; "* * * * // Jntovt* . pi. < riiisloi.-'o di- Polognc, ili'jin: rll 1 S,l(t , Mar iloman Soltuk. t i-S. (in-OHijHt-j tcs rl portraits. IMUX : iG i *r > . " s%* Plrw 20*^ ^p:^ / 7v'^j^^ iC' . &^>V : ^' T ^ . [Av -' ..mm ET SITUATION PRESENTS (SOVEMBRE d833. ) REVOLUTION DE 1850 ET SITUATION PRESENTS, (HOVEMBRE 1833.) fi ttlatrits PAR LES REVOLUTIONS DE 1789, 1792, 1799 ET 1804, ET PAR LA RESTAURATION PARCABET, DEPUTE DE LA COTE D'OR. 3 C EDITION. EDITEURS . DEVILLE CAVBLLIN, Rue de 1'Ecole-de-Medecine , 40. PAGNERRE , Rue Ncuve-Snint-Augustin, 25. 4854. G3 IMPBIMERIE D'JIERHAN , 580, HUE SAINT-DENIS. AVERTISSEMENT SUR CETTE TROISIEME EDITION. Ccque jc prcvoyais cst amve : la colerc du pouvoir m'a force dc comparaitrc devant les triluinaux; inais les jurcs ont condamne (\) inon accusateur. Cepcnclant , mon but ayantete d'etre utilc en eclairant ('I) Lcs jurcs d' Arras vieiuient aussi d'acqi' ; tter, !c 24 aoiit 1833, M. Degcorge, redacteur du Propagateiir du Pas-dc- Calais , qni avail repclc les passives Ic.s plus cnergiques tic mon ouvragc. 2 la masse tin poup'e , j'ai scnti que ma tache n'elait point encore accomplie , et qu'il me restait a douncr a mon ouvrage la plus grande publicite. J'en ai done fait une troisieme edition, au plus bas pfix possible, afiu que les citoyens les plus pauvres pusscnt en fairc 1'acquisition. Quelque interessanle que soil, pour ceux qui veulent t'ludicr les discussions legislatives , la partie des para- jjrapbes 4J , 42 et 43 dc la premiere edition contenanl les debats parlementaires sur ritalie , la Pologne et la Belgique , quelques-uns de ces debats n'avaient cependant pas assez d'interet pour la masse des lecteurs , et ralcn- tissaient la marche du re'cit historique : je les ai retran^ dies dans la dcuxieme edition; mais je les ai remplaces par la curieuse conversation de Louis - Pbilippc avec MM. Laffilte, Odilon-Barrot et Arago , le C juin; par un supplement conlcnant les fails survenus depuis le \\ octobre -1852 jusqu'cn juillct 1855, et par une notice sur mon proces , en indiquant d'ailleurs par des *^, les passages que le minislerc public a particulierementincri- inincs. La rapidilc avec laqaclle deux tirages successifs de ccile deuxieme edition vienneut d'etre epuises prouve I'ombicn le peuplc est emprcsse de connaitre toutes les causes dc rirritation publique et toutes les preuves des accusations univcrsellcmentdirigces centre Louis-Pbilippe ct son gouvernemeut. Get cmprcssemcnt me determine a faire une troisieme edition. Ellesera sembkiblc a la precedcnte. J'y ajoulerai seu- Innent un 'paragrapbe coutenaut les fails principaux survenus di-puis le 20 juillel ; mais cc paragraphe addi- tionncl sera tire separement pour los souscripteurs de la deuxieme edition qui le dcmanderont. Du reste , de nouvelles mesures, que Ics editeurs n'a- vaient pn prendre pour la deuxieme edition , amolio- reront celle-ci sous le rapport typofjraphique. Paris, \" novembre 1855. AUX fiLECTEURS DU 2 e ARRONDISSEMENT DE DIJON. { COTE-D'OR. ) Mes chers commettans, Dans ma premiere lettre publiee en octobre \ 83^ , apres avoir indique rapidement quelles auraient du etre les consequences de la revolution de Juillet , j'ai montre comment une camarilla, inspiree par Talleyrand, a es- camote cctte revolution pour y substituer fraudulense- ment une quasi-restauration avec tous les principes de politique interieure et exterieure de la restauration elle- meme; j'ai fait voir que cette quasi-restauration, appuyee sur la sainte-alliance et sur un systeme de quasi-legiti - mite , d'aristocratie , de repulsion des patriotes , de mena - nagement pour les carlistes , de calomnies et de violences, 4tait la veritable cause des emeutes, de la misere, da mecontentement general, de tout le sang repandu : enfin j'ai exprime" la conviction que ce funeste systeme nous precipiterait dans la guerre civile et la guerre etrangere. J'ai fait plus : cedant aux cris de ma conscience , j'ai d'enonce les usurpations , les tromperies et les trabisons du gouvernement. Nous n'avons vu que trop de ces sinistres predictions deja realisees, et la realisation des autres n'est malheu- reusement que trop certaine et trop mena^ante. Cependant , rien ne peut arreter la marche du minMi- tere ni memo ses chants de triomphe : entraine par la fa- talite qui precipitait les Villele et les Polignac , il s'obs- tine, s'opiiiiatre, et semble vouloir accomplir sa destinee en ne s'arretant qu'au fond de 1'abime. Mais ne peut-il pas entrainer la France avcc lui? Les patriotes peuvent-ilssouffrirqu'il coitipromette ainsi leurs families, eux-memes et leur pays? N'est-ce pas un devoir autant qu'un droit de signaler le peril qui menace la pa- trie? Ce droit, je veux 1'exercer; ce devoir, je veux le remplir. /^ Mais pour bien apprecier la situation presente , ses dangers et ses besoins, je crois utile de jeter d'abord un coup d'coil sur les revolutions de \ 789 , \ 792 , \ 799 et 1 804 , sur les principes de libertc consacres par nos pre- mieres assemblies uationales, sur les parjures et les tra- hisons de Louis XVI , sur les anciens projets de demem- brement et les perfidies des coalitions etrangeres, enfin sr les exces dc la faction contre-revolutionnaire , soit avant , soit depuis la restauration. Que de comparaisons a faire , en effet , entre Tepoque actuelle et ces epoques trop inconnues ou deja trop ou- bliees! Que d'utiles lecons, que d'utiles uvertissemens ne peut-on pas y trouver pour les peuples comme pour les gouvernemens ! On verra mieux que la centre-revolution operee par la restauralion a etc la veritable cause royale a son successeur. Mais cette pretendue Irijittmite de droit dii'in , ima- ;;i iii -r dans des temps de superstition , lorsque le pape , si- pretendant roi de la tcrre , donnait et retirait les royaumes, n'etait cviJenmieiit qu'uu outrage a la raisbn humaine. Tout absurde qu'elle etah , elle n'en etait ps moins la base de la monarchic de Louis XIV, de Louis XV , de Louis XVJ , comme elle est encore , aujourd'iiui meme , le fondement de presque toutes les monarchies de i . , r * \ Lurope. ' ^uand Louis XVI monta snr le troao, vn mai i774, la nation etait encore divisee en trois ordres, la noblesse, I' i Icrgc et le tiers-etat ou le peuple. La noblesse et le flerge posscdait-nt em-ore presque toutes les terres, et jouissaient d'une foulc de privileges; presque tons ]<> ^vantages etaient encore pour eux , et les charges pour Ifi peuple; eelui-ci ctait eiu-oro livreaux caprices d'un roi nudes minislifs, a 1'insolence et a la rapacitedes courli- *ans, des favori* . drs confcsscurs ct dps maitrcsses; 'n un mot , la France etait encore opprimee par 1'usurpa- tion, 1'arbitraire et le despotisrue. Mais , depuis la decouvertc de I'imprimerie , la bar- baric avail fait place a la civilisation , 1'ignorance a la lumiere , la superstition a la philosophic , i'erreur a la MM-ite. Des ecrits de tous genres , et la courageuse lutte que k; parlement venait de soutenir pendant plus de cin- quante ans centre les exces du pouvoir royal ou ministe- riel , avaient eclair e tous les esprits. Le tiers-etat etait devenu puissant par son industrie , ses richesses , son instruction et le sentiment de sa force : chacun connais- sait ses droits ; chacun voulait la justice , la liberte , 1'e- galite surtout ; et le temps etait venu ou rien ne pouvait ernpecher Tune de ces grandes reformes politiques el sociales qui regenerent les nations. Ce furent la dilapidation des finances et I'epuisement du tresor qui firent eclater la REVOLUTION, deja operee dans 1'opinion publique. Je me hate d'arriver a cetle revolution. Jj 2. Louis ATI. Etats-genercmx . Serment dv. Jcu-de-Paume. Seance royale du 24 juin. Prise de la Bastille. Revolution. Assemblee consti- tuante. II parait que Louis XVI , jeune , econome , sans be- soins personnels , sans autres passions que celles de la chasse et de la serrurerie , veut d'abord.satisfaire 1'opi- nion publique , reformer les abus , faire des concessions a la liberte , el s'occuper du bonheur du people. Mais , egare par une mauvaise education , imbu de tous les prejuges du pouvoir absolu , faible de caraclen-, sans eonfiance en lui-uieme , irresolu , jouet de tous ceux qui Fentourent , domine par une reine alliere , des freres ambitieux , des courtisans et des prelres avides ; il veut bientot agir en maitre. Les emprunts s'etant eleves , en peu d'annees , a un Miill.inl six cent quarante-six-millions , le rovcnu public (ircst-utant un deficit de ^40 millions , ou de 56 seule- nion | , selon d'autres , dc nouveaux cmpi'unts ou de nouveaux impots paraissant impossibles, ie roi convoquc it fevrier 4787 , une premiere assemblee des notables, c'est-a-dire des privileges exempts de Timpot , et leur, demande de vnir au secours du tresor royal. Plus liberal et plus populaire que la majorile dans la session de -1854 , il leur propose Yentifrre liberU du commerce des grains , et une forte diminution sur le prior du sel. Mais les notables refusent tout. Deux nouveaux impels , la subvention territorial , et un droit de timbre , puis un emprunt de 420 millions , sent succcssivement crees par ordonnances. Mais le parlement se plaint vivement des effroyables dilapidations commises par la reine , le comte d'Artois et la cour , refuse d'enregistrer les edits , fait des re- monlrances energiques , proteste , brave les menaces , et demande les etats-generaux. Louis tient des lits de justice , parle en sultan , force 1'enregislrement , fait enlever les plus ardens parlemen- taires , exile le parlement , et veut le remplacer par une courpleniere. Mais 1'opinion publique s'irrite 5 la resistance est par- tout. Le roi cede : la liberte de la presse est offerte , le parlement est rappele , et les etats-generaux , supprimes depuis 470 ans , vivement rcdoutes par la cor , aussi vivement desires par la nation , sont enlin convoques pour le iimis de mai 4789. Une seconde assemblee des notables en determine la forme , et decide que le ticrs-etat aura autant do de- putes que les deux autres ordres reunis : c'est un im- mense avantage pour le peuple , et la verite force a dire que c'est le vote de Monsieur (devenu depuis Louis XVIII). qui determine cette grandc et hcureuse decision. l'> etats-,generaux seront done composes do 4.200 rnembrrs , dont 3QO seront elus par la noblesse , 500 pan le cter{;i ! r>(0 par lo tiers-otat on le peuplr. 44 Tous les citoyens participeront a rejection des deputes ; tous seront eligibles , et les electeurs pourront remcttro a leurs mandataires des cahiers, ou maudats ecrits , con- tenant leurs doleances et leurs voeux. Mais Louis XVI qui , dans la realite , repousse les I'tats-generaux , ou qui veut s'en servir pour rendre son autorite plus absolue et plus independante , fait secreter inent tous ses efforts pour influencer les elections. Cependant tout est en mouvement a Paris et dans les provinces : des milliers d'ecrits et de journaux eclairent partout ('opinion publique. Les cahiers sont unanimes pour demander la reforme des abus , 1'abolition des privileges , la consecration de Yegalite civile, une CONSTITUTION ECRITE, de justes li- inites au pouvoir royal , et des garanties populaires. Plus de 6 MILLIONS de citoyens participent a 1'eleo- tion. Les \ ,200 elus sont vraiment V elite du pays. Us arrivent a Versailles. Louis XVI fait Touverture de Tassemblee , le 5 mai , et reconnait que les etats-generaux represented la nation . Voila done en presence la nation presqu'unaniine , et le roi , ou pi u tot la cour. Mais la discorde eclate aussitdt. Comment votera-t- on? La noblesse , le clerge , le tiers-etat , delibereront-ils dans trois chambres separees , et le refus d'un des trois corps detruira-t-il le consentement des deux autres? Ou bien , n'y aura-t-il qu'une seule assemblee deliberant en commun , et volant a la majorite des voix? Evidemment, la reponse va decider du sort des etats- generaux. La cour , qui veut les paralyser , exige le vote par or- dres; le tiers-etat, qui veut un resultat national et popu- laire , reclame le vote par tetes. Pendant plus d'un mois , on negocie sans pouvoir s'ac- corder. EnGn , les deputes du peuple, tranchant la difficulle , le 17 juinse declarcnt assemblee nationale, et invitent les Heux autres ordres a vonir deliberer avec eux. 12 La France applaudit avec enthousiasmc a cet acte ener- Mais Ic 20, quand les deputes se presentent a leur salle , ils en trouvent la porte fermee par ordre du roi. Us se ret j rent alors , aux acclamations du peuple et des Mildals eux-mSmes , dans la salle du Jevrde-Paume , et la , dcl'iMil . les mains tendues, bravant tous les dangers, elec- trises par la grandeur et la- saintete de leur mission, ils jurent unanimement et avec transport de ne sc separer qu'apres avoir fait la constitution. Le 22 , le Jeu-de-Paume etant ferme , c'est dans une ';glise qu'ils se rassemblent , et c'est la que la majorite du clerge vient se reunir a eux. Mais le 23 , Louis , pousse par la cour , entoure d'un imposant appareil militaire , tient un grand lit de justice . parle en maitre , casse tout ce qui s'est fait , present do voter parj ordres et non par Utes, defend de faire une con- stitution, determine lui-meme les objets dont les etats- generaux pourraient s'occuper , ordonne aux trois ordres de se rendre dans leurs chambres respectives, et sort, apres avoir menace de dissoudre si Ton resiste a sa vo- lonte. La noblesse et le clerge obeissent , else rendent dans It-urs chambres. Le tii MS- flat indigne reste immobile. Le grand-maitre des ceremonies vient lui rappeler 1'or- ja comtnencee! L'enlhoiisia.sme est universel : les scnlimens les plus 44 - rthaiilf'cnt tous les coeurs, exultent toules les irlos, rt si Ic prince est sincere, la France va devenir le niodele et I'envie des autres pcuples. $5. JVuit du 4 aout. Abolition des privileges et des monopoles. Constitution de L'assemblee s'occupe d'abord de reformer les abus si- jjnales par les cabiers. Tel est alors I'entbousiasme universel pour tout ce qui ost grand et genereux , que ce sont des privileges qui donnent eux-memes 1'exemple des sacrifices et rivalisent entre eux de patriotisme. Tout ce qui reste du regime feodal est aboli, ainsiquc les privileges et les monopoles , dans la nuit du 4 aout , nuit immortelle , qui consacre le triomphe de la revolu- tion morale , comme la journee du -14 juillet a consacre la victoire de la revolution materielle. Une medaille est frappee pour eterniser la memoire de ce grand evenement , et Louis XVI , a la sincerite duquel on croit encore , re^oit le titre glorieux de Restaurateur de la liberte francaise. L'assemblee proclame ensuite les droits de 1'homme et du citoyen , la liberte , 1'egalite , la surete personnelle ft la propriete : elle declare que la nation est SOUVERAINE ; qu'elle a seule le droit de faire sa constitution par 1'organe de ses" deputes ; qu'elle a toujours celui de la reviser; que tous les pouvoirs emanent d'elle ; que le roi n'est que le premier de ses mandataires , et que la constitution , les lois et 1'administration doivent avoir pour but unique 1'interet national. Puis , procedant a la constitution , elle organise une monarchic representative avec des institutions populaires ou republicaines. Trois pouvoirs principaux sont etablis, legislatif, exe- rulif, judiciaire. Le pouvoir legislatif est ronfie a une seule chambre romposee de sept cent quarante-cinq deputes elus pour l<-ux ;ms . ayant seule Tinitiative des lois el des imp6ls , et ne pouvant ni etre dissoute ui etre environnee de troupes. Le pouvoir executif est confie a un roi hereditaire , in- violable, mais n'agissantque par des ministreset des agens responsables , et n'ayant qu'une garde particuliere de ^ ,200 hommes a pied et 600 a cheval. Le pouvoir judiciaire est remis a de nouveaux tribu- naux; lesjugeset 1'accusateur public lui-meme sont elus a temps : tous , ainsi que les jures, sont completement in- dependans du gouvernement : les justices de paix sont etablies, la cour de cassation est creee. Les communes et les departemens s'administrent eux- memes sous la surveillance de commissaires nommes par le roi. Les administrateurs communaux et departementaux , les officiers de la garde nationale sont electifs. Tous les corps choisissent leurs presidens. Tous les citoyens ages de 25 ans, et payant une contri- bution quelconque d'environ 5 fr., sont gardes nationaux, participent aux elections dans les assemblies primaires, cboisissent des electeurs qu'ils chargent d'elire les depu- tes et les fonctionnaires, et sont eligibles a toutes les fonc- tions publiques. Pour pouvoir etre choisi electeur, il suffit d'etre pro- prietaire, usufruitier ou locataire d'un immeuble payant environ 50 fr. d'impot. Tous les citoyens ont aussi la liberte de publier leurs opinions et de s' assembler paisiblement et sans armes. Enfin, des codes civil et criminel, des etablissemens de secours et de travail pour les pauvres , une instruction primaire gratuite, et des fetes nationales completeront les institutions nouvelles. Apres avoir termine son ouvrage et fait beaucoup de lois organiques , 1'assemblee constituante se dissout le 29 septembre }79*l, fait place a 1'assemblee legislative, et pousse le desinteressement jusqu'a se declarer ineligible pour cette assembler. Telle est en substance la premiere constitution fran- *;aise. Cette constitution a ete preparpe par les cahiers conte- 4C nanl los \ti-u\
  • la nation, ct par tons ics Merits des phi- losophcs el des publicistes , soil etrangers et nationaux , soil anciens et moderncs. Elle a etc discutde avec calmc, maturite ct solennite, pendant deux annees , par les hommos du premier talent, eclaires encore de tonics les lumieres de la presse. Elle a etc votee par unc as- semblee nombreuse, choisie par six millions de citoyens, representant reellement le pays , admirable par son cou rage, son patriotisme, son esprit 3e justice et de ge"nero- site. Resume de 1'experience et de la philosophic du dix-huitieme siecle, expression de la volonte nationale , elle obtient 1'approbation de la France entiere, et merite qu'on s'incline respectueusement devant elle comme de- vant larche sainte oil les generations futures viendront puiser les vrais principes de la liberte. Elle est imparfaite , dit-on ! Mais qu'y a-t-il de par- fait sur la terre? N'est-elle pas cent fois meilleure quc I'ancien regime, et -meme que les constitutions poste- rieures du consulat et de 1' empire , et que les cbartes de ^S^4 et de 4850? Ne peut-elle pas etre revisee plus tard et amelioree? Elle laisse trop peu de puissance au roi ! Mais Tas- semblee , qui renfermait trois cents deputes de la no- blesse et trois cents deputes du clerge", n'a-t-elle pas vouiu donner an monarque tout le pouvoir necessaire au bien du pays? N'a-t-elle pas pense que la constitution lui don- nait, en effet, une autorite suffisante? Et si Louis XVI 1'adopte sincerement 5 si, au lieu de faire lous ses efforts pour la detruire , il les fait pour 1'executer, n'est-il pas evident qu'elle pourra faire le bonheur du peuplo ot la gloire de son chef? Assez puissant pour faire le bicn , il ne Test que trop 'ucore pour faire le mal. Qu'il Tacceptc done , cette constitution , sans arrioro- IM-HSC-O : c'est evidemment son devoir et son interet. Mais, raalhcureuscmenl pour la France ct pour lui, la <-our ne veut aucunc constitution quelconque fondee sur le principe de la sou verainete nationale; et ce prince, trop faiblc et peu loyal , devient son instrument et son com- plice pour arreler et detruire la revolution. Kevennns sur nos pas. 4. Faction conlre - revolutionnaire. Louis XVI a sa tete. Projets de violence. Repas des 4 er et 3 octobre. Journees des 5 et 6. Perfidies, Fein- tes acceptations de la constitution. Parjures. Fuite. Nous avons vu Louis XVI manoeuvre? pour fairc avor ter les elections et les etats-generaux , puis menacer 1'as- semblee au 25 juin 4789, puis appeler ses soldats pour la dissoudre par la force ; nous avons vu ses projets san- guinaires dejoues par le \4 juillet. La centre-revolution forme un autre plan : on feindra de consentir ; on promettra , on acceptepa ; on jurera meme ; mais on emploiera tous les moyens d'acquerir de la confiance et de la popularite ; on se retirera dans une province eloignee , ou sur uu territoire etranger , pour y organiser militairement tous ses partisans ; on appel- lera , s'il est besoin , tous les rois de 1'Europe , et Ton reviendra , avec des baionnettes , retablir violemment le pouvoir absolu ct punir des sujets revoltes. Ainsi la cour et ses partisans , c'est-a-dire alors moins de deux cent mille individus , sc mettent en elat de guerre contre la nation presque entiere. Louis XVI repousse d'abord les premiers decrets con- .slil nl iuniicls , puis les accepte , ou plutot feint dc les ac- cepter , et se prepare a la fuite. On fait venir a Versaille les troupes sur le devoue- ment desquclles on croit pouvoir compter , nolamment les dragons et le regiment de Flandre. Tout est mis en usage pour exalter leur ardeur contre-revolutionnaire. Le \ eT octobre on fait offrir une fete aux officiers par les gardes-du-corps. On met a leur disposition le palais meme du roi , sa grandc salle des spectacles et sa mu- siquc. Les simples soldats y sont admis. Le roi , la reino tenant le dauphin dans bras , y paraissent pour exciter I'enthousiasme. Les tetes sont echauffees par le vin , la musique , les chants et les cris ; Tepee it la main , on boil a la saute dc la famille royale , en blasphemant centre la nation ; on soitne la charge , on foule aux pieds 2 la cocarde tricolore , on escalade les loges pour simuler une attaque centre le peuple , on se'repand en triomphe dans les galeries du palais , et Ton arbore la cocarde blanche" et des rubans distribues par les dames de la cour , prodiguant les felicitations et les applaudisse- raens. Les meme scenes se renouvellent le lenderaain. Mais bient6t tout est connu dans Paris. Le peuple s'en effraie , ou plutdt s'en irrite , s'ameute , se porte en masse a Versaille les 5 et 6 octobre , et ramene la fa- mille royale aux Tuileries , pour etre plus sur qu'elle ne pourra ni conspirer ni s'enfuir. La cour n'en continue pas moins sa conspiration . Dix autres projets d'evasion ou d'enlevement sont encore deconeertes , sans qu'on perde 1'espoir de reussir eufin. En attendant , on dissimule , on ne neglige aucun moyen d'acquerir de la popularity , et , pour mieux in- spirer dc la confiance , on accepte la constitution. Le \4 juillet 4790, anniversaire de la prise de la Bas- tille , au milieu du Champ-de-Mars , en plein air , sur un autel de la patrie , apres une messe celebree, au bruit des instrumens militaires , par Talleyrand , alors eveque d'Autun , assiste de quatre cents pretres , veins de robes blanches , decores de ceintures tricolores flottantes , la representation nationale , des deputes speciaux envoyes Ear quatre-vingl-trois departemens pour contracter , en ;ur nom , une federation fraternelle , des deputes de toutes les armees , la garde nationale et toutes les auto- riles de Paris , en presence de quatre a cinq cent mille spectateurs , lateralement places sur des gradins de ga- zon , pretent serment a cette convention. Louis XVI , a son tour, JURE de 1'observer ; la reine elle-meme , levant le Dauphin dans ses bras , parait s'unir aux sentimens du roi. Quoi de plus solennel et de plus sacre qu'un pareil serment prele a la nation , en face de ses representans et sous 1'invocation du ciel ! Qui pourratt douter de la sincerite du raonarque? Aussi le peuple , toujours confiant et credule, lui prodi- gue les acclamations et les temoignages d'altachement et de respect. La joie et 1'esperance se repandent dans toute la France avec les deputes federes retournant dans leurs departemens. Cependant ce serment solennel n'est qu'un odieux par- jure , et Louis XVI trompe la nation et meme ses mi- nistres : car , tandis qu'il fait signifier officiellement son acceptation a toutes les puissances , il ecrit eland estine- ment , dit le marquis de Ferrieres ( tome 2 , p. 277 ) , une contre-lettre a ses ambassadeurs , pour qu'ils n'ajou- tent aucune foi a ces notifications , et pour qu'ils en pre- viennent les souverains. Le -16 avril 4791 , il ecrit a 1'eveque de Clermont qu'il a toujours regarde son acceptation comme un acte force , et que , s'il vient a recouvrer sa puissance , il est fermement resolu de retablir pleinement le culte catho- lique dont les pretres ont ete assujetis a preter serment comme citoyens. Vainement le due de Larochefoucault-Liancourt lui presente-t-il une adresse au nom du departement de Pa- ris, pour Texhorter a suivre franchement la constitution; Vainement lui dit-il : Sire , on voit avec peine que vous n'ctes servi presque que par des ennemis de la con- stitution , et Ton craint que ces preferences trop ma- nifestes n'indiquent les veritables dispositions de vo- ire cceur. Sire , par une demarche franche , eloignez de vows i) les ennemis de la constitution ; annoncez aux nations etrangeres qu'il s'est fait une glorieuse revolution en France ; que vous 1'avez adoptee ; que vous etes main- tenant le roi d'un peuple libre ; et chargez de cette i) instruction , d'un nouveau genre , des ministres qui H ne soient pas indignes d'une si auguste fonction. Que la nation apprenne que son roi s'est choisi , pour envi- ronner sa personne , les plus fermes appuis de la li- 20 v berte : car aujourd'liui ii n'est pas d'autres verttables n et utiles amis du roi (I). 11 ii'en pcrsiste pas moins a ne s'enlourer quo dc pre- tres , dc nobles et de parens d'emigres , protestant tou- iours de sa sincerite , mais travaillant toujours a prepa- rer sa fuite. II pousse meme la perfidie ( dit le marquis de Fer- rieres , tome 2 , page 504 ) jusqu'a ecrire a 1'assemblee nationale pour se plaindre de ce que les journalistes osent avancer quil a le projet de s'eloigner de Paris; et, peu de jours apres , le 20 juin , il part clandestinement, avec la reine , et se dirige vers le camp de Bouille , a Montmedie , laissant une protestation ecrite de sa main, centre la constitution et la revolution , sous 1'absurde pretexte que son consentement n'a jamais etc libre. Arrete a Varennes par le maitre de poste ; ramene au milieu des gardes nationales des .departemens , qui manifestent leur enthousiasme pour la revolution et la constitution : reiju dans un morne et imposant silence par le peuple de Paris , qui partout avait ecrit sur les murs : Quiconque saluera Louis , sera battu ; quiconque I'insultera , sera pendu ; provisoirement depouille de ses fonclions , menace de la decheance et d'un jugement ; retabli , reconnaissant , apres un long et mur examen , que la constitution reunit 1'assentiment universel , il de- clare 1'accepter librement et volontairement 5 et , le -14 soptembre \ 79^ , dans le sein de 1'assemblee nationale , il jure solennellement une seconde fois de la faire fidelc- ment executer. Mais ce second serment n'cst qu'un nouveau parjure. Le parti de la cour dans I'assemblee ( 290 mcmbres de la noblesse et du clerge ) , d'accord avec lui, vient de protester d'avance centre la constitution ; ses freres et (4) Ce fut Talleyrand qui redigea cette adresse ; du moins il s'en fit un meVite quand il cut ete decrete cf accusation par In Conventii-n nationale, en novembre 4792, comme traitre a la revolution. 21 les princes protestent publiquement centre son aecep- tation , et lui-meme , toujours d'intelligence avec eux , ne s'occupe que des moyens d'annuler son nouveau ser-. ment. Jamais, dit la reine a Dumouriez, en juin 4794 , le roi ni moi ne pourrons souffrir toutes ces nouveautes ni la constitution. (Dumouriez, tome 2 , p. 465. Ferrieres, tome 3. M me Campan, tome 2.) J'entends , dit le roi a M me Cainpan , peu de jours avant le \ aout ; Mandat ( commandant de la garde nationale de Paris ) est un nomme qui defendrait mon palais et ma personne, parce que cela est imprime dans la constitution , et qu'il a jure de la maintenir , mais qui se battrait centre le parti qui veut I'autorite sou- veraine; c'etait bon a savoir d'une maniere positive, je vois ce que je dois attendre de lui. (M me Campan, tome 2, page 255). 5 . Emigration. Sort insolence. Pendant ce temps , les contre-revolutionnaires cmi- grent. Le comte d'Artois (devenu depuis Charles X) a donne Uexemple , aussitot apres le^4 juillet 1789, avec les prince de Condc etde Conti et la famille Polignac. Le due de Bourbon et les tantes du roi partent plus tard. Monsieur, 1'aine de ses freres (devenu depuis Louis XVIII), part le 20 juin ^79^ , avec les pouvoirs de Louis XVI et le titre de regent. Les plus ardens emigrcnt d'eux-memes : on excite les officiers et les soldats a la desertion ; tous les gardes-du-corps passent a 1'etranger ; on envoie des quenouilles aux nobles qui balancent encore dans leurs chateaux ; on menace de degrader ceux qui res- teraient : plus de 20,000 hommes s'organisent militaire- ment a Bruxelles , a Worms , et surtout a Coblentz , s'ap- pellent la France exterieure, insultent leur patrie et la meiiacent dc Tattaquer a main armee pour y etablir I'au- torite sou vcraine. Louis XVI les desavouc publiquement; mais, tout en les redoutant quelquefois, il les approuve 22 en secret , correspond mysterieusement avec eux , les en- courage, autorise et garantit leurs emprunts, leur envoie partie de sa liste civile , et , quand 1'assemblee legislative \eut enfin prendre contre eux et les pretres inassermeutes les mesures necessaires, il refuse d'y donner sa sanction. L'e'migration , s'imaginant d'abord qu'elle suffira pour soumettre les revokes, agit sans deguisement au noni du roi , enrole des troupes etrangeres , et traite avec le princ e de Hohenlohe , qui lui aniene un regiment d'infanterie , et dont le ills sera fait pair et marechal de France apres la restauration. i A moins d'avoir vu les reunions d'emigres a Coblenlz ct dans les Pays-Bas autrichieus , dit Tabbe de Mont- gaillard (tome 3, page 9), il serait impossible de se faire une idee juste de leur legeretc, de leurs bravades, de leurs vociferations contre le nouvel ordre de choses. Des fouets de paste suffiront , disaient-ils , pour cbasser devant nous ces roturiers , ces manans , qui ont pris des epaulettes et des epecs : toute cette canaille se dispersera aussitot que nous aurons passe la frontiere. Nous verrons cette pretendue canaille leur donner de rudes lemons. 6. Appel de I'etmnger. CoaHtion. Projets de demembrement. Mais Immigration et la cour sentant bientot leur insuf- fisancc , implorent Yintervention etraugere, et provoquent la coalition de tous les rois contre la France. Des le mois de septembrc -1790, le baron de Breteuil , ex-ministre, recoil de Louis XVI un pouvoir illimite pour trailer avec les cours etrangeres, proposer et accepter' tous les moyens propres a retablir en Franco I'autorite' royale telle qu'olle oxistait avant Touverture des t-tats-ge- neraux. (Montgaillard , tome 5, page^SO.) Des le 5 deoembre dela meme annee, Louis XVI ecril Ini-memc aux souveniins do Prussr, deRiissie. d'Espa|n<- ot de Suedo, la lottre suivante : 23 LETTRE DE LOUIS XVI AU ROI DE PRUSSE. 3 decembre 4790. Je viens de m'adresser directement a I'imperatrice de Russie, aux rois d'Espagne et de Suede, et je leur presente 1'idee d'un congres des principals puissances de 1'Europe , appuye d'une force armee, comme la meil- leure mesure pour arreter id les factieux , donner les moyens d'etablir un ordre de choses plus desirable et x empeeherque le mal qui nous travaille ne puisse gagner les autres etats de I' Europe. J'espere quc votre ma- jeste approuvera mes idees , et qu'elle me gardera le secret le plus absolu sur la demarche que je fa is aupres d'elle. Elle sentira aisement que les circonstances ou je me trouve m'obligent a la plus grande circonspection. C'est ce qui fait qu'il n'y a que le baron de Breteuil qui soit instruit de mon secret. La reine ecrit a 1'empereur d'Autriche , son f rere , pour lepresser d'intervenir. Celui-ci signe , a Mantoue , le 20 mai \ 794 , avec le comte d'Artois et le comte de Durfort , porteur des pou- voirs de Louis XVI, la promesse secrete de faire entrer eui France , sur la fin de juillet , plus de cent mille hommes , fournispar tous les rois coalises. Le 27 juillet suivant , sur la demande de Monsieur et du comte d'Artois, 1'empereur et le roi de Prusse signent ensemble le fameux traite de PILNITZ, par lequel, au nom de toutes les puissances qui ontgaranti la monarchic fran^aise , ils declarent qu'ils regardent la cause de Louis XFJ comme etant lenr propre cause , et menacent de faire la guerre a la France si Tassemblee ne se dissout pas, sile roin'est pas retabli dans son autorite telle qu'elle etait au 23 juin 4789 , et s'il n'est pas libre de se rendre au milieu de ses allies. Le comte d'Artois (ecrit Marie Christine, archidu- chesse d'Autriche, gouvernante des Pays-Bas, a Marie-An- toinette, sa soeur) , a fait merveilles a Pilnitz ; le roi de Prusse s'y est montre en roi : mil doute que notre frere. 24 (I'empcrcur d'Auli-iche), ne scnlc cnfia la ncccssitc dc courir aux arnies , et de venir etouffcr dans son sein cette revolte dc trois ans appelee revolution. Continuez de votre cdte a agir avec cnergie sur votre FAIBLE EPOUX. Et cc n'cst pas I 1 affection pour Louis XVI qui determine les autres rois et 1'emigration , mais 1'interet de la royaute et de 1' aristocratic. u Si nous ne pouvons arriver a temps pour sauver le roi (dira le roi de Prusse, apres le 40 aout) , marchons pour sauver la royautt 5 remplissons notre devoir en- vers YEurope. ( Baron d'Hardemberg , tome 4 , page 4\ 7, etc.) On ne conceit rien (diront aussi les emigres) aux con- ferences du roi de Prusse avec Dumouriez, a moinsque Ton n'ait le projet de SAUVER LZS JOURS DU ROI DE FRANCE et dcnoussacrifier Alors adieu la noblesse, leclerge H et les proprietes. (Le memo , page 478. ) Les rois sont determines encore par leur ambiticux de- sir d'affaiblir la France et de s'agrandir eux-memes en la dcmembrant, comme on va levoir par le traite de Pavie. Extrait d'un traite conclu et signe it PAVIE , en juillet \79\ . L'empereur reprendra tout ceque Louis XIV avail con- quis sur les Pays-Bos autrichiens ; joignant ces provinces aux Pays-Bas, il les donuera enecbange a 1'electeur Pala- tin , de sorte que les nouvelles possessions jointes au Pa- latinat porteront le nom de royaume d'Autriche. L'empereur aura a perpetuite la propriete et la posses- sion de la Bavierc, pour faire a Tavenir masse indivi- duelle avec les domaines hereditaires de la maison d'Au- triche. L'arcbiduchessc Marie-Christine sera , avec son neveu 1'archiduc Charles , mise en possession hereditaire du du- ch6 de Lorraine. IS Alsace sera rcstituec a 1'cmpire. L'eveque de Stras- bourg et le chapitre recouvreront leurs privileges , ainsi quc les souvcraius ecclesiastiques dc rAHemagne. 25 Si les cantons suisses accedent a la coalition , on leur proposera d'annexer a la ligne hejvetijjue 1'eveche de Po- rentruy, les gorges de la Franche-Comte et celles du Tyrol, avec les bailliages qui les avoisinent , ainsi que le territoire de Versoy qui coupe le pays de Vaud. Si le roi de Sardaigne souscrit a la coalition , on rendra a la Savoie la Bresse, le Bugey et le pays de Gex, usur- pes sur cette monarchic par la France. Au cas qu'il puisse operer une assez grande diversion , onlui laissera prendre le Dauphine, pour lui appartenir dorenavant commc au plus proche descendant des anciens dauphins. Le roi d'Espagne aura le Roussillon, le Beam et File de Corse, et s'emparera de la partie franchise de Saint- Domingue. L'imperatrice de Russie se charge de faire une inva- sion dans la Pologne, moyennant quoi elle conservera Kaminiok , avec la partie de la Podolie qui confine la Moldavie. L'erapereur contraiadra la Porte a lui ceder Chock- zim, aiusi que les petits forts en Servie et ceux sur 1'Anna. Le roi de Prusse , au moyen de 1'invasion de la Russie en Pologne , fera 1'acquisition de Thorn et de Dantzick , et y joindra un palatinat a Torient des confins de la Si- lesie. Le roi de Prusse acquerra en outre la Lusace , et 1'e- lecteur de Saxe recevra en echange le reste de la Po- logne , pour en occuper le trone comme roi hereditaire. Le roi actuel de Pologne abdiquera le trone moyennant une pension convenable. L'electeur de Saxe donnera sa fille en mariage au prince puine , le grand-due de toutes les Russies , qui sera souchc des rois hereditaires de Pologne et de Li- thuanie. Signe LEOPOLD, etc. Le traite de Berlin ( fevrier ^ 792 ) et mille autres cif- constanccs ne laissent aucun doute sur le projet des puis- sances de partager la France , comme elles partageront la Pologne. (Montgaillard, t. 5, pages 58, 55 et 265. -*- Comte de Maistrc. I 26 Plusieurs fois des cartes ont etc dressees, represen- lant la France demvnbree. Aussi Louis XVI ne se resout-il qu'eu tremblant a re- clamer les secours etrangers, et meme a accepter ceux de 1'emigration , redoutant a la fois 1'ambition et la perfi- die de ses allies, de ses freres et de sa noblesse emigree. Neanmoins , il s'expose a tout , plutot que d'adopter sincerement la revolution et la constitution. 7. Manoeuvres et machiavelisme de la faction. Trahison. Moderes et jacobins. Guerre. 20 juin , invasion des Tuileries par le peuple. Mais, pendant quaFemigration et 1'etrangcr se prepa- rent au dehors, que fait-on a Tinterieur? La cour et les pretres prechent partout la resistance, ia guerre civile, la desertion, 1'emigration, les complots et les tra bisons. Talon, Rivarol, Chambonas, Bertrand de Molleville et d'autres proposent divers plans contenant un infernal systeme de ruse, de perfidie, de corruption et de macliiavelisme; on les adopte; on s'efforce d'empe- cher toute organisation , de jcter partout 1'incertitude , la defiance, la crainte, la division et le chaos; on cherche a faire peur aux faibles en leur disant : Soyez sages, ou I'etranger viendra; et c'est la cour elle-meme; c'est Te- migration , c'est aussi L'ETRANGER qui poussent a 1'anar- chie, a la licence, a tous les desordres et a tous les exces, dans le but de desbonorer la revolution et de lui faire des enneniis interieurs et exlerieurs. C'est Louis XVI qui , sur sa lisle civile, paie des millions pour solder une arraee d'agens de toute espece ( plus de \ ,500 ) , non-seulement des espions, mais des motionnaires qui , dans tous les licux publics, font les propositions les plus violentes , et
  • orate nrs qui les appuient et les developpent, et des applaudisseurs qui les applaudissent pour les faire adopter. Son ministre do la marine, Bertrand de Molleville, orga- nise, de son consentement , une bande de plus de 250 ap- plaudisseurs cbarges d'assistcr aux seances de Fassemblee nationale, d'y applaudir les ministres et les orateurs roya- 27 Hstes, et Les rois sont, dans I'ordre moral, ce que les monstres i) sont dans I'ordre pbysique; les courssont Tatelier du crime , le foyer de la corruption. . . ; 1'histoire des rois est le martyrologe des nations... Plus dc roi, plus de rour? Et rassemblec se leve spontanement tout entiere; la royaute est abolie , les Bourbons sont dechus , et la Re- publique (mitraillec le 47juillet 4794, au Champ-de- Mcirs, dans la personne de ceux qui la demandaicnt apres la fuite dc Varennes), la Rcpublique est -wuinimement proclamee par acclamation. On va done fa ire une conslilution irjniblicaine. En at- tendant, on declare qu'aucune constitution nc peut etre legitimc qu'autant qu'clle esl soumisc a TACCJEPTATION du people et fornielloinciit acceptee par luk Tous Ics soupcons conlro Louis XVI sont desonnais 35 changes en certitude. On a saisi soit dans la famous. 1 ar- moire de fer ( construite aux Tuileries par ordre de Louis XVI , dans un corridor interieur de son apparte- ment , et parfaitement imperceptible , decouverte sur la denonciation du serrurier qui 1'a faite , et qui seul en a connaissance ) , soit dans les bureaux de la liste civile , soit ai Hours, une immense quantite de pieces qui reve- lent ses longues perfidies, son machiavelisme et ses tra- hisons. Le girondin Holland , ministre de I 1 interieur , fait UH rapport sur ces pieces : EUes sont enfin trouvees , dit-il , ces preuves que re- clamaient avec tant d'affectation des hommes faibles ou complices , et de Texistence desquelles les ardens amis de la patrie avaient eu 1'heureux courage de ne jamais douter. II ne s'agit plus seulement de soupc/ms ni de defiances. Des pieces ecrites, arrachees de ces archives du crime, vont enfin apprendre a Tunivers entier ce qu'il devait penser de ces reclamations affec- tees de la constitution et des lois, dc ces sermens si cornplaisamment repetes, de ces temoignages hypo- crites d'affection pour le peuple, a 1'abri desquels on soudoyait des assassins, on payait des pamplets, on i) decriait les assignats, on subornait des regimens, on dispersait nos armees, on oumaii nos frontieres, oil ii preparait enfin le ravage de nos proprietes , le massa- ere de nos families, la mine de la liberte et les espc- ranees de 1'bumanite entiere Quc dirait done Holland , s'il avait trouve le porte- feuille retird de cette armoire par le roi , apres 1'invasion de son palais Ie20juin, et remis par lui a madame Campan , contenant sa correspondance secrete avec les princes , notamment vingt lettres de Monsieur , dix-huit ou dix-neuf du comte d' Artois , un grand nombre d'au- tres ecrites par Montmorin , Alexandre de Lameth , Mi- rabeau, des ministres, des ambassadeurs , etc., pieces qui, dit la reine, seraient les plus funestes pour le roi, '.i si on allait jusqu'a lui faire son proces (M rae Can'- pan, tome 2, page 219)? Que dirait-il encore, s'il savait tous les avetu que fe- mill plus lard unc foulo d'ecri\ains royalistcs , a qui lours fonrtionsdonnent 1'occasion dc connaitre toute la verite : leministro Bertram! de Molleville, IccomtedeMaistrc, le marquis il paraissait d'ailleurs interesse au succes du voyage : la sociele defera a ses voaux. A peine en pleine raer, il prit un chemin contraire a celui qu'il devait suivre : on lui fit des representations 5 il les meprisa. B Jen tot > un corsaire se presente , el le combal s' engage ; mais les mamfiuvres du capilaine ne lendenl qu'a rendrc infruclueuse la vigoureuse defense des voyageurs. Alors ceux-ci s'emparenl du gouvernail , mellenl en fuite le corsaire , se saisissent de la personne du capi- laine , el Irouvenl dans ses papiers les preuves de sa > Irahison... La non-responsabilile , 1'inviolabilite stipu- lee en faveur de ce perfide pouvaient-elles le souslraire a la peine due a sa deloyaute ? Frangais , dit Oudol en finissant , ce perfide elait partie secrete dans le traite M ilc 1'ilniix : il a conjure votro perle aycx- la cour dc 38 Vionnc ; il a cntrelcnu une armee tontre-revolulion- nairc a Coblentz , avant , pendant et depuis 1'accepta- tion de la constitution. Je conclus a ce quc le traitre >< narigateur Louis XVI soit juge. Toutcs Ics raisons qu'on peut donner sur linviolabi- lite sont presentees avec liberte , force et talent ; mars les raisons contraires Temportent , et 1'assemblee decrete que Louis XVI sera jug^ par la Convention nationale. Personne ne sait quel jugement 1'histoire pourra por- ier un jour sur cette premiere decision ; mais aujour- d'hui , quel homme , quel tribunal , quelle assemblee peut avoir la prevention de mettre son genie au-dessus de celui de la Convention ? Qui peut dire : Elle a corn- mis une erreur ou bien une injustice ? Une commission de vingt-un membres est cbargee de dresser un acte d'accusation enoncjant les fails, les pieces et les preuves. Le40, Robert-Lindet , rapporteur, commence par un historique rapide de la conduite de Louis XVI de- puis le commencement de la revolution. Le \\ , Barbarous lit le projet de 1'acte d'accusation ; ce projet est diseute et arrete. Louis XVI est alors amene a la barre de I'assemble'e. Le president 1'interroge. II nie 1' evidence , meme Texis- tence de 1'armoire de fer ; il s'abaisse jusqu'a desavouer son ecriture et sa signature. A minuit , dit Clery , pendant que je deshabillai.s Louis XVI , il rne dit : J'etais bien eloigne de penser a toutes les questions qui m'ont etc faites ; et , dans mon embarras, j'ai ete oblige de renier jusqu'a mon tcriture. ( Montgaillard , tome 5 , page 294. ) II demande un defenseur et la communication des pie- ces : on accorde. Target refuse de le defendre ; Tronchet accepte ; Ma- lesherbes s'offre ; Deseze est adjoint. Pendant quinze jours , ces trois defenseurs commuui- quent librement avec lui au Temple : des commissaires de la Convention lui apportent chaque jour lesoriginaux des pieces du proces ; on lui laisse tout le temps neces- saire pour preparer sa defense. 39 Lc 26 , il parait dc nouveau a la Larrc do la Conven- tion , assist*' de ses trois defenseurs. Deseze prononce sa defense , s'explique sur lout , ct parle avec la plus grande liberte et meme avec hardiesse au milieu du plus religieux silence. 11 reconnait , avec les partisans du roi , que la nation a le droit de changer sa constitution , de choisir unc au- tre forme de gouvernement , et dc revoquer les pouvoirs delegues a Louis XVI et a sa dynastic ; mais il pretend qu'il est inviolable, memo innocent, et qu'il ne peut etre ui condainne ni juge. Louis est encore interrogc , ct declare qu'il n'a plus i icu a ajouter a sa defense. L'assemblee ordonne que le memoire dc scs defen- seurs , signe d'eux et de lui , sera imprime ct dans toute la France. La discussion s'ouvre , et dure jusqu'au 7 Janvier : chaquc jour, plusieurs membres prononcent de longs dis- cours , dans lesquels toutes les questions sont librcment discutees. Pcrsonne ne soutient Tinnocence de Taccusd ; bcaucoup le peignent comme le tyran le plus hypocrite , le plus odieux et le plus criminel ; ceux menics qui vou lent le sauver avouent qu'il est coupablc , ct 1'accablent de mepris. Lanjuinais , Tun dc scs plus devoues partisans , Tap- pelle un ci-devant roi, mdprise , hat;... unc Ute desho- norte. (Choix de Rapports , tome \Q , page 554 et 56^ 5 tome \ \ , page 550. ) Citoycns , dit Morison ( le plus ardent defenseur de 1'inviolabilite royale ) , je sens , commc vous , mon > A me penetree de la plus forte indignation , lorsque jc rassemble dans mon esprit les crimes , les perfidies , ii les atrocites dont Louis ATI s'est rendu coupable. I/o premiere de toutes mes reflexions , la plus uatu relic , u sans doutc , est de voir cc monstre sanguinairc e.rpier ses forfaiis dans les cruels tourmens. II les a tons me- rites, je le sais; mais... il est inviolable. Lc 7 , la discussion est ferine' c a I'linaniniitr' , ct 1 i 40 faire est ajouruee jusqu'au 44, jour auquel on arrete les trois questions sur lesquelles I'assemblee doit voter. Le \ 5 , 1'assemblee se declare en permanence , et vote par appel nominal , a haute voix , a la tribune , par oui ou par nort , sur cette premiere question : Louis est-il coupable de trahisoti et d'attentat contre la surete de I'etat ? La Convention a sept cent quarantc-neuf membres. Trente-deux sont absens pour commissions ou conges. Dix refusent de voter , et ce refus prouve que le vote- est parfaitcment libre. Quatorze declarent voter comme legislateurs et non comme juges. Six cent quatre-vingt-treize disent out. Pas un seul ne dit non. Quel tribunal fut jamais plus imposant ! Quel juge- ment fut jamais plus solennel et plus unanime ! Quelle que soil 1' opinion sur les autres questions , la critique ne doit-elle pas se taire devant ce grand , cet immense fait historique. Louis XVI est , a L'UNANIMITE, declare , par la Convention nationale, COUPABLE DE TRA- HISON envers la patrie. On vote sur la deuxieme question. Y aura-t-il recours au peuple ? Treute-deux sont absens. Dix refusent. Deux cent quatre-vingt-trois repondent oui , et quatre cent vingt- quatre, non. II n'y aura done pas de recours ni d' appel. Le 46, au commencement de la seance, on decide que la simple majorite sufGra pour la peine comme pour tous les decrets de 1'assemblee, et Ton vote sur cette troisieme question : Quelle peine sera infligee a Louis ? L'appel nominal dure vmgt-quatre heures. Presque tous les membres motivent leurs votes : en voici quelques-uns : Carnot : La justice et la politique veulent egalement que Louis meure. Jamais devoir ne pesaplus sur mon cceur; je vote la mort. Condorcet : Louis merile la mort 5 mais je ne la vo- > terai jamais pour personne; je vote les fere. Le due d'Orleans : Uniquement occupe de mon de- ') voir, convaincu que tous ceux qui ont attente ou atten- ') teront par la suite a la souverainete du peuple meritent la mort, je vote la mort. Quelque conciencieux et courageux roeme que soil ce vote , Tassemblee ne 1'entend qu'avec une douloureusc surprise , tant le sentiment des convenances a de force sur elle. Lanjuinais : Comme horame, je voterais la mort de Louis; mais, comme legislateur, je vote la reclusion jusqu'a la paix, puis le bannissement et la mort en cos d' 'infraction. Les (jitondins Vergniaud , Guadet , Gensonne , etc., votent la mort. David la vote aussi ; et cependant, Tun de ses collegues lui demandant comment il doit voter : Puisque t\t doutes, lui repond-il, absous. Avant le depouillement du scrutin, le bruit circule que la majorite pour la mort n'est que de deux voix. Plusieurs partisans du roi volent chez M. Duchastel , malade, et 1'amenent. II se presente au pied de la tribune , la tete enveloppee , demande a voter, et annonce qu'il votera pour le bannissement. L'appel nominal etant clos , son vole comptera-t-il ? Si Ducbastel eut vote la mort , dit Garreau ( qui 1'a votee lui-meme), je reclamerais la radiation de son suf- frage ; mais U a vote pour 1'indulgenee, et je demande que son vote soil compte. Gette proposition est adoptee; et cependant le resultat du scrutin est encore incertain, et ce vote pourrait sauver Faccuse. VOICI LE RESULTAT DTJ VOTE. L'assemblee se compose de . . . . 749 raembres. Absens par commission - par maladie 7 sans cause et censure. . . \ Refusant de voter 5 Volans . 42 Pour les fers Pour la detention ou Ic bannisse- rnent ; quelques-uns ajoutent la peine ilf mort conditionnelle si le territoire est envalii. . . . . 286V 55-1 Pour la mort avec sursis , soil apres 1'expulsion des Bourbons, soil a la |i.-ii\ . soil a la ratification de la constitution -'id Pour la mort 564 \ Pour la mort , en demandant une discussion sur Ic point de savoir s'il conviendrait ou non a 1'inte- v 387 ret public qu'elie iut ou non dif- \ feree , et en declarant leur vote independant de cette demande. 20 Ainsi pour la mort sans condition. 387 \ Pour la detention , les fers ou la 724 mort conditionnelle 334 J Absens ou refusans 28 749 Le president declare que Louis est condamne a mort. Les trois defenseurs sont introduits, et lisent une let- tre de Louis , par laquelle il demande Tappel au peuple. lls demandent aussi le rapport du decret pris a com- mencement de la seance sur la majorite necessaire pour la peine. On les ecoute encore ! Malesherbes prononce quelques paroles entrecoupees dc sanglots : la douleur de ce vertueux et venerable vieillard emeut Tassemblee; et, quoique le jugement soil prononce, on met sa demande en discussion!!... mais elle est rejetee. Le IS, on renouvelle Tappel nominal pour s'assuror i(iirr ; elle suspend encore sa constitution repubKcaine et demo- cratique de 4795, qu'elle vient de faire , et maintient le gouvernement dictatorial jusqu'a la paix. Le comite de salut public cree par elle .npres la tra- bison de Dumouriez , exerce en son nom la dictature. Les tvpiV'siMitans des 44,000 municipalites de France, venus a Paris pour apporter Tacceptation de la constitu- lion nouvelle , demandent Yarrestation des suspects et la Oui , s 1 eerie Dan ton , c'esi a coups de canou qu'il > faut signifier la constitution a nos ennemis. Oui , dit Barrere . la republique n'etant plus qu'une grande rille assiegee, il faut que la France ne soit plus qu'un vaste cam)). Oui , dit la Convention . nous ne trailcron* jama is 49 avec I'etranger , dout le pied souillera le territoire francais. Cependant on manque de tout , de canons , de voitu- res , de fusils , de poudre , etc. , et 1'on manque aussi de cuivre , de fer , de soufre , de salpetre pour en faire , de'machines et d'ouvriers pour en fabriquer : c'est la sur- tout ce qui donne aux emigres et aux etrangers la convic- tion de leur triomphe. Mais quels sont les prodiges que ne puissc enfanter I'amour de la liberte et de la patrie ? La France n'est plus qu'un immense atelier militaire, oil Prieur de la Cdte-d'Or appclle les sciences et les arts pour transformer les cloches en canon , les grilles des chateaux en fusils et en piques , la terre de nos caves en salpetre, etc Partout on fait des armes en chantant la Marseillaise. Tous les citoyens sont ouvriers ou soldats ; hommes , femmes , enfans , vieillards concourent a la defense commune : quatorze armees , organisees et dirigees par le genie de Carnot , sont alimentees , equipees , entrete- nues par les ass'ujnats, les requisitions et le maximum ; -1,200,000 guerriers volent aux frontieres, au cri su- blime de Vivre libres ou nwurir ! Rien ne resiste a la Convention inspiree par son intre- pide comite de salut public , et s'appuyant sur les so- rietes populaires et sur le peuple qu'elle solde et qu'elle interesse a la defense du pays : les conspirateurs sont li- vres aux tribunaux revolutionnaires . les suspects sont emprisonncs , les contre-revolutionnaires sont com primes par la terreur, les insurrections girondines sont etouf- fees , Lyon est repris aux royalistes et Toulon aux An- glais , les Vendeens sont presque anneantis 5 Tetranger , battu sur tous les points , est poursuivi jusque sur son propre territoire r -et la France est une second* fois mira- culeusement sauvee. Mais le tribunal revolutionnaire , qui frappe les en- nenijs de la revolution , decime aussi les patriotes dissi- dens. Avec ia reine perissent . en ottobre -1795. le due 4 "iO d'0rk>ans ( compromis surtout par la trahison de Dumou- riez ct la fuitc de son fils ) et les vingt-deux girondins arretes apres le 5^ mai : d'autres girondins perissent ailleurs , et soixante-treize autres , qui ont protest*'- centre leur arrestation , sont omprisonnes. Les montagnards vainqueurs se divisent a leur tour. Les hebertistes sont condamnes comme ultra-revolu- tionnaires et servant IVtranger par leurs exces , tandis que Danton , Camille Desnioulins et deux autres son I executes , en germinal an 2 , comme entravant la mar- che revolutionnaire par un subit et premature retoura la legalite. Robespierre lui-meme , 1'idole du jour , le genie de la terreur, soupc_onnc d'aspirer seul a la dictature , est at- taquc , le 9 thei-midor an 2 ( 27 juillet 1794 ) , par les restes des girondins et des dantonistcs irriti'S , et meme par les montagnards et les moderes , menaces dans leur existence : decrete d'accusation avec son frere, Couthon, Saint Just et quatre de ses amis , arrete , delivre par la commune insurgee , mais abandonn^ par le peuple et vaincu , il perit sur 1'ecbafaud revolutionnaire avec une foule de ses partisans , entrainant, dit-il , la republique tlans son tombeau. La finit la terreur revolutionnaire. Mais la commence la terreur moderee , remplaoee bientot par la terreur royaliste ; la oommencent des reactions plus sanglaiites peut-etre que la revolution olle- meme. Sous pretcxte de justice, le parti thermidorion ou des moderes, a qui la desunion des montaguards a subitc- ment donne la victoire , va s'abandonner a la vengeance, en s'appuyant sur les sections de Paris , composees prin- cipalement de bourgeois et de marchands, et sur la jeu- nesse doree-, composee principalement de royalistes. Tandis que soixante-douze membres de la commune ou de son parti sont executes , que les ardens patriotos sont poursuivis sous le nom de terroristes , et que lo club des jacobins et les societes populaires sont fermccs, les girondins sonl rappeles , les decrets contre les nobles et les pretres sont rapportes , Tagiotage est triumphant Mais la disette et la misere , augmentees par le mono- pole et les accaparemens , reduisent le peuple au deses- poir : il s'insurge centre la Convention le 42 germinal an 5. Envahie par les insurges , elle est degagee par les sec- tions. Quatre membres de 1'ancien eomite de salut public sent deportes , et dix-sept montagnards sont emprisonnes au chateau de Ham. Le \ er prairial suivant , le peuple s'insurge de nou- veau et demande du pain et la constitution de -1795. Encore envahie , la Convention est encore delivree par les sections, et vingt-huit deputes de la gauche sont en- core arretes. Le lendemain ramene une insurrection plus terrible : mais on negocie , on amuse et Ton trompe les insurges par de fallacieuses promesses ; ils se retirent , et cepen- dant six deputes de la gauche sont livres a une commis- sion militaire qui les condamne a mort. Les faubourgs , prives de leurs chefs , sont desarmes par les sections, comme les jacobins ont etc expulses par la jeunesse doree; et le peuple, dont le courage est im- puissant quand il n'est pas dirige , se trouve pour bien long-temps vaincu. Les girondins , au contraire , les bourgeois et les mar- chands sont triomphans. Mais les royalistes , que les moderes ont admis dans leurs rangs, s'emparent alors du mouvement; la reac- tion devient contre-revolutionnaire ; et la terreur roya- liste de 4795 (dont les detracteurs de la revolution ont la mauvaise foi de ne iamais parler) vient effacer celle de4795. Les journalistes donnent partout 1'impulsion : Les royalistes et les moderes sont seuls les honnttes gens; les terroristes sont des brigands qu'on peut tuer en toute surete de conscience ; tous les patriotes sont des jacobins et des terroristes. Dans le midi surtout , les compagnies de J&us et du Soleil leur font la chasse en chantant le Reveil dupeupU, et les massacreut dans les rues ou les egorgent dans les prisons qu'on en a rem- plies. 52 Les chouans veulent les imiter en Bretagne ; ot quinzc cents emigres , croyant le succes desormais certain , de- barquent a Quiberon avec soixanle mille fusils anglais , pour insurger de nouveau la Bretagne et la Vendee j mais cette troupe et quinze cents chouans qui se reunis- sent a elle sont extermines par les soldats republicains. C'est alors que la Convention , dont la majorite reste toujours attacbee a la republique , voulant faire cesser le gouvernement revolutionnaire , fait sa constitution repu- bhcaine do Tan 5. Les royalistes ne la repoussent pas absolument, parce qu'ils esperent qu'elle leur permettra de s'emparer des elections et de faire la con tre-re volution par la represen- tation nationale. Mais la Convention , qui les devine , decrete que les deux tiers du nouveau corps legislatif seront elus par elle parmi ses membres , et ce decret constitutionnel , repousse a Paris , accepte par la majorite des assemblies primaires , deconcerte les esperances contre-revolution- naires. Les royalistes preparent alors une insurrection contrc la Convention. Les bourgeois et les marchands se laissent tromper et entrainer par eux; trente-deux sect ions , sur quarante- liuit, s'arment pour Tinsurrection. Et le \3 vendemiaire, quarante mille hommes, a la tcte desquelsparaissentsubitementdesgeueraux vendeens et royalistes , marchent contre la Convention assemblee auxTuileries, tandis que Picbegru traitc avec le prince de Conde, se fait battre volontairement a Heildeberg, et trahit a la fois ses soldats et sa patrie. Lanjuinais, Boissy-d'Anglas et la droite proposent de traiter avec les insurges. Defendue seulementpar le bataillon despatriotesde 89, la Convention court les plus grands perils, et ses membres sont rt-tluits a prendre le fusil pour de'fendre leur vie. Mais Bonaparte, cbarge de repousser 1'atlaque, mi- traille et disperse les assiegeans : la section des Filles- Saint-Thomas est desarmee; les deux tiers du nouveau rorps Iqjislah'f sont elus par la Convention, Tatdre tiers 55 st flu sous 1'influence royaliste; le Directoire est com- pose ; une amnistie generale est proclamee ; la peine de mart est abolie a la paix generale ; la place de la Revolu- tion prend le nom de place de la Concorde; et le 4 bru- maire an 4 (26 octobre -1795), la Convention declare sa session terminee. Alors seulement commence le gouvernemmt legal et republicain : car 93 n'est pas la republique , raais la guerre; et pendant toute la duree de cette orageuse epo- que, ce n'est pas de liberte ni destitutions qu'il s'agit, mais de combat, de defense, de vie ou de mort pour la nation. Telle est la dictature, ou plutot tel est le commande- ment militaire de la Convention qui , tout en se battant , a fonde d'admirables institutions, notamment Ylnstitut et Yecole polytechnique , sur la proposition et le plan de Prieur de la Cote-d'Or. Ses mesures ont ete severes contre les emigr.es, les no- bles , les pretres rebelles , les contre-revolutionnaires , et ineme contre ses simples adversaires qui compromettaient le pays en entravant sa defense; mais ces mesures qui , dans le detail et ('application , ne pouvaiejit, comme tou- tes les choses humames, manquer d'entrainer des exces et des abus, n'etaient-elles pas generalement indispensables? N'ont-elles pas prevenu les catamites bien plus grandes de la centre-revolution, calamites que Napoleon lui-meme n'evitera pas en.ne s'appuyant que sur une armee impe- riale? En un mot, ces mesures n'ont-elles pas sauve la France? Voila la question. Eh bien ! ecoutons un ecrivaiu dont le royalisme et la moderation ne peuvent etre suspects, le comte de Maistre. "Comment, dit-il, resister a la coalition? Par quel moyen surnaturel briser 1'effort de 1'Europe conjuree? ) Le genie dc Robespierre pouvait seul operer ce prodige. . . et fut le seul moyen de sauver la France. Le mouvoment revolutionnaire une fois elabli , dit-il B ailleurs, la France et la monarchic ne pouvaient etre < 54 sauvees que par le jacobinisme... iNos ueveux , qui s'embarrasseront tres peu de nos souffrances, et qui dan- seront sur nos tombeaux , riront de notre ignorance ac- tuellc : ils se consoleront aisement des exces que nous avons vus , et qui auront conserve Vintegralite du plus beau royaume. ( Mignet. Tome ses malheurs. 55 Des -1789, dit M. de Rivarol (pages 121 et 422), cette noblesse etait partagee. Celle de la cour et de Paris , odieuse depuis long-temps par 1'agiotage de 1'ar- gent et le monopole de la faveur, fut d'abord aban- donnee par la noblesse des provinces, et bientot, s'a- bandonnant elle-meme , elle n'a su que fuir et sau,ver son or. Au contra re, les nobles provinciaux et les x bourgeois se sont montres magnifiques , et le petit peu- n pie courageux; de sorte que, dans cette grande revo- '. lution, les vainqueurs, tout atroces qu'ils sont, ont i inerite leurs succes, et les vaincusleurinfortune. S'opposer a la revolution n'etait-ce pas , en effet , s'op- poser a rinteret public, a la volonte national* 1 ? N'etait-ce pas vouloir perpetuer tous les privileges , les abus , la feo- dalite , le despotisme et Toppression? JN'etait-ce pas evi- demment une monstrueuse injustice? Et les raoyens? Furent-ils inoins criminels que le but? La perfldie, le parjure, la trahison, les conspirations , la provocation a la licence et a Tanarchie dans Tespoir de deshonorer la revolution , la violence , la guerre civile , Tappel des armees ^trangeres Appelerl'etranger centre sa patrie! lui faire une guerre parricide et sacrilege ! Attirer sur son pays 1'invasion , I'incendie, le pillage, leviol, les massacres , 1'asservisse- ment ! ! ! Ah ! que de mal les contre-revolutionnaires auraient fait a la France , si la victoire cut alors completement fa- vorise leurs projets de vengeance! Les emigres, dit Tabbe Montgaillard (tome o, p. 9), ne parlaient que de vengeances , de confiscations , de supplices : il iaudra pendre tous ceux qui se sont pro- nonces en faveur de la constitution, et rouer vifs tous les scelerats qui ont prete le serment du Jeu-de-Paume et vote 1'abolition de la noblesse et des droits feodaux : point de pardon , point d'indulgence ; des potenc es et des cackots, c'est ainsi qu'il faut gouverner. Aussi , pendant leur courte invasion en 1 792 , quelles oi'uautes n ont-ils pas exercees? \o\ez : Plainte des inaire et cure de Voncq, deparlement des Udennes, a la Comention : Le 24 seplembre, le ci- 56 devant uiarerhal de Broglie, commaudant le corps des Emigres, fait une requisition de pain, fourrage, etc., sous peine d'execution uiilitaire. Refus. Les emigres mettent le feu au village; 200 maisons sont en flammes ; ils empechent une mere d'entrer chez elle pour en tirer trois de ses enfans qui y perissent. Plusieurs habitans sont tues; dix-huit sont garottes et emmenes a la queue des ohevaux; les autres out pris lafuite. (Seance du oOsep- En quittant le pays qu'ils venaient de ravager, les emigres en ont empoisonne les eaux en jetant dans les puits , les fontaines et les ruisseaux les cadavres de leurs chevaux. (Bulletin de la Convention nationale du 5 oc- tobre -1792.) Les commissaires envoyes aux armees ecrivent : De toutes parts nous recevons des plaintes de nos habitans des campagnes. Tous s'accordent a dire que les emigres ont etc envers eux les plus inhumains des homines. Ils ont enleve les vases sacres partout ; ils ont detruit et ra- vage tout ce qu'ils n'ont pu emporter. ( Bulletin du 9 oe- tobre 4792.) Les emigres , dit M. de Montgaillard (tome 5, page 249), pillent, incendient, egorgent des habitans desar- mes, et dont tout le crime est de vouloir de'fendre leurs foyers. Voyez encore comment les jugent Boissy-d'Auglas et cle Pontecoulant, deux des heros du moderantisme : BOISSY-D'ANGLAS. Ccs laches et foroces emigres soudoyes par FAngleterre , qui oseut violer notre terri- toire , ou qui s'introduisent parmi nous a la faveur dc notre clemence, viennent aiguiser jusque sous nos yeux les poignards dont ils veulent nous frapper. Ceux-la sont nosennemis irreconciables ; rien ne pourra les con- vertir. Ils ne veulent que notre destruction ; ils ne res- pirent que vengeance ; ils ne meditent que la mine et le demembrement de la patrie. Le coup qui vient rfe les frapper ( a Quiberon ) doit les aneantir a jamais. De nouvelles forces seront employees, et vous nc souffrirez pasquel'interieur de la republique soit plus long-terops 57 de'sh'onore par la presence de ces traHres. (Monileur. Seance du 6 lloreal an in. ) DE POINTECOULANT. Les emigres doivent etre pu- nis de mort, parce qu'ils ont porte les armes contre leur patrie. Leurs biens doiveiit etre confisques, parce qu'ils sont alles susciter contre leur pays une guerre universelle. Et certes il est bien juste que la patrie saisisse dans leurs biens tous les moyens que vous pouvez y trouver d'y repousser leurs attaques , de soutenir cette lutte sanglante qu'ils ont provoquee, et du resultat de laquelle ils attendaient la mine du pa*,* ( Moniteur. Seance du 9 floreal. ) Et quoique les contre-revolutionnaires n'aient pu com- pletement reussir dans leurs horribles projets, que de inal n'ont-ils pas fait a leur patrie? La perte de plusieurs mil- lions de patriotes morts sur les champs de bataille ou dans les guerres civiles, sur les echafauds ou dans les reactions ; la lassitude et Tepuisement de la nation ; la banqueroute et le despotisme militaire qui en seront infailliblement les suites; toutes les plaies de la France, en un mot, ne sont-elles pas leur ouvrage ? Que la faction contre-revolutionnaire cesse done de se plaindre de ce qu'elle a pu souffrir elle-meme? Qu'oa cesse enfin de s'apitoyer sur son sort ! car n'^st-elle pas hypocrite et stupide, cette pitie qui se lamente sur de no- bles infortunes meritees , et qui ii'a pas de larmes a ver- ser sur les calamites qui frappent les armees et les na- tions ? 42. Constitution republicaine de I' an ui.Gouver- nement republicain. Majorite royaliste dans les COK- seils legislatifs. Conspiration royaliste. 48 fruc- tidor an v, coup d'etat du directoire contre les con- seils. Majorite democrate. 50 prairial an vn, coup d'etat des conseils contre le directoire. Cons- piration de Sieyes et Bonaparte. 48fcrumaire au vui ( -1 novembre \ 799 ) , coup d'etat contre la cons- titution. La constitution de 1'an III confie le pouvoir Icgislatif a deux Conseils elus par les citoyens et renouyelables cha- 58 que ;UIIKT par tiers; au Conseil dcs cinq-cents ( compose de 500 deputes ages de trente ans, ayant seul I'initiativu et la discussion des lois) , et au Conseil des anciens (com- pose de 230 deputes ayes de 40 ans, ayant seul le droit de les rejeter ou de les adopter et sanctionner). Tous les citoyens payant une contribution quelconque font partie des assemblies primaires , et choisissent des electeurs qui nomment les deputes aux deux conseils. Tous ceux qui , comme proprietaires , usufruitiers ou locataires, possedent un immeuble payant environ 50 Ir. d'impots, peuvent etre choisis electeurs. Tout citoyen peut etre elu depute , et tout depute ro- <;oit non pas un traitement, mais une indemniU. Les conseils ont leur garde particuliere d'environ \ ,500 hommes elus par les gardes nationaux de tous les departemcns. Us ne peuvent etre dissous par le gouvernement, et ce- lui-ci ne peut meme faire approcher des troupes a moins de douze lieues de leur residence. Le pouvoir extcutif est confie au directoire , compose tie cinq membres elus par les conseils, renouvelable cha- (jue annee par cinquieme, responsable , oblige d'agir par des ministres, ayant une garde de 240 homines, un trai- tement de -10,000 quintaux de froment, et le Luxem- bourg pour demeure , ou le lieu qui leur sera fixe par le conseil des anciens. Les juges , les administrateurs des communes et des departemens , et les officiers de la garde nationale , sont electifs. La constitution peut etre revisee, et le mode de revi- sion est determine. ' Elle doit etre soumise it Y acceptation du peuple dans l<-s assemblies primaires. Elle est acceptee par \ ,057,590 suffrages. La constitution de -1795, qui donnait au peuple une participation directe au gouvernement , etait peut-etre trop democratique pour 1'epoque. r.dlo del'an III, dontDaunou est Tun des auteurs priu- cipaux, moins (lcinocr;iliquc (|ue la preccdenle , aussi li- ln-ralc ot plus popiilaiiv qm- cclle de -1791, parait mieux. 59 concilier les drolls et les interets de toutes Ics classes ur leur general. Harangues aussi par Bonaparle. Irs grenadiers ren- 05 trent, et 1'ofOcier nolifie au conseil 1 orJrede se disperse!*. Jonrdan, general et depute, leur fait eovisager t*?nor- mite de leur attentat , et la troupe hesite; raais de nou- veaux grenadiers arrivent avec le general Leclerc : Au nom de Bonaparte, dit-il, le corps legislatif est dissout; i que les bonscJtoj/ensseretirent: grenadiers, en avant! Le brnit des tambours couvre la voix des legislateurs ; les baionnettes les forcent a sortir; et les cris de Vive fa re- publique! sont une derniere protestation de la represen- tation nationale , violee par la force brutale executant la volonte d'an conspirateur. 45. Usurpation de Bonaparte. 22 frimaire an VIII, constitution consulaire. Despotisme. : Afo- chine infernale. Conspiration de Georges Cadou- dal, etc. 28 floreal an XII (4804), constitution, in> periale. Xouvelle usurpation. .4 nib if ion. Exces. Inrosion. Trahisons royalistes. Talleyrand. 34 mars 4844, coalises a Paris. Decheance de ATa- jwleon. ^lbdicotio. Restauretion des Bourbons Que le peuple est sensible a la gloire ! Qu'il est recon- naissant des services rendus a la patrie ! Qu'il est con- fiant ! mais aussi qu'il est credule et facile a tromper par 1'ambition cachee sous le masque du patriotisme. Le peuple , ebloui par les victoires de Bonaparte , ap- pt audit au 48 brumaire; les bourgeois, les marchands, les moderes y applaudissent aussi dans Tesperance de Torrfre, et les royalistes dans Fespoir de la resfauration - mais les republicaius ardens pleurent a la fois la repu- blique et la liberte. Bonaparte et ses complices vont se partager les places et les traitemens. Talleyrand et Fouche seront deux de ses minislres , et le trahiront plus tard en faveur des Bourbons, La plenitude dupouvoir dictatorial esl provisoirement confiee a une commission consulaire. composee de trois consuls, les trois conspirateurs , Bonaparte, Sieyes et Rqger-Dueos. 5 66 Deux commissions de vingt-cinq membres cliacuue, designes par Bonaparte parmi les conjures des deux on soils, sont chargees de preparcr une nouvelle constitu- tion. Lcs conseils sont ajournes au 4 er vcnt6se, et ne se rnsscmbleront meme plus. Tandis que les consuls abolissent les lois sur Yemprunt force et les otages, et rappellent les pretres proscrits, ils proscrivent les republicans ardens, dont trente-sept sont arbitrairement deportes par eux a Cayenne, et vingt-un mis sous la surveillance de 1'ex-terroriste Fouche; mais 1'indignation publique les force bient6t a revoquer cet acte d'une tyrannic presque incroyable aujourd'hui. Sieves a la bonbomie de croire que Bonaparte adoptera son projet de constitution ; mais le credulc et presomp- tueux legislateur est joue par le ruse Bonaparte , comme, en -ISIS, 1'honnete Carnot sera dupe de la rouerie de Fouche. Rejetant du projet tout ce qui est liberal, Bo- naparte n'en conserve que cc qui peut constituer une ve- ritable dictature masque sous le nom de r&publique, et Sieyes $e tait devanl le dictateur qu'il a pris sur sa res- ponsabilite dc donner a son pays. Cette constitution , pretenduc republicainc , du 22 fri- maire an vm, est le plus audacieux des mensonges. Tout le pouvoir reside dans les mains d'un premier consul nomme pour dix ans et indefiniment rceligible; les deux autres consuls n'ont que voix consultative. Bonaparte est premier consul, Cambaceres et Lebrun sont les deux autres. Sieyes et Roger-Ducos seront sena- tcurs. Un conseil d'etat, nomme et revocable par le premier consul, prepare les projets de lois et fait des reglemens d'administration publique. Un tribunal compose de cent membres , nommes pour cinq ans, donne son avis; mais on le supprimera bien- t6t. Un corps Icgislatif compose de trois cents membres , nommes pour cinq ans, vote sans discussion. Un senitt SECRET compose de quatre-vingt membres, G7 nommes a vie, doit veiller a la conservation de la consti- tution; mais il la detruira. Le premier consul a 500,000 IV. de traitement, les senateurs 25,000, les tribuns 45,000, les legislateurs \ 0,000. Les citoyens n'ont plus aucun droit d'election : ils nc sont plus appeles qu'a rediger, tous !es trois ans , des lis- tes contenant des candidats on grand norabre , parmi les- quels le gouvernement cboisira les fonctionnaires pu- blics. Tous les nouveaux fonctionnaires nommes arbitraire- ment par Bonaparte avant la constitution feront neces- sairement partie des premieres listes , et par consequent pourront etre conserves par lui , en sorte que les listes sont memo illusoires dans le principe. Trente-un senateurs sont d'abord nommes par Sieves , Roger-Ducos , Cambaceres et Lebrun , et ces trente-un nomment les autres, c'est-a-dire que Bonaparte nomme le senat : les tribuns et les legislateurs sont ensuite choisis par le senat, c'est-a-dire par Bonaparte encore. Plus de liberte de la presse , plus de responsabilite des fonctionnaires publics, plus d'administrations departe- mentales et municipales , mais des prtfets et des maires flommes par Bonaparte et re vocables par lui. En un mot , Bonaparte nomme tout et dispose de tout : c'est le despotisme LEGALISE ; c'est pis que la monarchie de 1'ancien regime. Ainsi voila une constitution qui n'est plus faite par une representation nationale, mais par quelques conspira- teurs triomphans. Quel changement subit! Quel renver- sement de la revolution ! Quel insolente usurpation ! Cependant soumise a 1'acceptation d'un peuple, qui ne voit que Bonaparte dans cette constitution , on proclamo qu'elle est acceptee par 3,-HO,007 votans; mais ou en est la preuve? Ce n'est pas dans les assemblies primaires qu'on exprime son vote ; c'est chez les prefets , les maires , les greffiers et les notaires , sur des registres ou rien n'est plus facile que la fraude ; et le recensement des suffrages n'est fait que par le conspirateur Lucien Bonaparte, mi- nistre de 1'interieur, qui ne reconnait comme bons Fran- rais que ceux qui ont vole pour son frere. 68 La {{uriTo continue ; mais tv nV.sl plus pour la p.ili i. ct la liberty qu'elle >a so fa ire ; Bonaparte ne parle plus iiue d'/ioinieur , coninie font les monarques. Sa nouvelle campagne d'ltalie , sa victoire de Ma- rengo , ct son relour , presque miraculeux , a Paris , seize jours apres son depart , excitent un enthousiasme universel. 11 rappelle alors tous les proscrits , en emploie memc quelques-uns , et acheve presque entierement la pacifica- tion de la Bretagne et de la Vendee. Cependant quelques cbouans refugies en Angleterre imaginent la machine infernale , a laquelle Saint-Regent met le feu , le 3 nivose an vni ; Bonaparte n'echappc que par une espece de miracle. C'est aux democrates qu'il attribue ce complot ; vainc- ment lui dit-on que les royalistes seuls sont capables d'une pareille atrocite : son antipathic centre les pa- triotes estsi prononcee qu'il s'obstine a les accuser seuls, et ce sont eux que son servile senat frappe aveuglement : cent trcnte sont deportes par un senatus-consulte , viola- teur de la constitution ; et quand ensuite on decouvre que les coupables sont des cbouans , des tribunaux mili- taires speciaux sont inconstitutionnellement crees pour les condamner a mort ; mais ils ont deja fait perir plu- sieurs patriotes innocens ! Cette baine contre les patriotes , ces vengeances , ces inronstitutionnalites , et I'envoi a Saint-Domingue de quarantc mille hommes , cboisis parmi les republicains , sous prt-texte de conquerir un climat qui doit les devo- rer , excitent quelque irritation. Mais la paix generale qui suit la victoire de Marengo ; la tolerance pour les pretres , une armistice pour tous les emigres , a 1'exception dc mille environ ; les secours donnes a 1'industrie et au commerce ; la construction dc beaucoup de canaux , ports , ponts , routes ; 1'acheve- ment des differents codes ; tous ces avantages matci iris f-mpechent d'apercevoir ou font tolerer les usurpalions politiques. Quant au consul , visant a se faire roi ou bicn empe- 69 reur, pretendaut calornnieusemeot que ies Francois n'ai- inent ni la liberte ni Ytgalite, mais seulement Ies hochets et Ies crachats , exploitant et memo excitant I'egoisme , la vanite , 1'amour des places et de 1'argent , il cherche a s'attacher le clerge par ua concordat avec le pape , et a se faire des seides , en creant une nouvelle noblesse sous le litre de Legion-d'Honneur. Sa monarchic ainsi preparee , il commence par se faire nommer consul pour vingt ans au lieu de dix , par un senatus-consulte du 6 mai 4802. Mais ce n'est pas assez : deux mois apres , Bonaparte daigne soumettre au peuple la question de savoir s'il sera consul a vie ; le senat le remercie de ce qu'il veut bien rendre un hommage eclatant & la souverainete populaire, et il est nomme consul a vie , c'est-a-dire roi. Le 46 thermidor an X , un senatus-consulte , preteudu organi- que , mais reellement aussi destructif de la constitution qu'usurpateur de la souverainete nationale , augmente encore son pouvoir, donne a son senat, c'est-a-dire a lui- meme, le droit de modifier la constitution , et reduit Ies cent tribuns a cinquante , afin de ne conserver que Ies plus dociles , qui , plus tard , seront meme entierement sapprimes. Une troisieme coalition , formee par 1'Angleterre , ayant ramene toutes Ies chances de la guerre , Pichegru et Georges Cadoudal , chef des chouans , tous deux re- tires a Londres , conspirent contre Bonaparte , arrivent secretement a Paris , et s'abouchent avec Moreau , en- traine par sa femme dans la faction royaliste. Arretes au moment d'agir , Pichegru est trouve etrangle dans sa prison , Georges Cadoudal est condamne a mort , Moreau subit deux ans de bannissement , et le due d'Enghien , denonce par Fouche comme chef de ce complot , est , d'apres le conseil de Talleyrand ( dit Montgaillard ) , en- leve sur le territoire badois , amend a Vincennes , imme- diatcment livre a une commission militaire et fusille se- cretement ou plulot assassine quelques heures apres. Colte conspiralion royalislc sert merveilleusement ''ambition de Bonaparte. Des adresses sollicitees arrivent 70 If loutes parls ; on invoque Yinteret du peuple , le be- som d'c\itcr les conspirations et les ambitions rivales ; et le plus adulateur dcs senats supplie presque Napoleon Bonaparte de daigner se faire empereur hereditaire, avec le eonsentement du peuple , pour etre plus sur de conserver la REPUBLIQUE , et pour assurer sans retour le triompbe de la liberte et de Yegalite. Un nouveau senatus-consulte organique du 28 floreal an xii , qui , comme le prece- dent , n'est pas meme soumis a I'acceptation populaire , constilue le plus despotique des empires. Voila done la monarchic restauree , et meme la mo- narchie de Tancien regime : car Napoleon transforme ses freres en princes francais , ses complices en grands digni- taires , ses generaux en marechaux de France , et les tribunaux en parlemens , sous le nom de cours impe- riales, avec leurs premiers presidens, leurs conseillers et leurs procureurs-generaux : il a des palais , une cour , des chambellans et des pages. La flatterie lui prodigue Tencens dans des adresses : le clerge en fait un nouveau Moise , un nouveau Cyrus regnant par Yordre de la Providence ; le pape vient en personne le sacrer en grande pompe a Notre-Dame ; il y porte la couronne , le sceptre ct 1'epee de Charlemagne , et s'y fait introniser et proclamer le ires glorieux et ires a uguste empereur des Francjais , par la grace de Dieu et les constitutions de Tempire. Desormais la nation n'est plus rien, Napoleon est toulj comme Louis XIV, il dit : I'etat, c'est moi. Ce serait un rime a ses yeux de ne pas considerer 1'empereur comme le seul representant du pays , et le corps legislatif comme un simple conseil. Sur le champ de bataille d'Austerlitz , 1'Europe etonnee Tentendra dire : Soldatsje suis content de vous ! II souffrira que , de son vivant , le senat lui donne le litre de Napoleon-le-Grand. Fils ingrat de la revolution , il denigre sa mere : sui- vant lui , cette revolution , si glorieuse , n'a presque rii-n fait ; il ne permet pas qu'on en parle , et que la gu- m-ration Bouvelte , olevee pnr lui dans ses lycees militai- res , puisso la connaitrc , I 1 admirer et 1'aimer ; il detruit 7! saa calendrier republicain , rend aux pretres son Pan- thcon , et reraplace sa legalite par 1'arbitraire , sa liberte par le despotisme , ison egalite par 1'aristocratie , son amour de la patrie par Tamour de Thonneur ou plutot des honneurs , et ses genereux principes par le plus vil egoi'sme et la plus funeste corruption. Le code civil , or- donne par 1'assemblee constituante et prepare par elle , n'est plus que le Code-Napoleon. II transforme en royau- mcs toutes les jeunes repuWiques, son beau-flls en vice-roi d'ltalie, ses freres en rois de Naples, d'Espagne , de Hol- lande et de Westphalie, et ses favoris en princes, dues et barons , auxquels il distribue des fiefs dans toutes les parties de TEurope , et qu'il mele aux princes , dues , comtes , vicomtes et marquis de Tancien regime , encom- brant ses antichambres. Lui-meme se fait roi d'ltalie , mediateur de la confe- deration suisse , protecteur de la confederation du Rhin, et vise peut-etre a se faire empereur ou protecteur dc 1'Europe. Son mariage avec rarchiduchesse d'Autricbe , Marie- Louise ; la naissance de son fils , roi de Rome ; ses rapi- des et merveilleuses victoires d'Austerlitz , d'lena , d'Ey- lau et Friedland , d'Espagne , de Wagram , etc. , etc. ; son entree triomphale dans toutes les capitales du conti- nent; 1'bumilite des rois , des nobles et des pretres pros- ternes a ses pieds ; 1'admiration des peuples ; tout enfin semble favoriser sa gigautesqne ambition. Mais les exces du despotisme perdront le despote. Son dedain pour la nation ; ses guerres continuelles , qui ne paraissent entreprises que dans son interet per- sonnel ; ses conscriptions , qui moissonnent la popula- tion ; ses levees de gardes nationaux , auxquels il promet un exercice salutaire it leur sante ; ses imp6ts , qui finis- sent par etre accablans ; ses droits reunis , accompagnes d'intolerables vexations; son blocus continental, qui ruine le commerce et cause mille privations ; sa deloyaute en- vers 1'Espagne ; riusolence de sa nouvelle noblesse ; la predominance du soldat sur le citoyen ; ses duretos en- vers le pape , qui irritent contre lui 1'armee des pretre et ses devots ; la scrvilite de son senat , de son corps le- 72 ;jislatif el dc son conseil d'etat , qui legalisent louh \oloutes et tolerent tous ses decrets ; rinconslitutionna- lile dc ces ineines decreis , qui creent dos iinpols , dt-s taxes , des peines ( memo de mort ) , des tribunaux ex- crplionnels ct des prisons d'etat 5 son oppression de la prosse pour 1'empecher de dire la verite , et Tabus qu'il en fait pour pubtier des mensonges ; sa baine centre les patfiotes, qu'il appelle dedaigneusement des ideologues; tout finit par exciter centre lui 1'irritation universelle. Et quand les peuples se soulevent au nom de la liberte; quand les Espagiiols et les Russes , imitant 1'energie de la Convention, veulent a tout prix se defend re et ne laissent devant lui que des cendres et des ruines ; quand les cba- leurs de FEspagne et les froids de la Russie devorent sa grande armee; quand des revers aussi grands que ses succes viennent ebranler sa puissance , il ne trouve pres- que plus que dos ennemis irrites centre son despotisme : ses allies tournent leurs armes centre lui sur le champ de ba- taille 5 sa propre famille se joint aux assaillans ; les gene- raux qu'il a gorges d'or et d'honneurs ne veulent plus les risquer pour le defendre; les emigres et les pretres qu'il a favorises conspirent contre lui; le corps. legislatif , long- temps muet et docile , maintenant royaliste , lui demaude r.-ibandon de ses conquetes et le retablissement de la li- berte. La France , si bien defend ue par la Convention , est en- fm envahie , sur la fin de ^ 8^ 5 , par toutes les armees de TEurope , et les souverains coalises s'avancent sur la ca- pitale. Bien differentes du famous manifesto de Brunswick , leurs proclamations ne parlent que de liberte et des droits des peuples. Cependant ce n'est qu'en tremblant qu'ils foulent le sol de la France. Mais c'est en vain que 1'armee, qui ne voit en Napoleon quo la patrie, dcploie la plus heroique valeur, ct vcut vaincreou perir. C'est en vain que lui-meme so surpassc en genie; <'*< n vain quo tous les souverains H lours soldats. t'-i-rasos it Champaubcrt, a Monlniii.iil. a Monterrau, etc., coupes 75 sur lours dfrricres, separes de leurs pares d'arlillc* rie , soul menaces de trouver la leur tombeau. La nation , trop mecontente et trop fatiguee , oublie follement que 1'invasion est le plus grand de tons les fleaux , et se laisse seduire par les trompeuses proclama- tions des rois ; le peuple , dont le despote a toujours rc- doute I'energie et paralyse le patriotisme, reste spccta teur immobile; les royalistes, au contraire, redoublent d'efforts e^ d'intrigues; les bourgeois et les marcbands se laissent encore tromper et entrainer par eux; des ge- neraux et surtout Marmont, des ministres et surtout Clarke due de Feltre, des courtisans anciens et nouvcaux, le servile senat lui-meme , TRAHISSENT leur chef et leur pays. Et c'est principalement TALLEYRAND qui trahit et de- termine les autres traitres; Talleyrand, deja accuse de trahison en novembre -1792, et deja traitre envers la re- publique pour favoriser Bonaparte au 18 brumaire ; Talleyrand, dont 1'oncle, archeveque de Reims, n'a pas quitte les Bourbons ; Talleyrand , que son maitre a fait prince de Benevent, vice-grand-electeur , grand-cbam- bellan et president de son senat! Ce trattre s'est mis en communication avec les cours alli^es; il a nourri leur confiance, anim^ leur fermete, rechauffe leur espoir. Autour de ce diplomate ondoyant se pressent un grand nombre de senateurs, de fonc- tionnaires, de grands capitalistes , de fournisseurs poursuivis en restitution ou menaces , d'acquereurs dc proprietes nationales recherches pour des decomptes. ( Montgaillard, tome 7, page 574.) Pour avoir plus de facilite d'accomplir sa trahison , il excite secretement 1'imperatrice regente a se retirer a Blois; mais, pour ne pas se compromettre envers rem- pereur , qui peut encore etre victorieux , il feint de vou- loir la suivre quand elle part le 29 mars , se fait arreler a la barriere faute d'un passeport (dont il n'a pas voulu se munir), et fait repandre le bruit qu'il s'est oppose an depart de la regente et qu'il a voulu proclamer Napo- leon II. (Ibid., page 585. ) C'est maintenant que la trahison va s'accomplir. _ 74 Pans n't-sl defend u a 1'interieur que par -12,000 gar- Ics nationaux, dont moitie inanquent de fusils dc mu- nitions : le ministre de la guerre en a 20,000 mais il n'en donne pas un ! 50,000 ouvriers pcuvcnt prendre part a sa defense... mais on ne veut pas utiliser lour courage ! On a 2,600 homines d'elitequi peuventetre in liniment nl Mrs... mais on les eloigne, sous pretexte d'accompa- gner Marie-Louise et son fils ! On fait annoncer avec emphase , par les journaux , la construction d'un grand nombrc de redoutes... mais Ton n'en construit pas une ! On manque dc pieces de gros calibre : on en fait venir expres quatre-vingts de Cherbourg; elles sont a Meulan, distant de dix lieues seulemcnt... mais on les y laisse! On n'a que 25,000 soldats pour defendre les dchors : on peut en faire arriver 20,000 autres... mais on ne les ap- pelle pas! Clarke part le 50, sous pretexte de rejoindre Timpera- trice... mais c'est pour desorganiser la defense et masquer en meme temps sa trahison ! . . . Cependant, 6,000 braves gardes nationaux, comman- des par Moncey , dont 1'artillerie est servie par des eleves de 1'Ecole polytechnique et par des invalides, defendent long-temps les hauteurs de Montmartre , attaquees par 180,000 etrangers... L'heroique courage. d'une poignee (jii'ils reconnaitront et garantiront la constitution qut la nation francaise se domiera : il invite le senat a desi- gner uu gouveruement provisoire (\uipreparera /a consti- tution qui convient au peuple /Va/ifais. Tandis que, par une proclamation aux Parisians, Bcllart et le conseil mu- nicipal de Paris demandent Lewis XVIII , leur MA!TRE legitime , le senat , ou plutot la majorite du senat , dirigee par Taleyrand , compose un gouvernement provisoire dont ce traitre se fait nommer president, prononce la de- cheance de Napoleon , qu'il appelle maintenant un lyran , decrele une nouvelle constitution dans laquelle il a la bas- sesse de stipuler la conservation de ses riches dotations personnelles , et rappelle au trone lefrere de Louis XVI. Napoleon , se voyant universellement attaque , genera- lenient abandonne , et trabi par des generaux et par le senat , envoie son abdication et se retire a Tile d'Elbe , dont on lui recommit la souverainete. Les voila done consommees , en 4 8^ 4 , cette trahison , celte invasion et cette restauration que les jacobins si in- juries, mais clairvoyans autant qu'intrepides , surent prevoir et preveiiir en \ 792 , \ 795 et \ 794 ! Comme Napoleon , la Convention n'aurait pu detournei- la catastrophe si , comme lui , elle avail tue le patriolismc. repousse le peuple, et seulement employe 1'armee. Comme la Convention , au coutraire. Napoleon aurail sauv^ le pa>s si, comme elle , il s'etait appuye sur la Fram:e et sur la liberte. DEUXIEME PARTIE, EXCES DE I.A. FACTION CONTRE-REVOLUTIONNAIR PENDANT LA RSTAURATION. PREMIERE RESTAURATION. Conditions stipuUes par le senat. Perfidies des Bour- bons. Usurpation. Charte octroyee, illegitime. Projets contre-recolutionnaires. Juste expulsion. La restau ration des Bourbons est done decidec. Cependant la souverainete nationale est tellement en- raciuee dans les esprits , que le senat , tout lache et ser- vile qu'il est, ne rappelle Tancienne dynastic que sous la condition QU'ELLE ACCEPTERA ET JURERA LA CONSTITU- TION , et sous la condition encore que ce rappel et cettc constitution seront FORMELLEMENT RATIFIES PAR LE PEU- PLE FRANCAIS consulte dans la forme qui sera determinee, et que le roi reiterera son serment dans la SOLENNITE ou il recevra celui des Francois. Ce n'est qu'a ces deux conditions que le corps legislatif adhere a la decheance de 1'empereur et au rappel de 1'an- cienne dynastie royale. Ce n'est aussi qu'a ces deux conditions qu'Alexandre, qui a provoque cette constitution et avec qui elle est con- oertee, consent a laisser les Bourbons entrer apres lui dans Paris. 78 Mais les periides dissimulcnt et carcsscnt d'abord la nation. Le comic d'Artois a Vesoul , le due d'Angouleme a Bordeaux , promcttent la liberte , 1'abolition de la cons- cription et desdroiis-reunis. Le premier prend I'liabit de garde national; il assure que rien nesera change, et que la patrie comptera seule- ment quelques enfans de plus. II entre a Paris, Ie42, sous le titre de lieutenant-general du royaume a lui con- fere par sou frere. Pour lui plaire, Talleyrand substitue, des le lende- main , la cocarde blancbe a la cocarde tricolore , contre I'avis des chefs de la garde nationale. Lc 14, lesenat, reconnaissant son titre de lieutenant- general du royaume , 1'investit du gouvernement provi- soire , en attendant que son frere ait ACCEPTE la charte constitutionnelle , et par consequent toujours sous la con- dition qu'il Vacceptera. Ce lieutenant-general s'empressc de faire, le 23, ce que Napoleon a refuse au congres de Cha tillon , c'est-a- dire d'abandonner aux allies la Belgique et toutes les ac- quisitions territoriales faites depuis le 4 er Janvier 4792. Ce traite et celui du 50 mai enlevent a la France cin- quante-uue places fortes , douze cents bouches a feu , trente-un vaisseaux de baut rang avec douzc fregates , c'est-a-dire une valeur de plus de deux cent soixante millions. Arrive a Compiegne le 28, puis a Saint-Ouen , 3/ow- sieur semble vouloir reparaitre en maitre absolu ; inais Alexandre n'y veut pas consentir; et, le 2 nuii , le futur roi declare que le gouvernement representatif sera main- lenu tel qu'il existe, qu'il adopte les bases de la constitu- tion presentee , et qu'il 1'acceptera apres qu'on aura cor- rig<'- quelques imperfections d'unc REDACTION trop prCci- pitee. Ce n'est qu'alors qu'il entre a Paris , le 5 mai. Hien n'est plus mielleux , ruse et menteur a la fois , que ses proclamations : c'est 1' amour de son peuplc qui I'a rappele , quoiqu'il ait dit au prince regent d Angle- lerre que c'est de lui qu'il tient son tr6ne et sa couronne; )a France entiere gemissait depuis vingt-trois ans de sou 79 absence; c'est on pere quc leciel rcntl enfin aux voeux de ses enfans; c'est un gouvernement paternel qui ramene la liberte, la gloire et le bonheur avcc Tordre et la paix. La plupart des nobles , des pretres , des emigres et des anciens contre-revolutionnaires veulent qu'on rctablisse entitlement 1'ancien regime, les privileges, les parle- mens, le pouvoir absolu. De Villele , membre du conseil-general du departement de la Haute-Garonne , ecrit un long memoire pour que le roi n'accorde ni constitution ni charte. Les vieux generaux de Napoleon , gorges d'or, de litres et d'honneurs , preferent le nouveau maitre qui les ca- resse et leur apporte du repos et la paix. Les liberaux tt Qu'est ce mot liberal , Que des hommes d'un nouv eau calibre Vont fourrant partout bien ou mal? C'est un diminutif de libre. (Pans de ferdun.) Les liberaux , dis-je , aristocrates quasi-patriotes , qui courhaient volontiers la tete sous le joug imperial, la courberout facilement encore sous un joug moins lourd qui leur garantit le triomphe de Faristocratie! Mais les vieux patriotes, quoique refroidis par 1'age, s'indignent et s'alarment , tandis que toute la generation nouvelle jusqu'a trente ou trente-cinq ans, elevee dans 1'ignorance ou la baine de notre revolution j usque la de- figure'e et calomniee , est comme etourdie d'apprendre qu'il existe un comte d'Artois , undue d'Angouleme, une fille de Louis XVI , un due de Berri , des princes de Bourbon et de Conde. Plus tard , la jeunesse , mieux instruite et mieux eclairee, s'elancera dans 1'opposition avec tout 1'enthou- siasme que peut inspirer a des coeurs genereux 1'amour de la patrie et de la liberte : mais aujourd'hui , elle reste surprise et emerveille'e de tant de prodigieuses nou- veautes. Les uns vantent la pretcndue bonte des Bourbons , et s'efforcent d'attendrir sur leurs malheurs : les autres ne peuvent croire que vingt-cinq ans d'exil et d'adversile 80 i .mi on! etc- qu'uno locon inutile, ct que vingl-cinq ans tic triompbes ii'auronl pas consolido la revolution. On esperc la paix et la liberte , ct ce double espoir ne laissc scnlir ni la honte ni le malbeur d'uue restauration ot d'une invasion. Mais Talleyrand et Louis sont deux des nouveaux mi- nistres : par ordre de ce Talleyrand , la cocarde et le drapeau de la revolution ont deja disparu devant la co- carde et le drapeau de Tancieii regime , la constitution presentee par le seuat, sacrifice par ce meme Talley- rand , est maintenant remplacee par une ordonnancc de reformation , par une CHAUTE OCTROYEE et non soumise a 1'acceptation du peuple ; le roi s'intitule Louis XVIII , pretendant que , malgre les decrets de la Convention na- tionale, le jeune fils de Louis XVI a regne de 4795 a 4795 sous le litre de Louis XVII; il se dit roi par la grace de Dieu seulement; il declare que la France etait la ou il residait , qu'il etait roi quoique absent , exile , meme dechu , et que son regne date de dix-neuf ans 5 enfln , dans un preambule aussi menteur qu'insolent , Tabsurde legitimate du droit divin remplace la souverai- neie nationale. N'est-ce pas abuser de la presence des baionnettes etrangeres et violer ses promesses ? N'est-ce pas operer la contre-rcvolution ? N'est-ce pas fletrir la revolution i-omme une revolte , declarer la nation criminelle , la blesscr et Toutrager ? Eh ! qu'importe que le senat et le corps legislatil aient la lachete d'abandonncr la constitution qu'ils \icn- nentdefaire, etdesacrifiercequ'ils regardont cux-moiiu's comme etant les droits , Fbonneur et le repos du pays? Qu'importe que le depute Durbach ( de la Moselle) ait seul proteste centre la Charte , comme le tribun Carnol centre 1' empire ? Dans son discours devant ccs deux corps , le nouveau obancelier reconnait que le premier a de'ydcesse d'exister avec la puissance qui Tavait etabli ^ que le second n'a plus que des pouvoirs incertains et deja expires pour plusieurs series , et que le roi no les a ronsultes qut 1 comme les notables du rovaume. 84 Mais la natioii n'est pas consultee, nc consent a rien, ne revolt et ne donne aucuu serraent : la charte octroyee est done radicalement ilUgitime et nulle; la restauration n'est done que la plus manifesto des USURPATIONS. Encore , si cette charte etait populaire dans ses dispo- sitions ! mais elle n'a etc redigee , par Louis XVIII , que dans 1'interet de la royaute et de 1'aristocratie : me- connaissant tous les droits consacres par la constitution de 4794 , elle meconnait meme ceux que voulait consa- crer le senat dans sa constitution du 6 avril , qui procla- mait la souverainete nationals et la necessite de 1'accep- tation populaire , qui donnait exclusivement au senat et au corps legislatifl' initiative des lois, et au corps legislatif 1'initiative des imp6ts , et qui reconnaissait a tous les corps le droit de nommer leurs presidens. Cette charte ne constitue qu'un simulacre de representation nationale : car il faudra etre age de quarante ans et payer 4 ,000 fr. d'impot pour etre eligible , avoir trente ans et payer 500 francs pour etre electeur , c'est-a-dire que cent mille bourgeois privilegies auront seuls des droits politiques, et que le peuple en masse sera traite comme un ramas d'i- lotes. Du reste , le roi a seul 1'initiative et la sanction des lois ; il nomme seul tous les presidens et tous les fonctionnaires, en s'appuyant sur une chambre despairs, choisie par lui , dont le vote peut paralyser celui de la chambre des deputes. C'est retrograder jusqu'a la seance du 25 juin 4789 , dans laquelle. Louis XVI irnpo- sait le vote par ordres. Cette charte , illegitime et nulle , est done en meme temps illiberale, anti-populaire , oppressive. C'est une deception , un mensonge ! L'ancien regime offrait plus de liberte ! Mieux vaudrait la monarchic franche- absolue ! Cependant, si on veut 1'executer loyalement , 1'espril de liberte a desormais tant de puissance, que la nation trouvera , dans son execution , le moyen de 1'ameliorer , et de reconquerir legaleinent et pacifiquement tous ses droits : elle se resignera peut-etrc a la tolercr et les Bourbons avec elle. G 82 Mais ellc est bientot eludee par les interpretations les plus jesuitiques : Parco que la religion catholiquc est declaree la religion de I'etat, Von interdit le travail a lous les citoyens les jours de fetes et les dimanches ; parce qu'on peut faire des lois pour reprimer les abug de la liberte de la presse , on etablit la censure prealable : reprimer , dit-on , c'est prevenir. D'un aulre cote , toutes les promesses sont violees : non seulement on rend aux emigres leurs biens confis- ques et non vendus , mais on proclame que les emigres seuls ont suivi la ligne droite, et 1'on annonce 1'intention de leur rendre leurs biens vendus $ on anoblit le pere de Georges Cadoudal, anciennement condamne a mort pour avoir tente d'assassiner Bonaparte ; et , sur la proposi- tion du marechal SOULT , on eleve un monument aux Emigres debarques a Quiberon pour attaquer la patrie : en un mot , le roi parait etrc le chef des contre-revolu- tionnaires plutot que le roi des Francois. L'esperance disparait alors : on se rappelle tout le passe , les intrigues , les perfidies , les parjures d'une coupable faction : on demeure convaincu qu'elle n'a rien oublie ni rien appris ; qu'elle est incorrigible , et qu'elle veut , a 1'aide des memes moyens , tenter d'accomplir les memes projets. L'indignation publique va peut-etre eclater ; peut-etre le due d'Orleans va-t-il etre substitue a la branche ainee , quand Napoleon, profitant encore une fois des disposi- tions populaires , apparait sur le rivage de Cannes. C'est Temigration qui fournit elle-meme a ses procla- mations leur foudroyante eloquence , et les transports des soldats et du peuple a son aspect manifestent moins leur enthousiasme pour lui que leur haine centre 1'ancien regime. Vainement , des le 8 mars , dans un ordre du jour a 1'armee , le marechal SOULT , ministre de la guerre , s'e- crie-t-il : Que veut Bonaparte ? Des traitres ? Ou en trouvera-t-il? Nous meprise-t-il assez pour c roi re )) que nous pourrions abandonner un souverain LEGI- TIME et BIEN-AIME , pour partager le sort d'un homme 83 qui n'est plus qu'un aventurier ? Soldais, 1'armee sera fidele ralliez-vous autour de la banniere dcs lys , a la voix de ce pere du peuple , de ce dignc heri- tier des vertus du grand Henri II met a votre tete ce prince ( Charles X ) , MODELE DES CHEVALIERS FRAN- CAIS , dont Yheureux retour dans sa patrie a deja chasse I'usurpateur... Vainement les Bourbons , craignant on ne salt quoi , retirent-ils , peu de jours, apres , leur conflance et le mi- nistere a ce fiddle marechal. Vainement appellent-ils a leur secours des pairs et des deputes qu'ils qualifient de pouvoirs legaux ; vainement invoquent-ils les principes de morale et d'honneur, sur la magnani- mite des puissances alliees , et sur leur respect pour 1'independance de la nation , si positivement exprime dans leurs manifestes; Que le gouvernement de la France , quel qu'en puisse etre le chef, doit reunir les vceux de la nation LEGALEMENT EMIS ;... Qu'un monarque ne peutoffrir des garan ties reelles, s'il ne jure d'observer une CONSTITUTION DELIBEREE par la representation nationale et ACCEPTEE PAR LE PEUPLE ; Qu'ainsi tout gouvernement qui n'aurait d'autres titres que des ACCLAMATIONS et les VOLONTES D'UN PARTI , ou qui ser.ait impose par la force , ou qui n'a- dopterait pas les couleurs nationales , et ne garantirait pas la liberte.... , 1'egalite.... , etc. , etc. , n'aurait )) qu'une existence epliemere, et n'assurerait pas la tran- quill it < de la France ni de 1'Europe. Que si les bases enoncees dans cette declaration ) pouvaient etre raeconnues ou violees , les representans du peuple fran9ais , s'acquittant d'un devoir sacre , i) PROTESTENT d'avance , a la face du monde entier , con- ire la violence et L'USURPATION '; Et qu'ils condent le maintien de ces dispositions a tous les cceurs genereux , a tous les esprits eclaires , a >> tous les hommes jaloux de leur liberte , enfin *aux GE- NERATIONS FUTURES ! Oui , les co3urs genereux repondront un jour a cet appel ! ! Mais les manifestes des rois ne sont que d'horribles im- postures : car ils se sont secretement engages , des le 25 mars , a retablir Louis XVIII. Leurs generaux ne veulent pas meme ecouter nos ple- iripotentiaires , demandant au nom de la France 1'execu- tion de leurs prowesses; ils refusent la paix et toute sus- pension d'armes; et, profltant d'un moment de trouble et jleau dc son pays ! 87 2. Perfidie des allies. Lews exigences. Ldche abandon. Servilite ewers la sainte-alliance. Dans toutes leurs proclamations, les coalises ont solen- nellement proteste" qu'ils n'etaient armes que contre Na- poleon , et qu'ils n'entraient en France que corame allies et amis du peuple frantjais. Mais, pour determiner leurs sujets a les defendre, ils avaient egaleroent promis de leur donner des constitutions et la liberte ; et cependant ils ont viole toutes ces promesses. Prenant desormais la place de Napoleon , ambitieux et despotes comme lui , ils vont se partager les peuples comme de vils troupeaux et vont detruire I'independance des nations vaincues ou trop faibles pour resister. Pourquoi done craindraient-ils de se deshonorer en violant leurs promesses envers la France ? Ils veulent d'abord la PARTAGER , et leur carte est deja dressee. Mais ils trouvent plus utile et moins dangereux d 'ex- ploiter leur conquete, en la repla^ant sous le joug d'un prince qui consent a n'etre que leurprefet et leur commis. Si , par le traite du 26 novembre , ils garantissent le I rone aux Bourbons, c'est uniquement dans 1'interet de la monarchic et de la legitimlte , c'est-a-dire dans leur interet personnel. Ils n'accordent pas , mais ils imposent Inoccupation de la France , pendant cinq annees , par \ 50,000 de leurs soldats , sans permettre a celle-ci d'avoir plus de 22,700 hommes pour la garnison dc vingt-six places fortes. Ces 150,000 soldats seront payes, nourris et entretenus par le gouvernement fran^ais, et seront bien mieux traites que ses propres soldats. Le drap ne- cessaire a leur habillement sera fourni par les Anglais , et les habits seront faits par les ouvriers etrangers. En un mot , les coalises , se transformant subitement en ennemis vainqueurs , exigent tout de la France et des Bourbons , et les Bourbons ont la lachete de tout leur accord er. Ils veulent detruire nos pools d'Austerlilz et d'lena. Ils devastent nos musees , dopouillent nos monumcns 88 publics, onlevent les trophees de nos anciennes victoires, reprennent nos anciennes acquisitions tcrritoriales , et nous condamnent a leur payer deux milliards pour les frais de guerre et la solde de leur armee d'occupation . Sur leur deraande , Louis XVIII licencie 1'armee fran- <;aise. II leur livre nos arsenaux, nos ports, nos forteresses ft nos propres frontieres. II consent a ce que le royaume des Pays-Bas soil creee pour observer la France , et que de nouvelles forteresses y soient construites avec notre argent pour nous menacer continuellement. II fait plus : violant la capitulation de Paris (crime epouvantable ! carou s'arretera Teffusion du sang si les armees , ne pouvant plus se fier aux capitulations , sent reduites a s'exterminer?); violant, dis-je, la capitulation de Paris , il livre a ses allies les tetes de Ney, de Labe- doyere , de Mouton-Duvernet et d'autres generaux judi- eiairement assassines ! Par compensation, le prince allemand de Hohenlohe est nomine pair et marechal de France ! Wellington lui- meme prend la place de Ney ! II figure parmi les mare- chaux de Louis XVIII , qui le decore en outre du collier de Fordre du Saint-Esprit ! Aussi verra-t-on un general anglais pousser 1'insolence jusqu'a dire que la France est une Nabdbie (province) anglaise, que Wellington est maitre de Paris, et que Typpo- $ab (souverain tributaire des Anglais ) est aux Tuileries. Tres humble serviteur de la sainte-alliance , c'est pour obeir a ses ordres , autant que pour satisfaire son besoin de despotisme , qu'il ira plus tard etouffer les revolutions espagnole et portugaise , et replacer 1'Espagne et le Por- tugal sous le joug de deux tyrans sanguinaires ; c'est dans le meme esprit qu'il approuvera 1'oppression des revolu- tions de Naples et de Pie'mont , et qu'il laissera si long- temps ecraser les malheureux Grecs. Quelle humiliation pour la France ! Qu'il n'est que trop vrai ce mot du general Lamarque : La restaura- tion est une halte dans la boue ! Si plus tard on ?nvoie quelqucs sccours a la Grecc , 89 c'est uniquement pour coder a 1'opinion franchise el memo? europeenne. Et si plus tard encore Charles X entreprend la con- quete d'Alger , c'est pour avoir une occasion de combler de faveurs une armee victorieuse , afin d'en faire 1'instru- inciit du coup d'etat qu'il prepare contre la nation et la liberte. 5. Usurpation de tons les pouvoirs par la faction contre - revolutionnaire. Le roi n'est que le chef et 1'instrument de la faction. Protegee par les armees etrangeres, elle ne menage plus rien , agit ouvertement comme un ennemi vainqueur et traite la France comme sa conquete. Par une simple ordonnance , elle fait illegalement un emprunt force de \ 00 millions , sous le titre de requisi- tion de guerre. Par une ordonnance egalement inconstitutionnelle, elle cxpulse arbitrairement vingt-neuf membres de la chambre des pairs. Elle exclut impitoyablement les patriotes de toules les fonctions publiques , et s'empare de tous les pouvoirs. C'est elle qui compose exclusivement la pairie , la chambre des deputes , les tribunaux , le jury , les admi- nistrations municipales et departementales , la garde na- tionale , la garde-du-corps , la garde royale et 1'armee. Elle a d'ailleurs le budget , les ambassades et la sainlc- alliance. Quelle force pour accomplir tous ses desscins ! 4. Vengeances. Sang. Terreur. Nous avons vu ( pages 56 , etc. ) quelles vengeances meditaient les emigres des -1792. Je sais , de science certaine , djsait M. Ferraud ,. ministre d'etat en 48\4 , que Cambaceres et trois au- tres de ses collegues ayant offert leurs services Louis XVIII , en mars ^96 , le roi avait daigne leur 90 -i accorder ties lettres dc grace : son garde des sccaux ayant represcnte au roi quc sa majeste oulrcpassait les > droits de la puissance royale en accordant ces lettres , et qu'il ne croyait pas pouvoir y apposer le grand sceau, le roi lui avait dit : Scellez toujours ; quand jc serai monte sur mon trone , mes parlemens sauront bicn me prouver que j'ai outrepasse , comme vous le dites , les droits de la puissance royale : et les gens auxquels je fais grace seront rompus en place de Greve avec mes lettres de grdce au cou. Dans son ouvrage sur les revolutions , ce meme Fer- rand disait que les fautcurs de la revolution devaient etre ranges en categories , et que les regicides devaient etre ecarteles : venaicnt ensuite les coupables a rompre, a pendre, a envoyer aux galeres ou a exproprier, scion la nature de leur participation aux forfaits ou aux delits de la revolution ; il n'est pas jusqu'aux constitutionnels , aux moderes , contre lesquels il ne decernat une peine , afflictive et infamantel ( Montgaillard , tome 8, pages 88 et 89. ) Mais heureusement les temps sont bien changes : en 4844, il ne pouvait etre question de punir; Alexandra ne 1'aurait pas permis ; et , meme en -1845, il serait im- possible de ressusciter les anciens supplicos : mais a quels exces de colere , couvee depuis si long-temps , la contre- revolution nc va-t-elle pas se porter ! C'est en vain que Louis XVIH reconnait solennelle- ment que son gouvernement a fait des fautes. Des qu'elle a pris position partout , la faction , ingrale envers le peuple , qui pouvait 1'exterminer pendant les ocnt-jours , s'abandonne a la VENGEANCE , et regne par la terreur. On veut faire assassiner Napoleon , comme on a deja (cntc de le faire en 4844 , par 1'intermediaire du mar- quis Maubreuil , qui pretend avoir rec_u de Talleyrand rite odieuse mission. Les mamelucks , form ant un oscadron de la garde im- jieriale , boaucoup d'aulres militaires et beaucoup de ci- toyens , sont offorges a llai-scillo a I'annonce do la ha 91 laillc dc Waterloo , par une populace qu'egarent de prc- tendus royalistes purs. DCS le 24 juillet, le traitre ct I'infame Fouche dresse une liste de trente-huit citoyens , qui resteront provisoi- rement a sa disposition , et de dix-neuf generaux , qui seront livres a des commissions militaires : c'est hii qui proscrit Ney , dont le due de Richelieu fera bientot rou- ler le cadavre a ses pieds , pour s' assurer que le brave des braves n'est plus a craindre pour eux. Les heroiques debris de Waterloo- sont traites de bri- gands. Les patriotes, traites de napoleonistes ou dc jacobins, sont Iraques partout et paursuivis comme des parias. On excite les soldats etrangers a les desarmer, a les maltraiter, a piHer leurs maisons , a violer leurs femmes et leurs filles , a les ruiner. On les fait egorger par des sicaires : les Trestaillons , les Pointu et les Truphemi assassinent publiquement le marechal Brune a Avignon , le general Ramel a Tou- louse , le general Lagarde a Nimes, et des milliers d'au- tres victimes ; et quand d'Argenson voudra defendre a la tribune les protestans assassines , les assassins trouve- ront assez de protecteurs pour faire rappeler a 1'ordre rhumanite courageuse ! Une foule d'autres patriotes sont judiciairement assas- sines par les cours prevotales , les commissions militaires et meme les cours d'assises, toutes composees des hom- ines de la faction triomphante. Apres tant de vengeances et de sang , une insolentc et derisoire loi d'amnistie, du ^ Janvier 4846, dont on veut faire une loi de confiscation et de proscription par categories, fait grace a ceux des sujets qui survivent. Mais elle excepte 4 dix-neuf generaux, qui doivent etre livres a des tribunaux militaires composes d'emigres et de chouans; 2 trente-huit citoyens, que le roi peut ar- bitrairement bannir ou faire juger ; 5 ceux des regici- des qui ont signe 1'acte additionnel ou accepte des fonc- tions pendant les cent-jours, et qui sont exiles pour toujours , au mepris de la charte ; 4 Napoleon et sa fa- millc , qui sont illegalemcnt baiaiis a perpetuitc et d'a- vance condamnes a mort s'ils remcttent le pied sur le 92 lerriloire francos; 5 enfin tous ceux centre lesqucl* on se reserve de faire counmencer des poursuites avant la promulgation de la loi , et le telcgraphe en fera com- inencer centre Travot et beaucoup d'autres. Aux massacres judiciaires et extra-judiciaires suece- dent les insurrections provoquees par la police , et les executions militaires qui versent encore le 1 sang par torrens. Une premiere insurrection eclate aux environs de Gre- noble. Les insurges, c'est le ministre Decazes qui le dit lui-meme , sont trois cents paysans egares , dont le tiers ignorent le motif pour lequel on leur fait pren- > dre les armes, et croient venir a des fetes et a des rejouissances. Et ce sont les royalistes ou la police qu'on accuse generalement d'avoir provoque ce mouve- ment seditieux. Mais la repression n'en sera pas moins terrible : le telegraphe met le pays en etat de siege ; une centaine d'insurges sont fusilles sans resistance par les soldats de Donadieu auxquels on fait faire le metier de bourreaux ou plutot d'assassins; vingt-un prisonniers sont condamnes a mort, en une seule seance, par une commission militaire, qui, reconnaissant immediate- ment apres sa condamnation precipitee 1'innocence de trois vieillards , d'un enfant de seize ans et de trois au- tres individus, suspend leur execution et consulte le mi- nistre : Qw'on les execute, repondle telegraphe. Vive Dieu! Sire, ecrit Donadieu au roi, depuis trois jours le sang n'a pas cesse de couler! Une seconde insurrection eclate dans les environs de Lyon : deux cent cinquantc paysans sont victimes d'une infernale machination de la police royaliste; le complot est presque publiquement annonce; mais les autorites, qui vculent du sang, se gardent bien d'en prevenirl' exe- cution. Les soldats de Canuel parcourent les campagnes, r;ni( (iiii);iii! et maltraitant les habitans, trainant a leur suite Thorrible instrument des supplices : on fusille, on arrete, on remplit les prisons; on y jette des femmes et les enfans : cent dix malheureux sont condamnes par la cour prevotale, IPS uns a mort, les autres a des peines affliclives ou infamantes ; un enfant de seize ans est exe* 93 e pour unc simple menace, et I't'chafaud est dresse a la porte de la maison de sa mere ! et les soldats' jouent aux boules avec sa tele et celle du capitaine Oudin ! Et 1'officier qui les commande , qui rit et qu'ou arrete aux cris de Hndignation du peuple et de ses camarades , sc suicide dans sa prison ! Et Lyon est glace de terreur. Viennent aussi les conspirations provoquees ou meme supposees de Yepingle noire , des patriotes de \ 8 4 6 , du petard Berri, du colonel Caron a Colmar, etc. , etc. , la boucherie de Berton , de Gaffe et autres , a Poitiers v et celle des quatre heroiques sergens de la Rochelle, Bo- ries , Raoul , Goubens et Pommier 7 tues ensemble a Pa- ris^ 1'execution d'une foule innombrable de patriotes; puis le coup de collier de \ 827 et les fusillades de la rue Saint-Denis; puis enfin les mitrailles des 27, 28 et 29juillet4830. Partisans et defenseurs de la royaute , vantez-nous son humanite ! N'ayez de cris que centre 95 ! Ne parlez jamais des terreurs de 94, 95, 4845 et 4846!... 5. Pillage du tresoret du budget. -La faction exploite la France comme un pays con^ quis, et tire toutes les injustes consequences de la con- quete. Des le 45 avril 4844, les courtisans affames se sont empares de 60 millions qu'ils disaient appartenir a Na- poleon, et ont voulu se les partager; mais comme ils ap- partenaient au tresor, on les a forces a les rendre, a 1'exception de 3 millions en especes d'or qu'ils s'etaient deja distribues. Plus de 30 millions sont exiges des vaincus pour payer les dettes contractees par les princes, pendant .1'emigra- tion , pour combattre la France. 40 millions de liste civile, adjuges annuellement a la famille royale, et portes frauduleusement jusqu'a plus de 60 millions , ne forment qu'une partie du butin de la cour. Le comte d'Artois s'adjuge son traitement de Colonel' general des Suisses depuis sa fuite en 4789. Les emigres , les \ endeens , les chouans , les verdets , les jesus, les soldi, transformes tous en offiders H on gcneraux , se paienl leur solde depuis viugt ans et se gorgent de pensions. Plus de 21 ,000 memoires sont presenters par les pre- lendus officiers des anciennes armees royales. Les emigres ont repris les biens nationaux non vend us, que M. de Pontecoulant trouvait si justement eonfisques sur eux (voyez page 57), et les out repris affranchis de leurs anciennes dettes, ameliorcs par 1'etat, ayant acquis une valeur double , triple ou quadruple : c'est pres d'un milliard. Us veulent reprendre meme ceux que des particuliers ont achetes ou payes; mais ils ajourneut, et se conten- tent de s'adjuger un autre milliard pour les revenns, en attendant qu'ils puissent sans danger reprendre les biens eux-raemes. La faction entiere se jette sur les emplois lucratifs : les nobles ne dedaignent pas les bureaux de poste, de loterie et de tabac , abandonnant ou vendant a leurs va- lets et leurs seides les places de portiers des villes et des prisons, celles de gardes-champetres, etc. Les pairs s'adjugent de riches dotations. Enfin 45 milliards, arraches au peuple ecrase par 45 bubgets successifs, sont la cure des vainqueurs. G. Charte-mensonye. Monarchic absolue sous le masque de monarchic representative. Les plus fougueux veulent que la charle soit revoquee et la souverainete royale proclamee. La chambre introuvable se dispose a inviter Louis XVIII a cette revocation , et veut meme la lui imposer. Mais les ruse's, considerant cette charte comme un masque pre'cieux sous lequel on peut avoir tous les avan- lages du despotisme sans en subir les inconveniens , demandent qu'elle soit nominalement conservee, sous la condition tacile qu'elle enchainera loujours la nation sans que la royaute soit jamais enchainee par elle. Louis XVIII la conservera done; mais il veut la re>i- sor pour la deteriorer encore. 95 Cependant, craignant d'etre entraine dans le preci- pice par les fous de son parti , et la trouvant d'ailleurs assez mauvaisc, il la maintient sans revision. Mais toutes ses dispositions sur 1'oubli des votes , la liberte individuelle, la liberte de la presse, la liberte de conscience, 1'egalite des citoyens et des electeurs, 1'cgalite proportionnelle des impots, la quinqucnnalite et 1'independance des deputes , 1'irrevocabilite de la pairie , 1'abolition des tri- bunaux d'exception , les droits electoraux , Pexe cution des lois, la responsabilite des ministres, etc., etc., sont frauduleusement eludees etviolees. Plus temeraire que son frere, Charles X ira jusqu'a suspendre la charte, mais toujours en 1'invoquant, ct sous Tabsurde pretexte que ce droit est dans Fart. 44de la charte elle-meme. Cette charte est-elle- done autre chose qu'un mensonge, une deception , une derision ! Et ceux - tenir la loi electorale du double vote. Et le roi lui-meme , dont la parole devrait etrc sacree, et qui se vantait de n 1 avoir jamais -menti , donne le plus scandaleux exemple du mensonge, on declarant officiel- lement , peu de temps avant la sacrilege invasion d'Es- pagnc , que la maheillance seule pent transformer le cordon sanitaire en armee d' observation!!! \\. Clerge. Jesuites. Missionnaires. Su- perstition. Tentatives d' abrutissement . Ambi- tion sacerdotale. Principaux instrumens de la faction , le clerge et sur- tout les jesuites expulses de Russic, mais admis en France malgre les ancicns arrete qui les prohibent, ne negligent rien pour eteindre la lumiere et ramener les siecles de tenebres. La Sorbonne remplace Vecole normale; la jeunesse est livree aux freres ignorantins; la France est couverte do. seminaires , de couvens , de congregations et de mis- sionnaires; la religion disparait etouffee par la supersti- tion : on ne veut pas seulement cmpecher le pouple d'a- voir une instruction veritable, on veut encore le trom- per , le rendre credule et stupide. 'Ce n'est pas tout : le clerge veut des jouissances reel- les , et la faction lui livre de riches dotations en attendant qu'on puisse lui rendre ses dimes et ses anciennes pos- sessions. Ce n'est pas tout encore : il obtient I 1 abolition du di- vorce , uue loi du sacrilege , et des lois contrc la prcssc ; et quand Charles X , son protecteur declare , arrive au trone, il aspire a placer 1'autel au-dessus, et a dominer la noblesse elle-meme. $ 42. Gouvernement occulte. Systeme de provoca- tions, de delations, d'appui sur I'etranger et de reta- blissement de I'ancien regime. Apres 4844, dos poltrons et des ambitieux , ayant inu- 40-1 tilement propose des moyens extremes a Louis XVIII, i'ondent uue vaste organisatioit secrete, par laqueHe le royaume est divisc en gouvernemens generaux, corres- pondantaux divisions militaires , et ayant une intcndunce par departement , une subdelegation par sous-prefecture, ct une centurie par canton. Ces places sont occupees par des militaires de haul grade , des fonctionnaires inities , et de grands proprie- taires appartenant a la noblesse. Chaque chef-lieu de division possede un conseil dc douze personnes prises par tiers dans les trois ordres de 1'etat. Un intendant , officier civil , un grand-prevot , officier militaire, sont les chefs de 1'intendance , a laquelle est adjoint un ecclesiastique du rang, le plus eleve parmi ceux du departement. Un subdelegue, un commandant, un recteur et six conseillers, forment Tadministration des arrondissemens. Dans les centuries , trois chefs seulement achevent de completer cet ensemble. Tous les membres en sont lies par des sermens et des ceremonies religieuses. Le comte d'Artois en est le roi, ct Paris la capitale. C'est de la que partent des denonciations- cachees qui jettent le trouble dans les families , des resistances dont le but est de sauver les brouillons , les escrocs et les bri- gands meme qu'onemploie aux entreprises secretes, aux duels de parti, etc. Les jesuites sont les premiers et les plus ardens fauteurs de cette criminelle entreprise ; c'est par eux que 1'ou ob- tient des fideles ces dons nombrcux qui fondent fc tresor ou Ton puise pour solder I'enthousiasme de la canaille, les frais des correspondances et des ambassades perma- nentes que le gouvernement occulte entretient aupres des cours ctrangeres. Ce parti ne veut rien moins que le RE- TOUR LE PLUS COMPLET AUX ABUS DE L'ANCIEN RE- GIME. (Memoires d'une femme de qualite, tome 5. pages 92 eH54.) C'est cc gouvernemonl occulte qui organise mililairc- 402 nient la Vendee , pour y preparer des souticns armes de la monarchic absolue. Sos memhrcs , qui sc disent royalistes purs , qui sonl plus royalistes , non pas que le comte d'Artois, mais quo Louis XVIII , et qu'ou appelle ultra royalistes ou jaco- bins blancs, provoquent les insurrections et les conspira- tions, afin d'avoir Toccasion de verser du sang, de re- pandre la terreur , et de prouver que la liberte et la le- galite sont impossibles. Ces memcs homines , qui crient tant centre le juge- ment de Louis XVI , conspirent contre le roi , doiit ils ac- cusent le liberalisme , qu'ils appellent un jacobin ct un rfoolutionnaire , et contre lequel ils vomissent les plus grossieres injures. ( Montgaillard , tome 8, pages 568 et suivantes. ) Ces hommes qui ne cessent d'exciter les troubles , les dissentions et les assassinats , font les plus grands efforts pour empecher 1'evacuation du territoire ; ils ont la per- versite d'envoyer aux ministres des souverains allies , et a ces souverains eux-memes des notes secretes pour les engager a occuper indefiniment le territoire fran^ais ; ils represenlent la necessite de reconstituer Tancien regime , qui seul, disent-ils, peut assurer la couronne sur la tete des rois. Dans ces notes secretes, monument de la plus insigne lacbete , ces pretendus chevaliers fran^ais , ces pretendus fideles serviteurs du trone , calomnient le trdne et la nation , appellent la vengeance des rois contre la charte constitutionnelle qui , suivant eux , legitime et con- tinue la revolution, ses injustices el ses forfaits; ils desi- rent, provoquent et dcmandent le DEMEMBUEMENT DE LA FRANCE ! ! ! (Montgaillard , tome 8, pages 429 et 450). Decazes resiste quelque temps aux efforts de ce gou- \t'i noment occulte, et flnit par etre entraine, puis ecrase par lui. Tout en voulant le moderer . dc Villele est son instru- ment et son complice. Mais quaud le comte d'Artois, sou chef, arrive au trone, il devient plus audacieux, ol finit par marcher ouvertement , sous les ordrcs dc Polignac , au renverse- mcnt de la charle ol des lois. 405 13. Coup d'etat. Ordonnances du 25 juillet. Parjure. Violation de la charte. Charles X , 1'une des. principales causes de la revolu- tion de 89 , par ses scandaleuses dilapidations du tresor, par ses scandaleuses intrigues avec la reine sa belle-sosur, et par son opposition a toute liberte ; Fun des principaux auteurs de la mort de son frere Louis XVI , qu'il sacri- fiait a son ambition 5 le principal instigateur de 1'emigra- tion et des coalitions centre la France; lechefdugouver- nement occulte centre Louis XVIII 5 1'instrument des je- suites, parmi lesquels on dit qu'il est affilie; Charles X, disons-nous, irrite de la resistan cequ'il finit par rencontrer, comptant sur 1'appui de la pairie , de la faction , de 1'ar- mee , de sa garde royale , de ses Suisses , et surtout de 1'etrauger dont il a demande 1'approbation , et dont il af- firme que c'est 1' affaire autant que la sienrie , ne recule devant aucune des calamites qu'il peut attirer sur son peuple , yiole ses sermens et la charte , proclame le des- potisme par ses criminelles ordonnances du 25 juillet, met Paris en etat de siege , et ordonne aux baionnettes de repandre le sang pouflmposer la servitude. 44. Opinion rationale. Haine. Mepris. Protestations continuelles, Dispositions hostiles. Expulsion des Bourbons. Mais, des -1792, le peuple execrait Louis XVI, sa femme , ses freres et sa faction. Le 20 Mars et les Cent-Jours ont prouve combien il detestait Louis XVIII , sa famille et ses partisans. Ramenes par 1'etranger sur les cadavres de Waterloo , les Bourbons deviennent plus encore un objet d'horreur pour 1'armee , les federes , le peuple . les patriotes et les bonapartistes. Leurs allies sont tellement convaincus qu'ils seraient eipuls ( es de nouveau, qu'ils les feront garder par 450,000 de leurs soldats ; et quand la 'sainte-alliance va retirer ses 404 troupes, en novembrc 4 84 8 , quoiqu'il lour reste leurs gar- des-du-corps , leur garde royale el les Suisses, I'eliroi (In comtc d'Artois et de la faction est encore si grand (ju'ils font parvenir des notes secretes , redigees, dit-on, par M. de Vitrolles , pour supplier les coalises de leur laisser encore leurs soldats : plus tard ils n'oseront pas meme tolerer une garde nationale , organisee cependant par eux , et chamarrec de leurs croix et de leurs rubans ; ils lui feront 1'insulte de la licencier. Ils sont tellement convaincus de rhostilite de Topinion publique que sans cesse ils font de nouvelles lois pour en etouffer la manifestation : lois d'cxceptions , pour les cours prevotales, centre les cris seditieux, condo- les opinions, centre la presse, centre la liberte des elections, etc., etc., etc. Toutes ces lois sont une reconnaissance de la haine du pays. II n'est pas meme permis de s'expliqucr sur les prc- tendus droits que Louis XVIII tient de sa NAISSANCE. La tribune elle-meme est enchainee : Manuel ne peut pns, sans en etrc expulse, y parler dc la repugnance de la nation, et 1'on doit s'etonner qu'on n'ait attaque, ni Foy pour avoir dit, nous sommes vingt-cinq contre un, ni C. Perier, je crois, pour s'etre eerie : Nous sommes /wit id, metis fa nation est derriere nous. Peut-etre cette haine pourrait-elle s'apaiscr s'ils redc- venaient nationaux et populaires. Mais la reslauration n'etant , de la part des Bourbons et de la faction , qu'une longue oppression et qu'une lon- guc humiliation , elle n'est , de la part du pays , qu'une longue et continuelle protestation. Car, les conspi rations de Lyon, Grenoble, Toulon, Paris, Befort, Golmar, Saumur, Poitiers, La Rochelle, et cent autres; le poignard de Louvel, 1' association dc 40 a 50,000 carbonari; les societes pour la liberte de la presse, des personnes et des elections; la joie qu'excifent les revolutions de Grece, d'Espagnc , de Portugal, de Naples ct de Piemont; les esperances que font nailre les dispositions insurrectionnelles de 1'armoe envoy ec contre I 'Kspagno , etla guerre on Ire la Russic ot la Turquie; les CRIS DE I,A GARDE WATIO^AHi CONTRE LE MINISTERS _ 105 VILLELE; les couronncs deccrnees a Manuel; Ics fune-' rallies dc Foy; les ovations pour les deputes populaires,' lout n'est-il pas protest ation ? Les cris memes de vive la Charte ne protestent-ils pas conune les cris de vive la liberte proferes sur 1'echafaud par le patriotisnie qui n'a plus rien a menager? Et quand on applaudit meme les 224 , n'est-ce pas leur opposition qu'on veut encourager? Qu'est-ce autre chose encore qu'une protestation? La representation nationale proteste done d'avancc des juin 4845! et la masse des ciloyens ne cesse pas de pro- tester depuis ! * Mais le 8 aout, le rninistere Polignac, Bourmont, La- bourdonnaie , annonce un dernier combat. La presse s'e- lance darts la carriere , 1'opinion la suit , et la discussion est ouverte. L'article 44, dit la faction, me donne le droit de sus- pendre la charte. Non, repondentla presse patriote ct le parti national ; et si vous violez la loi , nous refuserons I'impot. J'emploierai la force. Nous repousserons la force par la force : alors gare a vos Bourbons ! La faction ruse , ment , et veut surprendre ; mais cha- cun est pret, on attend le signal II est donne , les ordonnaiices ont paru; le jour desire depuis quinze an$ par les patriotes est enfin arrive - t les cceurs genereux croient entendre encore Yappel des representans de 4815; pour la premiere fois depuis v ingt ans , le peuple prend les armes. L'armee nc combat qu'a regret la liberte, et ne defend pas le despote avec Tar- deur qu'elle mettrait a defendre la patrie contre 1'etran- ger; la faction se cache; Charles X est expulse avec sa !.i 1 1 1 i I Ir , et la restauration finit aux applaudissemens de lu France entiere indignee contre le par jure. 45. Mai fait par la restauration. Nous avons vu que dc mal la faction a fait avant la restauration. Nous avons egalcmcnt- vu quc de mal elle a fait en 1814 et surlout depuis 4845. 10(5 Quc dc nial ne vcut-ellc pas faire encore par ses 01- dounances du 25 juillet ! Quelle longue suite de ven- geances , d'assassinals judiciaires , d'execntions mililai- res, de massacres et de calamites de toute espece, le des- potisme et la tyrannic ne proparent-ils pas a la France! Que de sang , que d'heroi'ques victimes pendant les trois immortelles journees ! Que d'angoisses depuis , que de souffrances pour le peuple, et que de malheurs suspendus aujourd'hui sur nos tetes ! Ah! qu'on le dise, cette race des Bourbons, cette fac- tion qui veut s'identifier avec eux, ne sont-ils pas les lleaux du pays ! Ne sont-ils pas responsables de tous nos maux? Et Ton ose vanter leur bonte , leurs bienfaits ! On ose les recommander a notre amour, a notre choix! On veut les imposer encore a la France ! ! On veut recommencer la Vendee , le Midi , 1'invasion et \ S\ 5 avec ses vengeances et ses massacres , avec sa hontc et sa domination etrangere ! ! TROISIEME PARTIE. REVOLUTION DE 1850, ET SITUATION PRESENTS (OCTOBRE 1835). 4 cr Qui a fait la revolution ? Apres la victoire , cliacun voudra se proclamer vain- queur : c'est peut-etre le lache et rneme 1'adversaire qui se vantera le plus de son courage et de ses services , et qui mettra le plus d'ardeur a demander le prix dc la victoire. Mais quels sont les combattans ? La presse patriote , bravant les ordonnances et les me- naces , donne 1'exemple de la resistance , et provoque courageusement a 1'insurrection. Les ouvriers , ceux en imprimerie surtout ; le people , qui compte dans ses rangs tant de vieux soldats , et chez lequel on trouve cent fois plus de patriotisrae et d'hon- neur que dans 1'aristocratie de naissance et de fortune , les etudians , et surtout 1'Ecole de droit , 1'Ecole de rae- decine et 1'Ecole polytechnique 5 la jeunesse , et notam- ment celle du commerce 5 les patriotes , et 'principals ment les carbonari , prenhent spontanement les armes ; sans concert, sans chefs et sans direction. Quelques homines entres depuis dans la resistance , liartho , par exemple , et de Schonen , prennent part au mouvement ; d'autres approuvent et laisserit faire. Et les deputes ? les famcux deux cent vingt-un ? < Peu sc trouvent a Paris. Parmi ceux-ci , Audry de Pui- raveau , Mauguin , A. Delahorde , Berard , LaOttc , La- fayette, Daunou , Labbey-Pompierres , Bernard, Bavoux, -J08 Chardcl , dc Schoncn, Marschal , Duchaffaul, vculcnl s. mettrc a la tele dc 1'insurreclion. Casimir-Perier , Sebastian! , les deux ^upin , Mechin , Berlin do Vaux , Villemain, Guizot , s'y opposent. Mais le 29, combattant depuis trois jours sans les de- putes, le pcuplc est enfiii vainqueur. L'H6tel-de-Ville, le Louvre et les Tuileries sont les trophees de son heroique courage. C'est alors que les deputes uomment Lafayette com- mandant dela garde nationale, et Gerard commandant dc 1'armee, et qu'ils instiluent une commission mum'eipale composee de : Audry de Puiraveau , Mauguin , Lobau , de Schonen , et Casimir-Perier. Lafayette , Gerard et les quatre premiers s'iuslallent a I'Hotel-de-Ville , le 29 au soir, et proclament , des le 54 , la decheance de Charles X, prononcee par la victoire du peuple. Casimir Perier ne parait que pour s'opposer a cette decheance et entraver ses collegues. Quant a la masse des aristocrates , des legitimistes , des bommes de salons , tous si intrepides en paroles , ils n'osent pas combattre 1'insurrection qu'ils condamnent et qu'ils redoutent. Et quant aux carlistes eux-memes , si menacans au- jourd'hui , que font-ils alors ? Chateaubriand va re- pond re : Je laisse la peur, dit-il, a ces genereux royalistes qui n'ont jamais sacrifie une obole ou une place a leur loyaute, a ces champions de I'auiel et (In trone, qui naguere me traitaient de renegat , d'apostat et do revolutionnaire . Pieux libellistes! le renegat vous ap- pell e. Venez done balbutier un mot , un seul mot avec lui , pour 1'infortune maitre qui vous combla de ses i) dons et que vous avez perdu. Provocateurs de coups d'etat, predicateurs du pouvoir constituant, oil etes- vous? Vous vous caches dans la boue, du fond dc la- quellc vous leviez vaillamment la lete pour calomnicr les vrais senitcurs du roi : votre silence d'aujourd'hui >> osl digne de votre langage d'hier. Que tous ces pivn\ 109 >. dont les exploits projetes out fait chasser les descendans de Henri IV a coups do fourckes, trentblent muinte- nant, accroupis sous la cocarde tricolore , c'est tout naturel : les nobles couleurs dont ils se parent prote- geront leurs personnes et ne couvriront pas leur la- i) chfte. ( Discours a la chambre des pairs. Moniteur du H aout. ) 2. Efforts pour sauver la restauration. Quelques-uas de ceux qui se sont comprornis sous la restauration , ou qui 1'approuvent et en esperent des places, ou qui doutent du succes populaire et craignent les vengeances de la cour , font ouvertement quelques efforts pour sauver les Bourbons et la legitimite. Ainsi , MM. de Semonville , de Vitrolle , Mortemarl , Colin de Sussy , Forbin-Janson et d'Argout ( qui , prefet en ^15 , a fait l)ruler le drapeau tricolore par la main du bourreau sur la place publique a Pau , et qui a ecrit que la leqitimite etait le seul port de salut pour la France), negocient publiquement pour conserver letrone a Charles X. MM. Dupin freres et Bertin-Devaux (redacteur, avec Cbateaubriand , du Moniteur royal, a Gand, pendant les cent-jours, et directeur des Debats), sesoumettent aux ordonnances et s'opposent a 1'insurrection. C. Perier, liberal , mais non patriote 5 plus aristocrate qu'un grand seigneur 5 TUB des partisans les plus pro- nonces de la restauration ; qui , comme 1'en vante Royer- Collard, rfajamais desire la revolution; qui ne faisaitdc 1'opposition qu'aux ministres et aux portefeuilles ; devoue a Charles X , qui regrettait qu'il ne fut pas homme NE ; frequcntant la cour, y dansant avec la princesse; rece- vant magnifiquement le roi dans une de ses terres ; gar- dant le silence a la tribune depuis deux ans, parce qu'il avait 1'esperance d'arriver au ministere; effectivemen t choisi par Polignac , ayant accepte , et n'ayant pu y en- trer que parcc que des patriotes, secretement consultes par lui , rolusaient leur concours; uomrae rainistre avec M. do Morlemart apres les ordonnances, Casimir Perier, dis-jc, s'oppose a 1'insurrection ct a la decheance; et mcme, quoique membrc du gouvernement provisoire, il uegocie secretement a Auteuil et a Paris avcc un agent de Charles X. Sebastiani ( aussi partisan que Casimir Perier de 1'aris- tocratie , de la restauration , de la charte et d'un porte- feuille, ayant etc comme lui nomme collegue de Polignac, et ayant accepte comme lui) s'oppose egalement a 1'in- surrection dans les premieres reunions de deputes. (Voyez YHistoire des Trois-Journees , par Armand Marrast. ) Des le 26 , et jnsqu'au 29 , Dupiu alne, C. Perier , Sebastiani, Ch. Dupin , soutiennent que Charles X a eu le droit de dissoudre la chambre, qu'il n'y a plus de de- putes , et qu'ils n'ont aucun droit de rien faire absolu- ment. Us insistent fortement pour qu'on ne sorte en aucun cas de la LEGAutE, quoique' violee par Charles X. Sebastani veut bien qu'on adresse une lettre respec- tueuse , et qu'on demaude a Sa Majeste une audience pour le determiner a changer de systeme , et lui faire connaitre que ses ministres Tegarent; mais il fait tous ses efforts , soil pour empecher la protestation proposee par Berard et Audry dc Puiraveau, soit pour paralyser la reunion des deputes. Ne precipitons rien, dit C. Perier; ne nous compro- mettons pas ; ne donnons aux Tuileries aucun pretexte de plainte centre nous : la prudence commando d'at- tendre les evenemens; noas saurons mieux quel parti I' on peut entirer pourramener h roi Quand il verra la monarchic compromise, il retirera les ordonnances , renverra son ministere et viendra a wows. Mais point d' insurrection, disent C. Perier et Sebas- tiani a des citoyens qui les pressent de se mettre a leur !("(<: vos adversaires sont forts , ils ont du canon et vous n'en avez pas ; ce n'est pas dans hi rue que nous gagne- rons la bataille. Quand ils voient la revolution op^ree malgre leurs efforts pour 1'empecher, tous sc joignent aux orleanistes pour la fairo avoHer, on pour obtenir du due d'Orleans 441 la protection ot les places qu'ils esperaienl reccvoir de Charles X. 5. Combat, peril, heroisme, victoire. Pertes. Moderation, generosite, confiance. Service rendu, reconnaissance nationale. Laissons parler les Debuts. Ce fut le mardi 27 que la bataille commenc.a. Des le matin , le peuple avait ete excite par le de- plorable spectacle des journaux confisques et des presses brisees. Mais deja la force armee avait sa consigne et son chef. Elle etait persuadee que deux ou trois decharges de mousqueterie soumettraient la France au premier mou- vement qu'elle ferait sur les citoyens. u Le Palais-Royal est ferme. Le peuple s'indigne : au lieu de fuir, il marche aux troupes; quoique sans ar- mes, il resiste, il se bat, il affronte le feu, il se fait tuer, et la rue Saint-Honore est couverte de sang. Polignac se croit vainqueur... Gloire a vous! lui disent les courtisans ; malheur aux liberaux ! Laissez faire le reste au marechal Marmont On se felicite, on s'embrasse a Saint-Cloud . Cependant mercredi, des le matin , toute la ville est en armes les rangs se forment, les citoyens se cher- chent des chefs. i) Deja les postes interieurs sont emportes 5 le dra- peau tricolore rem'place 1'autre drapeaw; les corps-de- garde se vident; les sentinelles enhemies se replient. Les deux arraees se trouvent en presence a la place de Greve; les troupes defendent l'H6tel-de-ViHe et les citoyens 1'at- taquent : uu instant les Frauqais en sont les maitres ; Finstant d'apres, ce sont les ennemis; il est repris, aban- donne et repris plusieurs fois C'etait une belle journee, une journee de gloire et de triomphe ! Paris se promettait deja la victoire du lendemain Mais pendant que le peuple , qui venait de se battre, se reposait de ses fatigues, pret a recommencer dans quel- qucs lieures, il y avait dans la ville des hommes qui pas- une nuit horrible : cYlaienl los pri'i'oyans el lt-s sages. Us se rappelaicnt. les niaux qu'cnlrainenllesgueiTt-s chiles , If sang , Tanarchie , la famine, les execs tie tonics series; ils se rappelaient aussi les violences des cours, les reactions, les commissions militaires, les prisons, Yexil, Yccliafaud; ils se figuraient la cour de Saint-Cloud arri- vant avec toutes ses forces , et metlant la ville a feu et a sang ; ils tremblaient que le peuple ne fut vaincu ce jour- la ; car, s'il etait vaincu , ils voyaient toutes les lois per- dues, le pouvoir absolu a la place de la charte, tous les fruits de la revolution detruits it jamais, la France deslio- twree et meprisee comme un peuple conquis , le \'icu\ despotisms des courtisans et des pretres pesant sur elle, lant de grands interets livres a quelques heures de combat. Cependant le peuple se reveillait et reprenait ses ar- mes. Dans ces grands mouvemens qui changent le monde, rien n'est sage comme I' instinct du peuple : une fois qu'il sYsl jf te dans la lice, laissez-le faire; ue 1'arrelez pas par vos previsions mena^antes, par vos conseils intempestifs ; faites-lui grace de votre experience inutile : le peuple, saura bien y avoir recours quand il en aura besoin. H Toules les rues etaient barricadees. Sur les boulevards les barricades se faisaient avec des arbres cou- pes par le pied ; quelques-uns restaient debout pour etrc precipites sur les troupes rebelles , les paves etaienl portes au sommet des maisons pour servir de projectiles. Nous sommes au jeudi 29 IK's le matin, la foule s'etait omparee de toutes les armes qu'ellfe* avait pu trouver. Elle a\ait arrache au\ theatres toutes les armes dcslinces aux evolutions d'oj)-r;t ct de melodrames. Elle avail dcsarme les gendarmes, l< > soldats de la lignc, les veterans, les pompiers ces braves gens etaient heurcux de rendre des armrs dont Us ne vou- laient pas se servir contre des citoyens. Deja le people s'ebranlait pour aller au Louvre et aux Tuilerics, quand un renfort inespere lui arriva : les e'le- ves de YEcole poll/technique ;i\;iicnl force les portcs f.V leur ecole. Ces br;i\es out < ; lr s.-um-s a\v transport. Je snis voli-c did, disail Tun, et il monlait sur un cheval blanc. General, tlisait 1'autre , je suis volre aide-de- - 415 - < amp, et il se mettait 1111 foulard jauno a la ccitiliirt* en [iiist- d'crharpc. A onzc heures , lo Louvre etait enleve. C'est un 'U've dc I'Eeoie polytcchuique qui 1'a pris, c'est un heros do vingt ans.... Enfin, a une heure , Paris etait vainqucur..... Toute la ligne s'etait rendue , toute la gendarmerie , et plusieurs corps de la garde royale Jamai$, disent les Meillards, ils n'ont rien vu de pa- reil. Dans la revolution de 89, les combats les plus achar- nes du peuple n'ont jamais dure qu'un jour; et d'ailleurs qu'est-ce que 89 lui-meme suivi de 95, compare aux 27, 28 et 29 juillet? Ici point de proscrits, point de meur- tres , point de pouvoir usurpe par le peuple , point de temples profanes , et, pour celebrer la victoire, des fune- railles sans faste , une croix de bois vis-a-vis cette colon- nade dont les Parisiens etaient si fiers , que les Suisses les ont forces de mutiler , et dont ils seront plus fiers que jamais. ( Article des Debats repete dans le Moniteur du 5 aout). Les autres journaux, Lafayette, la commission mu- nicipale , le lieutenant-general Louis - Philippe , les chambres , et toutes les autorites sont unanimes pour rendre hommage a 1'heroisme , a la generosite et aux vertus civiques de la jeunesse et du peuple. Ecoutons- les : National du 50 juillet, redigepar Thiers et Mignet. Parisiens vous avez etc toujours les plus braves et les plus heroiques des hommes Aucune journee depuis quarante aiis-n'a ete aussi belle que celle d'hier. II n'y en a de pareille dans 1'histoire d'aucun peuple Honneur! honneur iivous, braves Parisiens! Encore un jour, et par vous la France est Hbre et respectee ! Meme journal. 11 n'y a point de termes qui puis- sent rendre Timpression qu'a produite la conduite du peuple de Paris sur ceux qui Font observee dans les jour- nees d'aujourd'hui et d'bier. Injustes que nous etions! Nous le croyons desinte- resse dans les questions constiJationneHes qui, depuis 8 quinze ans , s'agitent entre nous ct la centre-revolution Mais ce peuple, exclu des colleges electoraur . et condamne ii I'ilotisme politique par la trop prudente timidile de DOS institutions ; ce peuple avail merveilleu- sement compris qu'une chambre des deputes n'est pas faite pour recevoir les lois de la royaute, inais au contraire pour soumettre cette royaute aux volontes nationales II faut ajouter encore qu'on a bien vu que ce peuple n etait plus celui de 1'ancien regime , mais celui que la revolution a forme. Le peuple n'a point egorge ceux qui tombaient entre ses mains ; il -a ete clement autadt que brave ; il a traverse les appartemens des Tnileries sans detruire, sans pilltr, sans rien emparter. 11 a arbore sur la demeure des rois 1'etendard tricolore ... En un mot, c'est le peuple qui a tout fait depuis trois jours : il a ete puissant et sublime; c'est lui qui a vaincu , c'est pour lui que devront etre tous les resultats de la lutte. Proclamation du gouvernement provisoire aux liabi- tans de Paris, du of juillet. Qucl peuple au monde merita mieux la Uberte ! Dans le combat vous avez ete des heros; la victoire a fait connaitre en vous ces senti- mens de moderation et d'humanite qui attestent a un si haul degre les progres de noire civilisation ; vainqueurs et livres a vous-memes , sans police et sans magistrals , ros rertus ont tenu lieu de toute organisation judiciaire; jamais IPS droits de chacun n'ont ete plus religieusement respectes. Habilans de Paris , nous sommcs fiers d'etre ros freres; en acceptant des circonstances un mandat grave et difficile , votre commission municipale a voulu s'asso- cier a votre devouement et a vos efforts ; ses membres rprouvent le besoin de vous exprimcr TADMIRATION ET LA RECOIfNAISSANCE DE LA PATRIE. Leurs sentimens , leurs principes sont les votres : au lieu d'un pouvoir impose par les armes ttrangeres , vous aurez un gouvernement qui vous devra son originc : les, vertus sont dans toutes les classes : toules les classes ont los mfmes droits; ces droits soul assures. ii Vive la Franco ! vivo Ic people do Paris ! vire la li- i) Signe" LOCAU , AUDRY DE PlIIRAVEAU , MAUGUIN , DE SCHONEH . Gouvernement provisoire. Deux arretes du 4 aout. Une commission sera chargee de recueillir les traits notables qui se sont passes dans les derniers evenemens. i) II sera eleve des monumens funeraires sur tous les lieux ou repose la depouille mortelle des citoyens morts pour la patrie. L' Academic des beaux-arts est chargee de nommer une commission qui proposera le. plan de ces monumens. ( Moniteur du 5 aout. ) II sera publie une narration officielle de tous les traits dCheroisme et d'humanite qui ont illustrc les der- nieres journees de juillet. ( Moniteur , 6 aout. ) x Proclamation d'A. Delaborde, nouveau prefet de Pa- ris , du 50 juillet. Braves habitans de Paris ! chers con- citoyens !... qui peut se flatter de meriter le rang de pre- mier magistral d'une population dont la conduile heroique vient de sauver la liberteet la civilisation ; d'une popu- lation qui reunit dans son sein tout ce que le commerce , la propriete , la magistrature , les sciences et les arts ont de plus distingue? Mais c'est vous surtout, dont on ne peut assez faire I'eloge et proteger les interets , citoyens industrieux de toutes les professions, vous dont les efforts spontanes , sans guide , sans plan , ont su trouver les moyens 1 de resister a 1'oppression , et de ne pas souiller d'une seule tache la victoire. ( Moniteur du 4 er aout. ) Proctomattou de Girod de I'Ain , prefet de police , aux habitans de Paris. ... Continuez a donner I'exemple de towtes les vertus civiques, apres avoir montre votre ii- dans le combat. Moniteur du 2 aout. Ordre du jour de Lafayette a la garde nationale de Paris ,^du 5 aout. Tant de prodiges ont signale la derntere semaine que , que lorsqu'il s'agk de courage et de devoumeM, on ne peut plus s'etonner de rien. Le ge- neral en chef croit neanmoins devoir exprimer la recon- M6 naissanee publique ot la sienne pour la promptitude ! I. /ele avec lesquels la garde nationale ot Ics corps voloiv- laires sc sont precipites sur la route tie Rambouillct, pour inettre fin a la derniere resistance de Fex-famille royale... Au milieu des services rendus a la patrie par la po- pulation parisienne et Us jeunes gens des ecoles , il n'est M i i-ii 1 1 bon citoyen qui ne soil penetre d 'admiration, de con fiance , je dirai meme de respect , a la vue de ce glo- rieux uniforme de I'Ecole polytechnique qui , dans le moment de la crise , a fait a chaque individu une puis- sanee pour la conquete de la liberte. (Moniteur, 6 aout. } Moniteur du 9 aout. Tous les jeunes gens atta- ches au Jardin-des-Plantes , aussitot qu'ils ont appris quc leurs bras pouvaient etre utiles a la cause de la patrie , se sont armes spontauement et portes sur tous les points du danger , ayant a leur tete un elevede I'Ecole pdlytecb- nique. Leur philantropie aprc& la victoire n'a pas etc moins graade que leur courage. Reponsc du lieutenant-general a M. S^guier , presi- dent de la cour royale. J'espere que mes eufans se montreront dignes condisciples de cette glorieuse jeu- nesse qui vient de deployer une energie sublime pour la defense de ses droits et de ses foyers. pJojiiteur, 9 aout.) (i L'Ecole de medicine , au nombre de 1,500 eleves , est venue saluer le roi, dans son palais. Celte jeunesse si active et si brave se serrait en foule autour du monarque, heureux de se seotir presse par ccs cceurs yenereux qui avaicnt contribue a sauver la patrie, dont ils sont une des plus belles esperances. ( Moniteur, 40 aout. ) Reponse du roi aux eleves de I'Ecole de droit. - .If re^ois avec attcndrissement Texpression des sentimens de I'Ecole de droit. J' admire lepatriotisme avec lequel elle a concouru a Theroique defense de Paris. Messieurs , JE SUIS A VOUS A LA VIE ET A LA MORT. ( MoiliteW , \\ aout.) Discours de Chateaubriand a la chainbi-e des pairs. ~ NOH , Messieurs , nous n'avons a craiudre ni ce peuple dont la raison egale le courage , ni cette genereuse jeunesse que j' admire , avec laquelle je sympathise de toutes les faculles de mon ame , a laquelle je souhaite , comme a mon pays, honneur, gloire et liberte. ( Moni* teur, II aout. ) Discours de Barthe , procureur du roi , prononc a f audience du \\ aout , lors de son installation. Au sein de cette lutte immortelle , une classe entiere s'est manifestee avec des vertus ignorees , il faut le dire , jusqu'a ce jour. Accoutumes a ne trouver que dans la for- tune ou dans les emplois publics des guaranties d'ordre et de sagesse , nous semblions environner d'une sorte de d- fiance cette classe d'hommes qui nedoivent leur existence qu'aux travaux de leurs mains , mais qui , au milieu iiKMiie de ces travaux, n'ctaient point restes Grangers au mftuvement progfessif de notre epoquc. Tout a coup vous les avez vus , au signal de la destruction donnc par mi jfciuvernemenl qi se frappait lui-memo , fombuttre pour la liberte avec un courage qui s'est joue de la discipline inilitaire ; vous les avez vus vainqueurs et armes , sans loi, sans police , sans aulre retenue que le sentiment de la saintete de leur cause , et cet amour d'ordre legal qui a jete parmi nous de si profondes racines, montrer , apres la victoire , une moderation , une sagesse , un respect pour les droits de tous , un desinteressement , qui altes- tent a la fois et la plus haute moralite et les progrcs de la civilisation dont la France , plus qu'aucune autre na- tion , a le droit de s'enorgueilhr. ( Gazette des Tribu- naux du \\ aout. ) Proposition de fiavoux ..... fionneur , bonneur auxvertus civiques de la capitate, a son hermsme, et a la grandeur quelle a montree dans la victoire. Je soumets a la chambre la proposition 'suivante : La chambre ii des deputes vote des remerciemens a la ville dc Pa- ris. Elle invite le gouvernement a s'occuper d'un monument digne de transmettre a la posteritd la plus re- culee 1'evenement qn'il est destine-a consacrer. 11 por- tera Tinscription : 448 A IB ville de Paris , la France reconnaissante. Cette proposition est adoptee par acclamation. Trois ordonnances du 6 aout. Cousiderant les ser- vices distingues que les eleves des Ecoles Poly technique, de Droit et de Medecine ont rendu a la cause de la pa- trie et de la liberte , et la part glorieuse qu'ils ont prise aux herolques journees des. 27 , 28 et 29 juillet , avons accorde douze croix d'honneur a la premiere , qua- trc a la seconde et quatre a la troisieme. Les eleves remercient , declarant qu'ils n'ont que rem- pli un devoir national, et que d'ailleurs tous 1'ont egale- ment rempli. Eapport de Jars sur la proposition relative aux re- compenses nationales. ... Je ne dirai point cepen- dant tout ce qu'il y a de beau , de grand , de genereux dans ces memorables journees des 27 , 28 et 29 juillet ; il si-rail difficile de choisir entre tant de hauts fails , ontre tani de roodeles d'un courage inoui et d'ttne vertu sans egale; chaque arrondissement a eu ses-heros , dont il se glorifie ; on retrouve partout les menies traits d'he- roisme et de desinteressement > ( Jlouiteur du 48 aoiit. ) Discours de Charles Dupin sur la meme proposition. . Lorsqu'il arrive , comme aujourd'hui , qu'une 4lynastie est fondee par suite de I'heroisme des ouvriers , la dynastie doit fonder quelque chose pour la posterite tie ces ouvriers herofques. ( Moniteur du 49 aout. ) Tels sont les hommages d'admiration et de reconnais- sance unauimement reudus a rheroisme , surtout a la jjencrosite et aux vertus civiques de la jeunesse , des ou- > ricrs et du peuple. Pourrait-on en effet n'etre pas reconnaissant covers Irs citoyens qui viennent de braver si genereusement la mort pour sauver la liberte ? Les deux cent vingt-un sur- tout pourraient-ils se montrcr completement ingrats eu- \ns teux qui ucnncnt de les arracber lous a la proscrip- tion ? V 149 Et qaand on reflechit sur les ma-ax causes par la fac- tion contre-revolutionnaire depuis 4 789 et depuis \S\4 ; sur la tyrannic dont les ordonnances sont les avant-cou- reurs ; sur les immenses perils de la resistance ; sur le nombre des victimes immolees en defendant la liberto ( six ou sept inille) ; sur la baine, la colere et la ven- geance qui pourraient animer les combattans ; sur les precautions que le peuple pourrait croire necessaires a sa securite 5 est-il possible de ne pas admirer sa moderation et sa generositc? Et que I'adrtliration doit etre plus grande encore aujourd'hui quand , a cette generosite populaire , on compare la royale barbaric de don Miguel , de Ferdi- nand , de Nicolas , du due de Modene , du pretendu pere des Chretiens , en un mot , des monarques centre les pa- triotes, et meme du gouvernement sorti des barricades contre les hommes de Juill 't. Oui , cette generosite tient du miracle et du prodige : c'est un bonheur inappreciable, c'est Tun des plus heu- reux evenemens que 1'histoire ait a celebrer 5 car , lors meme que le peuple est reduit au cas de legitimedefense, lors meme qu'il n'oppose que quelques jours de colere a des siecles d'oppression, sa violence excite d'eternelles ac- cusations exploitees pour lui faire des ennemis : mais au- jourd'hui , sa victoire est empreinte d'un caractere tout nouveau de grandeur et" de magnanimite qui lui fait inieux sentir sa prdpre dignite, qui lui impose en quel- que sorte 1'obligation d'etre desormais plus vertueux en- core, qui lui attire les applaudissemens de toutes les na- tions , et qui lui procure one puissance morale dont Teffet est incalculable. Ah ! qu'ils seront coupables envers la France et 1'hu- manite ceux qui , au lieu de tirer toutes les consequences de cette generosite sublime , accableront plus Card ce meme peuple , ces memes ouvriers , et cette meme jeu- nesse, de dedains, de calomnies, d'outrages et des vio- lences les plus atroces ! 4. Quelle est la CAUSE de la revolution ? Ce sont uniquement , dit le juste-milieu , les ordon- 420 nances violalriccs de la charte. Non , ces ordonnanci* sont I'occasion et le signal, minis elles ne sont pas h cause. La cause est dans tout ce qui ce s'est passe dcpuis 40 ans : c'est I'amour de la liberte , de 1'egalite et de I'in- dependance ; c'est le souvenir de notre glorieuse revolu- tion de -1789, le desir de reconquerir les principes di: notre immortelle constitution de \ 794 ; c'est Inversion pour le despotisme , pour la noblesse , pour 1'emigration , pour la cbouannerie , pour ls jesuites , pour la contre-re- volution, pour la restauration, et pour les budgets rui- neux ; c'est la baine centre les Bourbons et la domination ctrangere; c' est le sentiment qui animait la France cnticre lors de la prise dc la Bastille , qui lui rendit 1'empire odieux malgre sa gloire , et qui la ranima pendant Its rent-jours 5 c'est le besoin qui lui fit expulser Louis XVIII ;iu 20 mars , et qui fit eclore depuis tantde conspiralions j t de tentatives d'insurrection ; en un mot, c'est la \o- lonle de repondrc a 1'appel des representans de 4845 , pour reconquerir 1'independance et la liberte. 5. Quel est le BUT de la revolution? Tout ce qui s'cst passe depuis la regeneration de la Trance en 89 nc l'explique-t-il pas manifestement V Ce fettt u'est-il pas evidemment 1'expulsion dcs Bour- bons dont, des le premier jour, le peuple brise avec fu- reur les armoiries? N'est-ce-pas 1'expulsion de leurs pairs, de leurs juges et de leurs jesuites , centre lesqucls les in- surges manifestent leur colere au Luxembourg, au Palais- de-Justiceet a I'Arcbevecbe? N'est-ce-pas 1'ameliorationdu sort du peuple , la suppression des impots injustes et la diminution des impots excessifs , la jouissance des droiU rlectoraux , en un mot , la conquete dc drolls de Thornim- <-t du citoyon ? Ce but n'est-il pas aussi 1'annulation d'unc charle oc- Imyoe, imposee par 1'ctranger, illegitimc, illiberale, anti- populairc , continuellement deteriorec , cent Ibis violee , (|ui a facilite la mist-re du peuple ct 1'opprcssion du pays, <]iii \icnt d'rdc d( cliiroc par ses propros autcurs , et qui 421 iluil etre odicuse par cela soul Bourbons? 6. Quelles doivent 6tre les consequences de la revolution ? La premiere , eelle qui renferme toutes les autres , doit r ;n'c les jounos patriotes; rappelant des sou- vrnirs d'ind<'|)on(lanec nationale et de gloire; pouvant apporler a la France I'alliancr de 1'Autricbe, tpii paraly- 429 serait toute nouvellc coalition ; pouvant exciter par son nom seul 1'enthousiasine guerricr qui va peul-etrc nous etre necessaire, Napoleon II a des partisans parrai les tbnctionnaires dc 1'einpire, les vieux sold-ats ct le peuple. Cependant on peut redouter son education par !\Ietter- nich , 1'influence de 1'Autriche, do sa mere et des servi- les instrumens du despotisme imperial ; il est d'ailleurs absent, et Ton ne sail pas meme si le cabinet autrichien consentirait a le donner. Le congres l'accepterait-il? II est bien plus probable que son choix tomberait sur le DUG D'ORLEANS. Qu'un parti patriote ait eu la pense'e de proclamer son pere apres 4789; que Dumouriez ait eu le projet de le proclamer lui-meme; qu'une tentative ait etc faite en sa favour pendant la premiere guerre d'Espagne ; qu'on 1'ait renouvelee peu avant les cent-jours, et depuis ; qu'il ait personnellement 1'ambition d'un tronc ; on peut le nier comme on peut 1'affirmer. Mais ce qui parait certain, c'est qu'un parti 1'adopte de- puis \ 829 , et que ce parti se compose d'intrigans , qui veulent des places ; de liberaux , qui veulent un roi ; de doctrinaires et d'hommes de la restauration, qui prevoient une insurrection inevitable et redoutent d'en etre les vic- times ; et de quelques patriotes, qui croient au prince uu veritable patriotisme. Le peuple ne le connait que comme un Bourbon, ct le comprend dans sa haine d'instinct centre cette race ; mais ce peuple est si conflant , il a tant besoin d'aimer , qu'il n'est pas difficile de captiver son affection par* des demons- trations populaires. Les homines energiqucs lui reprochent son isolement, son indifference, son egoisme et son inaction pendant la restauration ; mais la masse des patriotes se laisse faci- letnent seduire par tout le bien qu'on dit de lui. ( Voyez page 426 ), et la masse des timides fait des voeux pour son election. II est presque certain que le congres le prefererait a ses rivaux. Ab! s'il a 1'ambition dc troner, s'il aime le repos et 9 J30 quclque pu la liberte, qu'il doit avoir do regrets aujour- d'hui do n'avoir pas demande un congres ! Qucl funesle service lui ont rendu ses conseillers ou ses llatteurs , ou peut-etre des ennemis caches sous le masque du devouement ! ^ 40. Que faut-il faire pour TEXTERIEUR? Republirain ou monarchique , mais conslilue par un ongres et accepte par la nation , s'idenlifiant avec le pay*, monirant une confiance entiere au peuple qui s'eu est nionlre si digne, honorant la revolution et s'appuyant sur elle , le gouvernement ne pourra redouter, a 1'inte- rieur, ni emeutes ni adversaires quelconques. Et a I'exterieur? La revolution do 89, los discussions do la Consli tuante , de la Legislative i-t - ples , sans rien sacrifier a la crainte de la guerre ! Qui pourrait la faire hesiter ? L'interet des rois ? Com me si la justice condaimiait deux cent millions d'hommes habitant i'Europc a resler eternellement op- primes par quelques rois, quelques princes et cinq ou six cent mille aristocrates ! Qu'elle se declare done I'appui des peoples ! qu'elle proclame quo chacun d'eux a le droit de s'arranger comme il veut avec son gouvernement ; que les autres gouvernemens n'ont pas le droit d'intervenir; que, s'ils s'abstiennent , clle ne franchira pas sa frontiere ; mais que , s'ils veulent attaquer une revolution populaire quel- conque, elle est prete a s'elancer pour la secourir. Sur de n'avoir a lutter que centre son propre roi et sa propre aristocratic , chaque peuple va s'affranchir ! Dix revolutions populaires vont eclater ! Dira-t-on que c'est un rve, une imagination, une illu- sion ? Eh ! les revolutions de Belgique , de Suisse , de plu- sieurs petits etats d'Allemagne , de Pologne et d'ltalie no sont-elles pas une preuve incontestable , une demonstra- tion sans rcplique ? Ces revolutions ont eclate quoique la France s'endormit presque desannee ! Qu'aurait-ce etc si la France eiit veille sous les armes en promettant son appui! Onij, qu'on accepte la reunion dc la Belgique et 1'al- liance des peuples qui s'affranchissent ! qu'on protege la genereuse Italic l^qu'on reconnaisse en qu'on sauve 1'he- raique Pologne ! Qu'on ne craigne pas la guerre , et Ton n'aura pas la guerre ! Mais si les rois , entraines par la fatalite , veulent ten- ter la chance des combats , alors la propagande ! Que la France menacee fasse un appel aux peuples ! qu'elle eleve le drapeau dc raffranchissement ! qu'elle aide partout les amis de la liberte , et les amis de la liberte , delivre's par son secours, viendront a sa defense! La Turquie et la Perse elles-memes mettront peut-elre 500,000 homines a sa disposition! La victoire nc peut rlrc douteuse. , encore une fois , on ifaurait pas eu la guerre; J55 Fa paix aurait ete bientot certaine ; 1'industrie n'aurait pas langui ; I'enthousiasme ne se serait pas eteint , les eitoyens ne se seraient pas divises ; la liberte regnerait sur tous les peoples, et la France, libre, tranquille, heu- reuse , serait la bienfaitrice des nations. Oui , qu'on y reflechisse ! la revolution de juillet est peut-ctre , de tous les evenemehs qu'enregistre 1'histoire , celui qui pouvait avoir le plus d'influence sur le bonheur de rhumanite. Qu'il etait facile d'en tirer les heureuses consequences ! Qu'il a fallu d'infernal genie pour tarir la source de tant de biens ! Que de douleur, que de regrets n'eprouve-t-on pas quand on pense au bonheur et a la gloire que des mise- rables ont ravis a leur patrie ! Qu'ils sont coupables envers la France et tous les peuples ! Et que d'cxecration la posterite leur reserve si la liberte succombe dans la lutte que lui prepare le despo- tisme ! Nous venons de voir ce qu'on aurait du faire : voyons maintenant ce qu'on a fait. %* Malheureusement nous n'aurons plus a signaler que des fautes , des usurpations , des trahisons et des perils ! * + * \\ . Conspiration orleaniste pour s'emparer de la revolution. J'ai parlc d'un parti orleaniste existant certaineraent depuis 4829 au raoins. (Voyez page 429. ) Quclques bomnies de ce parti conspirent. O'est Talleyrand qui est Tame et le cbef du complot. Domine par les protres , se dit-il , entraine par le fanatique parti de Coblentz , Charles X nous repousse ou nous rcpoussera , tandis que le due d'Orleans nous appel- erait a lui. Le peuple d\tillcurs est furieux ; unc violenfe nsurrection est infaillible , et la republique ou Napoleon II seront proclames. Alors garc a nous tons, traitres, au- k'urs, fauteurs et complices de la restauration (nnr. Le peuple est si confiant! 155 JVaillcurs , le prince se rendra populaire ; il captivera lacilement Lafliltc, Lafayette et Dupont de 1'Eure, qui le croient tres liberal. Nous dirous aux patriotes : Vous devez etre cou- lens : car vous avez la souverainete et un roi republicain ; aux legitimistes : Vous dcvez etre heureux ; car nous evitons la republique, et nous vous donnons un Bour- bon ; a I'etranger : Vous devez etre trauquilles , car nous avons le meme interet que vous a contenir la liberte; a conserver 1'ordre, a eviter tout ce qui pourra agiter no- tre peuple et les votres; nous ratifierons les traites, nous entrerons dans volre sainte-alliance , nous nous unirons a vous pour comprhner les revolutions Ah! tout cela est bien difGcile et bien perilleux! Oui, mais... la republique! Napoleon II!... D'ail- leurs nous nous rendrons necessaires a la garde natio^ nale, aux bourgeois, aux marchands , a tous... . Et puis le liasard!... Et puis, ne sera-t-il pas toujours temps de planter la le pays? Essayons done... Guettons la revolu- tion. . . et tachons de Tarreter au passage. On voit que c'est une intrigue plutot encore qu'une ((inspiration; et, si les conspirateurs sc decidenta agir , cc no sera que pour operer une revolution depalais, de janissaircs ou de chambres, ou pour dcnaturer une revo- lution populaire. Autour de Talleyrand se groupent 1'abbe Louis, De- cazes, de Broglie, Pasquier, etc Guizot ( qui s'est fait admeltre dans la societe Aiile- ioi, le del t'aidera, pour se populariser et se faire elire depute), Sebastiani , Dupin et Berlin de Vaux , n'ont qu'un pied dans cette coterie. Royer-Collard ne s'opposera pas, mais s'abstiendra. Lal'fitte, bien que partisan du due, qu'il croit honnete liomme , sincere et patriote , reste en dehors : mais , quand il en sera temps , on obtiendra sa cooperation par Tbiers et Mignet , qui mangent aussi souvent a sa table qu'a cellede Talleyrand. Ces deux ecrivains sout les principaux agens de ce 436 fimiier, qui, pour avoir un organe qui puisse adroite- meiil preparer les voles, fonde ou fait fonder le National i\fc 1'abbe Louis, et leur en confie la redaction. Quand ils apercevront 1'insurrection populaire, ils s'effraieront, parleront ^imprudence et d." illeyalitt , et iiiume prendront la fuite ; mais ils reviendront bientol apres la victoire du people, et ce sont eux qui, les pre- miers , proposeront dans leur journal de choisir le due d' Orleans et de conserver la charte (4). L'ex-carbonaro de Schonen est peut-etre le plus actif des membres de cette coterie. C'est lui qui, sur la fin de decembre 4829 et au commencement de Janvier 4850 , sonde les carbonari : pour avoir leur appui , il leur confie que deux revolutions sont pres d'eelater; qu'il s'agit de 1'airc le due de Modene roi d'ltalie , et le due d'Orleaus roi de France; qu'un patriote italien (2) vient d'arriver a Paris; qu'il offre beaucoup d'argent pour commencer la revolution franchise , a condition que celle-ci aidera et facilitera la revolution italienne; il met tant d'impor- lance dans le succes de sa demarche, qu'il renouvellc sept ou huit jours de suite ses instances, de grand matin, au milieu de 1'hiver; et comme les republicains mon- Irenl peu de dispositions a se compromettre pour le due d'Orleaus , il leur avoue que la royaute ne sera qu'une 1 fans it inn a la republique, qu'il cherit et desire aulonl tju'eux ; mais ses efforts sont inutiles. Que d'autres mysteres et que d'autres noms 1'avenir devoilera peut-etre bientot ! Quoi qu'il en soil , cette coterie , dirigee par les roues de la police et de la diplomatic , et uniquement occupee des moyens d'escamoter la victoire, aura d'immenses (0 II est sans doute superflu de declarer que je ne confonds ni les nutrcs redacteurs et actionnaires avec MM. Thiers et Mignet, ni le National poslcrieur au 7 aout avec le National anterieur : personne ne peut faire une pareille confusion. (2) C'est M. MisJey, qui va pnl)lier inccssamment un recit fort curieux de tout ce qu'il a fait dans 1'interet de son pays. Pour se venger de cet ouvrage , la police force 1'auteur a quit tor precipitanunent la France. __ 437 avantages sur les patriotcs , qui , moins adrbits cl moirrs ruses, ne s'occuperont que des moyens de vaincre en. combattant : ceux-ci se bruleront en tirant les marrons du feu 5 ceux-la les mangeront! Nous allons les voir agir. 42. REVOLUTION ESCAMOTEE. Protestation des deputes, du 28 juillet. Deputation a Marmont. Ordre de fusilier huit deputes. 20, prise du Louvre et des Tuileries. Lafayette et Gerard prennent le commandement. Commission municipale. Sa majorite est orleaniste. Char- les X consent a tout. D'Argout, etc. , a I'Hotel-de- Ville et chez Laffitte. OH refuse de trailer avec Charles X. 50, proclamation en faveur du due d'Orleans. Malheureuses nations ! comme vous eles le jouet des intrigans, des hypocrites, des ambitieux et des traitres! Malheureux peuples , comme vous etes victimes de votre confiance , de votre desinteressement et de votre gene- rosite ! Nous avons vu les Casimir Perier , Sebastiani, Dupin, Berlin de Vaux, Guizot, etc., invoquer la legalite, faire lous leurs efforts pour paralyser les deputes patriotes , s'opposer a la prise de la cocarde tricolore et a 1'insur- rection. Nous avons vu Sebastiani proposer une lettre res- pectucuse a Sa Majeste Charles X , et repousser comme illegale une protestation proposee , des le 26 , par Berard et par Audry de Puyraveau. dependant , cette protestation , signee le 28 au soir par huit deputes , et imprimee avec les noms de soixante-un qu'on suppose energiques, dans une chambre de quatrr cent trente, declare que cette chambre n'o p ftre leya- lement dissoute avant d'etre constituee , el que les signa- taires se considerenl comme legalement elus a la deputa- tion; et mix qui, la veille el le matin, soulenaient le 438 conlrairc, y foul meltre leurs signatures, ou souffrcnt (ju'on lesy niette apres la victoire. Mais celtc protestation , redigee et apportee par Ville- main et Guizot, parle de devoirs envcrs le roi, des in- tentions du inonarque trompees , d'attachement aux <*- ritables et legitimes interets du trone et de la patrie ; de 1'inviolabilite du serment auroi et ii la charte constitution- nelle : toutes ces phrases sont supprimees a rimprimerie par la vergogne d'un journaliste qui laisse declarer seu- lement que les soussignes sont inviolablement fideles a leurs sermens , ee qui ne les empechcra pas de les violer deux jours apres. Des les deux heures du meme jour, 28, Laffitte, Mau- guin, Casimir Perier, Gerard et Lobau , envoyes par les deputes reunis chez Audry de Puyraveau, vont 'en depu- tation aupres de Marmont , aux Tuileries , pour deman- der la cessation du feuet le retrait des ordonnances. Nous n'obtiendrons rien , leur dit Laffitte avant dc par- lir; il faut done preudre une resolution d'avanee : que ferons-nous? Lc due d'Orleans! Oui, dit Gerard. Les homines me sont indifferens, dit Mauguin, les in- stitutions sont tout a mes yeux. Lobau parait hesiter. Casimir Perier garde un profond silence. - qu'on ne nous fasse pas marcher centre nos camarades ! Noa , non , repond Laffitte ; mais a votrc tour ne i. lirez pas sur le peuple! Non, jamais, nous le ju- rons. Pas de serment : la parole des braves suffit. Et Ton s'embrasse avec transport. Les trois partis (patriote, orleanisteet legitimiste) sont d'accord pour s^emparer du mouvement; mais les deux derniers ont rarrierc-pensee de s'en saisir pour 1'etouffer. Lafayette, reclame de toutes parts par les comhattans, declare que, non comme depute, mais coinme \ieux pa- triote de 89 , il accepte le commandement general de la garde nationale. Si nous n'avons pas , dit Berlin de Vaux , le vertueux maire de 89 , applaudissons-nous d'avoir reconquis Yillustre chef dela garde nationale. Gerard accepte , sous les ordres de Lafayette , le com- mandement des operations actives. Mauguin propose un qouvernement provisoire; mais Laffilte, Guizot, Berlin de Vaux, etc. , font preferer une commission MUNICIPALS de Paris. Quelle victoire, des le debut , pour les orleanistes ! Audry dc Puyraveau et Mauguin font partie de cette commission ; mais Lobau , de Schonen et Casimir Perier en sont membres aussi, avec Odilon-Barrot, Barthc, >Ic- rilhou, etc., pour secretaires Les patriotes n'y sont pas en majorite, et c'est une seconde et grande victoire des orleanistes. Les generaux ct la commission vont s'installpr a I'llo- Id-dc-Ville, ou se trouvent deja les generaux Dubourg et Subervic. Sebastiani so charge tfinspecter lo Louvre et les Tui- lories. Laffitle reslo avoc les aulrrs deputes. Cependant Charles X sc resigne a toutes los conces- sions ; il re voque ses ordonnauces , convoque les chambres pour le 5 aout , nommc Mortemart president de son con- seil , charge de son blanc-seing ; Casimir Perier ministrc des finances, et Gerard miuistrede la guerre; il confirme Lafayette dans son commandement de la 'garde natio- nale , et fera tout ce qu'on voudra. D'Argout , de Semonville et de Vitrolles apportent les nouvelles ordonnances de Charles X a la commission mu- nicipale, etpromettentunretour franc et sincere ii lacliarte. II est trop tard, repondent Lafayette , Audry de Puyraveau et Mauguin ; du reste , dit celui-ci , allez chez Laffitte. i) Casimir Perier palit et reste muet. Semonville et Vitrolles sont decourages ; mais d'Ar- gout va chez Laffitte , ou se trouvent encore les deputes , et leur fait la meme communication. A la bonne heure, dit Bertin de Vaux; a ces conditions on pent s'entendre. II n'est plus temps , dit Laffitte , il n'y a plus de Charles X! Sa decheance n'est cependant proclamee par la commis- sion municipale que le surlendemain , 51 , et par les chambres que le 7 aout 5 mais c'est en vain que Morte- mart ecrira directement a Lafayette , que Sussy lui remet- tra la lettre, que Casimir Perier lui parlera secretement, dit-on, pendant la nuit, et que meme, dit-on encore, on lui proposera d'etre regent de Henri V : cette de- cheance est reelletnent decidee des le 29 , et par conse- quent voila la porte ouverte pour le due d'Orleans. Cependant d'Argout , encourage par les paroles de Bertin et probablement par les confidences de quelques autres , demandc qu'on veuille bien entendre le due de Mortemart , et lui envoyer un sauf-conduit a Auteuil , ou il est retenu. Peu apres , Forbin-Janson vient cher- cher ce sauf-conduit. C'est alors que Sebastiani , sor- tant du salon , et s'adressant aux personnes qui se trou- vent dans la piece voisine , demande deux homines de bonne volonte pour accompagner Monsieur. Mais tandis quo les patriotcs nc s'nccupent qu'a s'or- 442 ;;iinisor militairrmont pour repousser do nouvcllcs alia- ques ot pour rxpulsor Charles \ , qui se retire a Rani- bouillet , los orleanisles ne s'occupent qu'a faire procla- ims leur roi. Combien do messages lui sont envoyes alors , je 1'i- gnore : je sais seulement que Dupin est parti le matin pour Neuilly , et que Laffitte envoie ces deux mots : une couronne ou un passeport! Vainement les insurges , entourant Lafayette et la commission a I'Hotel-de-Ville , et mettant en eux toute leur confiance , crient-ils : Plus de Bourbons .' plus de Rourbons! \ 7 ainement demandent-ils 1'cxercice de la sou- vcrainete du peuple et la convocation d'une nouvelle as- semblee nationale. Ce sont quelques deputes , quelques pairs , quelques orleanistes qui vont tout decider ail- leurs ; c'est surtout Laffitte , veritable dictateur des 28 , 29 et 30 juillet. Des le 50 , entre quatre et cinq heures du matin , La- reguy , Thiers et Mignet sont chez lui. Puisquc Thiers et Mignet s'y trouvent , c'est comiw si Talleyrand sitrouvait. Carrel y vient ensuite , amenant des commissaires rouennais , avec lesquels il part bientot apres pour aller soutenir la revolution a Rouen , puis dans la Vendee. Les deputes veulent conserver Cliarles X ! s'cst eerie Laffitte, batons-nous de proclamer le due d'Orleans ! Et de suite Thiers a redige la PROCLAMATION sui- vante . <( Charles X ne pent plus rentrer a Paris ; il a fait couler le sang du peuple... La republique nous expose- rait a d'affreuses divisions ; elle nous brouillerait avec TEurope. Le due d'Orleans est un prince devoue a la cause de la revolution. Le due d'Orleans ne s'est jamais battu contrc nous. ( La Tribune a ete condam- i) nee pour avoir dit le contraire. ) Le due d'Orleans etait a Jemmapcs. Le due d'Orleans EST vv ROI ci- toyen ( comme s'il etait deja roi ! ). Le due d'Or- i) h'ans a porte au feu les couleurs tricolores. Le due d'Orleans pent seul ( quelle absurdite ! ) les porter en- 445 core ; nous n'en voulons pas d'autres. Lc due d'Or- leans s'est prononce (\) ( quand ? comment ? ou ? ). II accepts la charte ( a qui l'a-t-il dit avant le 50 au matin ? ) tclle que nous ( nous ! qui ? ) 1'avons toujours entendue et voulue. C'est du PEUPLE FRAN^AIS ( quelle deception ! ) qu'il tiendra la couronne. Cette proclamation est imprimee, affichee, distribute le 50 , avec ces mots : de I'imprimerie du gouverne- ment, pour faire croire quc le gouvernement est defini- tivement conslitue : cette ruse n'est-elle pas du Talley- rand tout pur ? II faut la faire inserer dans les journaux ! C'est fa- cile On a le National; Lareguy redige le Commerce, Thiers se charge du Courrier et Mignet du Constitution- nel. Elle paraitra dans tous ces journaux et dans d'au- tres. La proclamation redigee , Lareguy sc rend (2) chez Lointier , ou se trouvent reunis les patriotes , et leur parlc du due d'Orleans. C'est la premiere fois que ce nom est prononce. Les uns consentent , mais en prenant la protestation des cent-jours pour point de depart ct en exigeant toutes les garanties necessaires. D'autres refusent , demandent la republique , et declarent , d'ailleurs , que [a nation seule a le droit Ae choisir son aouvcrnement. Cependant les deputes se reunissent chez Laffitte sui 1 les dix heures. Presque tous s'y trouvent. DC Broglie s'y rend aussi plus tard. Le peuple veut proclamer la republique ou Napo- leon II , s'ecrie-t-on avec effroi. Le seul jnoyen de 1'empecher, repond Laffitte, est de proclamer le due d'Or- Mottt. Le due d'Orleans! s'ecrie Y pensez-vous? En (1) Le Commerce imprime : Lc due d'Orleans ne se pro* noncera pas; i\ attend noire vocu. Proclamons ce voeu, et il acceptera la charte telle que, etc II pnrait que c'etait IB redaction primitive , et qu'elle a etd changee parce que 1'ac- ceptation du due etait devenue certaine. (2) II affirme ne s'y etre rendu que sur une convocation. \44 ]>lacordant son noin snr tous les niurs cl sur tous los ar- bres du boulcvart , vous n'obliendrcx pas cinquanto voi\ pour lui ! Dupin , au contrairc , retrouvc toute sa chaleur ct toute son eloquence pour faire adopter la proposition LaffiUe. Puisqu'il s'agit dc constituer un gouvernement , dit ccltii-ci , allons a la chambre ! Partons ! partons ! Tout a 1'heure , beaucoup d'entre eux ( Sebastiani , Dupin , Casimir Perier , etc. ) pretendaient n'avoir plus aucun mandat ni aucune qualite. Et cependant les voila sur leurs sieges de deputes ! Que vont-ils faire ? Voici le proces-verbal inconnu , inais redige sur 1'beure , de cette curieuse seance. 15. Suite du precedent. Curieuse seance a la chambre des deputes, le 50. Laffitte preside. Discussion sur la reception de Mortemart et sur u (jouvernement provisoire. Hyde de Neuville pro- pose de nommer cinq commissaires pour s'entendre avec cinq pairs. A. Perier, Guizot , Sebastiani, B. Delessert et Hyde de Neuville sont nommes a une immense majorite. De Snssy apporte les cinq nou- velles ordonnances. Lettre de Lafayette. Visite et discours d'Odilon Barrot au nom de Lafayette. Discours de Dupin. Rapport de Sebastiani. Le due d' Orleans est prie de ve nir exercer les f auctions de lieutenant-general du royaume. Priere rtdigee par Sebastiani. La commission municipale refuse de la publier. Douze commissaires la portent au Palais-Royal. Le due n'accepte qu'apres aroif fait prendre I' avis de Talleyrand. Proclamation du due. Laffitle presidera; car il est le genie du jour , et ccux meme qui , le 27 , jelaient les bauts cris centre la presi- dencc dc Labbey-Pompieres cbez Casirair Perier , n'ont pas le nioindrc scrupule pour se choisir un president. Los mis parlrnt encore dc (ibarlcs X , on du due d'An- jjoulcine, oudu durdc l)onlc;uvx. avccdcs concessions. lls attendant avec impatience le due do Mortemart , qui devait venii' des hier soir , et a qui Ton a donne uu ren- dez-vous au palais Bourbon. On s'occupe memo du ceremonial a suivre pour le re- cevoir : sera-t-il introduit tout simplement par les huis- siers , ou bien des deputes iront-ils au-devant de lui ? S'il se presente , certainement Charles X conservera sa cou- ronne ; et la disposition des 'esprits est tellement mani- festo que X n'ose pas meme communiquer le projet de decret de decheance qu'il a prepare. Mais le due se contente d'envoyer a sa place Collin de Sussy , et reste lui-meme avec les pairs. Pourquoi compromet-il ainsi le sort de son maitre ? Fait-il des vreux pour le due d'Or- leans ? Sait-il que les deputes ne feront rien sans avoir cnvoye une commission au Luxembourg ? Croit-il mieux servir Charles X en restant avec les pairs , pour trailer en vertu de son blanc-seing avec eux et les deputes com- missaires? Quoi qu'il en soil , voici le proces-verbal sommaire de cette fameuse seance : Salverte. Recevrons-nous M. de Mortemart? Sebastiani. II s'agit de graves, d'immenses interets : nous devons choisir le parti le plus sage et le plus utile. Or, pour choisir, il faut bien connaitre la situation. Nous devons d'ailleurs a M. de Mortemart de I'entendre lors- qu'il demande a etre entendu. ( Quelle politesse ! ) Lin depute de la gauche. Nous n'avons plus le choix: nous ne pouvons plus reconnaitre les pouvoirs de M. de Mortemart. Mauguin. En attendant qu'il arrive, occupons-nous de mesures de defense. Sebastiani. II viendra. Pourquoi le faire attendre? Pourquoi ne pas diseuter a 1'instant si vous 1'admettrez? Mauguin. Nous sommes menaces de nouvelles atta- ques; occupons-nous de la defense. Berard. Oui, occupons-nous de faire marcher les administrations pubh'ques. Mauguin. Les finances, les postes, 1'interieur, la police, sont occupes par la garde nationale : des rnesuros provisoires ont etc prises; decidez. 446 Le president. La commission municipale est an veritable gouvernement : c'est a elle a en exercer les fonc- tions. Louis. D'apres ce dont nous sommes convenes, pre- venons MM. les pairs que nous sommes assembles. On les previent. De Scbonen. 11 faut nous emparer des affaires. Salverte. Nommons un gouvernement provisoire; proclamonsquc les citoyens sont rentres dans leurs droits; les troupes viendront alors a nous. Berard. La commission municipale est surcharged; nommons un gouvernement provisoire compose de cinq membres. Persil. 11 faut un gouvernement. Mauguin. Donnez-vous a la commission tous les pou- voirs qui pcuvent lui etres necessaircs? Lobau. Conscrvez le litre de Commission municipale , et nommez de nouveaux membres, ou autorisez-uous a nous en adjoindro. La Commission municipale est conservee avec 1'auto- risation d'exercer les fonctions de gouvernement provi- soire et de s'adjoindre qui elle voudra. Hyde de Neuville. Nommez une commission de cinq on six membres qui so reuniront officieusement a un nom- bre cgal decommissairescboisispar les pairs de France, a fin d'examiner en commun cc qu'il convient de faire pour concilier tous les inierets et toutes les consciences. Salverte combat cette proposition ; mais elle est adop- tee, et Ton precede au scrutin pour nommer cinq com- missaires. En voici le resultat : Aug. Pcrier, 54 voix. Sebastiani, 55. Guizot 52. B. Delessert, 3-1. Hyde de Neuville, 28. Dupin , ^ 8. Salverte, B. Constant, Marschal et Berard chacun 9. Voilal'esprit de la reunion qui nomine les cinq commis- saires ! voila les cinq deputes qui , avec cinq pairs , vont decider du sort de la revolution!... Les cinq premiers se rendent au Luxembourg. Quelques autres deputes se disposent a sortir, et la reu. nion sera peut-etre indefiniment ajournee. 447 Mais Berard demande que la stance continue , et, sur la proposition d'un autre , la reunion sc declare en per- manence. C'est alors qu'arrive Collin de Sussy . En Tabsence du chancelier , dit-il , quelques pairs , en petit nombre , etaient reunis chez moi. Le due de Mortemart nous a re- mis une lettre adressee au general Gerard ou a M. Casi- mir Perier : permettez-moi de vous la lire ( elle est a peu pres ainsi conc.ue ) : Monsieur; parti de Saint-Cloud dans la nuit, je cher- che vaineraent a vous rencontrer. Veuillez me dire ou je pourrai vous voir. Je vous prie de donner connais- i) sance des ordounances dontjesuisporteurdepuis hier. Berard. Jene puis m'empe'cher de signaler ici un manque de franchise, M. de Mortemart, que j'ai rencon- tre ce matin , quand il allait chez M. Lafitte , m'a dit qu'il viendrait ici. Pourquoi n'y vient-il pas? B. Contant. Lisez les ordonnances. M. de Sussy les lit : la premiere revoque celles du 25 juillet, la deuxieme con voque les chambres pour le 3 aout, les trois autres nomment Mortemart, Gerard et C. Perier, ministres. Ces ordonnances excitent une vive agitation : combien voudraient certainement pouvoir les accepter! Collin de Sussy prie le president de les remettre aux nouveaux ministres Gerard et Casimir Perier ; mais Laf- fitte refuse : Je ne suis pas, dit-il, la petite poste de Char- les X. . Lafayette annonce par une lettre que le peuple s'attend a voir la chambre des deputes s'occuper, des le 5 aout, des grands interns de I'etat. II annonce aussi que le ducde Chartres a ete arrete a Montrouge , mais qu'il a donno Tordre de le relficher, attendu qu'on n'avait le droit d'arre'ter personne. Quelques hommes irrites centre tons les Bourbons auraient peut-etre maltraite cejeuneduc si Y... ne les avail retenus.... et Y... est aujourd'hui presque proscrit avec les autres hommes de juillet ! Od. Barrot est introduit, demande a etre entendu, el s'exprime a peu pres ainsi : J48 fc Messieurs, je ncsuis charge d'aucune explication pa r- n ticuliere 5 mais ayant recu Ics epanchemens de Thommc a qui etait reserves la gloire de presider deux fois a notre regeneration politique , j'ai cru devoir vous sou- raettre quelques observations. Le general Lafayette est preoccupe d'une crainte ; c'est que la population de Pa- i> ris ne soit pas unanime sur ce qui sera decide sans Tin- tervention des chambres. II craint que si Ton procla- >i mait A PRIORI un chef qui ferait des concessions plus ou moins larges, on ne rentrdt dans les theories du droit n divin. Pour faire cesser tant de dissentimens , ei donner ii a la revolution ce caractere d unanimite qui seul peut en assurer la force et la duree , le general pense qu'a- vant de prendre un parti decisif, il faudrait commencer par stipuler, en ASSEMBLEE GENERALE , les conditions du peuple, et deferer la couronne en meme temps qu'on proclamerait les garanties stipulees. C'est a vous, Mes- sieurs, a decider dans votre sagesse. Labbey-Pompieres. Vous connaissez les ordonnances de Saint-Cloud ? Vous 1'avez entendu : OH se croit encore roil On vous ajourne auSaout! On veut gagner du tempg parce qu'on attend des troupes. Je pense, Messieurs, que nous devons nous declarer aujourd'hui les deputes de la France. Unmembre. Attendons le retour des cinq eommis- saires envoy es a la chambre des pairs. B. Constant. Nous savons d'avance ce que la cham- bre des pairs nous dira : elle acceptera purement et sim- plement la revocation des ordonnances. Quant a moi, je no me prononce pas positivcment sur la question dedynas- tie. 3Iais il serait trop commode pour un roi de faire mi- trailler son peuple, et d'en etre quitte pour dire ensuite : il n'y a rien de fait. Rendez-nous les dix mille citoyens que vos satellites ont egorgt-s ! I>upin nine. Paris est dans un etat violent, heroique, mais qui nc peut pas durer. Qui oserait assurer que dans sept jours vous pourrez maintenir la population? Les ruos sont encombrees de barricades; la circulation ost deveniu- impossiltlo: \n stagnation des rmi.r pout devcnir une cause active d'iisa/ubri/^; et d'ailleurs les seditimts peuvent eelater , les partis se former : il n'y a pas un moment a perdre ; il faut quaujourd'hui m$me quelque chose soil decide sur 1'etat de la France 5 il faut, a tout prix, sortir du vague et de 1'incertitude dans lesquels on se traine peniblement. Vous etes sans gouvernement, il vous en faut un. Le president. II y a je ne sais quoi ftembarrasse et d'equivoque dans ce qui se passe autour de nous : il faut une deliberation immediate. Keratry. Oui. Le president envoie quelqu'un a cheval au Luxem- bourg pour inviter les cinq commissaires a revenir im> media tcraent. Les commissaires arrivent , et Sebastiani s'exprime a peu pres en ces termes : Messieurs , nous nous sommes rendus . chez M. le grand-referendaire. Nous y avons trouve vingt ou vingt- cinq pairs reunis. M. le due de Mortemart (charge du blanc-seing de Charles X ) etait present. Nous avons insiste sur la necessite d'aviser promptement a des com- binaisons qui, en assurantala France les garanlies sur lesquelles elle a le droit de compter, puissent ramener et affermir I'ordre , la securite et la confiancepubliques. Une longue discussion s'est engagee ; nous avons reri- centre chez MM. les pairs une grande affmite d'opi- nions et de sentimens; chacun a apporte dans la dis- cussion le desir sincere de retablir I'ordre et le calme. M. le due de Mortemart s'est surtout fait remarquer par la purete et la noblesse de ses intentions. Toutes les combinaisons , toutes les difficulty's ont ete envisa- gees. Nous avons fait sentir que, de toutes les mesures, la plus urgente etait la reunion des chambres, mai qu'elle ne pouvait s'operer AVEC LE CHEF QUE LES DER NIERS EVENEMENS ONT PLACE DANS UNE POSITION S FACHEUSE. ( Us le rappelleralent, s'ils 1'osaient ! Us n'appellent le due d'Orleans que pour le remplacer momentanement ! ) Nous avons cherche une solution : * la reunion des pairs 1'a trouvee , comme nous , dans i) une invitation it M. le due d'Orleans de se rendre it n Paris pour exercer les fonctions de lieutenant-general 450 (In royaume : nous esperons que cette niesure aura \o- tre assentiment. De toutes parts : aux voix ! aux voix ! Le president. La reunion entend-elle appeler le due d' Orleans au rang de lieiitenant-general du royaume ? Trois disent non : les autres disent oui. Le due est done reconnu LIEUTENANT-GENERAL DU ROYAUME. Cette reconnaissance est la revolution elle-meme, ou plutot 1'aneantissement de la revolution. Car Lafayette et la commission municipale se trouvent annules; le due est fait dictateur et maitre; on lui confie aveuglement les destinees du pays , on lui abandonne tout le gouverne- ment et toute la puissance : c'est lui qui va disposer du tresor, de I'arme'e , des ministeres et des fonctions pu- hliques ; c'est a lui que vont accourir tous les intrigans , tous les solliciteurs , tous les valets et tous les seides de 1'aristocratie 5 c'est lui qui va diriger 1'opinion dans son interet et dans 1'interet de son parti; c'est lui et les me- neurs de ce parti qui vont constituer le gouvernement dcfinitif , et rediger la charte ou la constitution qui leur conviendra. Des ce moment, la revolution est detournee, de'natu- ree, etouffee, perdue : car pourquoi pas un gouvernement provisoire comme a la fin des cent-jours, et pourquoi un lieutenant-general du royaume comme sous 1'ancien re- gime et comme avec le comte d 1 Artois le \ 2 avril \ 84 4 ? N'est-ce pas tout de suite la legitimite et la restauration conserves ? Du reste , quels sont Irs termes de cetle resolution , ct quelles en sont les conditions ? Vassal. Decidons que les couleurs nationales rem- placent le drapeau hlanv. DeCurcelles. Le lieutenant-general est-il appele sans tiinilitions, ou bien ajoutera-t-ou un article additionnel a la charte ? B. Constant. J'ai la conviction intime que les stipu- lations demandees par M. de Corcelles sont completement inutiles. Oui, le prince que vous investirez de la lieute- uance-ge'ncralo sera, coniiniiie il la toiijours Ol' 1 , fidilc u la cause de la libcrie. J'en crois Jemmapes et Valmy. Cependant, pour rassurer toutes les consciences, il serait utile qu'on indiquat les garanties reclameespar la nation, telles quo 1'organisation des gardes nationales , les elec- tions municipales et departementales , le jury pour la presse, etc. Voici un projet redige par Berard : Les citoyens legalement elus, en vertu des lois existantes, membres de la chambre des deputes, actuellement presens a Pa- ris , obliges par la necessite des circonstances , et par Tabsence de gouvernement etabli , de se reunir pour aviser aux moyens de sauver le pays, ont pris les reso- lutions suivantes : Voulant pourvoir aux besoins immediats du pays, et ne laisser aucun service administratif ou autre en souf- France, le due d'Orleans est nomme, pour trois mois, lieutenant-general du royaume. D'ici a Texpiration de ces trois mois, les pouvoirs legaux de 1'etat, c'est-a- dire la chambre des pairs et la chambre des deputes , ii ddtermineront les conditions auxquelles la royautc constitutionnelle devra exister a I'avenir en Fraiice. Le pacte redige par ces pouvoirs sera respectivement soumis a Vacceptation de la nation et du mo.narque dont elle aura fait choix. Mais ce projet , communique a quelqucs deputes , est trouve revolutionnaire et anarchique, et Berard ii'ose pas meme le soumettre a la discussion. Benjamin Constant redige un autre projet a peu pres semblable , et n'ose pas davantage le soumettre a Tas- semblee. Sebastiani et Benjamin Constant soul enfin charges de presenter une redaction. La voici : La reunion des deputes actuellement presens a Paris a pens6 qu'il etait urgent de prier S. A. R. Monsei- gneur le due d'Orleans de se rendre dans la capitale pour y exercer les fonctions de lieutenant-general du, royaume, et de lui expriiner le VOKU de consener les couleurs nationales. Elle a de plus senti la uecessite dp s'occuper sans relache d'assurer a la France , dans la prochaine session des cliambres, toutes les garanties indispensable? pour la pleine et entiere execution de la t> charte. Kpratry. Stipulez le renvoi des troupes etrangeres. Labbey-Pompieres. Dites que vous confiez 1'exercice du pouvoir jusqu'a ce que les chambres client fait une constitution. Bertin de Vaux. C'est au cri de vive la charte que la population a combattu et triomphe ; la charte ne sau- rait ctrc remise en question. Delaborde. Ajoutez seulement que M. le due d'Or- leans est appele pour donner a la France toutes les ga- ranties qu'elle reclame. Lefebvre. Ajoutez : Les chambres , dans leur pro- chaine session, reviseront, s'il y a lieu, la charte consti- tutionnelle. B. Constant. Je partage cet avis. Cependant la redaction de Sebastiani est adoptee sans aucune modification. Je dis de Sebastiani, car a cette redaction peut-on re- connaitre B. Constant, ni pour la forme, ni pour le fond? N'est-ce pas necessairement Fceuvre de 1'aristocrate et du diplomate Sebastiani? n'est-ce pas Inspiration du Luxem- bourg d'oii Jl arrive? n ? est-ce pas le langage des Talley- rand , des de Broglie , des Pasquier, des Semonville , des d'Argout, des Mortemart , cbarge du blanc-seing dc Charles X? Quoi ! une poignec do deputes, d'accord avec une poi- jfiH-e de pairs , parlant au nom d'une grande nation prie ffe vonir occuper le plus beau Irene du monde ! Elle ne le nomme pas lieulenant-{jfiK'r;il du ro\aumc; elle le prie d'en venir excrcer les fonctions, comme s'il en avail deja le titre et les droits, soil en \crtu du consen- temcnt que j'avais moi-meme long-temps portees. Les chambres (comme si un congres national n'dait pas necessaire) vont se reunir, et aviseront aux moyens d'AssuRER le regne des lois et le MAINTIEN des droits de la nation ( comme s'il n'y avail qu'a maintenir et rien a creer ) . UNE ( la proclamation affichee et imprimee dans le u Moniteur dit UNE , demain on dira LA ) charte sera de- sormais une VERITE. Signe Louis-Pbilippc d'Orleaus. Qu'on peso bien tous les termes dc cettc proclamation, 437 c-t qu'on lo dise : si K' due d'Orleans se regardait cotnmfi i-taiit dti droit lieutenant-general du royaume dans les cas d'absence ou d'empechement du roi , s'il venait exercer cesfonctions pour Charles X, cette proclamation ne pour- rait-elle pas lui convenir ? Le 28 , chez Audry de Puiraveau , Guizot disait que les deputes devraient se porter au milieu de la population comme mediateurs entre Charles X et le peuple : si le due d'Orleans ne voulait arriver aussi que comme media- teur pour prevenir, comme il dit, les calamities de la guerre civile et de Vanarchie, pour assurer le regne des lois et pour maintenir les droits de la nation , n'adople- rait-il pas encore la meme proclamation et les glorieuses couleurs deja reprises par le peuple? 44. Suite. Seance du 5^ . Rapport de Sebas- tiani. Adresse redigee par Guizot. Le due dit a It (( Jesuis republicaiti. Thiers lui conduit six chefs republicans. TOMS les deputes apportent I'a- dresse. Paroles de Laffttte. Proclamation de Lafayette et de la commission municipale. Ancienne lettre de Paul-Louis Courrier sur le due. La pro- clamation du due est dechiree. Odilon Barrot en- voye au Palais-Royal. Le due vient ft l'H6tel-de- Ville. Cris sur son passage. Froid accueil. Paroles de Dubourg. \ Quoi qu'il en soit , a une heure les deputes se reunissent a la chambre pour connaitre le resultat de la demarche qu'ils ont fait faire hier aupres du due d'Orleans. Leur nombre., quoique beaucoup plus grand , n'est cependant oncore que de quatre-vingt-neuf sur quatre cent trente. Personne n'est admis dans les tribunes. Le president lit la proclamation du due , et cette lee - lure excite de nombreuses acclamations. On en ordonne Timpression a dix mille exemplaires. Puis Sebastiani fait , au nom de la commission , le rapport dont j'ai parle tout-a-riicure. Les paroles que nous uvons recueillies de la bouche de S. A. R. , dit-il, respiraient Yamour de I'ordrv rt des lots , le desir ardent d'evitor a la France les uYaux (!c la guerre cirile, et dc la guerre etrangere , la fonm intention d'assurcr les libertesdu pays, et, commc S. A. R. I'a dil olle-meme dans sa proclamation, la volontede faire onfin une verite de cette charte qui ne Cut trop long-temps qu'un mensonge. (Tres bicn! tres bien!) (Moniteur In 2 aout.) Quoi ! la reponse du prince n'est pas ecrite ! On ne drcsse pas meme proces-verbal d'un acte si important et si decisif pour les destinees du pays ! Et ses proprcs paroles ne sont pas mcme rapportees aux deputes ni com- muniquecs a la France ! Non , la reunion se contente de la proclamation et du rapport de Sebastian! , ravie qu'clle est d'apprendre que Ic due consent a conserver la charte, les pairs et les deputes recemment elus, et qu'il promet de convoquer immediatcment les deux chambres. Elle lui abandonne- rait volonlicrs la dictature et Ic pouvoir absolu , assurec qu'elle est qu'ellc va les partaker avec lui. Cependant THotel-de-Ville , scandalise de ce qu'on jette ainsi le pouvoir , envoie Odilon-Barrot pour inviter la reunion a stipuler des conditions et des garanties; mais on preferc une adresse a la, nation. Labbey-Pompieres , Corcelles et Benjamin Constant demandent que celte adresse indique que le peuple a reconquis sa liberte. Salverte propose d'adopter la declaration de la chambre de 48J5, avec de tres legeres modifications. Mais Guizot, Villemain, Berard et Benjamin Constant ont ete designes coinmc secretaires, et c'est Guizot, aide de Villemain surtout, qui va redigcr cette adresse. Us se retirent pour s'occuper de cette redaction et ne la commenceront probablement pas sans aller encore au Luxembourg pour sc concerter avec Mortemart, de Bro- glie et les autres pairs. Cependant le president communique a 1'assemblee les informations qui lui sont transmises au sujet de la pro- clamation du due, qui vient d'etre affichee et publice : il annonce que la lecture dc celte proclamation excite 459 dans le public la plus vive agitation , et que I' omission , soit de la date, soil du eontre-seing de la commission municipale, est probablemcnt la cause des inquietudes qui se manifestent. II est urgent , dit Persil , de faire prevenir le lieu- tenant-general du royaume ; qu'on 1'invite a parcourir i) la capitale avec une deputation de la chambre; ou bien qu'on fasse centre-signer la proclamation par le general Lafayette (tant on lui reconnait de puissance). Dans mon opinion , dit Alexandre Delaborde , il i) suffit que les deputes se rendent au Palais-Royal. (i Partons de suite , s'ecrie-t-on de toutes parts , allons-y tous. Les plus vives alarmes agitent les esprits , dit Ber- nafd ; les bruits les plus inquietans circulent , surtout autour de I'Hotel-de-Ville. > Partons , repete-t-on de tous cotcis. Point de prec-pitation dans d'aussi graves circon- i) stances, dit le president, attendons Yadresse. (Natio- nal du 4 er aout.) Guizot reparait enfin et lit cette adresse . La France est libre , dit-il ; le pouvoir absolu levait i) son drapeau; \heroique population de Paris 1'a abattu. Paris attaque a fait triompher par les armes la cause sacree qui venait de triompher en vain dans les elec- tions. Un pouvoir usurpateur de nos droits , perturba- teur de notre repos , menagait a la fois la libertt et I'ordre : nous rentrons en possession de 1'ordre et de la liberte. Plus de crainte pour les droits acquis; plus de n barriere entrc nous et les droits qui HOWS manquent en- )) core. Un gouvernement qui , sans delais , nous garantisse ces bicns est aujourd'hui le premier besoin de la patrie. Fran^ais , ceux de vos deputes qui se trouvent dejp ii a Paris se sont reunis ; et en attendant Intervention reguliere rfes chambres , ils ont inviU un Fran^ais qui n'a jamais combattu que pour la France, M. le due d'Orleans , a venir exercer les fonctions de lieutenant g&ne'ral du royaume. C'est a leurs yeux le plus snr moyen d'accomplir promptement par la paix le sucees 460 }> de la plus legitime defense. (Tout cela no pcut-il pas se faire dans rialentiou do consener Charles X?) a Lc due d'Orleans est devoue a la Cctuse nationale et conslitutionnelle 5 il en a toujours defendu les inh'-ivts et professe les principes : il respectera nos droits , car il tiendra (le nous les siens. Nous ( et la nation ! ) , nous assurerons par des lois toutes les garanties necessaires pour rendre la liberty i) forte et durable. Le retablisserrient de la garde nationale avec 1'inter i) vention des gardes nationaux dans le choix des offi- ciers ; 1 intervention des citoyens dans la formation des i) administrations de'partementales et munipales; le jury pour les delits de la presse ; la responsabilite legalemeiit i) organisee des ministres et des agens secondaires de radministration ; Fetal des rnilitaires legalement assure; la reelection des deputes promus a des fonctions pu- bliques. Nous donnerons a nos institutions , de concert avec le chefde I'etat (c'est la legitimite! ) , les developpemens dont elles ont besoin. Francois, le due d'Orleans lui-meme a deja parle, et i) son langage est celui qui convient a un pays librc : Les chambres vont se reunir, vous dit-il ; elles aviseront i) aux moyens d'assurer le regne des lois et le maintien des droits de la nation. La charte sera desormais une verite. Etaient presens MM (Suivent les nuins de quatre- viugt neuf deputes. ) Cette adressc , qui serait infmiment plus vague encore- si Corcelles et d'autres deputes patriotes n'y avaient fait inserer quelques promesses, on pailnnt de la colt-re popu- laire , ne eontient aucunc garantie reelle^ ellc conserve la cliartc, la pairie , les deputes actuels; elle eontient a peinc les promesses faites par le niinistere Martignac , et ne presenlo pas meme toutes les concessions que pourraii faire Charles X lui-meme; elle ancanlit la revolution. dont elle ne prononce pas memo le noin et qu'ellc ne con- sidere que comme une simple defense. T.os vainqueurs devront en etre furieux. 461 Mais les deputes orluanistes ou legitimisles , dont ellc assure le triomphe et qui se trouvent la reunis en ma- jorite, Faccueillent avec enthousiasme et la votent sans discussion. Les deputes palriotes ia desapprouveut et so bornent a lui refuser leurs signatures : c'est pourquoi le Moniteur, imprimaiit les quatre-vingt neuf noms au has (pour faire croire que tous Font signee), emploie cette expression iuusitee : etaient presens. Girod de 1'Ain demande , avec chaleur , qu'elle soil imprimee et portee de suite , par tous les deputes , u lieutenant-general. Tous se levent en masse. Je ne puis vous accompagner , dit Laffitte , blesse au pied en franchissant , le 28 , une barricade. Vous eles 1'homme populaire d'aujourd'kui , lui dit Tun Vous serez notre paratonnerre , lui dit 1'autre ! Veoee en chaise a porteur 5 venez , venez ! . . . . Allons. Nous ne saurions decrire , dit le National ou plutot Thiers , les transports d'allegresse qui ont accueilli les ') deputes sur leur passage ; c'est a travers une haie d'hommages et d'applaudissemwis qu'ils sout arrives au Palais-Royal. Le prince les a rec^us avec une cor- dialite qui s'associe noblement avec la popularity de nos representans. Voila la fable : voici la verite : Un tambour avine et chancelant , puis quatre huissiers ouvrent la marche : quelques gamins escortent le petit, peloton de deputes qui , au milieu d'un silence pres- que continue!, semble se glisser au Palais-Royal. B a precede ses collegues : il annouce leur visile et leur adresse. Ah! mon cher B , que je souffre la, dit le due en portant la main sur son comr , c'est mot qui vais tuer la republique, moi qui suis republicain! Les deputes entreat. Laffitte est avant Sa jambe, blessee . est seulement enveloppee de bandelettes : des pantoufles sont a ses pieds Ce singulier costume fixe les regards du due Ne regardez pas mes pieds, dit Laffitte , mais mes mains : ce que je liens {1'adresse) est est bien beau : c'est une lowoune? (N'est-il pas en effet M 102 dcja rot?) Si la Quotidienue me voyait, ajoule-t-il lout Las, cllc dirait quo c'est un sans-culotte qui vous la presente. u Puis il lit solennellcmcnt 1'adresse. Commc Francois, repond le prince (Moniteur d\i . 1 er aout) , jc deplore le nial fait au pays et le sang qui i) a ele verse; coinme prince (comme prince! Qu'est-ce i) quo cela veut dire?) je suis heureux de contribuer au bonheur de la nation. Messieurs, nous allons allera l'Hdtel-dc-Ville. > Auparavant il se montrc au balcon avec Laffitte, et des vivat les accueillent tous les deux. Avant de rcccvoir les deputes, le due a rec_u six des principaux carbonari et des principaux republicans : c'est Thiers qui est vcnu les chercher , qui a fait tous ses efforts pour les determiner a cette visile , et qui ls a in- troduits au Palais-Royal. Sans montrer aucune hostility personnelle, ils demandent notamnient un congres natio- nal et la reorganisation des tribunaux. Ah ! pour les juges, dit le prince, je leur en veux au- tant quc vous : ils mont fait perdre tous mes proces. Neanmoins ils sortent sans avoir rien obtenu , mais sans quc les caresses , les flatteries et les offres les plus se"duisantes aient pu les rendre infideles a leurs opinions et a la souverainete nationale. Cepcndant quc se passe-t-il aillcurs ? Lafayette et la commission municipalc s'adressent aux citoyeus et commencent a gouverner. Proclamation de la commission , du 50. La cause i) de la liberte a triomphe pour jamais : les citoyens de Paris 1'ont reconquise par leur courage , comme leurs peres Tavaient fondec il y a quarantc-un ans . La commission nomme provisoirement des ministres ; elle nommc aussi Delaborde prefet dc la Seine, Bavoux prefet de police , Chardel directeur des posies, Marechal direcleur des tclegraphes. Le lendemain , elle ordonne 1'organisalion de vingt re- gimens de garde nalionalc mobile. Proclamation de Lafayette, du 50. Meschers con- it citoyens , la conGance du peuple dc Paris m'appelle en- coreunc fois au conimandcment de la force publique. J'ai accepte avec devoument et avccjoic les devoirs qui i) me sont confies Je nc feraipas de profession defoi : i) mes sentimens sont connus. La conduite de la populu- tion parisienne dans ces derniers jours d'epreuve me i) rend plus que jamais fier d'etre a sa tete. La liberte triomphera ou nous perirons ensemble. Vive la liberte ! Vive la patrie ! Proclamation de la commission municipale, du 5J juillct. Habitans de Paris, Charles X a cesse de re- gner sur la France! Ne pouvant oublier I'origine de son autorite , il s'est toujours considerecommel'eHnemi de notre patrie et de nos libertes qu'il ne pouvait com- prendre. Apres avoir sourdement attaque nos institu- tions par tout cc que Yhypocrisie et la fiaude lui pre- n taient de moyens , lorsqu'il s'est cru asses fort pour les detruire ouvertement , il avait resolu de les noyer dans i) le sang des Francais : grace a VOTRE HEROISME , les crimes de son poirvoir sont finis. i) Quelques instans ont suffi pour aneantir ce gouver- nement corrompu , qui n'avait etc qu'unc conspiration permanente cpntre la liberte et la prosperite de la France. La nation seule est debout, paree de ses cou- leurs nationales qu'elle a conquises auprix de son sang ; elle veut un gouvernement et des lois dignes d'elle. Les sentimens et les principes des membres de la v commission sout les votres. Au lieu d'un pouvoir ira- *> pose par les armes etrangeres , vous aurez uu gouver- nement qui vous devra son origine. Les vertus sont dans toutes les classes 5 toutes les classes ont les memes droits ; ces droits sont assures. Vive la France ! vive le peuple de Paris ! vive la li- berte ! C'est en vain que le National a publie la proclamation de Thiers en favour du due d' Orleans et de la charte. (Voyez page 446.) C'est en vain que , pour mieux rccommander le due , il transcrit une lettre imprimec en 4822 par un des ecri- vains les plus populaires , Paul-Louis Courrier , s'expri- naiil ainsi : * J'aime ie due d'Or-leans parec qu'dant ne prince , if daigneclre honncte komme. II ne m'a jarnais rien pro- mis ; mais , \c cas avonant , je me fierais d hu , cl Vac cord fait, je pense qu'il le tiendrait sans frcmde , sans en de"iiberer avec les gentilshorames , ni en eonsulter des- jesuites S'il gouveraait , il ajusterait bien les ii les choses , non settlement par la sagesse qui peut etre en lui , m'ais par une vertu non moins considerable et M trop peu celebree. C'est son ECONOMIC; qualite , si Ton veut , bourgeoise , que la cour abhorre dans un prince , mais pour nous s\ prccieusc , pour nous administrersi belle, si comment dirais-je? si divine, qu'avec elle je le tiendrais quitte quasi de toutes les autres. Vains eloges ! la proclamation du dued'Orleans cst de- chiree dans beaucoup d'endroits , aux cris de u bos les Bourbons', plus de Bourbons! Descombattans s'indi{jnent de ce que les deputes ont nomme on lieutenant-general du royaume ; on invoque , avec la souverainele nationale, les promesses de Lafayette et de la commission munici- pale ; on demande qu'ils nese laisscnt pas enlever le gou- vernement provisoire qui leur est confie. La commission et Lafayette envoient Odilon-Barrol pour protester en quelque sorte contre ce quont fait les deputes ; et cctte mission est tcllement urgente qu'il part it cheval, malgre la difficulte des barricades. Malbeureu- sement , il rencontre , devant le Pont-dcs-Arts , ie due ct les deputes qui se rendent a l'H6tcl-de-Ville. <( Les expressions manquent , dit Thiers dans le Natio- nal, pour peindre Yenthousiasme qui , de toutes parts, a eclate sur le passage du prince et des deputes. L'air retentissait sans cesse tYacclamations qui exprimaient toutes les joies d'un peuple jaloux de sa liberte , tt heu- reux de recueillir le fruit de ses lieroiques efforts. Au sein mf'mc de l'H6tel-de-Ville, ces acclamations ont re- it double , lorsque M. Laffilte a fait recommencer per > M. Viennet la lecture de la proclamation. Cettejournee couronne dignement celles qui ont mis dans un jour si eclatant les vertus de la population parisienne. Non, cet enthousiasmc impossible a peindre, ccs ae- 465 vlamations, cc redoublemcnl a rHotel-de-ViMe , ne sont pas la verite. Jusqu'a la place do Greve , on cntend des cris , tantot pour le due , et tantot pour Laffitte ; mais sur la place , on n'entend plus que vive la liberte! vive Lafayette! vive la republique! plus de Bourbons! II faut du courage pour affronter le truit de cette mer populaire. dependant le prince monte, appuye sur Laffitte. Lafayette et la commission le re^oivent dans la grande salle , et les vainqueurs Tentourent au milieu d'uii morne silence. En abordant le general, le due lui tend la main , se jette a son cou et I'embrasse affectueusement. Laffitte va lire Tadresse a 1'assemblee : Donnez, (lit Viennet , en enlevant rapidement des mains de Laffitte le papier qae eelui-ci ne lui donne pas, j'aiutievoix sw- perbe, et il lit; puis il figure plus tard dans le tableau; (|ui , representant cette scene , transmettra sa gloire a lu posterite. Apres cette phrase de Fadresse, le jury pour les delits de la presse , le doc dit et repete plusieurs fois : II n'y en aura plus il n'y en aura plus Vive le due d' Orleans I s'ecrie de Schonen , et (jcl- ques voix de deputes repetent ce cri, auquel les jcunes gens rpondent par celui de vive Lafayette. Le due Famene vers le kafcon, saisit ua drapeau tri colore, se montre aw peuple, qui crie un pen vive le OUBLIEZ, n&tts vous les rappellerons ! Ab ! Monsieur (rdpond fe due avec 1'accent d'une profbnde affliction , el c portaiil la mam sur son i-ceur) , si vous me coit- naissioz , vous u'exprimeriez pas un pareil soupeon. Je vous connais bien , replique le general en se tour- nant du cote des homines qui out combattu. Sans vous , penvent dire aussi les vainqueurs a Laf- fitte et Lafayette , le due et les deputes ne seraient rien aujourd'hui : c'est vous seuls qui uous imposez un roi; c'dst vous qui placez sur le troue un Bourbon ; vous en etes garans et responsables ; s'il peut 1'oublier un jour , ue 1'oubliez jamais vous-memes ! 45. Suite. Programme de I'Hotel-de-Ville. Visite de Lafayette an lieutenant-general t?u royaume. Explications entreeux. Je suis repnUicain . Ccpendant les patriotes , les jeunes gens et le peupfe T qui out brave Id mart pour la liberte ; qui pleurent dcs fro res ct des amis tues en combattant comme eux ; qui suspectent le due , parce que c'est un Bourbon ; qui redoutent Tintrigue, 1'ambition, 1'aristocratie ; qui, noirs de poudre et de poussiere , ont encore les armes a la main: cette troupe enthousiaste , dis-je , est prete a se relever en masse pour obteuir des garanties. Malheur alors aux pairs et aux deputes, s'ilsveulent re- sister ! Mais Lafayette leur offre d'aller au Palais-Royal pour si ipuler des conditions plus positives et plus populaires, et demande que tout mouvement soit suspendu pendant vingt-quatre ou quarante-huit beures. On accepte,.on consent. par respect pour le vieil ami de la liberte. Voici, du reste , ce que demandent les patriotes genc- ralement : La souverainete nationale reconnue en tete de la constitution comme dogme fondamental du gouverne- ii m'iit : Point de pairie hereditaire, mais deuxcham- - brcs bomogenes; Renouvellement complet de la ma- jjislrature: Lois municipale et communalc sur le 1'iincipe le plus large d'election: Pas de cens d'eligv 467 H bilite; Gens electoral a 50 fr. ; L'clection appli- I quee a toutes les magistratures inferieures , notamment* aux justins de paix; Plus de privileges ni de mono- ii poles ; Liberte entiere des cultes et de T.enseigne- meat ; line ecole primaire gratuite par commune ; ii Liberte entiere de la presse , sans timbre ni caulion- nement, ni droit de transport pour les journaux ; ii Jury pour les delils de la presse 5 Jury d'accusation ; i Garde nationale nonunaiil directement tous ses of- ficiers sans exception ; Responsabilite des agens se- condaires , sans Tautorisalion du conseil d'etat ; I Tout cela enfin adopte provisoirement et devant itre H soumis a la sanction de la nation , seule capable de >> s'imposer le systeme de gourer nement gut lui can- 't viendra. Lafayette resume tous ces principes en un seul : un tr6ne populaire entoure d" institutions republicaines. II part sur les huit heures , et se rend au Palais-Royal. Que s'y passe-t-il? Ecoutons-le parler lui-meme dans la lettre qu'il ecrit plus tard a ses commettans, le -13 juin Apres la visite du nouveau lieutenant-general, ac- ii compagne des deputes , a THotel-de-Ville , je crus trou- ii vqr, dans Tautorite et la confiance populairedont j'etais H invcsti , le rfroit et le devoir d'aller m'expliquer fran- > chement au nom de ce meme peuple , avec le roi pro- i) jete. Vous savez, lui dis-je, que je suis repubUcain, et que je regarde la coiisfttution desEtats-Unis comme la plus parfaite qui ait existe. Je pense comme vous, repon- ii dit le due d'Orleans; il est impossible d'avoir passe deux ii ans en Amerique et de n'etre pas de votre avis; mais ii croyez-vous , dans la situation de la France , et d'apres i) ('opinion generale, qu'il convienne de I 1 adopter? Non , lui dis-je ; ce qu'il faut aujourd'hui au peuple fran^ais, c'est un trone populaire entowe d' institutions republicaines, tout-d-fait republicaines. C'EST BIEN H AINSI QUE JE L'ENTENDS, repartit le prince. Cetenga- ment, mutuel que je m'empressai de publier, acheva de rallier autour de nous ceux qui ne voulaient pas de mo- 168 ' , ri i eu\ ijiii on voulaiciit un tout auUx- |u'un :> Bourbon. C'est oil effet cot engagement qui determine les Ixata- parlistcs, ct surtout les rcpublieains , U renoncer a leur projcl d'insurrection contre des cbambres usur pa trices et centre le lieutenant-general. Voila done ce que Lafayette appclle ( improprcmcnt ; rut-etrc} le programme de t'H6tel-de-Ville. C'est r adop- tion des principcs de Fa constitution atnericaine; c'est stirtotit cette proposition qui lui seaible les rcnfcrmer lous , un t rone poputaire entoure ({'institutions rtpubli- caines , 1out-it-fait republicaincs. A Tinstant menie , il annonce , il public que ce pro- gramme est aecepte par le due d'Orleans ; ct partout, (lans les dopartemens ainsi qu'a Paris , on adopte , commc programme de rB6tel-de-Ville, comme principefondamen- tal de la revolution nouvellc , un trdne poputaire entoure d' institutions republicaines. Lafayette le repete solennellement en toute occasion , sans craindre aucun drmeuti, sans en recevoir aucun. Un trtine populaire entoure d' institutions republicai- nes (dil-il dans un ordre du jour du 49 decembre, la veille du proces des ministros), tel fut lo programme adopte par un patriote de 89 , devenu roi-citoyen : peu- pie ct roi se montreront fideles it ce contrat. Aujourd'hui, dit-il a la tribune, le 27 decembro, le lendemain du proces des ministres) , ma conscience <> d' ordre public est pleinement satisfaite. J'avoue qu'il n'en est pas de menve de ma consciencede liberte. Nous connaissons tous ce programme dc rH6tel-de-Ville : Un > trone populaire entoure d' institutions republicaines ; il a etc accepU , mais nous no 1'entcndons pas tous de memc. CV'tait au milieu d'une crise : comme mi 34 juillel , l.afa\-tto (Halt tout puissant alors ; on avail besoin dc ia protection dc sa popularilc; on 1'appelait sauveur et won rher jiatriote que moi? Comment, dit-il a plusieurs personnes qui pour- i) raient 1'affirmer, comment trouvez-vous le general La-- fayette , qui a la prctention d'etre plus rcpublicain que i) moi? Serai (-il possible au plus defiant ., auplus soup^onneux, (4) Du])ont (de ITure) rcfusait d'ahord le portefcuille de la justice, \ous auriez la pretention d'etre plus patriote que moi ' Du- Pont (de 1'Eure) ne resista plus . - no de n'elrc pas rassure, persuade, seduit par des protesta- tions si nombreuses et si positives ? Malheureusement le systeme du 45 mars est deja clan- destinement adople des le -I" aout; la ruse lemporle sur la force, et la revolution est perdue. 46. Suite. Ministere provisoire. Demission de la commission municipale. Proclamation de La- fayette. Charles X nomme le due d'OrUans licu- tenant-yeneral du royaume. Abdication en faveur d' Henri V, deposee. 5 aouf, ourerture de la session. Nomination du president de la chambre des de- putes. Par un inconcevable aveuglement , ou par d'inexplica- bles mano3uvres , la commission municipale (dans la- quelle s'e trouvent, il est vrai, C. Perier, de Schonen et Lobau , et leurs secretaires Barthc et Merilhou ) choisit pour ministres Louis, Guizot, de Broglie, deRigny, Gerard, Bignon et Dupont de 1'Eurc. Merilhou a in erne presente Sebastiani et Dupin , remplaces eusuite par Bi- {jnon et Dupont. Combien y en a-t-il la qui represcntent reellement le peuple et les vainqucurs? Charles X ne pourrait-il pas accepter un pareil ministere? Et le due d'0rlean$^>eut- il mieux choisir pour conserver la charte , les chambres , et les principes de la restauration? Les ministres provisoirement choisis a THolcl-de-ViHe sont done provisoirement conserves. Settlement Mole rcmplace Bignon , et le ministere de la marine est va- cant. Mais Sebastiani sera bientot ministre. On prcnd Dupont , parce que sa popularite est ndces- sairc; et Laffitte se jettc presque a ses genoux pour vain- cre sa repugnance el le determiner a accepter; mais on le renverra des qu'on croira pouvoir se passer de lui. On n'ose pas encore prendre d'Argout , negociateur pour Charles X, et Casimir Perier, choisi par lui pour t-trc ministre, et qui s'cst oppose a sa decheance ; mais on ne tardera pas a les appcler ; en attendant , Us no sc- ront pas inutiles dans les deux chambres. Mais on nc craint pas d'admettrc Sebastiaui, Guizot, Louis, qui, loin de rien i'aire pour Insurrection, se sont efforces d - Tempecher. Talleyrand lui-meme sera bientot ambassadcur a Lon- dres, et dirigera la politique etrangere, c'est-a-dire dis- posera du salut de la France. Ah! MM. Lafayette et Laffittc, vous connaissez tous ces liommes, et vous ne conseillez pas au due, que vous ai- mez comme la patrie , de ne pas les choisir pour minis- nistres d'une revolution dont vous savez qu'ils sont les enuemis ? Voila done les conspirateurs orleanistes , les partisans de 1'aristocratie , de la restauralion et de la legitimite , maitrcs de cette revolution ct du pouvoir! Que vont-ils faire de la commission municipale? N'osant pas 1'annuler , on lui insinue de donner sa d6- imssion. Les combattans 1'exhortent a refuser. Odilon-Barrot le promet en son nom; mais de Scbonen, C. Perier, et d'autres encore, sont dans la commission ou pres d'elle; les devoues, profitant de 1'absence d'un ou de deux de leurs collegues , se hatent , des le \ er aout , de donner la demission desiree, sans qu'elle ait etc ni signec ni con- sentie par tous les membres de la commission : elle est redigee secretement, et 1'on s'empresse de la porter au Palais-Royal, revetue de trois ou quatre signatures seu- lement. C'est ainsi que cette commission municipale , que le peuple considerait comme etant, avec Lafayette, la seule autorite populaire, se laisse jouer et desarmer, ou plu- tot abandonne son poste sans rien dire , et livre le pou- voir sans rien stipuler pour la revolution ! Le lieutenant-general daigne leur exprimer des re- grets, et les inviter a continuer leurs fonctions pour ce qui concerne- Paris ; mais ses fonctions se trouvcnt effec- tivement annulecs , ct 1'organisation des vingt regimens d garde nationale mobile n'aura pas lieu : peut-etre an- 472 nulerak-on aussi l:i dOi-heance de Charles X si la cliosc i tait possible ! Cependant Lafayette est conserve dans son commamlc- incnt par le lieutenant-general du royaume , et rcstc a lUdtel-de-Yille ; il commando encore la garde natiouale , ct c'est lui surtout que le peupFe regarde comme son dc- fenseur. Dans fa glorieuse crise ou Tenergie parisienne a re- conquis nos droits , dk-il dans un ordre du jour du 2 aoiit , tout reste encore provisoire ; il n'y a de depni- tif que la souverainete de ces droiis nationaux , el I'e- ternel souvenir de la grande semaine du peuple ;. mafs la reorganisation des gardes nationales esl un besom de defense ct d'ordre public reclame de toutes. parts i) Je crois devoir, pour servir la liberte et la patrie , ac- cepter 1'emploi de commandant-general des gardes na- tionales de France. Si quelqu'un doit penser qu'un congres national est necessaire, c'est assurcment le vieux ropresetaut de 89 ; aussi le desire-t-il et le demande-t-il ; mais F lui fait traindre la discordeet la guerre civile : il cede, et, dans sa proclamation du 54 , il reconnait que les deputes ac- tuels peuvent constituer le gouvernement. D lors tout est perdu. Neanmoius , il y dit que le peuple francais est reatFti dans la plenitude de ses imprescriptibles droits; qu'il fan t d'abord assurer a la patrie toutes les garanties de liberte, d'egaliU et d'ordre public, que reclament la nature sou- reraine de ces droits et la ferme volonte du people; que dt'-ja, sous la rest aura lion , il etait reconnu que r dans la session actuelle , les lois indiquees dans 1'adresse devaient etre faites avoni tout vote des subsides ; et qu'i plus forte raison aujourd'hui ces garanties et toutes celle? que peuvent reclamer la liberte et I'egalite doivent pre- cder tonte concession dc ponvoirs defiuitifs. Liberte, EGAUTE , ordre public , dft-il en t < nninant , ftit toujours rna devise; j'y serai fidele. 11 fait offoclivomcnt ocriro. cette devise sur tes dra- peaux tie ia garta aalionale , avec ees mots : 27 , 28 el WjviUet. 'i Qttoi '. lui (lit Girod de 1'Ain , cnvoye pres de lui , vous adoptez cc mot egalite, qui rappcllc UQ nom ro- volutionnairc, Pkilippe-Egalite! Quelle inconvenancc ! quel scandak)'. Et cc mot , qui seul rcpresente la re- volution , disparait poor laisser la place a f ordre public , dent le despotisme et 1' aristocratic savent si bicn abuser. Mais du moins Yaigle de 1'independance deploiera-t-il ses ailcs sur les drapeaux dc ia garde natioaalo? Non , c'est le coq gaulois qu'on y place , et meme , par rrenr , on 11 y met qu'un cliapon. Enfin Ton adopte , pour la garde nationale , un uni- forme tellement brillant et dispendieux , qu'on lui donne a 1'instant un esprit de futile vanite , et qu'on en fait un coqis presque aristocradque , dont le peuple st exclu par sa misere. llevenons au due d'0rlans, ct riv^me & Charles X. Retire a RambouiHet , celui-ci fait rediger et envoie au due d'Orf^ans un acte ainsi con^u : Le roi, Toulant mettre fin aux troubles qui existent n dans la capitale et dans unc partie de la France, comp- tant d'ailleurs sur le sincere altachement de son cottstn n le due tfOrUans , UE NOMME 'LIEUTENANT-GENERAL ntr ROYAtTME. Le roi , ayant juge convenable de retirer ses ordon- nances du 25 juillet, approuve que les fbambrcs se reunissent le 5 aout, et il veut esperer Belles reta- n blirout ia tranquillite en France. n Le roi atteodra ici le retour de la personne charg^e de porter a Paris cette declaration . Si Ton cberchait a attenter a la vie du roi et de sa famille , ou a leur liberte , il se defendratt jusqu'a la mort. Fait a Rambonillet, le 4* aofit <850. Signe , CHARLES X. Qui a conseilld cet acte?Est-ce Mortemart, ou de Bro- glie, ou de Semonville , ou d'Argout, ou C. Perier , ou Sebastiani , ou Guizot , ou Hyde de Neuville? Jc n'en sais rien ; mais certainement la reunion dos cinq deputes H des pairs qui, le 50 (voyez page 449), chercbait unc combinaison pour raroener le calme et pour concilier tous les interets et toutes les consciences , ne pouvait rieo trouver de mieux; et c'est peut-etre parce que cette no- mination n'etait pas encore arrivee, que Sebastian! en- gageait le due d'Orleans , le 5-1 , a ne pas accepter 1'invi- tation des deputes. Quoi qu'il en soil , le kndemain 2 , Charles X envoie V acte suivant : A mon cousin le due d'Orleans , lieutenant-general du royaume (nomme par 1'acte precedent). Mon cousin , je suis trop profondement peine des H maux qui affligent ou qui pourraient menacer mes peuples pour n'avoir pas cberche un moyen de les pre- venir. J'ai done pris la resolution d'abdiquer la cou- ronne en faveur de mon petit-fils le due de Bordeaux. Le dauphin , qui partage mes sentimens , renonce aussi a ses droits en i'aveur de son neveu. u Vous aurez done , en votre qualite de lieutenant-ge- neral du royaume ( nomme par moi ) , a faire procla- mer ravenement de Henri Fa la couronne. Vous pren- drez d'ailleurs toutes les mesures qui rows concerncnt pour regler les formes du gouvernement pendant la mi- norite du nouveau roi. Ici jc me borne a faire connai- tre ces dispositions ; c'est un moyen d'eviter encore bien des maux. Vous communiquerez mes intentions au corps diplo- matique, et vous me ferez connaitre, le plus tot possible, la proclamation par laquelle mon petit-fils sera reconnu roi sous le nom de Henri V. Jc charge le lieutenant-general vicomte de Foissac- Latour dc vous remettre cettc lettre. II a ordre dc s'cn- tendrc avec vous pour les arrangemens a prendre en M faveur des personnes qui m'ont accompagne, ainsi quo pour les arrangemens convenables pour ce qui me con- cerne et le restc de ma famille. Nous rcglerons en- suite les autres mesures qui seront la consequence du changement de regne. 175 Jc vous rcnouvelle, mon cousin-, 1'assuranco des sen- timens avec lesquels je suis votrc affectionne cousin , Signe CHARLES , LOUIS-ANTOINE. Cot acte a-t-il etc communique au corps diplomatique? Je 1'ignorc. A-t-il etc conseille par Mortemart, ou Talley- rand, ou d'Argout, ou de Broglie et Guizot, qui, commc on le verra tout a 1'heure, voudront prendre cette dou- ble abdication pour base de tous les actes subsequens ? Je r ignore encore. Mais voici ce que le due d'Orleans dit aux deux cham- bres rcunies, le 5 aout, en ouvrant la session : Messieurs les pairs et messieurs les deputes, aussitot i que les chambres seront constitutes, je ferai porter a votre connaissancc 1'acte d'abdication de S. M. le roi Charles X. Par ce meme acte, S. A. R. Louis-Antoinc de France, dauphin, renonce egalement a ses droits. Get acte a ete remis entre mes mains bier, 2 aout , a onze heures du soir. J'en ordonne, ce matin , le dep6t dans les archives de la chambredes pairs, et je le fais inserer dans la partie officielle^n Moniteur. Aussi , par ordre du lieutenant-general du royaumc , son ministrc Guizot envoie au president 1'acte d'abdica- tion de S. M. Charles X, pour ctre communique a la chambre des deputes, dans la seance du G. Charles X et son fils ( dit Berard , le 6 aout, en de- veloppant sa proposition pour la decheance ) preten- dent en vain transmettre un pouvoir qu'ils ne posse- it dent plus. Leur pouvoir s'est eteint dans le sang de plusicurs milliers de victimes. L'acte d'abdication dont vous avez eu connaissance est une nouvelle perfidie. L'apparence de legalite dont il est revetu n'est qu'une deception. C'est un brandon de discorde qu'on vou- drait lancer parmi nous.... Qu'avons-nous besoin de cette communication? dit i un membre de la gauche. Nous n'en voulons pas , dit un autre , nous avons le droit de choisir. La chambre, dit le president, veut-elle accuser re- ception de cette piece ct la deposer aux archives? nc Non, non,... ce soraitlui donner unc valeur qu'cllo n'a pas. t i) Charles X, dit Mauguin, a fait la guerre au peuple, u et la victoire a prononee sa decheance. II n'a plus aucun droit; il n'a rien a abdiquer ; il n'y a rien a duposcr. ) Deposer Tacte de son abdication , cc scrait lui donner ) de la valeur. Le cote gauche appuie ; inais la chambre vote, et Ic depot est ordonnt !!! Revenons un peu sur nos pas. Des le -l rr aout , 1'ouverture de la session est fixee au ;? I suivant 1'indication de Charles X et 1'approbation for- nielle qu'il en a donnee au due d'Orloans en le noininnnt. lieutenant-general du royaume ) , com me si rien n'etait change ! Le 5 aout, les deux chambres lui envoient unc grande deputation , et il ouvre la session , corame s'il etait Charles X ! Paris , dit-il , trouble dans son repos ( seulement son repos ! ) par une depl^able violation de la charte et des lois, les defendait ( toujours defense, mais jamais con- qutte! ) avec un courage heroique : au milieu de cello lutte sanglante , aucune garantie de I'ordre social ne subsistait plus ; les personnes , les proprietes , les droits , tout ce qui est precieux et cher a des hommes et a des ritoyens cotirait les plus grands dangers. (Et la sagesse, la moderation , la generosite si vantecs des vainqueurs ! ) Dans cette absence de tout pouvoir public , le voeu de mes concitoyens ( du parti orleaniste! ) s'est tourne vers moi; ils m'ont juge dignc de concourir avec eux au salut de la patrie ; ils m'ont invite tt exercer les fonctions de lieutenant-general du royaume. ( Toujours conmie s'il 1'ctaitdeja!) Leur cause m'a paru juste , les perils immenses , la ncessite imperieuse , mori devoir sacr^. Je suis accouru au milieu de ee vaillant peuple , sui\i de ma famille, et portant cos couleurs qui , pour la seconde fois , ont mar- que parmi nous le triomphe de la liberte. Je suis accouru , fermement rcsolu a me devouer a tout ce que les circonstances exigeraient de moi, da us 477 la circonstance ou elles m'ont place , pour retablir I'em- pire des lois, sauver la liberte rnenacee, et rendre im- possible le retour de si grands m;m\ , en assurant a jamais le pouvoir de cette charte dont le nom , invoque pendant le combat, Vetait encore apres la victoire. (Tou- jours la charte, point de constitution! ) Dans 1'accomplissement de cette noble tache, c'est aux chambres ( point de congres national ! ) qu'il appar- liendra de me guider. Tons les droits doivent elre soli- dement garantis ; toutes les institutions necessaires a leur plein et libre exercice doivent recevoir les developpemens L'incertitude encourage les fauteurs de la discorde : faisons-la cesser. La ne'cessite nous a fait adopter pour chef provisoire un prince ami sincere des institutions constitutionnclles. La memo loi veut que nous adoptions ce prince pour chef definitif. II nous inspire confiance. Cependant nous avons etc plusieurs fois odieusement trompes , et nous devons sti- .puler des conditions et des garanties : il cst nccessaire d'etendre et de perfectionner nos institutions. Deja quelques perfectionnemens enonces dans notre adresse du 34 , ct acceptes par le prince, nous sont as- sures. L'opinion reclame en outre , non plus une vaine tolerance de tous les cultes , mais leur egalite la plus complete devant la loi ; 1'expulsion des troupes etrange- 180 res tie 1'armee naliomtle ; f abolition de la noblesse aii- cienne et nouveUe;Yinii\ali\G des lois attribueesegalement aux trois pouvoirs ; la suppression du double vote electo- ral ; 1'age et le cens d'eligibilite convenablement reduits ; enfin la reconstitution Male de la pairie. Nous sommes les elus du peuplc ; il nous a confie la defense de ses interets. 11 a reconquis sa liberte; assurons son repos , en lui donnant un gouvernement stable et juste. L'imperieuse et invincible necessite nous en donne le droit. Sur la foi de 1'execution stricte et rigoureuse des conditions qui viennent d'etre ennmerees , lesquelles de- vront prealablement etre stipulees et jurees par le mo- narque , je propose de proclamer immediatement roi des Francais le prince lieutenant-general , Philippe d'Or- leans. Comme on le voit , il n'est pas question de conserver la charte. Mais le 4 , Berard communique son projet a Dupont de 1'Eure et a Laffitte ; et , peu apres , les ministres pro- visoires lui affirment que le due adoptc ce projet , mais qu'il le prie d'en suspendre la presentation , afin qu'on puisse le rendre plus favorable encore a la libene. Us ajoutent que le lieutenant-general veut appliquer imme- diatement ces principes a la charte , et qu'il sera appele au conseil pour y discuter les modifications a faire. Cette promesse , d'abord eludee , puis renouvelee , est encore une seconde fois eludee. Berard se plaint d'etre joue , et Guizot lui remet enfin une nouvelle redaction de sa proposition , faile et ecrite par de Broglie, en ces termes : La chambre des deputes , prenant en considera- tion , etc. Vu L'ACTE D' ABDICATION DE S. M. CHARLES X , en datedu 2 aout dernier, et la renonciation de S. A. R. Louis- Antoine , dauphin, dume'mejour; Consid^rant , en outre, que S. M. Charles X, S. A. R. Louis-Antoine , dauphin , et tous les membres de la branche ainee de la maison royale ( meme Henri V ) SORTEWT en ce moment du territoire fran^ais ; Declare que le trtine EST VACANT , et qu'il est indis- pensablement besoin d'y pourvoir, La branche cadette de la MAISOJV ROYALE va done etre appelee en I'absence de la branche ainee. Suit la charte avec quelques legers changemens. En marge de 1'article concernant la pairie , on lit ces mots de la main de Guizot : Toutes les nominations et creations nouvelles faites sous le regne de S. M. Char- les X sont declarees nulles et non avenues. D'apres le preambule ci-dessus , le due se trouverait rot legitime , si Ton parvenait a prouver que le due de Bordeaux n'est qu'un batard , ou bien le due d'Orleans ne sera , dans la realite , qu'un regent pendant I'absence et la minorite de Henri V. Berard , ne pouvant adherer a de pareilles consequen- ces , se hate de modifier les modifications faites a son projet. Mais sa premiere proposition est completement chan- gee , car il propose maintenant de conserver la charte, en la revisant seulement. Comment ce depute , un de ceux qui se sont le plus courageusement prononces pour la revolution des le 26 juillet , peut-il consentir a proposer a la chambre de con- server la charte en la revisant ? Quoi qu'il en soit , nous sommes au 6 , et Berard va monter a la tribune pour lire sa proposition. J'ai beau- coup change votre travail , dit-il a Guizot. Tant pis! repond celui-ci , on ne vous le pardonnera jamais. La proposition , modifiee par le Palais-Royal et par Berard , est enfin lue. Vainement Demar^ay combat-il le maintien de cette charte. Et votre serment a la charte? lui crie-t-on. Et votre serment a Charles X? repond-il. Vous voulez done conserver Charles X ? Mais la chambre adopte avec empressement la proposition de conserver la charte en la revisant , foule aux pieds son reglement , qu'elle invoque avec tant de force quand il s'agit de repousser quelques propositions populaires , nomme dc suite une commission , et decide que le rapport se/h fait seance te- nante. * * La chose est facile ; on peut meinc lout voter au jourd'hui , car tous les meneurs ties deputes et des pairs sont d'accord avec le chef de I'etat, comme dit Guizot dans son adresse du 5^ ; toutes les modifications sont convenues et arretees au 'Palais-Royal , toutes seront aveuglemeul admises par deux majorites devouees qui ne permettront aucun autre changement ; c'est Tescamo- teur et ses comperes. ** 1) 11 pin fait son rapport. 11 est neuf heures du soir. Depuis quinze ans , dit-il , nous souffrons des viola- tions partielles de la charte; depuis quinze ans, nous avons etc en butte aux subterfuges et a\i\.subtilites, a 1'aide desquels on a successivemeut abuse lantol de son texte, tantot de son esprit. Corcelles demande Timpression et la distribution du rapport. Non , non, dit Tex-chanibellan imperial Ram- buteau , deliberons a Tinstant ! Mais la chose est im- possible! repond Salverte. Preservez-vous , dit Ben- jamin Constant , d'une precipitation fdcheuse. Quel- ques momens de retard ne peuvent etre un danger. Nous connaissons tous la sagesse de cette heroique po- pulation qui nous a defendus , a qui nous devons nos tetcs, car nos teles etaient proscrites. Attendez que le i) rapport soil imprime , afin de proceder ensuite a la mission la plus grave dont jamais des representans aient etc charges. (i Et moi aussi, dit Rambuteau , je veux de la liberte et de rindependance 5 et moi aussi je rends un juste hommage a cette Irave jeunesse , a ce peuple tout entier qui a sauve la France Mais sauvons la France (quelle contradiction ! ) ; la France est prete a tomber dans 1'anar- chie! (quelle faussete!) Qu'elle y echappe par la sagesse des homines qu'ellc a places moineutaneiuent a sa tele , qu'elle a iuvestis du plus noble maudat! Messieurs, quel est celui d'entre vous qui n'a pas sonde les diffe- renies parties de la charte , el qui n'a pas cherche meme a. reconnaitre quels etaieul ses vices et les ameliorations dont elle etail susceplible? Chacun de nous a son opinion faitc et salt le jugcment qu'il doit en porter. (Quelle modestie ! ) Je voudrais , dit Mauguin , que la discussion fut cowrie autant que possible , mais je voudrais qu'iZ y cut discussion : si votre deliberation est trop rapide , peul- etre aussi les peuples chercheront-ils si leur obeissance ne doit pas etre calculee. C'est de 1'insurrection ! dit une voix du centre. 11 est onze heures : on imprimera le rapport pendant la nuit , on le distribuera de suite , et demain a dix heures du matin la discussion commencera ! ! Cependant c'est a huit heures et demie quVm com- mence ! ! Pourquoi a-t-on avance 1'heure convenue? s'ecrie-t- on; les journalistes sont absens. Une raison d'etat a prescrit cette mesure , repond le president. Vainement des combattans presentent-ils une adresse pour reclamer les droits du pays : on oppose le reglement, et 1'adresse des combattans est derisoirement renvoyee dans les bureaux ! La discussion est ouverte : Beaucoup , invoquant la legitimite et la fidelite au ser- ment , reclament Charles X ou du moins Henri V. Tout en reconnaissant que les ordonnances du 25 sont infdmes et que les ministres qui les ont conseillees sont criminels, Martignac pretend que Charles X a ete tromp6 et que I'amour de la patrie brulait son cceur. Y a-t-il , dit Benjamin Constant , une imagination qui puisse se representer Charles X rentrant dans celte i) ville dont les paves sont encore teints du sang qu'il a fait repandre ? Une reconciation est-elle possible sur les cadavres de nos defenseurs? Comment se trouverait-il entoure des fils, des veuves de ceux qu'il a fait mi- trailler en son nom ? La legitimite qu'on invoque, dit Alexandre Dela- borde , a peri dans le sang des Francois Mais je dirai plus , puisqu'on parle dc legitimite : le prince que nous appelons au trone descend plus pres,' et en ligne plus directe que la branche dechue , du seul roi dont le peuple 484 ait garde la memoire , d'HENRi IV. (Vives reclamations a gauche. Point de legitimite ! Non , non ! ) Beaucoup , declarant qiTils n'ont aucun mandat pour reviser la charte et pour faire ce qu'on leur propose , s'abstiennent de voter et donneront leur demission. (i Comme tous les bons Francois , dit M. de La Lezar- diere, je paie un juste tribut de reconnaissance au prince lieutenant-general, dont I' intervention tutelaire a con- couru a maintenir 1'etonnante tranquillite dont nous jouissons; mais je n'ai pas le pouvoir d'aller plus loin. Dans les circonstances d'aujourd'hui, dit Berryer, Yordre et le repos sont le premier des besoins Aussi je m'empresse de rendre hommage a la sagesse et a la prudence de la proposition qui vous est faite. (Aurait-il done une arriere-pensee?) Mais je demande la division des questions Je crois avoir mandat sufflsant pour modifier la loi constitutionnelle , mais non pour disposer du trone. II y a , dit le president , plusieurs divisions a faire a la proposition 5 la decheance , la vacance du tr6ne , les ameliorations a la charte, des lois organiques et la pro- clamation (d'un roi). La premiere disposition est adoptee en ces termes : la declaration que vous me presentez; je la regarde -188 conimc ^expression de la volontc rationale, ct ellc me parait conforme aux principes politiques que j'ai professes toule ma vie. Rempli de souvenirs qui m'avaient toujours fait de- sirer de n'ttrejamais destine a monter sur le trone , n exempt d'ambition et habitue a la vie paisible que je meuais dans ma famille , je ne puis vous cacher tous les sentimens qui agitent mon co?ur dans cette grande conjoncture; maisilen est un qui les domine tous : c'est i) 1'amour de mon pays ; je sens ce quil me present , et je le ferai. Puis il embrasse Laffitte , qui crie vive le roil et il parait au balcon avec Lafayette. Nous avons fait de bonnes choses , lui dit celui-ci ( si Ton en croit le Monitew); vous etes le prince qu'il nous faut : c'est la meilleure des republiques. Mais ce dernier mot, qu'on a beaucoup repete pour populariser le nouveau roi, n'a point ete prononce par Lafayette: comme le mot plus de hallebardes , attribue a Charles X , il est Tomvre d'un fabricant de mots histo- riqaes et de vaudevilles. Cependant la chambre des pairs , reunie a deux heu- res , s'est ajournee a huit. Elle a re(ju du president de Tautre chambre une expedition de sa declaration , el commence a Texaminer a neuf heures. Les deputes , dit Chateaubriant , ont deja present*- leur declaration au lieutenant-general; est-il de notredi- gnite de deliberer lorsque tout est consomme? Non, rcpond de Broglie , on ne nous en a pas officiellement in- formes , et par consequent nous n'en savons rien : nous devons supposer que tout se passe dans les formes regu~ lieres , et , pour nous , il n'y a rien de fait tant que no- tro \ote n'est pas venu s'ajouter a celui de 1'autre cham- bre. On delibere , ou plutot 89 pairs adherent sans discus- sion a la deliberation des deputes. Qui portera radhesion au prince ? La chambre en- tiere? Non . ce n'est pas I'usage! ! C'est done unc grande 189 deputation sculement qui se rend , a dix heures , au Pa- lais-Royal. En me presentant cette declaration , repond le )) prince , vous me temoignez une confiance qui me tou- che profondement. Attach^ de conviction aux princi- pes constitutionals , \e ne desire rientantque la bonne i) intelligence des deux chambres. Je vous remercie de me donner le droit d'y compter. Vous m'imposez une grande tache, je m'efforcerai de m'en montrer di- gne. Cependant un fait grave est releve par la Gazette. La chambre des pairs, dit-elle (9 aout), ne pent voter legalement qu'etant composee du tiers , plus un de ses membres : or , etaut composee de trois cent qua- tre-vingt-douze , il lui fallait cent trente-deux , et il n'y avail que cent quatorze votans. La verite est , re- pond le Moniteur , (4 aout) , que la chambre se compo- sait , le 7 aout , de trois cent huit pairs ayant voix deli- berative , et non de trois cent quatre-vingt douze. Le tiers exige par 1'article 6 du reglement etait done de cent trois et nonde cent trente-deux. Oui, si les qua- tre-vingt-quatre pairs de Charles X sont considered comrne definitivement elimines par la seule declaration des deputes; non , dans le cas contraire. Mais, le -M , la chambre aristocratique votera pour Louis-Philippe , comme elle 1'a fait le 9 mars , pour Charles X , une adresse commenc.ant par ces mots : Vos fideles sujets les pairs de France : leur adhesion pourrait- elle etre critiquee ? Comment le roi s'appellera-t-il ? Philippe V , di- sent les doctrinaires. Allons, je serai Philippe V. Vive Philippe VI Mais, disent Lafayette , Dupont, etc., c'est la restau- ration de I'ancienne monarchic , c'est la legitimite toute pure ! C'est impossible ! II faut 1'appeler Philippe I er . Philippe I er ! ce serait trop revolutionnaire , puisqu'il y a deja un autre Philippe I" ; cherchons un justo-milieu entre le legitimiste Philippe V et le revolutionnaire Phi- lippe I er . Eh bien! Lows-Philippe I er : c'est toutnou- veau! Vive Louis-Philippe f er / 490 l,e 9, les pairs ct les deputes etant reunis, Ic due d'Or- parait au milieu d'eux. Messieurs les pairs et Messieurs les deputes, dit-il , j'ai lu avec une grande attention la declaration de la chambre des deputes , et 1'acte d'adhesion de la cbam- bre des pairs : j'en ai pese et medite toutes les conse- quences. J'accepte sans restriction ni reserve les clauses et e)i- gagemens que renferme cette declaration, et le tltre de rot des Francais qu'elle me confere, et je suis pret a en jurer 1' observation. En presence de Dieu, je jure d'observer fidelement la CHARTE CONSTITUTION NELLE, avec les modifications exprimees dans la declaration ; de ne gouverner que par les lois et selon les lois 5 de faire rendre bonne et ') exacte justice a chacun selon son droit ; et d'agir en toute cbose dans la seule vue de 1'interet , du bonheur et de la gloire du peuple francjais. Et le proces-verbal de cette acceptation et de ce serment est signe en triple original pour etre depose dans le trois archives. Puis , s'asseyant sur le trone, Louis-Pbilippe -I", roi des Francais , ajoute : (i Je viens de consommer un grand acte ; je sens pro- fondement toute 1'etendue de; devoirs qu'il m'impose; j'ai la conscience que je les remplirai. C'est avec une pleine conviction que j'ai accepte le pacte d'alliance qui m'etait propose. i) J'aurais vivement desire ne jamais occuper le trone auquel le voeu de la nation vient de m'appeler ; mais la France, attaquee dans ses libertes, voyait Yordre pu- blic en peril ; la violation de la charte avait tout ebran- le : il fallait retablir Taction des lois , et c'etait aux chambres qu'il appartenait d'y pourvoir. Vous 1'avez fait, Messieurs; les sages modifications que ous re- >> nons de faire a la cbartc garantissent la securite de Ta- venir, et la France, jel'espere, sera heureuse au de- dans,respectee au-deliors,ct la paix de 1'Europc de plus .. en plus affermie. La declaration des deputes ot 1'adhesion des pairs sent inserees, sans maiidement, dans le bulletin ties iois; et Ic 1 4 , la charte constitutionnelle , redigee de nouveau , par le roi , en soixante-dix articles , est promulguee sous cette forme : Nous avons ordonne et ordonnons que la charte constitutionnelle de 1814, telle qu'elle a ete amendee par les deux chambres le 7 aout , et acceptee par nous . le 9, sera de uouveau publiee dans les termessuivans. Puis \iennent les soixante-dix articles termines par la gothique formule de la monarchic absolue : Donnons en mandement a nos cours et tribunaux , prefets, corps administratifs , et tous autres, que les presentes ils gardent et maintiennent , fassent garder , observer et maintenir ; et pour les rendre plus notoires a tous , ils les fassent publier et enregistrer partout ou besoin sera ; et , afin que ce soit chose ferme et stable a toujours, nous y avons fait mettre notre sceau. C'est toujours comme si Charles X parlait. L'ancien preambule ne s'y trouve pas ; mais la decla- ration des deputes et des pairs sur la vacance du trone , sur la revision de la charte et sur 1' election du nouveau roi , ne s'y trcuvent pas non plus , et Ton n'y aper^oit aucun vestige de la souveraiuete nationale. Voila done la charte de 1814 promulgue'e avec des modifications! ! Mais par cela seul que c'est la charte de 1814, la res- tauration n'est-elle pas conservee ? /^ Et c'est la ce qu'on appelle fa revolution de juillet , les institutions de juillet, le roi de juillet ou des barri- cades! Non, non, c'est la contre-revolution de juillet, ce sont les institutions de la restauration , c'est 1'elu de 21 9 deputes sans mandat , et de quelques pairs sans pou- voir */ Et ils se disent les sauveurs! - Oui, ils sont les sati- eurs de la restauration , de 1'aristocratie , d'eux-memes , et peut-etre de la legitimite Mais ils sont les destruc- teurs de la revolution et de la cause populaire. Si du moins ils montraicnt du desinteresseraent , si leur patriolisjne etait incontestable, Tintention pourrait 492 )>n>t<'ger les aclcs : mais ils veulent sc perpetuer an pou- voir ; ils se jettent sur les places pour eux et pour lours parens, ou pour les electeurs dont ils achetent ainsi les suffrages : janiais peut-etre cbambres n'ont montre plus de presomption , d'egoisme ct d'ignoble cupidite. Mais pourquoi s'en etonner? Ne sont-ce pas les memes chambres qui, le 2 mars, quand Charles X , ouvrant la session , eut fait entrevoir scs tyranniques ordonnanees , firent eclater le plus vif entbousiasme au milieu des cris reiteres de vine le roi ? ( Moniteur du 5 mars \ 850. ) N'est-cepas la meme chambre des pairs qui, dans son adresse du 9 mars , promit son concours a Charles X en protestant de son amour, et a qui le despote repondit : Je compte sur vous, comme vous pouvez compler sur mon inebranlable fermete ? N'est-ce pas la meme chambre des deputes qui , pro- duit du double vote, donna, le 4 mars, pour la presi- dence, deux cent vingt-cinq voix a Royer-Collard , cent quatre-vingt-dix a Casimir Perier , cent soixante-dix-sept a Sebastiani , cent trente et une a de Berbis , cent vingt- neuf a Delalot, cent dix-huit a Agier, etc., et pour la vice-presidence , cent soixante-dix-huit a Dupin et cent cinquante-cinq a Dupont de 1'Eure? N'est-ce pas cette chambre qui , dans sa fameuse adresse signee par deux cent vingt-un contre cent quatre-vingt-un , disait a Char- les X : Sire, c'cst avcc une vive reconnaissance que vos fidcles sujets les deputes des'deparlemens ont entendu de votre bouche auguste le temoignage flatteur de la confiance que vous leur accordez. tteureux de vous inspirer ce sentiment, Sire, ils le justifient par I'in- violable fiddite dont ils viennent vous renouveler le respectueux hommaye. Accourant a votre voix de tous les points de votre i) royaume, nous vous apportons de toutes parts, Sire, Yhommage d'un peuple fidele , et qui revere en vous le modele accompli des plus touchantes vertus. Sire, ce peuple cherit et respecte votre autorite 5 quinze ans de |>;iix et de liborte, qu'il doit a votre auguste frere et a > vous , ont profoudenient euracine dans sou coeur la reconnaissance qui I'attacte a volrc royale fainillc ; s:i raison , murie par 1'experience et par la liberte des discussions, lui dit que c'est surtout en matiere d'au torite que I'antiquite de la possession est le plus saint de. tous les titres, et que c'cst pour son bouheur autaul que pour votre gloire que les siecles out place \otre trone dans une region inaccessible aux orages. N'est-ce pas encore cette meme chambre qui , le 4 9 mars , apres la lecture de 1'ordonnance de prorogation , criait, a la droite et partout, vive le roil et qui, quand quelques voix de la gauche y melaient le cri de vive la charte ! y repondait , en levant ses chapeaux par le seul cri de vive le roi ! c'est-a-dire vive le roi sans In c.harte! (Moniieur du 20 mars 1850.) Oui , les cent quatre-vincjt-un ne sont-ils pas des legi- timistes purs? et les deux cent vingt-un eux-memes , assez umbitieux pour avoir voulu prendre la place du deplo- rable ministere Villele, mais trop aristocrates pour 1'avoir mis en accusation , craignant assez les jesuites et Coblentx pour resisler au ministere Polignac, mais aimant trop la restauration et la legitimite pour vouloir renverser Char- les X, ne doivent-ils pas necessairement vouloir, le 7 tout , conserver ce Charles X , ou lui substituer Henri V on n'appelant le due d'Orleans que comme lieutenant- general du royaume pendant sa minorite ? S'ils sont forces de proclamer Louis-Philippe , ne doivent-ils pas iiecessairement vouloir conserver avec lui tous les prin- cipes de la restauration et de la legitimite? 48. Usurpation. Charte illcgitime (\). *,* Tous ceux de's deux cent vingt-un qui n'approu- vaient pas la revolution etaient des vaincus destitues par lavictoire; comment pouvaient-ils imposcr des lois aux vainqueurs? 1 , ; (1) Tout ce paragraphe a etc incrirpinc. 194 l.(,s iiulrcs iiY'laicnt plus que des rebelles, des insur ges, des revoluliomiaircs , qui n'avaient aucun manclaC ni pour faire un roi ni pour rcdiger une constitution. Coinme Yassembtte legislative apres le 10 aout 1792, ils pouvaicnt bicn prondre provisoiremcnt toutes les mesures indispcnsables a la surete* de 1'etat et au salut dc la revolution ; mais , comme elle , ils devaient convoquer une convention ou un congres, ou une assemblee natio- nale constituante. En se perpetuant eux-memes dans leurs fonctions , CD consiituant un nouveau gouvernemenl sans consulter le peuple, ils out commis la plus palpable des inconse- quences , des contradictions et des irregularites ; ils ont viole tons les principes consignes dans 1'edit de 1717, dans les constitutions de 1791, 1793, 1795, 1800 r 1806 et 1814, ct dans la protestation de 1815 : jamais , ainsi quc 1'a deja demontre Cormenin , ainsi que je 1'a- vais ecrit au roi des le 20 septembre 1850, et nieme avant son Election , jamais on n'a plus manifestement at- tente a la souverainete riationale; jamais on n'a plus evi- demment usurpe les droits de la nation. Mais les combattans , dit-on , invoquaient la cliarie pen- dant le combat et memc apres la victoire : c'est pour la defendre qu'on s'est battu Et c'est pour cela que le due d'Orleans I'a conservee ! Non , non , les cris de vive la cliarie n'etaient pas les sc-uls cris des combattans. C'est au cri de vive la liberte que , le 29 , un eleve de 1'ecole Polytecbnique a pri en s'emparant du Louvre. (National du 1 cr aout.) C'est aux cris de vive la liberic .' vive la nation ! vive le peuple ! vive lapatrie! que se terminaient les proclamations de Lafayette et de la commission municipale. Et si les cris de vive lacharte! d'ailleurs peu nombreux, surtout apres la victoire , n'etaient pas pousses , conseilles ou soldes par les orleanistes , s'ils etaient proferes par ccux qui bri- saient les armoiries royales , qu'etaient-ils autre chose que des cris de guerre que la reslauralion poursuivaif comme des cris de sedition et dc rcvolte? Vive la charte nc si{;iiiliait-il pas a bus ceux qni I out violee ? Ces cris n'i'laient-ils pas couverts par ceux de : Plus de Bourbons! vive la rtjmlbUqve! ou vive Napoleon II? 193 Ah ! si los Bourbons avaient execute loyalement la vharte, si la nation a\i\il pu 1'ameliorer ct retablir legale- uient le principc de la souverainele , peut-etre , et tres probablcment rneme, elle aurait conserve cette charte ct les Bourbons. Mais quand cette charte a e(e continuellement vi6le"e ; quand elle est brutalement dechiree ; quand , comine le disait le Temps , le peuple en fait des cartouches : quand , pour repousser le despotisme et Fesclavage , ce peuple est reduit a prendre les armes , a braver la mort , a laisser des milliers de ses cadavres sur le champ de bataille , dire qu'il n'a pas voulu tous les fruits d'une victoire qui lui coute si cber, soutenir qu'il ne s'est battu que pour conserver cette odieuse charte et perpetuer lui- ir.enie son propre esclavage , n'est-ce pas le comble de 1'absurdite ou de la mauvaise foi? N'est-ce pas une in- sulte a la raison publique? Du reste a-t-on jamais vu fonder une constitution sitr quelques cris ? Quelle qu'ait pu etre 1'intention de ceux qui criaient vive la charte, pouvaient-ils imposer leur volonte a tous les combattans , a Paris entier, a la France entiere? Ne fallait-il pas consulter celle-ci pour etre sur de ce qu'elle voulait? Et si la France Tavait unanimement repoussee, qut-lques cris auraient-ils pu lui dieter la loi? Conservee et revisee par le due d'Orleans, par les de- putes ct les pairs, la charte de ^44, illegitime dans sou origine , n'en rcste done pas moins illegitime et usurpa- trice. Si du moins on avait soumis 1' election et la charte re- visee a V acceptation du peuple , cette acceptation aurait tout ratifie , tout regularise. II est vrai que des deputations et des adresses sont venues complimenter le nouveau pouvoir : mais qui no sait que ces acclamations d'un plus ou moins petit mombro d'individus , toujours nees dans un moment d'ignoranee et d'engouement , souvent dictees par Tintrigue et 1'inhj- ret , et souvent sollicitees meme, ne peuvent jamais rem- placer un vote populaire et national? Si du moins encore le nouveau gouvernement avait su rcndre le peuple lieureux et satisfait , si personne ou 4% presque personne u'avait a sc plaindre, personne, com nit: le disait Persil , ne s'occnperait de savoir si les deputes itvaient mandat et pouvoir. Mais il fallait rendre le peuple heureux : si c'est un devoir pour tout gouvernement , e'en est un surtout pour ceux a qui les mecontens peuvent dire : vous etes usur- pateurs , vous etes illegitimes. %* -19. Vices de la charte. Illiberale, aristocra- tique, incomplete, illegitime. L'assemblee constituante , composed de douze cents deputes , parmi lesquels brillaient les Mirabeau , les Sieyes et beaucoup d'bommes du premier talent , a niis deux ans a discuter la constitution de -1794. Les deux cent dix-huit publicistes , collegues de Ram- buteau , sont bicn d'autres legislateurs ! ils n'ont besoin re de quelques heures pour faire'une charte au milieu la confusion el de 1'effroi. Mais, en conscience, une charte ainsi bdclee , comme dit Cormenin , peut-elle etre autre chose qu'un avorton? Aussi que d'inconsequences et que de contradictions dans ces deputes et ces pairs invoquant et violent tour a tour leurs rcgleinens , leurs usages , la charte et la lega- lite! Que de vices dans cette nouvelle charte replatree , illiberale , avistocralique , impopulaire ! Qu'elle est loin d'assurer an pays ces institutions republicaines taut pro- mises dans les premiers jours d'aout ! Quoi ! dit-oii , on a fait de nombreuses ct d'importanles ameliorations , et vous n'etes pas satisfait ! Vous etes done- insatiable ? Que voulez-vous done? Quoi ! r^pondrai-jc , la liberte est-elle doric nee d'hier? La France n'a-t-elle j.lmais etc libre? La constitution dc -1791 , faite par unr assemblee dans lafmellc se trouvaient trois cents deputes de la noblesse et trois cents deputes du clerge, n'est-ellf pas vingt fois plus liberale et plus populaire que la charlr de nos aristocrales financiers et bourgeois? Et le peuple serait trop exigeant lorsque , apres tant de genereux sacri- il deinandc l liberte <|ti<' les nobles el les pivlrc 1 do <789 n'ont pas eu |'JB justice de lui refuser! Nous n'avons pas nicmc unc charle enliere , mais seu- lemenl uno demi-charte , une quasi-charte; car elle ne contient ni 1'organisalion de la pairie , ni les dispositions qui sont le plus essentiellement constitutionnellcs , cclles relatives a la representation nationalc, au droit d'election et d'eligibilite , aux administrations municipale ct dcpar- tementale , a la garde nationale et 1'instruction publiquc ; olle abandonne tous ces objets d'une importance si capi- tale a la forme et a la mobilite des simples lois, qui sonf preparees et sanctionnecs par le roi, et qui peuvent etrc continuellemenl changees; en sorte que, par exemplo . dans un moment de crise et de victoire , le gouvernement ct dcs chambres venducs ou complices pourraient dimi- nuer encore le nombre des electeurs et des eligibles , et detruire plus completement la representation nationale. Sous ce rapport , la nouvelle charte est pire que 1'an- cienne. Cette charte nouvelle ne prescrit d'ailleurs ni son ac- ceptation par le peuple , ni sa revision a dcs epoques et dans des conditions determinees. Oui , de toutes nos constitutions , aucune n'est aussi incomplete, aussi defectueuse, aussi peu digue de res- pect ; aucune n'est nee avec tant de causes de prochaine mortalite dans son sein. %* Faite par des deputes provisoires , comme disnit Benjamin Constant , elle ne peut etre elle-meme qu'une constitution provisoire : les citoyens ont le droit de la critiquer sans cesse ; et c'est un devoir pour les deputes de demander un congres national qui la remplace par une constitution definitive. \* 20. Mauvaise loi electorate . Elections in/lncn- cees. Pas de veritable representation nationale. Je 1'ai deja dit (page 95), le droit d'eleclion est le plus important des droits du pays ; et c'est celui quo s'efforcent surtout de refuser ou de detruire les gouver- nomens despotiques, comme 1'empire et la restauration. Les deputes qni viennent de reviser la charte ne peu- vont pns vouloir d'une loi d'elections populaire , parre- 198 que beaucoup d'entr'eux ne seraicnt pas reelus. Los pairs n'cn veulent pas davantage : plus 1'opinioa publiquu ost irritee centre oux , plus i!s desirent conserver le pou- voir, plus la dissolution de la cbambre elective les effraie, et plus ils ont besoin defaire une loi d'elections aristocra- tique. Aussi la loi d'elections du -19 avril -1834 , vote'e apres 1'annonce de la dissolution, rel'use-t-elle 1'electorat a tous ceux qui ne paient pas 200 fr. de contributions , quelle que puisse etre leur capacite intellectuelle reconnue , et 1 eligibility a tous ceux qui ne paient pas 500 fr. (juoi ! dit-on, les 500 francs et les \ ,000 francs exige's par 1'ancienne cliarte, sont reduits a 200 francs et a 500 francs, el vous n'etes pas satisfaits! Eh ! non, parcc que les constitutions des cent-jours , du senat tie 1 84 4, de Tan III et de 4791 , accordaient des elec- tions beaucoup plus populaires , parce que sous Tancieu regime meme , en \ 789 , six millions de citoyens parti- ciperent aux choix des deputes aux etats-generaux , parce que la Belgique et lAngleterre ont dix fois plus d'elec- teurs que la France; parce qu'aucune constitution libre n'exige et ne peut exiger de cens pour I' eligibility. ISon , la loi qui n'accorde pas deux cent mille electeurs sur trente-deux millions d'babitans, et qui ne permel ii i cs clecteurs de choisir leurs deputes qu'entre deux o'u Irois inille eligibles , est injuste, oppressive, et ne con- stitue qu'une ombre de gouvernement reprcsentatif : comme sons la rcstauration , la representation nationale nYst qu'un meiisouye. A rilliberalite de la loi joignez Timmense influence que le gouvernement peut exercer sur les elections, in- lluonce telle que la meme loi executee sous deux minis- teres differens peut donner a volonte des resultats op- poses (comme on avu la constitution deTanlll donnerdes elections royalistes en Tan V , et des elections democrati- ques en Tan VI); considerez que le gouvernement a fait tous scs efforts pour repousser ses adversaires et pour ob tenir st-s amis devoues ; que Ic roi lui-memc a fait nn voyage a eel cffet ; que les electeurs ont pu cboisir de.y fonctionnaircs publics pour les representer , et quelemi- nc neglige auon moy en pour les seduire , les cor . 499 ronipre ou les contraindrc , aiasi que Cormeuin vous J'a demontre dans sa lettre sur la session de 4851 ; et vous serez forces de convenir que ce serait on miracle si la ohambre nouvelle , pas plus que la precedence , repre- seutait reellement le pays. Quand une opposition compte dans son seia Lafayette. Dupout de 1'Eure, Laffitte, d'Argenson, Thiars, Odilon Barot, Berard , Arago, Salverte, Tracy, Daunou-. Clauzel, Mauguin, Lamarque, Laurence, etc. , ne peut- elle pas etre consideree comme independante, desinte- ressee , consciencieuse et representative de la revolution et du peuple? Mais la majorite, qui se compose principalement de mi- nislres et de leurs parens, d'aides-de-camp du roi, de con- seillers d'etat, de generaux, procureurs-generaux , rece- veurs-generaux , directeurs-generaux, de fonctionnaires publics, d'aristocrates , de banquiers, de capitalistes, de fournisseurs etc., r^presente-t-elle autre chose que 1'aristocratie , la resistance, le juste-milieu , le ministere , en un mot, la royaute? Les chambres ne pourront done etre, entre les mains des ministres ou de Louis-Philippe, que des machines ft lots qui lui donneront tout 1'argent , tous les homines et tons les inoyens qu'il pourra leur demander. ^ 21 . Le sy steme du \ er aout est le meme. que celui du 4o mars. La charte et la paix a tout prix. Pas de revolution, mais un simple evenement. Quasi-restauration et (juasi-legitimite . Juste-mi- lieu. Quelle que soil la defiance qu'excite sa qualite de Bour- bon , la nation est generalemcnt convaincue que le due d'Orltians adopte franchement la nouvelle revolution. Et comment n'aurait-on pas cette conviction quaud on se rappelle ( voyez page 426 ) sa conduite rcvolutionnaire et celle de son pere depuis -1 789 a \ 792 , et les principes f e 'aou \Tupinier. j r~ Dupont. Casimir Perier. Dupin. Bignon . Laffitte. 5 e minislere. ^Laffitfe 1 dent. j Merilhou. VMonlalivet. presi- ** /Dupont. j Sebastiani, g j Soult. = Vd'Argout. / Dupont sort . Bartbe entre. minislere. 27 deccmb,] Lalayelte est remplace pw \ Lobau . 204 (.asiniir Perier, presi-\ .MontaliM i dent. 0, Sebasliani. Louis. a Soult. Rigny. I Si \3 Barthe. D'Argout. )' O c muilMrt r. G< ministere. f J " "**' jeunes gens des ecoles Ah! la posterite ne tioiri peut-etre pas qu'on ait pu leur temoigner tantdc recon- naissance ! >; 23. Syslitme d' aristocratic. Lutte entte I'aristocta- tie et la democratic. Louis-Philippe veut, avant tout, de 1'aristocratie , et par consequent I'hcrediie de la i>airie. Mais 1'opinion publique est trop energiquement pro- noncee contre cette hcredite poor qu'il ose la conserver le 7 aout , et la question est ajournee. Mais que d'effortsson C. Perier ne fait-il pas plus tard poursaovercelte chere heredite ! Que de sinistres predic- tions le pere de la doctrine , Royer-Collard , et son pre- mier disciple, Guizot . nc lancent-ils pas sur la Fi'ano- assez aveugle pour vouloir detruire son ancro memes droits ; ces droits sont assures. Le due d'Orleans , repondant a Seguier , n'honorait-il pas cette glorieuse jeunesse qui avail su defendre ses droits et se$ foyers? Barthe ne reconnaissait-il pas que les ouvriers avaient manifeste des vertus ignorees jusqu'a cejour, et n'e- taient point restcs etrangers au mouvement progressif de notre epoque? Eh bien! qu'a-t-on fait pour le peuple? Quel avantage materiel lui a-t-on accorde? Quefle satisfaction morale lui a-t-on donnee? Une aristocratic financiere et bour- geoise, liardeuse et avare, plus etroite, plus mesquine, plus dedaigueuse et plus inhumaine que 1'aristocratie de naissancet'lle-meme,semblevouloir lui refuser absolument tout, et s'opposer a toute amelioration dc son sort. Pour lui, aucun droit politique, aucune participation quelcon- queauxlois, et par consequent en realite I'esclavage; pas ^'instruction primaire gratuiteoulibre, malgrelaloi pro- mise ; toujours des impots aussi inconstitutionnels qu'in- justes, meme de nouveaux impots qui Taccablent 5 presque plus de travail, Tindustrie paralysee par un systeme qui rend la guerre toujours imminente; une effroyable misere, qui le livre sans defense au cholera qui le devore, I'hu- miliation du dehors a laquellc il est vingt fois plus sen- sible que ses detracteurs ; des calomnies, des outrages, des violences : voila son lot. Mais qu'on y prenne garde ! le peuple veut ses droits; il est le plus nombreux et le plus fort; reduit au deses- poir, il pourrait bien sc fairc justice lui meme. 215 Oui , qn'on y prenne garde ! cette oppression de Vans- tocratie centre le peuple est la veritable plaie qui menace la societe ; ce n'est pas seulement une plaie politique , c' est encore une plaie sociale. En parler sufflt pour effrayer certaines gens ; mais est- ce le recit de la maladie qu'il fant craindre? N'est-ce pas plutol de laisser subsistersa cause et de Faggraver meme au lieu d'y remedier? Que ceux qui craignent la violence du peuple lui fassent done rendre justice! Ce sorit les hommes qui redoutent le plus le choc des masses popu- laires qui doivent faire le plus d'efforts pour que 1'aris- tocratie nouvelle ne les pousse pas u d&espoir; rester immobile et silencieux devant 1'oppression, n'est-ce pas s'en rendre complice, et s'exposer voloutairement a toutes ses consequences? 26. Systeme de division entre les citoyens. %* Diviser pour regner , c'est le conseil de la necessite pour tout gouvernement qni veut etre le chef d'un parti. Mais c'est le conseil de 1'enfer. Apres les glorieuses et genereuses journees de juillet , tous les patriotes etaient d'accord et pleins d'enthou- siasmc. Rien n'etait plus facile qne de conserver 1'union parmi eux : il suflisait d' adopter une marche vraiment nationale. Mais aujourd'hui trois partis nous divisent ; et ces par- tis sont irrites, mena^ans, prets a en venir aux mains. La haine est grande entre le parti Carlisle et le parti po- pulaire , mais bien plus grande encore- entre celui-ci et le juste-milieu ; rien n'egale la violence et la fureur des preteudus moderes centre les hommes du mouvement , qu'on leur a points comme des anarchistes et des bri- gands. La division est partout; les anciens amis sont de- venus ennemis ; le pere est dans un camp at le fils dans on autre. Les sergens de ville et les ouvriers, la garde nationale et les jcunesgens, la ligne et le peuple , les ministeriels et les patriotes sont prets a s'egorger; les voisins ont denonce leurs voisins , ou bien ont deposed eoulre etix ft les out i'ait oondamner; Ic saug a coule ; la vengeance appelle la vengeance ; la guerre civile est ila- granto. Ah! que de calamites menacent la patrie ! . . . Malhcureux ! . . . Arretez, reilechissez!... Gardes natio- naux et jeunes gens , sergens de ville et ouvriers , soldats <-t patriotes de toutes les nuances , n'etes-vous pas tous des Francois, des freres, et aon pas des ennemis ?.. C'est Charles X , c'est 1'etranger , c'est une furie qui nous di- visent!... car que pourraient-ik faire de plus favorable pour eux, de plus funeste pour nous? Qu'ils doivent se rejouk 1 de nos divisions! Ah ! quelle faute de la part du gouvernement s'il n'est coupable que de ne pas savoir niaintenir la concorde, lui qu'on paie si cher et a qui Ton assa et toutes arraes secretes , les autres cnregimeutes , et pu- bliquement armes ; supposez qu'on les excite encore cen - tre les hommesde juillet , contreles jeuues gens et centre les deputes de 1'opposition, en leur promettant l'imp*i- nite ; supposez qu'ils penetrent dans les domiciles , et puissent ainsi fouiller , voler et piller ; supposez qu'ils ar- retent le jour et la nuit , dans les maisons , sur les ponts et dans les rues ; supposez qu'un patriote seul et sans ar- mes tombe entre les mains d'une pareille bande de fu- rieux; supposez que ce malheureux insult , maltraite , tue , assassine par eux , appelle a son secours Fautoriti' 1 qui doit le proteger contre ses assassins , et ne trouve pour protecteurs que ses assassins eux-memes ; et dites , la police serait-elle autre chose que I 1 anarchic , le brigan- dage et 1'assassinat? Le sauvage ne serait-il pas plus en surete dans ses bois? line institution si decriee devait disparaitre apres line revolution si genereuse et si pure ; elle devait d'autant plus disparaitre que le gouvernement a partout une garde nalionale plus que suffisantepour defendreTordre public. Mais non , 1'institution ot ses agens ont ete conserves, et ses actes sont les memes. Que dis-je , c'est bien pire ! Jamais leschambres n'ont donne tantde millions pour la police secrete ; jamais ses journauy n'ont ete si raen- teurs , si injurieux, si violcns et si provocateurs; jamais ses agens n'ont ete si nombreux , si favorises , si hardis et si sanguinaires. N'a-t-on pas vu quinze agens en costume et armes , s'introduire dans le domicile d'un lithographe et lo menacer de leur vengeance s'il no supprimait pas uno lithograplne qui leur deplaisait? N'a-t-on pas vu d'autres agens attaquer dans son domicile et assassiner dans la rue 1'nn des directeurs du journal le Mouvement? Ne vientron pas de voir six employes principaux envahir le domicile du gerant du Temps, le menacer et le frappor chez lui pour avoir critique les croix d'honneur qui venaient de lour rlro donnees? 229 Quoi ! ties croix d'honneur pour des services dans 1'ad- m inis! ration de la police!!! Oui, des croix d'honueur pour la police ! Et memo le chef de la police secrete , le chef de la brigade de surete , Vidocq , puisqu'il i'aut 1'ap- peler par sou nom, Vidocq rec^u au Tuileries! le fameux Vidocq re<:u par Louis-Philippe ! ! Que Ton s'etonne maintenant , si Ton peut , de voir la police lancer ses agens au milieu des ouvriers et des jeu- nes gens pour captiver leur confiarice sous le masque du plus ardent patriotisme, pour faire les propositions les plus violentes , pour pousser des cris de revolte , pour vanter Robespierre et Marat , pour arborer le bonnet et le drapeau rouges ! Qu'on s'etonne de la voir provoquer les conspirations des tours Notre-Dame et de la rue des Prouvaires , embrigader des assommeurs sous le nom d'honnetes ouvriers, habiller ses agens en gardes natio- naux pour tirer sur le peuple , et en homme du peuple pour les entrainer a tirer sur les gardes nationaux et les soldats! Qu'on s'etonne de voir la force armee tuer tant de citoyens dans les moindres emeutes , et jusque dans le palais du roi ! Qu'on s'etonne de voir un agent donner un coup de sabre a un jeune homme , et lui dire : Fa maintcnant te faire acquit ter par la courd'assises! Qu'ou s'etonne des epouvantables violences commises sur les pri- sonniers des 5 et 6 juin, et de 1'epouvantablc massacre du pont d'Arcole! Qu'on s'etonne eiifin de voir un jour- nal de la police pousser son atroce hardiesse jusqu'a plai- santer sur ces iioyades de jeunes gens assassines ! Jamais la police n'a fait autant d'arrestations ; c'est elle qui fait fouiller les domiciles et quivisite lespapiers, mfime des membres de la representation nationale ; c'est dans ses horribles cachets que les prisonniers sont d'a- bord entass.es en passant a travers 1'armee de ses sbires ; c'est elle qui dispose des prisonniers et qui les met au secret, malgrc la defense des juges d'instruction ; c'est elle qui , non seulemcnt mepriseles arrets des tribunaux, mais qui fait justice a coups d'epees ; c'est elle, en un mot, qui gouverne. 250 50. Systeme de violences. Humanite de Louis- Philippe, avantet apres le jugement de Polignac. At rocites des 5 et 6 juin. Pont d'Arcole. Ou trouver des expressions pour peindre les violences exercees centre la jeunesse, le peuple, les hommes de juillet, apres une revolutions! moderee et si genereuse? Des le -l cr aout, Tiniprimeur de la Tribune est menace pendant deux jours , parce qu'il s'oppose , non pas a re- lection du due d'Orleans , mais a son election par quel- ques deputes sans mandat. Le journal de Talleyrand et de Thiers menace deja les opposans , et parle dhommes vigoureux et de mesures de despotisme et de terreur. On insulte dans les rues et sur les places publiques les partisans de la souverainete nationale; on les fait menacer et maltraiter. Des le 5 aout , on arrete des patriotes prote stant de- vant le palais des deputes. Que dis-je? des le 7 aout, un des hommes qui entou- rent le lieutenant-general veut faire distribuer des cart ou- ches a la garde nationale pour tirer sur des vainqueurs de juillet rassembles devant la chambre des deputes, et invoquant la souverainete nationale. Quelques jours apres , Guizot et de Broglie , Fancien. fondateur de la premiere association pour la liberte de la presse , lanccnt la garde nationale contre la societe des Amis du Peuple. Dupont, Lafayette, Laffltte , Odilon-Barrot , repous- sent long-temps les mesures de rigueur. Louis-Philippe lui-meme manifesto d'abord la plus touchantc humanite; il veut abolir la peine de mort ; il s'evanouit presquc a 1'idde d'une immolation sur 1'echa- faud. Un jour, il est question de deux arrSts de courd'as- sises condamnant des parricides a la peine capitate, etDu- pont hii propose de supprimer Tamputation du poignet; mais le trop sensible roi ne veut pas meme souffrir que 231 Jes parricides soient mi's a mort. Vainement ses onze mi- nistres sont unanimement d^avisqu'il faut exccui er la loi; vainement ils lui font observer que ce n'est pas lui qui condamne : Louis-Philippe palit , parait agite de convul- sions, etdcmande dix jours pour reflechir. Les dix jours ecoules, il se rend avec douleur a 1'avis de ses ministres ; mais quand Dupont lui presente les dossiers pour signer la suppression de la mutilation , il les repousse avec un mouvement d'horreur, et demande encore vingt-quatre h cures. Cependant les condamnes sont inexcusables 5 car il s'agit d'une lille qui a empoisonne son pere, aidee par sa mere qui a empoisonne son mari 5 il s'agit aussi d'un autre parricide commis avec les plus horribles cir- constances. Mais quand les anciens ministres de Charles X sxmt acquitles , Louis-Philippe ne parle plus d'abolir la peine de mort; il ne s'opp*ose plus a 1'execution des condamria- tions capitales 5 et plus tard , quand leshommes de juillct encombreront les prisons , ni sa fete , ni 1'annivcrsaire des grandes journees , ni le mariagc de sa fille, ne pour- ront obtenir une amuistie. Et quand le nouveau ministre de Charles X arrive , au 45 mars, la violence a decouvert arrive avec lui, les assommeurs sont embrigades ; dans chaque emeute , des citoyens sans armes, terrasses on fuyans , tombent perccs parle poignard, Tepee, le sabre ou la baionnette; on voit des cadavres jusque dans le Palais-Royal, a la porte du roi, tandis qu'a Grenoble des femines et des enfans sont perces par le fusil du soldat. Les ordres du jour et les proclamations excitent la co- lere de Tarmee contre le peuple 5 le roi lui-meme prodi- gue les eloges, les croix et les recompenses; il remercie personnellement les soldats dont le fer a perce les Greno- blois : leur regiment aura, dit-on, Thonneur d'etre la garde du trone, tandis que les gardes nationales qui ne montrent pas assez de denouement sont brutalement Ii- cenciees et desarmees; et comme si la quasi-legitimite' devait avoir son quasi-repas du 4 er octobre 4789 (p. ^7), on profile de Tarrivee d'un brave regiment de dragons , pour donner un grand repas de corps , auquel assislent les dues d'Orleans et de Noraours, le president du conseil, le rainistre de la guerre, toutes les autorilcs inilitaires et tous les colonels de lagaruisou, et dans lequel on porte les toats les plus propres a aniraer I'armee contre les ci- toyens. ( Moniteur du I l ' r avril. ) Et quand arrive la deplorable collision des 5 et 6 juin, provoquee par 1'aggression de la police , rien n'egale la violence et la rage des vainqueurs. . . Des prisonniers mas- sacres ; des enfans perces de coups apres le combat ; des letes broyees a coups de crosse de fusil!... Ce n'est pas tout... Ici la chaleur d'un combat, et 1'irritation d'avoir vu deux cents ouvriers et jeunes gens disputant la victoire a soixante mille hommes , aides de je ne sais combien de pieces de canon , peuvent expliquer Ja (ureur des combatlans. Mais les violences apres la bataille , dans les arresta- tions, a la prefecture de police!... Les insultes Tune banded'agens patens et secrets, ranges en haiedans la cour; leurs outrages contre des hommes desarmes; les mous- tacbes arracbees, les coups de crosses de fusils, de baion- nettesj de poignards, d'epees et de sabres; les coups de pieds et de poings ; les coups de batons et de foucts ! . . . Des malbeureux frappes, blesses, tue4, entasses plu- sieurs jours dans les cachots, sans lits, sans paille, sans air , sans pain ! . . . Puis un roi parcourant triompha- lement les boulevards, et donnant lui-meme i'ordre de mitrailler pour en finir. Puis un personnage , qui n'est cepend ant pas Charles X , declamant desvers, et riant dans un palais , au bruit des feux de batai lions , au bruit du canon qui fait trembler les vitres ct qui tue les Pari- siens!... Puis, Louis -Philippe se vantant d'avoir pulverise, ancanti , extermine une poignee de rebelles qui sont des hommes de juillet attaques et provoques par sa police , des jeunes gens , des Francois , dont Fetranger ( s'ils avaient combattu Tetranger) aurait admire Theroique courage ! . . . Puis le soir , des promenades menacantes, aux cris de . \ bas les rtpubliraiim, les chouans et les carlistes! Puis, le ineiiic soir, le roi , qui vicnt de declarer a Odi- 255 lou-Barrot, Arago et Lafiitte qu'il ne mettra pas la capi- tale en ctat de siege , cbangeant de volonte sur les in- stances de Thiers et de Guizot ! Puis, apres la victoire , et sans aucune necessite, Bar- the et Montalivet signant 1'ordonnance de mise en etat de siege, tandis que Polignac etPeyronnet hesitaient au mi- lieu du combat et du peril!... Barthe , ordonnant 1'arres- tation de trois deputes ses collegues , dont 1'un etait son ami , qui seront peut-etre a 1'instant massacres ou fusilles, tandis que Marmont decbirait les mandats d'arrt et n'exc- cutait qu'en versant des larmes les ordres qui lui etaient imposes! Puis la violation de la charte et des lois; la tyrannie, la terreur ; les citoyens livres aux tribunaux militaires ; 1'arrestation de Lafayette et de Laffitte mise en delibera- tion ; celles de trois membres de 1'opposition decidee dans le conseil ; des mandats lances centre eux sans motifs ; leurs domiciles violes, et leurs papiers saisis par la police ; des cris de fureur de la part des journaux ministeriels contre 1' opposition tout entiere ; des menaces de gardes nationaux d'aller attaquer les deputes chez eux! . . Puis , quand un memorable arret de la cour de cassa- tion , reparant la bonte d'un autre arret de la cour royale, arracbe aux tribunaux exceptionnels leur proie , des cris de rage des meneurs du juste-milieu contre les patriotes : Nous ne ferons phis de prisonniers ! Puisqu'on ne veut pas faire juger ces brigands par des tribunaux militaires, nous feron^ justice nous-memes! A la premiere lutte , nous massacrerons tout! Puis le pont d'Arcole ! . . . V C'est Ie28 juillet 4852! C'est la nuit. Us viennent de pleurer sur les tombes de leurs amis , de leurs freres, des martyrs de la liberte !... Ce sont des jeunes gens, des etudians aux co3urs brulans de patriotisme ! Us s'ar- retent; ils chantent... Venez sur le pont d'Arcole, leur disent des voix inconnues , vous y serez mieux. Ils y sont. . . Ils sont trente environ. . . line femme est avec eux: elle chante la Marseillaise... Ils repondent en choaur : Allans, enfans de la patrie... Ils sorit a genoux et a de- i-ouvert... Elle chante encore: Amour sacre Qplapa- 23-V Iri*... Libtite. Itierte chfrie.... Tout a coup, plus }< chants ____ L n grand tuniulte , des cris do victimes ____ d* 1 jrrace . an nom du ciel, aeheve-moi ! . . . le bruit de corps jetes dans la riviere... Puis un effrayant silence.. . Et le lendemain . ie pont lave pendant la nuit Des traces de sangsurle plancher. du sang sur le fer de la rampe . du sang dans les rues adjacentes... Ciel ! que de sang ! que de blesses! qne de morts! qne sont-ils devenus? La Seine roulant leurs cadavres sous les filets de Saint-Cloud . leur donnera-t-elle 1'Ocean pour tombeau?... Quels sont leurs noms?... Quelle est cette femme ? . . . Qui sont-ils? N out- ils ni coneitoyens . ni amis, ni freres. ni peres?... 11s n'ont done pas de soeurs? ils n'ont done pas de meres'?. . . Hier . a cette beure . on a vu des sergens de ville embus- qnes dans les ruelles voisines . aux deux extremites du pont Qu "y faisaieut-ils? Guettaient-ils leur proie? Quels sont les assassins? Quoi ! la justice ne repond pas ! Desmortiers . qui poursuit avec tant d'ardeur un mot . une phrase des jeunes gens . des deputes . Desmortiers ne le salt pas encore! Et le roi . pere de la jeunesse. . . qui s'est dit a ette a la rif, a la mort . . . le roi ne sait rien ! . . Epouvantable mystere!... Affreuses tenebres! Horrible nuit! La police, anx yeux d'Argus. ne sait rien! ____ Mais qu'entends-je?... Ils *e ffroxt plus d ententes! Econ- tons , Figaro va parler : La repvbliqve a fait le PLOPT- GO>'-.. La republiqut nage entre Barbares ! Et vous osei parler de 93 ! . . Et des passans sont au nombre des victimes ! Mais oil sont done la civilisation . la surete personnelle . la'securite publique? Quel ouvrier. quel garde national . quel citoyen riche ou pauvre . quelle mere accompagnant sa fille . pent avoir la certitude de ne pas se trouver au milieu d'une semblable boucherie . et de ne pas etre clan- destinement assassine sur un pont ou dans une rue . le soif , en regagnant son domicile? */ 31 . Sy steme de pretendue legalite. A rio/afions de la charle etdes lois. Etat de siege. V Le 5 aout. nous 1'avons \u (page ^78), le due d'Or- 235 leans declare mauvais citoycn cclui qui n'obeit pas a la lui il pousse le respect pour la cliarte, non pas jusqu a refuser la place de Charles X et d'Heuri V, mais jusqu'a consentir a noirrr.er lui-meme le president de la chambre des deputes , uniquement parce que la charte donne ce pouvoir a Charles X. Le 9 aout , il jure de ne gouverner que par les lois , et selon les lois. Depuis, Louis-Philippe et ses ministres ne parlent que de legaliU; ce sont eux qui invoquent a chaque instant la UgaliU, comrne si les patriotes n'en voulaient pas , comme si ce n'etait pas eux au contraire qui repoussent 1'arbitraire et reclament 1'empire de la loi. Mais cette affectation d'amour pour la legalite n'est- elle pas une ruse du juste-milieu , une veritable decep- tion? Ne sont-ce pas souvent les despotes et les tyrans qui parlent le plus de legalite? N'est-ce pas au nom de la le- galite que Louis XVIII et Charles X ont cent fois viole la charte , et sous pretexte d'en assurer a jamais les bien- faits, que les criminelles ordonnances du 25 juillet ont dechire cette charte ? Et vous? voyons. Louis-Philippe n'a-t-il pas viole la legalite quand il a rec,u pendant dix-huit mois une liste civile d'environ 57 millions qui n'etait pas votee ; quaud il a nomme di- rectement les maires dans les departemens de I'Ouest ; quand il a nomme des pairs avant la revision de 1'ar- ticle 25 ; quand il a choisi des mineurs pour les revetir de la pairie ; quand il a invoque une disposition transi- toire de la charte do 4844 pour refuser de reviser les pensions irregulierement accordees aux emigres et aux chouans ; quand il a interdit des representations thea- trales 5 quand il a ressuscite un edit de 4 666 pour punir les medecins de garder des secrets dont la revelation au contraire serait punie par le code penal ; quand il a de- clare qu'il n'executerait pas les lois a 1'egard de la du- chesse de Berry ? N'a-t-il pas surtout viole la constitution et les lois quand , a Paris et dans la Vendee , il^a lui-meme declare 25 il est juste que desormais, depuis le premier jusqu'au ) dernier echelon de la police judiciaire, chacun, tout en > remplissant les devoirs rigoureux resultant d'une ne- > cessite imperieuse , comprenne bien neanmoins les > egards que Ton doit a t out prevenu , le respect que Ton doit a cette diijuiic d'hommc dont les condanmes cux- memes sont rarement tout-a-fait dechus , et le prix de cette libert^ personnelle a laquelle les mesures prori- soires ne doivent porter atteinte qu'avec la plus sage circonspection. Voila les promesses. Eh bien ! la restauration s'est-elle jamais jouee avet- lant d'impudence et d'inhumanite de la liberte des ct- (oyens et de la saintete du domicile? 237 La police faisant d'iunombrables arrestations ct arre- tant les citoyens sans preuvc ; pt 5 netrant dans Ics domi- ciles et fouillant tous les papiers les plus secrets , memo des membres de la representation nationale ; entassant les inculpes (reputes innocens} dans des lieux etroits et infects , sans feu , sans air , sans lits et souvent sans pain ; fnelant 1'ecrivain et Faccuse politique avec le .voleur ot Tassassin , la malheureuse mere de famille avcc la prosti- tuee , les gardant arbitrairement des semaines et des mois avant de les livrer aux magistrals ; un infame panier it salade pour transporter les prisonniers ; une infame souri- ciere pour les recevoir en attendant I'interrogatoire ; des quatre , six , huit , dix mois de detention provisoire en attendant un jugement qui declare Tinnocence ; d'infames espions jetes au milieu des cachots pour trahir la con- fiance de 1'infortune ; de barbares agens accablant d'ou- trages et de violences leurs prisonniers desarmes ; des innocens mines , desesperes , malades , mourant dans les prisons ; enfin des condamnations d'une impitoyable ri- gueur, voila le spectacle que presentent aujourd'hui la justice et la police ! voila les egards qu'on a pour Thomme et pour le citoyen , pour la liberte et pour riiumanite ! \* Da reste le sanctuaire de la justice est-il respecte du pouvoir? Quand il s'est agi de juger certains accuses politiques , Taccusateur et le juge n'ont-ils pas ete appeles, pendant la nuit , par une voix a laquelle il est difficile de resister, et devant laquelle 1'independance a besoin de tout le courage de la vertu? Et quand soixaute magistrats reu- nis ont presque unanimement sanctionne la mise eo etat de siege, la distraction des juges natiirels et la violation du principe de non-retroactivite , Je bruit adroitement repandu d'une prochaine reorganisation de la cour n'a-t-il pas eu d'influence sur ce trop memorable arret? %* 53. Systeme envers la liberte de la presse. Amis de la revolution , soufrnez la presse ; ennemis , detruisez-la , car c'est elle qui a prepare et provoqne I'in- surrection dc juillet. 258 Qucls scntimens inspire - 1- elle a Louis - P bilippe '? Voyons -. II n y aura phis de dclits de la presse, (lit le due d'Orlears, le 5J juillet, a l'H6tel-de-Ville. S il y en a , dit la charte du 7 aoui. , ils auront la ga- rantie du jury. Les poursuites seront bien rares, dit le nouveau pro- cureur du roi Barthe , dans son discours d'installation du 42 aout : nous n'intenterons de proces que quand I' evi- dence du delit en imposera la necessity. La presse , a qui Louis-Philippe doit en partie sa cou- ronne , et qui , pendant long-temps , trop confiante commo la nation , appuie le gouvernement naissant , merite qu'on soit fidele a ces promesses. Mais la presse ouvre enfin les yeux et aper^oit le dan- ger : elle cesse d'approuver et de louer 5 elle avertit , elle critique , attaque ; on I'appelle alors la mauvaise presse ; on la hait , on voudrait Taneantir, et les persecutions de la restauration recommencent centre elle. Que dis-je? jamais la restauration n'a mpntre tant d'acharnement contre les ecrivains independans , et tant de partialite pour les soudoyes de la police. Non seulement les journaux sont saisis presque cbaque jour , mais les ecrivains sont arretes , jetes dans les ca- chots, meles a des voleurs , traduits devant les conseils de guerre , menaces de la mort ; les imprimeurs sont pour- suivis , les presses sont confisquees ou brisees ; la Tribune est saisie soixante fois en deux aus. A-t-elle le courage de defendre le tresor public et 1'industrie fran^aise en de- non^ant les scandaleux achats de fusils anglais , ou bien de citer 1'histoire en reponse a d'imprudentes flatteries ; on s'efforce de la ruiner par d'excessives amendes , dont 1'une s'eleve jusqu'a 45,000 francs; et cependant, sur soixante saisies de la police , cette justice , si rigoureuse , reconnait que cinquante n'avaient aucun motif. Et ce n'est pas la plus odieuse vexation ! ce n'est pas le plus scandaleux abus du pouvoir ! Et vous osez vous vanter dc votre rcspert pour la loi , pour la liberte de la presse , pour le droit sacrc de propriete ! 239 Mais pourquoi done cct acharneraeul tout particulier centre la Tribune?. Est-ce parce quc , des Ic 30 et le 5J juillet , tandis que presquc tous les journaux baissaient pavilion devant le due d'Orleans , fa Tribune seule cut la pensee de lui faire opposition en demandant, non pas qu'il i'lit exclu , mais que la nation fut consultee pour le choisir? Sa prevoyance , son courage et sa Constance , qui doivent etre un titre a 1'estime des patriotes , sont-ils des crimes aux ycux du juste-milieu? Du reste, c'est la presse que le despotisme redoute le plus 5 c'est elle que les despotes veulent etouffer en Alle- magne 5 et , si Ton en croit certaine revelation , Louis- Philippe aurait sccretement excite 1'attaque dirigee main- tenant centre elle par ses allies : c'est la presse de France surtout qu'on veut empecher de crier garde it vous ! 54. Faits particuliers caraeterisant la marche contre-revolutionnaire du gouvernement. Nous avons deja vu la conference entre cinq deputes et les pairs , le 50 juillet, la priere adressee au due d'Or- leans, son arrivee dans la nuit,sa confiance en Talleyrand le 54 , sa proclamation , sa visite a rH6tel-de-Ville , ses discours, son emprcssement a arreter 1'organisation de 20 bataillons de la garde nationale mobile ordonnee par la commission municipale , sa nomination comme lieu- tenant-general du royaume par Charles X le^ aout, 1' abdication du 2, le depot de cette abdication, 1'ouver- ture de la session du 5 aout , la nomination du president de la chambre des deputes par le lieutenant-general du royaume, le choix fait par lui de Casimir Perier pour president, le projet de baser 1'election sur 1'acte d' abdi- cation et d'appeler le nouveau roi Philippe V , la conser- vation de la charte de \ 8\ 4 , sa revision en quelques heures, etc. Nous avons vu les amis de la restauration et de la le- gitimite , c'est-a-dire les ennemis de la revolution , con- stamment appeles au ministerc et dans les fonctions pu- bliques , tandis que les patriotes , d'abord menages , sont ensuite repousses et proscrits. 240 Nous avons vu les systemcs d'impopularile , d'ingra- titude, d'amtpcratie,de division, do corruption, de dis- simulation, de troniperie, de mensonges et calomnies, de police, de violences, d'illegalites, de persecutions i ou- tre la presse, etc., appuyant le systeme de quasi-reslau- ration et de quasi-legitimite'. Pour completer le tableau, revenons au \ CT aotit, et reunissons d'autres fails qui caracterisent la marehe con- tre-revolutionnaire du gouvernement. Le Temps da \" aout dit,et le Moniteur du 2 repete : Ln pouvoir rigoureux et ingrat vient de succombcr. L'autorite qui lui succedera prouvera sa cltimenro pour les vaincus , sa reconnaissance pour les vain- i) queurs. Occupons-nous des veuves et des enfans : Pensions viageres , souscriptions , places reservees dans les ecoles d'industrie, tout cela leur appartient. Aux niorts, des honneurs, des souvenirs, des noms i) graves sur le bronze, des anniversaires. Aux vainqueurs qui survivent a leur triomphe . des a recompenses publiques, une FETE REMUNERATOIRE. Que tout Paris , sauve pnr eux du despolisme et du i) massacre , se porte au devant de leurs pas , s'associe ;i la justice du gouvemement , et joigne a des offrandes i) d'honneur I'hommage inappreciable d'une grande po- pulation qui SALXJE SES SAUVEURS ! Effa^ons, sous les trophees de la gratitude publique, les vestiges d'uu desastre heureusement liinite! Honorons les tombes ! Adoptons les berceaux ! Recompensons les braves ! Nons ne doutons pas que rautorite nc donne bien- tdt des ordres pour que ces voeux soient accomplis, pour qu'uue GRANDE FETE NATIONALS rassemble tous o les Francais. C'est Texpression d'uu sentiment una- nime. Nous ne faisons sans doute que devancer les in- tentions du pouvoir. Oui, des honneurs, un triomphe, une fete nalioualc, de 1'enthousiasme pour la revnluiion, pour la liberte, pour la palrie! 244 ISon, non, dit le due d'Orleans; il n'y a pas tie rdvo- lution, mais seulement une resistance, une defense, ua cveneitient, meme une deplorable catastrophe, comme il l'crit a Nicolas. II veut bien rendre une ordonnance des le ^ er aout , pour permettre a la nation de\ reprendre ses couleurs, comme si elle ne les avail pas deja reprises elle-meme! Guizot voudrait meme que la commission municipale demanda t officiellement cette permission , comme si le lieutenant-general etait souverain , et le peuple sujet ! Lc due daigne aussi s'occuper d'abord de nommer ses jeunes fils , les dues de Chartres et de Nemours, grands- croix de la Ugion-d'honneur, et d'autoriser leurs altesses royales a prendre, a la chambre des pairs, pendant la session, le rang et les places qui leur appartiennent (par droit de naissance). II daigne aussi nommer Pasquier, un des auteurs de la restauration , president de la chambre des pairs , avcc 400,000 fr. de traitement. Mais point de fetes On s'empresse au contraire de faire disparaitre les mots egalite , 27, 28 et 29 juillet inscrits par Lafayette sur le drapeau de la garde nationale. On s'empresse d'effacer 1'empreinte des lalles et des loulets qui decoraient I'Hotel-de-Ville , le Louvre, 1'Ins- titut, les Tuileries, le Palais-Royal, etc. Mais les monumens funeraires (que la commission mu- nicipale a ordonne d'eleversur tous les lieux ou reposent les depouilles des citoyens morts pour la patrie , et dont elle a charge 1' Academic des Beaux-Arts de proposer les plans ) , ou sont-ils ? Ou est la narration officielle des traits d'herolsme et d'humanite qui ontillustre la grande semaine , narration que la commission a decretee , et dont Plougoulm a sol- licite et obtenu Thonneur d'etre charge? Ou done est cette histoire si inter essante pour la gloire nationale? Est-ce pour ne pas la faire que 1'historien a re^u la croix d'honneur? Ou est le monument vote par les deputes le 6 ao6t, avec cette inscription : A la mile de Paris , la France reconnaissante ? 16 242 On detruit autant que possible I'inscriptioii Pont d'Ar- eole que,des le 29 juillet , le peuple a ecrite avec un pin- ceau sur lo pont qui conduit a THdlel-de-Ville , poht sur lequel un jeune enfant brava la mort et peril en y plan- tant un drapeau tricolore : car pourquoi cette inscription du peuple? C'est un souvenir du fameux pont d'Arcole en Italic sur lequel Bonaparte ou plutot Augereau planta le drapeau francjais au milieu de la mitraille autrichienne; mais le juste-milieu , qu'effraie la memoire de Bonaparte ou dc Napoleon , publie que 1'inscription vient unique- ment de ce que cet enfant s'appelait Arcole. Cependant Louis-Philippe a commande quatre tableaux pouri'Hotel- de-Ville,etun d'eux aura pour sujet lepont d'Arcole: Que representera-t-il? .L'heroique enfant plantant son drapeau Ie28 juillet, ettombant sous lesballes desSuisses et de la garde de Charles X? Non, le peintre fera entrevoir a tra- vers les tenebres de la nuit , des jeunes gens chantant la Marseillaise le 29 juillet 4852, assassines par qui? Si 1'on supprime les monumens en 1'honneur de la re- volution , en revanche , on conservfe le monument expia- toire eleve dans la rue d'Anjou a la memoire du due d'Enghein. On conserve celui de la place Louis XV construit pour honorer Louis XVI et pour outrager la nation. Pour le soustraire a la justice populaire, le prudent architecte se hate d'y faire graver ces mots : Monument u la charte ; et le juste-milicu , assez I'usc pour faire comme on dit, d'une pierre deux coups , se hate de publier que cette inscription est Touvrage du peuple lui-meme et la preuve qu'il veut conserver le monument et la charte. Mais par quol etrangc motif ce monument n'est-il pas acheve avec sa destination nouvelle , quand il gate et obstrue la place qu'il dovrail decorer? Veut-on retablir le monument expiatoire , comme on maintient le deuil dtt2^ janrier? On s'obstine a conserver les trophees du Trocadero , qui ne disparaissent que devant lacolere de Femcute. La volonte populaire qu'on invoqne hypocritement en faveur de la charte a vainement , dans les trois grandes journeos, condamne et brise les fleurs delis, les armoi- 243 ries et les inscriptions royales ; on repousse (outcs les observations , on brave tous les dangers pour les conser- ver ; on les verrait encore sur les drapeaux , sur le sceau de 1'etat , sur les monnaies , sur les croix de mission , et partout, si la redoutable voix de 1'emeute ne les avait de nouveau fait disparaitre. Mais Yeffigie d'Henri IV est formellement conservee par une ordonnance sur la croix d'honneur , qui continue d'avoir pour rivales les croix de Saint-Louis , du Saint- Esprit,etc. On accorde quelques indemnites , quelques pensions , quelques medailles et quelques croix aux heros de juillet. On accorde douze croix d'honneur a Tecole Polytech- nique, quatre a Fecole de Droit etquatre a 1'ecole de Me- decine , infiniment moins qu'a la garde nationale , a la ligne et a la police , quand elles aurout combattu ces memcs jeunes gens , ces memes homines de juillet. Mais tandis que les emigres et les chouans regorgent encore d'indemnites et de pensions , on ne vcut accorder aucune ou presque aucune reparation pour les condem- nations politiques subies sous la restauration et pour les spoliations commises contre les officiers des Cent-Jours. Bourmont fignrera long-temps sur la liste des marii- chaux de France,- Marmont y restera ; mais la famille de Ney ne peut obtenirla revision de son jugement ou plu- tdt de son assassinat. On refuse memo de retablir son portrait dans le salon des marechaux, et ce refus est mo- tive sur le ( je ne sals quelle epithete employer) pretexte qu'on veut faire executer un portrait plus ressemblant. Quand Lafayette parle de la famille Napoleon , on m- voque les traites de 4 8\ 5 imposes par 1'etranger; et cette famille est proscrite par Louis - Philippe comme par Louis XVIII et Charles X. On promet bien de retablir sur la colonne la statue renversee par 1'invasion etran- gere 5 mais ce n'est plus aujourd'hui que la parole des rois est sacree , et les cendres du heros sont refusees par un Francois a la France. Manuel et Benjamin Constant onf contribue a preparer 244 la revolution , et le peuple reeonnaissant veut porter leurs busies au Pantheon: on fait esperer, on proraet , pour ainsidire; raais Manuel est un revolutionnaire qui a parle de repugnance pour les Bourbons ; la brancbe ai- nee Ta fait exclure de la representation nationale , et la branche cadette ne peut le reconiiaitre digne de la re- connaissance de la patrie. Mais tandisqu'on repousse leshommes dela revolution, on fait tout pour les honimes de la legitimite . Vouloir sauvcr Polignac , c'est tout risquer , son trfine , sa tete et sa famille. N'importe,. on brave tout, et ce n'est certainement pas par affection pour Polignac, Pey- ronnet et autres. Quel est done le puissant motif? Est- ee un engagement envers Holy-Rood ou 1'etranger? Non-seulement on a fait donner plus de 600 mille francs en or a Charles X , on Ta fait accompagner par trois commissaires ; oil a consenti qu'il mit douze jours pour se rendre a Cherbourg; mais on fait avorter la pro- position Baude en 4834 et la proposition Briqueville en \ 832. On repousse 1'expression Vex-roi Charles X, et Ton veut Tappeler encore le roi Charles X. On veut faire acheter ses biens par 1'etat et les conser- ver , comme si Ton voulait qu'il put les retrouver un jour. On ne veut pas bannir la branche ainee , mais seule- ment lui interdire le territoire sans prononcer de peine centre sa reapparition , et Ton semble meme ne pouvoir se decider a promulgyer la loi. On declare meme que si Ton saisit la duchesse de Berri , on Ja reconduira tout simplement a Holy-Rood , comme si Ton .voulait Fencourager a revenir. Quand on a souffert qu'clle debarquat dans le Midi , qu'ellc tentat d'y allumer la guerre civile, quelle traver- sal paisiblement la France entiere , qu'elle s'etablit long- temps dans la Vendee , ct qu'elle vint meme , dit-on , jus- qu'a Paris; on declare, le 6 juin 4852, qu'on ne con- senlira jamais a terminer ses courses et ses complols par un drame sanglant , comme si ce n'etail pas 1'encourager ti faire couler lesang des gardes nationaux et des soldats; 245 eomme si Ton craignait soi-meme ets du prince et ceux de la nation. Louis-Philippe repondit : Les insinuations que vous redoutez ne peuvent se faire aupres de moi. Je suis trop connu pour que per- ii sonne , et surtout ceux qui m'entourent , osassent ja- ii mais tenter de me separer de ma nation , de nie per- i) suader qu'il existe pour moi d'autres interets que ceux de son bonheur, de sa liberte et de sa grandeur. On sait que cette doctrine est contraire a celle que j'ai sou- tenue toute ma vie ; j'ai toujours pense qu'il n'y a de gouvernemens solidement etablis que ceux qui s'iden- ii tifient avec les interets nationaux , avec la gloire et les libertes de la nation. Lorsqu'un gouvernement s'aper- ^oit qu'il ne peut plus agir conformement a ces interets, IL DEVRAIT ABDIQUER DE LUI-MEME. Voila quels SOnt mes sentimeus... Vous pouvez compter sur ma loyaute, sur ma franchise , et sur mon entier devouement a la patrie. La Gazette et ses filles soutienneut publiquement , et repetent tous les jours , que Louis-Philippe n'est que lieutenant- q&ntral du roycrume pendant la minorite d'Henri V, et que bicntot il descendra du trone pour faire place a son neveu , son souverain et son maitre. Defendant un journal legitimiste devant la cour d'as- sises de Paris , a la seance du \\ aoiJt , Hennequin vieut de dire : Et lie craignez pas , Messieurs , que 1'absolution que nous sollicitons de vou? inquiete le pouvoir 5 noire mise en jugement lui suffit. Croyez-le bien , messieurs , si le pouvoir nous accuse, nous qui professons des principes dont il se rapproche chaquejour, c'cst qu'il veut cacher i) I'amour qu'il ressent pour nos doctrines. S'il appelle sur nous avec assiduite des condamuations rigoureuses, c'est qu'a ceux qui vont cherchcr sa pensoe au fond de 248 ses actes, il veut etrc en possibilite de repondre : Eh! comment pcut-on me supposer des souvenirs ct des pre- dilections de lecjitimite, lorsque les organcs de la legi- timite, lorsque les instrumens de la legitimite sont mis en prison par mes soins ? Telle est, Messieurs, la verite. Oui, le pouvoir n'attend que le moment de dire avec Sixle-Quint : Je liens enGn les clefs de saint Pierre; je n'ai plus besom de dissimulation : que ceux qui m'oiit cru faible et ti- mide se dctrompent. %* Ce serait la plus infame trahison I...;. . Mais, quand on examine tous les fails, n'est-on pas tente de croire que Louis-Philippe ne se considere reel- lement que comme lieutenant-general ou regent ; qu'il n'agit que dans 1'interet d'Henri V , et quo , apres avoir volonlairement suscite mille embarras , son intention est d'abdiquef, comme il Fannoncait a Nancy ? Car si le 50 juillet , il se fut concerte avec Charles X ; si , nouveau Zopire , il cut voulu se devouer pour conser- ver le trone a Henri V , en empechant la proclamation de la republique , et surtout de Napoleon , aurait-il pu faire autre chose que ce qu'il a fait? Aussi quelle confiance, quelle joic ne manifestent-ils pas , les partisans d'Henri V ! Et quand les pretres , les carlistes , Hennequin et les Gazettes disent que Louis -Philippe est d'avcord avee Holy-Rood ; quand ils citent tous les fails qui l'indiquent : que de credulites ne rencontrent-ils pas dans le pays! Que d'incertitudes au moins nc jetleut-ils pas dans les esprits ! Et que de mal ne produisent pas ces apparences , ces bruits, cette credulite et cctte incertitude elle-meme! Cependant je radmels, Louis-Philippe desire conser- ver le trone pour ses enfans et pour lui , ct c'est la le but de tous ses efforts. Mais dans ce cas la memc, ne veut-il pas tout simple- ment prendrc la place de Charles X ct d'Henri V , et se considcrer comme roi legitimc? Si ceux-ci moiiraient su- bilcment, comme vienl dc mourir Napoleon II, n'invo- qucrail-il pas la Jegitimite? Si , des aujourd'hui, les car- 249 listes voulaient 1'adopter, nc s'appuicrail-il pas sur cu\ et sur tous les principes de la restauration ct de la legiti- mite pure? S'il etait definitivement admis ct appuyc par 1'etranger, ou s'il parvenait a transformer les soldats en seides, ne traiterait-il pas la liberte, la nation, les republi- cains , les patriotes , en un mot , le parti du mouvement , tout comme et mieux encore que pourrait le faire Char- les X? Et tout cela n'est-il pas une TRAHISON envers la revolu- tion de juillet ? Si les deputes , les pairs , le due d'Orleans et le due de Chartres , avec son regiment , s'etaicnt unis a Charles X et a sa garde royale, ils auraient etc vaincus ou vain- queurs : vaincus , ils auraient eu le sort de Charles X , et le peuple aurait choisi Napoleon II ou la republique; vain- queurs , le peuple n'aurait eu de reproches a faire qu'a la fortune. Mais , deputes , pairs , due d'Orleans , tous ont fini par faire cause commune avec 1'insurrection : c'est au nom et sous la protection des insurges qu'ils ont agi ; ce sont leurs iuterets qu'ils ont promis de garantir ; c'est 1'ouvragc du peuple vainqueur qu'ils devaient consolider. En eludant la souverainete nationale , en lui substi- tuant la restauration et la legitimite , ils ont abuse de la eonOance des insurges ? filoute la victoire , escamote la revolution et train cellc-ci. Car , je le demande , si les vainqueurs avaient pu devi- nerl'avenir, n'anraient-ils pas expulse les deputes , les pairs et le due d'Orleans , comme ils ont expulse Char- les X? Ils ont done ete trompes ! Oui , dans mon opinion , il y a trahison envers la revo- lution , envers les combaltans et les vainquetfrs ! La flatterie peut le nier ; mais c'est le sentiment uui- versel. Et Ton s'etonne de I'irritation populaire ! Comme si , en France surtout , la deloyaute n'irritait pas plus que la violence ! Mais si I'etrangcr declare la guerre pour retablir Hen- 250 ri V; si les carlislcs ct les raeneurs du juste-miliuu tra- hisseut pour faciliter 1'invasionet la restauration,qucfcra Louis-Philippe? resistera-t-il a 1'etanger? Ou bien, pour laisser la place a Henri V , abdiquera-t-il sous pretexte d'eviter la guerre et 1'invasion? Cette abdication ne serait-elle pas encore une borrible TRAHISON ? * * 56. Louis-Philippe gouverneseul. Responsabilite. */ Une des plus grandes accusations dingees contre Louis XVI , c'est d'avoir trompe ses ministres en leur cacbant beaucoup de ses actcs , et un des plus grands re- proches qu'on puisse faire a Napoleon , c'est d'avoir eu , malgre tout son genie , 1'insolence de ne rien communi- quer a la nation, et d'imposer a tous sa volonte. Comme Napoleon , Louis-Philippe se croit d'etoffe et de taille a raanier la dictature : il veut tout voir, tout diriger et tout ordonner. 11 ne veut pour ministres que des secretaires obeissaus ou devoues. Pendant quelques mois, il admet quolques hommes independans , Lafayette , Dupont et Laffitte , parce que leur popularise lui cst d'abord indispensable, il se mon- tre facile pour les actes ordinaires et de peu d'impor- tancc; mais il compte assez sur la confiance qu'il a su leur inspirer, pour oser leur imposer Talleyrand ; et ils ont la faiblesse d'accepter la plus grande impopularite de 1'epoque pour representer a Londres la France et sa re- volution populaire. Plus tard , il declare a son conseil , que quelle que soil 1'opinion de celui-ci , il est lui-meme decide a laisser en- trer les Autrichiens en Italic. Quant aux actes qu'il est possible de leur caclier , no- tamment sa correspondance avec les rois ou les cabinets etrangers, il fait comrae Louis XVI, il la cache, et no met dans sa confidence qu'un aide-de-camp, ou Sebas- tiani , ou Montalivet : souvent meme, il en fait un mys- tere a tous. Tantot un ministre complaisant signe une lettre sans la lire; tantot un autrc remet uno reponsc qu'il n'a point lue. Une depecbe est envoy de au prelet de 254 Lille au nom de Montalivet qui n'en sail rien (4). L'an nonce (si importante! ) de 1'entree des Autrichiens en Italic est cachee cinq jours au ministre de la guerre , (qui crie a la trahison centre Sebastiani , ) et menie au presi- dent du conseil, a Laffitte, a cet ami si devoue , pour le- quel on professe tant de confiance et d'amitie. La fa- meuse depeche a 1'ambassadeur a Constantinople , Guille- minot , est ecrite a 1'insu du confident Sebastiani lui- meme (2). Aussi le fier Casimir Perier , qui connait toutes ces ca- chotteries , n'accepte-t-il la presidence qu'a condition que le conseil deliberera sans la presence du roi; et Louis-Phi- lippe n'y consent que parce que les opinions et les vues de ce ministre sont identiques avec les siennes. Casimir Perier vent tout savoir ; mais il fait comme le roi : il a des mysteres pour scs collegues , et leur cache , par exemple , la presence a Paris de la reine Hortense et de son fils , pendant 1'anniversaire napoleonien du 5 mai 4 854 . Mais que de choses sont probablement ca- chees a Casimir Perier lui-meme ! (1) Sebastiani , d'accord avec la camarilla , poiisse a Pelection du due de Nemours. Quand il est elu , le conseil refuse , et Se- bastiani envoie le refus par un courrier. Mais la camarilla se ravise et deux fois presse Sebastiani de rappeler son courrier. Sebastiani ne peut y consentir. Alors la camarilla expedie se- eretement par le telegraphe, au nom de MonLalwet, au prefet de Lille Tordre d'arreter le courrier. Le prefet repond de suite , par le telegraphe, qu'il vient d'executer son ordre. La reponse telegraphique est remise , en seance du conseil , a Montalivet , qui , ne sachant rien , crie a la trahison ! Vous etes un enfant , lui dit quelqu'un; je vais vous expliquer .... On lui explique 1'enigme, il parait satisfait. (2) Guilleminot revolt une depeche qui n'est pas de Sebastiani, et, conformement a cette depeche, il remet une note au minis- tre turc. L'ambassadcur de llussie a copie de cette note, et 1'envoie a son collegue a Paris. Celui-ci se plaint vivement u Sebastiani, qui, ne sacbant rien, nie : on lui rnontre la note, et il reste confondu. Furieux centre Guilleminot, il le destitue. Mais celui-ci arrive, veut se justifier, et fait des reproches a Sebastiani, qui, ne s*chant toujours rien, prend le ton haut. Gtallcminot lui montre la depeche , et tout se decouvre. Sebas- tiani reste de nouveau eonfondu ct donne sa demission ; mass on le supplie, il reste. 252 D'ailleurs, apres sa inort, Louis-Philippe ne lui don IK* pas de successour ; c'est Lui qui preside; c'est lui qui . suivant 1'expression d'un haul personnage, veut etre pa- temment le colonel d'un ministere qu'il fait mouvoir conime une compagnie de soldats, el qu'il remue comme de la bouillie. Ni la nation , ni ses deputes ne connaissent aucun des actes fails depuis deux ans avec 1'elranger ! Et cependant les actes diplomatique* ont-ils janiais etc si nombreux et si importans? Les notifications de la revolution a tous les gouverne- mens etrangers ; leurs reponses ; la marche des Russes centre la France en novembre \ 850 ; les negocialions et les traites concernant la Belgique , la Pologne , 1'Italie , Ancone , les petits etats de 1'Allemagne , la Suisse , le Por- tugal , Holy-Rood , la France elle-meme ; tous ces actes peuvent decider de 1'honneur et du sort de la nation , et tous ont ete caches! Et cependant la duchesse de Berri , amenee par des vaisseaux sardes , aidee par les roubles de Nicolas , mon- tre Henri V dans le Midi et dans la Vendee ! On ne sait ou elle estl Peut-etre est-elle a Paris! On assure qu'elle s'y trouvait les 5 et C juin ! Et le pays , embrase par la guerre civile , est parlout entoure d'ennemis mena^ans et prets a renvahir ! Et les chambres ne sont pas assemblers ! Et un seul homme gouverne sans ministres ! Car enfin Sebastiani paralyse est-il un ministre? Barthe est-il un ministre? Girod de 1'Ain, Montalivet, sont-ils des mi- nistres? Soult, Louis, deRigny, sont des specialties, comme on dit a la cour, mais sont-ils des minislres? On pourrait done prendre pour ministres des mineurs et dos avcugles .' Et la charte est une verite! Etle gouvernement representalif n'est pas un mensongc aujourd'hui ! Et c'est pour cette liberte que le peuple s'est fait tuer dans les rues de Paris ! Et ce n'cst pas trailer la nation oomme un enfant ! Ce n'est pas se moquer d'ellc et dc ses rcpreseutans ! 253 Etsi un roi se trompait! Si, comme Napoleon , it etait trahi ! Si , comme Louis XVI , il trahissait lui-meme ! . . . Et il n'aurait aucunc responsabilite ! Mais est-il vrai quc Louis-Philippe ne soit pas respon- sable? Quoi! quand la legitime constitution de 179-1 n'a pu rendre Louis XVI inviolable, I'illegitime charte de -1814, irregulierement revisee en -1850, garantirait 1'inviolabi- lite de Louis-Philippe? Mais quelle puerilite d'examiner une question que la force seule resout ordinairement ! Louis XVI et Charles X n'auraient-ils pas etc invio- lables s'ils avaient cte vainqueurs? Polignac lui-meme n'aurait-il pas fait coridamner et fusilier ses accusateurs s'ils avaient ete vaincus? Louis XVIII au contraire, rame- nant 1'etranger en -18-15, n'aurait-il pas-rendu compte au pays , si le pays cut ensuite triomphe contre lui ? Mais laissons la la responsabilite materielle : et la res- ponsabilite morale ! La nation n'a-t-elle pas le droit d'es- timer ou de mepriser, d'aimer ou de hair? Ces sen- timens ne sont-ils meme pas independans de la vo- lonte? L'histoire ne classe-t-elle pas les monarques parmi les Antonin et les Neron, etc., parmi les Henri IV ou les Charles IX, etc.? Et , lorsqu'on fait honneur aux rois des victoires dues au courage de leurs soldats et des prosperites qui vien- nent sans eux et souvent malgre eux , celui qui perdrait sa'patrieet la liberte n'en serait pas responsable devant la France , 1'Europe et la posterite ! *^* 57. Protestations. Dtrnission de Lafayette. Sow explication avec le roi. Demission de Dupont de I'Eure. Sa lettre au roi. Demission de Laffitte. Funerailles de Lamarque. Journees des 5 et 6 juin. Discours de Fox en 4 779. La protestation des cent-jours et toutes cclles que nous avons vues contre la rcstauration (page -104) subsistent 254 encore aujourd'hui contre la continuation de celte rcs- tauration ; et que d'autres s'y soiit ajoutees depuis lo journees de juillet ! Les cris de vive la liberte ! vine la republique ! plus (In Bourbons! nc sont-ils pas d'abord d'energiques protesta- tions? Des le 30 juillet, la Tribune demande la convocation d'une nouvelle assemblee nationale ; elle la demande dans J'interet de 1'ordre, de la paix , et du due d'OrUans lui- meme ( Tribune du 4 aout) ; elle proteste et renouvello constamment sa protestation contre 1'irregularite de tout ce qui se fait. Des le 50 aussi , los patriotes reunis chez Lointier pro- testent egalement par une lettre adressee a la reunion des deputes. (Tribune du 5-1.) Des le 50 encore, la loge des Amis de la verite, de- cimee dans les trois jours de combat , proteste de menie , dans une adresse au peuple parisien. (Ibid.) Le 54 , le comite central des Amis du peuple proteste aussi , a THotel-de-Ville , en presence de Lafayette , de la commission inuuicipalc et du nouveau prefet de Paris , en declarant que les republicans les plus decides sont prets a accepter une dynastic nourelle, si la majorite des citoyens la proclame. ( Tribune du 5 aout. ) Deux petitions , presentees a la chambre des deputes par le meme comite central des Amis du peuple et par d'autres patriotes , continuent la protestation . ( Tribune des 4 et 8 aout. ) Les combattans veulent s insurger le 54 pour obtenir un congres national , et c'est Lafayette qui les en empeche en leur annoncanl que le due d'Orleans accepte tin trone populaire entoure ^'institutions republicaines. (P. 472. ) Trente ou quarante mille hommes des plus ardens courent a Rambouillet braver tous les dangers pour ex- pulser Charles X entoure de sa garde , et c'est peut-etre pour les empecher de protester a 1'ouverture dc la session qu'on les laisse ainsi sortir de Paris. Cependant un rassemblement assez nombreux proteste a la porte du Palais-Bourbon. Le 6, la formidable voix des vainqueurs se fait en- 255 tendrc a 1'orcillc des deputes tremblans ; mais Labbey- Pompieres , Benjamin Constant et Lafayette viennent suc- cessivement conjurer Forage. Lafayette surtout declare qu'il n'a pris aucune mesure pour proteger les deputes , et qu'il y va de son honneur si ceux-ci sont attaques. II conjure les assaillans de se retirer ; et , pour ne pas com- promettre le general , on laisse les deputes consomraer en paix Tusurpation des droits du pays. Depuis, les demissions deCormeniu et d'autres deputes, reconnaissant 1'expiration de leur mandat , les demissions de Lafayette , de Dupont de 1'Eure , de Lafiitte et d'un grand nombre de fonctionnaires patriotes ne sont-elles pas encore autant de protestations ? EXPLICATION DE LAFAYETTE AVEC LE ROI. I Votre systeme de gouvernement n'est plus le mien , dit Lafayette au roi, le 25 decembre 4850, en lui donnant sa demission ; il me semble que la confiance publique m'a donne un mandat : je ne vous dirai pas ou il est ecrit ; mais enfln le peuple frangais et beau- coup de patriotes de tous les pays se persuadent que la ou je suis la liberte ne spuffre pas de dommage. Or, je vois que cette liberte est menacee, compromise, et je ne veux tromper personne. Au dedans et au dehors , la marche de votre gouvernement n'etant point celle que je crois salutaire aux interets de la liberte , il n'y aurait point de sincerite de ma part a rester plus long-temps comme un corps opaque entre le peuple et le pouvoir. Moi eloigne du gouvernement , chacun saura mieux a quoi s'en tenir. (Sarrans, tome 2, page 409.) LETTRE DE DUPONT DE L'EtTKE A LOUIS-PHILIPPE. 27 decembre 4830. Sire, La retraitc du general Lafayette va causer, dans toute la France , une profonde affliction ; je partage de toute mon ame la douleur publique. 25C M. Lafayette sc considerc comme desliluc par la chambrc des deputes ; et, dctoutes parts , on se deman- 11 dera quelle peut etre la cause d'une semblable hostilile i) dirigee centre lillustre general, au moment ou il ve- nait de contribuer si puissamment au retablissement i) de 1'ordre dans la capitale. La tendre amilie, la conformite de sentimens poli- litiques qui m'unissent a ce grand citoyen ne me per- mettent plus de faire partie du ministere, ou d'ailleurs 1'attaque de M. Boissy-d'Anglas mo fait assez pressentir que je fais obstacle aux vues de la majorite qui a ren- verse le general Lafayette. Je suis entre au conseil, Votre Majeste le sait mieux que personne , a mon corps defendant , et en faisant violence a mon gout pour la retraite , determine seule- ment par cette peusee patriotique que tout homme po- pulaire devait son concours et son appui a votre gou- vernement naissant. Depuis lors, la marche incertaine du ministere, la i) presentation d'une mauvaise loi surla liste civile (centre laquelle j'ai du me reserver le droit de voter hautement dans la chambre), 1'inconcevable retard apporte a la presentation d'une loi electorate si impatiemment attendue par le pays, m'ont fait souvent eprouver le besoin de me retirer des affaires , et j'en ai bien des fois exprime la volonte devant tous les membres de i) votre conseil. Cepcndant je ne 1'ai pas fait, toujours retenu par la crainte de susciter un nouvel embarras i) au milieu des dangers que pouvait fairc naitre le proces des ministres. i) Aujourd'hui, Sire, ces dangers n'existcnt plus, et je suis libre de deposer un fardeau que je ne me sens i) plus la force de supporter, convaincu, comme je le B suis, que ma presence au conseil ne serait utile ni au i) roi ni au pays, et que, par cela meme, je ne puis plus consciencieusement en faire partie. Je declare done Votre Majeste que je lui doime ma demission , ct que j'attendrai ses ordres pourremettre le ministere a mon i) successeur. (Ce sera Merilhou!) Je vous supplie, Sire, de ne jamais douter des vc- M ri tables seutimcus qui m'animent pour votre pcrsonuc 257 ct pour votre trone constitutionncl , dont je defendrai los prerogatives avec le meme devouement quc les 11- bertes publiques , qui doivent en rester a jamais inse- parables. Je suis, Sire, avec un profond respect, etc. DUPONT DE L'EURE. Quel noble devouement! quelle vertu patriotique! mais aussi quelle protestation ! et quel aveuglement pour un roi de se faire abandonner par de pareils homines ! La retraite de Laffitte, le \\ mars, n'est-elle pas aussi une eclatante protestation centre la violation du principe de non-intervention et contre 1'entrce des Autrichiens en Italic (V. ci-apres, 40). Les reclamations continuelles de Lafayette pour Fexe- cution du programme de l'H6tel-de-Ville ; 1' association na- tionale; les receptions triomphales faites partout aux Po- lonais ; les brochures et les journaux ; les souscriptions pour payer les amendes de la presse; les adresses; les mascarades et les charivaris contre le juste-milieu ; les serenades et les ovations pour 1'opposition ; tout cela ne forme-t-il pas une chaine non-interrompue de protes- tations ? Les ententes elles-memes ne sont-elles pas de terribles protestations populaires? La resistance de tant de conseils municipaux, de tant de maires, de tant de gardes nationales qu'on se croit dans la necessite de dissoudre ; la tiedeur et le degout de la garde nationale en masse ; ne sont-ils pas encore des protestations ? ^opposition , qui protests formellement contre Vordre dujour motive , contre les ordonnances du -19 novembre, et contre les expressions roi de France et sujets, ne pro- teste-t-elle pas sans cesse a la tribune contre le funeste systeme qui detruit la revolution? Son compte-rendu, par lequel elle declare a la France quo le gouvernement est sorti des conditions de son exis- tence, n'est-il pas la plus expressive des protestations? M 258 Qucls scntimcns inspire - 1- elle a Louis - Philippe ? Voyons . I II y aura phis de dclits de la presse, dit lo due d'Orlears, le 51 juillet, a rH6tel-de-Vilk>. S'il y en a , dit la ( harte du 7 aout , ils auront la ga- rantie du jury. Les poursuites seront b ien rares, dit le nouveau pro- oureur du roi Barthe , dans son discours d'installation du \1 aout : nous n'intenterons de proces que quand I 'evi- dence du delit en imposera la necessite. La presse , a qui Louis-Philippe doit en partie sa cou- ronne, et qui , pendant long-temps , trop confiante commo la nation , appuie le gouvernement naissant , merite qu'on soit fidele a ces promesses. Mais la presse ouvre enfin les yeux et aper^oit le dan- ger : elle cesse d'approuver et dc louer ; elle avertit , elle critique , attaque ; on I'appelle alors la mauvaise presse : on la hait , on voudrait 1'aneantir, et les persecutions de la restauration recoramencent centre elle. Que dis-je? jamais la restauration n'a mpntre tant d'acharnement centre les ecrivains independans , et tant de partialite pour les soudoyes de la police. Non seulement les journaux sont saisis presque chaque jour , mais les ecrivains sont arretes , jetes dans les ca- chots, meles a des volcurs , traduits devant les conseils de guerre , menaces de la raort ; les Jmprimeurs sont pour- suivis , les presses sont confisquees ou brisees; la Tribune est saisie soixante fois en deux aiis. A-t-elle le courage de defendre le tresor pubh'o et 1'industrie franchise en de- non(;ant les scandaleux achats de fusils anglais , ou bien de citer Thistoire en reponse a d'imprudentes flatteries ; on s'efforce de la ruiner par d'excessives amendes , dont 1'une s'eleve jusqu'a -15,000 francs; et cependant, sur soixante saisies de la police , cette justice , si rigourcuse , reconnait que cinquante n'avaient aucun motif. Et ce n'est pas la plus odieuse vexation ! ce n'est pas le plus scandaleux abus du pouvoir! Et vous osez vous vanter de votre resp<-ct pour la loi , pour la liberte de la presse , pour le droil sacrc de propriete ! 259 Mais pourquoi done cot acharneraeut tout particulier centre la Tribune?. Est-ce parce quo, des le 50 et le o\ juillet , tandis que prcsquc tous les journaux baissaient pavilion devant le due d'Orleans , la Tribune seule cut la pensee de lui faire opposition en demandant, non pas qu'il fut exclu , mais que la nation flit consultee pour le choisir? Sa prevoyance , son courage et sa Constance , qui doivent etre un titre a 1'estime des patriotes , sont-ils des crimes aux ycux du juste-milieu? Du reste, c'est la presse que le despotisme redoute le plus ; c'est elle que les despotes veulent etouffer en Alle- magne ; et , si Ton en croit certaine revelation , Louis- Philippe aurait secretement excite 1'attaque dirigee main- tenant contre elle par ses allies : c est la presse de France surtout qu'on veut empecher de crier garde it rows/ 34. - - Faits particuliers caraeterisant la marche contre-revolutionnaire du gouvernement. Nous avons deja \ u la conference entre cinq deputes et les pairs , le 50 juillet, la priere adressee au due d'Or- leans, son arrivee dans la nuit, sa confiance en Talleyrand leal, sa proclamation, sa visite a THotel-de-Ville ses Jjscours ; , son empressement a arreter 1'organisation de ullons de la garde nationale mobile ordonnee par la commission municipale, sa nomination comme lieu- tenant-general du royaume par Charles X le i<* aout Tabdication du 2, le depot de cette abdication, Touver- ture de la session du 5 aout, la nomination du president de la chambre des deputes par le lieutenant-general du royaume, le choix fait par lui de Casimir Perier pour president, le projet de baser 1'election sur 1'acte d'abdi- cation et d'appeler le nouveau roi Philippe V, la conser- vation dela charte dc J8U, sa revision en quelques lieures, etc. Nous avons vu les amis de la restauration et de la le- gitimite, c'est-a-dire les ennemis de la revolution con- stamment appeles au rninistere et dans les fonctions pu- bliques, tandis que les patriotes, d'abord menapes, sont ensuite repousses et proscrits. 260 semant mille bruits , poussant des cris , excitant ct pro- voquant. Sur la place Vendome , quand passe , autour de la co- lonne, le corps accompagne de Lafayette et Clauzel, le poste de I'tHat-major rentre avec la sentinelle elle-meme , ferme la porte, refuse les honneurs militaires au cercueil d'un de nos plus illustres guerriers , insulte manifeste- ment le general et le cortege , tandis qu'un officier , se montrant a la fenetre , semble vouloir exciter par ses ges- tes Tirritation populaire : elle eclate : c'est la garde nationale elle-meme qui se precipite en avant ; des cris de fureur se font entendre 5 les sabres sont tires; !a porte est assiegee; que de sang va couler! Heureusement le poste cede , sort , se range en bataille ; rend les bonneurs militaires et le calme est retabli. Sur la place, en avant du pont d'Austerlitz , des dra- gons , dont la presence est completement inutile ; des dragons envoy es (qui le croira?) par la police a Vinsu de I'autorite militaire, apparaissent subitement de tous cotes , et fertneiit toutes les issues 5 s'ils veulent charger et sabrer , ils vont faire un epouvantable carnage. Leurs dispositions paraisseut bostiles, et Ton connait le gout et 1'habitude de Tautorite pour la violence : on se croit me- nace , mis en peril ; les femmes s'effraient , poussent des cris et veulent fuir. Nous laisserons-nous egorger sans nous defendre? crient les braves. Aux armes ! aux barri- cades ! On court dans les maisons voisines , et Ton revient avec des fusils ; les rues sont barricadees; quelques coups partent. D'ou? Qui les tire? Est-ce la troupe? est-ce le peuple? est-ce la police qui veut engager le combat? Mais quelques hommes tombeut et le combat s'engage : la troupe se replie 5 les postes sont attaques , enleves , de- sarmes ; le succes enflamme les combattans , leur nombre grossit ; la resistance devient presque insurrection ; en quelques heures , c'est au centre de Paris , c'cst sur la place des Victoires que la victoire amene une poignee d'liommes intrepides. Avec les dispositions de 1'armee , de la garde nationale , des jeunes gens et du peuple , s'il y avail un complot, un plan, un projet, une organisa- tion , des chefs et des proclamations , qui peut dire quel serait le resultat de cette etonnante soiree? 261 Mais ricn n'est medite , ni concerte , ni prepare du oote du people : ce n'est qu'une heroique defense que lo succes change en attaque individuelle. Cependant , de 1'autre cote, quelle differenced que d'avantages ! Tout est pret , et agit d'ensemble. Ce sont des chouans et des carlistes , disent aossitot les proclamations de 1'autorite ! Gare au pillage! crie partout la police aux marcbands. Gare a 95 et a la terrewr! Voila les republicans qui viennent d'arborer le bonnet rouge ! Mais qui 1'a arbore? La police devait e"tre la; elle y etait : la police doit le savoir; elle sait; qui 1'a porte? Qu'elle le nomme ! Puisqu'elle ne le nomine pas , c'est elle qui 1'a fait paraitre; elle qui, seule, devait desirer son apparition , elle a qui seule cette apparition pouvait proliter. Quoi qu'il en soil, le tambour se fait entendre partout 5 tout le juste-milieu s'ebranle : les meneurs se multiplient pour ecbauffer les autres ; partie de la police se travestit en gardes nationaux pour entrainer la garde nationale ct la bgne , et partie en hommes du peuple pour entrainer quelque portion du peuple. Douze ou quinze mille Pari- sienseffrayeset trompes; quatre ou cinq mille hommes de la banlieue excites et egares; quarante mille soldats; de 1'ar- tillerie ; des generaux ; le roi a cheval ; des feux de pelo- tons et de bataillons; des coups de canon centre quelques centaines d'ouvriers et de jeunes gens resolus a se faire tuer en combattaut derriere des barricades ou dans des Le juste-milieu reste enGn vainqueur; et Ton sait comment les modores exploitent leur victoire : on con nait la violation de la charte, retablissement de la dic- tature, la mise en etat de siege, les tribunaux militaires, les poursuites centre trois deputes , les menaces centre 1'opposition entiere, les arrestations, la vengeance, la terreur, les condamnations a mort, etc. Mais 1'oragc est passe, ct le convoi de Lamarque 262 ea est-il moins unc cclatantc protestation do 1'opiuiuii publique? La catastrophe qui I'a suivi ne proteste-t-clle pas elle- jneme centre un systeme qui produit de si deplorables calamites? Faut-il done que notre histoirc presente de si frappan- tes analogies non-seulement cntre la branche ainee dc.s Bourbons et les Stuarts d'Angleterre , mais encore enltc leurs successeurs? car ecoutez. PAROLES DE FOX Au parlenwnt anglais, dans sa stance du 25 noveni- bre 4779 : Sa Majest^ est montee sur le trdne entoure"e des H plus flatteuses esperances... Quel changeinent! son empire est trouble, ses conseils sont dans Terreur, et F amour de son peuple est aliene. Je ne fais mallicu- reusement que repeter ici ce qui se dit partout : le peuple murmure, il s'agite, et bientot sa patience sera a bout 5 il se fera justice. Chacun sail que les drolls de notre monarque no sont fondes que sur les debris des Stuarts, circonstance qui doit toujours etre presente a sa memoirc. 11 est certain que la race de cc nom est detestee dans ce pays, et que Sa Majeste a peu a redouter de leurs preten- lions; mais elle doit toujours se rappeler que c' est a i) Tatrocite et a Tignorance de mauvais ministres que les Stuarts ont du leur chute. Quelle occasion n'aurait pas un descendant de cette race pour fairc valoir ses pre- tcntions dans le regne actuel? Ne pourrait-il pas nous n dire : Vous avez banni nics ancetres du trone et expulst- toute leur posterite pour des fautes coramises par leurs ministres ; et cependant les ministres actucls sont dix fois plus ignorans encore , pour ne pas dire crim inels ; et tandis que vous prodiguez a votre souverain le titro dc meilleur dos rois , ses ministres ont rendu son rcgne le plus iiifdme de fous les regnes qui aicnt desho- nore la nation . Les minisfrcs T accables de tout le poids dc cts accn- 265 ii salious , oat neanmoins encore Timpudcncc de parler de leur innocence. Mais ce inot d'innocence ne s'ex- ii plique-t-il pas par un autre mot ignorance? el 1'ignorance d'un ministre n'est-elle pas un crime ? Le minislero peut se flatter, autant qu 11 lui plaira, d'avoir toujours la majority, et d'etre sous sa sauve- H garde ', mais quand une nation est reduite a un tel etat de misere , que les lois elles-meines nc lui presentent - aucune garantie ee que la loi du pays n'a pu fairc, la loi dc la nature le fera. 58. Fautes commises. Caiiistes. Nencurs du juste-milieu. Masse du juste-milieu. Combattans. Trans fuges. Chefs du parti patriote. Que les carlistes et les vieux contre-revolutionnaires so soient opposes a la revolution , et qu'ils veuillent aujour- d'bui la detruire, c'est tout simple 5 ils sont conslana dans leur hostilite declaree. Que les meneurs du juste-milieu, ces partisans connus de 1'aristocratie , de la restauration et de la legitimite , ces sangsues de tous les regimes, ces valets de tous les pouvoirs , ces seides de tous les despotismes , ces grands seigneurs de la bourse et de 1'agiotage , aient escroque la revolution, c'est tout simple encore ; ce sont des enne- mis du peuple et de la liberte. Que la masse de la garde nationalc et du juste-milieu, bourgeois pacifiques, mais timides, marchands honnetes et laborious , mais necessairement influences par Ics ri- ches , par les capitalistes et par les bauquiers , patriotes sinceres mais confians , se soient laissc seduire par les protestations et les caresses royales , egarer par les men- songes journaliers de la police et de 1'autorite, effrayer par la fausse peur de 95 et du pillage ; qu'ils aicnt consi- dere comme des amis du peuple et de la liberte certains iiberaux de 1'anciennc opposition , Casimir Perier, par cxcmple, 1'aristocrate des aristocrates ; c'est un malbour sans doute qu'il faut deplorer pour eux ct pour nous , mais qui ne doit pas surprendrc , cc sont des amis qui reviendront a nous. Que les combattans aient eu tant de confiance dans la 264 prudence et la fermctc de quelques-uns des cbcls du parti national, et leur aient aveuglement abandonnc leurs destinees, c'est un malheur que 1'on con^oit encore. Mais que des Lommes qui s'etaient fait remarquer par la vivacite et rneme par la violence de leur opposition , et qui s'etaient eleves par la faveur et 1'appui des patrio- tes, desbonorant tout a coup une vie long-temps pure, discreditant leur parti par 1'exemple d'une ambition long-temps cachee sous 1'apparence d'un patriotiquc dc- sinteressement , aient subitement descrte la cause dont ils avaient etc les plus ardens apolres pour passer dans le camp de leurs auciens ennemis 5 que des carbonari soient devenus tout a coup rentgats, traitres, transfuges , et persecuteurs de leurs anciens amis : c'est ce qu'on n pout envisager qu'avec une douloureuse indignation. Ce qui produit encore des regrets non moins vifs , quoique moins amers , c'est que la plupart des deputes patriotes, et surtout les chefs, se soient laisse si complc- tement tromper et duper ; c'est que Lafayette , Laffitte , Dupont de 1'Eure , 3Iauguin, Odilon-Barot , etc., se soient laisse ravir le depot que les combattans leur avaient confie. Certainement personne ne peut douter ni de leurs ge- nereuses intentions ni de leurs vertus patriotiques , et leurs titres a 1'affection , a Testime, meme au respect du peuple , ne sont pas alteres. Oui, j'ai pour eux autant d'estime que d'attachement , et pour plusieurs d'entre eux autant de devoument que de veneration. Mais quel malbeur qu'ils aient eu tant de confiance! A celui qui les a trompes , ils peuvent demander compte de Tabus qu'il a fait de leur bonne foi : mais u'ont-ils pas de comple a rendre eux-meines? Ne doivent-ils pas eprouver le besoin de faire counaitre toute la verite? N'est-ce pas pour eux un devoir de consacrer tout Je reste de leur existence au triomphe de la cause qu'ils ont jnvolontairement compromise? TROISIEME PARTIE. REVOLUTION DE i830, Id SITUATION PRESEISTE (OCTOBIIE 1853). SUITE. EXTERIEUR. 59. Systeme de propagande, puts de non-interven- tion. Discours de Laffitte, Dupin, Soult, Lafayette, Sebastiani. Paroles du rot. Reponse de Latour- Maubourg. Revolution d'ltalie. Jusqu'a present nous n'avons examine la conduite du gouvernement qu'a Yinterieur; vbyons maintenant ses actes a Yexterieur. (Test ici la question capitale : car. sans independence, il n'y a ni liberte ni nation ; mais c'est ici surtout que nous allons trouver honte et pc'ril. Que Louis-Philippe veuille placer le due de Nemours sur le trone d'Espagne et de Portugal en lui faisant epoiiscr dona Maria , et une de ses lilies sur le trdnc dllalie en lui faisant cpouscr le Gls du due de Modene , ou bien qu'il veuille seulement effrayer les rois et les forcer a le reconnaitre , ou bien encore qu'il ii'agisse que par la necessity de faire des concessions a ropiuiou pu- blique , il est certain qu'il adopte d'abord un systeme de propagande contre 1'Espagnc ct le Portugal, contre J'Autriche en Italie , etc. 2G6 Mais Ferdinand ct ies autrcs suuvcrains 1'ayant rccoii- nu , au systcme dc propagande il substitue Ic Bystcme dc non-intervention , dont Mole fait bardiracnt et fraucbe- mcnt 1'applicalion des la fin dc septcmbre, en declarant au roi de Prusse quo. , s'il cnvoie des sccours au roi Guil- laumc, Louis-Philippe fail entrcr a finslanl une arnu'-c fran^aise au secours de la revolution beige. Ce principc , sauveur de la Belgiquc et protectcur de 1'independance de tous les aulres peuples,cst cvidcmtncnt pour la France clle-meme une neccssile de sa revolution de juillet. Cettc revolution n'cst-ellc pas , en effet , intcressce a cc quo les autres peuples s'affranchissent et deviennent ses allies au lieu d'etre ses cnnemis , la dependent au lieu de 1'attaqucr? Reconnaitre quo les rois, surtout les rois absolus, coa- Jises ou lijjucs , cnlrarnant tous les peuples esclavcs , ont le droit d'empecbcr ou de detruire une revolution quel- conque, nc serait-ce pas reconnaitrc qu'ils ont egalemcnt le droit auxiliaires , tant pis pour ceux qui les auraient dechai- i> noes ; nous n'en serions pas comptables a Tunivers. (Tres vivo sensation.) Mais , je le repetc en toute conviction , la paix est infinimenl plus probable que la guerre. Quand la France et TAngleterre la veulent , quand d'aulres puissances la souhaitent , nous ne savons pas comment elle pourrait i) etre troublee. Nous continucrons done a uegocier; mais nous negocierons appuyes de cinq cent mille i) hommes et d'un million de gardes nationaux. Cclle declaration est unc des plus solenuelles qu'on ait 208 jainais i'aiU-s; car elle sort dc la Louche du president du conseil, en presence dcs autres ministres et des represen- tans do la nation; et tout le raonde sait qu'cllc a etc de- liberee dans le cabinet , et que le roi 1'a approuvce avec une indicible joie, avec un enthousiasme patriotique. Do la la presence du due de Nemours a la seance des depu- tes; de la ces bravos et ces transports belliqucux de 1'as- seinblee et des tribunes. Quelques jours apres , a la seance du 6 , un orateur , dont 1'eloquence grandit quand il exprime des sentimens nalionaux , Dupin dit : a Une phrase a frappc generalement : elle exprime la veritable situation d'un gouvernement sincere et gene- reux ; c'est celle qu'on a remarquee dans le discours du president du conseil. Non-seulement il a pose en pri- cipe que la France ne voulait pas iutervenii*, mais qu'e/fe ne souffrirait pas d' intervention. La France, en se renfcrmant dans son froid egoisme, aurait dit qu' 'elle n interviendra.it pas; celapouvait etre une Idchete] mais dire qiielle ne souffrira pas qu'on intervienne , c'est la plus noble attitude que puisse prendre un peuple fort et genereux. (Tres bien ! tres bien !) C'est dire non seulement je n'altaquerai pas, n jc n'irai pas troubler les autres peuples ; mais moi , France , dont la voix doit etre entendue dans I'Europe et dans le monde entier , je ne permettrai pas que les autres inter viennent. C'est la le langage qu'a tenu le i) niinislere , c'est celui qu'ont tenu les ambassadeurs de Louis-Philippe, c'est celui que soutiendraient Varmee, la garde naiionale, la France entiere. (Bravo! bravo!) Le 8 , a la chambre des pairs , le ministre de la guerre, le marechal Soult, tient le meme langage: Nous avons, dit-il, I'inSbrarildble volonte do main- " tenir ces principcs immuables sur lesquels repose 1'in- dependance des peuples. La non-intervention est desor- maisiiotre principe. Nous le rcspecterons rcligieuseincnt sans doute , iis a la condition essentielle qu'il sera respect^ par les autres. C'est pour arriver plus surement i a ce resultat que nous venous reclamer votrc con- 269 Le 28 , le president du conseil vicnt de nouvcau con- finner ce principe : Au-dehors , dit-il , le ministere avait adopte le prin- cipe de la non-intervention; ce principe vim, naissant de la situation memo. La sainte-alliance ffbait pour but d'etouffer,par des efforts communs, la liberte des peuples partout ou elle viendrait a se montrer ; le prin- cipe nouveau , proclame par la France, a du etre de i) laisser deployer la liberte partout oil elle viendrait It naitre , mais a naitre naturellement. Plus d 1 intervention d'aucun genre; iel a ete le sys- i> teme de la France. II avait I'avantage de garantir noire independance , ainsi que celle des pays nouvellement affranchis, et de rassurcr en meme temps les puissances qui pouvaient rcdouter une perturbation chez elles. Cependant, 1'enonciation de ce principe n'etait rien encore , c'est son application qui etait tout. Aujourd'hui cette application a commence.... Les cinq grandes puissances viennent de reconnaitre et ont signe en conv > mun 1'independance de la Belgique. Cette grande question de la Belgique , de laquelle on pouvait craiudre une occasion de guerre, fa voila done resolue dans son point essentiel. M Cependant, je le repete, malgre tant de gages de paix , la France ne suspend pas ses armemens ; elle ne les iuterrompra que lorsqu'elle aura re^u Yassurance et la PREUVE qu'ils ont cesse partout. Pendant que cc principe de non-intervention est ainsi adopte , applique , notifie a tous les cabinets , proclame et explique solennellement a la tribune , les Italiens s'ap- pretent a faire leur revolution. Impatiens du joug , travaillant depuis long-temps a le briser , parfaitement murs pour la liberte , 1'ayant deja conquise en 4820 (Naples) , et 4821 (Piemont) ; electrises par Vexemple de la France, de la Belgique , de la Suisse, de la Pologne , de FAllemagne , ils savent bien que rien ne leur sera plus facile que de s'affranchir , s'ils n'ont a lutter que centre leurs propres gouvernemens. Mais ils savent bien aussi qu'il leur serait impossible doutais pas. Ai-je bien ou mal fait de donner cette as- i) surance? Lafayette voit done Sebastiani , qui demande deux jours pour consulter le conseil sur une affaire si delicate. Deux ou trois jours apres , Sebastiani repond affirmali- veinent a Lafayette. Cependant , dit Lafayette aux Italiens , oomme j'ai (juelquos rnisons (!c doulcr dc la sincerite du gouver- ncmcnt , ct comme je ne veux aucunement comj)ro- i) mettre ma rcspoiisabililc personnellc envcrs vous , j'in- terpellerai publiqucment les ministres a la tribune poui- leur faire confirmer solenncllement la reponsc qu'ils viennent de nous fairc. Le \ 5 Janvier, Lafayette cxpliquc publiqucment, en effet, le systeme de non-interveution a la tribune. Messieurs , dit-il , toutes les fois qu'un pays de 1'Eu- rope , ou qu'il soil place , veut rccouvrer ses droits , et qu'une intervention e'trangere vient Ten cmpecher , c'est une bostilite directe centre nous , non-seulement D parce que c'est ressusciter les principes de Pilnitz et de la soi-disant sainte-alliancc , et justifier une aggression future contre noire libcrte et notre independance , mais parce que le bon sens nous avcrlit que c'est comme si Ton disait : Attcndoz , nous allons ccraser vos anxiliaires i) naturcls , Ics amis do la liberle dans Ics mitres pays ; ct quand ils ouront cesse d'exisler, nous lomberous sur vous do tout notro poids (Approbation.) Le ministrc dos affaires etrangcrcs approuve ccttc defi- nition par son silence. Mais ce n'est point encore assez pour Lafayette : il veut avoir 1'approbation du roi lui-meme. Avez-vous lu i) mon discours sur le systemc de non-intervention , et ap- prouvez-vous la definition que j'ai faile de oe systeme? Assurement out, repondit le roi. II a done 1'as sentiment dc Votrc Majestc? reprit le general. Sans nul doute, ajouta le roi. (Sarrans, tome 2, page 58.) Bien plus , et pour donner k ses prorncsses toute la so- lennite possible , le ministrc des affaires etrangeres , Se- bastiani, s'cxprime ainsi lui-meme, le 27 Janvier, a la tribune nationalc , sur laquelle 1'Europe entiere a les yeux fixes : La sainte-alliancc repostfit sur le principe de 1'inter- vention, destruclif de 1'independance de tous les etats n secondaires. Le principe eonlraire , que nous avons consacre, que nous saurons faire respecter , assure 1'independance et la liberte de tous. Et le lendemain 28 , Lafayette vient encore prendre acte, pour ainsi dire, de la declaration du ministre, ct repete ce qu'il a dit a la seance du 45. n Si la consequence dc ces principes, ajoute-t-il , amenc la guerre, sans doute il faut la subir , et nous avons pour la soutenir ce million de gardes nationaux , ces 500,000 soldats, citoyens aussi , dont M. le president i) du conseil nous a parle a cette tribune. De leur cote, les Bolonais s'adressent a rambassadeur fran^ais Latour-Maubourg , qui se trouvc a Rome; celui- ci , soit qu'il ait re^u des instructions , soil qu'il ne fasse qu'interpreter les declarations de la tribune , repond aussi que la France einpechera 1'intervention autricbienne. Apres tant de precautions , dc declarations solennelles 272 et de promesscs , comment les Ilaliens pourraienl-ils douler que la France empechera Intervention de TAutriche? Ajournee depuis plus d'un mois , 1'insurrection eclate du 5 au 7 fevricr, a Modene , a Parme , a Bologne , a Ancdne. La , commc en France , la revolution est moderee et genereuse : pas une goutte de sang n'est versee ; les opprimes embrassent leurs anciens oppresseurs ; a Mo- dene, on pousse le respect pour les proprietes jusqu'a ne toucher ni a la vaisselle ni aux tresors du due expulsc. Cependant la nouvelle de cette revolution arrive a Paris , et Sebastiani parait tire de joie. L'Autriche , invoquant un pretend u droit de reversi- bilite sur le ducbe de Modene , et voulant intervenir par la force des armes , le cabinet francais fait notifier a toutes les cours qu'il s'oppose a cettc intervention , et se prepare a la guerre. C'est alors qu'il tolere et encourage les preparatifs des refugies italiens reunis a Lyon , auxquels on delivre dcs passeports. C'est alors qu'une armee s'organise sur les Alpes , et que Gerard est designe pour en prendre le commande- ment. C'est alors que Piemontais , Remains , Napolitains , Italiens , se disposent a rentrer en Italic. Mais bientot le principe de non-intervention est subilc- ment abandonne ; tout change a Tinstant. Quoi ! les solcnnelles declarations de Laffitte , dc Dupin. de Soult, de Lafayette, de Sebastiani, et de Louis-Phi- lippe lui-meme, ne sont pas sacrees ! Mais qu'y aura-t-il done de sacre sur la terre ? La tribune ne serait-clle qu'un treteau pour des jongleurs? Alors a quoi bon la tribune? N'est-elle pas la plus funeste des deceptions ? Que sert de demander des explications aux ministres et d'ecouter leurs protestations? Sincerite , bonne foi , loyaule, hon- neur, dignite nationale, sont-ils autre chose que des mots inutiles , trompeurs et perfides? Malheureuses nations ! vos gouvernemens , qui vous parlent sans cesse de verite , de franchise , de religion ct de vorlu . nc \ous on parlent done que pour vous en- 273 t-liaincr ! Us ne reoonuaissent done aucun frein pour eux- memes ! 40. Lettre du due d'Orleans ii I'eveque de Landaff. Sa declaration en 4846. Lettre de Louis-Phi- lippe a Nicolas. Reponse. Ratifications des trai- tes de 4844 et de 4815. Entree de Louis-Philippe dans la sainte-alliance. Congres de Vienne transfere a Londres. Violation du principe de non-interven- tion. Intervention contre I'ltalie. Article des Debats. Note de 31. d'Appony. Paroles de Met- ternich. Depeche de Maison. Cachee pendant cinq jours. Diverses pieces concernant I'ltalie. Demission de Laffitte. Ministere et systeme du 43 mars. L'adoption , la notification , la proclamation du prin- cipe de non-intervention , n'ont-elles jauiais etc qu'une comedie , pour tromper 1'opinion publique ? Ou bien cc principe, sincerement adopte d'abord , est-il subitement et traitreusement abandonne en fevrier 4 834 ? C'est un point douteux ; raais Tabandon du principe n'est malbeu- reusement que trop indubitable. Y a-t-il eu des trails positifs entre Louis-Philippe et les souverains etrangers relativement a la revolution de juillet? Et quels sont les engagemens contractes par Louis- Philippe? la France devrait le savoir; mais la France u'en est point inforraee. Cepeudant les fails parlent : ecoutons-les. Quel que soit son motif , que ce soit 1'aveugle crainte des calamitus de la guerre , ou 1'effroi du mouvement qu'ello imprimerait a la revolution et a la liberte , ou le desir de conserver intacte la position de Charles X , ou bien des interets de famille , et notamment la conservation de son beau-frere stir le trone de Naples , il n'en est pas moins certain que Louis-Philippe ratifie les injustes et infames traites de 4 84 4 et 4815. Ne pas les reconnaitre , dit Sebastiani le 31 mars , i> c'e'tait la guerre, et nous voulions e'viter la guerre. 48 274 Cependant la revolution de juillet, el 1'cxpulsion de Charles X garanti par ces traites , la subslitutioa de Louis- Philippe et les modifications a la charte , sont une pre- miere atteinte a ces traites : mais les souverains paraissent y consentir. La revolution beige est encore une seconde exception : mais toutes les puissances paraissent reconnaitre la sepa- ration de la Belgique sous le sceptre de Leopold. Sous ces deux exceptions , et surtout sous la premiere , la sainte- alliance continue; Louis J Philippe prend la place de Charles X; les traites de 4844 et 4845, par les- quels les souverains se soiit reciproquement garanti leurs couronnes , seront executes ; les principes des congres dc Troppau , de Laybach et de Verone , d'apres lesquels la sainte-alliance a proclame son droit d'iutervention , reste- ront en vigueur; le congres de Vienne sera continue sous le nom de conference de Londres, car cette conference i) n'est autre chose que le congres , dit Bignon , le 4 aout 4S5I. Les rois continueront de se partager les peuples comme des troupeaux et de les tenir sous le joug du pouvoir absolu ; non seulement Louis-Philippe consentira a ce 3u'ils compriment toutes les revolutions nouvelles , mais les aidera a comprimer 1'ltalie , la Pologne et la Bel- gique ; il leur promettra de comprimer meme la revolu- tion franchise 5 et ses allies , se concertant secretement avec lui, comme autrefois avec Louis XVI, lui donneront les moyens d'endormir, de tromper et d'enchainer la nation . Voyons les faits : D'abord n'est-ce pas Talleyrand qui est le conseil et le guide de Louis-Philippe? N'est-ce pas lui que le due d'Orleans consulte le 54 juillet, avant de consentir a exercer les fenctions de lieutenant-general du royaume ? N'est-ce pas lui que le roi choisit pour son ambassadeur a Londres , et qu'il impose pour ainsi dire a sou minis- tere? Et, ce qu'il y a de bien remarquable, c'est que, jus- qu'a cette nomination annoncee le 5 septembre , les rela- tions de Louis-Philippe avec Talleyrand sont mysterieuses et inconnues a des ministres patriotes qui croieut posseder lout entiere la confiance du roi , et qui cependant n'en- 275 Itndent jamais parler du diplomate , et ne le voient jamais au Palais-Royal , de merae que '1'intimite de Thiers avec le due d'Orleans , avant la revolution , etait inconnue , dit-oQ , a Laffltte lui-meme. Or, comment le principal auteur de la restauration , comment le pere des traites de 4814 et \845 pourrait-il meconnaitre ses enfans et la sainte-alliance ? Envoyer Talleyrand a la conference de Londres , mal- gre son extreme impopularite , n'est-ce pas necessaire- ment vouloir ratifier les traites et prendre rang dans Talliance des rois centre les peuples ? Aussi , que dit la lettre a 1'empereur de Russie ? Mais auparavant voyons deux lettres du due d'Orleans, 1'une sur 1'Angleterre , sur la France et sa premiere revo- lution , 1'autre sur la legitimitc , sur la branche ainee et sur les intentions personneU.es du due. LETTRE DU DUG D'ORLEANS A I/EVEQUE DE LANDAFF , A V occasion de I'oraison funebre du due d'Enghien , prononcee a Londres. Mon cher milord , j'etais certain que votre ame elevee eprouverait une juste indignation a 1'occasion du meurtre atroce de mon infortune cousin ; sa mere etait ma tante ; lui-meme , apres mon frere , etait mon plus proche parent. Nous fumes camarades ensemble pen- dant nos premieres annees, et vous devez penser, d'apres cela , que cet evenement a dti etre pour moi un coup bien rude. Son sort est un avertissement pour nous tous; il nous indique que 1'usurpateur corse ne sera jamais tranquille , tant qu'il n'aura pas efface notre famille en- tiere de la liste des vivans. Cela me fait ressentir plus vivement que je ne le faisais , quoique cela ne soit guere possible, le bienfait de la ^enereuse protection qui nous est accordee par votre nation magnanime. J'ai quitte ma patrie de si bonne heure, que j'ai a peine les habitudes d'un Francais , et je puis dire avec verite que je suis attache a VAngleterre , non seulement par la re- connaissance , mais aussi par gout et par inclination. 276 C'est bieu dans la siucerite de man coeur que je dis : Puisse-je nejamais quitter cette terre hospitaliere ! Mais ce n'est pas seulement en raison de raes senti- niens particuliers que je prends un vif interet au bien- ttre , a la prospcrite et au sticces de I' AngJeterre ; c'est aussi en ma qualite d'homme. La surete de 1'Europe, celle du monde meme, le bonheur et 1'independance fu- ture du genre humain , dependent de la conservation et de I'indepcndance de 1'Angleterre, et c'est la noble cause de la haine de Bonaparte pour vous , et de celle de tons les siens. Puisse la Providence dcjouer ces projets ini- ques , et maintenir ce pays dans sa situation lieureuse et prosperc ! C'est le voau de mou cceur , c'est nia priere la plus fervente. ( Le resle concerne la religion. ) Vcuillez bien croire aux sentiraens d'estime et de consideration avec lesquels je suis.... L.-P. D'ORLEANS. Twikenham , ce 28 juilleH804. P. S. La chute de la monarchic franchise, les em- prisonnemens , les confiscations , les proscriptions , les meurtres, les boucheries qui ont accompagne cette chute, et la honteuse tyrannic qui y a succede , sont des evene- mens dignes de la consideration des princes ct de leurs sujets; ils apprcnneut aux princes a user avec modera- tion du pouvoir arbitraire, et meme a bien reflechir si le despotisme est en rien convenable aux peuples eclaires qui habitent aujourd'hui 1'Europe. Ils leur apprennent a se garder d'accabler leurs sujets d'imp6ts pour soutenir des guerres inutiles ou le luxe et les prodigalites de leurs cours. Ces evenemens enfin apprennent a leurs su- jets, je ne dis point a se soumetti'e a une oppression extreme de la part de leurs princes, mais a supporter avec patience des maux legers, de crainte qu'en voulant s'en affranchir, ils ne soient accables par de plus grands. Des reformes faites a propos peuvent etre sans danger ; mais la resistance aux refofmes se termine souvent par des revolutions. ( Bibliotlicque hisiorique, tome \ , page 279. ) En 4840 , on avail mele , a la cour de Louis XVIII , le nom de inonseigneur le due d'Orlcans, aujourd'hui 277 Louis-Philippe \ er , a des voeux contro le trone legitime. S. A. S. repoussa cette imputation par la declaration ci- apres : Declaration de monseigneur le due d' Orleans, premier prince du sang de France, publiee en 1 816. Francois ! L'on me force a rompre le silence que je m'etais im- pose ; et puisqu'on ose meler man nom a des voeux cou- pables et a de perfides insinuations , mon honneur me dictc , a la face de 1'Europe entiere , une protestation so- lennelle que me prescrivent ines devoirs. Francjais! on vous trompe, on vous egare. Mais qu'ils se trompent surtout, ceux d'entre vous qui s'arro- gent le droit de se choisir un maitre, et qui, dans leur pensee , outragent par de seditieuses esperances un prince, le plus fidele sujet du roi de France Louis XVIII ! Le principe irrevocable de la legitimite est aujour- d'hui la seule garantie de la paix en France et en Eu- rope ; les revolutions n'en ont fait que mieux sentir la force et Timportance : consacre par une ligue guerriere et par un congres paciflque de tous les souverains, ce principe deviendra la regie invariable des regnes et des successions. Oui, Fran^ais, je serais fier de vous gouverner, mais seulement si j'etaisassez malheureux pour que {'ex- tinction d'une tranche illustre cut marque ma place au trone. Ce serait seulement alors que je ferais connaitre aUSSi DES INTENTIONS PEUT-ETRE BIEN fi'LOIGNEES DE CELLES QUE L'ON ME SUPPOSE , ou que Ton voudrait me suggerer. Francois! je ne m'adresse qu'a quelques hommes tigares. Revenez avous-memes, et proclamez-vous fideles sujets de Louis XVIII et de ses heritiers naturels , avec un de vos princes et de vos concitoyens. Paris, 4816. Signe, LOUIS-PHILIPPE, due d'Orleans. (Quotidienne, Tribune, 50 aout 4854 .) Voyons maintt-nant la lettre a Nicolas. 278 LETTRE DE LOUIS-PHILIPPE A NICOLAS. Monsieur man frere , j'annonce mon avenemenl a la rouronne a Volre Majesle par la lettre que le general Athalin lui presentera en mon nom 5 mais j'ai besoin do lui parler avec une entiere confiance sur les suites (Tune CATASTROPHE que j'aurais tant voulu prevenir. Il'y a long-temps que je rcgretlais que le roi Charles et son gouvernement ne suivissent pas une marchc mieux calculee pour repondre a 1'attente et au voeu de la nation . J'etais bien loin pourtant de prevoir lesprodigieux evene- mens qui viennent de se passer ; et je croyais meme qu'a defaut de cette allure Tranche et loyale dans 1'esprit de la charte et de nos constitutions, qu'il etait impossible d'obtenir , il aurait suffi d'un peu de prudence et de mo- deration pour que ce gouvernement put aller long-temps comme il allait; mais depuis le 8 aout 4829, la nouvelle composition du ministere m'avait fort alarme : je voyais a quel point cette composition etait suspecte et odieuse a la nation , et je partageais 1'inquietude generale sur les me- sures que nous devions en attendre. Neanmoins, I'atta- chement aux lois, V amour de I'ordre ont fait de tels progres en France , que la resistance a ce ministere ne serait ccrtainement pas sortie des voies parlementaires , si, dans son delirc, ce ministere lui-meme n'eiit donne le fatal signal par la plus audacieuse violation de la charte , et par 1'abolition de toutes les garanties de nos liberte's nationales , pour lesquelles il n'est guere de Fran^ais qui ne soit pret a verser son sang. Aucun exces n'a suivi cette lutte terrible. Mais il etait difficile qu'il n'en resultat pas quelque <5branlement dans noire etat social 5 et cette meme exal- tation des esprits , qui les avail ddtourncs de tanl de de- sordres , les porlait en meme temps vers des essais de theories politiques qui auraient precipite la France et peul-elrc {'Europe d'ans dc terribles calamitcs. C'est dans tette situation, Sire, que tons les yeux se sont tourne's vcrs moi. Les vaincus eux-m6m.es m'ont cm necessairc a lew salut; je 1'elais encore plus peut-^tre pour que les 279 vainqueurs ne laissassont pas degenerer la victoire. J'ai done accepte cettc tache noble et penible , et j'ai ecarte toutes les considerations personnelles qui se reunissaient pour me faire desirer d'en etre dispense, parce que j'ai senti que la moindre hesitation de ma part pourrait com- promettre 1'avenir de la France et le repos de tous nos voisins. Le titre de lieutenant-general, qui laissait tout en question, excitaitune defiance dangereuse, et il fallait se hater de sortir de 1'etat provisoire , tant pour inspirer la confiance necessaire que pour sauver cette charte si essen- tielle a conserver, dont feu Yempereur, votre auguste frere, connaissait si bien V importance , et qui aurait etc tres compromise si Ton n'eut promptement satisfait et rassure les esprits. II n'echappera pas a la perspicacite da Votre Majeste ni a sa haute sagesse , que , pour atteindre c but salu- taire , il est bien desirable que les affaires de Paris soient envisagees sous leur veritable aspect , et que I' Europe , rendant justice aux motifs qui m'ont dirige, entoure mon gouvernement de la confiance qu'il a droit d'inspirer. Que Votre Majeste veuille bien ne pas perdre de vue que, tant que le roi Charles X a regne sur la France, j'ai ete le plus soumis et le plus fidele de ses sujets , et que ce n'est qu'au moment que j'ai vu Faction des lois paralysees , et 1'exercice de 1'autorite royale totalement aneanti , que j'ai cru de mon dovoir de deferer au VOBU national , en accep- tant la couronne a laquelle j,'ai ete appele. C'est sur vous, Sire , que la France a surtout les yeux fixes ; elle aime ii voir dons la Russie son allie le plus naturel et le plus puissant; et sa confiance ne sera point trompee. J'en ai pour garantie le noble caractere et toutes les qualites qui distinguent Votre Majeste imperiale. Je la prie d'agreer les assurances de la haute estime et de 1'inalienable amitie avec lesquelles je suis , mon- sieur mon frere, de Votre Majeste imperiale , le feon frere. Paris, 49 aout 4850. LOUIS-PHILIPPE. REPONSE A S. M. LE ROI LES FRANCAIS. J'ai rec_u des mains du general Athalin la lettre doiit il a ete porteur. Des evenemens it jamais deplorables out 280 place Volrc Majeste uaus unc cruelle- alternative. Elle a pris une determination qui lui a paru la seule proprt- ;i sauvcr la France des plus fjrandes calamites , et je ne me prononcerai pas sur les considerations qui ont fait agir Votre Majeste ; inais je forme des vocux pour que la Pro- vidence divine veuille benir ses intentions et les efforts qu'elle va faire pour le bonheur du peuplc fran^ais. De concert avec mes allies, je me plais a accueillir le desir que Votre Majeste a exprime d'entretenir des relations de paix et d'amitie avec tous les etats dc 1'Europe ; tant qu'elles seront bosses sur les TRAITES EXISTANS et sur la ferme volonte de respecter les droits et obligations, ainsi que I'etat de possession territoriale qu'ils ont consacres , TEurope y trouvera une garantie de la paix , si necessaire au repos de la France elle-meme. Appele conjointement avec mes allies a cultiver avec la France, sous son goii- vernement , ces relations conservatrices , j'y apporterai , pour ma part , toute la sollicitude qu'elles reclament , ot les dispositions dont j'aime a offrir a Votre Majeste F assu- rance en retour des s^ntimens qu'elle m'a exprime's. Je la prie d'agreer en meme temps celle, etc. -18 septembre ^830. Si^fn^ NICOLAS. Remarquons, en passant, que Nicolas ne rend pas a Louis-Philippe le litre de frere usite entrc les rois. INTERVENTION CONTRE L'lTALIE. Ce n'est qu'apres des renscignemens multiplies et com- pares que j'ai regard e comme certains les fails graves qui vout suivre. Dans le courant de fevrier, le ministre d'Autridic a Paris, M. d'Appony, remet une note par laquclle 1'Au- triche demande positivement : 4 D'oecwper Modene en vertu d'un droit de reversi- bilitc ; 2 D'agir en commun pour determiner le pape a ac- cordcr utu: constitution repn'-sontative a ses etats 5 D'aviser en commun aux moyens d'opercr un desar- yiemcnt general en Europe. 281 Quelques jours apres , sans consultcr le conseil , le roi Ini declare qu'U a resolu d'acceder aux demandes de I'Autriche. Le president se recrie , et demande la parole comme un droit et romme un devoir. Ma resolution est reflechie et irrevocable , dit Louis- Philippe : cependant parlez; mais je sais ce que vous allez me dire Et il commence par parler tres longue- ment lui-meme. (i Le pretendu droit de reversibilite sur le duche de Modene, dit en substance Laffitte, n'est qu'une chimere : 1'interet , 1'honneur, le salut de la France s'opposent a la pretention de 1'Autriche. Forcer le pape a donner des institutions a ses sujets, ce serait intervenir et violer iious-memes notre principe de non-intervention. La proposition d'un desarmement general apres 1'mterven- tion en Italic est un leurre, un piege, tine duperie. Repondons a I'Autriche que nous preferons la guerre. Soult, transporte d'enthousiasme , et toujours prononce personnellement pour la guerre , remercie Laffitte au nom de la France. Louis-Philippe parait se rendre a d'aussi bonnes rai- sons, et 1'on convient que Sebastiani va repondre dans ce sens. Sebastiani lui-meme trouve les idees de Laffitte telle- ment sublimes qu'il veut employer, autant que possible , les expressions dont il s'est servi. Le lendemain , en effet , il communique un projet de reponse a fairc a d'Appony, redige conformement au discours de Laffitte. Mais n'cst-elle pas ensuito clandestinement supprimee par Sebastiani d'accord avec Louis-Philippe? N'en remet-il pas une autre conteuant Tirrevocable volbhte du roi? C'est ce que 1'avenir va reveler. Et tout de suite, je dis oui. Oui, Louis-Philippe, d'accord avec Sebastiani, surlout avec Casinair Perier et meme avec les autres ministres, a deja resolu de sacrifier les Italiens-et dc sonffrir Tin- tervention de TAutriche. II ne s'agil plus que de tromper Laffltte , de TeloigBer, 282 d'appcler Casiinir Perier, et de tromper aussi les deputes patriotcs ct la nation. Sous le pretexle de rester fidele au principe de non- intervention , on arretc tous les refugies italiens , pie- montais, modenais, bolonais, romains, napolitains, etc. ; non seulement les proscrits qui resident en France et qui recoivent des secours alimeataires , mais tous les autres , Pepe, Misley, etc., etc., a qui 1'on a deja delivre des passeports. Mais c'est illegal, oppresseur, tyrannique ct barbare ! C'est une violation manifesto du droit dps gens! N'importe. C'est en vain que la tribune et la presse reclament en faveur dc 1'Italie. Vainement les Debats eux-memes , du ^ er mars, s'ex- primcut-ils ainsi : Mais le principe de non-intervention attend aujour- d'hui une nouvclle et plus serieuse application. DCS secours ont ete demandes au gouvernement au- tricbien par les souverains depossedes de plusieurs etats d'ltalic. On parls de traite de reversibilite , de stipula- tions , de contingent , qui obligeraient la cour de Vienne a se preter a ces exigences, ct il est bors de doute qu'un inouveraent de troupes est commence dans le royaume Lombardo-Vonitieii , vers les frontieres de Modene , de Parme et de la Romagne. Ici encore , il n'y a pas deux partis a prendre pour le gouverncment franrais. La presence d'un seul regiment autrichien sur le tomtom? d'unc de ces provinces est une violation (lagrante du principe de la non-intervention. La France ne pent y consentir. C'est ici plus qu'une question d'equilibre on de pre- ponderance; c'est I'avenir tout entier de noire revolu- tion. Songeons qu'eZ/e tie vit en Europe que du maintien du principe qu'elle a proclame la premiere , et quo les autres puissances ont proclame aprcs elle. Elle n'a pas chcrche sa force dans les accroissomens de terriloire, elle 1'a trouvee dans le respect pour riudependanfce des autres nations. Une stulc atteintc portce a ce respect, et LA FRANCE 283 S'EXPOSE A PERDRE L'ESTIME ET LA CONFIANCE DE L'U- ROPE. VaJnement I'ambassadeur de France a Vieune , le raa- rechal Maison , annonce-t-il quc les Autrichiens vont entrer en Ilalie ; vainement jettera-t-il un cri d'alarme et de guerre dans la depeche suivante : DEPECHE DE MAISON. PAROLES DE METTERMCH. Jusqu'ici, m'a dit M. de Metlernich, HOWS avons laisse la France mettre en avant le principe de la non-inter- vention; mais il est temps qu'elle sache que nous n'en- i) tendons pas le reconnattre en ce qui concerne 1'Italie. Nous porterons nos armes partout oil s'etendra I'insur- reciion. Si cette intervention doit amener la guerre, eh bien ! vienne la guerre! Nous aimons mieux en courir > les chances que d'etre exposes a perir au milieu des emeutes. Vous savez , ajoute notre ambassadeur , que, jusqu'a present, personne ne s'est prononce pour la paix plus ouvertement que moi 5 mais je suis convaincu aujour- i) d'hui que, pour detourner les dangers qui menacent n la France , il faut prendre sans retard, et avant que les levees de 1'Autriche soient oryanisees, 1'initiative de la guerre, et jeter une armee dans le Piemont. Vainement cette depeche , si importante pour le salut de 1'Italie et peut-etre de la France, arrive a Paris le samedi 4 mars : Sebastian! la cache au president du con- seil, qui n'en a connaissance que le mercredi suivant et par hasard. Connaissez-vous la depeche? demande-t-il au roi. Oui... Et on me 1'a cachee! C'est une trahison! Oh ! vous allez bien loin .... La necessite du secret . . . Pour moi ! Non , mais Le secret! M. de Praslin, {j'endre de Sebastian!, a pris copie de la depeche;.... un ami vient en parler le mer- credi matin a Laffitte 5.... le National du meme jour en parle ; ct c'est au conseil , c'ost au president qu'on la cache ! 284 Connaissez-vous la depeche? (lit Laffitle a Soult. " ~ Quclle depeche? De Maison Non Sebastian! est un traitre ! Pourquoi , deraande-t-il a Sebastian! , nous 1'avez- vous cachee? Ellc est peu importante; je n'ai pas eu le temps Je 1'ai apportee plusieurs fois, mais u le conseil etait occupe.... On promet que la chose ne se renouvellera plus. DEMISSION DE LAFFITTE. MIMSTERE DU -15 MARS. Mais Laffitte, convaincu sans doule que le roi veut la paix a tout prix, et qu'il emploiera tous les moyens pour arriver a son but, craijjuant de se deshonorer en parti- cipant a la honte et a la ruine de la France , offre enfin sa demission. Casimir Perier pcnse absolument comme le roi : c'est lui qu'on desire; il est tout pret; le moment est arrive" : va-t-on s'empresser d'accepter la demission? Pas encore : il faut Plein de confiance dans les intentions du Saint-Pere, le soussignc s'estime toujours hcureux de concourir it. leur execution par tous les moyens qui sont en son pou- voir, et prie Son Eminence mousoigncur le cardinal Ber- 289 nelli d'agrc-er I' assurance dc sa respectueuse considera- tion. . Rome, 29 avril. Sige ; SAINT-AULAIRE. > Extrait de rultimatum de lacour de Rome, en date rfn 5 juin. J'ai dit quc le Saint-Pere demaudait ccttc evacua- tion ; mais alors seulcment que Volrc Excellence sera , comme je n'en doute pas , autorisee a preveuir toute es- pcce de danger qui pourrait en resultcr , en publiant un acte officiel dans lequel Votre Eminence exprimera le vif regret avec lequel le gouvernement francais apprendrait 1'cxplosion de quelques nouveaux troubles dans les domai- nes du Saint-Siege , I' execration avec laquelle il regarde- rait quiconque oseraiten etre Fauteur ou le provocateur, et la nccessile dans laquelle il reconnaitrait quc le gou- vernement pontiflcal se trouve d'appeler de uouveau I'in- terventionet les secours de Yetranyer pour comprimer la revolte , sans que le pays y opposat le moindre obstacle , et y trouvat le moindre sujet de querelle. : Le cardinal BERNETTI. Circulaire signee par M. de Saint- Aulaire , et adressee aux agens consulaires de France dans les etats re- mains. Monsieur, j'ai 1'honneur de vous informer que le Saint-Pere vient de consentir au depart des troupes auti i- chiennes, qui vont operer leur retraite le ^5 du present inois de juillet. Danscette circonstance , les representans des puissances reunis u Rome ont cru devoir manifester au Saint-Siege le vif interet que lenrs cows respectives prennent au mainlien de 1'ordre public dans les etats pontificaux , it, la cause de la souveraincte du Saint-Siege, a 1'integrite ct a Tindependancc de cette mcme souverai- nete. Je compte sur votrc concours pour donner le plus de publicite a ces dispositions : vous offrirez aux aulorites pontiHcales tous les moyens d'influence dont vous pouvcz disposer , et vous dementirez officiellement tous les mau- 290 i ui.s bruits de pretendus dissenlimeim enlre les puis- sances. Rome, 8 juillet 483J . Sign6 : SAINT- AULAIRZ. Ejctrait de la proclamation du general autrichien Fre- mont aux sujets remains, en date du \^ juillet. Les consequences de toute nouvelle tentative ne manqueraieot pas de retomber sur vous, puisque le noble but de tous les augustes souverains de I'Europe, qui s'oc- cupent de votre bien-ttre, est la conservation des bienfaits de la paix. Sachez que tons sont d' accord pour ne tolercr aucunc usurpation des droits de votre souvcrain. Apres avoir occupe la Romagne pendant plus de qua- tre mois , et apres avoir aiiisi menace de revenir, 1'Au- triche ne retire ses troupes qu'en laissant quinze mille homnies a Ferrare et a Comacchio. Mais ses soldats rentreront a Eclogue en Janvier ^832, quand les galeriens a la solde du pape auront besoin do protection pour desarmer la garde nationale , et pour egorger a Ravenne, a Cesene, a Forli et a Rimini. Ainsi 'a chose est manifesto et incontestable : Louis- Philippe consent a {'intervention de I'Autriche; il fait plus, il intervient lui-m.eme avcc elle contre la revolution d'ltalie ; il viole doublement son principe dc non-inter- vention si solennellement proclame par lui : que va-t-il dire a la France? Ne pouvanl avouer la veritc, le minislere la cachera tant qu'il pourra , et ne fera ensuite que des demi-aveux. Puis , quand 1'intervention sera connue, ne pouv&utln justifier , il paiera d'audace el d'efi'ronterie , emploiera tous les moyens, le sophisme et le mensonge , puis Tin- jure et la calomnie contre les malheureux Italiens , et con- tre les Francois eux-memes. Nous allons voir. 5^ i I . Discussions parlementaires. concernant 1'in- tervention contre I'ltalie. A la seance du 48, C. P trier expose le systeme du ^5 mars; voici la substance de son discours : 291 Lo principe de la revolution de juillet, dit-il , n'est pas V insurrection , mais la resistance a V aggression du pouvoir; c'est le respect du droit et de la foijuree. Lo premier besom de la France c'est d'avoir I'ordre et d'etre gouvernee. ' La sedition est toujours un crime. La France no <3oit ni se defier de I'Europe, ni donner a TEurope des motifs de se meficr de la France. Nous aurons la paix , parce que les etrangers nous en donnent {'assurance la plus positive. Nous adoptons le principe de non-inter- vention; nous reconnaissons que 1'etranger n'a pas If droit d'intervenir a main arm.ee dans les affaires inte- rieures d'un autre peuple ; mais nous ne nous engageons pas a porter nos armes PAR-TOUT ou ce principe ne serait pas respecte. Nous le soutiendrons par la voie des ne- gotiations; mais Y interM et la dignite de la France pour- ront seuls nous engager a prendre les armes. Nous ne concedons a aucun peuple le droit de nous forcer a rombattre pour sa cause; le sang et les tresors de la France it'appartiennent qu'a la France- Nous avons de la sym- pathie pour les peuples ; mais nous ne voulons en pro- voquer aucun a 1 insurrection , parce que celte provoca- tion serait un crime centre le droit des gens. Si nos frontieres etaient menacees ; si la moindre atteinte etait portee a notre dignite, nous nous defendrions ; mais nous ne recbercberons ni le plaisir de combattre ni la gloire dc vaincre ; nous ne devons consulter que la justice et la raison d'etat ; 1'emeute n'a pas le droit de nous forcer a la guerre , et la necessite de la guerre n'est pas arrivee. Nous esperons le desarmement general; hatons-le par notre sagesse , par notre respect pour tous les droits. Au-dedans, ordre et liberte; au-dchors paix et honneur. Retablir le pouvoir dans ses droits , c'est travailler au maintien de la ^j.r. Tels sont les principes de 1'an- cienne opposition ; tellcs sont les legitimes consequences de la revolution de juillet; et je n'ai accepte le ministerc que pour les defendre. \ ainement Salverte et Lafayette reprochent-ils au mi- nistere de changer de maxime et de violer le principe de non-intervention. 292 * En proclamant un principe genereux , leur reponJ Sebastian i , la France n a jamais cntcuclu quo cc prin- cipe put etre pour elle un casus belli , et s'est toujours reserve d'examiner s'il etait dc son interct et de sa dt- gnite dc declarer la guerre. Les puissances nous don- nent Yassurance qu'elles ne nous attaqueront pas, et nous conservfcrons la paix. Du resle, altendons qu'elles vienaent franchir nos frontieres et nous attaquer sur noire sol; la nous serons vainqueurs. Si nous allons au-dela du Rhin ou des Alpes prendre Y initiative, nous perdrons la sympathie et Y affection des peuples , et nous nous en ierons des cnimmis , ou bicn nous aurons a supporter d'immenses sacrifices a' argent. Cependant nous fran- chirions nous-memes le Rhin ou les Alpes si Y inter ft et la dlgnite de la France 1'exigeaient. Mais toute nation insurgee n'a pas droit a notre appui : toute peuplade en insurrection ne peut pas exiger que nous prodiguions nos tresors et notre sang pour aller la defendre. Vainement Saherte dcmande des eclaircissemens sur V Italic . Jo ne m'expliqucrai point, repond St-bastiani, sur ce qui concernc les etats remains : des negotiations exis- tent ; c'est en dire assez pour quc la charnbre comprenne les motifs de ma reserve. Sur la question du Luxem- bourg, la meme raison m'impose le meme silence. Avec cette cspecc de talisman que Sebastiani appelle a son secours dans toutes les circonstances embarrassantes , le ministere ne dira jamais rien au pays. Vaiuemont Lafayette dit-il a Sebastiaui : Jc persiste a demander a M. le ministre des affaires etrangeres s'il est vrai qu'il ait declare officiellement que lo gouvernement fran^ais ne consentirait jamais a 1'entree des Autricbiens dans les pays actuellcment insurgcs de ritalic? Oui, repond Sebastiani ?n sc levant; mais entres'op- POSER et faire la guerre, il y a une grande difference. Et moi continue Lafayette , je persiste a dire qu'a- pros une telle declaration officiclle, laisser ainsi vieler I'lionncur de cette declaration , en sc con ten tan t dc s'e- crior : Non , je n'y consens pas , n'est pas compatible avcc 293 fa dignitc et 1'honneur du peuplc francos. Je croyais que, lorsque le peu pie franc.a is disait : Non,je n'y consens pas, eela voulait dire : Je vous empecherai de le faire. Vainement les patriotes qu'inquietent les armcmens des rois , leurs menaces , 1' entree des Autrichiens en Italic , et 1'etrange condesceudance du gouvernemeut franc.ais , forment-ils Y Association nationale pour repousser 1'inva- sion et la restauration 5 les ministres ont 1'audace de la denoncer comme une conspiration , et de menacer tous les fonctionnaires que leur patriotisme porterait a la si- gner. Vainement , dans les seances des 29 , 50 et 51 mars , Lafayette, Mauguin , Bernard , Jay , Salverte , Odilon Darrot, Tracy, soutiennent-ils : Qu'il fallait parler aux rois , la lance au poing , et uon le chapeau bas , que le gouvernement a officiellement de- clare qu'il s'opposerait a 1'intervention de 1'Autriche en Italic ; qu'il s'est engage envers les Italiens , qu'ainsi les secourir est un devoir de justice , d'ftormeur et de digit i- te ; que d'ailleurs les peuples etaient opprimes par la sainte-alliancc , 1'Italie par 1'Autriche , la Pologne par la Russie , la Belgique par la Hollande 5 quo leur affranchis- sement est eminemment juste , et que Yinteret manifeste de la France lui prescrit de les defend re. Vainement Corcelles repousse-t-il victorieusement un des sophismes les plus habituels du juste-milieu : On ose dire , s'ecrie-t-il , que si nous intervenions en faveur des peuples , ce serait renouveler les persecu- tions de la sainte-alliance 5 ce serait tomber dans la chi- merique ambition de ceux qui ont voulu soumettre I'Eu- rope au joug d'uue seule idee , la souverainete nationale. Ainsi, a TAutriche seule , ou a la Russie, appartient le droit de soumettre 1'Europe au joug d'une seule idee, la Icijitimite. C'est le droit divin que nous avons rcjete, inais qu'apparemment il faudra bien reprendre , puisquo la Russie , puisque 1'Autriche s'arrogent , en nous me- prisant , le droit d'imposer a 1'Europe le joug d'une seule idee! Vainement, un des hommes les moins hostiles au mi- nistere , M. Jay , dit-il a la tribune : 294 Pour couservcr ia puix , ne sacriiions rien de notic ; occomplissons uos promesses; faisons respecter le principe que nous avons nous-memes etabli ; donnons aux peuples o-ppr lines qui brisent leurs fers, tout Vappiti de notre influence politique; rcclamons cri favour dc rhe- roique Pologiie V execution des jiromesses ecritesdans des traites solennels; point de marque tie faiblesse , car la i'aibi.esse est mortelle aux gouverneinens comme au.v peuples. Quand jious auions mis de notre cote la justice: quand il sera prouve que la paix ne peut etre conservee sans deshonnew, sans danger pour notre independaiice < deployez le drapeau tricolore, toutes les sympathies du m.onde civilise seront pour vous , ce sera une guerre , non d'euvahissement et d'ambition , inais de justice et de liberte. Mais les paliiiodisles, les doctrinaires et les juste-rai- lieu peuvenl-ils etre embarrasses? (i Lc roi, s'ecrie Casimir Perier , n'a rieu promis qu'ii la France , et la France ne demandera au roi rien de plus que ce qu'ii a promis. Les promesses de politique in- terieure soat dans la charte : voila notre programme? S'agit-il des affaires du dehors? il u'y a de promesses que les traites. Suivaut lui , le gouveruement n'est pas plus engage envers les Italiens que Louis-Philippe envers la France stipulant par Lafayette , le 5^ juillet, parce qu'ii n'y a pas plus de traite avec les Italiens que de contrat ecrit avec Lafayette. Le sang et les tresors de la France n'appartiennent qu'ii la France , repete-t-il sans cesse ainsi que d'autres ministres , comme si c'etait la le mot favori d'une idole a iaquelle chacun s'empresse de faire sa cour! comme si Ic san;; autrichien n'appartenait pas seulement aussi a 1'Au- triche , comme si cette circonstance empechait cclle-ci de sccourir les gouvernemens centre les peuples. luvoquaiit Thistoire de notre premiere revolution , Gui- zot pretend faussemeht que la France attendit alors que le territoire fut envahi par les Prussiens (en aoiit \ 792) , et force Lafayette a lui rappcler que la France avail de- 295 clar> la guerre ( le 20 avril precedent) apres le fameux traite de Pilnitz : comine si d'ailleurs les circonstances etaient les memes ! comme si , en 4792, il y avail des revolutions d'ltalie , de Pologne et de Belgique allaquees par une sainte-alliance ! comme si Louis ATI ne trahissait pas sa patrie ! Vainement, a la seance du 4 avril, Salverte, Thouve- nel, Lamarque et Mauguin reprochent-ils au ministere qu'il viole ses declarations et ses promesses; que, par couardise, il laisse inlcrvenir partout les rois centre les peuples ; qu'il compromellesahttde la France en laissaut ecraser tons ses allies naturels , et en attendant que ses enncmis viennent tous I'altaquer sur son lerritoire; qu'il ost puerile de compter sur les assurances diplomatique , (|ue la guerre est inevitable; qu'il vaut mieux 1'accepter maintenant pour defend re ct conserver nos allies , et que, dans tous les cas , il est indispensable de sepreparer a la defense. Sebastian i leiir repond irnperturbablement, lanlol en invoquant les negotiations et la magique reserve qu'elle:; nnposent , tantot en niant les fails qu'affirment ses adver saires , el lantol en affirmanl bardimenl des fails qu'ils discnl faux ou qu'ils nepeuvenlpas verifier. Vainement encore, dans les seances des J2 et 43 acril, Mauguin, Salverte, A. Delaborde, Jay, Lamarque , La- fayette , Odilon Barrot souliennenl-ils : Que le gouvernement devait accepler la guerre pour oiiipccher 1'inlervenlion de 1'Aulriche en llalie; qu'il s'y eat volontairement engage envers les Italicns; qu'il y va ile fhmnew 't de la dignite de la France; qu'aulrement la foi franraise serait dcsorrnais la foi punique ; que c'est, ,iussi son interet; que 1'on desire une paix honorable et sure , inais que 1'esperancc de 1'obtcnir est une chimere : que la guerre est inevitable; etque ccn'eslpas une guerre de soldats et lYechiquier qui pourra sauver la France? raais une guerre de principcs , de peuple et de nation. Vainemeat pour prouver que , quand ils y trouvent leur iotdr^t les rois eux-memes font la propagande et 296 provoquenl les peoples a Insurrection, A. Delaborde cite- l-il la proclamation suivante : Proclamation du gouvernement autriclricn aux ItaliensentSW. Italiens! entcndoz la voix de la sajjosse! Voulez-vous redevenir Italiens ? Reunissez vos forces , vos bras et vos eojurs aux armcs glorieuses de 1'enipercur d'Autriche. Voulcz-vous done roster encore long-temps dans la fatuje de I'esclavage? Italiens ! un sort plus heureux so trouvc entrc vos mains, dans ccs mains qui , sur loutcs les parties du inonde, out etc cueillir les palmes de la victoire, el qui les premieres out repandu les lumieres des sciences et de la civilisation dans 1'Europe encore sauvagc. Vous , peuples de Milan , de Toscane , de Venisc el du Picmont; vous lous, peuples d'llalie, rappelez a votre memoire ce passe si beau, el vous serez de nouveau des Italiens , converts de qluire comme vos aieux , henreux et contens conime aux jours du passe. Siyne: Tarcbiduc JEAN. Porfidcs proincsses des rois! Malheureux peuples! Sur la parole do f Antricbe , les Italiens B'alTranchissent 5 le j>aj)o lour proiuot la libcrto et les rotient dans 1'oppr'cssion ; ils s'a!IV;uir!iisr,enl encore sur la parolo de la France, el f.'est rAutricbc ct la France qui les replacenl sous le jouy du papc ! Mais rcvcnons a nos minislres. Vainemcnt encore Mauguin sommc Irois fois (-{ ct -12 avril) Sebashani d'expliquer/;orq7toi la depeche de Mai son a etc cacltee cinq jours a Laffiltc, president du con- soil : Scbasliaiii lie repond sur ce point quo par un pro- 1 ond silence. Mais il osc imoqucr Yhonneur cl la dignite dc la Franco, et Casimir Perier a la Kjemc bardiesse. El cependant ils mdconnaissont les enjjagcmons pris par Louis-Philippe el son precedent niinislorc au nomde la France ! El Soull , Sebastiani , Monlalivel , d'Arjjoul ot JJarthe renicnt lours ados el lours discours , coinmc s'il 297 suffisait ii Louis-Philippe de changer son mmislere , ct rueinc un scul rninislre , pour anauler ses engagemeus ! En Italic, dit Casinair Perier le 9 aout, vous ave/ vu, ainsi que nous 1'avions annonce a cette tribune, les troupes derempereurd'Autriche^uacuer Jes^iatsromai/is. La Romagne est pacifiee. Cette faible insurrection , qui ne pouvait 1'affranchir , n'a point entraine son op- pression. Des reformos utilesonl ele obtenues, en parlic, grace it nos netjociations. Qu'y avail-il a faire de plus? Les evenemens d'ltalit; claient commences lorsque notre cabinet s'est forme ; nous avoiis trouve le duche de Modene envahi ; les Au- Irichieus etaienl en marche vers la Romagne; le gou- vernement promit alors que, s'ils y penetraieut, ils ne 1'occuperaient pas. Cette promesse a ete reinplie; 1'ltalio respire, el, sans nous, elle serait peut-etrc aujourd'hui le theatre de sauglantes reactions Voila des fails , Messieurs , qui prouvcnt que , sans la France et ce qu'clle a fait , les etats du Saint-Siege se- raieut couverls de soldats etrangers , dc proscriplions et de confiscations. La France a cpargne a 1'Italie les plus douloureuses consequences d'une tentative manquee, et la paix generale a ete maintenue. Toul cela esl faux, dcrisoireelcalomnicux, repoud le lendcmain a Casimir Perier, avec 1'accent de Tindigna- tion et dc la douleur , un des patriotes ilaliens , M. Blislcy : les changemens de ministeres nous sont elrangers ; Louis- Philippe ct ses ministres avaicut promis qu'ils s'oppose- raienl a 1'intervention autrichienne : Louis-Philippe, le gouvernement francais, la France, Sebastiani, etc. , sont loujours la pour remplir leurs promesses , el ccs promcs- ses sonl violees : c'est vous qui etcs la cause dc lous nos malhcurs! Non, rAutriche nc se retire pas parce que vous I'avez demande , mais parce que cela lui cou- vicut , puisque vous ditcs qu'clle csl entree malgre vous; non , cllc n'a pas evacue , puisqu'ellc laisse quinze inillc lioinmcs a Ferrare ct a Coniacchio , et qu'cllc no sort qu'eu mcua^aut de renlrcr. D'uilleurs , vous lui uvez re- connu le droit d'oecuper Panne cl Modene , et vous n'avez 298 rien l.nt pom- ces deux pays. Non, 1'ltalie nY*l /m.v //( , rj/iVr: iion , 1'llalie ne respire pas; non, 1'Ftalic n'esl pas a Pabri do 1' oppression ; ear MHIS 1'avez mise sous Ic jouy do lY'lraiijjer et de la tyrannic*, de 1'inquisition et des prclres, des {jaleriens cl ties brigands. Non, notrc insur- rection n'ctait pas faille ; non , nous n'elions pas dans rimpossibilite de nous affrancbir centre nos d cs poles ; non , noire tentati\e n'a pas cU, manquee; car nous avons secouele joug facilement, uuanirnement, et nous n'avous succombe quo devant Tinvasion , conmie la France en 484 4 et ^8^5, comme 1'Espagne en -1823. Non, vous ne nous avez pas procure des reformes utiles, mais vous nous avez ravi par la force Jes institutions nationales que nous >enions de conquerir , et que vous n'avez fait rein- placer par Hen ou prcsquc rien. Non, vous ne nous avez pas preserve des sotdats etmngers, des sanglantes rtac- tions, des proscriptions et des confiscations, mais vous nous avez apporte tous ces fleaux. Non, vous n'avez pas obtenu pour nous une amnistie rtelle; car trenie-six de nos hienleurs citoyens sont exceptes, et qwdre rnille fugi- lifs ne peuvent en proflter que sous des conditions lelle- inent humiliantes qu'clles sontiuacceptables. En un mot, complices de PAotriche, t plus coupables qu'elle, puis,- que vous nous avez trompes , vous n'etes pas nos bieufai- teurs , mais les plus odieux de nos oppresseurs. La cbambre elant nouvellc, la question elranjjeiv osi de nouveau discutee devant clle , depuis le 9 an 10 aoiil Mais c'est en vain que Yopposition , et notamment Thouvenel, Larabit, Clausel, Lamarque, Mauguin, Odi Ion Barrel . Jiignon , Saherte , Pages , Subervic , La- fayette , Laffitte, Cabet, Gauihier de Kumilly , Tracy, Bernard. Demarray , etc. , invnquent riionnoiir el 1 in lerel de la patric ; c'esl en vain qu'ils reprochenl an {foil \(MiM'ni(Mil i, armedeloulerauloritc(|uclui donnentet son caraclere niodere cl sa reputation d'halulc diplomale, leurreprocheleursfc* wades suiviesd'iine recu- lade qui CH/). Quant au sequestre ct a la confiscation , une notification promuljjuee par le cardi- nal Bernetli a du vous apprendrc que Ton fait bien micux les choses dans les etats de Teglise : on laisse leurs biens aux revolutionnaires , a la charge de payer au gouverne- ment ce que la revolution lui a fait perdre , et dont il fixe le inonluiit. Vous avez done raison , monsieur , ou no confisquc pas les bieus , ou force les proprietaires a les racheter. Quant a la raise en liberte des soixante-dix-sept pri- sonniers de Veuise , vous avez indignement trompe la commission et la chambre : non, vous n'avt-z point re<;u du marechal Maison la depecbe dont vous avez parle (sans la communiquer ) , ou bien , c'est le inarecbal qui a eU; trompe : car ccs malbeureux gepsusent encore dans les cachots de Venisc Tenipereur menace de les livrer au luc dc Modenc s'ils refusent les revelations ct les denon- cialions qu'on leur dcmande. Vous le voyez ; pour disposer favorablement la com- mission de I'adresse en \ 851 , Sebasliani leur parle d'unc Lion ! moi , je vous le predis , cons it'aurez pas de communication de pieces ! Et on elfet cette communication, vingt Ibis dcmanttye, i't toujours promise, ne sera jamqis donnee. On sejouera sans ccsse de la chambrc et dc la nation ! Et le gouvernement , surprenant ainsi Yadresse ct plus lard Yordre du jour motive , interpellera son armee mi- terielle, et lui dira : Vous avoz juge rnon systeme et nies artes 5 vous nVavez approuve ; vous etes solidaires avee moi; si je suis coupable et condamnable, vous Tetes cga- Icment? Non, mm; vous etes coupable seul; vos me- neurs sont bien vos complices ; mais les patriotes, qui ne vous ont soutenus que parce que vous les avez trompes , sont en droit de vous accuser de vos deceptions et de lour erreur. La hi lie parlementaire recommence aux seances des -1 9 au 20 septembre, avec les memes arraes, toujours pour 1'attaque et la defense. (iitizot pretend que les Italiens ont (He failles et en- fans , ont manque de courage et de devourment , et nc sont pas murs pour la liberte. N'est-ce pas insulter au malheur par des calomiries ? N'est-ce pas barbare quand ces attaques viennent de ceux-la memes qui les ont trompes , opprimes ou fait op- prinoer ? II faut, dit-il , que les peuples aient souffert long- temps pour pouvoir compter sur un secours etranger ; il faut qu'ils aient lutte long-temps ; il faut qu'il ait peri peut-tre des millions d'hommes pour que rinter- vention etrangere devienne naturelle et veritablement i) utile. Ce n'est qu'apres une longue perseverance, qu'a- u pres des siecles d' efforts qu'on peut compter utilement sur Tetranger. L'ltalic, jusqu'a present, n'a eu aucun droit de compter sur votre secours. Quelle horrible politi(jue ! II fallait du moins 1'annon- cer en proclamant votre systeme de non-intcrventionj Mais d'ailleurs secourez-vous la Pologne? En Italie, dit Thiers, nous ne sommes pas intcrvenus, parce que I'intervenlion eut ete la guerre elle-meme ; 305 I'Aulriche n'aurait pas souffert noire intervention , et la guerre avec 1'Autriche cut ete la guerre univcrsellc. > Soyons sages, et nous n'aurons pas la guerre. Ce sont nos exces de \ 792 et \ 793 qui 1'ont alors necessitee. La guerre ne devint roelle , active, qu' apres le 40 aout , apres des actes extraordinaires de notre part. Cc fut I'exageration de notre principe qui amena 1'antipa- thie avec le principe contraire , et par suite la guerre. ( Reclamation a gauche. } Je suis pret a recevoir des lecons d'histoire de mes honorables collegues qui m'interrompent ; cependant ma inemoire me fournit encore unc preuve que c'est apres Vevenement du 40 aout que la marche des Prussiens sur Paris a eu lieu. ( Nouvelles reclamations. ) Peut-on revenir de son etonnement ? Tout le monde sail que les Prussiens ont commence le 25 juillet 4792 (voy. page 30, t. 4 er );tout le monde sail que c'est leur in- vasion, precedeedu fameux manifesto de Brunswick, qui a determine le 40 aout ; et voila Vhistorien de la revolu- tion qui , dementant sa propre histoire , vient dire a la tribune que c'est le 40 aout qui a determine 1'invasion ! Se trompe-t-il ou veut-il tromper? Et c'est par de pareils moyens peut-etre qu'on a decide beaucoup de votes trop onfians ! Ce n'est pas tout , dit-il encore ; jc ne crains pas de dire qu'il vaut mieux pour I'ltalie que ce qui s'est fait soil arrive que si nous avions fait la guerre pour elle. Si nous etions entres en Italic, qu'aurions-nous fait? Nous 1'aurions ensanglStitee. N'est-ce pas une etrange calomnie contre la France? Mais ne voyons que les 1 1 aliens. Ainsi les Italicns pensent unanimement que leur inte- ret et leur bonheur consistent dans leur revolution , dans les institutions qu'ils se choisissent , ct Casimir Perier , Sebastiani , Montalivet , Barthe , etc. , decident le con- traire ; ou pliilul , car il faut remonter a la source et avoir le courage dc dire la verite , Louis-Philippe tout seul se constitue le juge , 1'arbilre , le souverain de I'lta- lie ! II pourrait done I'ctre aussi dc tous les autrcs pen- 304 pies! Mais n'est-ce pas la hi sainlc-alliancc el lo droll di- vin , ou pltifot Ic droit infernal de la force ! N'est-ce pas agir comnic le musnlm;in Omar briilant la bihliothequc d'Alcxandrie pour Tintoret des Egyptiens, comme le pre- tre espagnol poignardani I'Amcrieain pour son bonheur, eoninie {'inquisition brulant le corps de Theretique pour sauver son ame? Et que repondriez-vous au cosaque qui viendrait vous dire : Pour 1'intoret et le bonheur dc la France, je viens bruler ses livres, fermer ses ecoles , detruirc ses monumens, dechirerses lois , lui rameuer Charles X , ou lui donner un autre inaitre ? A tons les sophismes et a tous les mensonges du gou- vernement repondons en deux mots . La justice et \'equit& permeltaient-ellcs a la France de defendre les Italicns centre rintervention aulrichienue V Evidommont oui. liinttrcl de la France prescrivait-il a Louis-Philippe la fiuerre plutot que d'abandonner Tltalie a I'Aulriche ? Incontcstablement oui. IShonneurlc lui prescrivait-il ('jjalement? Evidem- nicut encore oui. Sans doute que la Franco ne doit rien aux peuples a qui elle n'a rien promis; sans doute qu'elle peut meme revoqucr sa promesse tant que le peuple qui 1'a re^u n'a rien fait et ne s'est pas comprorais ; sans doute , meme apres la revolution italienne , clle pouvait declarer aux autres pcup'es qu'elle ne les protejjerait pas coulrc une intervention etranjjere : inais elle ewiengagte d'honneur a soutenir les Italiens, parce qu'ils n'ont fait leur revolu- tion que sur la foi de nos promesses. Du reste , il est un fait plus grave peut-elre encore que tous les autres , fait dejii public sans dementi , fait dont la certitude m'est acquise , ct dont la preuve sc trouvera dans un ouvrage qui va parallrc bientdt. Voici ce fait : On se rappelle que sur la fin dc -1850 et au commen- cement de 4851 , les Italiens confient a Louis-Philippe leur projct de revolutionner 1 Italie , en la reunissaut sous le sceptre du due de Modene, dont un fils pourrait 'pouser unc princcsse franchise. Eh bion ! dans le courant de Janvier J8."l , Louis-Phi- 505 lippc , voulant sauvcr Naples , ou s'at!acher le cabinet autrichien , ou settlement faire avorter une revolution nouveJle , cnvoie secretement quelqu'un a Vienne , pour avertir Melternich de la revolution qui doit eclater en Italic. Qu'on s'etonne apres cela qu'il accede si facilement aux ilemandes de 1'Autriche , et qu'il so compromette jusqu'a 1'aire cacher cinq jours a Laffitte la depeche de Maison ! Louis- Philippe n'a done pas seulement consenti et coo- pere 1'intervention autrichienne , apres avoir solennelle- inent declare qu'il I'empecherait ; il a meme PROVOQUE cette intervention ! 42. Pologne,sa revolution, son manifeste. Pozzo di Borgo , en 4792. Pieces laissees par Constan- tin. Menaces de Diebitsch. Promesses de Louis- Philippe it Mortemart. Negotiations des envoy es Polonais avec Sebastiani. Pologne abandonnee , trompee , scarif.ee. Consul Carlisle It Varsovie. Deconvenue de Casimir Perier. Circulaire sur la journee du 45 aout. Evacuation de Varsovie, trom- perie , trahison. Fermete de la diete. Protesta- tion de Rybinski. Expatriation. Actes de Nico- las , cruaute , oppression, manque de foi. Debats parlementaires. Apres dix siecles de glorieuses destinees , trois fois vic- time de Tintri^ue , de 1'ambition et de 1'injustice de 1'Au- triche , de la Prusse ct de la Russie lachement li^uees contre elle ; trois fois demembree (en 4775 , 4792 et 1794); reduite de seize aquatre millions d'babitans ; mais loujours aussi (jenereuse ct brave que malheureuse, j>rotestant toujours contre la violence, la Pologne est en- iin adjure a la Russie par le coiigres de Vienne, en 4815. Mais , par estime pour les Polonais , et dans 1'interet , soit de la France , -soil de TEurope elle-meme , le coujres Jccide'que la Polojjne reprendra le titre de royaume , sous la domination immediate d'Alexandre , et formera une nation st-j)aree , avec une constitution particuliere et la faculty d'etre ayrandie. 20 500- Alexandre parait d'abord vouloir executer le trait e it donne au royaume de Pologne uno constitution libe- rale , et aux Polonais Tesporaucc d'etre minis a leurs freres. Mais bientot le traite , la constitution , les promesses . lout est viole ; 1'oppression ct I'humiliation poussent It--; Polonais au desespoir 5 la revolution de juillet ne fait qu'accroitre encore I'borreur de leur esclavage , et quand Nicolas leur commando de marcher contre la France , c'est pour la defendre et se sauver aveo cllc qu'ils tour- nent leurs armes contre leur oppresseur : car lisez le ma- nifeste de cette beroique Pologne. Manifeste polonais du 20 decembre ^830. A la suite des bruits qui se confirmaient de plus en plus au sujet d'une guerre contre la liberte despeuples, des ordres furent donnes pour mettre sur le pied de guerre I'armee polonaise destinee it unc marclie pro- chaine , et , a sa place , les armees russes devaient inonder ce pays ; les sommes considerables provenant de 1'emprunt et de Talienation des domaines natio- naux , raises en depot a la banque , devaient couvrir les frais de cette guerre meurtriere pour la liberte. Les arrcstations recommencerent ; tous les momens etaient precieux : il y allait de notre armee , de notrc tresor , A de nos ressources , de notre lionnew national , qui se >) refusait a porter aux autres peuples des fers dont il a i) lui-meme borreur , et a combattre contre la liberte et contre ses anciens compagnons d'armes. Chacun par- ii tageait ce sentiment ; mais le cceur de la nation , le foyer de I'enthousiasmc , cette intrepide jeuncsse d- ii 1'ccole militaire et de 1'universite , ainsi qu'une partie de la brave garnison de Varsovie et beaucoup de ci- * toyens, rcsolurent de donner le signal du soulevement. u Une etincelle de feu electrique embrase dans un M moment Tarmee, la capitale, tout le pays. La nuit du 29 novembre est cclairee par les feux de la liberte : * dans un seul jour la capitale delivree ; dans quel- ii ques jours toutes les divisions de I'armee unies par la 507 memo pensee ; les forteresses occupees ; la nation ar- n mee ; Constantin se reposant avec les troupes russcs n sur la generositS des Polonais , et ne devant son salut qu'a cette seulc mesure ; voila les actes heroiques de cette revolution , noble et pure comme I'enthousiasme de lajeunesse qui 1'a enfantee. Ah ! oui , partout la generosite des peuples fait honte a la barbaric des rois ! Partout la justice de 1'affraHchis- sement condamne 1'injustice de 1'oppression ! Qu'elle est noble et Cere celte nation polonaise qui , dans ce meme manifests , dit a FEurope : Lorsqu'une nation , jadis libre et puissante , se voit forcee, par 1'exces deses maux , d' avoir recours auder- nier de ses droits , au droit de repousser 1'oppression par la force , elle se doit a elle-meme , elle doit au raonde de publier les motifs qui 1'ont amenee a soute- nir, les armes a la main , la plus sainte des causes. Qu'il est effroyable le tableau qu'elle fait ensuite de 'oppression dont elle etait deveuue victime ! Qu'il est diftne cet appel a 1'Europe! Convaincus que notre liberteet notre independance, loin d'avoir jamais ete hostiles vis-a-vis des ctats limi- trophes , ont au coutraire servi, dans tous les temps, d'equilibre et de bouclier it I Europe , et peuvent lui a etre aujourd'huip/us utiles([ue jamais, nous comparais- sons en presence des souverains et des nations avec la ii certitude quc la voix de la politique et de Vhumanite se feront egalement entendre en notre favour. Qu'il est admirable ce devouement a la liberle f Qu'elle est sublime cette resignation a une lutte incjjale ! Qu'il est touchant cct adieu a la patric! Si meme dans cette lutte , dont nous ne nous dissi- mulons pas les dangers , nous devions combattre seuls pour I'interet de tous , pleins de confiance en la sain- tete de notre cause , en notre propre valeur , et en 1'as- i) sistance de 1'Eternel , nous combattrons jusqu'au der- nier soupir pour la liberte ! Et si la Providence a desti- ne cette tt-i-re a an asservissemeat perpetuel ; si, dans i) cette deraicre lutte , la liberte de fa Pologne doit sue* 308 ii comber sous les ruincs ( Et il le demontre jusqu'a ['evidence. ) La conservation du royaume de Pologne et dc ss institutions , dit Sebastiuni lui-meme ( seance du ^) aout ^S3i ), est une question europeenne reglee par les H iraliesde ^8^5. Deux fois , dit Muuyuin ( seance du 28 Janvier ) . ii les Polonais ont sauve la France: quand en 1792, la ii Franco naissait a la liberte , Kosciusko leva 1'etendart )i de 1'independance, et la France put triomplicr dcs trois i) puissances dont la Pologne, retint en partie les armees: et quand en 4850, la Russie vcut marcher sur la France, c'est encore la Polo^ne qui 1'arrete. Nos ministres, j'aime a le croire, dit Lamarque ii ( seance du 27 Janvier ) , arreteront les bras prets a frapper, ils f'eront respecter les traites , ils sauveront la Pologne. Qu'ils songent que c'est le vceu unanime dc i fa France; que tous, sous quelque banniere que nous ayons combattu , dans quclque parti polilique que nous ii soyons ranges, nous sentons nos coeurs battre pour cette nation genereuse qui, depuis trois sieclcs, a toutes les ' epoques, sous lous les climats, a prodifjue pour nous le 300 - sang sos va-u\ , clle coufond avec la France , dementira ce vieux et touchant proverbe qui lui fit dire autrefois . Dieu est trap haut et la France est trop loin. La guerre etait prcparec centre nous , dit Lafayette (seance du 45 Janvier), la Pologne devait former 1'avant-gardc ; Y avant-garde s'cst retournee contre \c corps de bataille : et Ton s'ctonncrait que cette avant- garde excitat tous nos vceux, toutc noire reconnais- sance, toutc notre sympathie! on s'ctonnerait que nous crussions avoir des obligations envers elle! Le peuple Polonais, dit aussi Sebastiani ( seance du 27 Janvier ) , a des droits a la bienveillance, a Y ami tit'- > de la France. Seul entre tous, par une exception uni- que et dont Yhistoire lui tiendra compte, il nous est v reste fidele aux jours de Vadversite. L'aneantissemcnt de cette brave et genereuse nation a etc une calamih- pour I'Europe. Les douleurs de la Pologne retentissent au fond de nos Ames. * II n'est aucun de nous, dit encore Barthe (seanco du 28 Janvier ), qui ne sympathise avec les inalheurs ct les soul'frances du peuple polonais. Nous ne pouvons H oublier que les cnfans dc la Pologne ont verse lew sany a c6t de nos soldats, sous Ic nieme drapeau , sur le ineiuc champ de bataille. Ainsi , tout le nionde le rcconnait, la cause de la Po- logne est juste et sacri'e. C'est la cause de Ja patrie contre le joug otranger ; c'cst la cause de la liberte contre le despotisme ; c'est la cause des peuples contre leurs oppresseurs. C'est une nation dc quatre millions d'ilmes qui v-n sc defemlre centre une nation de quarante millions , secre- temnt aidt-c par deux autres nations puissantes. C'est tin pouple qui prefero la mort a 1'esclavage , et qui s'immolc pour la liherlc dc I'Europe. S'il triomphe, c'est un sauveur; s'il succombe, c'est un martyr. Et les feinmes y surpassent peut-otre les bommes on courage. Quel spectacle plus tlijjne de I'inlcrct de 1'univers! Quel admiration, quelle syinpalhic il excite en Europe t-t jusqu'en Amerique! Le Hongrois cst pret a courir aux armes pour secourii- rheroique Polonais ; le Beige acccpte un prince anglais your roi, dans Tesperauce dcsauver la Polognc en lui pro- -urant 1'alliance et dc TAnglelerr-c et de la France. C'etait, s'ecrie Lamarque , avec cclte genereuse chaleur qui laissera de longs regrets a la France et a 1'Europe; c'etait pour sauver la Pologne, disait-on a Pa- ris, qu'on avail donne le tronc a Leopold. L'Angleterre n'aurait voulu y consentir qu'a ce prix. Alors, ah! alors , nous aurions applaudi a la polilique de notre ministere ; alors nous nous soumettrons sans murmure au sacrifice qu'ellc nous impose. Car quel estleFrancais qui ne donne- rait une partie de son patrimoine, une partie de son sancj |>our sauver cette lieroique nation! Quel est le Fran^ais rhcz qui le nom de Polonais n'excite pas a la fois {'admi- ration, les regrets et Yembarras d'un remords? Us out tant fait pour nous!... Oui, c'est la France qui s'emeut au nom de la Pologne. Toujonrs la Pologne et la France ont etc unies par une sorte de fraternite. C'e4 a la France que la Pologne est venue demander un roi. La France ne fut jamais 1'ennemie de la Pologne ; la Polognc seule ne fut jamais 1'ennemie de la France. Depuis quarante ans, croyant servir la liberte polonaise en servant la liberte fran^aiso, confondus dans les niemcs rangs, Polonais et Fran^ais ont combattu partout ensemble, en Italic, en Egyptc , a Saint-Dominguc , en Espagnc, en Portugal, en Russie , rivalisant dc Constance et de bravoure, triomphant ct jnourant ensemble. Aussi , quelle sympatliie a Paris et dans nos departe- mens , dans nos villes et nos campagnes , dans la garde nationale ct 1'armee ! La Pologne n'est pas pour nous une etrangere ; c'cst une alliee fidele, une amie devouee, c'est une sorur; c'esl une fortercssc fran^aisc , une armec franchise , une avant-garde fron^aise. Que Louis-Philippe se declare done rallie dc la Po- lognc 5 qu'H somme la Uussie , la Prusse et l'Autrichc d- rcconnaitre la revolution polonaise, ot, s'il lefaut, acceple la guerre! car cette guerre est comraandee par 1'interet , Thonneur et les vo3ux de la France. " La Ugue duNord, disait un depute a la seance du -16 i) juillet 1792, presage a 1'Europe entiere une servitude generate , et la Pologne nc doit voir finir les horreurs de la guerre quc par lo sacrifice de son independence. C'est aux Francais a preserver le monde du fleau de cette servitude universcllc , et a reparer la honteusc ) Lorsque la Pologne (it sa le\ec de boucliers dans la vue de reconquerir son independancc nationale , el!e 319 s'empressa do demander 1'appui de la France. Get ap- (C'est an moment ou il vient de prendre le portefeuille des affaires etrangeres pendant la maladie de Sebastiani, portefeuille qu'il desire depuis long temps , et qu'il croit conserver.) <* Vous ne les nommerez fi pas, replique son ami. Et en efiet , C. Perier est force , a son grand deplaisir, de rendre le portefeuille a Sebastiani, qui conserve toujours ses asens carlistes. 2f 522 i-liii-n. Mais 1'Aulriclic desarmc ccs intrcpides Polonais , les retient cominc prisonniers de guerre , ct livre leurs armes et leur artillerie aux generaux russes. Quant a la Prusse , son intervention est encore bien plus funeste. (i La Prussc , dil Lafayette ( seance du 23 fevrier ) , a saisi it la banque de Berlin tous les fonds de la banque de Varsovie, qui etaient deposes, qui appartenaient, non pas a )a couronne , mais a \etat et a des particu- Hers; elle arrete les voyageurs, s'empare de leur argent et les emprisonne; et tous ces exces , qui rap- i) pellent certaines forets autrefois fameuses , se commet- tent sous 1'influence de Yambassadeur russe qui regne u it Berlin. Elle arrete meme les voyageurs francais air iv ant de Pologne, dit Mauguin ( seance du -12 avril <83i ). Je citerai M. Lassau , voyageur de commerce, qui a etc retenu quinze jours a Berlin, et qui a eu beaucoup de peine a s'arracher de la police prussienne. Oui, la Prusse arrele tout, provisions, armes, muni- tions, communications avec TEurope, argent expddie aux particuliers. Giclgud et Chlapowski se refugient-ils sur le territoire prussien , on les desarme. Tousles secours, au contraire, sont prodigues aux Russes. C'est Nicolas qui fait la police sur les grandes routes de la Prusse : il n'y a pas meme de cordon sani- taire pour ses courriers, ni de quarantaine pour Pas- kewitsch qui vient de traverser le territoire prussien pour prendre le commandement de 1'armee. Les Russes sont-ils battus ou poursuivis , on les recoil en amis , jusqu'a ce qu'ils puissent fondre a 1'improvistc sur les detachemens polonais : on leur fournit des muni- tions , de 1'argent , des materiaux pour faire un pont; et c'est sur la frontiere, a Tabri de toute attaque , que Pas- kewitsch jette ce pont sur la Vistule, fleuve qu'il n'oserait passer sans Tappui du roi de Prusse. Eiifin 60 mille Prussiens envoyes dans le duche de Posen, et 60 mille Autrichiens envoyes dans la Gallicie , ne peuvent qu'encourager les Russes , qu'intimider et paralyser les Polonais. 525 Non seulemcnt on abaiidonac la Pologne , mais on Tinfamie d'exploiter son malheur ec 1'interet qu'elle in- spire a la Bclgique. Talleyrand engage les agens polonais a Londres a se rendre a Bruxelles , et a tacher de fairc accepter aux Beiges les dix-huit articles de la conference, en les assurant qu'aussitot apres TAngleterre et la France s'occuperont de sauver la Pologne. Les agens parte=t a 1'instant , et leurs prieres coutribuent ( le congres beige le declarera plus tard ) a 1'acceptation de ces dix-fauit articles. (Test vers le -19 juin qne Talleyrand donne ces espe- rances aux Polonais a Londres , aGn d'obtenir d'eux un service important , et c'est le 22 juin que Sebastiani leur donne aussi subitement un espoir nouveau , leur parle d'une depeche a Talleyrand , et les engage a faire partir -un courrier pour Varsovie : le but de Sebastiani serait-ii le meme que celui de Talleyrand ? Quelle horreur ! car le resultat sera fatal a la Pologne ! La France doit a la Pologne une somme considerable : il a'agit de 60 millions reclames comme dette de 1'em- .pire. Cette dette se trouve deja liquidee par un commis- saire frau^ais , Hedouville ; et, sans 1 insurrection polo- naise, les negociations relatives au paictnent seraient pro- bablement terminees 5 car le prince Lubeski allait partir pour Paris quand la revolution eclata. II faudra bien payer desormais ces 6-i millions a Nicolas! Eh bien! les envoyes polonais ne demandent qu'un faMe a compte sur cette creance, on meme une simple garantie pour un nio- dique emprunt ; et le gouvernement fran^ais debiteur re- fuse tout a son creaacier ! Et ce secours sauverait peut- etre la Pologne. Car Varsovie ne succombe que par dcfaut d'argent ! Quand Paskewitsch vient la cerner, le \*I d'aout, elle n'a de vivres que pour onze jours : les chevaux manquent oompletement de fourrages, et par consequent il est ne- ccssaire de detacher Ramorino et Lubicnski pour deli- vrer les palatiuats qui peuvent nourrir Varsovie. Si cette capitalc etait approvisionnee (et clle le serait si le trcsor n'ctait pas epuise ), Ramorino et Lubienski seraient la pour repousser Paskewitsch, et le Russen'oseraitpeut-etre 524 [>as mumc allaquer les Foionais, presque egaux alors par Ic rtombrc, mais superieurs par lours retranchemens, sur- tout par leur berolque courage et par leur enthousiasmc pour la patrie et la liberte. Comme on la joue, cette malheureuse Pologne! Prouvez, dit-on d'abord a ses envoy es, que votre re- volution est generate. La victoire abientot fait cette preuve. C'est au-dela du Bug , dit-on ensuite , c'est dans vos anciennes provinces qu'il faut porter vos armes, pour que nous vous assistions. L'ancienne province de Lithuanie repond bientot a 1'appel de ses freres. M NOUS ne pouvons rien encore , dit-on alors, il nous faut du temps. Nous nous occupons de la Pologne , dit-on enOn , le 23 juin. Envoyez vite ttn courrier a Varsovie , dit-on le 7 juillet : qu'ils tiennent et qu'ifs evitent un tehee, la Po- logne est sauvee. Le courrier arrive a Varsovie ; quel est Teffet de la de- peche? C'est le proces-verbal du conseilde guerre tenu a Varsovie, le 29 juillet, qui va nous 1'apprendre. Le generalissime Skrzynecki a confiance en Sebastiani. suit son conseil , temporise , suspend ses succes , et laisse Paskevitsch cffectuer sa marche de flanc , de la Vistule sur Lovich, marche pendant laquelle il pouvait 1'attaquer et le battre. Cependant aucun autre membre du conseil de guerre ne veut se fier aux conseils de Sebastian! ; et, le 5 aout, de nouveaux ordres sont donnes pour livrer un combat general a Sochatchew, et tout est pret : mais une seconde de'pecbe arrive de Berlin, confirme la premiere, invite instamment le generalissime a tout faire pour eviter un echec, et le generalissime prend sur lui de contremander une seconde fois les ordres pour la bataille. Que dc malheurs, quelle calastropbe ne va pas entrai- ner cette inaction de Skrzynecki ! L'armce s'irrite; Ic peuple crie a la trahison; la dietc veut combattre, Ic generalissime estrevoque, Krukowiec- ki le remplace, ct Varsovie succombe. 525 Paskewitsch est cnfin devant cetle capitale avec environ 80 mille Russes : quc va-t-il s'y passer?. C'est dans le rapport fait , le \ \ septembre , par le ministre des affaires etrangeres , aux chambres polonaises reunies a Zakroc- zim , et dans 1'expose publie a Paris le \ 4 novembre , par les refugies Polonais , que je prends la reponse. Evacuation de Varsovie. Resistance heroique , expatria- tion et protestation des Polonais. Pour se defendre, la Pologne a pres de 80 mille bommes, un triple rang de retranchemens , et I'lieroique courage de ses soldats , de ses citoyens et de ses represen- tans. Mais Paskewitsch, assiste du grand-due Michel, frere de Nicolas, emploie 1'arme la plus redoutable pour les peuples, la negotiation et la diplomatic. II envoie des parlementaires , il prodigue les promesses : si Varsovie veut se rendre , on obtiendra la restauration du royaumc de Pologne avec une amnistie complete. Le 5 septembre , le president et general Krukowiecki repond d'abord avec dignite : Les Polonais , dit-il , ont pris les armes pour conquerir leur independence dans leurs anciennes limites 5 ils ne les deposeront qu'apres 1'avoir obtenue. L'attaque commence le 6 : apres plus dc dix heure# d'un feu terrible , 1'ennemi prend d'assaut la redoute de Wola, trop negligee, et trois autres retranchemens. Mais KrukQwiecki, le general Prondzinski et d'autres generaux communiquent secretement avec Tennerm , declarentla resistance impossible, s'efforcent de re'pandrc partout Teffroi , proposent la soumission a Tempereur, et parlent encore de Tespoir que leur donne Paskewitsch de la restauration et de Y amnistie. Indignes de cette proposition , le vice-president et quatre ministres donnent leur demission. Plutot mourir que de ternir I'honneur national! s'e- crient les representans. L'assaut recommence le 7, a une heure , et la delibere au bruit de 80,000 coups de canon. 326 Vers 5 licnres , Prondzinski vicnl de nouveau nre- naccr la diele des derniers inalheurs. Kous atten- drons sur DOS sieges le resultat de I'assaut, repondont encore les representans. Cependant Krukotriccki, qui veut trailer quoiqu'il n'ait pas le droit de le faire sans la ratification du gou- vernemcnt , qui a deja envoye a Paskeicitsch une lettre de soumission , va faire arreter les deputes les plus ener- jfiques. La diete le destitue , et Niemoiowski le remplace. Mais le mal est deja sans remede : {'evacuation de Varsovie est deja verbalement convenue entre Paske- iritsch, qui annonce une mninstie au nom de 1'empcreur, et Krukowiecki, qui, sans avoir meme signe de capitula- tion, a fait commencer la retraite. C'est maintenaiit que la resistance est reellemeat im- possible. Aussi Berg , general russe introduit par Prondzinski , arrive aussitot pour trailer defiuitivement , et declare qu'il ne traitera qu'avec Krukowiecki. Et , le 8 , Tarmee polonaise se retire avec le gouver- ncmenl a Moedlin. Ayant encore 50 mille combatlans, cent quarante pieces de canon , et de fortes positions occupees par d'autres corps sur les derrieres de Fennerai, le gouver- nemenl peut encore et veut continuer la guerre jusqu'a Fliiver , qui peut amener de nouvelles chances plus fa- vorables. Mais d'une part, Ramorino , dont les mouvemens devaient etre libres d'apres la convention verbale faite avec Paskewitsch , esl enipeche d'arriver ; et , d'autre part, Paskeivitsch, violant encore ses promesses , refuse de livrer le materiel militaire laisse a Varsovie. Cependant le general Berg vient proposer un armistice, fait des promesses , donne des esperances . amuse enGn par des negociations , jusqu'a ce que des forces supe"rieu' res , atlaquant perfidement Ramoriao et Rozycki , les aient forces, les ^ et 24, a se refugier en Gallicic, apres' la plus glorieuse defense. Paskeiritsch , rompaut alors brusquemeut la ne'gocia- 527 tion pour 1'armistice, exige unc soumission definitive et absolue. Le generalissimo polonais fait aussitot jeter un pont sur la Vistule a Plozk. Une garnison, forte de 7 mille hora- mes , approvisionnee pour trois mois . est laissee a Moed- lin , et le reste de 1'armee , au nombre de 50 mille bom- mes , avec quatre-vingt-quinze canons , se met en marche, le 20 , pour continuer la lutte du desespoir. La diete et le gouvernement la suivent. C'est un spectacle dechirant que de voir les peres dc la nation , depourvus des objets de premiere necessites , sui- vre avec confiance Tarmee dont ils sont resignes a par- tager tous les dangers ! Trois jours apres, le general Rybinski, pousse au de- sespoir par de nouvelles exigences de Paskewitsch , se decide a traverser la Vistule, et fait jeter un nouveau pont a Wroclawek ; mais les Russes occupent deja tous les debouches. Cerne de toutes parts , force de se refugier sur le territoire prussien , il passe enfin la frontiere , apres avoir public, le 4 octobre , Tordre du jour suivant. ORDRE DU JOUR DE RYBINSKI. Polonais ! le moment decisif est arrive : 1'ennemi nous a propose des conditions humiliantes ; il ne nous reste plus qu'a sauver noire honneur en les rejetant , et a francbir les frontieres des etats du roi de Prusse pour y chercber un asile. Dans la situation ou nous nous trou- vons , prolonger la lutte serait appeler de grandes cala- mites sur la Pologne. Nous deposerons done les armes que nous avons prises pour la cause sacree de I'indepen- dance et de Tintegrite de notre pays , PROTESTANT centre la violence et 1'arbitraire dont nous sommes victimes , jusqu'a ce que Y Europe, sous la protection de laquelle nous nous placons, prononce sur notre sort et sur celui de notre pays. Si nos prieres ne sont pas ecoutees , si la justice nous est refusee, si les rois nous repoussent; le Tout-Puissant nous vengera : et la pierre qui recouvrira la tombe de la Pologne ensevelira I'independance des na- 528 demeurees indifferetitesh nos malheurs! Noire \ersc dans dc nombreuses bataillcs, la perseverance et le patriotisme dont nous avons donne des exemples, scront un sujct d'admiration et d'imitation pour Yhistoire et la posterite. Soldats ! allons ou le devoir nous appelle; nous sa- crifteroiis tout, excepte notre gloire, qu'aucune force hu- inamc ne peut nous ravir , et nous allendrons noire sort avec celte Iranquillile d'ame que donne la conscience d'a- voir bien merits de son pays. Le commandant de Tarmee polonaise , RYBINSK i. Au bivouac , pres Rypin . Qu'elle est belle, sublime et terrible a la fois, celte PROTESTATION de Rvbinskv ! Mus par le meme sentiment d'independance et de pa- triotisme , el sans avoir pu se concerter, les trois corps d'armee prennenl done la resolution de deposer leurs ar- mes sur un territoire etranger; et de s'expalrier phi tot >jue de ternir 1'honucur polonais en se soumetlant a Top- presseur de la Pologne. Quaranle mille hommes , generaux , officiciers , sol- dats, deputes, represenlans dupays, vonl chercber en Europe la liberte qu'ils ne peuvent plus Irouverdans leur inalbeureusc patrie. Ainsi, apres avoir lutte seuls centre le geant du Nord el ses deux puissans allies, apres s'etre batlus un coulrc cent, pour ainsi dire, les Polonais preferenl la mort ou 1'exil a la servilude. Quoi de plus admirable a Sparle , a Albenes , a Rome , chez les nations anciennes et modernes ! Aussi , que d'interet ne vonl-ils pas renconlrer cbez les peuples! Que de colere conlre Tambassadeur russe quand , en mars , on recoil la fausse nouvelle de la prise de Varsovie! que de colere conlre les minislres de Louis-Philippe , quand , en septembre , on apprend quo cette capital*! n'cst que Irop reellomenl au pouvoir de Tennemi ! Que dc douleur , que d'estime , que d'aifection la France en- tiere el 1'Aliemagne elle-meme temoignenl a 1'aspect de ccs heroiques proscrits ! Mais quo de barbaric chez les rois et les ministres , qui les calomnient , les outragent , les perseculent , les regar- dant comme des enaemis , et veulent les forcer a aller raourir sous le climat devorant de TAfrique ! Revenons a Tevacuation de Varsovie. Est-ce la trahison qui 1'a livre? Quoi! on pourrait citer un traitre parmi ces heroiques Polonais ! All ! cette idee ferait presque autant de mal que la catastrophe de leur defaite ! Mais c'est a la Pologne , c'est a 1'his- toire a prononcer. Remarquons settlement que , dans son rapport , le ini- uistre des affaires etrangeres accuse Prondzinski et Kru- kowiecki: Pourquoi, dit-il, Krukowiecki a-t-il arrete I'armement de la garde de sureU ? Pourquoi a-t-il eloigne de la \ille son commandant Zaliwki et paralyse les efforts des habitans? Pourquoi, puisqu'il s'attendait a un assaut, n'a-t-il pas expedie au general Ramorino I'ordre de ve- nir au secours de la capitale menacee? Pourquoi, sans egard au peu de troupes qui defendaient les retranche- mens , en a-t-il rappele pendant le combat une partie , SOILS le pretexte de veiller a la tranquillite interieure de la rille ? Remarquons surtout que, dans ces momens supremes, le sort des revolutions et des nations est presque toujours dans la main d'un general ou d'un chef; que la diplomatic est plus a craindrc pour elle que la force , et que la trahi- son les perd plus souvent encore que le canon de Tennemi. Nous avons vu comment Paskeivitsch et le grand-due Michel ont trompe le gouvernement et Tarmee : voyons maiutenant quelles promesses a faites Nicolas , comment il les a rcmplies , et quels traitemens il a fait subir aux malheureux Polonais. C'est surtout dans la conduitc des rois que les peuples doivent chercher des lemons. Dieu , le protecteur du bon droit , est avec nous , dit- il dans son manifesto du 24 decembre;et la puissanle Russie peut, d'wn seul coup decisif, faire rentrer dans Vordre ceux qui osent troubler sa tranquillite. Nous sommes prets a punir I'infidelite ; mais nous 530 voulons pardonner aux faibles , a ceux qui , par aveugle- ment ou par crainte , ont suivi le torrent insurrectionnel. Russes ! I'exemple de votre empereur vous servira dc regie : justice sans vengeance; inebranlable fermete dans la lutte pour 1'honneur et le bien de 1'empire , sans haine contre les adversaries avcugles; amour et estime pour coux de nos sujets polonais qui sont restes fideles a leur serment ; empressement a se reconcilier avec ceux qui rentrent dans le devoir. Perseverez dans votre confiance en Dieu et en un monarque qui connait toute I'etendue et la SAINTETE DE SA VOCATION , et qui maintiendra intactes la dignity de son empire et la gloire du nom russe. Ainsi Toppresscur de la Pologne ose invoquer Dieu , protecteur du l)on droit! II parle de la saintete et de Ve- tendue de sa vocation ! Mais quclle est done cetle voca- tion si etendue? Est-ce d'opprimer TEurope cntiere? 3Ion manifeste , dit-il a 1'envoye du dictateur , le 26 decembre, vous fait connaitre mes resolutions definitives, soit a Tegard de la Pologne, soil a regard des Polonais. Qu'ils se fient it moi et ils seront heureux Qu'ils se fient a la parole d'un monarque qui sail ce que c'est que Vhonneur. Mais il avail jure la constitution, et 1'a violee : com- ment pourrait-on se fier a sa parole? II promet aussi , non seulement a la France , mais a toutes les puissances europeennes , que le royaume de Pologne sera conserve ; du moins Sebastiani Taffirme , et il lit des depeches de Saint-Petersbourg ct de Berlin qui le declarent positivement. Et ces promesses , ajoute-t-il hardiment, seront ga- ranties par cette expression memorable que les paroles d'un souverain doivent ttreinviolables cornmeun decret de la Providence. (Sensation prolongee.) La Nationality de la Pologne ne perira pas , dira Louis - Philippe lui - meme , en ouvrant la session de Voila les promesses des rois 5 voyons Icur accomplisse- ment. Non , ces promesses ne sont point accoroplies ; uon , la _ 251 parole .des rois n'est pas sacree; non, il u'y a plus ni constitution ni nationalite reelle en Pologne : cette mal- heureuse contree n'est plus qu'une province russe , sou- inise , comme la Russie , aux caprices d'un despote et au regime du knout. Nicolas disait qu'il ne voulait pas frapper les innocens, et il arrache des railliers d'enfans des bras de leurs meres pour les envoyer perir loin de leur famille et de leur patrie ! Plus d'armee polonaise : les Polonais sont incorpores dans Tarmee russe et forces de rester soldats pendant quinze ans. Les etablissemens pour les sciences , les lettres , les arts et Teducation sont detruits. Les professeurs sont proscrits. La bibliotheque nationale de Varsovie et ses precieux manuscrits , le cabinet des medailles et des gravures , les monumens de la gloire polonaise , les statues et les ta blcaux sont transporters a Saint-Petersbourg. On fait tout pour detruire \e catholicisme , Y instruc- tion et la lamjiie du pays. Paskewitsch est PRINCE DE VARSOVIE , et c'est lui qui gouverne la Pologne. II se montre toujours avec Tarro- gance , la severite et Tostentation d'un vrai satrape. Toutes les principales places dans Tadministration sont donnees a des Russes. Les veterans et les invalides , seul corps militaire conserve ,. ont pris Yuniforme russe. La cocarde russe remplace la polonaise , et la decoration polonaise ne se voit plus que sur la poitrine des Russes. On n'aperc,oit que les couleurs russes. On affecte de peindre avec ces couleurs les poteaux militaires et les parapets des ponts. Les autorites ont recu 1'ordre d'atta- clier les feuilles de leurs actes avec du fil aux couleurs russes. La decoration de YAigle blanc a etc chang , et consiste aujourd'hui en un aigle russe, portant sur lui TAigle de Pologne. Lc bulletin des lois et les decrets du eonseil d'administration contieunent a present le texte russe en regard du polonais. Tous les Polonais sont desarmes 5 tous leurs togemens 552 sont a la disposition dcs Russcs ; tons los citoycns scat souniis a la justice militaire ct arbitrairc du vainqueur. Varsovie parait maintenant uue ville russe : tandis que le Polonais reste flerement chez lui , on ne voit que des families russes dans les premiers etages , que des soldats russes dans les rues, et que des marchands russes sur les places publiques. Et cependant Louis-Philippe et Nicolas disaient : La nationality de la Pologne sera respectee! Et la clernence , rimmanite' de Nicolas ! 1'amnistie dont Paskewitsch et le grand-due Michel donnaient verbale- ment 1'csperance pour ohtenir 1'evacuation de Varsovie 1 Intercession de Louis-Philippe? ou sont-elles? L'amnistie est enfin proclamee le \ er novembre. Mais ellc cst derisoire ; car les anciennes provinces polonaises en sont exceptees , et, dans la Polojjne proprement dite , cinq categories nombreuses restent livrees a la vengeance. Dans les anciennes provinces , tous ceux qui ont pris part a la revolution sont poursuivis et condamnes a la confiscation, a la degradation, a la deportation en Siberie, aux travaux forces; et Nicolas pous^e la cruaute jusqu'a pcrmettre aux gouverneurs militaires d'aggraver les con- damnations prononcees par les tribunaux , et d'indiger meme la mort. Dans le royaume , les gdneraux prisonniers de guerre sont deportes , les soldats sont retenus en Russie. Les deputes, les mcmbres du gouvernement , les chefs de la revolution , qui eurent Tirnprudence dc sc fiei\a Tamnis- tie , remplissent les prisons en attendant leur condamna- tion. Tous les Polonais qui ont servi dans Tarmee, a quelquc epoque que ce soil, par consequent, tous les Polonais, sont rcgardes comme militaires et comme tels soumis aux tribunaux militaires ct aux cominandans militaires dans ehaque localite, de maniere que chaque offlcier russe a 1'epouvantable droit d'arreter et de punir militairement chaque Polonais. Quant aux troupes emi(jrees, 1'Autriche ct la Prusse n'accordent dc passeports pour re'trauger qu'aux officiers: < l t, meme aujourd'liui , ciuix-lii sculs on obliennent dont 555 les teles seraient menacees en Polognc. Mais on force les soldats a retitrer dans leur pays; et, pour y parvenir, on les divise en pctits detachemens, on emploie la faini , la privation dc vetemens , les coups de crosse et de baion- nette , les charges de cavalerie ou les decharges d'infan- terie. II en est qui bravent tous les dangers , et que les Prus- siens condamnent a travailler dans les forteresses. Ceux qui rentrent sont violemment incorpores dans les troupes russes ; mais , poor ne pas prendre 1'odieux uni- forme de Tetranger , beaucoup se donnent la mort ou se font tuer par les Russes. Le 20 aout, la commission extraordinaire institute pour juger les principaux auteurs de la revolution a ou- vert ses seances. Les accuses sont divises en cinq categories. L'ukase imperial determine la peine que chaque accuse doit subir. Cette commission , dont les membres sont nommes par Nicolas , est presidee par le general Witt , gouverneur de la ville de Varsovie , et composee de quatre generaux russes et de quatre Polonais. C'est avec beaucoup de peine qu'on est parvenu a trou- ver quatre Polonais sur lesquels Tempereur put compter ; encore un d'eux , le comte Alexandre Potocki , a-t-il donne sa demission. Comment ! s'est eerie Tempereur etonne , il n'y a done pas quatre Polonais devoues a mapersonne? Comment ! pourrait-on repondre , il se trouve trois ge- neraux ou seigneurs polonais qui' consenlent a etre les instrumens et les complices de 1'oppression de leur pays ! Oui , mais les officiers rentres repoussent le service et les favours ; mais le citoyen de Varsovie proteste par la retraite et le silence ; mais les soldats que 1'Autriche et la Prusse forcent a rentrer en Pologne se tuent ou se font tuer par les Russes plutot que d'accepter leur uniforme Honneur a tous ces Polonais qui conservent leur inde- pendance personnelle quand la patric gemit sous le joug de 1'etranger! Honneur a ces Polonais qui rendent ce 55-i nouveau service a ('Europe civilisee, en donnant aus peuplcs 1'cxeraplc de cette nouvelle vertu! Ilonneur aussi a Ramorino et a Langerman ct aux autrcs Fran^ais qui, niicux qoc notre gouvernement , ont represente la France aupres dc la Pologne ! Honneur a Ramorino , qui ne se separe de ses soldats qu'apres leur avoir adressc ces nobles et touchans adieux! Ordre du jour de Ramorino. Ses adieux a ses soldats polonais. , Au moment le plus dechirant de ma vie, au moment ou je dois me separer des braves dont I'lieroisine a sou- tenu pendant dix mois la lutte la plus inegale , recevez , soldats, recevez, avec le tribut d'admiration du a votre Constance et a votre eclatante valeur, les remercimens de votre general pour la conGance que vous avez cue en lui. Combats sur combats , privations et fatigues , marches sans vetemeus et sans cbaussures , et par-dessus tout le terrible fleau du cholera-morbus qui a eclairci vos rangs, rien ne vous a arretes pour defendre cette sainte cause dont le triomphe vous strait assure si vous n'aviez eu centre vous que les masses innombrables et toujours re- naissantes de 1'ennemi. Mes amis , un espoir consolateur nous reste : vous avez combaltu au milieu des tombeaux de vos ancetres et des berceaux de vos enfans , parce que vous vouliez imiter les premiers et leguer vous-memes a vos fils 1'exemple qu'ils ont a suivre. i) Freres d'armes , le respect du au souverain qui nous accorde UB asile nous fait un devoir de rompre nos rangs; mais nos coeurs , nos ames , nos pensees , resteront inse- parables , et nous feront reunir partout ou nous appeller a 1'interet de notre Pologne cherie. Soldats, au revoir! Dobrowka (Gallicie), -19 septembre 4834. RAMORINO. Debats parlementaires sur la Pologne. Tromperies du gouvernement. C'cst le 45 Janvier que ces debats commeiicent sur la Pologne, c'est par Lamarque que la lutte est eugageo. La genereuse Pologne , dit-il , s'est eerie : la liberte ou la mort! Elle tend ses bras supplians vers la France , son a/i- tique alliee; et nous lui repondons : MEURS! Si cette reponse etait sortie de la bouche d'un mi- nistre de Charles X , je la concevrais : il serait fidele a ses antecedens et consequent soil a ses principes soit a ses interets et a ses sentimens. Mais aujourd'hui tout est change : pourquoi done le langage des ministres de Louis-Philippe est-il le meme que celui des ministres de Charles X ? pourquoi veulent- ils considerer la royaute nouvelle comme une quasi-legi- timite? n En presence des Bourbons et bravant leur courroux, j'osai dire que la paix de la restauration n'etait qu'une halte dans la lioue ; et c'est pour continuer cette haltc que nous fermons Toreille aux cris de ces Polonais dont les ossemens se sont meles aux notres sur tant de champs de bataille ! La Pologne, dit Mauguin, est aujourd'hui notre avant- garde, et les braves Polonais restent avec leur seul cou- rage en face de nos ennemis. Qu'ils meurent! soit : ils sont habitues a mourir pour nous. Seances des 27 et 28 Janvier. Est-il un publiciste eclaire , dit Lamarque , qui ne reconnaisse que la cause de la Pologne est celle de tous les peuples ; qu'il faudrait a tout prix relever Y antique bou- levart qui protegeait le midi de FEurope, et fortifier cette avant-garde de la civilisation? Des negociations pourront suffire ; mais s'il faut la guerre , acceptons la guerre : nous aurons avec nous les peuples , et le nouvel Attila aura contre lui la Suede , la Perse , les Tartares , les Turcs , et beaucoup d'autres ennemis. Ce n't'sl pas a nous , simples deputes , dit Bignon , d'indiquer au gouvernement la marche qu'il doit suivre ; rnais , sans parler de guerre, sans vouloir la guerre , son role ne sera-t-il pas d'aller au-dela dts paroles, si les pa- I __ 556 rolos nc soul pas ccoutees : au-dela des communications vfficieuses, si les bons offices ne sont pas accueillis? Pour- quoi les grandcs puissances n'ouvriraient-elles pas un congres pour la Pologne comme pour la Belgique? Pour- quoineprononceraient-ellespasfaiifHtraJife de la Pologne comme elles ont prononce lindepndance et la neutrality de la Belgique ? Ce qui est evident, c'est que laisser les Polonais sans appui on ne leur preter qu'un appui inefftcace , souffrir que les Polonais soient considers* et chdties comme des rebelles, est pour la France une chose absolument impos- sible ; et cette impossibility , je ne la fonde pas seulement sur la communaute d'interets des deux nations , sur leurs liens de reconnaissance et d'amitie , et sur nos principes de <850, je la fonde sur des actes du congres de Vienne que ne peuvent meconnaitre les grandes puissances inte- rcssees dans la question , sur les engagemens pris par enes-memes, et dont nous partageons la garantie, sur les traites de 1815. Je livre ces diverses considerations a la sagesse du ministere, aux reflexions de tons lespeuples civilises , et j'espere que partout elles trouveront des auxiliaires dans la raison publique comme de la sympathie dans tous les cceurs. a u Puisqu'on defend les traites de \ 84 5 , dit Lafayette , il serait etrange qu'on ne rec-IamSt pas energiquement 1'execution de celui qui consacre 1'independance de la Pologne, notre plusfidele amie , qui a verse tant de sang pour nous . et dont 1'existence est une barrierc contre {'invasion des barbares du Nord. J'ai cite , dit Mauguin , des faite qui prouvent que la Russie allait nous faire la guerre : je prie le ministre de s'expliquor sur ces fails ; il les salt, il doit les savoir. Je ne les so is pas , repond Sebastian! de sa place. J'en accuse le ministre : Quoi ! dans leur manifesto, les Polonais nous ont annonce que la Russie marchait conire nous ; que les pieces cxistaient ; que le plan do f.-iinpagno eta it ilresse ; qu ? ils devaient servir Savant- garde : pourqtioi'Ie ministre n'a-t-il aucun renseigncment n cet cgard ? N'a-t-il pas ecrit ? Notre ambassade d> Saint- Petersbourg , nos legations de Varsovie et de Berlin ne lui ont-elles rien envoye? Je suis fache de le dire : la reponse du ministre ne doit pas nous satisfaire, et nous restons convaicus que la Russie marchait contre nous. On parle , dit Sebastiani , de papier s saisis a Var- sovie ; nous u'on uvons aucune connaissance , et pourtant nous avons a Yarsovie uu consul qui entretient avec nous une correspondance reguliere et active. Eh bien ! votre consul carliste vous trahit ; vous de- vicz le prevoir; on vous Fa dit; vous le savez , et vous le conserve/ ! ! . . . Seance du 25 fevrier. Comment , dit Mauguin , pouvez-vous savoir ce qui se passe reellement a 1'etranger , puisque vos agens di- |)lomatiquc.s sont presque tous ceux de Charles X? Votre consul a Varsovie est reste un mois sans arborer le dra- peau tricolore. Comment pouvez-vous connaitre les v^ri- tablcs intentions de Nicolas et ce qui se passe en Russie , juiisque 1'ambassadeur ordinaire, le due de Trevise , est encore a Paris , et que 1'ambassadeur extraordinaire , le due de Mortcmart , est a peine arrive a Saint-Peters- bourg. w a On accuse notre agent consulaire , repond Sebas- tiani , d'etre eontraire a la Pologne , d'avoir meconnu ses devoirs , d'avoir fletri la dignite de sa nation , en al- lant prendre les ordrcs de Constantin pour preter ser- ment. Jc suis persuade que Torateur qui a enonce ces ac- cusations it cette tribune apprcndra avec plaisir qu'il a cte trompe it cet egard. Quelle assurance pour demcntir des fails vrais , que Sebastiani doit connaitre , puisque le serment du consul a ete envoye par Constantin a Mole , et qui d'ailleurs se- ront prouves u la seance du 48 mars! Comment la cham- bre et la France ne seraient-elles pas trompees?Com nient peut-on etre iranquille quand le sort du pays est dans les mains d'un pareil miuistre ? 22 358 Stance du 48 wars. Nous voulons la paix ; nous Taurons ; nous esperons un desarmement general; nous nenous melerons pas des affaires des autres peuples ; nous ne ferons pas la guerre pour la Pologne ; nous ncgocierons ; et si 1'etranger vient nous attaquer chez nous, nous nous defendrons : tel est , en substance , le discours de Casimir Perier , exposant le systeme de politique exterieure du -15 mars. Mais Salverte et Lafayette reclament encore pour la Pologne, et ce dernier lit a la tribune toutes les pieces nices par Sebastiani , le 25 fevrier , et prouvant I'hostilite de la Russie et la trahison du consul a Varsovie. On croit peut-etre que Sebastiani reste confondu a cette lecture : pas du tout. Lorsqu'il fut , pour la premiere fois, question deces pieces , dit-il , je n'en avais aucwne connaissance ( c'est votre faute ) , il me fut impossible de donner des eclair- cissemens ( vous avez nie ). Depuis , je me les suis procu- res ; et ces memes pieces , dont j'offre la communication ( vous les offrez parce qu'on les a ! ) prouvent qu'il n'a ja- mais ete question de guerre centre la France. Ainsi , par exemple , repondant au roi de Hollande qui reclamait son appui, Nicolas declare qu'il est pret a le secourir, si ses allies veulent s'unir a lui. Eb bien ! ni 1'Autriclie ni la Prusse n'ont adhere. ( Qu'en savez-vous ? ) Ainsi est couservce cette paix, que Nicolas lui-meme ne songeait u troubler que dans des interets de famille , interets dont il a etc detourne par A' autres evenemens , et par une poli- tique mieux entcndue. Quel raisonnement ! Cette reponse prouve au contraire que Nicolas songeait a venir retablir Guillaume en Bel- yique , comme la Prusse y songeait elle-meme ; et si la Pologne et 1'Italie ne s'etaient pas soulevees, qui vous as- sure que la Prusse et 1'Autricbe n'auraient pas consenli , ou que Nicolas ne les auraieut pas entrainees, et qu'ils se seraient arretes en Belgique , sans vouloir retablir en meme temps Charles X ? 539 Vous dites qu'il n'a jamais ete question de guerre con- tre la France! Eh bien! vous savez le contraire, et vous Vavouerez plus tard. Stances des 4 et 3 avril. La revolution polonaise , dit Mauguin , n'a que sus- pendu la guerre contre nous. Le plan de campagne de Nicolas contre la Pologne etait connu avant son execu- tion in Vienne , a Berlin , a Paris meme ; et personne ne doutait que les Polonais allaient etre ecrases. Au moment memo ou le general Strogonoff etait en Prusse , y pas- salt des marches conditionnels et preparait les passages militaires , la Russie a ordonne , il y a deux mois , une nouvelle levee de 450,000 hommes, et d'immenses amas de grain dans le duche de Posen. Toutes ses armees s'ap- prochent maintenant de la Pologne. A la meme epoque, 1'Autriche employait 6,000 ouvriers pour fortifier Lints et en faire le boulevart de Vienne. L'ukase , qu'on invoque , et qui ordonne une levee de 450,000 nommesj, repond Sebastiani, ne dit pas un mot de la guerre; il reoferme au contraire de nouvelles assurances de paix. Quelle mconcevable credulite ! L'orateur qui nous a parle de Strogonoff , ajoute-t- il , ne sait pas tout ; Diebitsch lui-meme etait a Berlin ; c'est ^ lui que les negociations ont ete confiees; et je suis lieureux de pouvoir declarer le resultat de ces negocia- tions : la Prusse a montre autant de moderation que de sagesse : elleveut la paix. La Russie voulait done la guerre ! Etes-vous sur que la Prusse voudra toujours la paix ? Quant a Lintz , continue-t-il , si je consulte mes souvenirs ( car j'ai ete a Lintz il y a dix-huit ans ), C'EST une place ouverte, moins forte que Saint-Denis. Parce qu'il en etait ainsi il y a dix-huit ans, il ne peut pas en etre autrement aujourd'hui ! Vous ignorez que la place est fortifiee maintenant ! Et c'st le ministre de 540 affaires ilrangeres qui raisonne ainsi pour rassurer la France. des 42 ei J3 am/. On nous a souvent parle, (lit Mauguin , des nego- ciations entamees avec la Uussie . que sont ccs nego- cialions? Notre ambassadcur avail pour instructions d'implorer la clemence de Nicolas pour les Polonais , en declarant qu'ils avaient eu tort de fairc Icur revolution. Us avaient eu tort ! Et nous done , sommes-nous aussi condamnes, je le demande? Quc le ministre reponde! Le ministre ne re-pond pas a cette question ; rnais il prend le ton plaisant et ironique. On a pretendu, dit-il, que M. Strogonoff ctait venu, en fevrier, a Berlin, pour preparer le passage des trou- pes russes. II faut avouer. Messieurs, que, quand la luttc commen^ait en Pologne , le moment etait bien choisi pour aller a Berlin preparer les etapes d'une armec qui combattait ailleurs ! De semblables suppositions ne sont dignes que d'alimenter la politique de cafe. Alors , rdplique Maugiiin , c'est Nicolas et Diebitscb qui font de la politique de cafe; car il est vrai qu'ils ont envoye Strogonoff, et c'est un fait ires grave; car il prouve que Nicolas croyait ecraser du premier coup la Pologne, et voulait continuer immediatement sa marclie contre nous. Cette revelation pretendue, dira demain Scbastiani . n'est qu'ttne fable ; il n'y a pas de general Strogonoff qui soil major-general de 1'armee russe ; il n'y a pas de ge- neral russe de ce nom qui se soit trouve a Berlin durant 1'hiver. < Les gazettes officielles de Berlin , lui repond Mau- guin, tous les journaux d'Allemagne, et des correspon- dances dignes de foi ont rapporte le voyage de Strogonoff a Berlin. II se nomine Serge Strogonoff, general-major russe , Ills > core pour la Pologne. Nous avons conseille au roi d'of/rir la sienhe 1 premier. Ses allies ont etc presses de s'unir a lui pour arreler i> le combat , pour assurer a la Pologne des conditions de JiatioHatit^ mieux garaniies. Ces negotiations se con- > linuenl ; nous les suivons avec anxiete; car le sang coule, le peril prcsse, et la vicloire n'est pas loujours lidclc. Ainsi , pendant qn'on npus accusait d'une pre- tendue indifference , chaque jour nous voyait tenter conduire, on ne pease plus a la Pologne! ou 1 bien si i) Ton y pense, on sc borne a remettre des notes, a fairc des representations, lorsque depuis long-temps les actes awaient du succeder aux paroles. Deputes de la France, batons-nous : des aujoiini'hui pretons a la Pologne 1'appui de notre voix ; protestors i) d'avance centre sa ruinc teraporaire; declarons qur i nous n'y souscrirons jamais, et que nous avons la cer- titude que notre gouvernement ne laissera pas perir la nationaliU polonaise. L'entendez-vous? c'est Hignon qui parlc ainsi , cVst 1111 diplomate cxperiracnte, un homme pacitlque el mode'rc, mais qui s'indigne de la lachote , II faut . , dit-il, quo la France sache tout < lus d'Kjncs des hommoycs du (jcnre Intmain. (Tres bien!) Messieurs, celte recoiiuaissauce , je ne la deuMii.ic !>as aujourd'liui. Par t-gard pour une circoiispet lion que e gouvernemeut croit conforme'a 1'interel publir , j'ai cherchv la forme la plus discrete ol ia plus rcservec , afia de pouvoir, sans danger, proclamcr la sympaityie si pro- fonde, la confratcrnite si pure et si sincere de la France pour la Pologne, sans exciter aucune inquietude dans cette chambre , sans faire naitre la plus legere apparence de difficulte pour le cabinet. i) J'en conviens , messieurs , de la part d'un homme quel (ju'il fut, le mot certitude, jcte sur 1'avenir, serait, avec. raison , regarde comme un indicc d'orgueil revoltant , cominc une usurpation sur le domaine de la divinite ; niais 0(3 qui serait deplace et inadmissible dc la part d'imc individualile humaiue, cesse de 1'etre de la part d'un grand peuple (vives marques d'adbesion), parce quc la ce n'est pas la vanile , ce n'est plus 1'ambition ni memo une sagesse isolee qui parle ; c'est un sentiment profond et vrai qui s'ecbappe de tous les cffiurs d'unc population immense; c'est une croyance genereuse, une conviction forte qui se produit avec eclat , qui par cela meme a le droit d'emprunter , en quelque sorte , la langue des oracles. II y a pour les peuples un autre horizon quo pour les individus. L'ffiil d'un peuple a une tout autre portee que la vue d'un prince ou d'un cabinet. Les princes meurent , les peuples lie meurenl pas ; un peuple surtout qui, comme la Pologne, enseveli un moment dans do glorieuscs ruines , a brise la pierre de son tombeau , et s'est de nouveau elance a la vie, un tel peuple ne pent mourir. C'est comme peuple assure de notre immortalite que nous devons dire au peuple Polonais : et vous aussi , vous tes immortels! (Applaudissemens. ) i) S'il avait existc , messieurs , une autre expression, plus significative encore que le mot certitude , je vous 1'aurais proposee , parce qu'il ne peut y en avoir aucuue qui le soil trop pour rendre une grande pensee nationale comme la certitude que vous avez et que Vous voulez avoir a tout jamais de I indestructible nationality polo- naise. Mais , m'objecte-t-on , vous violentez le gouverne- ment ! Non , il reste maitre et responsable. Vous inquieterez la Russie ! Je sais fort bien , assurement , que mon amendcment n'est pas coucu ainsi 350 qu'il dcvrait 1'etre pour otrc tout-it- fait approuve en Kussie; mais faut-il done que la France aille prendre ses opinions a Petersbourg! Non , messieurs, pas plus que la Russie n'est obligee de prendre ses opinions en France. Quant a la fantasmagorie trop souvent reproduitc dcs guerres de principes et de propagande , permettez- moi de reduire a leur juste dimension ccs fantomes que Ton fait apparaitrc devaut vous. Sans contredit , comme regie generalc , nous aussi nous reprouvons les guerres de priricipe et de propagande ; nous pensons que tout gouvernement sage doit s'en abste- nir. Mais sortons des generalites, allons a Implication. Quels sout les pays a 1'occasion desquels il soil possible en ce moment de faire des guerres que Ton puisse qualifier ainsi? C'est Yltalie, c'est la Pologne. Eh bien! messieurs, si notre cabinet , dans sa sagesse , dans sa prudence , apres avoir bien pese les avantages, avait cru devoir faire la guerre a propos des evcnemens qui ont lieu dans Tun ou 1'autre de ces pays, il cut pu , il cut du memc, comme ressource , comme instrument , employer les moyens que fournit I' esprit de propagande; mais en re'alite il cut fait une guerre d'interet et de calcul. El d'abord , n'est-ce pas un interet que I'identite de systemes, d'idees, de vues, entre tels et tels peuples , contre les idees, les vues, le systeme de telles et telles puissances ? Pour un etat qui , comme la France , a ete oblige- de changer sa dynastic , c'est un interet de ne pas souffrir qu'on chdtie ailleurs comme des rebelles les na- tions qui ont aussi voulu briser le sceptre du droit divin : mais cet interet n'est pas purement intellectual et moral 5 il est materiel, territorial meme. 9 En effet , messieurs, laisser refouler, dans un mode d'existence antipathique au n6tre , des populations soule- ve'es par des sentimens conformes aux notres , c'est livrer a une politique ennemie des populations et du territoire qui biento', hd fourniront contre nous des ressources, de I' argent et des armees ; et , d'ailleurs , etait-ce done des guerres de principes que celles que nous avons faites si long-temps en Ilalie , pour y limiler la preponderance autrichienne? Serait-ce surtout une guerre de principes quo cellc qui aurait pour objet dc retablir en Pologne un etat puissant, necessairement notrc ami , capable d'arre- ter le debordement de I'empire russe et d'operer pour tous, en certains cas, d'importantes diversions? Si Ton s'etait battu ou si Ton devait se battre pour la cause de la Pologne ou de 1'Italie , ce seraient la , quoi qu'on en puisse dire , de bonnes et solides guerres d'inte- ret, et non des guerres de propaganda ou de principcs; mais ces guerres , quelle qu'en soit la nature , quelque avantage que certains esprits puissent y apercevoir , nous ne les conscillons pas , nous ne les demandons pas , et mon amcndement surtout n'a rien qui puisse y conduire. Non , la destruction de la nationalite polonaise n'est pas possible , et vous ne balancerez pas a le proclamer. Au moment fatal ou ce peuple de heros est dans les an- goisses d'une glorieuse agonie, pourriez-vous refuser a ces braves qui meurent la certitude de 1'immortalite de leurpatrie? (Applaudissemens.) Je ne crains pas de le dire , ce discours , d'un diplo- mate habile, prudent, pacifique et modere, ne permet pas de replique. Mais Barthe, qui sait que la Pologne est destinee it perir, a le courage de venir demander la substitution du mot espoir au mot certitude. On demande la cldture : elle est prononcee; on va voter sur 1'amendement , et tout annonce qu'il sera adopte. Mais Casimir Perier demande la parole : quelques membres , croyant qu'il veut allonger la discussion pour faire renvoyer le vote au lendemain, afin de pouvoir influencer certains deputes , lui orient que la chambre a ferme la discussion et que personne ne peut la rouvrir. Invoquant 1'article 46 de la charte et les prerogatives ministerielles , il pretend qu'un ministre a le droit de parler meme apres la discussion fermee; il exige la parole au nowi de la charte et pour la charte. Un effroyable tumulje s'eleve; le presidents couvre; la seance est suspendue , reprise , et de suite renvoyee au lendemain. Mais 1'effet desire est produit , augments meme le len- 550 domain par uno longue discussion sur l'oragc dc In veillo. Sous pretexte do no parler quo sur unc position de ques- tions, Casimir Perier parle sui' la question deja close , et soulient quo le mot certitude engagerait le gouverne- niont et serait uue veritable declaration de guerre. Bignon monte a la tribune et persiste dans son amen- doment : mais lorsqu'il descend , Sebastiani, qui monte, lui parle a voix basse ; et Bignon declare quo, le ministre lui proposant de substituer assurance a certitude, il con- sent a cette substitution , au grand etonnemeut du cote gaucbe, qui voit dans cc cbangernent 1'abandonde Tamcn- dernent. Helas ! I" 1 assurance donnee par le gouvernement no valait pas memo un espoir! Et par leur opiuiatrete a repousscr la reconnaissance de la Pologne et la certitude de la conservation de sa nutionalite, Louis-Philippe , ses ministres et le juste-milieu portent le d^couragement , le desespoir et la mort a ccttc malheureuse nation. Louis-Philippe , la considerant sans doute comme dej a morte, n'en parle pas meme dans sa reponse a 1'adressc des deputes , quoiqu'il n'oublie ni de mcnaccr les facticu.r. c"est-a-dire tous ceux qui n'approuvent pas son systemc, ni de presager un heureux avenir qui calmera toutes les inquietudes et raffermim la con fiance publique. Helas ! encore , il n'est prophete quo quand il prodit la ruine de la Pologne ! Seance du 10 septembre. Quelques-uns des nombreux amis de la Pologne con- st'i-vi-nt copondant encore quclque espcrance , ot quatrc petitions, couvortos dfs signatures dc plus de quinzc cents ritoyons de Paris, Metz, le Mans, etc., prient la chambre de soHiciter aupri-s du tr6ne la reconnaissance officiellc de la nationalile polonaise. Nous avons du croirc , dit ftignon. quo le gouvernc- ment cherchait ct attendait avec impatience le moment de reconnaitre iindependance de la Pologne. Ce mo- ment est doja \cnu : I entree de nos troupes on Be!- gique et le cholera- morbus , qui rend loute guerre impossible, lui en donnaient 1'occasion. Malheureusement le ministere ne veut profiler de ces avantages ni dans Tinteret de la Pologne , ni dans 1'interet de la France. II serait cependant beau, honorable, et surtout poli- tique, de reconnaitre 1'independance de la Pologne la ' veille merae du jour ou elle louche a one grande ca- laslrophe. La Pologne est etranglee par la Prusse, dit Lafayette; c'est dans la Prusse que la Russie a mis sa principale confiance; c'est par la Prusse que sa ligne de communi- cation , qui avail etc coupee , et qui le serait encore , a ete retablie. n le signale ici le danger le plus pressant ; c'est Yhostilite de la Prusse centre la Pologne. Toutes les communications sont interceptees et par la Prusse et par 1'Autriche ; le gouvernement prussien est tout russe au- jourd'lmi ; la police qui se fait a Berlin et a Breslau est une police russe. Ce n'est , messieurs, que par un langage fort, par un langage des journees de juillet, que vous mettrez obstacle a cet etat de choses , et il ri'y a pas un moment a perdre. Messieurs, toute la France est polonaise, depuis le veteran de la grande armee jusqu'aux enfans des ecoles; oui , toute la France est polonaise ! Le gouvernement fran^ais, j'aime a le penser, est polonais aussi 5 mais , au nom de Dieu , qu'il le montre done d'une maniere energique : car enfln ce n'est que par Yenergie que nous pouvons reussir. On parle de complols dans les colonies militaires russes, et de deux cents officiers qui auraient ete pendus ; on assure que Nicolas a compare la conduite des insurges a celle des rebelles polonais .et des rebelles francais. Vous save/ comment il traite les rebelles polonais ; vous pouvez juger de ce qu'il ferait des rebelles francais s'il en avait les moyens. J'insiste done pour la reconnaissance immediate de la Pologne, aujourd'hui , a 1'instant meme. 23 354 M;iis ce qui est encore plus urgent , c'est d'empecher la l*russe d'etouffer la Pologne. Je conjure done MM. les ministres de se montrer forts sur ce point , et de parlcr a la Prusse le langage qu'elle a du comprendre aux premiers temps de la revolution , puisque ce langage Yempecha d'intervenir dans les affaires de la Belgique. L' envoi des petitions au conseil des ministres est pro- nonce par la chambre a la presque unanimite. Mais cet envoi a est qu'une deception : les ministres ne s'en occu- peront meme pas , ils savent que la Pologne est destinee a perir ! Seance du 16 septembre. Enfin , le 46 septembre , le Moniteur annonce la funeste capitulation de Varsovie. Une depeche te'legraphique de Strasbourg , dit-il , a appris , ce soir , que Varsovie avait capitule le 8 , i) apres deux jours de combat. L'armee russe a pris possession de la ville. L'armee polonaise s'est retiree I dans le palatinat de Plosck, et se porte sur Modlin. Quelle secberesse ! quelle insensibilite ! Qu'est devenue cette sympathie dont le gouvernement a fait si souvent parade? Le meme jour, Mauguin demande la parole pour un fait particulier; mais le centre, qui devine qu'il va parler de la Pologne, veut la lui refuser; et ce n'est qu'avec peine qu'il Tobtient. II annonce qu'il demandera aux ministres des explications sur la Pologne et la Belgique . mais qu'il ne les demandera que dans trois jours , parce qu'il est d'usage de laisser aux ministres le temps de se preparer a re'pondre. Le gouvernement , re'pond fierement Sebastiani en- courage par ce delai , est pret a donner aujourd'hvi mime tous les renseignemens qo'on peut desirer. Faites connaitre de suite les derniers evenemens . crie-t-on de toutes parts. voyerent un officier a qui je donnai un passeport (et 2,000 fr. ) ; c'etait une obligeance ; mais il ne portait uucune depfclie franqaise. (Quelle raison ! ) On 1'arreta a Posen, sous le pretexte que la conta- gion y regnait, et que, par consequent, il etait assu- jetti a la quurantaine. II fut conduit dans un village , n et , quand il en sortit , on lui fit subir une seconde quarantaine. Je 1'avoue, il n'y avait pas la toute la i) bonne foi desirable ; mais etait-ce un cas de guerre? Nous ne pouvions que prevoir des malheurs , et nous les avons prevus ; que veiller sur la natkmalite , et nous y avons reille; nous avons {'assurance qu'elle sera con- servee. ( Belle assurance !) Ainsi la Prusse , bien avertie que vous reculez devant la crainte de la guerre , arrete les courriers munis de vos passeports, montre la plus insigne mauvaise foi , vous in- sulte et vous souffrez tout ! ! ! On aura peine a le croire un jour , Casimir Perier ose accuser les defenseurs de la Pologne et signaler leurs plainlcs et leurs reclamations comme la cause de Vemeute quo la cbule de Varsovie excite, a Paris, en Franre et 560 niemc en Europe , inais il est stir d'une majorilc devouee ou trompee , et sa hardiesse n'a plus rien qui doh c etonner. La discussion est adroitement (car il faut le reconnai- tre , il a de 1'adresse , le juste-milieu ! ) est adroitement detournee et jetee sur les emeutes; Barthe vient lire des journaux et des Merits (sur lesquels on lui donnera de- vant la justice des dementis formels) ; il se plaint , avec une profonde Emotion, du mal que font les emeutes , la presse , Talliance des republicans et des carlistes , etc. La Pologne! s 1 eerie Lamarque ; serait-il vrai que cette heroique nation , qui n'avait offert sa poitrine a la lance des Tartares que pour nous servir de bouclier , va succomber parce qu'elle a suivi les conseils que lui ont donnes la France et I'Angleterre? n Mais est-ce le seul tort des ministres ? non ; ils ont laisse faire a la Prusse , et cestdevant la Prusse que suc- combe la Pologne. Sans son secours, les Russes n'auraient pu se soutenir , ayant leur ligne d'operations coupee; sans les vivres venus de Dantzig et de Thorn , sans les bateaux qui ont remonte la Vistule et servi a jeter le pont , jamais un cosaque ', du moins un corps d'armce n' await franchi ce fleuve. La Pologne, dit Thiers, est une vaste plaine entou- ree d'etats qui ont des frontieres tres solides : elle n'a point de montagnes pour se defendre , et le plus beau de ses fleuves ne coule pas autour de son territoire , inais att milieu. La Pologne avait un gouvernement sans cohesion ; i) elle n'avait ni tiers-etat , ni Industrie , ni richesse. Le partage de la Pologne fut un grand atictital; ii mais cet etat etant necessairemeut soumis a linjluence i> de la Russie , et la Russie voulant d'ailleurs prendre aux Turcs la Moldavie et la Valachie, et par conse- w quent V embouchure du Danube, le grand Frederic pensa que le partage de la Pologne serai t beaucoup plus n utile ft la surete de I' accident de V Europe. L'interet qu'excile la Pologne n'est done qu'un inte- ret de sentiment et uon de politique. Au Thiers, depute de 4854 , opposons le Tbiers liis- toriende 4824. Le partage des elats venitiens n'avait rien qui res- semblat a I'attentat celebre qu'on a si souvent reproche & VEurope. La Pologne fut partagee par les puissances memes qui Y avaient soulevee et qui lui avaient promis > solennellement leurs services. La Pologne etait un etat dont les limites etaient clairement tracees sur la carte de I' Europe; dont 1'independance etait, pour ainsi dire, commandee par la nature, et importait au repos de I' Occident; dont la constitution, quoique vicieuse , etait genereuse ; et dont les citoyens, indignement tra- it his, avaient deploy e un genereux courage et avaient merite Vinteret des nations civilisees. Con^oit-on qu'un historien puisse se dementir ainsi? Napoleon, continue Thiers, croyait aussi que la Po- logne serait toujours soumise a I' influence de la Russie. II est vrai que Napoleon a dit qu'il voulait faire une Pologne; mais voici pourquoi : il avait supprime , pour ainsi dire , la Prusse et 1'Autricbc ; entre lui et la Rus- sie , il n'y avait rien (ni terre , ni habitans pour la de fendre), il voulait y mettre la Pologne, preoccupe de cette idee que la Russie devait deborder en Europe. Et e'est pour cela que vous jugez inutile de lui crcer une barriere ! a Mais Napoleon se trompait : les faits prouvent que la Russie n'est pas redoutable ; car , a cette Russie qui devait tout envahir, il a fallu deux campagnes pour s'emparer de quelques forteresses turques ; il lui a fallu pres d'tnie annee pour vaincre une poignee 'de braves ( 400,000 Polonjjis!) Quoi ! elle envahit, elle conquiert , elle avance tou- jours , et vous invoquez les faits pour prouver sa faiblesse! Du reste , vous invoquez et vows repoussez 1' opinion de Napoleon suivant que cela vous convient : rien n'est plus qoramode. En cas de guerre, il serait utile pour nous d'avoir i) des allies dans le Nord. Sans doute ; mais quel est le politique qui a jamais songe a se faire des allies a qua- 362 ire cents lieues, et un allie auquel il faudrait rendre I' 'existence ? On appelle la Pologne Yavant-garde de Tar'mee fran- caise ! J'accepte la comparaison. Eh bien ! quel est le general qui a jamais place son avant-garde si loin de son corps de bataille ? Quelle argumentation ! que de puerilites ! Polanghen ne peut contenir que des batimens de 50 i) tonneaux (Sebastian! a dit de 450), et na d'ailleurs etc que quarante-liuit heures en la possession des Polo- it nais. Les insurges polonais , qui 1'avaient en fevrier et mars, 1'ont perdu en avril ou mai ; niais Gielgud , qui se diri geait expres de ce cote avec 4 ou -12 mille hommes , et qui pouvait en avoir 20 mille , Taurait repris s'il eut recju de France la nouvelle que cette prise etait utile. Le co- mite polonais de Paris et la legation polonaise voulaient d'abord y envoyer des fusils et de la jjoudre ; mais on prefera les envoyer par terre , et ce n'est que quand on connut I'hostilite de la Prusse et de TAutricbe qu'on se decida a faire partir pour Polanghen deux expeditious de plusieurs batimens chacune. Malheurcusement ils n'ar- riverent que trop tard , en septembre , apres la prise de Varsovie ; mais Sebastiani sait bien que la Pologne pou- tait recevoir des secours importans par Polanghen, et ce- pcndant il nie ! . Quant au conseil d'eviter le combat , dit Thiers en terminant , je crois que le gouvernement ne I' a jamais donne. C'est la vieille et imposante voix de Lafayette qui pul- Terise cet echafaudage historique et politique : Vou nicz ic.s conseils donnes aux Polonais et leur funesie influence! dit-il; eh bien! ecoutez ce qu'a de- clare le ministre Czartoriski aux chambres polonaises. Et il rapporte ses paroles. Vous dites que ce n'est qu'un article de gazette! Eh bien! ecoutez la lettre que je vicns de recevoir de la le- gation polonaise. Et il donnc lecture de cette piece. Quant au courher envoye par cetfe Ic'-gation avec ua 365 passeport delivre par notre minister, arrete en Prusse ct perGdement soumis a deux quarantines inutiles , parce qu'il arrivait des pays exempts de la contagion , est-ce aussi par mesure de quarantaine qu'on Ya enferme dans sa chambre avec un factionnaire a sa porte ? II vous a ecrit pour se plaindre , et vous avez tolere cette insulte ! Je ne viens pas, dit Guizot, defendre un ministere siiffisammonf, defendu ; je viens attaquer la politique , les idees , les INTENTIONS ( il niera tout-a-l'heure qu'il ait parle des intentions) et les actes de ses adversaires , qui sont les notres. L'opposition s'est mise en etat de guerre avec le gouvernement espagnol , aVec tous les gouvernemens italiens , avec le catholicisme ; elle a compromis la Bel- gique en poussant a la reunion , puis a la demagogic 5 elle a compromis la Pologne en fayprisant le parti polonais qui voulait la violence. Les peuples apprecient mieux que vous Y opposition et le juste-milieu ! Ils savent bien ou sont leurs amis et leurs ennemis. u Notre doctrine, repond Odilon Barrot, est de ne precipiter ni encourager les peuples a faire des revolu- tions prematurees et a cueillir le fruit avant qu'il soit mur, mais de ne permettre jamais qu'une puissance etran- gere empeche c,e peuple de le cueillir quand il le juge parvenu a la maiurite. Le lendemain , Casimir Perier , executant un plan dicte par 1'adresse et la ruse , vient encore detourner Y attention generate en la reportant sur les emeutes. Mauguin avail dit que , si Ton voulait faire une en- quete , il indiquerait les preuves de la participation des agens de police dans les emeutes. Casimir Perier refuse Tenquete , et cependant il de- rnande les preuves , comme s'il etait possible d'avoir , contre un crime commis par la police , d'autres preuves que des femoins a faire entendre dans une enquete ! C est la seconde fois , dit-il , que 1'orateur entretient le public de ses doutes ou de ses assurances a ce sujet. Au niois de mai dernier , defendant , comme avocat 56* ( il n'est ni parlementaire ni constitulionnci de repro- n chcr au depute ce qu'il a dit commc avocat) , le gerant n d'un journal, M. Mauguin dit devant la justice : J'a- vance qe la police est intervenue dans la plupart des mouvemens populaires , et, si Ton veut, j'en indiquerai les preuves. Les proces du National sur les embrigademens , et du Corsaire sur Faction de la police dans les journees des 5 et 6 juin , ne prouvent-ils pas que Mauguin avail raison? Quoi ! depuis quatre mois M. Mauguin a des preuves que la police, que le gouvernement qui la dirige , excitent les emeutes (il n'a pas dit excite, mais inter- vient) , et il les a laissees dans le secret! (II vous les a toujours offertes , et vous les offre encore : faites uue enquete). n Quel crime du gouvernement envers le pays, s'ecrie t-il, si 1'accusation de M. Mauguin est fondee ! (Oui, et ce crime est aujourd'hui constate. ) Mais qucl crime envers le gouvernement si 1'accusatiou etait calom- nieuse ! Oui, si elle est calomnieuse ; mais tant que vous refu- serez Yenqutte , vous ne pourrez crier a la calomirie. Accordez done I'ENQUETE : c'est evidemment le seul rooyen de connaitre la verite. Mais vous la refuses, comme vous refusez toute communication de pieces ; et nous avons le droit de tout supposer et de vous dire : vous craignez la verite ; vous vous sentez COUPABLES ! Hier , dit-il , dans les groupes on criait a la trahison! v Voila Teffet des accusations continuelles centre le gou- vernement. Le gouvernement laisse perir Tltalie et la Pologne^ il refuse d'organiser la garde nationalc mobile , compromet le salut public , inquiete les patriotcs, et vous vous eton- nez qu'on crie a la trahison! i On criait: vive la Pologne! a bos Louis-Philippe'. Devons-nous voir dans ces cris le sentiment national ? Et quand , par votrc systeme , c'est vous qui doniiez naissance a ces cris , c'est vous qui accusez les defcnseurs de la Pologne ! 565 Quc los amis du gouvernement montrent de la con- fiance et de 1'energie , et les elemens de troubles seront neutralises par la confiancc publique. L'energie ne vous a pas manque : ou sont la confiancc el la tranquillite? J'ai pris la parole, ajoute-t-il, pour savoir si le gou- \crnement peutcompter sur I'appui de la chambre , si elle s'associe a ses vues et a ses travaux, si elle partage son systeme. Comedie ! vous etes sur de votre majorite ! vous avez concerte votre parade avec vos meneurs ! En votant Yadresse, vous avez partage nos principes , noire systeme de paix, notre respect pour les traites n de ^ 8^ 4 et \ 81 5 , notre antipathic pour la guerre et notre horreur pour la propagande. En ouvrant la session , le cabinet vous a dit : Voila mon systeme, JUGEZ-LE; et la charabre a repondu : fadopte ce systeme et je TAPPUIERAI. Nous avons done forme un contrat politique, un en- gagement mutuel, qui ne pourrait etre ineconnu ni par nous sans deloyaute ni par vous sans inconsequence : vous et nous , nous sommes egalement responsal>les et solidaires. Non , non , mille fois non ! Pour juger , il faut avoir les pieces , et vous avez toujours refuse de les comtnuniquer. La majorite a pu etre trop confiante et trompee par vous; mais vous seuls restez compiables et responsables. Le general Lafayette lui-meme , ose dire Casimir i Perier , ne semble-t-il pas rendre a notre systeme un memorable hommage en retrogradant aussi , pour ainsi dire , dans son langagc , ou nous ne voyons plus i) paraitre les mots sacrarnentels de programme, d'insti- tutions republicaines et de consequences de la revolu- tion , dont il a fait prudemment le sacrifice au mouve- i) ment reel des idees et des inierets du pays. Quelle temerite ! quclle audace ! car il y a trois mois , le 1,") juin , dans sa lettre a ses cotnmettans , Lafayette a i-cippele tous ces mots et en a constamment depuis pro- fesse les principes et les consequences. 566 Vous nicz tout! Eli bicn! consentcz done a uno en- quete. Quant aux Espagnols, quoi ! c'est M. Guizot qui ose accuser 1'opposition! Mais c'est lui, M. Guizot, c'est lui qui , ministre alors, et rnaitre de la police , a fait donner les passeports aux refugies espagnols avec les secours de route qu'on accorde ordinairement aux militaires. Faut- il dire qui leur a donne des armes, de Y argent? faut-il franchir les convenances?... (II s'agit du roi lui-meme , voyez tome 4 er , page 225. ) Et c'est nous qu'on accuse ! c'est M. Gui/ot qui , dans sa conscience, estnotre accusateur! voila les armes du ministere contre I' opposition! Jugez de la moralite! Ceux qui savent que Guizot favorisait reellement 1'ex- pedition des Espagnols ne peuvent croire qu'il veuille re'pondre a Mauguin 5 mais rien ne 1'arrete. Apres la revolution de juillet , dit-il, les refugies es- pagnols en France et en Angleterre concurent le projet de tenter un mouvement sur les froutieres de leur pays. Beaucoup de membres de 1'opposition actuelle et tous les journaux les encourageaient. (Oui , on ne 1'a jamais nie ; ruais vous aussi , quoique a regret peut-etre. ) Que devait faire alors le gouvernement ? il prit la resolution de se renfermer dans les lois de la liberte stride; de traiter les refugies espagnols, dans tous leurs mouvemens sur le territoire francais , comme des Fran- cais; de leur accorder toute la liberte, tous les x droits dont jouissent les Francois, rien de moins. rien de plus. C'est a ce litre que , quand ils ont voulu se proine- ner sur le territoire francais (se promener! c'est char- mant! Vous ne saviez pas qu'ils allaient revolutionner TEspagne ! ) des passeports leur ont ete delivres comrae a tous les citoyens ; ils ont pu se rendre a Bayonne ou a Perpignan. ( Pourquoi done ensuite avez-vous emprisonne ces Espagnols, les I (aliens et les Polonais?) Beaucoup d'entre eux se presentaient comme voyageurs pauvres ; on leur a delivre des passeports d'indigens, aVec le se- cours de trois sous par lieue. ( Et les armes fournics par vous, Yargent donno par Louis-Philippe, le mariaye du 5C7 Aussi I'illustrc general s'empresse-t-il de declarer qu'il ne desavoue rien de ce qu'il a dit dans cette lettre a ses commettans. Qu'avez-vons fait pour la Pologne? dit Mauguin. Vous avez ecrit quelques lettres, et seuleraent ecrit des lettres! Encore quels sont les termes de ces lettres? Nous soutenons qu'elles ont ete incertaines et timides ; vous soutenez le contraire , montrez-les. Mais vous n'en avez pas meme adresse une seule a la Prusse , pour I'empecher d'intervenir : montrez vos de- peches et les reponses qu'on vous a faites. Pour justifier votre inaction, M. Thiers a cite cellc de TAnglelerre. Mais 1'Angleterre n'a ni la meme posi- tion , ni le meme interet que la France : celle-la peut't-tre egoiste, celle-ci ne doit pas eireingrate. II invoque 1'opinion de Napoleon sur la Pologne ! Eh bieii ! apres un long examen , Napoleon termine en disant que Yinteret de la France exige le retablissement de la Pologne. Quant a 1'attaque dirigee centre moi personnelle- mont parM. le president du conseil pour des paroles que j'ai prononcees cotnme avocat, il y a quatre mois, devant un tribunal , je persiste : oui , j'ai dit que la police n'e- tait pas etrangere aux emeutes ( ce qui est bien demontre aujourd'hui) ; que le pouvoir les avait peut-etre aidees; et que j'en indiquerais les preuves : eh bien ! faites une ENQUETE , et je suis pret a les indiquer : ne reculez pas devant Yenquete ! ce serait reconnaitre que vous redoutez les preuves. Mais , ajoute Mauguin , vous accusez Yopposition d'a- voir excite les revolutionnaires espaguols , italiens , polo- nais et beiges. Quant aux Italiens, on dit que le ministre des affai- res etrangeres a vu des membres du gouvernement pro- visoire d'ltalie. Jamais! s'ecrie Sebastiani. On m'a affirme qu'il avait secretement declare aux Italiens , comme il V avait fait a la tribune, que la France soutien- drait le principe de non-intervention C'est faux! s'ecrie de nouveau Sebastiani d'un ton peu parlemen- taire. 308 due de Nemours avec dona Maria , future reine d'Espa- gne et de Portugal , vous n'en parlez pas ! ) i) Mais le gouvernement espagnol , inforrae des ras- serablemens qui se formaient sur la frontiere , reclama aupres de nous. (Vous n'aviez pas devine qu'il reclame- rait! ) Nous recounumes que nous avions des devoirs en- vers lui. (Vous n'en saviez rien auparavant! ) Nous fimes alors desarmer, disperser et rentrer les refugies. A-t-onjamais vu une aussi pitoyable justification? Et c'est Guizot qui accuse 1'opposition d'avoir excite les Es- pagnols ! c'est un ministre ! Au lieu de parler de la Pologne , Dupin vient adroite- mcnt parler deux heures pour instruire les deputes rum- veanx sur les emeutes , qu'il passe toutes en revue ; sur les republicains , le pillage, la loi agraire; sur cequi s'est dit en decembre -1850 chez Laffitte, chez Lafayette, au Palais-Royal, et sur ce qu'ont dit ou repete Laffitte , Lafayette. Montalivet, d'Argout, le roi lui-meme : si tout cela est combine , prepare , concerte pour detourner 1'attention , pour effrayer les peureux , pour amener in- constitutionnellement le roi dans la question , et pour obtenir des cris de xwe le roi ! ce c'est pas malhabile. A cote des cris de vive Varsovie! vive la Pologne! dit-il alors , on criait , en cliceur , a l)as les ministres ! a bos Louis-Philippe! on les accusait de traJlison ; on a assailli deux ministres : dira-t-on que c'est le gouverne- ment qui excitait ces cris et ces altaques? Je m'opposc a [" enqueue, parce qu'elle cst inutile. Quelle logique ! Ce n'est pas de toutes les emeutes et surtout de celles de septembre que Mauguin parlait quatre mo's auparavant. Casimir Perier, sentant bien que le mot emeute a pro- digieusement d'empire sur le juste-milieu , vient encore d'exploiter ce terrain 5 denaturant les faits ou les suppo- sant, il affirme que Mauguin a dit qu'il AVAIT des preuves centre la police ( TANDIS qu'il a dit seulement qu'il m- DIQUERAIT les preuves) , et qu'il 1'a accuse lui-memc D'ETRE f agent secret de Charles X ( tandis qu'il 1'a accuse D'AVOIH ETK ncgociateur secret pour Charles \ a 569 I' Hotel-de-ViUe , et de s'etre oppose a la decheance , i'aits avoues et certains). Cette tactique, aidec par un ton de doulcur et d'atteu- drissement , produit son effet sur le centre ; et d'Argout le negociateur patent de Charles X au 29 juillet, enhardi par Fappui de 1'armee ministerielle , s'emporte jusqu'a dire qu'il roue une guerre a mort aux factions et aux factieux ( ce qui veut dire a scs adversaires , qu'il qualifie ainsi). Ihiutjuiit remonte a la tribune, et retablit la verite, prouve qu'il n'a attaque qu'apres I 1 avoir ete lui meme , et pour se defendre prouve aussi que c'est C. Perier et Gui- zof'qui ont apperte les passions et la violence , Guizot en accusant les intentions memes de I' opposition , C. Perier en 1'accusant lui -merae de calomnie au sujet de ce qu'il avail dit quatre mois auparavant devant un tribunal. Qu'on relise aujourd'hui ces debats si orageux : on verra avec un etonnement mele d'admiration , la verite , le courage et le talent , quoique trop faiblement soutenus par le cote patriote qui souffre les continuelles interrup- tions du centre, lutter seuls contre IPS interruptions , contre les dures apostrophes , centre les c'est faux de C. PMer, de Sebastian! et de Soult , cpnire la violence cal- culee des ministres et de leurs principaux amis. Quand 1'eloge de Yarmee, son entree en Belgique et 1'annonce du desarmement general cspere sont pres de completer 1'effet deja produif , Ganneron se rend 1'organe de la proposition suivante : J'ai 1'honneur de proposer a la chambre de decider que , satisfaite des explications donnees par les ministres et se confiant dans leur sollicitude pour la dignite exte- rieure de la France et pour la surete interieure , elle passe a 1'ordre du jour. Vainement objecte-t-on que le ministere n'a produit aucunc ^jiece , aucune preuve. Vainement Casimir Perier vient-il outrager la repre- sentation nationale et attenter a 1'independance des re- presentans , en disant . a 1'occasion de Laurence (qui sera rfestitne plus tard de ses fonctions d'orocat general] ({nun 24 570 depute fonclionnaii-e public doit il'aLord romplir ses dt> Mjirs euvers le gouvernement en sa qualito de fonction- naire. Vviinement les bureaux ont-ils repousse la proposition Maiirjuin peur une enqutte , et la proposition Saherte pour une communication des pieces. Vainement Laffitte , etc., soutiennent-ils que 1'ordre du jour motive* de Ganneron est inusite , eoutraire au re- glement , inflniment daugereux. Vainement Odilon Barrot croit-il tout concilier en desavouant Mauguin et en proposaat 1'ordre du jour pur et simple. Casimir Perier, qu'encouragent tant de concessions, veut habiiement exploiter ses avantages. Bites formellement , s'ecrie-t-il , si nous sommes cou- pables des accusations portees contre nous , ou si vous nous croyez digues de rotre confiance ; adopfez la propo- sition de M. Ganneron ; ne nous laissez pas sous le poids d'une accusation qui n'aurait pas ete purgee. Et 224 voix contie -156 adopte ce fameux ordre du jour motive! Et la chute de Varsovie, qui pouvait briser un trone , et qui devait renverser le ministere, si la discussion avail ote concenlree sur la Pologne , c'est-a-dire si Casimir Pcrier ne I 1 avail pas detournee sur les emeutes, est mo- rncntanement pour lui ('occasion d'un triompbe dans la cbambre ! ! ! Mais ce triomphe surpris n'est qu'un mensonge; point tYenquete , point de pieces , et par consequent point de jugement! et, comme le disait Casimir Perier , le gou- vcrnement reste sous le poids d'accusations non purgees! Seances du 9 avril ^8oo. Quelle affligeante et lionteuse metamorpbose ! Lc {ou- ^ernement , qui proclamait si haul sa sympathie pour la Pologne , demande une loi pour parquer , emprisonner . oxpulser les Polonais presents , quand la France entiero voudrait les porter en triomphe pour adoucir leurs mal- hctirs. 574 \u debut dc cette session , dit Coulmann , empreinte de la volonte de notre genereuse nation , avec la certitude que tout est possible et facile a Tcnthousiasme frangais , que demandiez-vous au gouvernement ! C'est de mettre I'epee meme , s'il ne restait pas d'aulre moyen , dans la balance de la cause polonaise, qui, a la honte desgouver- nemens de 1'Europe, a vu flechir le courage et la justice devant la vengeance et le despotisme. Quelques mois sont a peine ecoules , Varsovie est tombee ; un ukase reunit a jamais le royaurae de Polo- ;jue a 1'empire russe; ses plus nobles enfans sont pros- crits, depouilles, assassines ; etnous, defendus, proteges , sauves par eux de 1'invasion , de la guerre , et peut-etre de la centre-revolution , la politique vient deja nous de- mander contre eux une loi de defiance, d'arbitraire et d'exception , quand nous ue sentons dans nos coeurs que confiauce, reconnaissance et admiration pour eux. Le roi et les chambres , dit Lafayette , ont engage leur responsabilite et leur honneur a ce principe , que la nationality polonaise ne perirait pas . Eh bien! messieurs, cette promesse a-t-elle ete remplie? Vous connaissez les barbaries et le manque de foi qui ont merite a 1'empereur de Russie le nom de tyran , que je crois devoir lui don- ner ici. Quand les Polonais , dit Odilon Barrot, ont servid'e- gide a la France 5 quand ils ont rec,u, sur leurs poitrines, les coups diriges contre nous, vous les mettez a la dispo- sition de la police ! Quand vous rentrerez dans vos foyers , dit Lamar- que , ne vous exposez pas a entendre dire sur votre pas- sage : Apres avoir laisse perir la Pologne , ils persecutent les Polonais. Je n'accuse point le ministere , dit Perreau, d'avoir subi une influence etrangere ; niais le projet de loi serait venu de Saint-Petersbourg ou d' Holy-Rood, qu'il ne se- rait pas plus conforme aux vcjeux des gouvernemens aft- solus, plus contraire aux sympathies nationales. Les Polonais relugies , dit onfin Tardieu. onf (ra- 572 verse Ics departemens de Test. Lcs excellentes populations de ces contrees n'ont pu voir sans une emotiou profonde ft la plus vive sympatliie le spectacle de tant d'infortune et de tant d'heroisme. Elles ra'avaient envoy e des peti- tions que je n'ai pu deposer , par la raison que nous at- teignons le terme de nos travaux. Ah ! si le juste-milieu ne se jouait pas des petitions do la France , il n'est peut-etre pas un village qui ne vous enverrait la sienue pour les Franqais duNord. Mais 1'odieuse loi Barthe est votee ; le dernier presi- dent de la Polognc est force de quitter Paris j et les he- ros , echappes a la vengeance des Cosaques, mais toujours poursuivis par Nicolas, sont, par Louis-Philippe , con- traints d'aller raourir sur les rivages d'Alger ! En deux roots, RESUMONS ces longs et tristes debats. Des le principe, Louis-Philippe, blamant les Polonais en les croyant trop faibles , les abandonne , les sacrifie , les condamne a perir, et ne fait rien pour les sauver. Louis AT, s'ecrient-ils expirans , nous a du moins envoye lies Choisy , des Viomtnil et des Dumouriez ; Louis-Philippe ne nous a pas meme envoye un cour- rier! Mais il n'ose pas avouer ii la France qu'il abandonno la Pologne. Cependant il faut repondre a la tribune. Eh bien ! arguties , sophismes , mensonges , ruse , au- dace , violences , tous les moyens sont bons aux yeux de ses ministrcs et de ses agens pour tromper la chambre , la France et 1'Europe. C'est encore ainsi pour la Belgique : nous aliens le voir. 45. Belgique. Sa revolution. D'abord secou- rue,puis abandonnee, trompee, opprimee. Docu- ment diplomaiiques. Debats parlementaires; nou- veaux mensonges ministeriels. Violemment separee de la France en 4814; unie ou plutot soumise a la Hollande, sous le sceptre de Guil 575 laame de Nassau, qui ue s'en dit pas moins roi leyithne: n'ayant qu'un simulacre de cliarte constammcnt violee , opprimee par son roi ; vexee et humiliee par les Ho! I an dais ; irritee centre un ministre persecuteur 5 echaufiee par I'exemple des journees parisiennes ; la Belgique com- mence sa revolution a Bruxelles dans la nuit du 25 au 26 aout , au sortir d'une representation de la Muette. Les armoiries royales sont efface'es, la maison d'un journaliste ministeriel (ami du roi , quoique echappe des galeres ) , celle du ministre de la justice ( le Peyronriet ou le Barthe des Pays-Bas) , celles de plusieurs autres fonctionnaires publics et Thotel du gouvernement , dispa- raissent devant la vengeance populaire. Le peuple est arme; la lutte s'engage avec les soldals ; le sang coule; la troupe abandonne ses postes aux ci- toyens ; la garde bourgeoise, subitement organisee , reta- blit la tranquillite ; le drapeau tricolore francais , arbore d'abord, est remplace par 1'ancien drapeau brabanqon. Mais on ne parle encore que de liberU , d' ameliorations dans les institutions du pays, de suppression de plusieurs impots ecrasans pour le peuple , et du renvoi du ministre VanMaanen. Une deputation est envoyee a Guillaume , a La Haye , pour lui presenter une respectueuse adresse , et lui de- mander Taccomplissement de ces voeux populaires et la convocation des etats-generaux . Presque toutes les autres villes , excepte Anvers et Gand , suivent 1'exemple de Bruxelles. Cependant on annonce que de nouvelles troupes mar- ehent sur Bruxelles pour se joindre a celles qui s'y trou- vent deja. Le peuple veut s'opposer a leur entree; on parlemenle, on convient qu'elles attendront le retour de In deputation. Mais les journaux hollandais demandent a grands cris le cbatiment des rebelles. Les deux flls de Guillaume arrivent , le 51 aout , pour eutrer a la tele des troupes , et demandent auparavant que les armoiries soient re"tablies et la nouvelle cocarde de- posee. I^e peuple indigne s'apprete a la resistance-^ inais on parlemente , on negocie : les princes ne persistent pas , 374 coiisontcnt a n'eiitrer qu'avec leur pour fa ire la constitution. II reconnait que la confederation germaniquc a le droit 577 dc tenir garnison dans la citadelle de Luxembourg , el declare son intention de respecter les traitts; mais il con- sidere le duche de Luxembourg comme faisant partie de la Belgique, et y nomme de nouvelles administrations civiles et judiciaires. Los habitans se reconnaissent Beiges , et envoient , ainsi que ceux du Limbourg , leurs deputes au congres. Le congres prend seance le 4 novembre , et c'est de Potter qui Touvre au nom du gouvernement provisoire : il expose les griefs des Beiges contre Guillaume ; il rend compte de ce que le gouvernement a fait ; il invite le congres a constituer la liberte et Tiudependance de la Belgique. Voila done une representation natiouale conquise par I'insurrection populaire ! Comme le peuple de Paris et de France , le peuple dc Bruxelles et de Belgique s'est montre heroiquc dans le combat et genereux apres la victoire, tandis que, comme Charles X , Guillaume a fait voir un roi despote , obstine , ne faisant que des concessions trop tardives , insensible et meme barbare. Partout les Hollandais sont vaincus et chasses par les Beiges , et si les rois n'interviennent pas par leurs soldats ou par leur diplomatic, plus redoulabb? encore que la force, la Belgique est certainement affranchie du joug des Nassau et de la Hollande. Mais c'est la sainte-alliance qui , en 1 81 4 , dans sou intefet propre , a eree le royaume des Pays-Bas, en unissant la Belgique a la Hollande , et en leur imposant le roi Guillaume 5 c'est par hostilite contre la France qu'elle en a detache la Belgique et qu'elle a eleve sur ses frontieres de nouvelles forteresses destinees a menacer la nation franchise : Guillaume n'est que le prefet de 1'An- gleterre , de 1'Autricbe , de la Prusse et de la Russie ; il a d'ailleurs des alliances de famille avec les monarques russe et prussien. Que vont done faire les quatre grandes puissances? Que va faire Louis-Philippe lui-merne? Guillaume areclarae le secours de ses protecteurs. De suite , c'est-a-dire des la fin de seplembre . le roi de 578 I'russe veut fairc cntrer son anneu dans la Belgiquo , ci ne s'arrete que devant la menace faite par Mole d'y i'airc cntrer en meme temps uiie armee franchise. Nicolas s apprete a veuir au secours de son beau-fmv . quand la Pologne le force a suspendre sa marciie. VAutriche est egalernent tres disposee a faire rentrer les Beiges dans le devoir. Quant a VAnglettrre, voici le discours prononce , le 2 novembre, a 1'ouverture du parlemcnt. Extrait du discours du roi d'Angleterre , du 2 novembre. La branche ainee de la maison de Bourbon ne regne plus en France , et le due d'Orleans a ete appele au trone sous le litre de roi des Francois. Ayant recu du nouvcau souverain une declaration de son desir sincere de cultiver la bonne intelligence et dc maintenir intacts les engagemens qui subsistent avec ce pays-ci , je n'ai pas bcsite a continuer mes relations diplomatiques et les communications amicales avec la cour de Franco . C'est avec un profond regret quo j'ai ete temoin de 1'etat des affaires dans les Pays-Bas. Je vois avec peine que radministration eclairee du roi n'ait pas preserve ses domaines de la REVOI.TE. Je m'efforce, de concert avec mes allies, d'aviser . pour retablir la tranquillite, a des moyens qui seront compatibles avec la prosperite du gouyernement des Pays-Has et avec la security des autres etats. Sentant toujours la necessite de respecter la foi des engagemens nationaux , je suis persuade que ma deter- initiation de maintcnir, de concert avec mes allies, ces traites generaux par lesqueh le systeme politiqite de V Europe a ete etabli, offrira la meilleure garantie au i) repos du mondc. Si le roi d'Angleterre persiste a vouloir Texecution des traites dc ^8I4 et de 48J5, la Belgique devra done el re violeinment replaces sous le sceptre de Guillaumc. Mais , somme par 1'opposition de s'er.pliquer sur le \(M-ilal)le sens de ce discours. Wellington repond que,ni 57!) 1'Angleterrc ni ses allies n'ont jamais cu I'inteution d'in- tervenir en Belgique par la force des arines. Neanmoins le peuple anglais , irrite ' sacre. Nous avons rec,a des cinq grandes puissances des " communications recentes et officielles dont nous som- i) mes heureux de pouvoir vous faire part en ce jour solennel : ces communications confirment pleinement les assurances precedemment donnees , et nous font esperer , avec la cessation prochaine des hostilites , ^evacuation , sans condition aucune , de tout le terri- toire de la Belgique. Mais Guillaume reclame ; il faut discuter et deliberer : un deuxieme protocole parait le 47 novembre , et les a gens anglais et francais (Bresson) manifestent au congres beige le desir de la conference que les hostilites soient suspendues des a present sans rien prejuger sur les dis- positions de ce second protocole qui pourraient etre su- jettes a discussion. Quant aux dispositions de ce protocole, il faut qu'elles soient bien extraordinaires , car le congres beige , (fit-on, n'a jamais pu en obtenir la communication, Quoi qu'il en soit, le 24 novembre, le gouvernement provisoire, reorganiso par le congres, et dont de Potto- no fait plus partie, a la faiblesse de consentir. \insi. los volontaires beiges sont forct-s d'anrfor If 585 cours de leurs succes, et les Hollandais coiiservcnt provi- soiremeut Anvers ct Maastricht. Tout est dcja perdu ! Tout le reste sera la consequence de ce premier sacrifice impose a la Belgique. Bientot on interdit a la Belgique la forme federative republicaine , qui lui cst cependant si naturelle ; 011 lui prescrit la forme monarchique. Bientot aussi un troisieme protocole , du 20 decembre, vient disposer en maitre de la Belgique. Voici 1'extrait de ce protocole : c Les plenipotentiaires des einq cours se sont reunis pour deliverer sur les mesures ulterieures a prendre dans le but de remedier aux dcrangemens que les troubles sur- venus en Belgique ont apportes dans le systeme etablipar les traites de 48UH845. i) En formant , par les traites en question , Punion de la Belgique avec la Hollande , les puissances signataires de ces memes traites, et dont les plenipotentiaires sont assembles dans ce moment , avaient pour but de fonder un juste equilibre en Europe, et d'assurer le maintien de la paix generale. Les evenemens des quatre dernicrs mois ont malheu- reusement demontre que cet amalgame parfait et complet que les puissances voulaient operer entre ces deux pays n'avait pas etc obtenu ; qu'il serait dv?sormais impossible de Teffectuer; qu'ainsi 1'objet meme de Tunion de la Bel- gique avec la Hollaude se troirve detruit , et que des lors il devient indispensable de recourir a d'autres arrange- mens pour accomplir les intentions a Texecution des- quelles cette union tlevait-set'vir de moyen. Unie a la Hollande et faisant partie integrante du royaunte des Pays-Bas , la Belgique avail a remplir sa part ties devoirs europeens de ce royaume , et des obligations q ue les traites lui avaient fait contracter envers les autres puissances. La separation d'uvec la Hollande ne saurait la liberer de cette part de ses dev( irs et de ses obligations. La conference s'occupera consequemment de discuter et de concerter les nouveaux arrangemcns les plus propres a combiner I'independance future de la Belgique avec les stipulations des traites , avec les interets et la securite des 584 autres puissances , et avcc la conservation de I'equilibrr europeen. Ces arrangemens ne pourront affecter en rien les drnils que le roi des Pays-Bas et la confederation germanique cxercent sur le grand duche de Luxembourg. (Suivent les signatures de Talleyrand ct des quatie autres plenipotentiaires.) D'apres ce protocole , n'est-il pas evident que la con- ference de Londres n'est autre chose que le congres de Vienne; qu'elle va disposer de la Belgique en J850 comme le congres en a dispose en 4814 et 4815, et que Talleyrand y represenle aujourd'hui Louis-Philippe fomme il representait Louis XVIII ? Et il n'y a pas intervention ! et Louis-Philippe ne viole pas ce principe qu'il invoque si souvent ! Arrive le protocole du 9 Janvier, par lequel les cinq puissances reiterent leur inimitable volonte de faire obser- ver {'armistice , demandent uue derniere fois a Guillaume, pour le 20 Janvier , la libre navigation de TEscaut , comme elle existait en 4844, et declarent que son refus serait comrae acle d'hostilite envers elles. La conference se prononce alors en faveur du prince d'Orange retire pros d'elle a Londres. Des le principe , Talleyrand 1'appuie de tous ses efforts : Louis-Philippe lui-merne en parle avec chaleur a D M. de G , beau-pere d'un des Beiges les plus in- iluens, fait beaucoup de demarches dans le meme sens, soil a Paris , soil a Bruxelles. On insinue que la France est obligee d'ajournor srs projets sur la Belgique , mais qu'elle ne les abandonnc point ; qu'il est consequemment de son interet que les Beiges aient un gouvernement definitif en apparence , provisoire en realite, et que le prince d'Orange convient au supreme degre pour remplir ce role. Le 48novembre, le congres proclame find^pendance du peuple beige (y compris les habitans du Luxembourg), sauf les relations du Luxembourg avec la confederation germanique ; et, le 22, il adople la monarchic represen- tative : il ne s'agit plus quo do choisir le monarque. 3*5 La conference redouble d'efforts en faveur du prince d'Orange, les envoyes fran<;ais, Bresson etLangsdorf, ne negligent rien. Mais le congres irrite , comme le people , contre les barbaries commises par Guillaume et ses fils , indigne d'ailleurs des menaces des puissances, declare, le 24 novembre, que les membres de la famille d'Orange- Nassau sont exclus A perpetuiU de tout pouvoir en Bel- gique. Si le congres montrait toujours cet ensemble et cette vigueur , les representaus de trois millions de Beiges feraient peut-etre reculer toujours les cinq grandes puis- sances de 1'Europe. Mais les intrigues de la diplomatic vont le travailler et le diviser en tous sens ; et ce serait un miracle s'il resistait a des efforts de tous les jours et de tous les momens : car la sainte-alliance n'en continue pas moins ses demarches en faveur du prince d'Orange ; le cabinet fran 586 Voici uue premiere lettre de Rogier au comte c!e Cel- les, vice-president du comi(e diplomatique. Rogier au comte de Celles. Volre depeche a etc remise par moi au comte Sebas- tiani, et par lui communiquee au roi. Le langage noble et ferme du comite diplomatique , dans sa reponse du 5 T au protocole de Londres , a fait une vive impression sur M, Sebastiani, et sans doule aussi sur S. M. Louis Phi- lippe. La France comprend que la Belgique n'aurait qu'une independance passagere , si on ne la rendait forte et heureuse. On commence a rcconnaitre que le grand-duche de Luxembourg doit etre beige et non allemand. La con- duite etlamauvaisefoiduroi GwiHaumeexcitent en France une indignation generate 5 et s'il ne consent pas a la libre navigation de 1'Escaut , on est bien sur de 1'y forcer. La resolution que le congres a prise de s'occuper sans delai du choix du souvcrain a ete accueillie avec plaisir; et M. Sebustiani m'a assure que si le prince Othon etait elu , il serait reconnu a Tinstant par la France. Le ministre a cru pouvoir m' assurer qu'il le se- rait aussi par la Prusse. u Quant au manage du prince avec la troisieme fille du roi Louis-Philippe , le ministre ne pense pas qu'il s'e- leve aucun obstacle ; ce mariage serait un nouveau lien et un gage de plus de bonne union entre la Belgique ct la France. M. Sebastiani m'a assure encore que la France ferait tout ce qui serait en elle pour conclure un traite de commerce avantageux aux deux pays r et tel que le pouvait exiger une politique bieu entendue; il a ajoute : La Belgique est noire alliee naturelle , il est juste de la traiter comme une soeur. J'etais en train de faire dcs questions ; je parlai du parti beige qui demande la reunion a la France, et je demandai si , dans le cas ou ce parti viendrait a rcm- porter , le gouvernement fran^ais ne voudrait pas de nous. M. Sebastiani repondit que la reunion etait impos- sible ; qu'elle enlrainerait une guerre generale; que I'An- gleterre n'y consentiraitjamais. Votre beau pays, ajeu- 587 ta-t-il , serait le premier ravage, et nous , nous aurions la chance de perdre tons les wantages de noire derniere revolution. > J'adressai a M. Sebastiani une question sur le parti republicain. u\ousnnurezjamaisleconsentementderEu- ropek vous laisser constituer en republique. Etsinous choisissions un roi indigene ? II serait vu , me repon- dit-il, a\ecpresque autant de deplaisir que la republique. Le prince Othon est le roi qui vous convient , et la Russie elle-meme peut-etre ne tarderait pas a le recon- naitre. i) Paris, 6 Janvier. ROGIER. Quoi ! si la reunion , qui est dans 1'interet de la Bel- gique et son ami sincere , n'y consentirait pas ! Ah ! Beiges , proclamez la reunion, en declarant ou en ne declarant pas Anvers port libre, ou bien proclamez la rfpublique en d-emandant I'allianceet 1'appui de la nation franchise , et Ton verra ! Mais Louis-Philippe recule : comment les ^Beiges na craindraient-ils pas d'avancer? La sainte-alliance interdit done a la Bclgique la reu- nion , la republique , un citoyen beige : et ce n'est pas une intervention ! Louis-Philippe n'intervient pas ! Mais voici une seconde lettre de Rogier. Rogier , au comte de Celles. n M. le comte, ce soir a quatre heures, votre depeclie du 8 m'est parvenue , et comme la reponse etait urgente, je me rendis sur-le-champ chez M Sebastiani. II etait an conseil , chez le roi. i) La question beige, a ce qu'il m'a dit a son retour , y a ete longuement et murement discutee. Apres que je lui cus donue connaissance de volre de- 388 peche ooncemant le due cle Leuchtemberg , il me repon- dit que, de toutes les combinaisons , la plus facheuse et la plus fatale peut-etre , etait celle qui concernait le due de Leuchtemberg; que le gouvernement franQais ne pouvait ni 1'appuyer ni 1'approuver; que jamais il ne consentirait a le reconnaitre pour chef des Beiges ; w et que Ton pouvait regarder comme une chose a pen pres certaine que le cabinet anglais serait dans lea memes dispositions que la France 5 que Ton se flatte- rait en vain que le roi des Francais consentit h ac- corder une de ses filles au fils d'Eugene de Beauhar- nais; que jamais une telle union ne se ferait; que 1 Belgique, gouvernee par ce prince, deviendrait le foyer >. ou toutes les passions des partisans de Napoleon fermen- teraient; et qu'enfm la France, au lieu d'ouvrir avec nous le plus de communications possibles, serait obligee de s'entourer de barrieres et de s'eloigner de nous. Comme j'insistais en faisant observer que par le choi&du due de Leuchtemberg on avail quelque esperance de rallier les opinions si divergentes du congres et d'ar- river a un resultat prompt etdefinitif, qui sans cela pour- rait etre ires eloigne , ce qui livrerait le pays a des dis- sensions et a une anarchic deplorable , M. Sebastiani me repondit : Je verrais avec une veritable douleur que votre pay ne conservat pas jusqu'au bout ce calme et cette union n qui ont rendu votre revolution si belle. Le congres et la nation beige sont assurement libres de faire tel choix qui leur convient pour le prince qu'ils appelleront h les gouverner ; mais s'ils font uii choix que la France a quelque raisoii de regarder comme hostile , qu'ils sa- chent bien que c'est perdre tous les avantages du bon voisinage avec elle , et se priver de sa puissante amitie. * Je crus alors devoir demauder a M. Sebastiani si cette resolution etait irrevocable relativement au due de Leuchtemberg , et si ces paroles avaient un caractere of- ficiel qui me permit de les rapporter. Oui , sans doute, > reprit-il , et vous allez en juger. Alors , faisant ap peler son secretaire , il lui dicta , pour M. Bresson , une lettre que j'expedie avec celte de'peche , ct dans laquelle 589 Ses intentions du gouvernement fran^ais , relativement au projet de reunion a la France, a la candidature du due de Nemours, et a celle duduc deLeuchtemberg, soni olairement et formellement exprimees. M. Bresson est , je crois , autorise a vous communiquer cette lettre , qui d'ailleurs ne renferme rien autre que ce que je vous ecris aujourd'hui. C'est sans doute avec intention que M. St- bastiani 1'a dictee devant moi a haute voix. J'ai cru , M. le comte , que, dans une affaire si ira- portante , je ne devais pas chercher seulement a connai- trc la pensee du ministre frangais , raais qu'il serait con- venable de chercher a savoir ['opinion et les sentimens de celuiqui en change pen , quand tout se succede an tour de lui. Pour y parvenir , je me suis rendu chez une per- sonne qui est dans Yintimite du roi. L'illustre general m'a rapporte Y opinion du roi Jamais , m'a-t-il rapporte , la France ne reconnaitra le due de Leuch- temberg comme roi des Beiges, et jamais surtout le roi Louis-Philippe ne lui donnera une de ses filles en * manage. Paris, 9 Janvier. HOGIER Quoi ! exclure le due de Leuchtemberg ce n'est pas violer votre principe de non-intervention , et le violer unique- men t dans 1'interet personnel de Louis-Philippe ! Ces deux lettres ayant etc lues au congres les 8 et \\ Janvier, Sebastian! ne craint pas de les dementir par la lettre ci-apres inseree dans le Moniteur et lue par lui a la tribune. Sebastiani a Rogier. Monsieur, vous m'avez dit, il y a quelques jours, quo les journaux avaicnt rendu conipte, d'une maniere infidele , des lettres que vous aviez ecrites au gouverne- ment provisoire. Mais ils vous attribuent aujourd'hui une nouvellc depeche , dans laquelle il m'est impossible de reconnaitre ce qui a ete dit dans nos derniers entretiens. Comme ministre, je n'ai jamais eu a entretenir le roi d'aucun arrangement relatif a sa famille : le roi n'a 590 lone pu ni accorder ni refuser ce qui ue lui a pas etc de- mande. J'ajouterai que, soil comme homme, soil comme interprete des pensees royales , je ne me serais jamais explique avec une telle legerete sur la famille d'un prince dont le roi estime la memoire , et sous les ordres duquel je m'honore d'avoir long-temps combattu pour la gloire et I'independance de la France. Je me plais" a croire , monsieur, que la lettre dont il s'agit n'est pas votre ouvrage: s'il en etait autrement, je me verrais oblige de n'avoir plus de relations avec vous que par ecrit. Paris, -14 Janvier. SEKASTIAM. Quoi! vous n'avez pas parle de mariage a Louis-Phi- lippe! On ne lui a pas demaude une de ses Giles! II n'a pu ni refuser ni accorder! Et Rogier a reconnu lui-meme que ses lettres etaieut infideles ! Quelle incroyable hardiesse ! Car dans une lettre du \ \ , lue dans la seance du 42 . Bresson a deja declare, d'apres une reponsede Sebastiani , que Louis-Philippe refusait la reunion et le.,duc de Ae- mours, et qu'il ne reconnaitrait dans aucun cas le due de Leuchtemberg . Voici d'ailleurs ce que lui repond Rogier, et ce qu'il ecrit lui-meme a Bresson , son agent a Bruxelles , pour !. d'une depeche que je viens de recevoir de M. le comte n Sebastian!. Agreez, etc. i) Bruxelles , 25 Janvier \ 85J . Signe BRESSON. Lettre de Sebastiani a Bresson. Monsieur, la situation de la Belgique a fixe de nou- veau 1'attention du roi et de son conseil. Apres un raur examen de toutes les questions poliliques qui s'y ratta- i) chent , j'ai ete charge de vous faire connaitre d'une maniere precise les intentions du gouvernement du i) roi. II ne consentira point a la reunion de la Belgique a la France ; il riacceptera point la couronne pour * M. le due de A'emowrs, alors meme qu'elle lui serait offerte par le congres. Le gouvernement de S. M. ver- rait dans le choix de M. le due de Leuchtemberg une t-o in li i naison de nature a troubler la tranquilliU de la France. Nous n'avons point le projet de porter la plus legere atteinte a la liberty des Beiges ( rires ironiques et murmures) dans 1'election de leur souverain; mais nous usons aussi de notre droit en declarant, de la maniere la plus formelle , que nous ne reconnaitrions point V election de M. le due de Leuchtemberg. Sans doute , de leur cote , les puissances seraient peu dis- posees a cette reconnaissance. Quant a nous, nous ne serions determines dans notre refus que par la raison d'etat, a laquelle tout doit ceder lorsqu'elle ne blesse les droits de personne. 392 Le voisi-uage de la Belgique, 1'inleret qu'iuspirenl a S. M. ses babitttM, le desir que nous avons de con- server avec eux les relations de 1'amitie la plus in- i) time et la plus inalterable, nous imposent le devoir de nous expliquer franchement avec uu peuple que nous estimons et que nous cherissons. Aucun sentiment qni i) puisse blesser M. le due de Leuchtemberg ou sa fa- > mille , que nous honorons plus que peraonne , lie sc mele a cet acte politique. Le gourernement est unique- ment dirige par 1'amour de la paix interieure et exterieure. Vous eles autorise , monsieur, a donner une connaissance officielle de cette resolution du gou- vernement du roi , avec la franchise et la conveyance qu'il desire apporter toujours dans ses rapports avec la Belgique (murmures). Paris, 44 Janvier 4854. Signc HORACE SEBASTIAM. Est-ce assez clair, assez positif? Un particulior qui aurait nie ces fails et a qui Ton representerait cette lettre qu'il aurait e'crite , ne serait-il pas deshonore ? Et c est un ministre de Louis-Philippe qui a nie ses actes a la tribune ! II est vrai qu'il serait penible d'etre oblige d'avouer la conduite de Louis-Philippe envers les Beiges. Aussi , quand cette leltre de Sebastiani , cornmuni- quee par Bresson , est lue au congres le 23 , une extreme agitation suit cette lecture. Je demande 1'impression c!e cette piece , s'ecrie M. Lebeau, non par egard pour la nature de la commu- nication , mais pour qu'il soil bien connu ii la face de I'Europe que la France renie le principe de sa propre existence; qu'elle veut etre independante et libre , el qu'elle ne salt pas respecter la liberte des autres nations. (Bravo! bravo! applaudissemens). (i Je demande aussi 1'impression, s'ecrie M. Devaux, pour que I'Europe entiere,et surlonl la nation francaise, sachent comment le (jouvernement francais entend la liberte des peuples; je demande 1'impression afin <|iic M. Sebastiani, qui o ose nier les communications vf/i- 595 cieuses faites a notre envqye , ne puisse pas nier les com- munications officielles. Quelle honte pour le cabinet francjais ! quelle humi- liation pour la France d'entendre de si justes accusations centre son gouvernement ! Indigenes et irrites des refus , des faiblesses et des me- naces de Louis-Philippe , le peuple et la partie populaire du congres veulent avoir le due de Leuchtemberg , et son election parait assuree. Mais alors Louis-Philippe fait secretemenl tons ses efforts pour faire elire le due de Nemours , en donnant, toujours secretement, 1'assurance qu'il acceptera s'il est elu. Le marquis Delaw , attache a la diplomatic fran- ^aise , dit partout, en donnant sa parole d'honneur , que Louis-Philippe lui a dit qu'il accepterait. Les deputes resolvent un grand nombre de lettres dans le meme sens , et s'empressent de se les coinmuniquer. A la seance du 29 Janvier , au milieu de la discussion sur 1' election ,du monarque, on communique , de la part de Sebastian! , la lettre suivante : Lettre de Sebastiani a Bresson. Monsieur, je me hate de repondre a votre lettre du 24. Le council du roi a ete unaniwe sur la necessite de declarer au gouvernement provisoire que le gouverne- ment franQais regarderait le choix du due de Leuchtem- berg comme un acte hostile envers la France. Dans le cas ou le congres, malgre cette declaration, procederait a cette election, vous quitteriez immediatement Rruxelles. Paris, 26 Janvier. HORACE SEBASTIAM. II n'est pas question du due de Nemours; on exclut seulement son concurrent : n'est-ce pas diplomatiquement inviter a le nommer? Aussi Gendebien , qui a vu souvent Louis-Philippe a Paris , qui, le 42 , a declare au congres qu'il etait inutile J'clire le due de Nemours , parcc que son pere lui avail 394 forinclteineul (lit a lui-meme qu'il refuserait , (ieudebirn. au contrairc, daus la seance du -l er fevrier , dit au con- (jres : En e'lisant le due de Nemours , nous avons la cer- titude qu'il acceptera. Toutes nos letires venant de Paris , nos relations avec de hauts personnages de France, la voix patriotique et persuasive de Lafayette, le voeu de la France eutiere, nous sont un sur garant que les sentimens paternels de Louis-Philippe , d'accord avec les inlerels et la politique de la France , ne lui permettront pas d'he- sisler un seul instant. A la seance du 2 fevrier, Van de Weyer declare , en sa qualite de president du comite diplomatique , qu'il a la conviction intime que le due de Nemours serait ac- cord e. II y a plus, 1'agenl anglais, lord Ponsonby (n'ayant probablemcnt d'autre but que d'ecarter Leuchlemberg), parait favoriser 1'clection de Nemours; car, le bruit ay ant etc re'pandu que ce lord Ponsonby avail menace de se retirer si Nemours eta it elu , et avail au conlraire prom is qne Leuchlemberfj serail reconnu par 1'Anglelerre, le depute Lehon vient declarer a la Iribune , le 3 fevrier, 3ue 1'agent francos Hresson 1'a formellemenl autorise a ire que, deux jours auparavant, lord Ponsonby avail positivement ni^ les deux propos ci-dessus rapporles. Ce meme depute Lehon, membre du comite diploma- tique, ajoutc : Je suis de ceux qui sont couvaincus que le due de Nemours acceptera ; mais je ne puis commu- niquer les motifs de ma conviction que dans une conver- sation intime el dans les epanchemens de la con fiance. En un mol, le congres est lellemenl cpnvaincu que Louis-Philippe a manifesto son intention d'accepler, qu'il donue la preference a Nemours : il est elu le 4 fevrier. I)es rejouissanres publiques saluenl cetle eleclion a Bruxelles , et Gendebien esl si joyeux et si sur de 1'ac- ccptalion que, dit-on , c'est lui qui fait 1'avance de la aomme necessaire pour ces rejouissances. Une deputation do nonf membres, a la tele de laquelle 50 trouve le president du congres , Surlet de Chokier , part aussitot pour porter a Louis-Philippe Ic voeu du con- gres. ' Que va faire Louis-Philippe? L'acceptation est commandee par I'iuteret de la Bel- gique , par celui de la France, et par Fhonneur meme. Qu'il accepte done ! Mais apres avoir plusieurs fois change de resolutions , apres avoir laisse long-temps la deputation dans 1'incer- titude (car, le 4, M. Celles ecrivait encore de Paris au comite diplomatique que 1'acceptation etait certaine), il refuse enfin le 47 fevrier. Reponse du rot a la deputation beige , qui venait offrir la couronne de Belgique au due de Nemours. ^7 fevrier. Mon premier devoir. est de consulter les intere'ts de la France, et par consequent de ne point compromettre la paix Exempt de toute ambition, mes voeux per- sonnels s'accordent avec mes devoirs. Ce ne sera jamais la soif de conquetes ou 1'honneur de voir une couronn placee sur la tele de wioa fils qui in'entrameront a exposer mon pays au renouvellement des maux que la guerre amene a sa suite. Les exemples de Louis XVI et de Napoleon sufliraient pour me preserver de la funcste tentation d'eriger des trones pour mes fils Oui ; mais Louis-Philippe placera une de ses filles sur ce trone de Belgique , ce qui ne sera pas moins agreable pour lui , quoique beaucoup moins utile pour la France. Louis-Philippe refuse done la Belgique, seul et sans consulter les chambres, apres avoir secretement proinis Tacceptation , peut-etre uniquement , il est vrai , pour ecarter Leuchtemberg; et il refuse, dit-il, par crainte de la (juerre! Du reste , il execute ici un pretocole de la conference, du 7 fevrier, par lequel les cinq puissances s'excluent 590 reciproquement du trdue dc Belgiquc, et dont lc depulo Osy donnc connaissance au congres , le 10, chargt de cette communication, dit-il, par lord Ponsonby. Dans quel chaos va se trouver cette malheureuse Bel- gique ! que va faire Ic congres, indigne, irrite de tant de deceptions ? Les uns proposent un lieutenant-general ; d'autres , preferant la repuhlique et la considerant comme le seul moyen de se soustraire aux intrigues et a Tinfluence de la sainte-alliance , proposent 1' election definitive d'un chef qui plus tard serait declare hereditaire ou temporaire ; et c'est pour le soutien de cette opinion que se forme alors 1'association patriotique dite de I'indtpendance. Mais le gouvernement provisoire , ou plutot le cotnite diplomatique qui le dirige, fait preferer une rtgence, el fait elire pour regent le baron Surlet de Chokier, qui pro- hablement rapporte de Paris des plans, des projets et des instructions : dans la realite, ce regent parait n'etre qu'un agent du cabinet fran^ais. Mais les partisans du prince d'orange n'en travaillent que plus activement pour le ramener : une vaste conspi- ration est ourdie, presque publiquement4 beaucoup des principaux fonctionnaires en font partie ; lord Ponsonby est a sa tete , et c'est chez lui que les conspirateurs se reunissent. Tout est pret , le jour est fixe; on est a la veille, cha- cun est a son poste , et les chefs viennent demander le signal a Ponsonby. Tout est change , dit-il , il n'est plus question du prince d'Orange ; c'est d'une autre combinaison qu'il s'agit : c'est Leopold qu'il faut elire. Etonnes , etourdis de cette espece de changement a vue qu'opere un habile machiniste , les conspirateurs ue peuvent expliquer la conduite de 1'agent anglais. L'Angleterrc et In sainte-alliance reculent-elles devant la certitude de la guerre civile en Belgique ? Veulent-elles attendre encore que les esprits soient mieux disposes a recevoir le prince d'Orange? N'est-ce que pour lui mieux assurer la couroune qu'un euvoie Leopold , qui ue le rcm- 597 ptacerait que momentanement? C'est ce qu'ils ne peuvent deviner, c'est ce que Tavenir revelera. Quoi qu'il en soil, 1'Angleterre fait mouvoir tous ses ressorts pour obtenir 1'election de Leopold ; et , par exemple, pendant que le congres est assemble, Ponsonby fait ecrire au regent : Prenez Leopold ; avec I'appui de I' Angleterre , vous serez si heureux que vous ne pense- rez jamais a redevenir Francais. Le depute Lebeau annonce meme publiquement a la tribune qu'avec le candidat anglais la Belgique peut esperer de s'agraiidir jusqu'au llliin. Vainement Louis-Philippe indique-t-il un prince de Naples, auquel il donnerait encore une de ses filles : les Beiges, fatigues, trompes, i r rites , se jettent dans les bras de T Angleterre 5 Leopold est enGn elu. Et Louis-Philippe? il consent ! il approuve!... car autrement , malgre son alliance et sa sincere amitie , le roi d'Angleterre lui ferait peut- Le marer.hal Gerard commandc 1'armee du Nord 40* qui ma re ho au sccours de la Belgiquc , tiont la neutrality et I'itKlepeiidance seront maintenues; et la paix de 1'Eu- rope, troublee par le roi de Hollandc, sera consolidee. Dans de telles circonstances , le ministers reste; il alt end ra la repouse des chambres au discours de la cou- ronne. Voila dojic eufin la guerre , la guerre tant redoutee ! Eh non! qui pcut penetrerce chaos de mysteres, d'in- Irigues et de conspirations centre la liberte? Ce n'est peut-etre qu'une comedie! Peut-e trc aussi , secretement encourage par trois ou quatrc des gjrandes puissances et par la faiblesse qu'a montree jusqu'ici le cabinet fran^ais , Guillaume cspere- t-il que Louis-Philippe n'osera pas secourir Leopold , ct alors la restauration est certaine. Peut-etre encore espere-l-il que , se jetant au milieu du danger , il forcera la Prusse et la Russie a venir le sauver. D'ailleurs que risque-t-il a violer Tarinistice, a braver les protocoles , a faire commc un de ses ancetres qui livra bataille apres avoir recu la nouvelle de la conclusion de la paix et qui la perdit , qui esperait changer les condi- tions du traitc et qui ue Ct que couler inutilement le saug de ses sujets? Si la France vient 1'arreter, s'il ue peut resister cctte fois, apres avoir i'ait tuer beaucoup de Beiges et de Hol- landais , le prince d'Orange dcjeunera amicalement avcc les genoraux enucmis , et reutrera tranquillement en Hollaude : ce n'est la qu'un jeu de roi! On n'aura rien perdu et Ton aura gagiie quelque chose : car on aura humilic une revolution populairc , decourage et demora- lise peut-etre les Beiges , tandis qu'on exaltera le courage des Ilollandais. Du reste , c'est comme un secours du ciel pour popu- lariser un peu Louis-Philippe et sauver le ministero du 4 5 mars , dont la demission vient d'etre offerte et accep- tee : il aurait lui-meme cree et dirige les evenemens qu'ils no pourraient guere etre plus favorables a son salut. Aussi , commc il sc vante dans son Moniteur du 5 aout ! 2C 402 u Lcs amis do la politique forte ot generetise du gou- vernement , dit-il, doivent applaudir a la determination qu'il a prise d'envoyer immediatement M. le marechal Gorard en Belgique , a la tote d'une armee. Cette mesuro n'est que la suite do la reconnaissance du uouveau royaume de Belgique , reconnaissance qui a ete obtenue (non) et qui doit etre defend ue par la France ; elle est ('application des principes poses dans les conventions diplomatiques souscrites par les cinq grandes puissances ; et 1'entree de nos soldats sur le territoire beige sera la consecration la plus solennelle de I' accord de ces puissances, et une preuve du veritable role que la France joue desormais sur le continent. Loin d'etre un signal inquietant pour la tranquillity de 1'Europe , cette guerre est en quelque sorte un nouveau gage de paix. Elle est DESTINEE a prouvcr a la France, d'une part, que les dispositions des puissances sont de nature a dissiper les vaines alarmes qu'on vou- drait lui inspirer, et d'autre part, qu'un pays qui, on vingt-quatre heures pcut ainsi mettre en marche une armee , doit rester en securiie sur la conservation de son honneur, de sa diyniti' et de son indtpendance. Ne semble-t-il pas que ce soil une comedie destinee a tromper la chambre et la France , a satiA'er pour le mo- ment le ministere et son systemc ? Nous verrons Sebastian! se vanter de sa preroyance : voici cependant comment s'exprime son Monitenr : L'independance de la Belgique , dit-il le 9 aout , me- nacee par une attaque soudainc et inatlendue, a trouve dans Tamitie de la France un appui qui la moltra a 1'abri de tout danger. La separation de la Belgique ot de la Hollande est un fait accompli ot que Yaccord des grandes puissances a rendu irrevocable . Mais, des le 4, Louis-Philippe a ordonne au comte Polydore de Larochefoucault , son agent a La Haye , de declarer a Guillaunic que, s'il persistait , une armee Jran(;aise allait entrer pour le combattre. Cette declaration ost iaile le 7 ; Gnillaumo ropond , le 8 , qu'il vient d'or- donner Tevacuation; et cette r^ponse est expediee par- tout. 405 Cependant, les regimens francais demandes par Leo- pold vont franchir la frontiere , quand tout a coup , a la suite d'une vive discussion dans le cabinet de Bruxelles , en aide-de-camp du roi vient prier Gerard de suspendre son entree : neanmoins le brave marechal marche en avant , le 9 , apres avoir , dans sa proclamation , repro- che a Guillaume d'attaquer les Beiges ait mepris des resolutions des grandes puissances dont Taccord a garanti Vindependance et la neutralite de la Belgique. De son cote, le prince d' Orange, apres avoir renvers6 le peu de force qu'on lui oppose , arrive a Diest , tandis qu'un de ses generaux, le due de Saxe- Weimar , continue ses attaques le H , et penetre jusqu'a deux lieues de Bruxelles , qui , coupee de Tarmee et denuee de defense ( quelle trahison ! ) ne peut elre sauvee que par les Fran- C/est en vain que le general Belliard lui annonce Tordre de la retraite et lui deraande de s'arreter : il veut en referer a son chef et continuer son attaquc. Mais Gerard accourt pour degager Leopold et Bruxelles. Les armees sont enfin en presence . et les soldats fran- cais brulent de se battre pour une revolution populairc. Mais Gerard re du cabinet francais doivenl suffisammenl nous averlir que la conference pourra for I bien resler compacle , ne |>as rcculer en presence deses O3uvres, el miner totale- n ment noire pays dans des frais d'execution. Lc pied pour ainsi dire sur la gorge , la Belgique, etouffee par la sainte-alliance, par Louis-Philippe lui- nit'inc, qui se joint a ses oppresseurs, est done de'mem- bree et n'accepte une existence precaire que pour ne pas c\pirer a 1'instanl meme ! Guillaume tient loujours Maeslricht , Luxembourg , Anvers el 1'Escaut : rcntrelien de son armce le gene , il est vrai mais il a rapprohatloii et 1'appui deson peuple, 406 avee les vueux , 1'al'lcction et 1'appui secret de la sainle- alliance ; il cst tranqujlle : 1'avenir est pour lui. La Belgique , aucontraire, est privee d'Anvcrs of dc 1'Escaut; clle est constainment inenaccc, soil par Gui. laume, qui tient garnison chez elle, soil par le" volcan des conspiralions et des trahisons; elle est sure de la liaine des trois puissances du Nord , qui , sous mille pretestes , ajournent continueilement la reconn?issancc de Leopold, qui ne le reconnaissent enfin que sous des conditions et des reserves particulieres et inconnues , et qui conser\e toujours a Guillaume le titre de roi des Pays-Bos ; elle ne peut compter avec certitude sur 1'appui Ue 1'AngLe- terre , dont 1 interet est moins d'avoir ce pays que de 1'enlever a la France , et qui se trouverait satisfaite par la restauration de Guillaume ou la quasi-restau- ration du prince d'Orange ; enfin , malgre le manage de Leopold , peut-elle s'endormir sur 1'appui de Louis- Philippe, qui toujours a rcculc devant la menace d'une guerre generate ? Ne doit-el!e pas craindre qu'il ue recu- lat bien mieux encore si le roi d'Angleterre finissait par lui retiror son simulacrc d'alliance et son sernblant d'a- mitie ! Garottee des le prineipe par 1' intervention de la saintc- alliance, au lieu du bonheur et de la gloire que lui pro- mettait la liberte, efrqueson peuple meritail si bien pat- son courage , elle n'a que les miseres et l<-s angoisses d'une existence provisoire et precaire; sa position est aff reuse ! Et c'est la diplomatic , c'est la sainte-allianee , c'est lc- juste-milieu, qui 1'ont perdue! c'est surtout la pusillani- mite du gouvernement francais qui sacrifie tout a la peur de la guerre ! Et cette guerre reste toujours suapeudue sur sa tete car aujourd'hui, conunc il y a plus d'un an, Guillaume menace d'une seconde invasion; et plus qu'alors Louis- Philippe est oblige de tirer 1'epee pour secourir son gen- dre Leopold. A moitic hors du fourreau, va-t-elle y rentrer? N'esl-c-i encore qu'une demonstration pour calmer 1'opinion et !es chambres? La sainte-alliance. qui u'elait pas pn" 407 aout1831, ne 1'est-olle pas encore en octobre 1852? Dans ce cas , les angoisses de la Belgique sont done en- core prolongees ! Voyons maintenant les debats parlementaires sur cetle question. Que de turpitudes vont se decouvrir i la tribune ! mais comment les avouer? Mentir, toujours mentir , est 1 ignoble role auquel le ministere s'est condamne. Que dc nouveaux mensonges n'allons-nous done pas voir ! Debats parlementaires sur la Belgique. Nouveaux nicnsonges ministeriels . Seance du 15 novembrc 1850. Dcpuis plusieurs jours, Mauguin a prevenu le mini-, tere qu'il lui demandcrait des explications. Les puissances , dit-il , ont proclame le droit ^in- tervention en 1792 et en 1814 ; le cabinet britannique vient de le proclamer en 1850. Car, dans son discours d'ouverture (du 2 novembre), le roi d'Angleteire vient de declarer qu'il est determine, avee ses allies, a maintenir les traites generaux en vertu desquels le systeme politique de 1'Europe a ete etabli 5 que le {jouvernemenl francais lui promet de tenir intacts ces traifes; que Tadministration du roi des Pays-Bas etait eclairte , et que les Beiges sont des rdvoltes. D'un aulre cote, uu congres est ouvert a Londres pour decider la question beige. Mais les trailes de 1814 assurent la Belgique a la maisou d'Orange : que ferofls-nous done au congres? & Les expressions du discours du roi d'Augleterre , dit Bignon , ont une liaute portee quand il s'agit de traites it maintenif : evidemment il ue peut s'agir que des traites de 1814. Or, ces traites ont indissolublement uni la Belgiqne a la Hollande et , pour les maintenir, il faudra recourir a la force, qu'on proteste , cepeudant ne pas vouloir employer. Mais la diplomatic saura fairo 408 de la question beige une dc cos questions dont on tire toules les consequences qu'on en veut tirer. Nous nc le verrons que trop ! LafOtte , president du conseil, expose la situation o\~ terieure, a la stance du 28 decembre. L'e'nonciation du principe de non-intervention, dit-il, n'etait rien encore , c'est son application qui e'tait tout. i) Aujourd'bui cette application a commence Les cinq grandes puissances viennent de reconnaitre et out signe en commun I'independance de la Belgique. Cettc grande question de la Belgiquc , de laquelle on pourrait craindre une occasion de guerre , la voilii done resolup dans son point essentiel. Comme les ministres s'abusent facilemcnt ! commo les cbambres, qui ne voient pas les pieces, sont f;ui!c- ment abusees ! comme les cinq grandes puissances ont peu de respect pour leurs propres signatures, Icurs aclt-s et leurs principes ! Avant ce 28 decembre, I'independance e'tait recov- nue et signee , la question e'tait resolue, la guerre n'etai' plus a craindre 5 et aujourd'hui , en octobre 4832...! Le president du conseil, dit Lamarque ( seance du 30 decembre ) , nous a affirme , il y a deux jours , quo la reconnaissance de I'independance de la Belgique par les cinq grandes puissances etait un gage de la paix : mais cette reunion des cinq grandes puissances ne rap- pelle-t-elle pas la sainte-alliance ? Ne doit-on pas crain- dre les anciens principes du congres de Vienne quand on y voit les anciens negociateurs? Napoleon aima mieux descendre du trone et s'ense- velir dans 1'exil que d'abandonner la Belgique! Us pou- vaient souls y consentir , ces Bourbons qui allaicnt par I'i'tranger ct pour 1'e'tranger! La Belgique serait done encore un rempart centre nous, une tele de pont pour 1'Angleterre ! Peu' nous importent', disait on ^8^4 Canning a un general fran^ais , les de'partemens du Rhin ct la Belgi- que : toute la question est cir.iis YEscarit; sacliez quo 409 I'Angletcrre aurait fait cent ans la guerre, aurait depcnse son dernier homme et son dernier ecu plutot que do laisscr TEscaut a la France. >> Je croirais insulter nos ministres, si j'ajoutais !u moindre foi au desscin qu'on leur suppose de placer ua prince anglais sur le trone de la Beltfique, en temperaiit celtc hoiitetisc concession par son alliance avec une prin- ccsse franchise. i) Quo Louis-Philippe iinite plutot Henri IV , qui uc soupirait qu'apres la reunion de la Behjique. Je fe dcmande au ministre : est-il vrai que le pro- tocole qui reconnnit cette independancc porte, dit-on , 3u'on s'eloignera le mains possible des bases, du hut, e 1'esprit et des dispositions dcs traiUs de \S\4 et L'independance de la Belgique , repnnd Sebastian i , a (He reconnue sans restrictions, sans conditions. (Quelle faussete ! ) i) Quant aux Mmites, cette question n'a point 'ti ; traitee : ellc donnera lieu a des nejyociations , sur Ics- quelles la chamhre comprendra ct approuvera mon si- lence. Quant a la liberte du port inille, on pouvait croire qu'un de ses fils pouvait etre elu : cette opinion nous disposa a pencher d'abord pour le prince d'Orange. Tant pis : vousavez pris 1'initiative, tandis qu'il fallait attcndre le cboix libre et spontane des Beiges. Mais votis ne dites pas tout : vous avez voulu les contra ndre. Mais, irrites d'une lutte sanglante, les Beiges pro- noncerent Texclusion des Nassau, et depuis, uon-seu- lenient nous n'avons pas concouru a cette combinaison qui ne paraissait propre desormais qu'a allumer la guerre civile , mais nous y avous oppose I'influence de nos conseils. Des' Beiges, investis de la confiance publique , son- gerent d abord ' au jeune Othon de Baviere, et nous consulterentsur ce cboix r nous ne vimes auc-un motif de refuser noire assentiment. Mais bientot unegrande partie desirerent la reunion, ou tout au moins 1'eleclion du due de Nemours. DCS vi hommcs considerables de ce pays demanderent com- ment seraiont recus ces deux propositions. Nous les avons inurement examinees dans le conseil. Vous avez done eu fort de nier qii'on vous avait offert la reunion, et de soutenir que vous n'aviez jamais pu la refuser. Nous avons refuse la reunion , parce qu'elle n'etait pas unanimement desiree , et qu'elle aurait out rain u la (juerre generale. Nous avons refuse leduc de Nemours par les meraes motifs. Nous n'avons jamais entendu laisser la conference )i prcndre le caracUVe de Yiifterveniion. Non , la conference est devcnuc une intervention aussi oppressive que Fintervention armee , et vous 1'avez souf- fert! Quels motifs ont decide le conseil du roi ? dit La- marque; seraient-ce les menaces du congres de Londres? Mais si la France veut la pair , olio ne veut pas sacriper ti lautel de la Feur. Serail-ce un respect aveuyle pour les traites de et de 4815? Mais ils n'existent plus. Ils liaienl la Belgi- que a la Hollande , el la Belgique a rompu sa clialne : ils nous imposaient la legitimate dont le grand-pretre est, il estvrai, votre envoye au congres dc Lomlres Mais vous avez adopte la souverainete du peuple , qui , a leurs yeux , n'est autre chose que V usurpation ! Anvers venait d'etre bombarde, dit Maugwn, \e congres s'oceupait de I'exclusion des Nassau , quaiid arrive votre envoye, M. Langsdorff, qui declare, au ) nom du ministere franc,ais, que les puissances feront la guerre a la Belgique si les Nassau, sont exclus. Mais le centres , indigne , prononce aussitot 1 'exclusion , et nulle puissance n'ose declarer la guerre. Sebastian! ne Jisait done pas la verite tout a rheurc! '( Xos fi-ontieres du Rhin , dit Viennet, voila le vo'u . I'cspoir, la perspective de la France entiere; il n'y a i) plus en Europe de paix durable, tant que la France n ne sera pas satisfaite , et la plus sure garantie de ceite * paix est dans le complement de noire territoire. Mais accepter aujourd'hui la Belgique pour le due de Ne- mours, ce serait la guerre; ct d'aillcurs, ayant besoin du territoire pour recouvrer nos liinifes , nous ne pou- -cons donner a la Belgique un souveruin que nous Sf- rions forces de dt'troner un jour. Quel aveu ! quelle politique! Viennet est done aussi naif que Thiers! \amemenlLamarque demande-t-il encore que les pie- ces soient deposees sur le bureau de la chambre : la cham- bre et la France ne les obtiendront jamais! Un protocole du 20 dccembre , dit Mauguin, avail assure a la Boljjiquc son indopendance; inais, par un nouveau protocole du -19 fevricr , cette indepondance n'est plus que conditionnelle : il faut que la Belgique cede le Luxembourg a la Hollande. Puis, nous pressons la Belyiquede prendre pour roi le prince de Saxe-Cobourg, afin de la donner a 1'Angle- terre ; ou nous lui proposons le prince de Naples , aim do la douner a I'Autriche ! > ic nc rappellerai pus, dit-il encore (12 el \\ avrilj , relte lettre du \ CT fevrier , jetce an milieu du eon;;ti.s beige a 1'iuslant d'une election seulcment desiree ; on di- sait alors quc la France ue reconnaitrait jamais le proto- cole du 20 Janvier; qu'elle laisserait la Belgique rn;;i- tresse bre dernier. Non , car le cabinet a d'abord proteste contre lo re- tranchernent du Luxembourg : il est vrai qu'il a ensuite retractc sa protestation; mai c'est une Louteuse fai- blcsse. L'independance de la Belgique et sa separation de la u Hollande ont ete reconnues par les {jrandes puissances , dit Louis-Philippe en ouvrant la session de 185J. Les places elevees pour menacer la France et non pour pro- teger la Belgique SERONT UEMOLIES ; uue neutralist re- w conuueparl'Europe, et 1'amitiede la France, assurent a nos voisins une independance dont nous avons etc le premier appui. Ce discours , qui provoque des applaudisscmens dans la ciiambre, excite de vivcs reclamations dans le parlc- inent brilanuique, aux seances des 25, 26 et 27 juillet. Dans !a chambre des communes on dit : Qu'on ue de- molir que qvelques fortcresses , dans lesquelles on ne pourrait pas mettre garuison sulfisante, et qui , en cas de jjuerrc , pourraieut etre prises par la France; quc la de- molition n'aurait lieu qu'apres la reconnaissance de Leo- pold par touies les (jrandes puissances ; que la designation de ces fortcresses a demolir sera faite par TAngleterre , 1'Autriche, la Prusse , la Russie , la Belgique et peut-etrc /a Hollande avec laquelle 1'Anglcterrc a d'anciens liens d'amitU , mnis que la France nefera paspartie de la con- ference. 417 J'ai coopere a r erection des forteresses beiges , (Jit i Wellington a la chambre despairs, afin d'clever uae " barriere pour defend re le nord de 1'Europe. L Augle- terre , 1'Autriche, la Russie et la Prusse concoururcnt a ces constructions , et verserent pour cet objet leur part des contributions levees sur la France. >i Louis-Philippe ayant declare sa ferine resolution de it se considerer comme lie par les traites existans, de- u vint , par le fait seul de cette declaration , partie du CONGRES de Londres. Mais je vois avec plaisir que la ii France ria point participe a Varrangement relatif a ces i) forteresses. Si la guerre avail cclatee , dit lord Grey , toules ces forteresses seraient tombees en huit jours entre les mains desFrancais. I/arrangement actucl est prefera- ble acelui de 4815. A 1'appui de ces assertions , le ministre anglais com- munique un protocole du ^7 avril, redigc a Vinsu et sans la participation de la France , et portant qu'une ii negociation aurait lieu entre la Belgique et les quatre <> puissances pour determiner le nombre ct le choix des I forteresses a demolir. Cc protocole n'est communique a Talleyrand que le \4juillet avec uutorisation de le rendre public. Ainsi , on cache ce protocole ; et le roi vient afflrmer solennellement que les forteresses seront demolies , tan- dis qu'il no s'agit que de quelques forteresses et d'un projet qui pourra n'avoir jamais d'execution ! II designe li\s 1'orteresses destinees a tnenacer la France , tandis (ju'aucune dosijfuation n'est encore faite , et que rien ne serait plus facile de soutenir qu'aucune forteresse beige ne se trouve dans cette categorie ! II presentc cette de- molition comme demandee et obtenue par lui dans Tin- leret de la France, tandis q.ue le protocole du \1 avril , u lui communique sculement le 14 juillet, n'a etc fait qu'asoninsu, sans sa participation, dans 1'intcret des autres puissances , et pour retablir autant que possible les traites de ^U et do 18J5! Quelle deception! et dans le discours de la couromie ! Le choix que la Belgique a fait etait politique , dit 27 i- Casimir Perier (seances du 9 au 4G aout) , le carac- tere personnel du prince qui en etait I'objct renclait cc choix desirable. La France a du 1'accueillir avec satis faction. D'ailleurs, en reconnaissant le roi Leopold , la France a stipule des conditions quo reclamaient sa surete et su diynite. La demolition des places fortes elevees contre la France par la sainte-alliance effacera les dormers vestiges de 4815. En reconnaissant Leopold, vous avez stiptile la demo- lition des forteresses ! Cette demolition effacera les derniers vestiges dc 4845! Que d'audacieux men- songes ! C'est ainsi qu'on surprend des majority, et qu'on trompe lepays! et on Ini parle d'honneur, de dignit^ !... Dans les ncgociations concernant les forteresses , dit Larabit, tout a ete dirige contre nous. Nos ministres ne devaient pas s'eu faire un titre de gloire dans cette cbam- bre; c'est trop compter sur noire credulite. Nous avons etc "obliges de faire un grand sacrifice , dit Tillers, en nbaitflonnnni la Belgique ; mais toutes les questions so reduiscnt a la reunion , et c'est la guerre generale. Or, faire une guerre generalc pour une pro- ii vince, pour une conquete , ^'aurait etc insense ; il a done fallu ajourner nos pretentious sur la Belgique. Quelle bravoure ! quelle raisou ! quelle loyaute ! La Belgique, dit Sebastiani , a elu librement et spon- tanement Leopold. Nous devions respecter son inde- pendance; nous ne pouvions lui imposer tel prince plu- tdt que tel autre ; nous avons rendu bommage a la souverainete du peuple. Que de contradictions avec les fails! Que de raenson- ges ! Comme vous vous jouez de la credulite de vos audi- teurs ! Tressez des couronnes , elevez des arcs de triomphc pour le retour de Talleyrand, s' eerie Lamarque; il a accompli ce que la sainte-alliance n'avait pas ose tenter dans 1'ivresse de la victoire, ce que les Bourbons de la branche ainee n'auraient pas accordc; il a repair la seulc faute politique que Napoleon reprocbait a 1'egoiste Angle- 449 terre : la Belgique lui appartient. Par le Hanovre, elle ouvre les debouches du nord de 1'Allemagne ; par le Por- tugal, tous ceux de la Peninsule. La Belgique sera a la fois sa Ute de pont pour la guerre et un second Hanovre pour inonder de ses produits le nord de la France et le inidi de 1'Allemagne. Mais, vont peut-etre nous dire nos rninistres, il n'est pas Anglais , ce prince qu'ont Hbrement choisi les Beiges ! Ils 1'ont choisi sans doute , mais pour sortir de Yinextri- cable labyrinthe oil les avaient jetes les intrigues de la diplomatic; ils 1'ont choisi apres que vous leur avez refus la reunion et le due de Nemours; ils 1'ont choisi unique- inent parce qu'il etait Anglais, et qu'il leur promettait Yappui de I'Angleterre. En doutez-vous? Voici les propres mots qu'a la seance du 5 juillet, M. Lebeau, le Sebas- tiani de la Belgique , prononc.ait pour Oxer les irresolu- tions du congres : Notre avenir a pour gararitie le noble caractere de Leopold, qui appartient ii la famille royale de I'An- gleterre, et qui a la perspective de la regence de eg royaume. II est done Anglais aux yeux des Beiges , ce prince qui epousa une heriticre du trone d' Angleterre , et s'assie- rait sur ce trone si son epouse vivait encore , ce prince qui s'est fait naturaliser en Angleterre. On a done viole les protocoles qui excluaient les cinq grandes puissances, et on les a violes au detriment de la France, et peut-etre meme de 1' Angleterre. Ah! des torrens de sang anglais et frangais couleront peut-etre un jour pour efiacer la faute quo vous commetU'Z duns ce moment ! Quant aux forteresses , continue Lamarque, ce sont les n6tres qu'on demolira; oui , les n6tres! Car le duche de Bouillon, Mariembourg et Philippe- ville appartenaicnt a la France avant 4789, et vous les cedez a la Belgique , c'est-a-dire avec la Belgique a I'An- gleterre . C'est trop de confessions a la paix ! et cette paix voas ne 1'avez pas ; vous allcz laire la guerre ; et ce sang francais quc vous rfusiei a 1'Ftalie, i\ la Pologne, en 420 .ii-;inl qu'il ne dcvait couler quc pour la Franco, vous allcz lo repandrc pour soutenir un prince anglais en Jlel- giquel Et ne nous parlez pas de votre prevoyance! Le canon d'Anvers vous a surpris et reveilles; vos brigades et vos divisions n'etaient pas formees; vos generaux, accourus n la hate , ne menaient au combat que des soldats qu'ils ne connaissaient pas, et dont ils ctaient inconnvs. (i En 4845, repond Sebastiani , la sainte-alliancf constitua a nos portes un royaume de sept millions d'habitans. La creation de ce royaume etait dirigee u contre nous. Elle fit plus, elle eleva un grand nombre x de places fortes; elle voulut creer la une vaste tete de pont, ou seraient recues toutes les armees de TEurope, i. afin de resserrer etroitement la France dans ses limites, et 1'empecher d'exercer rinduencc qui lui apparticnl. (La position est a pen pres la meme, puisque ces places restent a la disposition des quatre puissances. ) La revolution de Belgique arrive; les puissances s'in- quietent; elles demandent que le prince d'Orange *oit place sur le trone dc Belgique. C'etait la reconstruction i) du meme royaume, sous une autre forme. (Et cepen- dant vous y consentiez!) La France declare (prouvcz ! i car vous n'avez pas Thabitude de faire des declarations w pareilles) qu'elle ne reconnaitra pas un prince de la maison Nassau , place sur le trone de la Belgique : ce projet est a 1'instant meme abandonne. (ISon ! non ! mille fois non ! c'est un mensonge ! ) C'est en execution <'es engagemens pris par les cin^ puissances , dit Bignon , c'est pour faire respecter la ne u- tralite du nouveau royaume que marche notre armec. Ainsi le role de la France n'est pas un role qui lui soit propre ! Elle n'agit pas pour elle-memc ! pour elle seulo ! Elle est Tarjent d'execution , Yhomme d'armes de la con- ference de Londres ! Si c'etaient les Beiges qui fussent les agrcsseurs , la France aurait du se declarer contre lex nelges , comme elle se declare contre la Hollande. > Nous voila sur le terriioiro du ci-devant royaunte dps Pays-Bas. Si fjiielque puissance prend parti pour IP 424 roi tie Hollande , c'est des lors uue grande guerre, une guerre qui peut devenir generale. Je ne pense pas , comme le ministere , que notre expe- dition en Belgique ait pour effet certain une veritable consolidation de la paix ; niais jc suis tout-a-fait porte a croire qu'ellc peut et doit meme assurer la prolongation fie la paix pour un temps indetermine. S'il y a dcs puissances qui veulent la guerre, ou qui eprouvent quelque humeur de la promptitude avec laquelle nous avons pris parti dans cette affaire, on dissimulera ; on acceptera pour valable nos declarations , on se conten- tera d'en demander raccomplissement , et 1'on s'empres- sera de nous dire , en termes tres obligeans sans doute . Votre tache est finie, sortez. La conference, ajoute-t-il, n'est qu'une continuation des congres de la sainte-alliance : je 1' avals prevu , annonce des uovembre 4850 : on a change le mot, mais c'est la chose. A Vienne , le congres etait compose de cinq mem- bres , et ses protocoles ctaient impcratifs ct obligatoires : il en est de meme a Londres. Le congres , hostile a la libcrte des peuples , a excom- Hiunie Ics constitutions de Naples, du Piemont, du Por- tugal et de I'Espagne : aujourd'hui Vinteret anglais pre- domine en s'unissant a Yinteret de la sainte-alliance. Depuis buit mois , au lieu d'offrir une mediation amicale , la conference a pretendu exercer" un arbitrage despotique el sans appel : elle a prononce des sentences et lance des decrets foudroyans. Decrets impuissuns ! Menaces ridicules! son but etait de faire peur aux Beiges, et les Beiges n'ont pas eu peur. La diplomatic des cinq grandes puissances de 1'Europe a echoue devant I'obsti- nation inflexible d'un peuple de quelques millions d'amcs, Aujourd'hui la conference ne decrete plus, elle ne/ commande plus : ses protocoles , si tranchans et si pi' 1 - i cmptoires , ne sont plus que de modestes propositions qu'il est loisible aux Beiges de rejefer ou d'admettre. Et moi aussi , messieurs , continue Bignon , je vais repeter le mot qui a si vivement blesse M. le ministro des afl'aires elrangeres. Le gouvernement francais a lime 422 la Belgique a I'Angleterre. La conduite de noire gouvei - nement , en cette circonstance , me serable une de ces f antes comme il ne s'en commet pas deux en un siecle. Entendez-vous , ministres qui ne devriez pas vous com- parer a Bignon ? c'est une condemnation prononce contre vous ! Une premiere faute , ajoute-t-il , c'est d'etre entre dans une conference ou tout se decide a la majorite des voix , en sorte que , quand il s'agit de cboisir entre un interet francais et un inierei anglais, il y a necessaire- ment quatre voix contre la France. Le ministere a pris a faux la question de la Bclgique. II lui a semble que toutes les destinees de 1'Europe elaient dans sa prompte solution. II n'a pas eu d'aulre pensee que de la finir. C'etait precisement le systeme contraire qu'il fall ait suivre. La Belgique , avant que son existence fut fixee, elail pour nous un chateau fort , une place d'armes d'ou nous menacions FEurope , d'ou nous tenions 1'Europe en res- pect. C'etait la , du baut de cette citadeHe , que nous devions nous expliquer avec les puissances sur les affaires de la Pologne et de 1'Italie. C'etait de la que nos paroles auraient ele entendues. II n'cn a point ele ainsi. Ce qui cut du nous inspirer de la conGance a ete pour le mi- nistere une source d'effroi. Ce terrain, sur lequel il eut du s'asseoir, il en a eu peur comme d'un volcan pret a le devorer. La est le principe de sa meprise , le point de depart de la fausse route qu'il a suivie. Une fois le ministere avail fait un acte de sagesse et il n'a pas su y perseverer. II avail refust son adhesion a un protocole de la conference, au protocole fameux du 20 Janvier, qui a fixe la dclimilation de la Belgique et de la Hollande. Apres les erreurs prccedentes, c'elail du moins un point d'arrel auquel on pouvail se lenir aussi long-temps qu'il eut etc necessaire pour faire prendre aux affaires generales une direction plus conforme a nos vues ; mais lorsque toul nous commandait de garder celte posi- tion , nous 1'avons abandonnee pour la livrer a, un interet contraire au n6tre. Le Luxembourg n'appartieut pas aux Beiges : ccpoa- 425 pendant, qu'ils aient fait tous leurs efforts pour obtenir la cession de celtc province , loin dc leur en faire un crime , je ne puis que louer leur perseverance. La Belgique est notre allite! Non, puisqu'elle est neutre, et cette neutralite n'a precisdment ete creee que pour empecher notre alliance. Mais s'il s'agissait de nous attaquer, la sainte-alliance ne respecterait pas plus cette neutralite de quelques jours qu'elle n'a respecte en -1845 la neutralite de la Suisse , qui datait de plusieurs siecles. Et les forteresses ! on nous fait entendre que leur demolition dependra de notre scuff volonte ; elles sont done oil vont etre occupees par nos troupes? Eh ! non , la conference est encore la ! Vous avez entendu, et entendu en rougissant, les explications donnees dans le parlement d'Angleterre. Ou determinera celles des forteresses qui devront etre demo- lies , et cette designation, on la fera sans notre concours. Leopold sera Anglais malgre les Beiges et malgre lui. II ne depend pas de iui d'etre autre chose qu' Anglais : il tiendra necessairement a 1'Angleterre , dans 1'interet de 1'augmentation de la puissance beige , dans 1'interet memo de son existence. N'avez-vous pas deja , messieurs , entendu le mi- nistre Lebeau , pour decider le congres en faveur de ce prince , chercher a flatter 1'orgueil de ses compatriotes , en leur montrant dans 1'avenir les grandes destinees de la Belgique au detriment de la France? Ne 1'avez-vous pas entendu annoncer que si un jour les provinces de la rive gauche du Rhin venaient a changer de maitre , cc serait a la Belgique qu'elles devraient appartenir. Ainsi trois interets etaient en presence : un interet francais, un interet de sainte-alliance et un interet an- glais. L'interei francais a echoue partout; 1'interet de la sainte-alliance a prevalu a Tegard de la Pologne et de I'ltalie ; I'Jnterot anglais triomphe en Belgique. Le mal est immense , irreparable peut-etre , dit fiignon en tcnninant ; et tout ce mal tient a unc seulc cause , a la peur exirtme que notre cabinet a, cue de la guerre , peur qu'il n'a pas su dissimuler. Celtc terreur a fait le succcs des puissances ctrangeres coutre nous c'est 424 on nous cepeiulant (ju Cut dii etre la conliance , el la UM- reur chez elles. C'est notre crainte excessive de la guerre qui a encourage 1'Autriehe a envoyer ses troupes a Mo- dene , a Parme et dans les etats romains. C'est cette crainte qui a porte notre cabinet a tant de fausses demar- che* au sujet de la Belgique , et qui , apres 1'avoir decon- sidere par ses contradictions , 1'a reduit a laisser planter un pavilion anglais sur notre frontiere. Nous avons tout permis , tout endure , tout souffert . et cependant , nialgre tant de concessions, apres avoir tant fait pour la paix , le ministere ne peut dire que nous n'awrons pas la guerre. Quel resultat d'une seule annee, et surtout quand cette annee date dejuillet 4850 ! Notre entree en Belgique, dit Soult, cst une preuce satisfaisante que nous sommes prets a defendre notre independance. (Oui, belle preuve!) Nous acceptons toute responsabilite a cet egard. (Belle consolation!) Que Torateur qui vieiit de rnanifester des inquietudes soit done parfaitement traitquille, de meme que la France. (Tout cela est bieu rassuranl en effet ! ) Nous avons d'ailleurs les assurances les plus for- melles des intentions pacitiques des puissances : que sous ce rapport encore on ne se chagrine done pas! qu'on ne se tourmente pas ! (C'est ce qu'on disait aux patriotes d'Espagne, d'ltalie et de Belgique!) Quel ton pour un ministre parlaut devant la represen- tation nationale ! (i Les Hollandais se relireiit , ajoute-t-il : cependant uos troupes ne rentrent pas pour cela; car auparavant il faut que nous ayons la certitude qu'il n'y aura pa de retour, Eh bien! la conference va vous ordonner de sortir au- paravant , et vous obeirez ! Vaineraent Larabit , Salverte , Mauguiu , Lamarque et beaucoup d'autres demaudent-ils encore ici la communi- cation des protocoles et des pieces; \ainement Mauguin dit-il aux ministres que , par leur refus, ils se meltent en otat d'hostilites envers la chanibre : ils ne communiquc- ront rien, jamais rien 425 La Belgique, dit Yadresse ties deputes a Louis-Phi- lippc, la Belgique, qui, comme nous, s'est libremcut 'i donne un roi , vient d'etre attaquee; nos armees mai- > chent a son sccours ; et la France s'associe avec transport a un mouvement genereux dont le hut est de defend ro , d'affermir le principe de notre glorieuse revolution, de fixer definitivement nos rapports avec nos voisins , ft de dissiper tons les doutes qui agitent peniblement la France. Eh bien ! 1'armee sortira avant que ces rapports soient definitivemcnt fixes , avant que ces doutes soient dissipcs ! C'est depuis que vous etes reunis , repond Louis- Philippe , que 1'invasion inuttendue de 1'armee hollandaisc en Belgique m'a determine a rassembler immediatement une armee pour assister le roi des Beiges, et donner a cette nation les secours dont elle avail un si pressant besot H. J'espere que notre armee pourra bientot aussi rentrer en France , et je me haterai de la rappeler aitssitnt que , de concert et d'accord avec les puissances garantes avec moi de Findcpendance de la neutralite de la Belgique, je serai assure que le retour de notre armee n'exposera pas la Belgique a de nonvelles agressions. Eh bien ! I 1 armee rentrera auparavant , sur 1'ordre de Tetranger La Belgique , dira Leopold en ouvrant la session beige le 8 septembre , confiante a I'exces dans les en- gageraens contractes par Guillaume, s'est vue tout a coup surprise par une armee dont les forces exccdaient i) de beaucoup celles qu'elle avail a lui opposer. Lc secours de la France devenait alors urgent, in- dispensable. Aiiisi , confiance excessive d'un roi , deloyaute d'uti autre roi , restauration presque inevitable pour conse- quence, et 1'on nous dit dit toujours : Soyez tranquilles, nous sommes prtts], et nous avons les assurances des rois ! n Des avantages de plus d'une espece , dit Bignon ( <0 septembre) , dcvaient olre pour nous I'immaEquable rosultat de notre entree en Belgique. Mais lorsque le ministere est en position de fairo en- 426 (cadre et respecter sa voix, c'est tin qui , docile, instru- ment des decisions de la conference, va, rcvient ou s'ar- rete, selon qu'on vent bien y consentir. Toujours il en sera ainsi , taut iju'il ira se faire maitriser dans une con- ference ou quatre puissances , se faisant des concessions reciproques entre ellcs , sont et seront constammeut d'ac- cord centre I'inieret francais. Cctte question de la Belgique, repond Sebastiani , n'est rien mains qu'une question terminee. Elle peut done amener la guerre aprcs tant de proto- coles et tant de concessions? L'aristocratie anglaise, dit Mauguin( seances des 49 au 24 septembre) , se plaint de ce que nos soldats sont en Belgique. Que faire alors pour e* viler les rcmonlrances de 1'An- jjleterre? Louis-Philippe prie Leopold de lui ccrire une let t re par laquellc il lui demandera de laisser 42,000 homines en Belgique. Wellington a denonce ce fait dans le parlement britannique sans etre dementi : il a ajoute que c'etait un maurai.s subterfuge, et que, malgre cettc lettre de Leopold , il ne fallait pas soul'frir qu'un seul de nos soldats restat en Belgique. ' Enfin , la lettre du roi Leopold ecrite , nous annou- ^ons dans le Moniteurque nous laisserons 42,000 boinmes en Belgique; et ce parti est si bien arretc qu'on forme un camp , et qu'on s'occupe des moyens de faire passer a nos troupes la mauvaise saison qui s'avance, Mais Forgueil britannique ne pouvait etre satisfait. A la conference, de nouveaux protocoles, a la tribune an- glaise, les voix de 1'opposition firent entendre de nou- veaux murmures. Qu'avons-nous fait? nous avons retire nos troupes. C'est ainsi , messieurs , que , tandis que Yhumilite la plus complete existait dans les notes , le langage des conseillers de la couroniic etait haut et superbe. Le royaumc des Pays-Das, repond Sebastiani, avail etc cree en hostilite contre la France. Toute I'Europi; y avail concouru. Apirs avoir cree sur nos fronticrcs un royaume de six millions d'habitans, die le couvril 427 tie places fortes. Pour la construction de ces places fortes , toutes les puissances intervinrent avec leur argent. (Non, avec nos contributions!) La revolution de Belgique produisit a Petersbourg une grande impression. Cette cour tit le systeme eleve CONTRE NOUS s'ecrouler. Le royaume des Pays-Bas disparaissait , et avec lui la force offensive creee contre la France. De plus , des interets de famille se melaient it ces interets generaux. Bientdt le roi de Hollande reclaim 1'appui des se- cours de la Russie. L'empereur de Russie repondit que les malheurs de Guillaume 1'interessaient vivement ; qu'il desirait lui prater son appui, mais qu'il ne pou- vail le faire qu'avec le concours de ses allies. Ainsi , la predilection de Nicolas ct de la saiute-al- liance pour Guillaume . et leur interet a retablir le royaume des Pays-Bas ou a s'emparer de la Belgique , ne peuvent etre deuteux. * L'admi ii ist ration actuclle , dit Lamarque , s'est, non pas seulement associee comme Louis XVIII et Charles X a la salute-alliance , mais elle s'est placee a sa suite, en entrant dans un congres ou les gouverneniens absolus et les puissances rivales ont toujours une majorite assuree. La Belgique , privee du Limbourg , du Luxembourg et de 1'Escaut , ue sera qu'un simulacre de royaume , n'aura qu'un simulacre de roi , qui fera bien de tenir toujours ses malles faites , et d'avoir a Anvers , a Os- tende , un paqucbot pret a le soustraire ax visites impre- vues du prince d'Orange ; car la France n'aura pas tou- jours a Maubeuge et a Valenciennes une armee pour te- nir debout son trone cbancelant. Ainsi la saintc-alliance a completement atteint son premier but, et tout lui pro- met une prompte restauration qui doit etre 1'avant-cou- reur d'uue restauration plus importante a laquelle 1'Eu- rope travaille. Militaire et citoyen , c'est la rougeur sur le front que j'ai entendu les explications donnees de notre evacuation de la Belgique, et il m'cst demon tre que les soldats ont obci aux ordirs , aux ordres a'osohis des faiscurs do pro- locoles doLondrcs. Ainsi, il meniaU, k Moniteur , quaim 428 il nous disait que douse mille Franca is resleraienten Kcl (jique! Ainsi ilsse troinpait, notre minislrc de la {juenv, quand il disail. do nos soldats : Us n'en sortiront ])(ts!. . . Us sont sortis , en laissant debout le monument do Wa- terloo , en evacuant les places construites avec nos tri- buts , avant d'avoir assiste a leur demolition! Ce sera la Prusse , TAutinclie , la liussie qtii decide- ront quelles sont les places a demolir , et la France, misc a Tecart comme un coupable que Von jiu/e, attend ra Par- rot. Quand nous arreterons-nous done sur cetlc penle ra pide et honteuse de concessions ? Je no crois pas, dit Thwrs, quaucun mvristere cut pu rester en France s'il avait souffert que les Prussians entrassent en Belgiqve; nous ue dcvions pas plus y rester. Est-il quelqu'un dans cette chainbre qui croie que Guillaume veuille faire une noitvelle pointe en Belqi- que? Oui , moi , repond Cabet. u Je comprends que sur quatre cents membres il y en ait IMI; mais il n'y en a pas deux qui croicnt que la Hollande veui Tecommencer les hostilites. II y en avait probablemcnt deux cents , peut-etre qua tre cents, y compris Thiers lui-meme ; mais un seul ex- prime sa pensce. Lafayette va cependant indiquer aussi !a sienne. La rcstauration orangistc , dit-il, elait orjjanisee , on avait eloijjue les patriotes et jjlace I'enthousiasnie (c'csl comme en France ! ), et sans uotre armee la contre-revo- lution etait faite. > Dans ses ord res du jour , le prince d'Orange nous an no nee une nouvelle invasion : mais j'espere que iios troupes seront loujours pretes a la repousser. On nous annonce, dit Salverte, 1'cxistence d'un pro- n tocole qui contient la cession du Luxembourg. Ce n'estpasvrai, lui repond Sebastian i du sa place : rien de pareil n'existe. Khbicn! c'estvrai, ct ce dementi n'esl - quc en quelquc sorte les peuples a s'alTranchir et leur promet son appui ? *^* Ah ! qu'il est rouge de houte le front d'un vrai Fran- e.ais ! que son cceur est navre de douleur ! Oui , quc les nations ne s'y meprenneiit pas ; .eminem- ment juste , sans rancune et sans envie, reconnaissante , loyale et genereuse , trompee et non trorapeuse, oppri- mee et non oppressive , la France, la vraie France est Jeur so3ur et leur ainie; leur cause est la sienne, et , quoique innocente de leurs malheurs , dont son gouver- nement seul est coupable, elle se regarde comme a janiais obligee a les reparer. Oui, tous les peuples doivent c-tre allies et amis; mais les patriotes espagnols, italieus, polonais , beiges et fran- ^ais sont particulierement a jamais unis par les liens do rinfortune et de la fraternite. 45. La sainte-dlliance avance toujours , ct Louis- Philippe rccule sans cesse. Concessions coiiiinuelles destructives de rindependance nationale. Encore complicite ou Idchete du gouvernement. Si Ton cede une fois, disait Dupin dans la cliambre, il faudra lui.ceder une secoude fois , une troisieme , ot toujours. Si Ton cede nne fois a une ligue d'aristocrates et dc rois, dirai-jc a mon tour, il faudra leur ceder sans (. : ot celui qui sc croirait babile en ne faisant des conces- sions (\uune a une, article par (ii'tick , no ronilorait ainsi que pour inieus sauter ou toiuber. Si Ton en croit le discours de la couronne, jamais 1'honneur de la France u'a micux eto defendu : car ecou- Vous jugorez, sans douto, quc dans ces difficiles no- ations los rrais interets do la France, les interets i) de sa prosperiir , do sa pui-^anco rt do so 433 j) ont ete defendus avcc perseverance ct d ignite. L'Eu- rope est aujourd'hui convaincue de la loyaute de nos intentions et de la sincerite de nos voeux pour le main- v Hen de la paix: mais elle Test aussi de noire force, et elle sail comment nous souliendrions la guerre , si nous y etions contraints par d'injustes aggressions. II est vrai que jamais gouvernement n'a plus parle d'/jonneur et de dignite , de franchise et de loyaute. Mais jamais assi gouvernement n'en a peut-etre moiiis eu. Jamais surtout gouvernement n'a mis plus de mystere dans ses actes et sa conduite. Quand la chambre doit repondre au passage ci-dessus du discours de la couronne , la commission lui propose le paragraphe suivant : Dans Yexamen de ces difficiles negotiations, nous avons la confiance que nous trouverons la preuve de la )> dignite et de la perseverance avec lesquelles ont ete de- fendus les vrais interests de la France. Mais Bernard , membre de la commission , raconte a la chambre ce qui suit. La commission avait d'abord a 1'nnanimite redige c paragraphe ainsi : " La chambre attend la communication des documens diplomatiques qui ont servi de base a ces negociations. Elle les cxaminera avec attention , et avec \esperance d'y trouver la preuve que les vrais iuterets de la France et sa dignite n'ont pas ete compromis. Mais la commission s'ajourna aulendeniain; et, dans 1'mtervalle , C. Perier et Sebastiani ( qui avaient eu con- naissance de la redaction et qui eu ctaient contraries ) demanderent a etre entendus. 11s donnerent des explications verbales sans apporter aunine des pieces necessaires pour eclairer la France. Neaamoins , la majorite de la commission ne voulut plus demander la communication des pieces , et la mino- rite seule persista dans cetle demande en cxprimant d'a- bord le desir , puis Yesperance de trouver dans ces pieces la preuve, que 1'hoimeur etla dignite de la France avaieut 6te convenablement defendus. 28 Mais, dans la chambre, les ministrcs et lours amis repoussent obstinement cette communication , qui n'est jam a is donnee. Ainsi le ministere veut non-seulement qu'on le juge, qu'on 1'approuve , et meme qu'on le loue , mais encore qu'on le croie sur parole. Jamais cependant les acles diplomatiques n'ont etc plus multiplies et plus importans. La conference de Londres ne s'est pas occupee seule- ment de la Belgique : sans doute elle s'est occupee de 1'Italie , de la Pologne , de 1'Allemagne , de la Suisse , de la reconnaissance de Louis-Philippe , du desarmement general, de la paix et de la guerre, etc. Que de proto- coles ! que de negociations terminees ! quel interet la France n'a-t-elle pas a les connaitre ! que de fois les de- putes patriotes u'en ont-ils pas demande communication et toujours en vain! Jamais , non jamais , on ne s'est joue si scandaleuse- menl de la charte , de la representation nationaie et du gays. En agissant ainsi , ne pourrait-on pas le trahir et le vendre sans qu'il fut possible de s'en apercevoir? Et pourquoi ce continuel mystere? Pourquoi cette violation de la premiere loi du regime representatif? Ce silence si perseverant n'est-il pas 1'accusation et la con- damnation du gouvernement ? N'autorise-t-il pas au moins tous les soupc/ms? Craint-il, le gouvernement, que, si le voile etait leve, on ne le vit, chapeau bas, a genoux , les mains jointes , implorer la paix. tout accor- der ou tout offrir pour 1'obtenir? Sans doute les autres souverains agissent en barbares oppresseurs des peuples , mais lisez la reponse de Met- ternich a notre ambassadeur ( v. t. 2, p. 49 ); lisez le ma- ifeste de Nicolas (voy. t. 2, pages 66 et suiv. ); exami- nez la conduite dc Guillaume ^ Us ont du moins de 1'energie ! ils sentent la dignite d'une couronne ! ils ne reculent pas devant la guerre! Des le premier moment de uotre revolution, la sainte- allianco s'est armee , et ses armemens ont toiijours aug- mente. Elle a fait tout ce qu'elle a voulu en Italic comme 435 en Pologne : ses exigences ct ses succes sont alles crois- sans centre la Belgique , la Suisse et 1'Allemague ; chaque jour elle devient plus forte et plus mena^ante: chaque jour elle fait un pas en avant. Louis-Philippe , au contraire , ne recule-t-il pas sans cesse, soit devaut 1'Espagne , soil devant 1'Autriche en Italic, soit devant Nicolas en Pologne? Ne fait-il pas cha- que jour de nouvelles reculadcs devant la sainte-alliance en Belgique? N'a-t-il pas recule devant le pape lui-meme, s'abaissant jusqu'a desavouer comme une malheureuse meprise une expedition qu'il avait ordonnee et dont il faisait triomphe a Paris 5 lui demandant en quelque sorte pardon d'etre entre sans sa permission a Anctine, le 23 fevrier -1832; consentant a faire repartir de suite une par- tie de la troupe ; promettant de faire sortir le reste aussi- tot qu'il 1'exigerait ; mais le suppliant d'y souffrir quelque temps encore quelques-uns de nos soldats pour eviter rex- plosion des murmures que leur rentree subite pourrrait exciter en France 5 se soumettant a toutes les conditions les plus humiliantes , notamment a cesser tous les tra- vaux de fortification commences , a ne pas sortir de la ville , a ne plus laisser paraitre le drapeau tricolore sur la citadelle , a subordonner le commandant militaire a un agent civil et politique , a payer toutes les depenses , et probablement sous ce titre quelques millions de tribut a sa saintete? Que d'humiliations pour 1'armee , qui devait ne se montrer qu'en liberatrice ! Que de honte pour la France, qui devrait etre a la tete des nations ! Aussi , que d'affronts partout pour nos voyageurs , ct que d'affronts pour la France et pour son roi dans les journaux ministeriels etrangers , dans la conference de Londres , memo aux tribunes beige et britannique ! Ce que je demande au gouvernement anglais , dit sir Robert Vivyan , c'est qu'il ne montre aucune crainte du gouvernement actuellement existant en France. (Bi- gnon , -10 septembre. ) Lord Grey lui-meme declare publiquement au parle- ment , en Janvier \ 832 , que si la France avait brave la guerre, personne n'auraitose I'attaquer; mais qu'on Fa 436 taincuo en temporisaut , et que la Hollande a obtenu (J Lien meilleures conditions que cellcs qu'on pouvait espe- rer. (Espererl... Entendez-vous?) Vous parlez de dignite! Eh bien ! ecoutez co qu'ecri- \ait Napoleon a son niinistre des affaires exterieures , le 4 Janvier )8\4 : Je pense , dit-il , qu'il est douteux que les allies soient de bonne foi et que 1'Angleterre veuille lapaix : moi , je la veux, mais solide, honorable. La France, sansses limites naturelles, sans Ostende, sansAnvers, ne serait plus en rapport avec les autres etats de I'Eu- rope (qui tous se sont beaucoup agrandis.) Veut-on reduire la France a ses anciennes limites, c'est I'avilir. On setrompe si on croit que les malheurs de la guerre puissent faire desirer a la nation une telle paix. II n'est pas un co3ur fran^ais qui n'en sentit I'op- probre au bout de six mois , et qui ne la reprechat au gouvernement assez Idche pour la signer. Si la nation me seconde , Tennemi marche a sa pertc ; si la fortune me trahit, mon parti est pris : je ne tiens ') pas au trone; je n'arilirai ni la nation nimoi, en - souscrivant a des conditions honteuses. Etque dirons-nous des concessions journellement faites a la saiute-alliance jusque dans ('administration inte- rieure de la France? Car pourquoi Tarmee n'est-elle pas de 800,000 hommes, comme on Tavait annonce? Pour- quoi n'est-elle pas organisee en divisions et brigades, vcillant sur nos frontieres ? Pourquoi la garde uationale mobile , si souvent et si vivement reclamee , n'est-elle pas organisee? Pourquoi notre garde citoyenne est-elle dissoute prccisement dans les villes ou elle est le plus neces- saire , et ou 1'etranger la redoute le plus ? N'est-ce done as pour satisfaire les VCRUX de Tetranger qu'on repousse !es voaux de la nation ? N'est-ce pas pour le rassurer qu'on poursuit 1' association nationale ct qu'on dissout Tecole polytechnique ? N'est-ce pas pour lui plaire qu'on arrete ct qu'on expulse les proscrits italiens et polonais , et qu'on les force a braver les tempetes pour aller mourir on Afri- que, comme c'elait pour lui fairc plaisir que Louis \^ 111 nllait en Espagne? N'est-cc pas pour plairc a 1'elranger r, 457 qu'on conserve ou qu'on cboisit certains ministres , cer- tains ambassadeurs , certains hauls fonctioimaires car- listes , et qu'on revoque , que Ton conserve ou qu'on Eropose certaines lois pour dcmolir la revolution et la berte ? N'est-ce pas pour plaire a 1'etranger que , par exemple , le divorce est repousse , 1'heredite de la pairie obstinement demandce , la legislation sur la garde nationale, sur les administrations municipa- les et de'partementales , et sur 1'iiistruction primaire , etranglee, impopulaire ou ajournee? N'est-ce pas pour plaire a 1'etranger qu'on n'a jamais permis aux cham- bres ni d'exercer 1'initiative des lois qui leur est accordee par la charte , ni de consolider le'gislativement les grades et les honneurs decernes par Napoleon pendant les Cent- Jours? Est-ce pour obeir a 1'etranger qu'on a tout risque pour sauver Polignac ; qu'on a tout brave pour ajourner et detourner la proposition Baude et Briqueville , et qu'on brave tout encore pour respecter les sanguinaires prome- nades de la duchesse de Berry ? Est-ce pour obeir a 1'e- tranger qu'on expulse brutalement le due de Brunswick, qu'on poursuit la presse et les hoinmes de juillet avec autant d'acbarnement que de cruaute que la sainte-al- liance les poursuit en Allemagne, en Pologne et en Itatie? Et comment pourrait-on en douter? Le nom de 1'e- tranger n'est-il pas constamment invoque par nos minis- tres? Nos ministres ne nous disent-ils pas sans cesse : Soyez moderes et sages dans votre constitution , dans vos lois , dans votrc conduite ! Ne donnons a 1'etranger ni defiance ni inquietude ! Ne disent-ils pas de meme : Nommez tel president , ou c'est la guerre! Conservez-nous , gardez-vous de pousser tels et tels au ministere, ou c'est la guerre! Les mots etranger, la guerre, ne sont-ils pas, avec la reserve di- plomatique et la prerogative royale, les talismans du gou- vernement ! II y a plus ; a-t-on besom d'un secours et d'un appui pour 1'interieur , comme Louis XVI , on dit a 1'etranger : Ecrivcz-nous demandez-nous menacoz-nous On dit au pape . par exemple , vous avez inlert-t a nous 438 soutenir ; eh bien ! quclquc deplaisir que vous cause no- tre presence, laissez-nous quelque temps a Ancdne, afio qu'on ne crie pas trop centre nous. Et la France est independante ! la France qui devrait proteger 1'independance des autres peoples ! L' intervention des rois dansnos affaires, disait de Schoneii le 28 Janvier, voilace que j'appelle la condition deshonorante , et au prix de laquelle un peuple n'accepte provisoirement 1'existence que pour la perdre dans lin- famie. Ah ! quelle honte ! et d'ailleurs quel peril ! Non, jamais la France n'a subi plus d'opprobre. Quel co3ur franc.ais n'est pas dechire ! Et c'est apres les heroiques journees de juillet ! On avail bien raison de dire , au Palais-Royal , qu'on voulait en finir avec rheroi'sme. Voila les resultats de 1'entree de Louis-Philippe dans la sainte-alliance ! Quoi ! un roi sorti des barricades , Louis-Philippe , dans la sainte-alliance. Mais est-ce la le mandat que lui a donne la revolution de juillet? Le peuple vainqueur a-t-il entendu renvoyer Charles X a Holy-Rood pour que son successeur devint 1'allie de ses ennemis, et pour qu'il se concertat avec eux centre lui ? Quel est done son mobile? est-ce la peur? Mais com- ment qualifier cette conduite? Serait-ce la haine de la liberte et du peuple? Mais quel nom lui donner? 46. La sainte-alliance veut detruire la revolution frangaise. Ses moyens. La guerre est inevitable. Si les rois et les aristocraties etaient justes , ils recon- naitraicnt 1'indepeudance et la souverainete de chaque peuple : ils consentiraient a la liberte, a 1'egalile, a 1'em- pire de la constitution et de la loi. Mais le veulent-ils? Non : Thistoire est la qui nous crie : c'est la legitimite de droit divin , c'est le pouvoir absolu , ce sont les privileges qu'ils veulcnt. Toute revolution esi -r 439 pour eux un crime qu'il faut reprimer et punir. Pour en douter, ne faut-il pas fermer les yeux a la lumiere? A quoi done servirait Texperience si Ton oubliait les coali- tions de \ 773 contre la liberte polonaise , de \ 79^ centre notre premiere revolution si pure et si sublime? Ne faut-il pas etre stupide pour ne pas trouver une lec,on dans les attaques de la sainte-alliance contre les revolutions si paciflques de 1'Espagne, du Portugal, de Naples et du Piemont , et contre les revolutions recentes d'ltalie , de Pologne et de Belgique? Que les peuples changent seulement leurs rois , cm meme leurs constitutions, ensont-ilsmoinsexcommunies , attaques , ecrases ? La lutte existe entre deux principes, disait Talley- rand au congres de Vienne , le 26 septembre \ 84 4 ; ii tant qu'une seule dynastic revolutionnaire existera , la revolution ne sera pas terminee : il faut done que le w principe de la legitimite triomplie sans restriction; sans cela , point depaix , mais uue treve! (Lamarque, 45 Janvier.) Mais si vous etes sages , nous disent Sebastiani , Thiers, Guizot, etc., vous ne serez ni enva his ni atta- ques. Et qui decidera si nous sommes sages, re-pond La- marque le 20 septembre ? Un tribunal de rois qui siege- ront a Vienne ou a Loud res ! Eh bien ! ils decideront qne nous n'avons pas etc sages en juillet dernier, lorsque nous avons renverse le trone et chasse Charles X ! Si nous sommes sages! Mais est-ce. que , par hasard , aucune des revolutions attaquees u'tHuit sage ? Ecoutcz done Pozzo di Borgo, alors depute, a la seance du 4 6 juillet \ 792: A peine a-t-on parle des droits du peuple, dit-il, que ceux qui les tiennent dans les fers depuis les bords glaces de la Baltique jusqu'a la Mediterranee onl cous- ii pire contre les Fran^ais PAR CELA MEME qu'ils avaient declare ne pas vouloir usurper le territoire de leurs voisins et n'armer leurs bras que dans le cas d'une de- fense legitime. 440 Si nous sommes sages? les rois despoles soat done sages? Les Anglais, etc., souffriraient done qu'mi vint li-ur dire : si rovs ties sages ? Mais e'est stupide ! Etre sage, pour une revolution, c'est etre fort, puis- sant , defiant , vigilant , pret a se defendre , et plus elle est sage pour elle, plus elle est contagieuse parson bon- beur et sa sagesse , plus elle est criminelle aux ycux des rois. Mais nous avons les assurances les plus positives , dit Sebastiani. Des assurances, quand les traites inemes ne sont pas des garanties ! Quoi! est-ce que les rois, les aristocraties , la diplo- matic connaissent la bonne foi , I'honueur, la loyaute , la justice, I'hunianite? Bonnes pour enchainer les peuples , ces vertus ne sont-ellcs pas de la niaiserie pour eux ? L'historien Thiers ne dit-il pas que les souverains de Russie , d'Autriche et de Prusse ont partage la Pologne en -1775, apres V avoir eux-memes soulevee et lui avoir soleunellement promis lews services ? Un ancetre de Guillaume n'a-t-il pas livre bataille apres avoir rec,u Tan- nonce que la paix etait signee! (Moniteur du 9 aout.) Pendant qu'il faisait 1'eloge de notre premiere revolution et qu'il etablissait des communications amicales avec DOUS , le fameux Pitt ne cbercbait-il pas clandestinement a provoquer des desordres en France? (Lafayette, 20 septembre.) Des assurances n'avaient-elles pas ete prodiguees a toutes les revolutions , en 4 794 , en \ 84 4 et depuis ? Les coalises n'avaient-ils pas solenne'lement declare , a la face du monde , qu'ils ne faisaient la guerre qu'a Ka- poleon, et nullement a la nation francaise? Les constitutions promises a la Pologne , a I'ltalie , a 1'Europe out-elles ete donnees ou observees? La revolution d'Espagne n'a-t-elle pas ete reconnue pendant trois ans? Louis XVIII ne traitait-il pas de mal- Teillans ceux qui voulaient voir une armee d'invasion dans ro qu'il appelait un cordon sanitaire , comme Louis XVI iippelait factieux, quelques jours avant sa fuile a Va- fennes, ceux qui pretendaient qu'il se preparait a fuir. ? Le pape ne vicnt-il pas de violer ies capitulations faitcs en son nom? Ne sont-ils pas innombrables Ies rois qui ont trahi leurs peuples, viole leur parole et leurs sermens? L'empereur d'Autriche en Italie , Nicolas en Pologne , le roi de Prusse a l'egard des Polonais , Guillaume et la saiflte-aUJance en Belgique ne viennent-ils pas de violer leurs promcsses et leurs engagemens? Louis-Philippe lui-meme n'a-t-il pas viole son principe si solennellement proclame de la non-intervention ? A-t-il tenu ses promesses a la revolution de juillet? Oui , dormir sur Ies assurances des rois etrangers , c'est insense ! le couseiller, c'est insulter a la credulite pu- blique ! Cependant , dit Sebastiani , vous voyez bien qu'ils ne veulent pas nous attaquer : car ils respectent Ies revolu- tions de Saxe , de Hesse, de Brunsivick, de Bade et do Suisse. Mais la diete de Francfort ne \ient-elle pas de Ies de- truire en leur ravissant la liberte de la presse ? D'ailleurs, a quoi bon etouffer celles-la? Ne vaut-il pas mieux Ies tolerer momentanement pour inspirer conflance aux dupes? Mais qui, sur la terre, peut douter que, si la France etait aussi facile a ecraser que la Hesse , sa revolution ne sera it depuis long-temps aneantie? Oui , la revolution francaise et la legitimite sont in- compatibles en Europe; tot ou tard, 1'une doit expirer sous Ies coups ou sous 1'influence de 1'autre 5 et , pour vivre, le despotisme est condamne a tuer la liberte. Mais que fera la sainte-alliance ? Elle fera ce qu'elle a fait partout depuis quarante ans : elle emploiera tous Ies moyeus , tous sans exception. N'a-t-elle pas ses ambassadeurs a Paris? N'a-t-elle pas des tresors et des armees d'agens pour diviser, tromperj seduire , effrayer , rassurer , provoquer des desordres et des guerrcs civiles? Elle emploie d'abord Ies negociations , la diplomatic ; et la conference de Londres la sert a merveille pour anm- ser et endorniir, pour paralyser et eteindre I'enlhou- 442 siasme, pour jcter Ic pays dans 1'incertitudc , la defiance T la confusion ct Ic chaos, pour le fatiguer, le degouter, le ruiner et le reduire. Si, par son secours, le juste-milieu ou la restauratioo j>eut triompher de la revolution, son but est presque atteint. Mais si 1'intrigue et la diplomatie sont insuffisantes , si la guerre devient neressaire, la sainte-alliance fera la guerre. A-t-elle janiais recule devant cette ne"cessite? DCS les premiers jours de notre revolution , la Russie ne se preparait-elle pas a marcher en Belgique et sur le Rhin? La Prusse ne s'y preparait-elle pas aussi? L'Au- triche n'a-t-elle pas accepte la guerre pour envahir 1'Ita- lie? L'aristocratie anglaise ne la voulait-elle pas quand le peuple irrite for^a Wellington a quitter le ministere? Guillaume ne provoque-t-il pas a la guerre? Nos minis tres ue nous ont-ils pas toujours presente la guerre ge'nerale comme imminente au sujet de 1'Italie , de la Pologne et de la Relgique? Les revolutions de ces trois pays ont force la sainte- alliance a faire une halte : mais les insurrections sont etouffees depuis plus d'un an , et les armees sont repo- sees , augmentees et pretes a marcher. Malgre toute la consideration et toute 1'influence qu'on prete toujours a son gouvernement , malgre son dvidenlc soif de paix , n'est-ce pas en vain que Louis-Philippe im- plore le desarmement depuis dix-huit mois? Que n'aurait pas donne Casimir Perier pour obtenir ce desarmement tant annonce auquel il attachait sa gloire, son triomphe et son existenoe ? Pourquoi done ce refus obstine? Serait-ce parce que la sainte-alliance ne croyait pas a la durce du minislere du -15 mars? La fin de ce ministere rendrait done les hostilites imminentes? Mais sa prolongation serait unc cause de ruine ou de mort pour le pays ! D'ailleurs il tombe en defaillance et dans la boue ; il expire d'iuani- tion ; et par consequent le desarmement n'aura pas lieu. Mais les armemens ue peuvent etrc eternels, et la rd- volution ne pcut ni sc rctracter ni se suicider : la guerre est done inevitable. 443 Sans doulc ellc a de lerribles chances contre les reis plus encore que coutre les peuples ; mais la revolution , sage , majestueuse et triomphante , aneantit egalement les despotes. C'est done la fatal iU qui les condamne a la guerre ! Guillaunie la desire, la veut, est impatient de la cem- mencer; et Matuschewitz , c'est-a-dire Nicolas, c'est- a-dire la Russie, la Prusse et 1'Autriche, levant enfin le masque et se jouant de leurs protocoles et de leur inimitable resolution d'empecher les hostilites et de faire respecter 1'independanceet la neutralite beiges, ne veulent plus qu'on 1'empeche d'attaquer, c'est-a-dire sont decides a prendre les armes pour le soutenir. Elle est done imminente la guerre; ou bien d'abord la restauration en Belgique ! Et quelque temps apres, tou- jours la guerre, bien plus redoutable alors quand la sainte- al liance aura 1'armee beige , les forteresses beiges , et cette tele de pont beige que nos crim inels ministres se vantaient d'avoir detruite et qu'ils ont laissee subsister contre nous. 47. Ce que ferait I'etranger en cas d' invasion. Ce qu'il ferait? Ce qu'il a fait en 4792, en \ 81 4 et \ 84 5 , ce qu'il a fait en France , en Espagne , en. Italic , en Pologne. II prodiguerait les proclamations , les promesses ; il se dirait 1'ami des amis de 1'ordre et des bons Francois , et 1'ennerai seulement des anarcbistes et des revolution- naires. II dirait, comme 1'abbe van Geel, qu'il vieut donner sur les oreilles, dans Paris meme, non a la nation fran- caise, non pas au nouveau roi qu'elle a elu , egalement victimes I'un et I'autre de 1'ingratitude et des furcurs demagogiques , mais bien a ces hommes pervers , avides de destructions, alterts de sang, qui n'aspirent qu'd bouleverser le monde entier dans le but de s'enrichir en fouillant dans ses mines. ( La Diplomatic du Guet- ii-pens , Bruxelles , octobre \ 834 . ) Mais on ne scrait plus credule : et d'ailleurs la diett 444 de Francfort a deja lance le nouveau manifesie Bruns- trick. 11 ferait debarquer sur divers points les Bourbons. II s'effercerait d'exciter des conspirations et la guerre civile dans le Midi et dans la Vendee; il ferait parvenir des vaLsseaux, des hommes, des armes et de 1'argent. II tenterait d'acbeter des generaux , comme Ouvrard 1'a fait en 4845 et en Espagne. II provoquerait les trahisons. II counait enfin les cbances des combats. Et , s'il pouvait etre vaicqueur , que de calamiles pese- raient sur la France ! Croit-on qu'il conserverait Louis-Philippe , coupable d avoir donne 1'exemple le plus dangereux pour les fa- milies royales , coupable aussi de velleites de propagande que les souverains n'ont cerlainement pas oubliees ni pardonuees ? Ce seraient done Charles X ct la legitimite pure qui seraient restaures. La troisieme invasion ne sunpasserait-elle pas en ri- gueurs celle de 48i5 autant que celle-ci surpassa celle de Furieuse d'avoir^te menacee dans son existence et ne voulant plus s'exposer a 1'ctre , accusant la France d'exci- ter toutes les revolutions par son exemple , par sa tribune et par sa presse , la sainte-alliance n'ecrasorait-ellt' [>;is d'un scul coup la liberte, qui perirait pour des sieclos peut-etre? Le cosaque ue nous traitorait-il pas comme il a traile les Polonais? N'enverrait-il pas nos guerriers , nos cilnyns et nos enfans en Siberie ou a Alger? Ceux qui ii'ont pas besite a bombarder Bruxelles el Anvers besiteraient-ils a bruler Paris, la mile rebelle, la ville revolutionnaire, la coupable mere de toutes les revo- lutions , la capitate dont on est envieux et jaloux ? Nos monumens du moins , nos musees , nos arsenaux , uos ports ne seraient-ils pas la proie du vainqueur, commo en ^8^5, el comme mainteuaul en Pologne? La France ne serait-efte pas epuis^e pendant de lon- gues annces pour payer ious los Ira is dc la guerre et des 445 unncmcBS prepares depuis deux aus, landis quo le com- merce et rindustrie expireraient au milieu de la con- quete et des reactions? Les rois ne partageraient-ils meme pas la France comme ils ont partage la Pologne? Ne mettraient-ils pas enfm a execution leurs plans de Pilnitz , dc Pavie et de \ 8^ 5 , pour le demembrement de plusieurs de nos provinces? Et , dans leur systeme de consolidation de leur despo- tisme , les rois n'auraient-ils pas raison d'agir ainsi? Et quelque afireux que fut notre sort , aurions-nous le droit de nous en plaindre , si nous avions la lacbete de tendre la tele au joug? 48. Ce que feraient les carlistes et le juste-milieu. Co que feraient les carlistes? Ouvrons 1'histoire , c'est elle qui repond. 11 en est qui , n'oubliant pas qu'ils sont Francois avant d'etre bourbonistes , joignent la baine de 1'etranger a la liainr de la revolution , et qui, tout prets a courir brave- ment les cbances de la guerre civile , s'armeront pour repousser ('invasion etrangere. Mais , quoique 1'appel de 1'etranger soil le plus lache et le plus odieux de ious les crimes, la masse appellera 1'etranger. Eh! ne l'a-t-elle pas appele des ^89, constamment depuis, en -1815 et en 4815? Meme apres la restaura- lion et la paix , le gouvernement occulte ne Timplorait-il pas dans ses notes secretes ? La tentative du Midi, la chouanncrie nouvelle dans la Vendee n'ont-ellcs pas pjr but ou pour esperance Tin- vasion etrangere? Prend-on la peiue de dissimuler ses voeux ? Oui , des enfans parricides se preparent encore a assas- siner leur mere ! Ils conspireront encore ; et des Bourmont, des Raguse, des Clark, des Foucht et des Talleyrand s'appretent a trahir la patrie , a livrer les plans, les corps d'armees , nos villes et nos ports, -commc autrefois Toulon et Bor- deaux. 446 Us feront comme on 48J4, lorsque des st-nateum. dt>s generaux, des hauls fonctionnaires envoyorent, le 26 Janvier, a Bar-sur-Aube , aux rois coalises , le general Laharpe, ancieu precepteur d'Alexandrc , pour leur porter des ouvertures de trahison. (Vaudoncourt, Histoire des campagnes de -1844, tome \ , page 45-1.) Si 1'etranger hesite, epouvante de 1'energie populaire, quelqu'un lui ecrira, comme Talleyrand fit a la meme epoque , lorsqu'il envoya do Vitrolles porter a Alexandre , a Vitry-le-Fran^ais , le 4 fevrier , un billet ainsi conc_u : Vous pouvez tout , et vous n'osez pas Osez done une fois!! (Ibid. , tome 2, page 256. Pons de 1'He- rault , Bataille de Paris, page 121 .) Ce billet causa peut-etre la perte de la France. Us auront d'autant plus de faciliU pour trahir qu'ils sont partout dans les emplois , et charges meme des or- ganisations les plus importantes a la surete du pays. Pour eux, la revolution de juillet n'est qu'une temprte passagere , et c'est une pensee secrete qu'ils ont quclque- fois 1'indiscretion de laisser percer. Par exemple, un de ceshauts fonctionnaires organisa- teurs, qui tiennent dans leurs mains les destineesdu pays, causant avec un depute , laissa echapper cette singuliere reflexion : Pendant les cent-jours et nous sommes dans une espece de cent-jours > A peine ce mot echappe, le fonctionnaire fit un mouvement Ires marque de surprise et de regret , que son interlocuteur feignit de ne pas remarquer. Mais voila le fond de la pensee de ces Messieurs : nous sommes dans une espece de cent-jours. Us trabiront comme Fouche , Bourmont , etc. , en 18^ Us trabiront, d'autant plus qu'ils sont compro- mis , comme le voleur qui ne voulait que voler , mais qui tue le temoin qui peut le denoncer ou le gendarme qui veut 1'arreter. L'histoire nous le dit encore : ecou- tons. Malgre la decbeance surprise par Talleyrand et les ab- bes de Pradt, Louis et Montesquiou, les allies negociaient encore avec Napoleon, et deliberaient sur Napoleon II avec la regcnce de sa mere. Alexandre etait alle rendre visile a 1'ex-imperatrice Josephine , qui 1'avait eclaire, et 447 qtii avail produit unc grande impression sur son esprit. S'il Tavait reQue , peut-etre raais subitcmcnt frap- pee, comme la foudre, Josephine mourut d'un ca- tarrhe , dit-on ! Quei qu'il en soil , Alexandra paraissait ebranU Schwartzemberg s'etait refuse a faire marcher sur Fon- tainebleau. . .. L'Aulriche inclinaitpour la regence et malgre la decheance, Napoleon II pouvait encore prevaloir. (Beauchamp, tome II, pages 365 et,567.) Mais Talleyrand, de Pradt , Louis, Montesquieu , Des- soles, Beurnonville, et tous ceux qui ont sollicite la de- cheance de Napoleon , se croient perdus. La peur quils ont du pere, dit le baron Fain (page 235) , ne leur per- met (fesperer desormais quelque surete que par la chute du fils ; ils ne quittent done plus les salons des princes allies. II y allait pour ainsi dire de leurs tetes, dit Beau- champ, (page 463 et suivantes); ils se surpasserent dans leurs efforts, et parvinrent de nouveau a faire re- pousser definitivement la famille Napoleon. Sous pretexte de maintenir 1'ordre dans 1'interieur, on degarnira les frontieres , les redoutes, les places fortes; on fera promener 1'armee , en 1'envoyant la ou Tennemi ne sera pas, et en n'opposant rien ou de trop faibles obs- tacles a sa marche : 1'armee manquera d'artillerie ou de munitions , ou bien aura de la cendre au lieu de poudre dans ses cartouches. (Voyez pages 52, 6\ et suivantes. ) Le soldat, dit le baron Fain (page 255), etait bien dispose (en ^^4) , et accueillait par des cris de joie le projet d'arracher la capitale a renuemi(car il est pa- H triote , le soldat comme 1'ouvrier ! II deteste la domi- nation de 1'etranger autant qu'il aime 1'honneur et la liberte ) ; les jeunes generaux n'ecoutaient que leur ar- deur gucrriere , redoutant peu de nouvelles fatigues : il n'en etait pas de meme dans les rangs plus eleves. Napoleon voulait marcher sur Paris pour en chasser les etrangers qu'il avail 1'espoir d'ccraser : il comptait sur Marmonl el sur un corps d'armee qu'il croyail dans la position d'Essonne. Dans cette nuit du 4 au 5 , dit le baron Fain ( page 448 237) , lc colonel Gourgaud, qui est alle porter ties or- drcs , revient d'Essonne en toute bate 5 il annonco que le due de Raguse a quitte son posie ; qu'il est alle a Pa- rt ris; qu'il a traite avec I'ennemi; que ses troupes , mi- ses en mouvement par des ordres inconnus , traversent en ce moment les cantonnemens des Russes , et que Fontainebleau reste a decouvert. Les plenipotentiaires de Napoleon, ajoute-t-il (page 24-1 ) , apprennent , de la bouche de 1'empereur Alexan- dre , que les troupes du marechal ont etc conduites par le general S a Versailles, et que la desertion du camp d'Essonne laisse la personne de Napoleon a la discretion des allies. Quantl la trahison est decouverte, les officiers brisent leurs epecs , les soldats veulent encore se battre et se faire tuer 5 mais les traitres rient de leur impuissante fureur. On fera courir mille bruits decourageans ; on dira sur- tout : c'est bien malheureux ! les rois nous ont trompes ! mais ils ont des armees si nombreuses ! et nous , dans notre bonne foi et notre confiance, nous avons organise si peu de forces ! La resistance est impossible ! Elle n'a- menerait que de plus grands malheurs ! Notre interet est de ceder avec resignation ! Et si la trabison reussissait, que diraient les Talley- rand, lesdePradt, les Louis, les... etc. , qui , en 48J4, determinaient 1'etrangcr a rappeler les Bourbons , en lui disant : Nous sommes tous royalistes , ET LA FRANCE L'EST COMME NOTTS? Si , comme en 4844, Tidee de la conquete paraissait insupportable aux Parisiens, comme en 4814, les par- tisans de Charles X, les gens en place et les ambiticux (voyez le baron Fain , page 226 ) ne vicndraient-ils pas , a travers les bagages et les bivouacs ennemis , agiter leurs mouchoirs blancs et crier encore : Vivent nos amis les allies ! vive Charles X! Oui , les carlistes trabiront generalement et- feront cause commune avec 1'etranger. Et le juste-milieu! Le juste-milieu! Distinguons. 449 Les chefs , les meneurs , sont d'anciens ennemis de noire premiere revolution , des auteurs de la restaura- lion , des seides de 1'empire et de la le'gitimite, des hom- mes de Gand , des deserteurs revenus de 1'etranger , des homines a argent qui speculent sur les desastres de Var- sovie comme sur ceux de Waterloo, et qui n'oat rl'autre patrie que la Bourse; des ecrivains qui, le 50 mars \ 844, out eu 1'infamie de preconiser les rois envahisseurs apres avoir eu 1'infamie plus grande encore d'etre habituelle- ment les ageas soudoyes de 1'Angleterre. Tous ces homines sont des carlistes ; ils peuvent se croire compromis comme eux , et trahiraient comme eux. Mais rimmense majorite du juste-milieu n'est qu'e- garee par de trompeuses promesses, de fausses espe- rances et de calomuieuses frayeurs ; elle est patriote comme nous : comme nous et avc nous , elle n'hesitera pas a repousser Tetranger ! 49. Ce que ferait Louis-Philippe en cos de guerre. ^^ Je sais bien que des nobles , des pretres , de hauls fonctionnaires et des generaux ont train leur patrie en 4792, 48J4eH845. Je sais bien que Louis XVI , Louis XVIII , Charles X , Ferdinand d'Espagne , le roi de Naples , le due de Mo- dene et le pape ont appele 1'etranger. Je sais bien comment les princes regens de Naples et de Sardaigne ont etc fideles aux revolutions 'populaires qui les avaient adoptes pour chefs. . Je sais bien que Louis-Philippe a sacrifie 1'Italie , la Pologne , la Belgique , et les peuples aux rois. Je sais bien qu'il a train la revolution et la liberte. Je sais qu'il trahit materiellement la France en 1'af- faiblissant d'innombrables concessions a 1'etranger; cat- si , suivant le Sebastiani d'autrefois, abandonner 1'Es- pagne et le Piemont c' eta it se suicider (Lamarque, seance du 43 avril) , sacrifier 1'Italie entiere, la Pologne et la Belgique, n'est-ce pas assassiner la France? Je crois qu'il est d'accord avec la sainte-alliance pour otouffer la revolution franQaise. 29 450 Mais si la sainle-allianec lui declarait enfin qu'clle \eut envahir la France , soil pour le consolider lui-memc en lui rendant la cliarte de 4814 et la legitimile , soil pour retablir Charles X ou Henri V , s'opposerail-il a I'entrce des troupes etrangeres? Ah !que notre position est affreuse ! Qu'il est penible de soupc,onner ! Et cependant, quand on examine tout ce qui s'est passe dans les quinze premiers jours de la revolution, et tout ce qui s'est fait depuis (v. 34 et 55;) quand on consi- dere 1'etat de siege , le mystere sur les actes diplomati- ques , le gouvernement dans les mains du roi personnel- lement, 1'ajournement des chambres pour u'avoir aucun conlrole et pour obtenir de force un budget non discute, les lettres de Mortemart (voyez page 249) , et la longue presence de la duchesse de Berry an milieu de la Vendee, presence dont la tolerance est une faute criminelle ; quand on voit et qu'on entend tout ce qui se fait et tout ce qui se dit , est-il possible de se defendre d'un senti- ment d'inquietude et de terreur? Pourquoi , par exemple, le chiffre de Louis XVIII est-il conserve sur le pont d'llna ou sur le Louvre, d'ou 1'ou a fait disparailre avec tant d'empressemenl 1'em- preinte des balles de juillet? Pourquoi la fleur-de-lys an bout des drapeaux graves sur la croix d'honneur que la chancellerie prend soin de distribuer elle-meme? Qui d'ailleurs a vu tous les protocoles et tous les Iraites? Qui sail si la reconnaissance est pure et simple ou condi- tionnelle? Qui pourrait assurer qu'il est libre de tout en- gagement, et qu'il est maitre de faire la guerre? En un mot, si la guerre arrive malgre lui, si son trone etait en peril , s'il avail a choisir entre la revolu- tion d'une part , Tinvasion et la restauration d'autre part, qui pourrait assurer , sur sa lete , qu'il voudrait ou pour- rait encore se jeter dans les bras du peuple et de la re- volution? Encore unc fois , qu'il est penible de soupe/>nner ! Mais n'y va-t-il pas de nos teles , du salut de nos fa- milies, de nos amis, de notre patrie , et meme de la li- berte du moude ! Quelle situation ful jamais plus grande, plus critique et plus perilleuse? L'examen, la vigilance, la defiance meme furent-ils jainais plus necessaires et plus legitimes ! Ce n'est pas le juste-milieu qui pourra repousser 1'in- vasion : du inoins, le juste-milieu , ou plutot les instru- mens dont il dispose, c'est a-dire 1'armee et la garde na- tionale , telles qu'elles sont organisees , et quelque heroi- que qu'on suppose le courage des soldats et des gardes nationaux, nc sufQraient pas seuls. Pour repousser les colossales armies de la coalition , les Bourbons d'Holy-Rood et les carlistes , ce ne sera pas trop de toutes les forces de la nation , de tout 1'enthou- siasme et le devouement de la jeunesse,*de toute la puis- sance du peuplc, de tout le patriotisme et de toute les rcssources du pays. On aura done besoin dc la France jeune , plebeieune , ouvriere , genereuse et patriote , de la France de Juillet, de la France du Mouvement. Mais pour sc jeter avec abandon , avec devouement , avcc onthousiasme dans tous les perils d'une lutte avec tous les rois etrangers, il faut une confiance absolue et presque aveugle ; il faut meme de 1'affection et pres- que de 1'admiration pour le chef ou le general; il faut qu'on puisse invoquer s'on nom avec plaisir , avec trans- port , en s'armant , en partant , en combattant , en mou- rant meme pour la patrie et la liberte. Mais quel est le nom que le juste-milieu n'a pas fletri? Oil sont 1'affection , le devouement , la confiance , Tad- miration et Testime? L' admiration , 1'estime, en pensant a 1'Italie , a. la Pologne , a la Belgique, a la revolution de juillet! Le devouement ! Je ne sais pas meme s'il y en a dans le juste-milieu. L'affection? on voulait en avoir ! car quelle nation est plus airnante , plus affectueuse? Mais a-t-elle pu resister a Tingratitude eiivers les homines de juillet, aux ca- onmies contre eux , a la haine qu'on leur montre, aux meurtres dans les emeutes toujours provoquees , aux fu- sillades et aux mitraillades , au pont d'Arcole , a la mise en etat de siege , a I'entassernent dans les prisons ,. 452 JU-K violences dans les arrestalions , au raffinenicnl d'ott- trage dans la qualification de rols ou d'assassinats dans des condunma lions pour fails purement politiques? etc. Ah ! que de confiance Irahie el perdue ! que d'humi- liations el de souffrauces cbez les hommes de juillet, que de sang verse , que d'amertume , que de ressentimens dans les coeurs ! II 1'ignore peut-etre , ce malheureux prince ! La flat- terie dans son palais , les acclamations interessees ou sou- doyees du 6 juin lui cachent peut-etre la verite ! II ne sail peut-etre pas que la defiance est sans borne ; qu'on la manifesto tout haul ; qu'on se demande a chaque instant, comme en -1791 a 1'egard de Louis XVI : Mais Louis-Philippe ne se considere-t-il que comme lleutenant- qen&ral ? Ne veut-il pas abdiquer en faveur d'Henri V , comme il Tinsinuait a Nancy? ( Voyez tome 4 er . page 246. ) Ces fosses des Tuileries, ces travaux de Vincennes seraient-ils destines a le proteger en cas d'invasion? > La confiance ! elle ne se commande pas : et le temps est passe ou Ton considerait un roi comme une divinite , ou du moins comme un infaillible genie ; on veut tout juger aujourd'hui , et c'est par les actes , c'est par le sys- teme qu'on juge. Or, quelle confiance peut-on avoir dans des ministres vonnus par leur ancien devouement a la restauration et a la legitimite ? Dans Talleyrand , par exemple , dont 1'impopularite est telle que , des que sa nomination a Tambassade de Londres est connue, Felix Lepelletier , par exemple . interprete de plusieurs patriotes italiens aupres de Louis-Philippe , refuse toute negotiation ulte- rieure comme ne pouvant desormais qu'etre inutile a la liberte? Quelle confiance peut-on avoir dans des ministres qui se sont montres si inhabiles , et qui nous ont conslam- ment tromp^s sur les dispositions et les preparatifs hos- tiles de I'etranger? Comment avoir confiance dans un systeme qui repousse les patrioles des fonctions publiques pour remettre ces ionctions a des carlistes prets a trahir? dans un systeme qui a produit tout ce que nous avons vu tant a I'exterieur 453 qu'a I'intei-ieur, et qui , aux yeux des hoinmes du mou- vcment , est la cause de tous DOS niaux sans exception ? Changer le systeme , le ministere et certains ionction- naires publics , dont la fidelitc doit etre indubitable , est done d'abord une necessite. Et meme tout ministere qui ne stipulera pas pour conditions que le roi s'interdira toute intervention dans le gouvernement , qu'on reviendra au J er aout , que tous les anciens actes diplomatiques seront communiques , et qu'aucun sacrifice ne sera plus fait a 1'independance na- tionale , ce ministere , dis-je , n'inspirera pas de confiance et n'aura qu'une existence paralytique et ephemere. Mais Louis-Philippe y consentira-t-il jamais? La difficulte serait-elle done insoluble ? Louis-Philippe ne pourrait-il done sauver le pays? Et cependant le pays doit-il , peut-il se laisser perir? ^ 50. Ce que ferait une troisieme restauration. Elle ruserait d'abord , ferait patte de velours , prodigue- rait de belles promesses , et parlerait d'amnistie comme Louis XVIII , comme Ferdinand d'Espagne , comme le pape et comme Nicolas : mais nous savons ce que c'est qu'une atnnistie royale ! On proclamerait son amour pour les bons Frangais, pour les honnetes; et nous savons qne les carlistes et les meneurs du juste-milieu pretendent seuls a ces titres ! On n'annoncerait de severite que centre les factieux , les anarchistes , les revolutionnaires , etc. ; et nous savons que ces categories comprendraient tous les homines de juillet, tous les signataires du compte-rendu , les Laffitte, les Dupont de 1'Eure , les Lafayette , etc. , les gardes na- tionaux qui n'accourent pas au premier coup de tain hour, etc. , etc.! Les row, dit la Gazette du 27 Janvier, croises contre i esprit revolutionnaire , feront une BATTUE GEPTERALE. L'EPINEMI de la France , disent les Debats du 5 sep tembre , c'est le PARTI revolutionnaire (ce u'est pas 1'e tranger ni le parti Carlisle ! ) ; tout ce qui le discredit* 454 HOWS semble un bien. Et nous savons ce que les Debais enlendent par le parti revolulionnaire ! Nous connaissons les projets de la faction le'gitimiste depuis 1 789 , la terreur tbermidorienne ou moderec de 1794, la terreur royaliste de 1796, la terreur de 1815 et 1816, les fusillades et mitraillades de juillet! Nous connaissons aussi les barbaries des restaurations tentees en Belgique, consommees en Pologne, a Modene, a Rome , a Naples , en Portugal , en Espagne , et cette bou- cherie royale sur Torrijos et cinquante-deux de ses com- pagnons ! Et quoique depuis 1830 nous n'ayons qu'une quasi-restauration , avons-nous oublie les menaces , les violences , 1'etat de siege, les fusillades et mitraillades du inois de juin , le pont d'Arcole , etc. , etc. ? Non , il n'est pas permis d'en douter , aux yeux de la restauration , les hommes de juillet ne seraient considered ni comme des Francois ni comme des hommes , mais comme des ennemis, comme des parias ! On les condam- nerait comme des voleurs et des assassins ! On en ferait une BATTUE GENERALE, comme on leur faisait la cliasse en 1796! 11s seraient perdus ! 51 . Le parti du mouvement doit vaincre ou pcrir en combattant I'invasion et la restauration. Patriotes, qui luttiez centre 1'empire et la restauration ; {'eunesse si passionnee pour le travail, la justice, la iberte , 1'bonneur national ; ouvriers , beroique peuple des barricades , laisserons - nous perir noire ouvrage ? Courberons-nous nos fronts deshonores sous une troisieme restauration , sous une troisieme invasion ? Voudrons- nous etre spectateurs des desastres de nos families? Nous resignerons-nous a la misere, a I'lituniliation , a Tescla- vage, a la mort? Ah ! la mort est effroyable quand on la recoil dans ses foyers, sous les yeux de ses parens, et de la main d'un ennemi vainqueur ! Mais elle n'a rien de hideux pour le martyr qui la brave en defendant la liberte , pour le 455 patriote que transporte I'enthousiasme de la patrie , pour le soldat-citoyen ou le citoyen-soldat qui combat 1'etran- ger ! Elle n'avait rien de kideux pour ces heros du Ven- geur, qui, plutot que de se rendre aux Anglais , se firent sauter aux cris de vive la republique ! Oui , notre sort est fixe : ceder est le dernier des mal- lieurs ! Nous defendre est une glorieuse necessite ! Quel que soil d'ailleurs le nombre de nos cnnemis , vouillons les vaincre , et nous les vaiucrons ! Avons-nous oublie Valmy , Fleurus, Austerlitz , juillet? Defendons-nous, et les peuples combattront avec nous ! Comme les intrepides ouvriers lyonnais , disons a 1'a- ristocratie : Vivre en travaillant , ou mourir en combat- tantl Comme nos peres, et comme en juillet, disons au despotisme qui veut se restaurer : Vime libre ou mourir! Et comme nos genereux soldats qui repousserent tous les rois conjures , disons a 1'etranger : Vaincre ou perir ! Dussions-nous succomber comme les Polonais , faisons admirer et regretter notre chute a la posterite! Mais si nous , Francois , qui nous sommes places a la tete des nations , nous ne sommes pas des Francois dege- neres , nous triompherons encore, et nous sauverons 1'u- nivers et la liberte ! Point d'emeutes, point de conspirations ! sachons at- tendre ! le temps de la defense arrivera ! Jusque-la , comptons-uous , serrous nos rangs , ayons 1'oeil ouvert , et faisons sentinelle ! C'est 1'etranger qui nous donnera le signal des com- bats! 52. La masse du juste-milieu doit se rallier. Les meneurs et les carlistes pew ent encore le faire. Oui , la colere du peuple est grande centre les carlistes et les chefs du juste-milieu. Mais les rois et les aristocraties seuls sont implacables ct barbares dans leurs vengeances. Le peuple , au contraire , terrible dans le combat seu- lement , est, apres la victoire , genereux et clement en- 456 vers des enncmis vaincus el desarmes , lors merae qu'ils ont long-temps provoque sa fureur. Je 1'ai deja dit et je le repete , si Louis-Pbilippe avail franchemenl adopte la revolution ; si les plus grands des coupables, des minislres mitrailleurs , avaienl ete im- parlialemenl juges et condamnes; si le roi sorti des bar- ricades avail dit aux lieros de juillcl reunis au Champ- de-Mars : La juslice a frappe des leles criminelles; niais que vous serviront quelques goultes de sang repandues sous le glaive de la loi? Continue? a donner au monde 1'exemple d'une generosite sublime! Si, dis-je, la cle- mence populaire avail rec,u cef hommage . je n'en doule pas, le peuple eut pardonne et ramene le prince en triomphe. Les adversaires du peuple peuvenl done encore se ral- Her a sa cause. C'est son intcret! Car la lulle sera terrible, et nulle puissance sur la terre ne pourrait arreter 1'cnergie de la plus legilime de- defense. Averlis par 1' experience de vingt revolutions , ce n'esl pas seulemeni; la force des armes que les palrioles doivenl redouler , c'esl encore la trahisou , et la trabison surtoul. Ceux qui courronl braver la mort par devanl ne voudronl pas elre exposes a la recevoir par derriere ; et le combat ne sera ni moins prompt ni rnoins vif contre les parri- cides ennemis de Vinlerieur que contre 1'etranger. Us se trompent d'ailleurs , ceux qui croient que 1't 1 - tranger les traiterait en amis! Qu'ils se rappellent les traitemens que, en ^44 et -1815, leurs pretend us al- lies firent subir aux royalisles eux-memes. Us ne seraient pas tous partisans des legitimistes, les soldals que la sainte-alliance enlrainerait contre nous, comme ils n'e- taienl pas lous partisans de Tinquisilion et dc Tabsolu- tisme les Frangais que la force a organisation entraina contre 1'Espagne ! Quant a la masse du juste-milieu, son interet pcut-il etre douteux ? Je ne parle pas de ces hommcs |ui , se rappelanl 457 quelqucs fortunes faitos pendant les deux invasions, vcr- raient , dit-on , sans repugnance une occupation aouvelfe ; de ees infames qui prelereraient 1 argent a la patrie , il n'y en a point ou trop peu pour en parler. Les autrcs. je 1'ai deja dit, ne sont que des patrioles trompes par les protestations , les prom esses ou les ralom- nies du pouvoir : la vue de 1'etranger les rameaera daas nos rangs. Qui pourrait les faire hesiter ? La crainte du pillage? comme si ce n'etait pas de la part de 1'etranger seulement que le pillage est a craindre ! La crainte de la colere des rois s'ils rencontreut &Q la resistance? comme si le moyen de s'en garantir n'etait pas de se joindre aux cornbattans pour les repousser ! Comme si d'ailleurs quelqu'un pouvait etre librc de rester spectateur immobile et neutre ! Comme si le Fran- <;ais qui n'est pas Carlisle pouvait se resoudre a se joindre a leunemi pour egorger ses concitoyens 1 La crainte des rancunes populaires pourrait-elle retanir aussi ? II est vrai qu'on a trouve 1'infernal secret de compro- mettre ensemble toutes les classes , memo le pore avec le fils , 1'ami avec 1'ami , le voisin avec le voisin. II est encore vrai que le peuple sera terrible contre ("us ceux qui se declareront ses ennerais. Mais, encore une fois , le peu.ple est juste et gencreux; il saura se reconcilier avec ses anciens amis ; il saura sacrifier la vengeance aux besoins dc la patrie. 11 sail d 'ailleurs que tous nos inaux vicnnentd'un odieux systeme, dont nous sommes tons presque egalement les victimes ; car, quand un homme de juillct peril , c'est la suite du systeme \ quand un garde national ou un agent succombe, c'est aussi le resultat du systeme; quand un Vendeen tombe immole, c'est encore 1'effet du systeme : et si les carlistes ont 1'esperance d'une restauralion <.>l conspirent la guerre civile et la guerre etrangere, c'est toujours 1'inc-vitable consequence du systeme. C'est done contre cet infanic , contre cet execrable sys- teme qui nous a d i vises ; cVst cbntre Yttranger, qui"vent 458 nous miner et nous reduire en servitude , qu'il faut nous rallier. Francois et freres , unissons-nous ! unissons-nous ! 55. Deux mots sur moi. Ma participation aux journees de juillet. Mes rapports avec Louis-Phi- lippe. Mes sentimeiis et mon but. Ma franchise , peu commune en effet , pourra paraitre extraordinaire : on me pardonnera done deux mots d'ex- plication. J'ai cite des faits, et n'ai vonlu citer quo des faits exacts. J'ai apprecU , caracterise ces faits , et j : ai voulu n'etre que juste. J'ai pu me tromper sans doutc ; mais mes erreurs se- raient toutes involontaires. La tribune nationale ne permet pas (et c'est un mal- hear ! ) d'y dire toute la verite : cependant la verite seule est utile ; il faut done bien qu'on puisse la dire ailleurs. Plebeien , fils d'un artisan , je n'ai ni haine ni envic conlre les classes privilegiees par la naissance ou la for- tune , et je suis memo assez heureux pour ne hair per- sonne : mais mes affections sont pour le peuple , pour le peuple aux miseres duquel je compatis , avec les senti- mens duquel je sympathise , parce que je connais sa justice , son humanite , son honneur , sou genereux pa- triotisme et ses vertus. Constamment devoue a mon pays, persecute des 4815, intimement lie avec le patriote dont la perte est la plus irreparable de toutes celles qu'a faites la France , j'etais carbonaro ; je 1'etais avec Barthe , de Schonen , Merilhou , Saint- Aignan , Beranger de la Drome , JoUivet , Madier- Montjau , je crois 5 avec les Lafayette , les Manuel , les Dupont de 1'Eure , les Odilon-Barrot , les d'Argenson , les Corcelles, les Demarc.ay , les Mauguin , les Dubois , les Cousin, les Krcchlin , les Audry de Puiraveau , les Beausqour, etc.; avec plus dc cinquante mille autres 459 honorable* citoyens quc j'aurais pu nomraer , qui lous regardaient comme une realite cette supposition de Royer- Collard , que les Bourbons etaient incompatibles avec la charte et la liberte. Homme de juillet , j'ai designe ma tete a la vengeance de Charles X en inscrivant raon nom pendant une des trois journees sur la proclamation de la onzieme mairie provisoire (une des premieres organisees), dont je faisais par tie. Qu'on ne croie pas cependant que j'etais 1'ennemi de la monarchic,, ou du due d'Orleans. Personne ne meprisait et ne detestait plus que moi les Bourbons : cependant, comme les hommes ne sont rien 4 mes yeux , et quc leurs actes seuls doivent etre considers ; comme c'est 1'interet du pays qu'un vrai patriote doit toujours consulter avant tout 5 et comme les revolutions sont toujours un effroyable remede qu'il ne faut employer que quand les douleurs sont devenues intole'rables , j'au- rais , pour ma part , supporte les Bourbons eux-memes s'ils eusseut execute completement la charte en lui laissant produire toutcs ses consequences en faveur de la liberte. La revolution faite , je n'avais pour guide qu'un seul principe , la souverainete nationale; je pcnsais qu'il n'appartenait qu'a la nation de choisir soil la republique ou la monarchie , soil son chef electif ou hereditaire. Quoi qu'eut fait un congres reellement national, efit- il retabli Charles X ou Henri V, j'etais, pour ma part encore, dispose a m'y soumettre. Je n'avais de desir exclusif pour ou centre rien, pour ou centre personne. Je ne rcpoussais pas la monarchic, mais, si elle devait t'tre proforeo, je la desirais constitntiounelle , vraiment representative et populaire, en*m mot rcpublicaine. Je dirai plus , je la croyais plus conformc a 1'opinion publique , au vo?u general : Et quand, le ^ r aout, des patriotes qui venaient dc sc battre, qui presque tons etaient mcs amis poliliques, qui s'irritaient de 1'arbitraire proclamation d'un lieutenant-general flu roijaume auquel on abandonnait tout sans aucuiie garantie, qui voyaient la une violation de la souveraino!.e nationale , ct (j[ui pro- 460 voyaicnt dt'ja quo tout etait perdu ou du moins {jrnvo- ment compromis; quaml cos pntriolea, dis-je, rdunis chcz Lointier, pensaicnt a proclamer la rtpublique, je combattis cetto mesure commc ctant contraire elle-rn6me a la souverainete nationale, et comnie pouvant faire eclater de funestes divisions ; et ces observations ne furent pas sans influence sur la decision de 1'assembbje. Ainsi, moiqu'on accuse d'etre un republicain farouche, j'ai peut-etre contribue, et certainement beaucoup plus que ceux qui m'accusent , a 1'etablissement de la mo- narchie. II faut presque du courage pour 1'avouer aujourd'hui , mais je ne veux tromper personne , ni amis ni ennemis , rassure d'ailleurs par la purete de ma conscience patrio- tique : du reste, quelque rude que soil 1'epreuve que nous venons de faire , cette epreuve etait peut-etre necessaire a la solidite du triompbe de la liberte. Quant aux bommes , si je n'avais pas de predilection pour le due d'Orleans , avec lequel je n'avais jamais cu le moindre rapport , je n'avais pas non plus de repulsion contre lui. Je n'etais pas son ennemi; car, le 50, j'arretai le bras d'un combattant , qui pendant trois jours venait de braver la mort au milieu des mourans , qui , sans le con- naitre , le croyait funeste a la revolution, ct qui , par pa- triotisme , voulait rimmoler a la liberte. Oui, je lui sauvai peut-etre la vie! car elle etait inlro- pide et sure la main qui devait le frapper, au milieu des barricades ! Et ce malheureux , a qui je m'etais efforcc de demon- trer son erreur, a qui j'avais predit le prochain bonbeur de la patric qu'il idolatrait , ce malheureux , quel est son sort? Malade a la suite du combat , prive de son etat ( car c'etait un ouvrier, un de ces heroiques ouvriers plus devoues que nous peut-etre a la liberte! ), sans aucun travail, sans aucune ressource pour nourrir ses cnfans, trop lier- pour demander , nc pouvant obtenir le plus mo- dique cmploi que demandent vainement pour lui ses amis, voyant au contraire conserves a leur poste ceux qui dirijfoaiont contre lui la balle assassine des Suisses , arrete, maltraite comniu homnic do juillet, jelc dans un 46J < arhol , il voit sa femtne mourir vera de 1'emouvoir ct de la captiver. Sur d'elle alors , on obtiendra des corps legislatifs I'ar- gent et les lois qu'on jugera necessaires; on pourra bra- ver 1'opinion publique et marcher en avant. Yoyons les faits a 1'interieur et a Texterieur. ARREST ATIOW DE LA DUCHESSE DE BERRI. Des le commencement de 4832, retiree a Massa , dans le duclie de Modene, puis a Livourne, dans le duche de Toscane, la ducbesse prepare presque publiquement son debarque- ment en Provence ; elle part sur le Carlo-Alberto, et de- barque, en effet, le 29 avril, dans les environs de Mar- seille, ou no tarde pas a eclater I'insurrcction preparee pour incendier le Midi. Cependant, Guizot disait ;'t la tribune (en aout 4831) , qu'aucun gouvemement nc vou- lait la recevoir Fiez-vous done aux paroles des mi- nislres ! On connait ses projets et ses preparatifs (de Bro- glie 1'avouele 5 Janvier 4833), et on la laisse debarquer! On 1' encourage meme en publiant quc , si on pent la sai- sir, on la reconduira a Holy-Rood! On a des millions et des armees de fonctionnaires , et on la laisse traverser la France et se rendre dans la Vendee,! elle y repand des monnaies a I'effitjie d'Henri V , et des proclamations ; elle se dispose a proclamer sa regence a INantes; elle or- donue 1'insurrection , la guerre civile, I'incendie , 1'assas- sinat et le brigandage 5 elle se montre partout , ses par- tisans connaissent sa retraite ; le depute lierryer, qui no dissimule jamais son devouement a sa cause, part dc Pa- ris pour la voir , et la voit; et , pendant six mois , le gou- vernement pretend igaorer ou elle est ! 11 retienl la gard<- nationale et la population pour ne laisser agir que lu gendarmerie , la ligne ct ses agcns, et il ne 1'arrele pas! Des cbouans recoivent des saufs-conduits, des prisonnieis lent , des pieces sont derobees a la justice! Cepen- dant les journaux disent qu'on sail oil elle est, qu'on negocie avec elle pour obtenir son eloignement \olon- taire, et qu'on ne vcut pas lasaisir: dc Ionics parls mi soupgonne, tm eric. Oiicllcarmc pour 1'opposition! Com- ment affronter ses accusation*?.. . Comment? Arrelon& la duchcsse ! . . 469 Le nouvcau ministero en prend I'engagemeut ; les proraesses sont prodiguees pour exciter a la trahir ; le 7 novembre, elle est surprise a Nantes, cachee dans uu trou derriere une cheminee , avec une autre femme et deux homrnes. Mais les lois , impitoyables centre le peuple . sont-elles faites centre une princesse ! Non : Louis-Pbilippe declare , par son ordonnance du 9 no- vembre, qu'il fera presenter aux cbambres un projet de loi pour statuer sur le sort de la duchesse. Quoi ! une loi quand il s'agit administration judiciaire ! Une loi , quand les cours d'Aix et de Poitiers ont deji mis la du- chesse en accusation ! Quellc monstrueuse confusion de lous les pouvoirs ! Quelle audacieuse violation de la charte et des lois 1 Mais on choisit la chambre pour ar- Litre ; on flatte sa puissance ; on espere qu'elle ne sera sensible qu'au bien resultant de 1'arrestation. COUP DE PISTOLET. Le roi so rend & cheval au Palais-Bourbon , pour ouvrir la session , le -19 novembre. Qu'une petite emeute , facile a ecraser , serait precieuse pour justifier 1'etat de siege ! Mais le peuple n'a paye que trpp cher 1'experience que 1'emeute n'est funeste qu'n lui : il n'y aura pas d'emeute. Mais le Pont-Royal est le theatre d'une scene d'un nouvcau genre. Un coup de pistolct est tire sur sa majeste, qui n'eri arrive pas moins lieureusement a la chambre. La , on ignore le tragique evenement, et ni le calme duroi, ni 1'attitude de Fescorte royale , ne peuvent le faire devi- ner. On Tapprend enfin apres le discours. Allans tons aux Tuileries! s'ecrie Renouard. Vingt-cinq ou trente deputes doutent, ou plutdt ne doutent pas, et re- fusent de partir ; mais la masse se precipite. J'ai vu,dit\eroi,rassassinquim'ajustaita(tuelques pas. J'ai entendu siffler la balle , dit quel- qu'ua de 1'escorte. J'ai dttournd le bras du scele- rat\ i) dit M lle Bourry, que la reine embrasse comme une liberatrice. Eh bien I mon cher Dupin, dit Louis-Philippe, ILS ONT tire sur mot/ ^Vow, " sire, repond Dupin , ILS ONT tire sur eux. Le fait est done bien certain , on a tente d'assassiner le roi , rt 470 PC sont les republicans, les hommes dc juiii , Ics hoiTi- mes dc juillct. On s'erabrasse , on se felicite , on pleure d'attendrisse- ment, on prodigue les protestations et les imprecations. En sauvant S. M. , dira bientot a la tribune le presi- dent provisoire de la cbambre , Dieu vient de sauver la France. Pairs , magistrals, officiers superieursde la garde nationale, fonctionnaires publics de tonte es- pece, suivent et donnent 1'impulsion. Pendant plusieurs roois on ne voit (\\iadresses louangeuses et reponses se- duisantes. Comment, au milieu d'un pareil enivrement, 1'opposition pourra-t-elle oser critiquer 1'etat de siege ? Cependant personne n'est blesse , personne n'est ar- rete d'abord : le doute nait et grandit ; on discute , et tout parait miraculeux , incroyable. C'est une nou- relle reverie de la police! disent les uns. JVon, non , disent les autres , qvelqv'immorale qu'on la sup- pose , elle n'est pas capable d'unepareille infamie!... Mais des arrestations ont ete faites : on tient le coupa- l>le , repetcnt les agens du pouvoir , o terral Et 1'opi- pion publique attend la publicitc des debats. Giroux est rclacbe; Bergeron et Benoit paraissent ea- fin devant un jury. La , tout ce qu'on a ditde M' lc Boury n'sst plus qu'cne fable; le colonel Raffe declare que, .Tvant de sortir des Tuileries , on y savait qu'un coup de pistolet allait etre tire sur le roi , les accuses sont acquit- tes , ct Topinion publique est unanime. Mais Teffet politique n'en est pas moins irrevocable- ment produit : le fameux coup dc pistolet n'en a pas moins decide peut-etrc du sort dc Yadresse et de la session. ADRESSE DE IA cuAMBnE. L'opposition reprocbe au gouvernement , comme autant d'infractions aux lois , les saufs-conduits donnes aux cbooans , la Jonguc impu- nite de la ducliessc , I'ordonnance du 9 novembre , et surtout I'ordonnance du 6 juin sur 1'etat de siege. Thouvenel et de Ludre declarcnt, a la tribune ,*que cette derniere ordonnance est une violation manifeste de la charte ; que ses auteurs sontcoupables de trahison ; et ineriteraient d'etre mis en accusation; que la garde na- tionale aurait pu s'insurger pour (iefendre la cbartc , et que ccttc insurrection aurait cte aussi legitime que cello > par cent mille. n J'ai tout vu , dit le colonel-depute Gdnneron; j'ai vu nos frcrcs d'armes assassines sur le seuil de leurs portes, nos boutiques enfoncees, nos magasins pilles , saccages. Pour justifier 1'etat dc siege , il suffirait , a mes yeux , de le considerer par ses resultats , par les * 80,000 fusils et les obus saisis dans les maisons, ce qui prouvait la premeditation du complot tendant a detruire le gouvernement. La garde nalionale, dit le colonel-depute Marmeer, la garde nationale, dont tons, les bataillons avaient successivement pris les armes, etait barassee ; ellc n'a- vait qu'uu cri, qu'une voix pour demander 1'etat de siege ; nous ne consentimes a nous retirer que quand nous fumes certains que cette mesure avail ete prise. Nous etious prevenus par la police , dit le general chef d'etat-major-depute Jacqueminot ; mais que faire? La garde nationale fut avertic les troupes furent consignees Le corps de Lamarque fut conduit jus- qu'au pont en silence , dans un ordre parfait. Lh , des 472 discours furent prononces ; une attaque comiuenc,a centre la force armee... Lc lendemain, dans les rangs de la garde nationale , de bouche en boucbc , on de- mandait I'etat de siege. Quoi ! la population de Paris et la garde nationale auraient demande Tetat de siege! Protestous centre tant d'assertions qui les outragent ! Quelques deputes , quel- ques colonels 1'ont sollicite , c'est vrai ; mais non , mille Ibis non , ni la population entiere, ni la garde nationale en masse ne 1'ont demande. A quoi bon , d'ailleurs , s'il u'y avait qu'une poignee de factieux ? Vous etes d'autant plus inexcusables , dit Odilon- Barrot , que vous n'avez mis 1'etat d* siege que le soir n du 6 , apres la prise de Saint-Mery , apres votre vic- toire complete , quand tout etait fmi. Non, c'est le matin , pendant le combat , disent Souft , Barthe et Ri- gny. Le roi nous a dit positivement le contraire a cinq heures , repliquent Odilon-Barrot et Arago. C'est le matin , repetent les ministres , claimant a leur maitre un dementi formel que 1'histoire gravera sur leurs fronts. Vous ne fletrirez pas Tetat de siege , s'ecrie Barthe avec attendrissement : vous ne declarerez pas que le gouvernement s'est rendu PARJURE. \\ 9 deputes le declarent cependant en volant contre radresse; mais 235 (en y comprenant les ministres, les colonels et leurs amis) s'adjugent un bill d'indemnite. Mais la presse, qui ne se laisse eblouir ni par 1'arres- tation de la duchesse, ni par le siege d'Anvers, ni par rhorrible attentat , ni par d'audacieux mensonges , la presse crie a haute voix qu'il n'y a reellement plus dc charte , plus de lois , phis rien que 1'arbitraire. SESSION DE ^52. Vainement le nouveau presi- dent, Dupin, annonce-t-il les lois sur la responsabilitc des ministres, sur les attributions communales et depar- tementales , etc Vainement exprime-t-il le vo3u que cbacun des deputes puisse se feliciter avec orgueil d'avoir fait pariie de la session de J832 : le sort de cette ses- sion est deja decide par 1'adresse : clle est perdue pour la revolution et la liberle; ot quand cllo finit , Dnpin lui- 473 me'me la fletrit en 1'appelant une SESSION PECUNIAIRE. Des lois promises, les unes sont encore ajournees, les autres sont illiberales ; le divorce est encore repousse 5 1'inso- lente loi de 4846 sur le deuil du 24 Janvier n'est abrogee qu'avec une condition injurieuse a la nation; et, tandis qu'on conserve 1'impot sur le sel , sur le tabac et sur les boissons , tandis qu'on veut meme augmenter celui-ci de 20 millions ( choses presquc incroyable ! ) , on conserve les pensions dcs Vendeens , des cbouans et d'un infame deserteur de Waterloo ; on prodigue les millions a la po- lice ; on vote , presque sans discuter , 2 milliards en une session : car les deux sessions contigues de \ 852 et \ 833 n'en font reellement qu'une seule. FAITS DIVERS. Parlerai-je des concessions faites par la chambrc elective a la noble ckambre, comme dit un ministre? des faveurs etdes privileges accordes au clerge? des menagemens croissans pour les carlistes , et des ri- gueurs toujours plus grandes contrc les homines de juil- let? deDonnadieu, deDubarrail, etc., rappelcs dans 1'ar- mee? de Bande, de Dubois, d'Anglade, destitues de leurs fonctions pour ne s'etre pas bornes a un vote silen- cieux comme deputes? des proces continues contre la presse malgre la fre'quente improbation du jury? de la Tribune traduite a la barre de la chambre , pour 1'avoir appelee prostituee, tandis que son dcnonciateur Viennet avail dit lui-meme, le 6 octobre 4834 , que tous les corps constitues ont etc ou se sont avilis , corrompus, prostitute ? Parlerai-je de ce meme Viennet, proclamant, sans etre interrompu , que le gouvernemcnt doit employer Tor , i) la CLE D'OR , pour pcnetrer dans les associations popu- laires, pour surprcndre leurs secrets, pour dejouer leurs i) intrigues , pour ACHETER LA CUPIDITE , sans s'embar- i) rasser si les cupides seront appeles \rniires , faux-te- moins , agens provocateurs ? Parlerai-je...? Non , revenons a la ducbesse de Berri. REIXVOI DE LA DUCHESSE DE BERRI. Rien n'egalc la bardiesse des legitimist's et la tolerance du gouverne- ment pour eux. Leurs journaux sont remplis d'adresses a la mere de leur roi , a la regeule d'Henri V , ii ce mo- 31 474 dele d'arnour maternel , a cette heroine de courage et do vcrtu : de nombreuses pelilions demandent sa liberte, et la chambre s'en occupe enfin le 5 Janvier 4853. Quand, dans la discussion de la proposition Bricque- Tille , on demandait une sanction penale contre un Bour- bon rentrant on France , les ministres et leurs amis re- poussaient cette sanction comrae inutile , altendu que la loi criminelle ordinaire lui serait alors applicable ; mais aujourd'hui de Broglie ose soutenir qu'on n'a pas le droit de juger la duchesse ; il ose affirmer que des centaines de milliers de carlistes accourraient a son proces ; il OSP dire que I'c'mcute de decembre pour le proces de Poli- gnac , etc., et celle de juin , ne sont rien en comparaison de celle qu'on aurait , et Thiers ajoute qu'il faudrait 100,000 soldats pour empecher 1'eulevement de la pri- sonniere. La chambre refuse do s'expliquer sur ce que le. gouvcrnement doit fairc , lui laisse toute la responsabilito de ses actes passes et futurs , et attend le projet formelle- me'nt annoiice par 1'ordonnance du 9 novembre. Mais Louis-Philippe retracte cette promessc solennelle, el sta- tue lui-memc sur le sort dc la duchesse. Elle sera raise en libcrle sans jugement Mais, auparavant, la re- genle des carlistes, la mere d'Henri V, sera deshonoree quoiquc niece de la reine... On public qu'elle cst EN- CEINTE, et qu'elle Test devenue dans la Vendee, avant son arrestation... Quel est le pere? La prisonniere de- clare qu'elle est secretement mariee en Italic j et le Mo- niteur public sa declaration. Qucl estle mari? On 1'ignorc d'abord ; puis on 1'apprend enfin; c'cst le comte Luc- cJiesi-Palli, resident napolitain a La Haye. Les uns disent que ce mariage n'est qu'une comedie 5 que Tun des acteurs n'a pas re^u moins d'un million pour jouer son rdle , et que, dans tous les cas, le mari n'accompagnait pas la duchesse en Vendee; d'autres jurent pour 1'hon- ncur de Theroine et defient en champ clos ses detrac- teurs.Dusang est verse; republicans, carlisles, sont pr^ts ci en venir aux mains pour attaquer ou defendre la vertu de la duchesse. Mais ello accouche d'unc fille, le -10 mai, et le general-depute Huqeaud , qui la garde a Blaye , la reconduit dans sa famille Palerme. Quel spectacle pour la France et pour 1'Europe ! Une 475 pretendante, eucouragee par 1* deplorable sysleme de gouvernemeut , parcourant impuncment la Vendee pen- dant six mois, et sacrifice, non aux lois et a la justice ou a rinteret du pays, mais a un intcret ministeriel ; une faible et malheureuse femrae, trahie et livree par un honimc qu'egareut la vengeance et la jalousie, ou qui succombe aux tentations de la corruption; 1'engagemeut pris par une ordonnancc royalc laisse sans execution ; une niece dcshonoree par les ministres de son oncle, et forcce d'iadiquer uu mari qu'on croit generalement sup- pose 5 uue accuste soustraite a ses juges par le pouvoir exocutif ; le chef de 1'insurrection ct de 1'assassinat, jouis- saut de Tirapunite quand les complices entraiues par lui sont condamnes et executes; la regente, au noin d'Henri V, traitee magnifiquement a Blaye , tandis qu les homines de juin, resistant a d'inju.stes attaquos, sont illegalement traines dans Thorrible prison de Saint-Mi- chel; en un mot, Tindependance du pouvoir judiciairc meconnue, les lois et la chartc audacieusement violees par des ministres qui ne parlent q,ue de leur respect pour les lois ! Vit-on jamais plus de monstruosites? Et que dire encore si, conmie 1'indique Garnier-Pages a la tribune ( 10 juin), la misc en liberte do la duchcsse ost une exigence do V Stranger! Voyons main tenant Yexlirieur. SIEGE D'ANVERS. Belgique. Le protocole du 45 novembre ^ 8o^ , pronon^ant la remise d'Anvers et de Mac-stricht a la Belgique, protocole adopte paries rinq puissances et accept^ par Leopold, n'est ni cxeculi- ni accepte par Guillaume, et la restauration cst toujours mena^ante : de la des soup<;ons et des cris. Comment af- fronter les accusations de 1 opposition dans la charabrc?. . On fera le siege d'Anvers; les dues d'Orleans et de Ne- mours iront au milieu des soldats... Que de gloire, quc d'eloges, quc d'adulations meme, qui forceront la cri- tique au silence!... Le roi d'Angleterre consent a ce quc Louis-Philippe force Guillauntc a evacuer Auvers; il sigtic, dit-on. UIK; convention a c-l egard le 22 octobre. Mais qiicllos soul 476 les conditions de ce Iraite particulier? La France I'ignore. Les deux puissances mettent 1'embargo sur les balimens hollandais; leurs flottes se montrent ensemble a 1'embou- chure de 1'Escaut; mais les vaisseaux britanniques ren- trent bientot dans leurs ports, et la France reste seule chargee de 1'expedition, a ses frais, sous 1'inspection d'un colonel anglais. La Russie, la Prusse et 1'Autricbe ne veulent ni coo- perer ni meme consentir a 1'expedition. Quelle infraction a leurs propres engagemens envers la Belgique! quelle parlialite en faveur de Guillaume! Mais que vont-elles faire? Le moment n'est-il pas encore venu pour elles de lever le masque? Ont-elles interel a soutenir momentane- ment Louis-Philippe et les doctrinaires, jusqu'a ce qu'elles soient pretes? Attendcnt-elles les evenemens pour en pro- filer s'ils leur sont favorables? Quoi qu'il en soit, la Prusse rdunit ses forces, fait avancer son armee, prend position sur nos derrieres, et regarde Anvers 1'arme aux bras. L'opposition regarde aussi 5 toujours guidee par 1'in- teret national, elle suspend ses reproches pour ne pas accroitre le peril d'une situation inconnue. Elle se ha- sarde seulement a demander communication du proto- cole ou traite du 45 novembre ^851 . Quel estle but de ce traite, repond de Broglie, le 5 decembre? C'est la separation de la Belgique et dc la Hollande. Cettc separation est-elle optrte ? Non; elle ne i) le sera que quand le roi des Pays-Bos aura acccepte le traite; jusqu'a present, il n'existe qu'entre les cinq puissances reprcsentees a la conference de Londres et le roi des Beiges. Les fails nc sont pas accomplis ; > nous ne pouvons rien communiquer. > Cependant , 1'armee francaise assiege !a citadelle d'Au- vers. L'armee beige , a qui Louis-Pbilippc el ses allies ne pcrmeltent pas de prendre parl a 1'aclion ( car, suivant eux , il ne s'agil pas d'une guerre cnlre les Beiges et les Hollandais, ni meme enlre Louis-Philippe et Guillaume, mais tout simplement de Texeculion d'une espece d'ex- ploit d'huissier), I'armec beige murmure; la saison est horrible ; Chasse menace dc s'enscvclir sous les ruincs dc la citadelle , et les Prussieus sont presque sur nos derrie- res Quelle situation! 477 Mais 1'habilcle de notre genie, de notre artillerie, et le courage de nos soldats surmonlent tous les obstacles. Chasse evacue la cidatella le 23 decernbre apres vingt- quatre jours de tranchee. C'est heureux! car voici que Louis-Philippe nous laissait ignorer, et ce qu'il apprend, le -l er Janvier, aux grandes deputations des deux cbambres. L'expedition d'Anvers , dit-il aux pairs, a eu pour i) but d'eviter une collision generate. Cette expedition, dit-il aux deputes, a eu un double but, celui d'assurer 1'execution des traites, et celui de garantir la France des dangers auxquels Yavait exposes unc politique ennemie par une aggregation de forces trop rapprochees de nos frontieres , et qui pouvaient les menacer. Aujourd'hui, j'espere, que nous avous ELOIGNE ces dangers j'espere que, avec le concours des deux chambres etYappui de la nation, nous mene- nerons cette CRISE it bien. Personnollement, il trioraphe en attendant. Cependant 1'armee franchise rentre aussitot sans de- molir ni occuper les fortresses elevees centre la France , ct sans toucher au monument de Waterloo. La citadelle d'Anvers et le matt s riel qui la garmt sont remis a Leo- pold ; la garnison conserve ses bagages et sera renvoyec a Guillaume ; mais les frais de 1'expedition ne seront rembourses ni par TAngleterre, qui n'a rieu promis, ni par la Belgique, qui n'a rien demande, ni par la Hollande, qui pretend ne rien devoir , et avec laquelle on n'est point eu guerre malgre le canon grondant pendant un mois sur la citadelle d'Anvers. II y a plus : Louis-Philippe et les doctrinaires profitent de cette expedition ; mais c'est inutilement , on presque inutilement pour la France et la Belgique, que lestrcsors et lesang franc.ais out etc prodigues; car aujourd'hui (on juillet 4835) rien n'est fini; la question beige est encore entiere ; Guillaume conserve 1'Escaut , Maestricht , etc. Le traite du 45 novembre n'est ni accepte par lui ni exe- cute 5 la Belgique n'est completement scparee ni tie fail ni dedroit; le but annonce n'est point attcint ; Louis- Philippe et le roi d'Angleterrc nc remplissont pas plus que les trois aulrcs puissances lours engageinens euvors 478 la Belgique ; Nicolas qui, dans Ic principc , a declare qu'il ne reconnaitrait jamais la revolution beige ( voycz pa{je252), ne la reconnait pas encore; tiuillaume est toujours pour lui le roi des Pays-Das; c'cst pour Guil- 1 .-1111110 qu'est loujours la predilection dcs trois souverains du Nord, et meme du roi d'Angleterre ; la restnuralion menace toujours la Belgique et la France; 1'inquieludc n'a fait qu'augmenter ; et le gouvernement dc Louis Philippe n'en inerile toujours pas moins tous les re- proches a lui precedemment adresses au sujet de la Bel- gique. Malheureux peuples ! comme vous etes Ic jouct dc la diplomatic! POLOGKE. C'est en vain que flignon , desesperant presquc de voir la voix de la politique enlendue, implore au moins fhumaniU pour cctte malheureuse nation. C'est eu vain que Lafayette , denonc,ant la deportation sur le Caucase de 43,000 families de Pologne , proteste egalemcnt en faveur des imprcscriptibles droits de la nationality polonaise. N'inquietons pas les gouvcrnemens t-lrangers, re- repond de Broijlie. II est , dit Guizot (20 mai), non sculenient de 1'iw- Urtt, mais du devoir du youvernement de combuttre et de reprimer la propagande el I'insurreclion pai tout ou il le pent. Nous nc permettrons pas la propagande, dit eyale- ment d'.4rgout (29 mai). C'est-a-dirc que les ministrcs dc Louis-Philippe par- leut, a Tegard des peuples etrangers, comme pourraient parler les ministrcs de la sainte-alliauce. Aussi cos lieroiques et malhcureux Polonais , pour lesquels les chambres el Ic gouvcrncment lui-meme mon- traient d'abord tant de sympalhie, sont aujourd'liui vexes, caloninies. expulses, et semblent poursuivis par la vengeance dc Nicolas, cc qui fait dire a Lafayelte (t29 mai) : Je voudrais apprcndrc que le roi des barri- - cades nYsl pas Ic prrfrt dc police de.la satiite alliance,* ('/est encore eu vain que iMfaijetlc proteslc aussi contrc 1'appui que les troupes franchises, a Aucone, 479 sont obligees tie donner au papo , violant ses promcssos , cxconmiuniant et proscrivanl los patriotes ilalicns. Ceux-ci sont traites en -France comrae Ics Polonais , (andis que Charles-Albert verse le sang des patriotes pie- montais. Partout les pcuplos sont livres aux rois : 1'Allemagne gemit sous I'oppression de la diete de Francfort , tnndis qu'un prince de Baviere , enfant minieur et difforme, est impose aux Grecs , avec une garde francaise, en at- tendant qu'il ait une garde bavaroise , et avec vingt millions garanlis par la France, dont le sang etles tre- sors sont encore prodigues ici pour une cause qui n'est pas nalionalo. Peut-etrc abandonnera-t-on Alger , tandis qu'on souffro que Constantinople et les Dardanelles s'habituent a rece- voir les soldats et les vaisseaux russes comme protccteurs, en attendant qu'ils puissent etre rec.us comme conquerans prets a deborder sur 1'Europe. BASTILLES. Tant de nouvelles concessions a Tctran- ger ct les perils qu'elles accumulent sur le pays , tant d'alleinles a la revolution de juillet et les esperances qu'elles donnent aux carlistes, irritent toujours davantage 1'opinion publique. Les esprits genereux qui desiraient la republique en 4850, mais qui se rattachaient sincerement (Tbiers et Viennet 1'avouent ) a la monarchic populaire entouree d'instilutions rdpublicaines , trompes aujourd'hui dans leurs patriotiques esperances, aliene's par les fautes du gouvernement, aigris par un systome que Lafayette ap- pelle publiquement contre-rtcolutionnaire ; ces esprits, dis-je , sont revenus a la republique , et , depuis long- temps deja, Ja republique a scs organes etson parti, parti nombreux ct croissant tous les jours, plein de conviction, d'enthousiasme et d'energie. Louis-Philippe, qui, dans lo principe , repetait si sou- vent je suis republicain , ne voit dcsormais dans les repu- blicains que des ennemis auxquels il a declare la guerre, et c'est dans 15 bastilles qu'il cherche sa securite. Des bastilles.. ! ! Oui C'cst en vain que Soult vieoi affirmer que les forts detaches ne sont eleves que contre 480 J'etranger: comment croirc ties ministres qui tant de fois out tronipu ? Comment croire qu'ils osent construirc des forts contre 1'etranger, eux qui , pour ne pas blesser 1'clranger , s'abstiennent de reconstruire Huuinguc et dWganiser la gtrde nationale mobile; eux qui laissent subsister le monument de Waterloo, ct les forteresses elevees contre nous en \ 81 4 ; eux qui respectent les hon- teux traites de <815 ; eux qui refusent la Belgique, aban- donnent la Pologne et I'ltalie ? Comment croire encore que ce soil contre 1'etranger qu'ils mettent tant de precipitation et d'opiniatrete a construire ces forts malgre F opinion publique , malgre le double refus de la charabre , lorsqu'ils se disent surs dc la paix ct se disposent au desarmement? C'est en vain encore que Thiers et Soult affirment que ces forts ne sont pas construits centre Paris : car , il est avoue qu'une parlie de leurs batteries sera dirigee vers la capitale, ct Arago nous a prouve qu'ils etaient assez rap- proches pour pouvoir incendier la ville. C'est en vain qu'ils nient : car ils n'avoueraient pas un projet aussi liberticide ; comme Henri IV , Louis XIV , Napoleon , Charles X n'avouaient pas que la galerie du Louvre. Versailles, la rue deRivoli, la place du Car- rousel , le palais du roi do Rome et le Trocadcro claient des constructions militaires ; comme Louis XVI u'avouait pas son projet dc fuite 4 Varennes, comme Louis XVIII n'avouait pas Tinvasion en Espagne. Ricn d'ailleurs peut-il rester long-temps inconnu dans les cours? Ignore-t-on que tous les officiers du genie se sont prononces contre les forts detaches ; que c'est Louis- Philippe personnellement qui les veut , et qu'il les vent dans un but pohtique , pour contcnir la capitale 'dans Tobtissance et le devoir, comme disait Clermont-Ton- nerre dans son rapport a Charles X? Et n'est-ce pas dans IP meme but que le journal dc la sainte-alliancc a Franc- fort et le journal du ministere a L\on encouragcnt le. gouvernement a construire ces forts? Oui , ce sont des bastilles ! Quoi ! des bastilles contro Paris ! conlre lefthbmmes do juillel! trois ans apres la n. \ohilion! el des lias(illc< ilevees par Louis-Philippe ! 481 Mais a qUoi bon (les bastilles , quand on est gcnei'ale- Tnent estihie et aimc , quand on a 1'affection el 1'appui de ta garde nationale , de 1'armee et de la majorite de la population? Aurait-on done le sentiment que le hontcux et perilleux systeme suivi jusqu'a present a refroidi les amis , multiplie et irrite les ennetnis ? Aurait-on la secrete peiisee , le tendbreux projet de retablir 1'heredite de la pairie avec tous les principes de la rcstauration et de la legitirnite, d'attaquer la presse , le jury, la garde nationale elle-meme, et de realiser ces etranges paroles de Thiers (seance du 29 novembre) : Qui voudrait d'une monarchie qui dut plus tard aboutir i) a la republique ? Qui voudrait entourer le trone d'insti- tutions republicaines ? > Aurait-on la prevision que les evenemens qui se pre- parent indigneront et souieveront la nation presque en- tiere , et que des bastilles seront necessaires pour la torn- primer ? Serait-ce done centre la majorite du peuple et contre la garde nationale que les bastilles sont dirigees, c'est-a- dire contre la revolution, contre la liberte , contre la representation nationale, contre la nation? Quoi ! quand , aux applaudissemens de la France en- tiere, le Paris de 89 s'est illustrc par la destruction d'nne bastille, et quand, aux memes applaudissemens, le Paris de 4830 s'est illustre par ses trois immortelles journees, le Paris de 4855 serait enchaine et deshonore par la construction de quinze bastilles ! Quoi ! quand Tassemblee constituante , composee cepen- dant de trois cents nobles, de (row cents prctres et de six cents bourgeois , a proclamc qu'il ne pouvait y avoir m constitution ni liberte la ou le pouvpir executif pouvait faire approcher des troupes a inoins de quinze lieues des s eances du corps legislatif, les chambres de la quasi- restauration seraient coiistammeiit emprisonnees entre ^5 bastilles et cinquante mi He soldats ! Quoi ! quaud Tindustrie , le commerce , la propriete , les sciences et les arts ont tant besoin de liberlc et de securite , le centre du commerce et de 1'industrie , la capitate de la civilisation , des sciences et des arts serait. perpetuellement courbee sous le joug ou menacee de 52 482 famine , d'executtoris militaircs et de bombardement ' Toutes les grandes villes, toutes les capitales de I'Ku- rope pourraient done (Hre ainsi entourees dc bastilles pour soumettrc les peoples a la puissance de la fain) , du ier et du feu ! Osa-t-on jamais manifester un projet plus favorable au despotisrae et a la tyrannic , plus hostile a la liberte , a tous les drolls, a tous les interets , plus humiliant pour rhomnie et le citoyen , plus oulrageant pour le peuple rt la nation? Et voila le resultat d'un systeme que, comme on lo Verra tout-a-1'heure , Louis-Philippe n'a admis qu'aprr'5 de mures reflexions , d'un sysleme qu'il trouvait excellent le 6 juiii, d'un systeme qu'il conlinuera jusqu'au bout , tlut-on le piler dans wi mortier! ISon, sachons allendre, et ce funeste sysU'-me lombera devant I'opinion publique ! Non , Paris et la France no seronl pas deshonores ! Non, les bastilles ne se conslrui- rout pas ! 56. Continuation. Dejuilletau t" Janvier \ 834. Le systeme continue. Louis-Philippe I'avouera , le 25 decembre, en ouvrant la session de \ 854 : ]\"OM.? per- severerons , dira-t il, avec energie (comme disait Char- les X) et patience (comme disait Louis XVIll) dans le mcme systeme. Voyons d'abord I'extericur. BELGIQXJE. On salt combicn dc fois, depuis 4830, Ixmis-Philippe et ses ministres ont affirme que Faffaire de la Belgique etait terminee; on sail que de bruit ils ont fait pour la promenade de 4854 et pour le siege d'Anvers en 4852; onsc rappelle d'ailleurs que de Broghe a recon- nu (tome 2, page 242) que le traite du 4 5 novem!>re 4834 avail pour objet la separation de la Belgique d'avcc la Hollande , et que celte separalion n'aurail lieu que quand le roi des Pays-Bnsaurait accople lui-meme le trailc. Eh bien, rien n'e.sl (ermine lo 23 decembre 4855; car. dans son' discolirs d'ourorluro , Louis-Philippe dit modesle- 485 inent : Nous avons lieu de compter que les difficultts qui retard eni encore la conclusion du traitc definitif i) eutre le roi des Beiges ct Ic roi des Pays-Bos , ne peu- vent plus coinpromellrc la trauquillite de I'Europe. u Guillaunie est .loujours Ic roi des Pays-Bos, comuie avant la revolution beige ! COLOGNE. Sa nationalite , si solcnnellement garan- tie par les trace's et par les assurances de Louis Philippe et de ses allies , si hantement reciamce par le voju des chambrcs et surtout de la France entiere, est tellement sacrifice qu'on n'ose pas meme en parler dans le discours de la couronne , et que les refugies polonais serablent poursuivis en France par Nicolas lui-memc. La terre la plus bospitaliere n'est plus un asile pour les proscrits. tjuelle humiliation! quelle hoate! La France veut traiter en (Yores les Polonais, les Italiens, les Allemands,et Louis- Philippe les traite en ennemis pour servir la royaulu ct pour ne pas deplaire aux rois etrangers ! ITALIE. La garnison d'Ancoae protege toujours 1'op pression des Italiens. Charles-Albert est maitre de fairt> fusilier les palriotes piemoiitais par des galeriens , ;'i - 487 de ('opposition qui se trouveiil a Paris se reunissent chez Laffitte, au uombre de trenle environ, et decidcnt que Lalfitte, Oiiilou Barrot et Arago iront , en leur nom , cxposer au roi leur opinion et leurs voeux sur les moyens de faire cesser 1'effusion du sang et de rctablir la paix et la tranquillitc publiques. Les trois commissaires se rendent aux Tuileries vet's les trois heures. La conference dure plus d'unc heurc et deniie. Le meme soir, les trois deputes rendent compte de co qui s'est dit et passe aux autres deputes reuuis a cet effet cliez Lafiitte. Us font plus : prevoyant que leur demarche et leurs paroles pourront etre denatures , ils redigcnt imme- diatcmcnt en commun le proces-verbal de la conference, en triple expedition siguee par chacun d'eux, et s'en- jjagent a no le publier que dans le cas ou les trois signa- laires le jugcraient indispensable. Beaucoup de personnes lisent ou entendent lire ce proces-verbal, et Louis-Philippe n'ignore pas son exis- tence. Cettc memorable conference , qui a un caractere en quelque sorte officiel et national, pcut eclairer le pays plus que tons les discours ordinaires du gouvernement , plus que toules les discussions de la tribune. Elle cst, a mon avis, le plus instructif et le plus iulr ressant de tous les documens quo notre revolution nou- velle va fournir k rhistoire. Elle fait parfaitement connaitre les opinions , ls sen- timcns et le caractere de Louis Philippe; elle no laisse aucun doute sur cc fait capital qui domirie tous les auf res : le systema yonvertieniental adoplb depuis la revo lution n'estpas du '1 5 mars main du \" aout; if nest pas de Casimir I'crier, mais de Louis-Philippe; c'est lui qui veut, qui ordoune, qui gouverne seul; rien ne pent lui fuirc ubundontier ce systeme , el il y perseve- fcra jusqu-'au bunt, quelque puisse etre le resuliat. (Vest sur cclle conference qu'esl base node present ouvrage , et notannnent nos paragraphes 24 et 56 , c'ts sur ello que nous avons base not re defense lorsque nous avons etc appele devant la cour d'assises pour justifier 0os opinions ; et c'est en partie par cette raison que nous I avons publiee separement quelques jours avant le proces, et que nous 1'avons ajoutee dans le paragraphe 55 de notre deuxieme edition , en en donnant seulement 1'ana lyse et la substance. Mais cette conforence est rapportee tout autrement dans les Deux ans de Regne ; et Ton doit croire que ce dernier recit einaue de Louis-Philippe, qui seul a pu la raconter. Les trois deputes protestent publiquement , dans le Messager, centre les Deux ans de regne, et declarent que la relation de la conversation du 6 juin est completement inexacte,et par ce qu'elfe dit, et par ce qu'elle ne ditpas. Le journal ministeriel Icur porle le defl de prouver leur dementi et de retabUr la verite. Interesse nous-merae a prouver la fidelite de notre propre recit , nous les invitons publiquement a publicr leur proces-verbal , et Lafayette, Dupont de 1'Eure et .loly, seuls presens alors a Paris, se joignent publique- ment a nous pour appuyer notre invitation. Cependant le proces-verbal n'est pas rendu public. Mais , quelles que puissent ctrc les raisons qui em- pechcnt les trois signataires de le publier offieicllemeat , nous u'hcsitons pas a consigner ici Tun des documens historiques que la France a le plus besoin de connaitrc. ISous avons d' ail lours la certitude quo personae ne pourra desavouer ce qui va suivre : PHOCES- VERBAL DE LA CONFERENCE DU 6 JUIN (!). Odilon-Barrot. Notre demarche aupres de Votre Majeste , nous le savons , sera calomniee ; mais , forts de uos intentions, et assures que vous nous rendrez justice, ( 1 ) M. Sarrans donnera auisi cc proct's-verbal dans sa repon*e \ Deux ans de regne. 489 HOUS venons vous cntretenir des dcplorables cvenemens qui ensanglantent la capitate. Notre demarche est entie- rement igooree du public ; ainsi ce ne sont ni des condi- tions, ni des remontrances que nous vous apportons ; nous venons seulement deposer dans le coeur de Votre Majeste 1'anxiete, la douleur de bons citoyens qui vous scat sin- cerement devoues. Nous desirons aussi vous supplier de ne pas preter 1'oreille aux mesures de violence qui vous seront suggerees. Dans cette route, Sire, permettez nous de vous le dire avec franchise , il est difficile de s'arreter quand on y est entre. Vous allez triompher , au nom des lois; et toutefois ce triomphe sera cruel, car il sera achete par du sang franut,qu'une seule pensee ,elle veut a tout prix, a loutc occasion s'emparer du pouvoir 5 ello est insatiable cie places , d'honneurs , de richesses. Je desire, en ce qui me concerne, e'chappcr une fois pour toutes a d'aussi igno- bles soupcons. Je declare done qu'il ne sera a<. pouvoip de Votrc Mbjeste, nidemam, ni dans unan, ni jamais, dc rien faire pour moi ; quo jamais , et jc donne a co terme le sens le plus etendu , je n'accepterai aucun des eniplois, Brands ou pelits, dont le {jouvernement dis- pose; qu'aussitot quo 1'etat du pays me permettra de quit- ter, sans dethoonear, lesfonctions legislatives auxquelles la confiance dc mes concitoycns m'a appele, je me livrerai sans partage aux travaux scienlifiqucs que j'cusso dii pout-etre nc pas abandonner et dans lesquels jc n'ai rien ;i atlondreque de mes propres efforts. Apres une decla- ration si positive, Votrc Majeste nc pourra voir dans nmn 401 langayo quo I expression sincere et desintcressec du sea-. tinieut d'un ciloyeu qui voit avec la plus profonde dou- leur la patrie dechiree par ies mains de ses enfaus. Sire, dans le mois d'aoiit 4850, la France, sauf ime- ininorile presqu'imperceptible , avail adopte toutes Ies consequences de la revolution dejuillet. Elle croyait qu'un jfouvernement moiiarchique , mais franchement consli- lutionnel , amenerait, sans secousses , le developpemcnt des liberles qu'clle venait de conquerir au prix dc son sang. Ceuvla meu|p qui sont n'-publicauis par principe, s'elaicnt souinis sans arriere-pensee. De la cette immense popularite qui, des I'orifjine, entoura Votrc Majesle, et que tous les bons citoyens carcssaient avec bonbeur, car ellc ctait ii leurs yeux une barriere contre laquelle dc- vaient venir se briser en meme temps et les factions do I'iutcrieur et les machinations de nos enncmis du dehors. La prcsque totalite des membres de 1'oppositiou n'avait pas d'autres sentimens. Laffitte. Dites 1'opposition tout entiere; no failcs pas d'exception, car aujourd'bui meme , an moment ou la guerre civile cst allumec, si quelquc disaccord a pprct; pai'ini nous, il n'a pas porte sur la question fondamentale de savoir si la royaute dejuillet doit etre defendue et con- serve'e. Louis-Philippe. Je suis vraiment charme d'appren- dre que M. *** et M. *** (1) peiisent de cette maniere ! Arago. Quoi qu'il en soil , les dispositions si favo- rablcs que je rappelais , se sont malheureuseuient bien al'i'aiblies depuis quinzc mois; maintenant trois opinions se partajjent le pays. La marche du ministerc du 15 mars apporte chaque jour de nouvelles forces an parti re'publi- cain. \& sort du pays, au contraire , no sera plus incer- tain le jour ou la nation et le roi cesscront d'etre divises. f.e n'est pas eloijfin' , je crois pouvoii 1 I'assurer, i>i Votrc Majeste impritne a son gouteruement une marche plus liberate a 1'interieur , et moins entache'e dc faiblessc et do condescendance envers les etranijers. En jctant ce coup d'uiil sur notre tristc position je n'ai parle ui des ,1) Gibet et 492 qui poufraient alteindrc le rot personnellement , ni ties malheurs qui pourraient frapper sci nombreuse famille ; toutes mes pensees se sont portees sur 1'avenir gros d'o- rage qui menace la patrie et je crois avoir reudu ainsi Lommage aux sentimens de Votre Majeste. Louis-Philippe Vous venez de dire , monsieur , que ma popularite a etc ebranlee : il y a la quelque chose de vrai ; mais ce n'est pas aux fautes de mon gouvernement qu'il faut s'en prendre ; c'est le resultat des calomnies sans nombre dont je suis continuellcra^nt 1'objet; c'est la consequence des manoeuvres haineuses soil du parti re- publicain, soit des carlistes, et par lesquelles ils veulent me demolir. Tout les jours la presse m'attaque avec unc violence sans exemple. Quand j'ai vu que j'etais a chaque instant si cruellement outrage , si pen ou si mat defendu, j'en ai pris mon parti ; fort du tcmoignage de ma cons- cience, je suis convaincu que toutes ces attaques iraient se briser centre le rocher du bon sens public. N'a-t-ori pas etc jusqu'a pretendre que je sympathisais avec les carlistes! Ceux qui ont rdpandu un semblable mensonge n'y croient pas , ou ignorent completement 1'histoire. Remonter jusqu'a 1'origine de la inaisou d'Orleans , ct vous trouve- rez parmi ses ennemis constans les ancetres de ceux qui , aujourd'hui, sont les meneurs du parti Carlisle. Rappelez- vous avec quel acharnement ces memes individus ont poursuivi la personne et la memoire de monpere qui etait cependant un honnete homme. Ses intentions furent tou- jours pures comme les miennes , et if ne se dirigea jamais que par les sentimens d'un patriotisme ardent et desinteresse. Mes ennemis me representent , a toute occasion , comme un ambitieux , aspirant a un pouvoir sans limites , comme un homme qui ne saurait se passer d'un entourage nombreux , d'une cour brillante , comme insatiable de richesses\ J'ai passe, messieurs, par tous les etages de la vie , et je pourrais m'ecrier avec Racine : Heureux qui, satisfait de son humble fortune, etc. t> Je ne suis devenu roi que parce que mot seuljepou- vais sauver la France du despotisme et de I anarchic. Mais inainlonant il y a de la demence a supposer que moi, qui ai toujours ele oppose aux Bourbons de la branche ainee ; moi , qui suis hur ennemi le plus mortel , j'ai la 493 de transiger avec eux. OQ a heaucoup parle d'uii programme de I' H6tel-de-Ville : c'est ua INFAME MEN- SONGE , j'en appelle sur ce point a M. Laffitte. II est faux que j'aie fait aucune prontesse; aussi c'est avec indigna- tion que j'ai vu aujourd'hui dans un discours prononce aux funerailles du general Lamarquc par une personue que je ne connais pas , qu'on y a parle d'engagemens solennellement accepUs, Incitement oublies dcpuis. La revolution de \ 830 s'est faite aux cris de vive la Charte / C'est la charte amclioree par la suppression de 1'article I 4 dont il jouit. En droit je n'avais done rien a promeUre, en fait je n'ai rien promis. Des mon arrivee au trdne , j'adoptai une marcbe qui me parut bonne, qui me semble bonne encore aujourd'ui : prouvez mot que je nie trompe et je changerai. Jusque la je dois persister. Je suis un homme de conscience et de conviction : OH me hdcherait comme chair ii pate dans un mortier , plut6t que de m'entrainer dans une voie dont on ne m'aurait pas demontre la convenance. Ce ne sout pas la les efforts de I'influence de ce pretendu entourage dont on parle tant. Je vous le dis avec francbise, un en- tourage, je nem'en connais point . Peut-etre est-ce relict de mon amour-propre , mais je crois pouvoir ajouter que personne n'a pris sur moi un ascendant qui , dans les grandes ou meme dans les getites affaires , me soumette a ses volontes. Mon systeme de gouvernement , je le re* pete , me parait excellent ; jc n'en cbangerai point tant que vous n'aurez pas prouve qu'il est mauvais. Arago. Les systemes politiques peuvent etre envi- sages sous des points de vue tres differens ; et s'il avail fallu se prononcer , il y a un an et demi , entre le systeme que vos ministres adopterent ct celui auquel nous nous sommes rattacbes , je conoois que la discussion aurait pu etre tongue et peu concluante ; mais aujourd'bui nous n'en sommes plus a une question de pure theorie : I'ex- perience aprononct en notre favour, et malheureusement (Tune maniere trop ^vidente. Le carlisme levant auda- cieuscmeut la tete sur tous les points de la France, les haiues politiques portees a un degre de violence sans exemple , la guerre civile dans Touest , la guerre civile dans la capitate, ne sont-ce pas la des condamnations 494 pori'mploircs du systemcdu \ 5 mars? Qui oscrait souteuir quo depuis un an noire position n'a pas beaucoyp em- pire ? Louis-Philippe. Je vienS de Iravcrser loul Paris. Vous ne sauriez vous figurer comment j'y ai etc reier s'opposa obstinc 5 - ment a ce qu'on ecoutat le vosu de la dou/iome legion. J'ai remarquo, messieurs, que vous appdez tons inon sysleme de gouverhement le systhne du 15 mars' Cetlo denomination, jo dois vous en avertir, est (out-a-l';iit im- pn>|)rc : le system? quo nous suivpns aujourd'hui esl celui tj.uC i'adoptui. api'os de srneu^es irllcxioiii ?H wont tint sur le t>'6ne; c'est aussi de point on point colui qui diri- geait le minister? doiit M. LalliUe elail le president. Laffttte. Que volrc majesle me pcrmette do lui dire qu'elle sc tronipe : jc regard o commc tin devoir do ro- pousser toute assimilation enlrc los vues qui ont guide M. Perier ot los mionnes. Mais ce no serait ici ni le lieu ni le moment d'expliquer en detail comment il est arrive que diverscs mesures de ccs deux minislcrcs si disscmblables ont eu , contre ma volonte , plus do vraisemblahce que je no 1'eusse desire. Pour caracteriscr la difference, il me suffira dc rappeler les discours que j'ai prononces a la tribune au nom du conseil et avec 1'approhation du roi. Louis-Philippe. Les vues, je vous le repete, etaiont absolument identiques. Depuis que je suis sur le trone, Ic goiiveruement a toujours marchc dans la nieme ligne, parce que cette ligne avail etc adoptte apres de mures reflexions : parce qu'elle etait la seule convenable. Au reste, vous avez voulu faire lo denombrement des faules qu'a amenees ce pretendu systeme du ^3 mars; vous avez public un compte-rendu; eh bien! jc vous le dis avec sinceritc, j'ai lu atientivement cette piece, et je n'y at rien trouve , absolument rien (I). Arago. En ce cas , sire, de petites causes auraient produit de bien grands effets ; car ce sont incontestable- meat les fatties que nous avons signalees qui ont amene /a disaffection (lu pays. Est-il vrai, par exemple, que le licenciement systematique des gardes naiionales des VILLES KRONTIERES n'ait pas tie une faute? que ce w'ait ett rien? Je ne parlerai que dc celui des actes qui m'est person- nellement connu , du licenciement de la garde nationalo de Perpignan: eh bien! je declare quo rien nc le moli- vait ; qu'il n'existait pas meme Fombre d'un pretexle ; (I) Que faire avec nn honinic qui ropond toujours prnuvcz , dtmontniz , et qui , (]iiand on accumnle les ptenvcs ct les de- iiionslratioiis, ri'-plisjuc toujours : Vous n'm>ez rien nrouvs , ri'in demonlre; je ne suis ]>a* df iMf;r en"'* , />ar coiisct/ucnt fi- ne changerai pas . Comment s'rn^n;!ro aw- tin itiAiillililf ?f- nie, aver unc imniu'iMc \"!,>u!i'-. 496 qn'en saisissant, pour 1'offcctuer , Ic londemain d uno emeutc dirigee centre les droit s-reunis , et qu'en essayant de faire croire que la milice citoyenne n'avait pas desap- prouvc ces desordres ou s'etait refusee a les rcprimer, on a brisc biea des sympathies. Louis -Philippe. Mais il me semble cependant que la garde nationale de Perpignan avait Arago. Depuis sa reorganisation, cette garde na- tionale n'avait etc convoquee et reunie que pour celebrer 1'anniversaire de la revolution de juillet. Elle a ete licen- fiee parce que tel a ete le bon plaisir de M. Maurice Duval , parce que M. Perier ne contrariait jamais les desirs de tous ceux qui vantaient son systeme comme une ffiuvre de genie. Louis-Philippe. Au surplus, le licenciement de la garde nationale de Perpignan est un evenement qui a fait bien peu de bruit. Odilon-Barrot. On ne saurait en dire autant des troubles de Grenoble : la , les fautes du gouvernement auraient-elles pu etre plus uombreuses , plus inexcusablos ! Louis-Philippe. Les evenemens de Grenoble ont ete la consequence des manoauvres d'un parti : la mascarade republicaine, premiere cause du desordre, avait ete pre- paree et organisee par B Odilon-Barrot. Nous avons cru devoir signaler comme une faute grave le systeme de transactions et de menagemens dont on a use avec le parti carliste. Pendant neuf mois , nous avons demande au gouvernement d'ap- pliquer rigoureusement les lois dans les departemens de 1'ouest , de purger 1'administration de tous les homines devoues a la royaute dechue ; comment nous a-t-on re- pondu? On donnait des sauf-conduits aun chefs debandes. Louis-Philippe. II n'a jamais ete donne de sauf-con duits. Odilon-Barrot. Vos ministres 1'ont avoue a la tribune. Louis-Philippe. Us ont dit ce qu'ils ont voulu ; je persiste , moi, a soutenir qu'il n'a pas ete donnc de sauf- tonJuits : on en a demande , mais ils ont ete refuses (-1). (1) II en a etc accordc plusieurs; c'est un fait certain, avoue, reconnu, constat6 dans des proces. 497 Odilon-Barrot. Au reste, en m'en tenant aux me** nagemens dont je parlais et qu'on ne saurait nier, quel en a etc le resultat ? 1'obligation de mettre quatre de"par- tomens en e'tat de siege, et de depasser, pour re'pondro aux defiances des patriotes, les mesures de rigueur dans* lesquelles d'abord , avec plus de fermete, il eut etc possible de se renferraer. Louis- Philippe. On parle toujours de la presence des carlistes dans les administrations ; mais me suis-je jamais oppose aux mesures qui ont etc proposees a ce sujet (-I)? Peut-on supposer que M. Dupont de I'Eure les ait epargn es pendant la duree de son ministere? Je ne crois pas qu'il y en ait dans 1'armee. II en est reste quel- ues uns dans les administrations dependant deM. Louis; mais M. Laffitte pourra vous dire lui-meme combien les changeiaens sont dangereux et difficiles dans tout ce qui tient aux finances. De toutes les accusations dont j'ai e'le I'objet , aucune ne m'a plus surpris que celle de carlisme. J'espere qu'oa n'y reviendra plus , quand on songera que 1'cmigratioa ne m'a jamais pardonne de ne m'etre pas joint a elle , d'avoir refuse de porter les armes centre la France ; quand on consentira a reflechir sur les dispositions vigoureuses qui ont ele adoptees dans les departemens de 1'ouest. J'ai vu dans votre ornpte-rendu le reproche relalif au retard apporte dans la sanction de la proposition Briqueville ; he bien ! je conviens que j'avais une vive repugnance a signer un actc de con^scotiou de 600,000 francs de rente appartenauta une fainillc proscrite. II est de Tbonneur de la France que cette famille ne soit pas a Taumone do 1'etranger. Cela ne m'a pas empeche de donner les ordres les plus precis pour que la ducbesse de Bern , qui est la niece de la reiue, soit arretee. J'adopterai meme a cet egard tout ce qui paraitra couvenable , pourvu qu'ou ne pretende pas ar river a un denouement sanglant. Je me suis toujours rappele le mot de Kersaiirt : Charles 4" eut la tete tranchee , et 1'Angleterre vit son fils remonter sur le tr6ne ; Jacques II ue fut que banni, et sa race s'est (1) Oui, soUTnt. 53 498 eleinte sur Ic continent. Mon piJro . malgrc rnes prici-os . commit la faute, en volant la wort de Louts AT/, dp vouloir donner des gages sanglans a la revolution : jo n'enteods pas 1'imiter. Arago. En rappclant 1'un des griefs consigned dans notre compte-rendu , je n'liesiterai pas a dire qae ce qui a le plus indispose la nation, c'est le manque de dignite du minislere du 45 mars dans ses relations avec les elran- gers , c'est sa pusillanimite, c'est le peu de souci qu'il a pris de 1'honneur de la France. Depuis la revolution de juillet, le gouvernement fit entendre une fois les paroles nobles et fermes qui conve- flaient a sa position ; et les Prussiens n'oserent pas fran- chir les froutieres de la Belgique. Les Autrichiens n'au- raicnt certainement pas envahi la Romagne si, comme ils le devaient , vos ministres leur avaient parle sur le meme ton. Maiutenant nous aurions en Italic , au lieu d'cnucmis , des allies. Louis-Philippe. Nos menaces produisirent le re"sul- tat que vous venez de dire; mais cos menaces etaicnt nue veritable yasconnade; car savez-vous combien nous avioiis de troupes alors? Nous avions 78,000 hommes, en comptant Tarmee d'Alger , 78,000 liornmes , pas davantage. Arago. Le gouvernement franc,ais , quand il jouit de la confiance g<-nerale , peut parlcr aiix etrangers, se- pares ou reunis, avec dignite , avec force , avec energie , sans craindre qu'au besoin les effets ne repondent pas aux paroles Ce sentiment est commuu aux citoyens de toules les opinions : aussi le langage vraiment inqua- lifiable de M. de Saint-Aulairc et 1'arro^ante reponsc du cardinal Bernctti ont excite dans le pays une disappro- bation a peu pros unanime. Chacun sc sentait blc.ssc air cduir en apprcnant qu'un des ambassadeurs du ministere du L> mars n'avait pas cru manquer a son devoir en demandant grace pour le roi des Fran^ais. Et qui otait encore le souvcrain devant lequel on s'liumiliait ainsi ! Cc puissant monarquc , c'etait le pape ()) ! (1) Arago avait prononce ccs derni>res pnroles avec beaucoup de ffii. Le roi I'iiitcrrompit en disant : N'clet'ez pas tnnt lit 49U Lows-Philippe. Jc conviens qu'il paraissait y avoir quelque chose a criliquer dans le langage que M. tic Saint- Aulaire a tenu ; on lui en a ineme fait la remarque. Eli bien ! si on vous montrait sa reponse , vous verriez qu'il a prouve clairement qu'on ne pouvait arriver d'unc autre rnaniere au resultat qu'il a obtenu. Le blame de notro diplomatic, insere dans votre compte-rendu , porte done compLetement a faux , car on nous a concede tout ce que nous voulions , car les puissances etrangeres ont cte ame- nees a faire ce qu'elles ne voulaient pas... Les affaires dc Belgique vont etre completement terminees sous pen de jours (\) , et il faudra bien que le roi de Hollande, bon gre mal grc , souscrive a un arrangement. Sur celte question si delicate , n'avons-nous pas amene I'empereur de Russie k adherer a la separation de la Belgique et dc la Hollande, quoiqu'a I'origi-ne il eut declare ires posi- tivement qu'il n'y consentiraitjamais? Arago. Mais, sire, ce consentement a etc obtenu au prix d'une immense concession (2) Louis- Philippe (parlant tres baut). Ainsi 1'affaire dc Belgique est comme finie Je ne vois pas aussi clair dans celle d'llalie ; je ne sais meme quel denoue- ment elle pourra avoir ; car il n'est pas aise de rcndrc un pape raisonnable. Odilon-Rarrot. Le probleme de rcndre un pape liberal semb'e en effet enloure de bien dcs difficultes. Louis-Philippe. Ce serai t deja beaucoup qu'il fiit raisonnable Au roste, toutes les nations de 1'Europe sont dans une position moins favorable que la notre : rliez toules il existe des elemcns dc revolution , et ELLES IV'ONT PAS L'ETOFFE D'UN DUC D'ORLEANS POUR LES TEK- MINER. voix. Voulait-il par la tomoigner qu'il desapprouvait la snsuop- tibilitc patriotique dont Arago n'avait pas pu miiitiiscr 1'cxpres- sion? VoviUiil-il settlement einpecher quo la conversation nc par^int :\\\\ oroillcs rtu nomhrr.nx etat-major qui remplissait \c salon voisin? C cst ce qu'il nous serait impossible dn decider- (1) Et elles ne it; sont pas encore-en novemhre fS33 ! (2) Le roi continuant a parlor, et de plus haut en plus lianl, Arntru ne put termincr la plir.i.'.. 1 ini'il avail eoUtmenc'ee , ct il,n:- la [nolle il vouhut; dit-on , rnppeler 1'abandon dc In Pologne. 500 La France ct I'Angleterre ne peuvont etre desormais gouvernees qu'avec la liberte de la presse. Je sais tous les inconveniens qui en resultent; je sais que 1'indulgence du jury fait quelquefois beaucoup de mal; raais il n'y a pas de remede possible. Aussi me suis-je constammeht oppose aux mesures d'exception que Perier me proposait souvent (\ ) quand il etait dans ses acces de colere , qui nous out nui plus d'une fois. II y a maintenant en Allemagno plusicurs princes qui sont en pleine lutte avec la presse ; ils veulent la censure, et les populations la repoussentj jc les attends au denouement. Odilon-Barrot. Nous craignons d'abuser des bonles de votre majeste. Louis-Philippe. Non messieurs. II est du devoir d'un roi constitutionnel d'ecouter tout Ic monde ; je re^ois tous ceux qui dcmandent a me parler : rnoi qui ai donne audience a MM. M et C , comment ne verrais-je pas avec plaisir trois personnes avec lesquelles j'ai eu anciennement des relations privces, ct par la bouche des- quellos la verite m'arriverait avec moins d'amerlune. Odilon-Barrot. Votre Majeste n'aperc.oit aucune i'aute dans le systeme du gouvernement suivi jusqu'a ce jour; nous avons une opinion differente : notre conver- sation pourrait done se prolonger long temps sans utilite. Louis-Philippe. Elle ne serait utile que si vous de- montriez que la marche adoptee est mauvaise : pour moi je la crois excellente 5 et , je le repete : jusqu'a la preuve du contraire je n'en changerai pas , nies intentions sont pures; je veux le bonheurde la France; jamais je ne me suis arme contre elle. La difficulte de notre position tient a ce qu'on ne me rend pas assez justice ; a ce que la mal- ^e'illance chcrche a me demolir. Je la vois stirgir de tous cotes : Si j'assiste au conseil des ministres,l'etat est perdu, au dire de Ions les journalisles ; des ce moment il n'y a plus de gouvernement conslitutionnel: et cependant,dans oe conseil dont on veut me tenir oloigne, ce n'est cer- tainement pas par mon influence qu'on prondra des dti- (l) On lie s'cn iloiitait pik! Fcricr invoquuil loujours In 501 terminations illiberales. Ce m;ilin, par cxcmplc, il y avail des avis pour la mise en etat de siege, ci je m'y suis for- mellement oppose; LES LOIS SUFFISENT; je ne veus regnci- que PAR LES LOIS; on ne me fera jamais dcvier de cello regie de conduite. Les trois deputes ensemble. Nous felicitous Volrc Majeste de ces sages dispositions. Louis-Philippe. A propos, je disais tout a 1'beurc que je n 1 avals rien trouve dans votre compte-rendu; j< me trompais : Je me rappclle que vous y avez consigne une des opinions de mes ennemis les plus acharnes , que vous m'acousez aussi d'etre insatiable de richesses. Odilon-Barrot et Arago. Sire, cela nc st trouve point dans le compte-rendu ; nous en sommes certains. Laffitte. Messieurs, n'insistez pas; cela s'y trouve; vous 1'avez oublie. Louis- Philippe (avec une satisfaction visible). Vous voyez done que vous m'avez accuse de vouloir entasser richesses sur richesses. Arago. Nous avons dit seulement que les ministrcs avaient demande pour volre majeste uue liste civile trop forte; telle a ete notre intention. Louis-Philippe. Les intentions je ne les conftais pas; je me tiens au fait que M. Laffitte vient de confirmer. Odilon-Barrot. Nous avons voulu et nous avons dii signaler les faules graves que le ministere a commises cu presentant la liste civile. Du reste , les momcns de votre majesle sont precieux . et nous ne voudrions pas en abuser. Je me contentcrai done de la supplier , en finissant , de clierchcr avcc soin les causes de cette irritation totijours croissante qui sc manifastc de mille manieres , de la disaffection, du decouragement des patriotes , de 1'audace des carlstes, et, les causes une fois connues, d'y porter remede : il e.st temps encore peut etre ; il y a mme opportunity apros un grand acle de force. Vous voyez devant vous, sire, trois liommcs qui ne sont inspires que par 1'attacbement (ju'ils portent a la France et a votre maj^ste. M. Arago osl nn liomme do sciences: il avait trouve le bonbeur et la >|loire dans 1'etudc, et i! maudit aujourd'hui la poliliqne ui rcnipeche de se livrcr a scs occupations favorites 502 3H. Laffille a assez goute du pouvoir pour en elre oompletement desenchante; et quant a moi, sire, jc suis pret a signer de mon sang la renoncialion absolue a loute place quelconque, trop heureux de pouvoir ren- trer dans mon cabinet et de me livrcr sans distraction a des travatix qui m'ont donne 1'independance et le bou- lieur. LouiS'Philippe (en frappant avec force sur la cuisse