KV A- 7 UNIVERSITY OF CALIFORNIA AT LOS ANGELES HISTOIRE D D THEATRE FRAN^AIS. DE 'L'IMPRIMERIE DE BRASSEUR , IUJE DE LA HARPE , N. 477. DESESSARTS. HISTOIRE D U THEATRE FRANCAIS , DEPUIS le commencement de la revolution jusqu'a la reunion gene'rale. PAR C. G, ETIENNE ET A. MARTAIN VILLE, TOME PREMIER. A PARIS, tei BARB A, llbraire , patais do Tribunat , gale*e derr&re le theatre Fian^ais , n*. 5i, AM x. 1802. pH PREFACE. T" IjES generations victimes des revolutions les plus orageuses , ont du moins le triste honneur <-C de fournir un aliment a la cu- rieuse post^rite". S'il est vrai quo Timportance et la rapide suc- cession des eVenemens forment ^ Tinteret de 1'histoire , sans doute aucune epoque de Thistoire du Theatre Francais ne potirrait en exciter un plus vif que celle dont nous aliens mettre le ta- bleau sous les yeux du lee- 303674 J 1 teur. Eh ! comment chez un petiple idolatre- des spectacles , qui , bien mieux encore que ler peuple Romain , justifie la de- vise : panem et circenses / com- ment chez un tel peuple le theatre aurait-il pu ne pas SQ j?essentir des secousses qui ren- verserent le truue , detruisirent les plus antiques institutions, et changrent en un instant les lois, les opinions, les coutumes et les mqeurs d'un grand eo> Nous p&rtageon$ Topiriion de qui pdnsent qufe tin par cQux qui voulaient lerer V&poque de cette grancle revolution. iLe trone et I'autel , i^sentBs siir le coauwe dea objets d'bor- reur et de m^pris , accouta-^ m^rent le pUple a se Jouer de ce qu'ii a vait -long-terns v6- n^re : lui apprendre le secret de sa force , c'e"tait lui en indiquer Tusage ; et Texp^rienee nous a prpuv^ s'il a bien su profiter des legons et des exemples que lui oflfraient les plus celebres ouvrages des auteurs qui signa- lrnt le dernier siecle. Ce ne serait peut-etre pas assertion trop hasard^e de dire qu'e'crire en France Thistoire du thatr$ , c'est tracer Thistoire morale du peuple , et que , depuis deux cents ans , les diverses revolutions qui se sont operes dans le gout , pour- raient servir d'^poque auxpro- grs des lumieres et de la ci- vilisation , com me a la d6pra- vation des mceurs. Ce n'est cependant point sous ce vaste rapport que nous avons consic!r6 Thistoire que nous donnons an public : cette tdche , au-dessus de nos forces, de- manderait des talens plus murs, . et une plume plus exercee ; en- thousiastes de Tart draraatiqua f nous avons voulu seulement donner une ide*e de la funeste influence que la revolution a exerc6e sur lui. Nous avons vou* lu runir dans un cadre re*tre*ci les dvenemens inte*ressans pour tous ceux qui s'occupent de litterature , ou qui clieVissent un art qui fait les devices et la gloire de la France. Nous avons voulu rendre hommage aux talens et au courage de beaucoup d'ac- teurs qui , perse* cute* s , empri- sonne*s , disperses , ont Iutt6 contr le vandalisme , et ont conserv6 le feu sacr6 qui briile sur les autels de Thalie et de Melpomene. Nous ne dissimu- lerons pas les obligations que nous avons a des publicistes e'claire'fi , dont les critiques judicieuses et decentes ont guid notre gout dans les ana- lyses et les jugmnens que nous avons donnes de beaucoup d'ou- vrages* Cefut, sans doute, pour nous une tache pe*nible a rem- plir que celle de rappeler au souvenir des ouvrages atroces et immoraux , qui , pendant une desastreuse epoque , souil- lerent la scene franchise. Nous aurions voulu pouvoir ooblier , ou taire le nom de leurs au-^ teurs , ainsi que les torts de certains homines, qui , faitspour lionorer Tart par leurs talens , travcriiierent a Tuvilir par leur contlttite. Nous avons cepen- dant fclch6 d'etre justes et d- cens en mme terns que se*- veres ; nous croyons que la v- rite la plus forte pent etre pr^- sent^e sous une forme qui en adowdsse la rudesse , et nos lecteurs nous rendront la jus- tice* d'avouer que , quand 1'in- dignation a chauff& notre pitt- me , nous avons presque tou jours frapp6 sur les choses , et rarement sur les individus. II est pourtant un homme celebre dont nous avons ete obliges de retracer les torts VllJ nombreux , et meme 1'ingrati- tude. Quoique nous n'ayons cit6 que des fails , nous eus- sions , par respect pour le mal- heur , efface^ le nom de La- harpe , si Touvrage n'eut 6te d^ja sous presse a T^poque de la disgrace qu'il vient d'essuyer. iNous savons que 1'infortune a ses droits , et nous eussions ap- pliqu^ a Laharpe ce beau vers de Lafontaine: Et c*est etre innocent que d'etre malheureux. HISTOIRE f)i> "\m DU THEATRE FRANCAIS PENDANT LA REVOLUTION. JL'HiSTOiRE que nous aliens tracer commence naturellement a 1'ouver- ture du Theatre Francais, apres la quinzaine de Paques 1789 -, mais nous croyons devoir jeter un coup d'oeil en arriere , et donner une idee succincte des principaux evenemens qui avaient signale 1'annee theatrale precedente. (6 ) Dorfeuille , qui avait deja debute au Theatre Francais en 1784 ,y re- parut au mois de fevrier 89. Get ac- teur eut de cnauds partisans , et de plus ardens detracteurs 5 les uns le trouvaient parfait, les autres tres^ mediocre ce qui prouve qu'il avait et des defauts et des qualites. II joua successivement Cinna , Oreste et Philoctete ; dans ce dernier role, il obtint un triomphe complet. Le pu- blic le redemanda apres la piece , et le couvrit d'applaudissemens. * Cette meme annee , la scene fran- , Ce Dorfeuille a peVi a Ljon , viqtime de fa reaction qui suivit 'le 9 ihermidor. II ne fant pas'le confbndre avec le Dorfeuille qui 'de'pubtier I' Art du Come'ctien , ouvrage eut appeler classique ,'et qui a bitenu le succes qu'il me'ritait. C'dst ce que nous avons de mieux en ce geftre. C 7) caise s'enrichit tie deux sujets cele- bres ; Pun est aujourd'hui un de ses plus beaux ornemens j 1'autre , enleve parunemortprematuree , promettait de deVelopper encore des talens qui deja lui avaient assigne une place distingue'e parmi les pretresses de Melpomene : nous parlons de Talma et de mademoiselle Desgarcins. Dans le cours de cet ouvrage , nous atirons plusieurs fois 1'occasion de faire con- naitre plus particulierement cette in- teressante actrice. Le 20 fevrier, on donna la pre- miere representation des Chateaux en Espagne , comedie en cinq actes , de Colin-d'Harleville. Cette piece fut tres-applaudie , pendant les trois premiers actes ; les deux derniers pa- rurent froids et languissans : 1'auteur les refit entierement, et 1'ouvrage fut rejoue le 10 mars suivant , tel qu'il existe aujourd'hui. II obtint le plus brillant succes. (8) T.e 27 mars, on joua , pour la premiere fois , Auguste et Theo- dore, ou les deux Pages. Le sujet de celte comedie est tire d'une anec- dote imprimee a la fin de la Vie pri- vee du grand Frederic. Engel , au- teur allemand , en avait fait un pe- tit drame , dont il parut plusieurs tra- ductiohs. L'ouvrage allemand four- nit le sujet de la piece francaise. Elle ful applaudie avec transport ; 1'auteur ne se nomma point j mais on sait aujourd'hui que la piece est de Faure, connu par plusieurs pro- ductions dramatiques, et de Dezede, auteur de la musique de Blaise et Babet , etc. , etc. Tout sembla con- tribuer au succes dcs deux Pages : Dezede avait fait, pour les couplets doot la piece est parseme*e, une mu- sique extremement agreable ; les roles etaient remplis par mademoi- selle Contat , Dazincourt , Fleury , madame Petit et Emilie Contat ; (9) Fleury fut surtout remarquable par la verit^ avec laquelle il saisit et soutint la ressemblance de Frederic. Le prince Henri de Prusse , qui as- sista a la premiere representation , ne put retenir quelques larmes : il crut revoir son frere; et le lende- main il envoya a Fleury une taba- tiere tres-riche , orne"e du portrait du grand Frederic. Un couplet de celte piece renfermait un eloge deli- cat du prince Henri : le public sai- sit avidemeut 1'application , et lit repe"ter le couplet. Get ouvrage cut d'abord environ trente representa- tions , et depuis il fut repris plu- sieurs fois avec succes. II est reste au theatre. Tl ne fallait rien moins que les ac- quisitions que le theatre fit cette an- nee , tant en pieces qu'en sujets , pour consoler le public de la retraite de Larive. Get acieur avait debute deux fois auThe"atreFrancais; la premiere ( 10) en 1771, la seconde en 1779. Une figure noble et male , un oeil expres- sif, une taille elevee, dans les belles proportions de 1'horame, un organe sonore et flexible , Part de se bien des- siner, telles e*taient alors ses prin- cipales qualites. Larive debuta, et re'ussit a cote de Lekain , c'etait beaucoup. Lekain niourut. Larive ne put faire oublier sa perte : on lui a toujours reproche une declamation emphatique et sou- vent fausse ; la nature, prodigue d'ail- leurs envers Larive , lui avait refuse cette sensibilite exquise et commu- nicative, la premiere qualite d'un tragedien. II criait ou il fallait pleu- rer , et sacrifiait souvent la verite et 1'intention d'un passage an desir d'enlever les applaudissemens par ces Eclats qui seduisent toujours la mul- titude Larive n'e'tait reellement beau que dans les roles qui ne doi- vent exciter d'autre sentiment que ( ,1 ) celui de 1'admiration : aussi sera* t-il difficile de le remplacer dans Gustave , Bayard , Ladislas , etc. Get acteur , depuis sa retraite , a rejoue a diverges epoques : nous rendrons compte del'eftetqu'il produisitjmais nous avons cru devoir tracer ce por- trait pour prouver que, si ses defauts out alors paru plus saillans , c'est qu'il avait perdu une partie des nioyens et des dons naturels qui pouvaient les couvrir d'un vernis brillant. La cloture de cette annce eut lieu le 28 mars par Rodogune , et le Legs^ de Marivaux, et le theatre r'ouvrit le 20 avril ^dxAthalie et la Matinee a la mode, de Roch on de Chabannes. Avant i la premiere piece , Talma , 1'acteur le plus nouvellement recu , prononca le discours suivant : MJSSIEURS, C'est en faveur d'un art difficile, C 12 ) ci qui vous est cher , qu'en r'ouvrant le Theatre de la Nation, nous osons reclamer vos encouragemens et votre indulgence. Charges par ctat de re- produire sous vos yeux ( du moins autant que nos efforts peuvent y at- teindre).les chefs-d'oeuvires nombreui de la scene' francaise, nous voyons , avec line espece d'effroi , 1'etendue de nos devoirs et de nos Fichesses* Quel thedtre que celui qui fait les delices d'un grand peuple doue d'une sensibilite exquise 3 que I'.honneur anime dans toutes les ^classes , qui porte radmiration jusqu'a, 1'enthou- siasme, et qui interrompt quelque- fois son piaisir meme dans la noble impatience! d'appl&udir tout ?ce qui porte le caraclere de Th^roisme et de la vertu 1 1 -;vr S'il est vrai , messieurs , que les productions dramatiques ,dont s'ho- nore la France, soient une acquisi- tion precieuse pour toute TEurope ; ( .3) *'il est vrai qu'elles fassent une part ic de 1'education publique, et mme une branche de la gloire ntttionale , avec quelle ardeur ne devons - nous pas cultiver un art qui nous appelle a vous procurer le plus noble et le plus utile des plaisirs de 1'esprit humain - } un art qui nous associe, en quelque sorte , a tout ce que le genie inspira de plus grand et de plus heureux a ces hommes extraordinairesqui vous parlent par notre organe, qui s,em- blent se ranimer encore sur la scene et seutir I'immortalite au bruit de TOS acclamations et de vos suffra- ges! Quel fardeau nous est impose"! nous ne 1'ignorons pas, messieurs; mais cette surete de gout et de juge- ment qui appartient aux hommes rassembles; ce noble privilege d'etre, pour ainsi dire, la raison vivante qui s'explique au lieu de nous ef- frayer , nous rassurent parce que 1'e- tendue des lumieres n'est jamais sepa- ree de 1'indulgence. C'est surtout pour moi, messieurs, que je viens la solliciter. J'ai eu le bonheur inappreciable de n'avoir de- bute dans la carriere que sous vos yeux;' ; je tf'ai recu que vos lecons ; carceux qui m'ontenseigne ne m'ont donne que les votres. Me voici main- tenant, graces a vos bontes qui ont decide celles de mes supe*rieurs , at- tache au theatre de la capitale. Nous ne le savons que trop , messieurs j des talens dignes de vous sont rares j le souvenir de nos pertes ne nous en avertit que trop tous les jours: mais combien de fois, en daignant atten- dre 1'effet de vos lecons et de votre in- i dulgence, n'avez-vous pas , messieurs, cred et de'veloppe' des talens faibles ou timides qui ne demandaient qu'a ^clore , et n'avez-vous pas fini par applaudir vous-memes a votre ou- vrage , quand nous n'avions que le ( IS) bonlieur tfe vous faire jouir de vos propres lecons ! Ce discours, prononce avec au- tant de grace que de sensibilite", fut couronne' par les applaudissemens universels. * * Le lendemain , Pouverture fut si- gnalee par le debut de M. Dubois, qui avait deja paru a ce theatre en 1780. II joua le r61e d'Edouard dans Pierre le Cruel. Dans 1'espace de sept jours ilparut dans Vendome , BayardyMontalban de la Veuve du Malabar, et Lynce'e frlfypermnes- tre. Ses ddbuts furent peu brillans: le principal defaut qu'on lui repro- cha fut de jeter des intonations pres- que toujours fausses ; il s'en tint a ces cinq roles. Le 24 avril , on donna la premiere representation de la Fausse Appa- rence , ou le Jaloux malgre lui. comedie en trois acles et en vers y par Imbert. En void 1'analyse : Un homme fort en credit a la cour est le mari d'une tres-jolie femme, qu'il aime autant qu'il en est aime*. II s'est bien promis surtout de ne jamais troubler leur bonheur commun par 1'odieux sentiment de la jalousie. II doit marier sa sceur a un grand , disgracie : un ami, qui cher- che a eviter les premieres suites el'une affaire malheureuse , se retire chez lui , inspire de 1'amour a sa soeur , et en devient lui-meme Ircs-amoureux. On reclame les secoursde la femme, pour parvenir a rompre le mariage projet^. L'inte'ret que celle-ci prend aux deux amans , 1'idee qu'elle a concue qu'ils ne peuvent etre heu- reux que 1'un par 1'autre, lui font employer tous les moyens qu'elle croit susceptibles de conduire an succes. De sa naivete , de 1'amitie' qu'elle a pour sa belle-soeur, il re~ ( '7 ) suite des incidens qui font naitre la jalousie dans 1'ame du mari. En vain il veut la repousserj les circonstan- ces semblent se succeder expres pour en motiver les mouvemens. Enfin la soeur se decide a faire connaitre , a celui qu'on lui avait destine pour epoux, la veritable situation de son cffiur. La lettre ou elle s'explique, mise sous les yeux du frere, lui de*- montre son erreur. La paix rentre dans la maison , et les deux amans s'unissent. Cette piece, bien ecrite, renferme quelques details piquans; mais des invraisemblances et beaucoup de lon- gueurs nuisirent a son effet theatral : malgre 1'accueil favorable qu'elle re- cut, elle n'eut que cinq representa- tions, et n'a jamais etc reprise. Le 2 mai , une actrice debuta par le role de MEROPE. A la timidite, bien excusable dans un premier de- but, elle joignait une prononciation ( '8) mbarrassee,quis'opposaaux deVe- loppemens d'energie et de sensibilite qu'exigeleroledifficiledeMEROPE.,. Elle ne joua que ce role Le 26 juin , les comedians francais remirent au theatre les Fils Ingrats, de Piron. Ce fut. vers la fin de 1728 , neuf ans avant la Metromanie , que Piron donna ses Fils ingrats 3 et, ee qu'on aurait peine a croire , si 1'histoire du theatre n'en offrait une foule d'exemples, ces deux pieces, dont 1'une est si superieure a Pautre, eu- rent chacune vingt-trois represen- tations de suite. On a dit des Fils Ingrats que cet ouvrage etait I'epo- que de la renaissance du comique larmoyant. Eneffet, le denouement, comme 1'observe Piron lui-meme, excite a la commiseration pour un pere abandonnepar desenfans sans naturel et sans pudeur t etc'est, se- Ion lui, un ddfaut capital. 11 faut C '9) voir la vesperie qu'il se fait, en con- sequence, dans la preface de cette piece, pour avoir contribue a mettre en vogue ce mauvais genre de co- mique. Piron ne s'accusa avec cette fran- chise qu'au bo.ut de vingt ans , et apres qu'eurent paru les draines de Lachaussee y qu'il appelait le reve- rend pere, regardant ses ouvrages comme de vrais sermons. Mais la partie sombre de la come'die des Fils Ingrats n'etait pas la seule faute que Piron cut a se reprocher ; il en avait commis d'autres, parlesquelles cette piece s'eloignait du vrai genre, dont le but futtouj ours d'inspirerleplai- sir et la gaite ' , loin de faire naitre I'horreur et la pitie. La conduite des trois fils qu'il a mis en scene > inspire partout le premier de ces sen- timensj et on n'eprouve guere que le second, en voyant celle du pere. Voila uu defaut essentiel, et qui fut (20) rivement senti a toutes les reprises de cet ouvrage. Piron avait presente sa piece sous le titre de VEcole des Peres. Les comediens , qui venaient de voir tomber successivement plu- sieurs ouvrages portant le nom d'jE- gole, 1'obligerent a le changer ; mais il s'obstina a le laisser subsister a: ^'impression , et le fit retablir dans la derniere Edition de ses oeuvres. Voici comment il a cherche a le jus- tifier : L'action principale ne rou- lant que sur le refus que font les trois freres d'^pouser, au gr^ de leur pere, une orpheline, fille d'un ami mine, a qui ce pere devait tous les biens qu'il leur avait pro- 4c digue's, il s'agit moins de leur in- grands sentiniens, toujours hors de saison. Croit-il , mon pauvre ami , que pour la comedie * L'esprit soit suffisant? Du bon sens, du g^nie, Voila, voila, surtout, les dons qu'il faut avoir ! a Trlqu'ilest, cnunmot, 1'hommechercheasevoir, (52) ft Et non tel qu'onl'a peint danscette oeuvreinfidele : Qui manque la copie eat siffle du modele : Je ne rdpondrais point que cet ouvrage-lii drame en cinq actes et en vers : c'est un fait historique tire de la poetique de Marmontel. Le heros est le fils d'un honnete protestant , qui vient a bout de degager son pere , charge d'une fausse accusation; se livre a sa place, el se laisse condam- ner aux galeres, ou il est reste sept ans. (Jui pourra jamais le croire . r cet ouvrage , oil Ton celebre rheroisme filial , oil 1'on cherche a interesser en faveurdes vicJimcs de Tintolerance; cet ouvrage, disons-nous , a essuye a Paris une proscription de vingt- trois ans. llavaiteependantete joue, clefjuis 1767, dans toutes les provin- ces, et meme a Versailles, par or d re de la reine ; ce qui prouve bien , comme 1'observe un homme de beau- coup d'esprit , que le despotisme est plus souvent sur les marches du-tro- ne que sur le trone fnerne. 71nous semble qu'on ne s'est jamais eleve av*ec assez de force centre les vexations dont on ne cesse d'acca- bler les aut eurs dramat iques , et aux- quelles le goiivernement sage et pa- ternel dont nous jouissons s'empres- sera sans daute de mettre un terme. (64) Ce n'est qu'apres de Jongues re- flexions , ce n'est souvent qu'apres un travail de plusieurs annees que 1'au- teur peut mettre au jour un de ces ouvrages en cinq actes qui ont im- mortalise notre litterature, et qui ne sont devenus si rares aujourd'hui que parce qu'elje ne jouit ni ;dc la me me consideration ni des memes encouragemens qu'autrefois. Cependant, ceproduit de longues veilles, cettepropriete dii genie, non moins sacres que les autres , 1'homme de lettrcs peut se les voir arracher par un caprice , et le coup de ; plume d'un censeur va reduire au neant un ouvrage glorieux pour son auteur, et souvent necessaire a son existence. Sans doute une censure est indis- pensable; mais ne doit -on pas lui fixer des bornes , et peut-on aban- donner le sort d'une classe entiere de citoyens a des hommes souvent tourmentes par le genie du mal, et (65) qui ont besoin de prouver I'utilite de leurs places, pour les garder plus long-terns ? Ces reflexions frapperont sans doute le gouvernement qui veut pro- teger tous les arts.Cependant, disons- le, la litte*rature est celui de tous pour lequel il semble jusqu'ici avoir le moins fait : la musique possede un superbe conservatoire , et chaque an- nee le ministre couronne les Sieves qui se distinguent : la peiuture, la sculpture ne sont pas moins encou- ragees , et le gouvernement s'em- presse d'acquerir et de faire deposer dans les musees tous les ouvrages qui en paraissent dignes par leur perfec- tion , n'a-t-ori pas meme vu des pro- fesseurs de declamation recevoir , ainsi que leurs eleves , des temoi- gnages publics de sa satisfaction? (*) * Dazincourt a recu du ministre de 1'int^- rieur mille ^cus , comme un temoignage de C 66) Pourquoi done 1'homme de gc'hie , qui produit un bon ouvrage en c % inq acles, n'aurait-il pas droit a une re- compense nationale ? n'est-ce pas un monument eternel de gloire pour la France, et ^emulation qui en resul- terait ne pourrait-elle pas ramener notre litterature a son antique splen- deur? Racine, Boileau, et tous les grands hommes qui ont honore leur siecle , eussent ete' moins illustres, peut-etre , s'ils eussent t?te persecutes : et Moliere , le grand Moliere ! suc- combant sous le despotisme des su- balternes, n'alla-t-il pas se reTugier dans le sein d'un monarque ? ami des belles-lettres ? L'Honnete Criminel fut enfin joue, pour la premiere fois, le 4 Janvier gratitude pour les soins qu'il a mis a for- mer mademoiselle Volnay ; et celle-ci , la meme somme pour la docilit^ avec laquelle elle a recu ses lecons. 1790 , et il obtiiit le plus brillant succes. Cette piece est ecrite en vers, sou- vent tres-heureux ; les situations en sont attachantes : elle fait couler de douces larmes , et , en admettant le genre des drames , il faut convenir que celui-ci est un des meilleurs qui aient parusur le theatre. Saint-Phal rendit , avec beaucoup de sensibi- lite, le role du jeune galerien ; les autres le f'urent par Mole et made- moiselle Contat. L'auteur de cet ouvrage est Fe- nouillot de Falbaire , qui avait deja donne plusieurs op^ra comiques au theatre Italian. A peine 1'Honnete Criminel ^tait- il joue , qu'il parut sur la scene un autre drame , en cinq actes et en vers , ayant pour titre : Les Dan- gers de rOpinioriy et dont la pre- miere representation eut lieu le 19 Janvier 1790. Le but de cet ouvrage (68) est tres-estimable : il s'eleve centre ce prejuge terrible qui note d'in- famie les parens d'un supplicie' , et qui promene sur des milliers d'in- nocens le glaive qui vient de frapper un criminel. Pour montrer combien il peut devenir funeste , 1'auteur suppose qu'une jeune personne est sur le point d'epouser son amant , mais qu'une fletrissure , imprimee sur la tete de celui-ci , rompt tout a coup le mariage qui ailait s'accomplir. La tendre amante , et le malheu- reux jeune homme, reduits au plus horrible desespoir , sont resolus a s'empoisonner , lorsqu'enfin 1'inno- cence du parent est reconnue , et par consequent la tache effacee. Jamais ouvrage ne fut bati sur un fonds plus romanesque : des incidens multiplies a Pinfini , et le plus souvent invraisemblables , un plan assez mal concu , le defaut de conduite , tout contribue a la mediocrite de cette piece. Elle ne dut le succes qu'elle obtint qu'a des vers heureux , a des morceaux ecrits avec energie , et places dans la bouche d'un an- glais , dont le personnage est assez interessant. Madame Petit montra dans cet ouvrage un talent superieur : son feu naif , passionne , son desespoir , sa sensibilite , realiserent les esperances flatteuses qu'avaient fait concevoir ses debuts. Les Dangers de 1'Opinion sont du C. Laya , litterateur estimable , connu par de charmantes pieces fu- gitives et par d'autres ouvrages, dont nous aurons occasion de parler dans la suite de cette histoire. A peine un ouvrage obtient-il du succes an theatre , que tous les au- teurs s'empressent de tailler des pie- ces surle meme patron : Nina nous a donne le Chevalier de la Barre et le Tome /. 6 ( TO ) f les Petit s Savoyards ont re- paru dans line foule d'opdra comi- ques. Le succes du ReVeil d'Epirnd- nide fit eclore le Souper Magique , ou les Deux Siectes , piece episo- dique en un acte 3 melee de chants, et dont la premiere representation eut lieu le 1 1 fevrier 1790. L'autetir a mis en scene lefameux Cagliostro, qui , an moyen d'une baguette magique, fait successivement paraitre Colbert, Moliere , 1'Homme au Masque de ier , Chapelle , la duchesse de la Valliere , Laf bntaine , Ninon de 1'En- clos , etc. Tous ces personnages sont e'tonne's du prodigieux changement que la re*- volutionvientd'operer:dela,naissent de longues dissertations sur la diffe- rence de leur siecle au notre; la du- chesse de la Valliere fait des repro- ches assez se'rieux a Louis XIV , dont elle re"vele les faiblesses , et , dans un parallele fort deplace entre ce monarque et Louis XVT, on dit que celui-ci n'a d'autre maitresse que la nation. Cette piece fut trou vee longue , eii- nuyeuse et faiblement ecrite t elle n'obtint aucun succes. Le lendemain ne fut pas plus heu- reux pour les comediens ; ils don- nerent la premiere representation de Louis XII y pre dupeuple , trage- die en cinq actes et en vers , que les sifflets empecherent d'aller jusqu'a la fin. Au milieu du tumulte qui ac- compagna la chute de cette piece, il fut impossible d'en saisir le plan. L'auteur avait beaucoup compte sur les applications a faire au roi Louis XVI , qu'on appelait alors le restaurateur de la liber tefrancaise. Mais un style pitoyable , une in- trigue mal concue , un personnage du due de Milan, charg6 de fers, et accusaat la cruaute d'un roi qui ne fit pas couler une seule larme , tout contribua a la chute epouvantable de cet ouyrage , qui obtint a peine les trois quarts d'une premiere repre- sentation. Voltaire et beaucoup d'autres his- toriens ont victorieusement repousse la calomnie dont on a cherche a fle- trir la memoire de Louis XII. Us ont prouve que Louis le Maure , qui s'e"tait rendu coupable des crimes les plus atroces , loin d'avoir expire dans une cage de fer , avait tranquillement termine ses jours au chateau de Lo- die , et que , dans les dernieres an- nees de sa vie , il pouvait librement parcourir les cinq lieues environ- nantes. Nous Toici arrives a 1'un des on- vrages les plus marquans du Theatre Francais : les affiches de la comedie Francaise annoncaient depuis quel- ques jours le Philinte de Moliere , u la suite du Misantrope. (73) Ce litre passe a Pinstant dans toutes ]es bouches ; chacun se demande quel est 1'insense qui ose se declarer avec tant d'audace le continuateur de Mo- liere , et le 22 fevrier 1790 , jour de la premiere representation , on se porte en foule a la comedie francaise , avec 1'intention bien prononcee de chatier 1'insolence du tcmeraire au- teur. Le parterre ressemblait a une ar- mee qui brule d'en venir aux mains : le signal se donne , 1'ennemi parait ; mais sa bonne contenance d^concerte les assaillans, qui, forces bientot de 1'admirer eux-memes , couvrent des palmes du triomphe la victime qu'ils venaient immoler. On a blame* aveo raison , selon nous , le litre de cet ouvrage : outre qu'il annonce une pretention et un orgueil demesures , il repond mal au sujet de la piece , il en donne une idee fausse , et il attribue a Moliere la (74) peinture d'un personnage qu'il n'a ja- mais trace. On va en juger par 1'ana- lyse de la piece. Philinte , apres son mariage avec Eliante, s'est avance dans la carriere des honneurs 3 il a acquis la qualite de comte avec de grandes richesses ? qu'il espere augmenter encore par la protection d'un oncle de sa femme , qui vient d'etre appele au ministere. Des arrangemens domestiques , le renvoi de son intendant , qu'Eliante a fait chasser comme un fripon , les forcent a occuper provisoirement un hotel garni , oil ils voient arriver un jour Alceste, de retour de la cam- pagne. 11 est encore aigri contre Pespece humaine , parce que, dans laretraite ou il s'est refugie , on persecute , on tyrannise ses vassaux.il est lui-meme decrete" de prise-de-corps, pour etre intervenu dans un proces i que ces C 7* ) malheureux ont a souteuir, et il s'ie*- crie a cette occasion : L'enfer est Jcchainu pour un arpent dc terrc. 11 charge son valet de lui deterrer un avocat , n'importe lequel. Va , lui dit-il , Va : du hasard lui seul j'attends un honnete hommc. Philinte et Eliante lui ofFrent d'em- ployer en sa faveur le credit de leur parent : il n'est pas dans ses prin- cipes de 1'accepter pour lui ; la justice de sa cause , tel est le seul moyen qu'il veut faire valoir. Son valet lui arnene un avocat rempli de probite; mais il s'excuse aupres d'Alceste de ne pouvoir se charger de ses interets : tine autre affaire , extremement in- t^ressante , occupe tous ses instans , et pour mieux faire connaitre ses motifs , il en detaille toutes les cir- constances d'une maniere si tou- chante , qu'Alceste , oubliant ses pro- l' I/,:;* ^-JJOO ^Wwt;. :V.iJ (76) pres malheurs , s'enflamme a Tinstant pour ceux d'autrui. 11 s'agit d'une fausse obligation qui doit ruiner un honnete homme , et le crime ne peut etre prevenu que par un homme puissant qui , en inter- posant son autorite , fasse trembler le faussaire. Alceste songe aussitot au parent de ses amis;il supplie Phi- linte de 1'entretenir de cette mal- heureuse affaire, et de 1'engager a user de son pouvoir , pour sauver de sa ruine un infortune . sur la tete du- ' quel la foudre est prete a eclater. Philinte , homme froid et egoi'ste, refuse de se meler de cette affaire 3 il craint de se compromettre, etneveut pas user, pour un inconnu, le credit dont il jouitaupres du ,ministre. En vain le brulant Alceste cherche a le con vain ere , a Pemouvoir ; son coeur de marbre resiste a toutes ses prieres, et il persiste dans ses refus. L'obligation passe entre les mains (77). tl'un procureur, aussi' fripon que 1'a- vocat est honnete homme : il sou- lient av'ec force que le billet est bon , et qu'il conlraindra le debiteur au paiement. Jusqu'ici la j)ersonne pour la- quelle Alceste s'interesse si chaude- incnt n'a point etc" nomme'e ; le pro- cureur prononce le nom du comte de Valance, tilre de ce merne Philinte, qui ne voulait pas donner une larrne au malheur, parce que, disait-il , on n'aurait jamais fini' , s'il fallait se- courir tous ceux qui s'ont victimes de la friponnerie, et qui, au reste , ne trouvent le plus souvent que- la peine due a leur imprudence. Confondu, aheanti, eeras^'par ce coup terrible, Philinte soupire , g- mit , et se sent d'avance accable par la crainte des reproches qu'Al- ceste a le droit de lui f'aire. Mais il est malheureux ; son ami Alceste vole aux pieds du minis! re, demas- Tome I. 7 (. 78 ) quelafriponneriederintendant,rend a Philinte son repos et sa fortune, et obtient lui-meme sa liberte , et jus- tice pour ses vassaux. Pliilinte veut se Jeter dans les bras d'un ami sigenereux; mais Alceste le repousse de son sein , et , malgre les prie.res d'Eliante , il retaurne a sa eampagne , et emmene avec lui 1'hon- reie avocat que le hasard lui a tait Jrouver, Le veritable titre de la piece etait VEgoiste; Philinte Test dans toute la force du terme, et jamais ce carac- tere n'a etc plus fortement dessin^. Le Phiiinte de Moliere a des parti- sans enthousiastes , et de chauds de- tracteurs ; aelon les uns , c'est un chef- d'oeuvre digne . tes et sublimes 5 c'est, .un excellent cours de morale , une vigoureuse sa- tire conlre I'egoi'sme., contre cet egoisuic affreux . qui .tyrannise .la pluparl des hommes , etqui lQur ; des- seche ie coeur. La piece du Philinle de Moliere pent se comparer a un edifice no- ble , simple, majestueux ; toutes les (85), regies de ^architecture y sont ob- servees , mais il y manque ces or- nemens, ces details, ce fini qui re- posent agreablement la vue : c'est un palais superbe batiau milieu d'un site aride ; ce n'est pas la riante mai- sori de Thalie. II est facheux qtie la politique ait enlve Fabre -d'Eglan- tine a la literature : un ouvrage d'un merite aussi eminent faisait concevoir les plus grandes esperan- ces , et elles n'eusseot point ete trompees , car Fabre ne ressemblait pAS a ces auteurs qui montrent vingt fois de suite des dispositions, qui promettent toujours , et qui ne tien- nent jamais. Fabre a fai-t preceder son Phi- linte de Moliere d'une preface qui n'honore pas son coeur ; elle est di- rigee contreun litterateur estimable, dont il pouvait critiquer les ouvra- ges avec decence : mais 1'amertume, le fiel qui regrient dans celte pro- (86) ductio.il cesseront d'etonner , lors- qu'on saura qu'une secrete jalousie en avait trace les pages. Nous avons deja dit que Colin-d'Harleville et Fabre-d'Eglantine avaient etc eu concurrence pour les Chateaux en Espagne et le Presomptueux Jmagi- naire, et celui-ci a toujours con- serve le plus violent depit de la pre- ference qu'avait obtenue son rival. Ces deux e"crivains , d'ailleurs , se disputaient seuls le sceptre co- inique, et 1'orgueilleux Fabre , qui voulait devorer toute la gloire , cueillir tous les lauriers , s'indignait a- 1'idee seule d'un adversarre auquel il se croyait tres-superieur. Les ouvrages nouveaux se succ^- derent alors avec une etonnante ra- p4ditd ; le lendemain de la premiere representation du Philinte de Mo- liere ( le 23 fevrier ) vit encore pa- raitre un opera comique en un acte , intitule" : Les trois Noces. C'est la (87) sixieme piece nouvelle donnee de- puis deux mois et au milieu de 1'hi- ver. Les come'diens etaient alors beaucoup moins paresseux qu'au- jourd'hui , ou plutot la caisse eprou- vait dans ce tems-la des deficits pro- fitables a Tart dramatique , tandis qu'elle contient a present des riches- ses qui sont ruiaeuses pour lui. Quoi qu'il en soit , 1'opera comique des Trois Noces est une espece de pastorale qui obtint beaucoup de succes : une comtesse dote trois jeu- nes filles , mais la fete est troublee par des brigands que repousse la garde nationale. La fille de la com- tesse arrive de Paris ; elle assistait a 1'assemblee nationale r ou le roi a paru comme un pere au milieu de ses enfans : elle peint des couleurs les plus vives ce beau moment , et cite avec attendrissement les traits les plus touchans du discours du roi. L'ivresse alors s'empare de tous les (88 ) spectateurs , qui couvrent d'applau- dissemens et la piece et les acteurs. Dezede a fait une charmante mu- sique pour cet opera , dont le suc- ces peut faire naitre aujourd'hui de grandes reflexions sur 1'instabilite des choses humaines. Celte piece etait ornee de danses , devolutions militaires, dont 1'execu- tion fut aussi parfaite que le jeu des acteurs. Le2omars,le The'atre Fran cais fit sa cloture par une representation de Merope, suivie de la Gageurelmpre- vue. Cette representation fut tres- brillante,etles acteurs semblerent se surpasser. M- lle Raucourt et Saint- Phal exciterent le plus vif enthou- siasme, et le public , transporte , pro- digua des applaudissemens aux su- jets les moins accoutunies a ses fa- veurs. Dazincourt vint prononcer, entre les deux pieces, le discoursde cloture. Pour le bien comprendre , (89) il est ne"cessaire de savoir que le parterre de la comedie francaise presentait chaque jour, en raccourci, le tableau d'un peuple en revolution, qui , tout etonne d'avoir recouvre ses droits , en fait un usage souvent peu raisonne. Les comediens ne pou^ vaient etablir aucun ordre dansleur repertoire. Une piece elait mise a 1'etude , et le parterre mutin , oil remue par des gens interesses , re- clamait a grands cris la representa- tion d'un autre ouvrage . auquel les reglemens n'assignaient qu'un rang posterieur. Enfin, le theatre et le parterre semblaient etre les camps de deux arme'es ennemies ; mais on doit dire , a 1'honneur des loges , qu'elles garderent touj.ours la plus exacte neutralite. Dans cette querelle , comme dans presque toutes les discussions , les deux partis avaient tort : le public demandait trop - y les comediens n'ac- (9) cordaient pas assez. Les auteurs dra- -matiques devaient natureiiement clever la voix pour 1'abolition de .plusieursreglemens qui , fails par les conie'diens , etaient contraires aux interets des ecrivains. La comedie francaise s'accoutumait difficilement i a la perte de ses anciens privileges , et defendait le terrein pied a pied. Pour 1'effrayer , on osa demander et presser Tetablissenient d'un second thecitre : ce fut la le coup le plus sensible pour les comediens fran- cais ; ilssentirent que leurs recettes , deja bien faibles , seraient conside- rablement diminufdes par celles qu'un nouveau theatre ae pourrait Faire qu'a leurs depens. Us previrent que les auteurs , mecDntens , et le public , toujours enthousiaste de nouveau- tes , s'y porteraient eu faule 5 ils etaient meme a pea pres stirs que plusieurs de leurs camarades , aisies du parterre, et que des rtisons (9' ) d'o pinion , ou d'amour-propre indis- posaieDt centre la comedie fran- caise , ne laisseraieut pas echapper 1'occasion de se venger en se ral- liant au theatre rival. Tel etait la situation des affaires dramatiques , quand Dazincourt viut prononcer le discours suivant , qu'on pouvait re- garder alors comme un petit ma- nifeste. MESS i EURS , Nous profitons avec emp; jsse- ec ment du jour que 1'usage a consa- ere pour vous presenter nos res- pectsetrhommagedenotre recon- naissance ; maisune juste confiance en vos bontes nous encourage , en ce merae teais , a deposer dans votre sein la douleur dont nous sommes c< pengtres. Depuis long - terns le Theatre Francais est en butte a i des rigueurs affligeanies : il sem- ble qu'on ait tente de nous faire perclre cette liberte d'ame et d'es- prit, si necessaire a 1'art du co- te medien. Des etudes multipliers , ec des efforts sans nombre, des bien- faitssagementrepandus, et publics malgre nous, ne nous ont valuque des interpretations injurieuses. Une jalouse cupidite ', dont nolis ce ne nous permettrons pas de devoi- ler le secret, et qui voudrait s'ele- <* ver sur/20^ debris,, a cherche cons- cc tamment , depuis, plusieurs mois , a fatiguer et decourager notre zele. Pour ne nous arreter que sur un seul point, on a demande la repre- sentation de tel ou tel ouvrage , sans songer que les pieces deja re- cues avaient le droit d'etre repre- sentees auparavant ; de maniere qu'on ne pourrait adherer a de j^ 9 La revolution permit a beaucoup jd'auteurs de faire representer des ouvrages qui, dans 1'ancien regime, n'avaient etc qu'imprimes. Nous avons deja cite Ericie , 1'Honnete Criminel, etc, ; il faut y joindre le Cointe de Comminges , ou las Amans MalheureuX) drame en trois actes et envers, par d'Arnaud-Baculard, imprime" en 1764, et joue, pour -la premiere fois , le 14 mai 17^0. Le sujet est tire des memoires du comte de Comminges, par madamela com- tesse de Murat. L'Annge Litteraire d 1764 disait, en parlant de cette piece imprime e : a- rens, ilsse trouvent rt'unisdans I'aus- teremaisondelaTrape,sous ies noms defrere ^drsenneet de frcre Euihy- m tint le succes le plus flatteur : d'ail- leurs , comment ne pas etre stir des suffrages du public, quand on luipre- sente les grands horn rhes qui ont illustre la France ? 1'orgueil national applaudit , et 1'auteur participe , en quelque sorte , a la gloire des heros qu'il a chantes.La piece de M. Aucle devait rtfussir devant les juges meme les plus seve'res , surtout quand elle fut degagee de quelques longueurs qu'on avait remarqu^es a la premiere representation. Un des vers de 1'ouvrage les plus applaudis fut celui-ci , adresse a Lekain , au sujet du decret qui rend aux comediens 1'etat civil : S'il cut v4cu plus tard , tl mourait citoyen. ignorons quels motifs lui ont fait deserter les aulels de Thalie , pour bruler son enceus iiir les tre'teatu de la Folie. Cette piece cut autant de repre- sentations qu'on pouvait en esperec d'un outrage entierement de circons- tances. Depuis long-terns les auteurs dra- matiques se plaignaient des re'gle- meus de la comedie francaise : les droits des ecrivains etaient me'con- nus ; la noble profession d'homme de lettres avilie , et leurs interets pecuniaires abandonnes a la merci des come'diens. Quand ceux-ci le voulaient , un auteur etait ajamais frustre des retributions de son ou- vrage. On le jouait expres un JOUL* ou la chaleur devait eloigner le pu- blic du spectacle j la piece ne fai- sait pas une recette fixce , elle etait censee tombeedans les regies , et ap- partenait aux comediens. La revolu- tion , qui avait porte un coup mortel a tous les genres de tyrannic , devait f rapper aussi le despotisme des cou- lisses : les ^auteurs etaient ppprimes , ils reclamerent une loi qui garantit leurs droits et leurs interets. Et quelle rlasse a plus de litres a la bienveil- lance du gouvernement quo celle dont les travaux illustrent son siecle , et honorent la nation ? Le 28 aout , Laharpe se presenta a la barre de I'assemblee nationale, et lut, au nom des auleurs drarna- tiques,une petition dont il etait le redacteur: apres avoir prpuve' , avec autant de clarte que d'eloquence , 1'influence du theatre sur les moeurs , les habitudes d'une nation et sur son gouvernement , il demanda que 1'art dramatique fut affranchi des entraves qui arretaient son essor , et s'opposaient a ses developpemens. Les principaux articles reclames par les auteurs furent : 1. 1'anean- tissement de tout ce qu'on appelait privileges de spectacles ; 2 W . La jouissance , pour tous les theatres JDdistincteinent, despieces cfe nos anciens auteurs, comme pro- priete* nationale ; 3. La faculte pour tout particu- lier qui aurait un theatre d'yfaire jouer la comedie j 4 V . Le droit pour les auteurs vi- vans de statuer eux-memes sar la va- leur de leurs ouvrages, de gre a gre avec les directeurs, dont aucun ne pourra les faire representer sans leur consentement. Gette petition , renvoyee au comite de constitution, provoqua le decret rendu quelque terns apres par Pas- semblee constituante, decret qui consacra la'liberte des theatres, et tixa les droits d'auteurs comme iis le sont encore aujourd'hui. La comedie francaise, qui voulait conserver ses privileges , repoussa cette attaque par plusieui'3 ecrits. Les auteurs repondirent par un m^- moire tres-detaille : les signataires du memoire et de la petition furent C '24 ) Laharpe , Champfort , Sedaine , Fe- nouillot-Falbaire , Mercier, Duels, Leblanc , Palissot, Bret, Chenier, Fabre-d'Eglantine , Leruierre, Cail- liava , Collot-d'Herbois , Fallet , Laujon , Dudoyer , Beaumarchais , Forgeot , Sauvigny, Gudin 5 Maison- Neuve , Blin de Saint-Maure , Mur- ville , Cubieres. Le 26 aout, les lettres perdirent Barthelemy Imbert , auteur distin- gue : il etait ne a Nimes en 1744, d'une famille aussi nombreuse qu'es- timee. II fit ses etudes chez les je- suites , et conserva toujours pour ses instituteurs la plus vite reconnais- sance. La conscience de son talent lui fit bientot chercher uu theatre ou il put 1'exercer avec plus de suc- ces, et il vint fort jeune dans la ca- pitale. Quelques poesies fugitives , insere'es dans les journaux, lefirent d'abord remarquer. Le Jugement de Paris , poemeenquatre chants, qu'il publia eii 1771 , lui acquit de la re- putation. Son imagination trouva le secret de rajeunir le sujet le plus use de la mythologie : on fut efonne' du parti brillant qu'il sut en tirer. Son plan est aussi simple qu'ingenieux , et 1'art de Pauteur le fait ressortir encore, dans 1'execulion, par un grand nombre de details pleins depoesie, de grace et d'esprit. Les connaisseurs comptent , parmi DOS meilleurs poe- mes erotiques , le Jugement de Pd~ ris , qui , detous lesouvrages de I'au- teur, est peut-etre celui qu'il a tra- vaille avec le plus de soin ; aussi peut-on le regarder comme son chef- d'oeuvre. Imbert avait recu de la nature un prodigieuse facilite , dont il abusa peut-etre quelquefois : il s'exerca dans presque tous les genres , et s'il n'y excella pas egalement, il montra partout de 1'iinagination et de prit. Tome I. ii C II fut long-terns charge de la re- daction du Mercure , ct de la partie des spectacles dans le Journal de Pa- ris', il eut aussi beaucoup de part aux Annales Poetiques, a la Bibliothe- que des Romans et a la Bibliotheque ties Dames. Si Imbert n'eut public que des productions etrangeres aux theatres , nous serions prives de payer ici un tribut a sa memoire; mais il a tra- vaille pour presque tous les theatres, dt obtint plusieurs succes a la come- die francaise. Nous- ne parlerons que des deux-mivrages qui ont le plus contribue a sa reputation. En 1782 , il donna au Theatre Francais line comedie en cinq antes , le Jaloux sans Amour. Dans la nouveaut , le public ne trouva pas qu'un ' mari , qui , sans aimer sa femme , en est jaloux a 1'exces , fut Un caract^re vrai et dramatique , et Ja piece n'eut qu'un succes tres-ine- C cliocre. Deux ou trois ans apres , on la redonna avec des coupures et des corrections heureuses : les connais- seurs convinrent alors que , si le ca- ractere trace par 1'auteur n'etait pas exactement dans la nature , il e'tait certainement dans les moeurs d'tm siecle ou I'egoisme est devenu pres- que une passion. La piece fut joue'e avec uue telle superiority par Mole et mademoiselle Conlat , que, non- seulement, elle est restee au theatre , mais qu'elle est comptee parmi nog meilleures comedies modernes. C'est assurement une de celles qui reu- nissent, a une grande variete de ta- bleaux, et de scenes comiques , un style piquant , et des details brillans d'esprit. Nous citerons , a Toccasioa de cette piece , une anecdote qul prouve la noble et spirituelle deli- catesse d'Imbert. Le Jaloux sans Amour e'tait d'abord tombe dans les regies , et d'apres les statuts da C "8 ) Theatre Francais > 1'ouvrage appar- tenait aux comediens : a la reprise , il eut un succes inespere". Ceux-ci crurent ne pouvoir se dispenser de dedommager 1'auteur , et ils lui firent offrir en present une certaine somme. Imbert ne voulut point 1'accepter j mais il dit que, si la comedie croyait lui devoir quelque chose, il deman- dait a rentrer dans tous ses droits. Les comediens ne parent se refuser a des preventions aussi justes , et lorsque ses droits furent bien constates , Im- bert se borna a prendre sur les re- cettes la somme qui lui avait etc" of- ferte, et qui etait bien inferieure a celle qui devait lui revenir. La tragedie de Marie de Brabant , dont nous avons parle a 1'^poque de sa representation en septembre 1789, fut le dernier ouvrage d'Imbert , a. qui on ne peut refuser une place dis- tingue"e parmi les ^crivains de notre siecje. Avec des passions tres-vives , ( "9 ) il avait des moeurs douces , un carac- tere liant , une humeur gaie , une conversation aimable et ingenieuse , et surtout un commerce sur dans ses jugemens : iletait impartial, honnete et modere ; il n'y mettait ni fiel ni aprete , persuade qu'un critique est un ami qui conseille,et non un pe- dant qui corrige. II e"tait plus juste envers ses rivaux qu'ils ne Petaient souvent envers lui ; il mettait me-me de la gloire a juger favorablement les productions de ceux dont il avait a se plaindre : peu jaloux du succes d'au- irui, il pensait que chacun pouvait en obtenir sans nuire aux autres. Son amour-propre (et certes il en avait) ne choquait et n'humiliait personne. Incapable d'intrigue , il ne sollicita et n'obtint ni place ni pen- sion , et il detestait trop 1'esprit de cotterie, pouretre d'aucune associa- tion litteraire : il dtit done tous ses succes a lui-meme. ( i3o) II travaillait avec tant cle facilite' , que, quoiqu'il ait produit beaucoup, il n'avait jamais 1'air oceupe. Bon ami , confident discret 7 le seul re- proche qu'on put lui faire etait sa grande insouciance pour 1'avenir , et sa negligence pour ses propres inte- Te"ts j la tournure de son esprit lui donnait pour les affaires un eloigne- ment insurnaontable. Utie fievre maligne 1'enleva aux arts et a Tamitie , le 25 aout 1 790 , dans la quarante-septieme annee de son age , lorsqu'un temperament robuste , et des talens exerces , lui promettaient de longs jours et de nouveaux succfes. Le 16 aout , une nouveaute assez piquante attira une foule immense au Theatre Francais. Larive joua le r6le d'Alceste dans le Misantrope, A son entree, il fut accueilli aveo nthousiasme ; le public lui sut bon gre du courage qu'il deployait, ea C '3' ) cnoisissant , pour son debut comi* que , le role le plus difficile peut- etre qui existe au theatre. II faut une profonde connaissance de 1'aijt dramatique pour ne jamais se trom- per dans les intentions d'un role tel- lement complique, que le but de Mo- liere, en letracant, est devenu, sinon un probleme litteraire , au moins le sujet d'une discussion celebre. J.-J. Rousseau pretend que le misan- trope est le veritable honnete homme de la piece, et que Moliere , en lui donnant un vernis de ridicule , joue la vertu elle-meme. Du terns de Mo- liere , beaucoup de personnages re- commandables par leurs lumieres et leur probite , regarderent aussi Al- ceste comme un homme de bien , plus digne d'estime que de pitie; et lors- qu'on vint dire au due de Montau- sier , si fameux par son austere fran- chise et la rudesse de ses vertus , que c'etait lui que Moliere avait voulu jouer : Plut au del 3 repon- dit-il , que je ressemblasse a ^4.1- ceste ! M. Bret , dans son commen- taire sue ce chef-d'oeuvre du pere de la bonne comedie, accuse Rousseau de s'etre livre' , en 1'attaquant, a des au nom de ses collegues 9 une representation de Charles IX , et sembla attaquer indirectement le patriotisme des comediens. Naudet repoussa d'une maniere tres-respec- tueuse les reproches adresses a ses eamarades , en disant que deux rai- sons les empechaient de satisf'aire le public, 1'indisposition de M me . Ves- tris , et la maladje de Saint - Prix. Le public ayant mal accueilli cette justification , et n'y voyant qu'un pre- texte adroit pour colorer un refus, Talma s'avanca lui-meme, en pro- testant du zele de la comedie : il an- nonca que M me . Vestris n'e"tait pas indispos^e assez serieusement pour ne pas jouer le r6le de Catherine de Medicis , et que, quant a celui de M. Saint-Prix , le public voudrait bien permettre qu'un autre acteur Fut charge de le lire en son absence. Cette proposition futacceptee : Gram- mont representa le cardinal, son role k. la main , et Talma , demande apres la piece, fut couvert d'applaudisse- jnens unanimes. Cette representation ( '4' ) fut, au reste, tres-orageuse : I'usage etait , a cette epoque , de rester de- couvert pendant toute la duree du spectacle ; quelques particuliers ay ant persiste a garder leurs chapeaux , la force armee fut introduite dans la salle. Le fameux Uanton , qui a. joue tin si grand role dans la reVo- lution , fut arrete" et conduit I'Hotel-de-Ville. Personne ne sera dupe aujourd'hui de 1'espece d'acharnement qu'on met- tait a demander la representation de + Charles IX. Avec la tactique du monde la plus simple, avec quelques amis officieux , et cinq on six tapa- geurs determines , il est facile de soulever un parterre 5 mais de tels moyens ne sont pas honorables pour ceux qui les emploient : aussi bla- ma - t - on les instigateurs de ces troubles avec d'autant plus de raison, que Chenier lui - meme avait, dit- en r prie les comediens de ne pas Tome 1. 12 mettre sa piece au repertoire pen- dant les grandes chaleurs de 1'ete. Talma , qu'un amour-propre , bien excusable , aurait pu egarer , etait trop delicat pour se permettre de pa- reilles manoeuvres ; aussi crut-ilqu'il e'tait de son honneur de se justifier desreproches qu'on lui adressa, et il e'crivit , a cette occasion , la lettre sui- vante a M. de Mirabeau , 1'un de ceux qui avaient demande la piece au nom des federes de Provence : Je recours a vos bontes , mon- sieur, pour me justifier des impu- tations ealomnieuses que mes en- nemis s'empressent de repandre. A les entendre, ce n'est pas vous qui avez demande* Charles IX ; c'est moi qui ai fait une cab ale pour forcer mes camarades a donner cette piece : desjournalistes vendus affirment au public tout ce que leur malignite* leur dicte. Si vous ne me permettez de lui dire la ve- (43) rite , je resterai charge eKine ac- cusation dont on espere tirer parti* Chenier, son auteur: Je viens de lire dans le dernier e devoue- mrat de mademoiselle July ne put retablir la bonne intelligence parmi ( -85) ses camarades : des memoires ijide- cens , des letlres vraiment scanda- leuses furent publics par plusieurs d'entre eux ; ils revelerent au public le secret de leiirs petjtes passions , de leurs miserables intrigues , et. se .donnerent en spectacle a tous les oisifs et a tous les me'chaus de la capitale. Ici , c'est M. Naudetqui ac- cuse Talma de ne pas monter sa garde, et de s'etre cache dans un grenier avec son fusil le jour d'una cmeute populaire. Plus loin , Talma repond a ces singulieres imputations qu'il n'^taitmonte qu'a un deuxieme e't age pour mieux observer 1'ennemi: grands debats pour quelques esca- licrs de plus on de moins. Saint-Prix intervient dans la discussion , et swmble convaincu de 1'aristocratie de Talma. (*) (*) 11 est tres-plaisant de voir Talma ac- cus& d'aristocratie , par Saint-Prix. Nous avons dedaigne de rapporter les lettres originates que publierent ces messieurs , nous 1'avons fait pour leur honneur, et si nous en avons parle un instant , ce n'est que pour prouver jusqu'a quel exces les homines se laissent entrainer par leurs passions. Le theatre , comme nous 1'avons dit , etait devenu un club tumul- tueux. La retraite de M lles - Raucourt et Contat etait une belle occasion pour les motionnaires; aussi ne la znanquerent-ils pas : le samedi 7 no- vembre, ces deux actrices furent , pour la troisieme fois, appelees a grands cris , et on demanda compte aux com^diens des motifs de leur retraite, M. Fleury s'avanca sur la scene , et fit lecture au public de la lettre sui^ vante : a Paris, 3i octobre 1790. CcMESSIEURS ET CAMARADES, J 'ignore ce qui s'est passe hier < a votre theatre, mais la lettre que je recoisjenm'annon^antunenou- velle preuve de 1'indulgence du public, excite enmoi la plus vive sensibilitd ; ses bonte*s seront long- terns 1'objet demesvoeux,et seront