VIE ET MORT DE RICHARD HI VIE ET MORT DE EICHAED III. TEAGEDIE EN 5 ACTES DE W. SHAKESPEARE. TRADUITE EN VERS FEANQAIS LE CHEVALIER DE CHATELAIN, Traducteur de "Macbeth," d' " Hamlet," de Julius C^sar," de "La Tempete,' du "Marchand de Venise," d' "Othello," &c. &c. PRIX UN FLORIN. LONDEES: THOMAS HAILES LACY, 89, STRAND, W.C. 1872. THE LIBRARY UNIVERSITY OF CALIFOENIA' SANTA BARBARA DEDICACE. A NOTRE FRERE ES LETTRES. ET ES POESIE, L'AUTEUR D' " ORION," OF THE " DEATH OF MARLOWE," AND OF THE " NOBLE HEART," A E. H. H. HORNE, EN TEMOIGNAGE D'EBTIME ET D'AMITIE, NOUS DEDIONS CETTE NOUVELLE EDITION DU RICHARD III. DE SHAKESPEARE. CHEVALIER DE CHATELAIN. 23 Avril, 1672, Anniversaire de la Naissance de Shakespeare. EN GUISE D'INTRODUCTION SUSPENSION D'ARMES. Aujourd'hui 23 Avril, 1872, ot. nous publions k I'occasiou de ranniversaire de la naissance de Shakespeare une nouvelle Edition de Richard III, nous prenons cong6 de nos lecteurs jusquos et y compris le 23 A\Til, 1873. A cette 6poque, si nous sommes encore citoyen de ce monde, nous publierous la traduction de ce que nous regardons comme le chef-d'ceuvre de Shakespeare, la traduction du " Roi Lear" — aujourd'hui termin^e, mais que nous avons I'espoir d'am^liorer d'ici 1^. Ce qui reste de la pr6sente ann6e 1872 sera employe par nous a preparer une Edition des " Beautes de la Poesie AUemande," pour faire suite k nos •' Fleurs du Bords du Rhin." Toutefois aucune de ces fleurs refera partie du nouveau volume. Nan bis in idem! Nous chercherons a completer cette ann6e ce qui sera sans aucun doute le dernier volume de poesies originales qu'il nous sera donne d'ecrire, nos " Chateaux en Espagne," dont nous avons pose la premiere pierre le 19 Janvier, 1871, k la suite de notre " Testament d'Eumolpe." Done — si Dieu nous prete vie, nous remontrons sur la breche litteraire le 23 Avril, 1873 — prenant cette fois pour notre etendard — Le Roi Lear. Sic volo — sic spero I CHEVALIER DE CHATELAIN. cabtelnau Lodge, 23 Avril, 1872. TABLE DES MATIEKES, Dkdicace .-.-».., EN GUISE O'iKTRODUCTION .... HiCHAR.D III Beautes de la Poesie AXGLAISE :— CiNQUIEME VOLUMK. OPINIONS DE LA PRESSE Page V vii 1 17o VIE ET MORT DE RICHARD III. VIE KT MUitT I)E lilCHAUD III. PERSONNAGES. Le Hoi, Edoiuird I V. Edouard, Puince DE OiKl.hE%,phis tnrd Ic Hot, \ Edoiuird V. \ F'lU du Roi, Richard, Due d'York. j George, Due de Clarence. i Richard, Due de Gloster, plm tavd le Roi \ FreresduRoi- Richard III. ] UN Jeune Fils de Clarence. Henry, Comte de UiCH:ti0SD, plus ta)-d U- Roi Henri/ VIJ. Le Cardinal Bourchier, Archcrri/ue de Cantcrhnnj Thomas Rotheram, Archcveijuc d'York. Jean Morton, Eceque d'Ely. Due DE Buckingham. Due DE Norfolk. CoMTE DE Surrey, son Fils. CoMTE Rivers, Frere de la Reine du Roi Edov-ard. Marquis de Dorset et Lord Grey, Fils de la Reim. Comte d'Oxford. Lord Hastings. Lord Stanley. Lord Lovel. Sir Thomas Vaughait. Sir Richard Ratcliff. Sir William Catesby. Sir John Tyrrel. Sir James Blount. Sir Walter Herbert. Sir Robert Brackenbury. Lieutenant de la Tour. Christoi'her Urswick, Pretre. Un autre Pretre. Le Lord Maire de Londres. Le Sheriff de Wiltshire, Elisabeth, Femme du Roi Edouard I V. Marguerite, Veuce da Roi Henri IV. Lady Anne. Duchesse d'York, Mere du Roi Edouard IV., de CUiniwe, ct de Gloster. UxE Jeune Fille de Clarence. Lords et Suirants, deux OentilsJioiniiws, un Heraut iVArme^, des Scribes, des Citoijens, des Assassins, des Messai/ers, des Revenants, des Soldats, <)'t. c)c'. Scene. En Anoleterbe. VIE ET MORT DE RICHARD lit. ACTE PREMIER. SCENE lEE. Londres. Une Rue. Entre Gloster. Glostee. Grace a ce soleil d'York, voila que cet hiver De m^contentement sur nous planant hier, Est devenu soudain un ete maguifique, Nos troubles dans la mer ont mis leur polemique. De palmes aujourd'hui tous nos fronts sont couverts, Nos glaives suspendus parmi les lauriers verts. Oe qui pour nous n'etait que do chaudes alarmes, C'est sujet de chansons, et d'amoureuses larmes; La guerre au gant de fer, la guerre au front rid^, Pour un charmant boudoir a laisse la son de, Au son d'un luth lascif comme au doux chant des merles Laissant du vif plaisir eparpiller les perles. Mais moi qui ne suis pas, pour des ebats joyeux Taille le moins du monde, — et c'est fort ennuyeux Moi. qui n'ai de I'amour rien pour porter au culte, Que Taspect d'un miroir provoque, meme insulte .... Qui suis estampille tout a fait a rebours, Pour pouvoir courtiser les graces, les amours, Moi pau\T:e inacheve, — de par Dame Nature Enf ante, — pour la voir ma propre sepulture Et si mal fagonne, qu'aboyent apres moi Les chiens a mon aspect, sans trop savoir pourquoi Moi, qui n'ai de loisir, que voir ma silhouette Danser sous le soleil d'une faQon foUette, Pour discourir encor sur ma difformite, Des amours me disant pour moi I'inanite ! B viK KT Mfurr i)i: uichaud hi. Si je nc suis taillc pour Ics amuurs c<:16brc«, Je veux fctrc du bois, moi, dcs complots fun6brc8, J'ai conyu des desseins faits h donner I'effroi, Pour mettre dos k dos et Clarence ct le roi ; Que si le Iloi, mon doux et mon honorc maltre Est juste, autant que moi je suis faux, je suis traltre, Ce jour mcme verra mon Clarence encag6 Parce que du destin roracle dit — que G Sera dcs Ills d'Bdouard le mcurtrier licite. Mes pensers cacliez-vous — ah ! oui, cachez-vous vite, Au profond do mon coeur. {Entrcnt CLARENCE entoiin; dc (/uvdeK, et Bbackenbuey.) Tr6s cher fr^re, bonjour ! Que font ces gardes 7 Clarence. lis me mcnent a la tour, Sa majesty pour/na s&ret6 personnelle. Me donne cette escorte, et cette escorte est belle I Gloster. Et pour quelle raison ? Clarence. Pour quelle d^raison ? Je ne saurais le dire. — On me m^ne en prison Parce que, je le crois, las ! mon prenom est George. Gloster. Mais c'est mi guet-apens, mais c'est un coupe-gorge ! Ce n'est pas votrc fautc, a vous, mon cher seigneur. Mais a voire parrain qui fut I'instigateur De ce nom deplaisant. Mais notre roi, pcut-etre, Se propose en la tour vous dormer le bien-etre D'un baptemo nouveau. Clarence! qu'y-a-t-il ? Puis-je moi le savoir ? . . . Pour vous sans nul peril ? Clarence. Vous sauritz tout, Richard ! . . . Oui da ! tout et le reste. Si moi je le savais, mais ici je proteste, Que vrai, je no sais rien. On dit, en verite, VIE ET MORT DE RICHARD III. Que notre digne roi, sa grave majeste, Ecoute avec plaisir les oracles, les songes, Les divinations, la foule des mensonges, Et dans tout I'A B C — pour lui la lettre G De tous les maux futurs renferme I'abr^g^. Un sorcier, — un fanieux, — lui dit en confidence, Que par la lettre G — sans aucune esperance, Tomberait sa lignee — et parce que mon uom Commence par un G— George etant mon prenom, Je dois etre traque, mis en prison d'urgence, Voila mon cher Gloster, le sort que moi Clarence A mon corps defendant, je dois pouxtant subir Parce qu'il plait au roi de sonder I'aveuir. Gloster. Om, voila ce que c'est, alors que par des femmes Les liommes sont regis ; les femmes sont infames ! Vous allez k la tour, mais non de par le Roi, Mais de par Dame Grey, sa femme, croyez-moi. A cette extremite, c'est sa femme, Clarence, Qui le pousse le roi, de ce n'ayez doutance ; N'etait-ce done pas elle, et son frere odieux Le Woodeville qui firent mettre tous deux Lord Hastings a la tour ? . . . Ce jour on le delivre ; Clarence ! en surete, nous ne pouvons plus vivre ! . . . Clarence. Je pense, par le ciel, que nul en suxete Ne pent etre aujourd'hui — de la reine excepts Le parentage, et puis, le dis sans m^taphore Ces lieraults de la nuit, suivants de Dame Shore, La maitresse du roi. N'avez-vous done appris Quel humble suppliant s'est fait, foin des mepris ! Pres d'elle. Lord Hastings pour obtenir sa grace . . . . Une telle conduite, est m'est avis, disgrace ! Gloster. A force de se plaindre a la divinite, Le seigneur chamberlain obtint sa liberte. S;)vez-vous une chose ? . . . 6 mon imprudent fi'ere! B 2 VIE ET MORT DE RICHARD III. DanH la faveur du roi — c'est li, la grandc aflfaire, Si voulons nous ancrer — il nous faut dc par Dieu I Dti ! . . . porter sa livr6c oui, c'est li notre jeu. Cctte veuve jalousc, et qui pis est, us(ie, Aussi bien que sa suite, en tout mal avisde, Une escorte femelle, escomptant ses succis, Depuis que mon doux frere a dd. faire les frais De leur donner brevet dc dames, — sont commferes Avec qui nul nc peut jamais s'entendre guerea ! Brackenbuey. J'en dcmande pardon a vous deux, hauts seigneurs, Du roi je voudrais bien mitigcr les rigueurs, Mais son ordre est precis, et cet ordre severe Est que nul ne devra parler avec son frere. Gloster. En estil done ainsi ? — S'il plait a votre honneur Sir Eobert — vous pouvez deguster la saveur De ce que nous disons, — Nul de nous n'est un traitre, De la Tour nous pouvons parler devant le mattre. Que disons-nous du roi ? . . . Eien que d'avantageux, Qu'il est sage toujours, et de plus vertueux. Que son auguste reine est avancde en age, Mais qu'elle est belle encore, et pas du tout volage ; Nous disons que la femme a Shore a joli pied, De cerise une 16vre, et eel a ne messied ; Une langue agr^able et surtout bien pendue ; Un ceil sentimental qui fait rever la nue ; Que de la reine ils sont faits nobles les parents, Dites, ne sont-ce pas, messire, faits patents ? Brackenbury. Avec tout (ja, seigneur ! moi je n'ai rien k faire ! Gloster. Avec la Dame Shore .... oh I c'est une autre affaii-e, Celui-L\ qui pourrait avoir affaire — un seul Hormis,— ferait tr6s bien, — a peine d'un linceul De faire cette affaire indiscrete en cachette ! vie et mort de richard iii. 5 Brackenbury. Et quel est cet— " Uu se^d ? " Gloster. Cet " Un seul " .... en vedette C'est son mari parbleu ! . . . Voudrais-tu me trahir 1 Brackenbury. Pardonnez-moi, seigneur I Daignez vous abstenir, D'avoir en ce moment plus longue conference A.vec le noble due, mon prisonnier, Clarence ! Clarence. Nous savons ta consigne — et devons obeir. Gloster. n nous faut ob^ir, — fut-ce, avec d6plaisir. Nous sommes les valets, les abjects de la reine, C'est pis que les sujets qu'4 sa suite elle entralne. Fr^re Clarence ! adieu ! Je vais trouver le roi, Dans ce que vous voudrez, de moi, f aites emjdoi. Fallut-il appeler s in. Oldster. Qu'cn CO jour, ici jc vous remplacc ; C'est k moi d'accomplirce peniblc devoir, Jo puis inc lamcntcr, ccrtes, moi, sans dtelioir. Au palais de Crosby, vous, rcndcz vous sur Tbeure, Tandis que vous irez gagner cette demeure, J'irai dcvers Chertsey porter ce noble roi, Et Ic mettrc au tombcau, le coeur rempli d'dmoi ; Et puis, ayant versi sur ce tombeau des laiTucs De repcntir, j'irai vers vous, vers vos doux charmcs. Pour diverses raisons clamer de vous pardon. Dame ! vous en supplie, accordez-moi ce don ! Lady Anne, De tout mon coeur ! . . . et meme ai grande jouissance A voir en votre cceur autant de repentance. Vous Trestel, vous Berkley, venez, et suivez-moi ! Glostee. Dites-moi done ce mot : " Adieu ! " Lady Anne. Comment 1 Pourquoi ? Et Ic m6ritez-vous ? . . . Mais, si ccla vous flatte, Figurcz-vous que j'ai dit ce mot. Gloster. J'en prends date. {Lady Anne, Trestel et Berkley sarte7it.) {Av,v 2>orteurs du cereeuil.) Vous 1 portcz-lc ce corps. Premier Gentilhomme. Vers Chertsey — monseigneiu- ! Gloster. Non vers Ics Moines Blancs(*) et li dans la ferveur Attcndez ma venue .... {Les antres sortent avec le corjis.) Oh ! c'est une merveille I Fut-elle courtis^e, et de fa^on pareille (1) White friars. VIE ET MOET DE RICHARD III. 19 Pne femme jamais ! . . . Oh ! certes, je I'aurai, Mais da, pas trop de temps, je ne la garderai. Quoi ? Moi ! qui I'ai tue son epoux .... plus le pere De ce susdit epoux, — au fort de sa colore Qui la trouve hurlante au milieu de son deuil Ses haines a la bouche, et ses larmes a I'oeil, Ayant tout contre moi, son Dieu, sa conscience, N'ayant pour m'appuyer rien .... que ma double ofiense, D'hyjoocrites regards, et . . . . le diable m'aidant L'asservir a mon joug, la conqu6rir poiu-tant! Ha ! c'est cranement beau ! — Mais courte est sa memoirc, De ces trois demiers mois elle a perdu I'histoire, Sait-elle seulement que c'est a Tewkesbury Que je I'ai poignarde son adore mari ? Son Edouard, ce doux, ce parfait gentilhomme Jeune, vaillant et sage, et si loyal en somme, Que dans le monde entier, sous le vaste soleil On cberchera toujours, mais en vain, son pareil. Et voila, que sur moi — sur moi qui I'ai fait veuve EUe abaisse son ceil, et qu'elle fait peau neuve ! . . . Sur moi, dont le total ne vaut pas la moi tie D'Edouard, oui, sur moi difEorme, estropi^ ! . . . Je gage mon duch6 contre une bagatelle Que je me juge mal . . . . Et que, sur son ame, elle Me trouve trfes bien fait— quoique moi sur rhonneur N'ai cette opinion tres bien ancree au coeur. Je vais faire des frais, m'acheter une glace, Et d'un lot de tailleurs me vais mettre a la chasse. Puisque je suis rentre dans mon estime alors Par les modes je veux le r^hausser mon corps. Mais d'abord enfermons ce gaillard dans sa tombe, Et gagnons Crosby-Hall avant que la nuit tombe, Et pour continuer I'hypocrite toujours, AUons nous lamenter anx pieds de nos amours. Luis brillant soleil, en attendant qu'acb^te Un miroir pour mieux voir passer ma silhouette ! {II aort. ) C 2 20 VIE KT MOUT ni', RICllAIin III. SCENE III. Londres. Uno SiiUo dans lo Palais. Entrmt la Reine Elisabeth, Lohd Rivers, t:t Loud Grey. Rivers. Reine, ayez patience, en peu sa majesty Reprendra sa vif,Tjcur ct sa bonne sant6. Lord Grey. Du roi vos longs chagrins font empreinte sur ITime, Done, ponr Tamour do Dieu, ra.ssurez-vou.s, madame, Et par des mots d'cspoir reconfortez son coeur. La Reine Elisabeth. Oh ! que m'adviendrait-il, s'il mourait mon seigneur ? Lord Grey. Pas d'autre malheur que d'un tel epoux la perte ! La Reine Elisabeth. Sa perte .... A tous les maux laisserait porte ouverte. Lord Grey. Le ciel vous octroya, Dame, un bien noble fils, Bien doux consolateur dans scmblables ennuis ! La Reine Elisabeth, C'est vrai ! mais il e.^t jeune, et durant son jeune age II est sous la tutelle, et sous le cousinage De Richard de Gloster, — mon mortel ennemi, Et dont nul d'entre vous ne peut Ctre I'ami. Lord Rivers. Est-ce chose arretee 1 ... affaire termin6e Qu'il sera Protecteur, lui, ectte ame damnde 1 La Reine Elisabeth. Non I c'est en question ce n'est pas r&olu, Mais, si le roi mourait — sus ! ce serait conclu. VIE ET MORT DE RICHARD III. 21 Entrent Buckingham et Stanley, Lord Grey. Voici venir a vous, cherchant votre presence, Buckingham et Stanley. Buckingham. Bon 3 our et r^v^rence A votre grace Dame ! Stanley, A votre majesty Dieu rende en ses esprits le calme et la gait4. La Eeine Elisabeth, Bon seigneur de Stanley ! de Richmond la comtesse Ne dirait pas "Amen ! " k votre gentillesse ! Cependant, croyez-le, Stanley, mon doux seigneur ! Quoique votre femme ait centre moi de I'aigreur, Je ne vous hais pas, moi, pour sa fiere arrogance. Stanley. Daignez avoir pour eUe une grande indulgence, Peut-etre les propos de ses accusateurs Sont sans nul fondement, sont des propos menteurs, Mais si trop justement ma femme est accusee, C'est d'un esprit malade une billevesee, Et non pas de malice un vilain desarroi. La Eeine Elisabeth. Aujourd'hui, monseigneur avez-vous vu le roi ? Stanley. Nous venons de le voir le due et moi, madame. La Reine Elisabeth. Trouvez-vous le roi mieux ? Buckingham. Le roi, je le proclame, Parle avec enjouement, bon signe en verite. 22 vie kt mort de hk-'jcahd iii La Reine Elisabeth. Fassc que le bon Dicu Ic conserve en santi ! Avez-vous avcc liii discuti dcs affaires ? Buckingham. Oui, madame. II voudrait la paix entre vos freres Et Ic due dc Gloster ; faire dc bons amis Do ceux qui, trop longtemps, furent dcs cnnemis, Pour un si noble but, 11 vicnt en sa presence De les faire qudrir et convoqucr d'urgcnce. La Reine Elisabeth. Puisse tout aller bien ! c'est le voeu dc mon cocur, Mais je crains que pour nous soit fini le bonheur ! Entrent Glosteb, Hastings et Dobset. Glosteb. Ds me font tort ; — ne veiix I'endurer davantage, Qu'est-ce done que ces gens, qui, dans leur caquetage, S'cn vont se plaindxe au roi que ne les aime pas ? De par Saint Paul, ces gens grands faiseurs d'embarras, Que tres l^gerement n'aiment vraiment sa grace. Pour lui corner sans cessc un bruit aussi cocace ! Parce que je ne suis courtisan ni flatteur, Que je ne suis trompcur, pas plus qu'adulateur. Que des saluts fran9ais, je n'ai pas I'habitude, Que ne sais cajoler, que mon ^corce est rude, Je dois etre tenu pour un vil animal ! Mais un homme tout rond et qui ne pense a mal Sans calomniateurs ne saurait-il done vivre ? De soyeux paltoquets sont bien moins que du cuivre ! Lord Grey. Parmi tons ceux ici presents, — dites a qui S'adresse votre grace ? Glosteb. A toi ! . . .quand t'ai-je uui A vous autres aussi ! . . . mes enuemis du reste ! . De votre faction, Dieu I'emporte la peste ! . . . VIE ET MORT DE RICHARD III. 23 Pourquoi I'importuner sa majesty le roi ! A chaque instant ! . . . Pourquoi susciter son 6moi Par des mensonges faux, par des plaintes infames ? La Keine Elisabeth. Mon frere de G-loster, rabattez de vos flammes ! Le roi, c'est avere ! De par sa volont6 Royale, et par aucun de noiis surexcite, Probablement guignant le fond de votre haine Dont r^bullition et rapide et soudaine Se trabit tous les jours, et contre mes enfants, Et mes freres et moi, contre nos adherents, Fait envoyer vers vous afin de mieux connaltre Quels ils sont vos griefs, les eteindre peut-etre. Gloster. Que sais-je 1 ... Maintenant le monde est devenu Si mecbant, si pervers ! . . . Roitelet parvenu Avec impunity, contre toutes les regies Peut butiner partout, sur les pics oii les aigles N'oseraient se percher .... Depuis que paltoquets Se bissent aux grandeurs, . . . deviennent des valets, Nombre de gens Men n^s, autrefois gentilsbommes ! Nous les voyons ces f aits, nous to;is, tant que nous sommes ! . . La Reine Elisabeth. Allez frfere Gloster ! par instinct nous savons Quels ils sont vos pensers ! L'envie a ses bas f onds, A notre avancement et vous portez envie ; Faire une guerre sourde aux miens, c'est votre vie ! Dieu veuille que de vous n'ayons besoin jamais ! Gloster. Dieu veuille que n'ayons besoin de vos bienfaits ! De par vous, en prison est coffr6 notre frere, Je suis disgracie moi — la noblesse entiere Elle est vilipendee et toutes les faveurs On les prodigue a ce Aril troupeau de flatteurs Qui frolent vos jupons .... Nul d'eux, sur ma parole, Avant bier encor ne valait une obole ! 24 VIE ET MORT OK ItlCIIAUI) III. La Reine Elisabeth. Par cclui-lA qui m'a de par sa volont6 Plac6 si haut ! . . . jamais n'ai de sa majesty Excito Ic courroux sur le due du L'larenec, Je fus un avocat z616 pour sa defense. Vous me faitcs injure, oyez-le, monseigueur, En voulant sur mon nom, jeter tel d&honncur ! Glosteb. Vous pouvcz done nier avoir 6t6 la cause Do rcmprisouncment de mylord Hastings ? Rivers. J'o8e Dire qu'elle le peut, car Gloster. Qui ne sait cela! Elle peut faire plus — elle peut par deli Vous faire avoir de beaux avancements, messire, Et puis nier qu'elle a pres de son noble sire Parl6 pour vous — d^s lors, et mettre ces honneurs Sur votre grand merite, et sur ses profondcurs ! Que ne peut-elle pas ? . . . (^) elle peut vraiment dame I Se marier I Rivers. Comment \ (1) Ici nous devons douner le teste meme de Shakespeare : Glostbe. What may she not ? She may, — ay, marry may she RiYEBS. What marry may she H Glostbe. AVhat, marry may she ? . . . marry with a king, A bachelor, a handsome stripling too : I wis, your grandam had a woracr match. Voici la traduciiou de ce passage dans le laugage de feu Mimsieur Jourdain, immortahse par Moliere — en simple prose. vie et mort de richard iii. 25 Glosteb. Eh ! oni da! sur mon ame, Avec un roi gar§on, et beau gargon bien plus, Et puis dire avec lui d'amour les oremus. M'est avis, beau seigneur, qu'un jour votre grand' mere N'eut un si beau parti — 9a ! c'est elementaire ! . . . La Eeine Elisabeth, Monseigneur de Gloster — j'ai longtemps supporte Longtemps et trop longtemps, votre brutalite 1 De par le ciel ! au roi, moi, je ferai connaitre Vos sarcasmes grossiers, et vos propos .... d'un traitre ! . . . Oh ! bien plutot que d'etre et reine et majesty, Oh ! oui j'aimerais mieux, — je dis la verity, D'une modeste auberge etre I'humble servante .... Votre haine Gloster m'irrite et m'epouvante ! . . . Bntre la Reixe Marguerite derriere elle. La Eeine Marguerite. Tes honneurs, ton 6tat, oh ! je t'implore 6 Dieu ! Ton siege . . . me sont diis ! Gloster. Quoi ! de par le ciel bleu ! Quoi ! me menacez-vous, me parlant de sa grace ? . . . En presence du roi, je dirai, quoiqu'on fasse, Ce que j'ai dit. Dut-on m'envoyer a la Tour ! n est temps de parler, je veux avoir mon tour ! Glostee. Que ne pent-elle ? Elle peut oui da ! (a) dame ! . . . elle pent .... ElVEBS. Commeiit eUe peut se marier? (vers tronque.) Glostee. Quoi ? eUe pourrait se marier ? Et avec un roi, Garyon, et un beau jouvencel encore ; M'est avis votre grand' mere avait un parti plus maurais. (a) Jeu de mots assez mauvais sur ae marier, Marry, et I'oxclamation marry ! . . (Out da!) — Note du, Tradacteur. 26 VIE ET MOUT DK niCHAnn in. La Reine Marguerite. Dehors affreux dimon ! arriCirc ! arrierc ! arricre ! Tu tuas mon mari dans la Tour — oh ! vipere ! Et niou fils Edouard — h61a.s ! k Tewkesbury. Glosteb. Avant que ne fussiez reine, — et votre mari Nc fut roi moi j'itais une bfite de somme, Lc sarcleur de tes ficrs advcrsaircs, en somme, J'ai fait son sang royal, mais en versant le mien. La Reine Marguerite. Oh ! du sang bien meilleur que le sien et le tien ! Glosteb. Et pendant Icquel temps — vous — c'^tait un d^sastre 1 Et votre mari Grey, teniez pour le Lancastre, Vous 6tiez factieux — et vous Rivers aussi ! Ne fut-il pas tu6 votre trfes cher mari A Saint Alban Laissez-moi vous dire, et redire, Ce que vous f iltes . . . . et, je ne voudrais midire, Ce que vous etes, vous, . . . et moi . . . . ce que je suis ! La Reine Marguerite. Ce que vous etes, vous ! . . . Un scdl^rat ! . . . Bien pia, Un ignoble assassin ! Glosteb. Notre pauvre Clarence Abandonna Warwick son pere .... en sa d^mence, Lui pardonne J6sus ! La Reine Marguerite. Que Dieu soit son vengeur ! Gloster. Lui ! fut pour Edouard, h61as ! pauvre seigneur ! Le voili sequestrd dans la Tour .... son offense Est offense in^dite — elle a sa recompense ! Ah? pour ce monde-ci je suis par trop enfant. Enfant inoffensif — enfant philosophant I . . . vie et mort de richard iii. 27 La Reine Marguerite. Siis ! ... en enfer va-t'-en ! — va-t'-en, quitte ce monde, Ton royaume est I'eiifer, vilain demon immonde ! Rivers. Monseignenr de Gloster, dans ces jours pleins d'emois, Que mettez en avant en tcrmes peu courtois, Nous — nous suivions alors notre roi legitime, On ne saurait vraiment, de ce, nous faire un crime, Nous tons, vous suivrions, si vous deveniez roi ! Gloster. Si je devenais roi ! . . . j'aimerais mieux, ma foi ! Devenir colporteur .... loin de moi telle idee ! La Reixe Elisabeth. D 'ennuis et de malheurs une constante ondee, Voili ce qu'on r^colte au beau metier de roi, Je suis reine, et j'en sais bien quelqiie chose moi ! La Relne Marguerite. C'est moi, de ce pays, c'est moi qui suis la reine, Et je n'ai point de joie, oh ! non ! mais de la haine ! Ne saurais plus longtemps les taire mes douleurs ! (-E7Ze s'avance.') Adonc, ecoutez-moi, pirates chamailleurs, Vous qui Tous disputez sans fagon mes depouilles. Puis osez devant moi venir me chanter pouilles ! Lequel de vous soudain ne tremble a mon aspect, Comme sujets, vous tous, me devez le respect, Mais parce que par vous, moi je suis d^posee, Croyez-vous, que de vous, devienne la risee ? {a Gloster.') Ne vous detoumez pas, 6 vous noble vilain ! Gloster. Sorciere infame — impure au loin de mon chemin, Va-t'-en, que viens-tu faire en ma noble presence ? La Reine Marguerite. Te dire contre moi, quelle fut ton offense ! 28 vie bt mokt dk uiciiakd iii. Oloster. N'6tai8-tu pas bannie et sous peine dc mort ! La Reine Mabgueriti:. Je I'dtais. — Mais Tcxil pour moi n'est pas mon fort ! Jc preferc clicz moi rester dans mon domainc, L'cxil pour moi scrait uue trop grandc peine ! Tu me dois un dpoux, et tu me dois iin fils I Vous Ih bas, un royaumc et non pas des ennuis ! Oui, vous tous, ct chacun, me devez alligeance, Mon chagrin, devrait Otrc, en bonne conscience Votre chagrin a vous ; h, moi tous les plaisirs ! Qu'usurpez sur mes droits dans vos hideux loisirs ! Glostek. La malediction que mon tr6s noble p^re A fait tombcr sur toi, miserable mdg^re, Lorsque tu couronnas d'un fleuron de papier Son front majestucux, le beau front d'un guerricr, Et que ton vil m6pris fit jaillir des rivieres De larmes, de ses yeux inondant les paupieres ; Et que pour le s6cher, — vile comme un cochon, Toi, tu donnas au due un ignoble torchon Imbib6 du sang pur, — de ce gentil jeune homme L'immacul6 Rutland, — de la beaut6 la pomme ! La malediction qu'il a lanc6 sur toi, A produit son effet — c'est Dieu, dans son 6moi, Non pas nous, — qui poursuit ton acte sanguinaire ! La Reine Elisabeth. Tant juste est le bon Dieu ! tant 11 est notre p6rc ! Hastings. Occirc cet enfant fut i:n acte hideux. On ne commit jamais crime plus monstrueux ! Rivers. Quand I'acte fut connu, tous les tyrans eux-memes, Eurent des pleurs aux yeux — euront des anath^mes ! Dorset. Vengeance sur ce crime ! . . . oh ! de I'hamanit^ Ce fut li le mot d'ordrc ! VIE ET MORT DE RICHARD III. 29 BtTCKINGHAM. Oui, c'est la v^rit6 ! Northumberland present pleura sur ce grand crime ! La Eeine Marguerite. Eh ! quo! ! vous voil^ tous, d'un accord unanime, A vous ruer sur moi, — vous, qui, lorsque je vins, Etiez prets I'un sur I'autre, k lancer vos v6nins, A vous manger enfin, h vous prendre k la gorge ! . . . Attendez ! . . . A mon tour, que moi je me d^gorge ! Avait-elle pouvoir la malediction D'York, de monter au del, d'y faire ascension, Pour compenser jamais la mort, la mort cruelle De ce cher roi Henri, traits comme mi r6belle ? Avait-elle pouvoir la malediction D'York, de compenser, sans compensation, Et pour mon Edouard, et da pour son royaume Perdu — pour mon exil — me rendant un fantome ? Pour chagrin si mesquin ! . . . Les maledictions Peuvent-elles du ciel franchir les bastions ? Mes maledictions alors vers les nuages Kapidement montez, et frayez-vous passages .... Par indigestion qu'il meure votre roi Comme le notre est mort occis, Dieu sait pourquoi ? Puisse Edouard ton fils d'un merite assez mince, Pour Edouard, mon fils de Galle autrefois prince, Mourir jeune, et mourir de mort hors de saison. Pour le moins etouSe, sinon par le poison. Et toi-m&me une reine, — une reine, a ma place, Puisse-tu promptement tomber dans la disgrace ! Puisse-tu devenir le type du malheur ! Survivre k tes enfants, et porter la douleur De leurs jeunes trepas. — Puisses-tu voir une autre Usurper la couronne, un beau jour, qui fut notre ! Oui, que tes jours heureux meurent avant ta mort ! Puis, apres maints chagrins, — qu'il soit ainsi ton sort ! De mourir en n'etant ni reine d'Angleterre, Ni femme aussi non plus— oui, ni femme, ni mere ! Eivers ! et vous Dorset 1 vous assistiez tous deux. Ainsi que vous Hastings — quand— 6 jour malheureux ! 80 VIE KT MOKT DE HICHAUD HI. H fut par dcs poij^ards tu6 mon fil.s. — Jc pric Dieu ! Ic Dicu qui voit tout — qui vit la bouchcrie ! Que nul de vous ne puissc atteindre ^ge avanc6, Que de la vie enfin chacun soit effac<5, Ou par quelqu' accident, ou bien par quclque crime Qui — (jue pui.sse advenir .... deviendra legitime. Glosteb. Haridelle rid6e ! . . . 6pave de la mort ! Finiras-tu bicntot, de nous Jeter ton sort ! La Keine Marguerite. Oh! non ! non pas cncor, car il me faut finclure Toi de rhumanit6 la plus impure ordure, Et tu m'6couteras ! . . , Si par deli les cieux n existe, in^dit, fleau depassant ceux Qu'ait le destin jamais d6vers6 sur la terre, Que le gardent Ics cieux pour tomber sanguinaire Sur toi, moustre effrontd, lorsque tous tes p^cbes Seront mfirs, ne pourront se trouver empeches D'avoir preuve sur toi, — sur toi, du pauvre monde Et le perturbateur et le g^nie immonde ! Que de la conscience il te ronge le ver, Et fa9onne ton ixme aux tourments de I'enfer, Te faisant soupgonner tes amis comme traltres, Et tous tes ennemis te les donnant pour maitres. Que jamais le sommeil do ton ceil faux, fatal, Ne puisse to donner lo soulas, le r6gal Exceptd, cependant, quand par une nuit sombre Devant toi surgtra pour efiErayer ton ombre De noirs et laids demons peuple tout un enf er Qui viendra t'agonir et torturer ta chair. Avorton malvenu qm fus d^s ta naissance Estampill6 pourceau, perpetueUe oflEense Et de ta m^re au sein, et de ton pere aux reins, Toi vil chiffon d'honneur ! . . . le plus laid des humains ! , Gloster. Marguerite ! La Reine Marguerite. Richard ! vie et moet de richard iii. 31 Glostee. Ha! La Reine Marguerite. Point je ne t'appelle. Glostee. Alors te dis merci, car cette kyrielle De noms des plus amers, je les prenais povir moi. La REiifE Marguerite. Mais, oui da, tous ces noms je te les donne a toi ; Ma malediction n'est pas complete encore ! . . . Gloster. Je la complete alors sois maudite pecore ! La Reixe Elisabeth. Centre vous tom-ne ainsi la malediction. La Reine Marguerite. O pauvre reine peinte ! . . . 6 lamentation ! Qui fait dans ce moment jabot de ma fortune, Pourquoi mettre du sucre, et sans raison aucune Dessus cette araignee au ventre rebondi ? Ne vois-tu son filet ? . . . Dans I'ombre il est ourdi, Sotte ! archi-sotte ! va ! mais da ! c'est pour t'occire Que tu mets un couteau dans la main du beau sire ! Viendra bientot le jour oii tu m'appelleras Pour t'aider a maudire, a fl6trir ce Judas, Ce bossu, ce crapaud veneneux et bancroche. Hastings. Femme ! de tes caquets referme la sacoche, Nous avons tous assez de ton pompeux courroux. La Reine Maegueeite. Que de mes maux la honte elle tombe sm- vous ! RiVEES. Si vous aviez ce que vous meritez, madame, Vous sauriez du devoir nc pas fausscr la gamme. 82 Vnc ET MOUT DE KICHAKI) III. La Ukine Mabouebite. Oh ! C.C que jo ni(';ritc, oh oui ! .si jc I'avais Jc serais votrc rcine, ct vouh touH mcs sujcts. DOBSET. A quoi Hcrt, mcs seigneurs, disputer avec elle, Ne Ic voycz-vous pas ? fClde est sa cervclle I La Reine Mabguebite. P.iix li'i, mattre, marquis ; vous fites un pantin, Un pantin mal appris — votre titre benin Est un titre d'honncur qui n'a pas coups encore ! . . . Oh ! que votre noblesse h peine h son aurore M&risse quelque pcu, — vous apprendrez alors Qu'on salt I'appr^cier quand on en est dehors, Ceux qui sont haut places, du s^jour des nuages S'ils tombent, sont briscs en morceaux. Glostee. Propos sages ! Retenez les, marquis! . . . Bon conseil, par ma foi ! Dorset. Ccla vous touche autant mon doux seigneur que moi. Glostee. Oui diY ! Bicn plus cncor ; — mais batie est notre aire Sur Ic .sommet du codre, immense belvedere, Du vent elle se liche ainsi que du soleil. La Eeine Marguerite. Et fait que le soleil il toarne en lourd sommeil. Temoin mon pauvre fils, las ! de la mort dans I'ombre, Ses rayons lumineux sont maintenant nuit sombre, Gr3,ce k ton ire, h ton implacable fureur. Votre aire elle est batie en notre nid. — Seigneur ! seigneur, Dieu qui vit cet acta illdgitime, Ah I fais qu'il soit veng6 quelque jour ce grand crime ! Buckingham. Paix ! paix ! oh ! pai- pudeur ! sinon par charity ! vie et mort de richard iii. 33 La Reine Marguerite. La charite me manque en mon adversite. Depuis que vous avez detruit mes esperances, Ma vie est une lionte et venger mes offenses Mon seul penser. Buckingham. Assez ! La Reine Marguerite. Je te baise la main O princier Buckingham, en signe, c'est certain, De ligue et d'amitie. Le sort te soit propice ! Des torts dont je me plains tu ne fus pas complice, Sur toi ne tombe pas ma malediction. Buckingham. Ni sur personne ici. Telle imprecation Ne d^passe jamais des levres la limite, EUe se fond dans Pair d'une fa^on subite. La Reine Marguerite. Ah pour ma part, je crois, que devers le ciel bleu Une imprecation moiite reveiller Dieu. Buckingham ! gare-toi toujours de ce cerbere, Quaud il cajole il mord, et sa dent de vipere Dans les veines vous fait jaillir un noir venin Qui vous m^ne a la mort par le plus court chemin. N'ayez aucun contact avec ce tas de vices, Et la mort et I'enfer, ce sont la ses milices. Gloster. Monseigneur Buckingham que dit elle de mal Cette femme la bas ? Buckingham. Moins que rien, au total, Et du vent et du bruit voila son dialecte, Cela ne se repete alors qu'on sc respecte. D 84 VIK KT MOKT I)K KlfJMAUI) III. La Heine Margukrite. Eh quoi I Tu mc dddaignc, axissi mon doux conscil, Lorsquc sur cc d^mon jc te donne I'dveil. Un jour hiilas 1 Trop tard, gardcs-en souvenancc, Alors qu'il pourfendra ton ccEur par la souffrance, Dis-toi, que Marguerite avait quelque raison De te pr6munir toi, centre sa trahison. Vivez pour etrc tous les sujcts dc sa haine Que la haine de Dicu, sur vous tous se d^chainc. {Elle sort.) Hastings. A I'entendre lancer ses maledictions, Se dressent mes cheveux ! Rivers. Ces imprecations Me remuent aussi moi. Comment est-elle au large 1 Gloster. Jc ne saurais contr* elle Clever une charge, Ni la blamer par la saintc mere de Dieu ! Elle a beaucoup souffert de torts — j'en fais I'aveu Far moi tout le premier, et j'en ai repentance. La Reine Elisabeth. Je ne lui fis de mal, j'en ai la conscience I Gloster. Non, mais vous recueillcz de tous ses torts le fruit. J'eus trop de zele pour et trop de zele nuit, Obligcr dcs ingrats ! . . . Quant au pauvre Clarence Sous un vil toit k pores le voila dans I'instance Bel et bien remis^ .... que leur pardonne Dieu A ceux h'l qui lui font im si vilain enjen. Rivers. Belle conclusion et vertueuse et digne D'un honnete chretlen dans son humeur b^nigne Priant, et souhaitant de rendrc pour le mal Le bien. vie et moet de richard iii. 35 Gloster. C'est mon systeme . . . , et je le crois moral. (^a2}(irt.) Car si j'avais maudi, pour lancer Tanath^me, Je me serais maudi cette fois-ci moi-meme. Entre Catesby. Catesby. Dame ! De par le roi je m'en viens depute. Pour voTis dire que vons attend sa majeste, Et vous nobles seigneurs ! . . . ainsi que votre grace ! . . . La Reine Elisabeth. J'ob^is Catesby — vous seigneurs sur ma trace Veuillez-vous mettre tous. Rivers. C'est devoir tres loyal. ( Tous sortent korvm Gloster.) Gloster. Je me confesse 4 moi. J'aime a faire le mal, Mais toujours le premier je maugree et querelle, De mes m^cbancetes, et je mets la nielle Sur le compte d'autrui. Qk n'est pas maladroit, Lors j'ai I'air de marcher dans un sentier bien droit. Clarence, ce cher fr^re au milieu des tenebres C'est moi qui I'ai couch6, dans mes pensers funebres, Et pourtant je le pleure, — oui, devant maints jobards, Devant Hastings, Stanley ! . . . Moi, le roi des cafards, Je dis a Buckingham, parbleu, que c'est la reine Et toils ses allies, qui lui font de la peine A mon frere Clarence ! . . . et tous ses arcM-sots lis gobent la pilule .... Ah ! qu'ils sont done nigauds ! Us me poussent alors a chauffer ma vengeance Centre Rivers et Grey, Vaughan(i) et toute I'engeance, Mais moi de soupirer et tres chretiennement De rappeler de Dieu ce beau commandement ' 1) Ce nom est monosyllable, et se prononce comme s'il etait 6crit : Vinvu. D2 86 VIK 1:T MOIIT DE RICIIAIID III. Qn'il fant rcndrc Ic bicn mcme pour Ics injures, En citant i propos Ics saintcs 6criturc3, Et je paraia ii tous, au moina un Salomon, Quand ii dire Ic vrai, je nc suia qu'un ddmon. (^Entrent DEUX Meuetbiees.) Maia douccment, voici, mea deux auxiliairea Eh bicu 1 Comment va-t-on, mcs r6aolu8 comperes ? Chacun de vous cat-il entrain, tout i fait pret A finir cette affaire ? . . . Premier Meuetrier. Oh 1 oui, pour ^i, de fait Nous venons, monaeigneur, pour vous demander I'ordre A lui pour arriver — en faire un beau d^sordre. Gloster. (^k, c'est tr^s bien pens6. J'ai snr moi ce mandat, AJlez quand sera fait, parfait I'assassinat, Au palais de Crosby, venez mes chers messires, Soyez vifs en besogne, et n'6coutez ses dires, Clarence est beau parleur, il a de I'onction, H pourrait vous toucher, faites attention ! Premier Meurteiee. Bah 1 Bah ! 6 monseigneur ! que nous fait sa harangue . . . Nous ! . . . nous jouons des mains, et non pas de la langue. Gloster. Vos yeux laissent couler des meules de mouUn Lorsque les pleiu's des sots, pleuvent en Icur chagrin ! Sua 1 i votre besogne ! Oh ! gar^ons, je vous aime ! Allez I . , . Et promptement. Premier Meurtrier. Nous reviendrons de meme. SCENE IV. Une chambre dans la Tonr. Entrent Clarence et Brackenbuey. Brackenbuby. Qui vous donne aujourd'hui, seigneur, Pair soucieux ? vie et mort de richard iii. 37 Clarence. C'est que j'eus cette nuit un caucliemar afEreux A la fois si fautasque, k la fois si terrible, Si rempli de Mdeux, de lugubre et d'horrible, Qu'aussi bien que je suis un fidele Chretien, Une'pareille nuit, oh ! comprenez le bien. Pour les tr^sors du ciel, de la terre et de I'onde, De jours tou jours heureux pour acheter un monde, Ou de tout I'univers pour m'approprier Tor, Je ne consentirais k la passer encor. Brackenbury. Quel ^tait done ce songe, oh ! dites, je vous prie. Qui causa tant de trouble h votre seigneurie ? Clarence. Echappd de la Tour par stratageme adroit, Je m'^tais embarqu6 pour passer le d6troit, De la Bourgogne, en France, allant chercher la terre ; Or, en ma compagnie 6tait Gloster, mon fr6re, Qui m'avait engage pour pouvoir causer mieux, A monter sur le pont ; nous repassions tous deux Ce temps tumultueux de la vieille Angleterre, D'York et de Lancaster la dure et longue guerre Tout en nous promenant sur le terrain glissant. Que formaient les panneaux du pont sur le versant, Voil^ que tr^bucha soudainement mon frfere, Quand voulais le caler me frappant en arri^re. Si bien que dans la mer tombai par-dessus bord. Oh ! pensai-je, seigneur ! quelle cruelle mort ! Douleur de se noyer est douleur e£Eroyable 1 Surgit k mon oreille un bruit dpouvantable ! Des morts, et par milliers me frapp6rent les yeux, Je vis des naufi'ages par des poissons hargneux Ronges, je vis de I'or, je vis des perles fines, Et des joyaux sans prix, de diamants des mines, Dans le creux de la mer staler leurs splendeurs. Dans les cranes des morts, et dans les profondeurs Des yeux, gisaient les uns, faisant de la prunelle Comme des yeux, jadis quand brillait I'^tincelle, yS VIE ET MOKT DE UICHAKI} III. Scmblnnt raillcr Ic fond de roc III L'ARCHEVfeQUK D'YoKK (rt la Heine.) Dame, vencz, venez All sanctuaire, et puis avcc vous apportez Votrc trisor, vos bicns. — Entre vos mains, madamc, Jc mc (Icmcts du sceau que jc garde, — et mou A,me Est pour VOU.S. Oh ! puissci-jc prospiror k rebours, Si des votres, de vous, je nc prcnds soin toujours ! AUons dame ! vencz, vencz au sanctuaire ! ( Ilii nortent. ) FIN DU DEUXIEME ACTE. VIE ET MORT DE RICHARD HI. 71 ACTE TROISIEME. SCENE I. Loudres. Une Rue. Les trompettes sonnent. Entrent le Prince Db Galles, Gloster, BucKiNaHAM, Cardinal Bourchier, et mitres. Buckingham. Soyez-le bien-venu, doux prince, a la lumi^re De Londres. Gloster. Oh ! soyez-le bien-venu, cousin, De mes humbles pensers vous le seul souverain, Le chemin fatiguant, je le crois vous attriste. Le Prince. Non pas pr^cisement ; — mais ce qui me rend triste, C'est que d'oncles ne vols pas un concours nombreux, Pour m'accueillir et pour me rendre plus heureux ! Gloster. Doux prince la vertu sans tache de votre age N'a pas du monde encor su capter le langage, Vous ne sauriez jamais distinguer, c'est certain, Chez un homme ce qui ne se voit sur la main ; De rhomme intdrieur ne savez I'existence, Et ce que vous voyez ce n'est que I'apparence. Ces oncles que clamez, 6taient fort dangereux, Leurs propos certe etaient, je le dis mielleux, Mais leurs coeurs, ils dtaient faux, archi-f aux, infames ! Dieu vous garde a jamais de si perfides ames ! Le Prince. Dieu me garde a toujours d'avoir de faux amis ; Mais eux n'en etaient pas. 72 VIK KT MOUT ni; ItirilAHD III. Glusti:u. Dcmandc d'titrc admis Do Londrcs le Lord Maire, — ain.si que c'cst ToHage, Pour presenter ii vous, — cher prince, son hommage. Entre le LOKD Maiee et sa swite. Le Lord Maiee. Dieu donne a votre gr3,ce et bonheur et 8ant6 ! Le Prince. A vous tous grand merci ! Joie ct prosp6rit6 ! (Le Lord Maire et sa suite sortent.) Jc croyais que mon fr^re, York, ainsi que ma m6re De nous n'auraient 6t6 si longtemps en arri^re ; Que fait-il done Hastings ? . . . Hastings ce paresseux ! Entre Hastings. Buckingham. Prince ! . . . sans se pressor, — Hastings vient i vos vceux ! Le Peince. yoyez le bieu-venu, seigneur ! . . . quand viendra notre mere / Hastings. La reine votre mere est dans le sanctuaire, Ainsi que votre frere et pour quelle raison Dieu seul le salt ! . . . Pour moi je n'en vois I'horizon ! II aui-ait bien voulu venir York, votre fr^re, Mais il est retenu de force par sa m^re ! . . . Buckingham. Oh ! fi ! . . . quelle mesure .... indicible .... elle a pris ! Lord Cardinal Daignez avec ce tact exquis Qui vous caract6rise aller devers la reine Lui donuer le conseil, et de fagon soudaine D'envoyer le due d'York, pres de son frore roi Apporter ses respects, apporter son 6raoi, Ne tenez pas de cas, si la reine refuse, Et par force arrachez le due ! . . . vie et mokt de richard iii. 73 Le Cardinal. Faites excuse, Seigneur de Buckingham — si mon faible discours Peut amener la reine a m'ofErir son concours, Le jeune et gentil due d'York, ici, tout a I'heure Sera ; — mais si ne puis de la sainte demeure Le convaincre a sortir, — que me defende Dieu De I'engager alors k quitter le saint lieu ! Rien n'est aussi sacr6 que le saint sanctuaire, Pour qui s'y rend toujours par acte volontaire ! Pour tout I'or du pays, de semblable pdclie Je ne Toudrais jamais avoir mon nom tacli6 ! . . . Buckingham. Vous etes, monseigneur, par trop opiniatre Et par trop a cheval sur votre saint theatre. Ce siecle accommodant, pesez-le gentiment, Ne le violez pas du tout, assur^ment, Ce sanctuaire — il est, c'est la son privilege L'habitude de ceux que leur bon droit protege, Mais le prince n'a pas le droit d'y sojourner, Ce n'est done faire mal que le determiner A se rendre en ces lieux an voeu de nos prieres, Pour les enfants ne sont pas faits les sanctuaires. Le Cardinal. A vos justes raisons je me rends monseigneur. Venez-vous Lord Hastings 1 Hastings. Je vous suis de tout coeur. {Sortent le Cardinal et Lord Hastings.) Le Prince. Dites, oncle Gloster, si notre frore arrive, Oii s6journerons-nous, dites, sur quelle rive, Jusqu'a ce qu'il soit fait notre couronnement 1 Gloster. Oil cela semblera plus commode vraiment A votre Royal Vous ! — Vous conseiller, si j'ose, 74 VIE BT MOKT DE KICUABD III. Pendant un jour ou deux a la Tour, je Hupposc, Votrc Alte«sc ferait bicn dc prendre un abri, Et. pui.s, aprus ccla, dan.-< un lieu favori Qui serait regard^, eommc endroit salutaire Votre bonne santc; pour la faire et parfaire. Le Pbince. De.s doraaines royaux, de la Tour seule, ai peur ; Jules Cesar a-t-il bati la Tour ? . , . seigneur ! Glostee. Mon gracieux seigneur, C6sar, selon I'histoire, De commencer la Tour, je crois, seul eut la gloire. Le Prince. Est-ce bien constats ? . . . Ne serait-ce qu'un bruit Qui des si^cles passes a traverse la nuit ? Buckingham. Mon gracieux seigneur ! . . . ce fait en nos archives Est consign^. Le Prince. Prenons d'autres alternatives, Si le fait n'^tait pas consign^, m'est avis, Que le vrai devrait etre a tout jamais transmis ! . . . Glostee {chjuH). Si jeune et si rus6, 9a ne peut long-temps vivre ; De CCS esprits futds, c'est bon qu'on nous delivre. (') Le Prince. Que dites-vous, mon oncle ? Glosteb. Oh ! ce que dis, n'est rieu, Sinon que le renom, et vit long-temps et bien, Sans caracteres, sans le secoui's des archives, Tant les langues jamais ne cessent d'etre actives 1 (1) Casimir Delavigne, dans les 'Eufants d'Edouard,' a traduit oette pensee dans CO vers chanuant : — " Quand ils ont taut d'esprit les enlant« viveut pen." VIE ET MORT DE RICHARD III. 75 {a jiart.) Je moralise ici par semblant d'equite, Ce qui n'est au total que de I'iniquite ! Lb Prince. Ah ! ce Jules Cesar etait un f ameux homme, Si doue qu'il 6tait, c'etait Torgueil de Rome ! ^on noble esprit faisait revivre sa valeur, La mort ne put jamais conqu^rir ce vainqueur ; Car maintenant il vit de par sa renommee, Et le nom de Cesar de gloire est une armee. Savez-vous, Buckingham, savez-vous, mon cousin, Ce que je ferai si le veut bien le destin ? Buckingham. Quoi done, mon doux seigneur ? Le Prince. 8i de vivre ai la chance, Je ressusciterai notre di'oit sur la France, Ou je mourrai soldat comme aurai vecu roi. Glostee {apart). De tres courts 6tes ont d'un beau printemps I'octroi. Entrent York, Hastings et le Cardinal. Buckingham. Voici, qn'a point nomme, nous vient York votre frere ! Le Prince. Bonjour, Richai-d, bonjour, avez-vous sort prosp6re ! Comment vous portez-vous ? York. Bien ! redoute seigneur ! Ainsi dois-je a present, vous nommer, sur I'honneur ! Le Prince. A notre grand chagrin, comme au votre, mon frere, II est mort bien trop tot, las ! notre honore pere ; Son titre, par sa mort, perd de sa majeste ! VIK KT MOUT DE UICHARD III. Glostek (a Yorli). Cousin York ! ditca-nuiis, si bonne cat la Bant6 ? YoBK. Tris bonne, oncle courtois ! Vouh clisiez c^uc lea foliea Hcrlics RTandisscnt vitc .... oui, cVitaient vos paroles, Depui.s cc temps men fr6re a beaucoup on hauteur Gagnd sur moi. Glosteb. C'est vrai ! c'cst un fait monseigneur ! York. Done il est paie.sseux. Glosteb. Non, jc ne dois pa.s dire Cela, York. Lors c'est certain, ct je ne veux pas rire Mon chcr frore vous est plus oblige que moi. Glosteb. II peut me commander, votre fr^re est mon roi ; Mais sur moi vous avez aussi de la puissance, Car nous sommes parents de par notre naissance. YOBK. Oncle ! Alors donnez-moi ce s6duisant poignard ? Glosteb. De tout coeur mon petit cousin, et sans retard. Le Pbince. Se faire mendiant n'est pas noble, mon fr6re I YOBK. Mais c'est de mon bon oncle, et pour me satisfaire, II me le donnera, car ce n'est le perou. Ce n'est pas grand chagrin de donner un joujou 1 Glosteb. A mon petit cousin donnerai davantage. VIE ET MOET DE RICHARD III. 77 YOEK. Oh ! c'est I'epte avec le ceinturon, je gage ! Glostee. Oui, bien, mon doux cousin, si c'6tait plus leger. York. Alors je ra'apper^ois, je poun-ais presager, Que vous clirez nenni dans chaque circonstance Ou I'on reclamera de vous don d'importance. Gloster. Coiisin — c'est trop pesant pour vous, je vous le dis. York. Cela fut-il plus lourd, je vous en avertis, Je pourrais le porter. Glostee. Vous (') voiidriez mon arme Mon cher petit seigneur — elle a done bien du charme Pour vous ? YOEK. Oui, je voudrais ce cadeau bonnement Pour vous remercier, oncle, petitement Comme il vous plait, seigneur, de I'appeler ma grace ! Le Peince. En ses paroles, York, est de lui sa disgrace, Mon oncle est indulgent, et salt le supporter ! (1) Voici le teste de ce passage de Shakespeare : Gloster. What, would you have my weapon, little Lord ? York, I would, that I might thank you as you call me. Gloster. How ? York. Little. (Traduction litterale.) Gloster. Quoi ! Vous Tondriez mon arme, petit Seigneur? York. Je voudrais votre arme pour pouvoir vous remercier ainsi que vous m'appelez. Gloster. Comment ? 1 ^ _ , TT f Ce vera est un vers tronque. York. Un peu. •' ^ Comme on le voit, le jeu de mots, est a peu presintraduisible. II consiste en ce que le mot little en anglais signifle i%a.\eva.ent petit et pen. — C. db C. 78 VIK KT MOKT l)K lUfllAltl) tlT. YOUK, Mc supporter ! oui di I . . . raais non pas mc porter. Onclc, (le vouH, de moi, mon bon fr6rc so Rausse, Parcc que commc un sinpe alors que je me hausoe .Ic reste tr(is petit, tri'js petit, trts petit, II croit sur votre dos que serais commc au lit. Buckingham {a part). Avec quel ton moqucnr, son oncle il vous le blague ! . . . Son esprit acdre, inais vaut mieux qu'une dague, Comme il sait s'amoindrir pour lancer ses m6pris, Si jcune ct si retors, j'en suis vraiment snrpris ! GloSTER {ai( Prince). Mon gracieux seigneur, ce pourrait-il vous plaire De nous quitter un pcu ; tons deux vers votre miiVQ, Et Buckingham et moi, nous allons en ce jour La supplier d'aller vous trouver a la Tour, Et de vous souhaiter ainsi la bien-venue. York. A la Tour ! . . . et ponrquoi done ce lieu d'entrevue ? Le Prince. Fr6re ! . . . le veut ainsi monseigneur protecteur ! York. Ce n'est pas rcigalant ! A la Toiir j'aurai peur Je n'y dormirai pas tranquillement, je pense ! Gloster. Qu'y craindrez-vous seigneiu" ? . . . York. Eh ! I'ombre de Clarence. Grand' m6re mc I'a dit, il fut assassine A la Tour et ce crime .... est bien embniin^ ! . . . Le Prince. Je nc crains oncles morts. vie et mort de richard iii. 79 Gloster. Ni les vivants, j'espere ! . . . Le Prince. Ne crains pas les vivants. — Mais poursuivons I'affaire, Venez done, monseigneur, je le dis sans detour, C'est le coeur allonrdi, que me rends a la Tour ! (^Sortent le Prince, Yorh, Hastings, Cardinal et suite.) Buckingham. Pensez-vous pas, seigneur, qu'est I'eclio de sa mere York ! ce singe avorton, espece de vipere. Qui cherche k vous piquer, a vous narguer en tout, Et certe, il faut le dire, avec bien mauvais goiit ! Gloster. n est subtil, oh oui ! c'est une fine mouche, n est fut6, retors, et du pied ne se mouche ; C'est sa mere en entier; — ce n'est grand compliment. Car sa mere, entre nous, n'est parfaite vraiment ! Buckingham. Laissez-les reposer ; et parlous d'autre chose. Viens ici trfes courtois Catesby — notre cause Toi, tu sais la servir, et par un saint serment Tu promis de cacher silencieusement Nos projets, et surtout ce que nous allons dire, De nos raisons, tu sais quel est le point de mire, Voyons done, qu'en dis-tu ? Pouvons-nous convertir Lord Hastings k nos vceux, a notre cher d^sir De voir ce noble due installe sur le trone, De cette fameuse lie et porter la couronne 1 Catesby. Par amour pour le p6re, en d6faveur du fils, Hastings ne fera rien jamais, — je vous le dis. Buckingham. Que crois-tu de Stanley ? . . . Catesby. Rien de bon je n'en pense, II ne sera pour nous, — de ce je n'ai doutance. 80 viK i;t mokt dk uifHAUD in. Tl nous fcrait, pliitAt, liii, toinlxT daiiH mch lacH, Dc lui jc mc ■ Citoyens.) Buckingham. Soyez-lc bienvenu Lord maire ; — quant h moi suis ici detenu, Dcpuis a.sscz longtcmps ct fais le pied de grue, M'est avis que le due n'cst visible i la vue, Et ne veut reccvoir personne {Catcsby vient du chateau.) Catesby Que dit votre seigneur de ma presence ici Pcut-il mc reccvoir ? vie et moet de richard iii. 103 Catesby. Aupr^s de votre Grace E me depute pour vous parler a sa place. H est dans le castel en meditation, Avec deux reverends, et sans exception, A chacun comme a tous il a ferme sa porte. Si revenez demain, ou bien apres, n'importe, Le due sera charm^, m'a-t-il dit, de vous voir, Mais il est oblige de ne pas recevoir, Ce jour pour soins mondains ne lui semble propice, 9a le derangerait de son saint exercice. Buckingham, Vers le gi-acieux due, retournez Catesby Dites-lui que le maire et moi sommes ici Aussi les aldermen pour objet d'importance, Que le bien de I'Etat exige sa presence, Qu'il nous importe a tous conferer avec lui. Catesby. Ne vous le cache pas, pour moi c'est un ennui, Mais je vais nonobstant lui porter ce message. {II sort.) Buckingham. Ah ! monseigneur, ce prince, il est autrement sage Que le fut Edouard ! — Sux un lit de repos, Lascif , il ne s'etend ; pour parer a nos maux Mais bien, agenouilld, dans de saintes prieres, n demande au bon Dieu la fin de nos miseres, Avec des Jane Shore on ne saurait le voir, Folatrer .... mais avec gens de prof ond savoir, H s'enfenne a plaisir, s'entretient et medite. Car poui lui, mdditer est chose favorite. II ne dort certes pas pour engraisser son corps. Pour enrichir sou ame, il met voiles dehors Et veille — oh ! bienheureuse on verrait I'Aiigleterre, Si ce due vertueux, savant autant qu' austere, Voulait bien assiuner la souveraiuete, Mais, nous n'aurons jamais telle felicite. KM vii; i;t mout m-; khmiaud hi. Le Lord Maiue. Dc nous r6})ondrc Non, Dicu d(ifende sa gr&cc ! Buckingham. Je crrains bicn qu'il n'cn soit ainsi Mais faitcs place, y'approchc Catesby. {Entrc de nonveav Catesby.) Maintcnant Catesby Que dit-il monscigueur ? Catesby. H ne congoit qu'ici Comme flots de la mer s'dparpille la houle, De tant de citoycns vous ayez une foule, Pour vcnir I'investir, lui, n'dtant pr6vcnu ; n ne salt que pcnser, mais il craint I'inconnu. Buckingham. Que mon noble cousin puisse avoir une crainte Dc quiconque est ici venu dans ccttc enceinte Ne le con5ois ; pour lui, nous sommes pleins d'aniour, Allez done Catesby lui dire sans di^tour Quels sont nos sentiments. (^Cdteshy sort.) Quand les hommes d'dglise Disent leur chapelet, ce n'est facile emprise De les en detacher, tant leur devotion Savourc avec bonheur la contemplation. QhOBTEU paratt dans une galerie s^ipirieure entre deux Evequvi Catesby rentre. Le Lord Maire. Entre deux reverends, voyez, se tient sa Grace ! Buckingham. De la vertu ce sont deux 6tais — c'est leur place Pr6s d'un hommc de sens, pr6s d'un prince Chretien, Pour le rendre tres humble et le conduire au bien. Remarquez ! . . . Dans ses mains 11 tient un livre d'heuros. Qui porte ses pensers vers les saintes demeures ! Noble Plantagenet, prince tres gracieux. VIE ET MORT DE RICHARD III. 105 Daigne nous ecouter et te reudre k nos voeux, Aussi nous pardonner si de notre requete Venons t'importuner et te rompre la tete, Oh ! oui, daigne excuser notre indiscretion En apportant le trouble a ta devotion. Gloster. Seignem- ! Pas n'est besoin d'une pareille excuse, Pardonnez-moi plutot ; car si je ne m'abuse, Absorbe que je suis par le culte de Dieu Mes amis les meilleurs je les neglige un pen. Mais brisons la-dessus. Que me veut votre Grace ? Buckingham. Ce que la haut veut Dieu ; — ce que veut sans preface Et d'lm commun accord chaque bon citoyen Qui, sans gouvemement ne con^oit rien de bien. Gloster. Sans le savoir, je vols, j'ai commis quelqu' offense Envers les citoyens, et de mon ignorance Vous venez me tancer. Buckingham. En effet monseigneur Puisse selon nos vcbux s'amender votre coeur. Gloster. Dans un pays chr6tien, une f ante commise Peut toujours s'amender meme avec vaillantise. Buckingham. Connaissaut votre faute, eh bien amendez-vous. Sachez-le, votre faute, est, soit dit entre nous, De renoncer au trone, — a ce siege supreme Ou vos nobles ayeux ceignaient le diademe, D'abandonner ainsi sans rime ni raison Le droit inconteste d'une auguste maison, Pour en doter helas ! une race fletrie. Tandis qu'a des pensers de douce reverie, Que venons reveiller pour le bien de I'etat, Vous vous abandonnez, dedaigneux du combat. Kti; VIK KT MDUT l)l'; HIOIIAIU) HI. A soil inallieurcux sort, l(jiu d'arraclicr cette ile Dc8 plus nol)lcH vcrtus (jiii fut un jour I'asylc, La laissant a'cngouffrcr dans Ic golfc prof on d De I'Dubli, du n^ant, oii I'csprit se confoad. Voici done, monseigneur, quelle est notre reqnfitc : Nous vcnons vous prior de vous mettre h la tfite De ce gouvemement, non commc Protccteur, Non pas comme intendant, conarae mcdiateur, Mais par le droit inn6 que donne la naissance. Nous venons vous prier d'assumcr la puissance, Et nous parlous ici non comme vos amis, Mais commc deputes, mais au nom du pays. Glostee. Parler amercment contre vous, avec ire. En silence ou rester, vrai ! je ne saurais dire Quel est le miexix pour vous, quel est le mieux pour moi. Si je ne parlais pas, vous pourricz par ma foi, Croire que j'aimerais k porter la couronne Dont voulez follement investir ma personne ; Que si, d'autre c6t6, je blame mes amis, De ces mSmes amis, me fais des ennemis. Adonc, pour en parlant sortir de ce dilemme, Ni ue fairc en parlant une offense supreme, Je vous r^ponds ainsi definitivement Pour votre affection, i tous remerciement ! Mais quant k mon m6rite, il est certes trop mince Pour me rendre k vos voeux, je le dis foi de prince ! Les obstacles, d'abord, s'ils 6taient ras6s net Et que, vers la couronne il fut fait un budget, Comme de revenus, est faitc rtich^ance, Ou bien comme d'un droit qu'on tient de la naissance, Mes d6fauts sont si grands, et surtout si nombreux. Que cacher ma grandeur, oh je I'aimerais mieux Que dans des oripeaus d'^taler la puissance, Et d'eblouir les ycux par ma magnificence, Pour aller h la mer, n'6tant qu'un pauvre esquif Inapte k la braver, non plus que le rescif. N'ambitionne point, de place dans I'histoire, Mieux vaut vivre ignore que se soviler de gloire ! Dieu merci, dans Pespece, il n'est besoin de moi; Je devrais vous aider bcaucoup si j'etais roi ! VIE ET MORT DE RICHARD III. 107 L'arbre royal nous a laisse pour faire souche Un fruit royal, d^s lors il ne faut qu'on y touche. Quand mtiri par le temps surgira son 6t(5, 11 saura faire honneur au titre : " Majest6 ! " Et certes nous rendra tous heureus par son regne ; A ce but d6sir6 ne doute qu'il atteigne. Je remets done sur lui cet 6norrae fardeau, Que voulez m'imposer, que j'estime un fleau ; La fortune et le droit de son lieureuse etoile, Dieu les d6feude ! . . . Moi Je ne veux qu'on les voile ! Buckingham. C'est un fait av6re, ceci, mon cher seigneur, D6montre en v6rit6, comme est bon votre cosur. Vous dites qu' Bdouard est fils de votre frere, Nous le disons aussi ; mais da, la chose est claire, De sa femme il n'est pas, vous le savez le fils ; Edouard fut d'abord fianc6, disons promis, A la dame Lucie, et dame votre m6re Est un t6moin vivant de toute cette affaire ; Apres il fut encor a Bona, soeur du roi De France 6galement fiancd sans plus d'^moi. Celles-ci toutes deux 6tant de cote mises, De soucis accablt^e, allumant gaillardises Cependant — une mere a grand nombre de fils Veuve, et de ses beaux jours n'ayant que des ddbris, De son ceil egrillard devint le point de mire, Lui soufilant in petto les feux de D6janire. De ce lit crapuleux sortit cet Edouard, Qu'on appelle le Prince ! . . . un prince encor moutard, Sur ce sujet pourrais en dire davantage, Mais quelqu'un de vivant silence mon langage. Adonc, mon bon seigneur, daignez prendre pour vous, Ce supreme pouvoir que nous vous oflrons tous, Sinon pour rendre heureux nous et notre chfere ile, Au moins pour ne laisser votre haut rang st6rile, Et pour sauvegarder votre noble maison, Du temps qui tout corrompt, met tout hors de saison. Le Lord Maire. Faite?^ cela, seigneur, la cite vous en prie. 10« VIK KT MOItT UK lUCIIAKI) III. Buckingham. Nc rcfuscz ccttc offrc au nom dc la patrio. (Jatesby. Accucilhmt leur rcquutc, oh 1 rendcz-les joycux ! Glosteh. Pourquoi voulez done mteounaissant mcH vceux, Sur ma tote cntasscr tant dc magnificences 1 Jc ne puis ni ne veux c6dcr a vos instances, Et ne le prenez pas en trop mauvaise part Du supreme pouvoir si me tiens h, I'^cart. Buckingham. Si vous nous refusez mfi par un trop beau zcle, Par trop grande bonte pour 1 'enfant qu'en tutcle Vous avez, car nous tous, oh ! nous n'ignorons pa.s Vos bonnes qualitds, et votre faible h61as ! Envers I'enfant, envers le fils de votrc frcre, Comme certe envers tous, meme le plus vulgairc, Eh bien ! sachez le done, si vous nous refusez II ne sera pas roi I'enfant que prdif 6rez, Nous saurons en placer un autre sur le trone, Votre noble maison done perdra la couronne. Nous vous laissons ici, nous ne supplions plus, Allons, concitoyens, — empochons le refus. (^Sortent le Due de Buckingham et les citoyens.} Catesby. Rappelez-les, doux Prince, accueillez leur requete Si vous la refusez le pays est sans tete. Glostee. Voulcz-vous me cr^er un monde de soucis ? Eh bien ! rappelez-les, ces bienveillants amis, Je me laisse attendrir, je ne suis fait de picrre, Et je me laisse aller t\ leui' douce priere, ( Catesby sort.) Bien que ce soit vraiment centre ma volenti ! (^Huckinijhum et les autres rentrent,') Cousin de Buckingham, oyez la verite, VIE ET MORT DE RICHARD III. 109 Ainsi que vous — vous tous hommes graves et sages, Qui sur mon dos sanglez les royaux esclavages, Surtout si le scandale au visage noirci Doit se trouver un jour au fond de tout ceci ! Seule m'acquittera de fait, la violence Que f aites k mes voeux, avec tant d'insistance, Car Dieu le salt, et vous — vous le savez aussi Combien peu je desire un aussi grand souci. Le Lord Maire. Votre grace, seigneur, le bon Dieu la b6nisse, Nous voyons, nous dirons. GrLOSTER. Et vous ferez justice ! Buckingham. Jo vous salue alors de ce titre royal Qui de la nation devient le cri loyal : Vive le roi Richard ! le roi de I'Angleterre ! Tous. Vive le roi Richard ! son r^gne soit prosp6re ! Buckingham. Voudriez-vous demain etre couronne roi ? Gloster. Mais quand vous le voudrez, Qa m'est egal a moi ! Buckingham. Adonc, c'est dit, demain nous cherchons votre Grace. Et maintenant, joyeux tous nous quittons la place. Gloster {anx Eveques). Allons, nous, retournons a notre saint labeur. {aux Cltoyens). Adieu mes doux amis ! . . . (d Buckingliam). Bon coiasin, scrviteur ! (//.s' sortrnf.) fin du troisieme acte. 110 viK Ki Morn- OK kk;iiaki) in. AOTE QIIATlilEME. SCENE I. Devant la Tour. jD'?wi cots entre la Reine Elisabeth, la Duchesse d'Yoek, et le Maequis de Dorset. Dc Vautrc cuti Anne, Duchesse DE Gloster amcnant Lady Margaret Plantagenet, la jeune fille de Clarence. Duchesse d'Yoek. Qui vient ici ? qui vient ? . . . Plantagenet ma ni6ce, Conduite par la main avec tant de tcndrcsse Par sa tante Gloster ? Hs s'en vont vers la Tour, Oh ! je le parierais pour saluer d'amcur, Ce doit etre Icur but, le jeune et tendre prince, Tant de bont6, ma fille, est de votre province ! Anne. A vos Graces Dieu donne un jour heureux .... joyeux ! La Reine Elisabeth. Autant a vous, ma sceur, ce sont mes plus chers voeux ! Oi portez-vou.^ vos pas ? Anne. Mais avec confiance. Pas plus loin que la Tour, oil moi-meme je pen.sc, Que vous vous dirigez. La Reine Elisabeth. Oui, c'est vrai, bonne soeur ! Avec vous d'y aller, je me fais grand bonheur ! (^Entre Brackenhury.') Voili qu'iY point nomm6 justement nous arrive Le lieutenant. Comment, de fa^on positive, Dites-moi, va le prince, ainsi que " York," mon fik ? VIE ET MORT DE RICHARD III. Ill Brackenbury. Tr^s bien, ch^re madanie. — Et n'ayez de soucis Sur leur sant6 ; mais da ! . . . Je ne puis vous permettre Les visiter tous deiix ; — certe, il vous faut remettre Votre visite car, c'est la I'ordre du roi De ne la point permettre, et qa m'oblige moi ! Je ne poun-ais du roi, sans craindre la colere Outrepasser les vceux, et faire le contraire De ses desirs. La Reine Elisabeth. Le roi ! . . . qu'est-ce cela, seigneur ! Brackenbury. Dame ! On d^signe ainsi — mylord le Protecteur ! La Reine Elisabeth. A lui n'appartient pas un aussi royal titre, Du sort de mon enfant croit-il etre I'arbitre? Veut-il s'interposer entre mes fils et moi Je suis leiir m^re .... Eh ! qui me d6fendrait I'octroi De leur ch^re presence ? . . . DUCHESSE D'YORK. Et moi je suis la mere De mon cher fils — vivant un jour qui fut leur pere, Je veux les voir ! . . . Anne. Et moi, je suis par mon amour Une mere pour eux;— moi leur tante, en ce jour, Je veux les voir ! — Adonc, j'en porterai le blame, Laissez-moi, laissez-moi, les voir, — oui, sur mon ame, Et je prendrai sur moi seule tout le peril ! Brackenbury. Mesdames, je ne puis ! . . . Non, non ! c'est pu6ril De vouloir essayer de forcer ma consigne, J'ai les ordres du roi — du roi je serai digne ! . . . (^Brackenhiiry sort.) 112 VIR I:T Mf)IlT I)K KiniAUT) rii. Entre Ktanley. Stanley (^salvcmt les dames), Dana iinc hcure d'ici, si je vous rctrouvai.s Dames ! . . . toutea les trois — de coeur je salucrai.s En votrc grace d'York dc deux reines la mere .... {Si; tovniant rerx la Ihichenxc dc Glontrr.) Au noble roi Richard, madame, pour complairc, Daigncz me suivre pour allcr h Westmin.ster llccevoir la couronne La Reine Elisabeth. Ah ! donnez-moi de I'air, Pour parer k tel coup, je ne suis assez forte, Coupez-moi mon lacet, ou je vais tomber mortc ! Anne. Cruel et triste sort ! o doulcur ! je frdmi.*; ' Dorset. Prenez courage, m^re ! . . . La Reine Elisabeth. Oh ne me parle fils ! Va-t'-enI va-t'-en ! va-t'-en! fuis la mort qui s'approche, Pour vivre, il ne suffit plus d'etre sans reproche, Car le nom de ta m6re, est, h^las ! un malheur Pour ses pauvres enfants voufe a la douleur. Si tu veux depasser la mort, va, pars dc suite, Va, traverse les mers, avant qu'a ta pour.suite On se soit mis, Dorset ! . . . va vivre avec Richmond, Quitte cet abattoir, uu ablme sans fond, Ne me force a mourir, n'6tant en Angleterre Reine — ne le suis plus — mais ni f emme, ni mere. Ainsi que Marguerite en sa prediction ' En a sur moi lanc6 la malediction. Stanley. Madame ! ce conseil est rempli de sagesse, Oh ! incttez a profit le temp.* avec prcstesse, VIE ET MOilT DE RICHARD III. 113 Je m'en vais a mon fils terire a ce sujet, Mettez-vous a I'abri, c'est important objet ! DUCHESSE D'YORK. vent ! malheureux vent qui repand la mis^re ! . . . De ma couche, oh ! pourquoi surgit une vipere Dont le regard haineux est si plein de venin, Que — qui point ne I'^vite .... est occis et soudain ! Stanley. Vous, madame, venez, on vous attend d'urgence ! AXNE. Moi ! je n'y vais, helas ! qu'en toute repugnance ; Plut a Dieu ! plut au ciel que ce beau nimbe d'or Dont on veut enserrer ma tete jeune encor, Soit un cercle de fer, aux griffes efiEroyables, Qui mette ma cervelle en debris deplorables, Et qu' avant d'etre reine, — oh ! je puisse mourir L^guant de mon mepris I'affleuve k I'avenir ! La Reine Elisabeth. Ta gloire ne I'envie, oh ! va ! . . . va-f-en pauvre ame ! Ne te souhaite mal. Anne. Non ! Et pourquoi madame ! . . . Alors que celui-la, maintenant mon mari II vint, quand je suivais le corps de mon Henri, Quand le sang de ses mains fumait je crois, encore, Le voyant ce Richard, je me dis : " Je Vahhori-e! Si jeune, pour vi'avoh' fait veuve de ce mort, Sois mandit! sois mandit! quUl soit affreux ton soi't ! Quand tu te marieras, que le chagrin ohsede Ton lit—et que ta fcinmv, en fut-il une laide Qni vonlnt hien de toi — ravipe dans le malhetir Parce que tu vis toi — qui de mon cher seigneur M'a fait veuve! . . .6 maudit! ... Et regardez, madame, Immediatement — mon appetit de femme Avant que close fut ma malediction Au miel de ses propos ceda .... Damnation ! Depuis n'ont pu mes yeux les fermer leurs paupieres, Et pour moi le sommeil nest qu'un amas d'ornieres! 114 VIi; KT MOIIT DK IUCHAUI) III. Vii mon pirc... .il me halt! ... Oh oiii I dc moi, dans pen Ccrte il so dufera ! La Kkine Elisabeth. Pauvre cbcr coeur, adieu ! Ah I croi.s-moi, je suis bien .sympathique a tea plaintcs 1 Anne. Moi, je sui.s dc moitici dans vos douleurs ct craintes. Dorset. Toi, qui si tristement accucille la grandeur, Adieu ! Anne. Mcs voeux pour toi qui portes du malheur Aussi l)icn le fardeau ! La Duchesse d'York (a Dorset). Que Ic bonlieur te guide, Va vers Richmond. (o Anne). Tc serve un bon ange d'egide ! Toi ! va-t'-cn vers Richard ! (a la Rcine.) Toi, sans perdre un moment, Va vers le sanctuaire, — ou le recueillement, Le saint recueillement rcmplit I'air et surplombe ; Je te quittc et m'en vais doucement vers ma tombe, J'ai vu quatre viugt ans d'inccssantes douleurs, Et cliaque heure de joie cut semaines de pleurs Pour moi, mon pauvre moi ! La Reine Elisabeth. Daignez rester madame, Avec moi regardez la Tour ou vit mo n ame I Vieux moellons ! plaignez-vous dans vos r^duits obscurs Ces petiots que I'envie a fernie dans vos murs ? Pour ces charmants enfants, c'est un berceau bien rude, Et dont ils n'avaient pas contractu I'babitude. A vos pierres je dis dans mon chagrin adieu .... Ah! mes pauvres enfants que vous protege Dieu! {Elle.t sort int. VIE ET MORT DE RICHARD III. 115 SCENE II. Vne Salle d'Apparat dans le Palais. Fanfares. Richard maintenant Boi, sur le trone. Bucking- ham, Catesby, un Page, et autres. Le Roi Richard. Vous tous, remisez-vous, tenez-vous i distance. Cousin de Buckingham pres de moi viens, avance ! Buckingham. Mon gracieux seigneur ! Lb Roi Richard. Bien ! Donne-moi ta main. Par tes conseils, tes soins, je trone souverain, Mais porterons-nous done pour un seul jour ces gloires, Pourrons-nous en jouir sans craindre des deboires 1 Buckingham. Qu'a tout jamais, Richard ! vive ta royaiit6 ! Le Roi Richard. Ah ! cousin Buckingham ! Ah ! de ta loyaute Je veux savoir, si I'or, est or de bon calibre, Le jeune Edouard vit. Sens-tu vibrer la fibre En toi, de mes pensers 1 ... Peux-tu les deviner ? Buckingham. Dites toujours, seigneur, daignez les dessiner. Le Roi Richard. Eh I cousin Buckingham, ce que moi je veux dire, C'est que veux etre roi, tout be bon, pas pour rire ! Buckingham. Eh ! mais ! vous etes roi ! gracieux souverain ! Le Roi Richard. Suis-je roi, moi ? Non pas ! . . . Edouard vit en fin ! I l> \U; VIK KT MOUT DK KICIIAIfl) IH. Buckingham. Oh ! c'cst vrai, noljlc prince ! . . . Le Roi Richabd. consequence amire ! Dire qu' Edoiiard vit ! . . . Mais, c'est (ilcimentaire, Cousin de Buckingham souple 6tait ton esprit, D'un mot tu devinais, ce qu'en un mot on dit : Maintenant, tu le veux, j'userai de franchise, Je veux que ces batards . . . quoi ! . . . de la moutardise ! . . . Solent occis promptement .... Parle vif , et sois bref ! Buckingham. Votre grace peut faire k sa guise .... Elle est chef ! Le Roi Richard. Bah 1 Bah ! tu restes froid, et ta bont6 me gele, Dis ! Es-tu pour leur mort ? Voyons ta ritoumelle ! ' Buckingham. Laissez-moi respirer quelque peu, cher seigneur ! Avant que je ne parle il me faut bien d'honneur ! A part moi r^flcchir, serieuse est I'affaire, Jc ne puis dans tel cas rdpondre k la l^g^re. Bientot je reviendrai, bientot j'expliquerai A votre majesty ce que je penserai. {BucTiingham sort.') CATESBY {(i j?art). Le roi n'est pas content, car il se mord la l^vre, D'une sourde colore, il endure la fievre. Le Roi Richard {descendant de son tr^ne). Je veux m'entretenir d6s ce jour .... d^sormais, Au seul vouloir de fer, avec de grands niais, Ou bien encore avec garQons sans consequence, Et desquels on ne peut recevoir une offense ; Quant k ceux 1^, qu'ils soient ou peuple ou grands seigneurs, Dont les yeux sont sur moi trop investigateui"s, Je n'en veux plus du tout. Assez de cousinage, II devient circonspect ce paon an beau plumage. VIE ET MOET DE RICHARD III. 117 Le noble Buckingham. — Je comprends la legon, Et j'en ferai profit que je clis Eh ! gargon ! Le Page. Monseigneur ! Le Roi Kichard, Eh ! dis-moi ! par une heureuse chance, Dans ta manche aurais-tu certaine connaissance Dont la morality ne serait pas le fort, Et qui s'immiscerait dans affaire de mort Pour de Tor corrupteur ! Le Page. Je sais un gentilhomme De son sort peu content, — quoiqu' un assez brave homme, De I'or le convaincrait plus que vingt orateurs, Et vous le gagnerait .... II est des plus oseurs ! . . . Le Eoi Richard. Comment se nomme-t'il 1 Le Page. C'est Tyrrel qu'on le nomme ! Le Roi Richard. Je le connais un peu — je crois, — c'est un brave homme ! Va, fais-le moi venir ! {Le Page sort.) Le Roi Richard. Buckingham ! mon cousin Qui m^ditez si fort ! . . . Ne serez plus voisin Certes de mes conseils. — A-t-il sans grande peine, Pour moi tenu longtemps ? . . . Serait-il hors d'haleine, Et doit-il s'arreter 1 . . . Buckingham ! . . . Ainsi soit ! {Lord Stanley entre'). Eh bien ! cher Lord Stanley? sous votre petit doigt Dites ! quoi de nouveau ? Stanley. Que sache votre grace, Que le marquis Dorset s'est donne . . . . de I'espace ! . . . 118 VIE KT MOUT DE KICIIAKD III. II t'st, paraitrait-il, et par val et par mont ! Fuyard! all6 trouver \k bas ! 1^ baa ! Richmond ! Le Hoi Richard. Ici, vicns ! Catcsby 1 . . .fai.s courir par la ville Le bruit qu' Anne, ma femme .... une santtJ d6bile, Est malade en danger ! . . . Pour ce cas, sols zel6 ! Moi ! j'aurai soin, vois-tu de la tenir sous cl6 ! Et puis, d6niche-moi, d'une infime naissance, Quelque jobard que veux maricr de Clarence A la fiUe. Le fils est bSte comme un pot, Homme d'esprit, jamais dk ! n'a pu craindre un sot I Bon ! Le voil^ revour ! . . . Mais r&ver n'est pas vivre, Des reveurs, ici bas le bon Dicu me d^livre ! . . . Va, fais courir le bruit imm6diatement, Que malade est ma reine, et que probablement, EUe mourra bientot ! Sus I A I'oeuvre. Au plus vite ! II impoilc h mon but, et mon but est licite, D'arreter les complots, d'arreter les espoirs Qui voulaient k mes jours donner de vilains soirs. {Catesiy sort.) II me faut 6pouser la fille de mon fr^re, Ou sinon mon royaume est brisds comme verre. Ses f r^res, il me faut d'abord les ^gorger, Si je veux I'^pouser .... Mais nargue du danger ! D6ji je suis lanc6 dans le fouillis du crime, A moi tous les p6cli6s ! . . . Ne suis pusillanime ! Je veux les abriter, je veux les h^berger, Et tr^s royalement avec vn cceni' leger! La piti6 dans mon ceil n'a pas son habitacle, Et de larmoyants pleurs je ne crains la debacle ! [Lc Page ventre avec Ti/rrel.) Ton nom est-il Tyrrel? Tyrbel. Oui, Tyrrel est mon nom ! A vous servir, seigneur ! Et Jacque est mon pr^nom. Le Roi Richard. Es-tu vraimcnt a nou.« ? vie et mort de richard iii. 119 Tyrrel. Qu'on me mette k I'^preuve ! Le Roi Richard. Oserais-tu tuer, sans que cela t'^meuV? Un mien ami ? Tyrrel. Pardi ! . . . Mais Men mieux j'aimerais Deux de vos ennemis les eteindre a jamais. Le Roi Richard. Sois satisfait ! . . . vois-tu, j'ai la de par le monde, Deux ennemis profonds, qu'il faut que Ton me tonde . . . Deux ennemis qui font trouble dans mon sommeil, Ces batards de la Tour, les voudrais sans reveil ! Tyrrel. Donnez-moi les moyens, ceci, c'est toute urgence, Avec ces ennemis de faire connaissance ; Je puis vous I'assurer je vous d^livrerai ; De ces deux mal appris, croyez-moi, je dis vrai ! Le Roi Richard. Ta parole, Tyrrel, est bien douce musique ; A mon oreille elle est d^licieux cantique. (7? luiparle has.) Va, suis bien la consigne, et je t'estimerai, Et de I'avancement, moi, je t'en donnerai. Tyrrel. Suhitb, je m'en vais exp^dier I'affaire, Dans la vie il est bon, sitot pensd . • . de faire ! {II sort. ) Rentre Buckingham. Buckingham. J'ai pese, j'ai toum6 dans mon esprit, seigneur, Le sujet important que me fites I'honneur De me communiquer. 120 VIK KT MOKT I)K HICHAUI) HI Lk Koi UICHAUI). LaiwHons ! cola ne prcHse ! . . . Dc vera Richmond, Dorset s'en fuit avec vitebse I . . .. ^^ BUCKINOHAM. On nie I'a dit, seigneur ! Le Koi Eichaed. Stanley I . . . Dorset est fils Do votre femme, ayez— que ce soient vos soucis, L'ceil sur elle, toujours ! . . . Buckingham. Monseigneur ! je reclame Le don par vous promis sur Thonneur do votre time, Le comte d'Hereford, et la possession Des terres dont m'avez promis concession ! Le Roi Richard. Stanley I je vous le dis, veillez sur votre femme, De projets insens6s ne permettrai la trame, Des lettres 4 Richmond qu'on n'en fasse passer, Ou vous en r6pondrez, k ce daignez penser. Buckingham. Que r^pond votre Grace k ma juste requete ? Le Roi Richard. Singulier souvenir me passe par la tete Je me souviens qu'un jour Henri Six sur sa foi Richmond 6tant gamin, pr6dit qu'il serait roi — Un roi ! qa nous verrons ! . . . Buckingham. Seigneur ! Le Roi Richard. Etant prophcte, Comment done Henri Six se faisant I'interprete Du destin, — n'a-t-il dit, puisque j'etais pr&ent, Que moi je le tuerais ce Richmond malfaisant ! vie et mort de richard iii. 121 Buckingham. Seigneur ! sur le comte que dit votre promesse ? Le Roi Richard. Richmond, un vilain nom pom- moi, je le confesse, Oh ! la demiere fois que je vis Exeter, Le maire un homme aimable, a mon coeur restd cher, Me montra le castel, acte de courtoisie S'appelant Rouge-lMont. Mon ame fut saisie En entendant ce nom, et vit troubler sa paix, Faroe qu'un tr6s vieux barde, — il 6tait Irlandais, Me dit que peu longtemps conserverais la vie Quand j'aurais vu Richmond. Buckingham. Monseigneur 1 Le Roi Richard. T'en convie, Dis-moi, quelle heure est-il ? Buckingham. Excusez, monseigneur ! Si j'ose rappeler le guerdon, sur I'honneur Qu'a daign6 me promettre un beau jour votre Grace ? Le Roi Richard. Eh bien ! quelle heure est-il ? Buckingham. Seigneur ! voili que passe Dix heures au cadran. Le Roi Richard. Bien! laissez les sonner! Buckingham. Pourquoi laissez sonner ? Le Roi Richard. Ne cherche k raisonner, Mais parce que toi, tel qu'un Jacquemart d'horloge, 122 vii: KT Monr ni: nicjiAun iii. Tu fais vibrer Ic coup, (yk nc fait ton «iloge, F]ntrc ta gueuseric — unc vile action, Et mea pensers h moi,— ma mciditation 1 Je ne suis pas d'humeur ce jour k faire aumone ! . . . Buckingham. Allons, cxpliquez-moi, jusqu'^ la fin de I'aune Ce que je dois penser, quel est votre vouloir 7 Le Roi Richard, Tu m'embStes, voila ! . . . jusqu'au revoir . . . bonsoir! . . . (ie lioi et sa suite gorte/it.) Buckingham. En est-il done ainsi ? Pour mes nombreux services, Ne me r6serve-t-il par hasard que supplices ? Est-ee done pour eela, que moi, je I'ai fait roi ? Oh ! pensons k Hastings ! . . . sans plus de d^sarroi, Et partons pour Brecknock, tandis qu'^ mes epaules Ma tete tient encore, et ne suis sous ses geoles, De ce Richard n'aiirai, non, jamais un guerdon, Je I'ai servi ! . . . e'est crime indigne de pardon ! {II sort.) iCENE III. Meme Salle dans le Palais. Ihitre Tybrel. Ttbbel. H est done accompli I'acte infame, execrable, Dont ce pays jamais encor ne fut coupable. Et Dighton et Forrest deux sacripants, deux gueux. Que j'avais subonie pour cc forfait hideux, Ont en me racontant I'tiipouvantable histoire Ainsi que deux enf ants plcure .... c'est k n"y croire I " C'est ainsi," fit Dighton, " que ces charmants enfants Dormaient — " Qui," dit Forrest, " les mignons innocents Se tenaient enlaces dans les bras I'un de I'autre. Comme se murmurant encor leui- patenotre. VIE ET MORT DE RICHARD III. 123 Leurs levres paraissaient quatre roses en fleurs De beauts printaniere exhalant les fraicheurs, De leurs douces odeurs embaumant I'atmosphere, Et faisant de leur lit un chaste sanctuaire. Un missel entr'ouvert gisait sur I'oreiller." . . . *' Mon esprit," dit Forrest, "parut se verouiller A I'aspect du saint livre .... oh ! mais bientot le diable '" . . . L'infame scelerat se trouvant incapable De parler, — de la sorte acheva le narr6 Son compagnon Dighton : " D'un bras mal assure Suppriniames tous deux a froid, ces existences Chefs-d'oeuvre de beauts, d'admirables essences." Et les deux scelerats sous le poids de leurs torts, M'ont quittd brusquement emportant leirrs remords. A ce prince du sang, des rois, charmant modele, De ce drame, je vais moi porter la nouveUe. (^Untre le Moi Richard,') Et le voici qui vient. A vous toute sant6 ! Mon souverain seigneur, auguste Majeste ! Le Eoi Richard. Mon bon Tjrrrel, dis-moi, si de par tes nouvelles Enfin je suis heureux ? Tyrrel. J'en apporte de belles ! Si le fait accompU peut f aire le bonheur De votre majeste, vous I'avez, monseigneur ! Le Eoi Richard. Mais les as-tu viis morts ? Tyrrel. Oui morts, et bien morts certes ! . . Le Roi Richard. Et de plus enterres dans fosses bien couvertes, Dis-moi, mon doux Tyrrel ? Tyrrel. Seigneur le chapelain De la Tour, les a mis dans quelqu' obscur terrain, Quel est-il ? Ne le sais ! 124 VIK KT MORT l)K UKJIIAKI) 111. Lk Roi Richard. Viens tne dire I'histoire Mon bon Tyrrel aprcs le souper apres lx>ire, Et pense d'ici \k, n'importe k quel emploi Tu voudrais arriver Tu I'auraa, foi de roi ! Jusqu'^ ce soir .... adieu ! Tyebel, Seigneur 1 je vous salue ! (Tyrrel sort.) Lk Roi Richard. Le chcr fils de Clarence, il est hors de la vue, Je I'ai mis sous scellfe, ferment bien mes verroux ; A sa fiUe ai donn6 le plus nul des 6poux, Les enfants d'Edouard dans une paix profonde, Sur le sein d' Abraham — honni soit qui me fronde I Dorment. Anne, ma femme, au monde a dit bonsoir, Tout va selon mes voeux, pour moi tout est espoir ! Maintenant, parce que Richmond que n'aime gu^re. Vise h s'unir avec la fille de mon frdre Pour happer ma couronne .... en prdtendant joyeux, Je veux m'en aller moi, lui faire les doux yeux, Poui" r^ussir, je crois, j'ai de bonnes recettes, Palsembleu I je saurai bien lui conter fleurettes ! . . . Monseigneur ! Catesby {entrant). Le Roi Richard. Qu'y a-t-il ? Du bon, ou du mauvais ? Qu' aupr^s de moi tu prends si brusquement acc6s ? Catesbt. Les nouvelles seigneur 1 oh ! bien loin d'etre heureuses, Sont tristes au contraire, et sont des plus facheuses, Morton avec Richmond a fait sa jonction, Et Buckingham levant de la sedition Le funeste ^tendard, tient d^ji la campagne, Avec tous ses Gallois, et la r^volte gagne. vie et mort de richard iii. 125 Le Roi Richard. Morton avec Richmond m'inqui^te bien plus, Que Bizckingham avec ses Gallois mordicus ! Allons ! allons ! je sais qu'un craintif commentaire Devient un serviteur de plomb dans telle affaire ! Fi du delai lambin, au pas de limagon, Le ddlai compromet, et gate la moisson. Que soit mon aile done, la fouguease vitesse, Un roi ! 9'est de Jupin la f oudre vengeresse. Allez ! faites I'appel ! . . . Ne saurais I'oublier, Mon conseil est ma force, aussi mon bouclier, Quand nous ofEre bataille ime foule de traitres, Sus ! II faut leur prouver qu'ils ont trouve leurs maitres ! (lis sorfent.) SCENE IV. MSme lieu. Devant le Palais. Entre la Reine Marguerite. La Reine Marguerite. Morte ! . . . e'en est done fait ! . . . est la prosperity ! La remplace aujourd'hui la lourde adversity ! En tapinois, ici, j'ai pris ma residence, De mes ennemis pour guetter la d^ch^ance. De cette dech^ance est terrible I'aspect ! Je vais aller en France, et mon flair est correct. Son sejour me sera noir, amer et tragique. Marguerite ! va-t'-en ! . . . ton ame soit stoique ! Mais .... qui s'approche ? Entrent la Reine Elisabeth, et la Duchesse d'York. La Reine Elisabeth. Helas ! 6 mes pauvres petiots, Mes deux princes cheris ! si gracieux, si beaux ! Mes fleurs aux doiix parfums quoiqu' encore indcloses, Mes lilas, et mes lis, mes myrtes et mes roses ! Si, vos ames encor voltigent sous le ciel, 126 viK v.r Mou'i ni; hiciimmi m Et ne sont pas encore au H^joiir (jtcrnel, Voltigcz pros do moi sur votrc aile logerc, Puis oyez les douleurs de votre pauvre mere I La Kkine Marguerite. Autour d'cllc volcz ! Et dites-lui que droit Pour droit, las ! — a tcrni vos matins — rendaut froid Et le jeune et Ic beau ! La Duchesse d'Yoek. Tant de malheurs terribles, Tant d'inf^mes complots, de vengeances horribles, Font ma langue sans voix,— mon coeur mfime est muet ! Pourquoi done es-tu mort ? . . . mon Plantagenfit ! . . . La KEINE MAEaUEEITE. Les deux Plantagenet, la^ ! restent quitte a quitte ! Edouard en mourant, las ! se rehabilite ! La Reine Elisabeth. As-tu pu done bon Dieu ! sur pareils doux agneaux, Ne pas avoir la vue ? a d'atroces bourreaux Les laissant sans defense ! La Reine Marguerite. O mon Henri ! . . . Misere ! . . . La Duchesse d'Yoek. Vie, otL n'est plus la vie ! . . . aveugle sans lumiere ! Oh ! pauvre rien vivant !. ar^ne de douleur, R6sum6 plantureux de ce seul mot — malheur I Ton manque de repos, sied-le la, sur la terre, Oui sur le sol sanglant cfe la vieille Angleterre ! (Bile s'assied.) La Reine Elisabeth. Helas ! que ne peux-tu m'accorder un tombeau Et de ma triste vie, (^teindre le flambeau ; J'y pourrais lors cacher mes os et ma poussiere, Et dt^rober a tons mon chagrin, un ulcere ! {EHe s'assied a c$te (Tell^.) vie et mort de richard iii. 127 La Eeine Marguerite. Mon chagrin doit avoir droit de priorite, Etre plus revere, vu son anciennete, Ah ! si la douleur pent avoir une compagne, Vos coeurs sent ulc^r^s, que ma douleur les gagne. {Elle s'assied aveo elles.') Sur mes chagrins nombreux jetez done un regard, J'avais un Edouard, me I'a tiie Eichard : J'avais un noble epoux, omement de ma vie, Un Eichard I'a tud par un exc^s d'envie ! Un Edouard aussi vous I'aviez un Eichard L'a tue de sa main. La Duchesse d'York. Tiens, toi, voilii ta part ! Moi, j'avais un Eichard tu I'as tu6 megere ! . . . Moi, j'avais un Eutland, c'est toi, c'est toi vipere, Qui me la fait tuer pour tes menus plaisirs. La Eeixe Marguerite. Et Eichard a tue pour charmer ses loisirs, Ce qiie tu possedais, — Infame ! ton Clarence. C'est du triste produit de ton incontinence, Qu'un vilain chien d'enfer pour nous chasser a mort S'est fait le courtisan, vil instrument du sort. Pour dechirer I'agneau, pour happer I'innocence, Et de Dieu sur I'ouvrage assouvir sa vengeance : C'est toi, c'est ton vil sein, qui lache ce tyran Pour nous pourchasser tous, et pour nous mettre au ban, Dieu ! Tres juste Dieu ! mon coeur se prend de joie, Lorsque ce chien chamel, le vois faire sa proie Des produits de ta mere, — et les aneantir, Et meler leurs chagrins a mon profond soupir. La Duchesse d'York. O femme de Henri! Ne prends trop d'arrogance A I'aspect de mes maux, — car, dans mon indulgence, J'ai pleure sur les tiens. La Peine Marguerite. O vous ! supportez-moi ! J'ai soif de la vengeance, — et tremble en mon emoi ! 128 VIK ET MOttT OK KICIIAfU) III. Ton Edouard c.nt mort, — lui, qui, dans sa dd-mcnce, Tua mon Edouard. L'autrc Edouard par chance, Est mort de son cotii, pour r^gler en eflfet, Avec mon Edouard ses comptcs, — c'cst un fait ! Quant au jeune York 11 n'est rien molns qu'un appoint certe, A la perfection de cc que fut ma perte. Ton Clarence, il est mort, Edouard il I'occit, Mon Edouard tl moi ! — De cet affreux conflit, Et les t^moins, Kirers, Vauj^han, Hastings I'adultfere, Et Grey sont tous fauch^s, dorment au cimetifere, Dans leurs sombres tombeaux. Seul vit encor Richard. Richard Ic pourvoyeur de I'enfer, le couard Qui par ses proc6d6s, et ses indignes trames Envoie au vieux Satan ce qu'il peut guigner d'amcs ; Mais bientdt adviendra la fin de ce gredin, Et nul ne le plaindra, qk le fait est certain I L'enfer k cet cfEet flamboie, et brule et brame, Le sol bailie, et les saints le d^noncent I'infame! Au n6ant rendez-le, je vous en prie, 6 Dieu ! Voir ce hideux chien mort, c'est la mon plus cher vceu ! La Reine Elisabeth. Oh ! tu I'avais pr^dit qu'il advlendrait une heure, Et bien avant le temps present pour que je meure, Ot je t'invoquerais pour m'aider de ta voix Maudire ce crapaud, ce bossu, ce putois. La Reine Marguerite. Je t'appelals alors la vantardise vaine De ma fortune, — une ombre, un bien rien moins que reine, Rien qu'une reine peinte, — oui la contrefacon, De ce que moi j'etais, non faite ta moisson ; Je t'appelaia I'index flatteur de la parade, D'une femme hiss^e assez haut, — mais malade, Devant etre bientot precipit^e en bas ; D'une mere trompee en pressant dans ses bras Deux tout charmants enfant'*, je t'appelais un songe, De ce qu'un joui- tu fus, un clinquant, un mensonge, Un ^tendard pimpant appelant le pMl, Servant de point de mire au canon, au ftisil ; Une aberration, une reine pour rire, VIE ET MORT DE RICHARD III. 129 Et pour remplir la sc6ne occupde a meclire. Tes fr^res, ton 6poux, maintenant ou sont-ils ? Eux ! qui faisaient ta joie ainsi que tes deux fils ? Qui s'agenouille et dit : " Dieu preserve la reine ? " Oil sont ces nobles pairs, troupeau qui par douzaine, S'inclinaient devant toi les indignes flatteurs? Oil sont-ils tes soldats, tous des adulateurs, Ces corteges pompeux pres de toi faisant foule, Que sont-ils devenus ? II est bris6 I6ur moule ! Daigne t'examiner, vols un peu maintenant Que tous ces faux honneurs font produit le n6ant. Hier 6pouse heureuse, — aujourd'hui te voit veuve, Et veuve desolee .... une mere a I'epreuve Hier mais aujourd'hui tu le plem-es ce nom ; Hier on t'implorait .... aujourd'hui, c'est un non Qu'a ta supplique on dit:— hier en souveraine Tu parlais, et bien haut, aujourd'hui n'es plus reine ; Hier tu m6prisais, aujourd'hui mon mepris n tombe a plat sur toi, laide chauve-souris ! Hier on te craignait, dans cet aujourd'hui sombre, Toi naguere au pouvoir ! tu Grains, meme ton ombre ! Du temps ainsi le coiu-s a vire contre toi, Ce que tu fus jadis, te laisse un long emoi. En y pensant toujoixrs ! — Tu fus usiu"patrice Du rang que j'occupais. punie est ta malice. Porte done aujourd'hui la moitie de mon bat, C'est un fardeau bien lourd et qui fit grand degat Assez longtemps sur moi, j'en degage ma tete Pour t'en leguer le poids, t'en c6der la conquete ! Adieu done f emme d'York ! et reine des m6faits En France je rirai de tes malheurs anglais. La Kelne Elisabeth. En maledictions toi, source si feconde, Enseigne-moi done I'art de maudire ce monde D'ennemis acham^s, de moi tournant autour ? La Peine Marguerite. Abstiens-toi de dormir la nuit, jeune le jour, Compare au bonheur mort, ta vivante soufErance, Pense que tes enfants ta plus douce esperance K ISO VIi; KT Mf)UT l)K RICHAItl) III. Etainnt bc.iucoup plus beaux qu'ils nc I'^taicnt vraimont, Et (juc Icur asHasHin CHt plus atroccmcnt Criminel qu'il ne Test; pense h, ta dcstin^e, Fais la plus belle encor qu'au jour cle rhymcini^e, Tu rendras pire encor, plus poignant ton chagrin, Tu rendras plus amcr de tes maux le venin, En repassant cela dans ton esprit, ton ire S'augmentera d'autant. et tu sauras maudire ! •*• La Reine Elisabeth. Oh ! mon langage est temc et du tien n'a le fen. La Reine Marguerite. Le malheur le rendra plus energique adieu ! (Sort la Heine Marguerite:) La Duchesse d'York. Pourquoi done les chagrins auraient-ils tant de langue ? La Reine Elisabeth. Avocats ampoules souffrez la, leur harangue, De nos bonheurs passes, ils sont les successeurs Laissez-les p^rorer ces pauvres orateurs, S'il est souvent bien creux leur trop pompeux langage, II soulage le coeur, en faut-il davantage ? La Duchesse d'York. Que s'il en est ainsi viens-t'-en vite avec moi, De nos langues sachons faire un terrible emploi, Mon satan6 de fils de paroles amdres Etouifous le soudain, sifflons conime viperes, II a bien ^toufEe tcs deux charmants enfants, (Roulement de tambovrs.) Sois verbeuse avec lui, son tambour . . . je I'entends. Entre Richard et sa suite marchnnt en ordre de bataille. Le Roi Richard. Qui vient m'intorcepter. me barrer lo passage ? vie kt mort dk richard iii. 131 La Duchesse dYork. Moi, qui pour empechei' ton d^lirant carnage Eut du t'intercepter, maudit ! en t'etoufEant Le jour on tu sortis de men flanc tout sanglant ! La Reine Elisabeth. Ce front, qui d'un fer chaud devrait porter I'empreinte, Si le droit n'etait pas une parole feinte, Tu le caches, Tyran ! sous uu vil cercle d'or, Toi qui fis egorger ce prince — un vrai tresor Qui devait la porter cette noble couronne D^shonoree, h61as ! . . . Elle orne ta personne I Mes fr^res et mes fils ! Dis-moi, qu'en as-tu fait ? Ou sont-ils mes enfants ? . . . Dis-le moi contrefait ? La Duchesse d'York. Crapaud ! vilain crapaud ! oii tou f rere Clarence Est-il ? aussi son fils a la charmante enfance, Le doux Plantagenet ? La Reine Elisabeth. Oil sont-ils les courtois Urey, Vaughan, Rivers, et tons mes amis d'autrefois .' La Duchesse d'York. Aussi le bon Hastings ? Le Eoi Richard. Sonnez ! sonnez trompettes ! Tambours ! battez aux champs , noyez-moi ces soraettes Dans vos bruits tapageurs, afin que jusqu'aux cieux Ne se fassent chemin les propos factieux Sur moi, I'oint du Seigneur, de ces sottes femelles ! Battez tambours ! battez ! . . . etouffez ces querelles ! . . . {Fanfares de Trompettes, bruit de tamhourtt.) {S'addressant avx Beines'): Ou bien da ! . . . patience, — et sus avec emoi Gentiment suppliez . . . . ou je vous le dis moi, J'^teindrai vos clameurs avec un chant de guerre, Oui je noierai vos oris . . . . il faudra bien vous taire ! . . . K 2 !.'{•_' vii; KT MDin i)i; KicHARn iii. La DircHEHSE d'Yobk. Ks-tn mon fils / I.K KOI KiCHARD. Oui, giilce k vous, mon p^re et Dieu ! La Duchesse d'Yobk. Adonc patiemment, — ne sois un boute-feu, A mon impatience, enfin donne audience I Le Hoi Kichard. Je tiens do vous, madams, en at la conscience, Que ne puis toldrer de reproche un accent. La Duchesse d'Yobk. Oh ! laissez-moi parler. Lk Roi Richard. Parlez. incontinent ! Mais a tous vos discours est sourde mon oreille, Je vous en avertis. La Duchesse d'Yobk. Ne crois que c'est mervellle ! Je veux etre avec toi douce comrae autrefois. Le Roi Richabd. Eh Men ! done, bonne mere, avec vous suis courtois, Soj'ez breve surtout ! . . . Eh bien ! je vous ecoute : — Mais je suis tres presse La Duchesse d'Yobk. Dans ton ardente route Es-tu done si press6 ? . . . J'ai su t'attendre, moi ! . . . Dieu sait dans quels tourments ! Dieu sait dans quel 6moi Le Roi Richabd. Ne suis-je pas venu, — dites-moi, bonne mere, A la fin consoler votre douleur am^re ? La Duchesse d'Yobk. Tu le sais bien ! . . . . Oh ! non ! . . . De par la sainte croix ! Tu naquis mon enfer, ct me mis aux abois. VIE ET MORT DK RICHARD III. 133 Un terrible f ardeau I . . . me le f ut ta naissance ! Et revfeche et bourrue elle fut ton eiifance ! Tes longs jours d'ecolier furent aventureux, Et ton printemps viril, oseur et furieux. Ton age confirme, tu devins sanguinaire, Et subtil et ruse, mais cherchant Part de plaire, Aimable en hai'ssant. — Quelle heure de bonheur Pourrai-je done citer ? . . . Ne la trouve en mon coeur ! Le Eoi Kichard. Sauf I'heure de Humphrey qu'un beau jour Votre Grrace A dejeuner requit — moi — n'^tant a ma place ! Mais que si moi je suis si vilain a vos yeux, Laissez-moi passer outre, et les quitter ces lieux, Ce, sans vous offenser, — dit entre nous, madame ! Battez tambours ! battez ! La Duchesse dTork. Richard ! Oh ! sur mon ame, EQOute! ecoute-moi ! Le Roi Richard. Vous parlez '. Par trop amerement La Duchesse dYork. Rien qu'un mot ! car tres probablement Tu n'entendras de moi jamais une parole. Le Roi Richard. Soit ! semblable assurance est baume qui console ! La Duchesse d'York. Ou bien, toi, tu mouiTas de par I'ordre de Dieu, Avant de revenir en vainqueur en ce lieu, Ou moi j'aurai peri de chagrin, de grand age, Et je ne verrai plus ta face davantage. Adonc prends avec toi ma malediction, Au jour de la bataille, au fort de Taction, Elle pesera plus sur toi, la chose est sure. Que le ficr attirail de ta complete armurc. 134 viK i;t Moitr di; ukiiaim) hi. Ml's priore.s scront — avec tos iriiieniis, Kt les fil.s d'EfUjuard, par toi, tou» deux occi.s, All coeur de tea rivaux souffleront lu courage, Et lour victoirc sera pour toi sujet de rage. Sanguinairc tu fus, sanguiiiaire ta fin Sera — Moiistrc ablion-t': ! Te prc^dis ton destin ! {EUe xnrt.) La Kkink Elikabkth. J'ai ccrtcs i)lus de cau.se encor (ju'ellc ii maudirc. Mais je ii'ai pa.s .sa verve— Amen done ! a son dire I {Kile fait mine de partir.) Le ]{oi Kichard. Rladaiiii', iuri'tez-vou.s, et daignez m'ecouter. La Kkine Elisabeth. Que pourrais-tu me dire? a quoi bon m'arreter .* II no nie reste plu.s de mon triste hymen^e, Oes deux eharmants enfants de royale lignee, Pour eti-e mas.sacre.^ pai* ton royal poignard. Pour nies fiUes, h^las ! elles seront. Richard, Des nonnes pour prier au lieu d'etre des reine.s Pour pleurer, et pour etre en butte a mille haines, Ei^argne-les, ne viens pour leur jeter un sort, Ton cEil a des venins qui distillent la mort I Le Roi Richard. Vous avcz unc tille et belle, et gracieu.se De nom Elisabeth, royale et vertueuse. La Kkine Elisabeth. Et faut-il quelle ineure a cause de cela .' Dieu ! laissez la vivro, a mon coeur laissez la. Je corromprai ses mceurs. sa beaute, le proclame. Je saurai la souiller, — je dirai, sur mon ame ! En me calomniant, qu'elle n'est pas le fruit Des amours d'Edouard, . . . je ferai tant de bruit Que son front pur encor le ceindrai d'iufamic. Mais qu'elle vive au moins ! VIE ET MORT DE RICHARD III. 135 Le KOI liICHAKD. Vous seriez ennemie De vous-meme, madame, en agissant ainsi ; Elle est de sang royal, pour elle ayez merci. La Eeine Elisabeth. Elle est de sang royal, — mais pour sauver sa vie, Je dirai que c'est faux, — a cela je n'obvie ! Le Roi Kichabd. Dans sa naissance seule est la s^curite De sa vie. La Reine Elisabeth. Eh bon Dieu ! . . . Mais c'est, en v6rite, Dans cette silrete que moumrent ses freres. Le Roi Richard. lis n'eurent en uaissant, bah ! qn' etoiles contraires ! La Reixe Elisabeth. Leurs etoiles ! . . . Non pas ! . . . Mais de mauvais amis ! Le Roi Richard. On ne pent eviter le destin, m'est avis ! La Reine Elisabeth. En evitant la grace, on fait sa destinee. Las ! mes pauvres enfants ! lys de mon hymenee, Eussent ete dotes d'une plus belle mort, Si de plus belle vie, eut et6 fait leur sort ! Le Roi Richard. Yo\is parlez comme si j 'avals — oh ! quel blaspheme ! Egorge mes cousins ! La Reine Elisabeth. Les avez faits — au meme ! Les avez depouille tout d'abord de leur di'oit, Et de leur vie aussi — de leur trone — ainsi soit! Ne parle de la main sanglante toujours prete A perpetrer un crime oh ! non ! . . . mais de la tete De les assassiner donnant instruction ! Oh ! sur toi. vil tjTau, soit la damnation ! l;!(; VIK KT IIDKT I)K KKIIAIil) III. San.H (lout(; Ic poignarcl uYtait que Utrrc h. tcrrc, Avant d'etre aiguise mir ton wBur fait de pierre, Lors il put sc vautrer au sein cle mes agncaux, Et trouver une gaine aux mains de tea bourreaux. Ah I ne dcvraia parler dcvaiit toi de mes anges, Jusqn'i'i cc qu'en tes yeux je fisse mes vendanges, Que ton sein le ddchire, et de taille et d'estoc, Et que ini tie en lam beaux ton eceur plu.s dur qu'un roc! Le Roi Richard. Madame ! au.s.si bien que dans ma vaste entreprise, J'esp^re recueillir, — et c'est de bonne prise, Succ^s avantageux dans de sanglants combats, De memo j'aime a dire — en ces demier.s dobats, Que pour vous, et que pour toute votre famille, J'ai bonne intention — et par cela je brille ! La Reine Elisabeth. Oh ! quel bicn ! Dieu de Dieu ! sous la face du ciel, Pent m'advenir par vous, mon ennemi mortel ? Le Roi Richard. Quel bien ? L'avancemeut de vos enfants, madame ! La Reine Elisabeth. Oui, vers quelque gibet passepartout de Tame Pour s'envoler au ciel. Le Roi Richard. Non pas, I'avancement Des terrestres splendeurs de vers le firmament, De vers la dignity,— le type de la gloire Qui fait qu'un nom s'inscrit aux fastes de I'histoire. La Reine Elisabeth. Oui, flatte mes chagrins avec un tel eclat, Dis-moi done quel honneur, dis-moi done quel etat Tu puisses toi, 16guer k qui doit sa naissance. Las ! h mon pauvre moi ! Le Roi Richard. Cc que j'ai de puissance Oui da ! , . . De plus moi-meme — en mes voeux triomphantv* Vlt; ET MORT DE RICHARD III. 137 Je pretends en doter, sus ! un de tes enfants. Adonc dans le Lethe de ton ame colore, Noie une bonne fois d'un tort imaginaire Que ne t'ai point cause, le triste souvenir. La Reine Elisabeth. Sois bref, de suite dis, oh. tu veux en venir, Ton exces de bont6 doit cacher une anguille. Le Eoi Richard. 8ache done que du fond du coeur j'aime ta fille. La Reine Elisabeth. La mere de ma fille . . . . et te croit dans son coeur. Le Eoi Richard. Eh bien ! Qu'en pensez-vous ? La Reine Elisabeth. Je pense. sur ITionneur, Que tu Taimes ma fille, aussi bien que ses freres Helas ! Tu les aimas tous deux les pauvres heres ! De ce merci, merci ! Le Roi Richard. Voyons done, ne sois pas Si prompte a nous creer de nouveaux embarras, J'aime ta fille, et veux, mon desir est sincere. La faire incontinent la Reine d'Angleterre ! La Reine Elisabeth. Eh bien ! Qui comptes-tu lors lui donner pour roi ? Le Roi Richard. Mais .... celui-la qui doit la faire reine La Reine Elisabeth. Toi! Le Roi Richard. Oui bien que je le dis ! . . . Qu'en pensez-vous, madame } La Reine Elisabeth. Mais comment feras-tu la cour a la chere ame ? 188 VIK KT MOKT rn-; UMIIAItl) III. hi; KOI lilCHAHl). Vol la CO que voudraiw certe apprendrc do vous Qui connaiMsez .son ccjeur, qui connais.sez 8oa poula! La Reine Elisabeth. L'apprendra.s-tu ile nioi 1 Lk Koi Hichakd. De tout raon coeur, niadame La Reine Elisabeth. Ell bien ! 6coute done quel il est mon programme. Fais-lui porter d'abord par rinfS.me assassin De ses deux fr6res qui racoourcit le destin, Deux coeurs encor saignants, ayant pour leur devise Ces noms : " York et Rutland " — cette gente surprise A ses yeux pourra bien certe amener des pleurs, Offre-lui dans ce cas, pour calmer ses douleurs Un mouchoir teint de sang, — ainsi que Marguerite A ton p6re I'offrit; — c'est tout k fait licite Parmi les sc616rats. Ce mouchoir teint de sang Etait le jeune sang du trop gentll Rutland. Avec cela, dis-lui d'essuyer ses paupi^res, Des mouchoirs teints de sang sont baumes salutaires! Que si ne riussis a gagner son amour, Par des moyens si doux, dignes d'un troubadour, De tes nobles hauts faits, fais-lui tenir la liste, Mais en les racontant sache etre r^aliste ; Dis-lui comment Clarence, en un tonneau de vin, C'6tait du Malvoisie — eut un tombeau divin ; Comment perit Rivers, — comment pour I'amour d'elle Du puits de la vie, Anne, a franchi la margellc I Le Roi Richard. Vous vous gaussez de moi, ce n'est la le moyen De gagner votre fillc — oh ! mon cceur le salt bien ! La Reine Elisabeth. Qui seme des chardons ne recolte des roses, Si tu fus le Richard qui fit tontes ces choses, Sache te presenter sous un autre format Ou tu risques de voir ta cour tomber a plat. vie et mort de richard iii. 139 Le Eoi Kiohard. Dites que tout cela. I'ai fait pour I'amour d'elle. La Eeine Elisabeth. En bonne conscience, elie, la jouvencelle, Ne poun-ait que te prendre, ayant de son amour Par si rouges mefaits, achete le retour. Le Roi Richard. Un fait etaut un fait, ne saurait se defaire, Les hommes quelquefois de tres sotte maniere Agissent — puis alors surgit le repentir Qui vient les harceler aux heures du loisir. A vos deux fils si moi j'ai ravi le royaume, Le rends a votre fille, et ma foi ! c'est un baume. Si j'ai tue vos fils. eh bien ! j'engandrerai De votre sang — lignee — et je la maintiendrai ! Au lieu de vous targuer de ce titre de mere, Vous serez grand' maman ! . . . Grand' maman, ce n'est gu6re Moins que d'etre maman ; — c'est nieme tout profit, Vous n'aurez a soufErir point les douleurs du lit. Vos enfants, entre nous, las ! de votre jeunesse lis furent les soucis, les miens de la vieillesse Qui sera votre un jour, seront, j'en suis certain Les doux consolateurs de votre ancien chagrin. Votre perte au total est a peine une peine, Votre fils n'est pas roi, mais votre fille est reine. Je ne puis vous ofifrir tout ce que je voudrais, Acceptez mes bontes. ce sont vos interets. Dorset, votre fils, qui, d'une ame timor^e D'un pas mecontent foule etrangere con tree. Sera vite promu de par cette union Aux dignites, objet de son ambition. Le roi qui nommera votre fille, sa femme, Familierement, le promets sur mon ame, Appellera Dorset frere mere d'un roi, A nouveau tu prendras ton ancien povivoir — toi ! De tes temps malheureux, et les grandes detresses, Tu ne t'en souviendras au milieu des richesses 140 vii; i;t .\iuiit di; iticiiAKD in. De tes conteiitomciits. Nou.s vcrmnft iiiiiint.s beaux joura Se d(iroulcr encore au contact ties amours; En perlcs d'Orient so changeront tes larmcp, Et tes bonheurs nouveaox ne craindront plus d'alannes. Va done, m^re, va done vers ta fille — enhardis Son inexperience, ilkve ses esprits, Prepare son oreille i"i ce langage tendre Qu'un amoureux toujours a Tart de faire entendre ; Fais reluire en son coeur I'^clat qn'i la beauts Partout donue toujours la souverainet^ ; Fais connaitre en un mot a la douce princesse, Le bonheur de I'hymen, sa tranquille allegrcise. Et quand ce Buckingham, cerveau lourd et obtus, Mon bras vainqueur I'aura chati6, mordicus ! Je viendrai le front ceint des palmes de la gloire, Mener ta fille au lit dans un jour de victoire, Et lui narrant les faits enchaines a mon char, D^poser a ses pieds les lauriers de Cdsar. La Reine Elisabeth. Que dire pour le mieux a cette fille chere ? Te voudrait epouser le frhre de ton p6re ? Ou dirai-je ton oncle ? . . . Ou I'infame assassin Qui sut les decimer fr^res, oncles, cousin ? A quel titre veux-tu que je plaide ta cause Aupr6s d'elle, dis-moi ? Qui ne soit une chose En horreur h la terre, a mon honneur, a Dieu, A son amour, aux lois dont ne puis faire un jeu Le Roi Richard. Dis que cette union pour la belle Angleterre Est un gage de paix. La Reine Elisabeth. Est un gage de guerre, Dont I'Angleterre, h^las ! ne verra pas la fin. Le Roi Richard. Dis-lui que moi, le roi, moi qui suis maitre enfin, Je me fais suppliant. vie et mobt de richard iii. 141 La Reine Elisabeth. Oh ! oui, pour qu'elle accorde Ce que defend le roi des rois ! . . . Misericorde ! Le Roi Richard. Dis-lui qu'elle sera dans toute sa splendeui* Une puissante reine, et des reines la fleur. La Reine Elisabeth. Pour d^plorer ce titre, ainsi que fit sa mere. Lb Roi Richard. Dis que je I'aimerai d'un amoiir vrai, sincere. La Reine Elisabeth. Eh ! pom- combien de temps? Le Roi Richard. Mais, pour I'eternite De sa gracieuse vie .... La Reine Elisabeth. Oh ! dis la v^rite, R6ponds-moi, franc et net — vivi-a-t-elle une ann^e .' . . . Le Roi Richard. J'espere aussi longtemps que de sa destin^e La nature et le ciel prolongeront le cours. La Reine Elisabeth. Dis mieux, aussi longtemps que le roi des vautours, Que Richard, que I'enfer voudront bien le permettre. Le Roi Richard. Dis-lui que moi qui suis son roi, — je viens me mettre A ses pieds adores. La Reine Elisabeth. De toi, son souverain Elle abhon-e le titre. elle. en son fier d^dain. 142 VIK ET MOKT l)K lUCMMtl) If I. IjK Uoi Kkjhard. Voyons I Sois eloqucnte en ma faveur, jires d'olle ! La Reine Elisabeth. Uii honnute r6cit gagne a rester fiddle, A ne pas s'ucarter de la simplicituis lc deviner, ses desseins ne sent clairs ! Le Roi RiCHARn. No ponvcz deviner lc but dc son voyaj^c, Ni pourqnoi ec Gallois lorgne notrc rivage ? O'est pour se declarer de vous maltre et seigneur, Tn tc rivolteras pour le suivre, en ai peur I Stanley. Non, tr6s puissant seigneur, n'ayez pas cettc crainto ! Le Roi Richaed. Mais pour lc repousser, voyons, parlc sans feinte. Oil sont-ils tes vassaux ? lis sont k I'oceident Fiiisant la courte cchellc, et mtmement aidant Les rebcllcs sortant de leurs vaisseaux en foule ? Stanley. Mes amis, monseigneur, faits dans vigourcux moul'\ lis sont tons dans le nord. Le Roi Richard. Pour moi de froids amis, Que font-ils dans le nord ? Us devraient, m'est avis, Etre dans roccident, au roi pour etre utiles. Stanley. N'ayant rcQu nul ordi'e, ils sont rest& tranquilles. Puissant roi, mais s'il plait i votre majesty Do daigncr m'octroyer la pleine libert*^ Je vcnai mes amis, et devers votre grace Avec cux je viendrai, n'importe en quelle place, N'importe auqucl moment, il vous plaira choisir. vie et mort de richard iii. 140 Le Koi Eichard. Oh ! oui, je m'appergois que tu veux d^gueipir Pour rejoindre Richmond, mais a toi ne me fie ! Stanley. Vous avez tort, seigneur, je vous le certifie, Je n'ai jamais et^, je ne suis un trompeur. Le Roi Richard. Eh bien ! Allez ! c'est bon, faites-vous recruteur ; Allez de vos amis relever le courage, Mais, George, votre fils, qu'il me reste en otage ; Faites que votre coeur soit et fenne et loyal, Sa tete est mon garant, si vous toumez a mal ! Stanley. Traitez mon fils selon que je serai fiddle. {Stanley sort .) Entre un Messager. Le Messager. Mon gracieux seigneur ! j'apporte la nouvelle Que dans le Devonshire, ainsi que des amis M'iufoiTuent de ces faits, maintenant accomplis, Le sire Edouard Courtney, plus d'Exeter Teveque, Son frere aine, mechant prelat qui se rebSque Se revoltent avec d'autres confederes ! . . . Entre un autre MESSAGER. Deuxieme Messager. Dans le Kent, les Guilfords et d'autres conjuies, Mon noble souverain, ont soudain pris les arme,-*, Et tiennent le pays dans de chaudes alarmes, Leur nombre et leur pouvoir a chaque instant s'accroit, Taudis qu'a chaque instant, notre pouvoir decroit. Entre un autre Messager. Troisibme Messager. Du noble Buckingham, haut souverain, I'armec 160 VIK ICT MOKl L)K KK.'HAUU III. Lli llOl RiCHAKU. Dc (Idsastrcs pourquoi me Hcrvir la fam6e ? . . . Taiscz-vous tous, hiboux ! Ticns prends ccla pour loi ! , ( II frappc le Troixibme Mi;.t's suldats se mettent a eriger la tcntc. ) Ah ! j'ai I'ame contente En pcnsant i ce lit ; . . . Ou sera-t-il mon lit Domain ! ... Ah bah ! n'importe od se pose le nid ! . . . A-t-on pu s'informer, dites-le moi, nics maitres, Quel il est, au total, le nombre de ces traitres ? NOBFOLK. Six ou sept mille au plus, voili leur maximum ! Le Roi Richabd. En ce cas, c'est pour nous, Bonu^, Bona, Bonum ! Triple de ce montant est notre force armee, Et puis le nom du roi vaut lui seul une armde, C'est un pouvoir immense et qui leur fait d^faut. Aliens examiner, messires, il le faut, De ce vaste terrain quel il est I'avantage, Se consulter avant, certe, est d'un esprit sage ; DiscipUue surtout ; de la guerre c'est I'art ! Domain qu'on soit exact ; point le mointlre retard, Car domain, chers seigneurs, sera, la chose est siirc. Un jour tres occupy, ma foi— je vous assure. {Ih sortent.) VIE ET MORT DE RICHARD III. 157 Entrent de Vautre c$te du champ, Richmond, SiEE William Brandon, Oxford, et autres ^seigneurs. Quelqices soldats dressent la tente de Richmond. Richmond. Le soleil fatigu6 s'est coiiche clans de I'or, Et de par ses splendeurs, fait presager encor Que le jour qui va suivre, aura pour destinee Aureole de feu, splendide matinee ! Sire William Brandon contrc le roi Richard Des demain vous serez, vous, mon porte-etendardi - Qu'on place dans ma tente une plume et de I'encre, Car, de notre salut, moi, je veux tracer I'ancre, Analyser la forme, et Tordre du combat, Afin, le vil Richard ! le faire 6chec et mat ! Eu donnant a chacuu son role et son programme, Qui sera de chacun du devoir le dictame. Vous Oxford, vous Brandon, et vous Herbert aussi Faites-moi le plaisir de demeurer ici. Garde son regiment de Pembroke le comte ! Vous capitaine Blunt, que nul danger ne dompte, A Pembroke, poitr moi, portez un doux bon soir, Dites-lui mon d6sir : — A deux heures le voir ! . . . Cette nuit que sans bruit, il vienne dans ma tente, De lui serrer la main, je serai dans I'attente, Bon capitaine ! . . . Encore une chose de plus ! Savez-vous ou Stanley se tient dans ces talus ! Blunt. A moius que je ne sois dans une erreur grossiere, (Et je ne le crois pas !) — Moi, j'ai vu sa banniere Se balancer au vent, moius d'un mille d'ici. Son regiment doit etre a peu pres au midi De la force du roi. Richmond. Tr^s bien ! s'il est possible Toutefois sans peril, de trouver accessible Moyen, mon brave Blunt, d'arriver jusqu'a lui, Ce message important, donnez-lui, — le voici. 15h vik et mobt de richard iii. Blunt. Ccttc tftchc, ficigncur, Ic devoir m'y convic, Oh 1 jo vciix rciitrcprondro au p6ril clc ma vie, Dicu vous donne, seigneur, un doux rcpos cc soir. Richmond. Bonne nuit, capitaine ! . . Au revoir ! au revoir I . . — Vous, mcssires, aliens, rcntrons tous sous ma tcntc, L'air est huniide ct froid, ct n'a ricn qui nous tente A roster au dehors. — AUons dclibeirer 8ur le jour do domain qui doit nous lib6rer. (^Ilit se retircnt hows la iente.) Entrent dans sa tente le Roi Richard, Norfolk, Ratclipf et Catesby. Le Roi Richard. Quelle heure est-il ? Catesby. Seigneur ! Mais du souper c'est ITieure, Neuf heures ont sonne. Le Roi Richard. N'importe ! Je demeure lei, — ne souperai, ne veux souper ce soir ; De I'encre ct du papier, je desire en avoir ! — Eh ! quoi ! . . . N'est-elle pas en etat ma visi^re ? Et mon armurc aussi ? Catesby. Votre armure princidre, Est en tros bon titat, n'en doutez, raonseigneur ! Le Roi Richard. Oceupe-toi, Norfolk, de nous sois le veilleur ! Et pose autour de nous, de bonnes sentinelles. Norfolk. Je m'en vais les choisir, elles seront fideles 1 . . . VIE ET MORT DB RICHARD III. 15t^ Le Roi Richard. RatclifE ! , Aussitot que du jour aura poind la lueur Sois debout, doux Norfolk. Norfolk. Oui, certes, monseigneur ! {11 sort.) Le Roi Richard. Ratclipp. Mon bon seigneur ! Le Roi Richard. De suite qu'on m'envoie D'armes un poursuivant, et qu'il se fraye voie Vers le seigneur Stanley, qu'il ait commandement D'amener ce matin ici son regiment, De peur que dans la nuit du sommeil, tombe George, George son aim6 fils. Me sens froid k la gorge, Remplis-moi vitement un bon bol de vin chaud, J'ai -vxaiment soif ; et puis, — point ne I'oublie, il faut Qu'on apporte en ma tente, une grande chandelle ! (a CateKhy.) Le cheval blanc Surrey, Catesby, qu'on le selle ! . . . Qu'il soit pret pour demain k I'lieure du combat, Vaque aussi que ma lance, elle soit en 6tat. Eh! RatclifE!... Ratclifp. Monseigneur ! Le Roi Richard. Dis ! As-tu vu par chance Le Due Northumberland, si sombre d'apparence ? Ratclifp. Je I'ai vu, monseigneur, vers la brune, ce soir AUer avec Surrey semer des mots d'espoir Parmi Ics escadrons, relever le courage Des soldats, excrcer sur eux leur fascinage ! 160 vie et moet de eichaiu) iii. Lb Roi Richard. Bien I Je 8ui.s sati-^^fait. — Sus ! donncz-moi du vin ! Ma gait6, mon esprit, oh 1 je Ics cbcrche en vain, Jc n'ai pluH cctte ardeur qu'cncore avais nagu(!;rc, Je me sens soucieux, plus qu'i mon ordinaire ! Et I'encre et le papier sont-ils prSts ? . . , Ratclipp. Oui, seigneur! Le Roi Richaed. Bien I fais attention dc la nuit au veilleur ! Au milieu dc la nuit viens-t-cn devers ma tentc, Pour m'aider h m'armer ! . . . Ton Time soit contente ! . . . {Le Hoi se retire dans sa tente, Rateliff et Cateshy sortent.') La tente dc Richmond s^ouvre, et le lause voir lui, entourS de son etat major. Untre Stanley. Stanley. Que pour toi la victoire aux ailes de corail, Et la fortune aussi soient ^ ton gouvemail ! Richmond. Que le bonheur que pcut donner la nuit, beau-pere I Soit avec toi ! Dis-moi ! comment va notre mere ? Stanley. Par procuration pour elle . . . . te b6nis ! Scs vceux de tous Ics jours, sont pour toi, son Cher fils I Assez sur ce sujet ! . . . L'heure silencieuse S'avance dans I'obscur, et file t6n6breuse ! Bref, car 11 est urgent d'avoir tout sous sa main, Prepare ton combat de bonne heure, demain ! De Dieu remets ton sort au di\an arbitrage, Sois prudent ! sois vaillant ! surtout ne perds courage I Moi ! . . . je ne puis h61as ! faire ce que voudrais, Je t'aiderai pourtant, — suis dans tes intdrets. Mais trop ouvertement, pour toi, rien ne puis fairc. VIE ET MORT DE RICHARD III. 161 Sans signer le tr^pas de mon George, ton frdre ! Adieu, Richmond, adieu ! . . . Le manque de loisir Empeche I'amitie de s'epandre a plaisir. Nous aurons meilleurs temps apres cette campagne, Adieu done ! sois vaillant ! Le succes t'accompagne ! Richmond. Mes chers et bon seigneurs ! de vers son regiment Conduisez-le, vous tous, imm^diatement, Moi, je vais essayer, si je puis, faire un somme, Afin de me trouver demain un nouvel homme ! Adonc tous a demain ! . . . Messires et seigneurs. QSo?'tent les seigneurs fa isant escorte a Stanley.) Toi, qui de la haut dispenses les grandeurs, Jette un regard benin sur moi ton capitaine, Daigne donner aux miens I'impulsion soudaine Qui tout aneantit, tout broie et tout detmit, De la victoire et fait cueillir le noble fruit. Fais-nous les instniments et les terribles anges Du ch^timent, et nous chanterons tes louanges ; En tes mains soit mon ame, avant que de mes yeux Soient fermes les volets, apres pour s'ouvrir mieus. Que je dorme, ou que veille, oh! sois ma sauvegarde, Et defends-moi toujours, je me mets sous ta garde! {,11 s'endort.) Le Fantome du Prince Edouard,/Z.s- dc Henry VL s^irgit eiitre les deux tentes. Le Fantome [an Roi Richard'). Sur ton ame demain, puisse-je lourdement Peser — Rappelle-toi — Rappelle-toi comment A Tewksbury tu m'as dans ton humeur traitresse Poignarde dans la fleur de ma verte jeunesse Done desespere et meurs ! . . . Done desespere et meurs ! . . (& tournant vers la tente de Richmond.') Sois allegre, Richmond . . . car les ames en pleurs Des princes egorg^s t'assurent la victoire De Henri la lignee est pour toi, pour ta gloire .... M 162 VIE ET MOUT DK niCHAnt) III. Stt/rgit Ir FantoME dr, Roi ITeniiy VI. Lk P'antoME {nn Ifoi Richa/rd'). Lor.sqne j'dtais vivsmt ct fju'titait oint mon corps, II fut \y,\r toi criblc dc trous mortcls alors : Penae k la Tour, in Moi! — Pense, meurs, d6sesp6rc! Henry VI. tc le flit : " Poind ton heure demiirc' " (a Richtiumd.) Henri qui to pr6dit que tu deviendrais roi, Veillc .sur ton sommeil, tous sea voeux sont pour toi ! Le Pantome de Clarence snrgit. Le Fantome {au Roi Richard). Puiss6-je lourdement surplomber sur ton 3,mc Domain! . . . Jusqu'i la mort, par fourberic infdme, Moi lavd sans cspoir dans un vin 6coeurant .... Mon souvenir pour toi, soit remords d6chirant ! . . . Dans le combat demain, sans but soit ta rapi^re, De tes mains qu'elle tombe, . . .oui, meurs ct d&?esp6re! (a Richmond.) Les h^ritiers frustr^s d'York, Richmond, sont pour toi, Te preserve le ciel ! Richmond, tu seras roi ! S^irgissent Z tLose of us who (.-njoy a knowledge of French an opportunity of feeling liow we have, in tliis rich, nioney-raaking land of ours, neglected to af)iirepiatc the Ijcautics of our Engli.sL i)oetry. TLere arc some, however, we are thankful to see, wlio are not utterly lost to all sense of tliat refined taste, for in Lis preface, M. de CLatcIain acknowledges the receipt of a sum of money from a sub.-criber for twenty copies of his work, who desires that his name may re- main as it is, 'Anonymous.' " M. de Chatelain is severe in his censures: which are the more keenly felt because they arc true. We are ashamed to translate the following, because those wlio do not understand P^ench will at least be spared the mortification of reading our true character. He says: — " ' Or TAnglctcrrc, ou disons mieux, le pouple Anglais k peu d'exceptions. prcs, ct iios qnelqncg sovscripteurs Anglais forment cctte honorahlc cierejrtion qui confirme la regie, est encore le peuple de l)outiquiers do Napoleon premier. L'Anglcterre accueille la richesse en manufacturant des Baronets, ibouche que veux-tu? quand I'occasion s'cn prescntc, parcc que la richesse soutient la noblesse. Soycz un marchand de poissons de Billingsgate, sans Education aucune, dcvencz 6normement riche, vous voili de suite par la grace de votrc or, fait Baronet, au nez et a la barbe des vieux Baronets, qui n'cn peuvcnt. Mais les lettres n'y sont nuUe- ment encouragecs; ct parrai Ics litterateurs, les poefes surtout, Bont trait6s h, I'egal de parias. L'Anglcterre, h sa honte soit dit, a laisstS mourir Burns . . . gabclou. Elle a laiss6 mourir de faim Chattcrton, et de misere, sans penser a le plaindre, ce delicieux Millcvoj'c Ecossais, Michael Bruce, I'auteur de VElegie ecrite au Fr'mtemps, duquel nous faisons un tardif apotheose dans cc volume. Les beaux vers de Burns et de Michael Bruce .... qu'ont ils 6t(^ pour vous, Messieurs les Anglais ? . . .Marffxritas ante 2Jorcos! Pour I'Anglcterre la poesie n'est absolument rien, bien quel'Angleterre ait k la bouche le grand nom de Chaucer, le ptjre de la Poesie Anglaisc, Ic gi-and nom de Shakspcare, auquel elle n'a pas su Clever un monument, et qu'elle insulte nuitamment sur scs theatres en permcttant que les chefs-d'oeuvre du poete soient represent^s par des histrions de bas (i-tage, comme le fut 11 y a deux mois la ' Tempete' au Queen's Theatre, ou un Monsieur George Bignold, oubliant que Caliban est, de fait, le roi de I'lle qu'il habite, en a fait un hideux singe, dont il lui a pld d'endosser la person ualitt'', au jirof end degoilt de tons les amis de Shakspearc; oi la Miranda n'etait pas possible h entendre, non plus que le Ferdinand, et oi'i les vers du poete out 6t6 non pas paries, mais kacJu's, mais macMs comme chair a pdt6.^ " " We make no apology; we have really nothing to say except that we hope a copj' of this charming translation has fallen into the hands of Mr. Gladstone, and that he will read the author's address to his subscribers. " The selection of poems from the beginning to the very end of the last page, will be read with surprise and pleasure. With sur- prise at the inexhaustible resources of the French repertoire, and the unwearying genius of the man who has undertaken so bold DEBNIEE OUVEAGE DU CHEVALIEE DE CHATELAIN. 177 a task as to ask us to read our own poets in his language ; with pleasure, because of those soft, easy, flowing periods which entice the reader on fi'om one beauty to another as when strolling on the bank of some beautiful stream, murmuring as it glides, and revealing fresh beauties of nature at every bend, we wander on until we meet, with a sigh, that sad word ' The End.' " What can be more beautiful than the following rendering of those well-known lines of Longfellow's, in ' Evangeline.' " ' Tandis qu' Evangeline en extase, a I'tjcart, Vivait de souveuirs, et dans un moude a part ; Au milieu du bruit fou de la folle musique. La mer, la triste nier lui ehantait son cantique, Et, le coeur ulcere sous le poids du chagrin, Fortive, elle gagna la porte du jardin. En sa serenite la nuit etait superbe. Eu se levant, la lune argentait les bois, I'herbe ; Sur le fleuve filtrait son reflet tremblotant, Comme pensers d' amour sur un cceur m^content. De tous cotes les fleurs au jardin si nombreuses Entr'ouvraient leur calice atis brises amonreuses, Laissant de leur parfum, tresor delicieux, Monter doucettement la bonne odeur aux cieux; Car le parfum des fleurs dans ce monde ^phemere C'est la confession, la suave priero Qu'a la nuit font les fleurs ; la nuit les entend mieux Lorsqu'elle a revetula robe d'un ehartreux.' " " Those who subscribe to this fifth volume of M. de Chatelain's, will never regret the in vestment." — The Court Circular, February 3rd, 1872. THE LAST OF THE TEOUBADOUKS.* " Gas, steam, electricity, and a general love for the common- place, are slowly but sm^ely driving out fi'om among us the grand and ancient art of Poesy. But before the world throws oif en- tirely a skill which it has possessed fi'om the earliest historic periods, we have before us in the present instance an example of more than one notable fact, in rhymical and rhj'thmical lore. The author of the work before us is emphatically a poet of the highest order, and although now in his eighth decade, his right hand hath not lost its cunning nor his bi'ain that subtle appreciation of word-painting and of thought which stamp him one of the leading thinkers of this present speculative age. He is indeed a bold man who ventures to deal prosodically with two of the most complex of human languages ; to carry involved thought from one to the other; to preserve the aroma of sentiment, the savour of wit, or the profundity of wisdom in rhymes, more often than not, sweeter than those indited by the original wiiter; to descend from the heights of Shakespeare through the hundreds of human links, which join the glories of the Swan of Avon to the inani- ties or pruriencies of a Tupper or a Tennyson; to cull from each • Les Beautes de la Poesie Anglaise, par le Chevalier de Chatelain. Tome 5. Jersey : Weston, Bath Street. 178 DERNIER OUVRAOE DU CHEVALIER DB CHATELAIN. of the Enf,'liHli authors thus immortalised something characteriB- tic, something salient, and something absolutely individualistic; to clothe the whole of this, extending over some hundreds of pages, in the most melodious music of which the French language is capable, and so to deal with such a net- work of linguistic and mental difficulties, forms, as a whole, a task which we are bold enough to say emphatically, and without fear of contradiction, has been hitherto without parallel in the literary history of any two nations. No intricacies of thought, no difficulties of language, have been formidable enough to deter the Chevalier dc Chatelain from distilling the spirit of English poetry into the harmony of his incomparable French lyrics. Four volumes of a similar nature have preceded this, the crowning work of our veteran author and politician; and these taken as a unity make, perhaps, one of the firmest international rivets Avhich could join the intellects of the Gaul and the Anglo-Saxon. Long after the Clievalier reposes under the marble which will relate his varied adventures in the council -chamber and in the study; long after those who have had the privilege of knowing him in the flesh shall have likewise started on their si)iritual journey, will these books be looked upon as evidence of the genius of a man who possessed the Promethean spark of the poet, the accuracy of the grammarian, and a compre- hension of the French and English languages which renders him absolutely ambi-lingual. It is a trite and hackneyed remark that without such and such a book, ' no gentleman's library can be complete.' But to remark it of this work is but a bare and un- varnished truism." — Tlic Jcfsey Ex^jress and Channel Islands Adccrtiser, February \otli, 1872. " This is the fifth and concluding volume of the Chevalier's translation of English poems into French. We have on former occasions spoken of the veritable genius that inspires this admi- rable scholar in his literary labours, and we have in the volume before us additional proofs if any could be possibly wanting, of his high intelligence and exquisite taste. To English students of the French language, and to schools the work will be most useful." — Reynolds's Nen-s^iaper, nth Febrrcary, 1872. " We cheerfully set ourselves the pleasant task of noticing this the fifth and last volume of ' Bcaut^s de la Poesie Anglaise.' More comely than its predecessors for it is * orn6 de douze gravures sur acier dcs principaus Poetes Anglais,' more cosmopolitan in its contents, it demands, and deserves, higher commendation. It has been our lot to notice all the volumes that have preceded it, and our opinions are on record to show that none of them have fallen short in our esteem. The present volume should have 'seen the light' in November last, but its advent was necessarily delayed. The actual date marks an important period. On that day our worthy friend, its aiithor, we oiight to say as well as its compiler, passed by a year the allotted ' three-score years and ten.' Impor- tant to all who value the services he has rendered to philology, one graceful tribute we note with satisfaction, has been paid to this in the siibscrij^tion for twenty copies by an unknown admirer: for, alas, man is but mortal, and we dare hardly hope for their number to be very greatly swollen. No pessimists are we though, and we hope, and confidently hope, for better luck than the thought suggests. The list of subscribers reveals to us many DBBNIEK OUVEAGE DU CHEVALIER DE CHATELAIN. 179 well-known names, and will be very gratifying to the gentleman immediately concerned, and his ^ feale ct amee coUaborateur' although ' brillant plutot par la qualite des noms que par leiu- quantite' and ' la quality rachete la quantite.' Amusing enough is the Conte Bleu. ' Trois chances de Bonheur,' and ingenious the application. Long may the carding frame be full of wool, foreign and home grown. Our friend can show worthy samples of both." — Stratford-upon-Avon Chronicle, March \st, 1872. " The Chevalier has not contented himself with selecting pas- sages from our well-known poets, but has brought before us, in a new garb, some beautiful verses from many poets of less note, and his brave independence in not binding himself by the laws of literary fashion, and rescuing these verses from oblivion, tempts us to alter an old passage, and to say that in this case many a ' sacer vates,' will, perhaps, escape being forgotten, because he has now met with one who is ' fortis.' " — The Illustrated Review, March 1st, 1872. " The worthy Chevalier completed his seventy-first year on the 19th of January last, the day on which this volume was published. He has therefore passed the threescore years and ten allotted to so few of our race. His hand seems to have lost none of its cunning, and his heart but little of the fire of his youth ; and we are sure his readers will, with us, heartily wish him many more years before he finally lays down his prolific pen. This fifth volume of the " Beauties of English Poetry" is the concluding one of the series, and the five volumes comprise translations into French verse of not fewer than 1,500 poems of 500 different aiithors, English and American. We have not seen the other four volumes, but it has been our privilege to examine many other works of his, original and translated ; and we hesitate not to say, that in his day he has done a good day's work, and has deserved well of his country. By his labours he has put it in the power of his countrymen to form a very fair idea of many of the best poems in our language ; and one who has done such a service cannot be said to have lived altogether in vain. In looking over this vohime, and finding many of our favourite pieces rendered into vigorous French, we could not help wishing that some kindred spirit would do for us what M. de Chatelaiu has done for our neighbours. An able translation into English of the choicest gems of French and German poetry would be a welcome boon to many who are not able to read or to appreciate them in the original. Of the great classic authors of the dead languages so called, such as Homer, Virgil, Horace, &c. we have translations by the dozen, and the cry is, still they come ; but the case is vastly different with regard to the works of modern writers. " The volume before us, a goodly octavo of upwards of 500 pages, the veteran author regards as the crowning of his edifice. That his tastes are eclectic and his sympathies wide and generous are evident from the fact that his extracts are taken from every class or kind of poetry. In the choice of some of his subjects, how- ever, he seems to have been guided by no other principle of selec- tion than the whim or caprice of the moment. But we can forgive what we consider unworthy selections, when we find extracts from such poets aa Chaucer, Shakespeare, Byron, Shelley, Keats, Scott, 180 DERNIER OUVRAOE DU CHEVALIER DE CUATELAIN. Moore, Wordsworth, Tcrmyson, Browning, &c. It will not If expected tliat the Chevalier has been equally happy in rondcrin;': authors so %vidcly different in their styles ; nor will we undcrta'-c to say in which he has been most successful. As a fair specim ;i we f,nvc a few verses of Longfellow's well known Pnalm of Lil'f, beginning, " Tell me not in mournful numbers" — 'UN PSAUME DE LA VIE. " Co que lo ccour du jeune honimo dit au psalmiste." ' No venez pas mo diro en des accents funfcbros Que la vie est un sonco creux ! Car I'amo qui sommoillo ou vit dans los tenfcbres Eat morto; et tout n'est pas co que pensent no9 yonx. Car la vio est rdcUe, et non chose Ic^g&re, Et sa fin n'est pas le tomljcau ; Quand lo psalmiste dit : " Poussifero a la poussiire Doit retourner," de I'ume il n'(;teint le flamboan. Pour exemple prenons des grands hommes la Tie, Et nous pourrons comrao eux un jour Laissor derrifere nous un nom digne d'cnvie. La trace de nos pas et de notro labour ; Et le sillon trac6 par nous viondra peut-6tre En aide plus tard au mallieur, Un frere naufra^c^ retrerapera son etre En creusant ee sillon avec nouvelle ardeur. Sua done ! sus done ! debout ! ayons coeur a I'ouvrage, Coeur pour affronter le destin, Vers le but avangons sans eesse avec courage, Qui sait bien travaiUor, en paix attend sa fui I " The volume contains a dozen engravings of the principal poet.s from whose works the selections are made. Most of these por- traits are taken from used-up plates, and that of Shak.\ir