, le premier des moyens employes, c'est-a-dire la resolution du probleme de I'aviation par le mouvement hori- zontal et rectiligne d'une surface plane, sert de base a la cons- truction des appareils appeles aeroplanes, appareils qui ne sont, en realite, que das cerfs-volants libres et dont la marche rappelle ce qu'on designe, chez les oiseaux, par le vol a la voile. Le LES LOIS DE L AVIATION I'JU second des raoyens proposes par les aviateurs, c'est-a-dire le mouvement circulaire d'une surface a peu pres plane et conve- nablement inclinee, sert de base a la construction des appareils appeles helicopteres. Quant aux machines a ailes ou orthoptbres, dont le but est d ; imiter le vol rame desoiseaux, ce sont tout sim- plement une combinaison des deux precedents. a). Donnons d'abord une idee du principe des aeroplanes. Considerons, a cet effet, un carreau CG anime dans 1'air, grace a un moteur convenable, d'une vitesse horizontale et cons- tante V, sous un angle d'attaque a (fig. 82). Supposons ce car- reau reli6 a un corps, une nacelle, qu'il s'agit de soutenir et de faire propulser en meme temps. Soil P le poids de 1'ensemble du systeme, S la surface du carreau. Admettons (ce qui n'est pas exact) que le centre Fig> 82 . de poussee coincide avec le centre de gravite du carreau, comrae nous 1'avons suppose plus haut a propos du cerf-volant. La composanle de soulevement P' que fournit la resistance R du vent est, comme le montre la figure, telle que P' = R cos a. Mais, comme on 1'a vu plus haut, R = KSV 2 sin a. Par suite, la valeur de la composante de soulevement peut s'ecrire sous la forme P' = 1 KSV 2 sin 2a. (S7j qui montre que P' croit avec S, V et a, tant que a ne depasse' pas 45, bien entendu. La composante de soulevement., ou, ce 25 194 I/AfiRONAUTIQUE qui revient au meme, le poids supporte par une surface de sus- tentation est done proportionnel a faire de cette surface, au carre de la Vitesse dont elle est anime'e, cl augments avec f angle d'atlague, de sorte qu'en donnant a la vitesse de propulsion du carreau une valeur convenable, on pourra toujours arfiver a soutenir le systeme, la propulsion accompagnant la sustenlation, et reciproquement. Cette vitesse s'obtiendra, d'ailleurs, en ecri- vant qu'il y a equilibre entre la composante de soulevement P' et le poids P du systeme, ce qui donne la relation d'ou _ 88) le coefficient K ayant ici la valeur K = 0,15 de la forraule (49). On s'explique des lors pourquoi, en ce qui concerne les diri- geables, la question de leur sustentation a 1'aide d'un gaz plus leger que Fair passerait immediatement au second plan, comme nous 1'avons dit dans le Chapitre precedent, si Ton arrivait a leur donner des vitesses de 15 a 20 metres par seconde, et comment 1'etude des dirigeables a forcement entraine les aero- nautes dans la voie du plus lourd que 1'air. Cherchons main tenant le travail qu'il faut depenser dans I'unite de temps, ou, ce qui revient au meme, la puissance qu'il faut don- ner a un moteur, quel qu'il soil, pour obtenir la vitesse indiquee par la formule (58). Ce travail estevidemment donne par la relation / 6tant la composante horizontale G/ de la force GR, compo- sante 6gale et opposee a la, force propulsive que doit imprimer au carreau le moteur employe, puisque le mouvement du carreau est suppose uniforme. Mais / = R sin a. LES LOIS DE L'AVIATION 195 Par suite, le travail moteur cherche est donne par la relation T = R sin a. V, ou, en remplacant R par sa valeur, T = KSV 3 sin* a. (59) En remarquant que _4 __ P*_ K 2 sin 2 2 a S 2 ' cette formule pent s'ecrire On voit alors que T augmente proportionnellement au carre de P, diminue proportionnellement a S et V, et diminue aussi avec Tangle a. De la, les trois principes suivants : 1 Toutes choses egales (failleurs, la puissance nccessaire a la propulsion et a la suslentation dun carreau est proportion- nelle au carre de son poids et en raison inverse de la surface sustentatrice. Gelte surface doit done etre a la fois aussi vaste que possible et cependant tres legere. 2 Toutes choses eyales d'ailleurs, la puissance nccessaire a la propulsion et a la sustentation d'un carreau est inversement pro- portionnelle a la vilesse, qui doit done etre aussi grande que pos- sible ; 3 Enfin, toutes choses egales d'ailleurs, la puissance necessaire a la propulsion et a la sustentation d"un carreau est d'autant plus petite que I 'angle d'attaque est plus faible. Ces conclusions s'appliquent aussi, a peu pres, a la force pro- pulsive ou force de traction, cette force, egale et opposee a la resistance de sustentation R sin a, etant, en effet, donnee par la forraule T P 2 ' == "V == KSV- cos 2a' (*J 196 L'AfiRONAUTIQUK On peut se demander alors comment le probleme du plus lourd que 1'air n'est pas resolu depuis longlemps, puisque, en somme, le travail et la force de traction peuvent etre reduits a volonte par la reduction de Tangle d'attaque et, surtout, par 1'augmentation de la vitesse. Qa'est-ce, en effet, qu'un aeroplane? Tout simplement, un systeme forme par une surface sustentatrice a lafois vaste, legere, rigide, et unesquif, c'est-a-dire une nef&vec son moteur, systeme auquel il suffit d'adapter, pour le rendre gouvernable, deux gou- vernails : le premier, le gouvemail de direction, vertical, le second, le gouvemail de profondeur, horizontal, ce dernier jouant plus particulierement le role de la queue des oiseaux, c'est-a-dire per- mettant de regler facilement Tatterrissage, par suite des compo- santes de soulevement ou d'abaissement que Ton fait naitre en abaissant ou en relevant la queue. Malheureusement, c'est jus- tement 1'adjonction a la surface sustentatrice de 1'appareil dont nous venons d'indiquer les organes principaux, qui change com- pletement les conditions du probleme. Le mouvement horizontal de 1'esquif fait naitre, en effet, une resistance qui, etant donne que les organes de 1'appareil d'un aeroplane sont infiniment plus com- pliques que ceux d'un ballon, est au moins 6gale, sinon supe- rieure, a la resistance de la surface de sustentation proprement dite. Designons d'ailleurs par S' une surface ideale de m^me resis- tance que 1'esquif, par K/un coefficient constant. La resistance de 1'esquif sera representee par la formule R' = K'S'V's le travail necessaire pour la vaincre, par la formule T' = K'S'V 3 , et le travail /ota/necessaire pour mettre en mouvementl'aeroplane en entier sera ^ *= KSV 3 sin 2 a + K'S'V 8 , (62) LES LOIS DE L'AVIATION 197 ou Si, comrae on 1'a vu plus haul, le premier terme de cette expres- sion, qui represente le travail necessaire a lasustentation, decroit jusqu'a zero quand la vitesseV s'accroit jusqu'a 1'infini, le second terme, qui represenle le travail necessaire pourvaincre Iesr6sis- tances passives, croit indefiniment avec cette vitesse. Le travail necessaire a la propulsion eta lasustentation estdonc susceptible d'un minimum que le calcul montre 6lre atteint quand II en est de meme de la force de traction, egale et opposee a la resistance de sustentation,, qui atteint son minimum quand K/c/V 2 KSV 2 cos 2 a ~ De la, les deux THEOREMES HE REGARD : 1 Le travail necessaire a la propulsion et a la sustentation d'un aeroplane, dans I' unite de temps, est minimum lorsquc la resistance du sustentateur est ec/ale a trots fois la resistance de 2 La force de traction necessaire a la propulsion et a lasus- tentation d'un aeroplane est minimum lorsque la resistance du sustentateur est ec/ale a la resistance de Cesquif. Tout en reduisant au minimum, dans un aeroplane, les resis- tances passives, la valeur du travail et de la force de traction que Ton doit chercher a obtenir, ne peuvent done pas etre abaiss^s au-dessous d'une certaine limite. L'analyse minutieuse des 198 L AfiRONAUTIQUE diverses conditions de la question amene a conclure, en ce qui concerne le travail, que le poids du moteur ne devraitpas depas- ser 10 kilogrammes par cheval environ, c'est-a-dire qu'il n'y a rien a attendre des aeroplanes tant que Ton ne trouvera pas moyen de leur adapter des moteurs tels que le poids du cheval, par heure, ne depasse pas 10 kilogrammes environ. A). Considerons maintenant les appareils du genre helicop- teres, ou la surface de sustentation rec,oit un rnouvement non plus rectiligne, mais circulaire. Ici, comme le fait remarquer Espitallier, on doit avouer que la theorie est impuissante a degager les incon- nues de la question, car il n'existe pas de theorie complete de Yhelice marine, et, encore moins, de I'helice aerienne. Aussi, 1'experience seule peut-elle fixer les termes de cette etude. Cependant, Renard a essay e decombler cette lacune, au moins en ce qui concerne la question des helices sustentatrices, comme Vhelice-lest, par exemple (Chap. VJ). Si Ton designe par R la poussee de I'helice sur 1'air, par n le nombre de tours par seconde, par d le diametre de I'helice, par T le travail resistant, le celebre ingenieur a montre que pour oblenir les meilleurs resultats pos- sibles, il faut s'arranger de fagon a donner a n et a d les valeurs qui sont indiquees par les deux formules empiriques : R = 0,0234 n 2 d\ T = 0,007 n 3 d\ Si Ton voulait, par exemple, installer dans un ballon dirigeable deux helices de 4 metres de diametre. tournant autour d'un axe vertical et destinees a parer aux variations de la force ascension- nelle, en limitant a 100 kilogrammes, dans un sens ou dans 1'autre, 1'effort vertical a produire, on trouverait pour chaque helice n = 1,28 tour et T = 278 kilogramme tres, c'est a-dire 77 tours a la minute, et, pour le [travail total des deux helices, 278 X 2 = 55C kilogrammetres, ou 7,4 chevaux. LES LOIS DE L AVIATION 199 Malheureusement, on ne salt encore presque rien en ce qui concerne les helices propuhives, quoique cette question ait ete etudiee par Renard, Langley et bien d'autres. Le seul resultat qui semble acquis, c'est qu'une helice propulsive ne doit posseder jamais qu'un petit nombre d'ailes. Quant aux orthopt&res, c'est-a-dire aux appareils munis d'ailes battantes, a Taide desquelles on cherche a resoudre le probleme de 1' aviation en imilant ce qu'on appelle le volrame des oiseaux, leur th6orie est encore moins avancee que celledes helicopteres. Comme on le verra dans le Chapitre suivant, la theorie du vol rame n'estpas encore parfaitement etablie : il est done impossible qu'il n'en soil pas de me"me pour les appareils qui cherchent a imiter ce mode de propulsion. GHAP1TRE IX LES VOLATEURS I. L'echec de toutes les tentatives de navigation aeriennc remit, des 1796, 1'aviation en honneur. A cette epoque, Cayley inventa son helicoptere, petit appareil analogue a celui de Lau- nay et Bienvenu, et d'une facilite de construction telle que nous croyons devoir en donner la description, d'apres Nicholson : Un bouchon est fixe a rextremite d'un arbre arrondi (fig. 83) ; un autre bouchon est attache sur le milieu d'une baleine, avec un petit trou dans lequel pivote 1'extremite libre de 1'arbre arrondi ; deux cordes egales relient les extremites de la baleine a 1'arbre arrondi ; dans chaque bouchon sont plantees quatre plumes d'ailes d'oiseaux, 16gerement inclinees, comme dans un moulin a vent, mais en sens inverse pour chaque bouchon. En tournant les deux bouchons en sens contraire, les deux cordes s'enroulent autour de Tarbre, en faisant flechir la baleine ; si Ton abandonne alors 1'appareil, les deux cordes se deroulent sous 1'action de la baleine, qui fait ressort, les deux bouchons tournent en sens con- traire du premier mouvement, et Ton voit la petite machine s'e- lever rapidement. En 1842, M. Phillips conslruisit un appareil de ce genre en metal, pesant deux livres, consistant en un generateur de vapeur et quatre palettes inclinees de 20, soutenues par huit bras recourbes. La vapeur, en s'echappant par les extremites des bras, les faisait tourner, comme 1'eau fait tourner les bras d'un tourniquet hydraulique. Get appareil, dit-on, s'eleva a une assez LES VOLATEURS 201 grande hauteur et parcourut une certaine distance avant de tom- ber. En 1843, Henson et Stringfellow imaginerentun aeroplane con- sistant en un chariot contenant la machine et son combustible, a cote des passagers ; a ce chariot etait fixe un grand cadre, immobile, en bambou, tendu dc taffetas et de soie, dont le bord anterieur etait faiblement releve, et qui s'etendait de chaque cote du chariot comme les ailes deployees d'un oiseau. A 1'arriere se trouvait un gouvernail ; des rames ou plutot des roues de moulin a vent, places de part et d'autre de la machine, devaient servirdepropulseur. L'ae>oplane, au moment de voler, etait lance sur un plan incline ; en descen- dant, il atleignait une vitesse suffisante pour quitter ce plan et se soutenir sur 1'air ; les rames ou roues, mises en mouvement, devaient alors entretenir la pro- pulsion et, par consequent, la sustentation. Mais cet appareil ne fonctionna jamais convenablemenl. En 1861, Du Temple avail fait connaitre les resultats des recherches qu'il poursuivait depuis plusieurs anne"es sur 1'avia- tion, et qui Tavait conduit a Tinvention de sa remarquable chau- diere. Son volateur, du genre orlhoptere, e"tait une sorte de canot leger qui portait a son avant deux ailes battantes, mues par une machine a vapeur. Le canot prenait vent en descendant un plan incline, et les ailes devaient continuer a la maintenir en 1'air. Aucun resuliat serieux ne fut obtenu. Depuis longtemps, c'est-a-dire depuis la tentative de Phillips, les helicopteres n'etaient plus consideres que comme des jouets d'enfants, sous le nom de spiraliferes ou de stropheors, quand, en . 83. Helicoptere de Cayley. 202 I/AfiRONAUTIQUE 1865, Nadar, apres son manifests de 1863, projeta la construc- tmction d'un navire aerien base sur leurprincipe. Ce navire com- portait un ball sur lequel etaient places les voyageurs et les machines motrices ; celles-ci aclionnaient plusieurs groupes d 'helices montees en batteries sur des arbres verticaux, et qui, par leur action sur Tair, soulevaient 1'appareil ; une helice sup- plementaire, a arbre horizontal, servait de propulseur. La diffi- culte de trouver un moteur leger et assez puissant emp^cha la realisation de ce projet. Seuls des modeles tres reduits, comme ceux de Penaud, Forlanini, etc., parvinrent a se soutenir pen- dant quelques secondes. II. --La sainte helice, comme 1'appelait Nadar, n'a done donne aucun resultat serieux et nous exposerons plus loin les raisons pour lesquelles il est probable qu'elle n'en donnera jamais. Mais, comme nous 1'avons deja dit, le manifeste du celebre aero- naute n'en a pas moins produit des eflets immenses au point de vue des progres de 1'avialion, en donnant lieu a une infinite de recherches sur la resistance de 1'air, le vol des oiseaux, les vola- teurs, etc. Les 6tudes de Marey, qui sont celles dont le retentisse- ment a ete le plus grand, ont conduit cet eminent physiologiste, en ce qui concerne le role que jouent les ailes des oiseaux, alors qu'elles agissent comme ailes baltantes, a des conclusions a peu pres identiques a celles de Borelli. D'apres Marey, en effet, 1'abais- sement des ailes donne naissance a une reaction verticale de bas en haut qui joue le role de composante de soulevement ; la remon- tee donne lieu a une reaction contraire, mais beaucoup plus faible, de sorte qu'en definitive il y a sustentation permanente. Quant a la propulsion, e^e doit etre attribuee a ce que la pointe de Taile se retournerai'. de fa^on a frapper Fair comme une rame. II semblait des lo-.s naturel d'essayer de resoudre le probleme de Taviat'on a 1'a'de d'appareils a ailes battantes. De la, la cons- truction d'une foule d'oiseaux artificiels, parmi lesquels celui de LES VOLATEURS 203 Penaud (1871), un des eleves de Marey, merite une mention speciale : Get oiseau (fig. 84) se compose d'une tige rigide ab servant de colonne vertebrale a 1'appareil; au-dessus de cette tige se trouve un caoutchoiic-moteur cd qui donne le mouvement aux ailes battantes, ainsi qu'a un volant regulateur ef. A la partie pos- terieure est une queue regulatrice, formee par une longue plume de paon, que Ton peut incliner vers le haut, le bas ou par le cote, et que Ton peut aussi charger de cire, de fac.on a > ^""^NCTl3^^! amener le centre de gravite ' ^L / ~/ de tout 1'appareil au point convenable. Les gauchisse- ments des ailes pendant leurs oscillations (gauchissements analogues a ceux que Ton Observe dans le VOl des Fig. 84. - Oiseau de Penaud. oiseaux) sont obtenus par la mobilite du voile de 1'aile et de petits doigts qui le supporlent, autour d'une grande nervure. Un petit tendeur en caoutchouc part de Tangle intero-posterieur de la surface de 1'aile et vient s'attacher d'autre part vers le milieu de la tige cenlrale de Tap- pareil. Quand ce caoutchouc etait bien tendu, on abandonnait le systeme a lui-meme : les ailes battaient et Toiseau artificiel pou- vait parcourir, en air libre, de 2 a 15 metres, en s'elevant d'une fagon continue par un vol accelere, suivant une rampe de 15 a 20. Mais il est clair que, si ingenieux qu'il soil, cet appareil n'est encore qu'un jouet d'enfant, comme ceux d'Hureau de Ville- neuve, V.Tatin, Tissandier, etc. Les orthopteres n'ont done pas mieux reussi que les helicopleres. III. Les aviateurs revinrent done aux aeroplanes. En 1894, Wellner a presente les plans d'une machine volante basee sur le fait que le poids supporte par une surface de sus- 204 L/AfiRONAUTIQUE tentation donnee, croissant rapidement avec la vitesse de Fair qui frappe cette surface, le poids supporle par metre carre petit, avec une vitesse de 40 metres par seconde, normale a cette surface, atteindre 100 kilogrammes. Pour arriver a realiser cette vitesse de 40 metres, Wellner a choisi comme propulseur un certain nombre de roues a voiles. Ces roues tournent autour d'un axe horizontal et portent un cer- tain nombre de palettes formees par des cadres en acier avec nervures, sur lesquels on lend une etoffe solide et legere. Elles sont articulees, d'une part, sur des bras invariablement relies a 1'arbre de rotation ; de 1'aulre, sur des bras semblables relies a un excentrique. Get excentrique tourne autour de cet arbre, de telle fa^on quelorsque 1'appareil est en marche, la palette superieure presente son arete anterieure en haul, et la palette inferieure, par un mouvement produit par 1'excentrique, presente egalement son arete anterieure en haul. Dans les positions intermediaires, les palettes n'agissenl point, coupant 1'air par leurs aretes ou a peu pres. Quant a la machine volante elle-meme, elle se compose essen- tiellement d'un esquif en forme de cigare, contenant le moteur et les passagers, et d'un certain nombre de roues a voiles dis- posees par paire et symetriquement, pour avoir 1'equilibre. La propulsion est obtenue par des surfaces helicoi'dales placees dans les roues elles-memes et tournant avec elles, et par une helice independante. Pour diminuer la resistance, les nervures des cadres sont recourbees suivant le pas de ces helices : la propulsion se fait ainsi suivant 1'axe des roues a voile. Le projet de Wellner n'ayant jamais ete mis a execution, il est difficile de se prononcer d'une fatjon definitive sur cette machine, ainsi que sur la valeur des roues a voiles comme propulseurs. H. Phillips, reprenant, vers la meme epoque, une idee due a Wenham et que String fellow, des 1868, avail songe a uliliser, a donn6 les plans d'un aeroplane dont la surface suslenlalrice serail formee de lames de persiennes, en bois, placees sur un LES VOLATEURS 205 cadre vertical en acier, chacune de ces lames affectant a sa partie inferieure la forme d'une surface legerement concave vers le sol. L'avantage de ces sortes de surfaces sustentatrices est qu'on peut determiner le profil general des lames qui les composent de fac.on que la composante de soulevement soil juste egalea la force de resistance du vent, au lieu d'etre plus faible, comme dans le cas d'une surface suslentatrice plane. Quant a la forme concave donnee a chacune des lames, elle a pour effet, non seulement d'augmenter la composante de soulevement, mais encore de diminuer considerablement les variations de position du centre de pression qui accompagnent celles de Tangle d'attaque. Mais aucun essai serieux, il faut le dire, n'a ete tente dans ce sens. En somme, la machine qui se rapproche le plus des conditions qu'exige 1'industrie, est, sans conteste, actuellement, la machine volanlc de Maxim, a laquelle le celebre ingenieur travaille depuis 1889. Celte machine (fig. 85) est un immense aeroplane, forme a 1'ori- gine d'une vaste surface sustentatrice de 48 pieds anglais de large, prolongee par des ailes fixes de 36 pieds chacune, puis, comme dans 1'aeroplane congu par Stringfcllow, de cinq paires d' ailes superposees, disposees au-dessous de la grande surface sustenta- trice, d'egale amplitude, inclinees d'environ 12, qui assurent, avec elle, la sustentation delamachine quand elle progresse hori- zontalement sous Teffort de deux helices actionnees par une machine a vapeur. Mais la machine d'un aeroplane, pour qu'un appareil puisse 6tre considere comme veritablement pratique, doit emporter au moins trois voyageurs : un pour la manoeuvre des gouvernails horizontaux, un autre pour mancauvrer les gouvernails verticaux et un troisieme charge de la surveillance et du fonctionnement du moteur et de ses accessoires; d'un autre cote, le poids des voyageurs ne peut evidemment 6tre qu'une faible partie de celui de la machine. Des lors, Maxim a (316 amene a amplifier considerablement les dimensions de sa machine volante, a lui 206 L'ARONAUTIQUE donner 100 pieds de long, du gouvernail-avant au gouvernail- arriere, 120 pieds de largeur, 35 pieds de haut. Le poids total est alors de plus de 7.000 livres et la machine a vapeur employee comme moteur, tres legere et tres puissante, a une force de 363 chevaux, le cheval correspondant environ a 14 Ls ,4 pour une duree Fig. 80. Aeroplane de Maxim. de 10 heures (d'apres les donnees de Finventeur lui-meme, donnees qui semblent sujettes a caution). Les deux helices, qui tournent a raison de 400 tours a la minute, ont une force de traction de 2.000 livres, ce qui, etant donnee Finclinaison des plans de sustentation, doit assurer une force de sustentation d'au moins 10.000 livres, plus que suffisante pour porter Fappa- reil. La vitesse est, au moins, de 40 milles a 1'heure. La chaudiere, chauffee par la gazoline, est portee par le plan- cher de iacabine. Quant au moteur proprement dit, il est etubli sur un bati de quelques pieds de haut, afin de lui permettre d'at- teindre le niveau necessaire pour actionner les arbres des helices. Afin d'assurer une marche de longue duree, la vapeur est con- densee dans les tubes tres legers et tres minces, le refroidissement se faisant au simple contact de 1'air, que la marche de la machine renouvelle a chaque instant et qui, par suite, est toujours suffi- samment froid. Ces tubes servent, du reste, a renforcer la cons- truction et forment une partie des cadres de sustentation. LES VOLATEURS 207 Pour enlever cette immense machine, Maxim lui fait parcourir sur des rails une distance assez grande, afin de donner d'abord une vitesse suffisante. Une fois anime de cette vitesse, 1'appareil peutalors planer. Mais 1'atterrissage estune operation dangereuse, car si la machine motrice vient a s'arre" ter, Taeroplane tombera suivant un plan incline", avec une vitesse de haut en bas tres faible, mais en conservant une vitesse horizontal tres grande, 1'equilibre etant maintenu par les gouvernails horizontaux. 11 faut done, pour eviter tout accident, que le terrain choisi pour 1'atter- rissage soit uni, bien degage, et il y a lieu de se demander, avec Lapointe, si 1'atterrissage ne sera pas toujours tres dangereux, aussi bien pour la machine que pour les voyageurs. Quoi qu'il en soit, sans se pre"occuper. par trop de cette diffi- culte, Maxim a tent6, en septembre 1894, unessai avec 1'appareil tel que Ton vient de le decrire. II 1'avait place sur des rails d'une longueur de 600 metres ; au-dessus se trouvaient deux centre-rails de 200 metres de longueur, destines a empScher tout soulevement premature, et aussi a mesurer la force de souleve- ment. L'experience reussit en ce sens que les rails superieurs cederent sous Teffort. Mais 1'appareil fut serieusement avarie par suite de la rupture d'un essieu, rupture qui prouve que les efforts elaient mal repartis et que, malgre le talent de son inventeur, la machine laissait encore beaucoup a desirer. Depuis, aucune nouvelle tentative n'a ete faite. En somme, comme Ader, commeStentzel, comme tant d'autres, dont la lisle serait trop longue a donner, Maxim a echoue. Langley en 1896, V. Tatin et Richet, en 1897, sont arrives & des resultats qui, a premiere vue, paraissent plus satisfaisants : L'aeroplane de Langley (fig. 86) etait, en majeure partie, en acier ; neanmoins, il rentrait dans sa construction assez de mate- riaux plus legers pour que la densite de Tensemble fut voisine de 1'unite. Son poids total, y compris celui du combustible et de Teau, etait de 13 kp ,6 ; son poids absolu de 11 kilogrammes seulement. L'envergure des surfaces de soutien, qui etaient 208 L AfiRONAUTIQUF. legerement courb6es, en soie, 6tait de 4 m ,27 ; la longueur de 1'aeroplane depassait 4 m ,oO. La force motrice etait fournie, non par un caoutchouc moteur, mais par une machine a vapeur, tres legere, d'une puissance approximative d'un cheval , aclionnant deux helices de l m ,22 de diametre, et lournant a raison de 1000 tours Fig. 86. Aeroplane de Langley. par minute. Le combustible etait de la gazoline, transformee en gaz avant sa combustion. Lance d'une hauteur d'environ 8 metres au-dessus du Potomac, cet a6roplane a pu, sous la seule impulsion de sa machine, marcher contre le vent, s'elevant lentement et sans secousses. Decrivant de grandes courbes en s'approchant d'un promontoire voisin et boise, qu'il franchit neanmoins, il passa sans encombre les arbres les plus Sieves, a une hauteur de 8 a 10 metres au- dessus de leur cime, et descendit lentement, de 1'autre cote du promontoire, a 276 metres de distance du point de depart, au bout de 1 minute 31 secondes, apres avoir, d'apres Gra- ham Bell, qui assistait al'expe"rience, parcourudans sa course une longueur totale de 900 metres environ. LES VOLATEURS 209 Quant a 1'aeroplane de V. Tatin (fig. 87 et 88), il consiste essen- tielleraent en une carcasse de bois de sapin munie de deux ailes fixes de 8 metres carres de surface et d'une envergure de-6 m ,60, d'une queue, et portant une pelite machine a vapeur qui actionne deux helices. Cette machine, avec tout 1'appareil, ne pese pas plus Fiy. 87. Aeroplane de V. Tatin (face). de 33 kilogrammes, et, dans ce chiffre, sont comprises les quanti- tes d'eau et de charbon necessaires pour une course de 5.000 metres, soit, environ, 3 litres d'eau et 600 grammes de charbon. La puissance de la machine est de 100 kilogrammetres. Quant Fig. 88. Aeroplane de V. Tatin (profil). aux helices, elles tournent en sens inverse : Tune est a 1'avant, 1'autre a Tarriere du corps principal. Lance du haut d'une falaise avec une vilesse horizontal de 18 metres, vitesse qu'on obtenait en le faisant descendre le long d'une piste convenablement inclinee, d'une hauteur de 9 metres, en meme temps qu'on actionnait les helices, cet aeroplane a pu, en juin 1897, sous un angle d'altaque de 2 a 3, parcourir, a plusieurs reprises, 140 metres dans Fair, en ligne horizontale, avant de tomber dans la mer. On avail, d'ailleurs, prevenu les soulevements prematures qui auraient pu compromettre les expe- 27 210 L AfiRONAUTIQUE riences, en fixant solidement, avec des cordes, la machine volante a un lourd chariot qui lui servait de support et roulait avec elle sur les rails de la piste jusqu'au bord de la falaise. A cet endroit, le chariot rencontrait des couteaux affiles qui section- naient les cordes et mettaient 1'aeroplane en liberle, tandis que le chariot tombait au pied de la falaise. 11 est clair que les resultats obtenus par V. Talin paraissent, au premier abord, tres inferieurs a ceux de Langley. Mais il faut remarquer que 1'aeroplane de V. Tatin pese trois fois plus que celui du savant americain, ce qui complique beaucoup le pro- bleme. Pour la meme raison, il faudrait se garder de conclure, d'apres ce qui precede, a la sup6riorite des travaux de V. Tatin et de Langley sur ceux de Maxim. II y a entre les aeroplanes des deux premiers et la machine de Maxim la m6me difference qu'entre les locomotives a moteur tres leger que Ton met entre les mains des enfants et les locomotives des voies ferrees. Si la question des aeroplanes- oiseaux , comme R. Soreau appelle, avec raison, les aeroplanes de Talin et Langley (avec d'autant plus de rai- son que le poids de 1'aeroplane Tatin est exactement celui des plus gros volateurs animes), peut etre consideree comme appro- chant de la solution, il n'en est pas de meme des aeroplanes- navires, comme celui de Maxim. Or, le seul point de vue qui ait un veritable interel pour I'ingenieur (et pour le public) est celui de 1'aeroplane-navire, c'esl-a-dire d'une machine capable de trans- porter des voyageurs dans les airs, dans des conditions raison- nables de securite, d'habitabilite et de duree. IV. On ne saurait finir cette courte etude sans parler des experiences d'aviation d'Otto Lilienthal. Ces experiences n'avaient pas pour but immediat la construc- tion d'un volateur; elles etaient simplement destinees a per- mettre, un jour, a I'homme de voler en pratiquant d'abord le vol plane, c'est-a-dire celui dans lequel 1'oiseau, apres avoir eteint LES VOLATEURS 211 ses battements d'une fagon progressive et complete, se laisse glisser sur 1'air, les ailes, immobiles et largement etendues, formant un veritable parachute incline sur la direction du vent, dont la pression sert alors a les maintenir en Fair. De la, LS- lienthal esperait passer a la pratique du vol a la voile, dont 1'importance est considerable, puisque ce modele de vol est celui qui permet aux oiseaux le mouvement de translation le plus rapide et le plus prolonge, pour le minimum d'eflbrt mus- culaire. L'appareil sustentateur de Lilienthal etait coristruit en toile, avec unc ossature en osier, et sa forme se rapprochait de celle de la chauve-souris (fig. 89 et 90). Deux surfaces, legerement concaves vers le vol, formaient en quelque sorte les ailes de la machine; cependant, quoique pou- vant s'abaisser ou se relever a volonte, elles n'etaient point battantes. Ges ailes se raccordaient du milieu jusqu'a 1'arriere, mais etaient separees a 1'avant par une large echancrure ou se pla^ait 1'aeronaute, s'appuyant par les bras dans des gouttieres garnies, tandis que ses mains Lenaient solidement une barre transversale. L'envergure des ailes etait de 1 metres et leur largeur de 2 m , 50. L'appareil ne pesait que 20 kilogrammes : avec le poids de 1'experimentateur, le pokls a porter etait ainsi d'environ 100 kilogrammes pour une surface de sustentation de 14 metres carr6s, soil 1 kilogrammes par metre carre, au lieu de 1 kilogramme. Une queue etait adaplee a la machine. Cette queue etait form6e de deux gouvernails : Tun, vertical, de forme ovale, qui servait a prendre le vent et a faire tourner Pappareil quand le vent changeait; 1'autre, horizontal, perpendiculaire au premier, qui servait a empScher 1'appareil de plonger en avant. Ce dernier etait surtout utile pour 1'attcrrissage. II n'y avail, bien entendu, aucun motcur. Pour arriver, avec une machine de cette sorte, a pratiquer le vol plane, on court, en abaissant les ailes, centre le vent et en descendant la pente douce d'une colline de hauteur convenable 212 L'ARONAUTIQUE (30 metres a peu pres) ; au moment convenable on relive un peu la surface de sustentation, de maniere a la rendre a peu pres horizontale (fig. 89). Dans Fair, pendant le planement descendant, on cherche a donner, par tatonnement, au centre de gravite une position telle que 1'appareil soil projete rapidement en avant, mais descende aussi peu que possible (fig. 90). Le difficile est de main- tenir son equilibre : comme le vent frappe la surface superieure . 89. Appareil (depart). Lilienthal Fiij. !!. Apparoil de Lilienthal (planement descendant). des ailes, il faut toujours porter les pieds en avant, de fac,on a forcer la machine a remonter contre le vent; sinon, 1'appareil tendrait a tomber en piquant une tele en avant, et il en serait de meme de 1'aeronaute. Dans ces conditions, et avec ces precautions, on peut arri- ver, comme Lilienthal, a parcourir des distances de 300 metres, sans toucher terre, avec une vitesse de 15 metres a la seconde, soil 54 kilometres a 1'heure (la vitesse d'un express); mais, en moyenne, la vitesse obtenue par Lilien thai etait d'environ 9 metres par seconde, soil 32 kilometres a 1'heure. Avec un vent debout LES VOLATEURS 213 de 4 a 5 metres, Faction soulevanle elait de H 8 kilogrammes, et la chute de O m ,50 seulement par seconde. Dans certaines circonstances specialementfavorables, Lilienthal a pu s'elever, pendant le trajet, a un niveau superieur a celui du point de depart. II avail m6me reussi, en deplagant le centre de gravite sur 1'un ou 1'autre cole, par un mouvement d'extension de ses jambes, a devier la trajectoire de son vol, et il arriva m6me a ce resultat merveilleux de revenir, pendant un certain temps du trajet, vers son point de depart. II songeait a imiter le vol a la voile, en adaptant a son appareil un moteur a vapeurtres leger, pouvantproduire plus d'un cheval pour 20 kilogrammes de poids, lorsque, le 9 aout 1896, dans une experience de planement, il se cassa les reins en tombant d'une hauteur de pres de 80 metres. Celte catastrophe ne doit pas, d'ailleurs, 6tre attribute a une fausse manoeuvre du celebre aSronaute, mais a une forte embar- dee, qu'il ne reussit pas a contre-balancer et qui inclina sa machine de telle sorte qu'elle etait frappee en dessus par le vent. Peut-6 tre aussi cette machine etait-elle defectueuse : ce n'etait pas, en effet, la machine que nous venonsdedecrire, mais un appareil complique, forme de deux surfaces sustentatrices superposees, au lieu d'une. II ne semble pas que 1'emploi de deux plans de susten- tation superposes, emploi qui a pour effet d'eloigner le centre de gravite du centre de poussee, compromette par Iui-m6me, au point de vue theorique, la stability de 1'appareil, quoique chez les oiseaux le centre de gravite soit toujours tres pres du plan de sustentation ; mais il est certain que la vitesse du vent e"tant tres differente dans les differents points successifs d'un m6me courant d'air, s'il est deja difficile de conserver la stability avec un seul plan sustentateur, le probleme devient presque impossible avec deux. Les experiences de Lilienlhal n'en n'ont pas moins une grande importance pratique. Elles montrent que, quoi qu'en pensent beaucoup d'hommes distingu^s, il est peu probable que 1'homme, 214 I/AfiRONAUTIQUE m6me aide d'un moteur quelconque, puisse, a la suite d'une edu- cation speciale, arriver a voler avec securite, par Iui-m6me, sans 1'aide d'un navire aerien et de tous les organes de surete et de mesure que les machines modernes comportent. Mais elles montrent aussi que 1'alterrissage d'un aeroplane, si sa voilure est assez puissante, pourra toujours se laire sans danger. V. Si peu probantes que soient, au point de vue indus- triel, les experiences de Tatin et de Langley ; si peu encourageant qu'ait ete 1'essai de la machine de Maxim, une conclusion s'im- pose : c'est que 1'aeroplane est le volateur de Favenir, Fappareil sur lequel doivent porter les efforts de tous les aviateursserieux, car il est le seul capable de repondre un jour aux besoins de Findustrie. Quant aux helicopteres, comme nous 1'avons deja dit, leur theorie n'est pas faite. Mais en admetlant qu'elle le soil, au point de vue navire, ce systeme sera probablement toujours tres infe- rieur a 1'aeroplane. Comme le fait remarquer R. Soreau, si les helices sont verticales, elles n'arriveront qu'a soutenir les voya- geurs sans les deplacer horizontalement dans le courant aerien : un ballon ordinaire serait infiniment plus simple et moins dange- reux. Si les helices sont inclinees, Fhabilabilite et la securite seront bien precaires. S'il y a un jeu d'helices verticales et une helice horizontale, la propulsion troublera singulierement Faction des helices sustentatrices : celles-ciagiront, en somme, comme des surfaces aeroplanes de formes compliqueesqui aurontsur la voiture immobile 1'inconvenient d'exiger des calculs tres compliques et qui, a l'atterrissage, priveront la machine et les passagers du parachute forme par une grande voilure. Reste la question des orthopheres. Cette question a passionne de tous temps les aviateurs, parce que, disaient-ils, rhomme doit chercher a imiter la Nature. On peut d'abord observer que si retude de la Nature est la seule feconde en resultats, il ne s'ensuit pas qu'il en soit forcement de LES VOLATEURS 215 meme de son imitation. L'industrie de 1'homme emploie, en gene- ral, des moyens radicalement differents de ceux qu'emploie la Nature : c'est ainsi que la locomotion sur terre a ete obtenue, non pas en realisant un cheval automate, mais en transformant le mouvement de va el vient d'un piston, mu par la vapeur, en un mouvement de rotation. Les moteurs animes, par desphenomenes de disposition incons- ciente, transmettent la force motrice,instantanement etavec des variations a 1'infini, aux innombrables muscles qui lamettent en oeuvre. Us constituent une machine qui, comme le dit tres bien Espitallier, se regie d'elle-meme, une machine automatique ins- tinctive, et sa regulation se fait sentir jusque dans les parties les plus infimes, avec une promptitude et une sensibilite telles qu'il faut renoncer a copier le modele sous ce rapport. On ne pourra done obtenir qu'une imitation beaucoup plus apparente que reelle, une approximation plus ou moins grossiere, puisqu'il y manquera toujours cette adaptation et cette souplesse des organes. Si Ton supprime ces qualites essentielles de la machine animee, il ne reste plus qu'un moteur d'un faible rendement, complique d'organes sans nombre, et c'est pour cela que toutes les tenta- tives faites avec des orthopheres ont pitoyablement echoue. 11 ne faut done demander a la Mecanique que ce qu'elle peut donner. Au lieu d'organes complexes, auxquels il faut distribuer la force, il faut la laisser chercher a reduire et a decomposer le probleme de 1'Aviation en elements simples par les moyens qui lui sont propres. D'ailleurs, enadmettant qu'on doive chercher aimiterla nature, quel genre de volateurs imiter? La mouche, le pigeon ou 1'aigle? S'il y a un fait patent, c'est que si les volateurs animes de petite taille, comme le pigeon, pratiquent le vol rame, les volateurs animes de grande taille, comme 1'aigle, pratiquent de preference le vol a la voile, c'est-a-dire se servent de leurs ailes comme d'une surface aeroplane, trouvant dans les mouvements de Tair 1'energie suffisante pour entretenir leur vitesse. 216 L'ARONAUTIQUE Peut-on affirmer d'ailleurs que le vol rame est si different que cela du vol a la voile? R. Soreau ne le pense pas. Pour lui, 1'abaissee et la relevee de Faile ont simplementpoureffet de per- mettre a 1'oiseau la sustentation, en me"me temps qu'elles four- nissent une composante de propulsion qui entretient la. vitesse acquise par le volateur. Quant a cette vitesse, rien ne prouve qu'elle soit due particulierement au coup de rame que donne 1'aile a la fin de 1'abaissee quand elle se porte en arriere, comme Fenseignent Marey et son ecole. D'apres R. Soreau, elle est due surtout a la projection de 1'aile en avant au moment de 1'abais- see, projection assez forte non seulement pour entrainer les ailes par rapport au corps, mais aussi pour faire propulser en avant 1'ensemble de 1'animal. Quant a la queue, qui peut, a volonte, s'etaler ou se fermer comme un eventail, s'incliner ou se relever, elle joue plutot le role d'un gouvernail de profondeur, destine a compenser les varia- tions de la surface sustentatrice. L'aeroplane s'impose done par le raisonnement comme par 1'experience : simplicite, securite, rapidite, tout se trouve reuni dans son emploi. Que Ton trouve un moteur a la fois leger et puissant pouvant fournir 1 cheval par 10 kilogrammes pendant un nombre d'heures suffisant, 10 a peu pres,et la moitie du problems sera resolu. La moitie seulement ! car tout porte a croire qu'une fois le problems resolu au point de vue dynamique, c'est un probleme de statique, aussi difficile peut-etre, qui se posera. Ge qui a manque, en effet, dans les experiences de Maxim et de V. Tatin, ce n'est pas la force motrice : le grand defaut de leurs appareils a ete plutot un defaut d'equilibre. Toujours a la meme distance de 140 metres, dit ce dernier, mon aeroplane, apres avoir paru, des le depart, se corn- porter parfaitement sous tous les rapports , equilibre, direc- tion, etc., a manifesto des tendances a s'elever qui lui ont fait perdre 1'equilibre et 1'ont fait choir. Si 1'air etait un fluide entraine d'un mouvement uniforme, la LES VOLATEURS 217 stabilite longitudinale serait facile a obtenir : les changements d'inclinaison de la surface sustentatrice, en changeant la position du centre de pression, donneraient simplement naissance ei des oscillations qu'il serait facile d'amortir. Maisl'airest le siege, tout au moins pres de terre, d'embardees repetees et violentes donnant naissance a des oscillations heurtees des plus dangereuses. On parviendra certainement a les amortir par des mbyens convenables, par exemple en placant le centre de gravite le plus loin possible du centre de pression, et en donnant a la surface sustentatrice la forme preconisee par Phillips. Mais a cote de la stabilite lon- gitudinale, il y a lieu de tenir compte encore de la stability trans- versale. Or, on ne connait, pour Tinstant, aucun dispositif reel- lement capable d'assurer cette derniere. En attendant la resolution de la seconde moitie du probleme des aeroplanes, il faut bien constater, avec R. Soreau, que la stabilite et la securite, si precaires dans ces appareils, sont adrai- rablement resolues par 1'emploi du ballon corarae sustentateur. Aussi, pour terminer, jugeons-nous utile de dire un mot des bal- lons-planeurs, prones tres anciennement par Scott et par Dupuis- Delcourt. D'apres ces aeronautes, ces machines volantes devaient en quelque sorte imiter 1'oiseau planant dans 1'air, avec cette diffe- rence essentielle qu'elles n'etaient pas plus lourdes que 1'air. En particulier le projet de Dupuis-Delcourt comportait un v6ri- table dirigeable, c'est-a-dire un aerostat de forme allongee, avec nacelle et h61ice propulsive, portant un chassis horizontal recou- vert d'une toile resistante et bien tendue. Une fois le dirigeable a la hauteur voulue et en marche, on baissait la partie arriere du chassis, de facon que 1'air qui se glissait en dessous donnat line composante de soulevement; quand on voulait descendre, on abaissait au contraire la partie avant du chassis. Jullien, dans son modele de dirigeable (chap, vn), avail utilise cette idee : Tarriere de son ballon etait muni d'un chassis horizontal, pou- vant, a volonte, s'abaisser ou s'elever. Mais comme le fait 218 L'ARONAUTIQUE remarquer Lapointe, ce chassis n'etait qu'un gouvernail de pro- fondeur, pouvant tout au plus faire varier un peu le niveau d'equilibre. Cependant, rien ne prouve que cette combinaison du plus lourd et du plus leger que Fair ne puisse pas donner des resul- tats, et que Ton ne passera pas des dirigeables aux ballons pla- neurs ou ballons-aeroplancs, avant d'arriver aux aeroplanes. On verra d'ailleurs plus loin (chap, xi) que les Allemands com- mencent a employer, pour leurs ballons caplifs militaires, de veri tables ballons-planeurs. GHAPITRE X LA SCIENCE ET LES AEROSTATS I. Aucune decouverte n'a excite, autanl que celle des aerostats, la surprise, 1'admiration, 1'emotion universelle. LThomme venait, di?ait-on, de marcher a la conquete de 1'at- mosphere; ces espaces infinis, dont 1'oBil est impuissant a sender 1'etendue, devenaient, desormais, son domaine. On le voyait deja parcourir a son gre son nouvel empire et regner en maitre sur ces regions inexplorees. Enfin, les aerostats sem- blaient appeler a regenerer la Science, en lui ouvrant des moyens d'experimentation d'une portee toute nouvelle. Comme Figuier le fait remarquer, de tout cet eclat et de tout ce retentissement, de cet enthousiasme qui, d'un bout & 1'autre du monde, enflammait les esprits, qu'est-il reste? Presque rien. Tout cela, en eflet, etait bien exagere. Abstraction faite de la Geographic et de la Meteorologie (particulierement en ce qui con- cerne la provision du temps], la Science pure n'a que relativement peu a attendre de 1'Aerostation, et cela se conc.oit aisement. Ensomme, Tatmosphere, prise dans son ensemble, n'est qu'un melange d'azote, d'oxygene, d'argon, avec un peu de vapeur d'eau, de gaz carbonique, des traces d'ozone, de gaz ammoniac, etc., et des poussieres minerales ou organiques. Rien d'extraordinaire ne petit done sortir de son exploration, et une preuve a 1'appui resulte de ce qui a ete dit plus haut (chap, v) a propos des mer- veilles de 1'atmosphere. Tous ces phenomenes, a peu d'exceptions pres, etaient parfaitement connus avant 1'invention des ballons : 220 L'AERONACTIQUE Mariotte a explique les halos par la presence de petites particules de glace en suspension dans 1'air, cent cinquante ans avant les celebres ascensions scientifiques de Barral et Bixio. Ajoutons que le decouragement general qui suivit presque immediatement la decouverte des aerostats, lorsqu'on eut reconnu rimpossibilite de lesdiriger et les dangers a courir dans tout voyage aerien, le prix eleve de ces machines, les mouvements incessants dont elles sont animees et qui rendent presque impossible toute observa- tion precise, ne pouvaient que refroidir 1'ardeur des savants. Tout limite que soit le champ ouvert a la Science par 1'aeros- tation, il ne faudrait pas, cependant, le dedaigner. Dans 1'ordre des Sciences physiques et chimiques, les variations avec la hau- teur de la temperature, de Fetal hygrometrique et du potentiel electrique de Fair, ainsi que celles de 1'intensite du magnetisme terrestre (et, peut-elre, de la declinaison et de 1'inclinaison), sont des questions tres importantes. 11 en est de m6me des variations que fair atmospherique peut eprouver dans sa composition chi- mique, physique ou bacteriologique, et des variations du rayon- nement solaire avec la hauleur, cetle derniere question se rat- tachant a Tune des plus imporlantes de I'Aslronomie physique, Tetude de la Chaleur solaire. C'est a Robertson que revient le merite d'avoir, le premier, tire les savants de leur torpeur, en ce qui concerne Temploi scienti- fique des aerostats. Le 18 juillet 1 803, vingt ans apres la decouverte des Montgolfier, il ex6cutait, a Hambourg, la premiere ascension qu'on puisse equilablement qualifier d'ascension scicntifique, ascension qui ne dura pas moins de cinq heures et demie, et dans laquelle il put alteindre une altitude de pres de 7.400 metres. Entre autres fails d'observation, il crut reconnailre qu'a une certaine altitude : 1 le verre, le soufre, etc., ne s'electrisenl que tres faiblement par le frottement ; 2 1'energie de la pile electrique diminue ; 3 Faiguille aimantee oscille avec beaucoup plus de lenteur, ce qui 1'amena a admettre un affaiblissement notable de 1'intensite LA SCIENCE ET LES AEROSTATS 221 du magnetisme terrestre avec la hauteur. Les experiences aux- quelles, apres avoir ete appele a Saint- Petersbourg, il se livra avec 1'assistance de Saccharof, semblerent confirmer ces resultats. II etait cependant impossible de les admettre a titre d6finitif, avant de nouvelles obser- vations. Aucune raison serieuse ne pouvait faire croire que I'electricit6 de- veloppee par le frotte- ment ou celle que fournit une pile peut etre moins intense a 6.000 metres qu'au niveau du sol : la difference de potentiel qui s'etablit entre deux corps que Ton frotte 1'un con Ire 1'autre n'a rien a voir avec 1'altitude, et de m6me le debit d'un ge"- nerateur d'e"lectricit6 tel que la pile. Quant a 1'af- laiblissement de 1'inten- site du magnetisme ter- restre a quelques kilometres seulement au-dessus du sol, il ne concordait guere avec la loi d'Euler, admise encore aujourd'hui comme tres vraisemblable, et d'apr6s laquelle cette intensite ne d6croit, le long d'une meme verticale, qu'en raison inverse, seu- lement, du cube de la distance au centre de la terre. L'Academie des Sciences de Paris jugea done necessaire de refaire les experiences de Robertson, et designa, pour remplir cette tache, Biot et Gay-Lussac. Gonte, le Renard de l'e"poque, se chargea de construire 1'aerostat, dont le depart eut lieu, au jardin du Conservatoire des Arts-et-Metiers, le 20 aout 1804. L'examen attentif auquel les deux savants soumirent, pen- Fig. 91. -Biot. 222 I/AfiRONAUTIQUE dant presque toute la duree du voyage, les mouvements de 1'ai- guille aimantee, les araena a conclure que la propriete magnetique ne perd sensiblement rien de son intensite, depuis le sol jusqu'a 4.000 metres de hauteur. 11s expliquerent Terreur de Robertson et de Saccharof par la difficulte que presente 1'observation de Taiguille de la boussole au milieu des oscillations continuelles de 1'aerostat. Biot et Gay-Lussac ignoraient que 1'intensite d'aimanta- tion d'un barreau augmente quand la temperature diminue, comme 1'a demontre Kupffer, et cela independamment de toute variation dans 1'intensite propre du magnetisme terrestre. Us auraient done du, si leurs observations avaient ete aussi bien faites qu'ils aimerent a le croire, conslater une legere augmentation dans la vitesse des oscillations de leur aiguille de declinaison, puisque la temperature decroit d'au moins 20 de a 4.000 metres, et le fait que cetle vilesse reste a peu pres la m6me, aurait du les amener a conclure a un leger affaiblissement de 1'intensite du magnetisme terrestre avec la hauteur. Us constaterent aussi, contrairement aux assertions de Ro- bertson, et cette parlie de leurs experiences ne pre"te a aucune critique, que la pile et les appareils d'electricite statique fonc- tionnent aussi bien a une grande hauteur dans 1'atmosphere qu'au m'veau du sol. Us profiterent aussi de leur voyage pour etudier les variations de temperature, d'etat hygrometrique et de poten- tiel electrique de 1'air avec la hauteur. L'electricite qu'ils recueil- lirent fut negative, et sa tension s'accroissait avec la hauteur. L'observation de 1'hygrometre leur fit reconnaitre que la seche- resse s'accroissait, aussi, avec la hauteur. Quant aux observations thermometriques, elles ne furent pas suffisantes pour amener a quelque conclusion rigoureuse. Dans un second voyage qu'il executa seul (au grand contente- ment de Biot, dit-on) le 16 septembre 1804, par un ciel vaporeux, mais sans nuages, Gay-Lussac confirma et etendit les resultats du premier. II pritun assez grand nombre d'observations thermometriques, LA SCIENCE ET LES AEROSTATS 223 essaya de determiner, avec leur aide, la loi de decroissance de la temperature avec 1'altitude et admit qu'enmoyenne une diminution de temperature de 1 correspondait a une difference de hauteur de 174 metres. L' observation de 1'hygrometre n'amena aucune con- clusion satisfaisante, au moins en ce qui concerne les variations de 1'etat hygrometrique : contrai- rement a ce qui s'etait passe dans son premier voyage , 1'humidite alia en augmentant jusqu'a 3.000 metres, diminua ensuite jusqu'a 5.267 metres, pour augmenter de nouveau jusqu'a 7.000 metres. II resta acquis, cependant, que la quantite absolue de vapeur d'eau repandue dans 1'atmosphere dimi- nue avec la hauteur suivant une progression extremement decrois- sante. A 6.500 metres d'altitude, Gay- Lussac recueillit de 1'air a 1'aide d'un ballon bien bouche, dans lequel il avait prealablement fait le vide, et qu'il lui suffit d'ou- vrir au moment voulu. L'analyse de cet air, faite le lendemain a 1'aide de la methode eudiomctrique (inventee par 1'illustre savant), montra qu'il avait la meme composition que 1'air pris a la surface de la terre. G'elait, pour Tepoque, un resultat d'une importance capitale, quand on pense qu'un savant de 1'enver- gure de Berlhollet soutenait 1'existence de 1'hydrogene libre, dans Tair, a une hauteur de quelques milliers de metres seule- ment. Aujourd'hui ce resultat parait tout naturel, car 1'air, dans ces regions relativement basses, subit, evidemment, 1'effet d'un brassage qui doit rendre uniforme sa composition. Quant aux variations d'intensite du magnetisme terrestre, ses observations confirmerent les resultats de sa premiere ascension. II iaut cependant dire qu'il constata a 3.000 metres, une tres Fig. 92. Gay-Lussac. 224 L AfiRONAUTlQUE legere augmentation dans la vitesse des oscillations de son aiguille de declinaison, conformement a la loi de Kupffer. Pendant pres de cinquante ans, personne ne songea serieuse- raent a renouveler les exploits de Biot et de Gay-Lussac. Mais, en 1850, grace a Arago, les ascensions scientifiques, remises en honneur, recommencerent, pour se suivre desormais sans inter- ruptions. Le 29 juin 1850, un ballon, construit par Dupuis-Delcourt et mont6 par Barral et Bixio, s'eleva de la cour de 1'Observatoire de Paris. L'ascension avorta : a une hauteur de 6.000 metres a peu pres, le ballon, dont 1'appendice etait beaucoup trop long et beaucoup trop etroit, gonfle outre mesure sous Tinfluence du soleil, menaca d'eclater. II fallut crever 1'enveloppe avec un cou- teau et redescendre precipitamment. Une seconde ascension, le 27 juillet de la me'me annee, quoi- que faite avec le meme ballon qui, cette fois, se dechira sponta- nement a 3.750 metres de hauteur, mais faiblement, reussit mieux, les aeronautes ayant eu 1'audace, malgre cet accident, de pousser jusqu'a 7.000 metres, lls purent constater : 1 que la decroissance de la temperature avec la hauteur suivait a peu pres la loi donnee par Gay-Lussac; 2 que si la lumiere du ciel est pola- larisee, celle des nuages ne Test point; 3 enfin que, meme en ete, il peut exister, a des hauteurs de 6.000 a 7.000 metres, des nuages formes par une infinite de petits particules de glace, ce qui permet d'expliquer la formation, dans cette saison, des nuages de gr6le et ce qui justifie 1'hypothese, due a Mariotte, dont nous avons parle plus haut. A 2.00Q metres d'altitude, en effet, ils penetrerent, dans un nuage de 5.000 metres d'epaisseur a peu pr^s, a 1'interieur duquel ils furent couverts de petits gla- ^ons, en aiguilles extremement fines, qui s'accumulaient dans leurs vfitements. Gependant, ils etaient deja a 6.000 metres et la temperature, de 10, ne presentait rien d'anormal, lorsque, brusquement, le thermometre s'abaissa a 39 : pour la pre- miere fois, on put exactement se faireune idee des froids terribles LA SCIENCE ET LES AEROSTATS que Ton rencontre, a toute epoque de 1'annee, dans les hautes regions de 1'air. Barral et Bixio ne reussirentpas, dans ces deux ascensions, a prendre de 1'air vers (I. 000 metres, afiri de controler les resul- tats de Guy-Lussac. Welsh, mieux outille, menacelte entreprisea bien, dans ses quatre ascensions de Tannee 1852, ce qui permit d'affirmer encore une fois 1'iden- tite de composition de 1'air at- mospherique, au moins jusqu'a 6.000 metres. II put aussi, aux observations ordinaires de tem- perature et de pression, aj outer des observations hygrometriques qui, d'ailleurs, ne donnerent au- cun resultat nouveau. Au mois de juin 1861, com- mencerent les trente ascensions scientifiques de 1'astronome Glais- her, parmi lesquelles la fameuse ascension des 11.000 metres. Les resultats obtenus par ce savant sont surtout concluants en ce qui concerne la variation de la temperature avec la hauteur. II a parfaitement elabli que la diminution de la temperature, pour une meme difference d'altilude, s'accuse d'autant moins qu'on s'eleve davantage, la variation, toutes choses egales d'ail- leurs, etant plus rapide en ele qu'en hiver. Quelques-unes de ses observations relatives a 1'etat electrique de 1'air et au.x raies telluriques ayant ete infirmees par des observations poste- rieures, nous n'en parlerons pas. Comme ses predecesseurs il a aussi constate la diminution, avec I'altitude, de la quantity abso- lue d'eau que renferme 1'air. Douze voyages aeriens, executes en 1867 par C. Flammarion, ont donne des resultats que 1'on doit considerer comme notables, Fig. 93. Glaisher. 226 L'AERONAUTIQUE si les observations de 1'eminent ecrivain scientifique n'ont pas ete, malgre lui, influencees par des idees precongues. C'est, en effet, a G. Flamraarion que Ton doit la premiere verification, en ballon, de la loi de Saigey et de Mendeleeff, el c'esl avec les chilfres qu'il a donnes qu'a ete etablie la formule (4), qu'on regarde comme suffisanle jusqu'a 4.000 metres (Chap. 1). Quant a 1'etat hygromelrique de 1'air, d'apres lui, il augmente a partir du sol jusqu'a une certaine hauteur, pour decroitre ensuite et diminuer conslamment, result at assez conforme aux observations failes par Welch. C. Flammarion a aussi constate 1'accroisse- ment du pouvoir diathermane de 1'air el de la radiation solaire avec 1'allilude et avec le decroissement de la quantile de vapeur d'eau atmospherique : a 4.150 metres d'altilude il a observe une difference de temperature de 20 enlre le soleil et I'ombre. (No- tons qu'a 9.000 metres, Berson en a trouve une de 24.) Quant aux couranls aeriens dans lesquels se meuvent les ballons, ils semblent, d'apres lui, devies, an moins en Europe, dans le sens des aiguilles d'une montre pour un observateur qui regarde le Word, c'est a-dire dans le sens de la loi de Dove. On lui doit aussi des observations inleressantes sur la repartition de la cha- leur et de I'humidile dans les nuages : conformement a ce que le raisonnement peut faire pr^voir, il a trouve qu'a 1'inlerieur de ces masses aqueuses, 1'etat hygromelrique diminue avec la hau- teur, le contraire ayant lieu pour la temperature. Comme tous les aeronaules, comme tous les observaleurs de montagnes, C. Flammarion a rencontre, dans 1'atmosphere, des regions plus chaudes ou plus froides que la moyenne de 1'allilude, et qui traversent 1'air comme de verilables fleuvcs aeriens. G. Tissandier, lui aussi, a souvent observe de pareils pheno- menes : ainsi, le 7 fevrier 1869, alors que la temperature, au niveau du sol, etait de 3 seulement, il a penelre, a 1.000 melres, dans un couranl d'air chaud, d'une epaisseur de 600 melres, dont la temperature etait de 28. On a vu plus haul comment Barral et Bixio ont renconlre vers 7.000 metres, LA SCIENCE ET LES AEROSTATS 227 un courant d'air froid a 29 au-dessous de la temperature normale. Les ascensions plus recentes de G Tissandier, Sivel, Croce-Spi- nelli. W. de Fonvielle, etc., ont continue la plupart des requitals precedents. En particulier, dans les deux ascensions du Zenith, Croc6 Spinelli a parl'ailernenl constate, contraireraent a Glaisher, la disparition des raies telluriques avec la hauteur, disparition concordant avec la diminution de la quantile de vapeur d'eau atmospheriqne. Enfin, dans ces derniers temps, Andre d'abord, Lecadet ensuite, ont commence une serie d'experiences aeroslatiques tres interes- santes sur Teleclrisalion de 1'air. 11 semble resuller de ces obser- vations, failes autant que possible par un ciel pur et serein, a 1'aide de re"lectrometre Thomson couvenahlement modifie", que si le potenliel e"lectrique de Fair croit avec la hauteur, 1'aug- mentation de potentiel par unite de hauteur, c'esl-a-dire la force electrique en chaque point du champ terrestre, decroit a mesure qu'on s'cleve : egale a 150 volts par metre, en moyenne, au niveaudu sol (conformement a des experiences deja anciennes de Mascart et Joubert), cette augmentation ne serait plus que de 22 volts a 2.370 metres, de 13 volts a 4.000 metres. Lecadet croit pouvoir affirmer que le maximum de potentiel doit se pre- senter vers 9.000 metres, r^sullat qui semble ne devoir 6tre acceple qu'avec une cerlaine reserve, ses experiences n'ayant ete poussees que jusqu'a 4.000 metres. II. La catastrophe du Zenith avait jete un froid dans le monde des aeronautes scientifiques. Apres avoir soutenu que seules les explorations aux hautes altitudes pouvaient aider aux progres de la science, on soutint le contraire, sans trop de conviction d'ailleurs. Aussi est-ce avec un veritable soulagement que fut accueilli, en 1892, le projet, du k Capazza, d'explorer les haules regions de Tatmosphere a 1'aide de ballons libres, dou6s d'uce force ascensionnelle suffisante et emportant des instruments enre- sristreurs. '228 L 'A fi II N A L TI Q I E . Le temps necessaire pour demonlrer a Gapazza qu'il avail craprunte son idee a C. Jobert, et on se mil a Fceuvre. Pour faire mieux comprendre les conditions du probleme que les ballons-sondes (comme Hermite et Besancon ont baptise les hallons-explorateurs de Gapazza) doivent resoudre, examinons d'abord le cas ou un de ces ballons n'aurait que son enveloppe a enlever. Supposons-le completement gonfle au depart, ce qui a Favantage d'eviter a 1'etoffe les brusques efforts auxquels, a un instant donne, elle est toujours assujettie lorsque le ballon est lance flasque. Soit , le poids specifique de la zone d'equilibre que Ton veut atteindre, TO le poids de 1'enveloppe par unite de surface, d la densite du gaz aerostatique, R le rayon a donner au ballon pour atteindre 1'altitude voulue. Le poids de 1'enve- loppe, dont la surface est 4- R-, sera 4~ R- ra et la formule (IT du Chap. I donne immediatement, pour R, en y rempla^ant P par 4- R 2 ro, la valeur Comme Rest d'autant plus grand que a, est plus petit, d'autanL plus petit que d et w sont plus grands, le rayon necessaire d un ballon-sonde pour atteindre line zone d'equilibre determinee est done d'autant plus considerable que cette zone est d line altitude plus elevee ; mais, par contre, il est d'autant plus petit que le poids de I' enveloppe par unite de surface est plus faible et le gaz aerostatique moins dense. II semble alors, a premiere vue, qu'avec une etoffe suffisam- ment legere, un gaz peu lourd et un rayon assez grand, on puisse lancer un ballon-sonde a n'importe quelle altitude. En realite, la question n'est pas aussi simple, et cela parce qu'il faut tenir compte des effets dus a la surpression interieure (Chap. I;. Si Ton admet comme exacte la formule (19), on voit, en effet, que le poids specifique a 2 de la zone d'equilibre de hauteur maxima qu'un ballon-sonde peut alteindre, sans que 1'enveloppe se LA SCIENCE ET LES AEROSTATS 229 dechire, est donne, abstraction faite de 1'appendice, par la rela- tion que Ton obtient en remplacant, dans la formule precedente, R par la valeur limite qu'en donne la formule (18), et qu'il est plus commode d'ecrire sous la forme Or, d'apres celte formule, a, est d'autant plus faible que ra, d et , sontpluspetits etT plus grand. La zone limite que pent atteindre un ballon-sonde est done d'autant plus e'levee que Vetoffe employee est plus legere, le gaz aerostatique moins dense et le poids specifique de fair de la zone de depart plus faible, ce qui revient a dire qu'zVy a avantaye a lancer les ballons-sondes en e'te, ou, encore, d*un point aussi eleve que possible au-dessus du niveau de la mer. Pour fixer les idees, cherchons la hauteur maxima que pourrait atteindre un ballon-sonde, rempli de gaz hydrogene et n'enle- vant que son enveloppe, en supposant que ce ballon parte du niveau de la mer (ou d'un lieu peu eleve, comme Paris). Admettons que 1'enveloppe du ballon soit faile avec la soie par- ticuliere dont se servent Hermite et Besan^on, soie dont le poids, une fois qu'elle est vernie (et en tenant compte des coutures) est de kg., 122 par metre carre, la resistance a la rupture etant de 550 kilogrammes par metre de longueur. On aura 0,000049, poids specifique qui correspond a une pression de H milli- metres eta une hauteur de plus de 33 kilometres, en appliquanl, 230 l/AflRONAUTJQUE pour le calcul de cette hauteur, la formule d'Halley. On gagne- rait 2 kilometres en lancant le ballon d'un point eleve, corame 1'Observatoire du Pic du Midi ('2.877 metres). Quant au rayon necessaire pour atteindre cette hauteur, il sera o.o'3xo.84a == 24 metres ^ 0,550 correspondant a un aerostat de 48 metres de diametre environ, c'est-a-dire de dimensions presque gigantesques et d'un prix fort eleve. On pent objecter a ses calculs : 1 qu'il faut tenir compte de la surcharge : filet, nacelle, enregistreurs, etc. ; 2 que la hau- teur trouvee correspond au maximum de tension que peut sup- porter I'etoffe. Voyons d'abord 1'effet de la surcharge. Soil C cette surcharge. V le volume du ballon, S sa surface. Sans surcharge, le ballon arrive jusqu'a la zone d'equilibre a, pourlaquelle la formule (16) donne 1'equation d'equilibre ^ 7 a z (1 d} = Sw. Avec la surcharge, il n'affleurera plus qu'a une zone d'equilibre de poids specifique a t donne par 1'equation d'equilibre Vfl, (1 d = Snj -j- C. Ces deux relations donnent immediatement et un calcul simple montre que si le poids C de la surcharge ne (Impasse pas le centieme du poids S de renvelo/tpe, la difference de hauteur entre les deux zones d'equilibre ne depasse pas 80 a 100 metres, c'est-a-dire est pratiqueraenl negligeable. LA SCIENCE ET LES AEROSTATS 231 Quant a la tension de 1'etoffe, si on la fait traveller a moilie" de sa resistance, ce qui revient a remplacer T par dans la forraule (66), on trouvera, pour la valeur du poids specifique de la zone limite, a z = 0,0000268, valeur correspondant a une hauteur de 31 kilometres et a un rayon de 17 metres cubes environ, soil 34 metres de diametre au lieu de 48. Le tonnage necessaire pour atteindre une hauleur d'une trenlaine de kilometres n'en est pas moins enorme et il y aurail de quoi decourager les experimentateurs les plus auda- cieux, si I'on ne reflechissait que, si interessantes que soient les formules precedentes, elles ne repondent pas a la realite des fails. D'aborique. Les a^ronautes Strangers, allemands, russes, americains, etc., n'ont pas tarde a imiter Hermite et Besangon. Grace a la gene- rosite el a 1'initiative intelligentes de Guillaume II, Assman et Berson, a Berlin, Moedebeck et von Hergessel, a Strasbourg, ont pu rivaliser avec les aeronautes frangais : il y a m6me lieu de LA SCIENCE ET LES AEROSTATS 233 croire qu'un des ballons-sondes d'Assmann est parvenu a une alti- tude de 19 kilometres environ, 1'areonautique allemande tenant ainsi le record des haules altitudes, aussi bien pour les ballons- sondes que pour les ballons monies. Le gouvernement francais n'a rien voulu faire et n'a rien voulu accorder, mais 1'lnstitut de France, le prince Roland Bonaparte, le prince de Monaco, le baron s* iso *.* tsr s* 530' s* eso- 7* 7.29 Fig. 94. Diagramme de ['ascension de YAerophile (14 novembre 1896). Edm. de Rothschild ont permis, heureusement, de suppleer a Tinsuffisance des ressources qu'avaient a leur disposition Her- mite et Besangon. Enfin, en septembre 1896, une Commission internationale a decide de proceder a des lancements executes le meme jour, au meme inslant, de Paris, Berlin, Munich, Saint-Petersbourg 1 , Var- sovie, etc., de fac.on a pouvoir etudier serieusement la direction et la force des courants de la haute atmosphere. Comme le fait remarquer Jamin, le ballon est le seul instrument qui se trans- porlant, en un instant, dans toutes les couches de 1'atmosphere, nous donne le detail des actions en chaquc point, au moment 30 234 I/AfiRONAUTIQUE qu'elles s'accomplissent, et nous permette, ensuite, d'en recons- tituer Tensemble. Tanclis que les observatoires de monlagne, Fig. 95. Les explorations de 1'atmosphere. tant prones il y a quelques annees au point de vue meteorolo- gique, sont des lieux d'exception, entoures de sommets perturba- teurs, qui n'observent les mouvements aeriens qu'apres en avoir modifie les conditions, les ballons sont de simples temoins sans LA SCIENCE ET LES AEROSTATS action, dont le seul role est de surprendre les Elements dans leur travail. Les ballons-sondes, leur greement, les instruments d'observation qu'ils emportent, ont ete suffisarament decrits dans les chapitres precedents. II ne nous reste plus, pour elre a peu pres coraplet, qu'a donner une idee de V appareil d prise d'air imagine par Cailletet, pour 1'etude de 1'air des hautes altitudes. Get appareil (fig. 96), dont le poids total ne depasse pas 12 kilogrammes, se compose es- sentiellement d'un reservoir cylindrique en cuivre etame, A, d'une capacite de7 litres envi- ron, dans lequel on fait le vide aussi parfaite- ment que possible. Ce reser- voir communique , par un robinet E, dont un puissant mouvement d'horlogerie C fait mouvoir la clef, avec un tube G de 2 metres de long, qui sert a puiser 1'air atmos- pherique. 11 est facile de fixer a 1'avance Tinstant ou par 1'intermediaire d'un pignon g agissant sur un secteur S, le robinet doit s'ouvrir, puis se fermer, ce robinet ne devant rester ouvert, d'ailleurs, que pendant quatre minutes environ. Afin d'e- viter la rupture des soudures par 1'effet d'un choc violent, le recipient communique avec le robinet par une spirale de cuivre rouge F, tres elastique. Comme on le congoit aisement, le robinet est Forgane delicat par excellence de cet appareil. II faut que son etanch6ite soil parfaite, ce que Ducretet, son constructeur, n'a obtenu qu'apres de longs efforts. II est facile, d'ailleurs. de s'assurer de la perfec- tion du robinet a 1'aide d'un indicateur du vide adapt6 au reservoir. Fig. 96. Appareil a prise d'air de Cailletet. 236 L'AfiRONATJTIQUE II a fallu songer aussi a soustraire les huiles lubrefiantes em- ployees, soitdansle robinet, soil dans le mouvement d'horlogerie, aux temperatures extremement basses de la haute atmosphere. A cet effet, on renferme le robinet et son mouvement d'horlogerie dans une boite interieurement capitonnee par une couche de feutre de 2 centimetres d'epaisseur, entourant une cassette de fer-blanc remplie d'une dissolution sursaturee et chaude d'acetatede soude. Cette dissolution conserve une temperature elevee pendant une heure ou deux, temps plus que suffisant pour permettre an ballon de gagner son altitude maximum. C'est avec cet appareil que Ton a pu, le 18 fevrier 1897, ra- mener a terre, pour 1'analyser, de 1'air recueilli a 15.500 metres, et constater que sa composition etait, a tres peu pres, identique a celle de Fair du sol, resultat qui semble etablir qu'a cette alti- tude 1'air subit encore les effets du brassage continuel des diffe- rentes couches de 1'atmosphere. III. Resumonslesconnaissances que nous devons auxballons, sur la constitution de notre atmosphere. Tout d'abord la disparition presque absolue de 1'eau, soit a 1'etat de vapeur, soit a 1'etat solide ouliquide, au-dessusde 9 a 12.000 metres, c'est-a-dire au-dessus de la region des nuages, puis les basses temperatures que Ton rencontre a partir de ces hauteurs, doivent nous faire considerer 1'enveloppe gazeuse de notre globe comme divisee en deux zones : Tinferieure, formant V atmosphere proprement dite , d'une hauteur variable de 9.000 a 12.000 metres, qui, seule, constitue un milieu ou se trouvent reunies les condi- tions necessaires a la vie ; la superieure, qu'on peut appeler super- atmosphere ou haute atmosphere, ou la vie, dans les conditions normales, est a peu pres impossible. Nous pouvons, ensuite, regarder comme a peu pres etabli : 1 Que la temperature, a partir du sol, decroit regulierement a mesure que 1'altitude augmente, et proportionnellement a la diminution de pression. LA SCIENCE ET LES AEROSTATS 237 Jusqu'a9.000 metres, a peu pres, cette loi parait m6me rigou- reusement exacte, sauf les perturbations accidentelles dues au voisinage du sol, a la presence des nuages, etc. Mendeleeff croit m6me pouvoir affirmer son exactitude jusqu'aux extremes limites de la superatmosphere . Mais ce qu'on ignore encore, mSme pour les couches inferieures de I'atmosphere, c'est la valeur exacte du rapport qui existe enlre la difference des pres- sions et la difference correspondante des temperatures. 2 Que la quantite absolue de vapeur d'eau decroit reguliere- ment a partir du sol, suivant une loi encore inconnue, Tetat hygrometrique paraissant croitre d'abord, puis decroitre, a mesure qu'on s'e~leve, mais qu'en tout cas, en toute saison, 1'at- mosphere contient assez de vapeur pour fournir a la terre la quan- tite de pluies dont elle a besoin (avouons que le contraire serait etonnant). 3 Que la vitesse des courants aeriens croit rapidement avec la hauteur, et qu'elle peut atteindre pres de 160 kilometres a 1'heure a la limite inferieure de la superatmosphere. 4 Que Fintensite de la radiation solaire augmente notable- m6nt avec 1'altitude, les mesures faites jusqu'ici n'ayant conduit a aucun resultat, et devant (Hre reprises bientot par Violle, avec les actinometres enregistreurs dont il a ete" parle au Chapitre III, et qu'on se propose de lancer dans 1'espace, attaches a des bal- lons-sondes. 5 Que les differentes constantes du magne~tisme terrestre (inlensite, declinaison, inclinaison) ne changent pas sensiblement de valeur, au moins dans la zone d'air d'epaisseur relalivement faible qui a pu tre etudiee. 6 Que le potentiel de Fair croit, dans des conditions normales, avec la hauteur, la force electrique du champ terrestre d6crois- sant r6gulierement suivant une loi qui ne peut 6tre que mal connue, puisque, dans ce genre d'experiences, on ne s'est pas eleve a plus de 4.000 metres. Le fait du decroissement regulier de raugmentation du polentiel 238 I/AfiRONAUTIQUE par metre de hauteur, n'en est pas moins, d'ailleurs, d'une grande importance. II permet de penser qu'a partir d'une certaine altitude le potentiel de 1'air reste constant le long de la meme verticale, conformement aux idees d'Edlund relativement a 1'etat electrique de notre atmosphere. D'apres ce savant, en effet, le potenliel de Fair croit jusqu'a une hauteur qui, voisine de la surface de la terre aux environs des poles magnetiques, augmente a mesure qu'on se rapproche de 1'equateur. C'est dans cette zone de poten- tiel maximum, ou 1'air est excessivement rareTie, que se pro- duiraient les decharges electriques qui donnent lieu aux aurores polaires. Seulement, tandis que d'apres les calculs les plus dignes de foi, la zone de ces decharges et, par suite, la zone de potentiel minimum, serait, sous nos latitudes, a 500 ou 600 kilo- metres au-dessus du sol, Lecadet croit, d'apres ses propres expe- riences, pouvoir affirmer que, sous nos latitudes, cette zone ne depasse pas 9 a 10 kilometres. L'avenir, seul, donnera la solution du probleme. Une question plus importante, celle qui preoccupe en ce moment tous les aeronautes physiciens, est la mesure des hau- teurs a Vaide du baromelre. Rigoureusement, la loi du nivellement (Chap. I) est fausse, car independamment de 1'etat de calme parfait qu'elle suppose, elle admet a priori, pour 1'atmosphere, une hauteur infinie, comme le montre la formule d'Halley, alors que les calculs les plus dignes de foi montrent qu'elle ne pent depasser, au plus, 36.000 kilometres, soil moins de 6 fois le rayon de la terre. Comme 1'hypothese d'une atmosphere de hauteur infinie est inadmissible, il en resulte que toutes les corrections ou modifi- cations qu'on peut apporter a cette formule, qu'elles soient de Laplace ou d'un autre. n'en feront jamais une relation rnathema- tiquement exacte. Pour obtenir la formule desiree, il faudrait avoir, sur la constitution des gaz et de 1'air aux hautes altitudes, c'est-a-dire a 1'etat radiant et aux basses temperatures, des notions qui, pour Tinstant, nous manquent absolument. II y a LA SCIENCE ET LES AEROSTATS 239 merae la, pour un physicien, une mine a explorer et a ex- ploiter. II faut done se contenler de chercher une formule de nivelle- ment pour les regions moyennes, qui nous permette d'evaluer exactement les hauteurs, au.moins jusqu'aux 40 ou 50 kilometres que les ballons-sondes vont permettre bientol d'atteindre. Laplace, comme Fexperience 1'a demontre, a fort bien resolu la question pour des altitudes de quelques kilometres. Tenant compte de I'abaissement de temperature avec la hauteur, il a admis que par suite du brassage, on pouvait remplacer la colonne d'air verticale a que Ton suppose, dans 1'etablissement de la formule d'Halley, separer les deux stations dont on cherche la difference d'altitude, par une colonne d'air dont la tempera- ture tn g " serait la moyenne des temperatures t et t n des points extremes. 11 est ainsi arrive (abstraction faite des corrections secondaires dues a I'humidite de Tair, aux variations de la pesanteur, etc.), a la formule connue z = 18.400 (l + a A*L) log ., (68) la hauteur z etant exprimee en metres et a etant le coefficient de dilatation desgaz. Pour ameliorer cette relation, qui a ete cepen- dant reconnue suffisamment exacte jusqu'a 8.800 metres de hau- teur, il suffirait de tenir compte de la loi de Saigey ct de Men- deleeff, en admettant, bien entendu, que cette loi soil exacte au moins jusqu'a 40 ou 50 kilometres. Un calcul facile monlre que, dans ces conditions, la formule du nivellement (abstraction faite toujours des corrections secondaires) prendrait la forme z = A log A + B (h - h a ], (B) A et B etant deux coefficients constants qu'il serait facile de cal- culer si Ton connaissait la valeur exacte de la constante a de la formule (A) dormee au Ghapitre I. 2iO I/AfiRONAUTIQUE II n'y a evidemment que deux moyens d'arriver a la determi- nation de ces coefficients : 1 la recherche directe de la valeur de la constante , a 1'aide de ballons, inontes ou non, emportant des barometres suffisamment pre- cis ; 2 la mesure directe, a un instant donne, de la hauteur exacte d'un ballon, monte ou non, comparee avec les indications du barometre. On a propose, a cet effet, d'avoir recours a la photographic. Un ballon-sonde , par exemple, enleverait un appareil photographique, avec un mouvement d'horlogerie reglant a des intervalles de temps fixes a 1'avance la prise de vues photographi- ques du terrain silue imme- diatement au-dessous de 1'ae- rostat. Par la simple com- paraison avec la carte des cliches ainsi obtenus, on pourrait tracer avec exacti- tude 1'itineraire du ballon, determiner sa vitesse a cha- que instant, et, surtout, en comparant les dimensions reelles d'objets ou de distances connus aux dimensions de leurs images, en deduire la hauteur de 1'appareil au moment de 1'obtention de la photographic. L' ' enregistreur photographique imagine dans ce but par Cail- letet, mais qui n'a ete essaye jusqu'a present qu'en ballon monte, le 21 octobre 1897, se compose d'une boite prismatique en bois, suspendue au-dessous de la nacelle du ballon, par Tintermediaire d'un anneau et d'un mousqueton, de maniere a assurer a son axe une position toujours sensiblement verticale (fig. 97). Sur la partie inferieure de la boite, qui regarde le sol, est dispose un objectif a long foyer ; sur la paroi opposee, Fig. 97. Enre- gistreur pho- tographique de Cailletet. Fig. 98. Schema de 1'enregistreur photo- graphique. LA SCIENCE ET LES AEROSTATS 241 est un second objectif 0', destine a photographier le barometre anero'ide B (fig. 98). Un mouvement d'horlogerie fait mouvoir les obturateurs qui, en s'ouvrant de deux minutes en deux minutes, permeltent aux rayons lurnineux de penetrer dans 1'ap- pareil. line pellicule de celluloid sensible CG rec.oit sur ses deux faces les rayons ainsi transmis et se deroule devant les objectifs, en obeissant a un ressort contenu dans un barillet c independant des barillets a et b des oblurateurs. Lorsqu'on connalt : 1 la dis- tance locale /' de I'objeclif photograph ique ; 2 la distance d de deux points silues sur le sol ; 3 la distance de ces deux points sur 1'epreuve photographique, la proportion / ,i que Ton deduit immediatement de la similitude des triangles 0,AB. 2 A'B' (fig. 99), donne la hauteur cherchee h, soit h =f$. (69) Comme 1'epreuve donne egalement 1'image du barometre et, par conse- quent, la pression au moment de la prise, on peut done con- troler les indications de cet instrument et il y a lieu de croire qu'on pourra arriver ainsi a resoudre le probleme cherche. La figure 100 donne, d'ailleurs, une idee des photographies ainsi obtenues. On est, d'autre part, arrive a des resullats remarquables en ope- rant d'apres les methodes employees en Geodesic pour obtenir la hauteur d'un point inaccessible. En suivant le ballon, dans son voyage, au moyen de plusieurs lunettes dont les visees, faites 31 242 L'AfiRONAUTIQUE avec soin, se coupaient aux mSmes instants, on a pu deduire sa position et sa hauteur a 1'aide d'un calcul simple, que nous croyons utile d'indiquer ici : Soit AA' = b une base horizontale convenablement choisie, B le Fig. 100. Photographic donnee par un enregistreur Cailletet. centre du ballon a un instant donne (fig. 101). Determinons au mSme instant les angles BAA' = A, BA'A = A'. Le triangle ABA' donne 4 n , sin A' AL> = o . r- sin A Determinons, en m6me temps, Tangle ZAB = z de la base AB avec la verticale AZ, et soit BB' = h la hauteur demandee : alors le triangle rectangle BAB' don.nera sin A' h = b cos z sin A' (70) LA SCIENCE ET LES AEROSTATS 243 C'est en operant ainsi que les savants qui suivaient la marche aerienne de Pilatre de Rozier et du marquis d'Arlandes, dont la montgolfiere etait depourvue de barometre, purent constater que les deux voyageurs s'etaient eleves a 1.000 metres C'est encore ainsi que les aeronautes de Strasbourg onl pu, dans ces derniers temps, veri- fier 1'exactitude relative de la formule de Laplace jus- qu'a 9.000 metres. La determination des angles A et A' est d'ailleurs facile. Pour Tanglfc A, par Fig. 101. exemple, appartenant au triedre (A,B'AA'), dans lequel on connait Tangle BAB' = 90 z, Tangle B'AA' = a a, a designant Tazimut de la base AA', c'est-a-dire son angle avec Taxe ns de la boussole, a Tazimut du ballon, c'est-a-dire Tangle *AB', une formule connue de Trigonometric spheriquedonne, en remarquant que Tangle diedre oppose a Tangle A, c'est-a-dire Tangle du plan vertical BAB' avec le sol, est de 90, la valeur De meme, on a cos A = sin z cos (a a}. (li) cos A' = sin z' cos (a a'), (11 bis] z' et a' etant les distances zenithales et azimutales du ballon pour le point A'. La seule difficult^ (et elle estgrancle) que presentent cesobser- tions provient du mouvement du ballon. Hermite Ta en partie resolue par 1'invention de son dromogfaphe, sorte de theodolite enregistreur a Taide duquel, tout en ne perdant pas de vue le ballon, on peut, d'un point convenablement choisi, determiner, a 244 L'AERONAUTIQUK chaque instant, ses distances azimutale et zenithale, avec une approximation relative, bien entendu : Get instrument (fig. 102) se compose d'un plateau PP mobile autour de 1'axe vertical ab d'uu plateau fixe AA, dont I'horizontalite est assuree par des vis calantes V. Sur le pla- teau mobile se trouvent le cy- lindre enregistreur H, uuis deux tiges T et T qui, tout en servant de guides aux plumes x et y, forment un cadre vertical rigide sur le sommet duquel est place une boussole B et, lateralement, une lunette astronomique L placee dans un collier mobile, dans un plan vertical, autour de 1'axe horizontal 0. I/en- semble du plateau mobile et du cylindre correspond au cercle azimutal d'un theodo- lite ordinaire. La rotation de cet ensemble permet d'ins- Fig. 102. - Dromographe d'Heruiite. cr j re h cna que instant 1'angle que fait la direction du ballon avec la direction nord-sud de la boussole, grace a un pignon V engrenant avec une roue dentee fixe R, et ensuite a une chaine de Galle K tendue par une poulie E; le mouvement de rotation horizontal du plateau mobile est alors transforme en un mou- vement vertical qu'inscrit la plume y sur le cylindre enregistreur, les lignes verticales inscrites etant proportionnelles aux angles de deplacement. L 'inscription de la distance zenilhale s'obtient d'une fagon analogue : la rotation de 1'axe mobile qui porte LA SCIENCE ET LES AEROSTATS 245 la lunetle se transforme encore, sur le cylindre de papier, en un mouvement vertical qu'inscrit la plume z, les lignes verticales inscrites etant proportionnelles a ces distances. Pour terminer, signalons le service de cerfs-volants que le Bureau meteorologique des Etats-Unis a inslitu6 dans ces derniers temps a TObservatoire de Blue-Hill : Ces cerfs-volants sont accouples en tandem les uns au-dessus des autres, a peu pres comme le cerf-volant Bar- grave, que represente la figure 103, de facon a augmenter leur force de sou- levement. On leur confie des enregis- treurs : barometres, thermometres, etc. Une corde ne suffisant pas a les main- tenir, on la remplace par un mince cable d'acier, deroule au moyen d'un treuil mu a la vapeur. Ges appareils ont pu atteindre des altitudes tres elevees. Prenons, par exemple, 1'experience faite le 19 sep- tembre 1897, jour ou s'est effectuee la plus haute ascension du nouvel engin scienlifique. Vers midi, on avait lance un cerf- volant qui est reste en 1'air jusqu'a sept heures, se maintenant pendant plus de cinq heures a 1.500 metres, au moins, au des- sus de TObservatoire ; vers 4 heures ils s'etait meme eleve a 2.860 metres. 11 n'a pas fallu moins de deux heures, d'ailleurs, pour enrouler sur le devidoir a vapeur les 6.500 metres de cable qui rattachaient 1'appareil au sol. Comme il serait prouve que les sautes de vent se produisent entre 1.600 et 3.000 metres, de douze a seize heures avant que le changement de direction se manifesle a la surface du sol, on espere arriver, a 1'aide de ces engins, a pronostiquer le temps d'une facon a peu pres satisfaisante, en meme temps qu'ils ser- Fig. 103. Cerf-volant Hargrave. 246 L'AfiRONAUTIQUE viront a examiner une partie des problemes qu'on etudie avec les ballons-sondes. Par exemple, quand la temperature descend nor- malement d' environ 1 degre par 200 metres, comme dans 1'as- cension du 19 septembre, 1'equilibre atmospherique est salisfai- sant, et le temps fixe au beau. Mais si la temperature, en haul, offre des anomalies, c'est Tannonce d'une prochaine perturbation atmospherique. GHAPITRE XI LA GUERRE ET LES AEROSTATS I. -- Avant de tenter la fameuse ascension du 21 novem- bre 1783, Pilatre de Rozier s'etait d'abord aventure plusieurs fois dans une montgolfiere retenue par des cables de plus en plus longs. Giroud de Vilette, qui 1'accompagnait dans Jl'une de ces premieres ascensions captives, fut frappe de la nettete avec laquelle il decou- vrait les moindres details du terrain environnant, et signalaimme- diatement au public combien une telle machine serait utile dans une armee pour decouvrir la position de I'ennemi, ses ma- noeuvres, ses marches, ses dispositions, et les annoncer par des signaux aux troupes alliees de la machine . Aussi, des les premiers temps de la Revolution franchise, plu- sieurs propositions avaient surgi pour appliquer les aerostats aux operations militaires. Mais comme il ne s'agissait que de ballons plus ou moins dirigeables, on y fit peu d'attention. Les aerostats furent employes, pour la premiere fois pendant le siege de Conde, en 1793, par le commandant Ghanal, qui chercha a faire passer, par ce moyen, des depSches au general Dampierre. Par malheur, la tentative alia directement contre le but propose, carle ballon, au lieu de parvenir au general frangais. tomba dans le camp ennemi. Ce fut Guyton de Morveau, qui eut le merite de trouver 1'emploi, vraiment pratique, des aerostats dans les armees. II proposa de se servir d aerostats retenus captifs au moyen de cordes, dans la nacelle desquels des observateurs, places comme en sentinelles 248 L'A^RONAUTIQUE perdues au haul des airs, observeraient les mouvements de 1'en- nemi. La proposition de Guyton de Morveau une fois agreee par le Comite de Salut public, le physicien Coutelle, aide de Charles Fig. 104. Ballon captif de Coutelle et Conte Fig. 105. Transport du ballon-captif de Cou- telle et Conte. et de Conte, fut charge des premiers essais pour la production de Fhydrogene en grand, au moyen de la decomposition de 1'eau par le fer chauffe au rouge (Chap. III). Ces essais ayant reussi, Coutelle fut immediatement cree direc- teur de la premiere Ecole militaire d'aerostation qui, comme celle qui existe aujourd'hui, fut elablie aJVleudon. LA GUERRE ET LES AEROSTATS Perfectionnant sans cesse leurs appareils de production, Cou- telle et Conle arriverent a produire en qnelques heures la quan- tile d'hydrogene necessaire au remplissage d'un aerostat donl le tonnage i'ut, des les premiers jours, reconnu devoir ne pas exceder 500 a 540 metres cubes (tonnage actuel des ballons caplifs militaires franc,ais). Us trouverent aussiun vernis si parfait (la formule a ete perdue depuis) que leur aerostat CEntreprenant demeura deux mois entiers plein de gaz et qu'il n'etait pas rare, a 1'ecole de Meudon, d'en con- server pleins pendant trois mois. En presence de Guyton de Morveau, Monge, Fourcroy et de tous les raembres du comite du Salut public, Coutelle s'eleva, a diverses reprises, a une hau- teur de 500 metres dans le ballon relenu captif. Le cable n'etait pas attache a la nacelle, car, par 1'effet du vent, le ballon et son cable pouvanteMre rabattus jusqu'a terre, la nacelle, en suivant le mouvement, aurait precipile les observateurs dans IVspace : le ballon etait simplement relenu par deux cordes altachees, par rintermediaire de deux larges pattes d'oie, a I'equateur du filet, et retenues par une quarantaine d'hommes places a terre (fig. 104). Pour le transporter d'un point a un aulre, Coutelle imagina de le munir de cordes equaioriales, dont sont munis encore aujourd'hui les ballons captifs mililaires franqais (fig. 105). On conslataque Ton pouvait, du haut de la nacelle, embrasser un espace fort etendu et reconnaitre tres nettement lesobjets, soil a la vue simple, soil avec une lunette d'approche. Si Ton se rap- porte, en effet, a la formule demontree au Chapilre V, et qu'on designe par r le rayon de visibilite OB (fig. 106), comme on a, en remplacant 3 par sa valeur, la formule r = 32 2o L'AERONAUTIQUE qui montre que le rayon de visibility augments proportionnel- lement a la racine carree de la hauteur. Comme le rayon de la terre R == 6.371.000 metres environ, d'ou \J2~R = 3.370 metres, il suffira, pour avoir le cercle de visibilite en metres, a une hau- teur- quelconque exprimee aussi en metres, d'appliquer la for- mule r = 3.570v//i; (72) dans laquelle le coefficient 3.570 represente, en metres, le rayon de visibilite qui correspond a une hauteur de 1 metre. Pour une hauteur de 500 metres, le rayon de visibilite serait de 79.820 metres, soit 80 kilometres a peu pres. En meme temps, on etudiait les moyens de transmettre les avis aux personnes restees a terre. Par 1'emploi de petits dra- peaux respectivement bleus, blancs et rouges, que mano3uvraient les aeronautes et les conducteurs du ballon restes a terre, on arriva a des resultats satisfaisants relalivement aux mouvements a executer : monter, descendre, avancer, aller a droite, etc. Pour transmettre au general en chef les notes resultant des obser- vations, le commandant des aerostiers jetait sur le sol de petits sacs de sable, surmontes d'une banderole, auxquels la note etail attache e. On s'apergut touiefois que, par les grands vents, il serait dif- ficile de se livrer u des observations efficaces, a cause des balan- cements continuels et dangereux que le vent imprimait a la machine. Par arrete du 9 avril 1794, une compagnie d'aerostiers fut instituee sous le commandementdeCoutelle, et le ballon I'Entre- prenant, gonfle a Maubeuge, puis transport6devantCharleroi,put p?endre part au siege de cette ville (dont il hata la reddition, par la surete de ses indications), puis a la bataille de'Fleurus, duranf laquelle, d'apres Jourdan et Carnot, il rendit les plus grands ser- vices. Plus tard, les aerostats rendirent encore d'excellents services LA GUERRE ET LES AEROSTATS 2bl a Mayence et a Wurtzbourg. Mais ni Hoche, ni Bonaparte (on ne sail comment expliquer cette aberration) ne prisaient 1'emploi des aerostats dans les armies. Ce dernier, apres la campagne d'Egypte, ferma 1'ecole d'aeroslation de Meudon, et Y Entrepre- nant fut achet6 par Robertson pour les experiences scientifiques dont il a ete question plus haut (Chap. X). En 1812, Rostopchine proposa d'ecraser I'armee franchise a Taide des projectiles explosibles, lances da haut d'un aerostat : on dut renoncer a cette idee. Le meme projet, repris par les Aulrichiens en 1849, eut un resullat inaltendu : les deux cents petils aerostats, charges de bombes explosibles, qui furent alors diriges sur Venise assiegee, furent ramenes par un vent con- traire vers le camp autrichien, de sorte que les bombes firent plus de mal aux assi^geants qu'aux assieges. La guerre civile des Etats-Unis remit 1'aerostation en honneur, au point de vue militaire. En septembre 1861, 1'aeronaute La Mountain fournit d'importants renseignements au general Mac Clellan, qui defendant contre les rebelles les abords de Washington. Peu apres, Allan eut 1'idee de faire communiquer par un fil elec- trique Tobservateur place dans la nacelle avec le corps d'armee pour lequel il faisait ces reconnaissances. Commes les observations en ballon captif a 1'aide de longues- vues ou jumelles sont longues et difficiles, a cause des mouve- ments de giration de 1'aeroslat, le meme aeronaute, d6s le mois de mai 1862, eut 1'idee de se servir de la photographic pour prendre, en perspective, sur une carte, lout le terrain environ- nant la ville de Richmond, occupee alors par les confederes- Quelques jours apres, grace a ce ballon, planant a une altitude de 333 metres et que les assieges essayerent vainemeqt d'at- leindre avec uri canon a longue portee, Mac Clellan put repous- ser toutes leurs attaques. S'inspirant de ces exemples, la garnison de Metz, puis les habi- tants de Paris songerent, en 1870, a communiquer avec le reste He la France par la voie des ballons monies. C'est le 23 sep- 252 L'AERONAUTIQUE tembre 1810 que partit le premier aerostat parisien, le Neptune. Le soixante-cinquieme et dernier, le General Cambronne, parti le 28 Janvier 1871, alia porter a la France la nouvelle de 1'armis- tice. Sur ces 65 ballons, deux seulement, le Jacquard, monle par Prince, le Richard Wallace, monte par Lacaze, furent perdus en mer, corps et biens ; cinq furent pris par 1'ennemi ; un, la Ville d 1 Orleans, monte par Bezier et Roller, alia descend re a Krods- chered, en Norvege (24 nov. 1870). Tous les autres alterrirent dans de bonnes conditions. Mais aucun des aeronautes en renom de 1'epoque, a Texception des freres Tissandier, n'essaya serieusement de suivre le chemin inverse, c'est-a-dire de partir d'un point convenablement choisi en France pour descendre a Paris, ce qui n'est pas pour encou- rager les partisans de la navigation aerienne par 1'emploi des courants atmospheriques. II fallut, pour faire com muni que r la province avec Paris, avoir recours aux pigeons voyageurs. Neanmoins, les aerostats avaient rendu de tels services que, la guerre terminee, 1'attention resla attachee a ces utiles auxi- liaires et que Ton s'empressa de rendre definitives, pendant la paix, les etudes commencees pendant la guerre. D'ailleurs, 1'aug- mentation de la portee des armes, qui oblige, desormais ii entamer la lutte a des distances considerables et a elargir le champ debataille, a rendu indispensables des observatoires eleves. Or, a ce point de vue, le ballon captif, avec les progres de la telegra- phic et de la telephonic, est certainement sans rival. En 1872, le gouvernement franc.ais crea, a Meudon-Chalais, un elablissement analogue a 1'ecole aerostalique de 1794, et on mil a sa t6te des officiers d'une aptitude speciale, tels que Laus- sedat, Renard. Krebs, etc. En meme temps, rindustrie privee s'organisait, pour fournirle materiel militaireaerostatique aux nations etrangeres ; car Taeros- tation militaire est maintenant une institution reconnue par- tout d'utilite publique. Toutes les nations civilisees ont aujourd'hui des pares aerostaliques militaires, dans lesquels on s'occupe de la LA GUERRE ET LES AEROSTATS 253 construction des ballons caplifs, de la levee des plans en ballon par la photographic et de la recherche de la direction aerosta- tique. II. Les ballons captifs sont construits d'apres les memes prin- cipes que les ballons libres. a). La forme spherique est la forme adoptee par toutes les nations. Le gaz employe estde 1'hydrogene. Le tonnage le plus ordinaire Fij, r . 107. Suupapc de Henuril il'ermee). estde 500 a 540 metres cubes, suffisant pour que le ballon puisse enlever deux personnes. Mais, en Anglelerre, il est reduit a 290 et 300 metres cubes, par suite de la substitution de la baudruche au ponghee, 1'economie de gaz r.ealisee sur chaque operation de gonflement etant assez notable pour compenserjusqu'a un certain point I'accroissement de depense du a Temploi de la baudruche. L'appendice constiluant une soupape inferieure Ires sensible et automatique, on se dispense d'ordinaire de fermer 1'oriGce infe- rieur du ballon. Dans le cas conlraire, la soupape qu'on y adapte s'ouvre toujours sous une tres laible pression, et pour plus de surete, on la detache, si Ton est force, pour une raison quel- conque, de transformer 1'ascension captive en ascension libre. En France, la soupape adoptee pour les ballons militaires est la soupape de Renard, une des plus parfaites que Ton connaisse (fig. d07et 108) : Cette soupape est a deux actions : Tune niomentanee, pour les mano3uvres de routes, et a debit yradue ; 1'autre definitive, pour Fig. 108. Soupape de Renard (ouverte). 1'echappement complet du gaz a 1'alterrissage. Gette derniere manoeuvre consiste a arracher, par une traction operee sur une cordelette speciale D (cordc de misericorde), attachee assez haut pour la mettre a 1'abri des mouvementsirreflechis, une calotte de caoutchouc obturant la base d'un cylindre en carton EE, sorte de cheminee par laquelle le gaz s'echappe alors a. flots. Gette manoeuvre est subite et definitive, puisque la cheminee ne peut plus se refermer : Taeronaute n'a plus a s'occuper de la soupape et peut alors se consacrer aux divers soins que comporte 1'atterrissage. Cependant il est bon de ne se servir de la corde de misericorde que lorsqu'on ne peut guere faire autrement. Quant a Faction momentanee de 1'appareil, elle est reglee par le jeu d'une commande pneumatique, composee d'une poire a clapet placee sous la main du pilote et d'un tube de caoutchouc LA GUERRE ET LES AEROSTATS 25:> qui la relie a la soupape, mais en dehors du ballon. L'air corn- prime determine le gonflement (fig. 108), d'un anneau creux en caoutchouc MM, ou clapet a boudin, qui demasque une serie de fenelres /,/,... percees dans le corps cylindrique de la soupape, et produit une ouverture momentanee et graduelle a 1'interieur de laquelle le gaz s'engouffre pour sortir par 1'ouverture AA de la partie superieure de la soupape. Un manometre en com- munication directe avec la commande pneumalique indique a chaque instant la pression et une experience prealable per- met d'en deduire le debit correspondant. 11 suffit d'ouvrir un robinet convenable pour determiner I'echappement de Fair, et la soupape se referme instantanement. Un toit BB protege la soupape contre la pluie, le givre, etc. b]. Un des inconvenients des an- ciens ballons captifs etait l'inclinaison que prenait la nacelle lorsque le ballon sln- clinait sous 1'action du vent. On 1'evite aujourd'hui a 1'aide du mode de suspen- sion imagine par Renard (fig. 109) : La nacelle est attachee par un systeme abalancines, tres simple, aux deux extre- mites de la barre superieure m n d'un tra- Fig 10 9. pezem/i/?^, dans Finterieur duquel elle suspension Renard. peut se mouvoir librement et se mainle- nir verticale, quelle que soil l'inclinaison suivant laquelle s'exerce la traction sur le cable qui est amarre a la base inferieure du tra- peze. Le trapeze est lui-rnemc relie au filet par Tinterrnediaire d'un organe special de torsion, une sorte de conoids ayant pour base un cercle ab, et pour sommet une barre cd d'oii partent deux faisceaux de suspentes qui s'attachent aux extremites m 256 I/AfiRONAUTIQUE et n de la partie superieure du trapeze. Grace a ce mode de sus- pension, analogue au bifilaire de Gauss, on obtient la perma- nence de I* orientation, c'est-a-dire 1 amorlissement presque com- plet des mouvements de giration. Mais cetle disposition a Tin- convenientde rendre difficile la manoeuvre de la soupape, lorsque les circonstances forcent a changer 1'ascension captive en ascen- sion libre. Le mode de suspension des ballons militaires Yon, figure ci- conlre (fig. 110), moins parfait, plus simple, est peut-etre prefe- rable. Un dynamometre, reliant le cable d'ascension a 1'ensemble du systeme, permet de mesurer la force ascensionnelle au depart, et d'avoir, a chaque moment de 1'ascension, la traction que produit 1'aerostat sur le cable. Les cables que Ton emploie d'ordinaire ont a peu pres 500 metres de longueur. D'ordinaire, ils sont en chanvre ; la soie, quoique couleuse, serait plus avantageuse, sa resistance etant beaucoup plus grande que celle du chanvre. En Angleterre, ils sont conditionnes avec des cordes metalliques. En tout cas, leur resistance est calculee de fagon que le ballon puisse lutter centre un vent de 20 metres a la seconde. Quelquefois, le cable porte, dans son toron, des fils telephoni- ques qui permettentaux officiers a terre d'etre en communication permanente avec les observaleurs dans la nacelle. 11 est prefe- rable d'enrouler le fil lelephonique autour du cable en le logeant enlre deux torons : on le visile ainsi tres aisement et les avaries sont immedialement decouvertes. Le cable est ordinairement relie a un trenil a vapeur, qui permet de faire monter ou descendre le ballon a volonte, et dont la dis- position varie d'un constructeur a Tautre. En parliculier, le treuil a vapenr cCYon, monte sur un chariot a qualre roues (fig. Ill), comprend une chaudiere verticale (que Ton voit a la droite de la figure), qui fournit la vapeur aune machine motriceadeux cylindres actionnant un arbre dont les manivelles sont conjuguees a angle droit. Sur cet arbre est un systeme d'engrenages qui actionnent LA GUERRE ET LES AfiROSTATS 257 les poulies de touage ou de traction ; le cable, en se deroulant de la bobine placee sous le siege du conducteur du chariot, circule dans le mecanisme, et se trouve enfin relie a 1'aerostat par I'inlermediaire d'une poulie a mouvement universe! A, qui Fig. 110. Suspension d'Yon. obeit a tous les mouvements du ballon, sans que le cable ait a s'en ressentir. Un frein a air, moderateur de la vitesse d'ascen- sion du ballon, un frein de surete pour 1'arrel, completent la parlie mecanique de Tappareil. L'ensemble de ce mecanisme complet pese 2.500 kilogrammes et la puissance effective developpee par la machine motrice est de 5 chevaux. 258 L'ARONAUTIQUE L'appareil a gaz est celui qui a ete decrit plus haul (Chap. Ill) Son poids est d'environ 2.800 kilogrammes ; la production du gaz hydrogene est de 250 a 300 metres cubes par heure. Un chariot-porleur, dans lequel on place le ballon, la nacelle et ses accessoires et qui, avec ce materiel, ne pese pas plus de 2.200 kilogrammes, constitue, avec la voiture a treuil et 1'appa- pareil a gaz, un pare aeronautique complet. En France, particulierement, un pare aerostatique de cam- pagne se compose, outre les fourgons a vivres, v d'une voilure- treuil, une voiture d'agres et neuf voitures chargees de bouteilles a hydrogene (bouteilles dont il sera question tout a 1'heure), chacune de ces voitures etant conduite par six chevaux. Quant au materiel ascensionnel proprement dit, il est compose d'un ballon normal de 540 metres cubes, verni, monte pour ascensions captives ou libres ; d'un ballon normal non verni, avec bache, filet et cable de rechange ; d'uu ballon auxiliaire de 260 metres cubes, monte pour ascensions captives ou libres; enfin, d'un petit ballon-gazometre special, de 50 a GO metres cubes, servant a parer aux pertes de gaz par diffusion ou par dilatation. Chaque pare aerostalique dispose de dix gonflements. Quatre-vingt-un hommes y sont attaches : i capitaine, 2 officiers, 5 sous-officiers (dont 1 comptable et 1 adjudant), 8 caporaux, 65 sapeurs aeros- tiers (dontl infirmier, 2 brancardiers, 4 mecaniciens). c ). Les aerosiiers anglais ont fait faire un grand pas a la question de la production de 1'hydrogene en campagne, en ima- ginant, en 1880, de cornprimer le gaz, sous une pression de 120 a 150 atmospheres, dans des tubes d'acier appeles bou- teilles. Au Soudan, en Abyssinie, a Madagascar, ce systeme a donne les meilleurs resullats : la fabrication de 1'hydrogene par le pro- cede Charles necessite, en effet, une grande quanlite d'eau et, en campagne, on n'est pas toujours a proximite d'un reservoir ou d'une riviere. En particulier, les tubes d'acier livres par Yon au gouvernement LA GUERRE ET LES AfiROSTATS 259 italien pesaient, chacun, 30 kilogrammes. Us avaient 2 m ,40 de longueur, 13 centimetres de diametre et une epaisseur de 13 mil- limetres. Le gaz y etait comprime a la pression de 135 atmos- pheres, de sorte que 10 a 15 de ces tubes, pesant en tout de 2.000 a 2.250 kilogrammes, suffisaient pour gonfler un ballon Fij:. 111. Voiture-lrcuil d'Yon. cubant 300 metres. Au moment voulu, on les range en batterie, et on a soin d'ouvrir tube par tube pour eviter le danger d'un refroidissement subit. Actuellement, les bouteilles a hydrogene sont seules employees dans les armees en campagne, les gSnerateurs a hydrogene etant laisses dans les places fortes. d). Les instruments d'observation employes dans les ballons captifs mililaires sont, en premier lieu, une jumelle marine et deux flamm.es, de couleur voyante, qui suffisent pour les signaux de manoeuvres. Gomme une jumelle a fort grossisse- 260 I/AfiRONAUTIQUE ment a toujours un champ tres reduit, on se contente de jumelles marines ne grossissant que trois fois. Pour abreger la duree des observations, on a recours a la photographic instantanee. La chambre noire, dont 1'objectif doit (Hre a long foyer (SO centimetres a 1 metre), car les objets que Ton veiit representer sont d'ordinaire a une distance de quelques kilo- metres, est montee sur une fourchette a pivot, qu'il est facile d'adapter en un point quelconque de la nacelle, au gre" de 1'ob- servateur. On se sert encore de longues-vues photo graphiques, d'un gros- sissement de 16,6 a 17 environ, ce qui est suffisant pour qu'a une distance de 10 kilometres, une barre de paratonnerre, par example, devienne visible. II est evident qu'on peut se servir des ballons captifs comme de postes eleves, pour la telegraphic optique. Comme les appa- reils employes d'ordinaire exigent une fixit6 que ne pr6sente jamais la nacelle d'un aerostat, il faut alors donner aux faisceaux lumineux des angles d'ouverture trfcs grands, ce qui diminue fortement la visibilite. Aussi, n'est-ce que la nuit que la corres- pondance est possible a 1'aide de lampes a arc alimentees par une dynamo placee sur la voiture-treuil et qu'actionne le moteur de cette voiture. Renard a, d'ailleurs, invente, pour cet usage, une lampe a arc d'une solidite a toute e"preuve. On a aussi songe a illuminer l'inte"rieur du ballon a 1'aide d'une lampe a incandescence. II est facile de prevoir qu'inde- pendamment de I'opacil6 de 1'enveloppe, qui diminue dans une forte proportion 1'intensite lumineuse, 1'elalement sur une vaste surface de la lumiere 6mise par la source ne peut que reduire beaucoup la porlee lumineuse d'un semblable appareil. e.) II est clair que les ballons captifs ne sont pas a 1'abri des coups de 1'ennemi. Pendant le siege de Paris, les Allemands se sont servis d'un mousquet a ballons, imagine par Krupp, dont le canon pouvait osciller dans le sens de la verticale. Ce mousquet etait adapt6 sur L.\ GUERRE ET LES AfiROSTATS 261 un cylindre de bronze, solidement fixe a un leger chariot a quatre roues traine par deux chevaux, et pouvant lancer des balles a une hauteur de 800 a 1.000 metres. Mais cet enginren- dit peu de services, et c'est plutot aux balles de leurs fusils que les Alleraands durent la prise du ballon le Daguerre qui, le 12 noverabre 1870, perce de trous, fut force de descendre a Fer- rieres. Les balles, ou plutot Yobus a balles, tel est, en efTet, 1'ennerm le plus redoutable des ballons libres ou captifs. Un ballon libre, malgre cela, est hors de danger a partir d'une hauteur de 800 metres et d'une distance de 8 a 10 kilometres. Mais on ne sau- rait songer a maintenir un ballon captif ni a cette hauteur ni a cette distance de I'ennemi : ses indications n'auraient presque aucune valour. II faut done se resoudre a voir les ballons cap- tifs, en temps de guerre, plus ou moins cribles de balles a 1'al- titude de 200 a 300 metres, la plus favorable indiquee par 1'ex- perience. Cependant, il est rare que quelques trous de balles puissent les endommager de fac,on a rendre la descente dan- gereuse. 11 faut, d'ailleurs, un tres long temps a 1'artillerie pour regler son tir, et les reconnaissances en ballon sont toujours de courte duree. Enfin, en deplacant a chaque instant la voiture- treuil, on peut depister facilement les obus ennemis. Le veritable point faible des ballons captifs est de devenir com- pletement inulilisables lorsque la vitesse du vent depasse 12 metres, parce qu'alors la machine est rabattue vers le sol avec une force telle que les observations, abstraction faite du danger couru, sont rendues impossibles. Aussi, en Allemagne, on songe serieusement, en ce moment, a associer le cerf-volant au ballon captif, ou mieux, comme 1'a fait von Parseval, a donner au ballon captif une forme allongee telle que le ballon constitue, par Iui-m6me, un veritable cerf- volant, mais un cerf-volant qui serait doue d'une force ascen- sionnelle propre. Comme on 1'a vu plus haut (Chap. VIII), le cerf- volant possede la precieuse propriele de se soutenir et de 262 l/AfiRONAUTIQUE monter d'autant mieux que le vent est plus violent. Les expe- riences faites ont montr6 que celte espece de ballons-planeurs fonctionne parfailement, par tous les temps, et n'a que le defaut d' avoir un poids Sieve. /). Disons un mot des ballons captifs qui servent a des ascensions publiques. Le plus celebre est celui de I'Exposilion universelle de 1878, construit par Giffard, et dontil a deja ete question (Chap. I). Son installation ne presentait rien d'extraordinaire, mais ses dimen- sions etaient remarquables : 55 metres de hauteur totale et 30 metres de diametre^ soit un tonnage de 24.000 metres cubes apeu pres, et, par suite, une force ascensionnelle de 24.000 kilo- grammes lorsqu'il etait completement gonfle. Ces ballons n'ont pas de manche ; leur orifice inferieure est ferme afin de depenser le moins de gaz possible. Quant a leur nacelle, elle est annulaire, afin de laisser passage au cable qui est attache directement au cercle. L'aerostat de Giffard etait completement gonfle, ce qui compli- quait inutilement les manoeuvres. Actuellement, on laisse ces aerostats un peu flasques, ce qui permet de parer facilement aux dangers que pourrait faire courir Texces de pression inte- rieure sur la pression exterieure, surlout lors du coup de soleil. III. Les ballons captifs sont employes aussi par toules les marines de guerre. Non seulement ils permettent d'observer facilement et de loin les mouvements d'une flotte ennemie, mais ils sont surtout pr6cieux pour se garer des attaques des lorpil- leurs, qui perdent leur incognito devant ces redoutables vigies. Dans le cas ou il est necessaire que le ballon monte, de captif devienne libre, le cone-ancre de Sivel permet a l'ae"rostat de guide-roper ou, encore, d'attendre que Ton vienne a son secours. Pesce a, dans ces derniers temps, propose d'unir les ballons captifs aux sous-marins pour eclairer leur route : Le bateau sous-marin, dit-il, est aveugle, mais il peut se de- LA GUERRE ET LES AEROSTATS 263 placer facilemeut; le ballon, au contraire, voit adrairablement, mais il ne peul se mouvoir corame il le voudrait. Ne sont-ce pas la Vaveugie et le paralytique de la Fable et ne peuvent-ils, en se pr