UC-NRLP B 3 6^3 - , *. : - m . m >{* f s / s REESE LIBRARY UNIVERSITY OF CALIFORNIA Keceireii. LIBRARY G \ 3t . N*^ LES ORGANISMES VIVANTS DE I/ATMOSPHERE PARIS. IMPRIMERIE DE GAUTHIER-V1LLARS, 8ia5 Quai des Augustins. 55. SPOKE S ET POLLENS ATMOSPHERIQUES Pl.l Calcutta 1872 Grosaissement ioo Diametres j; BLanadet sc . Gauthier Villarf. Editeur. Imp. Lemercier et ( '' LES ORGANISMES VIVANTS DE L'ATMOSPHERE, PAR M. P. MIQUEL, If Docteur es Sciences, Docteur en Medecine, Chef du service micrographique a 1'Observatoire de Montsouris UNIVERSITY PARIS, GAUTHIER-VILLARS, IMPRIMEUR-LIBRAIRE 1)1 BUREAU DES LONGITUDES, DE I/ECOLE POLY TECHMQU E. SUCCESSEUR DE MALLET-BACHELIER, Quai des Augustins. 55. 1883 (Tons drolls, reserves ) NJ 5 R* G PREFACE. Plus occidit aer quam gladius PRISGLE. A une epoque ou les accusations les plus graves sont portees centre les organismes microscopiques de 1'air, j'ai pense etre utile aux etudiants micrographes et aux hygienistes en resu- mant, dans une sorte de Traite, les precedes actuellement mis en ceuvre pour recolter, compter, cultiver el etudier les mi- crobes atmospheriques. J'aurais encore differe la publication de cet Ouvrage, si quelques Memoires parus recemment sur cet important sujel ne nvavaient pas convaincu de la necessite de donner sans retard aux etudes che Micrographie aerienne une direction en rapport avec les questions speciales qu'elles sont appelees a resoudre. On est peut-etre trop porte aujourd'hui a delaisser 1'etude des bacteries en general, pour s'adonner exclusivement a celle des microbes pathologiques : sans doute, il est du plus haut interet de cherchera decouvrir les organismes meurtriers agents des typhus, des fievres exanthemateuses, de la tuberculose et d'un grand nombre d'autres affections; mais, a cote de ces fer- ments figures dont Texistence est encore hypothetique, il en est d'autres qui, a chaque heure du jour, s'introduisent a notre insu, soit dans nos voies respiratoires, soit sur les muqueuses VI PREFACE. de noire tube digestif, soit encore sur les plaies causees par le traumatisme chirurgical ou accidentel. Ce serait, il me semble, faire preuve d'une negligence impardonnable que de ne pas s'inquieter de la presence, autour de nous, de ces bacteries jus- qu'ici inconnties, dont 1'existence est au moins aisee a mettre en evidence : il paralt done de la plus grande utilite pour les praticiens de savoir si Fair des villes et des services hospilaliers possede le degre de purete requis par la saine hygiene et si 1'atmosphere des salles ou le chirurgien met journellement a nu les chairs des operes n'est pas peuplee de germes malfai- sants, dont la presence peut rendre inutiles les soins les plus minutieux et les efFets les mieux calcules des pansements anti- septiques. Quand bien meme il serait prouve que 1'air ne joue qu'un role secondaire dans la transmission des maladies zymo- tiques, ce qui est contredit par 1'observation la plus vulgaire, il n'en resterait pas moins evident que sa composition microsco- pique devrait preoccuper tres serieusement les hygienistes. Cependant on ne compte qu'un trop petit nombre de savants adonnes a ces recherches laborieuses et delicates dont depend la solution de problemes d'nne etendue et d'une importance capitales. II est probable que les difficultes nombreuses et tres reelles qui arretent les eleves au debut de ces travaux contribuent, pour une large part, a Fabandon dans lequel est laissee cette parlie ardue de la science microscopique. Des 1'abord, en effet, on se trouve en face de vastes recherches a entreprendre dont le programme ne s'impose pas a 1'esprit avec la precision des problemes nettement definis, dont on peut facilement mesurer a 1'avance 1'etendue et prevoir les consequences. En Microgra- phie atmospherique, une induction de la veille est souvent de- truite par les faits du lendemain ; il faut voyager pour ainsi PREFACE. VII dire dans 1'obscurite, en s6ndant a tout instant un terrain par- seme d'obstacles, surlequel bien des esprits dislingues ont deja fait fausse route. Je comprends que les courages puissent fai- blir devant les fatigues imposees par cette tache. Toutefois les recherches desquelles depend la connaissance exacte de Tetio- logie des maladies zymotiques, du contage et de Tepidemicite, ne sauraient etre indefiniment ajournees : j'ai done cru devoir me mettre a 1'ceuvre, et aujourd'hui, apres six annees d'etudes quotidiennes, je suis parvenu a deblayer un peu les abords d'une voie encore inexploree. Je serai heureux si cet Ouvrage, dans lequel j'ai reuni les renseignements que m'a acquis une longue experience, peut eviter aplusieurs les tatonnements et les pertes de temps que j'ai eu a subir. La division de ce Livre est des plus simples : 1'historique des premieres recherches effectuees sur les organismes de 1'air est suivi de la description des appareils et des precedes usites pour fixer les semences atmospheriques des moisissures ; 1'e- tude, beaucoup plus difficile, des germes aeriens des bacteries fait 1'objet d'un Chapitre special ; puis, apres un court expose de mes travaux sur les spores des cryptogames bien visibles aux grossissements usuels, je suis naturellement conduit a parlerdes instruments et des precedes a 1'aide desquels on recolte les germes qu'il est presque impossible de distinguer au micro- scope des detritus finement pulverises repandus en abondance dans les sediments bruts de 1'atmosphere. Ges precedes ne cessitent 1'emploi de liqueurs nutritives propres a faciliter Feclosion et la culture de ces bacteries et a la description des- quelles plusieurs paragraphes ont ete consacres. Je me suis etendu a dessein sur la partie technique du statisticien micro- graphe, convaincu que les details qu'elle renferme pourront rendre aux debutants les plus grands services. Quant aux Cha- VIII PREFACE. pitres suivants, ils traitent des resultats de 1'analyse de 1'air pra- tiquee au pare de Montsouris, dans les habitations, les rues de Paris, les hopitaux, etc.; enfin, TOuvrage se termine par une etude sur le pouvoir antiseptique des substances chimiques les plus employees en Medecine. En livrant au public ces recherches sur les tfrganismes de 1'al- mosphere, je tiens a remercier le savant directeur de 1'Obser- vatoire de Montsouris, M. Marie-Davy, qui m'a accorde avec le plus grand empressement toutes les facilites necessaires pen- dant la duree de mes travaux et qui n'a cesse de defendre avec energie 1'existence du service micrographique du a son initia- tive et dont je suis actuellement le chef. M. Benoist, monpre- parateur, vieux compagnon de mes fatigues, voudra bien rece- voir 1'expression de ma reconnaissance pour le concours devour qu'il m'a toujours prete. Enfin, M. Gauthier-Villars voudra egalement accepter mes remerciements pour les soins apportes a. la publication de ce travail. DES ORGANISMES VIVANTS DE APERCU fflSTORIQUE. SUR LES TRAVACX DE MICROGRAPHIE EXECUTES EX VUE DE DEMONTRER L'EXISTEXCE DANS L'AIR D'UNE FOULE D'OEUFS ET DE GERMES VIVANTS. I. L'existence dans 1'air d'une multitude de corpuscules errants n'avait pas echappe a 1'attention des anciens. Lucrece ( 4 ) a de- crit en vers elegants le spectacle curieux que produit un rayon de soleil en traversant une chambre obscure ; sur letrajet de cette vive lumiere, on a du voir, en eflfet, de tout temps, une myriade de grains depoussiere voltiger en tons sens et disparaitre instan- tanement a Toeil, quand ce rayon etait brusquement intercepte. II faut neanmoins arriver a Loeuwenhoeck, Ehrenberg et Gaul- tier de Claubry pour trouver la trace de recherches interessantes sur les organismes de Fair. (') LUCRECE, De natura rerum. Contemplator enim cum solis lumina cunque Insertim fundunt radios per opaca domorum; Multa minuta modis multis per Inane videbis Corpora misceri radiorum lumine in ipso; Et velut aeterno certamine praelia, pugnasquc Edere turmatim certantia; 2 APERQU HISTORIQUE Loeuwenhoeck trouva des infusoires dans 1'eau de pluie ; si Ehrenberg cut plus de peine a en decouvrir dans ce meme li- quide, la neige et la rosee, 11 demontra en revanche, dans ses nombreux Memoires publics de i83o a i858, que les poussieres atmospheriques deposees a Finterieur des maisons, des hopi- taux, etc., sont toujours peuplees de semences cryptogamiques qu'il lui fut egalernent aise de rencontrer sur les cimes de F Altai', des Hautes-Alpes, de FHimalaya et dans les diverses contrees du globe qu'il visita. En France, vers la meme epoque, Gaultier de Claubry inau- gura Fere des recherches vraiment scientifiques sur les orga- nismes de Fair. II est a regretter que les efforts isoles de cc savant soient restes steriles jusqu'au jour ou M. Pasteur, en perfectionnant les precedes d'experimentation de Gaultier de Claubry, edifia solidement les bases de la panspermie. .... Si pour eviter la presence de toute matiere orga- nique, ecrivait en i855 (*) Gaultier de Glaubry, rappelant ses recherches communiquees en 1882 a la Societe philomathique, on fait passer dans un tube de platine rougi, muni de tubes me- talliques rodes, del'eau que Fon condense dans un flacon rempli d'air de Fatmosphere, on voit apres quelques jours se develop- per desvegetauxet des animaux. Si Fair qui remplit le flacon a ete d'abord souinis a une temperature rouge, Feau elle-meme que Fon y condense ne donne plus de vegetaux ni d'animaux. L'atmosphere transporte done des sporules et des germes susceptibles de se developper au contact de Feau, ce qui n'exclut pas la possibilite du transport de ces substances par les sources et les cours d'eau. Pour verifier si ces sporules ou ces germes sont de meme nature dans toutes les parties de Fatmosphere, j'ai fait passer dans Feau qui avail ete soumise a Faction d'une temperature rouge de Fair puise a la campagne, a Finterieur des rues, des (') GAUL-TIER DE CLA unity, Complcs renclus des seances de I'Academie des Sciences, t. XLI, p. G'j5. SUR LES TRAVAUX DE MICROGRAPHIE. 3 habitations, des salles de malades, d'ecuries, d'etables, de voi- ries, et verifie que les animaux ou vegetaux developpes different dans ces divers cas. En 1 836 M. Hufty de la Jonquiere annonca a 1'Academie des Sciences qir une pluie de poussiere tombee dans la vallee d'Aspe et prise par les habitants du pays pour une pluie de soufre etait uniquement formee de pollens de coniferes venus des fo- re ts voisines. Plusieurs autres faits de ce genre vinrent encore vers cette epoque exciter la curiosite des observateurs. Mais il appartenait surtout a la seconde epidemic de cholera qui ra- vagea TEurope en 1847 et 1 ^4^ de reveiller le zele des micro- graphes. Ehrenberg a Berlin; Swagne, Brittan et Budd en Angleterre ; Meyer et Wedl en Allemagne; Robin et Pouchet en France se livrerent a une foule de recherches, consistant pour la pluparl a examiner les poussieres repandues dans les salles des chole- riques eta comparer ensuiteles quelques cellules organisees que le microscope put y faire decouvrir, avec les spores etles vegeta- tions diverses contenues dans les dejections des malades atteints de cholera. La micrographie atmospherique,pas plus que lame - decine, n'eprofita de ces experiences natives, entreprises pour les besoins du moment, sans methodes bien arretees. La troisieme epidemic qui desola 1'Europe en i853 et i854 donna lieu a des travaux plus suivis sur les organismes de 1'at- mosphere. Le medecin anglais Dundas Thompson ( 4 ) se livra a quelques recherches qui, bien qu'entachees d'erreurs nombreuses, presen- tent un certain interet historique et rneritent, pour cela seul> d'etre rapportees. Dans une premiere experience effectuee a Thopital Saint- Thomas, Thompson puisa dans une salle pleine de choleriques un volume d'air considerable qui fut dirige dans une serie de flacons de Woolf, renfermantde 1'eau distillee ; 1'aspiration dura (') DUNDAS THOMPSON, Appendix to Report of the Committee for scientific inquiries in relation to the cholera epidemic of 1854. 4 APERgU HISTORIQUE quatre jours, an bout desquels le contenu des flacons, examine au microscope, se montra peuple de filaments de colon, de chanvre, de fragments de cheveux, de particules inorganiques, d'abondantes sporules et de vibrions Ires mobiles. Une seconde experience, pratiquee dans une salle dont la moilie des malades etaient seulement atteints du cholera, dura treize jours, au bout desquels 1'eau infestee par les poussieres de 1'air presenta des cellules epitheliales, des champignons va- ries, mais pas un seul vibrion. Un troisieme essai, effeclue dans une salle ne renfermant au- cun cholerique, donna des resultats a peu pres negatifs. Une quatrieme experience execulee a 1'air libre fournit de nombreuses vegetations cryptogamiques qui se developperenl lentement dans le liquide et ou le microscope decela encore du charbon, des fibres de colon, des spores, mais pas de vibrions. Enfin une cinquieme et derniere experience, efFectuee dans Tinlerieur d'un egout, donna une eau moins riche que prece- demment en substances minerales, mais remplie de moisissures et de vibrions. Durant la meme epidemic, lord Godolphin Osborne put con- stater la presence de spores de champignons sur des plaques glycerinees exposees en guise de recepteurs dans les egouts et les maisons ou le cholera avail fait son apparition. A 1'exemple de Gaultier de Glaubry et de Dundas Thompson, A. Beaudrimont (*) etudiaavec soin les corptiscules almosphe- riques oblenus en faisanl barboler de Fair dans un pen d'eau, et en condensant, au moyendu froid, lavapeurde 1'almosphere, suivanl le precede deja ancien de Moscali et de Robiquel. Les recherches d'Angus Smilh ( 2 ), de Jabez Hoog ( 3 ), de Teminenl microbotanisle Berkeley ( 4 ), executees vers la meme epoque, eurent loules pour conclusions que 1'air emportait a ( ' ) A. BEAUDRIMONT, Comptes rendus des seances de I' Academic des Science t. XLI, p. 542. ( 2 ) ANGUS SMITH, Air and Rain. London, 1872. ( 3 ) HOOG, The microscope. ( 4 ) BERKELEY, Cryptogamic Botanic, SLR LES TRAVAUX DE MICROGRAPHIE. 5 travers 1'espace une quantiie toujours notable de pollens, de se- mences microscopiques et uae foule de d e tri tus--S|5par|te tous les regnes de la nature. ''UNIVERSITY II. \\ ~ OB- _ Durant les quinze annees qui s'etendirent derSa a 1076, etudes de Micrographie firent de rapides progres. Le savant physiologiste A. Pouchet analysa avec une patience infinie des milliers d'echantillons de poussieres preleves aux endroits les plus divers : dans les theatres, les maisons particulieres, les hopitaux, etc. Comme a bien d'autres savants, la pluie, mais surtout la neige, lui parurent avec raison devoir renfermer les corpuscules varies que le vent entraine souvent bien haut dans les regions atmospheriques. Plus tard ce savant inventa Vae- roscope, qui se montre encore aujourd'hui 1'instrument le plus apte a nous fournir rapidement des specimens fideles de pous- sieres aeriennes. Les debris provenant du regne animal que j'ai eu occasion d'observer, dit Pouchet ('), sont principalement les suivants : divers petits animaux desseches et infiniment petits, tels que les helminthes appartenant au genre oxvure et des vibrions de di- verses especes ; j'y ai souvent trouve des squeletles d'infusoires sinues^ surtout des navicules des bacillaires et des diatomees ; des fragments d'antennes de coleopteres; des ecailles d'ailes de papillons diurnes et nocturnes, des poils de laine de diverses couleurs provenant de nos vetements souvent teintes en bleu, en rouge vif et en vert, des poils de lapin, de chauve-souris, des barbes de plume, des fragments de tarses d'insectes, des cel- lules epitheliales, des fragments de peau d'insectes divers; deux fois seulement, dans mille observations, j'y ai reconnu un de ces gros ceufs d'infusoires, du diametre de i5 milliemes de milli- metre, que les naturalistes designent sous le nom de kystes, Les corpuscules qui appartiennent au regne vegetal et quo (') POL-CULT, Traite de la generation spontanee, 1809. 6 APERgU HISTORIQUE j'ai observes sont les suivants : des fragments de tissus de di- verses plantes, des fibres ligneuses en petit nombre, plus sou- vent des fragments de cellules; frequemment des polls d'orties et de vegetaux appartenant a des especes variees; des fragments d'aigrettes de synantherees, beaucoup de filaments de coton or- dinairement bleus etquelquefois teints de diverses couleurs pro- venant de nos vetements; quelques fragments d'antennes et des grains de pollen de malvacee, d'epilobium et de pin, des spores de crypto games, mais en fort petit nombre. Enfin j'ai rencontre, presque partout ou mes observations se sont etendues, une tres notable quantite de fecule de ble melee a la poussiere, soit re*- cente, soit ancienne ; puis, dans des cas plus rares, on y decouvre de la fecule d'orge, de seigle et de pomme deterre. )> Get inventaire, dresse par Pouchet, des detritus animaux et vegetaux noyesau sein des sediments atmospheriques merite de rester classique, car il est encore aujourd'hui 1'expression de la verite la plus exacte. Une seule des affirmations du savant pro- fesseur de Rouen n'est plus cependant en accord avec les pro- gres de la Science; les spores de cryptogames, loin d'etre dans Fair en fort petit nombre, y sont an contraire fort repandues. M. Pasteurrelevacette erreur d'observation, dans une discus- sion restee celebre, qui passionna beaucoup de savants a Tepoque ou elle se produisit, souleva des contestations acrimonieuses, mais cut surtout pour resultat immediatement utile de provoquer de nombreux travaux sur la question des germes atmospheriques. II y a constamment dans 1'aircommun, dit M. Pasteur ( 1 ), un nombre variable de corpuscules dont la forme et la struc- ture annoncent qu'ils sont organises. Leurs dimensions s'ele- vent depuis les plus petits diametres jusqu'a -^ et davantage de millimetre. Les uns sont parfaitement spheriques, les autres ovoi'des; leurs contours sont plus ou moins nettement accuses. Beaucoup sont tout a fait translucides, mais ilyena aussi d'opa- ques avec granulations a 1'interieur. Ceux qui sont translucides, a contours nets, ressemblent tellement aux spores des moisis- ( l ) PASTEUR, Annales de Chimie et de Physique, t. LXIV, p. 28 ct 33; 1862. SUR LES TRAVAUX DE MICROGRAPHIE. 7 sures les plus communes que le plus habile micrographe ne pour- rait y voir de difference (fig- i) Fig. i. Spores atmospheriques d'apres M. Pasteur. Je crois qu'il y aurait un grand interet a multiplier les etudes sur ce sujet et a comparer dans un meme lieu avec les saisons, dans des lieux differents, a une meme epoque, les cor- puscules organises dissemines dans I'atmosphere. II semble que les phenomenes de contagion morbide, surtout aux epoques ou sevissent les maladies epidemiques, gagneraient a des travaux poursuivis dans cette direction. L'elan une fois donne, beaucoup d'auteurs s'appliquerent a determiner la nature des germes atmospheriques ; de ce nombre nous citerons Duclaux, Reveil qui etudia plus specialement les poussieres repandues dans les salles de 1'hopi tal Saint-Louis, Chal- vet, le D r Pigot, Selmi, de Mantoue, et Balestra qui se livrerent a Fetude desorganismesflottant au-dessus des marais, le D r Eiselt qui constata la presence de globules de pus dans Fair des salles de 1'asile des orphelins de Prague en se servant de 1'aeroscope Pouchet, et enfin Samuelson dont nous donnons ci-apres tex- tuellementles conclusions auxquelles ses nombreuses recherches le conduisirent. ((i L'atmosphere de toutes les parties du monde, dit Sa- muelson ( * ) en terminant son Memoire, est plus ou moins chargee (') SAMCELSON, Comptes j-endus des seances de I' Academic des Sciences, t. LVII, p. 88. 8 APERCU HISTORIQUE de corpuscules appartenant aux trois regnes de la nature : animal, vegetal etmineral; de particules de silex, de craie, etc., de sub- stances vegetales fraiches et en etat de decomposition, de fibrilles animales et vegetales, de kystes et de germes d'infusoires, et probablement, dans des cas plus rares, de vers nematoi'des. 2 Les infusoires consistent pour la plupart en germes de monades, de vibrions, de kolpodes, de trachelies, de kerones, de vorticelles, etc. 3 Les corps organises se trouvent en quantites variables, selon les conditions de F atmosphere, plus abondants quand Fat- mosphere est seche, etmoins quand ily a eubeaucoup de pluie. Us flottent dans toute Fatmosphere et penetrent ordinairement partout avec elle. En exposant des vases d'eau distillee a la chute des impuretes tenues en suspension dans les salles des hopitaux, le meme au- teur (') vit eclore dans ce liquide des bacteries, des amibes et des zoospores ; de 1'ensemble de ses experiences, il resulta que les ceufs le plus repandus dans Fair appartenaient a la classe des rhizopodes et au genre des cercomonades. Dans 1'eau de pluie, Samuelson put toujours egalement decouvrir de petits infu- soires et quelquefois de gros ceufs d'infusoires cilies. Dans une longue suite de Memoires presentes a FAcademie des Sciences, Lemaire ( 2 ) exposases travaux multiplies sur Fair des casernes, des salles des malades, des amphitheatres de dis- section, etc. Une faible quantite d'air puise non loin de la tete d'un teigneux fut trouvee chargee des spores du champignon qui produit cette affection rebelle du cuir chevelu ; les eaux de condensation que ce meme observateur obtint en divers lieux, an voisinage des marais de la Sologne, au Jardin des Plantes a Paris, au fort de Romainville, lui demontrerent Fexislence dans Fair d'une grande variete de microphytes et de microzoaires. Si les observateurs de tout pays dontles noms viennent d'etre (') SAMUELSON, Paper read before the British Association, 1862. ( 2 ) LEMAIRE, Comptes rendus des seances de I' Academic des Sciences, t. LVII, p. 5;-58i-625; t. LIX, p. 317-880. SUR LES TRAVAUX DE MICROGRAPHIE. 9 cites ont parfois varie dans leurs affirmations sur quelques points peu iraportants du sujet qui nous occupe, il fatit avouer qu'ils onttous ete amenes a reconnaitre 1'existence dans 1'air de spores crvptogamiques nettement visibles au microscope. Ge fait ne paraissait plus niable, quand MM. Joly et Mussel vinrent jeter une note discordante dans ce concert d'affirmations unanimes. L'extreme rarete, ont dit ces auteurs ('), sinon l } absence complete de germes atmospheriques , nous est demontree par une experience tres simple qui consiste a observer jour par jour une plaque de verre enduite sur 1'une de ses faces d'une couche legere d'huile d'olive. Le simple bon sens, comrne 1'observa- tion la plus grossiere, demon tre que la croyance a M absence com- plete de germes de microphytes dans 1'air doit etre rangee dans la categoric des idees absurdes, quand onvoit tons les jours des graines de plantes phanerogames, mille fois plus volumineuses, aller germer, emportees par les vents, a plusieurs centaines de kilometres de leur lieu d'origine ; le resultat inattendu des tra- vaux de ces deux savants, bien connus dans la Science pour des recherches d'une valeur incontestable, surprit les panspermistes, sans toutefois les emouvoir beaucoup. En 1866, le D r Salisbury ( 2 ) soumit a de nombreuses investi- gations microscopiques 1'air circulant au-dessus des marais de FOhio et du Mississipi ; cet air lui montra une cellule fort pe- tite, paraissant appartenir au genre palmella, a laquelle il attri- bua le pouvoir de creer les fievres intermittentes. Gette cellule, plus abondamment repandue dans Fatmosphere la nuit que le jour, parvenait souventaune hauteur de 100 pieds ; onprevenait sa diffusion en couvrant le sol de chaux vive. Un sejour de quinze minutes dans les districts malsains ou ces algues se mul- tipliaient sans entraves donnait la fievre. Enfin, loin de tout marecage, les individus soumis a Finhalation de ces memes algues se sentaient pris d'acces febriles. II est malheureusement (') JOLY et MCSSET, Comptes rendus des seances de I' Academic des Sciences, t. LV, p. 4 9 o. ( 2 ) SALISBURY, American journal of S dene, med., april, p. 5i; 1866. IO APERCU HISTORIQUE acquis depuis cette epoque que la cause des fievres intermit- tentes reste encore a decouvrir. Sous les auspices du D r Angus Smith ('), Dancer se livra a 1' analyse microscopique de 1'air de Manchester ; il y trouva, sous le volume d'un litre, plus de i5ooo cellules cryptogamiques , chiffre evidemment fort exagere qui montre combien on doit etre severe dans le choix des precedes de numeration des mi- crobes aeriens. Avant d'exposer avec plus de details les etudes perseverantes de quelques auteurs sur le meme sujet, il me reste a signaler rapidement les recherches de Lund, du professeur Silvestri, de Gatane, qui s'occupa surtout des pluies de poussieres meteoro- logiques tombees en Sicile ; les travaux de Lionel Beale, Par- fitt, Randsome, des D rs Burdon Sanderson, Sigerson, Parkes, Hewlett , John Stanley, Baynes Reed , Franck , Chaumont et Devergie, qui, tout bien examine, apporterent peu de chose aux fails deja acquis a la science micrographique. III. Le premier Memoire public, en 1870, par le D r Maddox( 2 ) fut presque entierement consacre a la description d'un appareil nouveau destine a collecter aulomatiquement les poussieres atmospheriques (voir la Jig. 16, a la p. 35). Les resultats que le D r Maddoxobtintd'abord avec le secours de son instrument, nomme aeroconiscope, differerent peu de ceux qui avaient deja ete publics; il annonca cependant, des cette epoque, un fait parfaitement exact, a savoir que le poids des particules mine- rales de Fair etait sous la dependance de la force du vent, du degre de secheresse et d'humidite du sol. Une annee plus tard, ses affirmations sur 1'immense variete des germes atmosphe- riques furent beaucoup plus categoriques et, dans sa nou- (') ANGUS SMITH, Air and Rain, p. 487. (*) MADDOX, On an apparatus for collecting atmospheric particles (Mon- thly microscopical Journal, t. Ill, p. 286 ) . SUR LES TRAVAUX DE MICROGRAPHIE. I I velle Communication a la Societe Royale de Microscopic de Londres (*), il appuya ses dires d'une planche ou Ton trouve fidelement dessinees, d'apres nature, les images des pollens les plus frequents et des spores cryptogamiques les plus remar- quables : \&fig- 2 represente un echantillon des cellules organi- sees recueillies par le D r Maddox. Fig. 2. Spores et pollens atmospheriques d'apres le D r Maddox. Grossissement : 4<>o diametres. Les experiences de ce savant s'eleverent au nombre de i55; commencees en avril 1871, elles ne prirent fin qu'au mois de novembrede la meme annee ; Faeroscope fonctionna en moyenne vingt fois par mois et resta expose a 1'action des courants atmospheriques pendant dix a onze heures durant les longs jours de Fete, et seulement pendant neuf a dix heures aux jours plus courts du printemps et de Fautomne. Le chiffre total de cellules recoltees par le D r Maddox dans Fune de ses i55 ex- periences atteignit une fois 260. Les atmospheres les plus riches en spores lui parurent etre celles des mois de juillet et d'aout; enfm il ne put saisir aucune relation entre la predominance de ces spores, la force et la vitesse du vent. Le D r Douglas Cunningham ( 2 ) fit paraitre, deux annees plus (') MADDOX, Monthly microscopical Journal, t. V, p. 46. (*) DOUGLAS CUNNINGHAM, Microscopic examinations of air. Calcutta, 1878. 12 APERQU HISTORIQUE tard, a Calcutta, un Memoire beaucoup plus complet sur les poussieres atmospheriques. Ge travail, precede d'uii historique auquel j'ai puise de precieuses indications bibliographiques, doit etre considere comme le plus parfait qui ait jamais ete public jusqu'ici sur les germes de Fair. L'esprit methodique et impartial qui regne dans cette oeuvre, magnifiquement illustree du dessin des semences aeriennes trouvees a chaque experience, temoigne, de la part de son auteur, d'un zele ardent a decouvrir la verite et d'une patience peu commune. Pour etre juste, il importe cependant de ne pas oublier que c'est au D r Maddox que revient le merite d'avoir inaugure les recherches statistiques des germes atmospheriques. Le D r Cunningham etudia principalement les poussieres repandues dans 1'air libre, dans Fair confine des egouts et les germes entraines par la pluie. Pour recueillir les poussieres re- pandues a 1'air libre, ce savant hygieniste se servit de Faero- scope du D r Maddox simplified En recoltant alternativement les poussieres de 1'air au-dessus des toits des prisons de la Presi- dence et d'Alipore a Calcutta, il obtint 5p preparations micro- scopiques, qu'il analysa attentivement en notant rigoureusement les conditions meteorologiques qui avaient preside a ses expe- riences. Toutes durerent vingt-quatre heures; commencees le 26 fevrier 1872, elles ne furent interrompues qu'au mois d'oc- tobre de la meme annee. La PI. 1 represente avec 1'exactitude la plus scrupuleuse la cinquieme des 69 planches publiees par le D r Cunningham. A quelques rares exceptions, Fatmosphere parisienne possede des spores de structure identique; elle en montre meme beaucoup d'autres, que j'ai vainement cherche a decouvrir parmi les germes recoltes aux Indes anglaises. Pour recueillir les microbes de Fair des egouts, le meme aeroscope fut place dans une galerie unissant les egouts de Calcutta a un foyer destine a entretenir les bouilleurs d'une machine a vapeur. Quant a Feau de pluie, une fois recueillie dans des vases propres et flam- bes,elle etaitsoigneusementrecouverte et examinee a des epoques successives, en prelevant a chaque fois, au moyen d'une pipette, la quantite de liquide qu'on voulait soumettre au microscope SUR LES TRAVAUX DE MICROGRAPHIE. 1 3 Voici en substance les conclusions des recherches duD r Cun- ningham : i Les infusoires, leurs germes ou leurs ceufs sont presque entierement absents de 1'air de Calcutta et de son voisinage. 2 Les spores et les autres cellules vege tales s'y trouvent en quantite considerable ; leur nombre est independant de la vitesse et de la direction du vent. 3 L'humidite (moisture] ne diminue pas la quantite des poussieres organisees de I'atmosphere. 4 II ne saurait etre etabli de connexite (connection') entre le nombre, la nature de ces cellules et les deces causes par le cholera, la dyssenterie, la dengue, etc. 5 Les particules bacteroi'des, qu'il est difficile de voir dans les poussieres de 1'air exterieur, sont au contraire tres fre- quentes dans Fair humide des egouts, ou on les trouve me- langees aux spores de P enicillium , diAspergillus , mais de- pouillees des nombreuses productions que 1'on rencontre a 1'air libre. 6 L'eau de pluie abandonnee a elle-meme montre des vege- tations cryptogamiques, des cercomonades, des amibes, qui semblent provenir des zoospores nes des filaments myceliens emis par les spores vulgaires. 7 L'addition a des liquides alterables de poussieres seches, meme exposees aux chaleurs tropicales, donne rapidement des bacteries et des champignons, quoique les germes de ces pro- ductions soient tres rarement trouves dans les poussieres seches. 11 parait des lors Ires probable que les monades et les bacteries ont une meme origine; mais il reste incertain si leur develop- pement est du a 1'heterogenese, a la presence de germes ren- lermes dans des cellules meres, ou enfin si ces etres ne sont pas le dernier terme de developpement des cryptogames vulgaires. Dans la derniere partie de ses conclusions, le D l " Cunnin- gham louche a la fois a des questions parfaitement resolues qu'il revoque en doute, et a des questions obscures qui parta- gent encore les esprits les plus distingues. Dans le courant de cet Ouvrage nous aurons a revenir sur ce sujet. 1 4 APERgU HISTORIQUE Bien avant le D r Cunningham, M. Ch. Robin s'etait eleve centre ies auteurs qui voyaient partout des ceufs d'infusoires ; comme bien d'autres observateurs, ce savant professeur decou- vrit dans 1'air des spores de cryptogames, mais il insista bien a tort, suivant moi, sur le peu de frequence de ces cellules. Quant aux microphytes, avance M. Ch. Robin ('), dont sou- vent en effet le microscope montre quelques spores diverses de volume et de structure, rien n'est plus facile que de les di- stinguer, soit des ovaires et des ovules des infusoires, soil de ces derniers enkystes on non; rien n'est plus facile de voir que les especes de cryptogames auxquelles elles appartiennent ne depassent pas une dizaine environ dans chaque experience, et qu'on n'en compte pas une centaine d'especes en comparant toutes les experiences faites. Cette excessive facilite qui presiderait a la decouverte d'un ceuf de monade ou de rhizopode, isole et perdu, comme c'est Fhabitude, au sein de 100000 spores de champignon de toutes formes, parailra a tous les micrographes beaucoup plus theo- rique que reelle. Sans doute il est aise de distinguer, par exemple, un ceuf de Rotifer d'une semence $ alter n&ria y un ceuf de Tardigrade d'un pollen on d'un cadavre de cyclope encore muni de son ceil rouge et de sa carapace, mais la difficulte de- vient autre, je le repete, quand il s'agit de differencier de visa un ceuf d'amibien mallraite par la secheresse d'une spore de- formee par le temps. Quant a faire agir sur ces germes dou- teux d'infusoire les reactifs chimiques propres a les caracteri- ser en les dissolvant, ce tour de main depasse les limites de 1'habilete du micrographe : 99 fois sur 100, le pretendu ovule echappe aux yeux, se perd, et le specimen de poussiere est irremediablement compromis. J'arrive aux recherches executees a 1'Observatoire de Mont- sourisparM. Schcenauer ( 1 ). Le premier acte de mon habile (') CH. ROBIN, Traite du microscope, p. 822 (1871), et Traite du microscope, 2 e edition, p. 872; I $77- ( 2 ) SCIIOENAULR, Annuaire de Montsouris pour 1'an 1877. SUE LES TRAVAUX DE MICROGRAPHIE. 15 predecesseur fut d'abandonner les methodes aeroscopiques des D rs Maddox et Cunningham pour revenir aux aeroscopes a aspi- ration, dont 1'emploi merite certainement d'etre applique partout ou cela est possible. En projetant sur une goutte de glycerine une centaine de litres d'air puises a Texterieur aux differentes Corpuscules resineux (2) ; amidon (12); spores hypothetiques de bacteries (9) ; spores cryptogamiques, recueillis en 1876 par M. Schoenauer. Grossisse- ment : 1000 diametres. epoques de 1'annee, M. Schcenauer recolta toujours une faible quaiitite de poussieres au sein desquelles ildistingua des pollens des grains d'arnidon et d'autres corpuscules organises dont je suis heureux de reproduire les dessins consciencieusement exe- cutes sous le fort grossissement de 1000 diametres, amplifica- tion qui leur enleve peut-etre un peu de leur elegance, mais les montre certainement avec une plus grande verite de details. 1 6 APERU HISTORIQUE M. Schoenauer n'aborda pas 1'etude statistique des germes Fig. 4- 25 Spores hypothetiques de bacteries (i); spores de cryptogames, recueillies en 1 8-5 par M. Schrenauer. Grossissement : 1000 diametres. Spores cryptogamiques recueillies en i8-5 par M. Schrenauer. Grossissement : 1000 diametres. de Fair : il prefera s'attacher a 1'etude des bacteries atmosphe- SL'R LES TRAVAUX DE MICROGRAPHIE. 17 riques avec le secours (Time methode fort penible a appliquer, Fig. 6. fsj h(.\\ ,'* O Ob 8 < O 0"0 Amidon (i, 2, i3, i5); pollen (12); spores cryptogamiques, recueillis en 1870 par M. Schcenauer. Grossissement : 1000 diametres. Fie. -. Spores cryptogamiques recueillies en 1875 par M. Schcenauer. Grossissement : 1000 diametres. designee sous le nom de Precede dcs rosees or ti fiddles, qu'il I 8 APERCU HISTORIQUE. poussa, je dois le dire, a un hant degre de perfection et lui fit rendre tons les services qu'on en devait attendre, c'est-a-dire des donnees malheureusement incertaines et souvent contes- tables. Fig. 8. 3 Granules resinetix (3); pollens (u, 12): spores cryptogamiques, recolles en 187.3 par M. Scbocnaucr. Grossissement : 1000 cliametres. Vers la meme epoque, M. G. Tissandier (*) entreprit des reclierclies microscopiques de meme nature , qu'il a consignees dans son ouvrage sur les Poussieres de I 1 air. De son cote, M. Emile Yung ( 2 ) analysa 1'atmosphere de la Suisse, les pous- sieres repandues dans la neige des Alpes ; ces travaux,, executes (') G. TISSANDIER, Les poussieres de I'air, 1877. () KMILE YUNU, Archives des Sciences physiques et naturelles, 3" periodc, t. IV, p. 5 7 4. SLR LES TRAVAUX DE MICROGRAPHIE. 19 avec talent, seront toujours consultes'avec profit par les micro- graphes desireux de se faire une idee exacte des progres ra- pides accomplis dans 1'art de saisir avec habilete les microbes aeriens. Je n'ai plus qu'a signaler mes propres recherches sur les spores aeriennes des cryptogames. Je serai bref, persuade qu'il s'attache plus de curiosite que d'importance a cette etude, li- mitee a une classe de vegetaux inicroscopiques dont le role le plus apparent est de nous debarrasser avec promptitude d'une foule de substances inortes qui lie tarderatent pas a encombrer la surface du sol, sices vegetaux parasites venaient a en dis- paraitre. CHAPITRE I. I. Poussieres minerales atmospheriques. Cristaux microscopiques. Globules de for meteorique. II. Poussieres organiques. Amidon. Polls dcs plantes. Fibres vest'- tales. Depouilles du rdg l ^^nnnaJ^ ::r ^Hk > Cadavres et ceufs d'infusoires. L'observateur qui se livre a 1'etude syslematique des corpus- cules charries par les courants atmospheriques ne tarde pas a reconnaitre la necessite de grouper en grandes families natu- relles les cellules, spores et debris de toute sorte que les pro- cedes d'experimentation lui permettent d'amener sous le mi- croscope. L'air en mouvement offre a considerer une foule de particules inertes de nature terreuse, charbonneuse et ferrugineuse parmi lesquelles les reactifs chimiques decelent aisement des phos- phates, des carbonates, du silex, etc., se presentant le plus souvent sous la forme de blocs irreguliers a aretes vives et tran- chantes dont la grosseur varie depuis le grain de sable visible a Toeil nu jusqu'a la granulation la plus fine. A en croire les don- iiees de I'examen microscopique, il n'existerait pas de limites a la division des corps solides; aussi voit-on le silex, le calcaire, le charbon, se presenter en particules tenues, defiant enpetitesse labaclerie la plus infirne ; dans ce cas, les angles des corpuscules ne sont plus percus , leurs contours polygonaux semblent de- venir circulaires : bref, les elements mineraux recueillis dans cet etat d'extreme division sont difficiles a differencier des germes des schizophvtes ('). (') Sous les noms de schizomycetes. sckizophytes, microphytes, microbes, microcoques, bacteriens, vibrioniens, saprophytes, clc... bcaucoup d'au tears 22 CHAPITRE 1. L'analyse microscopique des sediments atmospheriques se heurte done des 1'abord centre une barriere malaisee a franchir, au dela de laquelle les donnees de 1'observation directe doi- vent etre considerees comme illusoires. La pratique demontre en effet qu'il est imprudent de se prononcer sur 1'origine et la nature d'un corpuscule isole dont les dimensions ne depassent pas -^Q de millimetre. En dehors d'une infusion peuplee de microbes, le groupement de globules agences en sabliers, en carres, en cubes, en cliapelets, peut, il est vrai, nous porter a identifier ces globules avec ces vegetations alguaires nominees micrococcus ; mais cette simple donnee est fort peu rigoureuse et peut etre comparee a ce mirage trompeur qui nous porterait a voir un bacille, un bacterium ou un vibrion dans un cristal prismatique ou une fibrille fort petite. II laut done confesser, et je ne crains pas sur ce point d'etre en disaccord avec les micrographes de profession, qu'un germe de schizophytes est, dans la majorite des cas, fort difficile a distinguer des pous- sieres minerales et organiques qui Faccompagnent dans 1'atmo- sphere. Get aveu restreindrait singulierement le champ d'inves- tigation des panspermistes s'il n'existait pas aujourd'hui un mode d'experimentation permettant de pallier 1'insuffisance de nos instruments d'optique et de compter, sans le secours du microscope, les germes aeriens des bacteries ; je veux parler d'unprocede fecond en magnifiques resultats : de la culture des microbes vulgarisee par M. Pasteur. Pour rester fidele au plan general adopte dans cet Ouvrage, j'insisterai d'abord sur 1'ana- lyse des poussieres aeriennes, commode a pratiquer avec le secours de faibles grossissements : c'est la sans contredit une etude aisement abordable pour 1'observateur qui n'a pas a sa dis- position un laboratoire specialement outille pour les recherches delicates sur les infiniment petits. designent par une seule expression la lotalite des especes vegelales inferieures appelees plus vulgairement bacteries. SEDIMENTS AERIENS. 2 3 I. -- Poussieres minerales. Cristaux microscopiques. - Globules de fer meteoriques. Avant de parler des microbes organises repandus dans les pous- sieres de 1'air, il n'est pas sans interet de preciser brievement la nature des sediments inertes qui en constituent habituelle- ment les elements les plus abondants. II n'echappa pas a 1'ob- servation de Pouchet que ces elements bruts donnaient aux pous- sieres recueillies avec le secours des aeroscopes une physionomie, s'il est permis de s'exprimer ainsi, capable d'en faire tres souvent connaitre le lieu d'origine. En eflfet, Fair des appartements ha- bites tient en suspension une foule de fibres textiles diverse- ment colorees, qu'il est exceptionnel de rencontrer dans 1'air cle la campagne. En dehors des habitations, Pair des rues pre- sente encore des debris de nos vetements, mais les brins de soie, dechanvre, de coton, de laine, etc., deviennent plus rares et sont noves au sein de detritus terreux, de substances amor- phes, d'origine vegetale et animale; a la campagne, les fibres arrachees a Tecorce des arbres on aux vegetaux en voie de de- composition Torment la partie la plus riche des matieres orga- niques qu'on y recueille en temps normal. D'autrepart, le poids des sediments aeriens recoltes aux champs est, sous un meme volume d'air toujours plus faible que le poids des poussieres recoltees en ville. On doit sur ce sujet a M. G. Tissandier (*) (') G. TISSANDIF.R, Les poussieres de I' air, p. -i : Poids des corpuscules de poussieres contenues dans i mc d'air a. Paris. Apres une pluie abondanle Apres 8 jours de s^eheresse Dans des conditions tlelaveille. en cte. atmospheriqucs normales. " /' r , 0060 /' 0^ r , 0073 o>-' r , 006 o r ,o23 o r , 0080 En prenant, ajoule ^1. Tissandier, le chiflre minimum o T , 006 et considerant une masse d'air deo m d'epaisseur sur 1'etenduedu Champ de Mars, qui a5ooooo m< * tie surface, cette masse d'air ne renferme pas moins de i5 k & de corpuscules. 2 4 CHAPITRE I. mi ensemble d'experiences fortbien faites que 1'examen micro- scopique confirme pleinement; j'ajouterai cependant, d'apres mes propres observations, qu'en temps humide, de pluies fre- quentes ou de giboulees, la quantite des poussieres atmosphe- riques diminue a un tel degre, qu'il n'est pas de balance assez sensible pour apprecier le poids des detritus de toute sorte con- tenus dans plusieurs metres cubes d'air puise au pare de Mont- souris. Cette diminution porte surtout, comme Tavaient deja vu les D rs Maddox et Cunningham, sur les poussieres inorga- niques ; dans ce cas, il n'est pas rare de compter dans Fair plus de spores cryptogamiques que de grains de silex. Gontrairement a 1'opinion de M. Ch. Robin ('), on observe, parmi les corpuscules charries paries courants atmospheriques, des cristaux divers, hjalins ou opaques, de forme cubique , prismatique, rhomboedrique, etc.; souvent rocil saisit un frag- ment de mineral dont le clivage est visible a travers sa masse transparente, comme a travers un bloc de gypse ou de spath d'Islande fendille par le choc. A Paris, les elements cristallises les plus repandus dans 1'air appartiennent a une roche de cou- leur gris bleuatre donnant des cristaux clinorhombiques, isoles ou groupes par assises, qu'on voit souvent se detacher du mineral en voie de desagregation. Le silex a cassure concho'ide, les sulfates, phosphates et car- bonates terreux ou alcalino-terreux,'a texture cristalline ou a Fetat amorphe, meritent moins de nous arreter ; maisje diraiun mot des globules de fer meteoriques etudies avec soin par M. G. Tissandier (' ), qui les a obtenus par un precede de triage ingenieux, consistant a promener, a une faible distance d'une couche de poussieres atmospheriques deposees sur une surface plane horizontale, un aimant destine a saisir uniquement les parcelles ferrugineuses (fig. 9, 10 et n). An microscope, j'ai vu et reconnu ces globules magnetiques ; cependant ils sont generalement en si faible quantite dans les poussieres aeriennes, (') ROBIN, Traite du microscope, p. 996; 1871. (") G. TISSANDIER, Les poussieres de I' air, p. 49 et suivantes. SfiDDIENTS AERIENS. 25 qu'il est difficile de constaler leur existence dans les recoltes aeroscopiques obtenues avec t mc d'air, alors que ces memes Fig- 9- Corpuscules ferrugineux d'apres G. Tissandier. recoltes presentent, surtout pendant les vents violents, une foule de granules noirs et rougeatres, d'une sphericite irrepro- Fig. 10. f * Corpuscules ferrugineux d'apres G. Tissandier. chable et d'un diametre variant de -^ a -^ de millimetre; ces spherules, inattaquablespar les acides concentres, paraissent Fig. ii Corpuscules ferrugineux d'apres G. Tissandier. appartenir a une classe de corps volatils resinoides, que la fumee des usines entraine au loin avec elle. II. -- Poussieres organiques. Foils des vegetaux- Fibres vegetales. Depouilles du regne animal, A cote des Corpuscules mineraux ou non organises dont je viens d'enumerer les representants les plus frequents parmi les CHAPITRE poussieres de Fair, il est aise d'apercevoir des cellules on debris de cellules ayant appartenu au regne vegetal et animal. Tantot la matiere organique apparait sous forme de plaques, de lamelles, de masses informes, de granulations agglutinees par un ciment incolore, jaunatre ou brun, de fibres dechiquetees sur la nature desquelles on ne saurait se prononcer surement ; tantot, au con- traire, Fceil reconnait tres bien des couches epidermiques, des Fig. 12. Dcpouillo d'acarien. Grossisscment : a5o diametrcs. fragments de vaisseaux, des trachees deroulees, des tubes my- celiens septes ou non septes, des poils simples ou rameux enleves par le vent aux tiges et aux feuilles des plantes. Dans 1'interieur des hopitaux et des habitations, a ces depouilles du regne vegetal viennent se joindre ou plutot se substituer des fibres deja utilisees par 1'industrie, des cellules epitheliales cor- nees, que les reactifs colores permettent d'etudier avec soin; 1'amidon, frequemment observe en pleine campagne, se montre surtout en abondance dans Fair des villes et 1'air confine des OEUFS AERIENS DBS LNFUSOIRES. 27 maisons. II serait long de dresser la lisle des elements hetero- genes conslamment entraines par I'atmosphere en mouvement. Pour abreger et arriver plus rapidement a un sujet plus digne d'interet, je me contenterai de signaler, parmi les sediments aeriens, du duvet echappe aux corps des oiseaux, des ecailles de papillon, en forme d'ecussons plus ou moins allonges, pi- quelees de poils ou parcourues par de fines raies longitudinales, d'antennes et de pattes d'insectes, des depouilles entieres d'aca- riens, telles que \&fig. 12, gravee d'apres line de mes photomi- crographies, en montre un bel exemple. III. Cadavres et ceufs d'infusoires. Si, comme on vient de le voir, les depouilles denature vegetale et animate se rencontrent tres frequemment dans les atmospheres libres et confinees, il est infmimentplus rare d'y constater la pre- sence des O3iifs et des cadavresdes animalcules appeles infusoires, qu'on ne confond plus aujourd'hui avec les bacteriens ranges avec raison parmi les cryptogames microscopiques de 1'ordre le plus inferieur. A. Pouchet, Cunningham, Charles Robin et bien d'autres observateurs n'ont pu saisir qu'exceptionnellement dans 1'atmo- sphere ces petits etres elegants repandus a profusion dans la moindre flaque d'eau, les fosses, les bassins, les rivieres, ou abondentle limon, les plantes aquatiques, les brins d'herbe, les teuilles mortes detachees des arbres. Pour ma part, j'ai rarement apercu, dans les milliers d'echantillons de poussieres aeriennes qui ont passe sous mes yeux, des ceufs et des cadavres d'infusoires iiettement reconnaissables. Cependant, a plusieurs reprises, ces sediments m'ont montre des rotateurs enkystes, des carapaces de Cyclopes, mais cela a intervalles fort eloignes, de six mois en six mois, d'annee en annee. II existe pourtant un precede detourne permettant de de- montrer la presence dans 1'air des ceufs de quelques classes d'in- 28 CHAPITRE I. fusoires, appartenant, leplus habituellement, aux monades, aux amibiens, c'est-a-dire aux animalcules les plus petits, dont les germes, par suite fort legers, sont aisement transporters paries courants atmospheriques. Ce precede repose sur 1'ensemence- ment dans de 1'eau bouillie de bourres d'amiante sterilisees au prealable, ayant servi aretenir les poussieres de 3o mc a 4o mc d'air. Ges sortes de tampons noircis parle charbon, les debris terreux et autres qui constituent la partie la plus abondante des pous- sieres de 1'air, immerges dans cette eau, donnent toujours nais- sance a de nombreuses algues vertes, a de luxuriantes vege- tations cryptogamiques et fort souvent a quelques infasoires cilies,plus rarementa desrotateurs, a des stentors, autrement dit a cette classe d'animalcules visibles a la loupe, sinon a 1'ceil nu. Sous le volume de i5 cc a 2o cc , 1'eau de pluie, amenee dans des vases sterilises et conservee plusieurs semaines a 1'abri de loute impurete, montre, dans la moitie des cas, des infusoires proprement dits, nageant en grand nombre au milieu des muce- dinees de'veloppees. Ordinairement Fespece animale eclose dans ces aquariums minuscules est pure, c'est-a-dire exempte d'infusoires d'une autre forme : aussi le spectacle de voir reunis en grand nombre une foule d'etres de la meme famille est-il fort curieux pour Tobservateur habitue a voir ces especes melangees vivre Ordinairement dans la meme infusion et s'y mouvoir de la fagon la plus variee. Ici, au contraire, un echantillon d'eau de pluie montrera des protees presque circulaires rampant lenlement en emettant des expansions courtes et pointues ; la un second sera peuple de monades ou de cercomonades munies de longs flagellums, douees d'un tremblotement rapide et d'une locomo- tion vraiment surprenante. En fractionnant les eaux meteoriques en groupes d'infusions de faible volume, il deviendrait, je crois, facile de faire avec precision la monographic de plusieurs de ces animaux microscopiques, qu'un bon nombre d'auteurs font de- river bien a tort des zoospores, des algues el des champignons. II suffit de s'adonner quelque temps a ces cultures pour recon- iiaitre le pen d'exactitude de ces affirmations et s'assurer que les infusoires les plus petits conservent leurs mceurs et leur CELTS AERIE.NS DES 1NFUSOIRES. 2Q individualite pendant des mots et des annees, de plus que les algues et les champignons cultives dans 1'eau a 1'etat de purete ne donnent jamais d'infusoires et ne se transforment pas en crvptogames. La theorie de 1'evolution des especes me semble devoir tirer pen de profit de ce genre d'experiences conduites avec toute la rigueur necessaire. Voici comment 1'on arrive sans difficulte a construire les aquariums d'eau de pluie dont je \iens de parler. L'n tube a boule soufflee 6, dispose comme le represente la fig. i3, recoit d'abord quelques fragments de tiges de plantes, encore vertes; Aquarium d'eau de pluic. puis, au-dessus de 1'etranglement e, on place une bourre de coton de verre. La pointe a scellee, 1'appareil est porte deux heures a la temperature de 160 ; Teau de pluie recoltee dans la capsule de platine P, rougie au prealable, on aspire par la branche libre du tube 1'eau de pluie qui se rend alors dans la boule b en penetrant par la pointe a flambee, avant d'avoir etc brisee avec une pince egalement flambee. Gela fait, cette pointe est fondue, el 1'on obtient ainsi un echantillon d'eau meteo- rique qu'on peut conserver, autant qu'onle juge convenable, a 1'abri de toute poussiere. Les tiges de plantes introduites dans 3o CHAP1TRE I. la boule avanl la sterilisation de 1'appareil fournissent, bieri qu'a demi calcinees, une infusion ou les vegetations cryptoga- miques et les infusoires se plaisent et oil les bacteries ne se de- veloppent jamais en assez grand nombre pour etouffer les ani- malcules qn'on se propose de cultiver et d'etudier. y \v v (ji-- THE ' \ UNIVEESITY] CHAPITRE II. I. Des precedes employes pour recolterlespoussjeresatmospheriques. Aeroscopes de Pouchet, de Maddox, de Cunningham, de Schcenauer et Yung. Nouveaux aeroscopes de Monlsouris. II. De la nature des corpuscules organises do Fatmosphere. Amidon et pollens atmospheriques. Spores des moisissures et algues vertes. III. Du nombre des spores aeriennes. IV. Spores crypto- gamiques de 1'air des egouts. De Fatmosphere des habitations, des hopitaux. Des semences melees aux sediments aeriens deposes a la surface des objets. I. -- Des precedes employes pour recolter les poussieres de 1'air. La methode la plus simple, mais aussi la plus defectueuse, de recueillir les poussieres atmospheriques consiste a exposer a 1'air exlerieur une plaque de verre enduite d'un liquide gluanl peu siccatif. Habituellement les grains de sable, les substances terreuses, soulevees par les coups de vent, les feuilles mortes, les debris d'herbe, les insectes, viennent bientot se fixer sur la lamelle et ajouter aux veritables poussieres atmospheriques des elements grossiers que Fair n'emporte jamais tres loin dans sa course. D'autre part, un calcul elementaire permet de demon- trer qu'une plaque de verre enduite de glycerine sur une surface de 4 cq doit, par un vent de vitesse moyenne, rester exposee en plein vent pendant trois mois pour se charger de la majeure partie des corpuscules repandus dans i mc d'air. Si une semblable experience dure seulement quelques jours, le chiffre des organismes recueillis est tres faible et, sans que j ? y insiste davantage, on comprend egalement que les semences volumi- neuses sont recoltees relativement en plus grand nombre que les spores de petit diametre. 32 CHAPITRE II. Une autre methode moins directe d'amener les poussieres de Fair sous le microscope consiste a recueillir, dans des vases pu- rifies de tout germe, les eaux meteoriques, la neige et la vapeur d'eau atmospherique condensee par des melanges refrigerants ou des appareils a glace a la surface exterieure d'un ballon de verre parfaitement flambe avant 1'experience, puis a examiner attentivement a de forts grossissements les corpuscules divers que le liquide ainsi obtenu tient en suspension on laisse depo- ser par decantation au fond da vase. On pent objecter a ce mode d'investigation la fatigue excessive qu'il entraine etla dif- ficulte que 1'on eprouve a saisir dans un volume de vehicule toujours considerable les especes incapables de s'y developper. Plusieurs auteurs ont pense qu'en dirigeant a travers 1'atmo- sphere unjetde vapeur ou d'eau pulverisee fortement chauffee au prealable, on parvenait a ramasser les germes de 1'air. Sans doute cela est exact, mais 1'eau de ce brouillard artificiel, con- densee sur des soucoupes purgees de toute impurete, est en si grande quantite, eu egard au nombre des germes saisis, que leur recherche au microscope reste encore fort longue et fort laborieuse. A ces divers modes d'experimentation, Gaultier de Claubry, Angus Smith, Dundas Thompson, Beaudrimont et Dancer substituerent le barbotement de Fair dans de 1'eau bouillie placee, comme pour les analyses chimiques, dans des fioles, des ilacons de Woolf, des tubes en U, des tubes a boules, elc. . . Cette maniere d'operer est egalement loin d'etre irreprochable, car, dans les experiences dont la duree depasse une demi-journee (certains observateurs les ont prolongees pendant un mois), les spores amenees au contact de 1'eau pullulent, et il arrive alors que ce ne sont plus les veritables semences de 1'airqu'on a sous les yeux, mais les vegetations et les fructifications variees aux- quelles ces germes ont donne naissance. Dans une experience celebre, effectuee a Manchester et rapportee avec detail dans 1'ouvrage d' Angus Smith (*), M. Dancer trouva 87 millions et (') ANGUS S.HITII, Air and Bain, p. 487 et suivantes. AfiROSCOPES. 33 demi de fructifications cryptogamiques dans 2495 ut , soit i5ooo semences par litre, non compris evidemment celles que 1'eau n'avait pu fixer au passage : jamais I'atmosphere ne pre- sente une telle abondance de graines de mucedinees, et les affir- mations erronees du mierographe de Manchester ont eu pour origine la cause d'illusion que je viens de signaler. Pour etudier les germes tels'que Pair les transporte, il est in- dispensable de les fixer sur des substances ou ils ne puissent croitre et s'alterer. Pour ma part, je les recueille sur une goutte d'un melange fait a chaud de deux parties de glycerine pour une partie de glucose solide ; le liquide ainsi obtenu est tres sirupeux, tres lent a filtrer au papier ; mais il constitue une li- queur conservatrice fort precieuse, n'alterant pas sensiblement, meme au bout de plusieurs annees, la couleur, la forme des pollens et des semences atmospheriques les plus dedicates ; d'un autre cote, sa viscosite,, en soustrayant au mouvement brownien les corpuscules les plus tenus, permet d'obtenir des preparations faciles a photographier. La glycerine ordinaire est d'un plus mauvais usage, elle s'hy- drate considerablement pendant les temps de pluie et de brouillards et peut devenir, dans ce cas, un milieu favorable a la multiplication de quelques moisissures. Lors de ses experiences sur les generations spontanees , M. Pasteur se servit, pour recueillir les poussieres de 1'air, de bourres de colon nitriquequi, une fois dissoutes dans un me- lange d'alcool et d'ether, donnaient un collodion laissantdeposer, par decantation, les sediments atmospheriques arretes au passage; apres plusieurs lavages successifs effectues a 1'eau pure, le de- pot etait fmalement amene sous le microscope. Pour produire une aspiration lente et continue, M. Pasteur a utilise latrompe representee par \&jig. i4 L'eau d'un reservoir, deversee lente- ment dans un tube de laiton a trois branches R, s'echappe sous la forme d'index par un tube de caoutchouc K/, en entrai- nant dans sa chute de nombreuses colonnes d'air. Le vide pro- duit se transmet par le tube mn au tube de verre Tb place au travers du chassis d'une fenetre et muni en ab d'une bourre 34 CHAPITRE II. de colon soluble destinee a intercepter lous les corpuscules aeriens. Ge precede, que Angus Smith a tente d' employer, est fort difficile a appliquer aux recherches statistiques des germes. M. Pasteur le sentait si bien, qu'a 1'epoque meme ou il publia Trompe de M. Pasteur. ce precede il cherchait par des essais multiplies a lui en sub- stituer de plus pratiques; il lui paraissait de tout point prefe- rable de fixer les germes sur des liquides gluants conlenus dans des tubes de verre ou sur des bourres faites de silicates alcalins, de sucre, a la maniere du colon de verre des souffleurs, et qu'une goutte d'eau cut suffi pour fondre et laisser ensuile tous les germes neltement visibles. Pouchet rendit plus rapide el plus simple Fanalyse quali la- live des poussieres atmospheriques en inventant 1'aeroscope dessine dans la fig. i5, forme, comme on le voil, d'un cylindre de verre dans 1'axe duquel plonge un tube destine a projeter un jel d'air sur une plaque de verre recouverte d'une subslance vis- queuse, et muni a son armature inferieure d'une tubulure en com- municalion avec un aspirateur. Plusieurs savants francais et etran- gers se sont servis avec succes de eel inslrument; d'autres 1'ont modifie plus ou moins heureusement ; d'autres 1'ont iransforme en aeroscope a girouelle, au grand detriment de leurs travaux. AfiROSCOPES. 35 C'est au D r Maddox qu'est du le premier aeroscope suscep- Fig. i5. Aeroscope de A. Pouchet. lible de lonclionner sans 1'actiondu vent. Lay?. 16 le montre lei qu'il fut presente a la Societe Royale de Microscopic, de Fig. 16. Aeroconiscope du D r Maddox. Londres ; il se compose essentiellement d'un long tube cvlin CHAPITRE II. drique da, pourvu a 1'une de ses extremites d'un cone evase et a 1'autre d'un second cone renfle en hemisphere, en continuity' avec le tube et termine par une ouverture tres fine destinee a ramasser les poussieres sur une lamelle glycerince, maintenue appliquee par deux petits ressorts sur un diaphragme. (Voir, en F, le detail de ce diaphragme.) Le tube da porte lateralement trois autres entonnoirs plus petits : i, 2, 3, places dans trois directions differentes, de fac,on a recevoir les poussieres venues d'en haut, d'en bas et de cote. A son extremite opposee au vent, V aeroconiscope du D r Maddox se termine par un cinquieme cone muni d'ail- lettes c, c' ', c", placees perpendiculairement en croix dans le sens des generatrices de ce cone pourvu d'un prolonge- ment cvlindrique s'adaptant a frottement a la partie de 1'appa- reil deja decrite. L'instrument equilibre sur un pivot fixe verti- calement a un trepied de geometre, il est facile de comprendrc que, sous Finfluence du vent, 1'instrument peut s'orienter de facon a presenter la base du cone a aux courants atmosphe- riques qui le traversent, aides surtout par 1' aspiration don I I'entonnoir oppose b devient le siege. Ainsi que le montrelayZg-. 17, 1'aeroscope du D* Cunningham - '7- Aeroscope du D r Cunningham. est beaucoup plus simple. Un cone anterieur se termine par une pointe force au voisinage d'un diaphragme perce d'ouver- AEROSCOPES. 3y lures sur son pourtour et aii centre duquel est une equerre a gorge maintenant une lamelle de verre glycerinee (voir en B). A I'extremite du tube oppose au vent, on voit une girouette en forme de coeur de carte a jouer, chargee de diriger le systeme. Enfm j'ai aussi fait construire un aeroscope fonctionnant sous 1'action du vent ; il se compose (Jig- 18) de deux par- ties, 1'une B rattachee a une girouette en drapeau, et 1'autre A se vissant a la partie B. Get instrument, tres mobile sur un axe vertical, est parcouru suivant le sens des fleches indi- quees dans le dessin, par les courants d'air, qui abandonnerit sur une lamelle soutenue par un etrier une partie de leurs poussieres brutes. Fig. 18. Aeroscope a girouette de Montsouris, au } de grandeur. Les aeroscopes a girouette ont 1'avantage de fonctionner automatiquement, toutes les fois que le vent a la force de les diriger; dans le cas contraire, ils deviennent tout a fait inutiles ; mais 1'objection la plus grave qui puisse leur etre faite est de rester muets sur le volume d'air qui les traverse. Je sais bien qu'on peut placer a cote de ces instruments un anemometre enregistrant a tout instant la vitesse du vent, ce qui permet d'apprecier grossieremeni les volumes proportionnels d'air intro- duits dans ces aeroscopes. Mais ces calculs, d'ailleurs fort com- pliques en raison des variations incessantes de la vitesse du vent, sont impuissants a donner en unites de volume la quantite d'air dont ces sortes de recoltes aeroscopiques sont tirees. Aussi les 38 CHAPITRE II. statistiques des D rs Maddox et Cunningham se sont-elles res- senties de ce mode d'experimentation. En voici une preuve evidente : Le D r Cunningham a trouve en movenne i65 cellules organi- sees par experience de vingt-quatre heures. D'apresmes calculs, i mc d'air renferme en moyenne a Paris i4ooo spores. En admet- tant que Fair de Calcutta soil aussi riche en germes que celui de Paris, il s'ensuit naturellement que le volume d'air analyse par le D r Cunningham n'a pas depasse io lu par vingt-quatre heures, soil 6oo ht apres huit mois de recherches, volume d'air evidemment trop faible pour permettre a un observateur d'eta- blir avec riguetir la composition qualitative d'tine atmosphere determinee. Les precedes imagines par MM. Pouchet et Pasteur se pretent seuls a la numeration des germes des cryptogames. Celui do M. Pasteur permet de recueillir toutes les spores, mais il ne saurait garantir la perte de beaucoup de ces graines dans le cours-des manipulations qu'il exige ; celui de Pouchet est im- puissant a saisir tons les germes, mais on n'en perd aucun dans les manoeuvres fort expeditives destinees a amener ces germes sur le porte-objet du microscope. Le precede de Pou- chet, recommandable par sa simplicite, a ete universellement adopte, avec quelques variantes de dispositifs qu'il me reste a faire connaitre. Ldijlg. ig reproduit le schema de 1'installation adoptee, depuis Fannee 1870, a FObservatoire de Montsouris, pour recolter les germes de 1'air. La cloche tubulee M, rodee et posee sur une plaque dressee et suifee,recouvre un support de bois place inte- rieurement, sur lequel repose une plaque de verre k ou une goutte de glycerine a ete mise pour fixer lespoussieres, qu'amene sous 1'influence du vide le tube recourbe h a pointe effilee. Cette gouttelette frappee par le jet d'air s'ombilique a son centre et forme une sorte de cratere visqueux ou 1'air tourbillonne pendant toute la duree de Fexperience. Ce systeme d'aeroscope imagine par M, Schcenauer, experimente egalement a Geneve par M. Yung, donne de fort bons resultats; il a cependant le AtROSCOPES. 3g tort d'etre peu portatif, dletre sujet aux fuites et de posseder un tube de prise d'air beaucoup trop long, dans Finterieur duquel les poussieres finissent par se deposer, comme le prouve la couleur grisatre qu'il acquiert apres un long usage . Fig. 19. Aeroscope de .M. Schcenauer et trompe de Montsouris. La petite trompe qui determine le courant d'air est beaucoup mieux comprise. L'eau fournie par le robinet D' penetre par le tube D dans le petit reservoir A, termine a son extremite infe- rieure par un long tube dont I'extremite superieure forme une CHAPITRE II. boucle b. L'eau, s'ecoulant plus rapidement par le tube ver- tical qn'elle n'arrive en A par le robinet D', se divise en gouttes Fig. 20- Aspirateur comptcur formant piston et separees par des bulles d'air qu'elles entrai- nent dans leur chute : cet air est empruntc a Palme-sphere exte- rieure par le tube GG 7 ; finalement Fair et 1'eau se rendent dans ALROSCOPES. 4 1 1'eprouvette a pied E, 1'eau s'ecoule par le tube recourbe f\ I'air traverse sous une faible pression le compteur H qui mesurc exactement son volume. Cette petite trompe, facile a construire avec quelques tubes de verre et de caoutchouc, exige a peine un debit de 4o m d'eau pour aspirerun metre cube d'air; mais par- fois ce faible volume d'eau peut faire defaut ; on peut alors utiliser 1'aspirateur compteur (fig- 20) qui a servi a M. G. Tis- sandier lors de ses experiences a 1'observatoire de Sainte-Marie du Mont (Manche). Sous 1'effort de traction du poids P, un mou- vement d'horlogerie actionne la roue a auget d'un compteur so- lidementfixe an parquet; I'air chasse al'exterieur parlaroue en mouvement determine un vide que tend a combler 1'atmosphere venue du dehors par le tube , ou les tubulures a robinet r, /*', r", auxquelles peuvent etre adaptes, suivant les besoins, un ou plu- sieurs appareils d'analyse. Le compteur aspirateur essaye a 1'ob- servatoire de Montsouris a paru inferieur a la petite trompe mentionnee plus haut, qui ne se derange jamais et exige unique- ment, pour fonctionner sans interruption, le reglage d'un simple robinet place sur une conduite d'eau. Fig. 21. Trompe d'Alvergniat, au } de grandeur. 21 represente le croquis d'une trompe en verre tres portative, construite par Alvergniat, fondee sur le principe de 42 CHAPITRE II. Tinjectetir Giffard, mais qui demands, pour fonctionner avec ra- pidite, une pression de plusieurs metres d'eau ; bref, quel que soil le systeme d'aspiration employe, il suffit, pour ne pas operer en aveugle, de determiner rigoureusement le volume d'air dirige a travers les aeroscopes : on y parvient Ires simplement en ame- nant eet air dans des compteurs constructs avec precision et soi- gneusement verifies. Aux divers appareifs collecteurs de poussieres mentionnes dans ce Chapitre, j'ai ajoute le petit instrument dessine an { de grandeur naturelle dans \*fig. 22. II se compose d'une cloche Aeroscope a aspiration de Montsouris, au \ de grandeur. de cuivre nickele A., munie, a sa partie superieure, d'un tube coude a angle droitrelie aux appareils aspirateurs par 1'interme- diaire de tubes dc caoutchouc on de plomb quand 1'aeroscope est place loin des maisons, d'un pas de vis a sa partie infero- interne, et d'une tige rigide horizontale destinee, une fois soli- dement fixee a un poteau, a soutenir la cloche au-dessus de la surface du sol; la seconde partie B de 1'aeroscope, qui se visse exactement a la premiere, est formee d'un cone metallique perce d'une fine ouverture, domine par une potence soutenant un etrier suspendu a une vis micro m^tri que, permettant de rappro- cher ou d'eloigner a volonte de 1'ouverture superieure du cone une lamelle de verre retenue dans deux rainures profondes. Ainsi construit, ce petit instrument peut fonctionner par tous les temps; la neige, la pluie n'atteignent jamais la lamelle et, si les araignees se plaisent quelquefois a venir elire domicile AMIDON ATMOSPHfiRIQUE. 4 3 dans 1'interieur du cone, on leur en interdit 1'acces en repandant sur la tige de sustentation et le tube d'aspiration une forte couche de goudron de houille charge d'acide phenique. II. De la nature des corpuscules organises de 1'atmosphere. En laissant de cote les oeufs des animalcules infusoires dont 1' existence est tres rarement constatee parmi les poussieres de 1'air examinees au microscope, et les germes des bacteries fort difficiles a sai sir parmi les memes sediments, Ton reste en pre- sence de plusieurs classes de cellules parfaitement visibles avec le secours de grossissements variant de 100 a 5oo diametres et qu'on pent artificiellement ranger en quatre groupes : i En grains d'amidon, formes, comme on sait, d'une sub- stance purement chimique incapable de proliferer et d'accom- plir une mission fecondante quelconque ; 2 En pollens incapables de germer et de donner naissance a un vegetal complet, mais gorges d'un sue et de granulations pro- pres a feconder les ovules des plantes phanerogames ; dans cette categoric de cellules on pent ranger les zoospores des algues et des cryptogames dont la presence dans 1'air reste encore a etablir ; 3 En spores de cryptogames, zygospores capables au contraire de germer et de former une moisissure, une algtie, un lichen parfaitement determine; 4 En vegetaux complets, le plus souvent unicellulaires, parmi lesquelson doit citer les algues vertes, les conidies, leslevures, les debris de confervo'ides, les diatomees, etc. ... Je le ivpete, cette classification a pour but unique de diviser en un faible nombre de classes la multitude innombrable des cellules organisees, charriees journellement par les courants atmospheriques. Amidon. L'amidon des poussieres a plusieurs origines : ou il vient des farines et des fecules manipulees par 1'industrie humaine, ou il 44 CHAPITRE II. provient des vegetaux morts en voie de desegregation. Je ne crois pas qu'il soil aise de differencier ces deux varietes d'ami- don; la seconde cependant parait formee de grains de grosseur plus homogene. Tout cela a d'ailleurs une faible importance; que I'amidon soit en grains spheriques, ovoi'des,ellipsoides ou en globules moins reguliers, il est to uj ours aise de le distiriguer, en cas de doute, des petites spores incolores des cryptogames avec 1'iode ou le secoursde la lumiere polarisee. Je donne, d'a- pres une photographic (fig. 23), 1'image d'un essaim de grains Arriidon atmospherique. Grossissement : 4o diametres. d'amidon atmospheriques, provenant vraisemblablement de la meme cellule vegetale. Pollens. Les pollens de 1'atmosphere ont generalement la forme de gros utricules circulates, enveloppesd'une ou plusieurs mem- branes distinctes presentant ou non des bouches, par ou le boyau charge de fovilla viendra faire hernie quand 1'utricule sera de- pose sur les stigmates de la fletir. Je n'ai jamais vu dans mes preparations, quelque eleve que fut le degre hygrometrique de 1'air, un pollen en voie d'emettre des boyaux. A cote des pollens circulaires, ou plus exactement spheriques, les poussieres atmo- spheriques montrent des pollens ovoi'des, ellipsoides, pyrami- daux, cubiques, reniformes, tres souvent pourvus de granula- POLLENS ATMOSPHERIQUES. 4$ tions interieures bien visibles ; tantot au contraire paraissant n'en pas contenir. Les pollens a formes irregulieres ne sont pas rares ; on en rencontre de comparables a des sacs de baudru- che partiellement vides de leur contenu ; d'autres, au contraire (fig- 24), sont remarquables par la regularite de leurs formes et la finesse des dessins qui les recouvrent : ./^VO' ff vv OF THE n-*4. "UNIVERSITY (i, cristaux atmospheriques; b, trachees vegetales; c, amidon; d, pollens; e, corpuscules resinoi'des et de fer meteorique. Grossissement : 5oo diam. exterieure du pollen parait sculptee et comme percee au trepan d'opercules places avec la plus grande regularite ; tantot elle semble retenue dans un filet elegamment tisse, tantot elle est 46 CHAPITRE II. herissee de polls. Rarement les pollens sont absolument inco- lores : les moins teintes sont legerement jaunatres ; mais il en est de jatmes, de verdatres, de bruns, de bleu verdatre, et enfin beaucoup de couleur orange, qui peuplent presque constam- inent I'atmosphere parisienne. La connaissance des formes diverses quepeuvenl presenter les pollens aeriens n'est pas sans utilite pour les micrographes ; on en rencontre partout ou Fair a acces, dans 1'interieur des appartements, surles meubles, parmi les poussieres accumulees, dans les fentes qui separent les portes et les fenetres de leurs cadres, etc... Geci me rappelle que je fus consulte officieuse- ment, il y a plusieurs annees, par un expert aupres de la Cour d'assises sur la nature de cellules jaunatres trouvees sur une des laches de sperme dont etait souillee la chemise d'une petite lille victime d'un attentat odieux. Si je n'eus aucune peine a reconnaitre des pollens dans ces quelques globules spheriques legerement desseches, il me fut plus difficile de faire tomber les doutes de 1'expert, qui cependant s'evanouirent quand je lui eus moiitre, seance tenante, dans la meme preparation microsco- pique, des graines de champignons dont la forme bizarre 1'in- teresserent beaucoup. Grace done a la faiblesse de leur poids specifique, les pollens penetrent partout, meme dans les lieux ou Fair a un acces difficile : j'en ai trouve dans une cave, dans les armoires fermees ou les eleves du lycee Saint-Louis placent leurs livres, tels que \&Jig. 25 en montre plusieurs pourvus iion seulement de 1'aspect physique qui leur est propre, mais presentant les details de structure et de couleur qui font recon- naitre a quelle espece de fleurs ils appartiennent. Les pollens, fort repandus dans 1'air au printemps et en ete, tendent a disparattre en automne et surtout en hiver; leur dis- parition n'est pas cependant absolue : il est rare de n'en pas trou- ver plusieurs dans un metre cube d'air, meme quand la neige couvre le sol depuis pres d'un mois. Dans nos climats, le nombre des plantes qui fleurissent en hiver esttrop restreint pour qu'on puisse leur attribuer tous les utricules polliniques observes dans les poussieres atmospheriques durant les saisons ou sevit un POLLENS ATMOSPHERIQUES. 4j froid rigoureux. L'observateur exerce n'a d'ailleurs aucunepeine a reconnaitre que la majorite de ces pollens appartiennent aux vegetaux et aux arbres qui entrent en floraison pendant les saisons chaudes de Fannee; beaucoup d'entre eux, maltraites par l'age et la secheresse, presentent des signes manifestes de decrepitude : beaucoup sont fendilles, rides et quelquefois ra- menes a Fetat de lamelles fragiles, comme ces fleurs vieillies dans les herbiers des botanistes; d'autres, restant vraisembla- blement plus a Fabri des intemperies, traversent 1'hiver sans presenter de dommages bien apparents. sun Corpuscules organises trouves dans les poussieres deposees spontanemenl a la surface des objets. Grossissement : 5oo diametres. A Paris le chiffre des pollens atmospheriques peut devenir tres eleve : en ete il est commun de le voir atteindre 5ooo a 10000 par metre cube d'air, par consequent etre aux spores crypto- gamiques comme i est a i5. Gette simple remarque va nous fournir un premier moyen de reconnaitre le lieu d'origine d'une poussiere et 1'epoque a laquelle elle a ete recueillie. Voici, par exemple, un specimen de sediments atmosphe- riques fort riclie en spores cryptogamiques, mais dans lequel il est tres difficile de decouvrir un seul pollen ; on peut des lors affirmer, sans se tromper, que cette poussiere n'a pas eterecoltee a I'air libre. C'estla, en effet, le caractere des recoltes aerosco- 48 CHAPITRE II. piques effectuees soil dans les egouts, soil dans les grottes na- turelles, ou Fair relativement chaud ethumide se renouvelle pe- niblement. La rarete des pollens, jointe a la rarete des spores, caracterise les poussieres recoltees en hiver ou dans Finterieur des maisons; mais, dans ce dernier cas, les fibres textiles abon- dent et suffisent seules a eclairer 1'observateur sur 1'origine des poussieres. Au contraire, beaucoup de pollens et beaucoup de graines des moisissures caracterisent avec certitude les pous- sieres aeriennes recoltees a la fin du printemps et an commen- cement de Fete. Spoj^es cryp to gam iq ucs . Les cellules le plus abondamment repandues dans les sedi- ments aeriens sont sans contredit fournies par les plantes cryp- togames ; plusieurs d'entre elles sont fort voismes de formes, de couleur et de dimensions micrometriques, d'ou la difficulte de differencier souvent ces graines les unes des autres. La majeure partie de ces fructifications sont spheriques, ovoi'des, discoides, en fuseaux; puis viennent, par ordre de frequence, les spores septees ellipsoi'des, en forme de croissants courts, ou d'une lon- gueur demesuree, les fructifications spiroi'des ; apres suivent les fructifications composees, boursouflees , lageniformes , etc..., dont les details de structure varient a Tinfini. La couleur des spores atmospheriques estaussi tres variable : les unes sont parfaitement incolores ; les autres, rouges, jaunes, olive, brunes, et quelquefois noires ; plusieurs sont garnies de piquants, d'elevures qui les font ressembler aux pollens ; il en est beaucoup dont la membrane enveloppante est rugueiise et chagrinee. La fig. 26 represente quelques types fort communs de spores aeriennes : en c sont dessinees quelques fructifications volumi- neuses, en a quelques algues vertes a contours beaucoup plus irre- guliers, et enfin en b une foule de semences jeunes et tendres fort abondantes apres les pluies. Dans l&Jig. 27, j'ai de meme repre- sente le croquis de plusieurs spores aeriennes trouvees dans 1'atmosphere au pare de Montsouris. SPORES DES MOISISSURES. 49 La PL II, gravee avec soin d'apres deux photographies, represente plus fidelement quelques grotipes de corpuscules organises grossis 25o fois, a cole desquels on distingue en a, algues vertes acneunes; b, cellules jeunes de Cryptogames et c spores cryptogamiques de 1'air libre. Grossissement : 5oo diametres. outre les particules amorphes reproduites avec la meme exac- titude. Sous une amplification de 4 diamelres et toujours d'apres des epreuves photographiques, \&jig. 28 montre deux semences ftalternaria voisines d'une masse noiratre qui n'est autre qu'une spore de lichen echappee a la mise au point. 4 oo CHAPITRE II. II est tout a fait exceptionnel de rencontrer dans Fair de nos regions ces algues elegantes et rigides connues sous les noms de diatomees, de desmidiees, et en general les representants des vegetaux vivant en eau profonde; par contre, les proto- Spores cryptogamiques de 1'atmosphere libre. Grossissement : 5oo diametres. coccus et les chlorococcus, que Ton voit envahir les toils des maisons, les murs etla terre humide, sontremarquablementplus frequents en toute saison; les poussieres de iooo llt d'air en pre- sentent plusieurs especes ; souvent meme ces algues voyagent agglutinees par tas de cinquante et meme cent individus : leur SPORES DES MOISISSURES. 5 1 couleur vert fonce ou jaunerougeatre les fait nettementdistinguer des autres germes et productions deja signales. II est inutile a mon sens d'insister plus longuement sur la nature et la forme des spores errantes des moisissures: 1'examend'un seul specimen de poussieres en apprendra a tous beaucoup plus que les descriptions les plus detaillees; mais je dois, avant d'aborder un Spores tl'alternaria. Grossisseraent : '\oo diametres. autre sujet, attirer Fattention sur les caracteres speciaux que presentent les spores recoltees aux diverses saisons de 1'annee. Pendant Fhiver, les semences aeriennes des cryptogames sont habituellement vieilles et rares; leur forme est le plus ordinaire- ment spherique ou ellipso'idale, leur contour est marque par un cercle noir tres apparent, leur couleur est foncee et leur contenu est souventgranuleux. La temperature douce, qui regne presque toujours a Paris en avril et en mai, donne un premier essor a la vegetation cryptogamique, et ratmosphere se charge vers cette epoque de jeunes spores diversement colorees, qu'accompagnent 52 CIIAPITRE II. de nombreuses semences conidiformes incolores. Plus tard, en juin,apparaissent les grosses fructifications qui persistent duran I tout Fete et une grande partie de 1'automne, pour se faire en hiver aussi rares que les pollens. Ainsi les poussieres atmospheriques ou abondent les semences de toute forme ont surement ete recoltees en ete; celles qui offrent des spores de formes plus monotones ont ete recueillies en hiver. Dans ces cas la presence de spores jeunes conidiformes doit donner a penser que ces memes specimens ont ete obtenus en ete, apres une pluie de quelque duree, ou en hiver pendant une periode humide accompagnee d'une elevation notable de la temperature. Voici d'ailleurs un Tableau oil Ton trouve resumes Jes carac- teres saillants des poussieres atmospheriques recueillies a Fair libre, a Finlerieur des maisons et des egouts : Pnncipaux caracteres des poussieres atmospheriques. Spores cryptogamiques Rpcoltees : jeunes. vieilles. Pollens. mineraux o ( Temps humide. Nombreuses. Rares. Frequents. I\ares. "(Temps sec. Rares. Frequentes. Frequents. Abondants. o | Temps humide. Rares. Rares. Nuls. Rares. ' | Temps sec. Nulles. Frequentes. Tres rares. Abondants. 3 Dans 1'interieur des habi- ) , ( Excessivemcut [ Ires rares. Irequentes. Tres rares. tations et des hopitaux. ) / abondants. ( Rares ethomo- 4 Dans les egouts Nombreuses. Rares. Nuls. ( genes. Quant a distinguer les vraies poussieres atmospheriques des sediments deposes lentement a la surface des meubles et des parquets des appartements, on y parvient aisemeiit en remar- quant d'abord que les spores de ces sortes de poussieres sonl fort rares, c'est-a-dire tres espacees dans la preparation micro- scopique et ensuite en constatant dans cette meme preparation la presence d'enormes blocs de substances minerales, de volumi- neux: fragments de matiere orgaiiique qu'il n'est pas en la puis- sance de Fair en mouvement de maintenir longtemps au-dessus du sol et d'entrainer a une grande distance. DU CHIFFRE DES SPORES AERIENNES. 53 III. Du nombre des spores aeriennes des vegetaux crypto- games et des lois qui regissent 1'apparition et la disparition de ces memes spores. Les recherches qui ont eu pour objet la numeration des spores aeriennes des moisissures datent de mes propres tra- vaux. Les D rs Maddox et Cunningham compterent, il estvrai, les cellules organisees trouvees dans les echantillons de poussieres obtenues a chacune de leurs experiences, mais nous avons vu que ce calcul restait sans signification precise, ces deux obser- vateurs n'ayant jamais connu le volume d'air introduit dans leurs appareils collecteurs. MM. Schrenauer et Yung laisserent de meme cette question a Fetude. Par rensemencement des poussieres de Fair dans des ballons de mout et d'eau de levure sterilises, M. Pasteur demontra que 1'air des plaines etait plus charge de spores que Fatmosphere des hautes montagnes ; mais, pour obtenir avec exactitude le chiffre des graines de mucedinees contenues en divers lieux dans un volume d'air parfaitement determine, il aurait fallu multiplier beaucoup ces sortes d'ensemencements, ce que M. Pasteur ne fit pas, son but unique etant de prouver Fabondance des germes dans Fair d'une localite et leur rarete dans Fair d'une autre. La methode des ensemencements fractionnes des poussieres de Fair, employee exclusivement a FObservatoire de Montsouris pour compler les bacteries, a le defaut de ne donner aucune indication sur le chifTre des microbes incapables de se multiplier dans les liquides adoptes pour ces experiences. Mais ce mode de numeration, applique aux germes des schizophytes, s'impose au- jourd'hui comme etant le plus simple et le plus exact. Les spores des cryptogames moisissures se montrant presque toujours assez volumineusespour etre vues au microscope, ilm'aparu rationnel de les compter directement dans les preparations, alafacon des globules figures repandus dans certains liquides animaux; on s'expose alors sans doute a comprendre dans les statistiques des 54 CHAPITRE II. germes les spores infecondes luees par la vieiilesse et la seche- resse ; mais qu'on veuille bien aussi ne pas oublier qu'un grand nombre de semences de lichens, d'algues el de champignons, tout en etantparfaitement vivantes, ne croissent jamais dans les mouts, les sues de fruits, les bouillons ou se plaisent et se mul- tiplient quelques moisissures de la classe des mucedinees et des mucorinees. En comparant entre eux le nombre des spores germees dans les milienx precites et le chiffre des spores apercues au micro- scope, on arrive aisement a se convaincre que le premier chiffre est au second comme i est a 20 ; c'est-a-dire que, sur vingt semences introduites dans un ballon scelle d'apres le procede de M. Pasteur, dix-neuf y restent inactives et passent par suite inapergues. Recueillir exactement toutes les spores d'un volume d'air parfaitement connu, les porter ensuite sans en perdre une seule sur le porte-objet du microscope, tel est le but qu'on doit se pro- poser dans toute" recherche statistique des semences de Fair. Malheureusement tel est aussi 1'enonce d'un probleme enlouro* de grandes difficultes pratiques; tout en cherchant sa solution, j'ai cru qu'il n'etait pas sans interet, sinon de connaitre rigou- reusement le nombre reel des semences atmospheriques, du moins de chercher a rendre apparentes les variations auxquelles leur chiffre pouvait etre soumis. Ge point m'a paru presenter de bien moindres difficultes. Pour se rendre un compte exact des variations du chiffre des spores repandues dans 1'atmosphere, il est indispensable d'operer constamment dans le meme lieu et dans des conditions iden- tiques, de conserver toujours le meme aeroscope muni d'une lamelle de meme superficie et de diriger sur cette lamelle enduite d'un liquide visqueux un jet d'air de meme force et de meme section provenantd'un diaphragme conique tenu a une di- stance invariable, choses qu'il est facile de realiser. Si 1'on admet alors que le nombre des germes fixes dans des temps egaux sur la lamelle collectrice est proportionnel a la quantite des germes repandus dans 1'air, on ne saurait refuser quelque DU CHIFFRE DBS SPORES AERIENNES. 55 valeur aux statistiques basees sur un semblable mode opera- toire. Pour des causes independantes de la volonte de 1'experimen- tateur, 1'aspiration s'arrete parfois brusquement pour reprendre plus tard, et le volume d'air projete dans la meme periode de temps sur la lamelle se trouve diminue; est-il encore excessif de supposer que le nombre des germes amasses sur le liquide giuant est proportionnel au volume d'air aspire et dirige dans 1'aeroscope? Je ne le crois pas. S'il en estainsi, 1'etude des varia- tions des germes de Tair avec le secours de 1'appareil invente par Pouchet repose sur des principes dont la solidite est in- discutable. Gela dit, voici comment je recolte sans interruption, depuis cinq ans, les fructifications atmospheriques des champignons. Une lamelle carree, de verre mince, de i8 mm de cote, est en- duite a son centre du melange visqueux deja mentionne, sur une surface de 2 cm(I environ ; puis celte lamelle est placee, la face mouillee regardant en bas, sur 1'etrier de Faeroscope repre- sente en B (Jig. 29). Au moyen de la vis micrometrique la Aeroscope a aspiration de Monlsouris. plaque de verre est rarnenee a 3 mm de 1'ouverture circulaire percee au sommetdu cone. Cette ouverture possede un diametre voisin d'un demi-millimetre ; la pratique demontre qu'avec des ouvertures plus etroites les resultats ne sont pas plus satisfai- sants, et qu'avec des ouvertures plus grandes les petites spores echappent plus aisement. Cela fait, la lamelle flxee dans sa po- 56 CHAPITRE II. sition par un cavalier qui s'oppose a son glissement des cou- lisses de 1'etrier, on visse la partie A de 1'appareil a la cloche B, en ayant soin, pour eviter toute fuite, d'interposer une rondelle annulaire de cuir suife entre les deux parties de 1'instrument que la vis est destinee a joindre intimement. La duree de mes experiences a toujours etc de quarante-huit heures et la vitesse moyenne d'ecoulement de Fair egale a 28 in par seconde, ce qui equivaut a un debit de 2O llt d'air a 1'heure. En forcant ce courant, on s'expose a chasser le liquide gluanl au point ou le jet va frapper la lamelle ; rien n'est d'ailleurs a negliger dans ces manipulations delicates, ou tout doit etre exactement calcule de facon a prevenir les accidents et les causes d'erreur. La recolte operee, on evalue sa richesse par le denombrement des germes qu'elle renferme. A cet effet, on melange avec la pointe d'une aiguille d'acier flambee les poussieres et le liquide gluant; puis on lave cette pointe dans une gouttelette du meme liquide pur, qu'on ajoute flnalement a la recolte. La lamelle mince est alors appliquee sur une plaque de verre tres propre, de facon qu'elle soit mouillee dans toute ses parties et que les germes se trouvent uniformement dissemines dans la prepara- tion. Enfin on transporte les diverses parties de la preparation sous le microscope en comptant a chaque fois le nombre de spores contenues dans le champ. II suffit alors de calculer le rapport entre la surface du champ du microscope et la surface de la lamelle, et de le multiplier par le nombre moyen de germes vus dans chaque champ, pour obtenir avec un certain degre d'approximation le nombre total de microbes renfermes dans les poussieres. En designant par R le rapport entre les surfaces, par M le chiffre moyen des spores apercues par champ, enfin par V le volume de 1'air qu'on a projete sur la lamelle, la formule RxM V donne le nombre de germes recueillis sous 1' unite de volume. Le rapport R est constant quand on emploie toujours une DU CHIFFRE DES SPORES AERIE.NNES. 67 lamelle mince de surface invariable, le meme microscope muni du meme objectif et. du meme oculaire ; la moyenne M est suffisamment approchee quand elle decoule d'un nombre d'ob- servations au moins egal a 100; enfin, le volume d'air V est donne exactement par un compteur a gaz. Le nombre de litres aspires dans chacune de mes experiences s'est eleve a peu pres a 1000; dans les cas d'ailleurs assez rares oii ce chiffre n'a pas ete atteint, la formule precedente a recu son application. Si, apres une longue suite d'experiences effectuees avec les precautions minutieuses qui viennent d'etre prescrites, on compare entre eux les resultats obtenus aux differents jours de 1'annee, on voit avec la plus grande nettete le chiffre des spores aeriennes s'elever et s'abaisser tantot rapidement, tantot avec lenteur, parfois se maintenir stationnaire. A certaines saisons Pair peut se montrer peuple de 1000 a 2000 spores par metre cube; a d'autres il peut en accuser 100000 a 200000 pour le meme volume d'air. En rapprochant ces nombres du degre de la temperature regnante, des tranches de pluie tombee dans les regions ou 1'on experimente, de 1'etat d'humidite ou de seche- resse du sol, on ne tarde pas a s'apercevoir qu'un lien etroit unit ces crues et decrues de spores cryptogamiques a un ensemble de conditions meteorologiques parfaitement determinees. Les causes de variation des germes qui nous occupent peuvent etre divisees en causes generates et particulieres : les premieres revenant periodiquement avec les saisons comme la chaleur et le froid, les secondes au contraire, beaucoup plus accidentelles, se montrant sous la dependance immediate d'etats meteorologi- ques speciaux inconstants et transitoires, comme la vitesse et la direction du vent, les chutes de neige, de pluie et les secheresses prolongees. Je dirai peu de chose des variations qu'eprouvent les spores atmospheriques sous I'influence de la temperature; les chiffres reunis dans le Tableau suivant sont par eux-memes suffisamment explicites. Fevrier Mars. 79 548o Avril Mai . / Juin 35o3o Juillet Aout Septembrc . 27760 28910 15980 Octobre Novembre Decembre 8910 7080 58 CHAP1TRE II. Moyennes generates mensuelles des spores recoltees par metre cube d'air a I'Observatoire de Montsouris pendant les annees 1878-79-80-81-82. Ann?e normale. Mois. Spores. Temperatures. 2,4 4,5 6,4 10,1 1 4 > 2 17,2 18,9 i8,5 i5, 7 it, 3 6,5 3,7 II saute aux yeux que ces nombres moyens mensuels, presque stationnaires pendant 1'hiver, s'elevent graduellement a partir d'avril, passent par un maximum au mois de juin, puis vont en dimitiuant jusqu'a la fin de 1'annee. En considerant individuellement chaque periode annuelle, il s'en faut de beaucoup que ce chiffre des spores augmente et diminue avec cette harmonic dont temoignent les donnees numeriques precedentes. II est en effet fort frequent d'observer plus de germes dans une periode temperee que dans une periode plus chaude. Une cause plus puissante que la temperature vient done a ces instants produire un trouble dans ces variations, qui se montrent alors brusques et saccadees. Les colonnes de chiffres inserees ci-apres en temoignent hau- lement. A cote des nombres moyens mensuels des spores cryp- togamiques recueillies au pare de Montsouris en 1879, 1880, 1 88 1, j'ai mis en regard les temperatures moyennes observees aux memes epoques, ce qui permet de remarquer frequemment des baisses de spores coincidant avec des hausses de tempera- ture, et reciproquemerit. DU CHIFFRE DES SPORES AERIENNES. Moyennes mensuelles des spores recolte'es par metre cube d'air a I'Observatoire de Montsouris en 1879-80-81. Jlois. Janvier . ... 656o o, i 6170 - o,5 8100 J ,4 Fevrier 556o 4,5 7070 5,4 8210 4,9 Mars. . . 4260 7i /? IO 2 / f Q ~ > * 9 my O,2 \vril 8020 8,4 "7TTO I O O 9^ / 7 it ) J Mai q/ i o 6 4660 i3 8 g-, JQ 9 / 1 1 O-| O 10,4 Juin 3400O i6,' 2 54460 i5,9 32620 l6,3 Juillet 43290 16,2 3og3o J 9, J i83oo 2O,6 \out ,,/_ _ 18,7 3i32o f i368o -1 O Septembre . . I2l5o i5, 7 i56oo till 24110 i^5 Octobre I 1800 io,3 14440 10,0 I25OO 7,8 Novembre. . . 9620 3,6 563o 5,8 g45o 8,6 Decembre.. . 8520 - 7,4 . 6160 7,0 gSoo 7,5 La pluie et la secheresse sont, comme je 1'ai demontre depuis longtemps, les causes de recrudescence et d'affaiblissement du chiffre des spores aeriennes; mais leur action est fort differente si on 1'etudie a deux saisons opposees. En hiver, par les temps froids et humides, le chiffre des semences cryptogamiques passe par un minimum; au contraire, en temps de secheresse, ratmosphere s'enrichittres sensiblement en vieilles semences, ce que j'attribue a la facilite plus grande que possedent les courants de soulever de la surface de la terre et des objets les particules de toute sorte et les vieilles spores qui s'v trouvent repandues. En ete, pendant les temps humides, les poussieres minerales sont egalement tres rares, mais les spores des cryptogames se repandent partout en abondance. A Fappui de cette derniere assertion, je joins le diagramme de la fig. 3o, ou la richesse de Fair en fructifications cryptogamiques se trouve indiquee par une ligne brisee, et les tranches d'eau de pluie tombee journellement a Montsouris par des espaces telntes en noir. Ce fait n'a rien de surprenant et recoil une interpretation naturelle, quand on songe combien sont avides d'humidite les 60 CHAPITRE II. moisissures de toute classe et combien vite deperissent les myceliums prives d'eau. Toute pluie survenant a une epoque ou la temperature est assez elevee pour permeltre le developpe- ment rapide des vegetaux inferieurs provoque un rajeunissement des vieux myceliums, des graines des cryptogames, qui ne tardent pas a entrer en activite, a fructifier et a livrer a I'atmosphere les millions de semences qu'elles presentent a Faction du vent Fig. 3o. Biai-artmie Juin-Jniliet -Aout 1828 Pluics et spores cryptogamiques. au sommet de filaments dresses sur les substances qu'elles ont envahies. Tant que le degre d'humidite reste suffisant, ces vege- tations parasites se multiplient sans entraves, et 1'air reste en consequence fort riche en graines de moisissures; mais, si les pluies qui entretiennent cette humidite fecondante vieiinent a manquer, les cryptogames prives d'un de leurs aliments indis- pensables s'etiolent, meurent, cessent de fructifier et tout foyer producteur de spores tend a disparaitre de la surface du sol : 1'air alors s'appauvrit en germes. Tel est, a mon sens, 1'explica- DU CIIIFFRE DES SPORES AERIE>\KS. 6 1 lion la plus rationnelle de ces crues de semences cryptoga- miques observees en etc apres les pluies. Le D r Cunningham, en observateur habile, constata que Hiumidite ne diminuait pas le chiffre des spores aeriennes; plusieurs autres auteurs, guides en cette matiere par des vues a priori, avaient au contraire avance qu'apres les pluies I'atmo- sphere devenait d'une extreme purete. Samuelson, le plus affir- matif de tous, a enumere avec complaisance la nature des ceufs et des cellules qu'on voit apparaitre en grand nombre pendant la secheresse, et disparattre pendant les periodes humides; au detriment de la verite, ce savant y a compris les semences des mucedinees. Est-ce a dire que la pluie, la neige, n'entrainent pas vers le sol la majeure partie des germes de Fair? Non sans doute : une experience aeroscopique pratiquee au moment d ? une chute de pluie fournit a peine quelques spores et quelques pollens; mais j'v insiste a dessein, pendant les saisons chaudes, quinze a dix- huit heures apres cette epuration mecanique de Fair, les se- mences reapparaissent de 5 a 10 fois plus nombreuses. Au con- traire, les poussieres minerales et plusieurs autres classes de microbes restent rares jusqu'a la disparition de Fhumidite qui fait adherer la majeure partie des corpuscules aux brins d'herbe et au sol rnouille dans ses couches superficielles. Ges explications preliminaires bien comprrses, je passe a F etude des variations des spores qu'offre a 1'attention 1'atmo- spliere parisienne au pare de Montsouris, c'est-a-dire au voisi- nage du point ou le meridien du grand Observatoire coupe les fortifications sud de Paris. Le diagramme de la page 62 est donne a 1'effet de guider le lecteur dans cette discussion. Les espaces teintes qu'on y remarque, limites par une ligne brisee, repondent a la distribution des spores aeriennes basee sur le calcul des moyennes mensuelles; la ligne ponctuee, situee au- dessus de ces espaces, exprime les oscillations de la temperature moyenne pour les memes mois et annees. En Janvier et fevrier, le chiffre des spores recoltees par metre cube d'air a 1'Observatoire de Montsouris se maintient genera- CHAPITRE II. 03 kO < ^ H M <3> to crj DU CHIFFRE DES SPORES AEHBENNES. v ~ ^uj %, /s v$v/ vT f* lement vers 7000. II peut s'elever cependant, quand le veirt^^ty^ violent et souffle du nord au sud, a 10000 et i4ooo; dans les cas plus rares de chaleurs humides observees pendant Fhiver, j'aivu une seule fois ce chiffre atteindre environ 28000; en revanche, dans le mois de fevrier 1880, apres une forte ondee de pluie suivie d'une chute de neige, ce nombre descendit a 1000, mini- mum remarquable et exceptionnel. A plusieurs reprises, j'ai eu Foccasion d'effectuer de nom- breuses recherches aeroscopiques aux epoques ou la neige, repandue uniformement partout, enfouit profondement les vege- tations cryptogamiques eparses a la surface du sol. Durant ces periodes scenes et froides de quinze a vingt jours, je n'ai pas rte peu surpris de trouver dans Fair plus de germes et de pous- sieres qu'on n'a Fhabitude d'en rencontrer aux epoques corres- pondantes, 'quand mil obstacle ne s'oppose a la diffusion des sediments telluriques. D'ou pouvait venir cette multitude de germes? La reflexion guidee par Fobservation n'a pas tarde a me le faire decouvrir. Pendant les periodes de froid intense le vent souffle du nord avec persistance, Fair parvient a FObservatoire de Montsouris apres avoir traverse Paris suivant Fun de ses grands diametres, en se chargeant dans sa course des poussieres accumulees sous les abris, ou livrees journellement a Fatmosphere, soit par les balayages, lebattage des tapis, soit par Faerage des appartements. Tant que la temperature se maintient rigoureuse, le chiffre des spores reste eleve et subit des fluctuations en rapport avec la vitesse du vent; mais si le degel survient, si les vents septentrio- iiaux tournent brusquement au sud, au sud-est ou au sud-ouest, le chiffre des fructifications baisse subitement et devient de 5 a 6 fois plus faible. Le poids des poussieres brutes se reduit egalement dans les memes proportions. Ce phenomene de recrudescence des germes de Fair, se renouvelant ainsi en hiver a Montsouris toutes les fois que le vent se maintient au nord, est un bel exemple de Finfluence de la direction des courants sur la richesse en spores d'une localite determinee, et en meme temps une preuve certaine du role facheux qu'exercent les vastes agglomerations 64 CHAPITRE II. d'habitants sur la purete de Fair ambiant et sur la purete de Fair des regions qui les avoisinent. Je suis persuade qu'en pleine campagne les fortes gelees et les couches de neige etalees imi- formement sur la terre sont des causes puissantes d'affaiblisse- ment du chiffre des microbes aeriens, alors que, dans les villes tres peuplees, les germes introduits pendant la belle saison dans 1'interieur des maisons sont en hiver manifestement restitues aux atmospheres urbaines, qui ont ainsi le triste privilege de posseder en toute saison un degre d'infection bien superieur a Tatmosphere des champs. Le mois de mars, possesseur d'une temperature moyenne de 7, plus sec depuis plusieurs annees que les mois de fevrier et d'avril, se montre tres peu riche en semences cryptogamiques ; la cause en est, suivant moi, d'abord au defaut de Constance des vents du nord, ensuite a 1'epuisemenl du stock des germes accumules dans Paris, et enfln au peu d'essor dont jouissent a cette epoque les vegetations inferieures. En avril, les spores nouvelles reparaissent, et une crue no- table de semences se remarque aisement dans les regions atmospheriques. En mai, on peut observer, suivant les annees, ou peu on beaucoup de fructifications, selon que le temps est sec ou plu- vieux; dans ce dernier cas, il est superflu de faire observer que la temperature moyenne de mai (i5) favorise puissamment le developpement des moisissures, et dans le premier qu'une pri- vation prolongee d'eau s'oppose a la multiplication de ces memes plantes ; d'autre part, les vieilles semences des habi- tations parisiennes se font tres rares, ce qui contribue a purifier Fair des periodes seches du mois de mai. Je citerai, a 1'appui du fait que j'avance, la moyenne mensuelle de spores, 45oo, obte- nue en mai 1880, c'est-a-dire durant un mois ou la tranche de pluie observee a Montsouris atteignit a peine o m ,oo4, autremenl dit une hauteur 10 fois inferieure a la hauteur de la tranche normale. Les mois de juin et de juillet se font habituellement remarquer parl'extreme abondance et 1'extreme variete des grainesaeriennes DU CH1FFRE DES SPORES AERIENNES. 65 des moisissures. Notamment en juin, les pluies douces, se suc- cedant a courts intervalles, sont la cause de recrudescences vraiment surprenantes ; il est alors frequent de voir les spores envahir presque subitement Fatmosphere, s'elever au chiffre de 100 ooo et meme 200000 par metre cube d'air, pour redes- cendre ensuite a 10 ooo apres une semaine de jours chauds et sees. Le mois d'aout est egalement possesseur d'etats meteorologi- ques favorables a la pullulation des organismes microscopiques; cependant les maxima de germes qu'on y observe depassent rarement plus de 60000 a 80000. La moyenne des spores recol- tees en septembre est plus faible ; elle baisse generalement en octobre; cette baisse s'accentue encore davantage ennovembre; en decembre enfin, le chiffre des spores se rapproche beaucoup de celui de Janvier. En resume, a cote de la temperature, cause des variations saisonnieres des spores de moisissures dans I'atmosphere, appa- raissent deux agents : Tliumidite et la secheresse, a 1'influence desquels les phenomenes des crues et des decrues de ces spores se trouvent intimement lies. En dehors des variations dues a la vitesse du vent, a sa direction, aux influences locales, Faction de ces deux agents est inverse, selon qu'elle s'exerce en ete ou en hiver. c'est-a-dire durant une periode chaude ou glaciale. Voici, en terminant ces recherches statistiques, le chiffre des spores recoltees par saison a 1'Observatoire de Montsouris, pen- dant une periode triennale complete : Spores par metre cube d'air. Annee 1879 55oo 1880 6200 1881 6900 Moyennes generales. . . . 6-200 18000 28000 Moyennes rintemps. Ete. Automne. annuelles. 16700 28900 10100 i5ooo 10700 36 100 8700 1 5400 12800 18600 io5oo 12^00 9800 14200 Comme on le voit, les semences des plantes crjptogames sont deux fois plus abondantes dans 1'air au printemps qu'en 66 CHAPITRE II. hiver, deux fois plus repandues en ete qu'au printemps et trois fois plus rares en automne qu'en ete. La moyenne des spores recueillies avec les aeroscopes est voisine de i4ooo par metre cube, ce qui equivaut a i4 fructifications par litre. Ges donnees numeriques n'ont rien d'excessif ; elles trancheront, je 1'espere, une fois pour toutes, les opinions si contradictoires emises depuis vingt annees sur le chiffre des spores aeriennes. Elles affermiront dans leurs idees les partisans de la theorie des germes et demontreront aux rares defenseurs de la generation spontanee des moisissures combien il est inutile d'invoquer les dogmes de 1'heterogenese pour expliquer F apparition des mucedinees dans les liqueurs et sur les substances propres a entretenir leur vie. Les aeroscopes inventes jusqu'a ce jour ayant le grave de- faut de laisser echapper au moins la moitie des germes et des poussieres atmospheriques, la moyenne de i4 spores par litre precedemment donnee doit, pour devenir voisine de la realite, etre doublee, c'est-a-dire portee vers 3o. Tel est d'ailleurs le resultat vers lequel ont paru converger mes essais, institues depuis longtemps dans le but de determiner exactement le chiffre moyen des semences vivantes on mortes contenues dans un metre cube d'air de Paris ('). Au point de vue botanique, tout n'a pas ete dit sur les spores des vegetations cryptogamiques qui sillonnent Fair en toute saison : le micrographe qui voudra s'occuper serieusement de ( ') Voici a ce sujet les experiences que j'ai tentees : i En faisant passer lenten>ent une faible quantite d'air (5oo co a iooo oc ) dans 1'interieur d'un tube capillaire roule en limacon et enduit de glycerine, on constate, si le tube est d'un diametre suffisamment petit (^ de millimetre environ), que toutes les poussieres restent adherentes aux parois du tube clans 1'etendue d'un arc de cercle a peu pres egal a 200 ou 3oo. Apres le passage de 1'air, determine par 1'ecoulement d'une colonne de mercure, la petite spire, plongee dans le baume de Canada, disparait et ne montre plus de visible que la veine d'air qui la traverse; malheureusement cette veine se compose de deux bandes laterales obscures qui nuisent beaucoup au denombrement exact des germes retenus par la glycerine, d'ou quelque incertitude inherente a ce procede. 2 On obtient des resultats d'une analyse microscopique plus aisee en proje- DU CHIFFRE DES SPORES AERIENNES. 67 leur etude trouvera, j'en suis persuade, de nombreux fails inte- ressants a publier; il verra, par exemple, plusieurs especes d'algues et de champignons se faire rares a certaines epoques de 1'annee et abonder dans d'autres; il verra plusieurs especes de microphytes envahir presque soudainement 1'atmosphere, s'y maintenir tres frequentes pendant deux ou trois ans, puis disparaitre ou devenir d'une extreme rarele. Avec le secours des aeroscopes, il lui sera aise de decouvrir dans 1'air de cer- taines regions les graines de quelques moisissures redoutees des agriculteurs. Enfin, entre les mains des mycologues erudits, les specimens des poussieres atmospheriques seront peut-etre d'un concours precieux, soit pour determiner les flores crypto- gamiques des pays lointains dont 1'abord et le sejour sont diffi- ciles, soit pour etablir immediatement et sans de longues et patientes recherches des differences tranchees entre les flores cryptogamiques de contrees voisines. Au point de vue de 1'hygiene et de 1'etiologie de quelques affections contagieuses, il ne parait pas etabli que les spores si diverses introduites dans notre economic, an nombre de 3oo ooo par jour ou de 100 millions par an, soient de 1'innocuite la plus parfaite. L'apparition du muguet dans la bouche des jeunes enfants et dans lesvoies respiratoires des mourants semble bien demontrer que les moisissures font aussi partie de la classe des parasites prets a envahir notre organisme des qu'il presente un point vulnerable ou de faible resistance. J'ignore s'il existedans la Science des fails bien averes de teigne spontanee ; quoi qu'il en soit, to Lite maladie liee an deVeloppement d'une vegetation tant successivement plusieurs metres cubes d'air sur deux ou trois lamelles plycerinees, disposeesdans un aeroscope construita cet effet; Tair se debarrasse ainsi a deux et trois reprises de ses poussieres et devient de plus en plus pur. Alors, en comptant les spores deposees sur les lamelles, il est facile de voir que le nombre des cellules organisees va en diminuant de la premiere a la derniere suivant une progression geometrique dont la raison est comprise entre et ~~ en un mot, si la premiere lamelle presente 100000 microbes, la seconde en montre un peu moins de Soooo, la troisieme 7000 a 8000. Mais, si parfaitement construits que soient les doubles et les triples aeroscopes, les causes d'erreuren moins sont nombreuses, et la question reste incompletement resolue. CHAPITRE II. a spores legeres doit etre tenue pour contagieuse a distance, par le seul fait du transport possible et aise a travers Fespace des graines du vegetal parasite qui Fengendre. IV. Spores cryptogamiques de 1'air des egouts. De 1' atmosphere des habitations, des hopitaux. Des semences melees aux sediments aeriens deposes a la surface des objets. Les particules inorganiques tenues en suspension dans 1'air des egouts de Paris sont generalement fines et homogenes : leur diametre moyen est rarement superieur a -^^ de millimetre. Les acides energiques, 1'eau regale ne les dissolvent qu'en faible quantite ; on y trouve pen de phosphates et de carbonates terreux, ce qui permet de les distmguer aisement des poussieres exte- rieures, toujours formees d'elements heterogenes de dimensions plus variables. Dans Fegout de la rue de Rivoli, les poussieres minerales recueillies ont constamment presente beaucoup de silex etde silicates melanges a de frequentes particules bleues de lap is- lazuli, pen ou point de poussieres charbonneuses. 11 est fa- cile de s'expliquer, dans ces sortes de recoltes, la presence de matieres inorganiques par les trepidations incessantes du terrain des rues qui amenent une perte de la substance des voutes. Les plus gros fragments gagnent le sol par suite de leur gravite, tandis que les particules tres tenues restent en suspension et fontpartie de la poussiere que 1'air entraine avec lui. Si les substances minerales sont assez abondantes dans Fair des egouts, les detritus organises y sont par contre infiniment plus rares. On n'y rencontre ni fibres vegetales, ni fibres textiles; les debris de matieres organisees plus ou moins colores s'y pre- sentent sous Fetat amorphe de grosseur et de formes tres irre- gulieres. A ce point de vue, I'atmosphere des egouts Femporte 4o a 5o fois en purete sur I'atmosphere des salles des hopitaux, et quelquefois meme sur Fair exterieur. Parmi les corpuscules revetus d'une tuniqtie organisee flottant dans Fair qui nous SPORES DES fiGOUTS. 69 occupe, 1'iode n'y decele que tres rarement des grains d'ami- don; les utricules polliniques y font completement defaut ; mais il n'en est pas de meme des spores de cryptogames. La /?. 82 represente fidelement les semences qui s'y recol- tent le plus frequemment. Autour du n i sont disseminees les Fig. 32. 9s> % o?^\^ o'terf^l ; StaO Spores cryptoganiiqucs de 1'air des egouts. Grossissement : 5oo diametres. spores de couleur et de grossetir si variees qui font partie de la vaste famille des mucedinees; le n 2 represente une foule de cellules jeunes, remplies d'un protoplasma granuleux, adoptant le plus souvent la forme des saccharomycetes, des torules, etc. Ces cellules, que Ton peut cultiver dans des liquides sucres. yO CHAPITRE II. acides, le bouillon, y croissent en donnant des pellicules myco- dermiques , des depots pulverulents , des amas de globules botirgeonnants et quelquefois de magnifiques moisissures. Mais il n'est pas toujours aise derealiserle passage de ces plantes cel- lulaires toruliformes en moisissures a fructifications aeriennes. Souvent la cellule vegetant au sein ou a la surface du liquide sucre se refuse a fournir un mycelium et des filaments fructi- feres. Pendant dix-lmit mois, j'ai transporte dans les milieux les plus divers (mout, urine, solutions minerales) une de ces torules, remarquable par la belle couleur rose que presentent les trainees grasses, les ilots qu'elle forme a la surface des solu- tions nutritives, sans parvenir aprovoquer sa transformation en moisissure a racines myceliennes. Les cellules de ce microphyte, le plus souvent spheriques, ont une analogie parfaite avec certains ferments du vin, mais en different cependant par leur inapti- tude a transformer le sucre en alcool, quoiqu'elles soient donees auplus haut degre de la propriete de transformer le saccharose en glucose. Ce fait montre combien doivent etre reservees les affirmations des auteurs qui considerent comme des especes transitoires tous ces organismes cellulaires, dont 1'etude bota- nique, a peine entreprise, meriterait pourtant d'etre completee, avec celle des levures alcooliques. Le n 3 de la fig- 32 repre- sente des spores rougeatres, sur la nature desquelles je suis incertain, mais qui se recoltent souvent dans 1'atmosphere. Le n 4 designe les fructifications jaunatres et glauques , egalement tres repandues a Fair exterieur; le n 5 est entoure de spores incolores, herissees de piquants, appartenant a la famille des mucorinees ; les semences septees indiquees par les n os 6 et 7 appartiennent vraisemblablement aux selenosporiitin, aux lep- totrichum; les spores brunes du n 8 a des mucors; le n 9 re- presente des cellules vieilles, a contours et granulations inte- rieures bien visibles ; enfin les chiffres 10, n et 12 montrent des cellules boursouflees en voie de germer, des alternaria, des fumagOj etc. L'air des egouts est incomparablement plus pauvre que 1'air exterieur en ces dernieres fructifications, tandis que les spores des n os i et 2 y sont toujours sans contredit les SPORES DES EGOUTS. 71 plus abondantes. A Montsouris, je 1'ai deja dit, les corpuscules jeunes et tendres du n 2 abondent en temps de pluie et dispa- raissent pendant les chaleurs et 1'liiver; ces memes cellules sont excessivement rares dans I'inlerieur des habitations et des hopitaux. Contrairement a ce qui s'observe journellement a 1'air exte- rieur, le nombre des fructifications cryptogamiques inferieures tenues en suspension dans 1'atmosphere des egouts ne subit pas de variations brusques, ce qu'il faut attribuer aux conditions uniformes d'humidite et de temperature qui y regnent. Durant le mois de juillet de 1'annee 1879, le chiffre des spores recueil- lies par metre cube d'air d'egout s'eleva en moyenne a 17,200. En novembre, ce chiffre diminua et se montra egal a 12600. Dans toutes ces experiences, les ecarts au-dessus et au-dessous de ces moyennes ne depasserent jamais i5oo( i ). Pour arriver a la moyenne generale annuelle du nombre des spores repandues dans i mc d'air des egouts, les experiences de la rue de Rivoli auraient du etre continuees pendant 1'hiver et ie printemps, ce qui n'apas etc fait; cependantje crois pouvoir affirmer que cette moyenne doit se rapprocher beaucoup de celle qui a ete donnee pour 1'air du pare de Montsouris, soit de 3o semences par litre. Au point de vue de 1'hygiene, les spores qui peuvents'echapper des bouches d'egout disseminees dans Paris ne sauraient aug- menter le nombre des cellules qu'on trouve repandues dans l'atmosphere exterieure; souvent, au contraire, cet air, confine ethumide, enrenfermeune quantite trois ou quatre fois moindre. En 1'absence de recherches speciales ayant pour but de de- terminer exactemenl la nature des moisissures vegetant dans les egouts, il est imprudent de se prononcer sur 1'innocuite parfaite des germes qui en emanent. L'observation aeroscopique (') Le calcul du nombre des germes recoltes sur la lamelle glycerinee des aeroscopes a aspiration n'est qu'approximatif ; quelles que soient les precautions dont on use, il est difficile de se soustraire a une erreur d'evaluation inferieure a ^ du nombre des fructifications recueillies. 72 CHAPITRE II. semble cependant demontrer que la plupart d'entre eux appar- tiennentaux classes des cryptogames dontles poussieres de Fair exterieur nous ont deja montre des types infiniment plus varies. Je parlerai plus brievement des spores aeriennes des hopitaux et des habitations. Dans des travaux d'analyse microscopique effectues en 1878-1879-1880, dans le service de M. le profes- seur G. See, a 1'Hotel-Dieu, il m'a ete facile de decouvrir au sein des poussieres tenues en suspension, toujours en grande quantite, dans les salles des malades, une foule de spores pre- sentant, hors la jeunesse et la variete des formes, les caracteres des fructifications de Fair exterieur. Le plus habituellement ces cellules sont spheriques, ovoi'des et accompagnees d'un chiffre de grains d'amidon presque egal a leur nombre. Les grains de fecule deduits, on compte en moyenne, a 1'Hotel- Dieu, pres de 4800 semences de moisissures par metre cube d'air. Aux laboratoires de Montsouris,*en 1'absence de toute agitation capable de soulever les poussieres repandues a la surface des parquets, le chiffre moyen des spores ne depasse pas 2700. Les fructifications cryptogamiques sont done toujours plus rares dans les atmospheres confmees qu'a 1'air libre. A ceux qui voudraient entreprendre des recherches aeroscopiques dans 1'inlerieur des hopitaux, et en general dans les lieux habites frequemment soumis a des balayages, je donnerai le conseil pratique d'abaisser a ioo lu ou 5o !it le volume d'air destine a fournir une preparation de poussieres. A defaut de cette precau- tion, les detritus de toute sorte amenes sur la plaque de verre par iooo ut d'air sont si nombreux, que tout examen devient penible et toute numeration de germes impossible. Des semences melees aux sediments aeriens repandus a la surface des objets. Pour etudier les poussieres deposees a la surface des rneubles d'un appartement ou accumulees en couche plus ou moins epaisse dans les jointures imparfaites des portes et des fenetres, il suffit d'imiter Ehrenberg, Pouchet, Robin dans leurs recher- SPORES DBS HABITATIONS. 78 ches, c'est-a-dire de delayer sur une plaque bien propre line quantite infinitesimale de poussieres dans une goutte de liquide parfaitement pur, de recouvrir le tout d'une lamelle tres mince et d'amener la preparation ainsi confectionnee sous le microscope. Gette methode fort simple, qui pourra peut-etre paraitre naive a plusieurs, est cependant susceptible d'acquerir une grande pre- cision entre les mains du micrographe soigneux et instruit ; dans beaucotip d'occasions, il est utile de la substituer aux experiences aero-scopiques, dont le seul avantage est de fournir, sous un poids moindre de sediments, une quantite plus considerable d'organismes, par la raison que les spores, en general fort petites et tres legeres, restent encore en suspension dans I'airlongtemps apres la chute des gros fragments d'origine minerale et orga- nique. Les aeroscopes fonctionnani dans 1'interieur des maisons sont surtout destines a saisir les particules entrainees par les courants faibles qui prennent naissance dans les salles plus ou moins closes, plus ou moins ventilees. L'analvse des poussieres deposees lentement, couche par cou- clie, souvent pendant des annees, au-dessus des meubles, des cadres des portes, des ciels de lit, enfin sur tout ce qui s'oppose a leur chute sur les planchers, n'est pas banale, je ne saurais trop le repeter. Ces poussieres sejournent longtemps dans les lieux que nous habitons, sillonnent nos chambres en tous sens et sont aspirees par nous a tons les instants du jour. Si la mede- cine parvient a demontrer Fexistence de microbes specifiques dans 1'organisme des patients atteints du cortege des maladies dites zymotiques, c'est assurement ces poussieres qui seront le plus a redouter. G'est en effet dans Tinterieur des maisons que sejournent les malades, queleursvomissements, leurs dejections alvines vont souiller les tapis, le parquet, la literie, les linges divers, et se reduire apres dessiccation en poudre impalpable si on neglige de les faire disparaitre completement, ce qui n'est pas toujours pratique. G'est dans l'interieur des habitations, dis-je,quela serosite des pustules des varioleux, les crachats des diphteritiques et des phtisiques, les desquamations des scarla- tineux, des morbilleux, les pus des plaies des operes, etc., vont, 74 CHAPITRE II. apres s'etre desseches, se reduire en molecules invisibles, s'elever dans Fair des appartements et prendre asile dans les couches de poussieres deja repandues a la surface des objets. Si les malades meurent, on se livre habituellement a un semblant de disinfection, consistant a laver les matelas, a secouer les paillasses et les sommiers, a repandre quelques parfums, a jeter une substance plus ou moins aiitiseptique dans les appar- tements des defunts. Si Tissue de ces diverses affections n'a pas ete fatale, on se garde bien d'aerer trop rapidement la chambre des convalescents, de rien desinfecter : les malades n'ont-ils pas gueri ? G'est ainsi que le vulgaire raisonne, c'est ainsi que 1'on voit eclater de petites epidemics de fievre typhoide, derougeole, de variole, de scarlatine, d'erysipele dans les memes locaux, sans se douter que la cause du mal peut resider pendant des mois et des annees sur le haut d'une console ou d'une corniche inacces- sible aux nettoyages journaliers. Dans 1'hypothese probable de la transmission des maladies zymotiques par un element microscopique de nature organisee, les cliambres des malades deviennent de veritables foyers d'in- fection peuples de poussieres virulentes au premier chef : leur etude n'est done pas sans importance. Autrefois, il y a de cela trente ans, 1'analyste charge de I'examen d'une poussiere meteorologique ou autre consacrait a peine quelques minutes a 1'observation microscopique de I'echantillon livre a ses recherches; le point qui lui paraissait le plus important a elucider etait sa composition chimique : alors il etablissait la richesse du sediment en carbone, hydrogene, azote, oxygene, en principes mineraux, parmi lesquels la silice, la chaux, la magnesie, le fer, le phosphore, le soufre ; revenaient le plus souvent. Dufrenoy a laisse sur ce sujet des travaux qui meritent d'etre donnes pour modele, mais assurement ces sortes de dosages n'etaient pas complets. Que signifie meme aujour- d'hui cette expression ft azote organique? Quels sont les ele- ments qui le fournissent? Sont-ce les debris des cellules animales ou vegetales, sont-ce des ceufs, des spores, des pollens ou des SPORES DES HABITATIONS. *]$ bacteries? A cette epoque, tout cela semblait fort peu preoccu- per le chimiste, et en effet, il faut etre juste, les travaux memo- rabies de M. Pasteur n'avaient pas encore attire 1'attention des savants sur 1'importance d'une analyse approfondie dirigee dans le but de determiner avec exactitude le nombre et la nature des ceufs microscopiques dissemines autour de nous en si grande abondance, et sur le role qu'ils sont appeles a jouer dans les phenomenes complexes de la fermentation et de la putrefac- tion des substances vegetales et animales. II faudrait etre peu familiarise avec le maniement du micro- scope pour s'effrayer a 1'avance des difficultes que semblent pre- senter ces sortes de dosages quantitatifs, plus longs il est vrai que les dosages chimiques, mais tout aussi simples, plus interes- sants et au moins aussi exacts. Voici comment ils me paraissent devoir etre conduits. Dans un poids connu de glucose sirupeux oude sirop de sucre filtre, au besoin sterilise au prealable, on verse un poids egale- ment bien determine de poussieres ; puis on opere le melange des poussieres et du sirop, de facon a obtenir un liquide unifor- mement trouble, sensiblement charge, dans un egal volume de sa masse, d'un egal poids de corpuscules. Gette emulsion s'opere rapidement en agitant le liquide contenu dans une capsule de platine avec une boule de verre on de metal soudee a I'extremite d'une tige rigide. Gela fait, avec une baguette de verre effilee a son extremite, on puise une gouttelette de 1'emulsion qu'on de- pose sur une lame de verre taree, et dont 1'augmentation de poids fait exactement connaitre le poids de 1'emulsion placee sur la lame de verre porte-objet; il ne reste plusqu'a completer la pre- paration par les manipulations d'usage et a compter par la methode deja indiquee dans ce Ghapitre le cbiffre des cellules net- tement discernables au microscope. D'habitude, il est indispen- sable de faire ainsi trois ou quatre preparations semblables et de les soumettre a autant de denombrements de germes qui se con- trolententre eux. Pour ma part, j'examine toujours trois prepa- rations, sur lesquelles je repartis 1 200 lectures de spores vues par champ du microscope. Pendant ce temps, un aide note soigneuse- CHAPITRE II. ment sur des feuilles speciales le chiffre des pollens trouves, des grains d'amidon apercus et des spores de cryptogames me- langees aux poussieres ; le petit nombre de semences vues par champ rend dans ce cas la numeration des germes fort aisee ; en quatreheures d'observations, on peut posseder tous les elements necessaires au caJcul projete ( * ). La formule (') Voici, d'apres mes cahiers de laboratoire, un exemple de dosage des germes des poussieres brutes. o* r , 188 de sediments atmospheriques deposes sur le lambris du dome sans ouverture qui surmonte 1'escalier interieur de 1'Observatoire de Montsouris furent incorpores a a4 gr ,6i5 de sirop de glucose, puis trois preparations micro- scopiques furent faites avec i6 m r , 5, ii m r , 2, 28 m s r ,4 de ce melange. Le chiffre des corpuscules organises repandus dans ces trois preparations, calcule d'apres une moyenne basee sur 3oo pointages, soit au total 900 obser- vations, fut trouve egal : Pour la premiere preparation, a 24/0 Pour la deuxieme a 1970 Pour la troisieme a . . 353o chiffres qui decelent scparement dans les os r ,i38 de sediment : 1 3 700000 corpuscules organises. 2 Sgooooo 3 3 too ooo Moyenne 356oooo soit par gramme de poussieres recoltees sur le lambris du dome, 26800000. Le pointage simultane des pollens et des grains d'amidon permit en outre de repartir ainsi la nature des corpuscules noyes dans cette poussiere. Spores de cryptogames 21600000 Amidon 2 900 ooo Pollens i 4 oo ooo Si Ton joint au chiffre des spores cryptogamiques un nombre de germes de bacteries au moins egal a 10000000, Ton est a mme de juger de 1'effroyable quantite de semences invisibles qui nous entourent. II est ici question d'or- ganismes accumules depuis dix ans sur un lambris inaccessible ; beaucoup d'entre eux etaient morts, deformes, meconnaissables; dans 1'interieur de Paris et dans les appartements ou 1'atmosphere se renouvelle plus aisement, c'est par 100000000 que se chiffrent les microphytes repandus dans un gramme de poussiere. SPORES DBS HABITATIONS. 77 dans laquelle P designe Je poids total de 1'emulsion, p le poids initial des poussieres, -', 7:", ...,- le poids de 1'emulsion intro- duite dans chaque preparation, n le chiffre de ces dernieres et M', M", . . . , M" le nombre de fructifications vues par champ, donne avec une grande approximation le chiffre total des spores contenues dans le poids p de sediments ou dans un gramme de ces memes sediments, si Ton opere la reduction a 1'unite. Tout cela est fort simple et ne demande pas de plus amples explica- tions. Les semences d'origine vegetale trouvees dans les poussieres des maisons (voir Jig. 33) sont de tout point semblables aux Fig. 33. Corpuscules des poussieres deposees spontanement a la surface des objets. Grossissement : 5oo diametres. semences aeriennes ; elles sont parfois cependant plus vieilles, ridees, deformees, cassees, fendues, felees, ebrechees, mais la se borne toute la dissemblance. Les poussieres les moins riches en spores proviennent surtout des appartements voisins des maisons en construction, ou les particules calcaires, le platre, viennent les diluer en s'ajoutant aux sediments normaux. Enfin, dans les locaux ou Tair se renouvelle difficilement, dans les sous-sols, les chambres closes et inhabitees depuis plusieurs annees, les productions cryptogamiques se font tres rares; on congoit qu'il n'en puisse etre autrement, car d'un cote 1'air n'apporte plus 78 CHAPITRE II. qu'un faiblc contingent de microbes, et d'unautre les poussieres mine'rales de'tache'es des murs et des plafonds se stratifient en couches a la surface des objets en noyant les fructifications que le temps n'a pas dessechees et rendues meconnaissables. Je passe sous silence les recherches d'une autre nature ayant pour but la determination exacte de ces spores : elles sont surtout du ressort des microbotanistes de profession et deman- dent plusieurs series de culture et d'ensemencements, un temps tres long, peu compatible avec le desir d'etre rapidement fixe sur les classes des cryptogames exosporecs et endosporees qui fournissent un si large tribut de fructifications aux courants atmospheriques. CHAPITRE III. De 1'existence dans 1'air des germes des bacteries. Experiences de Dundas Thompson, de Pasteur, de Burdon Sanderson, de Tyndall et de plusieurs autres autcurs. II. Generations spontanees. I. De 1'existence dans 1'air des germes des bacteries. Avant les travaux de M. Pasteur, on chercherait vainement dans les annales de la Science 1'expose d'une methode experi- mentale permettanl de demontrer rigoureusement la presence dans 1'air des germes des schizophytes, autrement appeles spores des bacteriens. Gomme il a ete dit plus haul, Dundas Thompson trouva, il est vrai, des vibrions dans une faible quan- tite d'eau bouillie parcourue pendant plusieurs jours par un courant d'air puise dans des salles de choleriques et dans un egout; mais nous savons aujourd'hui qu'une ebullition de plu- sieurs heures ne tue pas les germes des bacilles repandus tou- jours en grand nombre dans les eaux les plus pures; de plus les llacons de Woolf, niis en usage par Thompson, n'ayant pas ete* flambes ou soumis a une disinfection efficace, contenaient cer- tainementdes semences de vibrions, avant la mise en marchede chaque experience. Quant a la plusgrande quantite de bacteriens observes dans les hopitaux et les egouts qu'a 1'air exterieur, cela s'explique par 1'introduction non douteuse des nombreux germes qui sejournent dans les salles des malades, et surtout, comme j'ai eu mainte fois 1'occasion de 1'observer dans les ho- pitaux de Paris, par 1'apport dans 1'eau bouillie d'un poids con- siderable de substances organiques qui transforment le liquide en une veritable infusion ou les microbes trouvent un milieu fort So CHAPITRE III. propre a leurdeveloppement; la plus ou moins grande quantite d'organismes trouves en pareil cas ne depend pas du chiffre des germes recueillis, mais du poids des detritus d'origine ant- male et vegetale fixes par le liquide. Ce fait, facile a verifier, ote aux recherches de Dundas Thompson le degre de precision qu'elles semblent presenter au premier abord ; j'en dirai de meme des travaux de Samuelson, qui a toujours use, pour recolter les germes, de 1'eau distillee, non chauffee, exposee a la chute des poussieres dans des vases, macroscopiquementpropres, ce qui n'est pas une garantie suffisante. Les experiences plus anciennes de Gaul tier de Claubry paraissent, au contraire, avoir ete con- duites avec plus de rigueur, mais il est fort difficile d'en trouver une description exacte, ce qui ne permet pas de les juger en parfaite connaissance de cause. II en est autrement des recher- ches de M. Pasteur, exposees avec details en 1862 dans les Annales de Chirnie et de Physiques, t. LXIV; Finteret histo- rique qui s'attache a ce point important de la micrographie atmospherique me commande de reproduire ici avec quelques developpements les experiences celebres de ce savant. Pour constater Fexistence des germes des bacteries parmi les poussieres de 1'air, il fallait avant tout avoir a sa disposition des infusions absolument vierges de microbes : les experiences do Schwann sur Finfecondite de Fair rougi ayant donnc des resul- tats variables, M. Pasteur commenca par preparer des infusions steriles de la maniere suivante : Dans un ballon de a6o cc a 3oo cc , j'introduis, dit M. Pas- teur, ioo cc a i5o cc d'une eau sucree albumineuse, formee dans les proportions suivantes: Eau 100 Sucre 10 Matieres albuminoi'des et minerales provenant dc la levure de biere. . . 0,2 a 0,7 Le col effile du ballon communique avec un tube deplatinc chauffe au rouge. On fait bouillir le liquide pendant deux ou trois minutes, puis on le laisserefroidir completement. II serem- TRAVAUX DE M. PASTEUR. 8 1 plit d'air ordinaire a la pression atmospherique, mais dont toutes les parties ont ete portees au rouge; puis on ferine a la lampe le col du ballon. Le ballon ainsi prepare est place dans une etuve a une tem- perature constante voisine de 3o; il peut s'y conserver indefi- niment, sans que le liquide qu'il renferme eprouve la moindre alteration. Sa limpidite, son odeur, son caractere d'acidite tres faible, a peine appreciable au papier de tournesol bleu, persistent sans changement appreciable. Sa couleur se fonce legerement avec le temps, sans doute sous Finfluence d'une oxydatiori directe de la matiere albuminoi'de du Sucre. J'affirme avec la plus parfaite sincerite que jamais il ne m'est arrive d'avoir une seule experience, disposee comme je viens de le dire, qui m'ait donne un resultat douteux. L'eau de levure sucree mise en presence de Fair qui a ete rougi ne s'allere done pas du tout, meme apres dix-huit mois de sejour a une temperature de 20 a 3o, tandis que, si on 1'abandonne a 1'air ordinaire, apres un jour ou deux, elle est en voie d'alteration manifeste et se trouve remplie de bacteriums, de vibrions ou couverte de mucors. Telle est, a mon sens, Fexperience fondamentale qui sert et servira de base inebranlable a lous les travaux de micrographie atmospherique presents et futurs. Pour pousser plus avant la conviction dans Fesprit de ses contradicteurs (il convient de ne pas oublier que ses experiences furent institutes pour com- battre les vues des heterogenistes, qui proclamaient Fextreme rarete dans Fair de germes vivants), M. Pasteur resolutd'ense- mencer directement les poussieres de Fair dans des liquides sterilises propres au developpement des microbes, ce qu'il fit en construisant Fappareil represente par la^^. 34 (page 82). Voici, poursuit ce savant, les dispositions que j'ai adoptees pour deposer les poussieres de Fair dans les liqueurs putres- cibles et fermentescibles, en presence de Fair chauffe. Reprenons notre ballon renfermant de Feau de levure sucree et de Fair calcine. Je supposerai que le ballon soit a Fetuve a 25 a 3o, depuis un ou deux mois, sans y eprouver d'alteration 6 CHAPITRE III. sensible, preuve manifeste deFinactivite de 1'aJr chauffe dont il a etc rempli sous la pression atmospherique ordinaire. )> La pointe du ballon etant toujours fermee, je I'adapte, au TRAVAUX DE M. PASTEUR. 83 moyen d'un tube de caoutchouc, a un appareil dispose comme ii suit : un tube de verre fort de i o mm a i a mm de diametre inte- rieur, dans lequel j'ai place un bout de tube de petit diametre ouverl a ses extremites, libre de glisser dans le gros tube et renfermant une portion d'une de ces petites bourres de coton chargees de poussieres ; un tube de laiton en forme de T, muni de robinets ; Tun de ces robinets communique avec la machine pneumatique, un autre avec un tube de platine chauffe au rouge, le troisieme avec le gros tube de verre en communication par le caoutchouc avec le ballon scelle d'eau de levure. Lorsque toutes les parties de 1'appareil sont disposees et que le tube de platine est porte au rouge par le calorifere a gaz represente dans la fig.34> on f & it le vide, apres avoir ferme le robinet qui conduit au tube de platine ; ce robinet est ensuite ouvert de facon a laisser rentrer peu a pen dans 1'appareil dc Fair calcine. Le vide et la rentree de Fair sont repetes alterna- tivement dix a douze fois : le petit tube a coton se trouve ainsi rempli d'air brule jusque dans ses moindres interstices, mais il a garde ses poussieres. Cela fait, je brise la pointe du ballon a travers le caoutchouc sans denouer les cordonnets, puis je fais couler le petit tube aux poussieres dans le ballon; enfin je re- ferme a la lampe le col du ballon, qui est de nouveau porte a 1'etuve. Or il arrive constamment que des productions commen- cent a apparaitre dans le ballon apres vingt-quatre, trente-six on quarante-huit heures au plus. G'est precisement le temps necessaire pour que ces memes productions apparaissent dans 1'eau de levure sucree, lorsqu'elle est exposee au contact de 1'air commun. En repetant cette experience avec de petits tubes remplis d'amiante calcinee, le resultat fut toujours negatif, ce qui de- montre que les precautions prises pour introduire les bourres dans le gros tube precedant le ballon de liquide sterilise etaient de nature a ecarter les causes d'erreur dues au contact des tubes avec les objets exterieurs. La fig. 35 reproduit, d'apres les dessins de M. Pasteur, quelques microbes grossis, nes des germes melanges aux poussieres de 1'air. 84 CHAPITRE III. Le dispositif imagine par M. Pasteur pour ensemencer les poussieres atmospheriques est susceptible de recevoir aujour- d'hui quelques modifications heureuses , grace auxquelles la demonstration des germes parmi les poussieres aeriennes pent devenir une experience de cours de la plus grande simplicite. Jerecommanderaiauxprofesseurs d'hygiene desireux de frapper a la fois les yeux et 1'esprit de leurs auditeurs une marche a suivre pour reproduire en peu de temps et sans beaucoup de Fig. 35. Bacteriens atmospheriques d'apres M. Pasleur. frais les experiences sur lesquelles M. Pasteur a edifie si solide- ment la theorie des germes. Des tubes a boules, recourbes comme 1'indique la fig. 87 (page 85), sont, apres avoir etc portes a une haute tempera- ture, a moitie remplis d'un liquide vegetal ou animal prive de germes avec ou sans le concours de la chaleur. Si, apres un mois desejour al'etuve, ces petits ballons renferment encore un liquide parfaitementlimpide, on introduit dans les branches efii- lees en pointe de ces instruments une bourre d'amiante sterilisee. Pour y arriver, la branche de verre effilee (voir en A, Jig. 36) est coupee au trait de lime suivant la section tt f , puis chauffee dans la plus grande partie de sa longueur par la flamme d'une lampe aalcool. Onpousse alors avec lenteur dans cette partie chauffee une bourre d'amiante tres soyeuse ; cela execute, on etire le tube (voir en C) et Ton garnit d'une seconde bourre d'amiante TRAVAUX DE M. PASTEUR. 85 1'extremite b' du tube encore soutenue par 1'effilure; puts on porte a 3oo toute la branche bb' placee sur une gouttiere de clinquant, on laisse refroidir et enfin Ton detache de 1'instru- ment, par un trait de chalumeau portant sur le tube capillaire, Fig. 36. I' - r la portion terminate du tube contenant la bourre b'. Cette ma- noeuvre preliminaire est done uniquement deslinee a munir la branche effilee en pointe du tube a boule d'une bourre filtrante absolumentprivee de germes : elle peut etre accomplie a 1'avance par le preparateur Fig. 3 7 . Deux de ces tubes a boule sont alors places dans la position indiquee en N (fig. 87) ; puis, au moyen de petites secousses, on chasse 1'air de la branche et Ton amene le liquide an contact de 86 CHAPITRE III. la bourre d'amiante, qui s'imbibe rapidement; ce sont la des tubes temoins qui ne s'alterent jamais. A travers quatre autres tubes Ton dirige quelques litres d'air puise dans I'amphitheatre, en adaptant nn tube d'aspiration a la branche P et en cassant la pointe a flambee, avec une pince a mors carres passee a travers la flamme d'un bee Bunsen. Apres le passage de 1'air, la pointe a est de nouveau fondue. De ces quatre tubes, pourvus d'une quantite imponderable de poussieres atmospheriques arretees par la bourre 6, deux d'entre eux sont inclines et traites comme les tubes temoins, c'est-a-dire de facon que le liquide sterilise vienne mouillerla bourre b : ces ballons s'alterent tou- jours; les deux derniers sont suspendus dans leur position normale M et ne s'alterent qu'a partir du jour ou Ton amene le liquide nutritif au contact du tampon d'amiante par Fartifice decrit plus haul. D'ou Ton pent deduire, avec M. Pasteur, ces verites experi- mentales : 1 Qu'un liquide place a 1'abri des impuretes atmospheriques ne montre jamais de bacteries ; 2 Que les poussieres seules provoquent 1'eclosion de ces bacteries ; 3 Enfin que 1'air filtre debarrasse de ses corpuscules nor- maux est absolument impropre a peupler de bacteries les infu- sions les plus alterables. Dix ans apres les travaux de M. Pasteur sur le pouvoirfe- condant des poussieres aeriennes, le D r Burdon Sanderson se livra, en Angleterre, a 1'analyse microscopique des eaux de diverses provenances, dans lesquelles il trouva toujours denom- breuses bacteries. Dans plusieurs experiences, repetees avec les poussieres de 1'air, il obtint des resultats absolument negatifs, ce qui I'amena a conclure a Fabsence des bacteries au sein de 1'atmosphere. Dans mes experiences, dit le D r Burdon San- derson ( 4 ), j'ai fait voir que, quoique les cellules de Lorules et (') BUKDOX SANDEUSON, Appendix to the Thirtheenth Report to the medical officer of the Privy Council, for 1871. TRAVAUX DE M. TYNDALL. 87 cle Penicilliumappdiraissaieut toujours dans les liquides nutritifs exposes au contact de Fair, cette exposition a Pair ne peutja- mais y produire de bacteries. M. Pasteur et plus tard M. Tyn- dall releverent cette affirmation erronee. Si M. Sanderson, dit M. Tyndall avec raison, n'a pas trouve dans Pair des germes de bacteries, c'est que ce savant a fait uniquement usage de liqueurs incapables de favoriserl'eclosion des germes errants des bacte- riens. Effectivement les liqueurs minerales sucrees, employees par le savant medecin anglais, sont tout a fait impropres au rajeunissement des schizophytes. Toutes les liqueurs dites mi- nerales ne sont pas cependant dans le meme cas ; j'ai eu bien sou- vent 1'occasion d'observer que, apres cinq a dix jours d'exposi- tion a 1'air libre, la liqueur de Cohn se remplit d'especes bacte- riennes variees si la temperature regnante est voisine de i5 ou superieure. Je ne puis m'etendre longuement sur les experiences de M. Tyndall, publiees depuis Fannee 1876 dans de nombreux Memoires et resumees dans un Ouvrage recemment edite en France sous le litre : Les microbes (*). Tantot les resultats obtenus par cet auteur sont en conformite avec la realite des faits, tantot au contraire ils entrainent M. Tyndall a des conclu- sions inacceptables, ayant pour point de depart des resultats entaclies de causes d'erreur vulgaires qu'il est regrettable de voir meconnaitre par un experimentateur aussi habile. M. Tyndall ayant remarque que les matieres en suspension dans Fair d'une chambre close tombent graduellement au fond de la chambre en laissant derriere elles un air optiquement pur, c'est-a-dire depourvu de toute puissance dispersive, pensa qu'un liquide putrescible, porte a Febullition dans une portion d'espace privee de toute poussiere, devait, apres refroidissement, se con- server indefiniment inaltere. L'experience verifia ses vues; les liquides sterilisables sous la pression normale ne s'alterent pas, ce qui etait la confirmation pure et simple des resultats deja (.') JOHN TYNDALI,, Les Microbes, 188:2. Saw. 88 CHAPITRE III. obtenus par Schrceder, Dusch et Pasteur. Repetees a une annee d'intervalle, ces experiences, d'abord si concluantes, fournirent a M. Tyndall des resultats contradictoires a ce point qu'au cours de mes experiences, dit-il, par suite des precautions, variations et repetitions faites en vue d'obtenir une confirmation des resultats, j'employai, dans 1'espace de deux annees, plus de dix mille vases . Gette somme de travail si considerable ii'a guere profite a la Science, car elle a conduit M. Tyndall a pro- clamer deux erreurs graves : 1 la possibilite de detruire les germes des infusions par une ebullition operee a 100; 2 1'ex- treme abondance dans Fair des germes des schizophytes. Cette seconde erreur etait forcement la consequence de la premiere, comme j'aurai 1'occasion d'y insister dans un autre Chapitre. Al'exemple des experiences de M. Pasteur sur le Montanvert, M. Tyndall ouvrit sur le glacier d'Aletsch 27 fioles de liquides sterilises qui ne s'altererent pas et 28 autres fioles dans un grenier a foin, dont 21 s'altererent. Ges essais, caiques sur dts travaux an- terieurs, meritent fortpeu de nous arreter. Je passerai de meme tres rapidement sur les travaux de Gohn, Schoenauer, Koch, Hansen, Yung, etc., et sur les miens propres, en ajoutant cependant que, sur 80000 experiences effectuees dans le cours de mes travaux, pas une seule n'est venue dementir les affir- mations de M. Pasteur, alors que beaucoup d'entre elles sont en complete opposition avec les fails publics par plusieurs pan- spermistes trop zeles, pour ne pas dire inexperimentes. II. Generations spontanees. On nomme generation spontanee la creation de toute piece d'un organisme vivant dans une infusion en 1'absence de tout germe; d'apres les heterogenistes, cette creation s'accomplirait sous 1'action de forces inconnues, comparables a ces forces encore mysterieuses qui president a la nutrition des cellules, aux plienomenes chimiques, au groupement des molecules dans GXRATIONS SPONTANES. 89 les cristaux, dont la Science constate 1'existence sans etre parvenue a ecarter 1'obsctirite qui entoure leur mode d'ac- tion. Pour les homogenistes, Fetre vivant precede toujours d'un germe (omne vivum ex ovo] d'une cellule provenant elle-meme d'un etre adulte ; cette derniere opinion, adoptee par la majorite des biologistes, se trouve conforme avec les donnees de 1'obser- vation. Pour appuyer leur doctrine, les heterogenistes out avance deux ordres de preuves : les unes tirees du domaine de la dia- lectique, les autres de Fexperience. Je n'insisterai pas sur les premieres, bien qu'elles soient a mon avis les plus puissantes et les plus difficiles a renverser; etayee par les doctrines du trans- formisme, de 1'evolution et de la selection des especes vivantes, Fheterogenie explique naturellement 1'apparition de la vie sur la Terre, la formation des types animaux dont 1'homme est le representant le plus parfait. G'est assurement aller bien de 1'avant sans preuves solides, niais les dogmes edifies sur les legendes religieuses ne demandent-ils pas, pour etre admis, de plus grandes concessions a 1'esprit humain ? Quoi qu'il en soit, il importait aux veritables progres de la question de laisser aux philosophes leurs raisonnements impuissants ou mystiques et de soumettre la theorie de Theterogenese a 1'epreuve de 1'experi- mentation. Les heterogenistes, il faut le reconnaitre, chercherent avant tout Fappui des faits. En 174^? Needham publia a Londres un Ouvrage sur cette question ou il a decritles recherches precises qui I'amenerent a proclamer la realite de la generation spontanee. En soumettant a la chaleur de 1'eau bouillante des infusions vegetales placees dans des vases hermetiquement clos, Needham remarqua que la plupart de ces infusions se peuplaient apres plusieurs jours d'une multitude d'organismes vivants. Ainsi, d'un cote, les germes etaient detruits par 1'eau bouillante; d'un autre, les impuretes de Fair ne penetraient pas dans le vase scelle, et nonobstant la vie ne tardait pas a s'y declarer. La theorie de rheterogenese est en accord avec les donnees de 1'experimenta- go CHAPITRE III. tion, ecrivit Needham. Tout autre, il faut 1'avouer, cut ete a sa place fortement ebranle. Un savant physiologiste italien, Spallanzani, repritces memes experiences et demontra que les infusions vegetales soumises pendant une heure a la temperature de 1 00 dans des vases scelles restaient pour la plupartsteriles, c'est-a-dire inalterees : la gene- ration spontanee, objecta-t-il, n'est done pas un fait demontre. Needham ne se tint pas pour battu ; il supposa alors dans les liquides des infusions 1'existence d'une force creatrice, d'une force vegetative, qui s'affaiblissait et meme fmissait par etre detruite sous Faction du feu; Fair lui-meme place au-dessus de I'infusion, ajoutait le meme savant anglais, se corrompait et devenait absolument impropre a Feclosion spontanee des etres vivants . En 1886, Schulze imagina de faire barboter Fair destine a renouveler Fatmosphere des infusions chauffees dans de Facide sulfurique et des solutions de potasse caustique, afin de detruire tons les germes sans modifier le pouvoir vivificateur du melange gazeux atmospherique.Tantot les infusion s ainsi traiteesresterent parfaitement inalterees, tantotelles se corrompirent. Une annee plus tard, Schwann proposa de priver Fair de ses orgaiiismes vivants en le dirigeant a travers un tube metallique fortement chauffe : c'etait un bien faible progres, puisqu'il fallait aux hete- rogenistes un air soustrait de pres ou de loin a Faction de la chaleur. Vers 1804, Schroeder et Van Dush arreterent les pous- sieres atmospheriques sur des tampons d'ouate, mais ils obtin- rent egalement des resultats contradictoires. Personne n'etait encore fixe sur la realite de Fheterogenese quand Pouchet provoqua, au sein de FAcademie des Sciences, une discussion memorable, a laquelle prirent part les savants francais les plus eminents. Pouchet rappela les arguments des vieux heterogenistes et y en joignit un nouveau. D'apres lui, la quantite des germes repandus dans Fatmosphere ne pouvait expliquer les cas nombreux d'alteration des liqueurs bouillies, signales par ses adversaires. Pouchet avait parfaitement raison, et, si les experiences recentes de M. Tyndall avaient ete publiees GENERATIONS SPONTANEES. 91 a celle epoque, le savant professeur de Rouen y aurait puise les arguments les plus puissants contre 1'homogenese. Que faisait Pouchet? II chauffait une infusion a 100, croyant detruire des germes qu'il ne detruisait pas, puis soupconnait I'infusion de s'etre peuplee d'etres vivants par generation spontanee. Qu'a fait, il y a quelques annees a peine, M . Tyndall? II a chauffe des infusions a 1 00, croyant detruire desgermes qu'il n'a pas detruits, puis il a soutenu que la qtiantited'airinfmiment petite introduite accidentellement au moment de lafermeture des vases en pleine ebullition etait peuplee d'oeufs vivants capables de produire 1'in- fection des liquides bouillis. Ges deux savants ont done ete tous les deux victimes de la meme illusion. L'interpretation des fails observes par eux a seule varie : pour Pouchet, il y avail hetero- genese; pour M. le professeur Tyndall, mullilude innombrable de microbes dans Fair ambianl, ce qui est conlraire a la verite. Ge n'est pas a la fois sans quelque elonnement et sans un sen- timent penible que Ton voit aujourd'hui M. Tyndall s'efforcer de ramener la discussion des generalions sponlanees a ce degre d'acuile qu'elle presenta aulrefois, accuser le modeste professeur de Rouen, travailleur infatigable et convaincu, d'avoir ete un experimenlaleur indiscipline, epicant sa logique de savanl du sarcasme de Tavocat : on doil elre, il me semble, moins severe onvers autrui quand on a soi-meme succombe aux apparences trompeuses de I'experimenlalion. G'esl vers 1860 qu'intervinl M. Pasleur dans la discussion soulevee sur la queslion des generalions sponlanees; par un ensemble d'experiences habilemenl concues, il aneanlit un a un les arguments des heterogenistes. L'air chauffe, 1'air fillre qui avail donne entre les mains de Schwann, de Schrceder et de Van Dusch des resultals inconstants se montra dans ses essais absolumenl incapable de provoquer le developpement des bac- teries au sein des liquides convenablement slerilises, c'esl-a-dire chauffes suivant leur nature entre 100 et 1 10. En employanl le ballon a col brise et recourbe, represente par la Jig. 38. M. Pasteur put en oulre, sans mellre obslacle a la renlree de rairalmospheriquenonfiltre,conserverindefiniment des liquides 92 CHAPITRE III. simplement bouillis. Enfm, repondant a la derniere objection des heterogenistes, le meme savant demontra que le sang el 1'urine non soumis a Faction de la chaleur et amenes directement des arteres et de la vessie des animaux vivants dans des vases prives de germes restaient egalement inalteres on du moins ne presen- taient jamais d'organi sines ferments. La force vegetative* destructible par la chaleur, invoquee par Needham un sieclo auparavant, etait done une pure invention de 1'esprit. Ainsi Fij;. 38. Ballon a col sinueux de M. PasLeur. s'ecroula le dernier retranchement a 1'abri duquel les partisans de 1'heterogenie auraient pu encore longtemps tenir les homo- genistes en echec. Les savants distingues : Claude Bernard, Balard, Dumas, Pajen, Milne Edwards, Flourens, qui avaient suivi avec le plus grand interet cette importante discussion, jugerent le sujel epuise et le debat fut clos. a Les idees qui apparaissent dans les sciences, disait alors Claude Bernard (*), presentent deux aspects opposes dans leurs developpemenls : les idees vraies partent le plus souvent d'un petit nombre de faits simples et bien observes, grandissent a mestire que les connaissances augmentent, et s'etendentde plus en plus , les idees erronees contiennent ordinairement des 1'abord (') CLAUDE BERNARD, Comptes rend us des seances de I' Academic des Sciences, t. LV, p. 977. GENERATIONS SPONTANfiES. 98 un grand nombre de fails obscurs et mal vus, s'amoindrissent an contraire et disparaissent en raison directe des progres de la Science. La question des generations sponlanees s'est trouvee clans ce dernier cas, en ce sens qu'elle s'est toujours circon- scrite de plus en plus devant les lumieres de Fexperience. De son cote, afin qu'il ne put rester aucun doute dans Fesprit de ceux qui Faccusaienl de se refuser a porter un jugement sur la question des generations spontanees, le physiologiste Flou- rens (* ) s'exprimait ainsi au sein de F Academic des Sciences : Tant que mon opinion n'etait pas formee, je n'avais rien a dire. Aujourd'hui elle est formee, et je la dis. Les experiences de M. Pasteur sont decisives. Pour avoir des animalcules, que faut-il, si la generation spontanee est reelle? De 1'air et des liqueurs putrescibles. Or M. Pasteur met ensemble de Fair et des liqueurs putrescibles, et il ne se fait rien. )> La generation spontanee n'est done pas. Ge n'est pas com- prendre la question que d'en douter encore. Neanmoins quelques heterogenistes, confiants dans leurs experiences, demanderent a les repeter devant F Academic des Sciences. Une Commission fut nommee ; mais plus tard, sous des pretextes divers, ces memes experimentateurs se deroberenl devant la sanction des propositions qu'ils avaient eux-memes formulees. La Commission ne put done controler que les expe- riences de Pasteur; elle declara, par Forgane de Balard ( 2 ), son rapporteur, que les fails observes par ce savant et contestes par MM. Joly et Mussel elaient de la plus parfaite exactitude . Reconnaitre publiquement la verite des fails avances par M. Pasteur, c'etait proclamer en meme temps le pen d'exacti- tude de ceux apportes par ses adversaires. Ces helerogenistes (') FLOURENS, Comptes rendus des seances de I' Academic des Sciences, t. LVII, p. 8 ',5. ( 2 ) BALARD, Comptes rendus des seances de I' Academic des Sciences, t. LX, p. 38'|. 0,/j CHAPITRE III. chercherent alors dans une autre enceinte un appui moral qui leur fut severement refuse. Beaucoup plus pres de nous, le D r Charlton Bastian, deja celebre depuis 1870 par des publications heterogeniques, pre- tendit avoir trouve un milieu favorable au developpement spon- tane des bacteries. M. Tyndall, effraye du progres rapide de ces doctrines dans 1'esprit de ses compatriotes, institua pour les eombattre les experiences dont j'ai eu 1'occasion de parler. II faut sans doute attribuer aux resultats si divergents obtenus par M. le professeur Tyndall Finspiration malheureuse qui vint au D r Bastian de provoquer directement M. Pasteur, sur un terrain ou la victoire lui etait toujours echue. D'apres M. Bastian ( i ), Furine sterilisee par la chaleur, puis exactement neutralisee par une solution de potasse, constituait un milieu createur de bacteries. M. Pasteur ( 2 ) n'eut aucune peine a d(5montrer a son contradicteur que Furine acide bouillie seconservantparfaitementlimpiden'etait pas reellement sterilisee et qu'en laneutralisant a 1'abri de 1'air avec une solution alcaline parfaitement purgee de germes on modifiait heureusement la puissance nutritive de 1'urine acide et on la rendait propre au rajeunissement des germes immobilises, mais non detruits par une ebullition de quelques minutes a la pressioh normale ; ainsi fut etouffee ab ovo cette nouvelle discussion stir 1'heterogenese. Est-ce a dire que la generation spontanee soit une chimere, que les organismes inferieurs sont lies de tout temps d'un ceuf ou d'un germe, et qu'a 1'epoque de Fapparition de la vie sur la Terre des forces generatrices, qu'il n'est pas encore en notre pouvoir de connattre et donne a notre intelligence d'apprecier la nature et le mode d'action, n'aient pu presidera Forganisation primordiale d'etres rudimentaires destines a se perfectionner, a se transformer et a progresser dans Fechelle de Ja vie vegetale ( 1 ) BASTIAN, Comptes rendus des seances de I' Academic des Sciences, t. LXXXIII, p. 169, 488. ( 2 ) PASTECR, Comptes rendus des seances de V Academic des Sciences, t. LXXXV, p. 178. GENERATIONS SPONTANEES. 96 et animale? Non certes, les experiences de M. Pasteur sont loin d'avoir cette portee. Elles demontrent une seule chose, la diffi- culte de realiser experimentalement la genese spontanee qu'on avail eu le tort de considerer comme un fait facile a mettre en evidence. Les experiences de M. Pasteur ontrendu un immense service a la Science, en devoilant les causes d'erreur multiples qui attendent les savants adonnes aux etudes biogeniques ; les heterogenistes de bonne foi Fen devraient remercier sincere- ment. Ce n'est pas, a mon sens, par des experiences grossieres, en placant par exemple de Fair et des liqueurs putrescibles dans des cornues de verre, qu'on aura la bonne fortune de repro- duire les phenomenes qui ont vraisemblablement precede et accompagne la venue des etres vivants sur notre globe. Dans ces recherches d'une extreme delicatesse, il sera au moins in- dispensable d'imiter la nature, de mettre en jeu les agents que nous connaissons, et probablement beaucoup d'autres qu'il nous reste a decouvrir. Donner Fetincelle de la vie a une masse protoplasmique est un espoir que Fhomme peut caresser, mais ou les deceptions qui Fattendent dans sa realisation me semblent devoir etre plus nombreuses et plus ameres que les deboires des alchimisles livres a la recherche de la pierre phi- losophale. L'enseignement vraiment utile qui decoule de cet historique consacre aux generations spontanees peut se resumer ainsi : Les liqueurs nutritives ou putrescibles obtenues, soil par infu- sion ou decoction , soit an moyen de dispositifs permettant d'aller recueillir les humeurs de Feconomie au sein meme des etres vivants, ou encore d'utiliser les sues exprimes des viandes etdes vegetaux, ne montrent jamais de bacteries, quand on les debarrasse des germes qui peuvent y preexister et quand on les soustrait apres cette operation aux ferments figures re- pandus dans Fair et a la surface des objets en contact immediat avec Fatmosphere libre. Tout fait contraire a ce principe, dont Fexactitude a ete demontree par M. Pasteur, doit mettre Fob- servateur en eveil, Fengager a redoubler de precautions, Fin- viter a rechercher le cote defectueux de ses experiences, et alors 96 CHAPITRE IH. il trouvera certainement la porte par ou I'erreur a du se glisser. Gomme on a pu en juger, la cause d'illusion la plus frequente provient du defaut de sterilisation des liqueurs mises en ceuvre ou de la destruction incomplete des microbes adherents a la sur- face interne des vases destines a proteger ces liqueurs contre les infections venues de 1'exterieur. 01 THE ' UNIVERSITY CHAPITRE IV. Micrococcus. II. Bacteriums. III. Bacilles. IV. Vibrions et microbes spirales. Les organismes bacteries ont fait 1'objet de nombreuses clas- sifications que je crois inutile de reproduire ici, afin d'eviter de compliquer Fexposition d'un sujet fort delicat a trailer; 1'obser- vateur adonne a 1'etude des microbes aeriens a d'ailleurs rare- ment 1'occasion de recueillir les organismes si divers qu'on trouve ranges en colonnes serrees dans les essais de classifica- tion qui nous sont venus de FAllemagne. Parmi les auteurs qui se sont livres an labeur ingrat de grouper en families distinctes les schizomycetes vivant a la surface du sol, dans les infusions putrefiees, les marais et les eaux courantes, il est toutefois juste de citer M. le professeur Cohn, de Breslau, Nsegeli, Da- vaine, Warming, Billroth, Schrceter, et les peres de laMicro- graphie des infusoires, Ehrenberg et Dujardin. En employant les termes admis par la generalite des microbo- tanistes, on peut diviser les schizophytes de Tatmosphere en micrococcus, bacteriums, bacilles et vibrions; chacun de ces genres pent etre subdivise envarietes dont les caracteres n'ont malheureusement rien de specifique. Je me contenterai done de signaler, en passant, les especes que Ton rencontre le plus fre- quemment dans I'atmosphere et qu'entrevoit, plutot qu'il n'a le loisir de les etudier longuement, 1'observateur adonne a I'etude statistiqtie des bacteries atmospheriques. g8 CHAP1TRE IV. Des micrococcus. Les micrococcus, appeles aussi microcoques, micro spheres, spherobacteriesj se presentent ordinairement sous la forme de cellules globuleuses privees de mouvements spontanes, mesurant des dimensions comprises entre <0 || 00 et-j-~ de millimetre. Selon leur etat de jeunesse ou de vieillesse, les micrococcus ont 1'as- pect de cellules remplies d'un protoplasma peu refringent ou de granulations brillantes entourees d'uncercle noir tres accuse ; souvent on les rencontre en globules isoles ou reunis par groupe de deux, trois, quatreet davantage. NaBgeli a propose de donner le nom de Chroococcus aux micrococcus spheriques n'ayant aucune tendance a s'associer regulierement en grand nombre. La Jig. 89 montre au n i une espece vulgaire de microbe s'offrant habituellement aux yeux de 1'observateur par groupe de quatre cellules disposees en carre (Sarcina, Goods), tres sou- vent aussi agencees en cube au nombre de huit. On rencontre aussi frequemment, dans les infusions alterees depuis peu de jours, tin micrococcus en chaine moniliforme ressemblant beau- coup au ferment de 1'uree etudie par MM. Pasteur etVanTie- ghem , mais se montrant absolument incapable de provoquer la fermentation del'urine. II est beaucoup plus rare de rencon- trer dans ratmosphere le micrococcus en batonnets ou cellules cylindriques (Synechococcus, Nsegeli) represente au n 3 de la Jig. 3g. L'espece dessinee au n 2 est plus frequente et 1'on remarquera rion sans quelque etonnement les aspects divers sous lesquels elle pent se presenter dans des cultures parfaite- ment pures. Si 1'on ne veut pas tomber dans ces exces regret- tables pour la microbotanique, de creer sans cesse de nouvelles varietes d'organismes, il faut s'habituer, desle debut des etudes micrographiques, a se rendre compte des formes diverses que peuvent adopter transitoirement beaucoup de microphytes. Une difference de grosseur entre deux individus de la meme culture s'explique tres naturellement, si 1'on songe que les der- MICROCOCCUS ATMOSPHRIQUES. 99 nieres generations de microbes apparaissent dans un milieu peu propice a leur nutrition, c'est-a-dire dans un milieu epuise, par- fois empoisonne paries produits d'excretions des premieres colo- nies de schizophytes. Quant a la diversite des formes, elle depend le plus souvent du mode de developpement de 1'organisme. Si Fig. 89. JOOQDuimetref 8838 Micrococcus atmospheriques. Grossissement : 1000 diametres. nous prenons, par exemple, un micrococcus circulaire se multi- pliant par scissiparite, on verra d'abord le globule spherique de- venir ovo'ide, quelquefois cylindrique, s'etrangler, prendre la forme d'un sablier et enfin se separer en deux globules; si nous choisissons un element de sarcine, la diversite des aspects de- IOO CUAPITRE IV. vient presque infinie, soitparce que telles cloisons avortent, soil parce que ces petites algues se developpent dans un espace trop serre, et alors leurs elements paraissent fails de cellules cylin- driques, quadrangulaires, triangulaires, cuneiformes ; il ne faut done pas se hater de conclure a la multiplicite des especes vi- vant dans une infusion, avant de les avoir soumises a des cul- tures separees et d'avoir suivi leur developpement sous le mi- croscope, comme c'est aujourd'hui Fusage dans les laboratoires de micrographie. Le micrococcus du n 4 de la figure precitee represente la forme la plus vulgaire de toutes les especes aeriennes recueillies au centre de Paris, au pare de Montsouris, dans les hopitaux et les habitations. Les poussieres de Fair renferment souvent des micrococcus colores ou chromogenes, parmi lesquels les plus frequents sont les micrococcus aurantiacus ou luteus de Gohn, le micrococcus jaune verdatre denomme chlorinus ; le micrococcus prodi- giosus (Cohn), qui apparait dans les conserves alterees sous la forme d'un depot rose carmin et dont la presence aurail ete constatee dans le lait devenu rouge en 1'absence de toute lesion pathologique de la mamelle. A 1'exception du ferment globulaire de 1'uree, les micrococcus xymogenes, tels que le mycoderma aceti, le vibrion lactique de M. Pasteur, sont d'une extreme rarete. J'en dirai autant des micrococcus pathologiques trouves par Hallier, Coze, Feltz, Nepvcu et Colin, dans le sang des malades. Les cobayes, que j'ai soumis par serie de six a Faction de micrococcus atmospheriques, n'ont jamais cesse de se bien porter. II existe cependant, a n'en pas doiiter, quelques micro- coques pathologiques : le micrococcus du cholera des poules, de 1'infection puerperale, etudiesavec tant de talent par M. Pas- teur, et peut-etre ceux de la variole et de la vaccine, entrevus par Lunginbiihl, Gohn, Chauveau et Klebs; mais, soit a cause de leur rarete ou de la difficulte qu'ils eprouvent a germer dans les liqueurs employees a les recueillir, soit encore a cause de 1'impossibilite ou Ton se trouve de les faire agir sur des especes MICROCOCCUS ATMOSPHfiRIQUES. IOI animales aptes a les recevoir, les micrococcus pathogeniques paraissent bannis de Fair IJbre. Vvant de passer A la description d'autres schizomycetes, je dois ajouter qu'iln'est pas toujours ais6" de distinguer les micro- coccus des bacteriums, surtout de ces bacteriums globulaires a peu pres immobiles ou doues de mouvements de locomotion intermittents, se manifestant a longs intervalles, si 1'on n'attri- bue pas aux bacteriums la faculte de se mouvoir spontanement, et aux micrococcus la faculte negative d'etre toujours a Fetal de repos. Gette reserve faite, la distinction de ces deux genres voisins devient possible, mais elle repose sur un caractere de valeur scientifique a peu pres nulle. La determination obligee et rapide des microbes eclos dans une multitude de conserves ensemencees pour les besoins des recherches statistiques peut seule justifier 1'adoption provisoire de cette convention. Parfois Tobservateur sera aux prises avec une difficulte beau- coup plus grande : un microbe globuleux, mais a contour plus net, se presentera dans le champ du microscope ; un examen attentif le monlrera se multipliant par bourgeonnement ; est-on en presence d'un micrococcus ou d'une torule extremement petite de 1'ordre desmoisissures? II faut en pareil cas recourir a des essais de culture, etpresque toujours en portantle microbe dans du bouillon charge de o r ,5 d'acide sulfurique par litre. On le verra, s'il appartient aux torulas, grossir beaucoup, se multiplier rapidement et acquerir 1'aspect d'une petite levure alcoolique ; la torulacee qui vegetait auparavant tres penible- ment trouve dans le bouillon acidifie un terrain favorable a son developpement, et devore alors avec avidite les principes nu- tritifs de la liqueur, que les acides mineraux lui rendent d'une assimilation facile. Enfln on est frequemment appele a examiner des depots accumules au fond des vases d'ensemencements, contenant des decoctions graisseuses^ ou des infusions diverses mal preparees. Ges depots blanchatres sont quelquefois formes de cristaux iiiicroscopiques tres reconnaissables ; plus souvent le precipite qu'on examine est dii a une foule de granulations brillantes, IO2 CHAPITRE IV. irregulieres, spheriques ou bacteri formes, moins aisees a diffe- rencier au coup d'oeil des micrococcus ou des vieux germes des bacilles et des vibrions. La culture, comme 1'a dit Gohn, rend dans ce cas de grands services ; le depot, introduit en quantite infinite si male, avec les precautions necessaires, dans ime liqueur nutritive mieux preparee et de composition identique a celle ou il s'est primitivement forme, ne se reproduit jamais s'il est inerte et du a la precipitation de substances albuminoides in- solubles (pseudobacteries], tandis qu'il se reforme avec les memes caracteres s'il est constitue paries cadavres ou les germes d'un organisme figure. II. -- Des bacteriums. Les bacteriums ou microbacteries constituent une classe de schizophytes se presentant au microscope sous la forme de batonnets courts, mobiles, isoles ou reunis entre eux au nombre de deux, quatre articles, rarement en plus grand nombre ; ces articles sont ordinairement plus longs que larges, mais on en trouve de globuleux, de renfles aux deux extremites, comme la fig. 4o en montre, sous un tres fort grossissement^ une espece Fig. ^o. 1MO.U Bacterium commun. Grossissement : i5oo diametres. commune developpee dans les liquides nutritifs a base de tartrate d'ammoniaque. Quand on a sous les yeux un organisme immo- bile ayant 1'apparence des bacteriums, le premier soin doit etre de constater s'il jouit de mouvements spontanes ; pour cela, selon le conseil tres juste de plusieurs auteurs, il convient d'exa- BACTtiRIUMS ATMOSPHfiRIQUES. IO3 miner le microbe au voisinage d'une bulle d'air, dans une zone liquide ou peut aisement affluer 1'oxygene libre, presque tou- jours indispensable a sa vie. Je dis presque toujours, parce qu'il existe des bacteriums qui vivent fort bien en 1'absence de 1'oxygene gazeux. M. Pasteur a le premier signale le fait reinarquable de la vie sans air chez les algues inferieures, et propose d'appeler anaerobies les vegetaux qui possedent la faculte d'emprunter 1'oxygene necessaire a leur nutrition aux substances hydrocarbonees. Dans ce cas exceptionnel, le mou- vement des bacteriums persisle longtemps dans le liquide des preparations, si Ton a soin de placer le microscope dans une petite etuve chaufFee vers 3o. Les bacteriums se meuvent d'une infinite de manieres, en ligne droite, en ligne courbe, en ligne brisee, en cercle, en he- lice, tantot avec lenteur, tantot avec larapidite d'une flecbe. On les voit souvent tourner sur eux-memes suivant leur axe longi- tudinal on leur axe transversal; parfois ils effectuent un mouve- ment de rotation autour d'un point, en decrivant un cone a deux nappes. On comprend que ces mouvements particuliers aux articles puissent produire, en se greflfant sur des mouvements generaux de translation, une tres grande variete de modes de locomotion. Quand les bacteriums abondent dans une infusion, iisy simulent, en se croisant en tout sens, une sorte de fourmil- lement qui rappelle assez bien le spectacle curieux d'uue four- milliere en emoi. La fig. 4 1 montre quatre specimens de bacteriums atmosphe- riques : le premier se rapproche des micrococcus par 1'appa- rence, et des bacteriums par sa mobilite; le second pourrait servir de type a 1'espece ; ses articles adultes, longs de -~^ a -^H de millimetre, possedent environ 7^) de millimetre de largeur; il est aerobie et parait se confondre avec le bacterium lineola de Colin ; je 1'ai assez frequemment rencontre dans les poussieres des hopitaux. Le troisieme a 1'apparence du bacterium catenula de Dujardin; Fair en montre plusieurs varietes; j'en ai, pour ma part, cultive une qui a la singuliere propriete de transformer en quarante-huit heures i er de soufre en acide sulfhydrique par 104 CHAPITRE IV. infusion de 4 Ut d'eau bouillie additionnee de tartrate d'ammo- niaque et d'un excesde soufre. Ge bacterium anaerobic s'installe souvent dans les tubes de caoutchouc vulcanise des conduites d'eau, en rendant sulfhydrique au plus haut degre 1'eau qui y sejourne seulement vingl-quatre heures. Gomme j'ai eu I'hon- neur de 1'annoncer a la Societe chimique de Paris (* ), de 1'eau commune mise en contact, a 1'abri de Fair, avec des morceaux Fig. 4 i. k G> CDs >&& ^M, $$V^. &1S \ '^, - \s s ^ Bacteriums atmosphcriques. Grossissement : 1000 diametres. de caoutchouc infectes par ce microbe, se charge jusqu'a 60" a ^o cc par litre de gaz hydrogene sulfure. A 1'exemple de toute fermentation liee an developpement d'un organisme vivant, cette production de gaz est sujette a des variations, tenant sur- tout a 1'apparition d'un microbe etranger, qui gene le deve- loppement du ferment; de plus, elle cesse quand la quantite d'acide sufhydrique produit devient toxique pour le bacterium ; enfin la chaleur 1'arrete el la previent. Sommes-nous en presence (') P. MIQUEL, Bulletin de la Societe chimique de Paris, t. XXXII, p. 127. BACTfiRIUMS ATMOSPHfiRIQUES. IO5 d'un ferment specifique? Je ne le crois pas : les schizophytes capables de fournir de 1'hydrogene naissant doivent egalement posseder la faculte d'hydrogener le soufre ; mais, comme dans beaucoup de fermentations, communes a plusieurs especes, il en est habituellement une qui a la propriete de faire fermenter les substances plus fortement que les autres, j'estime que le bacte- rium cite occupe ici un des premiers rangs, par la raison qu'il pent, mieux que beaucoup d'autres microbes, vivre et prosperer plus long temps dans un milieu charge de gaz sulfhydrique. Je citerai a ce sujet une experience fort curieuse, que j'ai longtemps montree aux visiteurs de mon laboratoire : dans un ballon d'eau bouillie de 5 1U de capacite, j'introduisais 5 gr a 6 r d'uree artificielle, de la liqueur de Cohn, des spirales de papier plonge dans du soufre fondu, plus deux ferments : \emicrococcus urea? etle bacterium sulfhvdrogene ; an bout de quelques jours je pouvaisretirer du vase 3 8r a 4 r de sulfhydrate d'ammoniaque SH,AzH 4 . La solution de ce sel incolore virait a vue d'reil an jaune fonce, quand on y dirigeait un courant d'air. Apres plu- sieurs experiences repetees avec les memes rubans soufres, on pouvait voir le papier mis a nu sous 1'action rongeante de 1'hy- drogene naissant combine a ce metalloide ; j'insisterais moins sur ce fait, s'il ne paraissait pas realiser, dans le laboratoire, le phenomene si frequemment observe dans les cabinets et les fosses d'aisances ma) tenues. Les hygienistes me sauront assu- rement gre de leur signaler en passant les deux principau-x mi- crobes qui, en combinantleurs actions, produisent abondammenl ce sulfhydrate d'ammoniaque, dont 1'odenr infecte souvent les appartements insalubres, et meme parfois ceux qui n'ont pas cette reputation. Le bacterium represente au n 4 de la fig. 41 (p. io4) est un microbe d'une extreme petitesse; il faut accoutumer longtemps Fo3il a la lumiere du microscope pour le voir se detacher en brillant ou en noir sur le champ rendu sombre ou lumineux; on le trouve assez frequemment en voie de developpement dans la glu secrelee par plusieurs micrococcus. Schroeter a decrit un grand iiombre de bacteriums chromo- IO6 CHAPITRE IV. genes, le bacterium xanthinum vivant dans le lait de vache altere, le bacterium syncyanum observe dans le lait aigri, le bacterium ceruginosum dans le pus bleu verdatre, qui ne sont peut-etre qu'un seul et meme iridividu colorant differemment les liqueurs suivant leur etat particulier d'alcalinite, de neutra- lite ou d'acidite. Parmi les bacteries atmospheriques, il en est une, la bacterie commune, deja figuree a la page 102, qui com- munique aux liquides ou elle s'est puissamment developpee une fluorescence verdatre tresremarquable. Dans une these recente, M. Gessard soutient, contrairement a Schroater, quel'agent pro- ducteur de la pyocynamine est unmicrococcus qu'il a pu cultiver dans la salive humaine, 1'urine et plusieurs autres infusions. Je ne vois pas pourquoi deux organismes, fort voisins d'aillelirs, n'auraient pas la meme faculte, quand on voit certaines moi- sissures, cultivees a 1'etat de purete dans le serum du sang inco- lore ; lui commuiiiquer une couleur indigo de la plus belle nuance, et dans d' autres cas une couleur sang de bceuf. Les bacteriums pathologiques sont naturellement fort nom- breux : Coze et Feltz en ont decrit plusieurs ; un seul semble devoir jusqu'ici at tirerl' attention : ce serai t un bacterium vulgaire entrevu par M. Pasteur dans les eaux potables de Paris, et qui aurait pour mission d'engendrer les abces metastatiques de 1'in- fection purulente, quand on 1'injecte dans les veines jugulaires des animaux. Le role pyogenique de ce microbe demande encore, pour etre bien demontre, un ensemble d'experiences qui ne tar- deront pas, il faut 1'esperer, a etre publiees. Si la distinction d'unmicrococcus et d'un bacterium presente souvent de tres grandes difficultes, la differencial on d'un bac- terium d'avec un bacille est encore plus malaisee : un bacterium a articles un pen longs ressemble tout a fait a un bacille a articles courts. Mon premier soin dans ce cas est de rechercher si Fespece en batonnets fournit de ces spores brillantes, si fre- quemment observees chez les bacilles ; d'apres les remarques faites jusqu'a ce jour, les bacteriums n'en produiraient pas. En second lieu, on peut soumettre le microbe a une temperature de 60; s'il meurt, et se montre incapable de se rajeunir dans BACILLES ATMOSPHERIQUES. 1 07 une infusion semblable a celle ou il est rie, tout doit faire pre- sumer qu'on se trouve en presence d'un bacterium. En depit de ces indications, 1'observateur se trouvera souvent dans le plus grand em b arras. III. -- Des bacilles. Les bacilles (bacilli), desmobacteries (Gohn), baQteridies, (Davaine), leptothrix (Kutzing et Ch. Robin), vibrions (Ehrenberg et Pasteur), sont formes de cellules disposees en filaments rigides de longueur indeterminee, mobiles ou immo- biles, et d'une largeur variant dey^ a j^ety^de millimetre; les filaments mous ondulants du genre vibrio seront decrits dans un autre paragraphe avec les microbes spirales. Dans sa derniere classification, M. le professeur Gohn, de Breslau, reserve le nom de bacillus a un genre special de cel- lules cylindriques incolores, en filaments minces et courts, et rapporte a d'autres genres les leptothrix, les beggiatoa, que plusieurs auteurs et lui-meme ont confondus precedemment dans la tribu des desmobacteries. Toutenreconnaissantle bien-fonde de cette nouvelle classification, dans laquelle ce celebre micro- botaniste s'est efforce de rattacher les algues bacteriennes aux oscillariees, je comprendrai cependant ici sous le nom general de bacilles tous les schizophytes en filaments depourvus de chlo- rophylle, y compris les leptothrix et les cladothrix (Gohn), si voisins des bacilles par leurs affinites, la forme de leurs spores, leurs mceurs et leur habitat, dans le but de passer rapidement en revue les bacteriens repandus communement dans 1'atmo- sphere et d'eviter an lecteur la peine de faire connaissance avec des especfes microscopiques qu'il ne rencontrera vraisemblable- ment pas de sa vie parmi les poussieres de 1'air. . Les bacilles atmospheriques peuvent etre gros, moyens ou greles ; leur largeur atteint parfois j^ a j^ de millimetre et descend souvent au-dessous de -p^ ^ e millimetre } ils peuvent etre tres longs ou tres courts, mobiles ou immobiles, fails d ar- I08 CHAPITRE IV. tides parfaitement rectilignes, ou apparaitre en filaments recourbes en tons sens, roules en helice (voirj^^. 4 2 > P- 112). Tous les bacilles aerobics paraissent posseder la faculte d'ac- querir des dimensions longitudinales demestirees ; Tune des conditions qui semblent favoriser le plus cet allongement ex- cessif parait etre 1'immobilite. Si Foxygene a un librc acces dans une culture, le bacille la trouble uniformement, s'y montre tres agile, relativement court, le phenomene de scissiparite s'accomplissant sans gene; mais, si Foxygene arrive penible- ment a la surface de la liqueur, cette derniere est vite saturee d'a- cide carbonique, et les bacilles, presses les uns contre les autres, viennent respirer Fair a la partie superieure de 1'infusion; la, ils continuent a croitre sans se mouvoir, forment un lacis impenetrable de filaments qui, a leur tour, se sectionnent et se resorbent en fructifiant. Toute 1'existence d'un bacille ne con- siste pas a naitre d'une graine, a devenir article adulte et a fruc- tifier; ces etres, places dans des conditions de vie convenable, ont une periode active caracterisee par la multiplication du ba- tonnet adulte par scissiparite. La periode de fructification peut etre prematuree, elle Test meme presque toujours, quand on neglige d'enlever les produits de combustion ou de fournir au bacille des elements nutritifs suffisants. On peut done expe- rimentalement provoquer la formation des spores des bacilles, en les privant d'oxygene ou en determinant la mort lente des articles adultes par les antiseptiques, mais non evidemment en les tuant brusquement, car alors tout phenomene de vie cesse, et les spores ne sauraient se former. Le meilleur moyen de se procurer rapidement des spores de bacilles me parait consister a abandonner, dans des vases scelles renfermant un pen d'air, une infusion nutritive chargee de microbes filamenteux. Tous les organismes bacillaires ont-ils la faculte de donner naissance a ces graines refringentes si bien connues de tous les micrographes? Je ne le crois pas. Souvent on voit plusieurs especes d'organismes en filaments s'amoindrir, s'etrangler et se pulveriser en granulations possedant 1'aspect des vieux micro- coccus reunis en tas de forme et de grosseur irregulieres ; dans BACILLES ATMOSPHERIQUES. log ce cas, le diagnostic de 1'espece me parait entoure de grandes difficultes et ce que je pourrais ajouter plus has ne sera pas de nature a eclairer ce sujet obscur. Les bacilles vulgaires possedent certainement deux modes de reproduction : la reproduction par scissiparite, connue depuis longtemps des microbotanistes, et la reproduction par grainesou spores nees dans Finterieur des filaments. La decouverte de ce genre d'ovulation par noyaux interieurs est due a M. Pasteur; depuis, MM. Cohn, Van Tiegliem, Koch et tous les micrographes ont parfaitement reconnu 1'existence des spores brillantes chez la plupart des bacilles. M. Van Tieghem a decrit avec tant de verite les phases successives de developpement de ces etres que je ne resiste pas au desir de reproduire textuellement ses paroles : Le developpement d'un bacillus, dit ce savant, comprend quatre periodes successives. Dans la premiere, le corps cylindrique et grele, recemment issu d'une spore, s'allonge rapidement et se cloisonne, les articles se separant bientot (B. subtilis] on de- meurant unis en longs filaments (B. anthracis) : c'est la phase d'accroissement et de multiplication, deux choses qui au fond n'en font qu'une. Dans la seconde, les articles precedemment formes, ayant cesse de s'allonger et de se cloisonner, grossissent sensiblement en devenant le siege de transformations chimiques interieures, et ce grossissement s'opere, suivant les cas, de trois manieres differentes, avec des formes intermediaires : tantot il a lieu uniformement dans toute la longueur de 1'article , qui demeure cylindrique; tantot il se localise, soit a Tune des extre- mites de Particle qui se renfle en fuseau : c'est la phase de gros- sissement on de nutrition solitaire et simultanee, qui prepare 1'elat suivant. Dans la troisieme periode, ou phase reproductrice, il se forme, dans chaque article ainsi nourri, une spore sphe- rique ou ovoi'de, homogene, tres refringente, a contour sombre : en meme temps le protoplasma qui occupe le reste de la cavite se resorbe pen a pen et y est remplacepar un liquide hyalin qui separe la spore de la membrane ; celle-ci se dissout a son tour, et. fmalement, la spore est mise en liberte. Si 1'article est renfle en tetard, c'est dans le renflement terminal que la spore HO CHAPITRE IV. prend naissance ; s'il est en fuseau, c'est vers son milieu ; s'il est cylindrique, ce peut etre en un point quelconque, mais le plus souvent c'est vers une extremite. La spore, mise en liberte, germe dans des conditions favorables ; en un point ou son contour palit, elle pousse un petit tube un pen plus mince qu'elle-meme, qui s'allonge rapidement et se cloisonne. Gette quatrieme pe- riode du developpement, on phase germinative. nous ramene ainsi anotre point de depart ( * ). Les bacilles adultes sont, ai-je dit, prives ou non de mouve- ment; parmi cette classe d'organismes, la bacteridie charbon- neuse, decouverte par Davaine vers i85o et etudiee par MM. Pasteur, Chauveau, Joubert, Roux et Chamberland, est un type remarquable des bacilles immobiles ; le bacillus sub tills aerobic et le ferment butyrique anaerobic de M. Pasteur appar- tiennent au contraire a la classe des bacilles tres mobiles. La mobilite chez les bacilles s'accuse de maintes fagons : tantot le filament parcourt lentement en ligne droite le champ du mi- croscope, tantot ce mouvement s'accomplit avec la rapidite de 1'eclair, tres frequemment le bacille tourne sur lui-meme en emportant dans sa rotation un ou plusieurs articles ; plus sou- vent encore le bacille progresse en oscillant. II y a quelques annees, le hasard me rendit temoin d'un fait singulier, qui sem- blerait demontrer Fexistence d'un instinct rudimentaire chez ces algues inferieures. En un point d'une preparation se trou- vait une plaque desagregee de germes de bacilles; en dehors de cet ilot, j'apercus un bacille arque mesurant environ i5o ; ce microbe decrivait une circonference complete ayant approxi- mativement, pour centre et pour ravon, la circonference dont 1'article vivant du bacille representait plus du tiers. Arrive sur le tas de graines, le microbe fut arrete dans son mouvement circu- laire, rebondit au point de venir buter par son autre extre- mite contre 1'obstacle qui empietait maintenant dans le champ de ses evolutions. Dans ma pensee, le bacille etait arrete et j'allais abandonner 1'observation quand le filament courbe, mu (' ) \\\ TIKGHEM, Bull. Soc. Boi. de France, t. X\IV, p. 129. BACILLES ATMOSPHERIQUES. Ill par un mouvement de va-eNvienl, se mil a attaquer de droite a gauche et d\m seul cote le tas de spores; bientot il eut fait une breche, puis un canal circulaire en cul-de-sac, puis enfin un canal complet dans lequel il passa frenetiquement a plusieurs reprises, pour aller un peu plus loin se reposer de ses efforts laborieux. L'adresse queniontra ce bacille a se degager du cercle vicieux dans lequel je le croyais enfermc me laissa dans le plus grand etonnement : c'etait alors par pur acharnement que cette bacterie avail entrepris et mene a bonne fin un travail de plusieurs minutes. II arrive sans doute assez frequemment que les bacilles se heurtent dans leur course, mais le plus souvent ils s'evitent, contrairement a ce qui s'observe chez les algues rigides navicu- laires et bacilliformes appelees diato/nees;les bacteriesparaissent clone posseder des mouvements instinctifs, dont la nature est encore aujourd'hui mal etudiee. Parmi les bacilles toujours presents dans une faible quantite de poussieres aeriennes, il s'en trouve au moins un de remar- quable par sa largeur, pouvant atteindre et meme depasser -j-^ de millimetre ; la jig. 4 2 represente en b cet organisme, et en a les phases successives de sondeveloppement. Sa spore, comme Fa dit M. Van Tieghem pour les bacilles en general, donne d'emblee un filament adulte. Parfois la germination des semences de ce gros bacille offre une particularite digne d'etre signalee; sa graine, tres re fringe nte, elliptique ou plutot cylindroi'de, mise dans un liquide tres nutritif (jus de viande), perd rapidement son eclat, se gonfle, devient parfaitement spherique et s'assom- brit de plus en plus ; le globule circulaire, de -~^ &w^ de milli- metre, netarde pasas'etranglerlegerement, puis profondement, et a se dedoubler en deux globules qui prennent alors, chacun separement, d'abord la forme d'ellipsoi'des, puis celle de baton- nets ; la scission des articles s'acheve plus tard, quand les deux filaments accoles ont acquis assez de force pour se separer apres de nombreux mouvements de flexion et de contreflexion exe- cutes au niveau de I'articulation. Sur 100 bacilles recoltes dans l'atmosphere, on rencontre environ 10 a 12 fois le gros bacille. Ses semences, communement elliptiques ou en batonnets fili- 12 CHAPITRE IV. formes brillants, peuvent prendre 1'aspect de bacteriums accou- ples deux a deux en forme de sablier, et constituer en un mot des germes doubles, dont la formation peut etre aisement suivie dans 1'interieur du bacille en voie de resorption. Fig. 42. Bacilles de Fatmosphere. Grossissement : 1000 diametres. La fig. 4*2 montre en c ^n organisme en filaments plus tHroits, longs etrigides, souvent remarquable parl'agilitc de ses mouvements. J'ai aussi recolte dans Fair quelques especes anae- robies de cette forme, presentant la plus grande analogic avee le bacillus cunylobacter de MM. Tr^cul et Van Tieghem. Les batonnets beaucoup plus courts figures en / sont, apres BAC1LLES ATMOSPHERIQIKS. Il3 les micrococcus et les bacteriums, les schizophytes, les plus abondamment repandus autour de nous; le sol est litteralement couvert de Jeurs germes, a ce point qu'il n'est pas possible de placer sur la terre ou sur un objet une lete d'epingle sans en recouvrirplusieurs. Ge bacillus vulgaire, habituellementpourvu de dimensions longitudinales fort restreintes, quand il vit dans les infusions vegetales pauvres en substances albuminoi'des, peut grossir et adopter, dans des milieux plus nutritifs, dans le bouillon de boeuf par exemple, la grosseur et les formes dessi- nees en d et h. A la fin de sa vie, il fournit des germes elliptiques brillants, qui peuvent subir longtemps sans perir la temperature de 1 00, ainsi qu'il resulte des travaux de MM. Brefeid et Gham- berland. J'ai meme pules soumettre, pendant deuxheures, a la temperature de io5, au sein d'une infusion de foin acide, sans arriver a les detruire. Rien n'egale la rapidite avec laquelle ses spores pull u lent : elles sont souvent si nombreuses dans Tinte- rieur des filaments qu'elles se touchent par leurs extremites pointues. Je ne serais pas etonne que les resultats divergents obtenus a plusieurs mois ou a une annee d'intervalle par cer- tains experimentateurs ne tinssent uniquement a 1'oubli ou au defaut de precaution de chauffer fortement, vers 180 a 200, les vases infestes auparavant par ce bacille ou des microbes a germes tres refractaires a Faction de 1'eau bouillante. Je dirai peu de chose de 1'organisme lineaire dessine en g (fig- 4 2 /- Gomme les precedents, il a dans 1'air des representants aerobics et anaerobies ; un organisme grele de la putrefaction el un ferment figure de 1'uree adoptent cette forme. A la fin de son existence, il disparait et se resoul en corpuscules punctiformes d'un examen difficile, qu'on doit considerer, selon toute proba- bilite, comme ses spores on ses semences. A cote des bacilles a filaments uniques, les poussieres de I' atmosphere se montrent habitees par des bacilles rameux : la jig. 43presente le dessin d'un microbe de ce genre. Le bouillon neutralise ou Ton seme ses graines ne se trouble pas, mais se remplit, au bout de trois ou quatre jours, d'une foule de gru- meaux blancs, discoides ou hemispheriques, pouvanl mesurer 8 H^ CIIAPITRE IV. 4 rain a 3 mm de diametre, et qui pourraient etre confondus an simple coup d'ceil avec les petites houppes des moisissures vul- gaires, si ces petites spheres, d'aspect dense et caseeux, avaient de la tendance a grossir beaucoup et a venir fructifier a la surface de la liqueur. Sous le microscope ces houppes serrees se mon- trent formees d'un noinbre considerable de filaments brouilles, enchevetres comme une poignee de cheveux inctiltes, tels enfm que \&Jig. 43 en donneenA, sous un grossissement de 3oo dia- Fig. 43. Bacille rameux. metres, un specimen invisible a 1'oeil nu. Ces petits tubes nry- celoi'des , non visiblement septes, larges a peine de ~^ a -j-^Yo de millimetre, jettent a droite et a gauche de leur par- cours des branches de longueurs indeterminees, pouvant se bi- furquer a leur tour, eta 1'extremite desquelles viennent se former voir en 6, 6), qui deviennent de moms en moins vi- sibles et finissent par disparaitre completement; ici pas de sporanges : on se trouve en presence d'un mode d'ovulation identique a celui des bacilles vulgaires. La temperature la plus favorable au developpement de cette espece parait comprise entre 20 et 3o ; vers 35 et 4o elle croit mal, devient tor- tueuse, rabougrie , se remplit rapidement de germes (voir a Tangle droit superieur de ^fig- 44) et se multiplie peniblement en donnant un depot leger qui se ramasse au fond du vase. Les bacilles recueillis au pare de Montsouris, introduits dans Il6 CHAPITRE IV. le sang 1 , le tissu cellulaire sous-cutane, le tissti musculaire des lapins et des cobayes, se montrent absolument inoffensifs ; mais, si ces especes, recueillies a 1'air exterieur, paraissentdepourvues de toute virulence, il n'en est pas de meme de quelques orga- nismes de cette forme recoltes dans les hopitaux. J'ai eu 1'occa- sion de trouver dans Fair des salles de chirurgie deM. le profes- seur Verneuil un petit bacille, grele, phlogogene, remarquable Fig. 44- Bacille rameux. Grossissement : 1000 cliametrcs. par la Constance des lesions qu'il produit. Six cobayes,, piques dans la peau de la region de la rate avec une lancette chargee d'une gouttelette de culture de ce microbe, presenterent tous, des le troisieme jour, a la region de 1'aisselle, une sorte d'adeno- phlegmon qui rendit ces animaux malades pendant liuit jours, puis ces phenomenes inflammatoires s'amenderent : les six co- bayes guerirent. II faut done se familiariser avec la pensee que BACILLES ATMOSPHfcRIQUES. 117 tousles microbes aeriens ne sont pas absolument innocents. Je ne saurais resumer ici, sans sortir de mon sujet, les belles decou- vertes de M. Pasteur sur les ferments des maladies du vin, des versasoie, sur les microbes du charbon, du cholera des poules, de la septicemie, et rappeler les travaux encore plus remarquables de ce savant sur 1'attenuation des virus figures, executes au labo- ratoire de 1'Ecoie Normale superieure avec le concours de jeunes savants eminents, MM. Roux et Chamberland; ces recherches, d'un immense avenir pour la Medecine et la Ghirurgie, ont ete publiees dans des Memoires originaux courts et substantiels qui demandent a etre lus et medites avec la plus grande attention; c'est a eux que je renvoie les personnes peu edifices sur 1'exis- tence des microbes pathologiques (). Tous les organismes filamenteux peuvent ne pas etre des bacilles, et toutes les cellules spheriques peuvent n'etre pas des micrococcus; le moment me semble venu de dire un mot de la mutabilite des especes bacteriennes; la theorie de la trans- formation des bacteries en moisissures ayant fait 1'objet d'une refutation de la part de MM. Pasteur et Nsegeli, il n'est pas utile d'y revenir. Une bacterie, comme tout organisme complet, nait d'un germe, devient adulte et meurt en laissant des graines capables de ( ' ) PASTECR et JOCBERT, Cliarbon et scepticemie (Comptes rendus des seances de V Academic des Sciences, t. LXXXI, p. 101). 1878. PASTEUR, JOUBERT et CIIAMBERLAND, La theorie des germes et ses appli- cations a la Medecine et a la Chirurgie (ibid., t. LXXXVI, p. 1878). 1880. PASTEUR, Cholera des poules (ibid., t. XG, p. 289, 962, 1080). 1880. PASTEUR, CHAMBERLAND et Roux, Etiologie du charbon (ibid., t. XCI, p. 86 et 455. 1880. PASTEUR et CHAMBERLAND, Non-recidive a. V affection charbonneuse (ibid., t. XCI, p. 53 1). 1880. PASTEUR, Attenuation du virus du cholera des poules (ibid., t. XCI, p. 6 7 3). 1881. PASTEUR, CHAMBERLAND, Roux et THUILLIER, Communications diverses sur le virus de la rage, le vaccin du charbon, sur les inoculations preven- tives (ibid., t. XCII, p. i5g, 209, ^29, 666, i25g, 1578). 1882. PASTEUR, Communication au Congres international d' hygiene et de demographic de Geneve (Revue scientifique, 1882). 1882. DUCLAUX, Ferments et maladies. G. Masson, Paris. I 1 8 CHAPITRE IV. la perpeluer. Pour caracteriser une espece bacterienne , il faut done connaitre'les phases variees que peuvent presenter sa germination, sa croissance, les aspects nombreux et anor- maux qu'elle est susceptible d'acquerir, les modifications mor- phologiques qu'elle peut subir sous Finfluence d'une nutrition riche on pauvre, de la temperature, des agents chimiques et physiques, etc. Tout cela n'a pas ete fait ; aussi une profonde obscurite regne-t-elle sur ce monde infiniment petit, avoisinant les confins des molecules determinables par nos instruments d'optique les plus puissaiits. Plusieurs auteurs, a la faveur de cette obscurite ou, plus exactement, victimes des illusions nom- breuses qu'il faut s'attendre a rencontrer dans 1'observation de ces etres separes de nos yeux par un voile a peine translucide, ont construit, sur 1'evolution de ces algues rudimentaires, de magnifiques theories que rien ne justifie et que combattent le peu de fails connus et acquis par la Science sur 1'histoire des schizomycetes. Jusqu'alapreuve du contraire, il est prudent de considerer les especes bacteriennes comme autant d'individua- lites propres, comparables aux plantes plus elevees dans le regne vegetal ; toute affirmation tendant a detruire cette analogic doit necessairement etre prouvee, c'est-a-dire appuyee sur des fails aises a mettre en evidence. Assurement ce ne sera pas trop d'exiger des partisans de la mutabilite des especes bacteriennes des indications precises sur les phenomenes precurseurs , les phases successives de ces dites transformations, sur les dispositifs a employer pour les suivre de 1'oeil etape par etape. Avec le secours de Fart photographique, il deviendra alors fa- cile de porter 1'evidence dans 1'esprit des plus incredules. Apres m'etre livre pendant cinq annees a la culture des bac- teries sur le porte-objet du microscope, je confesse, pour ma part, n'avoir rien vu qui puisse ebranler mes convictions sur rimmutabilite des espece's; j'ai cependant observe, dans le cours de ces sortes de recherches, quelques fails interessants qui me paraissent trouver ici leur place. D'abord, voici comment on peut cultiver des bacteries sous le microscope sans causes d'erreur venues de 1'exterieur : j'ai BAC1LLES ATMOSPHfiRIQUES. 1 19 adopte, pour y arriver, la. cellule humide, si simple et si inge- nieuse, de MM. Van Tieghem etLemonnier, qui se prete a toutes les exigences, quand on la perce lateralement d'une ouverture qu'on peut fermer et ouvrir a volonte avec une baguette de verre use a i'emeri. Dans la Jig. 45, representant la coupe de Fig. 45. ce dispositif, cette baguette, parallele a la lame de verre, doit, dans la pratique, s'y trouver placee perpendiculairement. Les chambres humides de MM. Van Tieghem et Lemonnier, garnies d'une lamelle soudee, par un mastic inalterable aux temperatures elevees, a la section superieure rodee et ouverte de 1'anneau , sont flambees, puis pourvues, par Touverture laterale, d'une ou plusieurs gouttes d'eau sterilisee, desti- nees a maintenir Fair de la cellule dans un etat de saturation absolue; alors, au moven d'une pipette a extremite capil- laire recourbee, on porte le liquide nutritif (serum sanguin , bouillon, urine, sues vegetaux, etc.) sterilise sur la-face interne inferieure de la lamelle, qu'on peuple, avec 1'aide d'un fildepla- tine legerement cintre a son extremite, des germes et des mi- crobes dont on desire surveiller 1'eclosion, le developpement, la multiplication, la fructification. Le bouchon de verre remis, le microscope est introduit dans une petite etuve maintenue vers 3o. Pour eviter la dessiccation de la goutte destinee a pro- duire 1'immersion, onl'additionne d'un peu de glycerine ou Ton emploie de 1'huile de cedre, quand on possede des objectifs 120 CHAPITRE IV. immergeant avec ces divers liquides ; les bons objectifs a sec, eclaires par la lumiere d'une lampe a petrole, peuvent suffire dans la majorite des cas ; cependant je donne la preference aux excellents objectifs n 7 a immersion, construits par M. Nachet, a Paris. Je n'entrerai pas dans de plus longs details sur une foule de precautions a prendre pour eviter les insucces : 1'eleve le moins intelligent pent vite passer maitre dans ce genre de culture, qui necessite uniquement une certaine adresse manuelle. G'est dans ces chambres humides qu'on peut semer, dans des milieux divers, les organismes douteux dont le classement em- barrasse. Presque toujours 1'espece se manifeste alors sous un aspect qui la fait reconnaitre, les deformations qu'elle presente etant d'habitude sous la dependance de conditions anormales de culture. Recemment, I'un de mes aides, M. Besancon, charge, a I'Observatoire de Montsouris, du labeur minutieux d'examiner systematiquementtoutes les conserves altereespar les poussieres de 1'air, vint me signaler un organisme tres mobile (vo\rfig. 46), Bacille micrococcoforme. Grossisscmcnt : 1000 diametres. eclos dans une conserve de bouillon de bceuf sale a 6 pour 100. 11 possedait 1'aspect des micrococcus, ne moD trait aucun germe brillant. Je pensais neanmoins avoir affaire a un bacille; effecti- vement, seme dans du bouillon de bceuf ordinaire, il reprit sous mes yeux la forme filamenteuse et donna des spores. Ainsi, voila Texemple d'un etre qui, ordinairement forme de longs articles mobiles, pent, sous 1'influence du sel commun, perdre totalement sa forme primitive, devenir meconnaissable a Tceil le plus exerce, mais conserver intact le pouvoir de se mouvoir. Si BACILLES ATMOSPHERIQUES. 121 ce bacille cut ete immobile, certainement je 1'aurais pris pour un micrococcus en chapelets. Est-ce la un fait de transformisme? Evidemment non : c'est un simple exemple d'accommodation d'une espece a un milieu donne. Je pourrais en citer bien d'autres, mais je prefere insister un peu plus longuement sur la faculte que possedent quelques micrococcus de franchir les limiies as- signees par les classifications allemandes aux organismes de la tribu des glaeogenes, dont les micrococcus vulgaires sont les genres microscopiques les mieux etudies. II est en efFet digne de remarque de voir des glceogenes devenir momentanement nematogejies, et des nematogenes passer transitoirement a I'etat de glceogenes. II n'entre pas dans ma pensee de critiquer les travaux de M. Cohn, de Breslau : il serait, je crois, difficile (Tapporter plus de soin a 1'edification de 1'ceuvre delicate qui 1'a si longtemps preoccupe; mais je desire avertir 1'observa- leur novice des nombreux Pencils qu'il trouvera semes sur sa route. Dans la classification de M. Cohn, il pourra lire : Cellules reunies en families glaireuses amorphes a I'etat de repos : a. Membrane cellulaire confondue avec la substance intra-cellu- laire. i Cellules exemptes de phycochrome, tres petites. Cellules spheriques Micrococcus. Cellules cylindriques .... Bacterium. 2 Cellules a phycochrome, plus grandes, etc Ces caracteres se rapportent elTectivement a la majorite des microcoques; cependant il aura frequemment devant les yeux des micrococcus, dont les cellules seront filamenteuses, au lieu d'etre spheriqiies, grosses et non petites; il est a presumer que, dans ce cas particulier, la classification de M. le professeur Cohn ne 1'aura pas suffisamment premuni contre les difficultes pratiques de la determination des micrococcus. II exisle dans Fair un micrococcus dont 1'etude m'a vivement intrigue, precise- ment a cause des transformations curieuses qu'il pent subir dans le cours de son existence : d'abord, comme la plupart des 122 CHAPITRE IV. micrococcus , il se multiplie par scissiparite du globule qui forme son article adulte ; mais, dans des conditions favorables de temperature et d'aeration, il quitte ce mode de generation pour en adopter un second. Un globule de ce micrococcus germe a Fig. 4 7 . i) Micrococcus bacilliforme. A, plante adulte; B, examples de cellules hypertrophiees ; C, chaine a maturite; D, chapelet detruit. Grossissement : 1000 diametres. lamaniere des spores des mucedinees et des bacilles, fournit un mycelium droit ou, ce qui est plus ordinaire, contourne entous sens. Ce tube mycelien, de i a i , 5 millieme de millimetre d'epais- BAC1LLES ATMOSPHERIQUES. 123 seur, presente dans son fxarcours de nombreux renflements et se termine ordinairement par une tete volumineuse. La^^. 4y montre en A, sous une amplification de i ooo diametres, ce myce- lium a 1'etatadulte, c'est-a-dire sous la forme d'unlong leptothrix muni de renflements ampullaires. Pour ne plus le perdre de vue et assister a ce qui va suivre, fixons une de ses anses les plus remarquables, representee en A (fig- 4$). Au bout de quelques Fig. 48- Phases successives de transformation du micrococcus bacilliforme. Grossissement : 2000 diametres. heures le tube contourne, non visiblement septe, se cloisonne de ^ en -^ de millimetre et presente 1'aspect qu'il a en B, puis ne tarde pas a se reduire en articles bien distincts, dont les angles s'arrondissent et dont la partie mediane s'etrangle de plus en plus, de facon a simuler une chaine a la \aucanson vue de champ. Ges articles, primitivement rectangulaires, se transforment chacun en deux globules quirestent accoles, quand le chapelet se detruit. Les renflements et les tetes globuleuses sont de meme envabis par la segmentation et passent a 1'etat de gros grains, dont le diametre peut atteindre la largeur des glo- bules du sang de I'homme. Ges grosses semences se retrouvent CHAPITRE IV. plus tard parmi lespetites cellules isolees et accouplees dont elles sont les sceurs monstrueuses ; je n'ai pu encore, a mon grand regret, provoquer leur germination ; elles sont toujours pourvues d'unprotoplasma diffus,sans granulations visibles, ce qui permet de les distinguerfacilement des cellules de levures, des conidies et des torules. Les phases de multiplication de cette espece peuvent etre etudiees a la surface des cultures ou Fair abonde, soit sur Line goutte d'urine, de bouillon ou encore sur la liqueur minerale dite de Gohn. Je n'ai pas besom de faire ressortir I'analogie saisissante qui parait exister ici entre ce mode de multiplication des micrococcus et celui des bacilles ; comme la spore d'un bacille, la graine du micrococcus s'allonge indefini- ment, puis se segmentetransversalementet se resout en articles. Ge fait, que j'avais public dans YAnnuaire de Montsouris pour Fan 1880, loin de venir en aide aux partisans de la mutabilite des especes, vient, au contraire, mettre en evidence les difficultes tres reelles qui entoureront la demonstration du transformisme des bacteries, jusqu'au jour ou la Science possedera les mono- graphies detaillees de ces algues inferieures. IV. Vibrions et microbes spirales. Le mot vibrion j cree parMuller ou parses contemporains, est employe aujourd'hui pour designer une classe d'organismes fila- menteux, mous, non rigides, progressant dans les infusions a la manieredes anguilles. M. Pasteur et ses eleves mesemblent per- sister a tort a comprendre sous cette denomination une foule de bacilles, ce qui pent porter un certain trouble dans I'esprit des personnes desireuses de se tenir an courant de leurs belles decouvertes, mais peu versees dans la synonymie des especes microscopiques. Rien ne ressemble moins an vibrion lactique que le vibrion septique ou le vibrion serpens : par consequent, la meme denomination ne saurait leur convenir. Les vibrions claviformes, a chainette, decouverts parM. Duclaux (* ) dans les (') JJucLAux, Annales agronomiques, t. VI, p. 161. VIBRIOS ET SPIRILLES. 125 diverses fermentations qui accompagnent la fabrication et la maturation des fromages, sont de simples bacilles ; le langage botanique nouveau finira, j'en suis persuade, par triompher de ces resistances, d'ailleurs bien inoffensives, des vieilles locu- tions. L'air, Teau de pluie, la vapeur d'eau condensee de Fatmo- sphere sont rarement pourvus de germes de vibrions ; les deux especes que j ? ai pu y rencontrer jusqu'a ce jour sont indi- quees par les lettres a et b dans la fig. 49. La premiere parait Fig- 4'J- Microbes atmospheriques. a, bj vibrions: c, d, bacteriums; /, g, h, micrococcus divers; i, torules varices. Grossissement : 1000 diametres. etre le vibrio serpens de Muller, la seconde, fusiforme, est sur- tout remarquable par 1'exiguite de ses dimensions longitudinales. Je ne partage pas Fopinion de plusieurs microbotanistes sur la rigidite habituelle de 1'espece vibrio; il suffit, en effet, d'aneantir la mobilite de ces microbes pour voir leurs filaments mous et llexibles se plier en tons sens et adopter une forme ondulee tres irreguliere, variant au gre des courants liquides de la preparation. 126 CHAPITRE IV. Les vibrions peuvent se mouvoir en serpentant ou en tournant en helice autour d'un axe longitudinal. II existe meme quelques bacilles tres longs, a la fois rigides etflexibles comme un ressort d'acier, capables d'onduler sinon avec la mollesse du vibrio serpens, du moins avec assez d'amplitude pour induire en erreur 1'observateur non prevenu : un examen attentif ne saurait dans cette occasion maintenir longtemps le micrograplie dans le doute. A cote des vibrions on a place un groupe de schizophytes appeles spirochcete et spirillum (Ehrenberg). Ges algues, formees de filaments non extensibles, contournees en helices, tres longues ou tres courtes, susceptibles dans le premier cas d'onduler comme les vibrions, ontl'aspect d'un ressort a boudin a spires breves ou serrees etnombreuses. Otto Obermeier a de- couvert en 1868 un etre de ce genre dans le sang des malades atteints de fievre recurrente ; Weigert, Cohn, Birsch-Hirschfeld et surtout Heidenreich ont confirme les observations d'Ober- meier. Si 1'on rencontre frequemment des spirilles au sein des macerations anatomiques, des liqtiides infestes par des vegetaux en putrefaction, il est difficile de prouver leur existence parmi les poussieres atmospheriques; pour ma part, je n'ai pu y en decouvrir, ce qui tient peut-etre aux soins pris a 1'Observatoire de Montsouris de recueillir separement un a un les germes aeriens ; quoi qu'il en soit, leur rarete est extreme : les sediments del'airn'en renferment pas un seul sur 5oooo a 60000 schizo- phytes recueillis. Apres ces quelques mots sur les bacteries atmospheriques, dont j'ai cherche a reproduire la physionomie et non a faire Fhistoire botanique, nous allons aborder, sans crainte de malen- tendu venu de ce cote, 1'etude des precedes propres a saisir, a cultiver eta compter leurs germes, repandus parmi les poussieres de 1'air libre et des habitations. Ge genre de recherches devant etre entoure de soins particuliers et constants, je me vois force- ment oblige d'insister sur des manipulations insignifiantes en apparence, mais de Fexecution rigoureuse desquelles depend souvent Fexactitude des faits observes. Je le reconnais a 1'avance, VIBRIONS ET SPIRILLES. 127 ce sujet est aride ; il necessitera, de la part du lecteur etranger auxchoses de la micrographie, une attention soutenue, qui sera, je 1'espere, recompensee par 1'acquisition de connaissances fort precises sur une partie nouvelle de la science des bacteries : je veux parler de I'application des recherches de micrographie aerienne a 1'hygiene generale des villes et des hopitaux. CHAPITRE V. I. Des precedes employes pour recolter les germes aeriens des bacteries. II. Des precautions dont il faut s'entourer pour obtenir des liqueurs parfaite- ment sterilisees par la chaleur. III. Des liquides nutritifs vulgairement employes : liqueurs dites minerales, infusions et bouillons divers. IV. De Pobtention, sans le secours de la~hatemrdes liqueurs animales et vegetales sterilisees. _. _ _ .. \ I. Des precedes employes pour recolter les germes aeriens des bacteries. J'ai deja dit que les aeroscopes, d'un usage fort commode pour fixer les poussieres de 1'atmosphere et rendre evidentes les semences cryptogamiques, les algues vertes, les spores des lichens toujours repandues en grand nombre dans i mc d'air, sont d'une faible utilite dans 1'etude des bacteries aeriennes, puisqu'en effet il est difficile de differencier nettementau micro- scope les corpuscules germes des schizomycetes des granulations inanimees d'origines diverses, melangees a des debris plus volu- mineux, sur la nature desquels on peut plus aisement se ren- seigner. Plusieurs auteurs, un peu trop confiants dans le pouvoir defi- nissant de leurs instruments d'optique, ont pense qu'il suffisait d'examiner aux appareils a immersion les moins puissants la vapeur condensee de Fatmosphere pour y distinguer sans peine des germes debacteriens. J'ai longtemps experimente cette me- thode d'observation tres fatigante et je suis arrive a cette con- clusion, qu'on ne saurait, dans la majorite des cas, se prononcer avec certitude sur la nature des fins corpuscules apercus dans Teau de rosee artificielle, corpuscules doues d'un mouvement brownien assez vif, presque toujours accompagne d'un second 9 l3o CHAPITRE V. mouvement de translation qui peut Jeur faire parcourir en pen de temps un ou deux champs du microscope. Les fragments legers et anguleux de charbon possedant de meme la faculte de sedeplacerparrapportaux corpuscules immobilesenvironnants, le parcours tortueux d'une granulation ne saurait etre 1'indice d'un mouvement spontane ; d'ailleurs, les germes des microbes ont 1'immobilite des poussieres inertes : done 1'eau de condensation obtenue depuis peu ne peut pas, contrairement a une opinion souvent emise, montrer des bacteries vivantes tres mobiles. La coloration en jaune, par 1'iode, des poussieres extreme- ment tenues de 1'eau de rosee decele, il est vrai, la nature or- ganique des corpuscules, mais la s'arrete le benefice qu'on pent retirer de 1'emploi de ce reactif. Pour demontrer une fois pour toutes combien sont dignes de peu de foi les affirmations des micrographes qui ont cru voir des pleiades de germes dans une goutte d'eau de rosee, je rapporterai une experience decisive, effectuee en 1879, pendant les fortes chaleurs de 1'ete. Quatre ballons de 3 ht de capacite recurent chacun i kg do glace cassee en gros morceaux, puis furent suspendus a o ln ,7o du sol au centre d'une pelouse du pare de Montsouris. Les ballons, essuyes avec plusieurs doubles de papier Joseph, furent ensuite flambes exterieurement a 1'eolipyle et, par surcroit de precau- tion, immerges pendant quelques secondes dans une colonne de feu produite par une eponge enflammee imbibee d'alcool. Un recipient prive de microbes fut alors place au-dessous de chaque ballon pour recueillir goutte a goutte lavapeur d'eau atmosphe- rique ruisselant sur la calotte refroidie des ballons. La glace mit en moyenne deux heures a fondre et le poids total de la rosee obtenue atteignit 84 8 S dont 6o gr furent introduits sans retard, par portions egales, dans soixante conserves sterili- sees de bouillon Liebig, d'urine neutralisee, de petit-lait, etc. ; onze de ces conserves perdirent leur limpidite, puis montre- rent des bacteries, et trois seulementdes mvceliums de moisis- sures ; les quarante-six conserves restantes, gardees a 1'etuve pendant six mois, ne s'altererent pas. J'admettrai, si 1'on veut. qu'avec des liqueurs plus sensibles aux semences de 1'air le chiffre BACTERIES DBS ROSEES ARTIFICIELLES. l3l des microbes trouves dans cette experience aurait pu se mon- trer cent fois plus eleve. Dans cette hypothese exageree, nous n'avons pas encore un germe de bacterie par goutte de liquide , or le micrographe adonne a 1'examen direct des rosees artifi- cielles place habituellement une fraction de goutte d'eau con- densee surla lamelle de la chambre humide employee a ceteffet; il ne doit done pas voir de germes, amoins d'etre favorise parle pur hasard. M. Schoenauer ( * ), qui s'est beaucoup occupe des etres vivants de 1'eau de condensation, a dessine dans la fig. 5a Corpuscules de 1'eau condensee de Tatmosphere, trouves en 1876, au pare de Montsouris, par M. Schoenauer. Grossissement : 1000 diametres. les principaux corpuscules qu'il lui a ete doniie d'apercevoir dans cette eau durant Fespace d'une annee, du mois de no- vembre iSjz an mois de decembre 1876. Les semences designees par les n os 4, 8, n, 10, 16, 17, 18, 19 paraissent appartenir (') Consulter I'Annuaire de Montsouris pour Pan 1877. ]32 CHAPITRE V. aux moisissures vulgaires; 1'origine des corpuscules surmontes par les n os i, 2, 3, 6, 7, 12, i3, i4 et 21 me parait bien dif- ficile a specifier; j'en excepterai peut-etre les cellules des n os 10, 12 et 1 4, qui ont 1'apparence de microcoques, le n 5 desi- gnant un groupe de fragments d'origine siliceuse, et le n 20 ou Ton voit represented une spiricule de nature vegetale. L'analyse de Feaii de pluie pent, dans quelques cas, donner d'titiles renseignements sur les microbes atmospheriques; mais son exameri direct au microscope presente les difficultes qui viennent d'etre signalees, a un degre un peu moindre cependant, les eaux de pluie etant generalement plus chargees de bacteries que les eaux de condensation. L'etude des microbes des eaux meteoriques par la methode des ensemencements me parait devoir conduire a des resultats dignes de fixer 1'attention, je ne dirai pas des meteorologistes, parfaitement incompetents en cette matiere, mais des medecins et des hygienistes. Pour recueillir 1'eau de pluie destinee aux analyses microsco- piques, on peut employer 1'instrument suivant (Jig- 5i), corn- Fig. 5i. Udomctre au 7 1 5 de grandeur. pose d'une tige de fer T horizon tale, solidement fixee a un poteau de bois plante en terre loin de tout massif d'arbres et de toute habitation ; cette tige recoit, des les premieres gouttes de pluie, un entonnoir en cuivre nickele ou argente porte, sur le lieu meme de 1'experience, avec 1'anneau qui le soutient, a une temperature elevee. Ati-dessous de cet entonnoir, on dispose MICROBES DE l/EAU DE PLDIE. 1 33 un creuset de platine P 7 , chauffe au rouge au prealable. La con- struction de cet udometre doit etre telle que, sans qu'il soit tou- che aux autres parties du systeme , le creuset puisse etre retire et remis avec la plus grande facilite, de facon a permettre de recolter la pluie au commencement , pendant et a la fin des averses. Un petit couvercle G sert a preserver le contenu du creuset des poussieres du laboratoire. L'eau de pluie recueillie dans ces conditions, ensemencee dans du bouillon Liebig de densite egale a 1,024, se montre chargee d'un chiffre de microbes cent fois superieur a celui que presente Feau de condensation, sous un meme volume. Ce chiffre est d'ailleurs fort variable, comme le demontrent les donnees numeriques suivantes ; Dosage des bacteries de I'eau de pluie ( moyennes mensuelles). Microbes trouTes Moi>. par centimetre cube Decembre 1880 16,4 Janvier 1881 6,3 Fevrier 12,4 Mars 9,8 Avril 11,0 Mai 32,5 Juiu ^3,o Moyenne generale 16,0 II y aurait, je le repete,un grand interet a poursuivre plus loin ce genre d'investigations ; malheureusement les quelques mil- liers d'ensemencements executes a cette intention dans mon laboratoire sont loin de permettre a un observateur conscien- cieux de baser des affirmations sur une statistique de fails aussi pauvre. Neanmoins je puis avancer que les premieres pluies d'orage sont les plus chargees en germes de bacteries, mais que, passe ce moment, il n'existe plus aucun rapport entre le nombre des microbes trouves et la duree de la pluie. Au bout de deux ou trois jours d'un temps humide et pluvieux, cette eau meteorique renferme souvent plus de bacteries qu'au 1 34 CHAPITRE V. debut de la periode pluvieuse. L'atmosphere etant alors d'une purete excessive (fait etabli simultanementpar la statistique des germes de 1'air), il semblerait que lesbacteries puissent vivre et se multiplier dansle sein des nuages, ou bien que ces images puis- sent se charger, dans leur course a travers 1'espace, d'un contin- gent de germes Ires variables. Cette constatation serait fort cu- rieuse ; j'espere avoir le loisir de la controler par des recherches ulterieures. Les poussieres bacteriennes de 1'eau de pluie n'ont pas, a beaucoup pres, la composition des poussieres scenes de 1'at- mosphere : les bacilles y dominent, les micrococcus y sont rela- tivement plus rares. De la nature des especes bacteriennes de I'eau de pluie. Micrococcus. Bacilles. Bacleriums. Totaux Eau de pluie 28 63 9 100 Air du pare de Montsouris. 7 3 19 8 100 En employant au rajeunissement des germes de I'eau de pluie des liqueurs autres que le bouillon Liebig, de densite egale a 1,024, on obtient une proportion plus forte de bacteriums ; mais le chiffre des bacilles reste toujours fort eleve, ce qui con- firme le fait que je viens d'avancer. II est bien entendu que les eaux de rosees artificielles et de pluie donnent des resultats tout autres, si on les abandonne longtemps a elles-memes. Alors les germes venus de Fatmo- sphere peuvent y eclore, donner des bacteries adultes et fausser les resultats de la statistique des germes. On evite surement cette cause d'erreur en ensemencant ces diverses eaux convena- blement agitees peu apres leur obtention. Le calcul des germes d'une eau laissee a elle-meme a la temperature de i5 a 20, effectue a une et meme deux heures d'intervalle, donne des resultats identiques ; ce qui demontre que les graines des schi- zophytes pullulent difficilement dans ces conditions. Gependant, pour plus de surete, il est prudent, pendant les fortes chaleurs DE LA RECOLTE DES BACTERIES. 1 35 de Fete, de recueillir 1'eairde pluie dans des ballons places au sein de melanges refrigerants ( t ). On pent encore recueillir les microbes de Fatmosphere en les dirigeant dans de Feau slerilisee au prealable, qu'on ensemence ensuite dans des conserves nutritives, a la facon des eauxmeteo- riques. Ce procede est susceptible d'acquerir une grande pre- cision, mais il est accompagne de nombreuses manipulations qui rendent bien preferable l'ensemencement direct des pous- sieres de Pair dans les liqueurs nutritives. G'est encore a M. Pasteur, dont le nom revient si souvent dans les questions quitouchent de pres a la micrographie atmospherique, qu'appar- tient un procede fort simple d'amener les bacteries des pous- sieres exterieures au contact de liqueurs nutritives sterilisees. Ce procede, fort delicat, devient quelquefois dangereux entre des mains inexperimentees, en ce sens qu'il pent, comme on le verra, fournir des resultats contraires a la realite des fails. Voici d'abord, d'apres M. Pasteur ( 2 ), la facon de recolter les mi- crobes de Fair : Dans une serie de ballons de 2oo cc de capacite, j'intro- duis la meme liqueur putrescible : de 1'eau albumineuse, de Furine, etc., de maniere qu'elle occupe le tiers environ du volume total (fig. 02). J'effile les cols a la lampe d'e'mailleur, puis je fais bouillir la liqueur et je ferme Fextremite effilee pendant Febullition. Le vide se trouve fait dans les ballons ; alors je brise leur pointe dans tin lieu determine ; Fair ordinaire s'y (') Je viens de recevoir de mon respectable ami, le D r Maddox, un Memoire bien interessant sur les bacteries de la glace, de la grele, etc., accompagne de magnifiques microphotographies. Ne pouvant analyser ici ce travail si con- sciencieusement fait, j'engage le lecteur a le lire dans le Journal of the royal microscopical Society, mai 1882. A ce propos, je dois ajouter que ce savant infatigable est peut-tre le pre- mier qui ait obtenu des photographies de microbes; des 1'annee 1870, il pre- senta a la Societe microscopique de Londres des epreuves fort bien faites de poussieres atmospheriques. Je crois de mon devoir de faire valoir, en cette occasion, son droit de priorite. ( s ) PASTEUR, Comptes rendus des seances de I' Academic des Sciences, t. LI, p. 349; 1860. 1 36 CHAPITRE V. precipite avec violence, entrainant avec lui toutes lespoussieres qu'il tient en suspension et tons les principes connus on inconnus qui lui son t associes. Je referme alors immediatement les ballons par un trait de flamme et je les transporte dans une etuve entre 2D et 3o, c'est-a-dire dans les meilleures condi- tions de temperature pour le developpement des animalcules et des semences. Fig. 52. Ballon scelle. Le plus souvent, en tres peu de jours, la liqueur s'altere, el Ton voit nailre dans les ballons, bien qu'ils soient places dans des conditions identiques, les etres les plus varies, beaucoup plus varies meme, surtout en ce qui regarde les mucedinees et les torulacees, que si les liqueurs avaient etc exposees a 1'air ordinaire. Mais, d'autre part, il arrive frequemment, plusieurs fois dans chaque serie d'essais, que la liqueur reste absolument intacte, quelle que soit la duree de son exposition a 1'etuve, comme si elle avait recu de 1'air calcine. Ge mode d'experimentatiori me parait aussi simple qu'irre- prochable pour demontrer que 1'air ambiant n'offre pas, a beau- coup pres, avec continuite la cause des generations dites spon- tanees II n'existe peut-etre pas dans la Science de methode experi- mentale qui ait cause plus d'illusions et fait plus de victimes. DE LA RECOLTE DBS BACTERIES. 187 Pouchet, Joly, Mussel, Tyndall, Yung et bien d'autres auteurs ont appris, au detriment de leurs recherches, ce que ce precede, si simple en apparence, dissimule de pieges dresses aux depens de la verite. II a fallu a M. Pasteur une habilete experimentale peu commune, pour echapper lui-meme aux causes d'erreur qui sont la consequence inevitable de la fermeture des ballons pendant 1'ebullition sous la pression normale. Le precede des ballons scelles en pleine ebullition, qui permet en eflfet, comme le dit M. Pasteur, de demontrer 1'infertilite d'un poids fort minime de poussieres atmospheriques ou la non-con- tinuite dans Fair ambiant des causes des generations spontanees, est loin de realiser dans la pratique tous les desiderata de ['analyse systematique des bacteries aeriennes; plusieurs objec- tions peuvent lui etre faites. D'abord ce precede exige la presence de 1'experimentateur au lieu meme ou se fait la prise de Fair, ce qui peut alterer la since- rite des resultats obtenus ; de plus, les germes des bacteries etant tres inegalement distribues dans I'atmosphere, suivant les lieux et les saisons, les laboratoires d'analyses devraient etre encombres de ballons de toute grandeur, depuis les capacites les plus faibles jusqu'aux capacites les plus elevees. Avec ce mode d'ex- perimentation, il est en outre difficile de connaitre aisement le volume d'air introduit au moment de la rupture de la pointe capillaire scellee. Je sais bien que Ton peut calculer le volume d'un vase de forme irreguliere en pesant le poids du mercure qu'il peut contenir, puis, ce volume connu, en deduire le volume non occupe par 1'infusion, c'est-a-dire occupe par le vide. Gela n'est pas assurement impraticable, mais cela n'a pas ete pratique ; pour operer rigoureusement, il faudrait egalement tenir compte de la diminution du volume de 1'infusion soumise a Tebullition et de la quantite d'air non chassee par la vapeur ou rentree au moment de la fermeture hermetique du ballon au trait de flamme. Mais voici qui estbeaucoup plus grave ; le ballon scelle, vide d'air par 1'ebullition de 1'infusion, renferme-t-il un liquide sterilise? Je ne fais pas ici allusion aux germes meurtris qui n'auront jamais le pouvoir de revivre dans le milieu chauffe, I 38 CHAPITRE V. si une modification ne vient en exalter le pouvoir nutritif, mais a ces germes parfaitement indemnes qui demandent seulement un pen d'oxygene pour entrer en activite. Si le vide est bien fait, il est bien difficile de le savoir. Les experiences entreprises dans ces conditions manquent done d'un controle efficace; elles peuvent, comme la Science en montre des exemples celebres, conduire aux affirmations les plus erronees. Toutefois, en pre- nant la precaution de maintenir a 1 1 o, pendant quelques heures, ces ballons scelles en pleine ebullition, on arrive a les purger de germes. II me parait cependant preferable d'acquerir la certitude de la sterilite des liqueurs, en les placant, avant tout ensemen- cement de poussiere, dans les conditions ou elles seront expo- sees plus tard apres leur mise en experience. Dans ce but, j'ai imagine un petit instrument, dont j'ai donne la description pour la premiere fois a la Societe chimique de Paris (*) etauquel j'ai fait subirles changements que la pratique journaliere des ensemencements m'a fait juger utiles. Comme on le voit (fig. 53), cet appareil est forme d'une boule de 5o cc de capacite, soufflee dans 1'axe d'un tube de verre dont Textre- mite inferieure est recourbee en S et la branche superieure laissee rectiligne ou un peu cintree, puis etranglee legerement. Au-dessus et au-dessous de ce retrecissement sont places deux tampons d'amiante ou de coton de verre. L'appareil, purge de microbes, est charge de 2O CC environ d'une liqueur putrescible sterilisee,et enfin abandonne un mois a Fetuve. Si rien n'est venu alterer sa limpidite, si aucun depot n'est venu se rassembler aufond du vase, on le met en experience de la facon suivante. Le petit ballon, rapidement flambe, est fixe au-dessus du sol au moyen d'une pince en fer, de facon que la branche cd fasse en- viron un angle de 20 avec 1'horizon et que la pointe a regarde en haut. A 1'extremite libre / de 1'appareil, on adapte un tube de caoutchouc communi quant avec une trompe ou un appareil aspirateur quelconque. La pointe a chauffee est alors brisee avec une pince brulante ; 1'experimentateur se retire a la distance (') Bulletin de la Societe chimique de Paris, 1878, t. XXIX, p. 897. DE LA RECOLTE DES BACTERIES. l3g de io m a 2O m , et onvre le robinet qui fait fonctionner 1'aspira- teur. La quantite d'air dirigee a Iravers le ballon unefoispassee, le robinet estferme, puis 1'experimentateur se dirige vers 1'ap- pareil, scelle la pointe , mouille la bourre c et projette cette bourre dans I'infusion en soufflant brusquement par 1'extre- mite ouverte /. Enfin, en inclinant 1'instrument la pointe scellee en bas, il chasse par une serie de petites secousses tout Fair de la branche en S qui se remplit de liquide jusqu'a Fig. 53. Tube a boule au f de grandeur. 1'extremite de la pointe capillaire. Pas un germe n'echappe a I'infusion, a 1'exception cependant de ceux qui ont pu s'arreter a 1'extremite de la pointe a fondue a la fin de 1'experience. Ces manipulations extremement simples une fois terminees, le petit ballon est place a 1'etuve ; son contenu s'altere oune s'altere pas, suivant que la quantite d'air aspire est ou non chargee de microbes rajeunissables dans I'infusion. Le defaut de stabilite que parait presenter cet instrument est compense par le grand avantage qu'il a de rendre visibles les depots de micrococcus les plus faibles ; ces depots, tendant, en effet, a gagner naturellement le fond du vase, s'accumulent sou vent en totalite dans la CHAPITRE V. branche recourbee ou il est aise de les recueillir pour les exa- miner, quand ils sont en tres faible quantite"} il suffit pour cela d'enlever cette branche d'un trait de lime. Chaque appareil de verre sert en moyenne sixfois avant d'etre hors d'usage, ce qui porte son prix de revient a o tr , 07 par experience, y compris le bris accidentel ou volontaire d'au moins 5 pour 100 des tubes a boules (' ). II. Des precautions dont il faut s'entourer pour obtenir des liqueurs parfaitement sterilisees par la chaleur. Autrefois, on pensait qu'une ebullition de quelques minutes, operee a 100, sufiisait a detruire tous les germes vivants d'une infusion, et c'est sur la foi de cette croyance que les heteroge- nistes Needham, Mantegazza et Pouchet ont pu longtemps sou- (') Au prix brut de la verrerie viennent evidemment se joindre les frais nombreux necessites par la preparation des conserves sterilisees ; voici, d'apres mes comptes de laboratoire, le prix de revient de 18000 tubes a boule mis en ceuvre a 1'Observatoire de Montsouris pendant 1'annee 1882. i Achat de S^oo tubes a boule a o fr , 4 piece i28o fr Main-d'ceuvre (appropriation des appareils neufs et de ceux qui ont deja servi. Sterilisation ) . goo Colon de verre 1 80 2 36o ut de bouillon de bosuf, soil go k & de viande a 3 fr le kilogramme. 270 Main-d'oeuvre (fabrication, neutralisation, filtration du bouil- lon) ...-. 320 3 600 ballons a sterilisation de 75o cc a o |r , 45 piece 270 Main-d'oeuvre (effilage, emplissage, sterilisation de ces ballons scelles) 38o 4 Remplissage de 18000 tubes a boule 45u i6oo mc de gaz a o fr , 10 le metre cube . 2^0 Usure du materiel 1 20 Total 43io (> Avant sa mise en experience, chaque conserve sterilisce pourvue de 2o cc dc bouillon de breuf revient done environ a o fr , 24. Les frais des manipulations qui doivent preceder les statistiques sur les germes de 1'air tiennent, comme on peut 1'apprecier, une large place dans le prix de ce devis, dresse en perte pour 1'en- trepreneur qui voudrait se charger de 1'executer ponctuellcment. DE LA STERILISATION DBS LIQUEURS. 1^1 tenir leurs theories ave un semblant de preuves, mais il ne put echapper a M. Pasteur que cette supposition etait gratuite et contraire aux fails les plus vulgaires. J'ai reconnu, a dit ce savant, dans un Memoire datant de plus de vingt ans (' ), qu'il etait facile de communiquer a 1'eau albumineuse la propriete que possede le lait de donner des infusoires en presence de 1'air, prealablement chauffee au rouge et apres une ebullition de 100 : il suffit d'ajouter un pen de craie a la liqueur. Au bout de quelques jours, elle se trouble et se trouve remplie d'infusoires ; C alteration est tout a fait nulle si 1' ebullition a etc faite a 110. M. Pasteur a done etabli qu'une ebullition de quelque duree sous la pression baro- metrique norm ale n'enleve pas a certains germes leur fecondite, lorsqu'on les chauffe dans des liqueurs neutres ou legerement alcalines, telles que le lait, 1'eau de levure et 1'urine neutralisee. Le professeur Gohn, de Breslau ( 2 ), et le D r W. Roberts ( 3 ) ont reconnu 1' exactitude parfaite de ces affirmations et ont pu entre- tenir a 1'ebullition, pendant plusieurs heures, des infusions de foin, sans parvenir a detruire les semences des microbes qu'elles conservent toujours, meme quand on les jette sur plusieurs doubles de papierafiltre.MM. Brefeld ( 4 ) et Chamberland ( 5 ) ont egalement vu les germes de plusieurs bacilles resister dans 1'eau distillee a la temperature de 100 soutenue pendant plusieurs heures. Aussi la plupart des savants acceptent-ils, comme une verite parfaitement demontree, cette faculte curieuse, sinon extraordinaire, que possedent certaines spores de survivre a des chaleurs humides falales a tous les etres vivants. M. le profes- seur Tyndall ( 6 ) croit au contraire qu'une ebullition d'assez ( 1 ) PASTEUR, Comptes rendus des seances de I' Academic des Sciences, t. L, p. 8^9; 1860. ( 2 ) COH.\, Belt, zur Biol. der Pflanzen. Band II, Heft. 2; 1876. (') RODERTS, Philosophical transactions, 187'). ( f ) BREKELD, Sitzungsberichte der Gesellschaft der Naturforsche zu Ber- lin, fevrier 1878. ( 6 ) CUAMBERLAND, Comptes rendus des seances de I' Academic des Sciences, t. IAXX, p. 65g, 1879. ( 6 ) TYNDALL, les Microbes, 1882. 1 42 CHAPITRE V. courte duree suffit pour detruire absolument tout germe de bac- teries, dans n'importe quel milieu, et attribue les insucces de ses contradicteurs et les siens propres au peu de precautions dont on use habituellement pour ecarter les germes venus de 1'exterieur. Je crois, dit-il, qu'a cet egard quelques-uns de nos plus celebres experimentateurs n'ont pas meme la notion du danger inherent a leurs methodes. Pour juger de I'obscurite qu'un esprit eminent peut introduire dans les questions les plus simples d'une science encore dans 1'enfance, il faut lire les Memoires de M. Tyndall, ecrits d'un style brillant et image, mais oil les contradictions se heurtent a chaque pas, ou les idees les plus justes coudoient les idees les plus fausses, ou enfin cet habile experimentateur cherche, sans y parvenir, a plier les fails a des idees preconcues; je dois, pour ne pas etre taxe de severite a l'egard d'un savant aussi renomme, donner quelques-unes de ses conclusions sur le sujet qui nous occupe. La divergence, dit M. Tyndall, des resultats obtenus et des efforts que je fis pour les mettre d'accord m'occupa trop longtemps pour pouvoir etre rapportee ici ; j'arrivai cependant a la conviction qu'avec un pen d'habitude cinq minutes d'ebullition devaient suffire, dans tons les cas, pour steriliser Furine neutralised; meme dans leur etat actuel (resultats absolument contradictoires}, les expe- riences sont suffisantes pour permettre de conclure que la vie ob- servee dans 1'urine n'est pas due a la generation spontanee (* ). Et plus loin, dans ce meme Memoire, devant les difficultes d'ol)- tenir des infusions de foin steriles par une ebullition de cinq a six heures, M. Tyndall ( 2 ) ajoute : II est evident, d'apres tout ceci, que parler d'une infusion comme etant sterilisee a une temperature donnee est une chose sans signification aucune ; car la temperature a laquelle un liquide quelconque est sterilise depend du caractere et de la condition des germes qu'il con- tient. Oui, en effet, telle parait etre la verite, et alors pour- quoi 1'urine, inilniment plus nutritive que les infusions de (') TYNDALL, les Microbes, 1882, p. 2 ( 2 ) Ibid., p. 35a. DE LA STERILISATION DBS LIQUEURS. 1^3 foin vieux on jeune, serak-elle exclue des liqueurs difficiles a steriliser a ioo? J'ai eu frequemment 1'occasion de verifier 1'extreme resistance des germes des bacilles a une temperature superieure a celle de 1'eau bouillante. Je me rappelle avoir trouve des spores d'orga- nismes filamenteux capables de resister sans perir dans des in- fusions de foin acide a Ja chaleur de io5 maintenue pendant deux heures. Le 27 fevrier 1878, six matras, ayant contenu precedemment des infusions de foin alterees par un bacillus, furent rinces et nettoyes (operation qui ne saurait les purger d'une infinite de germes, contrairement a 1'opinion de M. Tyndall qui pense qu'avec une habitude sufflsante cela puisse etre fait ), puis recurentune infusion de foin fraichement preparee, furent scelles et resterent plonges pendant deux heures dans un bain de sel bouillant a io5. Des le 3 mars, Teau de loin de ces six matras fourmillait de bacteries. Les matras, a leur sortie du bain, ayant etc places a Feluve sans etre ouverts, on ne peut echapper a cette conclusion que certaines semences de schizophytes sont capables de supporter sans perir, pendant cent vingt minutes, une chaleur humide de io5 sous une pression voisine de 2 atm . M. Tyndall ('), toujours dispose a trouver dans ses recherches de Micrographie des causes d'erreur la ou elles n'existent pas, condamne 1'emploi des ballons scelles en ces termes : Cette methode peut donner lieu a des doutes graves. L'air est emprisonne avec ses matieres en suspension dans des ballons scelles, de sorte que la chaleur n'a pas seulement a detruire les germes de Finfusion, mais aussi ceux repandus dans 1'atmo- sphere qui la surmonte. Or, il n'est pas du tout certain que le calorique suffisant pour detruire les matieres en supension dans un liquide agisse efficacement, lorsque les germes sont dilues dans un gaz ou une vapeur ; par consequent cette chance d'erreur existe a la fois dans les experiences de Spallanzani de Needham, de Wyman, de Roberts et dans les miennes propres rapportees (') J. TY.NDALL, les Microbes, 1882, p. 2o5. 1 44 CHAPITRE V. ci-dessus, qui peat empecher de connaitre la limite exacte de resistance des infusions. En resume, de telles operations ne sont pas susceptibles de nous indiquer avec certitude la tempera- ture a laquelle une solution est sterilisee, parce que les germes qui opposent la resistance a la sterilisation peuvent ne point ap- partenir a 1'infusion, mais a Fair ambiant. Comment! M. Tyndall, 1'inventeur des chambres a air opti- quement pur, laisse dans un bain a 100, pendant six heures, des infusions dans des vases hermetiqueinent scelles, dont le volume de Fair emprisonne atteint a peine so cc a 3o c % et nous dit ensuite que les germes flottent dans Fatmosphere qui surmonte 1'infusioii comme les poussieres charriees par le vent a travers 1'espace! Mais cela n'est pas admissible. D'ail- leurs, les craintes manifestoes en cette occasion par M. le pro- fesseur Tyndall s'evanouiront, je Fespere, quand je lui aurai affirme qu'il peut concentrer au-dessus d'une infusion de foin les poussieres de ioo lil d'air puise an centre de Paris, sans trouver une seule spore capable de se rajeunir dans ce milieu peu propice a Feclosion des bacteries. Combien done il est illusoire, dans ce cas particulier, de supposer Fexistence de microbes fecondants dans une portion d'atmosphere deux mille a trois mille fois plus petite ! Le meilleur moyen de steriliser un liquide a ete donne par M. Pasteur : il consiste a introduire ce liquide dans un vase spherique qu'on scelle et qu'on porte ensuite vers 1 10 ou 1 15. A FObservatoire de Montsouris, j % applique cette melhode dans toute sa rigueur, dans un bain charge de chlorure de calcium ou d'azotate de soude; j'immerge les ballons et les ampoules remplis des liqueurs a priver de germes; quand cela est neces- saire, je les refoule dans la masse liquide au moyen d'un dia- phragme perce de Irons (Jig. 54)? et je les laisse ainsi pendant deux heures a 1 10. Une seule fois en cinq annees, j'ai vu un ballon scelle de bouillon de bceuf neutralise, infeste par des germes de bacilles, resister a ce mode violent de sterilisation; a 1 07 et 1 00 les insucces sont plus frequents ; a 1 00 ils deviennent la regie, quand on opere avec des liqueurs depourvues d'acidite. DE LA STERILISATION DES LIQUEURS. 1^5 On voit cependant tous 4es jours des liqueurs portees quel- ques minutes a 1'ebullition rester indefiniment limpides; 1'urine de beaucoup de personnes se conserve en effet tres bien apres avoir etc bouillie quelques instants, et 1'urine egalement nor- male de plusieurs autres resiste a ce mode de destruction de germes ; ce qui tient evidemment a la presence dans ces urines d'une plus ou moins grande quantite d'acide urique, d'uree, de Fig. 54. Bain a steriliser les liquides uutritifs a la temperature de uo au ^ de grandeur. principes salins, et surtout a la presence de germes introduits accidentellement dans ce liquide animal ('). II est done pueril de discuter longuement sur 1'instant precis ou un liquide de composition si variable cesse d'etre apte au rajeunissement des germes des microbes maltraites par la temperature de 100. La liqueur minerale dite de Cohn peut rester indefiniment claire comme de 1'eau de roche, quand on la soumet seulement quel- ques minutes a -o -75 : est-ce a dire pour cela qu'elle soit vierge (') J'ai eu a ma disposition les urines d'une personne atteinte de phymosis congenital; jamais je ne suis parvenu a les steriliser a 100, apres une ebulli- tion de cinq, dix et meme quinze minutes; filtrees sur Pamiante, a la tempera- ture ordinaire, elles se sont conservees indefiniment intactes. 1 46 CHAPITRE V. de germes? Non sans doute et, pour le demontrer, il siiffit d'y verser quelques centimetres cubes de bouillon sterilise a 110; on voit alors des bacilles et d'autres organismes fourmiller dans le melange des deux liqueurs, qui seraient restees separement de la limpidite la plus parfaite; d'autrefois le liquide de Conn ne peut etre prive de germes actifs, apres une ebullition de qnatre heures a 100. Le micrographe a done a se preoccuper tres serieusement : premierement, de la sterilisation apparente de certains mi- lieux, caracterisee par la permanence de leur limpidite ou, si 1'on veut, par 1'absence des signes physiques de la putre- faction, et la presence de graines inactives pouvantplus tard, sous 1'influence de modifications multiples apportees aux mi- lieux, se reveiller et envahir les liqueurs considerees a tort comme privees de germes vivants ; secondement, de la steri- lisation reelle des liqueurs nutritives, egalement caracterisee par un etat parfait de conservation, mais ou tous les germes sont irrevocablement detruits. Si Ton neglige de tenir comptc de cette observation, la porte reste grandement ouverte aux illusions ; les erreurs se glissent partout a 1'insu de 1'experi- mentateur, etle decouragement, compagnon fidele de 1'insucces, ne tarde pas a se glisser dans son esprit et a lui faire abandonner des travaux entrepris avec les meilleures resolutions. Quelques exemples choisis parmi les faits de ma pratique feront com- prendre combien il importe de se defier des sterilisations dites apparentes. Voici, je suppose, de 1'eau d'egout chauffee quelques heures a 80 dans une ampoule hermetiquement close. La totalite de cette eau est introduite dans du liquide de Gohn prive de tout germe a 1 1 o ; la conserve de solution minerale ainsi ense- mencee est placee a Fetuve : au bout d'un mois rien n'est apparu dans la liqueur. Tout semble demontrer, dans cet essai de culture restee sterile, 1'absence detout germe vi van t. Si Ton ensemence alors plusieurs gouttes de cette culture negative dans du bouil- lon parfaitement sterilise , le bouillon se remplit de bacilles des le lendemain ou le surlendemain. DE LA STERILISATION DES LIQUEURS. l^J Dans un autre cas, deux conserves de liqueur deCohn parfai- tement limpides depuis un mois , 1'une simplement bouillie, I'autre portee deux heures a 110, recurent, par 1'intermediaire d'un fii de platine rougi au prealable, les spores d'une mucedinee cultivee a 1'etat de purete dans du mout de raisins chasselas fortement acide ; la nioisissure ne tarda pas a se developper avec la meme vigueur dans les deux vases ; mais bientot la liqueur de Cohn, simplement bouillie, devint le siege d'une alteration inte- ressante, la moisissure s'etiola, le liquide devint trouble et, au microscope, la liqueur fut trouvee peuplee de bacilles ; I'autre moisissure resta au contraire prospere, ellefructifia, son mycelium s'etendit en houppes elegantes dans la solution de Cohn restee d'une transparence magnifique. Quand, pour la premiere fois, je fus en presence de ce fait, je cms simplement a une erreur de manipulations; mais, en reoommencant cette experience, j'eus vite acquis la certitude que la moisissure jouait, a 1'egard du liquide de Cohn simplement bouilli, le role des alcalins additionnes a 1'urine acide dans la celebre experience du D r Charlton Bastian , c'est-a-dire qu'elle modifiait ce liquide en y secretant un principe albuminoi'de tres favorable au developpe- ment des germes des bacilles non rajeunissables dans la liqueur de Cohn, pourvue de sa composition normale. Voila un bel exemple de transformisme apparent d'une moisissure en bacterie. Si 1'on tient a avoir des cultures non viciees par des causes d'er- reur semblables, il est indispensable de chauffer toutes les infu- sions a la temperature minimum reconnue capable de detruire surement les germes des microbes reputes les plus refractaires u la chaleur humide. Cette temperature me semble voisine de 1 10 quand on la fait agir pendant deux a trois heures. En dehors de cette notion, acquise par une longue experience, j'ai eu 1'oc- casion de voir des germes de bacille resister dix minutes dans des ampoules d'eau plongees dans un bain de glycerine bouillant a i4o, et de verifier avec le thermometre que 1'eau de 1'ampoule ou se trouvaient les germes se maintenait six minutes et demie a i3 9 . Lors de mes recherches sur la resistance des graines des 1 48 CHAPITRE V. schizoplrytes a la chaleur, j'ai observe un fait interessant voisin de ceux qui viennent d'etre rapportes. Dans une ampoule d'eau, d'abord privee de germes a 110, je laissai tomber quelques gouttes d'un bouillon trouble peuple d'un micrococcus special a cellules elliptiques. Cette ampoule, maintenue pendant cent vingt minutes a 93, temperature maximum de resistance de cettc espece a la chaleur, cut son contenu distribue dans six conserves de bouillon Liebig neutralise et six conserves de meme bouillon non additionne d'alcali ; les six premieres conserves seules s'alte- rerent; apres des chauffes executees successivement dans les memes conditions, a 91 et 89, le micrococcus se developpa seulement dans les vases de bouillon neutralise; a 88, les douze conserves, neutralises ou non, s'altererent ; ainsi des semences pleines de vie pour le bouillon prive d'acidite sem- blaient mortes pour le meme bouillon possesseur d'une reaction legerement acide. Avant la temperature de destruction absolue d'un germe, il existe done toute une serie de temperatures de destruction apparente de ce germe, variable avecla nature du li- quide employe au rajeunissement du germe chauffe. Ce fait est Ires remarquable; I'observateur ne doit jamais le perdre la vue. III. -- Des liquides nutritifs sterilises avec le secours de la chaleur. Liqueurs dites minerales et bouillons divers. Les liquides propres a cultiver les bacteries sont fort nom- breux ; on pent actuellement les diviser en liqueurs minerales artificielles, en infusions vegetales, en decoctions de chair mus- culaire ou bouillons, en liquides animaux extraits par des pro- cedes speciaux de 1'organisme des etres vivants, en jus de viande et en sues vegetaux, retires par une expression energique de la chair fraiche, de la pulpe des fruits, des feuilles et des tiges suc- culentes, qu'on debarrasse a froid de tout microbe en les iiltrant a la temperature ordinaire avec le secours d'appareils dont la description asa place marquee dans le paragraphe suivant. Ici je m'occuperai exclusivement des liqueurs sterilisees par la chaleur. LIQUEURS MIIS'feRALES. 1 49 Les premieres liqueurs appelees minerales furent preparees par M. Pasteur pour demontrer que la fermentation dite alcoo- lique s'effectuait enl'absence de toute matiere plastique,contrai- rement a Fopinion des partisans de Liebig qui attribuaient a ces substances quaternaires, appelees hemi-organisees parM. Fremy, un role capital dans ces phenomenes obscurs et mal connus, de- signessous les nomsde fermentation et &e putrefaction (* ).En semant des globules vivants de levure dans un liquide ainsi compose : Parties. Eau distillee 100 Sucre candi 10 Gendres d'un gramme de levure .... 0,0-5 M. Pasteur se fit fort de preparer une quantite d'alcool aussi considerable que Liebig pouvait raisonnablement 1'exiger. Cette experience, si aisee a reproduire, porta un coup funeste aux theories de la fermentation universellement admises a cette epoque par les chimistes de toute nationalite. La solution de Pasteur, tres propre a nourrir les moisis- sures et plusieurs especes de bacteries, qu'on y seme a 1'etat adulte, est bien moins favorable au rajeunissement des germes atmospheriques ; les elements qui la composent sont trop bru- talement mineraux ou cristallises pour se preter convenable- ment a la multiplication des bacteriens. M. Pasteur ne 1'ignorait pas; car, a 1'epoque ou cette solution fut preparee, il usait, pour le rajeunissement des microbes de 1'air, d'une decoction de le- vure dont la formule a ete donnee precedemment a la page 80. G'est a 1'usage trop exclusif du liquide mineral de M. Pasteur qu'est due la mesaventure arrivee au D r Burdon Sanderson, qui chercha dans 1'air, sans en trouver, des germes de schizophytes. M. leprofesseur Cohn, de Breslau, modifia plus tard \& solution de Pasteur, en retrancha le sucre candi, evidemment trop favo- (') Consulter, pour tout ce qui a trait a 1'histoire et au mecanisme de ces phenomenes, 1'ouvrage remarquable de M. le professeur Schiitzenberger, Les fermentations, -2" edition, 18-6, Germer-Bailliere. I.JO CHAPITRE V. rable a la nutrition des mucedinees; sa formule devient alors : Parties Eau distillee 100 Tartrate d'ammoniaque i Gendres de levure i Plus tard encore cette liqueur subit quelques modifications heureuses; elle fut aditionnee d'un phosphate alcalin et de sul- fate de magnesie, et sa composition fut fixee ainsi qu'il suit : Parties. Eau distillee 200 Tartrate d'ammoniaque . 20 Phosphate de potasse 20 Sulfate de magnesie ... 10 Phosphate trihasique de clians. o, i Ainsi preparee, la liqueur de Co/in est loin d'etre sensible aux bacteries atmospheriques ; cependant, exposee dans les lieux ou les poussieres abondent, elle se trouble et se putrefie spon- tanement. Les infusions et decoctions des plantes herbacees, de choux, de foin, etc., les bouillons de carottes, de raves, de navets, pos- sedent a 1'egard des bacteries des pouvoirs nutritifs fort varia- bles; je n'engagerai personne a faire un milieu favori de culture d'une de ces liqueurs sans en avoir an prealable experimente le degre d'alterabilite. L'eau de foin, qui a joui d'une si grande re- putation en Angleterre et en Allemagne, est du plus mauvais emploi ; son degre de sensibilite aux germes atmospheriques la range parmi les liqueurs dites minerales, tandis que la decoction de feuilles de choux est plus putrescible que le bouillon Liebig. Jl est done difficile de prevoir al'avance si telle on telle infusion sera ou.ne sera pas favorable a la germination des bacteries ; dans tons les cas, de nombretix essais doivent preceder le choix de n'importe quel milieu de culture. Les decoctions de viande jouissent actuellement d'une vogue parfaitement justifiee. Tout d'abord, on avait cm profitable d'employer 1' ex trait de Liebig, qui se prete a la confection ra- ffUJTIVEBSlTY POUSSIERES ATMOSPHERIQUES PI. II Grossissement 260 D ,.,* 3 .7. Blanadet Imp, L BOUILLONS DIVERS. l5l pide des bouillons, mais on a reconnu depuis que les bacteries sont plus delicates, qu'il leur faut souvent un produit culinaire mieux soigne et de qualite superieure ; les germes des bac- teriums en particulier se rajeunissent difficilement dans les bouillons a preparation extemporanee : ils lui preferentle bouillon de boeuf fait avec soin etavec une viande de bonne qualite. M. Pas- teur a use du bouillon de veau, de volaille, pour la culture de certains microbes virulents. Enfin d'autres auteurs semblent avoir pris a tache de les multiplier a 1'infini ( ' ). Pendant fort longtemps, j'ai mis en experience, a 1'Observa- toire deMontsouris, un bouillon type prepare en dissolvant dans i lu d'eau 5o 8r d'extrait de viande commercial, connu sous le nom diextractum carnis Liebig. La solution eflfectuee, on la neutralise a chaud par la soude caustique ; portee a 1'ebullition et filtree, elle doit semontrer saris action sur les reactils colores. Ge bouillon, sterilise a 1 10, fournit un tres leger depot blanc, insoluble dans 1'eau, que le microscope montre forme d'une poussiere brillante a grains irreguliers, facile a distinguer des microbes vivants et de leurs spores. Sous Faction de la lumiere, ce liquide, pourvu apres sa preparation d'une belle couleur rouge ambree, se decolore de jour en jour etacquiertalalongue une couleur jaune tres pale, ce qui parait tenir a la presence d'une matiere colorante instable ajoutee par fraude a 1'extrait, dans le but de loncer ses solutions. Ainsi obtenu, le bouillon Liebig possede a 18 une densite egale a 1,024. Depuis douze mois, j'emploie parallelement a la recherche des germes almospheriques, avec la liqueur Liebig, un autre bouillon prepare dans mon laboratoire avec les precautions suivantes : pen- ( ! ) Dans une seule experience, on voit M. le professeur Tyndall employer des bouillons de bosuf, de veau, de ris de veau, de coq de bruyere, de canard sauvage, de mouton, de poulet, d'eglefin, de lapin, de faisan, de lievre, de becasse, de perdrix, de pluvier, de sole, de mulct, de morue, de saumon, de merlan, de cceur, de foie, de rein, de rate, de foin, de navet, etc. Ce n'est assu- rement pas le moyen d'obtenir des resultats comparatifs dans les recherches de micrographie atmospherique, et il est assez inutile d'epuiser la liste des decoc- tions imaginables pour demontrer la non-realite de la generation spontanee dans les liqueurs putrescibles, purgees de microbes au prealable. 1 52 CHAPITRE V. dant cinq heures on fait decoder i kg de chair musculaire maigre de bceuf dans 4 Ht d'eau; le bouillon, ecume desle debutdel'ebulli- lion, est laisse en repos, apres sa fabrication, dans un lieu frais jus- qu'au lendemain , puis degraisse et neutralise a la soude caustique . Cela fait, on le porte dix minutes a 1'ebullition, on le filtre et on le ramene au volume de 4 Ut ' il ne reste plus qu'a le distribuer dans des ballons de o ut , 6, qu'on scelle et maintient pendant deux heures a 110. Sous Faction de cette chaleur, ce liquide, a peine colore apres sa preparation, se caramelise legerement, acquiert une teinte indelebile, reste parfaitement limpide et ne fournit jamais le moindre depot. Mon preparateur, M. Benoist, a qui je dois 1'obtention de ces decoctions magnifiques de transpa- rence, a reconnu que les bouillons de viande troubles, opales- cents, lents a se clarifier, fournissant des depots meme un mois apres leur fabrication, sont toujours des bouillons mal de- graisses ou insuffisamment bouillis apres la neutralisation, qui doit toujours preceder la filtration et qu'on voit alors s'accom- plir avec la plus grande rapidite. Ge decode possede a 20 une densite voisine de i,oo3 ; eva- pore au bain-marie, il fournit par litre i5 gr d'un extrait sec, cas- sant, entierementredissoluble, nongranuleux, transparent comme la gomme arabique fortement coloree, d'un gout agreable, dif- ferant essentiellement de cette substance alimentaire deplorable et antihygienique, vendue, je 1'ai dit plusieurs fois, sous le nom Hex trait de viande de Liebig. En ajoutant au bouillon de bceuf io gr de sel marin par litre, on obtient un troisieme bouillon sale, remarquable par sa sensi- bilite aux germes de 1'air; sa densite s'eleve alors a 1,009. Si, comme on doit le souhaiter, les recherches des microbes de Fair acquierent un developpement merite, je ne saurais trop engager les observateurs a specifier, avec la plus grande rigueur, le mode de preparation et les qualites des liquides nutritifs mis par eux en experience, de fagon qu'il soil toujours facile de rap- porter leurs resultats a une liqueur type adoptee d'un commun accord : alors, seulement, il sera possible de connaitre, avec une exactitude suffisamment approchee, la distribution des germes BOUILLONS DIVERS. 1 53 dans les pays ou de semblables experiences seront executees et d'apprendre par la si Fetat sanitaire des villes, des campagnes, des districts reputes sains et malsains, si les augmentations de la morbidite et de la mortalite sont en raison directe de Fimpu- rete de 1'atmosphere. On fonde aujourd'hui de nombreux observatoires meteorolo- giques destines a mesurer la temperature, la pression barome- trique, la vitesse du vent, les hauteurs de pluie tombee sur le sol, a 1'effet de cataloguer avec soin des documents destines a servir de base a des decouvertes futures encore fort problema- tiques. Recemment M. Dumas, penetre de Futilite des dosages de Facide carbonique de Fair, emettait devant FAcademie des Sciences le voeu que ces analyses fussent multipliers et executees systematiquement dans des stations diversement orientees, comme 1'exemple en est donne a 1'Observatoire de Montsouris, ou mon collegue et ami M. Albert Lew a pu demontrer Fexis- tence de variations remarquables dans le poids de cet element normalement repandu dans 1'atmosphere. Sincerement, pense- t-on que, a cote des mesures du froid, du chaud et de la pluie, des indications sur la direction du vent et des nuages, des calculs du degre actinometrique et des variations de Fintensite magnetique du globe, etc., le dosage des microbes aeriens ne puisse faire bonne figure et ne puisse surtout fournir plus rapidement des de- couvertes utiles que Ton semble resolu, en MeteorologJe pro- prement dite, a demander a Texperience des siecles? J'ai 1'espoir qu'on ne tardera pas egalement a fonder et a doter largement des observatoires appliques a I'etude des microbes del'air; je le souhaite vivement pour les progresde la Medecine et de 1'Hy- giene. Ecoutons encore une fois la voix autorisee du savant illustre createur de la Theorie des germes, et tachons de pro- filer de ses conseils sages et eclaires : Je crois, dit M. Pas- teur ( ( ), qu'il y aurait un grand interet a multiplier les etudes sur les germes de Fair et a comparer dans un meme lieu, avec les saisons, dans des heux differents a une meme epoque, les ( l ) PASTEUU, Annales de Chimie et de Physique, I. LXIV, p. 33; 1862. CHAPITRE V. corpuscules organises dissemines dans 1'atmosphere. II semble que les phenomeries de contagion morbide, surtout aux epoques ou regnenl les maladies epidemiques, gagneraient a des Iravaux poursuivis dans cette direction. IV. De 1'obtention des liqueurs animales et vegetales sterilisees sans le secours de la chaleur. La temperature elevee a laquelle il faut soumettre les infu- sions, les jus de viandes, les liquides animaux pour les priver de tout germe vivant, modifie profondement certains principes contenus dans les liqueurs nutritives employees dans les labora- toires de micrographie. On sait effectivement que plusieurs substances albuminoides sont coagulees par la chaleur, ou se transforment sous son action en nouveaux principes proteiques dont la putrescibilite est bien inferieure aux liquides frais retires par expression des viandes et des tissus vegetaux. Ge fait con- state, il paraissait desirable de releguer au second plan les liquides surchauffes, et de tenter la preparation de milieux nutritifs prives de germes sans le concours de la chaleur. On parvient aujourd'hui a ce but de plusieurs manieres : \ en extrayant directement les liquides animaux de 1'organisme des etres vivants et en ecartant dans cette operation les causes d'erreur venues de Fexterieur ; 2 en faisant digerer de la viande fraiche, des fruits et des tiges de vegetaux depourvus de leur derme dans de 1'eau portee au prealable a 1 1 o ; 3 enfin en fil- trant les jus de viande et sues d'origine vegetal e a travers une substance pourvue de pores assez fins pour retenir rigoureuse- ment tout microbe ou tout srerme de microbe (*). G'est encore a o \ / (') Ea Allemagne, clans le laboratoire de M. le professeur Koch, on use d'un autre precede de sterilisation des liqueurs coagulables par la chaleur. Rien n'est plus simple : on prend du serum de sang defibrine; on le porte a une tem- perature inferieure a 70, de facon a tuer les bacteries adultes, sans determiner la solidification de Talbumine, puis on abaisse de nouveau la temperature, afin de permettre aux spores des schizophytes de germer, de passer a 1'etat de LIQUEURS STERILISEES A FROID. 1 55 M. Pasteur et a ses eleves que nous devons 1'essai et la reussite de ces manipulations dedicates, qui ont enrichi nos laboratoires d'une classe toute nouvelle de milieux alterables tres favorables au developpement et a la culture des bacteries. Dans ses Etudes sur la biere, M. Pasteur a reproduit, en 1 876, la description des recherches effectuees par lui sur ce sujet en 1 863. G'est a ces etudes remarquables que j'emprunte la descrip- tion du precede employe par ce savant pour aller chercher dans linterieur des etres vivants, en pleine sante, tels ou tels mate- riaux qui s'y rencontrent pour les exposer, dans 1'etat meme ou la vie les a formes, au contact de Fair pur . Dans ce but, ecritM.Pasteur( l ), je me suis servi d'un ballon en verre joint a un robinet de laiton par un tube de caoutchouc, comme 1'indique la fig. 55. Les deux branches du robinet ont environ o m ,i 2} celle qui est libre est un peu effilee, comme 1'ex- tremite d'une canule. Afin de purger ce ballon de tout germe plantesfreles, qu'on tue en elevantdenouveau la temperature vers 70, etainsi plu- sieurs fois de suite. Ce precede de sterilisation, dontM.le professeurTyndallarc- vendique la priorite [Lettre au professeur Huxley, i4 fevrier 1877 (Proceedings of the Royal Society, n 178, 1877)], et decore du nom de Methode du chauf- fage discontinu, a ete employe de toute antiquite par les menageres soucieuses de conserver jusqu'au lendemain le lait trait de la veille ou de ravant-veille. La theorie scientifique en est plaisante : on ordonne aux oeufs des microbes d'avoir a germer dans les douze ou vingt-quatre hcures, de facon a pouvoir les occire surement s'ils donnent dans le piege qu'on leur tend. Comme on sup- pose avec raison la presence dans les liqueurs de germes tetus, endurcis ou indociles, on fait une nouvelle sommation et on porte de nouveau 1'infusion a 1 ebullition; pour plus de prudence, on en fait une tioisieme et une quatrieme, et le tour est joue : toutes les bacteries sont mortes victimes de leur impru- dence. Malheureusement pour la methode du chauffage discontinu, il existe des germes avises, dont 1'evolution commence seulement a partir du cin- quieme,du dixieme et meme du trentieme jour, et qui, loin d'etre encourages a se multiplier par ces chauffes successives, se renferment a chaque fois davan- tage dans leur vie latente de graine. Peut-on alors serieusement compter sur ce mode de sterilisation ? M. Koch a rencheri sur M. Tyndall, en substituant a la temperature de 1'ebul- lition celle de 70. Pour prouver combien cette methode est peu recomman- clable, il me suffit de rappeler qu'il existe, comme je 1'ai demontre, des bacilles vulgaires, pouvant tres bien se multiplier au dela de cette temperature. (') PASTKLT., Etudes sur la biere, 1876, p. /|6. i56 CHAPITRE V. interieur, on fait communiquer 1'extremite libre de ce robinet de laiton avec un tube de platine fortement chauffe, apres avoir en soin d'introduire dans le ballon une petite quantite d'eau qu'on reduit en vapeur; puis on laisse refroidir le ballon, dans lequel rentre 1'air qui a passe par le tube ehaud. Fig. 55. Appareil de M. Pasteur pour steriliser les ballons destines a recevoir les liquides animaux. On peut faire bouillir 1'eau dans le ballon a une temperature superieure a 100, en adaptant a 1'extremite libre du tube de platine un tube de verre recourbe a angle droit, qui plonge plus ou moins dans une cuvette profonde remplie de mercure (fig. 56) . Pendant que 1'eau est en ebullition sous pression, on separe le tube qui plonge dans le mercure : 1'eau continue a bouillir dans le ballon a la pression ordinaire; on laisse alors refroidir le bal- lon, qui se remplit pen a peu d'air porte a une temperature ele- vee, plus que suffisante pour bruler toutes les poussieres orga- niques que cet air peut renfermer. Quand le ballon estrefroidi, onle detache, apres avoir ferme le robinet, et 1'on passe a la preparation d'autres ballons sem- blables. II est utile de fermer le robinet du ballon lorsque la temperature de ce dernier est encore de quelques degres au- dessus de la temperature ambiante : par cctte precaution, 1'air LIQUEURS STERILISEES A FROID. 107 du ballon refroidi se trouve a une pression moindre que la pres- sion exterieure. Dans 1'intervalle de temps qui s'ecoule entre la preparation d'un ballon et le moment ou Ton s'en sert, il est bon de tenir la branche libre du robinet inclinee vers le bas, afin de garantir 1'interieur de son canal contre le depot des poussieres exterieures. Fig. 56. OF TUB UNIVERSITY'} C Cuve a mercure destinee a clever le point d'ebullition des liquides. Quoi qu'il en soil, au moment ou Ton doit mettre un ballon en experience, il faut avoir soin de chauffer cette branche a 1'aide de la flamme d'une lampe a alcool. S'agit-il de Fetude du sang, on le prendra sur un animal vivant, un chien par exemple : on met a nu une \ eine ou une ar- tere de 1'animal, on pratique une incision dans laquelle est con- duite 1'extremite de la branche libre du robinet, prealablement 1 58 CHAP1TRE V. chauffee et refroidie, qu'on fixe par une ligature dans la veine ou Farlere, puis on ouvre le robinet : le sang couJe dans le ballon; on referme le robinet, et 1'on porte le ballon dans une eluve a une temperature delerminee... Pour Furine, on opere a peu pres de la meme maniere. L'exlremile de la branche libre du robinet est introduite dans le canal de Furetre; au moment de F emission de 1'urine, on tourne le robinet, et Furine est lancee dans le ballon, qu'on remplit a moilie ou au tiers environ. Apres M. Pasteur, M.U. Gayon (*) a pu, par un dispositif fort ingenieux, faire passer dans des vases de verre le contenu d'oeufs frais qui se conserva plusieurs annees inaltere. On doit a M. CKamberland la simplification des precedes pre- cedemment decrits. M. Chamberland, penetre avec raison du nombre relativement faible des microbes atmospheriques, a public dans sa These de doctoral, soutenue au commencement de Fannee 1879, un mode operatoire propre a fournir des liquidcs animaux vierges de germes. Voici, d'apres eel auleur, la maniere de recueillir du lait na- turel prive de bacteries. J'ai pris, dit M. Chamberland ( 2 ), des tubes un peu etires et recourbes, comme le montre la fig. 57. J'ai place a Fextre- mite de chacun d'eux un tampon de colon et je les ai flambes dans un fourneau a gaz. Les tubes sont retires quand le colon a pris une leirile jaunatre : tous les germes sonl alors detruits. Apres refroidissement, j'ai enleve le lampon de colon, flambe a la lampe aalcool la pointe etiree el inlroduit le lait directement, en approchanl la pointe aussi pres que possible du pis ; le tube est incline vers le bas jusqu'au moment de recevoir le lait, afm d'eviler la chute des poussieres de Fair. On ferme ensuiteles lubes a la lampe el on les porle a Feluve a 2D . Generalemenl, au boul d'une huilaine de jours, on s'aper- (') U. GAYON, Alteration spontanee des oeufs. Tliese soutenue a la Facultc des Sciences de Paris, n 3G2, 1875. ( 2 ) CIIAMBEULAND, Rccherches sur Vorigine et le developpement des orga- nismes microscopiqites. Tliese n 420, avril 1879, page 5o. LIQUEURS STERILISEES A FROID. l5g coit que le lait est altere dans quelques tubes (3 sur 12); dans les autres, ce liquide reste pendant plusieurs mois tout a fait in- tact et fluide, comme lorsqu'il vient d'etre trait : il est tres legere- ment alcalin au papier de tournesol, bon au gout, et au micro- scope on ne peut constater la presence d'aucun organisme. Le chirurgien Lister, ajoute M. Chamberland, etait aussi parvenu a conserver egalement du lait dans des vases flambes. Touslesex- perhnentateurs habiles et soigneux y parviendront certainement, et je ne vois pas qu'il puisse etre question de priorite en cette matiere, apres les experiences decisives de M. Pasteur, publiees en 1 863. II s'agit simplement ici d'experiences confirmatives, Fig. 5;. Tubes cffilcs en pointe de M. Chamberland. autrement ditd'un but atteint isolement par la mise en ceuvre de precedes plus on moins pratiques, plus ou moins elegants. Celui qu'a employe M. Chamberland pour recueillir le sang circulant dans Forganisme me paraft posseder a la fois ces deux qua- lites : J'ai fait aussi, poursuit le meme savant ( 4 ), quoique d'une facon incidente, des experiences sur la conservation du sang au contact de Fair.Le precede consiste a faire passer le sang du corps d'un animal dans un appareil flambe contenant de 1'air pur et restant ensuite en communication avec 1'air exterieur. On arrive tres facilement a ce resultat avec des tubes de verre ayant (') ClIAMBERL.VNO, IOC. tit., p 23. 160 CHAPITRE V. la forme indiquee par \&Jig. 58. On flambe ces tubes dans un fourneau a gaz apres avoir mis un tampon de colon en a ; si Ton dispose d'un animal vivant, on met a nu une veine oti une artere dans laquelle on fait une incision et 1'on introduit I'extremite effilee qu'on vient de couper et de passer dans la flamme. Le sang coule de lui-meme ; on peut faciliter son ecoulement en aspirant avec la bouche par le tube a\ on ferme ensuite 1'effi- lure a la lampe. Fig. 58. Pipette de M. Chamberlancl. Si Ton ne dispose pas d'un animal vivant, onprend le coeur d'un animal qui vient d'etre tue. dans un abattoir par exemple, on perce la paroi a 1'aide d'un scalpel flambe et 1'on plonge la pointe effilee prealablement coupee et flambee. On aspire par le tube a, etc... Malheureusement le lait et le sang, applicables a des cultures de microbes speciaux, se prelent malaux recherches statistiques des germes aeriens ; ces deux liqui des, remplis de globules grais- seux on d'elements cellulaires, deja troubles on coagulables, peuvent se peupler de certaines bacteries ephemeres sans que 1'observateur en soit averti. D'autre part, 1'urine est reellement trop imputrescible ; beaucoup de germes ne peuvent y trouver les aliments propres a favoriser leur evolution premiere. Aussi ai-je eii la pensee d'utiliser a la fabrication des liquides nutritifs un precede employe par M. Pasteur pour separer des liqueurs alterables les microbes et germes % qu'elles peuvent contenir. En LIQUEURS STERILISEES A FROID. l6l filtranl a travers du platre des cultures de bacteridie charbon- neuse, ce savant a demontre que le filtratum obtenu est alors impropre a communiquer le charbon ('). Gette experience, signalee il y a plusieurs annees par M. Pasteur, ne portait pas seulenient un coup sensible a la theorie des virus plastiques, mais elle faisait prevoir encore qu'il serait aise de steriliser, a la tem- perature ordinaire et par un procede peu onereux, les milieux alterables les plus varies. La sobriete de details qui accompagne la Communication de ce savant sur ces sortes de filtrations m'a oblige a multiplier mes essais pour arriver a un procede pratique capable de fournir en quelques heures des quantites notables de liquide sterilise a froid, et pour arriver a vulgariser I'emploi de ces liqueurs non chauffees, dont 1'usage ne s'est pas encore, du moins a ma connaissance , repandu dans les laboratoires de micrographie. Cette derniere consideration me porte a reproduire ici la description d'un mode operatoire qui a deja fait 1'objet d'une courte Note inseree dans le Bulletin de la Societe chi- mique de Paris ( 2 ). Un ballon a col long et legerement conique est etrangle a son tiers inferieur (voir en A, Jig. 5p). Au-dessous de 1'etrangle- ment, on etire a la lampe une pointe capillaire effilee, /?, de o m ,o5 a o m ,o6 de longueur; au-dessus de ce meme etrangle- ment, on dispose une bourre d'amiante convenablement serree, # , sur laquelle on coule une couche de platre gache, , de o m , 07 a o m ,o8 de hauteur. L'appareil ainsi prepare est seche pendant une on deux semaines a 1'etuve maintenue a 4o? P u is porte lentement a une temperature comprise entre 170 et 180. Gette ( 1 ) Dans ma Communication du 3o avril, j'ai dit que nous avions trouve un mode de filtration (il consiste dans Temploi du platre et de Inspiration par le vide), et qui est si sur que du sang charbonneux rempli de bacteridies n'en contient plus une seule quand il est filtre, ni germes quelconques, ce dont on a la preuve par cette double circonstance que le sang devient imputrescible au contact de Tair pur et que, ensemence dans un liquide propre a la nutrition des bacteridies, celles-ci n'apparaissent en aucune facon . PASTEUR et JOUBERT, Comptes rendus des seances de I' Academic des Sciences, t. LXXXV, p. 101 . ( 2 ) MIQUEL et BEXOIST, Bulletin de la Societe chimique de Paris, t. XXXV, p. 552. 1 1 162 CHAPITRE V. derniere chaufFe a pour but : i de detruire les germes repandus a la surface interne du ballon, ceux apportes par la bourre d'a- miante, le platre et 1'eau employee an gachage; 2 de recuire le platre, c'est-a-dire de le ramener a 1'etat de sulfate de chaux anhydre. En prenant la simple precaution de sceller la pointe capillaire p du ballon avant de le soumettre a la temperature elevee de 170 a 180, il n'est pas admissible que la moindre poussiere puisse jamais s'introduire dans les parties de Fappareil separees du contact direct de 1'atmosphere par le tampon de platre dont il vient d'etre parle. Ballons filtrateurs, au ^ de grandeur Pour mettre en marche 1'appareil filtrateur sterilise, on com- mence par imbiber d'eau le tampon de gypse recuit, qui, sous 1'action de ce liquide, s'hydrate avec un degagement de chaleur sensible a la main. Gette humectation prealable a 1'avantage de rendre plus parfaite 1'adherence du filtre au tube de verre et de chasser 1'air des pores du platre. Le filtre convenablement imbibe, la pointe laterale de 1'appa- reil est flambee, cassee et plongee dans un matras d'eau sterilisee a 110. Par une dilatation menagee on chasse 4o cc a 5o cc d'air du LIQUEURS STERILISEES A FROID. i63 ballon, qui, apres refroidissement, sont remplaces par un egal volume d'eau microscopiquement pure. Cette eau, portee a 1'ebullition et vaporisee rapidement, s'e- chappe par la pointe laterale capillaire sous la forme d'un jet de vapeur sifflant et continu ; au bout de cinq minutes la majeure par tie de 1'air du ballon est remplacee par de la vapeur d'eau, et il ne reste plus qu'a sceller la pointe capillaire/?, ce qui n'offre aucune difficulte. La vapeur, en se condensant, produit un vide considerable : aussi les sues ou liquides a steriliser amenes dans la tubulure de 1'appareil penetrent-ils dans le ballon b en suin- tant a travers le platre. La fig. 5 9 represente en A un appareil en voie de fonction- nement; un large entonnoir e amene a la surface du platre la liqueur a debarrasser de tout germe. La me'me figure montre en B un second systeme different du premier par 1'adjonction d'un appareil refrigerant destine a suspendre la putrefaction des liquides mis en experience. Ges liquides, places dans un cristal- lisoir V entoure de glace, sont conduits de la, par 1'interme- diaire d'un ou plusieurs siphons, dans les tubulures d'un ou plusieurs ballons filtrateurs disposes autour du cristallisoir. En hiver, on peut adopter le dispositif A; en etc, surtout quand la liqueur alterable filtre lentement, le second, B, devient indispen- sable. Telle est succinctement la methode a suivre pour steriliser avec ces appareils n'importe quelle infusion ou quel liquide ani- mal. Get expose serait cependant incomplet, si je negligeais de signaler a ce sujet quelques bonnes precautions a prendre et quelques ecueils a eviter. Voici d'ailleurs, dans leur integrite, les conseils dont M. Be- noist et moi faisions suivre notre Communication a la Societe chimique de Paris. L'une des premieres conditions de reussite est de se procurer un filtre adherent a la paroi du verre et suffi- samment poreux. Pour avoir un filtre adherent, il est indispen- sable de dessecher le platre avec lenteur, de lui donner en outre une certaine elasticite en lui incorporant une substance coton- neuse; 1'amiante remplit convenablement cette condition. Pour avoir un filtre filtrant, autrement dit fonctionnant rapidement et 1 64 CHAPITRE V. capable de retenir en meme temps tout element figure, il faut que la quantite d'eau employee au gachage soil bien calculee. Si le platre est en exces, les liquides ne passent pas ou n'arrivent dans le ballon qu'avec une extreme lenteur; si le platre n'est pas en quantite suffisante, le filtre se reduit en bouillie, et les germes ne sont pas retenus. Voici, d'apres les recherches spe- ciales de M. Benoist, les proportions dans lesquelles doivent entrer les substances employees a la confection des filtres : Eau 46 Platre a modeler 5i , 4 Amiante i ,6 Total 100,0 L'amiante est delayee dans Feau et le platre incorpore petit a petit dans le magma semi-fluide qui en resulte. La composition ainsi obtenue, encore coulante et Ires maniable, n'opere sa prise qu'au bout de plusieurs minutes, en rejetant un peu d'eau. Une autre cause d'insucces provient quelquefois de la solu- bilite du platre dans les liqueurs. Les fdtres dont la fabrication et le sechage ne sont pas irreprochables offrent un ou plusieurs points faibles par ou le liquide semble passer de preference (*); a ces endroits le platre ne tarde pas a etre mine et creuse en herborisations parfois elegantes, qui acquierent souvent une grande longueur et finissent par envahir toute la hauteur du tampon. L'operation est alors manquee : le liquide passe sans se filtrer a travers ces galeries sinueuses, en entrainant avec lui les germes qu'on voulait precisement ecarter. Pour remedier a ce mal, il suffit de saturer au prealable de gypse la liqueur sur laquelle on veut operer ( 2 ). La rapidite de la filtration, qui est, comme cela vient d'etre dit, sous la dependance de la porosite du bouchon de platre, est de meme fonction de la viscosite du liquide a steriliser; le serum de sang, les sues filants des vegetaux, 1'albumine d'ceuf, etc., tra- (') C'est habituellement au voisinage de la paroi du verre. ( 2 ) MIQUEL et BENOIST, loc. cit. LIQUEURS STERILISEES A FROID. 1 65 versent le platre avec d'autant plus de lenteur qu'ils sont moins etendus d'eau ; les liqueurs animates tenant en suspension de nombreuses granulations, ou des globules graisseux, filtrent difficileraent ou pas du tout; parmi ces dernieres, le lait, meme melange de plusieurs fois son poids d'eau, occupe certainement la premiere place. Dans la majorite des cas, 1'urine normale, les epanchements pathologiques non purulents filtrent dans un espace de temps variant de six a vingt-quatre heures ; il en est de meme des jus de viande, des sues de fruits, des vegetaux herbaces etendus de plusieurs fois leur volume d'eau. Avec 1'albumine d'oeuf natu- relle, avec certains jus epais et muqueux, la filtration s'arrete bientotou s'eternise. Heureusement pour 1'observateur, 1'emploi des sues concentres est rarement reclame dans la culture des bacteries; au contraire, je puis affirmer que les liquides moyen- nement charges de principes nutritifs sont plus sensibles que les jus de viandes et de fruits non additionnes d'eau; cela s'ex- plique peut-etre par la presence, a cote des substances plastiques putrescibles, d'une foule de sels et de matieres extractives acres dont le pouvoir antiseptique ne reste pas inactif. II suffit d'ail- leurs de rappeler que 1'addition exageree a lui-meme d'un prin- cipe fermentescible fournit un milieu absolument inalterable, comme le sont les sirops bien prepares et plusieurs extraits mous sur lesquels les moisissures les plus envahissantes n'apparaissent jamais, a plus forte raison les bacteries (*). Aujourd'hui la sterilisation a froid des liqueurs putrescibles se (') Les quatre ou cinq pages qui precedent sont la reproduction presque tex- tuelle d'une partie d'un paragraphe public dans \Annuaire de I ' Observatoire de Montsouris pour Tan 1882, sous ce titre : De Vobtention de quelques nou- velles liqueurs nutritives; depuis 1'apparition de cet Annuaire et huit mois apres ma Communication a la Societe chimique, j'ai appris verbalement qu'on usait dans le laboratoire de M. Pasteur de vases en biscuit pour steriliser a froid les liquides. Je regrette : 1 De ne pas avoir eu connaissance de ce precede pour le citer; 2 D'ignorer encore le dispositif de M. Pasteur, employe a cet effet, et dont j'aurais volontiers reproduit ici la figure; 3 Enfin de n'avoir pas su trouver dans les Memoires de ce savant quelques 1 66 CHAPITRE V. pratique a 1'Observatoirede Montsouris avec 1'appareil beaucoup moins fragile dessine dans la fig. 60 ; il consiste en un vase de cuivre rouge argente de la forme d'un flacon a epaulement carre et a large col. L'ouverttire de ce vase, garni d'une plaque annulaire de bronze, s'adapte, an moyen de huit ecrous, a une seconde plaque portant un cylindre tres epaisB, termine a sapartie infe- Fig. 60. Appareil de MM. Miquel el Benoist pour steriliser a froid les liquides putrescibles avec le secours du vide et des hautes pressions, figure au de grandeur. rieure par un rebord interieur, destine a soulenir les diaphragmes metalliques, des tampons divers, des fromages de calcaire, d'ar- gile cuite, cimentes a la paroi du gros tube par des kits insolu- exemples de cultures effectuees avec des jus de viande prives par filtration de tout microbe. Je n'ai jamais eu 1'intention de frustrer personne de la moinclre invention je fais juge le lecteur de la faible part qui me revient dans la fabrication des liqueurs sterilisees a froid. Cependant M. Benoist et moi avons, il me semble, quelque merite d'avoir consacre de longs mois a perfectionner la filtration des liquides sur le platre, 1'amiante, le papier, etc., et d'avoir passe deux annees a mesurer le degre" de sensibilite de ces dites liqueurs aux germes atmosphe- riques, alors que personne ne les avait encore mentionnees et vraisemblable- nient pas obtenues. LIQUEURS STERILISEES A FROID. 167 bles, inalterables a 200 ; la partie superieure du meme cylindre porte un second rebord de bronze, sur lequel vient s'appliquer un plateau G de meme metal, muni d'une tubulure destinee a conduire le liquide surle filtre. J'ai fait fabriquer par M. Golaz, constructeur de cet appareil, des cylindres derechange, filetesinterieurement et danslesquels on visse, avec le secours d'une clef puissante, un bouchon de bronze fore, a I'effetde comprimer energiquement des rondelles de carton d'amiante, de papier filtre ou de toute autre substance poreuse, inalterables ou a peine touchees par la temperature de 1 80; le bouchon reste alors a demeure jusqu'a la fin de la filtration. Deux robinets sont places sur cette bouteille, 1'un R en haut, sur le col, est destine a pratiquer le vide dans le vase ou a laisser echapper Fair; 1'autre en bas, R', est affecte a la vidange du liquide filtre. Le cylindre pourvu de son tampon bien sec est fixe a la bouteille en interposant, entre les surfaces appelees a adherer, une rondelle de plomb ; puis 1'appareil est chauffe deux heures a 1 80, les robinets R et R/ etant fermes. Le vase refroidi, la douille du robinet R garnie d'un tube de caoutchouc et d'un raccord en verre contenant une bourre d'amiante sterilisee, on fait le vide en amenant en meme temps le liquide dans le cy- lindre R a la pression ordinaire ou sous une pression elevee, sui- vant la nature de la substance filtrante et du liquide a debar- rasser de germes. L'operation terminee, le robinet superieur R est ouvert avec precaution, puis on distribue dans des ballons sterilises, par Fintermediaire d'une canule metallique vissee au robinet R', le liquide filtre qu'on repartit plus tard dans les petites conserves a ensemencements. Quelques objections peuvent etre faites au mode de sterilisa- tion par filtration a travers leplatre, mode que j'ai le mieux etu- die; la principale repose sur la difficulte ou 1'on est d'obtenir des liqueurs exemptes de sulfate de chaux, c'est-a-dire non chargees par litre environ de 2 gr de gypse dont le pouvoir antisep- tique n'est pas nul. Pour peser la valeur de cette objection, j'ai compare d'un cote Je degre d'alterabilite d'un bouillon sale 1 68 CHAPITRE V. a 10 pour 1000 au pouvoir nutritif d'un meme bouillon sale sa- ture de platre ( ! ). J'ai eu la satisfaction de trouver que la putres- cibilite de ces deux bouillons etait fort voisine, abaissee a peine de pour le bouillon platre. Mes preferences sont cependant pour les filtres insolubles en biscuits, puisque cette substance est d'un bon usage, en amiaiite, en papier, en calcaire, en terre de pipe, en argile cuite, ou toute autre substance poreuse natu- relle ou de fabrication artificielle. Enfin, je dois dire un mot d'un precede beaucoup moins certain, susceptible de fournir des infusions et des mace- rations steriles sans employer la filtration et la chaleur; il Fig. 61. Appareil pour preparer a froid des macerations steriles. consiste a introduire directement, dans de 1'eau privee d'orga- nismes vivants, soil de la chair musculaire enlevee a un animal sain, quelques minutes apres sa mort, soil les parties char- nues des fruits, des legumes verts ou tendres, des carottes, des raves, des navets, des pommes de terre prelevees, comme je 1'ai fait, avec le secours d'emporte-pieces chauffes, dont on vide le contenu dans des matras ou des ballons d'eau sterilisee, qu'on peut ensuite abandonner ouverts sur un plateau de verre dresse, reconvert d'une cloche rodee (fig- 61). Ges experiences sont (') Le sel marin augmente la soluhilite du gypse dans 1'eau. LIQUEURS STERILISEES A FROID. 169 souvent conlradictoires r le liquide des vases se trouble et la putrefaction se declare dans la matiere organique mise a infuser ; mais il est aise de reconnaitre dans la plupart des cas qu'il s'agil d'alterations dues a rensemencement fortuit d'un microbe : avec un peu d'habitude et de soin, on arrive cependant a obtenir un nombre de succes vraiment remarquable (go sur 100); pour cela il faut operer en plein air, apres un temps pluvieux, loin de toute habitation, et e viler d'introduire soi-meme par maladresse les germes qu'on veut ecarter. M. Ghamberland a pu, de son cote, obtenir des infusions de haricots frais retires directement de leurs cosses vertes, intactes; bien avant nos experiences, M. Pasteur avait prouve que le sue de raisin puise dans 1'in- terieur meme du grain ne renfermait pas le moindre organisme ferment. Je cite ces fails a simple litre de curiosite experimen- lale , sans conseiller a personne de les appliquer a Foblenlion couranle d'iiifusions parfaitement sleriles. CHAPITRE VI. I. Des manipulations qui precedent les recherches statistiques sur les bacteries. II. Du precede adopte a Montsouris pour compter les germes atmosphe- riques des schizophytes; des pretendus nuages bacteridiques. III. De la duree d'incubation des germes atmospheriques et de 1'aspect macroscopique des liqueurs alterees par les bacteries nees de ces germes. IV. De 1'altera- bilite des liqueurs nutritives. V. Des cultures a 1'etat de purete. I. -- Des manipulations qui precedent les recherches statistiques sur les bacteries. Pour compter avec une approximation suffisante les germes des schizophytes repandus dans Fatmosphere, il faut avoir a sa disposition un nombre considerable de conserves alterables, de la sterilite absolue desquelles on soit certain. La preparation de ces conserves, 1'essai prealable de leur infecondite, puis plus tard leur ensemencernent, leur surveillance et leur examen necessi- tent un laboratoire specialement dispose dans ce but, de fagon que toutes ces operations puissent s'y accomplir regulierement dans un ordre parfait. J'ai decrit (p. i38) le petit tube a boule employe a FObserva- toire de Montsouris pour recueillir les germes des bacteries, mais j'ai passe tres rapidement sur les precautions reclamees pour son remplissage. Autrefois, je sterilisais directement le li- quide nutritif dans chaque petit ballon, plonge en entier dans un bain maintenu a 110. Aujourd'hui j'opere autrement, sur une plus vaste echelle, d'apres un precede cree dans les labora- toires de M. Pasteur, vulgarise par ce savant et ses eleves : il consiste a priver separement de germes le liquide nutritif et le vase destine a le recevoir. CHAPITRE VI. Les tubes a boules, garnis de leurs bourres de colon de verre et scelles par leurs pointes capillaires, sont places au nombre de quatre cents a cinq cents dans un fourneau a gaz (Jig* 62) em- prisonne dans un massif de maconnerie, construit de facon a Fig. 62. Bain d'air surchaufle des laboratoires de Montsouris, au -^ de grandeur. utiliser la plus grande quantite de chaleur possible et a eviter rechauffement de la piece ou il est place. Les petits ballons dis- poses dans la chambre centrale du fourneau sont portes pendant quatre heures a 200; pas un germe ne survit jamais a Faction FLAMBAGE DBS VASES. 178 evidemment exageree de cette temperature. Je ne saurais nean- moins trop engager les micrographes a m'imiter sur ce point. Des le debut de mes recherches, sur la foi de quelques auteurs, je chauffai seulement pendant cent vingt minutes ces petits ballons vers i5o : beaucoup d'entre eux etaient efFectivement purges de germes ; d'autres, principalement ceuxqui avaient servi a des cultures de bacilles, se troublaient spontanement apres avoir recu le bouillon. Une fois, la temperature du bain d'air n'ayant pas vraisemblablement atteint 100, 120 conserves furent raises hors d'usage avant tout ensemencement par le de- veloppement ulterieur de microbes. J'instituai alors une serie d'experiences sur la resistance a la chaleur seche des germes du bacille vulgaire, qui se complait dans les infusions de foin. Dans un tube metallique adapte au reservoir d'un thermo- . metre, je placai les germes de ce bacille desseches auparavant quelques jours a 1'etuve vers 35. Dans quatre premieres expe- riences, ces germes furent soumis pendant deux heures a la cha- leur de no . 120, 180 et i4o, et ne perdirent pas la faculte d'infester des le lendemain le bouillon ou ils furent introduits; chauffes pendant un temps egal a i43, i44 et i45, les resul- tats se montrerent encore positifs; mais, entre 146 et 147, ces germes perdirent toute vitalite. II est done prudent de porter au dela de 1 5o pendant plusieurs heures les vases a steriliser, surtout ceux qui ont deja contenu des liquides alteres par des schizomycetes. Les tubes a boule chauffes et refroidis, on peut immediate- ment proceder a leur remplissage. Les ballons contenant les li- queurs nutritives sont ou verts, debarrasses de leur col aussi bas que possible, puis inclines de facon a conduire le liquide au bord de Fouverture, ou onlepuise aveclapointeflambee etcassee des petits ballons comme avec une pipette (fig- 63); P instrument a demi plein, on scelle immediatement sa pointe a la flamme d'un bee Bunsen. Ges ballons souffles ayant environ 5o cc de capacite, o lit ,5 de liquide sterilise suffit amplement pour en charger 20 a 20. Durant cette operation, une seule porte reste ouverte aux germes des bacteriens. A mesure que le vase se vide, CHAPITRE VI. Fatmosphere s'y introduil lentement pour remplacer le liquide retire par aspiration, en entrainant avec elle plusieurs germes qu'elle depose a la surface de la liqueur. Aussi, sur cent con- serves preparees avec un sue eminemment alterable, on observe Fig. 63. Remplissage des tubes a boule. aux laboratoires de Montsouris quatre a cinq cas d'infeetion par les microbes ayant penetre dans les conserves par cette voie ; ce qui constitue, au total, un dechet de conserves relativement peu eleve. Avec le bouillon Liebig et 1' urine, la quantite des ballons rendus inutilisables par les memes manipulations descend a NUMERATION DBS BACTfiRIES. 176 5 ou 6 pour 1000, et les microphytes, agents de ces cas rares d'al- terations, appartiennent la plupartdu temps aux mucedinees. Si ces operations de remplissage etaient effectuees a 1'interieur de Paris ou dans les salles des malades, on verrait certainement de- cupler ces cas fortuits d'infection. On a beau vouloir soustraire son esprit a cette tendance parfois illegitime de comparer un ordre de fails encore hypothetiques a un ordre de faits bien elablis, il me parait malaise de ne pas voir dans ces sortes d'alte- rations de liqueurs nutritives une image de ces infections moins innocentes qui viennent assombrir le pronostic des operations pratiquees dans les hopitaux, ou meme dans 1'interieur d'une grande ville. Ces manipulations terminees, les tubes a boules sont ranges avec precaution dans des paniers et oublies pendant un a deux mois a 1'etuve. Apres ce laps de temps, on se livre a un triage qui a pour objet de rejeter les conserves alterees au moment du remplissage; mon preparateur, M. Benoist, est assez habile pour obtenir 975 conserves de bouillon de bceuf, sale a i pour 100, intactes sur 1000, dans une piece ou I'atmosphere litre en moyenne 3ooo germes de bacteries par metre cube. II. Du precede de numeration adopte a Montsouris pour compter les germes atmospheriques des schizophytes. - Des pretendus nuages bacteridiques . Devant Fimpossibilile de calculer direclemenl au microscope le chiffre des semences aeriennes des bacleries, comme 1'on compte avec une certaine approximalion les globules repandus dans le sang, ou les spores de moisissures melangees aux pous- sieres, il faut necessairement avoir recours a un precede indi- rect, aveugle au moment de Fexperience , mais dont Fexactilude esl justifiee ulterieurement par les resultals qu'il fournit. Soil un volume d'air egal a 1 5o llt ; soil, d'aulre part, 5o con- serves de bouillon sterilise; si, par une manoeuvre deja indi- quee (p. i38), on introduit separemenl dans chaque vase toutes 176 CHAPITRE VI. les poussieres d'un volume d'air egal a 3 lit , il est certain que tousles corpuscules contenus dans ces i5o lil d'air ont etc dis- tribues sous un poids a peu pres identique dans les conserves de bouillon. Supposons que 9 de ces conserves se peuplent de bac- teries et que les 4i autres restent indefiniment de la plus parfaite limpidite, n'est-il pas evident que i5o lit d'air renfermaient au moins 9 germes de schizophytes, soit, par metre cube, 60 bac- teriens ? Si la meme experience, recommencee le lendemain, provoque ['alteration de 24 conserves, ce qui equivaut a 160 bacteriens par metre cube, n'est-il pas certain que Fimpurete de 1'air a presque triple? Si enfin, le surlendemain, 48 de ces 5o conserves, toujours ensemencees individuellement avec les poussieres de 3 Lit d'air, ne resistent pas a 1'infection, peut-on douter que le chiffre des bacteries aeriennes (820 par metre cube) ne se soit considerablement accru dans le lieu de 1'experience? Si cela est incontestable, la methode des ensemencements fractionnes des poussieres atmospheriques est applicable au calcul 1 des germes des bacteries charriees a travers 1'espace. J'ai cru cependant necessaire d'introduire dans le mode d'ex- perimentation precedent une simple modification qui me semble en augmenter la rigueur. Suivant les jours et les saisons de 1'annee, il m'a paru avantageux de faire varier le volume de Fair * dirige a travers les conserves de fagon a obtenir approximative- ment chaque fois le meme nombre de conserves alterees, au- trement dit, de reduire le poids des poussieres ensemencees de maniere a determiner Talteration d'un nombre presque egal de tubes a boule par des volumes d'air variables. En nous reportant a la derniere experience precitee, qui a donne 4$ conserves alterees sur 5o (c'est-a-dire 3ao bacteries par metre cube), je considere comme infiniment preferable de reduire de 3 ht a i lil le volume de 1'air dirige dans les petits bal- lons, de facon a obtenir seulement 16 conserves infectees sur 5o, ce qui donne egalement le chiffre de 820 bacteriens par metre cube d'air. La raison de cette preference est aisee a saisir; car moins il se developpe de bacteries dans le contenu NUMERATION DES BACTERIES. 177 des tubes a boule, plus on acquiert la certitude d'avoir regu dans chacun des ballons alteres un germe unique de schizophyte ; si tous les ballons montrent des microbes, il est fort probable que plusieurs germes ont etc introduits dans la meme conserve : les resultats de la statistique sont alors trop faibles; si aucun ballon ne se peuple de microbes, rien ne fixe 1'observateur sur le chiffre approche des germes atmospheriques. L'experimentateur adonne au calcul des bacteries aeriennes est done oblige de connaitre approximativement a Favance le degre de purete ou d'impurete de Fatmosphere soumise a ses investigations, ce qui 1'oblige a se livrer a quelques essais preli- minaires, toujours de courte duree, quand il est edifie sur le nombre moyen des germes repandus dans 1'air d'une region de- terminee, sur la sensibilite des liqueurs mises par lui en expe- rience et sur les causes les plus manifestes des crues et des decrues des microbes D'ailleurs, 1'observateur ne tarde pas a etre averti de la trop grande ou trop faible quantite des poussieres ensemen- cees, par le chiffre sans cesse croissant ou decroissant des con- serves devenues fertiles ; aussi les resultats precedemment obte- nus le guident-ils dans une certaine mesure, en lui permettant de suivre pas a pas renvahissement de 1'air par les bacteriens. Habituellement cet envahissement est progressif, mais la dispa- rition de ces etres infimes peut s'accuser avec beaucoup plus de brusquerie; une pluie de quelques millimetres suffit pour puri- iier Fair, et s'opposer pendant quelques jours a une nouvelle recrudescence de microbes. Dans le calcul des bacteries par l'ensemencement fractionne des poussieres de Fair, on suppose les germes repartis d'une maniere uniforme dans le milieu ambiant, ce qui generalement est confirme par les faits : ainsi quatre a cinq groupes d'expe- riences reparties dans une meme journee et effectuees au meme lieu donnent des resultats a peu de chose pres identiques, si la force et la direction du vent sont peu variables et surtout si Fatmosphere n'a pas etc dans Fintervalle epuree par la pluie ou la neige; il n'en seraitassurementpas de meme si Fon admettait dans Fatmosphere Fexistence constante des nuages de bacteries 12 178 CHAPITRE VI. crees par 1'imagination trop fertile de quelques auteurs. II y a, d'apres mes recherches, nuages de bacteries la ou il y a nuages de poussieres ; les experiences d'ensemencements pratiquees au voisinage d'une route poudreuse on dans une rue balayeeparun vent violent accusent en effet dans 1'air une foule de germes de bacteries; mais, en dehors de ces cas exceptionnels, 1'observation est loin de confirmer Fexistence d'une collectivite de germes voyageant a travers 1'espace, comme un troupeau d'oies sauvages guidees par I' instinct. Pour ma part, je ne crois pas aux nuages des bacteries, dont je compare 1'existence ephemere a la fumee echappee des usines diluee dans 1'atmosphere, au fur eta mesure qu'elle s'echappe du foyer qui la produit, surtout si le vent a quelque force. M. le professeur Tyndall est, au contraire, grand partisan des nuages bacteridiques (sic) et, pour demontrer leur existence, il a invente \e plateau des cent tubes. Ce plateau est une sorte de damier perce de cent trous, dans lesquels s'engagent cent tubes a essais renfermant des infusions diverses (de foin, de navels, de bouillon de bceut, sans doute pour rendreles resultats moins comparables) dix fois bouillies. On suppose d'abord, ce qui est absolument gratuit, que les infusions sont parfaitement sterilisees, puis on place ce plateau dans une salle de laboratoire, et 1'on va tons les jours, a pas de loup, enregistrer le degre et la nature de 1'alteration survenue dans ces cent tubes grandement ouverts ; apres cet inventaire pra- tique sept a huit fois, les tubes sont de\entis evidemment tous troubles, soit par le fait de la chute des germes dans les tubes, soit par le defaut de sterilisation, soit par Tapport de poussieres du a 1'intervention si frequente et si intempestive de 1'experi- mentateur; mais attendons , le moment des conclusions est arrive : Nous pouvons deduire, avance M. Tyndall ( J ), de la facon irreguliere dont les tubes sont attaques, qu'a Fegard de la quantite, les germes ne sont pas distribues d'une maniere uni- forme dans Fatmosphere. Un tube sera, par exemple, d'un jour en retard ou en avance sur ses voisins. En outre, le choix, entre (') TYNDALL, Les Microbes, p. 180; 1882. NUMERATION DBS BACTfiRIES. 179 lous, d'un tube par les bacteries qui developpent un pigment vert, ou inversement, nous montre egalement qu'a Fegard de la qualitelz distribution n'est pas non plus uniforme. II semblerait aussi qu'un manque d'uniformite prevaul a Fegard de Venergie vitale. Dans quelques tubes les mouvements des bacteries sont extremement lents ; dans d'autres, inversement, ils ressemblent a une pluie de projectiles si rapide et si violente que 1'ceil ne pent les suivre qu'avec difficulle. Pesant bien toutes ces considerations, j'en arrive a conclure que les germes flatten t dans V atmo- sphere par groupes et par nuages et que constamment Vair charrie un nuage different du precedent : par consequent, le contact d'un fluide nutritif avec un nuage de bacteries doit ame- ner un resullat tout autre que son contact avec 1'air sterile com- pris entre deux nuages consecutifs. Mais, de meme que dans le cas d'un ciel pommele les diverses parties du paysage sont suc- cessivement visilees par 1'ombre, de meme a la longue les tubes de notre plateau sont touches par les nuages de bacteries, d'ou resulte une fertilisation ou infection finale. II faut, il me semble, tenir peu compte des difficultes reelles qui entourent la demonstration de la verite des fails en micro- graphic, pour ne pas craindre de fonder, sur une experience viciee par toutes les causes d'erreur possible , des conclusions ou la fantaisie pure s'etale d'ailleurs depuis la premiere phrase jusqu'a la derniere. Ainsi le plateau des cent tubes, ou paysage, est visile successivement par des nuages de germes de la gros- seur d'une aveline, qui laissent tomber en passant un microbe, quand, pousses paries courants, ils ne s'engouffrent pas en entier dans les tubes beants. Mais ces nuages si bien formes, si homo- genes et tels que chacun d'eux differe du precedent, d'ou viennent-ils? Est-ce des poussieres des habitations si sou vent brassees par les nettoyages? est-ce de Fair exterieur, ou ils vo- leraient comme les cristaux agglomeres des flocons de neige, ou des graines a aigrettes des synantherees, enchevetrees les unes dans les autres par leurs poils soyeux? II faut toujours se de- fier des flots de lumiere apportes par Fimagination el abandonner sans regret, si belle qu'elle soil, une conception l8o CHAPITRE VI. contredile par les fails. M. Tyndall, aii conlraire, veut trouver dans les experiences de plusieurs autres savants une confirma- tion de 1'existence de cesdits nuages. Dans leparagraphexxvndu Ghapitre II de son Ouvrage les Microbes, intitule : Quelques ex- periences de M. Pasteur; leurs rapports avec les nuages de bac- teries, M. Tyndall rapporte les fails suivants : Le 28 mai 1860, M. Pasleur ouvril, sur une lerrasse situee au-dessus du sol, qualre fioles conlenanl de 1'eau de levure; jusqu'au 5 juin, elles ne su- birent aucune modification. A cetle dale cependanl, une louffe de mycelium apparut dans 1'une d'elles. Le 6, une autre fut observee dans une seconde fiole. Les deux fioles reslanles demeurerent inlacleselsansorganismes. Le 20 juillel,ilouvrit dans son propre laboraloire six fioles conlenanl de Feau de levure ; quatre d'enlre elles reslerenl parfailement inlacles, landis que les deux aulres se chargerenl promplemenl de bacleries : de ces observalions, M. Pasleur conclul a la non-conlinuile de la cause a laquelle celle soi-disanl generation sponlanee elail due. Celle conclusion esl tout a fait d'accord avec la notion des nuages bacteridiques , telle qu'elle resulle de mes experiences. En realitej M. Pasleur ouvril quelquefois des fioles au-dessus d'un nuage de bacleries el oblinl ainsi la vie; parfois il les ouvrit dans 1'inlervalle el arriva a un resullal negalif. J'ignore si M. Pasleur croil a Fexis- tence des nuages bacteridiques, mais lous les Iravaux qu'il a publics sur les germes de Fair ne fonl pas menlion de 1'exislence d'essaims de bacleries voyageanl dans Fespace sur Faile des venls. Au conlraire, pour recoller les especes a Felal de purele, c'esl-a-dire un seul germe de moisissure ou de baclerie, M. Pas- leur a propose le precede des ballons scelles, pensanl evidem- menl saisir au hasard une graine microscopique en suspension dans le lieu de Fexperience el non engloulir dans le vide des ballons un balaillon bacteridique. A la rigueur, j'admellrai les nuages de bacleries d'Ehrenberg , chasses au loin par les cou- ranls almospheriques, comme les poussieres de FElna el du Vesuve, les nuages de sedimenls lerreux souleves par le venl s'aballanl sur des marais desseches ou des terres tres friables ; mais les nuages minialures de M. Tyndall, je ne les comprends DCREE D'INCUBATION DES GERMES. 181 pas, et, pour demontrer leur existence, il sera bon, je crois, d'instituer un ensemble d'experiences un peu plus precises que celles dont 1'exemple nous est donne par le damier aux cent lubes. On peut faire aux ensemencements fractionnes des poussieres atmospheriques plusieurs objections parfaitement justes dont la principale repose sur la distribution inegale des corpuscules dans un volume d'air donne ; aussi faible qu'on le suppose, le poids des poussieres introduites dans un seul ballon peut renfermer deux, trois ou plusieurs germes de la meme espece qui ne sont, plus tard, comptes que pour un seul. Quelquefois aussi plusieurs spores diverses peuvent adherer ensemble, et celle qui germe le plus tot peut entraver le developpement des autres, en envahis- sant rapidement le milieu ou elles sont semees en bloc. Souvent il arrive aussi que Fair abondamment pourvu de graines de moi- sissures en apporte plusieurs especes capables de croitre dans le bouillon neutralise, d'absorber rapidement 1'oxygene dissous dans le liquide et de priver ainsi les germes atmospheriques des bacteries d'un element necessaire a leur eclosion. Generalement cependant, les moisissures croissent lentement dans le bouillon prive de toute acidite et les bacteries prennent vite le dessus. Ges causes d'erreur, dont il ne faudrait pourtant pas s'exagerer Fimportance, tendent a fournir des statistiques de germes au- dessous de la realite, sans enlever a ces statistiques leur merite le moins contestable, celui de fournir des donnees numeriques parfaitement comparables. Nous verrons d'ailleurs bientot, com- bien est autrement grande 1'influence exercee sur ces chiffres, par la nature du milieu nutritil employe au denombrement des germes. III. De la duree d'incubation des 'germes atmospheriques et de 1'aspect macroscopique des liqueurs alterees par les bac- teries nees de ces germes. Les conserves alterables, parcourues par un volume d'air juge convenable, sont placees sur des supports (fig- 64) et rangees l82 CHAPITRE VI. methodiquement sur des etageres d'une vaste etuve chauffee constamment en toute saison entre 3o et 35; le reglage a i ou 2 pres de la temperature de 1'etuve n'a pas ici line bien grande importance ; car les schizophytes appeles a s'y developper Fig. 64, Ratelier de tubes a boulc au -^ de grandeur. sont d'origines diverses, par consequent inegalement sensibles a Faction de la chaleur : les uns, commeles bacteriums, s'accom- modent volontiers d'une temperature de 20 a 3o; d'autres, comme les bacilles, peuvent fort bien se developper a 4o, 5o et j'ajouterai a 70, comme je Fai demontre ( 1 ), il y a quatre ans. (') II existe dans la nature au moins un bacille ou une bacteridie immobile possedant la faculte remarquable de vivre et de se multiplier entre 70 et 72 dans le bouillon neutralise, c'est-a-dire i5 au-dessus de la temperature ex- treme de resistance assignee par M. le professeur Cohn, de Breslau,aux nema- togenes adultes : A une temperature de 5o a 55, dit expressement ce savant, toute reproduction et tout developpement de bacille cessent : il ne se forme ni pellicules ni spores, les filaments errants et en voie de croissance sont tues; les spores, au contraire, conservent (pour le moins dix-sept heures) la pro- priete de germer. (COHN, Beitr. zur Biol. der PJlanzeji, Band II, p. 271.) Dans des recherches effectuees en 1879 et rapportees en decembre 1879 (Bulletin de la Statistique municipals de la Ville de Paris, p. 678), j'annoncai pour la premiere fois 1'existence d'une espece singuliere de bacille vivant et se scissi- parisant a une temperature depassant de i5 celle qui provoque la coagulation de 1'albumine d'ceuf. Au dela de 72, disais-je, le bacille filamenteux vegete tres peniblement; a 76, il ne parait plus se multiplier. Dans VAnnuaire de DUREE D'IKCUBATION DES GERMES. i83 Je crois utile, toutefois, de soumettre les liqueurs ensemencees a la temperature de 3o a 35, qui parait favorable au develop- pement de la majeure partie des bacteries. Quand le fraction- nement des poussieres dans les conserves a etc bien conduit, on ne tarde pas a voir une partie d'entre elles presenter les signes manifestes d'une alteration; il est assez peu frequent de voir ces signes apparaitre apres une incubation de vingt-quatre heures : c'est surtout vers le deuxieme, le troisieme et le quatrieme jour qu'ils sont visibles a 1'ceil un peu exerce. Le Tableau annexe a ce paragraphe donne une idee tres exacte du temps d'incubation des germes aeriens des bacteries; ce temps est fort variable, ce qui semble devoir etre attribue a 1'etat de conservation plus ou moins parfait du germe microbique introduit par le hasard dans le liquidedes conserves. II est tres rare de voir les germes des bac- teries demander plus de trente jours pour se rajeunir ; cette limite n'a cependant rien d'absolu, et, quand on prend la simple pre- caution de garder pendant six mois ou un an des milieux nutri- tifs ensemences par les poussieres de 1'air, 1'eati de condensation, Feau de pluie, on pent voir plusieurs d'entre elles s'alterer apres quarante, soixante, cent jours et meme six mois; cela arrive une Montsouris pour 1'an 1881, je suis revenu sur ce fait extraordinaire; apres des recherches thermometriques tres precises et des cultures operees au sein de masses liquides chauffees sans variations appreciables de temperature, pendant plusieurs jours, j'acquis alors la conviction que ce bacille cessait de vivre ou du moins de se multiplier, quand les thermometres plonges dans 1'interieur de 1'infusion et dans 1'atmosphere situee au-dessus d'elle donnaient une moyenne tres voisine de 72, leur ecart etant a peine de quelques dixiemes de degre. Une annee apres la publication de ces premieres experiences, M. Van Tieghem communiqua a la Societe botanique de France, en Janvier 1881 (Bulletin de la Societe botanique de France, p. 35), un travail Sur les bacte'riacees vivant a la temperature de 74 centigrades, ou il signale 1'existence d'un micro- coccus et d'un bacille immobile, jouissant de la propriete d'etre refractaires a la chaleur humide de 74 : <( On voit, ajoute M. Van Tieghem, apres avoir mentionne mes travaux sur ce point, que les deux plantes citees plus haut de- passent notablement la limite de 72, et il est a croire qu'on en trouvera d'autres capables de se developper a des temperatures plus elevees. Je ne partage pas, a ce sujet, les esperances de M. Van Tieghem : apres de nouveaux essais pra- tiques sur les organismes bacteriens les plus varies, avec les liquides nutritifs les mieux neutralises, je n'ai pu reussir a faire germer des microbes au dela de 72 a 73 C. 1 84 CHAPITRE VI. fois sur cinq cents ensemencements devenus fertiles, ce qui, en somme, a une influence peu appreciable sur les resultats gene- raux de la statistique des germes, basee sur le chiffre des con- serves alterees apres le trentieme jour. Gette limite me parait de rigueur, car le Tableau de la page i85 montre que la cinquan- tieme partie des tubes a boules s'altere dans la seconde quin- zaine qui suit la date de leur mise en experience ; a 1'Obser- vatoire de Montsouris, c'est vers le quarantieme jour que je supprime definitivement les conserves dont I' alteration parait nulle. En examinant avec attention les chiffres inscrits dans ce meme Tableau, il semble ressortir d'abord que les germes recoltes a Fair exterieur, au pare de Montsouris, puis a la rue de Rivoli, sont doues d'une vitalite inferieure aux germes repandus dans Fatmosphere des salles des hopitaux; cela tient peut-etre a la conservation plus parfaite des spores soustraites aux intem- peries des saisons, peut-etre a leur jeunesse, c'est-a-dire a la proximite des foyers d'ou elles emanent, peut-etre enfm a la desa- gregation moins parfaite des pellicules, des zooglsea, autrement dit, au groupement de plusieurs germes en une seule molecule. La derniere colonne du Tableau, en tenant compte de ces parti- cularites, donne avec exactitude la duree moyenne d'incubation de 1000 sentences de bacteries rajeunissables dans le bouillon Liebig, de densite egale a 1,024. Si des liquides depassant en sensibilite ce dernier bouillon peuvent accuser un plus grand nombre de germes dans Fatmosphere, chose interessante, la duree movenne d'incubation de ces germes reste fort voisine des chiffres deja donnes. Gela peut s'expliquer, je crois, en supposant dans Fair Fexistence de spores de microbes a tous les degres de vitalite, et en admettant dans les liqueurs fort sen- sibles la presence de principes reconfortants capables d'etendre leur action fecondante sur des semences mortes depuis long- temps pour les liqueurs peu alterables; cette action, pour etre efficace, demanderait une incubation suffisamment prolongee, exactement representee par Faction des bouillons a sensibilite obtuse sur les memes graines plus vivaces. DUREE D'INCUBATION DES GERMES. 1 85 Duree d'incubation des germes atmospheriques des schizophytes. Bacteries recoltees. Pare de Montsonris. Conserves alterees - i -~ - , Rue Hupital ChifTres apres 1880. 1881. de Rivoli. de la Pitie. moyens. i jour I 9 2O 33 42 29 2 . . . . 129 166 192 226 178 3 . . . . i 9 3 223 3O2 3l4 258 4 224 i63 149 i3i 167 5 .... 164 1 49 106 94 128 6 .... 7 5 79 60 55 68 7 61 56 29 33 44 8 32 29 22 26 27 9 . . . . 22 21 16 i5 19 10 I 7 17 14 14 i5 ii 19 16 12 10 14 12 . . . . 12 18 i3 12 14 i3 > . . . . 10 10 II 4 9 5 5 9 5 6 i5 4 5 6 2 4 16 5 5 4 5 6 3 18 a 3 3 2 19 i 4 I 20 )> i 2 3 2 21 I i 2 22 2 i t 23 j j }> , > 20 . 25 I ! I 26 I 27 I 1 28 29 3o )) 3i . Totaux 1000 1000 1000 1000 1000 Un mot maintenant de la physionomie des liqueurs alterees par les bacteries des sediments atmospheriques ; trois choses peuvent se presenter : 1 86 CHAPITRE VI. i Le liquide conserve sa limpidite, mais on ne tarde pas a voir apparaitre, a la partie inferieure du vase qui le renferme, un depot plus ou moins volumineux ; 2 La liqueur se trouble d'abord uniformement, puis on con- state suivant les cas 1'apparition d'un depot ou d'un voile; 3 Le contenu des petits ballons reste parfaitement trans- parent, mais il montre des nuages blancs, legers, formes par des myceliums soyeux qui peuvent envahir toute la masse liquide, des houppes plus ou moins denses diversement colorees, uniques ou au nombre de deux, trois, quatre et davantage. Les orga- nismes qui presentent cet aspect appartiennent generalement aux moisissures; il faut en excepter cependant plusieurs microbes flla- menteux groupes en houppes serrees, ressemblant a certaines sub- stances chimiques cristallisees, comme la leucine et la tyrosine impure. Dans beaucoup de cas, les moisissures viennent fructi- fier a la surface de la liqueur en donnant naissance a des efflo- rescences verdatres, jaunes, noires, roses, blanches; mais, dans beaucoup d'autres, rien de semblable n'apparait, le mycelium s'arrete dans sa croissance, puis deperit et donne parfois, en se segmentant, un depot leger forme de cellules bourgeonnantes elliptiques ou circulaires; il est neanmoins utile d'examiner ces depots, Simulant ceux qui fournissent les micrococcus etou par- fois des microbes se developpenta cote des conidies. D'ailleurs il est assez frequent de voir le liquide, d'abord envahi par les mu- cedinees, se troubler sous Faction des bacteries; plus rarement les moisissures se montrent la ou les bacteries se sont etablies, meme pour un temps tres court; il s'agit ici, ne 1'oublions pas, de conserves ensemencees avec une quantite imponderable de poussieres et soustraites apres cette operation a la chute de toute impure te. Les depots qui apparaissent dans les conserves alterees ont des aspects fort divers :les uns ressemblent a des precipites chi- miques lourds; d'autres, au contraire, s'etalent en reseaux figurant des toiles d'araignee grossierement tissees; d'autres grimpenten trainees divergentes, du fonddu ballon a la surface de laliqueur, endecrivant un quart de meridien : leliquideoul'onvoit DE L'ALTERATION DBS CONSERVES. 187 ces algues apparaitre pent conserver une limpidite magnifique ; mais la moindre agitation suffit pour repandre la petite plan te dans la liqueur, qui devient alors tres trouble. Sur i oo conserves peuplees par les micrococcus atmospheriques, 20 au moins sont le siege d'une alteration semblable. D'autres precipites vivants s'incrustent sur la paroi du verre, et le mouvement gyratoire le plus vif parvient difficilement a les arracher des points ou ils se sont formes. II est aussi des depots gluants qui s'enlevent dans ces conditions en stries blanchatres et en filant de 1'endroit ou on les a laisses s'accumuler. Je dois encore mentionner les depots granuleux et caillebotes dus a plusieurs especes de sarcines. Les depots ainsi formes dans le sein des liqueurs nutritives sont-ils 1'indice certain du developpement des microbes appeles micrococcus? Oui, dans la plus grande majorite des cas, si ce depot est primitif et n'a pas etc precede d'un trouble general de la liqueur; il existe cependant plusieurs especes microscopiques cellulaires : les torules etles levures, qui simulent, a tromper Fceil le mieux exerce, les precipites de microcoques quand le milieu employe aux ensemencements est exactement neutralise ; s'il est acide, les torules y acquierent un grand developpement, le contenu des vases se trouble, la surface de la liqueur perd son brillant, se depolit et finalement se recouvre de pellicules sans consistance, semblables aux voiles formes par les schizomycetes denommes bacteriums : 1'examen au microscope, auquel il faut toujours recourir, leve bientot toute difficulte. Le second genre d'alteration est le trouble, pouvant varier depuis le louche le plus faible jusqu'au trouble boueux ; il peut etre produit par les differentes especes de bacteries : les micro- coccus, les bacteriums, les bacilles et les vibrions, par des mi- crobes mobiles ou immobiles. Le trouble est permanent ou fugitif : les troubles fugitifs sont dus au developpement d'une espece dans un terrain peu favorable a sa nutrition, ou tres faiblement charge des principes propres a 1'entretien de sa vie, quelquefois a la presence dans la liqueur d'une substance antiseptique. Au bout d'un ou deux jours, le microbe qui a envahi le milieu se precipite au fond du vase 1 88 CHAPITRE VI. en laissant apres lui une liqueur d'une limpidite irreprochable, encore chargee de materiaux capables de nourrir plusieurs autres generations de schizophytes. Le trouble dit permanent ne sub- siste pas indefiniment, dans la veritable acception de ce mot; il reste evident jusqu'a 1'instant ou 1'espece cesse d'avoir a sa dis- position des aliments propres a la nourrir. Ges elements epuises ou rendus inassimilables par la presence de gaz ou de matieres toxiques, 1'espece se reunit au fond du vase ou gagne la sur- face de la liqueur, ou elle forme des pellicules de structures diverses, minces ou epaisses, appelees voiles, unies ou ridees, continues ou formees d'ilots irregulierement disposes, membra- neuses ou faciles a desagreger. Les bacilles et les bacteriums possedent surtout la faculte de venir former des voiles, quand 1'acide carbonique a envahi Finfusion : ce fait s'observe plus ra- rementchezles micrococcus. Souvent la clarification de laliqueur, se fait attendre plus longtemps : elle demande pour s'etablir de- fmitivement plusieurs mois et meme plusieurs annees. Les liquides alterables soumis a Faction des poussieres atmo- spheriques peuvent presenter une foule d'autres signes d'altera- tions legeres ou superficielles ; j'en citerai settlement quelques- uns : laliqueur primitivement Ires fluide devient filante, acquierl la consistance du blanc d'ceuf, coule en bloc d'un vase dans un autre, quand on chercbe a la transvaser; tres souvent elle con- tracte des odeurs speciales plus ou moins fetides; elle devient ammoniacale, sulfhydrique; generalement cette fetidite n'est pas tres accusee, le serum sanguin, le bouillon de viande per- dent 1'odeur qui caracterise leur etat de fraicheur, ils devien- nent ordinairement surs, pour employer une expression vulgaire, c'est-a-dire legerement aigrelets, ou degagent une odeur faible- mentbutyrique. Mais il ne faut pas s'attendre a rencontrer dans la majeure partie des conserves alterees par une fraction minime de poussieres ces odeurs nauseabondes, cadaveriques des putre- factions intenses determinees par une goutte d'eau d'egout et meme d'eau de la Seine. Les microbes de 1'air sont faiblement putrefacteurs, leur action est 80 fois sur 100 fort superflcielle. Les miasmes figures de 1'atmosphere determinent rarement la de- DE L'ALTERATION DES CONSERVES. W ^ **** composition profonde des liquides ou ils sont introduits; ksj s'elever promptement jusqu'au dela de 7, quand la dose de sel va de 7 gr a 8 gr par litre puis decroitre rapidement quand le poids du chlorure de sodium est porte a i5 gr , 2O gr et 3o gr par iooo cc de bouillon. Faitqui pou- vait etre prevu, il existe un bouillon sale dont le degre d'altera- bilite egale celui du bouillon de bceuf sans sel : c'est le bouillon de boeuf ou 1'on a fait dissoudre environ i8 gr de chlorure dc sodium par litre; a partirde ce point, le sel agit comme antisep- tique,en fournissant un segment de courbe parabolique(?) a con- vexite dirigee vers le point d'entre-croisement de la ligne des abscisses et des ordonnees. Les liquides animaux, les substances d'origines animales et vegetales, les albumines, les jus de viande, les sues de fruits et des plantes herbacees ont egalement un degre de sensibilite fort variable a 1'egard des germes des bacteries. Liqueurs sterilisees par filtration sur le pldtre a la temperature ordinaire. Nature des liquides. Albumine d'oeufs etendue Degres d'alterabilite. O 22 Coefficients. A 5/i 3 Urine normale o 4o 2 5oo Urine normale neutralisee. O QO I 111 Bouillon Liebicf sterilise a 1 10 I OO Urine normale etendue d'eau aux trois quarts. Serum de sang de boeuf etendu 1,80 5 20 0,555 O IQ2 Sues de fruits (raisins, fraises) neutralises. . . . Sue de choux dilue 9 ,5o 1 I OO o, io5 O OQI Jus de veau . . i3.3o O . 075 Apres la liqueur minerale de Gohn et les infusions de foin, 1'eau albumineuse preparee en dissolvant un ou deux blancs d'ceuf dans i ut d'eau commune se montre un des milieux les moins sensibles aux germes des schizophytes. Rien ne pouvait faire prevoir a Favance un semblable resultat, et Ton doit SENSIBILITY DES LIQUEURS. ig5 encore s'etonner de voir une substance d'origine animale, riche en elements hydrocarbones, azotes etmineraux, occuper dans la liste des liqueurs alterables un rang fort voisin des solutions minerales absolument depourvues de principes proteiques. L'al- bumine d'ceuf, cinq fois environ plus putrescible que le liquide de Cohn, est vingt-cinq fois moins sensible que 1'albumine de sang de boeuf. . Les urines normales non chauffees ne sont jamais bien alte- rables; en les neutralisant a la soude caustique, on arrive cepen- dant a doubler leur pouvoir nutritif envers les germes des bac- teries, pouvoir d'ailleurs fort variable, nieme quand on prend la precaution d'employer un melange d'urines puisees a diffe rentes sources; les chiffres publics plus haut expriment surtout les resultats moyens de nombreuses series d'ensemencements effectues depuis cinq a six ans. On augmente peu le degre d'alte- rabilite des urines normales sterilisees a froid en y dissolvant par litre quelques grammes de plasma sanguin, ce qui parait tenir a la persistance dans ces liquides de principes antiseptiques dont Faction reste toute-puissante. On exalte, au contraire, con- siderablement la sensibilite" de ces memes urines en les eten- dant de plusieurs fois leur poids d'eau. Une urine de densite voisine de i ,018, etendue au point d'accuser une densite com- prise entre i ,oo5 et i ,oo4, devient trois et quatre fois plus alte- rable, ce qui resulte evidemment de la dilution des substances antiseptiques contenues normalement dans ce liquide animal. Le serum du sang, comme on devait s'y attendre, n'est pas doue d'une grande alterabilite ; car, si cette humeur de 1'economie est destinee a porter a la peripherie de 1'organisme les produits de la nutrition, elle est egalement chargee d'amener dans un groupe d'appareils excreteurs les produits de desassimilation de nos tissus,parmi lesquels on compte beaucoup de sels cristallises et plusieurs substances vraisemblablement impropres a la nutrition de cellules, puisque 1'organisme se hate de les expulser. Quoi qiril en soil, le bouillon de bceuf sale depasse en nutritivite le serum du sang de bceuf. Les sues neutralises des fruits, des plantes succulentes occupent generalement un rang eleve dans le groupe 196 CHAPITRE VI. des liquides fort sensibles aux bacteries atmospheriques ; le suede laitue, et surtout le sue de choux que j'ai longtemps etudie, est environ onze fois plus putrescible que le bouillon Liebig, pris pour terme de comparaison. Enfin les jus de viande, notamment le jus de veau, possede un degre d'alterabilite superieur a ceux des liquides mentionnes plus haul. La sensibilite des milieux nutritifs a 1'egard des germes at- mospheriques s'accuse, non seulement en exaltant considerable- ment les resultats de la stalls tique des bacteries, mais encore eri modifiant les proportions dans lesquelles les divers microphytes sont recueillis. Normalement, le bouillon Liebig decele dans 1'air du pare de Montsouris 74 micrococcus, 18 bacilles et 8 bac- teriums; en employant un autre liquide, cette proportion peut changer ou rester sensiblement la meme ; les deux Tableaux sui- vants ont ete dresses a I'effet d'etablir ces differences. TABLEAU I. De la nature des microbes recoltes avec des liquides de sensibilite generalement obtuse. Urines Urines cuites filtrees Serum Bouillon a no . au platre. sanguin. Liebig. Micrococcus 76 72 77 74 Bacilles 17 IQ / / i3 / 1 18 Bacteriums. . , 7 Q 10 8 Totaux 100 100 100 100 TABLEAU II. De la nature des microbes recoltes avec des liquides pourvus d'un degre d'alterabilite generalement eleve. Sue Sue Jus Bouillon de choux. de fraises. de viande. debaufsale. Micrococcus 69 58 68 66 Bacilles 9 8 3 i3 Bacteriums 82 34 29 21 Totaux 100 100 100 100 La quantite de bacteriums indiquee dans le Tableau II est trois ou quatre fois superieure au chiffre de ces memes organismes CULTURES A I/ETAT DE PURETE. 197 inscrits dans le Tableau f ; la caracteristique de la sensibilite d'tme liqueur nutritive parait done resider dans la faculte qu'elle presente de favoriser le rajeunissement d'une classe speciale de microbes : les bacteriums, doues d'une tres grande fragilite, d'une faible resistance a la chaleur, a la dessiccation et aux antiseptiques. V. -- Des cultures des bacteries a 1'etat de purete. Je parlerai exclusivement ici des cultures a 1'etat de purete des microbes atmospheriques : les preceptes qui s'appliquent d'ailleurs a cette partie de 1'etude des organismes souleves dans 1'espace par la force du vent s'appliquent avec la meme rigueur a 1'etude des bacteries pathologiques. Grace aux enseignements de M. Pasteur, la culture d'une espece microscopique est deve- nue une operation banale de la Micrographie ; je fais evidem- ment allusion aux cultures ordinaires, qui ne reclament pas 1'emploi duvide, de temperatures rigoureusement constantes, de liquides speciaux, etc., en un mot, de conditions particuliere- ment difficiles a realiser, auxquels cas l'observa*eur inexperi- mente a souvent quelques difflcultes a mener a bien une opera- tion de ce genre. Soit le cas le plus simple : 1'observateur est en possession d'une culture mere absolument exempte d'autres organismes ; il veut perpetuer cette espece ou en obtenir plusieurs generations. Pour cela, il suffit d'introduire une gouttelette de la culture mere dans des conserves steriles, maintenues a 1'abri des impu- retes atmospheriques. Plusieurs auteurs transportent le liquide infecte de Finfusion malade a Finfusion saine au moyen d'un tube capillaire flambe ; j'emploie pour ma part un simple fil de platine rougi au prealable; au bout d'un jour, de douze heures et meme de quatre heures, les bacteries apparaissent en grand nombre dans le liquide ou elles ont ete semees ; d'auirefois, c'est aubout de quarante-huit heures ou meme de trois jours que se manifeste le trouble ou le depot, indice certain de la reussite de 198 CHAPITRE VI. 1'operation. Les insucces observes dans ces experiences peuvent tenir a plusieurs causes : a rinfertilite du terrain dans lequel on tente le rajeunissement du microbe, a la mort des organismes dans la culture mere et aux erreurs qui ont pu se glisser a 1'insu de Fobservateur dans le cours des manipulations. II existe beaucoup de liquides ou tels bacteriens ne peuvent pas se developper; le bacille de la fermentation ammoniacale ne ?roit pas dans le bouillon Liebig; un grand nombre de bacte- 'iums, de microcoques ne peuvent jamais se developper dans le liquide de Gohn, les infusions de foin, de carottes, d'albumine d'oeuf, etc. ; le moment le plus favorable au succes de ces transplantations d'especes d'un milieu dans un autre parait etre celui ou la bacterie est a 1'etat adulte dans toute sa vigueur ; alors elle continue souvent a se multiplier par scissiparite dans un li- quide ou ses semences n'auraient germe qu'avec la plus grande difficulte, si meme cette germination eut ete possible. D'autres fois, quand la culture est un peu viertle et quand une fermen- tation ou une putrefaction energique a repandu dans la liqueur des principes toxiques pour les bacteries et leurs graines, 1'espece est promptement tuee ; la culture perdue est uniquement peuplee de cadavres : c'est ainsi que perissent fort rapidement les schizo- mycetes des fermentations ammoniacales, sulfhydriques, les sac- charomycetes des fermentations alcooliques, alors que d'autres bacteries peuvent rester ensevelies pendant plusieurs annees dans les liquides alteres sans perdre leur vitalite J'ai en ma pos- session de 1'eau de la Seine renfermee depuis 1877 dans des bal- lons scelles, qui se montre encore aujourd'hui capable de feconder les infusions a la dose d'une simple goutte. M. Pasteur a park; de corpuscules germes de la bacteridie charbonneuse trouves pleins de virulence apres une periode de douze annees. Lors du percement de 1'avenue de 1'Opera a Paris, j'ai trouve, dans le canal medullaire du femur d'un etre humain enseveli depuis plu- sieurs siecles, des bacilles vulgaires dont le developpement de- manda seulement trente-six a quarante heures ; enfm M. le profes- seurVanTieghemadecouvertde son cote des amylobacters dans des tiges de vegetaux petrifies; ces bacilles, egalement petrifies, CULTURES A I/ETAT DE PURETE. 199 n'etaient pas evidemmentTajeunissables, mais on lesy voyait aux diverses phases deleurdeveloppement, cequi faisait assister, apres plusieurs milliers de siecles, a un phenomena de decomposition des substances organisees, facile a provoquer encore de nos jours avec les memes microbes. Cependant il existe plusieurs genres de bacteries communes dont la resistance au temps et a la dessic- cation ne depasse pas une periode de six mois. M. Pasteur a vu le bacillus anthracis incapable de vivre plus de six jours a une temperature de 42-43. Les conditions de culture ont done aussi une grande influence sur la vitalite des microbes. II reste sur ce sujet bien des etudes interessantes a entreprendre et de nom- breux problemes a resoudre. Pour introduire dans un milieu nutritif sterilise une goutte- lette d'une culture mere destinee a le peupler, on est, dans les cas habituels, oblige de laisser la culture au contact de Pair pen- dant au moins une dizaine de secondes; a ce moment le liquide, jusque-la vierge de toute impurete atmospherique, peutrecevoir des semences etrangeres apportees par les courants d'air, toujours nombreux, determines par les mouvements de 1'observateur, les appels d'air froid provoques par les bees de gaz voisins du lieu ou Ton opere. Pour M. le professeur Tyndall, nos plus grands experimen- tateurs n'ont pas alors meme la notion du danger que courent les infusion ; cette notion est fort aisee a calculer : il suffit pourcela de placer aupres des vases a culture, laisses ouverts dix secondes, des vases de meme ouverture, qu'on laisse largement beants pendant vingt-quatre ou quarante-huit heures, puis de compter, par un precede mentionne plus bas, le nombre de mi- ( robes qui sont venus se perdre dans le vase. Au laboratoire de Montsouris, c'est a peu pres toutes les six minutes qu'un vase a col ouvert, de o m ,oio de diametre, recoil un microbe rajeunissable dans le bouillon de boeuf sale : on peutdonc, dans Tintervalle de la chute de deux germes, ouvrir et refermer quarante vases, sans con- stater un cas d infection par les microbes aeriens. Si 1'ouverture du vase a un diametre cinq fois moindre,comme cela existe dans mes appareils a culture, la chance d'infection devient de 2OO CHAPITRE VI. telle est la notion exacte du danger que courent les milieux nutri- tifs. A cote de cette cause d'erreur si faible, il en existe une se- conde un peu moins negligeable, mais tout aussi aisee a calculer ; quand on transporte la gouttelette, attachee au fil de platine, de la culture mere a la conserve sterilisee, le fil decrit dans Fair un solide a trois dimensions representant fort exactement le vo- lume de Fair deplace par ce fil. Supposons que ce solide ait o m ? ooi d'epaisseur, o m ,O2 de hauteur (longueur du fil supposee immergee) et o m , 25 de largeur; de plus que tons les germes contenus dans cet air se soient fixes sur le fil de platine et la gouttelette et soient seines dans 1'infusion : au laboratoire de Montsouris i ht d'air renfermant, en chiffre rond, trois microbes rajeunissables dans le bouillon de boeuf sale, le volume du solide designe etant egal a 5 CC , 1'infection pourra se produire une fois sur soixante-dix ; si Ton opere dans le pare de Montsouris, ce sera une fois sur quatre cents. On me pardonnera d' avoir oppose aux conceptions si hasardees de plusieurs savants ces quelques fails, pointilleusement exacts. Les vases a culture des especes bacteriennes a Fetat de purete peuvent revetir les formes les plus diverses; ils doivent cependant remplir deux conditions essentielles, absolument in- dispensables : mettre le liquide nutritif a Fabri des poussieres exlerieures pendant toute la duree de Fexperience et permettre a Fobservateur de puiser aisement, dans la conserve infestee de microbes, des fractions de liquide destinees, soit a des examens microscopiques , soit a des inoculations, soit encore a de nou- veaux elevages de microbes, sans exposer le milieu nutritif a Faction de causes d'erreur plus grandes que celles dont il vient d'etre fait mention. Ordinairement ces vases doivent etre con- struits de facon a permettre a Fair pur d'affluer a la surface du milieu nutritif. Dans ses recherches sur la fermentation et les cultures a Fetat de purete des mucedinees , M. Pasteur a employe le ballon qui porte son nom, represente dans la fig. 66: c'est un vase spherique de la capacite de o lil ,5, pourvu de deux tubulures ; Fune est etiree en un long tube capillaire recourbe vers le sol, CULTURES A I/ETAT DE PURETE. 2OI 1'autre, grosse et rectiligne, est terminee par un bout de tube en caoutchouc dans lequel glisse un bouchon de verre; le ballon charge de liquide nutritif est porte a 1'ebullition ; on laisse pen- dant plusieurs minutes la vapeur s'echapper par le col droit, puis on le ferine avec le bouchon de verre flambe : la vapeur pri- vee de cette issue s'eleve alors dans la seconde tubulure , par- court le tube etroit en col de cygne, a 1'extremite duquel elle Fig. 66. Ballon de M. Pasteur. s'echappe en sifflant. Au bout de quelques instants, on retire le feu, Fair rentre en deposant le petit nombre de germes qu'il renferme , dans le tube capillaire treinpe de vapeur d'eau con- densee. Get appareil peut etre utilise avec les liquides sterili- sables a 1'ebullition sous la pression normale, commele moutde raisin, le mout de biere houblonnee, et en general avec les sues et les liqueurs fortement acides, c'est-a-dire peu favorables an developpement des schizophytes. Pour semer dans le ballon Pasteur une espece microscopique, ou en retirer un organisme en voie de croissance et de multiplication, on enleve, apres 1'avoir rapidement flambe, le bouchon de verre adapte au caoutchouc, on porte 1'espece au contact du liquide sterilise au moyen d'un fil metallique chauffe, ou bien encore on preleve une portion de 202 CHAPITRE VI. liquide du ballon destinee a provoquer de nouvelles fermenta- tions ; puis le bouchon de verre passe par la flamme est de nou- veau introduit dans le tube de caoutchouc. Pour la premiere fois, en 1876, M. Pasteur a donne la descrip- tion d'un second vase a culture destine primilivement a modifier a 1'abri des poussieres de 1'air les liquides nutritifs sterilises, par Faddition d'un principe chimique tenu dissous dans un vehicule egalement purge de germes. Get instrument, dont le dessin est re- produit dans \&fig- 67, est fait d'un tube en U renverse dont les Fig. 67. Tube a culture de M. Pasteur. deux extremites sont fermees et pourvu a la partie la plus elevee de sa convexite d'un petit tube ouvert garni d'un tampon de ouate. A la partie superieure lalerale des branches du tube en U renverse sont etirees deux pointes effilees et recourbees en bas. Ges pointes scellees, 1'appareil est passe au fourneau a gaz. Plus tard, alternativement cassees et fondues, elles permettent d'intro- duire dans 1'appareil deux echantillons d'un liquide chauffe an prealable a n5. Je ne veux pas medire de cet instrument, mais il me parait peu commode pour les experiences courantes : le li- quide d'une des branches est affecte a la reproduction des mi- crobes ; 1'autre est, a mon avis, bien inutilement conserve comme temoin, car le tube temoin peut rester limpide, alors que la culture CULTURES A I/ETAT DE PURETE. 2o3 a etc accidentellement infestee, et quelquefois la culture peut etre pure, alors qu'un germe apporte par le hasard peut avoir deter- mine 1'alteration du contenu du tube dit temoin. Pendant quelque temps j'ai fait usage, a 1'Observatoire de Montsouris, pour cultiver les microbes, de matras scelles a la pres- sion ordinaire et portes ensuite a 110 avec le liquide nutritif dont ils etaient charges. Quand je voulais ensemencer une espece, j'ouvrais la pointe capillaire de ces vases, je portais le microbe dans le liquide et il ne restait plus qu'a fondre de nouveau cette pointe : Fair n'avait pas evidemment un libre acces a la surface de la liqueur, mais il restait toujours assez d'oxygene (le matras etant seulement pourvu du tiers de son volume de liquide ste- rile) pour fa vo riser 1'eclosion et la multiplication des bacteries. Autant le tube en U renverse de M. Pasteur est complique, fragile, difficile a utiliser dans les operations usuelles, autant le matras de ce savant, decrit, je crois, pour la premiere fois dans la these de M. Chamberland (fig. 68), est simple, commode, Fig. 68. Matras de M. Pasteur. aise a rnanier par les mains les moins expertes : cela explique la vogue dont cet appareil ingenieux jouit aujourd'hui et son adop- tion dans tous les laboraloires francais de micrographie, ou Ton s'occupe de 1'etude des microbes communs ou pathologiques. Le matras Pasteur a la forme du flacon souffle employe en Physique pour prendre la densite des corps solides ou des substances pulve- 204 CHAPITRE VI. risees ; il en differe seulement par cette particularite que le bou- chon, au lieu de s'engager dans le col et d'etre use exterieurement a 1'emeri, est use interieurement et recouvre ce col a la maniere du capuchon d'une lampe a alcool; dans le tube qui surmonte le bouchon, on place un tampon de ouate a. Le maniement de ce petit appareil ne demande pas un long apprentissage ; le vase ste- rilise est rempli, avec le secours d'une pipette flambee, d'un liquide prive de germes, abandonne a 1'etuve et mis en usage, s'il ne presente aucun signe manifeste d'alteration apres cet essai. Pour ma part, j 'use depuis longtemps du petit ballon souffle represente dans la fig. 60,, forme d'un tube a boule, a branche Fig. 69. Tube a boule dispose pour la culture des microbes, au ^ de grandeur. inferieure relevee en haut et laissee rectiligne : c'est par la pointe a cassee que se font les ensemencements au moyen du fil de platine rougi, les prises et les additions des liquides au moyen de pipettes a extremites effilees ; Fair afflue dans la conserve par la branche ouverte, garnie d'une bourre de colon deverre.La mise en experience de cet instrument est un peu moins elementaire que le maniement du matras Pasteur; il a cependant pour avan- lages de pouvoir etre charge de liqueurs nutritives en un seul CULTURES A I/ETAT DE PURETE. 2O5 temps, de se preler aux cultures dans le vide ou dans differenls gaz, surtout de pouvoir etre maintenu a des temperatures rigou- reusement constantes, quand on le plonge dans un bain regie, apres 1'avoir leste d'une masse de plomb, et enfin de diminuer les erreurs dues a la chute des poussieres exlerieures. Dans plusieurs laboratoires de 1'Allemagne, on emploie des vases a une seule ouverture de la forme de bulles de pipettes de M. Tyndall, ulilisees, il y a bien longtemps, par M Pasteur (<) pour etudier 1'action de 1'oxygene de Pair sur le vin. Ges vases cylindriques tubules sont pourvus de liquide et d'une bourre de colon, puis soumis dans un autoclave a 1'ebullilion sous la pres- sion d'une demi-almosphere, c'est-a-dire d'une temperature voi- sine de 1 10 ; a ce degre de chaleur, la sterilisation est evidemment parfaite, mais ce qui cesse d'etre parfail, c'est 1'enlevement de la bourre, toutes les fois qu'on veut semer une espece, ou retirer une portion de liquide ; les causes d'erreurs viennent alors en foule vicierles resultats; dans ces conditions, je comprends sans peine que M . Buchner, de Munich, ait pu trouver le bacillus subtilis la ou il avail seme le bacillus anthracis. D'ailleurs ce sysleme de ase a cullure ne peul etre employe a la culture des microbes dans les liqueurs sterilisees a la lemperalure ordinaire : ces raisons diverses doivenl done le faire rejeler sans regret. Quand la cullure mere mise a la disposilion de 1'observaleur renferme d'aulres bacleries a cote du microbe dont 1'oblenlion a 1'elal de purete importe seule, il esl souvenl necessaire d'eliminer ces organismes parasiles, qui peuvenl generic developpemenl du microbe principal, 1'eloufFer el le faire perdre au boul de quelques jours. Le conlraire peul evidemmenl avoir lieu, mais ce n'est pas le cas le plus frequenl ; on doil alors recourir a un precede general de separalion qui donne toujours d'excellents resultats quand il est bien applique. Une goutle de la cullure impure esl delayee dans 3o cc a 4o cc d'eau slerilisee , versee dans une espece de matras Pasteur (fig. 70) donl la lige du bouchon esl pleine, au lieu d'elre creuse. (') PASTECR. Etudes sur le vin, i860. 206 CHAPITRE VI. L'ean est violemment agitee, puis i cc ou o cc , 5 de cette dilution est ajoute a une nouvelle quantite d'eau sterilisee, egalement placee dans un second matras : nouvelle agitation du liquide, puis nou- velle addition d'une minime fraction de cette seconde dilution dans un troisieme matras charge de 3o cc a 4o cc d'eau sterilisee ; enfin cette eau, peuplee de germes Ires espaces dans sa masse, est ensemencee a la dose d'une goutte ou fraction de goutte dans Fig. 70. V, matras a diluer les infusions; A, ampoule d'eau sterilisee, appareil au de grandeur. dix, vingt ou trente conserves dont quelques-unes s'infestent sous Faction des microbes de la culture primitive; souvent ces microbes croissent separement a Tetat de purete, et alors on se trouve en possession d'un ou plusieurs milieux vierges d'orga- nismes etrangers. Sil'espece specialement cultivee estun bacille accompagne de bacteriums et de micrococcus, on pent se debar- rasser de ces derniers bacteriens avec le concours de la chaleur. Une goutte de la culture est introduite dans une ampoule privee de germes, puis maintenue environ pendant une heure vers 100. Les micrococcus, les bacteriums et les spores des moisissures habituellement incapables de resister a cette chaleur sont detruits, a 1'exception de la majorite des germes des bacilles qui peuvent alors se rajeunir dans les liqueurs nutritives, en 1'absence des schizophytes auxquels ils etaient d'abord melanges. II est bien moms aise de debarrasser les microcoques et les bacteriums des bacilles; la chaleur n'est plus ici utilisable. On a, il est vrai, parle de favoriser exclusivement la germination d'une espece au CULTURES A I/ETAT DE PURETE. 207 detriment des autres par Temploi de liquides speciaux; mais ce moyen n'est pas pratique, car une foule de microbes vulgaires s'accommodent tres bien de la meme nourriture et du meme genre de culture. On pourrait cependant separer les etres anaero- bies des etres aerobics avecle secours du vide, certains microbes pathologiques des microbes communs, par leur inoculation aux etres vivants ; je crois meme que cela a deja etc fait par M. Pas- teur. En toutcas, la methode generale exposee plus haut parait seule a 1'abri de tout reproche. La numeration des germes atmospheriques operee d'apres la methode decrite a la page i^5, c'est-a-dire de facon a deter- miner une fois sur deux ou trois 1'infection des liquides nu- tritifs des conserves mises en experience" semble tout d'abord garantir, danslaplupart des cas, la purete des microbes recoltes dans chaque petit ballon altere; il n'en est rien cependant, et je suis loin de conclure a la purete d'une espece recueillie dans ces circonstances, alors meme que le microscope accuse une seule espece de microbes, et voici pourquoi. Pour fixer les idees, con- siderons deux series de conserves ensemencees par les poussieres aeriennes,les unes de bouillon Liebig, les autres dejusde viande; pour obtenir F alteration du bouillon Liebig, Fexperience de- mon tre qu'il faut introduire dans ces derniers ballons un volume d'air douze fois plus grand que dans ceux de jus de viande, au- trementdit 1'espece qui se developpe dans le premier liquide est accompagnee de onze germes prives de vitalite en apparence pour un dont la germination est possible et le developpement rapide. Dans ces conditions, une culture ne peut etre evidem- ment considered comme pure; mais attendons vingt jours ou un mois : le microbe primitivement si actif a evolue, fourni plusieurs generations d'organismes, modifie profondement le bouillon Liebig, et alors quelques-uns des germes d'abord inertes entrent a leur tour en activite, d'ou une source d'illusions et d'erreurs faciles cependant a prevenir en employant I'artifice suivant : peu de temps apres la germination du microbe facile- ment rajeunissable dans le bouillon Liebig, et des Tapparition du bacterien, caracterisee par un faible louche ou un leger depot, \on 208 CHAPITRE VI. se hate de transporter, a 1'extremite d'un fil de platine, 1'espece dans un autre vase a culture, ou elle apparait promptement, puis de la semer dans un troisieme ou elle se perpetue generalement a 1'etat de purete. Le point capital de cette manoeuvre consiste done a laisser dans les conserves directement ensemencees par les poussieres atmospheriques tous les germes lents a y eclore-, il faudrait, on le congoit facilement, dans le cas pris pour exemple, un concours de circonstances inimaginables pour ar- river ainsi a introduire dans la troisieme culture un des onze germes apportes dans la premiere conserve avec le microbe qui s'est seul multiplie. Gette chance serait, d'apres un calcul ele- mentaire, celle d'une personne qui aurait pris a une loterie de 100 millions de billets un seul numero dans Tespoir de gagner un des onze lots dont elle se compo serait. Je n'insiste pas plus longuement sur les precautions reclamees pour la culture des microbes a 1'etat de purete, et je passe imme- diatement a Fexposition de mes recherches statistiques sur les bacteries aeriennes. CHAPITRE VII. 1. Du chiffre des bacteriens trouves dans 1'air au pare de Montsouris; de 1'influence de la temperature, de Thumidite, de la secheresse, de la force et de la direction des vents sur le nombre des microbes atmospheriques. II. Experiences de laboratoire tendant a prouver que 1'humidite est vine des causes d'affaiblissement les plus puissantes du chiflFre des germes aeriens. III. Resultats statistiques obtenus au centre de Paris et au sommet du Pan- theon. IV. Bacteries et maladies epidemiques. I. Du chiffre des bacteriens trouves dans 1'air au pare de Montsouris. Avant mes recherches, personne n avail aborde 1'etude statis- tique des bacteries atmospheriques. Dans son excellent Me- moire De Vexamen micro scopique de Vair, le D r Cunning- ham dit bien quelque part qu'il ne saurait etre etabli de relations entre les germes des bacteries des poussieres de 1'at- mosphere et la predominance des maladies epidemiques ; raais on cherche en vain dans cet Ouvrage 1'expose de travaux effec- tues sur ce point; on y trouve an contraire 1'aveu des diffi- cultes Ires grandes dont cette etude est entouree, et dans le dia- gramme public par ce meme auteur on voit uniquement figure, a cote d'un nombre de deces fort restreint observes aux prisons d'Alipore et de la Presidence a Calcutta, le chiffre des spores des moisissures et des pollens dont le role pathogenique est aujourd'hui des plus contestables. Comme j'ai deja eu 1'occa- sion de le dire, les experiences effectuees dans le but de deter- miner la nature des bacteries de 1'air sont au contraire fort nombreuses. Apres les recherches de Pouchet, Thompson, 4 210 CHAPITRE VII. Pasteur, ilfaut citer celles de Samuelson, Lemaire,Gohn, Pelten- koffer, Maddox, Schoenauer, et d'une foule d'autres savants. En compulsant les travaux de micrographie atmospherique parus de 1'annee 1860 a 1'annee 1879, epoque de mes premiers essais sur 1'analyse quantitative des bacteries, je n'ai rien vu qui meritatle nom de statistique microbique. Au conlraire, plusieurs auteurs, guides jusqu'alors par les seules vues de 1'esprit, ont dedaigneu- sement traite les germes aeriens de negligeables ; d'autres,sur la foi d'experiences mal conduites, ont ete efFrayes deleur nombre. L'opinion de M. Pasteur, qui estd'un si grand poids en matiere de micrographie atmospherique, n'a ici rien de categorique et se trouve formulee vaguement dans un Memoire celebre public en 1878 ( * ) : L'observation, dit ce savant, nous montre chaque jour que le nombre des germes (aeriens) des bacteries est pour ainsi dire insignifiant a cote de ceux qui sont repandus dans les poussieres a la,surface des objets on dans les eaux communes les plus limpides . Je regrette de ne pas partager sur ce point 1'avis de M. Pasteur; car, tout en admettant avec lui qu'a volume egal Fair renferme infiniment moins de microbes que les eaux potables, il est certain qu'un Parisien introduit dans ses poumons plus de germes qu'il n'en boit avec 1'eau necessaire a son ali- mentation : je crois done prudent et sage d'accorder une mo- deste place aux germes atmospheriques, si divers, si difficiles a atteindre, a cote des bacteries des eaux, des aliments alteres dont il est si aise de se debarrasser. Pour M. le professeur Tyndall, tantot 1'air est d'une purete extreme, tantot il est charge de germes, si serres, si nombreux que les manipulations ayant trait a 1'etude des bacteries devien- nent d'une difficulte excessive. Dans ses remarques sur la fer- meture hermetique des ballons scelles en pleine ebullition : Quelquefois, dit ce savant ( 2 ), la pression interieure est supe- (') PASTEUR, Theorie des germes et ses applications a la me'decine et a la chirurgie (Comptes rendus des seances de V Academic des Sciences, t. LXXXVF, .878). ( 2 ) TYNDALL, Les Microbes, p. 255; 1882. BACTERIES DU PARC DE MONTSOURIS. 211 rieure a celle du dehors et la vapeur s'echappe librement; mais aun moment donne, par suite de 1'adherence du liquide aux parois de la fiole et de la condensation , la pression peut descendre au-dessous de celle de 1'atmosphere et il y a regurgitation. Ce triomphe alternatif des pressions interieure et exterieure se trouve d'ailleurs mis en evidence par le mouvement de 1'eau condensee dans le col de la fiole. Ce liquide agit comme un index qui va et vient suivant que la pression varie. II est clair que la contamination peut etre introduite de cette maniere, et elle 1'a certainement ete dans des fioles reputees libres d'air . MO me dans Fatmosphere de Kew, M. Tyndall a compte 9 pour 100 d'insucces dus a la rentree d'une bulle d'air dans des fioles scellees au moment de leur ebullition. J'en demande pardon a 1'illustre membre de la Societe royale de Londres, ce n'est pas a 1'introduction des germes qu ? il faut attribuer une fois sur mille 1'infection observee dans ces circonstances, mais a la rentree de 1'oxygene capable de favoriser la multiplication des semences des bacteries contenues dans le liquide et non detruites par la temperature de 100. En retablissant la verite des fails, Fhypo- these de 1'infection extreme de 1'atmosphere par les microbes s'evanouit comme par enchantement. En calculant tous les jours le chiffre des bacteries atmosphe- riques avec les precautions decrites precedemment, on ne tarde pas a s'apercevoir que les nombres obtenus sont variables, beau- coup plus meme que ceux des spores cryptogamiques des moi- sissures. En comparaut les resultats moyens trouves par se- maine, par mois et par saison avec la temperature, 1'etat de secheresse et d'humidite, il est facile de saisir des relations con- stantes entre ces donnees numeriques et divers^etats meteorolo- giques bien tranches. En general, le chiffre des bacteries, pen eleve en hiver, croit au printemps,reste haut en ete et baisse ra- pidement a la fin de 1'automne : c'est du moins ce qui parait resulter des moyennes generates deduites des moyennes men- suelles obtenues depuistrois ans a 1'Observatoire de Montsouris , ou la depression hivernale du chiffre des microbes s'est toujours accusee avec beaucoup de nettete. 212 CHAPITRE VII. Bacteriens recoltes au pare de Montsouris ( 1 ). Annee normale. Mois. Janvier . . Microbes par metre cube. u8 Temperature. 2 a Fevrier . . 33 2 5 Mars 67 6,4 Avril 55 IO O Mai io5 l4 2 5i I" 7 ,2 Juillet o5 18 Q Aout 80 i8,5 Septenabre io3 l5,7 Octobre 1 70 n 3 Novembre 128 6,5 Decembre.. 5o 3,5 Gomme on peut en juger, les moyennes mensuelles triennales obtenues au pare de Montsouris sont loin de presenter ces varia- tions douces,ces augmentations et diminutions graduelles signa- lees pour les spores des moisissures, quand on partdes saisons froides pour aller aux saisons chaudes et quand on part de ces dernieres pour revenir a 1'epoque des frimas ; peut-etre au bout d'une dizaine d'annees la repartition inconstante des pheno- menes meteorologiques permettra-t-elle d'obtenir des moyennes mensuelles de bacteries caracterisees par des series plus harmo- nieuses de chiffres. Aujourd'hui rien de pareil n'est evident et je dois produire uniquement les donnees de 1'experimentation sans prejuger de ses resultats futurs. L'air peut etre riche en bacteries en ete ; il peut aussi n'en montrer qu'une quantite tres faible, comme le prouvent sura- bondamment les nombres inseres dans le tableau suivant : .{') A moins d'une mention speciale, les resultats de la statistique des germes enregistres dans ce Chapitre et dans les suivants sont reportes au bouillon Liebig,de densite egale a 1,024, remplace depuis une annee dans mon labora- toire par le bouillon de boeuf sale a i pour 100, dont le degre de sensibilitc aux microbes est environ sept fois plus eleve. Janvier 36 o,5 45 i ,4 Fevrier i5 5,4 3i 4,9 Mars 93 10,2 74 8,2 Avril 56 10,0 48 9,5 Mai 196 i3,8 80 '3,4 Juin 39 '5,9 92 i6,3 Juillet 53 19,1 190 20,0 Aout \- 19,4 in 17,2 Septembre 129 16,7 io5 94,5 Octobre 142 10,0 104 7,8 Novembre 1 06 5,8 7" 8,6 Decembre 49 7,o 52 7,5 BACTERIES DU PARC DE MONTSOURIS. 2l3 Moyennes mensuelles des bacteries recoltees par metre cube d'air d V Observatoire de Montsouris. 1880. 1881. 1882. Mois Microbes. Temperat. Microbes. Temperat. Microbes. Temperat. o o o 63 2,3 84 4,6 35 9j 3 60 10,8 4o i3,8 21 i5,8 43 19,8 21 17,2 74 i4,4 23 11,7 i3 8,3 4,9 Pour faciliter au lecteur 1'interpretation de ces chiffres, j'ai construit le diagramme (fig. 71) ou la quantite des bacteries est representee par les espaces ombres et les temperatures men- suelles par la ligne brisee ponctuee. On y voit d'abord le nombre des semences bacteriennes tres eleve en octobre et novembre 1 879 decroitre rapidement avec la temperature, puis se relever jus- qu'en mai 1880 avec cette derniere ; mais alors, tandis que la chaleur s'accrott, passe par des maxima fort voisins, le nombre des bacteries s'amoindrit considerablement et passe par des mi- nima remarquables aux mois de juin, juillet et aout. En sep- tembre et octobre de la meme annee les microbes atmospheriques deviennent tres frequents, puis leur disparition s'accentue forte- inent a 1'approche de 1'hiver. En 1881, la concordance de la courbe des bacteries et des temperatures moyennes est manifes- tement evidente. En 1882, le contraire est absolument vrai : les microbes atmospheriques diminuent a mesure que la tempera- ture augmente. En juin, on observe a Montsouris la moyenne mensuelle minimum des dix mois ecoules. Ainsi les crues et les decrues des microbes aeriens, observees de CHAPITRE VII. 1'annee 1880 a 1882, sont deux fois sur trois en disaccord pro- fond avec la marche de la temperature. Les variations des bacteries sont evidemment regies par d'autres agents; 1'experi- mentation demontre que la secheresse et la pluie ont sur elles Fig. 71. |Ml^ De la relation du nombre des spores bacterienues avec la temperature (annees 1880-81-82). une action toute-puissante. Pour mettre en evidence Faction de la pluie sur le chiffre des schizophytes aeriens, il me suffit de reproduire ici un diagramme (fig. 72) deja public dans VAtir nuaire de Montsouris pour Van 1881 , ou les resultats hebdo- madaires moyens de la statistique microbique sont representes par une ligne pleine brisee tres anfractueuse, et la tranche de pluie tombee pendant la semaine par des espaces rectangulaires BACTERIES DU PARC DE MONTSOURIS. 2l5 verticaux, teintes en noir. Chaque intervalle horizontal repre- sente a la fois 2 mm , 5 de pluie et vingt-cinq bacteries par metre cube. Fig. 72. ft* Janr.80 Terrier > MOPS I Avril [ Mai | Juin JoaRetj Aoiit |>ept Pluies et bacteries atmospheriques (annee 1879-1880). A 1'examen le plus superficiel de ce diagramme, il saute aux yeux que pendant les periodes pluvieuses le chiffre des bacteries devient excessivement faible et passe au contraire par des maxima pendant la secheresse. Le nombre des schizophytes no- tablement eleve en octobre et en novembre 1879 a rapidement baisse en decembre apres la chute d'une couche de neige eva- luee a 34 mm de pluie. Le froid est tres rigoureux ; on a observe le 10 decembre la temperature la plus basse du siecle ( 24 ) Du i er au 1 5 Janvier la baisse s'est encore accentuee ; vers cette epoque, un minimum de cinq bacteries par metre cube a ete note a FObservatoire ; du i5 au 3i, les bacteries sont devenues de plus en plus frequentes. En fevrier, il pleut, les bacteries sont excessivement rares. Le mois de mars est sec, les schizomycetes deviennent nom- breux; les pluies d'avril les font de nouveau disparaitre; ils 2l6 CHAPITRE VII. reparaissent en mai pour rester en petit nombre jusqu'a la deuxieme quinzaine de septembre ; en resume, cette courbe de bacte*ries atmospheriques presente, en dehors de quelques in- flexions secondaires de faible amplitude, une serie d'oscillations tres accusees dont les sommets de plus en plus eleves ont etc observes aux periodes seches de fin Janvier, de mars, de mai et de fin septembre, et des depressions de moins en moins pro- fondes correspondant aux periodes pluvieuses de fevrier, d'avril, de juin, de juillet, d'aout et de la premiere quinzaine de sep- tembre ; d'ou cette loi generale, sans cesse verifiee depuis trois ans : Contrairement a ce qui se remarque pour les sentences aeriennes des moisissures, le chiffre des bacteries, faible en temps de pluie, s'eleve quand toute luunidite a disparu de la surface du sol. J'ai deja dit pourquoi les semences de plusieurs cryptogames etaient fort abondantes pendant les temps de pluie ; il me reste maintenant a expliquer pour quelle raison les microbes sont an contraire tres rares durant ces periodes et infiniment plus fre- quents pendant la secheresse; cela tient aux moeurs et an mode de vegetation des bacteries ; le plus souvent elles vivent dans les milieux humides etpenetrent les substances imbibees des sues .propres a les nourrir; le vent eprouvant alors une tres grande difficulte a arracher du sol mouille les particules de toutes especes agglutinees par Fimbibition ou retenues par les forces capillaires qui font adherer les liquides aux solides ; les bac- teriens faisant partie de ces corpuscules restent a ce moment fixes avec force sur le lieu meme ou ils se sont developpes : telle est 1'interpretation rationnelle de ce phenornene. Si les schizophytes avaient cependant la faculte de s'elever dans Fatmo- sphere avec la vapeur d'eau, comme 1'ont dit plusieurs auteurs, le contraire devrait etre vrai; car tout le monde sait que les bacteries ne peuvent se developper sur le sol et les divers milieux qu'a la condition de les trouver pourvus d'une quantite d'eau suffisante : or, le chiffre des microbes aeriens etant faible, quand la terre est mouillee , les bacteries ne jouissent pas de la fa- culte de s'elever dans Fair avec la vapeur aqueuse quienemane. BACTERIES DU PARC DE MONTSOURIS. 217 Analysons maintenant de plus pres 1'influence de la seche- resse sur la richesse de Pair en microphytes. En pte, a Tepoque des chaleurs fortes et continues, Tatmosphere se debarrasse,vers la deuxieme ou troisieme semaine, des microbes nombreux dont 1'existence etait aisee a meltre en evidence durant les premiers beaux jours ; tout calcule, le nombre des germes diminue et cela par le fait d'une dessiccation qui leur enleve avec beaucoup de leur vitalite la faculte d'eclore dans les milieux ou on les eusemence. Fig. 7 3. 700 too 3 co orvui m r,p > fee koa Joo Pi. giian in I; .1! 16 20 25 3oJuin Jam 25 3oJuillet 5 De 1'action de la secheresse sur le nombre des bacteries aeriennes. Le climat de Paris, si different a ce point de vue de celui du midi de la France, ne permet pas souvent a 1'observateur d'etre temoin de cette disparition des microgermes par exces de seche- resse; cependant, au mois de mai de 1'annee 1880 et an mois de juillet de 1'annee 1881 , nous avons possede deux series de'jours sans pluie ou le phenomene que je signale s'est presente avec nettete. Dans le premier troncon du diagramme A (fig- 73), on voit le chiffre des microbes, parti de tres bas au commencement du 2 1 8 CHAPITRE VII. mois de mai 1880, s'elever graduellement a mesure que le sol se desseche, d'abord avec lenteur (la temperature moyenne etant encore inferieure a 10), puis rapidement etenfln decroitre jus- qu'aux premiers jours de juin. La relation donriee par le diagramme B n'est pas moins in- structive. La pluie cesse de tomber le 26 juin 1881 ; des les jours suivants, la courbe des microbes prend tine course rapi- dement ascendante, passe par un maximum an point de rebrous- sement vers le a juillet, puis s'abaisse le 3 et le 4- Une chute de pluie de 3 mm , tombee le 6 juillet, accelere la descente de la courbe; mais cette eau est bientot evaporee, le chiffre des bac- teries s'eleve faiblement pour s'abaisser de nouveau sous Faction d'une chaleur sans cesse croissante. En 1'absence d'experiences effectuees dans les pays ou la se- cheresse regne sans discontinuite pendant plusieurs mois, il est assurement hasardeux d'emettre une opinion sur le chiffre des schizophytes qui peuplent Pair aux epoques des fortes cha- leurs : neanmoins, les observations precedentes donneraient a penser que ce chiffre peut y devenir plus faible que dans les zones plus temperees arrosees de pluies a courts intervalles. La force du vent n'est pas non plus sans influence sur le nombre des bacteries recueillies ; son action, faible et peu appre- ciable quand le sol est humide, devient tres manifeste quand le sol est sec et friable : a Montsouris, aux epoques ou les vents de 1'est et de 1'ouest balayent avec force le macadam pulveru- lent du boulevard Jourdan, tres rapproche de notre prise d'air, situee a environ 6o m de cette voie publique, toute experience devient impraticable ; 1'impurete de 1'atmosphere est telle que la moindre quantite d'air suffit pour porter 1'infection dans les conserves les moins alterables ; mais ce sont la des etats atmo- spheriques transitoires assez rares, dont il faut tenir un faible compte, de crainte d'alterer trop profondement les moyennes normales fournies par les experiences courantes. La direction du vent n'a pas une influence moins nette sur le chiffre des microbes recueillis a Montsouris. Toutes choses egales d'ailleurs, la force da vent etant a peu pres la meme, BACTERIES DU PARC DE MONTSOCRIS. 2IQ Tepoque des experiences egalement distante d'une periode hu- mide, les courantsqui parviennent a Montsouris (') apres avoir traverse Paris dans une grande longueur sont toujours fort riches en microbes. Le Tableau suivant reproduit, d'apres un releve portant sur trois annees de recherches, les donnees numeriques moyennes resultant de mes observations : Influence de la direction du vent sur le chiffre des germes recoltes au pare de Montsouris. Microbes recoltes Direction du vent. par metre cube Nord 124 Nord-Est 1 62 Est i3o Sud-Est 74 Sud 42 Sud-Ouest 58 Quest 77 Nord-Ouest 108 La fig. 74 represente, sous une forme plus saisissante, les memes resultats. On y voit le vent du sud soufflantducote d'Ar- cueil arriver au lieu habituel de nos experiences en chassant de- vant lui quarante-deux microbes par metre cube. Le vent du sud-ouest, arrivant de Montrouge et de Ghatillon, charrier un chiffre de germes plus considerable ; puis celui de 1'ouest, tra- versant Auteuil, Grenelle, Vaugirard, apporter un nombre de microbes plus eleve; a partir de ce point les vents du nord- ouest, du nord et du nord-est poussent devant eux des atmo- spheres ayant parcouru Paris dans trois grands diametres et fortement chargees de microbes. Les vents de Test provenant du cote d'lvry et de Gharenton amenent un air aussi fortement infeste de microbes que 1'air charrie par le vent dunord. Enfin les courants atmospheriques diriges sur Montsouris par le vent ( l ) L'Observatoire de Montsouris est place dans 1'enceinte de Paris, a une centaine de metres des fortifications sud, au voisinage du meridien du grand Observatoire. 220 CHAPITRE Ml. du sud-est possedent une richesse en microbes un pen inferieure a la moyenne : ils ont traverse les hauteurs de Gentilly et de Bi- cetre. Ainsi 1'air le plus pur analyse a 1'Observatoire vient du sud ; 1'air le plus impur arrive des collines de Belleville et de La Villette. Sans tirer de ces observations d'autres conclusions que celles qu'elles peuvent comporter, je signalerai aux hygienistes EJ30 S.W_58 Influence de la direction du vent sur le chiffre des microbes recueillis a Montsouris. cet exemple frappant de la contamination de Fair par le sen I fait de son passage a travers une vaste agglomeration d'habi- tants. En supposant la vitesse moyenne du vent egale environ a 4 m par seconde, ce qui estfort voisin de la realite , une masse d'air parcourt Paris du nord au sud en une demi-heure et se charge pendant ce trajet d'un chiffre de microbes deux fois egal au chiffre de ceux qu'il possede deja; en un mot, son impurete BACTERIES DU PARC DE MOMSOURIS. 221 triple. Cette infection etant permanente, il est aise de calculer le chiffre des microbes fournis journellement parcettevilleaux vents qui ont mission d'epurer. Pour rester au-dessous de laverite, je supposerai que la couche d'air infestee mesure seulement 2O m de hauteur, et Paris forme par un carre de 8 km de cote ; le nombre de germes rajeunissables dans le bouillon sale qui s'en echappent par jour devient environ egal a 4oooo milliards : dans cette hypo- these, I'atmosphere de Paris etant en moyenne sans cesse chargee de 5ooo milliards de germes, elle cede a tout instant aux courants d'air epurateurs venus de la campagne la cinquieme partie de ses microbes. Au bout de vingt-quatre heures, elle a presque cede a 1'air venu de la campagne ce qu'il pent y avoir de bacte- ries dans 5o lil de bouillon en pleine putrefaction ; cette simple remarque suffira, je 1'espere, a expliquer la permanence de 1'in- fection de 1'air a ceux auxquels ces chifires pourraient paraitre fantastiques et qui se demanderaient 1'origine de ces myriades de microbes. D'autres causes paraissent exercer une influence appreciable sur la richesse de 1'air en bacteries. Je n'en parlerai cependant pas aujourd'hui, me reservant de les signaler le jour ou j'aurai en ma possession une surabondance de documents statistiques ; je n'insisterai pas non plus sur le mode d'action le plus efficace de quelques agents epurateurs de I'atmosphere ; les pluies inter- mittentes qui se succedent avant la dessiccation du sol ont a cet egard une action effective incomparablement plus puissante que les pluies d'orages copieuses, mais de courte duree, apparais- sant a intervalles souvent separes par plusieurs semaines. Au voisinage des grandes villes, la neige, designeepar plusieurs au- teurs comme 1'epurateur par excellence de 1'atmosphere, n'en- trave pas longtemps la course des sediments cosmiques : si elle peut entrainer dans sa chute les bacteries trouvees sur son pas- sage, elle est loin de les fixer sur le sol avec une grande solidite; il me parait certain qu'une rafale capable d'entamer une couche de neige tres froide lui enleve une partie des bacteries qu'elle a pu englober et surtout celles qui sont venues former au-dessus d'elle, avec une foule de detritus de tous les regnes, cette poussiere 222 CHAPITRE VII. jaune noiratre si facile a distinguer sur la neige vieille de huit ii quinze jours. De toutes les saisons de 1'annee, 1'automne a fourni jusqu'ici la moyenne la plus elevee de microbes, puis vient 1'ete, ensuite le printemps et 1'hiver. Moyennes trimestrielles des bacteries recoltees par metre cube d'air au pare de Montsouris. Automne. Hiver. Printemps. Etc. Moyenne. En 1879-1880 169 48 97 76 97 En 1880-1881 114 5o 78 i35 g3 En 1881-1882 79 61 40 66 62 Moyennes generates.. 121 53 70 92 84 En somme, 1'air du pare de Montsouris renferme par metre cube 84 bacteries rajeunissables dans le bouillon Liebig, ou 588 microbes capables d'eclore dans le bouillon de bceuf charge de io gr de sel par litre. II. Experiences de laboratoire tendant a prouver que 1'hu- midite est une des causes les plus puissantes d'affaiblis- sement du chiffre des germes aeriens. Plusieursmicrographesfort distingues ont affirme la presence de bacteries dans la vapeur d'eau emanee de la surface des infu- sions alterees; pour demontrer ce fait, ils placaient au-dessus d'un liquide putrefie une plaque de verre qui ne tardait pas a se recouvrir d'une buee, puis de gouttelettes fines, ou apparais- saient plus tard des bacteries pour ainsi dire sublimees ou vola- tilisees : j'ai du m'occuper de la refutation de cette assertion, contredite par les resultats de la statistique des bacteries aeriennes; en effet, il devenaitfort difficile d'expliquer dans ce cas la rarete des microbes en temps de pluie, epoque, je le repete, ou les bacteries se multiplient activement a la surface du sol. De plus, les chaleurs humides ayant etc signalees comme DIFFUSION DBS BACTERIE>S. tres favorables a la diffusion des schizomycetes, je me oblige d'instituer un groupe d'experiences pour combattre cette erreur, qui s'est glissee insensiblement dans la science micro- graphique. Les vapeurs emanees des eaux les plus impures, du sol humide sont toujours exemptes de germes. Je n'ai pas a definir ce qu'on entend en Physique par le phenomene de 1'evaporation sponta- nee : c'est, comme on le sail, le passage lentet tranquille, al'etat de vapeur, d'un liquide expose au contact de 1'atmosphere. Les couches d'air les plus voisines de la surface du liquide ou de la substance imbibee d'eau se chargent d'humidite, sont rempla- cees par un air plus sec qui se sature a son tour, et ainsi de suite : 1'element aqueux finit par disparaitre.Tout autre pheno- mene, comme la pulverisation de 1'eau qui s'observe souvent en temps de vents violents,ne doit pas etre confondu avec I'evapora- tion simple. La pulverisation est un enlevement de particules liquides parfaitement comparables au soulevenient des pous- sieres scenes. Les phenomenes d'infection qui en resultent sont identiquement les memes; les globules aqueux, lances dans l'atmosphere, diminuent rapidement de volume, se vaporisent et laissent bientot a sec les bacleries et les corpuscules de toute sorte dont ils sont charges. Pour demontrer Texactitude de ce phenomene, j'ai fait con- slruire le systeme de boules accouplees represente dans \&fig. 75. G'est un tube a boule A sur la branche duquel vient se souder un second tube a boule B; Tappareil vide de liquide, garni d'une bourre en d et en/, est chauffe a 200 pendant quatre heures; puis la pointe P, etant brisee et plongee dans un liquide nutritif sterilise, on charge chaque boule d'une vingtaine de centimetres cubes du liquide par un double siphonage, facile a comprendre, mais un peu plus delicat apratiquer. On passe alors une bourre sterilisee ( ' ) en P. L'appareil ainsi modifie a 1'aspect qu'il pre- sente dans la fig. 70, moins la pointe effilee. On le place alors a (') Pour le passage des bourrcs sU'-rilisees. on emploie le modus faciendi decrit dans le Chap. Ill, 1, page 85 de eet Ouvrage. 224 CHAPITRE VII. 1'etuve pendant un mois et, si les liqueurs garden! la limpidite la plus parfaite, on fait 1'experience suivante : Le content! de la boule A est ensemence avec une bacterie quelconque cultivee a 1'etat de purete; il ne tarde pas a se trou- blereta presenter les signes d'une alteration'evidente ; leliquide de la boule B, meme apres tin mois de sejour a 1'etuve, se montre encore absolument intact. On determine alors le passage d'un courant d'air rapide a travers 1'appareil (2 lil a 3 lit en dix mi- nutes) ; 1'air est filtre a son entree par la bourre d, passe en bar- botant dans la conserve alteree, penetre dans le col de cygne et barbote une seconde fois dans 1'infusion saine, la branche f Fig. 76. r/ Ballons jumeaux au dc grandeur. etant fermee. On place pour la troisieme fois le systeme a 1'etuve ; le contenu de la boule, intact avant le passage du courant d'air, se trouble et se remplit de 1'espece microbique semee dans la premiere boule. Le transport de la bacterie s'effectue assure- ment dans ces circonstances a travers un tube sinueux, et j'ajou- terai en passant que ce transport, plus difficile a realiser avec les microbes souterrains producteurs de depots denses, s'effectue avec la plus grande facilite, avec ces bacteriums communs qui viennent former a la surface des infusions des pellicules legeres qui grimpent sur la paroi du vase avec le liquide attire par la capillarite. Cette infection transmise a distance est evidemment due aux germes ou aux bacteries adultes enleves par les bulles DIFFUSION DES BACTERIES. 225 gazeuses qui viennent crever a la surface du liquide altere el qui emportent avec elles le brouillard determine par la rupture de la lame mince qui forme leur enveloppe. Pour prouver que c'est bien aux particules solides ou liquides entrainees par Fair qu'est due 1'alteration du contenu de la seconde boule, on place sur le trajet du col de cygne une bourre c (fig- 76), destinee a iiltrer Fair venant du liquide putrefie el allant au liquide limpide. G'est ici que le tube c6, d'ailleurs indis- pensable pour Faeration et le maintien de la pression atmosphe- rique dans 1'appareil, rend d'utiles services ; la bourre 6, forte- ment chauffee, est poussee au-dessous du T forme par la soudure des tubes, et un second tampon sterilise est mis a sa place; on peul alors faire barboter pendant une demi-journee 2oo lit et 3oo lil d'air dans la conserve putrefiee sans parvenir jamais a determiner 1'alteration du liquide place dans le second vase. Cette demonstration, a la fois elegante et rigoureuse, etablh solidement la premiere partie de ma proposition, a savoir que la pulverisation des infusions peut etre une cause d'infection de 1'air avant le dessechement complet des marais, des flaques d'eau, en un mot des liquides impurs repandus a la surface du sol. A Montsouris, cette cause d'infection est peu appreciable ; cependant, en temps de pluie fine, on constate parfois la pre- sence dans Fatmosphere d'une quantite anormale de bacteries, due au dessechement des gouttelettes avant leur chute sur la terre.il me reste main tenant ademontrerla purete microscopique de la vapeur echappee des infusions putrides par le simple phenomene de Fevaporation. Apres plusieurs essais tentes dans le but d'operer la distilla- tion de liquides a basse temperature, j'ai adopte 1'appareil dessine dans \&fig. 77, qui se compose : d'une cloche tritubulee. dont la base, parfaitement rodee, s'applique exactement sur un plateau de verre depoli et dresse ; d'un ballon A suspendu au centre de la cloche, destine a produire Feau de condensation, et enfin d'un cristallisoir W, destine a contenir les liquides ou les substances putrefiees. La tubulure H de la cloche est munie d'un tube de verre recourbe, employe a la fois a re- 226 CHAPITRE VII. nouveler 1'atmosphere de I'appareil, a introduire le liquide dans le vase VV 7 , et quelquefois a porter 1'infection an sein du liquide contenu dans le cristallisoir ; la tubulure I recoil un second tube abducteur et un thermometre h donnant a tons les instants la temperature de 1'enceinte. Le thermometre h' place sur le trajet d'un courant d'eau en indique le degre de froid. Appareil propre a condenser les vapeurs emanees des infusions, du sol et des substances putrefiees, au ~ de grandeur. Cela connu, il serait superflu d'expliquer comment il est pos- sible d'enlever a une infusion on a toute substance humide une quantite d'eau souvent considerable. La Jig. 77 represente fide- lement 1'ensemble de I'appareil dispose sur Fetagere d'une grande etuve. Un courant d'eau froide parcourt incessamment, suivant 1'indication des fleches, le ballon A, dont la calotte infe- rieure se recouvre rapidement de fines gouttelettes, puis de fortes gouttes qui ruissellent a la partie inferieure de la surface DIFFUSION DBS BACT^RIES. 22~ condensante et tombent periodiquement dans une capsule de platine B, placee sur un trepied au-dessus de 1'infusion ( f ). De 1'eau de la Seine, de 1'eau d'egout, des eaux saumatres, distillees d'abord par ce procede, de facon a obtenir 5o cc et ioo cc d'eau condensee, n'ont jamais presente le moindre bacterien: plus tard, les infusions les plus putrides se sont egalement montrees impuissantes a fournir une eau de rosee contaminee par les microbes : a ce sujet, je ne citerai qu'une seule expe- rience. Le 1 3 avrii 1880, 1'appareil condensateur fut mis en marche au-dessus d'une infusion de gelatine dans du bouillon neutralise, et une putrefaction intense fut provoquee au sein de ce liquide. Six jours apres, le 19 avril, la rosee tombee goutte a goutte dans le recipient flambe s'elevait a i i2 gr ; I'infnsion du cristalli- soir etait infecte et recouverte d'un voile lourd et gras; 1'eau condensee avail contracte elle-meme une fetidite repoussante, mais se montrait au microscope absolument exempte de bac- teries. Gette eau de condensation, parfaitement claire, fut ense- mencee a la dose de 6o cc dans douze conserves nutritives diverses (lait, bouillon neutralise, urine neutre et normale, petit-lait et eau de foin); pas une d'elles ne devint le siege de la plus legere (' ) Un seul exemple puise dans mes registres de laboratoire fera comprendre le parti qu'on peut tirer de ce mode de distillation a basse temperature. Le 6 avril 1880, a 6 h du soir, 1'eau arrive dans le ballon A avec une vitesse d'ecoulement de i2 m a 1'heure et a i3. La temperature de 1'etuve est egale a 82, 3 ; 1'air humide de la cloche marque a5, o. Une capsule de platine portee prealablement au rouge est placee sous le ballon pour recueillir 1'eau de rosee emanee d'une infusion de bouillon putrefie. Le 7 avril, a 3 h du soir, fin de 1'experience; 1'eau circulant dans 1'appareir a rondensation marque 12, 8; la temperature de 1'etuve a baisse a 3i, 5; le ther- mometre place sous la cloche accuse 24, 2. Le poids de rosee artificielle atteint sSsf, 6 (la surface condensante egalant 54 cmq environ). Si Ton songe a la faible difference de temperature (12) qui a regne con- stamment entre 1'appareil condensateur et 1'infusion, la quantite de rosee recueillie (28^,6) paraitra elevee; elle est, en tout cas, bien superieure au volume du liquide mis habituellement en experience par le micrographe, soit pour 1'examen direct au microscope, soit pour les ensemencements. Une eau qui, sous le volume de ao cc , ne renferme pas un seu4 germe de bacterie, est bien pres d'etre microscopiquement pure. 228 CHAPITRE VII. alteration. Gette experience decisive ne laisse plus le moindre doute sur I'impuissance absolue de la vapeur a soulever des infu- sions le microbe le plus tenu, meme quand son action est secon- dee par les courants d'air, determines par le refroidissement in- cessant de 1'atmosphere d'une enceinte Ires circonscrite. Sans insister davantage sur une question qui me parait reso- lue, j'ajouterai encore que le lait aigri, les urines fermentees, les macerations anatomiques en pleine putrefaction, donnent toujours un liquide distille aussi sterile que 1'eau surchauffee a 110 pendant deux heures, que cette distillation soil lente on rapide, effectuee a 20, 3o, 5o, 60, 70, et, quel que soil le bacterien present dans la liqueur, en voie de decomposition, si Ton neglige d'ecarter de 1'infusion les cryptogames a fructifi- cations aeriennes, la rosee peut se charger de spores de moisis- sures; cependant, c'estlaunfaitquis'observerarement, quand on use de liquides animaux et d'infusions bacterophiles convena- blement infestes ; d'ou il est permis de tirer cette consequence : que Veau evaporee de la surface du sol n'entraine jamais de schizophytes. Ge fait pouvant etre verifie directement, je n'ai eu garde de laisser passer 1'occasion d'en constater la parfaite exactitude. Le cristallisoir W de 1'appareil (fig- 77, p. 226) fut rempli de terre fraiche puisee a une profondeur de o m ,3o a o m ,4o, accu- sant par gramme environ 600 ooo microbes rajeunissables dans le bouillon Liebig. Ala tubulure laterale H de la cloche, j'adaptai un tube entonnoir flambe venant prendre 1'eau condensee au- dessous du ballon refroidi, au fur et a mesure de sa production, et la conduire a 1'exterieur, dans un petit creuset de platine place a 1'abri des impuretes atmospheriques. Apres avoir, comine toujours, brule les germes repandus a la surface exterieure du ballon condensateur , enduit de gljcerole d'amidon la paroi interieure de la cloche, la plaque et la partie exterieure du cristallisoir, le robinet a eau froide fut ouvert, et 1'eau d'eva- poration ne tarda pas a couler dans le creuset : cette eau fut ense- mencee toutes les douze heures , dans plusieurs conserves nutritives, a la dose d'une dizaine de grammes toutes les fois. DIFFUSION DES BACTERIES. 22Q Tl ful alors facile de constater que Feau, toujours pure des le debut de la condensation, s'infecte et se charge surtout de bacilles au moment seulement ou la couche superficielle de la terre ex- posee au contact de Fair devient seche et pulverulentc. Si, utilisant le phenomene d'humectation par capillarite, on pre- vient la dessiccation de la terre, 1'eau de vapeur amenee a tous les instants dans le creuset de platine, sous un volume de ioo cc , 2oo cc et meme de o lu , 5, ne se presente pas souillee de microbes. Ces remarques importantes me paraissant devoir introduire des modifications heureuses dans les moyens prophylactiques employes pour fixer les microbes ; on voudra bien me permettre de citer encore une autre experience. Le 1 3 mai, plusieurs gros morceaux de filet de bceuffurent abandonnes avec un peu d'eau dans le cristallisoir VV (fig. 77), de facon que la chair musculaire emergeat de plusieurs centi- metres au-dessus du niveau du liquide qui la baignait. Quand sa putrefaction fut intense, quand la chair livide et blafarde, distendue par les gaz, repandit une odeur insupportable, une condensation fut commencee, dura deux jours et donna 4 cc environ d'une eau louche, infecte, au fond de laquelle on aper- cevait de nombreuses gouttes huileuses, denses, d'une fetidite excessive. Le microscope, arme d'un fort grossissement, ne put faire decouvrir dans cette eau de rosee qu'une foule de spherules semblables aux globules graisseux du lait, solubles comme eux dans Tether, mais en difFerant par leur solubilite instantanee dans les acides, ce qui me fit penser que j'etais en presence de ces ammoniaques composees de la serie grasse et aromatique dont la presence a deja ete signalee parmi les produits volatils de la putrefaction des matieres animales. Enfin les ensemence- ments divers pratiques avec cette meme eau decantee furent tous steriles. Les bacteries sont done fortement retenues dans les liquides qu'elles infectent et dans les substances qu'elles penetrent; pour passer a Tetat de germes errants, aeriens, les liquides qu'elles habitent doivent s'evaporer entierement, et les substances ou elles se sont etablies doivent se reduire en poussiere fine et seche. 23o CHAPITRE VII. La est, suivant moi, toute 1'explication de ces recrudescences de bacteries atmospheriques observees pendant la secheresse. D'un autre cote, il cut ete desolant de penser que la simple exposition a 1'air d'une plaie de mauvaise nature, de linges souilles de dejections humides, de pieces anatomiques non injectees, cut suffi pour empoisonner I'atmosphere de miasmes figures redoutables et joindre de nouvelles causes d'infection aux dangers deja si reels auxquels s'e'xposent les personnes qui vouent leur existence aux soins des malades. Les dangers causes par les emanations htimides sont chimeriques; 1'experience no cesse de le confirmer, mais elle est malheureusement la pour demontrer egalement, avec la plus grande rJgueur, combien sont chargees de nombreux microbes les poussieres seches venues des masses putrefiees, du pus sanieux et des dejections des malades. III. -- Resultats statistiques obtenus au centre de Paris et au sommet du Pantheon. Quand on quitte la peripherie d'une ville pour se rapprocher de son centre, Fanalyse microscopique permet de constater que 1'impurete de 1'air va croissant. Ge fait, comme bien d'autres, pouvait etre prevu, mais il ne suffit pas en matiere scientifique de prevoir, il faut encore verifier 1'exactitude des predictions, toujours pen couteuses et souvent contraires a la verite. Apres deux annees de recherches comparatives executees simultanement a 1'Observatoire de Montsouris et a la rue de Rivoli, avec de 1'air puise au milieu du pare et pris a la mairie du IV e arron- dissement, a 4 m environ au-dessus de la chaussee, je suis arrivi': a ce resultat que l'atmosphere de Paris est neuf a dix fois plus cbargee de microbes que 1'air analyse dans les memes conditions et a la meme heure au voisinage des fortifications. Voici d'ailleurs les donnees numeriques deduites des nom- breuses experiences pratiquees pendant deux annees revolues avec l'atmosphere centrale de Paris. Dans une derniere colonnc MICROBES DE I/ATMOSPHERE PARISIENNE. 28 1 sont egalement reproduites les moyennes mensuelles obtenues a Montsouris pendant la meme periode de temps : Bacteries trouvees par metre cube d'air. Rue de Rivoli. Montsouris. Vote. 1880-1881. 1881-1882. Moyenne. Moyenne Octobre 920 lOJO 99 128 Novembre y5o 780 7 60 88 Decembre 54o 53o 535 5i Janvier 470 1 60 320 54 Fevrier 33o 200 265 58 Mars 7 5o 56o 655 55 Avril 970 85o 910 54 Mai IOOO 970 9 85 60 Juin 1 540 3oo 920 57 Juillet 1400 420 910 116 Aoiit 960 710 835 96 Septembre 990 840 9i5 89 Moyennes generates. . 880 620 7 5o /5 D'ou Ton deduit pour les quatre saisons de 1'annee : * Microbes recoltes par saison. Saisons. Rue de Rivuli. Montsouris. .\utomne 760 89 Hiver . . 4' 56 Printemps 940 57 Ete 920 100 M"\ennes 730 75 Faisons encore remarquer que, a volume egal d'air, le chiffre des microbes est environ dix fois plus eleve dans 1'interieur de Paris qu'a Montsouris; puis que ce meme chiffre varie egale- ment avec les saisons ; bas en hiver, on le voit s'accroitre au prin- temps, rester habituellement eleve en ete, et enfin diminuer en automne. A cotedeces variations trimestrielles et mensuelles, il en existe de plus curieuses qu'il importe de signaler : je veux parler des crues et des decrues hebdomadal res desbacteries, sur lesquelles Tattention des hygienistes merite d'etre fixee. 282 CHAPITRE VII. En general, a 1'Observatoire de Montsouris, ces variations sont plus saccadees, ce qui parait tenir a la position excentrique de 1'Observatoire, par suite a 1'action plus brusque et plus complete des causes qui tendent a augmenter ou a diminuer le chiffre des bacteries aeriennes. A Paris, meme en temps de pluie, il faut toujours compter avec les gerraes emmagasines dans 1'interieur des habitations et jetes journellement au gre du vent par la toilette des appartements. A la campagne au con- traire, ratmosphere, une fois balayee par la pluie, reste pure jusqu'a 1'instant ou les courants peuvent arracher au sol cette poussiere fine et tenue peuplee de microbes vivants. Malgre la presence dans les villes d'un stock considerable de germes, lent a s'epuiser, il existe cependant, entre les fluctuations du chiffre des bacteriens recoltes au pare de Montsouris et au centre de Paris, une relation des plus nettes qui m'a paru meriter une re- production graphique. Le diagramme ci-contre (fig- 78) montre cette relation. La ligne ponctuee represente les moyennes hebdomadaires des mi- crobes recoltes par metre cube d'air a la rue de Rivoli en 1 880-8 1 ; la ligne pleine, les moyennes obtenues a 1'Observatoire. Pour iaciliter la comparaison, ces dernieres ont ete multipliees par dix. Les espaces horizontaux designent les semaines partant du vendredi et allant au jeudi; les intervalles verticaux corres- pondent chacun a 200 bacteriens. Si Ton etudie la distribution des microbes etablie par ces deux lignes brisees, il est aise de s'apercevoir que toutes les recrudescences sensibles de germes se sont manifestoes a la meme epoque aux deux stations. Aucim chiffre ne ferait mieux ressortir ces belles coincidences que 1'oeil saisit instantanement. Comme 1'indique le meme diagramme, les moyennes hebdo- madaires des germes atmospheriques des bacteriens recueil- lis a la rue de Rivoli sont fort variables. La moyenne la plus faible, observee pendant 1'hiver de 1'annee 1882, a ete trouvee egale a 45, et la moyenne maximum, situee en ete 1881, s'est montree tres voisine de 3ooo. En considerant les resultats iburnis par les analyses journalieres, ces ecarts peuvent etre MICROBES DE L' ATMOSPHERE PARISIENNE. 233 beaucoup plus grands; nous avons pu observer parfois des minima s'abaissantau delade 20 germes et des maxima s'elevant an dela de 5ooo microbes par metre cube. L'infection de Pair esl alors a son comble; cela s'observe en ete a Paris, quand, par suite de la penurie de 1'eau, les voies publiques cessent d'etre arrosees. Au-dessus des considerations precedentes, domine un fait digne d'etre longtemps medite : je veux parler de 1'abondance Fig. 78. 3ooo 2600 2OOO 1800 1600 OctdbreJNovem pecembre Jam- 81 Fevrierj Mars Avril [ Mai [ . Turn | Jnillet [ Aout Sepiemt De la relation du nombre de bacteriens recoltes a Montsouris et a la niairie du IV arrondissement (annee 1880-1881). rclativement grande des germes des bacteriens presents dans Pair puise an centre de Paris. A toutes les saisons, a toutes les semaines, a tousles instants dujour, le nombre de ces germes y <\*t environ dix fois plus considerable qu'au voisinage des forti- fications. Je n'ai pu encore reunir un assez grand nombre de documents sur la marche progressive de l'infection que presente ratmosphere a mesure qu'on avance de la campagne au sein d'une vaste agglomeration d'habitants, mais tout porte a croirc que cette infection va croissant de la peripherie au centre. En 234 CHAPITRE VII. nous reportant a une serie d'analyses microscopiques eflectuees en 1880, au milieu du cimetiere Montparnasse ('), situe, commc on le sail, a quelques kilometres des fortifications sud de Paris, j'ai trouve que le nombre des microbes recoltes a ce cimetiere, en temps de secheresse, ne depasse pas du double celui qu'on observe habituellement au pare de Montsouris. S'il etait parfai- tement prouve que le sol auquel on con fie de nombreux ca- davres est incapable d'emettre jamais des germes nocifs, ces vastes champs de deuil, sur lesquels pesent tant d'accusations injustifiees, seraient non seulement d'une innocuite absolue, mais deviendraienl une cause d'assainissement des grandes villes au meme litre que les jardins publics, leslarges voies, les places spacieuseSj qui permettent aux vents, principaux agents puri- ficateurs des atmospheres infestees, d'accomplir leur mission. En effet, pour arriver de 1'interieur du sol au contact de 1'atmosphere, les bacteries peuvent suivre deux voies princi- pales : s'elever soit avec les gaz qui s'echappent des cadavres en decomposition, soit avec la terre remuee, venue des couches profondes. S'il est toujours possible d'abandonner a lui-meme un sol pretendu infeste, il est bien plus difficile d'opposer une barriere infranchissable aux gaz venus des entrailles du sol. Etudions done avec soin quelle est, en realite, larichesse en mi- crogermes des elements aeriformes parvenus, grace a leur faible densite et a leur pouvoir diffusif, du cadavre profondement inhume a 1'atmosphere libre. II n'est pas facile de recueillir a la surface du sol les gaz qui se degagent spontanement des terrains ou sont ensevelies des substances putrides; mais on peut, et c'est la une ressource precieuse, etablir a travers ces terrains et ces substances un cou- raiit d'air artificiel, incomparablement plus rapide que les gaz degages spontanement, c'est-a-dire multiplier, en les exagerant, plusieurs millions de fois les chances normales d'infection. Au centre d'un cristallisoir TP (fig- 79) garni d'une faible ( l ) Commission d'assainissement des cimelieres, 1881. Rapport de M. I'. Miquel. MICROBES DE L' ATMOSPHERE PARISIENNE. 235 couche de terre fraiche puisee en n'importe quel lieu et a n'im- porte quelle profondeur, plagons sans pression la cloche A en- duite de glycerole d'amidon, munie d'une tubnlure laterale ; puis, entre la face interne du cristallisoir TT' et la paroi externe de la cloche, disposons une couche annulaire de la nieme terre, de o ra , i de hauteur. Enfin, par la tubulure laterale, fixons, an moven d'un bouchon de caoutchouc glycerine, un tube a boule B, a double bourre i et A, destinee a arreter et a amener, dans du bouillon neutralise sterilise, toutes les poussieres enlrai- nees par 1'air aspire. Gomme il n'est pas besoin de le Faire re- marquer, Fair aspire par I'intermediaire de la branche ih du Fig- 79- ballon tubule B, dans le sens des fleches indiquees par le dessin, traverse la terre de haut en bas, penetre dans la cloche et de la dans le bouillon, par la pointe effilee de la conserve. Suivant les saisons et les lieux, Fair dirige a travers la terre sera charge d'un nombre plus ou moins eleve de microbes. Ges experiences ayant ete efiectuees dans mon laboratoire durant le premier semestre de 1'annee 1880, tous les ioo ut d'air aspires renfer- maient 20 bacteries capables de se rajeunir dans le bouillon employe. Aplusieurs reprises, je fis ainsi passer a travers de la terre humide prelevee a o ra , 20 de profondeur : 4o lil , 325 ut , 852 ll! , 9io lit , i 1 5o lit , i 8o5 lit sans pouvoir determiner la moindre alte- ration duliquide du tube a boule B. Ainsi done, 1'air qui filtre a travers le sol, non seulement 236 CHAPITRE VII. n'enleve pas avec lui les microbes-bacteries qu'on y rencontre toujours en quantite innombrable ('), mais encore se purifie completement. En effet, si 1'on avait introduit dans des con- serves de bouillon, en les fractionnant et sans les fillrer a travers rhumus, les 5 mc d'air du laboratoire, utilises dans les six expe- riences precedentes, on aurait constate mille cas d'infection, tandis que 1'on vient de voir ces 5ooo lil se montrer d'une in- fecondite remarquable. Une fois en possession d'un dispositif commode, il n'en coute pas beaucoup a 1'observateur d'exagerer les chances d'infection a un degre qui ne saurait etre concu dans les cas ordinaires. Dans ce but, la terre plus ou moins impure mise jusque-la en experience fut remplacee par de 1'humus frais, hache avec de la viande infecte et corrompue, puis on dirigea successivement a travers ce sol sature de matieres putrides, ou se mouvaient de longs vers, apj 111 , ySo 111 , i i3o ut , 2o88 lit d'air du laboratoire, qui se montrerent aussi vierges de germes que Fair soigneusement filtre a travers une longue bourre de colon sterilise. Devant ces faits on ne saurait supposer un instant que les gaz, qui sourdent pour ainsi dire a travers le sol generalement tasse, soient capables d'elever de quelques centimetres de hauteur un seul germe de bacterie. Aussi, s'il est des microbes qu'on doive redouter, ce ne sont pas ceux qui accomplissent leur action destructive a plusieurs metres de profondeur, mais ceux que les mouvements des terrains amenent a la surface ( 2 ) ; meme a ce moment 1'hygieniste n'est pas desarme vis-a-vis des etres infiniment petits, car il peut a volonte les fixer et les immobiliser a la surface du sol par 1'humidite, jusqu'a ce que la pluie, ou mieux, un epais gazon, vienne plus tard les soustraire aux courants de Fatmosphere. (') Un gramme de poussiere seche deposee sur les meubles des habitations renferme environ i million de bacteriens. Un egal poids d'humus sec et de- |)ouille par le tamisage des grains de gravier, depassant la grosseur d'une tete d'cpingle, en renferme souvent davantage. ( 2 ) M. Pasteur, dont le talent d'investigation est vraiment remarquable, a montre depuis peu que les vers de terre apportent a la surface du sol, avec MICROBES DE L' ATMOSPHERE PARISIENNE. 287 Puisqu'il est demontre que les gaz qui emanent des cime- tieres, des voiries, ne sauraient augmenter le chiffre des bacteries des atmospheres urbaines, il nous reste maintenant a parler de Forigine des microbes repandus en si grand nombre dans 1'air des quartiers situes au centre de Paris. Les bacteriens de 1'air des villes peuvent avoir trois sources : venir de la campagne, de Finterieur des habitations ou du sol des rues. Le contingent des germes entraines de la campagne a Paris par la masse atmospherique est toujours tres faible; il atteint a peine la dixieme partie de ceux qu'on observe dans la rue de Rivoli : les neuf dixiemes restants ont done une autre source et proviennent sans contredit de 1'interieur des maisons et de la bone des rues, quand cette derniere est dessechee, pul- verisee par le roulage et le va-et-vient des passanls. Si le temps est pluvieux, si le sol est humide, toute diffusion de bacteriens est suspendue de ce cote ; or, comme, a ces epoques, 1'air ana- lyse au IV e arrondissement reste constamment plus charge de microbes que celui de Montsouris, les germes doivent evidem- ment venir a ce moment des maisons et des abris ou la pous- siere seche offre une prise facile aux courants de ['atmosphere. Les germes accumules dans 1'interieur des appartements peuvent avoir eux-memes plusieurs origines et venir soit de la rue, soit des debris des substances alimentaires que la negli- gence des habitants laisse putrefier a domicile, soit encore de cabinets mal tenus et manquant d'eau. Les maisons ou se trouvent des malades se peuplent evidemment des desquama- tions epitheliales, des virus figures qui s'echappent du corps humain. Le sejour de ces elements morbides dans 1'interieur des habitations est d'tine duree plus ou moins Jongue; mais, au leurs excrements, les germes de la bacteridie charbonneuse, qu'ils ont evidem- ment ingeres en se repaissant du cadavre des animaux morts du charbon. C'est la un mode de diffusion des bacteries incontestable; cependant il n'est rien a cote de ceux qui peuvent avoir pour origine le mouvement des terres par la pelle du fossoyeur, ou encore la multiplication a travers 1'humus, de proche en proche et de bas en haul, des microbes aerobics, venus instinctivement res- pirer 1'air, la ou il abonde, c'est-a-dire aux couches les plus superficielles du sol. 238 CHAP1TRE VII. moment des nettoyages, rien ne s'oppose a leur diffusion, el ils finissent, comme les particules de toute nature, par gagner le reservoir commun, le sol on 1'atmosphere. Je n'insisterais pas sur le fait de 1'emmagasinage des pous- sieres des voies publiques dans 1'interieur des maisons : tout le monde sail que, en temps de grand vent, il suffit de laisser une fenetre ouverte pendant quelques heures pour voir les meubles des appartements se recouvrir d'une couche de pous- siere visible a 1'ceil nu. Cette poussiere, chassee par lefrottage, gagne le plancher, s'insere dans les fentes des parquets, ou se loge dans les lieux les moins accessibles, pour y former ce stock de germes qui rend d'abord 1'air des appartements d'une extreme impurete et qui plus tard enrichit considerablement Fair des rues, quand la pluie retient avec tenacite les microbes fixes au sol. Ainsi s'effectue, a mon avis, le perpetuel echange des bacteriens entre 1'atmosphere libre et les atmospheres confi- nees. Je veux cependant faire connaitre exactement ma pensee sur la source premiere des innombrables legions de bacteriens qui sillonnent, en tous sens, 1'air de Paris. Pour moi> la majeure partie d'entre eux viennent de la boue trituree de la chaussee ; les locaux habites, quand ils sont bien tenus, ne font guere que rendre des bacteriens qu'ils ont recus de 1'exterieur. S'il etait done possible de supprimer, dans une grande proportion, les microbes du sol, ratmosphere des villes se purifierait conside- rablement. Supprimer le sol des villes, c'est supprimer la boue des rues, et 1'on supprime les bacteries des boues en les privant de toutes les substances organiques pouvant leur servir d'ali- ments. Al'exemple de ce qui existe dans les maisons construites dans de bonnes conditions hygieniques, les eaux m^nageres, les dejections de toute nature, doivent etre conduites a convert et directement a 1'egoiit, sous I'impulsion d'une masse d'eau suffisante. Paris possede malheureusement beaucoup de vieilles constructions ou les choses ne se passent pas ainsi. Les eaux de vaisselle, amenees le long des rues, laissent apres elles, dans rioters tie e du pave, une vase infecte que le balayage a grande eau, d'ailleurs momentane, n'enleve jamais completement. Si MICROBES DE I/ ATMOSPHERE PARISIENJsE. 289 les microbes des maladies infectieuses trouvent dans ce sol sature de debris organises, d'eaux grasses putrescibles, un milieu favorable a leur generation, il n'est pas besoin d'aller chercher ailleurs le terrain ou ils peuvent naitre, croitre et se multiplier indefiniment. Quand on veut debarrasser 1'atmosphere des microbes qui peuvent s'y repandre, il faut bruler on noyer les foyers d'ou ils emanent. Si le premier moyen est le plus sur, le second reste seul pratique; aussi faudra-t-il, je crois, se contenter de mener encore longtemps aux egouts, par la voie la plus courte, les liquides et substances d'origine animate, les debris de toute sorte, vastes dechets de 1'alimentation et de 1'industrie des villes. Reste a savoir quel traitement devra etre applique aux sub- stances putrides vomies journellement par le drain epurateur des centres habites pour les rendre inoffensives. Plusieurs au- teurs ont parle de les desinfecter directement : les essais tentes jusqu'a ce jour n'ont donne que des resultats partiels et ineffi- cace; ils laissent dans les eaux la plupart des microgermes. D'autres veulent calciner les bones qu'elles charrient et meme porter toute leur masse a 1'ebullition : cette derniere solution est impraticable et, put-elle etre effectuee, elle serait insuffi- sante ; la calcination des boues exigerait la filtration rapide de plus de 100 millions de metres cubes d'eau d'egout par an, et les eaux filtrees conserveraient toutes leurs spores microbiques. D'autres enfin veulent employer le sol cultive a I'epuration de ces eaux et arriver progressivement a 1'utilisation agricole des engrais qu'elles renferment. L'experience seule peut demon- trer si cette pratique est absolument exempte de dangers. Elle est cependant seduisante a de nombreux points de vue, et les resultats obtenus jusqu'a ce jour a la presqu'ile de Gen- nevilliers paries savants adonnes a ces essais de purification des eaux d'egout donnent les plus belles esperances. En repandant les eaux vannes sur le sol, on 1'enrichit en azote, on evite Fen- vasement de la Seine, la diffusion des microbes par cet impor- tant cours d'eau, etc. L'on peut, il est vrai, objecter a ce precede I'infection possible en microbes morbides des terrains ou on les 240 CHAPITRE VII. deverse, mais rien ri'est encore prouve a cet egard, et, avant d'abandonner ce sysleme d'epuration si rationnel et si peu mal- faisantjusqu'a ce jour pour les habitants de la contree ou il est tente, il serait indispensable d'etablir le cote defectueux on dangereux qu'il presente; jusqu'a la preuve du contraire, j'ad- niettrai que les microbes pathologiques sont etouffes par les or- ganismes de la putrefaction, ainsi que 1'experience le demontre pour laplupart des maladies virulentes dont le ferment a cteisole. Je puis ajouter, de plus, d'apres mes travaux personnels, qu'une eau d'egout titrant 20000 microbes par centimetre cube, jetee sur le sol de Gennevilliers, en ressort par les tuyaux de drainage 2000 fois plus pure, autrement dit, chargee seulement de i 2 bac- teries. Ce resultatme semble digne d'etre medite, et, avant d'en- gager les municipalites dans les folles depenses de Fepuration chimique des eaux d'egout, j'exhorte les hygienistes a recher- cher ce qu'il y a de vrai dans cette infection du sol par les dejections de quelques centaines de typhiques noyees dans plu- sieurs millions de metres cubes d'eau. Pour moi, qui etudie specialement ici les mesures a prendre pour diminuer, autant que faire se peut, le nombre des germes organises de 1'atmosphere des villes, je repete que le moyen le plus efficace pour atteindre ce but consiste a conduire sans delai a Fegout tout ce qui est deja putrefie ou susceptible d'entrer en putrefaction. On a vu plus haut que, sous un egal volume d'air, le chiffrc des bacteries recoltees a FObservatoire de Montsouris est dix fois plus faible qu'a la mairie du IV e arrondissement; il reste a savoir si, toute proportion gardee, la qualite des bacteriens est la meme. Au point de vue botanique, 1'experience repond affir- malivement : les microbes de la rue de Rivoli consistent en micrococcus,bacilles et bacteriums vulgaires; on y rencontre une ou deux fois sur mille des vibrions ondulants ; mais Fespece microscopique qui domine surtout dans 1'atmosphere puisee au centre de Paris est le micrococcus, apres vient le bacille quand on emploie pour la statistique des germes le bouillon Liebig, ou le bacterium quand on se sert du bouillon de bceuf. MICROBES DE I/ATMOSPHERE PARISIENNE. 2^1 De la qualite de bacteriens recoltes avec le bouillon Liebig. IV'arrondissement. Montsouris. Micrococcus 93 79 Bacilles 5 14 Bacteriums 2 7 Total 100 100 Enfin jusqu'ici ces divers organismes cultives dans le bouillon, le lait, 1'urine, I'albumine de sang et le jus de viande, inocules aux animaux vivants se sont montres parfaitement innocents. Avec 1'autorisation de M. le Ministre de 1'Instruction publique el des Beaux-Arts, j'ai entrepris depuis le mois de juin, avec le coQCOurs devoue de M. Benoist, mon preparateur, une serie d'analyses microscopiques au sommet du Pantheon : deux a trois fois par semaine, les microbes de Tair sont doses avec les pre- cautions d'usage an voisinage de la lanterne qui surmonte ce monument; en rapprochant les nombres obtenus de ceuxfournis simultanement par les analyses pratiquees a la rue de Rivoli et a Montsouris, on obtient les chiffres suivants : Bacteriens Stations. par metre cube Sommet du Pantheon 28 Pare de Montsouris 45 Mairie du IV s arrondissement 462 Meme dans 1'interieur de Paris les couches superieures de l'atmosphere sont relativement d'une grande purete : 1'airpuise environ a -~4 m au-dessus de la montagne Sainte-Genevieve est beaucoup plus pur que celui de Montsouris, et environ seize fois moins charge de microbes que celui de la rue de Rivoli pris a une difference de niveau egale a ioo m de hauteur. On pouvait se demander si a cette altitude les couches atmo- spheriques etaient alterees dans leur composition microscopique normale, ou si elles glissaient au-dessus de Paris sans participer a Tepuration de Fair de cette grande cite. Pour resoudre cette question, iletait indispensable de calculer, en tenant compte des conditions meteorologiques regnantes, la quantite des microbes 16 2/42 CHAPITRE VII. chasses au sommet du Pantheon par les vents venus des divers points de 1'horizon. Ge travail est encore bien incomplet, mais iieanmoins, des aujourd'hui, on pent juger, par les chiffres don- nes ci-apres, de la realite du role epurateur de 1'air des haules regions, par le degre d'irifection qu'il peut acquerir suivant que le vent souffle dans telle ou telle direction. Microbes recolt^s Direction des vents. au sommet du Pantlieon. Secteur nord-esl (V{ sud-est 43 >> sud-ouest 26 nord-ouest 5o C'est encore des collines de Belleville, de la Villette et dc Menilmonlant que proviennent les atmospheres les plus im- pures, puis de Montmartre et des hauteurs de Fare de Triomphe ; Fair du sud, qui a traverse les quartiers de la Glaciere, est relati- vement nioins pur qu'a Montsouris ; mais c'est surtoutdu Point- du-Jour, du bois de Boulogne, d'Auteuil et de Passj que les courants atmospheriques arrivent au Pantheon dans le plus grand etat de purete. IV. -- Bacteries et maladies epidemiques. D'apres beaucoup d'auteurs, les maladies infectieuses et epi- demiques se transmettent le plus habituellement par les eaux potables et les rivieres. Dans FInde anglaise, a-t-il ete dit, le cholera frappe de preference les riverains des fleuves, etla marclic de la peste suit le trajet du cours d'eau jusqu'a la mer. Dans iios pays les eaux sont egalement accusees de transmettre la fievre typhoi'de, la dyssenterie et les maladies dont le siege affecte une partie plus ou moins etendue de Fintestin. II ne saurait etre sur- prenant que les dejections des typho'idiques et des choleriques livrees au courant d'une riviere ou jetees dans la Louche d'un egout ne puissent aller seiner en aval la contagion. Tout cela est parfaitement evident et parfailemeut incontestable. Mais cette theorie, appliquee exclusivement a la transmission des BACTERIES ET MALADIES EPIDEMIQUES. 2/48 poisons morbides, estloin d'expliquer tousles cas d'invasion du cholera en Europe et de la fievre typhoi'de dans des localites depuis longtemps indemnes de ces fleaux. Souvent, en effet, le cholera est alle porter la mort et la desolation au sein de villages perdus dans les montagnes, desservis par 1'eau fondue des glaciers et des neiges , Feau la plus pure et la moins con- taminee par Fatmosphere ; la maladie a eclate sur les lieux les plus arides et les plus eleves, alors que plusieurs villes placees au bord des rivieres etaient epargnees ou moins maltraitees. Les epidemics meurtrieres venues de 1'Orient ont traverse les mers et les versants sans nul souci des faibles barrieres que les lleuves les plus larges et les steppes les plus desertes pou- vaient leur opposer. Enfin une multitude de faits viennent demontrer que les poussieres seches sont souvent pour beau- coup dans la transmission a distance des maladies contagieuses et epidemiques. Pour soutenir cette these, j'ai choisi deux mala- dies caracterisees par des flux diarrheiques, par la raison que personne ne conteste plus aujourd'hui la contagion, par Fatmo- sphere , des fievres eruptives, de Ferysipele , de 1'infection puerperale, des affections diphteriques, etc... Gependant je sens la necessite de limiter la part que 1'air libre peut avoir dans le transport des microbes pathologiques. Le transport par Fair ne s'effectue, amonavis, qu'a de faibles distances; je voudrais, par une comparaison, le definir etenmarquer les limites autant que peuvent me permettre de le faire mes connaissances acquises en micrographie aerienne. Une peste sevit dans une ville placee aux confins de contrees tres peuplees ; ses habitants, frappes tous les jours dans des pro- portions effrayantes, remplissent les maisons de morts et de mourants; la ville devient un foyer pestilentiel s'irradiant dans les campagnes voisines avec la propension d'etendre de proche en proche son champ de devastation; sur Fordre des gouverne- ments un cordon sanitaire serre, capable d'interrompre toute communication d'objets et de personnes, circonscrit le foyer, ou bientot la peste s'eteint faute d'aliments. Un pareil resultat serait assurement plus difficile a atteindre si les courants de 244 CHAPITRE VII. I'atmosphere, dont il est impossible de contrarier la direction, portaient au loin le contagium repandu en abondance dans la ville pestiferee; les cordons sanitaires les mieux etablis seraient impuissants a ralentir un instant la marche du fleau, que Ton verrait avancer rapidement a la maniere des cyclones, en rava- geant les pays places sur son parcours. Or, chacun le sail, le cholera envahit d'abord les grands centres, puis les villes de moyenne importance et enfin les campagnes ; il n'est pas rare de le voir apparaitre simultanement aux points les plus opposes d'une meme contree; enfin les courants atmospheriques ne sem- blent entrer pour rien dans son extension. Cela ne me parait pas difficile a expliquer. En effet, quelque considerable que soil le nombre des germes morbides accumules sur un point de notre globe, I'air en mouvement n'en emporte toujours qu'une faible partie, et ces germes, apres une course de quelques lieues, ne voyageant bientot plus par legions, vont en divergeant dans des directions differentes, se perdent dans 1'espace, retombent sur le sol, enlraines par la pluie, qui les amene avec elle a la surface de la terre ou ils trouvent de nombreux schizophytes vulgaires, etablis depuis des siecles, plutot disposes a les etoufler qu'a ceder leur place. La theorie de la non-transmissibilite par Fair, a de grandes distances, des poisons figures morbides, a de plus pour elle quelques fails, parmi lesquels on pent citer ladiffi- culte qu'eprouvent les microbes des fievres intermittentes de porter la maladie loin des districts malsains et marecageux. La raison se refuse d'ailleurs a croire qu'un germe ainsi entraine par les vents loin de son origine, affaibli par le temps, la seche- resse, soil, par le plus grand des hasards, respire par un etre vivantetpuisse devenirle point de depart d'un foyer pestilentiel. Mieux vaut, il me semble, admettre avec les medecins de tons les siecles que les germes des epidemics lointaines sont appor- tes par les voyageurs, les vaisseaux et les objets arrivant des localites infestees. Une fois etablie dans une cite, la maladie contagieuse ne tarde pas a faire des progres en rapport avec les relations frequentes des habitants. La toilette journaliere des maisons, le balayage, le nettoyage, le battage des tapis, etc., BACTERIES ET MALADIES EPIDEMIQUES. 245 livrent a 1'atmosphere une partie des poussieres qui y sont accumulees, au nombre desquelles on doit evidemment com- prendre les microbes contagieux que le vent seme sur sa route, dans les lieux les moins accessibles et les appartements les plus hygieniques.C'estalors,suivanttoute vraisemblance, quel'atmo- sphere joue un role actif en portant la cause du mal de maison en maison et d'etage en etage. La peste atteint bientot son apogee, puis decroit et s'eteint apres avoir exerce son action meurtriere sur les etres qu'elle a trouves vulnerables. Plus tard encore, les germes morbides repandus dans les poussieres des rues, 1'interieur des habitations, vieillissent, perdent de leur vitalite, diminuent de jour en jour et la cause du mal disparait avec cux. Cette theorie de la marche des epidemics venues a plusieurs reprises frapper les contrees europeennes me semble conforme avec 1'idee qu'on doit se faire de la diffusion des fer- ments .pathologiques ; mais, si elle puise sa vraisemblance dans les faits journellement observes, n'oublions pas que les microbes delictueux, auteurs du cholera, de la fievre jaune, de la dothie- nenterie. etc., demandent a etre decouverts et que cette theorie reste basee sur des faits probablement exacts, mais non sanc- tionnes directement par 1'experience. Cette declaration faite, je demanderai au lecteur de supposes pro vi so ire men t avec moi Texistence de microbes autonomes, agents premiers des maladies dites specifiques, supposition d'ailleurs en accord avec les recentes decouvertes de MM. Da- vaine, Pasteur, Obermeier et Klebs sur les organismes si bien etu- dies du charbon, du cholera des poules, des flevres a rechutes et intermittentes, hypothese, dis-je, feconde en beaux resultats et propre a stimuler le savant dans la recherche de 1'origine des maladies. D ? autre part, je suis loin de blamerle scepticisme des medecins mis en presence de fails probables ou a moitie demontres; ce scepticisme, je le partage egalement, en deplorant le temps perdu par plusieurs auteurs, souvent etrangers aux choses de la medecine, a editer pour la centieme fois les concep- tions fort anciennes et parfaitement justes de medecins illustres sur la realite du contage; mieux vaudraient pour la Science la 246 CHAPITRE VII. decouverte, 1'isolement et 1'etude bieri faite du plus petit mi- crobe. En admettant parmi les poussieres de 1'air 1'existence de ferments figures, quel pent etre leur mode d'attaque a 1'egard de 1'organisme humain et quelles sont les barrieres qu'il peutleur presenter? Notre organisme presente, surtout aux microbes, deux grandes surfaces de faible resistance, qui sont : la muqueuse respiratoirc, constamment baignee par 1'air atmospherique toujours charge d'impuretes et de germes, et la muqueuse du tube digestif, par ou sont introduits, digeres et expulses les produits de 1'alimen- tation constamment peuples de microbes. Le traumatisme accidentel ou chirurgical ouvre egalement un troisieme acces- aux germes exterieurs en detruisant la continuile des teguments. A moins d'etre partisan de la generation spontanee des bacteries dans 1'interieur des tissus des etres vivants, il est difficile de comprendre par quelle autre voie les microbes peuvent s'y introduire. Pour etre exact, citons encore quelques barrieres faciles a franchir : les muqueuses des sens de la vision, de 1'au- dition etdes organes genito-urinaires. La peau, ou enveloppe protectrice par excellence du corps humain, est consideree avec juste raison comme capable de hitter efficacement contre les attaques des etres microsco- piques. II existe bien un groupe d'affections parasitaires contre lesquelles elle est parfois impuissante a nous defendre, mais ces maladies lui sont speciales et n'ont rien de commun avec les maladies generales dont Tenvahissement est rapide et Faction trop souvent meurtriere. Les muqueuses pulmonaires, digestives et des organes genito-urinaires sont bien moins protec- trices; aussi voit-on une classe d'affections tres graves, 1'erysi- pele, la diphterie , Finfection purulente, la septicemie, etc..., y prendre journellement naissance ; la scarlatine, la rougeole qui s'annoncent par le catarrhe des voies pharyngiennes et pul- monaires n'ont peut-etre pas d'autre point de depart. Quant aux maladies infectieuses dont 1'etiologie est moins bien connue, on pent, si Ton veut, discuter inutilement sur le point precis de leur introduction dans Teconomie ; mais ce qui reste BACTERIES ET MALADIES EPIDEMIQUES. 2^7 evident pour tous, c'est le peu de vraisemblance de la doctrine de I'heterogenese appliquee au developpement des fievres exan- themateuses, des fievres putrides,intermittentes, remittentes, de la fievre jaune, du cholera. Ici 1'invasion de la maladie suppose son inoculation, et son inoculation suppose le transport d'un fer- ment. Que ce ferment (je 1'ai suppose microbique) soit on non trouve, il existe aussi reellement que les virus de la variole, de la vaccine, de la syphilis, de la rage, de la morve, sur la nature desquels le premier mot reste encore a dire. D'apres les donnees de 1'observation, les ferments organises appartiennent tous a une classe d'etres inferieurs, formes de cellules de dimensions variables, mais echappant toujours par leur petitesse a la perception de nos sens. Les methodes mises en usage pour discerner les uns des autres les germes aeriens qui nous entourent sont encore trop imparfaites pour nous eclairer sur le degre de nocivite des especes voyageant dans I'atmospliere ; aussi, quand on isole, dans les hopitaux, les malades alteints de variole , de diphterie ou d'erysipele , le seul but vise est de circonscrire le fover d'infection dont les emanations morbides, du reste parfaitement inconnues, sont seulement pressenties et surtout demontrees par le contage. Les ferments organises peuvent etre transmis, d'apres nos connaissances actuelles sur ce sujet, par 1'inoculation directe a travers la peau, comme le prouve cet exemple celebre des ha- bitants d'un village devenus svphilitiques par 1'inoculation d'un vaccin impur, et les nombreux cas de septicemie survenus a la suite d'une simple piqure faite avec des instruments malpropres, ou encore les cas de charbon produits par la piqure d'une mouche, et les cas de rage provenant d'une legere morsure. Les ferments peuvent aussi, et c'est le mode qui parait le plus frequent, etre transmis par inoculation indirecte; ils ont alors pour vehicule Tatmosphere, les boissons et les aliments. Le contage devient a cet instant plus incertain; car, outre la predisposition individuelle a contracter la maladie, il faut une lesion par ou le ferment transporte par le hasard puisse s'intro- duire. La lesion on le point vulnerable de 1'organisme n'est pas 248 CHAPITRE VII. toujours visible : dans la majorite des cas, elle echappe aux me- decins ; le hasard est servi par Fabondance du ferment dans 1'eau impure que Ton boit, dans les aliments deja alteres dont on se nourrit et dans 1'air vicie que Ton respire. Pour se pre- server des organismes de 1'eau, on les tue par la chaleur, comme cela reussit dans les pays chauds. Pour se debarrasser des mi- crobes des viandes de boucherie, on les cuit fortement; quant a se soustraire aux microbes de 1'air, la difficulle devient plus grande, car sa purification est loin d'etre un probleme resolu. Ges generalites enoncees, je demanderai au savant le plus habile etleplus au fait des cboses de la micrographie d'accepter la mission, en apparence fort simple et fort naturelle pour cer- tains esprils, de decouvrir dans 1'air les germes des maladies infectieuses. Beaucoup d'auteurs, lui dirai-je, sont persuades qu'il faut attribuer telles maladies a des poisons telluriques, telles autres a des microbes repandus dans les desquamations epitheliales, furfuracees, etc., et a la multiplication de ces poi- sons dans les eaux potables, les fleuves, les mares, les egouts, les ruisseaux fangeux ; a vrai dire, tout cela est encore un mystere, mais il vous appartient de resoudre scientifiquement ces problemes obscurs. Je doute fort qu'un savant raisonnable acceptat une semblable taclie. En effet, en presence de donnees si vagues sur la cause pre- miere des maladies zymotiques, le labeur du micrograpJie charge d'explorer l'atmosphere au point de vue des germes in- fectieux presente evidemment des difficultes insurmontables ; comment trouver dans Fair un microbe que personne n'a pu encore apercevoir dans le sang des malades ou des cadavres des malheureux qui ont succombe a sa funeste action? Ge serait se faire une idee pen precise de l'immensite des recherches qu'exigeraient la decouverte et la determination d'un ferment morbide perdu au sein de millions d'organismes microsco- piques de meme aspect, que de ne pas apprecier le vague el Fincertain d'un travail entrepris avec cet espoir. En 1'absence de moyens d'investigation suffisamment puis- sants, il faut done aborder la question par un cote plus general BACTERIES ET MALADIES EPIDEMIQUES. 249 et baser sur une hypothese vraisemblable un ensemble de re- cherches dont les resultats moins brillants puissent permetlre de s'avancer lentement, mais surement, vers une solution plus pratique. Pour qui a etudie les infiniment petits, il est evident que les bacteries, meurtrieres ou non, possedent toutes le meme mode de diffusion, que le vent ou la pluie, qui souleve dans 1'air ou fixe sur le sol telle bacterie inoffensive, jette dans 1'almo- sphere ou immobilise de meme les ferments morbides, surtout si ces ferments ont la faculte de croitre en dehors du corps humain, dans les eaux communes, les boues des rues, etc. Gomme 1'observation le fait pressentir, les recrudescences des bacteries vulgaires doivent coincider avec les recrudescences des bacteries infectieuses, et alors les considerations generates qui s'appliquent aux premiers etres doivent aussi s'appliquer aux seconds ; en un mot, la statistique des schizomycetes atmo- spheriques, effectuee en bloc, pent dormer des indications utiles sur le nombre relativement grand ou faible des ferments morbides. Quand ces ferments seront absents, 1'air ne sera pas pour cela prive d'organismes vivants ; peut-etre meme le chiffre des bacteries aeriennes sera-t-il a peine diminue, et en cela on peut comparer les microbes infectieux aux faibles quantites de gaz ou de vapeur qui peuvent se repandre dans une atmosphere, I'empoisonner, et en disparaitre sans en augmenter ou en di- minuer sensiblement le volume. Jusqu'icimon butn'a done pas etc de saisirauvol les germes des bacteries pathologiques, mais d'etudier le rapport existant entre le chiffre des microbes atmospheriques et le total des deces causes a Paris par les maladies dites zymotiques. En effel, puisque 1'air est accuse de repandre autour de lui 1'infection, le premier acte du micrographe etait de constater si a chaque re- crudescence de deces correspondait une crue bien evidente de microbes atmospheriques, au sein desquels on suppose encore gratuitement les poisons figures morbides, doikes de carac- teres botaniques a peu pres identiques. Envisage sous ce point de vue, le probleme se simplifie, se transforme et devient facile 20O CHAPITRE VII. a resoudre. II ne s'agit plus de prouver directement dans Fair la presence individuelle de toutes les bacteries pathologiques, mais d'examiner si les fluctuations du chiffre des deces se com- portent comme si I'atmosphere est reellement chargee d'orga- nismes malfaisants. Le diagramme (Jig- 80) represente la relation trouvee entre le nombre moyen hebdomadaire des bacteries recoltees a Mont- Fig. 80 Oclob. ffomubrepecembre Janv.80 Fevrier Mars [ Avrfl [ Mai Juin | Juillet [ Acmt Maladies epidemiques et bacteries (annees 1879-1880). souris du mois d'octobre 1879 a la fin de septembre 1880, e! la courbe des deces causes par les maladies zymotiques enre- gistrees a Paris durantla meme periode annuelle. Les moyennes hebdomadaires des bacteries calculees du vendrediau jeudi sont representees dans la Jig. 80 et dans les deux suivantes par les espaces teintes, enfin les chifFres des deces, pris des le commen- cement de Fannee 1880 dans le Bulletin demographique pu- blic par les soins de M. le D r Bertillon, sont donnt3S par la ligne pleine brisee. Les maladies qui entrent en ligne de compte sont : la fievre typhoide, la varlole, la rougeole, la scarlatine, la BACTERIES ET MALADIES EPIDEMIQUES. 25 I coqueluche, les affections diphteritiques, la dyssenterie, 1'ery- sipele, 1'infection puerperale, et la gastro-enterite ou diarrhee choleriforme des jeunes enfants. On range habituellement cette derniere maladie parmi les affections saisonnieres; cependant les fluctuations si concordantes qu'elle presente avec la courbe des bacteries me la font comprendre aujourd'hui parmi les maladies zymotiques, sans discuter les objections, d'ailleurs assez faibles, qui militent en faveu^r de son exclusion. En laissant de cote la premiere partie de la courbe des deces (dernier trimestre 1879), dont les donnees numeriques m'ont etc Ires difficiles a controler, le Bulletin demographique n'etant pas encore fonde, on voit, dans la derniere quinzaine de Janvier 1880, la quantile des bacteries s'accroitre rapidement et une aggravation des deces y correspondre a courte echeance; en mars, avril et mai, le meme fait se presente d'une facon remarquable ; en juin nouvelle recrudescence des bacteries, nou- vellecruede deces; puis, versla fin de juilletlamortalite s'accroit fort rapidement, tandis que les bacteries restent rares a Mont- souris. A la meme epoque, au cimetiere du sud, station situee plus avant dans le coeur de Paris, on constate une recrudescence bien accusee de microgermes. Enfin, a partir des premiers jours d ? aout, la courbe des deces par les maladies epidemiques et contagieuses va en se rapprochant constamment de la ligne des abscisses en presentant deux crochets (fin aout, milieu sep- tembre), qui coincident avec deux crues de bacteries. Des le mois d'octobre de la meme annee, une nouvelle sta- tion d'analyse fut creee an centre de Paris, 1'Observatoire de Montsouris me paraissant par sa situation un lieu mal choisi pour obtenir avec exactitude les variations des microbes tenus en suspension dans I'atmosphere des quartiers populeux. L'ex- perience permit alors d'etablir la relation reproduite par le dia- gramme (fig. 81), ou, sauf une seule exception, chaque recru- descence de deces est suivie d'une recrudescence de microbes. Cette annee, les rapprochements effectues a ce sujet sont cgalement confirmatifs. La courbe des deces (voir fig. 82), peu accidentee, est loin de se preter a une comparaison aisee ; ce- 252 CHAPITRE VII. pendant, en I'examinanl avec attention, on voit toutes les aggra- vations de la mortalite correspondre, sauf un cas, a une augmen- tation de schizophjtes aeriens. En novembre et decembre 1881 , ce rapport est frappant; en avril, juin, juillet et aout 1882, on observe de meme des coincidences indeniables. Presque tou- jours les crues des bacteries precedent d'une semaine 1'augmen- tation du chiffre des deces. Fi{j. Si. Octob |Novem.|ecembre Janv.81JFevrier[ Mars [ Avrfl [Mai |. Join [ Juillet j Aoui [Sepleml Maladies epidemiques et bacteries (annees 1880-1881). Cependant, si les lignes brisees des diagrammes precedents donnent une idee Ires exacte des oscillations du chiffre total des deces par les maladies zymotiques, elles nous renseignent fort peu sur la nature des affections qui ont provoque ces crues aux diverses saisons de 1'annee. En etudiant de tres pres ccs aggravations de la mortalite, on remarque qu'elles sont dues presque toujours a Fexplosion isolee d'une epidemic de fievres eruptives, d'atrepsie ou de fievre typhoi'de ; en d'autres termes, que les recrudescences de la mortalite sont gouvernees le plus habituellement par un seul groupe de maladies, tandis que les autres regnent endemiquement. BACTERIES ET MALADIES EPIDEJIIQUES. 253 Prenons, en effel, pour exemple 1'annee 1882, qui vient de s'ecouler. La crue des microbes qu'on y observe aux mois de mars et d'avril semble favoriser 1'extension des fievres exanthe- mateuses; celle du mois de mai esl suivie a un court intervalle crime augmentation de victimes par 1'atrepsie ; la crue de juillet et d'aout provoque a la fois une aggravation regrettable de deces par la meme maladie et par la fievre typhoide. Bien- tot la diarrhee choleriforme des jeunes enfants devient moins Fig. 82. 45o 420 390 36o 33o 3oo 270 2 4o .-'. }ci.ol?re[ Nov. pcccml)reJam-:82; Fev. ;Mars { Av-ril | Mai | JTLJTI |JrrilLet| Aout | Sept.) Maladies epidemiques el bacteries (annees 1081-1882). meurtriere ; le chiffre des bacteries augmente toujours. Le mois de septembre est remarquable par la richesse de son atmosphere (ii microbes; la population parisienne tombe alors sous le coup de 1'intoxication typhoi'dique, et la dothienenterie eclate avec une violence inusitee, en fournissant un taux de deces maxi- mum, trois semaines apres un maximum fort eleve de microbes. Les pluies d'octobre et de novembre jugulent 1'epidemie. Neanmoins, avant de me prononcer definitivement sur la con- stance des faits qui viennent d'etre signales, je demande a pour- 254 CHAPITRE VII. suivre encore longtemps ces recherches interessantes, afin de pouvoir appiryer mes affirmations sur une surabondance de re- sultats positifs. Comme on me 1'a fait dire a tort, je n'ai jamais pretendu qu'il existat de rapport direct entre le chiffre des bac- teries et celui des deces, mais uniquement une coincidence- de recrudescences. CHAPITRE VIII. I. Des bacteries qui peuplent I'interieur des habitations. II. Bacteries des hopitaux. Experiences effectuees a THotel-Dieu et a 1'hopital de la Pitie. III. Composition micrographi^ii^-^e-l^H^de^egouts. IV. Bacteries des poussieres seches. S'<&\.^^ THE UNIVERSITY I. - - Des bacteries qui peuplent I'interieur des habitations. Les courants de 1'atmosphere entrainent dans I'interieur des habitations line quantite de spores de bacteries d'autant plus grande, que le temps est chaud et sec; mais, a cote de ces orga- nismes apportes du dehors, il peut arriver que diverses" en- ceintes renferment des foyers producleurs de microphytes donl les germes viennent naturellement se joindre aux microbes venus de I'exterieur. Dans les maisons bien lenues, iJ ne parail pas exister, je le repete, de sources permanentes de bacteries; pour constater, dans I'interieur des habitations, I'existence de foyers pestilentiels, il faut visiter les appartements insalubres, ou la negligence et la malproprete des habitants laissent ex- poses au contact de Fair des debris d'aliments ou des dejections de toute sorte. Dans la majorite des cas, c'est 1'atmosphere exlerieure qui peuple de microbes les habitations reputees saines et hrygieni- ques ; en effet, les organismes qu'on rencontre le plus souvent dans les appartements ont les formes et les mceurs des microbes atmospheriques; cependant, plus vieuxetplus desseches, en un mot doues d'une vilalite inferieure aux spores fraiches et jeunes recemment emises des foyers putrides, ils germent avec plus de difflculte dans les liqueurs ou on les ensemence et n'apparais- 256 CHAPITRE VIII. sent manifestement aux yeux de Fobservateur qu'au bout d'une periode d'incubation de trois a six jours; tandis que, pour choisir un example, les microbes des egouts infestent visible- ment les liqueurs nutritives versle deuxieme et presquetoujours an troisieme ou au quatrieme jour. Quand on supprime les causes mecaniques, le va-et-vient, le frottage qui tendent a restituer a 1'air des salles closes les par- ticules de nature variee deposees en grand nombre a la surface des parquets, des meubles et de tons les objets, 1'air se purifie rapidement et tend a devenir microscopiquement pur on opti- quementpur, pour employer ['expression de M. Tyndall. Je fais allusion ici aux maisons isolees dans la campagne : dans 1'inte- rieur de Paris, ou le roulage ebranle incessamment le sol et communique des trepidations aux constructions les plus mas- si ves, 1'air qui les remplit se montre toujours prodigieusement fecond : le contraire s'observe au palais du Bardo, place dans le pare de Montsouris, a une distance respectable de toute voie publique tres frequentee. Durant le premier trimestre de 1'annee 1880, une longue suite d'ensemencements furent effectues dans 1'interieur de la bibliotheque sittiee au premier etage de 1'Observatoire de Mont- souris; les conserves de bouillon Liebig tenues par une pince a i m ,5o du sol furent lentement parcourues par un courant d'air apres que 1'agitation provoquee paries pas de 1'experimentateur et la fermeture des portes fut jugee calmee ( 1 ). La moyenne gienerale des microbes trouves presents au sein de 1'atmosphere confinee de la bibliotheque atteignit le chiffre de 20 par metre cube d'air analyse. Pendant les temps calmes, ce chiffre pouvait descendre au-dessous de 10; mais, quand un vent violent ebranlait les murs boises de I'Observatoire, il pou- (') Dans ces experiences et les suivantes, 1'aspiration etait cteterminee par 1'intermediaire d'un tube de plomb de petit calibre serpentant exterieurement le long des murs de I'Observatoire, traversant le chassis des fenetres et dont une extremite arrivait au milieu de la salle ou 1'ensemencement avait lieu, et 1'autre extremite dans mon laboratoire a laquelle on adaptait le tuyau de caoutchouc d'une trompe aspirante. BACTERIES DES ATMOSPHERES CONFINEES. 267 vait atteindre 60. Quelles que fussent d'ailleurs les causes de ces variations, elles ne presenterent jamais de coincidence avec celles qu'il etait permis d'observer au dehors, ou le chiffre moyen des microgermes se montre egal a /\6. Au second trimestre de la meme annee, 1'air ftit puise avec les memes precautions dans celle des caves de 1'Observatoire qui sert d'atelier de photographic a mon excellent ami et col- legue, M. de Vaulabelle. Gette piece, vaste, seche et voutee, regoit le jour d'en haut par un simple chassis qui, une fois ferme, interrompt toute communication directe avec 1'atmo- sphere exterieure; il resulta, d'une serie interrompue d'expe- riences journalieres pratiquees en 1'absence de toute personne dans cette piece, qu'en moyenne 1'air de cette cave tenait en suspension 27 germes de schizophytes par metre cube, quand 1'air exterieur en accusait 96, soit trois fois davantage. Une atmosphere qu'il m'a paru utile d'examiner avec beau- coup de soin est celle du laboratoire ou mes aides et moi manipulons depuis six ans toute sorte de microbes et toute espece de substances putrefiees. M. Tyndall, si malheureux dans son incursion sur le domaine de la micrographie atmospherique, a ete encore victime d'une illusion, en pretendant quelenombre desbacteriens repandus dans les laboratoiresde culture des micro- phytes devient incalculable; il n'est pas, d'apres lui, d'infusioii qui ait la chance d'echapper au degre d'infection qui y regne: a un moment donne, I'atmosphere de ces salles est tellement impure que la moindre bulle d'air se montre chargee de plu- sieurs organismes vivants. Dans le remplissage des tubes a essais (renfermes dans des cloches de verre con tenant de 1'air calcine), je m'apercus, dit M. Tyndall, que quelques petites bulles d'air etaient entrainees par 1'infusion; j'en conclus qu'a leur arrivee a 1'extremite inferieure de la pipette ces bulles se brisaient et repandaient, dans 1'interieur de la chambre, les germes dont elles etaient chargees. L'annee derniere, j'aurais trouve difficile a croire qu'une cause aussi faible put etre la base des anomalies observees ; mais cette annee j'ai appris a tenir compte de ces petites causes, et c'est pourquoi j'ai pris des '7 CHAPITRE VIII. mesures pour eviter la rentree de Fair (*). Cependant ce ne fut que dans des cas exceptionnels, dependant de Fetal de 1'air, que des precautions telles que celles decrites plus haut se montrent suffisantes pour assurer 1'exemption de contamina- tion ( 2 ). M. Tyndall se transporta alors dans les jardins de Kew, ou le nombre des insucces fut encore evalue a 33 pour i oo. Revenu a Londres, le meme savant fit construire, sur le toit de son laboratoire, une baraque ou il continua ses experiences; mais la aussi le resultat ne fut pas celui attendu ; pas un seul tube des deux premieres cliambres a air opliquement pur n'echappa a la contamination; ils se conduisirent tous comme dans le laboratoire, devenant en trois jours entierement troubles et charges d'ecume graisseuse . M. Tyndall se creusa alors 1'esprit pour deviner d'ou pouvait venir Finfection. Le fait, avance-t-il, de secouer une botte de foin dans Fair de la cabano suffit pour le rendre aussi infectieux que Fair du laboratoire. Dans quelques cas, la circonstance que la tete de mon prepa- rateur etait decouverte, quoique son corps fut soigneusemenl revetu d'habits iiouveaux, amena Finfection dans notre ba- raque ( 3 ). Si je tenais a paraitre malicieux, je demanderais a M. Tyndall si, lors de ses experiences sur les nuages bacteri- diques avec le plateau des cent tubes, la tete de son preparateur etait plus soigneusement desinfectee el s'il ne craignait pas alors de voir la contamination, venue de la chevelure de son assistant, troubler les resultats de ses experiences. M. Tyndall, dont j 'admire le talent et la probite scientifique, s'est trompe, je le dis pour la derniere fois, et toutes les illusions qui se sont deroulees devant ses yeux pendant plusieurs annees ont tenu a des idees arretees sur la possibilite de steriliser les liquides par Febullition sous la pression normale. Si j'ai mis quelque insis- tance a combattre les vues de M. Tyndall sur la question des microbes, c'est uniquement pour contrebalancer Finfluence re- (') TYSDALL, Les Microbes, p. 189; 1882. ( 2 ) TYXDALL, loc. til., p. 192. ( 3 ) TY.NDALL, loc. cit., p. 197. BACTERIES DES ATMOSPHERES CONFINEES. 269 grettable que ses ecrits panspermistes pourraient exercer en France, ou Ton estime a la plus haute valeur les travaux publics par ce savant illustre. L'air de mon laboratoire, analyse systematiquement pendant les premiers mois de 1'annee 1880, dans le but de calculer le nombre des microbes souleves par le va-et-vient de mes aides occupes a leur besogne journaliere, les courants d'air deter- mines par les bees allumes, les fourneaux en activite, accusa, en moyenne, par metre cube, 210 microbes rajeunissables dans le bouillon Liebig; 1'air exterieur, seulement ji. L'annee suivante, c'est-a-dire pendant le premier semestre de Tannee 1881, je constatai, non sans regret, que le degre d'infection de la principale piece de mon laboratoire s'etait accru et atteignait 348 microbes par metre cube ; cette annee il est parvenu a 55o. Rien n'ayant ete change a la nature du liquide employe pour les numerations des bacteries et aux con- ditions des experiences, il est certain que I'impurele de 1'air de mes salles va croissant d'annee en annee, suivant une pro- gression arilhmelique, dont la raison est superieure a la moitie du premier terme, calcule primitivement en 1880; a ce compte, il faudra cependant trente ans avant que Tinfection de 1'air des laboratoires de Montsouris devienne egale a 1'infection constatee actuellement dans Tatmosphere des appartements situes an centre de Paris. Peut-etre une sorte d'equilibre finira-t-il par s'etablir entre ces germes et ceux de Tatmosphere exterieure, comme cela parait exister dans les hopitaux parisiens, mais rien ne peut encore me fixer sur le degre d'impurete qui pourra regner plus tard dans 1'air de mes salles ; s'il est aujourd'hui une chose bien visible, c'est le defaut de concordance entre cette impurete et celle de Tatmosphere libre. Bacteries tKOiivees par metre cube. Dates. Laboraluire. Pare de Montsouris. 1880 (j er semestre 2i5 71 1881 - 3 .{8 62 55o 5 i 260 CHAPITRE VIII. On le voit, le chiffre des microbes des habitations semblerait croitre en raison inverse de la richesse en germes de 1'atmo- spherelibre; ce fait, constant et facile a mettre en evidence, dans les lieux les plus divers pendant les periodes froides, parait tenir au defaut d'aeration des atmospheres confinees. Pendant 1'hive.r, les habitants soustraient volontiers leurs appartements a I'action epuratrice des courants d'air, se calfeutrent chez eux avec une foule de microbes qui restent, des lors, leurs pri- sonniers jusqu'a la belle saison. Pour donner un exemple de la quantite enorme des bacteries qui peut ainsi s'accumuler dans les habitations situees dans les centres tres peuples et dans les maisons dont 1'etat hygieniquc parait satisfaisant, je rapporterai le resultat d'experiences effec- tuees dans une chambre a coucher situee au troisieme ctagc d'une maison de la rue Monge, construite depuis pen d'annees sur une voie, comme on le sait, tres large, tres aeree, et dans un local habile a peine douze heures sur vingt-quatre et ou les eviers ne sont pas souilles par les eaux menageres, les debri.s d'aliments resultant toujours de la preparation des repas, etc. Pendant six mois ; je me suis astreint a analyser, a mon lever, avant toute ouverture de portes et de fenetres, Fair de la chambre precitee; voici les nombres rnoyens qui ont resulte de ces dosages systematiques : Saisons. Noinbrc par metre cube Hiver 1882 65oo Printemps 1882 383o Moyenne 0260 Avec les memes precautions, 1'air a ete analyse aux memes jours, dans mon cabinet, a 1'Observatoire de Montsouris, oii ja- mais il ne s'opere de manipulations de microbes et qui ne differe, a la vue, de ma chambre a coucher que par 1'absence d'un lit. Comme on peut en juger, les nombres de microbes obtenus ont ete tout autres. BACTfiRIES DBS HOPITAUX. 26 Saisons. Kombre par metre cube. Hiver 1882 38o Printemps 1882 270 Moyenne 3 2 5 A la rue Monge, Fair de la chambre a etc trouve seize fois plus impur que 1'air de mon cabinet a FObservatoire de Mont- souris, et, fait qui vient a Fappui d'une proposition enoncee plus haut, le chifTre de germes a diminue a la fois, dans ce<> deux locaux, en allant de Fhiver au printemps. II. -- Bacteries des hopitaux, experiences effectuees a 1'Hotel-Dieu et a Notre-Dame de la Pitie. L'interet qui s'attache a la determination de la composition micrographique des atmospheres hospitalieres a determine un grand nombre d'auteurs a s'occuper de Fetude des bacteriens repandus dans les salles des malades. Depuis les travaux de Pouchet, de Dundas Thompson, de Chalvet, de Reveil , de Samuelson, de Lemaire, Nepveu en France, Miflet en Alle- magne et plusieurs autres savants onl institue a ce sujet quelques experiences qualitatives dont les resultats sont a peu pres tous semblables. Pouchet et Eiselt, de Prague, trouverent des globules de pus parmi les poussieres des hopitaux ; Chalvet, Thompson, Lemaire, Nepveu et Miflet y ont constate la pre- sence d'abondantes bacteries; mais, comme toujours, le zele des observateurs s'est bientot heurte contre les difficultes pratiques qui entourent 1'etude des microbes infiniment petits. La determination des bacteries repandues a profusion dans les salles des malades demandera encore longtemps de penibles et patientes recherches ; il ne sera pas aise de mettre en evidence, parmi les milliards de microbes qui hantent Fair de ces salles, les germes de la rougeole, de la variole, de la diphterie, de la septicemie, de Finfection purulente, etc., restes jusqu'a ce jour insaisissables. Nonobstantcetteimpuissance bien averee a decou- 262 CHAPITRE VIII. vrir les microbes agents presumes de la plupart des affections contagieuses, 1'on cherche avec raison a se defendre de ces fer- ments encore hypothetiques. Quelques esprits caustiques, bien mal inspires a mon sens, ont fait, sur cette classe d'organismes, des plaisanteries dont je goute fort peu le sel, car enfln ces affec- tions, dont on est en droit de soupconner 1'origine microbique, frappent constamment fort et sans pitie et prelevent chaque annee sur la population parisienne uii tribut de 20000 enfants ou personnes dans la force de 1'age. Les medecins les plus in- credules finissentpar etre quelquepeu ebranles, et leur attention est forcement appelee sur ces ennemis invisibles qu'il serait si liumain d'aneanlir si Ton pouvait decouvrir les milieux ou ils habitent et ou ils peuvent se perpetuer. D'autres praticiens plus endurcis, le chiffre en est cependant peu eleve, voient dans les idees actuelles sur le contagium vivum, ne de la theorie des germes, un engouement momentane, appele a disparaitre spontanement comme ces theories seduisantes qui appartiennent deja a 1'histoire de la medecine. Je trouve en effet, avec eux, qu'on devraitmoins parlerdes microbes etmieux les etudier, qu'il en est dont Fexistence fort improbable est deja a tort proclamee comme reelle ; mais, a cote de ceux-la, il en est d'autres qui ne passeront certainement pas, si 1'on ne parvient pas a les de- Iruire ou a modifier leurs effets desastreux sur notre economic. Pour sortir d'un domaine ou la contradiction est aisee, je rappellerai que nous sommes incontestablement entoures d'or- ganismes microscopiques, parmi lesquels beaucoup restent suspendus au-dessus de nos tetes comme autant d'epees de Damocles, dont il n'est pas facile de distinguer la nature du tran- chant, mousse ou acere. II est toujours prudent de se defier de Tinconnu et tres pen sage de mepriser un ennemi dont on ignore la force et le nombre : mieux vautenvoyer a sa rencontre d'ha- biles eclaireurs. Je peux tout au plus, quant amoi, donner sur le chiffre de ces etres microscopiques quelques renseignements preliminaires qui me paraissent meriter d'etre pris en consi- deration. Mes premieres recherches sur les germes des hopitaux re- BACTERIES DES HOPITAUX. 263 momenta une epoque deja eloignee. Desl'annee 1878, plusienrs aeroscopes a aspiration furent installes a 1'Hotel-Dieu, dans le service de mon excellent maitre, M. le professeur Germain See; Fair des salles de ce savant clinicien fut d'abord etudie an point de vue des microbes-moisissures, qu'on y trouve tres frequents, mais en moins grand nombre qu'a 1'air libre. Une annee plus lard, j'abordai 1'etude des bacteriens repandus dans les memes locaux. An travers de petits tubes a boule renfermant de 1'eau slerilisee, je dirigeai une quantite d'air parfaitement determi- nee, puis cette eau fut distribute en totalite dans des conserves diverses de lait, de bouillon, d'urine, etc. ; parallelement a ces experiences, je repetai au pare de Montsouris la meme opera- tion, mais avec une quantite d'air cinquanle fois et soixantefois plus considerable : c'etait le seul moyen d'obtenir au voisinage des fortifications une eau dont I'impurete a Fegard des germes atteignit celle de I'hopital. En unmot, si 5 lit d'air puise dans les salles de 1'Hotel-Dieu donnaient dix microbes, a Montsouris, le meme chiffre d'organismes etait fourni par 3oo ht ('). A la fin de 1'annee 1879, le procede de numeration des bac- teries, emplove depuis cette epoque a 1'Observatoire, ayant ete definitivement adopte, 1'air des salles Saint-Christophe et Sainte- Jeanne, comprises dans le service hospitalier de M. Germain See, fut alternativement analyse ; 1'air de la salle des femmes le matin avant la visile, 1'air de la salle des hommes une demi-heure environ apres le passage du chef de service et de sa nombreuse assistance, alors que I'almosphere etait seulement troublee par les allees et venues d'un petit nombre de malades et d'infir- miers : les portes et les fenetres etaient a ce moment parfaile- ment closes et tout frottage et nettoyage renvoyes apres les experiences. Voici, par moyennes mensuelles, les resultats bruts de ces analyses, conlinuees pendant trois mois et demi, puis interrom- pnes ponr des raisons de sante. (') Au mois de decembrc de I'annee 1879, j'ai rendu compte du resultat de ces recherches dans VAnnuaire de Montsouris pour Tan 1880. 264 CHAPITRE VIII. Microbes recueillis par metre cube d'air. A I'Hdtel-Dieu. Salle Saint-Clirislophc Salle Sainte-Jeanne Annee 1880. (homnies). (femmes). Juin 585o 52oo Juillet 6640 453o Aout 5*120 ^970 Septembre y5io 6750 Moyenne 63oo 6120 Pendant Fete de Fannee 1880, Fair des egouts de la rue de Rivoli ayant accuse environ 85o germes, et Fair exterieur exa r mine au pare de Montsouris 82, Fatmosphere confmee des salles de FHotel-Dieu fiit done trouvee environ six fois plus chargee de microbes que Fair humide des egouts, et soixante- dix fois plus impure que Fair de Montsouris ; FHotel-Dieu etait pourtant a cette epoque de construction recente, entretenu comme toujours avec la plus grande vigilance, ventile par un air filtre a travers d'immenses couches d'ouate et, malgre ces pre- cautions, les salles se montraient pleines de microbes. Quand il s'agit de calculer le chiffre des bacteries repandues dans Fair de la campagne par Fensemencement fractionne des poussieres atmospheriques, Fusage des trompes a debit relative- ment eleve est fort commode, le volume d'air aspire dans une journee devant parfois s'elever a 2oo ut etmeme 3oo m . Dans Fin- terieur de Paris, les aspirateurs destines aux memes analyses doivent etre beaucoup plus precis et gradues au io e et au 20 de litre ; surtout si Fon opere avec des liqueurs nutritives fort sensibles aux bacteries. Au sommet de Pantheon, ou Fair est assez pur, j'ai etc force d'employerde grands flacons deMariotte, accouples, garnis d'un liquideiucongelable, forme d'un melange d'alcool et de glycerine ; mais, chose moinsaisee a prevenir, c'est la congelation des liqueurs destinees aux ensemencements. Lors des grands froids de Fannee 1879, il suffisait, je me rappelle, de placer a Fair exterieur pendant quelques minutes les ballons destines a recueillir les microbes pour voir leur contenu se BACTfiRIES DBS H6PITAUX. 2 65 prendre en totalite en ime masse de glace ; la marche de 1'ex- perience n'en etait pas pour cela suspendue, Fair penetrait dans le ballon a travers la breche produite par 1'aspiration ininterrompue, se filtrait sur la bourre, qu'on projetait dans la conserve apres la fusion du liquide nutritif solidifie par le f'roid : sur cinq a six cents experiences pratiquees dans ces con- ditions desavantageuses, je ne me souviens pas d'avoir eu a deplorer la perte d'un seul tube a boule et d'avoir ete oblige d'interrompre une seule journee mes recherches statistiques. Pour operer des numerations de germes fort exactes, il faut, Fig. 83. Aspirateur a mercure au ~ de grandeur. dis-je, employer des aspirateurs gradues avec le plus grand soin; c'est surtout dans les hopitaux que le besoin s'en fait le plus sentir, la ou la quantite d'air ensemencee doit descendre a ~ et ~ de litre avec le bouillon Liebig et a -^ ou j^ avec le bouillon de boeuf pourvu d'une sensibiliteexaltee par le sel marin. A cet eflet, M. A.lvergniat m'a coiistruit une petite pompe a mercure (fig. 83) permetlant de distribuer dans chaque ballon 266 CHAPITRE VIII. une fraction cTair des plus minimes et de transmettre par 1'inter- inediaire d'un tube de caoutchouc uue aspiration energique a Fappareil conserve b, place loin de la pompe manipulee par 1'ex- perimentateur. A I'hopital de la Pitie, ou mes experiences ont commence vers la fin de fevrier 1881, 1'ordre des analyses a etc interverti : 1'air de la salle Michon (hommes) a ete examine de 8 h a g h du matin, celui de la salle Lisfranc (femmes), vers io h du matin, apres la visile de M. le professeur Verneuil. Les salles de clinique de ce savant chirurgien sont sises an rez-de-chaussee, dans deux corps debatiment se coupanta angle droit, et son* placees entre deux jardins et la rue Geoffrov-Saint- Hilaire, qui longe le cote Quest du Jardin des Plantes; il est aise d'etablir dans ces salles, percees de nombreuses fenetres, un renouvellement d'air depassant en efficacite ceux que peu- vent produire les appareils de ventilation imagines pour enlever les poussieres accumulees dans les locaux habites. Prineipalement a la salle Michon, 1'encombrement est consi- derable : il est rare que le nombre des patients venus chercher un soulagement ou la guerison de la main habile de M. le chi- rurgien Verneuil n'y depasse pas de dix a quinze le chiffre normal des lits disponibles; cette affluence oblige a installer des lits supplementaires entre lesquels on a parfois peine a se mouvoir : aussi un semblable entassement de malades necessite- t-il, meme durant les mois les plus froids de Tannee, Fouver- ture de quelques fenetres. A la salle Lisfranc, les malades sont plus a 1'aise, le nombre des brancards y est beaucoup plus restreint; aussi le besoin d'aeration s'y fait-il moins sentir. Je devais entrer dans ces de- tails, afm de bieii preciser les conditions qui ont preside a ces recherches microscopiques. Les prises d'air effectuees a cet hopital ont eu lieu egalement en 1'absence des frottages, des balayages ou de toute autre cause capable de restituer violem- ment aux atmospheres confinees les corpuscules et les debris divers deposes sur le parquet, les meubles, les lits, etc. Les fe- netres trouvees ouvertes a mon arrivee ont ete fermees pendant BACTERIES DES HOPITAUX. 267 les experiences ; enfin 1'air a ete puise a i m ,5o du parquet, au moyen de 1'aspirateur gradue. Meme quand on s'entoure des precautions les plus constantes, les analyses par ensemence- ments fractionnes des poussieres repandues dans Pair d'une en- ceinte habitee sont rarement comparables ; il arrive tres frequem- ment qu'un balayage recent, un va-et-vient anormal, introduisent des elements discordants dans les resultats obtenus, d'ou une suite de variations journalieres dont la signification doit, a mon avis, fort peu preoccuper 1'observateur; mais il ne saurait en etre de meme des variations hebdomadaires ou mensuelles calculees sur un grand nombre d'ensemencements pratiques journelle- ment ou toutes les quarante-huit heures, comme ceia a eu lieu a la Pitie. Actuellement, ce sont les seules moyennes dont je sois dispose a tenir compte. Les recherches de statistique microscopique, commencees dans les salles de chirurgie de la Pitie le i er mars 1881, ont ete continuees jusqu'a la fin de mai de Tannee 1882; le Tableau donne ci-apres resume 1'ensemble des analyses effectuees durant cette periode de quinze mois avec le secours du bouillon Liebig. Bacteries j'ecoltees par metre cube d'air. A lal'iliv Salle Michon Salle Lisfranc ( homines). ( femmes). Au IV arrondissement. Mars 1881. . I 1 100 lOJOO 7 5o Avril 1 OOOO IO2OO 97 Mai IOOOO 11400 1000 Juin 45oo 6700 i5{o Juillet 58oo 7000 1400 Aoiit 554 6600 960 Septembre ...... io5oo 8400 99 Octobre 12400 12700 1070 Novembre 1 5ooo i56oo 780 Decembre 2i3oo 28900 D23 Janvier 1882 ... 16100 12800 I 60 Fevrier i44oo I I 100 2OO Mars 14800 io55o 56o Avril I I 120 7660 85o Mai 63oo ogSo 970 Mov. ffenerales 1 1 100 85o 268 CHAPITRE VIII. Ainsi, le chiffre des bacteries, tres voisin de 1 1 ooo par metre cube d'air en mars, avril et mai 1881, a presque subitement decru de moitie en juin dans les salles Michon et Lisfranc, dif- feremment orientees et eloignees 1'une del'autre d'une soixantaine de metres. Ge chiffre, restebas en juin, juillet et aout, s'estreleve a partir de septembre, a alteint un maximum en decembre, Fig. 8.1. 28.000 24-000 l6.0OO- MAMJJASONDJFM 8.c 4.OOO 1881 '1882 Bacteries des hupitaux comparees aux bacteries recoltees a la rue de Rivoli. puis a decru jusqu'au mois de mai de 1'annee 1882. A la rue de Rivoli, le contraire a ete observe, comme le demontrent les moyennes mensuelles inscrites dans la troisieme colonne du Tableau et la representation graphique de ces moyennes dans le diagramme (fig- 84), ou les espaces parcourus par des hachures indiquent la distribution des microbes dans ces BACTERIES DES HOPITALX. 269 salles, et la ligne brisee la distribution des bacteries dans les rues de Paris. Pour faciliter cette comparaison, ces dernieres moyennes ont ete multipliers par dix. On ne manquerait pas d'etre surpris de la diminution du chiffre des bacteries observee a la Pitie a la fin du printemps, quand Pair des rues se charge d'une quantite croissante de mi- crobes, si je n'avais pas deja etabli qu'en hiver la quantite des microphytes devient Ires elevee dans 1'interieur des maisons. A I'hopital, les malades sont-ils devenus plus nombreux, les salles ont-elles subi une disinfection speciale? Non, rien de toutcela n'est arrive : la ventilation seule s'est accrue et voici comment. En ete, durant la majeure partie de la journee et jusqu'a une heure assez avancee de la nuit, les malades, pour echapper a 1'action de la chaleur et aux emanations putrides, laissent gran- dement ouvertes les fenetres, qu'ils tiennent closes aux saisons froides autant que 1'air leur parait respirable. L'atmosphere des hopitaux se purifie assurement toujours, mais principalement en ete, aux depens de Fair exterieur. Si les hopitaux sont con- struits au centre d'une ville, les quartiers environnants recoi- vent, sous la forme de corpuscules vivants invisibles, de nom- breux ferments dont 1'innocuite n'est peut-etre pas nulle, quand ilsproviennent des dejections des typhoidiques, des des- quamationsdeserysipelateux, desscarlatineux,desvarioleux,etc. Je ne saurais mieux faire que de laisser un instant la parole a un de nos savants statisticiens, M. le D r Bertillon, pour nous (difier sur le danger que peut faire courir a la population envi- ronnante la presence d'un hopital rempli de malades atteints de fievres infectieuses : Mais ce que je veux surtout etablir aujourd'hui, dit M. le D r Bertillon, c'est la baisse successive de semaine en semaine et la disparition, pour la dix-septieme se- maine de 1'annee 1880, des deces par la variole dans ce quartier de la Sorbonne, si exceptionnellement frappe pendant les mois de Janvier, fevrier et mars ; car le degrevement, non moins que les aggravations signalees, nous servira a determiner la cause des sevices exceptionnels de la variole dans ce quartier. En effet, en distribuant les deces varioleux en letirs domi- 270 CHAPITRE VIII. ciles respectifs , la ou la maladie a ete contracted , on les a trouves se groupant autour de ^annexe de FHotel-Dieu et for- mant comme un noyau epidemique resserre entre la Seine et le boulevard Sainl-Germain. Dans ce champ circonscrit, ne con- tenant que 10000 habitants, on a releve pour les deux mois de Janvier et de fevrier jusqu'a 49 deces par la variole, alors que, proportionnellement a la population etal'intensite de 1'epidemie, il aurait du en fournir moins de 3! Ainsi, dans ce petit coin du V e arrondissement, plus de 4^ deces se sont rencontres en surcroit des influences encore pen connues qui ont repandu 1'epidemie variolique sur la population parisienne ; mais cette formidable aggravation et ce singulier groupement de maisons envahies autour de F annexe s'expliquent lorsqu'on sail que, pendant ce temps, cette annexe de 1'Hotel-Dieu a ete un depot ou Ton a dirige tous les varioleux se presentant dans les services hospitaliers, dans le but, sans doute tres louable, d'empecher la contagion de se repandre de lit en lit dans chacun de ces ser- vices. Gette mesure parait done avoir deplace plutot que sup- prime les voies de transmission; au lieu de se propager de lit en lit, la contagion s'est repandue de maison en maison autour du depot varioleux, et aujourd'hui que ce depot a ete supprime, la variole tend a disparaitre de ce quartier ( 1 ). )> L'annexe de 1'Hotel-Dieu ayant ete evacuee, quelque temps avant sa demolition, necessitee par la construction d'un nouveau pout sur la Seine , les varioleux furent diriges sur un autre hopital ; mais laissons encore parler ici M. le D r Bertillon : Nous appelons de nouveau 1'attention sur les sevices exceptionnels de la variole dans le quartier des Quinze-Vingts et les quartiers contigus de Sainte-Marguerite et de laRoquette; ces quartiers continuent a enregistrer trois a quatre deces de plus par la variole que ne le comporte leur population. Ges sevices si cruel- lement exceptionnels s'expliquent trop bien, d'apres nos re- cherches speciales sur ce sujet, par la presence de 1'hopital (') BKUTILLOX, Bulletin de statistique deinographique pour Vannee 1880, BACTERIES DES HOPITAUX. 2 ~ I Saint-Antoine qui a renfplace le depot varioleux de V annexe et qui, comme lui, pendant le premier trimestre, renferme plus de cent varioleux. Ainsi ont ete transported dans ces trois quartiers contigus les conlages dont 1'annexe empoisonnait le has quar- tier de la Sorbonne. L'administration tes a charries avec les varioleux; c'est la une demonstration que Ton peut dire expe- ri men tale de nos precedentes conclusions : quand 1'epidemie aura pris fin, nous essayerons de dresser le bilan des Parisiens morts en surcroit par suite de la presence de ces dangereux depots en pleine ville (') . Pour remedier an mal signale par M. Bertillon, il suffit d'elol- gner de Paris les malades atteints d'afFections contagieuses. Gependant la majeure partie des habitants d'une ville recevant des soins a domicile, la suppression des hopitaux situes dans 1'enceinte des cites constitue un progres qui n'a pas evidemment la valeur d'une mesure radicale propre a eteindre les foyers re- pandus un pen partout, dans les divers quartiers, et d'ou peuvent s'echapper des miasmes malfaisants. Apres le deplacement des hopitaux et leur installation en plein air, mesures reclamees de- puis longtemps par le bon sens et exigees imperieusement par les fails, il reslera encore beaucoup a faire pour attenuer les dangers de la contagion. Les praticiens du corps medical en entier, les families elles-memes devront concotirir pour une large part a Textinction de ces foyers isoles de coqueluche, de diphterite, de scarlaline, qui font de si grands ravages etenlevent tous les ans a Paris plusieurs milliers d'enfants. Dans Finterieur des hopitaux, on rencontre, meles aux microbes venus de 1'exterieur, de nombreux germes echappes aux plaies purulentes qui, a defaut d'une ventilation suffisante, capable de pousser devant elle la totalite des ferments figures, sejournent dans les salles et y rendent I'air de plus en plus impur ; cette accumulation de microbes se constate malheureuse- ment trop souvent dans les asiles des femmes en couches, qu'il (') BERTILLON, Bulletin de statistique demographique pour I'annee 1880, 272 CHAPITRE VIII. faut parfois evacuer sans delai, puis desinfecter minutieusemenl sous peine de voir 1'infection puerperale y produire de veritable* hecatombes. Enfin, pour ne parler ici que d'une affection nette- rnent contagieuse, il est des epoques oil 1'erysipele sevit avec tant de frequence dans les salles des hopitaux, que les chirurgiens hesitent a pratiquer les operations les plus legeres. Les bacteries tenues en suspension dans 1'atmosphere des salles de chirurgie appartiennent surtout au genre micrococcus. AlaPitie, sur 100 bacteriens recoltes avecle secours du bouillon Liebig neutralise, on compte 91 micrococcus, 5 bacilles et 4 bac- teriums : c'est, a pen de chose pres, les proportions dans lesquelles se montrent les microbes recueillis dans 1'air a la rue de Rivoli, avec cette difference qu'a la Pitie ils sont dix fois plus nombreux. Les bacteries recoltees dans les salles des hopitaux, cultivees et inoculees auxanimaux vivants, sont presque toutes inoffen- sives ; injectees dans le sang, les tissus divers, elles sont resor- bees rapidement sans laisser de traces de leur passage. Pour pousser le plus loin possible ce genre d'investigations, j'ai amene dans du serum de sang les liquides albumineux epanches dans 1'economie humaine (liquides hydrocelique et pleuretique), le jus de viande sterilises a la temperature ordinaire, les poussieres des salles de chirurgie, et la encore les microbes developpes sc sont montres le plus habituellement tout a fait innocents pour les especes animales mises a ma disposition. Dans quelques cas, fort rares au contraire, j'ai pu communiquer des affections fort graves a des lapins eta des cobayes. Le premier organisme meurtrier tombe sous ma main est un mi- crococcus d'apparence commune, un pen plus petit cependant; injecte sous la peau des lapins et des cochons d'Inde, il y produil rapidement un abces: c'est la lesion constante; cet abces s'ouvre toujours a 1'exterieur, dans le voisinage du point ou I'aiguille de la seringue dePravaz a apporte le ferment. Mais, tandis que chez les jeunes animaux cet abces et la plaie qui resulte de son ouver- ture spontane"e ou faite au bistouri guerissent habituellement avec rapidite, chez les vieux lapins et cobayes la terminaison est tres souvent fatale : les animaux perissent d'infection puru- DE L'AIR DES EGOUTS. 278 lente determinee parle microbe ou contracted peut-etre pendant la maladie. Quand j'ai cherche a cultiver le micrococcus phlo- gogene present dans les abces metastatiques du foie et de la rate, je 1'ai toujours trouve accompagne d'une infinite d'autres especes qui, au bout de quelques cultures, finissaient par 1'etouffer entierement. Le second organisme pathologique trouve dans les salles des malades est un bacille greie, produisant une adeno- pathie dont les suites ont toujours ete benignes ; au bout de huit jours les animaux reprenaient leur appetit etleurs allures habi- tuelles. D'autres micrococcus produisent des lesions plus incon- stantes, des inflammations passageres des tissus ou on les injecte, des chancres rongeurs; mais malheureusement, quand on est arrive a constater la virulence faible ou energique de tel ou tel microbe, la tache du micrographe est presque achevee; il lui devient difficile de pousser plus avant ses experiences et de les etendre sans danger a Tespece humaine. III. Composition micrographique de 1'air des egouts. L'atmosphere des egouts, toujours saturee d'humidite et en contact permanent avec une eau plusou'moins bourbeuse, char- riant des substances en putrefaction, est fortement chargee de bacteries. D'apres une serie de recherches effectuees dans 1'egout de la rue de Rivoli, au voisinage du point ou cette conduite se jette dans le grand collecteur du boulevard Sebastopol, on compte dans 1'air circulant dans cette galerie 800 a goo bac- teries par metre cube, chiffre fort voisin de celuiquej'ai deja signale pour 1'air puise a la mairie du IV e arrondissement, avec cette difference cependant que 1'air de la rue se montre peuple d'un nombre de germes tres variables et Fair de 1'egout d'un chiffre de germes a peu pres constant. En ete, 1'atmosphere de la rue de Rivoli peut depasser cinq a six fois en impurete 1'atmo- sphere de 1'egout. Enhiver, le contraire peut avoir lieu : 1'air de la voie publique peut depasser cinq a six fois en purete l ! atmo- sphere de 1'egout sous-jacent. 18 2y CHAPITRE VIII. Les egouts etant destines a recevoir les immondices de toute sorte, les eaux de vaisselle, la majeure partie de 1'urine hu- maine, la totalite de 1'urine des chevaux et des animaux utilises dans une grande ville, la fange infecte des ruisseaux, etc., re- coivent aussi, en dehors d'une partie des dejections humaines conduites directement a 1'egout, les eaux de lavage du linge souille par les malades, le contenu des intestins et les liquides provenant des cadavres autopsies dans les hopitaux, matieres tou- jours peuplees de microbes dont la virulence est certainement a redouter, des debris de viandes corrompues,les eaux de tannage des peaux, enlevees a des animaux sains ou malades, etc., etc.., en un mot, une foule de substances qui tendent toutes a aug- menter le chiffre et la nature des microbes dans les egouts, a rendre les eaux circulant dans ces souterrains aptes a fermenter des fagons les plus diverses. Aussi il est aise de 3 'as surer que 1'eau d'egout, puisee a un grand collecteur, renferme un nombre prodigieux de microbes, environ 20000 a Soooo par centimetre cube. Je parle des eaux courantes d'egout, presque inodores, prelevees dans les collecteurs, debarrassees par decantation de tous debris solides et analysees avant leur entree en putrefac- tion, phenomene qui s'observe quand ces memes eaux sont abandonnees quelques jours a elles-memes en vases clos ou ouverts. Voici d'ailleurs les resultats de mes analyses eflfectuees avec des eaux de diverses provenances et rapportees au bouillon de boeuf neutralise ordinaire, quatre fois plus alterable que le bouillon Liebig. Provenance des eaux. Microbes par litre. Vapeur condensee de TatmosphfT^ 900 Eau du drain d'Anieres 48000 Eau de pluie 64000 Eau de la Vanne (bassin de Montroufje) . . 2|8ooo Eau de la Seine (puisee a Bercy) 4800000 Eau de la Seine (puisee a Asnieres ) 12800000 Eau d'egout (puisee a Glichy; 80000000 L'eau d'egout est done la plus infestee de toutes, et, je le re- DE L'AIR DES EGOU.TS. 275 marque encore, elle possede stir les autres le triste privilege de se putrefier spontanement et da donner naissance, au bout de quelques jours de repos, a une quantite de microbes mille fois superieure a celle que Ton trouve indiquee dans le Tableau pre- cedent. L'hygiene publique est evidemment interessee a 1'ecou- lenient rapide du contenu des egouts : c'est la theorie de la non-stagnation admise par les hygienistes de tous les pays. Les egouts ayant precisemenl pour but de debarrasser les rues et les maisons de toute substance putrescible, est-il exempt de danger d'y evacuer les dejections d'une population de plusieurs millions d'habitants ? Ce point est tres serieusement discute. Est-il preferable de conserver les fosses fixes, ces vastes cuves a fermentations putrides, etablies dans la majeure partie des vieilles constructions parisiennes, qu'on vient nettoyer pe- riodiquement en infectant au moins Todorat des habitants? Je rie le, crois pas, si les egouts sont construits de facon a retenir loutes les emanations qui pen vent y prendre naissance. Dans le cas contraire, les fosses a demeure possedent au moins 1'avan- tage de laisser echapper peu de microbes, quand on s'en separe par des fermetures liydrauliques ou autres, et quand, loin de les aerer, on conduit simplement, par un tube de petit ca- libre, au faite des maisons les gaz divers qui peuvent s'y developper. Une fosse fixe, bien construite, fournit a 1'air exte- rieur pen ou pas de microbes; cependant les infiltrations a travers le sol des liquides qu'elle renferme, les manipulations qu'exigent son curage periodique, son entretien, etc... sont peut-etre moins inoffensives ; en tous cas, la permanence, dans le sein meme des maisons, d'un vaste foyer de putrefaction doit la faire bannir des nouvelles constructions d'une grande ville. L'un des progres les plus marquants de 1'hygiene consistera a debarrasser les populations, sans dommages pour la sante ge- nerale, des matieres excrementitielles, residus inevitables de la vie animale. La voie des egouts est alors naturellement in- diquee. Les excrements liumains ajoutes aux immondices, deja si nombreux et si divers, qui voyagent dans ces conduites, vont- 276 CHAPITRE VIII. ils, par le seul fait de leur presence, ajouter beaucoup au degre actuel d'infection des egouts? Cela ne me parait pas probable, car chaque animal est, pendant son existence, soumis a 1'action de microbes nombreux, se multipliant dans la derniere portion de son intestin et qu'il porte avec lui, jusqu'a la fin de la vie, sans grand prejudice pour sa sante. Une fois dans les egouts, ccs microbes auront-ils sur lui une action plus redoutable? Cela n'est pas admissible; d'autre part, si, comme le fait re- marquer M. Warentrapp, les dejections des malades vont habi- tuellement a 1'egout sans passer par les fosses d'aisances, avec les feces de la population du premier age, les microbes con- tagieux et beaucoup de substances stercorales voyagentpaisible- ment dans les egouts, alors que chacun prend soin, pour eviter ce mal, de retenir chez soi une substance encombrante, d'abord inoffensive par elle-meme, mais capable de le devenir par suite de fermentations ulterieures et d'ensemencements typhoi'diques, dysenteriques on autres. Craindrait-on en envoyant les selles a 1'egout, de changer la composition normale des eaux vannes, de les transformer en milieux nutritifs, si Ton pent s'exprimer ainsi, ou les microbes infectieux vont trouver une nourriture plus substantielle etplus apte a leur developpement? G'est peut- etre devancer Texperience : les microbes communs etablis dans un milieu qui leur convient, et ou. ils y sontles maitres, cedent difficilement leur place aux nouveaux venus ; des lors personne ne peutnier que c'est peut-etre a eux qu'est due la destruction de la majeure partie des germes morbides. La Science, sur ce point, n'est pas'sans exemples : le virus septique etouffe le virus charbonneux, le cerveau putrefie d'un animal enrage ne trans- met plus la rage ; les cadavres dans un etat avance de decom- position transmettent plus difficilement la septiceinie que les cadavres frais, etc. Cependant, devant 1'obscurite, lente a s'eva- nouir, sur le role des microbes, plusieurs savants hygienistes, M. le professeur Brouardel est de ce nombre, craignent avec raison que les egouts des villes, construits pour un autre usage, ne puissenl se preter commodement a 1'evacuation des vidanges ; s'il en ^tait ainsi, si les matieres fecales amenees dans les egouts DE L'AIR DBS EGOUTS. 277 les transformaient en immenses fosses fixes, se ramifiant dans toutes les directions, respirant par toutes les bouches s'ouvrant dans les rueset dans les maisons, le remede propose serait pire que le mal. Je n'ai pas a entrer dans les questions techniques du ressort des ingenieurs charges de la construction et de 1'en- tretien de ces voies souterraines. GependantMM. Durand-Claye etEmile Trelat. qui se sont distingues dans les savantes discus- sions sur le tout a logout, assurent que, moyennant une quan- tite d'eau suffisante, on peut vaincre aisement toutes les diffi- cultes pratiques, et s'opposer a la stagnation des substances solides et liquides dans les egouts parisiens ; nous devons les croire et supposer avec eux que cela est recllement possible (*). Laissant de cote cette question des vidanges, par trop exclu- sive, je me permettrai cependant de critiquer, an point de vue de la diffusion des germes, la construction des egouts de la ville de Paris. Un egout, a mon sens, ne doit pas avoir de bouches communiquant librement avec 1'air exterieur; il doit prendre tout ce qu'on lui confie et ne rien rendre de ce qu'il renferme, qu'a son extremite terminale. Separe de la rue et des maisons, par des siphons, des soupapes, etc., d'un fonctionnement au- tomatique irreprochable, il ne devrait pas meme etre muni de regards dont la fermeture ne fut pas hermetique; alors, les mi- crobes et les gaz n'en pouvant sortir par aucune issue, il serait a 1'abri de toute accusation. Les egouts ayant besoin d'une ventilation incessante, il serait utile d'y etablir des machines (') A consul ter : Revue d'hygiene et de police sanitaire (les discussions sur 1'evacuation dc.s vidanges), annees 1880-1881-1882. Les projets d'assainissement de Paris, 1881, par M. Vallin. Bulletin de la Socie'te franraise d' hygiene, 1882. L'assainissement des rilles, par M. le D r Arnould, 1882. Etat de la question des eaux d'egout en France et d Vetranger, 1882, par .M. Durand-Claye. Comptes rendus des seances de la troisieme session du Congres interna- tional de Geneves 1882 (Discours de MM. Durand-Claye, Brouardel, Emile Trelat, Teissier, Vidal, Duverdy, Warentrapp, Smith, Van Overbeck, de Meijer, Layet, Soyka, Loiseau, Amoudruz, Villieme, Henrot, Coverton, Hauser, Bourrit, Juillarcl et de Valcourt). 278 CHAPITRE VIII. aspirantes amenant 1'air pompe a travers des colonries de coke incandescent on a travers plusieurs filtres capables de retenir tons les germes qu'on detruirait plus tard par le feu. II me semble qu'un egout possedant des bouches par lesquelles 1'air qu'il renferme pent se repandre dans la rue ne remplira jamais les conditions d'un egout parfait sur 1'innocuite duquel on doive se reposer, a moins toutefois qu'on n'arrive a prouver que les microbes qui en emanent soient absolument inoffensifs. 11 faut bien pen connaitre les microbes pour penser qu'un cou- rant d'eau, meme rapide, suffit a les emporter an loin ; les uns grimpent sur les parois humides des murs, d'autres s'arretent et s'eternisent dans un pen de vase, retenue par une asperite". D'ailleurs, les egouts doivent etre construits pour recevoir, avec les immondices, tous les microbes et, une fois qu'ils y sont amenes, 1'essentiel est qu'ils y restent, ou, plus exacte- ment, qu'ils soient detruits au fur et a mesure de leur sortie par la bouche des collecteurs. On a parle de systemes spectaux : des systemes Liernnr, Berlier, etc., propres a entrainer rapidement, parle secours du vide, les matieres fecales qu'on parle de jeter directement a 1'egout; ce sont la, a mon avis, des demi-mesures, car, si les egouts, tels qu'on les construit actuellement, sont des causes d'insalubrite, ces systemes, fonctionnant parallelement a eux, ne remedieront pas au mal existant. II faut sans doute se mefier des egouts, des cimetieres, des foyers ou pourrissent des amas de substances en voie de decomposition ; cependant, avant de porter sur les egouts, les cimetieres et les foyers de putrefaction, les plus graves accusations, il faudrait avoir en main quelques preuves d'une solidite reconnue; or, aujourd'hui, ces accusa- tions sont basees sur de simples conjectures, surl'liorreur des microbes, sur des craintesfort respectables, j'en conviens, mais peut-etre exagerees. Les bacteriens recoltes dans Pair des egouts different essen- tiellement des bacteriens recoltes a 1'air libre, a 1'interieur des maisons et des hopitaux; les germes qu'on y rencontre sont re- marquables par leur jeunesse et la facilite qu'ils possedent d'en- DE L'AIR DBS EGOUTS. 279 vahir et de corrompre en peu de jours les infusions les moins sensibles. Tressouvent, vingt a trente fois sur cent, ils determi- nent des putrefactions intenses et fetides, chose bien plus rare- ment observee a Pair libre et a 1'interieur des habitations ; les bacteriums sont fort nombreux dans Fair des egouts : beaucoup d'entre eux sont anaerobies; en un mot, les microbes repandus dans ces lieux htimides forment un monde nouveau avec lequel il serait utile et interessant de faire plus ample connaissance; inocules a des cobayes et a des lapins, je dois a la verite de declarer qu'ils se sont montres de Finnocuite la plus parfaite. Je terminerai ce paragraphe en disant un mot de la compo- sition qualitative des atmospheres dont nous avons deja pu ap- precier la teneur en microbes. Xatiire des microbes recueillis. Atmospheres consid^roes. Micrococcus. Bacilles. Bacteriums. Tolaux. Air puise au IV e arrondissement. . 98 5 2 100 du pare de Montsouris .. . .78 19 8 100 des hopitaux 86 9 5 100 des habitations parisiennes. 8{ 10 6 100 du laboratoire de Monsouris. 81 16 3 100 des salles inhabitees 54 47 i 100 des egouts 60 1 4 26 100 Les micrococcus, en tres grand nombre dans 1'air puise au centre de Paris , encore tres frequents dans 1'air des hopi- laux, des appartements parisiens, et generalement dans les lieux habites, se font plus rares au pare de Montsouris et sont surtout en faible nombre dans 1'air des egouts et des salles in- habitees. Au contraire, les bacilles, peu nombreux a la rue de Rivoli, dans les hopitaux, les maisons parisiennes, reparaissent plus nombreux au pare de Montsouris et dans les salles inhabi- tees, comme Tindique 1'avant-derniere colonne du Tableau pre- cedent; le bouillon Liebig accuse generalement pen de bacle- riums dans ces atmospheres diverses, sauf dans celle des egouts, ou ils sont toujours fort frequents. Avec le bouillon de boeuf prepare" avec soin, ces chifrres different profondement, mais le sens de ces proportions reste toujours le meme : la quantite 280 GIIAPITRE VIII. des bacteriums s'eleve au detriment des micrococcus et dcs bacilles, dont le chiffre decroit alors dans les compositions centesimales donnees. IV. Bacteries des poussieres seches. On a vu dans le Ghapitre III comment on arrive, par un precede fort simple, acompter le nombre des spores de moisis- sures repandues dans les poussieres deposees en couche plus ou moins epaisse dans les fentes des porles, sur les meubles, les consoles des appartements ; je vais faire connaitre en peu de mots la methode qui permet d'y compter egalement les germes infiniment plus petits des bacteries, fort difficiles a caracteriser avec le seul secours du microscope. II faut, pour arriver a ce but, user encore du precede indirect des ensemencements fraction- nes, susceptible d'acquerir une grande precision quand on se donne la peine de 1'appliquer dans toute sa rigueur. Prenons le cas le plus simple : voici une feuille de papier glace abandonnee sur un meuble depuis plusieurs mois ou plu- sieurs annees ; sa couleur blanche disparait plus ou moins com- pletement sous une couche de poussieres formee d'elements de toute sorte : de silex, de calcaire, de platre, de roches finement pulverisees, de charbon, de fibres textiles, de debris vegetaux, d'amidon, de pollens, de cellules epitheliales, etc. ; cette pous- siere seche, presque toujours feutree, lorsqu'elle se forme dans Finterieur des maisons, est amenee, par une manoeuvre facile a saisir, dans une nacelle de platine purgee de germes. La na- celle ainsi chargee, recouverte d'une plaque de meme metai, est pesee, puis son contenu est vide dans un ballon d'eau steri- lisee a 110; le poids exact de la nacelle debarrassee de son contenu permet de connaitre le poids des poussieres introduites dans le ballon. Pour fixer les idees, supposons que ce poids soit egal a o gr ,i35 ; supposons encore que le ballon ou viennent d'etre versees les poussieres renferme 25o cc d'eau. En agitant vivement pendant un quart d'heure le liquide du BACTERIES DES POUSSIERES SECHES. 281 vase, on parvient sans peine a produire un liquide uniform e- ment trouble, autrement dit une ve'ritable emulsion de poussiere, renfermant en moyenne, par centimetre cube, o m r ,54 de detritus de toute espece. Avec le secours d'une pipette bien flambee et garnie a sa branche superieure d'une bourre de colon de verre, on preleve alors io cc de cette eau louche, que Ton dilue immediatement dans un nouveau ballon contenant 24o cc d'eau commune egale- ment sterilisee a i 10; chaque centimetre cubede cette nouvelle dilution ne renferme plus que o msr , 0216 des poussieres primiti- vement pesees ; aussi le liquide ainsi obtenu parail-ilhabituelle- ment limpide. Quand il s'agit des sediments atmospheriques deposes spon- tanement a la surface des objets, il ne reste plus qu'a proceder aux ensemencements, car les bacteriens sont a ce moment gene- ralement assez espaces dans le milieu liquide pourenrencontrer seulement un dans deux ou trois gouttes. A cet effet, une serie de conserves de bouillon neutralise re- coivent chacune une goutte de la derniere dilution ; dans les cas ordinaires, 60 a 80 conserves suffisent pour donner des nombres convenablement approximatifs ; mais il est evident que, plus ie nombre des ensemencements sera grand, plus precis seront les chiffres sur lesquels on basera le calcul des microbes. N'aban- donnons pas les donnees numeriques adoptees plus haut et re- prenons cet exemple de dosage des bacteriens. 2 CC de la dilution titrant o msr , 0216 de poussiere brute par centimetre cube sont distributes goutte a goutte dans 66 conserves de bouillon sterilise qu'on place a 1'etuve raaintenue a 3o. Le liquide de plusieurs d'entre elles ne tarde pas a s'alterer ; chaque jour amene de nouveaux cas d'infection; mais, si Texperience a reussi, le bouillon de la moitie ou des deux tiers des conserves ensemen- cees doit encore garder au bout d'un mois une limpidite par- faite ; a partir de ce moment, il devient probable que cetle lim- pidite sera permanente et qu'il n'a pas ete introduit dans les vases de bouillon encore inaltere d'especes microscopiques capables de s'y multiplier. On met fin a 1'experience. 282 CHAPITRE VIII. Surces 66 conserves ensemencees, admettons que 82 d'entrc elles aient montre des schizophytes al'etat de purete, autant du moins qu'un examen attentif au microscope permet d'en juger; il devient certain que 2 CC de la deuxieme dilution, on o mgr ,o43'2 de poussiere, ont fourni 82 bacteriens, soit ^5oooo bacteriens par gramme de 1'echantillon des poussieres considerees. Ce precede ne possedepas evidemment la rigueur des analyses chimiques effectuees avec les precieuses ressources qu'offrent I'eudiometrie, les dosages volumetriques, les methodes employees pour detruire les corps et peser ensuite avec precision 1'eau, 1'acide carbonique, 1'ammoniaque, les combinaisons salines on haloides qui en resultent. Cependant il ne faut pas oublier qu'il s'agit ici pour le micrographe de doser un chiffre d'ceufs ou de spores dont le poids collectif d'un million n'atteint pas y^ de milligramme ; d'ailleurs, comme dans les dosages les mieux fails, il existe, dans le cas qui nous occupe, line limite d'approxima- tion et unnombre de chiffres negligeable. Dans mes analyses de poussieres ; cette approximation varie du ~ au yg du nombre moyen des bacleries; elle pent etre beaucoup plusgrande, mais tout dosage dont 1'ecart depasse les limites fixees doit etre tenu pour mauvais, Uncertain et par consequent recommence. Un echantillon de poussiere preleve sur un meuble d'un appar- tement situe au troisieme etage d\me maison de la rue de Rennes, voisine de batiments en voie de construction, fut partage en deux portions : la premiere pesait o gl ',ig4 5 la seconde o gr ,2io ; deux dosages methodiques executes le meme jour fournirent : Pour la premiere portion i 33o ooo bacteriens. Pour la seconde portion i 34o oop Gette precision tient du hasard, et 1'on doit s'estimer heureux quand le second chiffre differe seulement du premier d'une unite de 1'ordre immediatement inferieur. Un autre echantillon de poussiere seche, recueilli sur une feuille de papier abandonnee dans le easier d'une bibliotheque de 1'Observatoire de Montsouris, decela, par gramme, une fois BACTERIES DBS POUSSIERES SECHES. 288 760000 bacteriens et une autre fois 740000. Ges resultats justi- fient du degre de precision de ce procede. Les poussieres recoltees en differents lieux presentent rare- ment le meme nombre de bacteries; si a Montsouris leur chiffre atteint environ 700000 par gramme de poussiere, dans 1'interieur de Paris ce nombre peut devenir double et triple, comme le prouvent les donnees numeriques suivantes, obtenues avec 1'emploi du bouillon Liebig neutre : Bacteriens recoltes par gramme de poussiere. A 1'Observatoire de Montsouris 700 ooo A la rue de Rennes ... i 3oo ooo A la rue Monge 2 100 ooo II parait done demontre que, la ou I'atmosphere est plus chargee de microbes, la aussi les sediments qu'elle abandonne sont plus riches en microphytes. D'apres les recherches de M. Gaston Tissandier surles pous- sieres atmospheriques, le poids des corpuscules de toute espece contenus dans i mc d'air de Paris est tres voisin de o gr , 007 ; ayant demontre, d'autre part, qu'un semblable volume d'air puise a la rue de Rivoli est peuple en moyenne de 900 microbes rajeunis- sables dans le bouillon, i r de poussiere en mouvement dans les rues de Paris renferme environ i3oooo bacteriens, c'est-a-dire dix fois moins que les sediments apportes dans 1'interieur des appartements par les courants atmospheriques, ce qui est peut- etre du au transport, dans 1'interieur des maisons, d'une poussiere debarrassee de grains de silex volumineux, de detritus lourds dont la course dans I'air est toujours limitee. La nature des organismes bacteriens varie aussi suivant les lieux : Nature des bacteriens repandus dans les poussieres. Micrococcus. Bacilles. Bacteriums. Totaux. A Montsouris 25 70 5 100 A la rue de Rennes. .60 34 6 100 A la rue Monge -5 18 7 100 284 CHAPITRE VIII. Ainsi, a Montsouris, les bacilles dominent ; ces etres se font plus rares a la rue de Rennes et deviennent encore moins fre- quents a la rue Monge. Le nombredes micrococcus trouves dans lesmemes poussieres augmente au con traire dans un sens oppose, ce qui s'accorde parfaitement avec les analyses d'air praliquees en meme temps au voisinage des fortifications et an centre de Paris. La quantite relativement grande des corpuscules-germes des bacilles trouves dans les poussieres de toute provenance tient a une cause deja signalee plus liaut, a la resistance a hi se*cheresse de cette classe d'etres, alors que les semences des bacteriums et des micrococcus perdent plus rapidement la fa- culte de se rajeunir dans les liqueurs nutritives; aussi, pour rendre comparables entre elles les analyses de poussieres recol- tees a differents lieux, il faut expressement soumettre a des dosages simultanes des poussieres d'un meme age, ce que Ton realise aisement en placant en meme temps dans les apparte- ments des recepteurs fails d'une feuille mince de clinquant on de platine, promenes, au prealable, dans la flamme d'une lampe a alcool. Un avenir important semble reserve a ces sortes de dosages a la fois qualitatifs et quantitatifs, bien suffisamment exacts pour renseigner 1'observateur sur le nombre et la nature des microbes repandus dans 1'interieur des habitations. D'apres les cbiffres qui precedent, il est malheureusement vrai que le degre d'impurete de 1'air exterieur contribue pour beaucoup a infester Fair des appartements reputes hygieniques ; si Fatmosphere des hopitaux presente en moyenne de 7000 a 8000 germes par metre cube, 1'air des maisons de Paris en montre de 3ooo a 4ooo; cinq fois plus environ que 1'air des rues, tandis que 1'air de notre laboratoire, voisin des fortifications, accuse seulement 200 a 3oo bacteriens, c'est-a-dire dix fois moins. On le voit, tout nous amene a etablir entre le degre d'impurete des poussieres des viiles et des poussieres de la campagne un parallele sans cesse defavorable a 1'atmosphere des vastes agglomerations urbaines. De cet ensemble de remarques, il ne faudrait pas cependant BACTERIES DES POUSSIERES SECHES. 286 conclure a la pauvrete, en bacteries, du sol des campagnes : cette deduction serait contraire aux fails de 1'experience. La purele de 1'air des districts eloignes des cites tient surlout au mode penible de diffusion des bacleries qu'on y observe, et vraisemblablement aussi a la nature des organismes microsco- piques repandus dans les terres arables. Les regions boisees, la vegetation, la terre non trituree, encroulee pendant les cha- leurs et humide en temps de pluie, soustraient aux courants almospheriques les seuls agents de la diffusion des bacteriens dans Tespace, les microbes perdus dans 1'herbe ou incorpores aux blocs d'humus pris en masse consistante. L'absence de foyers capables d'entretenir la vie et de favoriser la multiplica- tion d'especes parliculieremenl virulentes donne assurement a 1'air de la campagne, ce degre eleve de purele qu'on ne retrouve plus dans les atmospheres confinees des habitations. L'examen du sol, au point de vue du nombre et de la nature des bacteriens qui s'y developpent et s'y perpeluent, n'est pas dienue d'inlerel. Dans les pays ou le charbon fait annuellemenl de nombreux ravages, M. Pasteur est parvenu a isoler des mi- crobes vivant dans la terre les spores de la bacteridie charbon- neuse. Plusieurs moutons, retenus par une claire-voie sur un terrain ou Ton avail enfoui des cadavres d'animaux morts du sang de rate ne tarderent pas a contracter la meme maladie en broulant Therbe poussee sur ce sol infeste. Au point de vue quantilalif, les analyses microscopiques du sol s'executent comme les analyses des poussieres deposees spontanement dans 1'interieur des maisons ou sous les abris. Cependant, pour rendre comparables les resultats de ces dosages, il esl utile de soumetlre la lerre a analyser a quelques prepara- tions preliminaires, dont les principales sonl la dessiccation et la pulverisation. On opere la dessiccation de la terre en la placant en couches minces au fond de boites metalliques percees d'ou- vertures lalerales pour permellre a la vapeur d'eau de s'echapper. Apres 1'aclion, prolongee duranl vingl-quatre heures, d'une temperature voisine de 3o ', la terre devient friable; elle esl alors desagregee par un cylindre metallique roulant sur une feuille 286 CHAP1TRE VIII. de clinquant; la poussiere resultant de cette trituration est de nouveau placee a 1'etuve a 3o pendant un jour et une nuit, puis tamisee a travers une toile metallique a mailles tres fines, et ensuite pesee et dosee, comme cela a ete indique pour les sedi- ments atrnospheriques. II reste bien entendu que les boites, les feuilles de clinquant, le cylindre, les nacelles, etc., employes a ces manipulations doivent subir au prealable un flambage scrupuleux ('). Les analyses microscopiques des terres pratiquees a 1'Obser- vatoire de Montsouris sont encore troppeu nombreuses pour me permettre d'etablir avec certitude les lois qui regissentl'appari- tionetla disparition des bacteries dans le sol; d'apres quelques essais preliminaires, leur nombre y serait sous la dependence des saisons, de la pluie, de la secheresse, etc. Suivant la pro- fondeur et la nature des couches de terrain, apparai trait telle ou telle classe de microbes ; bref, il reste sur ce sujet de nom- breux fails interessants a mettre en lumiere ; je n'epargnerai rien pour porter mes investigations de ce cote. Voici quelques chiffres auxquels se rattache plus de curiosite que d'importance. Le sol est generalement riche en schizophytes. Les analyses effectuees sur plusieurs echantillons d'humus puises sous une pelouse du pare de Montsouris et a Genne- (') Personne ne songe evidemment a me reprocher de negliger, dans ces diverses operations effecluees au contact de 1'air, les causes d'erreur survenues de 1'exterieur; elles sont, comme on le pense, trop faibles pour preoccuper 1'observateur. En eflet, en supposant la chute de 100 et meme de 1000 germes de bacteries sur la terre en voie de dosage (en realite, il serait excessif de supposer leur nombre egal a 5o), ce chiffre ne peut fausser les donnees nume- riques d'un essai dont les unites negligees sont de Fordre des dizaines et des centaines de mille. La cause d'erreur qui pourrait invalider tres serieusement les resultats obtenus serait la pullulation des bacteries des poussieres et du sol dans 1'eau sterilisee employee a les emulsionner; or, en une heure, et meme en deux heures, il n'est pas de semence dessechee de bacterien qui puisse, dans Teau et a la temperature ordinaire, fournir un nouvel etre done d'une vitalite independante de la cellule-germe. La duree d'incubation d'une spore de bac- terie dessechee, placee a 1'etuve a 3o, dans des liqueurs eminemment nutri- tives, est beaucoup plus longue; dans les cas les plus favorables, elle parait exiger de cinq a six heures. BACTERIES DBS POUSSIERES SECHES. 287 villiers demontre que le nombre des microbes rajeunissables dans le bouillon Liebig neutralise s'y trouve voisin de 800000 a i ooo ooo par gramme de terre dessechee a 3o pendant quarante-huit heures. Les organismes les plus repandus dans le sol appartiennent a la tribu des bacilles. En reunissant en bloc les donnees quali- tatives de ces essais preliminaires, ces etres s'v rencontrent dans une proportion enorme ; sur i oo schizomycetes enfouis dans les lerres arables, on compte, avecle bouillon Liebig, peu favorable a la germination des nematogenes, 90 bacilles, et tout au plus un contingent de 10 autres especes de bacteriens. A la surface de Fhumus, les micrococcus reparaissent plus nombreux. Quoi qu'il en soil, il est d'ores et deja permis d'affirmer que les bacilles vulgaires jouent dans la nature un role fort important dans les phenomenes de decomposition de la matiere organique en elements assimilables par les vegetaux. A cote du precede de dosage qui vient d'etre decrit, il en est Flacon a poussieres, au < de grandeur. un autre des plus simples, egalement capable de faire connaitre rapidement la nature et 1'abondance approximative des microbes repandus dans Fair exterieur et Fair confine; il consiste a exposer pendant un, deux et plusieurs jours sans pluie a Fat- mosphere libre, ou pendant quelqties heures seulement dans les lieux ou les germes sont tres frequents, un flacon conique a large ouverture de o m ,oi a o m ,oo5 de diametreinterieur (fig.%5). Fortement chauffe a Fetuve au prealable, le vase, laisse plus 288 CHAPITRE VIII. tard ouvert sur le lieu de 1'experience, emmagasine les pous- sieres qu'il ne cede plus anx courants; la duree d'exposition jugee suffisante, le flacon est revetu de son bouchon rode inle- rieurement, porle au laboratoire ou il recoil 3o cc a 4o cc d'eau sle'rilisee qu'on dislribue, apres une vive agitation, dans un grand nombre de conserves de bouillon ; ce qui permel de calculer tres exactement le chiffre des microbes que le hasard y a introduits. Au laboratoire de micrographie de 1'Observatoire de Montsou- ris il tombe en moyeiine, par jour et par metre carre, 2400000 bacteriens; au dehors, dans le pare de Montsouris, seulement 23ooo, soil cent fois moins, a 1'interieur des hopitaux et des habitations de Paris; ces chiffres doivent etre fort eleves, mais ces essais n'onl pas encore ele fails. Ge mode d'investigation, a la fois rapide, exact el non depourvu d'elegance, pent rendre de verilables services, en faisanl connailre le rapporl des germes voltigeant dans 1'inlerieur des habitations ; il pent aussi, et c'esl la Fusage auquel je le destine specialemenl, donner une idee tres exacle sur la quantile des germes jetes momenlane- menl dans les apparlemenls el les salles des hopilaux, par les IVottages, les balayages et les nettoyages ; prochainement je pu- l)lierai a ce sujel quelques resullals inleressanls. On doil egalemenl a M. le professeur Koch, de Berlin, un appareil de ce genre, une sorle d'aeroscope a pomme de terre, forme d'un lube au fond duquel se Irouve placee une tranche fraiche de ce lubercule. Le tube bouche est ouvert dans le lieu qu'on desire explorer au poinl de vue des microphytes, puis referme, et les bacteries tombees dans Fintervalle se deve- loppent si elles sont friandes de 1'aliment assez grossier qu'on leur offre : tel est succinctementla description de ce procede par trop primitif, sans controle experimental, qui laisse 1'observa- leur sans indication aucune sur le chiffre des microbes tombes dans 1'unite de lemps. CHAPITRE IX. I. - - -Des substances antiseptiques. Dans le cours de mes travaux sur les organismes microsco- piques, j'ai eu bien souvent 1'occasion d'etudier Faction des substances chimiques sur le developpement des bacteries et de leurs germes. J'exposerai brievement ici quelques fails relatifs a ^influence des antiseptiques sur la germination des spores aeriennes des microbes. On donne le nom de substances antiseptiques ou aseptiques a un groupe de corps simples ou composes capables de s'oppo- ser a la putrefaction des liqueurs ou des matieres alterables ; les antiseptiques, dont le mode d'action est peu connu et fort va- riable, doivent, pour etre declares efficaces, s'opposer a la vie des ferments organises ; si une putrefaction est en marche, ils doi- vent etre assez puissants pour la suspendre; si elle n'est pas en- core declaree, ils doivent la prevenir; dans le premier cas, ils agissent en detruisant ou en paralysant les bacteries deja en activite ; dans le second, en s'opposant a la multiplication des germes repandus dans les milieux putrescibles. Un antiseptique peut done produire une disinfection parfaite(*), en suspendant ( ' ) On emploie generalement le meme mot pour exprimer la desinfection parasitaire et la desinfection des odeurs fetides; il reste bien entendu qu'il s'agit uniquement dans ce Chapitre des substances bactericides et non desodo- rantes; beaucoup d'antiseptiques energiques, le bichlorure de mercure, par exemple, tuent rapidement les microbes d'une putrefaction en marche sans exercer une action bien appreciable sur les produits nauseabonds deja formes, inais dont ils arretent la production ulterieure. Si une putrefaction n'a pas '9 2QO CHAPITRE IX. brusquementla vie des bacleries adultes ou en genanl 1'eclosion de leurs germes. L'aseptique parfait serait cependant celui qui tuerait direclemenl la graine ; malheureusement la lisle des corps doiies de cette faculte esl fort peu etendue, ou plutot leur usage est impossible dans les pansements usites pour detruire les poisons figures developpes sur les plaies et dans les cavites naturelles ou accidentelles de 1'economie. On peut diviser les agents chimiques baclericides en agents tuant irrevocablement les germes et en agents destrucleurs seu- lement des bacteries adultes, a cote desquels on peut grouper une troisieme classe de substances qui ne tuent ni germes ni bacteries, mais qui ont le pouvoir de paralyser la spore et 1'espece adulte. Je parlerai plus particulierement aujourd'liui de ces disinfectants anodins d'un usage tres pratique, tres re- pandu et tres fructueux, quand leur application est faite avec intelligence. En effet, si Ton immobilise un germe sur une plaie, si on 1'empeche depulluler, ce germe devient inerte, inof- fensif, aussi peu malfaisant que s'il avail etc surement detruit ; sans doule, il serail preferable de le tuer une fois pour toules, mais detruire un germe tombe sur nos tissus esl une operation forl difficile ; on ne peul guere esperer y parvenir qu'en de- Iruisanl les cellules organisees ou il est depose : c'est le precede des cauterisations aufer rouge, a 1'acide sulfurique, a 1'acide azo- tique, a 1'acide chromique, a la pate de Ganquoin, a la poudre de Vienne, etc., precede applicable quand il s'agit de faire dispa- raitre a tout jamais un poison septique, tres virulent, repandu sur une tres petite surface. Les travaux entrepris sur le pouvoir baclericide des anlisep- liques sont si nombreux qu'il serail trop long d'en faire ici 1'hislorique : Lemaire, Bouchardal, Demaux, Ozanam, Pasteur, Lister, Bochefontaine, P. Berl, Arloing, Bergeron, Gosselin el commence, ils s'opposent a la formation clcs odeurs feLides; tandis qu'il existe a cote d'cux plusieurs corps parmi lesquels je citerai 1'oxygene, bien connu pour detruire rapidcment le gax hydrogenc sulfure et pour favoriser en memo temps la vie de la grande majorile des bacteries. ANTISEPTIQUES. 29 1 une foule d'auteurs fraiicais et etrangers ont aborde ces questions importantes a divers points de vue et obtenu parfois des resultats contradictoires. Les recherches longues et fastidieuses que j'ai entreprises depuis deux ans surcette matiere me paraissentassez avancees pour qu'on puisse deja en retirer quelques indications utiles. J'ai cru devoir diviser les substances bactericides, suivantleur degre de force, en eminemment, tres fortement,fortement, mode- rement, faiblement et tres faiblement antiseptiques. Dans cette classification, absolument basee sur 1'efficacite des composes con- sideres, un corps est eminement antiseptique, quand il s'oppose a la putrefaction de i Ht de bouillon de breuf neutralise a la dose comprise enlre o gr ,oi et o gr ,i (voir d'ailleurs le Tableau sui- vant) : Degres d'aseptie. Doses eflicaces. o i'-i gr gr i hiininemment 0,01 a o, 10 2 Tres fortement o, 10 a i ,00 3 Fortement i ,00 a 5,oo 4 Moderement 5,oo a 20,00 5 Faiblement 20,00 a 100,00 6 Tres faiblement 100,00 a 3oo,oo Au dela de 3oo parties, ii parait peu rationnel d'appliquer la denomination d'antiseptiques aux substances qui veulent etre employees a doses plus massives pour exercer une action anti- putride complete; a ce litre, toutes les substances connues des chimistes pourraient prendre ce nom, y compris les substances les plus fermentescibles. Le sucre, sous le poids de 2 kg , con- serve indefiniment i ut de bouillon, etc. Les microbes *ayant une energie vitale fort inegale, il serait desirable de multiplier, al'exemple des travaux de MM. Arloing, Gornevin et Thomas et de plusieurs autres experimentateurs habiles, des recherches sur le pouvoir destructeur qu'exercent les divers antiseptiques sur les germes de chaque virus figure en particulier. Quant a moi, fidele au plan adopte des le principe, je traiterai ce sujet dans ce qu'ii a de plus general, en faisan 2Q2 CHAPITRE IX. connaitre simplement le poids minimum des substances capa- bles de s'opposer a revolution de n'importe quel germe et quelle bacterie. Le programme des experiences a effectuer dans ce but est fort simple : a un liquide toujours comparable a lui-meme, il suffit d'ajouter d'abord un poids connu d'antiseptique, puis des germes atmospheriques ou des bacteries adultes, de faire varier la quantite du corps microbicide, jusqu'au moment ou la liqueur reste indefmiment imputrescible. Pour se procurer des germes de toute sorte a 1'etat sec, il suffit de les prendre la ou ils abon- dent : par exemple, dans les poussieres repandues a 1'inlerieur des habitations parisiennes, des hopitaux ; et, pour se procurer des bacteries adultes, de les chercher dans Teau d'egout. Quand 1'antiseptique est volatil, il convient, pour eviter toute perte de poids, de le placer avec la liqueur putrescible dans des vases scelles, en laissant au-dessus du melange un volume d'air ou d'oxygene assez considerable pour favoriser le developpement des microphytes. Voici les resultats fournis par ce mode d'experimentation : DOSES MINIMA DE QUELQUES ANTISEPTIQUES CAPABLES DE S'OPPOSER A LA PUTREFACTION o'lJN LITRK DE BOUILLON DE BOEUF NEUTRALISE. i Substances e mine mine nt antiseptiques. gr Kau o\\-enee, H 2 O 2 o,o5 l)ic!iloi-ure de mercure, HgGl- 0,07 Azdtate d'argent, AzO 3 Ag 0,08 2 Substances tres fortement antisepliques. lode, I o,25 Chlorure d'or, Au Gl 6 o , 25 Bichlorure de platine, Pt Gl 4 o, 3o Acide cyanhydrique, HG 2 Az 0,40 Brome, Br 0,60 Sulfate de cuivre, SOCu 4- 5H 2 0,90 ANTISEPTIQUES. 298 3 Substances fortement antiseptiques. Cyanure de potassium, K 2 Cy . . ,20 Bichromate de potasse, K 2 0, 2 GrO 3 Gaz ammoniac, Az H 3 Chlorure d'aluminium, A1 2 G1 6 Ghloroforme, G H Cl 3 Chlorure de zinc, Zn Cl 2 20 ,4o ,5o ,90 Acide thymique, C 10 H 14 2,00 Ghlorure de plomb, PbCl 2 2,00 Azotate de cobalt, Co(Az0 3 ) 2 -+- 6H 2 2,10 Sulfate de nickel, SO 3 Ni+7H 2 O 2,5o Azotate d'urane, U O, Az O 3 , 2 , 80 Acide phenique, G 6 H 6 O 3, 20 Permanganate de potasse, MnO*K 3,5o Azotate de plomb, Pb(AzO 3 ) 2 3, 60 Alun, (SO) 3 Al 2 H-SOiK 2 -f-24H 2 O 4,5o Tannin, G^H^O 9 4, 80 i Substances moderement antiseptiques. Bromhydrate de quinine, C 2 H 2 *Az 2 2 ,(HCl) -f- 4H 2 0. * 5,5o Acide arsenieux, As 2 O 3 6,00 Sulfate du strychnine, (C 21 H 22 Az 2 O 2 )SOH 2 + 7 H 2 0.. 7,00 Acide borique, BoO 3 H 3 . . 7,5o Arsenite de soude, Na 2 HAsO 3 9,00 Hydrate de chloral, C 2 HC1 3 + H 2 O 9 ? 3o Salicylate de soude, GH(OH)G 2 Na + H 2 O 10,00 Sulfate de protoxyde de fer, SOFe-i-7H 2 O n,oo Soude caustique, Na 2 O 18.00 5 Substances faiblement antiseptiques. Protochlorure de manganese, Mn Cl 2 -+- 4 H 2 25 , oo Ghlorure de calcium. CaCl 2 -r-2H 2 4o,oo Borate de soude, Na 2 O, 2BoQ3+ ioH 2 70,00 Chlorhydrate de morphine, C^H^AzO 3 , HG1 -4- 3H 2 0. 70,00 Ghlorure de strontium, SrCl 2 -t-6H 2 O 85,oo Ghlorure de lithium, LiCl H- 2H 2 O 90,00 Ghlorure de baryum, BaGl 2 2H 2 9 5 > Alcool, G 2 H6Q 9^,00 CHAPITRE IX. 6 Substances tres faibletnent autiseptiques. Ghlorure d'ammonium, AzH 4 Gl ...................... n5,oo Arseniate de potasse, K 3 As0 4 ........................ i25,oo lodure de potassium, K 2 I ........................ ..... i5o,oo Sel marin, Na 2 Cl ................................... i65,oo Glycerine (densite = 1,25)...!. ....................... 225, oo Sulfate d'ammoniaque, SO(AzH*) 2 ................. 25o,oo Hyposulfite de soude, S 2 3 Na3 _f- 5H 2 O ............... 275,00 Plusieurs autres sels de soude et de potasse, les sulfates et azotates notamment, dissous a saturation dans le bouillon de bceuf, sont incapables, a la dose de plus de 5oos r , d'empecher la germination des bacteries. Ainsi, dans le groupe des antiseptiques les plus puissants, on remarque jusqu'ici trois corps : 1'eau oxygenee dont 1'action des- infectante a etc signalee et etudiee recemment par MM. P. Bert et Regnard, puis le bichlorure de mercure dont la vertu asep- tique a etc reconnue depuis longtemps par beaucoupde savants ; generalement on considere ce sel comme produisant une action efficaceau 10 o 00 ; dans les conditions ouje me suis place, elle est parfaite au <00 7 UOU , et enfin 1'azotate d' argent, dont le pouvoir microbicide est des plus energiques : il est au moins etrange de voirl'eau oxygenee, differant si profondement du bichlorure de mercure etde 1'azotate d' argent par sa constitution chimique, s'en rapprocher autant par ses facultes parasiticides. Dans le second groupe des antiseptiques, on trouve surtout une substance tres employee en Medecine, 1'iode, preconise par Marchal de Galvi, dont la reputation estbien meritee; le chlorure d'or, dont la vogue parait epuisee ; le bichlorure de platine, 1'acide cyanhydrique, seulement toxique pour les bacteries a la dose de 10 ^ 00 ; le brome, deux a trois fois moins antiputride que 1'iode, jadis employe par Ozanam pour combattre le deve- loppement des fausses membranes dans le croup, et enfin le sul- fate de cuivre, contenant 5 equivalents d'eau de cristallisation. Dans le troisieme groupe, on voit les substances les plus usuellement employees en Chirurgie, le chloroforme, qui immo- ANTISEPTIQUES. 296 bilise les bacteries comme il anesthesie passagerement les cel- lules nerveuses des centres sensibles, mais ne les tue en aucune maniere; le bichromate de potasse, employe pour durcir les pre- parations histologiques; le gaz ammoniac, d'un usage fort re s- treint; 1'azotate de cobalt, 1'acide thymique, beaucoup plus anti- septique que 1'acide phenique universellement applique a la desinfection des appartements et des plaies depuis les recher- ches des D rs Demaux, Lemaire et de Lister; le permanganate de potasse, etudie par Condy et Demarquay; le sulfate de nickel, enfin 1'azotate de plomb, 1'alun ordinaire et le tannin, recherches par 1'industrie des tanneurs. Le groupe des substances moderement antiseptiques compte encore quelques corps chimiques usitesen Medecine : on y voit figurer en premiere ligne un sel Ires soluble de quinine, le brom- hydrate ; c'est vraisemblablement par erreur qu'on a conteste le pouvoir antiseplique de la quinine et de ses sels ; puis 1'acide arsenieux, egalement febrifuge; le poison tetanique par excel- lence, le sulfate de strychnine; 1'acide borique, employe en chi- rurgie ophtalmologique, mais deux fois moins puissant que 1'acide phenique ; 1'arsenite de soude, 1'hydrate de chloral, trois fois moins aseptique que le phenol cristallise, quelquefois mis en usage auxrisques et perils du malade dans les cas qui exigent une desinfection promple et complete; le salicylate de soude, dont Tefficacite dans le traitement du rhumatisme aigu est au- dessus de toute contestation depuis les travaux d'un de nos cliniciens les plus distingues, le professeur G. See; le sulfate de protoxyde de fer, et enfin la soude caustique faiblement pa- rasiticide, ce qui parait du a son passage a 1'etat de carbonate alcalin sous ['influence de 1'acide carbonique de 1'air; en effet, c'est habituellement au bout de quinze jours a un mois que se manifeste la presence des microbes dans les solutions nutritives, chargees de soude caustique, abandonnees au contact de 1'air atmospherique. Parmi les substances faiblement antiseptiques, on compte le chlorure de calcium, si pen couteux et siefficace pour arreter le developpement des bacteries ; le borate de soude, vante bien a 296 CHAPITRE IX. tort parplusieurs auteurs, comme un agent prophylactique pre- cieux des maladies infectieuses; le chlorhydrate de morphine, fort pen microbicide; les chlorures desmetaux alcalino-terreux et 1'alcool absolu, qui agit seulement comme antiseptique dans le bouillon qui en renferme environ -^, mais dont on se sert generalement pour les pansements dans un etat de concentra- tion plus eleve, pur ou additionne de camphre. Je ne dirai rien des substances tres faiblement antiseptiques : elles doivent, suivant moi, disparattre tres rapidement de la therapeutique chirurgicalej; la glycerine van tee par Demarquay, 1'hyposulfite de soude, si en honneur chez les medecins italiens. ne meritent pas reellemenl la reputation qu'on a voulu leur faire . S'il est tres facile de determiner, apres un tatonnement de courte duree et une vingtaine d'experiences soigneusement dirigees, le point assez precis ou un liquide, comme le bouillon de breuf, cesse d'etre apte a rajeunir les microbes, par conse- quent a entrer en putrefaction, il est beaucoup plus long de mesurer le degre d'asepticite produit dans une liqueur par 1'addition d'un poids donne d'un antiseptique. Pour y arriver on suit la marche indiquee plus haut (page ip3), pour cal- culer la courbe de sensibilite du bouillon de boeuf additionne de quantites progressivement croissantes de sel marin; en operant de meme avec les autres substances, on obtient des courbes semblables a celles que reproduit le diagramme (fig. 86) et ou I'on pent constater que 1'alterabilite d'un liquide ne de- croit pas proportionnellement au poids du corps parasiticide ajoute. L'action de Fantiseptique, d'abord tres efficace, se fait plus faiblement sentir au dela d'une certaine limite jusqu'au point ou le liquide encore incompletement desinfecte devient absolument inalterable. Gette diminution d'alterabilite ou de sensibilite du bouillon aux germes atmospheriques differe profondement avec la na- ture des substances antiseptiques considerees; 1'acide arse- nieux, par exemple (fig- 86), agit tout d'abord plus energique- ment que 1'acide phenique, puis son action s'affaiblit lentement ANTISEPTIQUES. 297 jusqu'a la dose limite 6 J.OUF 1000, tandis que 1'acide phenique, moins disinfectant des le principe, a poids egal, que 1'acide arsenieux, rend le bouillon absolument imputrescible a la dose deux fois plus faible de 3,2 pour 1000; les courbes ont alors un point d'intersection bien visible sur le diagramme suivant. Fig. 86 on 2 34567891011 De faction de quelques antiseptiques sur le bouillon de bceuf. Je n'ai pas termine avec ces etudes si interessantes et je re- mets a plus tard 1'expose de donnees encore incompletes sur la puissance et le mode d'action des agents paralysateurs des germes et des bacteries adultes ; je dois ajouter que les nombres publics plus haut (page 292) s'appliquent uniquement au\ spores des bacteries etcessent d'etre exacts pour les spores des moisissures. En general, pour immobiliser une semence de mu- cedinee, il faut doubler toutes ces doses, et cela est vrai pour Teau oxygenee, le bichlorure de mercure, I'iode, le brome, les chlorures de platine et d'or, le sulfate de cuivre, qui ont la fa- culte curieuse de favoriser, sous un tres faible poids, le devc- loppement de cette classe de microphytes, comme le zinc, si- gnale par M. Raulin, favorise 1'accroissement de M Aspergillus 298 CHAPITRE IX. niger et comme la plupart des metaux, le fer, 1'alumine, le man- ganese, les sels de chaux et les sels alcalins semblent fertiliser les terrains envahis paries moisissures. Ici la dose toxique pour les moisissures est dix et vingt fois plus elevee que la dose capable de suspendre le developpement de la bacterie. Au contraire, je ne connais qu'un faible nombre de composes chimiques capables d'arreter la multiplication des mucedinees avant d'etendre leur pouvoir destructeur sur les schizophytes. L'ammoniaque, la soude et les corps fortement alcalins, les sets d'argent et d'ura- nium, jouissent de cette faculte ; en revanche, les moisissures font tres rapidement leur domaine des milieux acides, fait connu depuis tres longtemps. S'il est en la puissance de Fexperimentateur de detruire ai- sement les bacteries contenues dans les infusions, par le secours de la chaleur et des substances corrosives, il est infiniment plus difficile a Fhygieniste d'aneantir, je ne dirai pas les poussieres organisees de Fatmosphere, ce qui est impossible, mais les germes meles aux poussieres des appartements, des hopitaux, en un mot des lieux habites ou Ton a de bonnes raisons pour y supposer 1'existence de germes morbides. En placant des poussieres sur des supports de verre, sus- pendus par des ills de platine au centre de grandes bonbonnes en verre vert, j'ai essaye sur elles Faction de divers gaz et de diverses vapeurs : pen d'entre eux ontle pouvoir de tuer rapide- ment tous les microbes. Apres quinze a vingt jours d'action a la temperature de 20, les composes suivants se sont montres absolument incapables de detruire la vitalite des bacteries : Vapeurs de chloroforme. d'acide phenique cristallise. , de chlorure de chaux industriel. de camphre. )> d'ether azoteux. de sulfure de carbone d'acide cyanhydrique. Gaz acide sulfureux. Gaz ammoniac. ANTISEPTIQUES. 299 Les vapeurs d'iode, de brome, de chlore, d'acide chlorhy- drique et d'acide hypoazotique, preconise avec juste raison par MM. Ch. Girard et Pabst, ont, au contraire, detruit irrevoca- blement tous les germes au bout d'un espace de temps variant de quelques heures a dix jours. Le chlore, quand il est bien sec, agit avec la plus grande dif- ficulte et j'ai trouve des germes encore vivants dans des pous- sieres qui etaient restees soumises pendant hint jours a son action corrosive ; le brome, 1'acide chlorhydrique et le gaz nitreux, sont plus violemment destructeurs des germes. D'apres mes experiences, une atmosphere chargee par metre cube de 5s r de 1'un de ces trois corps a le pouvoir d'enlever toute fe- condite aux semences des schizophytes qui sont restees pendant deux jours a son contact. Les vapeurs d'iode agissent plus len- tement : leur action microbicide n'est complete qu'au bout de huit a dix jours. Telle est la courte liste des substances redou- tables auxquelles il faut avoir recours pour aneantir les germes repandus dans une salle ou 1'application d'une temperature seche de i5o n'est pas possible. D'apres quelques experiences preliminaires, 1'ozone serait loin de jouir, a cet egard, de la reputation que plusieurs savants lui ont faite : j 'engage vivementles hygienistes a ne pas comp- ter sur la destruction des germes par cet agent normalement repandu dans 1'air, plutot porte de preference a oxyder quel- ques emanations gazeuses qu'a s'attaquer aux spores charriees par la masse atmospherique. CONCLUSION. La Micrographie atmospherique est une science toute nou- velle, creee a peine depuis trente a quarante ans, par les me- decins et les savants desireux de penetrer le mystere du contage des maladies dites infectieuses ; elle a, depuis cette epoque, fait de grands progres sous ('impulsion d'un homme de genie, au- quel 1'humanite est redevable des plus belles et des plus utiles decouvertes. D'abord cantonnee dans 1'etude des phenomenes chimico-physiologiques appeles fermentations, les recherches sur les microbes s'etendirent bientot aux maladies si curieuses du vin, de la biere, des oeufs, des vers a soie et des animaux domestiques. Plus tard, guides par les beaux travaux de Da- vaine, beaucoup d'auteurs firent de nombreuses tentatives en vue de decouvrir les zymases pathologiques : Hallier, d'lena, Coze et Feltz, Obermeier et plusieurs autres savants ne tarde- rent pas a distinguer dans le sang des malades de nombreuses bacteries auxquelles on attribua 1'origine des maladies. Mais il faut 1'avouer en toute sincerite, les methodes d'investigation faisaient alors defaut, les precedes mis en usage pour isoler, recolter et cultiver les especes microscopiques etaient entaches d'erreurs graves, difficiles a soupconner. G'est a M.Pasteur que revient le merite de nous avoir eclaires sur ce point, en nous faisant part de ses experiences si habilement conduites et livrees par lui a la critique des savants du monde entier depuis un quart de siecle. Des Tannee 1860, Timportance de 1'etude des germes atmospheriques n'avait pas echappe a 1'esprit penetrant 302 CONCLUSION. de M. Pasteur. En resume, disait-il ( 1 ) a cette epoque, si I'oii rapproche tons les resultats auxquels je suis arrive jusqu'a present, on peut affirmer, ce me semble, que les poussieres en suspension dans Pair sont 1'origine exclusive, la condition pre- miere et necessaire de la vie dans les infusions, dans tous les corps putrescibles et dans toutes les liqueurs capables de fer- menter. D'autre part, j'ai montre qu'ii est facile de recueillir el d'observer au microscope ces poussieres de Fair, et que Ton voit toujours au milieu de debris amorphes tres divises un nombre de corpuscules organiques que le plus habile naturaliste ne sau- rait distinguer des germes des organismes inferieurs Je n'ai pas flni cependant avec toutes ces etudes; ce qu'il y aurait de desirable, ce serait de les conduire assez loin pour preparer la voie a une recherche serieuse de 1'origine des di i verses maladies. Gette voie est aujourd'hui preparee et, grace aux efforts con- tinus de ce savant si distingue, grace a ses magnifiques decou- vertes, 1'auteur le plus modeste peut nourrir I'espoir de trouver la cause de 1'une des nombreuses affections qui desolent 1'es- pece humaine et, cela fait, de pouvoiry opposerune therapeu- tique triomphante. Lamajorite des medecins voient en M. Pas- teur un grand bienfaiteur auquel ils apportent de grand coeur leur tribut de reconnaissance. D'autres, en fort petit nombre, se sontfaits depuis peu les detracteurs de ses travaux. Je faisici allusion a quelques savants d'outre-Rhin aux allures bruyantes, qui ont profile comme nous tous des immortelles recherches de M. Pasteur et qui,se croyant aujourd'hui capables de volerdeleurs propres ailes, remplissent les recueils scientifiques d'attaques injustes envers celui qui est encore et sera pendant longtemps leur maitre dans les etudes si delicates sur les infiniment petits. On interpreterait cependant bien mal ma pensee si 1'on suppo- sait un instant que je range au nombre des jeunes savants alle- ( ') PASTEUR, Comptes rendus des seances de V Academic des Sciences, t. LI, p. fi-5. CONCLUSION. 3o3 mands qui pretendent avoir seuls le monopole de bien experi- menter sur les microbes les hommes illustres et respectables qui portent les noms de Nsegeli, de Brefeld, de Cohn, de Pettenkof- fer, etc... Les veritables progres de la science des infiniment petits, autrement appeles microbes par M. Sedillot, datent du jour ou M. Pasteur, renversant a tout jamais les theories surannees de Liebig sur la decomposition des substances organiques, nous apprit a deceler dans les poussieres aeriennes les germes des fer- ments, a les isoler, ales cultiver, ales suivre dans leur develop- pement et a en mesurer les actions puissantes. Ce travail immense est malheureusement encore loin d'etre termine. Dans les pages qui precedent, je me suis efforce d'esquisser un programme de recherches sur les microbes encore peu connus de 1'atmosphere, de faire ressortir Finteretjet Futilite qui s'atta- chent a la connaissance parfaite de ces organismes errants, repan- duspartout en abondance, mais plus particulierement a I'inte- rieur de Paris, des hopitaux, en un mot dans les lieux ou les maladies sont plus meurtrieres et plus nombreuses. On aura beau s'elever contre les fails publics dans ce Livre, pretendre que ces coincidences ne prouvent rien, il restera a tous cette arriere- pensee que les chiffres bruts inscrits plus haul sont un com- mencement de preuve des tristes effets du nombre des microbes surlasante de rhomme. a L'air impur, a dit Pringle, est plus meurtrier que le glaive ; les medecins le savent si bien qu'ils se hatent de diriger loin des villes Ires peuplees les personnes faibles et debilitees par un sejour trop prolonge dans les vastes agglomerations ur- baines; les hygienistes ne 1'ignorent pas non plus quand ils conseillent aux municipalites d'ouvrir, au prix des plus grands sacrifices, de larges voies, d'aerer les quartiers malsains et humides, d'assurer le parfait fonctionnement des egouts, de multiplier 1'arrosage des rues dans les saisons ou le vent peut sou- lever des nuages de poussieres, etc... Les chirurgiens surtout peuvent apprecier Finfluence nefaste qu'exerce sur le succes de leurs operations Fair impur des salles des malades ei Tatmo- 3o4 CONCLUSION. sphere meme d'tine ville ou, comme a Paris, Foperation cesa- rienne a une issue presque toujours fa tale. D'ou viennent ces emanations malignes et malfaisantes? Sont-elles dues a un pen d'acide carbonique venu des foyers en combustion , a quel- ques traces de gaz deleteres repandus en quantite infinitesimale dans les atmospheres des villes, a un phlogistique insaisissable etinnomme? En verite, le triste honneur de produiredes typhus, des fievres eruptives, des infections septicemiques n'appartient pas surement a quelques bulles d'hydrogene sulfure ou de gaz ammoniac, auxmiasmes odorants tres dilues dont 1'action toxique est fort limitee, sinon a peine appreciable, sur Fespece humaine ; de semblables theories sont aujourd'hui vieilles et insoutena- bles. Au contraire, de nombreuses recherches, effectuees par les savants les plus eminents, prouveut : i qu'il existe des fer- ments figures dont Faction est des plus redoutables ; 2 qu'on rencontre dans Forganisme des malades atteints des affections dites specifiques plusieurs varietes d'algues inferieures dont la presence dansle sang et les tissus est au moins singuliere, sinon suspecte; d'autre part, Fexamen microscopique montre a profu- sion dans Fair des algues pourvues de caracteres morphologiques identiques, et 1'on mettrait Fesprit a la torture pour trouver ail- leurs les causes des maladies infectieuses, quand Fanalyse de- montreavecunerigueur mathematique que la mortalite est plus grande la ou ces cellules abondent que la ou elles sont plus rares. Pour ne pas etre ebranle par cet ensemble de faits pro- bants, il faut se refuser a voir. Examinons maintenant quelle est la conduite tenue par les chirurgiens a Fegard des blesses et des operes jadis si sou- vent voues a une mort certaine avant la decouverte des panse- ments antiseptiques et enumerons quelques-unes des substances dont Fapplication est suivie desi heureuxresultats. Compte-t-on parmi elles Foxygene, qui a pour role de bruler et de transformer Jes gaz eminemment fetides en composes inodores ? Au contraire, on se hate d'occlure les lesions traumatiques profondes et de peu d'etendue. Y voit-on figurer les acides energiques qui peuvenl neutraliser Fammoniaque et une foule de bases volatiles nau- CONCLUSION. 3o5 seabondes en s'y combinant rapidement? Non, cette pratique donne de fort mauvais resultats : on a recours au phenol, au thymol, au bichlorure de mercure, a 1'iode, enfin a une foule de corps chimiques dont le pouvoir disinfectant est a peu pres mil envers les produits resultant du phenomene de la putrefaction, mais, en revanche, dont Faction est toute-puissante sur les mi- crobes, dont ils suspendentla multiplication et qu'ils ramenent avec leurs germes a 1'etat de molecules inertes. Tout a 1'heure 1'air ou les microbes etaient fort rares se montrait le plus sain ; main tenant c'est en purgeant les plaies de ces memes orga- nismes qu'on parvient a ramener a la vie des milliers de blesses et d'operes : tout cela est bien singulier si un role pathoge- nique important n'est pas devolu a ces etres inferieurs. Mieux que personne, je sais combien il est difficile de se de- barrasser des assiegeants infiniment petits qui nous entourent, et combien les microbes se font un jeude franchir les barrieres que la prophylaxie cherche a leur opposer ; cependant la Me- decine n'est pas sans exemple de resultats satisfaisants obtenus dans cette voie au prix de precautions constantes. J'en citerai un seul, parce qu'il est des plus remarquables. Dans un hopital place dans 1'interieur de Paris, je veux par- ler de la Maternite, ou Ton a pu voir la mortalite s'elever, en 1864, a 20 pour 100 du nombre des femmes entrantes, M. Tar- nier. chirurgien en chef de cet asile, bien connupar ses savants travaux en obstetrique et sesidees arretees, depuis vingt-cinqans, sur la contagion de 1'infection puerperale (* ), a su, par les ame- liorations introduites dans le traitement des nouvelles accou- chees, abaisser considerablement la mortalite observee dans cet asile edifie par 1'assistance publique. Apres 1'adoption de la methode antiseplique et la creation d'une infirmerie speciale pour les femmes atteintes, a la suite de leur accouchement, de complications morbides, le nombre des deces, qui etait, a la Maternite de Paris, de 1'annec i858 a 1'annee 1869, egal a 9, 3 1 pour TOO des accouchees, est descendu, dans la periode (') TARMER. De la fievre puerperale (These inaugurale. Paris, 1857). 20 3o6 CONCLUSION. duodecennale suivante, de 1870 a 1881, a 2,82 pour 100, et enfin a o, 5 pour 100 dans le pavilion, dit Tarnier, construit dans les jardins du meme hopital, dispose de facon a eviter tout contact de malades eritre eux, toute contamination de personne venue de 1'infirmerie et, enfin, toute accumulation de germes dans les petites chambres habitees par les nouvelles accouchees. G'est done par miliiers que 1'habile chirurgien de la Maternite de Paris a su preserver de complications fatales les femmes confieesases soins. Ges brillants succes plaident assez eloquemment en faveur de la theorie des ferments figures mor- bides dans le phenomene de Tapport a distance des maladies, pour qu'il soit encore utile d'insister sur ce point. Pour se debarrasser des microbes des hopitaux, on doit avoir recours, selon les cas, a deux agents, 1'eau et la chaleur : 1'eau, en devenant le vehicule des germes, s'oppose a leur dif- fusion dans 1'air et permet de les conduire surement dans les egouts, puis loin des quartiers peuples, sans les disperser d'a- bord dans Finterieur des salles et ensuite dans les rues voisines des hopitaux. Toutes les salles des malades devraient done etre construites de facon apouvoiretre lavees sur toutes leurs faces; on substituerait aux parquets desplanchers bitumes ou dalles de pierres, parfaitement rejointees; les rideaux des fenetres et des lits, veritables nids a poussiere, seraient supprimes; les salles des malades, beaucoup moins vastes, seraient pourvues de lits et sommiers metalliques qu'on porterait periodiquement vers 180 dans des etuves speciales; la literie et le linge seraient lessives dans des autoclaves chauffes a 110; cette temperature humide etant beaucoup plus efficace pour detruire les microbes que la chaleur seche de i3oetde i4o> qui altere d'ailleurs profon- dement les fibres textiles. Mieux vaudrait, evidemment, suppri- mer les hopitaux places dans 1'interieur des villes, et les recon- struire en pleine campagne sur un vaste terrain, en adoptant le systeme des pavilions isoles, qui a deja rendu de si grands ser- vices en permettant de circonscrire le contage dans un lieu de- termine. Les mesures prophylactiques a imposer aux habitants d'une CONCLUSION. 807 grande ville seront d'une surveillance plus difficile; mais il est des mesures d'interet general dontles administrations publiques peuvent parfaitement reclamer F execution : i suppression de toute usine insalubre, principalement de celles ou Ton mani- pule des substances putrefiees ou putrescibles (depotoirs, tan- neries, etc.), a plusieurs lieues a la ronde des vastes agglo- merations urbaines; 2 rejet hors ville des vastes ecuries de chevaux, des vacheries, etc.; 3 reduction de la hauteur des maisons ; 4 elargissement considerable des voies publiques, suppression des paves et leur remplacement par des couches d'asphalte, pouvant etre lavees plusieurs fois par jour pendant la secheresse ; 5 demolition de toute habitation reconnue in- salubre, agrandissement des cours des maisons, lavage perio- dique, deux a trois fois Fannee, de la facade des habitations; 6 creation de vastes pares et de vastes jardins dans Finterieur des villes : telle est remuneration de quelques mesures dont 1'effet immediat serait de diminuer le nombre des germes peu- plant Fair des vastes agglomerations d'habitants. Je crois fort pen a Tefficacite des disinfectants gazeux pour detruire les poussieres organisees des appartements ; des lotions superficielles pheniquees, boriquees ou boratees ; les lavages, Faeration largement pratiques, 1'application de la chaleur la ou cela est possible, me paraissent mille fois preferables. Mais je crois bien davantage a Faction souverainement bienfaisante des antiseptiques appliques a Fart de guerir, ou on les voit tous les jours accomplir des cures merveilleuses. J'ai fini, et je croirai avoir rempli une tache utile si j'ai pu, par cet ecrit, faire penetrer dans Fesprit de quelques lec- teurs cette simple proposition : qu'il est d'un grand interet pour Fhumanite d'etudier avec le plus grand soin le nombre et la qualite des etres microscopiques qui nous entourent, de faire marcher de pair Fetude particuliere des microbes pa- thologiques et Fetude generate des bacteries ; si la premiere peut nous edifier sur Fetiologie des maladies, la seconde nous montre, par ses statistiques precises, les lieux ou les microbes abondent, les atmospheres empestees qu'on doit fuir, re- 3o8 CONCLUSION. douter ou purifier; elle nous apprend Finfluence qu'exerce sur la pure te de 1'air le voisinage des foyers bacterogenes ; elle nous enseigne a detruire en bloc les microbes soupconnes dan- gereux, nous suggere des mesures preventives efficaces, en un mot, nous apprend a maitriser les emanations figurees dont la nocivite n'apu etre encore appreciee; c'est ainsi, d'ailleurs, que se felicite d'avoir precede la Chirurgie, c'est ainsi que precede actuellement la Medecine et que doit proceder 1'Hygiene. FIN. TABLE DES MATIERES. Pages PREFACE y Apercu historique sur les travaux de micrographie executes en vue de de- montrer 1'existence, dans 1'air, d'une foule d'ceufs et de germes vivants. i GHAPITRE I. I. - Poussieres minerales atmospheriques. Cristaux microscopiques. Globules de fer meteorique a3 II. - Poussieres organiques. Foils des vegetaux. Fibres vegetales. De- pouilles du regne animal 26 III. Cadavres et oeufs d'infusoires 27 GHAPITRE II. I. - Des precedes employes pour recolter les poussieres de 1'air 3i II. De la nature des corpuscules organises de 1'atmosphere 4& III. Du nombre des spores aeriennes des vegetaux cryptogames et des lois qui regissent 1'apparition et la disparition de ces memes spores 53 IV. Spores cryptogamiques de 1'air des egouts. De 1'atmosphere des ha- bitations et des hopitaux. Des semences melees aux sediments aeriens deposes a la surface des objets 68 GHAPITRE III. I. De 1'existence dans 1'air des germes des bacteries. Experience de Dundas Thompson, de Pasteur, de Burdon-Sanderson, de Tyndall et de plusieurs autres auteurs 79 II. Generations spontanees 88 GHAPITRE IV. I. Des micrococcus 98 II. Des bacteriums 102 III. Des bacilles 107 IV. Des vibrions et microbes spirales 124 GHAPITRE V. I. Des precedes employes pour recolter les germes aeriens des bac- teries .. '29 3 10 TABLE DBS MATURES. Pages II. Des precautions dont il faut s'entourer pour obtenir des liqueurs parfaitement sterilisees par la chaleur i4o III. Des liquides nutritifs vulgaires : liqueurs dites minerales, infusions et bouillons divers \ 148 IV. De 1'obtention des liqueurs animales et vegetales sterilisees sans le secours de la chaleur i5$ GHAPITRE VI. I. - Des manipulations qui precedent les recherches statistiques sur les bacteries 171 II. -- Du precede adopte a Montsouris pour compter les germes atmo- spheriques des schizophytes ; des pretendus nuages bacteri- diques 176 III. De la duree d'incubation des germes atmospheriques et de 1'aspect macroscopique des liqueurs alterees par les bacteries nees de ces germes 181 IV. De 1'alterabilite des liqueurs nutritives 191 V. - Des cultures a 1'etat de purete 197 GHAPITRE VII. I. - Du chiffre des bacteries trouvees dansl'air au pare de Montsouris; de 1'influence de la temperature, de Fhumidite, de la secheresse, de la force et de la direction des vents sur le nombre des mi- crobes atmospheriques 210 II. -- Experiences de laboratoire demontrant que 1'humidite est une des causes d'affaiblissement les plus puissantes du chiffre des germes aeriens 222 III. Resultats statistiques obtenus au centre de Paris et au sommet du Pantheon 280 IV. Bacteries et maladies epidemiques 2^2 GHAPITRE VIII. I. - Des bacteries qui peuplent 1'interieur des habitations 255 II. Bacteries des hopitaux. Experiences effectuees a I'Hotel-Dieu et a I'hdpital de la Pitie 261 III. Composition micrographique de 1'air des egouts 278 IV. Bacteries des poussieres seches j . 280 CHAPITRE IX. I. Des substances antiseptiques 290 CONCLUSION. . 3oi 8l25 PARIS. IMPRIMERIE GAUTIIIER-VILLARS, QUAI DES AUGUSTINS, 55. THIS BOOK IS DUE ON THE LAST DATE STAMPED BELOW TIAL FINE OF 25 CENTS 'ILL BE ASSESSED FOR FAILURE TO RETURN THIS BOOK ON THE DATE DUE. THE PENALTY WILL INCREASE TO SO CENTS ON THE FOURTH DAY AND TO $1.OO ON THE SEVENTH DAY OVERDUE. LD 21-100m-8,'34 , I o 01 Q io -o ai a UNIVERSITY OF CALIFORNU LIBRARY * fe >'- JZg jw^-PS, *