)'i il ^'iiOM)iF , a s.-isrieic. HISTOIRE ECCLfiSIASTIQUE DE BRETAGNE, DEDIEE AUX SEIGNEURS EV^QUES DE CETTE PROVINCE, PAR M. DERIC , POCTEIR EN TIIKOLOGIE , PRIEUR DE NOTRE-DAME BU CHATEAU ROVAL I>E FOl'GERES , CHANOINE I>E L'£glISE DE DOL , VICAIRE - G^nSraL ET OFFICIAL DU DIOCESE. DEUXIEME EDITION. TOME I. RENNES , VANNIER , EDITEUR. 1847. ERRATA. Notice , 3' j, premier mot, au lieu de Mais, lisez Puis. Nuus relevoiis cetle faule grossiere qui nous a echappe. II scrait inutile de signaler les autrcs , tout lecleur pouvant les remarquer ct corriger. .B7-7D4 NOTICE- L'ardeur avec laquelle on poursuit aujourd'hui I't^tude de uos moiiumeuts Listoriques et litteraires , justiGe la publication de Deric et lui assure uu bou accueil. LaBretagne u'a plus de livres et elle eut une histoire. De ses richesses e'parses ou trop enfouies , ion peut elever a sa memoire une Bibliotli^que natiouale : tardive restitution qu'il s'agit enfin de commencer. Qu'importe par ou? Choisit-on entjre les debris de !a patrie , et de ses cendres dispers^es I'amour fait-il deux parts? En est-il qu'il dedaigne pour d'autres qu'il honore ? S'arretera-t-il a les compter , a les comparer ? Non ! II ne sc demandera pas ou sont les plus pre- cieuses , car il lui faut tout retrouver , tout recueillir. Mais , si Ton a pu dire de la France qu'elle doit sa nationality a des eveques , ou le dirait avec plus de raison de la Bretagne. Pourqnoi done ne pas donner le premier rang a son histoire eccl^iastique ? Et cependant , il est taut de regrets a consoler ou de curiositfe a salisfaire que , si nous avions mis la question aux voix , Deric , ce dernier Breton, n'eilt peut- etreeuquela ndtre. Est-ce pour le venger de I'oubli que nous la luidonnons? /enesais, mais jc crois notre pr^ft^rence legitime. Dernier venu de sa province et trop tard , I'historien de I'Eglise de Bretagne se laissa snrprendre par I'orage. Son ceuvre , brusquement interronipue , dut s'arr^ter inachevee devant le ddcret sans retour qui abolit en France la constitution provin« ciale. Suranne d^sormais , il lomba raort-n^ dans I'oubli de la vieille patrie et la post^rit^ ne se fit pas pour lui. Mais I'orage se calma et tons I'ont depuis proclam^ digne d'un meilleur sort. La a 2 SOTICE piete filiale dui)t s'inspire une publication qui croit au palriotisnie des Bretons, nous a done port^ vers Deric. La destin^c , encore plus que le nidrite dc son livre nous a touclid , it nous regarderions commp un devoir dc commcucer par lui noire oeuvrc, si nous pouvions seconder ccltc renovation liltdrairc qui couvrirait noire Brelagne de taut de gloire et reudrait de si nobles services ^I'histoirc national e. Mais que dire de Deric ? Victime d une ruvolulion qui a delruit toule une so- ci^t^ , que reslerait-il dun homme qui ne pouvaiL laisser au fond du gouffre que quelques pages incompletes d'.-lJUi'/xi/t'j- ,lr»!or)cai/ie5 ? Ces pages d'anliquaire , qui les eilt sauvces , el pourquoi? Inuliles ou odieuses, dies out etd detruites, peot-etre pour effacer la memoire de ceprctre qui en fut I'auteur. Nous neii savons qu'un mot. A peine r(<(ugi(5 sur la lerre etrangere , il suivail les contours de I'ile Jersey avec deux de sescompngnons d'exil , scs freres dans lesacerdocc. lis s'entrelenaient de la fuujille et de la palrie absenles , muis , plus fort que ses ainers souvenirs , I'historieu consolait ses amis : • Pour nioi , ajoutait-il , mon plus cruel sacrifice est celui dc mes travaux : jc n'ai pu terminer ma tiiche. Mon tresor nest pas sauv^ : ils trouvcront mes niemoires et en jcttcronl ks feuiiles au vent. » Et celte pensde I'op- pressait ; mais IVsperance de retrouver ces feuiiles in tacles et respeclees aprcs la tourmenlc donl i! abregcail Ic terme , soutenait son courage , animait sa parole ; ct ses comiiagiious parlageaieiil sa douce illusion. A quelque temps de ia , Deric parut plus trisle. Quelait-ce done ? L'cspoir I'avait-il abaiidonne?... II repril a parler de son oeuvie avec I'acccnt dune douleur plus profonde , et , depuis ce jour, le regret de ne pouvoir consacrer ses veilles a 1 histoire de son pays, parut absorber tous lesautres(l) Le Breton s'immolail devant lis mines de la palrie; il mourait de nelaponvoir plus servir. Voila Deric. Pour lout le reste . nous laisscrons volontiers parler scs deux biographes ; car il n'en a pas eu d'aulres. M. dc Kerdanet publiailce qui suit , eu 1818 : • Deric , docteur en tbeologie , prieur de Kotre-Dame du Cbatean Royal de I'ougeres , cbanoinede leglise de Dol ct vicaire-general du dincese, nt? a Saiut- Coulomb , pris Cancnlle , mort dans Icmigration (-2). • Son Histoire EccUsiasliquedc Dreiagne , G vol. in-i2 , dout le premier parut (1) Vovczci-aprcs , pag. 4. nolcl. pnr unn portei chacunc dc scs cxtrcmilis et (2) « Gillcs Doric , fils dc Giilesct dc Ma- qiiin'ilait tiabiloe que par le clerge de la ca- » ric Dubrcil , ne Ic 30 Mai 17-_'6 , a St-Cou- Ihcdralc. On y voit encore Ic donjon oh I'on » lomb , a 6le baptise le nierae jour par M. pretend que Deric a ccrit son Hisloire eccle- » Lourde , rcctcur de la paroisse , » ( c\- siasliqiic. ( Renseigncmenls dus a Vobligtance (rait de bapKfmc ) ct est mort a Jersey , lors- de Itl. Chevrier , cure actucl de Pol ). qu'il se disposail irentrcr en France. Merabrc A partir du tome 3 de son Histoire [il'^] , du chapitrc dc Dul.iloccupailuncdcsraaisons Deric sc qualifie OZ/icial du diocese, dans le de celte rue Ceinle ( Cincta ) , alors ferrate litre dc louvrage. NOTICE. 3 en 1 777 (1) , est precieuse pour la province. Elle est e'crite avec feu , la niarche en est rapide ; elle entrains , malgre I'emphase oratoire qui s'y fait quelquefois trop sentir. Que de monuments , que d'usages d^robes ii I'oubli ! Mais on reproche a I'auteur , avec raison , davoir voulu expliquer , par une langue qu'il n'entendait pas , tous les noms des lieux ettous les noms de saints , de princes et d'^v^ques des 4*^ , 5*^ et6'' siecles. » Quel abus , a cet dgard , n'a-t-on pas fait de notre langue breloiine ? Un ^ty- niologiste breton n'a-t-il pas pretendu traduire I'h^breu et toutes les langues par la sienne , ety relrouver les origiiies de toutes les nations ? A Ten croire , Adam par- laitlebas- breton, et le paradis terrestre etait a Quimper-Corcntin ! ■> {Notices sur les ecrkains el les artistes de la Bretagnc , par M. Miorcec de Ker- danel, p. 385. ) Le second biographe de Deric est M. I'abbe Badiche (2). Void son article publie'en 1837. •> Deric (Gilles) , ne au commencement du 18"^ siecle a Saint-Coulomb , arrondis- sement de Saint-Malo , cmbrassa I'etat ecclesiastique , fut recu maitre ds-arts par la faculte de Caen , en 1749 , n'^tant encore que diacre , et prit ensuite le grade de docteur en th^ologie. Louis XV le nomma prieur deNotre-Dame du Chateau Royal do Fougeres , et Louis XVI , par un brevet signe de sa main , lui assigna sur I'abbaye de Carnoet , ordre de Citeaux , diocese de Quimper , une pension de 3,000 livres. Eufin , il etait chauoine et grand-vicaire de Dol sous Ms"^ de Herc^. Encourage par les ev6ques de Bretagne , il enti eprit de donner I'histoire des ^glises de sa pro- vince , et publia : Uisloire Ecclesiastique de Bretagne , dediee aux seigneurs eveques de celle province , 6 vol. in-12. Malheureusemeut , celte histoire n'est point acbe- \€e et necontient que les 10 premiers siecles. Le dernier volume, termini par un rfeumdsur I'^tat des lettres eu Bretagne du vi" aux* siecle , fut imprim^ en 1788. Le premier volume , public en 1777 , fait en quelquesorte un ouvrage a part et il est fort curieux. On en peul juger par son litre : Introduction a. V Histoire Eccle- siastique de Bretagne , oul'on traile dela religion , du gouvernement , des moeurs et des usages des Bretons depuis leur elablissement en Bretagne jusqu'aux temps ou ils embrasserent le Chrislianisme. II est facheux que lauteur , qui ne savait pas la langue brctonne , ait pousse trop loin la mauie d'expliquer , par le ceitique qu'il employait sur la parole d'autrui , les etymologies des noms de princes , de saints, de lieux, etc. II voit, par exemple, le mot riviere dans la composition de presquetous les mots. Du reste , son histoire ^crite avec soin , est fort recbercb^e. (1) Le second parut en 1778, le 3'^ en 1779, ginaire du diocese de Rennes- Sans parler de lc4' en 1780, le 5= en 1785, le 6'^ en 1788. ses biographies, nous avons de lui une notice L'ouTrage s'imprimalt a St Malo , chezHo- ^r le diocese de Rennes, publiee en 1833 , vius. reproduite en 1836, et un article sur les mat- (2) M. Badiche du clerge de Paris oil il a sons de relraite en Bretagne , inserd dans pris le grade de licencie en th6ologie , est ori- VAmi de la Religion , k la mfime epoque 4 NOTICK. Nous ajoulerons , [jftur faiie comiaitre 1 auteur et ses Iravaux , le fragment d une lettre de uolre collaborateur Denoual deLa Houssaye a M. Elo.v Johanneau , datcc du 3 aout 1808 ct iuserdc aii x" numcio des Annales dc I'acad^mie celtiqrie. T.a Houssaye parle des auliquitc^s de Dol el de Fougeres , et il ajoute : « Je ne ternii- • nerai point sans tous communique r un fail qui ne pout manquer dc vous inl^- ." resser. On ma assurcS que i'luJnticre de I'abbe Deric poss^dait , avec toute la » bibliothcque de son onelc , les dcrnicrs volumes manuscrils de son liistoire ec- " olesiaslique et uu autre ouvragc cousiderable , cgalement niauu^crit , qui a pour » litre : Anliquilis de la Brelagne. Deric s'^tait beauconp occnpe d€ recberches » sur la religion et sur Ics moeurs des xVrmoriques , et il scrait a dcsirer que le » fruit de ses travaiix ne fi'it pas perdu pour les bommes qui suivent la carriere de ■• Ibistoire cldes anliquites(I). • ridele aux regies de lafoi , Deric refusa le ser- menta la conslituliou civiledu clerge el passaen Angleterre. 11 mourutsur laterre d'exil en 1796 , presque nonagenaire(2) , et fut inhume a Jersey. Quaud la reli- gion devinl libre en Trance , un service fut cdl(?bre pour Deric dans I'eglise de Dol , el son oraisori luuebrc y tut prononccc (3^— B. D.e. (abbu Badiclic). {Biograpliie universcUe de Miclmul , supplcmcnl , lonte 62.) Les notes qui accompagncnt ccs deux articles , contiennent tons les reiisrigne- ments que nous avons pii recuei'lir. II en r^sultc quit ne faut plus songer a relroiiver Its niauuscrits de Deric. C est une pcrle regrettable doi t nous ne cbercbcruns certes pas a consoler nos lectcurs. Toutefais nous recommanderons ii Icur atlcution I'appel ci-apres , [)ar lequel notrc historien r^clamait les matcriaux de ses fulurs volumes. Cette piece fut publi^e avec le Q" volume , sous le litre d'Averiissemenl. T/Hisloire dc I'Eglise de Bretaguc , que le public indulgent a daignd recevoir (1) M. Orcsvc , recteur dc lllermitage, rendre Ic serviee.de verifier ce fait. II a roii- et I'un de nos plus relcs arcticologues , tient suite les [ilus vicnx dc ses paroissiens , et , deMM.I.esne, cure de Mordelles , et Mor- apri-s avoir feuillele les rcgistrcs de la cathe- lier , cure dc Clayes , dccedes depuis quclques drale , il c&t reslc cunvaincu quon a con- annces, le renseigiicmcnlsnivant : fondu Deric avec Mgr de Hercc. Lorsque les Exiles a\ec Deric, cclui-ci Icur exprimait cglises fureiil rouvcrtes , on celdlira , dans la sans ccsse le n^rel do ii'avnir pu terminer son cathedralo do Dol , un servii e pour le rcpos de ilistoire. En lujant , il avail rcmis a sa sa-ur Tame du dernier u\i'c|ue , Mgr dc Herce ,doiil lous ses mcmoircset notes, en lui rccomipan- roraison funebrc fut prononcce par M. Forget, dant dc les bien gardcr. 11 croyait , commc recteur do Ros-Landrieux ; raais personne lant d"autros, pouvoir rcntrcr en France dans na souvenir qu'il en ait etc ainsi pour Deric. sixmois; mais les fouillcs contiuucrent , ct L existence de loraison funebrc nous seni- les Ikut s'cmpari'rcntde ses papiers pour en blail aussi fort invraisrmblablc , et , quoi qu'il faire des cartouches et des bourres. A cette en fill , nous nous disjons : si ellc cxiste , il nouvelle, Deric cxprimala plus profonde dou- n'csl pas.supposable que le Liograplie ne Tail leurelcn fut lellemont affecte qu'il y reve- pas vu'e , ct s'iM'a vue, il n'aura pas manque nail toujours dans ses conversations. d'en lirer tout Ic parti possible pour la redac- ;2)Exageration. — Voy. ci-dc5s.,p. 2, notc2. lion dc son article. Nous avons I'article: que (3j M. Ic cure de Dol a bien voulu nous nous apprendrait Poraison funebre? SOIICE. 5 avecuu favorable accueil , est dejd poussee Ires-loin. Dans une enlreprise aussi hardie , I'auteur a oubliesa propre foiblesse. Lcdesir d'etre utile a 1 Eglise, aux lettres , a la patrie , la elev^ au-dessus delui-meme. Les difficulles de toute espece, toujours renaissanles , Font effrayd : elles n'ont pu I'abaltre. Comme citoyeu , comuie chrdlieii , il n'a consuUe que son zele pour In gloire d'une province qui tient nil des premiers rangs parmi la nation francoise. Une noble ardeur lui a rendu possible ce quialarraoit sou iucapacite. » Dans differentes circonstances , on est venu h son secours. Sa gratitude n'a pas mauqu6 d en rendre un hommage public. II va parcourir des siecles sur lesqnels les archives des t^vecbes , des ^glises calhedrales , des abbayes , des autres monas- teres , celles meme de plusieurs seigneurs la'iijues , peuvent repandre un grand jour. La plupart de ces importans materiaux n'ont point encore parus ; les tirer de lobscuritc qui les encbaine , c'est les rendre a leur destination primi- tive , c'est travailler pour soi-meme , c'est eclairer la patrie. L'historien se per- suade qu'il n'a qu'a demander pour obtenir ; plus dune voie s'ouvre pour lui faire passer , sansfi'ais, ces precieuses collections. Les belles ames sent indus- trieuses a obliger. La reconnoissauce , qui doit y repondre , n'a point de bornes : son premier devoir est de rapporlci' la bienfait k son priucipe. » Nous nous trompons fort ou Deric est a bout de matiere , lorsqu'il ^crit ces iigncs. II y avail onze ans que son Histoire ^tait en publication , et il n'en c'tait encore qu'au 6^ volume et au Xi^ siecle. Les qaatre premiers tomes s'dlaient suivis d'annce en annde (1777 a 1780); le 5^ ne pinit qu'au bout de 5 ans (1785) •, le 6= au bout de trois ans (i788) ; et I'auteur avait d^ja 62 ans. Devenu plus difficile , le travail , k cet age , exigeait encore plus de lenteur , et, si apres avoir consacr<5 8 ann^es a la publication de 2 volumes , Deric s'interrompt pour demander publiquement des reiiseignements a tout le monde , c'est qu'il en estde- pourvu. Puisse celte observation attenuer la perte des manuscrits , que nous eus- sions etc si heureux de restituer a la science. Parlous maiutenant du livre. On vient d'en lire deux fois la critique : elle est suffisante. Nous I'acceptons du reste. - Mais , rencberissant outre mesure , les uns nous disaient : « Supprimcz ces notes- la dans votre edition , " et les autres : « retranchez-cn I'absurde ou criliquez-les.^ Nous lien avons rien fait , et nous ravioiis promis. C'est que ces no(es-ld sont le travail vt^ritablement personnel de Deric : celui auqucl il se complait , qui a le miettx retenu ses sueurs et qu'il nous a laiss^ tout impr^gn^ de ses predilections nn- lionales. Qu'il sc soil abuse sur le sort de ses Etymologies dont la posle'rite ne veut plus , son labeur n'en a pas ete moins penible , et faut-il rejeter sans respect , parce qu'il est trompeur , ce gage d'un patriotisme qui , pour etre plus eclair^ , n'eiit 6t€ ni plus ardent ni plus sincere ? Quant a nous , qui aiinons Deric , nous le gardens. L'historien estpartout dans 6 >OTICE. gon livre,mais le Breton est surtoutdaus ses notes. C'estlaqu'on letronve ,atoute hcure , avcc sa passion du pays et sou iiifatigable patience, fouillant lantiquitd , en rouvrant toutes les sources et s'eu montrant fier. 11 semble qu'il palpite sous ces longues et lourdes pages d'^tymologies celtiques , et e'est pour le retrouver qu'on revient les relire. Que demandez-vous done? les supprimer et conserver Deric ? C'cst impossible.... Vous ditcs qu'il croit lout, qu'il atUtiPt lout. Oui ! i! aimait sa Bretagne : il se Inissait prendre a tout ce qui en avail I'acccut : mais , oil est sa fautc?.... 11 a cru , comme tant d'autres , trouver la languc des Celtes dans Bullet , el Bullet I'a lromp(5. S'il a besoiu d'excuse , je n'opposerai que sa bonne foi. II dil quelque part(I) : « mais I'ignoranee du celliqucdounclieu a biend'autres m(5prises.» — Crierez-vous: il se condamne lui-memc , ct qu'avons-nous bcsoin d'autre preuve? — Moi , je veux^tre plus genereux et , au lieu de le sacrifier , je le livre i votre critique. Elle deviendra uioderee en le lisant. Nous devious ce mot ^ la justification de Deric. Ajoutons une rcmarque. C'est surtout a letyraologiste qu'on en veut. Eb bien , nous n'eussions pu relrancher les etymologies de Deric sans rcndre le texte souvcnt inintelligible , par excmple dans les cas frequents oil il dit que la signiQcation du nom de tel personnage indique qu'il avait tel caractere on telles moeurs. Ce n'est quo dans la note a laqnelle il renvoie pour recbcrcher I'etymologie , que Ion rctrouve le complement de sa pens^e. II nous etait done materiellement impossible de supprimer sans alt^rer, et, en nous bornant ix retranchcr , notre critique eiit-elle ^\.6 infuillible ? — Nous avons done tout conserve. Terminons par quelques observations sur la correction de celte^diton. La premiere ddition fourraillait de fautes typographiques. >'ou8 croyons la ndtre correcte. Quant a I'orthograpbe , nous avons conserv(5 celle de Deric, en le corrigeanl d'apres la troisieme ddition du dictionnaire de I'acaddmie eu usage de son temps. Ainsi , au lieu de sciecle , nous avons mis siecle. letns, temps. solemncl , solennel. monnoye , monnoie. lerrein , terrain. royr , ioie. scavanl , savant. fauxbourg , faubourg. isle , He mechanique , micanique baye , bale. etc. etc. (Vj Tome 2 , p. 126 , note 1 , in (int. NOTICE. 7 Mais , pour les noflis propres , nous n'avoiis rien change. Etymologistc avant tout , Deric pent avoir eu un motif de s'dcarler de rorllingraphe habituelle. D'ail- leurs , le corriger sous ce rapport , c'eut dtc s'exposer a I'alt^rer. Nous n'avons done touched ni a I'accent, ni au trait-d'union, ni h la majuscule. Ily a quelques noms dontrorthograplie varie danslecourantde I'ouvrage, comme Vilene, Vilaine; Cor- senlt , Corseiil; Landetcenec, Landewenech,e\.c., etc. Nousavons relev6ces variantes. Quant aux citations , nous les avons reproduites d'apres Deric , sans chercher a relablir rortliograplie de I'auteur c\t6. Nous avons surtout remurqu6 dans I'ancienne Edition I'absence de Taccent grave, m6me dans les noms communs. Notons , du restc, qu a cette ^poque on I'omettait encore souvent dans I'usage , bien qu'il fiit deja present par la regie. Voyez dans Lobineau et Dom Morice et les editions du meme temps. Nous avons aussi conserve la ponctualion , comme tenant au style et a I'ex- pression du discours. On trouvera le point dans les cas nombreux de cetle phrase « .Cequisignifie..... » Respectant le style , nous lui avons laiss6 ses mauvaises locutions. On relrouvera done : <■ Etoit-ced'Aelius don< ils vouloient parler. » t. 1 , p. 30. « C'est d'A^tius don< il veut parler. » t. 1 , p. 32. • L'iutcret gfSudral et particulier en sollicilenl lei^cution. » t. 1 , p. 44. « Comme la plupartn'ont pas oula volotite , etc.... , ou sont trop lagers, etc. , » tome 1 , p. 449. « Sous le point de vue (jfu'une saine raison doit la raontrer , etc. , " t. 1 , p. 468. " Soit Yolontaire ou contentieuse.» t, 2 , p. 2. n D'ou nail le bonheur public et particulier. » t. 2, p. 2. • C'est surtout dans ce moment d^cisif oi'i les amisde Dieu. • t. 2 , p. 60. • Appreudreideces jeunes gens, "t.2, p. 78. etc etc Nous n'avons pas mis les mots grecs en caracteres grecs , parce qu'il eut fallu en faire aulant pour I'hebreu et lallemand. Nous avons voulu , comme Deric , etre lisible pour tout le monde. La premiere Edition n'avait point de table. Chaque division ^tait pr^c^d^e d'un long sommaire dont chaque paragraphe ^tait rep^t^ sur les marges en regard du texte qu'il rdsumait. Nous avous supprim^ cette table margiuale comme double emploi; maisnouSy avons suppldd , pourla facilite des recherches, par des num^ros d'ordre qui correspondent a ceux du sommaire. Puis , au lieu de reproduire les sommaircs en t^te de chaque division , comme dans la premiere Edition , nous les avons r^unis, en t6te de I'ouvrage, sous la forme d'une table g^ndraleet analytique des mati^res. 8 NOTICE. Nous avons luimorot^ les notes par un chiffro ct iion par uiie lettre comme dans la premiure edition. Les notes snr notes le sont par iin asterisqiie. Les varianles, additions, iniercatalions ot omissions sont comprises entre crochets. >'ou3 avons parle dcs variantes. Les additions sont les errata indiqui^s par Dcric , comme suit : a ajoiitez Nous avons I'ait les autres corrections , aiais sans les mcntionncr . Les intercalations sont les trois notes publiees sous le titre d"avertissement et d'adiJitions a la tin du tome 2 , et la dissertation en tele du tome 3 , de la premiere I'd ition . La premiere est relative a la colonne milliaire de Saint-Meloir. EUe estrepla«^e tome ! , p. 18 , note 1. La deuxieme , relative a la route de Condafe a Alauna par Fins , .est replacee tome 1 , p. 5 , note 3. La troisieme , sur la ville d'/s, est replacee tome 1 , p. 294 , ci lafln du n" 26 dc la note 3 de la page 291 . La dissertation est la r^ponse deDeric h Og^e sur I'origine de Carhaix ; elleesl replaoeetome 1 , p. 24 , note 5. Les omissions sont des dales rappelees dans les sommaires de la premiere Edi- tion , bien qu'elles ne fussent point mentionnces dans le texte. Nous les avons substilue'es en note sous la qualification d'omission. Les notes et observations de la nouvelle (Edition sont sign^es a. V. Depuis I'imprcssiou de la dissertation sur Carhaix (I), nous avons decouvert ,en feuilletant un autre exemplaire que celui qui nous a servi , une variante que nous relevons ici, alin d'c^viter a tout prix le reproche de reproducteur inlidele on incomplet. Comme nous lu disons a la suite de la dissertation (2) , Deric la publia en t^te de son tome 3 , posterieur de deux ans au tome 1"^^' qui contient le passage attaque. liparaitquc, plus tard , il jugcaa propos de supprimer le carton formaut les pages 7 et 8 de cette disserlaliou ; car on voil qu'un nouveau carton a et(5colle sur I'on- gletdu premier , dans lexemplaire qui nous procure cette decouverte. Les autres pages se suiveutmot pour mot dans les deux exemplaires. Voici la variante (3). Entre le § Dc ces principes lutnineux , etc. , et celui Les uoms que les i>r»tniers hommes , etc. , intercalezle S suivant : « Ceux des Bretons qui , au lieu de Kerc'heil , out employe , suivant le P. Gr<- (1) Voy. , tome t , p. 2i , note 5. 3) Ibiil. p. 26. (2) Il)ii1, in fine. NOTICE. 9 goire de Roslrenenet M. Eullet , les noms de Perdris et de Petris , ont ^galemeut consulte le m^me principe. lis n'ont eu d'aiitre desseiii que de se repr^senter le meme oiseaupar soncri. Dans la meme vue , les Grecs et les Latins I'ont appeld Perdix , les Cr^tois Perix , les Italiens Pernise , les Espagnols Perdiz , et les Anglois Pertrise." Les § quisuivent n'^tant que modifies, nous les meltons en regard pour mieux signaler les differences. Au lieu de : « Les noms , que les premiers hommes imposerent aux animaux , ne furent meme que des onomatop^es. Adam prit plaisir a leur en donner , et les Savans conviennent que ces noms etoient des onomatopees. Tel est le nom de coucou en francais eten bas-Breton ; tel estce- lui de tourterelle en Francois : en Gal- lois , on la nomme lurlitr ; en Latin , turtur ; en Hebreii et en Caldcen , thor ou tur ; en Persan , lelaru ; en Ita- lien , (orlore ; en Espugnol , torlola ; en AUemand , lurlellaube (taube , co- lomhe) ; en Tlamand , turlelduyve ; en ancien Saxon et eu Anglois , turtle ; en Theuton , Imtilutiiho {tubo , colonbe). Tons ces noms sortent de la meme source. Lisez : « Les noms que les premiers hommes imposerent aux animaux ne furent meme que des onoraalopdes. Ceux qu'Adara donna aux animaux de la terre et aux oiseaux du ciel qui etoient dans I'cten- due du paradis lerrtstre , repondoient a leurs especes , a leur instinct et a leurs diffdrentes qualit^s. Le P. Gr(5goire de Rostrenen D. le Pelletier , ni 31. Bullet ne donnent point a la perdrix le nom de Clugear ou de Clughicar , conime le fait M. Og^e. lis I'appelleiit Clujar. » D. le Pelletier est du sentiment de M. Roussel , qui vouloit que clujar filt tire de Cleuz , fossi ou fosse ; et de jar , poule : ce qui voudra effectivemeut dire: poule qui se moltc , ou qui se cache der- riere les mottes ; sens que nous a donn^ M. Og^e , mais dont il ne nous avoit pas decouvert la cause. M. Bullet croit que clujar vient de dug , excellente , et d'yar ou jar , poule. Excellente poule. » Si Ion adopte celte derniere ety- mologie , le nom de clujar sera posle- « Le P. Gregoire de Rostrenen , D. Le Pelletier , ni JI. Bullet ne donnent point a la perdrix le nom de Clugear ou de Clughicar , comrae le fait M. Ogt?e. lis la nomment Clujar , Clugyar ct Clugar. » D. le Pelletier est du sentiment de M. Roussel, qui vouloit que C/?(;ar fut tire de Cleuz , fosse ou fosse ; ct de jar , jJou/c.Ce qui voudra effectivemeut dire : 2)oule qui se motle , ou e/ui se cache der- riere les molles ; sens qui nous a ete sugg^r^ par M. Ogee , mais dont il ne nous avoit pas decouvert la cause. M. Bullet croit que Clugar est une erase de Clugyar , terme connu des Vennetois. Clug , excellente; yaroujar , poute. Ex- cellente poule, •> Soit qu'on adopte cetle derniere eljmologie , ou qu'on prefere la pre- II 10 KOTICE. mifere , les nonis de Clujar , Clugar ou Clugyar , serout post^rieurs a celui de Kerc'heit , parce qu'il est plus facile de connoitre la perdrix par le cri qui lui est propre , que par ses incliuations ua- turelles ou par la qualit(* de sa chair. » rieur au d^uge universel ; car e'est uniquemeut par le goit qu'on a connu la quality cxquise do la perdrix ; et Ion pense comrauucaieiit que ce n'est que du temps do Nod qu'on commenca a manger de la chair des animaux. Si Ion aimc niicux se ranger du parti de 31. lUtussel , clujar sera sans doute un nom trfes-ancien , mais il Ic sera moins que celui de Kerc'heit , parce qu'il est plus facile d'eutendre le cri de la perdrix , que de connoitre I'inclination naturelle decet oiseau. » Pour appuyer la premiere rddaclion de ce dernier § , Deric y renvoyait k son tome 4 , en ces termes : » Oa examinera , dans le quatrieme volume de notre his- loire, quelle est I'antiquitd de la langue celtique. » Celte note a disparu dans la nouvelle redaction. a. V. A NOSSEIGNEURS , NOSSEIGNEURS LES EVEQUES DE BRETAGNE. Messeigneurs , L' Ouvrage que je prends la liberte de vous presenter , est le fruit de V encouragement que vous avez hien voulu donner au projet que fen avois forme il y a quelques annees. Pour mettre de I'ordi^e dans cette matiere , dont I'ohjet est egalement inte'ressant et nouveau, fai era qu'avant toute autre chose , il e'toit necessaii^e de connoitre la i^eUgion pri- mitive des Bretons , de la suivre dans les changemens et les alterations quelle a eprouve'es par la succession des temps. II ma semhle qiCil neto'it pas m.oins avantageux d'appro- fondir les mceurs et les usages des anciens peuples de cette grande province. C'etoit le seul moyen de pouvoir apprecier ce qu'il en a coitte' pour y faire arhorer Vetendard de la croix , et de pointer un jugement sain sur les erreurs de nos peres , que Von n'a pas encore suffsamment develop- pees. J'ai jete un regard attentf sur les anciennes limites de chaque peuple : elles serviront ii fixer Vctendue des e'veches qui se sont form.es en Bretagne. La religion primitive des Bretons , qui e'toit commune mix Gaulois en general, et a tous les peuples occidentaux , a ete la meme que celle des patriaixhes ; Dieu I'avoil donnec II EPIXnE DKDICVTOJRE. a nos premiers jwres , et Vcwoit desdnec a toiis Ics hoinmes . Mais cette religioji , qui ne 7'econnoissoit qu'un seiil Dieu , s'est altere'e dans la suite chez les Bretons , de la nicme ma- niereet par les Tiiemcs voies que chez les autres iiations. A les en croire , des ge'nies animereiit la iiature : les uns furent place's dans le soleil et la lune ; d'autres dans les eaux , le feu , lair , etc. Un culte 7'elig-ieux leurj'ut decerne ; ileffaca presque celui qu'on avoit rendu au vrai Dieu. Les sacrifices, qui J pour la plujiai'ty etoient la figure de celui que devoit offrir I'Agncau immolc des le commencement du monde , furent etrangement denatures. On en vint jusqu'a cet exces d'impicte et de barbaric, que d'immolcr ses semblables a la divinitc. On s'iniagina troin'cr des pronostics de IfU'cnir dans les entrailles des victimes , dans le vol des oiseaux , dans les (ilemens , dans les caprices du sort. Asservis a la domination de Rome , les Bretons le furent bientot a celle de ses dieux. Ainsi une nouveaute en produisit unc autre : Von s'egara sansfm, quand on cut commence de s'egarer {\ ). Tels furent les obstacles que la 7'eligiou clwetienne cut a surmonter datis la Bretagne. Texposerai , Messeigneuj'S , dans le corps de Vhistoire de vos eglises , les moyens que les apotres de cette pro^nncc cmplnycrent pour f aire rcjitrer ces nionstrueuses productions de I'esprit humain duns le ne'ajit d'oii elles etoient sorties. Les triompJtes de ces jn'emiers pasteuj^s dcvienneyit les v6- tres , Messeigneurs , et vous partagcz leur gloire. lis out plante , ils otit arrose ; le Tout-Puissant a donne V accroisse- ment. Guide's par ces pieux pontifcs , lenrs snccesseurs vous ont transmis , arcc le depot de la foi , ces ouailles cheries. Toujouis en garde contre les prestiges de Verrexir, vous faites i^specter les anciennes bornes qu'ils ont jwse'es (2). Ce qui doit vous combler de joie et faire votre plus douce consolation, c'est de voir que , depuis le troisicmc siecle , (1) S. Chrysosl. Hounl.5 in 2. ad Tliu. (2) Proverb. 23. 28. EPITRE DEDICATOIRE. ^ " (jiie la religion chretienne a etc annoncee dans la Bretagne , elley a conserve sa jjremierc jiurete.Peii d'egUses pai^ticidieres peuvent sejlatter d' unejaveiir sipre'cieuse. Lespeiiples de vos dioceses , toujom^s soumis a I' autorite legitime , se sont fait un devoir d'ecouter la voix de leiirs pasteurs. Les eveques , charges de les conduire , ont etc dans tons les temps atta- che's particiilierejnent a I'EgUse Romaine , le centre de I'utiite' catholique , a cette Eglise toujours vierge , qui ne connoit point d'heresies. Le zele de ces illiistres jwntifes s'est soiitenu dans tontes les circonstances avec la mdme egalitc. Les regies de discipline qii'ils avoient soin d'etahlir dans letirs freqnens sy nodes , arretoient le reldchement , repandoient an loin la bonne odeur de Jesus-Christ , et faisoient Jleurir les mcenrs. It ne m'ajypartient pas , Messeigneurs , d'entrer dans le detail de ce que vousfaites j^our le hietide la religion. Vos vertus et vos talens le font assez connoitre. La modestie est d'ailleurs le manteau des bonnes ceuvres. Je dois la respecter encore plus dans les jirinces de I'EgUse que dans les sim- ples f deles. Si fai toujours besoin de votre indulgence , elle m'est en- core a present plus necessaii^e. Partagc , comme je le suis par e'tat , entre jjlusieurs occupations serieuses , a peine trouvai-je quelque vide. Que n^ai-Je pas a craindre ]}ar - cela seal pour I'Ouvrage que fose vous offrir? Si cependant il me'ritoit vos suffrages , ccux da puhlic me seroient assures. Je puis du moins me remlre ce temoignage , que je n'ai pris la plume que pour la gloire et I' edification de vos eglises ; il est e?i m^me temps bien flatteur pour moi de pouvoir vous renouveler le profond respect et la soumission parfaite avec les quels j'ai I'honneur d'etre, Messeigneurs , Votre tr^s-humble et trfts-obdissant serviteur, DERIC , Vic. gin. de Dol. LETTRES DES SEIGNEURS £\£QUES DE BRETAGNE A L'AUTEUR DE CETTE IIISTOIRE. Aux Ormes , le 13 Janvier <776. J'ai lu avec la plus grande satisfaction , mon cher Abb^ , le plan que vous m a- vez communique de I'Histoire Ecclf^siastique de Bretagne , que vous vous proposez de douner au public , et je ne puis qu'approuver le dessein oil vous 6tes de mct- Ire cet ouvrage sous la protection des ^v^ques de celte province. Vous connois- sez I'inviolable altachement avec lequel je suis , mon cher AhM , Votre tres-humble et tres-ob^issant serviteur , Signi , URB. EEN£ , Evfique de Dol. Nantes , 17 Fc\Tier 1776. Je me rcunirai , Monsieur , avec grand plaisir fi tous Mcsseigncurs les ^vdques de cette province , pour donncr ii louvragc , que vous allez mcttre au jour , tous les eioges qu'il ue peut manquer demMter. Jen fcrai bien volontiers I'acquisitiou lorsqu'il paroitra ; ou miime je souscrirai , si vous I'avpz propose par souscrip- tion. Je serai cbarm6 , en me lappropriant de I'une de ccs manibres , de me mel- Irea port^ede rendre a vos talens et a vos lumifcres la justice qui leur est due . et de miustruirc et de m'cdifier par une lecture , qui ne pourra tHre que tr^s-int^- ressante ii tout le clerg^ de Bretagne. J'ai I'honneurdtlre avec respect , Monsieur , Votre tres-humble et tri-s-obdssant serviteur , Signi , AUG , Ev^que do Kantes. LETTRES DES SEIGNEURS EVEQUES DE BRETAGNE. V Paris, 19 Fevrier 1776, Je recois , Monsieur , la lettre que vous me faites I'honneur de m'^crire ; je me reunis avec grand plaisir a mes Confreres pour accepter la d^dicace que vous nous faites de votre Histoire Ecclesiastique de Bretagne. Vous savezcombien je suis charm^ de toutes les occasions de vous assurer de I'attachement sincere et respec- tueux avec lequel j ai I'honneur d'etre, Monsieur , Votre tr^s-humble et tr^-ob^issant serviteur , Stgrn^, FR. , Evfique de Reunes. Quimper, 19 Fevrier 1776. Je me ferai tonjours plaisir , Monsieur , de marcher sur les traces de mes res- pectables Confreres ; et c'est avec bien de la satisfaction que je souscrirai avec eux a I'hommage quevousdesirez derendre au clerg^ de cette province. La religion ne pent que gagner beaucoup par la publicity d'un ouvrage qui est tout consacre a sa gloire , et qui est le fruit des travaux et des veilles d'un de ses plus dignes mi- nistres. Je saisirai toujours , Monsieur , avec autant de satisfaction que d'em- pressement , les occasions de vous prouver la sincdritd de ces sentiments , et It- respectueux attacbement avec lequel je suis , Monsieur , Votre tres-humble et tr^s-obdssant serviteur , Signi , H. F. J. , Ev^ue de Quimper. Saint-Brieuc , l^r Mars 1776. Le bon usage , Monsieur , que vous faites de vos talens , m^rite la recou- noissance du clerge de la province. line manquera pas de trouver dans le monu- ment que vous lui ^rigez , des motifs d "encouragement h la vertu , aux moeurs , aux sciences et a la puret^ de la foi. Je regrette de ne I'avoir point vu , et de n'en pas avoir le temps d'une ann^e , pour avoir un suffrage plus ^clair6 a joindre a ceux que vous avez ddja obtenus. Je suis , Monsieur , tr^s-reconnoissant de la demande que vous m'en faites. Joignez-moi aux personnes qui attendent avec le plus d'impa- tience que votre ouvrage soil fini , et soyez persuade de I'attachement respectueux avec lequel j'ai I'honneur d'etre , Monsieur , Votre trl'S-humble et tres-ob^issant serviteur , Signe, HUG., EvCque de Saint-Brieuc. Vi LETTRES DES SEIGNEIRS EVEQUE8 DE BRETAGNE. Leon, 2 Mars il'G. L'oBJET de I'ouvrage , Monsieur , el le m^rite de I'Auteur vous r^pondent de mon suffrage. Je serai fort aise de concourir avec mes Confreres a ce que vous desirez , el je serai cliarm^ d'avoir quelque occasion plus particuliere de vous don- ncr des marques dcs sentiments respectueux avec lesqucls jai I'honneur d etre , Monsieur , Voire tres-humble el tres-obeissanl serviteur, Signi , TRANCOIS, Ev^que deLeon. Au chateau de Beaumont, 8 Juillet 1776. Je suis charm^ , Monsieur et clier Abbe , que vous ayez oblenu le privilege dii Hoi pour I'impression de votre Histoire de Bretagne. Je u'en ^tois pas en peine : un pareil ou v rage de voire main , ne pouvoit manquer d'etre approuve ; el nous de- vons avoir bleu de la reconnoissance de ce que vous voulez bien nous le dedicr. Aussi , je vous en remercie de lout mou coeur en parliculier, el, comme de tout temps , je vous suis sincerement attache ; je me fcrai un plaisir dc partager vos succ^s , qui feroiil unc partie de la gloire du clerg^ de cettc province , si respec- lable a tons i^gards. J'ai I'honneur d'etre avec I'attacbemenl le plus tendre el le plus invioUible , Monsieur, Votre trcs-humble cl Ir^-obeissanl serviteur , Signi, AKT. JOS. , Ev. de Sl-Malo, D^put^ dcsKtalsde Bretagne a la Cour. AVERTISSEMENT. Si Ton fait remonter I'Histoire Eccle'siastique de Bretagne jusqu'au berceau des premiers peuples coiinus qui ont habite' cette province , c'est afin de pouvoir les comparer avec leurs descendans. Pour e'tablir cet ouvrage sur des fondemens soli- des , I'Auteur a eu soin d'interroger ce qui nous reste de mo- numens des plus anciens e'crivains. Le celtique , sans lequel on ne peut avoir une connoissance exacte des antiquite's du pays , lui afournide nouveaux secours. Les noms de nos aieux, de nos premieres villes , de nos cantons , de nos hameaux , de nos rivieres et de nos montagnes, ont e'te' pris dans celte lan- gue. lis sont encore de nos jours , pour la plupart , tels, a pen pres , qu'ils e'toient dans leur origine. Lorsqu'on en cherche I'e'tymologie , on s'apercoit bientot qu'ils ne sont point arbi- traires , et qu'on ne les a pas adopte's pour de'signer seule- ment ce dont on vouloit parler. Chacun de ces noms expiime la raison primitive des notions et des ide'es qu'on y a attaclie'es , et rend a I'esprit les choses telles qu'elles existoient dans les premiers temps. On de'couvre , dans les noms propres des lieux , tantot les me'taux , les eaux , les plantes et les autres choses les plus remarquables qu'ils renferment ; tantot on y saisit I'e'clair- cissement d'un point d'hisloire ; quelquefois on apprend avec surprise que tel parage , ou la mer se plait a c'tendre son do- maine , e'toit originairement de la terre ferme : ailleurs on con- noit le lieu , par sa position naturelle , ou par quelqu'autre at- tribut. Les noms qu'on a donnes a nos villes, aux rivieres et aux III Tin AVERTISSF.MENT. moutagnes , u'exciteat pas moins la curiosite , et contiennent e'galement dcs choses instructivcs. On verra, par cxemple , que nosplus grandes villes ont commence par de tres-pctites tribus. Les noms des personncsnous retracent oule lemps de leurnais- sance , on le lieu qu'ils ont habite , ou leurs qualite's , soit na- turelles, soit accidcntelles , ou des actions et des cve'nemens qui Ics distinguoient de tout autre. Ces diffc'rentes especes de noms peuvcnt done nous tenir lieu de Tliistoire des premiers ages. Si ces archives , toujours ouverteset presque jamais con- sulte'es , sont pour nous des e'nigmes depuis bicn des siecles , c'est que , trop attache's a la nouveaute' , nous avons ferme les yeux sur les tre'sors de notrc premiere langue , et que nous avons ne'glige' d'y recourir pour de'velopper ce qu'elle a de cache'. A I'aide de ces lumieres, I'Auteur de'couvre le territoire de chacun des peuples de la Bretagnc , I'origine de leurs villes , leurs forces respectives , la forme de leur gouvernement , leurs moeurs et les changemens divers que les Romains , apres les avoir subjugue's , introduisirent chez eux. II examine leur reli- gion des son principc, en fait voir la nature , et la suit dans ses variations. Ces connoissancesleconduisent a lasource dcs usages les plus anciens , et Ic mettent en e'tat de prouver la connexion qui se trouve entre la religion primitive des Bretons et le Chris- tianisme. De 111, I'A-uteur passe a la fondation des e'glises de Bretagne : il tache de dissiper les nuages qui couvrent leur veritable ori- gine , pour en fixer I'e'poque. Une juste balance , entre une aveugle crc'dulite' et une critique outre'e , lui fait distinguer le vrai du faux , dans les vies des pasteurs ze'les qui les ont gou- vernees autrefois , et dans celles des autres saints personnages qui ont illustre la patrie. A la fin de chaque sieclc, il fait dcs re'flexions sur les malieres qui me'ritent nnc discussion particuliere et un developpement pluse'tendu. EUes outpour objet dcs points do discipline , ou regardent les moeurs ou les coutumes du temps. AVERTISSEMENT. TX Telle est la marche que I'Auteur suivra constamnient dans son ouvrage. Ce plan est trop lie' avee I'histoire civile de Bre- tagne , pour qu'on puisse la passer sous le silence : elle en fait une partie considerable. On ne s'attache point a une simple narration des faits ; on en cherche de plus I'enchainenient et la cause. A des de'tails trop circonstancie's et pen instructifs de sie'ges, de batailles , etc. , on substitue le tableau inte'ressant et varie des loix, des usages , des coutumes, etc. , de la pro- vince. On en montre I'origine , les avantages ou les dc'fauts. TABLE DES MATIERES. Nolice dc I'cdileur , Epilrc dedicaloire , I.ellrcs des evoqucs dc Bretagnc a I'auleur , Averlisseraent , page I I IT VII TOME I. INTRODUCTION , oil I'on (raitcdcla religion , du gouverncmcnf, des iiKcurs cl des usages des lirelons , de- puis Icur 6tablissement en Bretagnc, jns- qu'au temps oil ils embrasscrent le christia- jiisme. AVA>T-PBOPOS. 1. L'hisloire n'a pas sculcmcnl pour objet le detail des fails : clle en cherclie la cause ,p.l 2. Un bistorien de I'Eglisc doit avoir princi- palemont en vuc ce dernier objet , ibid. 3. Partagc de cctle introduction en deux li- vres , 2 LIVBE PBEMIER. 4. La I5retagne autrefois appclee Armorique , ct pourquoi? 3 5. Noras des anciens peoples de rArmori- que , ibid. C. Condole , villc principalc des Redones , pourquoi ainsi noramee , ibid. 7. Les Redones bornes vers Torient , par les Diablintcs , 4 8. 9. Au Scptentrion , par la route qui condui- soit de Condalc aux Moutiers d'Alonnc ; Ics greves du Mont-Saint-Michel n'existoienl jjoint alors , ibid. 10. Ces lirailcs des Redones , etablics sur la route des Moutiers d'AJonno , eloient fixecs a Fines, ibid. 11. M. D'.Xnvillc a cru que cc Fines cloil la parois.ic d'lluisncs , ibid. 12. 13. liaisons de cet acadcmicien ; origine . du nom Huitnet , ibid. 'l . 14. Fines ne peut se donncr h Fougercs ,- d'oii est venu le nom de cettc villc ? 5 15. Fines doit c^trc placed Fins , paroissc du dioc6sc de Renncs , ibid. 16. Noeduuum et Corsilium ctoicnl limitro- phcs dc Fins , (J 17. La distance que I'itinerairc d'Antonin met entre Condale et Fines , nc peut former une objection solide , 6 18. Les debornemcns de la cite de Rennes font voir que Dol ct Alel n'en sent point des dcracmbremens , ibid. 19. Dans quel sens Cesar a dil que les Redones I'loient contigus i TOcean , ibid. 20. 21. Les Namneles ; leur capilale est Con- divienum .• pourquoi ainsi appclee? ibid. 22. La Loire leur scrvoit de limites. Le pays dc Rails ctoit aux Pictavi , 7 23. D'oii le pays dc Rails avoil pris son nom? ib. 24. On frappoit autrefois monnoie liRatiale. Origine de son nom , ibid. 23. U paroit que la villc dc Raliale ctoit si- tuec a Saint-Pierre ct Sainte-Opportune de Raits , ibid. 26. Dcpuis quel temps le pays dc Raits fait partie du Nanlois? ibid. 27.2S.IIerbauge appartcnoit aussi aux Piclavi ; le chef-lieu eloit HcrbadiUa , qu'on croit avoir etc submerge au sixieme siecle ; d'oii venoit son nom ? ibid. 29. Les Namneles s'ctendoicnt jusqu'i Mes- sac , 8 30. LcsDia6(iti(p.< ; origine dc Icur nom , ibid. 31. Us habitoient dans la Lyonnoi:>e , ibid. 32. Leur capilale etoit Nocdunum , 9 33. Cctle villc n'cloil point Nogcnt-lc-Rolrou ; ce qui a donnc le nom a cellc-ci , ibid. 3i. On ne peut aussi placer Nocdunum h Chilcauncuf, ibid. 35. JuMains , dans le Maine , est sa vraie po- sition ; pourquoi ainsi appclee? Itt 30. 37. Les Diablinles avoient pour voisins les Sail , les Cenomani ct les Anii ; origine du nom de ccux-ci et de leur capilale Vagori- (um , ibid. TABLE DES 38. Les Diahlintes touchoient aussi les Abrin- catui , 11 39. Leur teiritoire tres-borne dans son prin- cipc , Hid. 40. 41. II s'ctend enlre la Normandie et Fou- geres , se prolonge insensiblement k An- tra in, ibid. 42. A Trans , ibid. 43. Et k Dol , oil Ic nom do Diablintcs a sub- siste long-temps , ibid- 44. Le nom de Diaulilw donne naissance a celui de diable , 12 43. L'etymologie de Ytol , donnee par Camb- den , n'cst pas naturellc , ibid, 46. Par le mot Dol on entendoit autrefois un lieu elcve , 13 47. 48. Dol et son district ne furent qu'un canton; ses limites , ,.f ^. , , ibid. 49. Le canton d'Alet 6toit forme du Clos- Poulet , ibid. 50. Origine du nom Alelum , 14 51 . Pourquoi les Romains ont donne a Alelum le nom d'Aliud , ibid. 32. Les garnisons que les Romaius placcnt k Alct donncnt do la cclebrile a ce lieu , ibid. 53. Monumens qui atlestcnt I'antiquitc d'A- let , ibid. 54. 55. Les Curiosolites ; pourquoi ainsi nom- mds ; ils sont differens des Arvii et dcs Corisopili, ibid. 56. Leur capitate efoil Corseul , 15 5". 38. Preuve de I'ancienne grandeur de ce village ; on y voyoit un temple octogone, ib. 39. Colonne milliaire pres de Hede , 17 60. Autre colonne milliaire a Langucnan , 19 61. Limites des Curiosolites, ibid. 6:2. 63. Les Veneti; ilshabitoientle diocese de Venues , 20 64. 63. Ce qu'on entendoit par JnsulcB Venc- liccB ; leur position , ibid. 66. Dariorigum , capitate dcs Yeneli , ibid. 67. Ce qu'on entendoit par Dariorigum , ibid. 68. Dariorigum etoit place a Durouec ; cc que ce terme signiDe , ibid. 69. Le Vindana-Porlus de Ptolemee etoit le Morbihau ; ce qu'on entendoit par ce ter- me , 21 70. 71. Frontieresdes Fe«e(i;les Otismii,ibid. 72. Ce peuple n'a point iiat)ite Hicmes ; d'oi est venu le nora do celte ville , ibid. 73. Les Ositmii etoient etablis en Arraori- que , Wid. MATliRES. XI 74. Vorganiwn , capitale des Osismii , la mcmc que Carhaix : pourquoi appelee Vorga- nium , 23 73. Ce qu'on dolt penser dc la ville qu'on place k Cosgueuded , 30 76. Dans quel sens on pcut dire que I'ile dc Sein est vis-a-vis le rivage dcs O^f'smu', 33 77. Origine que Gregoire de Rostrenen donne au mot Quimijer , 34 78. Autre , par le Pere Hardouin , ibid. 79. Troisieme etymologic , par D. Lobineau et D. Le Pelleticr , ibid. 80. Veritable origine du mot Quimper , 33 81. Dcs garnisons romaines fondent la ville de Quimper , ibid. 82. 83. Quimper devient capitale ; les Corisopili erigcs en cite ; d'oii ils tirent leur nom , 36 84. Ils occupoicnt ce qui fait le diocese dc Quimper , ibid. 83. Ceux qui occupoient ce qu'on appelle le diocese de Leon , etoient subordonnes aux Osismii , ibid. 86. Les Romains donnent I'existence a la ville de L6on , ibid. 87. Ce qui compose de nos jours les dioceses de Treguer et de Saint-Rrieuc 6toit-il de la dcpendancc des Osismii! 37 88. Les Lexobii n'etoient point a Treguer, ibid. 89. D'oii vient le nom de Treguer , 38 90. Les Biducesil n'ont point occupe Saint- Brieuc , ibid. 91. Les Cafeft n'etoient pointa S.-Brieuc, ibid. 92. On no pcut placer les Ambialites a Lam- balle , 39 93. II paroit que les territoires de Treguer et de S.-Bricuc ressortissoient des Osismii , ib. 94. Les iles de la Manche ne sont plus les m6mes que du temps des ancicns gcogra- phcs , 41 93. Le continent de I'Armorique a egalement change , ibid. 96. Cause de la force dcs marges dans la Man- che , 43 07. Le Coesnon seconde les irruptions de la mer , du cole de Dol , ibid. 98. Moyen d'arrdter ces ravages, 44 99.Invasionsquelamerafaitesduc6ted'Alet,!6. 100. Tout le terrain qu'occupe la mer, depuis Oucssant jusqu'au Pas-dc-Calais, a et6 pro- bablement du continent , 47 101. Ce qu'on entendoit par le mot cit^ , 48 102. Chaque cite ^toit independaute , 49 Ill TABLE DES 103. Les cites faisoicnt des alliances enlre ellcs , 49 lOi. I.cs Redoncs out toujuurs tcnu un rang liisliiigue parnii les Armoriqucs , ibid. t05. La ville de Cundale dcvint commercan- te , il^iti- 106. CcUe de Condivicnum le fut bien davan- (agc , 50 107. Corhilo dtoit la mdme que Condivicnum, ib. 108. Les Dolois et les Aletieus pcu adonnes k rinduslrie , 51 109. Les Curiosolites avoicnlraieux prolite de leur position , 52 1 10. La grandeur des Osismiine rdpondoitpas a relenduc de Icurs itats , ibid, lll.D'oCi vient Ic noin A'Iroise, ibid- 112. Carhaix dut Htc considerable, ibid. 113. Les Teneli furcnl les plus puissans , ibid. 114. L'Angleterre ne fut habitce d'abordquc par des animaux , 55 1 15. Les Gaulois y envoyercnt des colonies , ib. 1 16. Les Gaulois etoient Armoriqucs , 56 1 17. Ces Armoriqucs etoient les Tencti , 57 118. On ignore le temps oil les Tencti peupli- rent TAngleterre , 58 119. Les VencU pendtrerenl en Angleterrc pcu de Icmps apres Icur arrivee en Armoriquc, 59 liO. 11 y cut toujours une union intimc entre les Yeneli et les insulaires , ibid. 121. Les Yeneli passercnt pour les plus grands navigatcurs , ibid. 122. Les Armoriqucs n'eloient parvenus a tant de grandeur et de richesscs que par de- grds , CO 123. Lcurpremicr habillcmcntfut Ic sagum, ib. 124. Les Armoriqucs en prcnncnt occasion dc sc peindre et de se stigmatiscr , ibid. 125. 12G. Les TencU se refusent k ccl usage ; de la on donne J cc pcuplc le nom de Yeneli, 61 127. Les insulaires prirent un nom analogue a cclui dc leurs auteurs , ibid- 128. Les pcuplcs qui leur portcrcnt des colo- nics , leur lircnt cmbrasscr leurs usages , ib. 129. La mode dc sc colurcr le visage , ne sub- sistc plus en Europe que chcz les fcmmes, 62 130. Origine du nom des Namnctei , ibid. 131. Yi± Les iN'amnclc* furent les premiers a former leur etablissement ; origine des ci- tes , ibid. 133. Quels furent les premiers bateaux des fcneli , ct comment ils sc conCerenl i la mcr , ibid. lUTliSBES. 134. Le commerce de lAnglctcrre a commence par les Sorlingucs , 63 135. De li il s'est repandu dans les parlies meridionales , ibid. 136. Les Yeneli , apres avoir fait le commerce chez leurs voisins , le fircnt dans toules les Gaules , ibid. 137. On ne rcconnut d'abord en Armorique que I'autorite patcrnelle , ibid. 138. On Dt ensuitc des lois dont des magistrals furent depositaires ; le culte rcligicux fut confie a des miniblres parliculiers , 64 139. Droits que conscrvent les peres de fa- millc , ibid. 140. Les Magistrals formoient un Senat, 65 141. La cite etoit au-dessus du senat , ibid. 142. Le Senat etoit compose de nobles, ibid. 143. 144. 145. Lc raaniement des armes est la passion des Armoriqucs , et pourquoi? Ori- gine des chevaliers gaulois. La force tient lieu de justice, ibid. 146. De h guerre centre les etrangers, 66 147. Les Armoriqucs ne respcctoicnt pas chei les etrangers le droit du premier occupant , ct pourquoi ? 67 148. La loi du plus fort avoit lieu dans certains cas contre les parliculiers de TArmori- que , ibid. 149. Les dtrangcrs qui voyageoient en Armori- que n'avoient ricn h craindre dc la loi du plus fort , ibid. 150. Antiquitedesministrcs de la religion, 68 151. L'education des nobles leur etoit con- fide , ibid. 152. 153. Quel etoit I'objet de leurs lemons; ils enseignoient communement hors des villes , ibid. 154. On lesappcloit communement druides, 69 155. On les distingue en bardes , devins el druidet, ibid. 156. Ce qu'on cntendoit par bardes , leur an- tiquite , 71 157. Ce qu'ctoient les druides , bcaucoup plus anciens que les devins , ibid. 158. Dans quels licux les Armoriqucs g'asscm- bloicnt pour adorer la divinite , 72 159. Ces licux etoient dcdies k la divinitd , ibid. 160. Quels etoient les symbolcs de la divi- nite , ibid. 161. Comment on ddsignoit quelquefois le lieu de rassemblee rcligieuse , ibid. 162. Le symbolc de la divinite etlelieu del'as- scmblde portoicnt le nom de la divinite, 74 4 TABLE DES 163. On conservoit , dans les lieux d'assem- blees , les offrandes faites a la divinite , 74 164. Les rainistres habitoient pros de ces lieux. On discutoit dans lours sanctuaires les af- faires civiles , ibid. 165. Les actes publics de religion ne se faisoient que de nuit , 75 166. Les premiers jours des mois at des annees etoient marques par des solennites religieu- • ses , ibid. 167. Les Armoriques immoloient des hom- mes , ibid. 168. Pourquoi cet etrange sacrifice, 76 169. Morale des druides , 77 170. lis admettoient rimmortalilc de I'ame et une autre vie , ibid. 171. Objection, 78 172. Reponse , ibid. 173. Cesar n'a point prSte aux druides la me- tempsicose , 79 174. Diodore el Valere se sonl trompes en at- fribuant le dogme de la metempsicose aux Gaulois ; et pourquoi ? 80 175. On croiroit d'abord pouvoir allier la me- tempsicose avec la conduite des Gaulois , 81 176. Si on I'esamine de pres , on pensera au- trement , ibid. 177. Incertitude de ce que les auteurs ont de- bite sur le druidisme , 82 178. Les druides admettoient I'existence de Dieu et son unite , ibid. 179. Les Gaulois ne connoissoient point , avant Cesar , les dieux de Rome , 84 180. Les noms de Teutales , Belenus , Esus , Taranis et Dis, etoient, dans I'esprit des Gaulois , des attributs de la divinite , 85 181. Pourquoi Cesar a pris le Dis des Gaulois pour Pluton , 86 182. Les objets exterieurs nentrerent d'abord pour rien dans le culte des Armoriques , 87 183. Divination par I'inspection des victiraes , introduite dans les Gaules , ibid- 184. Divination par le duel, 88 185. La medecine degradee par la magie , ibid. 186. Qaelles etoient les fonctions des devins, 90 187. L'un d'eux etoit souverain pontife ; com- ment il parvenoit a cet emploi , ibid. 188. Ceux qui etoient attaches au culte divin , tenoient le premier rang dans I'Etat , 91. 189. lis Etoient juges de la pluparldes affaires tiviles , ibid. 190. Pourquoi leur nombre ^toit si grand? Ce MATli:RES. XIII qu'il falloit faire pour entrer dans cet or- dre , 91 191. Quel etoit I'babit des druides dans leurs ceremonies religieuses , ibid. 192. Les Armoriques polissent leur esprit par le commerce avec les Marseillois , 92 193. Les Gaules asservies par Julcs-Cesar , ib- 194. La revolte des Veneli et des autrcs Armo- riques ne sort qu'a les plonger dans de plus grands malheurs, 93 195. Rome , maitresse des nations , donne la paix a la terre , et pourquoi ? 94 LIVRE SECOND. 196. Jules-Cesar traite avec douceur les Armo- riques , 96 197. L'etat des personnes continue d'etre If mdme , ibid. 198. La noblesse conserve son ancien rang , ib- 199. Elle entre dans le senat de Rome , ibid. 200. Les senats des Gaules n'etoient ouverts qu'aux nobles , 96 201. Le peuple forme un troisierae ordre , 97 202. De quelles personnes il etoit compose , et quel etoit son senat , ibid. 203. Par quelle raison les villes capitales de rArmoriquc prirent le nom de leurs peu- ples, ibid. 204. 205. A quoi servoient dans les Gaules les senats nobles ; assemblees gencrales des Gaules auxquelles chaque cite envoie ses deputes , 98 206. Les empereurs disposent des grands pon- tiGcats , 99 207. Les druides sont restreints aux fonctions pontificales, loo 208. La jeuncsse continue de prendre leurs lecons, ibid. 209. 210. II y avoit dans chaque ville princi- pale un grand-pretre ; comment on parve- noit a cette dignite , ibid. 211. Les sacrifices humains, quoique defen- dus, ne peuvent etre abolis, 101 212. Les druides prennent la togeromaine, ib. 213. Le plus ancien temple des Armoriques etoit dans une i!c a Terabouchure de la Loire , 102 214. Leurs simulacres ne remontoient pas ."i une haute antiquite , ibid. 215. Comment les Domains introduisent leur mythologie dans TArmorique , ibid. 216. Les Gaulois disposes de loin a cette in- troduction , 103 XIV TABLK DES 217. lis placcnt sue lo mc-mc aotcl leur Diiii cl ceiix dcs Uiim;iins, 103 218. Lcs Nantois mcttcnl los dioux dcs cmpe- rciirs h cote de leur dien Volianus , ibid. ■2\9. Quel eloit Ic Dieu Volianus , lOi 2-2{). Cc qui'toil 1 Heicule gaulois dont parle Lucion , lOG 221. Los Rennois diiccrnenlun culle religieux a Tlielis ct a Isis , 108 222. Tlielis et Isis avoiont I'cmpire de la mer , suivaiit lcs Romains , ibid. 22.3. Lcs Gaulois admettoiciit dcs genies qui presidoient a cliaquc element, 109 22i. 11 est probable que risis des Rennois etoit le genie qui animoit I'eau , 110 225. Lcs I'ontaiiies et les lacs avoient aussi leurs genies , ibid. 226. L'air , Ic feu , le soleil ct la lunc etoient egalement pourvus de leurs genies , ibid. 227. Le culte que lcs gaulois rcndircnt d'abord k CCS genies , n'etoit que relalif et suballer- ne , ibid. 228. Ce culte dcvint absolu sous les Ro- mains , HI 229. Lcs Gaulois crurent lirer de ces genies la connoissance des choses cachccs , paries epreuves de I'eau, le fer rouge , etc. , ibid. 230. La religion chretiennc n'a dissipe qu'a- vec peine la eroyance a ccs genies , ibid. 231. Originc des esprits folets , 112 232. Temples dcs dieux romains , a Vitre et k Corscul, 113 233. Temple de Lanlef , ibid. 234. NVst point le meme que celui qu'on a dit ctre a Mont-Morillon , ibid. 235. Origine du temple de Lanleff , 114 236. Le premier temple dcs Armoriqucs, dont on a parle , etoit dans Tile dcDunet, ibid. 237. 238. I'ourquoi on a cru que cc temple i'toit consacre a Bacchus ; ce sentiment est pcu fonde, 115 239. Ce teniple i-loil dcdie au vrai Dieu , 116 ■MO. La fete qu'on y teliibroit avoit pour objet Dieu creatcur , ibid. 241. Cc qu'on doit pcnser dcs prelendus sa- crifices faits a Ceres ct a Proserpine dans une He \oisine de rAngletcire , 117 242. Les Gaulois abusent des alldgories qui enlroicnt dans leurs fetes religicuses , ibid. 243. La divination el la magic tres-anciennes dans la Grande-Brctagne , ibid. 244- 245. Fort connues en Arrauriquc ; Filles druides de I'ile de Sein , 118 HATlkRrS. 246. Poitrqnoi on lcs nommoit Senee , p. 118 247. ColU'jc dc fcramcs druides au Mont-Saint- Michcl; 119 248. lies de la Manchc fameuscs par la ma- gic , ibid. 249. Parmi les dniidcs du scxe, les nnes etoient vicrgos , d'autrcs mariees , 120 250. 251. Tonics eloient pretressos ; toutes s'adonnoicnt a la magic et i la diyination, ib. 252. Origine dcs fees, 121 253. Les prf tresses etoient chargces de r6du- cation dcs Giles , ibid. I- 254. Pourquoi lcs Gaulois , si humains d'ail- leurs , 6toicnl-ils si cruels 5 la guerre ? ibid. II. 255. L'hospitalitdj si vantee chez les Gaulois , etoit appuyee sur rinteret particulicr, 122 III. 256. Les Gaulois ont eu , dans les temps les plus rccules, I'idec d'un Diou uiii(|uo , 123 257. Tons Irs peoples ont rccoiinu d'abord un Dieu unique , ibid. 258. Les pbilosophes admettoicnt la mcme doctrine , ibid. 259. Lcs poiitcs dtoicnt persuades de la mdme verite , 124 260. Les Egyptiens pensoicnt de la mtoe ma- nicre , ibid. 261. Les Pcrses , ibid. 262. Les Juifs , ibid. 263. L'idec de I'unite de Dieu vient d'un de- pot confidauPdrecommundeshomraes, 125 IV. 264. La dorlrine des esprits faisoit parlie de la religion primitive , 125 265. Par quels ninyens les mauvais esprils sonl parvenus h se faire adorer des hommcs , 126 V. 266. En quoi consisloit I'injurc que lcs paicns faisoient au vrai Dieu , 128 VI. 267. Lcs sacrifices dcs animaux employes dds le commencement du monde , 129 268.11s ne peuvent dtrc d'instilulion humai- ne , '^''' 269. Dieu seul les a etablis , 130 270. Pourquoi Dieu a ordonn6 lcs sacrifices sanglans, 13* 271. Cc qui a porle les Gaulois a immolcr leurs scmbl.iblcs , 13.J VII. TABLE DES VU. 272. 273. Anciennele des autels ; pouvoient etre eleves en tous lieux , 134 274. Anciennete de leur consecration , ibid. 275. Quels noms on donna d'abord aux lieux consacres au culte de Dieu , ibid. TUI. 276. 277. 278. Anciennete des Neomcnies , des repas communs , du chant et des danses re- ligicuses; pourquoi les Gaulois ne sacrifioienl pas des la noomenie ; pourquoi ils comp- toient par nuits, 135 279. Pourquoi ils faisoient leurs actes de reli- gion pendant la nuit , ibid. 280. Quelle etoit la fin des repas coramuns et des honneurs rendus aux morts , ibid. 281. Pourquoi la danse entra dans les act«s de religion , ibid. 282. Abus des repas publics ct de la danse , 1 36 rv. 283. Origine de la divination , ibid. X. 284. 285. La religion primitive des Gaulois est la merae que cello d'Adam ; secours qu'ils avoient pour son observation , 139 286. Le Christ preche a rArmorique , ibid. TROISIfiME ET QUATRIfiME SIfeCLES. 1. Etatdes Armoriques aTavenement de Jesus- Christ , 141 2. Moyens humainsqui pouvoient conduire les Armoriques a la foi , 143 3. Zele des apotres ; autre raoyen , 144 4. InefEcacil6 dc ccs moyens, ibid. 5. Antiquity pretenduc des 6gliscs de rArmo- rique , ibid. 6. Raisons qui delruisent cette antiquitc , 145 7. La religion chretienne introduite en Armo- rique , vers I'an 286 de Jesus-Christ , 153 8. Saint Donatien , 154 9. Saint Rogation , ibid. 10. Martyrc de Donatien et de Rogatien , 155 11. Les corps de ces deux saints inhumes par les Chretiens , 158 12. Actes du martyre des deux freres , authen- tiques , 159 13. L'hdtel du tribunal du commerce de Nan- tes consacre aux dieux des empercurs , apres la mort des deux martyrs ; et pourquoi? ib. 14. Sens du terme sacerdos employe dans les actes de saint Donation et Rogatien , 160 MATlbRES. XT 15. Zele 6claire de I'apotre Nantois , 161 16. L'apotre de Nantes est le raemc que saint Clair , 161 17. Mort dc Rictius- Varus , 162 18. L'eglise de Nantes en paix sous Constance- Chlore , ibid. 19. Moeurs opposees dc Maximien et de Cons- tance , ibid. 20. Eloquence du sang de Donatien et de Ro- gatien , durant la persecution, 163 21. Saint Clair reprend,sous Constance-Chlore, ses travaux apostoliques , ibid. 22. Saint Clair va pr^cher I'Evangile a Ren- nes et a Vennes ; meurt a Reguiny , ibid- 23. Dans quel sens on pent donner h. saint Clair la qnalitt- de martyr , ibid. 24. Saint Clair avoit recu sa mission de saint Gatien de Tours , 164 25. Editde Constantin en faveur du christia- nisme , de I'an 313 , 165 26. La religion chretienne s'accroit a Nantes , & la faveur de cet edit , 166 27. Les corps des saints martyrs nantois places dans un tombeau magnifique , ibid. 28. Ennius , eveque de Nantes , ibid. 29. Saint Similien , eveque de Nantes , 167 30. Constantin continue de favoriser la reli- gion chretienne , ibid. 31. Les Nantois renversent le temple de Volia- nus , 169 32. 33. Eglise de Rennes ; Moderan , Justin , Riothime , Electran et Jean , ev^ques de Rennes , md. 34. Les temples des faux-dieux detruits a Ren- nes et h Vitre , 170 35. Constance II donne differents edits favo- rables au christianisme , ibm. 36. Julicn veutdetruire la religion chret., 171 37. Martyre de Ravent et de Rasiphe , sous Julien , Hid. 38. Saint Lupien meurt h Ratiate , 172 39. Eumere , fivfique de Nantes , assiste au Concile de Valence , dc I'an 374, 173 40. Les Peres du concile de Valence font des r^glements pour mainteniria discipline, 174 41. Canons du concile de Valence , (bid. 42. Les Peres du concile de Valence jugent in- digne dc I'dpiscopat Accepte , pour s'etre accus6 d'un crime , 175 43. Eglise conslruite sur le tombeau de saint Similien , {^(d, 44. Marcus , eveque de Nantes, ffiid. 45. Arisius , eveque de Nantes , i(,id (I Xvj TABLE DES 46. DiJier , (•vuquc ilc Nanlos , 177 47. L'cglisc dc Tjr est la mumc que celles de toulc la chri'lieiile , ibid. 'i8. Jovicn rclablit Ics uglises dans leurs privi- leges , 178 49. Les erapercurs suivans donncnt plusicurs 6dits rdalivement i la religion , 179 50. Malgre la severite des edits , on n'emploie a Reiincs ct a Nantes que la persuasion contre les idolilres, 180 ijl. Les Osismicns , les Curiosolitcs ct les Dia- blintes de Del ct d'Alcth doivenl leurs con- versions aux Urctons dc I'lle , ibid. 52. Les Bretons ctoiciit Chretiens dts le temps de Marc-Aurclo, ibid. 53. Colonic de Bretons chez les Curiosolitcs ct les Venules , sous Constance-Chlorc , 181 54. Colonic de Bretons ctablic en Armoriquc sous Maxime , 18:2. 53. Unc partie de cettc colonic se fixe sur les Cotes des Diablintes , 183 56. Le chef-lieu de cclte colonic est Dol , 187 57. L'autre partie des troupes brctonnes est placce chez Ics Ycneli et les Corisopili , ib. 58. Ces troupes ctoient tres-nombrcuses, 188 59. Conditions sous lesqucUes on les recoit en Armorique , ibid. fiO. Conan , chef des troupes brctonnes , est etabliroid'Armorique, ctduc des fronlifcrcs Armoriques et Nerviennes , ibid. (il.Aprcs la mort de Maxirae , Conan ct les autres Bretons sont confirmds dans leurs concessions , 190 62. Sainte I'rsule 6toit peut-6tre I'epouse des- tince a Conan , ct scs compagncs a ses of- ficicrs , 191 63. De nouvcUes colonies s'ctablissent en Armo- rique, 192 64. Calphurnius , prince brelon , se refugie en Armoriquc avec sa famille , ibid. 65. Conan epouse la lille dc Calphurnius, 193 66. Calphurnius perit dans un combat contre les pirates, ct Patrice est fait csclave, ibid. (i7. Patrice, devenu libre , rentre dans les r.aulcs , vers I'an 395 , ct se fail disciple de saint Talhee , en Armoriquc, ibid. 68. Conan foiide un (Aechi- a Vcnnes , el un a Dol : Grallon en place un 3' i Quirapcr, 194 IlEMARQCES PARTICCLltRES. I. 69. Les Armoriques appartenoicnt d'abord a la MATlfenES. vraie religion ; ils ctoient par li disposes J embrasser le christianisme , 194 70. Obslaelcs que Ics Armoriques idolatres op- posent au christianisme ; et par quels moycns ils sont dissipcs, 195 n. 71. La fondation ^cs evfiches de Nantes , Ren- ncs , Venncs , Dol ct Quimper , 6toit con- forme il lEsprit des Canons : leur itcnduc repondoit a celle de chaquc cite ou can- ton , 197 m. 72. Le clerge del'Armoriquc cstcntretenu aux depens du public , 199 73. Les fidclcs , contens du n^cessairc , don- noient leur supcrQu , 200 74. L'evfique etoit le gardien et le distributeur des ofTrandcs , ibid. 75. II prenoit son n^cessaire sar les biens de I'Eglise , ibid. 76. Son clerge etoit dgalement trait6 ; ceux qui avoient des metiers ou qui faisoicnt le ne- goce , se privoient des distributions , ibid. TJ. Un cveque qui avoit des immeubles , en ccdoit I'usufruit aux pauvres , ou donnoit le fonds h TEglisc , 201 78. Les biens des clercs qui mouroicnt sans parents ct sans tester , passoicnt h I'Egli- se, ibid- 79. Pourquoi les decurions ct certains riches 6toient cxclus dc la clericature , ibid- 80. La loi qui defendoit aux veuves de ricn leguer aux clercs ct aux moines , ne rcgar- doit que les particuliers , ibid. Sl.L'Eglisc, en rccevant beaucoup , donne lout son superdu aux pauvres , 202 82. Les maisons des evdques etoient autant d'ccolcs chretiennes, ibid- 83. La mi^me chose s'observe a ^antcs et a Renncs , '*«*• V. 84. Les cv^qucs dc Nantes ct de Rcnnes rcm- plissoient par cux-raemes toutes les fonc- tions du minislerc , 203 85. Les pretrcs ct Ics diacrcs Ics rcmplagoient dans leur absence ct leurs maladies, 204 86. On nc celebroit les saints mystires qu'a ta cathedralc , «*'<'• 87. Les Cures rendoient compte du temporel dc leurs cglises , *''*■ VI. 88. Pourquoi les Pi-res du concile dc Valence avoient fail une irregularitc dc la bigaroic , ib. fiSLE DES MATI^RES. XVIJ VU. 89. Pourquoi ceux qui etoient appeles au saint ministere y opposoient tant de resistan- ce, 205 90. Pourquoi le concile de Valence a declare inhabiles au saint ministere ceux qui s'a- TOuoient coupables de quelque crime , 206 VIH. 91 . Les ecclesiastiques n'ctoient point distin- gues des laiques par leurs habits dans la vie civile , ibid. 92. Pourquoi le pape Celestin blame ceux qui iwrtoicnt un manteau et une ceinture , 207 IX. 93. Origine des purifications condamnees par le concile de Valence , ibid. 94. Comment se faisoit I'eau luslrale , 208 95. Origine de I'eau benite , ibid. 96. Difference de I'eau lustrale et de I'eau be- nite , ibid. 97. L'eau lustrale des paiens lenoit h I'idola- trie , 209 X. 98. Par quelle raison ceux qui se servoient de l'eau lustrale etoient prives des sacrements , meme a Tarlicle de la mort , ibid. 99. Attention des Chretiens a ensevelir leurs morts , 210 100. lis ne brilloient pas les corps , mais ils les inhumoient , ibid. 101. On ne les enterroit pas avec ceux des idolatres , ibid. 102. Des clercs etoient charges de les inhu- mer , 211 103. Les enterremenls etoient accompagnes de chant et du sacrifice de la messe , ibid. 104. On enterroit dans des lieux communs que Ton consacroit , ibid. 105. Pourquoi a Rome, et dans toutes villes de I'empire , il etait defendu d'y brAler ou d'y inhumer les morts , ibid. 106. Les cimetieres des Chretiens etoient hors des villes , ibid. 107. Tel etoit celai de Nantes , ibid. 108. Et celui de Rennes , 212 109. On erigea des oratoires dans ces deux cimetiferes , ibid. 110. Les ap6tres et les martyrs Etoient les seuls a reposer dans les 6glises , ibid. CINQUlfiME SifiCLE. 1. Motifs de conversion offerts aux Armoriqucs qui etoient encore idolatres , 213 2. Senieur , premier evfique de Dol , ibid. 3. St Paterne , premier eveque de Vennes , ib. 4. Saint Corentin , premier eveque de Quim- per , 21* 5. Irruption des Barbares dans I'empire , 215 6. Les Bretons se donnent des cmpcrcurs, 216 7. Les Bretons , livres k eux-memes , ont beau- coup k souffrir de leurs voisins ; plusieurs passent en Armorique , ibid. 8. Les Armoriques se soulevent et restent sou- mis en apparence k Honorius , 217 9. Conan est elu roi par la nation , ibid. 10. Les Armoriques continuent d'etre indepen- dans apres la mort de Constantin , ibid- 11. Les Armoriqucs allies des Remains , ibid. 12. Fracan se retire en Armorique avec sa fa- mille , ibid. 13. Budoc 6tablit une ecole a I'lle-Verte , oil les Enfants de Fracan sont eleves , 218 14. Saint Jacut et Guethenoc , ibid. 15. Ils se font religieux dans la communaute de Budoc , 219 16. Ils se retirent dans la solitude , ibid. 17. Ils fondent un monastere a Landouard , ib. 18. Leur monastere devient trop nombreux , et ils sont obliges de se separcr. Leur mort , ibid. 19. Guignole est destine par son pere k rester dans le monde , 220 20. II obtient de son pere la permission d'en- trer en religion , ibid. 21. II a dessein de joindre I'Apotre d'Irlande , qui Ten dissuade , ibid. 22. II va fonder un monastere dans une ile , ib. 23. Illaquittepours'etabliraLandewenec,221 24. Ce monastere devient florissant, ibid. 25. Regie de Guignole a Landewenec ibid- 26. La meme que celle des Moines de Breta- gne , 222 27. Austerites particulieres de Guignole, ibid. 28. Sa douceur et sa charite , ibid. 29. Sa mort , 223 30. Son corps est inhume k Landewenec , ibid. 31. Ses reliques transferees a Blandinberg , 224 32. Guignole mis au nombre des saints , ibid. 33. 34. Mort de Conan ; ses qualites royales, ib. 35. Ce qu'il fit , comme prince Chretien , 225 36. Enfans de sa premiere femme , ibid. 37. Enfants de sa sccondc femmc , ibid. xsiij TABLE DES 38. Mailoc , 225 39. Egroas , Allecus el I'clcone , 226 HO. Mac-Catcn , Loman , Rioch , ibid. 41.Darcrca, apres la mort dc Conan , s'at- tachc u Patrice , son frcre , ibid. M. Gildas , dernier enfant de Conan et de Da- terca , ibid. 43. Salomon, fits d'l'rbicn.succcdeJConan, 229 41. Tiaiislalioii ilu chef dc saint Matliieu en Arinorique , 230 45. Mort violenle dc Salomon , 232 46. 11 est mis au nombre des saints , ibid. 47. Ses enfants , ibid. 48. Kebius , ibid. 49. Wenguilide , 233 SO.Grallon, roi de rArmoriquc , ibid. 51.52. Litorius vengc la mort de Salomon; Aetius et Albinus, mediateurs entrc Ics deux Couronnes , auxquels on associe Leon , diacre de Rome , ibid. 53. Ce qu'etoit Albinus , 234 54. 55. 56. La negociation est infruclucuse ; Grallon sc lie avec Ics Bagaudes et les Fran- cois ; mort dc Grallon , ibid 57. Ses qualites, 235 58. Pourquoi on lui a donne le surnora de Grand, ibid. 59. Guthicrn , solitaire h Groais , 236 (50. Va trouver Grallon, qui le place i Quim- perle , oil il meurl saintcment , ibid. 61. Ronan ou Renan , ev^quc , ibid. 62. Son amour pour la solitude , 237 63. Se retire en Armoriquc,au pays de Leon, ib. 64. Ses miracles , ibid. 65. Passe dans un autre hermitage , au dioc6se de Qnim|)cr , 238 06. Grallon le visile, ibid. 67. Est aide par un parliculicr dans la cons- truction de son second hermitage , ibid. 68. La ferame de cc parliculicr veul perdro le sainl , 239 69.70. Ellc en impose a Grallon, qui Ic fait vcnir clicz lui ; les impostures de ccltc fem- me sont dccouvertes , et le saint justiGc , ib. 71. 11 meurt dans son second hermitage , ibid. 72. La saintcte des rcligieux el des solitaires dc I'Armoriquc est une preuve de cclle des cvcquesqui les conduisoicnt, 240 73. Les eviques 6toient d'ahordjngcs dans les affaires tiviles , et pourquoi? ibid. 74 Conslantin leur accordc le privilege de ju- gcr lous ses sujets , 241 HATlfeRES. 75. Cc privilege est rcstreinl par ses succes- seurs , 241 76. Est supprimc par Valentinien iii , ibid. 77. Leon , Victur et Eustochc , qui s'opposcnt h cette loi , en ecriveiil a Sarmalion , Cha- riatoii et Uidier , ev(>ques de la Iroisieme Lyonnoisc , ibid. 78. Motifs dc leur opposition , 242 79. Ces six cv(5ques etoient de la province de Tours , ibid. 80. Quels litres Ics dvdques se donnoienl a- lors , ibid. 81.Vilurius 6loit cvcque du Mans, et Leon 6v(5que dans I'Armoriquc , ibid. 82. Desiderius cloit evfique de Nantes , Charia- ton de Quimper , Leon et Sarmalion k Ren- ncs ou 4 Dol , 243 83. Lcconcileprovincial.ou Eustochede Tours presida , se tint a la fin de Tan 452 , ibid. 84. 85. Asscrablee des evcques de la metropole dc Tours , en I'an de J^susCbrist 453 ; ca- nons de ce concile , ibid. 86. 11 est tenu i Angers , 245 87. Cause de sa convocation , ibid. 88. Chariaton , Leon , Rumoride et Vivenlius , qui assislercnt a ce concile, si^gcoicnt en Armorique , ibid. 89. Audrcn , roi de I'Armorique , 2-46 90. 91. 92. Elat dc I'lle de Brclagnc; les Pictes el les Scots la ravagent ; les Bretons dcman- dent du secours k Aetius , ibid. 93. II le refuse, 247 94. 95. Audrcn leur en accorde ; Constantin , roi de I'lle , perd la vie , ibid. 96. 97. Vortigern piirvient au trone, fail vcnir les Saxons dans I'lle , ibid. 98. llsabordenta i'anet , 248 99. Chasscnt les Pictes el les Scots dans leurs premieres limilcs, ibid. 100. Forraent le dessein de subjiiguer les Bre- tons , 249 101. Nouvcaux rcnforls que font venir les Saxons , ibid. 102. Se combincnt avcc les Ecossais , ibid. 103. 104. Vortigern , odieux par ses crimes, est oblige d'abdiquer ; Vorlimcr le rem- placc , ibid. 105. 106. Audrcn est attaque par les Alains , a rccours i sainl Germain pour ncgocier la pail, 250 107. Les Armoriques en rcfuscnt Icb condi- tions , '*'<'• 108. lis font la guerre aux Alains , 251 TABLE DES HITIEBES. XIX 109. Conversion d'un seigneur irlandois , 251 110. So retire en Armorique avec plusieurs autrcs , ibid. 111. Est bien Iraite par Audren , 252 112. S'enfonce dans la solilude , ibid. 113. Est place k la lete d'un monastere , 253 114. Veut porter la foi dans I'lrlande , qu'il trouve convertie , ibid. 115. 116. Passe dans I'lle de Bretagne , pour y convertir les Saxons ; il y recoil la cou- ronne du raartyre , 254 117. Miracles que ce saint op^re , 255 118. Est honoredans les dioceses de Leon et de Vennes , ibid. 119. Concilede Tours , ibid. 120. Eusebe de Nantes, et Athenius de Rennes assistent h ce concile , 259 121. Differents sentiments sur le siege qu'oc- cupoit Mansuet , eveque des Bretons , ibid. 122. II etoit eveque de Dol , ibid. 123. Venerand etoit eveque de Quimpcr, 260 124. Eusebe , auteur de quelques home- lies , 261 125. Leon et Viventius etoient morts , ibid. 126. Talasius d'Angers souscrit les actes du concile , ibid. 127. Une princesse du pays de Galles renonce a la couronne , ibid. 123. ©bstaclcs que sa famille lui oppose, 262 129. Se nomme Niniiocht , et pourquoi , ibid. 130. Passe en Armorique , vers Fan 445 , ibid. 131.ElIe etablit un monastere i Plemur , dont elle est superieure , ibid. 132. II s'en forme un d'hommes proche le sien , 263 133. Miracles operes dans leglisc de Nin- nocht , ibid. 134. Erecb dote la communaute de Nin- nocht , ' ibid. 135. Sa mort , 265 136. Le sacriQce de Ninnocht est renouvele de nos jours par madarae Louise-Marie de France , 266 137. 138. Concile de Vennes , tenu entre les annees 461 , 465 ; canons de ce concile , ib. 139. Ces canons sont souscrits par Perpct , Paterne , Albin , Athenius , Nunechius et Liberalis , 269 140. 141. Sont envoy^s a Victorius du Mans , et a Talasius d'Angers, pour qu'ils les approuvent ; Motifs qui ont determine les six 6v£ques a fairs ces canons , ibid. 142. lis s'etoient assembles pour regler les li- mites du diocese de Vennes , 270 143. Tous ces eveques etoient de la Iroisieme Lyonnoise , 271 144. 145. Quels etoient les sieges de chacun de ces eveques ; Paterne II , eveque de Ven- nes , ibid. 146. Albin , eveque de Quimper , 272 147. Athenius , eveque de Rennes , ibid. 148. Liberalis , eveque de Dol , ibid. 149. 150. Erech succede a Audren , vers Ian 464 -. ses qualites , ibid. ISl.Meurt apres I'an 473, 273 152. Les Armoriques sont en correspondance avec Fausle , ibid. 153. Fauste etoit Breton Armorique, Hid. 154. Etoit ne en Armorique quelques annees apres que les Bretons de Maxime s'y fixe- rent , 274 155. Son education et ses talents , ibid. 156. Se retire a Lerins , ibid. 157. Est fait abbe de Lerins , 275 158. Devient eveque de Riez , ibid. 159. Eloge qu'on fait de ses ouvrages , 276 160. Ce qu'on doit penser de ceux qui nous en restcnt , 277 161. Ses erreurs sur la grace n'ont pas em- peche de k reconnoitre pour saint , et pour- quoi , ibid. 162. Comment il a tombe dans I'crreur , ibid. 163. On ignore quels furent, jusqu'a la fin de ce siecle , les successeurs des eveques de Nantes , Vennes , Dol et Quimper , ibid. 164. Athenius , eveque de Rennes, est rem- place par saint Amand , 278 165. Son commerce avec saint Paulin de Nole , ibid. 166. Ce qu'on doit penser de son pontifical, ib. 167. Est inhume dans le cimclicre des fidcles de Rennes , ibid. 168. Dieu lui choisit un successeur, 279 169. Son nom est Melaine , ibid. 170. Son education et sa vie privee , ibid. 171. 172. Est sacre malgre lui , vers Tan 485; Son plan de vie dans I'episcopat , ibid. 173. II guerit miraculeusement Eusebe , roi de I'Armorique , et Aspasie , sa fille , 280 174. 175. Eusebe donne Comblessac a I'abbaye que Melaine avail elablie dans le ciraetiere de Rennes ; Melaine avail fonde un autre monastere a Placium , 281 176. Eusebe, converti par saint Melaine, meurt en odeur desainlele, I'an 490 , ibid. Xt TAflLE DES 177. Lcsraliquesd'unSt Euscbect dcSleLan- doucnnc , rcirie dcs Armoriques , sc voieiit dans TEglisc dc St Frambourg , a Seidis, 282 178. Cc soiit probablerneiit cellos d'Euscbc i roi de I'Armoriquo , ct de sa fumme , 283 179. .\spasie, leur fille, misc au nombro dcs saints , ibid. 180. Budic , elu roi de TArmorique , 281 181. Se fait reconnoitre par le pays conqaissur loj Alains , 285 182. Les Nantois assicges par Ics Barbarcs , ct miracuk'usemcnt dclivrcs , ibid. 183. Ell'el que ce miracle produit sur Marchil , general des Barbares , et sur les fidelcs , 286 18i. 183. 186. Ce qu'iitoit Marchil et sa nation ; Conquele dc Clovis ; alliance de Clovis avcc les Armoriques , ibid. 187. Avantages que les Francs et les Armori- ques en relircnt , 287 188. Limites dcs deux peuples, ibid. 189. lUat de la Bretagne, dejmis I'an 464 jus- qu'a la fin de ce siecle , ibid. 190. .\mbroise-Aurelien, roi de Bretagne, ib. 191. Fait retablir les egUscs dcmolies par les Saxons, 288 192. Dubricc est fait cvfique de Kaerleon , ct Sanson d'Yorck , ibid. 193. Qualitcs de Dubricc , ibid. 194.Cellcs de Sanson, ibid REMARQUES PARTICULIfeRES. I. 195. Indices qui font reconnoitre quels utoicnt, en detail , les cantons dcs c6tes .\rmoriques occu|)cs par les Bretons-Letes , 289 196.0riginedes Ocfs, 295 197. Origine de la regale en Arraorique , ibid. n. 198. Quel fut le gouverncment civil dc I'Ar- morique , lorsqu'elle se d^tacha dc I'em- pirc , 296 199. Le roi elcclif est subordonne aux lois , ib. 200. Nature de scs revcnus , ibid 201 . Quelles ctoient les fonclions de dues et de comtcs , 297 202. Ces emplois donnes ordinairemcnt aux GIs des rois , ibid. 203. Le clerge premier corps du royaume|, 298 20i. Etats du royaumc oii sc traitoient les grandes atTaircs , ibid. lU. 203. Les evCques prenncnt la qualite de pe- cheurs , ct pourquoi , 298 206. Donnent aux autres les litres dc seigneurs, de bienheurcux et de vencrables en Jesus- Christ , et |)ourquoi , 299 IV. 207. Usages que les evSqucs faisoicnt dc leurs proprcs , mobiliers ct immobiliers , ibid. V. 208. Les diacres , ministres du temporcl dcs 6glises Armoriques , 301 209. 210. Prennent de \k occasion de s'elever au-dessus des prfitres ; leur hauteur repri- mee par le concile d'.Vngers , 302 211. Se servoient du ministere des vierges pour dislribuer les aumOnes aux femmes , ibid. VI. 212. 213. Lc manage interdit chcz la plupart des peuples aux ministres de la religion ; la virginite en honneur , 303 214. Lacontinence recoramandec aux ministres de la religion chrctienne , ibid. 215. Pratiquec par les ministres de la religion chrelicnnc , 304 216. Ne peuvent avoir chcz cux de femmes etrangcres : qui clles sont , ibid. 217. Les pr6tres ct les diacres obliges a la con- tinence en Armorique , 303 218. Les sous-diacrcs n'y etoient pas d'abord astreints , ibid. 219. Y sont oblig6s et quclques autres d'cntrc les clercs , dans un concile lenu avant celui deVennes, ibid. 220. On ignore quels etoient les cicrcs i qui le mariage (itoit defendu , 306 VD. 221. Les cicrcs drpendoient de lY'vfquc qui leur avoit dunne le premier ordre , ibid. 222.Nc pouvoient filre ordonnes par un au- tre cWCquc , 307 223. Etoient tenus k la residence , ibid. 224. Ne pouvoicnt renonccr a leur etat , ibid. 225. Ne pouvoicnt (Jtre deposes que par un jugement prcalablc , 308 226. Les abbes et les rcligieux soumis a I'eve- que , ibid. 227. Les rcligieux soumis i I'abbe , ibid. 228. U y avoit quclques pr^lres ct diacres dans les monast^rcs , ibid. vin. 229. Lc monasttre de Lan-Ninnocht conduit par un prCtre, sous I'autoritc del'evequc, 309 TABLE DBS MATIEBES. XXJ 230. Ce qu'ctoient les autres ricrges de I'Ar- moriquc , 309 231 . Combien ellcs etoient considerecs , 310 232. Leur punition , lorsqu'elles manquoient a leur voeu , ibid. 233. Leur voeu ne rendoit pas invalide Ic ma- riage subsequent , ibid. rx. 23*. L'officc de I'Eglise , pourquoi ainsi nom- ine? 311 235. Est rendu uniforme en Armorique, 312 236. Est le mdmeque celui de Musee , 313 237. Les clercs obliges par etat aux heures canoniales , ibid. \. 238. Les Armoriques empruntent des Ro- raains la divination par I'Ecriture , 314 339. Croient que celle qui se fait par les livres saints n'est pas contraire a la religion , 313 240. Occasion de cette erreur , ibid. 241. Inexcusable dans les Chretiens . 316 a S. Sieu , ses eleves de Grand-Lann, 326 le.Sonraonastferc de la double vallee, donnela naissance a une ville qui prendson nora, 326 17. S. Marcan , disciple de S. Brieuc a Grand- Lann , donne son nom a une paroisse du diocese de Dol , 327 18. S. Sieu passe au monastere de la double vallee, iMd. 19. Se retire dans une solitude de laquelle il prend son nom , ibid. 20. S. Sanson , chasse par les Saxons , passe en Armorique vers Tan 504 , et est nommc a I'evcche de Dol , 328 21 . S. Teliau va voir le roi Budic , et S. San- son , eveque de Dol , 329 22. Mort du roi Budic, vers Fan 509 , ibid- 23. Clovis se sert des Prisons pour s'emparer de TArmorique , 330 24. Egards que Clovis a pour S. Melaine , ct ce qu'il fait par ses conseils , ibid. 25. Canons du premier concile d'Orleans, au- quel assistent la plupart des eveques de I'Armorique, ibid. 26. Ces Canons sont souscrits par Epiphane de Nantes , Modeste de Vennes et Melaine Rennes , 336 27. Epiphane etoit probablement le suc- cesseur immcdiat de Nunnechius , ibid. 28. Le nom qu'Epiphane porta , prouve qu'il fut un grand eveque , ibid. 29. Modeste remplaca Paterne II , ibid. 30. Son nom indique ses vertus , ibid. 31. Litharede, qui souscrit au concile d'Or- leans , Episcopus Ecclesi(B Oxomensis , etoit eveque de Quimpcr , ibid. 32. II succeda <\ Albin , 338 33. Pourquoi on I'appela Litharede , ibid. 34. Saint Guenael est nomme abbe de Lan- dewcnec par S. Guignole, ibid. 33. Quelle fut son education , ibid. 36. II avoit embrasse I'etat religieux sous S. Guignole , , 339 37. Se retire , Tan 511 , dans la Bretagne In- sulaire , ibid. 38. Saint Pol-Aurelien aborde aux c6tes de Leon , 340 39. Sa haute naissance , ibid. 40. II avoit cu pour mattre , le celebre Doc- teur lllut , ibid. 41. Avoit embrasse la religion dans son mo- nastere , 341 42.S'etoit ensuite fait solitaire , ibid. 15 II apparoit apres samortaS. Marcan el 43. Rentre dans la vie ccnobilique , et de- 242. D'autrcs eveques que ceux de I'Arrao- rique pensoient que le lien du mariage se rompt par Tadultere de la femme , ibid. SIXIfiME SIfiCLE. 1. Mort de saint Brieuc, vers I'an de Jesus- Christ , 502, 318 2. II avoit pris naissance chez les Corilani de la Bretagne Insulaire , ibid. 3. Fut disciple de S. Germain d'Auxerre , 319 4. Passa avec lui a Auxerre , 320 3. Relournc dans sa patrie , oil il fonde le monastere de Grand-Lann , 32l 6. Vient en Armorique , oil il etablit le monas- tere de Landebaron , pres Treguier , ibid. 7. Vole au secours des Contains , aflliges de la peste , et la dissipe , 322 8. De retour a Landebaron , il va chercher une autre solitude , ibid. 9. II s'arrele au havre du Leguer , 323 10. Onle prend pour un ennemi , et on donne ordre delefaire perir avec ses religieux,iJid. 11. II echappe a la mort par un miracle, ibid. 12. II obtient une habitation dang la double vallee , oil il bStit un monastere , 324 13. La position du lieu qu'habita Brieuc , lui a donne ce nom , 325 t*. Bonnes oeuvres qu'il op^re dans son can- ton , ibid. Xxij TABIE HKS vientabbc, 341 ti. L'cndroit dc rArmoriquc , oil aborda S. Pol , (Hoit rile d'Ouessant, ibid. to. II hatil iiri raonaslcre a Laii-Pol , 342 40. Va trouver Ic coratfWitur , ibid. 47. Wilur lui donnc Tile de Bat , oil il cotis- truit un nionastere , 343 48. Erection dc I'l'-vfclie de Leon , S. Pol en est Ic premier cvequc , I'an 512 , ibid. 49. An dc Jesus-Christ , 513 , Iloel I. re- couvre les clats de Budic , son perc , 345 50. lloel va Irouver le roi Clolaire , a Paris , ibid. 31. Ande J.-C. 530, niort de S. Melaine , eveque de Rennes , ibid. 52. Son corps est depose dans son monaslcre de Kennes , 346 53. Marsc , cvfquc de Nantes, 347 54. S. Aubin, ne dans dans Ic diocese de Venncs , 348 55. Se fail rcligieuxa Cinciliac , 349 56. Sa vicmonastique , ibid. 57. Dcvient abbe de Cinciliac , ibid. 58. Est fait (ivfique d'Angers , 331 59. Son zfcle centre les mariagesincestueux,352 60. Sa mort , 333 61. Febediole , evi^que de llcnnos , 354 62. An dc Jesus-Christ 533, Eumerc , ev^q\ic de Nantes , ibid. 63. Ses qiialitcs , ibid. 64. Consulte S. Trojan de Saintcs , 355 65. Naissancc de S. Palcrne , ibid. 66. 11 entre en religion , 336 67. Passe dans Tile de Bretagne , avec un grand nombrc dc religieux ct s"y etablit, ibid. 68. Dcvient i'V(?que dc Venues , ibid- 69.Ab(liquclegouverncmcntdesonEglise,337 70. Saint Malo, ibid. 71 . Elfeve de S. Brendan , 358 72. Ses vertus , 359 73. Entrc en religion , ibid. 74. Ce qu'il y eprouTe dc la part de quelques- uns des religieux , ibid. 75. Quiltc sa communautc , ibid. 76. Bentrc dans son monastcre , 360 77. En est tire pour montcr sur le siege de Cacrwcnt , ibid. 78. Abandonnc son ev4ch6, ibid. 79. Aborde h la prcsqu'ilc d'Aron , 361 80. Y fixe son scjour , 364 81. Y trouve S. Aron avec ses disciples, ibid. 82. Brendan , qui avoit suivi Malo , passe k la plainc de Chozcy , 363 M\TlfeRES. 83 Va deliiGcrsey, 365 84. Uopassc en I'ilc de Brclagnc , el meurl en Irlande, ibid. 85. Saint Malo est invito a travailler k la con- version dcs Aletieiis , 366 86. L'amour de la retraitc lui fait suspondre cettc bonne oeuvrc , ibid. 87. Va prccherlafoi a Alet , ibid. 88. Convertit celte villc par ses miracles , 367 89. En est fait evt^que, 368 90. Son siege est etabli a Alet , ibid. 91. Ses travaux apostoliques , ibid. 92. Hoel 1. lui donnc des possessions , ibid. 93. MortdeS. Aron , ibid. 9i. Mort de Iloel I. , vers l"an 545 , 369 95. Mort de S. Sanson I. , I'an 547 , ibid. 96. Monasteres dcs environs de Dol , 370 97. S. Suliac : son origine ct sa vocation a r6tat religieux , ibid. 98. Surmonte les obstacles qu'y met son pere , 371 99. Est fait abbo , ibid- 100. Les poursuites d'unc dame Toblige de passcr la mcr , ibid. 101. Arrive k Akt , et se fixe sur un terrain qui dominoit sur la Kance , 372 102 et 103. Ueroit de nouveaux disciples , et batit un monastcre. Sa mort , ibid. 104. S. Davy , oncle de la reinc Anaumcd , 61cvc deS. Paulin , se fail prOtre , 373 105. PrC'chc la r^forme des moeurs aux Bre- tons , ibid. 106. Fondc plusicurs monasteres , ibid. 107. Regie quil leur donnc , ibid. 108. Ce qu'il cxigeoit des postulants, 374 109 Se distingue au concile dc Brevy , ibid. 1 10. Est nomme A la mctropole de Kacr- Icon , qu'il Iransfcre a Menevic , ibid. 111. Mcurt, aprcs avoir conduit saintemcnl son pen pic, 375 112. Pourquoi on la nomme Davy , ibid. 113. Ce saint cunnu en Armorique , 376 114. Saint Tcliau , cvfque dc Landaf , ibid. 115. Ses vertus, ibid. 116. Les clats dcs Rrctons resserrespar I'Hep- tarchio , «*''' 117. Saint Teliiiu rcvient A Dol , 377 1 18. S'y charge de la conduite du dioc6se,i6irf. 119. S'cnretournc.'iLanJaf, apr6s un sejour de sept ans et sc|)t mois , ibid. 120. Se retire A Landeilovaur, od il meurl saintemcnl, 3''8 121. S. Ismaijl, ivfiquc de Mcncvie , 379 122. 122. Saint Tifei, martyr, 123. Saint Oudocee , 124. Son education sainte , 125. Ses rares qualites , 126. EstEvSque de Landaff TABLE DES 379 ibid. ibid. ibid. 380 127. Reconcilie le roi Mauric avec un autre prince , ibid. 128. Excommunie ce roi , ibid. 129. Leve I'excommunication , ibid. 130. Penitence publique du roi Morgant , ibid. 131. Crime de Guidnerlh , puni de I'excom- munication , qui n'cst levee qu'aprcs la mort d'Oudocee , 381 132. Dionot dement le merite de ses freres , ibid. 133. Vie sainte de son fils Rined , 382 134. llrbien , prince bien renomme, ibid. 135. Hoel I avail eu pourepouse Aspasie, ibid. 136. Posterite de Hoel I et d'Aspasie , ibid. 137. Qualites de Hoel H , 383 138. S. Malo chassele demon du corps d'une de sesdiocesaines , ibid. 139. Usage qu'il fait des biens qu'on lui donne , ibid. 140. Hoel n puni d'aveuglement , et gueri par S. Malo, ibid. 141. An de J.-C. 547 , Hoel II est mis a mort par Canao , 384 142i A pour fils , Judual , ibid. 143. Canao excommunie, ibid. 144. S. Malo , persecute , ibid. 145. Excommunie dps malfaifeurs , 385 146. Abandonne ses diocesains, et aborde a rile d'Oleron , ibid. 147. S. Leonce le recoil a I'ile de Re , 386 148. Lui donne un etablissement dans la Saintonge , 387 149. Y opere des miracles , ibid. 150. Canao fail mourir Bodic et Waroc , ses freres, 388 151. Saint Leonor , eleve de S. iltut, ibid. 152. Se fail religicux, ibid, 153. Devient abbe etevdque, 389 154. Passe en Armorique, dans un lieu qui prend son nom , et oil il fonde une com- raunaute, ibid. 155. Va irouver Childeberl , 390 156. Revient i sa communaule , ibid. 157. Soustrait Judual a la fureur de Canao,i£i(2. 158. Eslinsulte par Canao, ibid. 159. Saint Sanson H.Sanaissance illustre, 391 160. Son education doraestique, 392 161. Opposition que son pire forme a sa con- MATiiiRes. xxiij secralion religiense, 392 162. Est mis sous la discipline de S. li\Mt,ibid. 163. Ses progres dans les sciences , ibid. 164. Son genre de vie , ibid. 165 - 166. Est eleve aux saints Ordres, et a la Prelrise : comment il se venge de deux religieux qui avoient voulu I'empoisonner, 393 167. Quitte S. Iltut, pour embrasscr la vie heremitique , 394 168. Va au secours de son pore , dangereu- sementmalade , ibid. 169. Le fait renoncer au monde : sa femmc prend le voile de viduite , ibid. 170. Sanson fait la meme r^forme dans la maison d'Umbrafel, son oncle , 395 171. II est 6Iu abbe , ibid. 172. Passe en Irlande , oil il conduit une communaule, ibid. 173. Se fait reraplacer par Umbrafel , 396 174. Mene la vie heremitique proche la Sa- verne , ibid. 175. Est appele a un synodc , ibid. 176. Est force de prendre I'administration d'un monastere, ibid. 177. Un ange lui enjoint de passer en Armo- rique, quelque temps apres qu'il fut sacre eveque, ibid. 178. Visile sa famille , 397 179. S'associe des Cooperaleurs au saint mi- nistere , ibid. 180. Aborde aux cotes de Dol , ibid. 181. Gucril , a son arrivee , une femme le- preuse et sa fille , posscdee du demon, 398 182. Balil un monastere aupres du port oil il a debarque , 399 183. Est place surle siege de Del, vers I'an 554 , ibid- 184. Le prince Judual , retenu a la cour de Childeberl, ibid. 185. S. Sanson soUicite son rappel en Armo- rique , 400 186. Obstacles qui! y rencontre , ibid. 187. Obtient ccpendant celte gr^ce , et plu- sieurs autres , ibid. 188. Judual cpouse une princesse Armorique , en attendant le moment de rentrer dans ses etals , 401 189. Childeberl fonde le monastere de Rol- mou en faveur de S. Sanson ■ et pourquoi ? ibid. 190. Ce prelat assiste au concile de Paris , de ran 557, 402 Xxiv TABLE DES 191. Naissancc illustre de S. Felix, 402 192. Sm (alciis, ibid. 193. Succcdc i Eumire II , ibid 194. Fait rcvivre, dans sa pcrsonnc , les vcr- lus do son prcdfccsseur, 403 19o. Canao veut faircperir Macliau , ibid. 196. Felix lui conserve les jours el la liberie , ibid. 197. Macliau sc ri'fugie auprcs de son oncle I'rbieri , ibid. 198. Comment Urbien lui sauvc la vie , 404 199. Macliau cmbrasse I'etal ccclesiastiquc , ibid. 200. Saint Gucnnin , evfiquc de Vennes , ibid. 201. Translation des rcliques de saint Palerne III , ibid. 202. Macliau, evcque de Vennes , 403 203. An de J.-C. , 5S8. Conslilulion de Clo- taire , ibid. 204. All dcJ.-C , 558. Cliramnc se revolte conlre son perc , 406 203. Se retire aupresde Canao , ibid. 206. An dc J.-C, , 560. Clotaire passe en Ar- murique pour rt-duirc Chramne et Canao ibid. 207. Balaille de Chramne et de Canao , conlre Clotaire et Judual , 407 208 el 209. Mort de Canao : mort de Chramne ibid. 210. Clotaire s'emparc des comtes do Uennes, Nantes ct Vennes ; rend a Judual la plus plus grande partic de ses ctats , ibid. 211. An de J.-C , o6t. Mori de Clotaire, 408 212. Chilporic lui succcdc dans ses droits sur I'Arraoriqiic , ibid. 213. Saint Tugdual , ibid. 214. Son education et sa vie religieuse , ibid. 215. Alma-1'ompa ct Soenc se mcllent sous sa direction dans Tile de Brctagnc , ibid. 216. Tugdual passe avec elles en Armorique , 409 217. Y construil Ic monaslcre de Trepabu, iii'd. 218. Et cclui deTrogucr , ibid. 219. Les gouverne tons deux , ibid. 220. Excrce les fonctions du saint minislerc dans Ic district dc Trcgucr , sous les ycux des evi^qucs do Dill, ibid. 221. Va trouvcr Childebcrl , 410 222. Est sacrc eveque , ibid. 223. Allie les vertus de lipiscopal avcc celles de religioux , ibid. 224. Par la , so rend odieux k Canao , ibid. 223. Est oblige dc se rctircr en solitude, 411 HATlkRKS. 226. Va en pelcrinage k Rome , 411 227. Ce qu'il a fail k son relour, ibid. 228. Sa mort , ibid. 229. Alma-1'ompa s'ctait elablie a Lancoat , ou olio csl encore honorce , 412 230. S. Pol Aurclien se fait remplacer par S. Joevin , dans le siege de Leon , ibid. 231. Tiernomail succcde k S. Joevin , ibid. 232. S. Pol rcprend le gouvernement de I'e- glise de Leon , apres la morl dc Tierno- mail , 413 233. Sc fait substilucr par Cetoracrin , ibid. 234. Miracle que Pol opere duranl le sacre de Cctomcrin , ibid. 235. S. Pol se retire a son monaslcre dc Bat , ibid. 236. Son discours a ses rcligicux avant sa mort , 414 237. Sa mort , ibid. 238.11 avoitfondole monaslcre dcGerber, ibid. 239. Tangui en I'ut le premier abbo , 415 240. Sainte Ilaudc , ibid. 241. Picte dc S. Leonor, ibid. 242. Mcurt dans son monasters , ibid. 243. Reconnoissance de Judual pour S.San- son II , 416 244. Austeriles de cet ev6que pendant le Ca- rivac , ibid. 243. Son z6le pour exciter les aulres k la pra- tique de la religion , ibid. 246- Son allachcmcnt pour son monaslcre de Dol , ctpourquoi? ibid. 247. Y finit ses jours , 417 248. S. Similicn , abbe de Taurac , ibid. 249. Saint Elhbin , son origine , 418 250. Se fail clerc , ibid. 251. Embrassc Total religieux dans le mo- naslcre de Taurac , ibid. 252. Est ordonne diacre gt en cxercc les fonc- tions sous S. Guignolo , ibid. 253. Leurcharito donnc lieu a un miracle, i&i't/. 254. S. Guignolo meurt a Taurac , 419 255. S. Etliliin passe en Irlande , ou il mene la vie heremilique , ibid. 236. Ses austeriles , ibid. 237. Ses miracles , ibid. 238. Sa mort , ibid. 259. Saint Armol , 420 260. Scrl de modcle , des sa jeunesse , a ses compagnons , ibid. 261. Rcnonce au monde , ibid. 262. S"elablit,\ Plou-Arzcl, ibid. 263. Va Irouver Childebcrl avec ses reli- TABLE DES gieux , '(21 264. Ce roiveut repandre ses religieux dans son royaume , ibid. 265. Conduite d'Armel a la cour de ce rot, ibid. 266. Fonde un monastere a liochod , ibid- 267. Visile ses anciens religieux , 422 268. Dissipe les superstitions dans les cam- pagnes , ibid. 269. Abolit celles qni se pratiquoient au Teil et a Retier, ibid. 270. Sa mort , 424 271. Son culte , ibid. 272. Arvian , poele et musicien , ibid. 273. Ses moeurs , ibid. 274. Epouse Rivanon , 425 275. Herve , leur enfant, ibid. 276. Rivanon se fait religieuse , apres la mort de son mari , ibid. 277. Herv^ renonce au mondc, et tient I'e- cole a la place d'Urfoed , son parent , ibid. 278. Rend les dernicrs devoirs a sa mere , 426 279. Se retire dans la solitude d'Urfoed, dont il apprend la mort , ibid. 280. Bcitit un monastere a Lanhouarnau, ibid. 281. Y meurt saintcment , ibid. 282. S. Goueznou : sa naissance , 427 283. Se fait hermite aupres de Brest , ibid. 284. Est visite par Conomor , 428 285. Ce prince lui fait b^tirun monastere, i&i(2. 286. L'abbe y meurt , ibid. 287. Punition des Alcticns , et leur repentir , ibid. 288. S. Malo leve Tanath^me qn'il avoit lance centre eux , ibid. 289. Est remplace a Alet par S. Gurval , 429 290. S. Leonce le place a Arcanbiac , ibid. 291. An de Jesus-Christ 565. S. Malo meurt a Arcanbiac , ibid. 292. Ses obseques : miracles qui les accom- pagnent , ibid. 293. An de J.-C. 567. 11" Concile de Tours, 430 294. Ses Canons , ibid. 295. Eveques qui assisterent a ce concile, 442 296. An de J.-C. 568. Dedicace de I'eglise cathedrale de Nantes , 443 297. Evdques qui se trouvent acettecere- monie , ibid. 298. S. Felij fait passer la Loire sous la ville de Nantes, et y ctablit le port , ibid. 299. Sa charile envers les pauvres , 447 i)00. Fait executer a Nantes , et dans le reste de son diocese , le V'' canon du 11= con- MATIGRES. XXV cile de Tours , 447 301. Superstitions qu'il detruit. Conversion des Teifales , 448 302. Sa maison est une pepiniere de pretres , ibid. 303. friar, laboureur , ibid, 304. Comment il sanctifioit son travail, 449 305. Sa pietc tournee en ridicule , ibid. 306. Justifiee par un miracle , ibid. 307. Renonce au monde , 450 308. Se fait reclus a Vindunile , ibid- 309.SabaudusetSecondeisejoignent.Hlui,j&irf. 310. Sabaudus le quitte , et meurt peu de temps apres , ibid- 311 Secondel succorabe a une tentation , 451 312. Reconnoit sa faute , ibid. 313. Sort victorieus d'une seconde tentation , ibid. 314. Meurt saintement a Vindunite , ibid. 315. Friar est favorise du don des miracles , 452 316 et 317. Sa vie prolongee miraculeuse- ment ; sa mort , ibid. 318. Saint Magloire, 453 319. Est disciple deS. Iltut , et entre en re- ligion , ibid. 320. Comment il s'y comporte , ibid. 321. Passe en Armorique , et est mis a la tete du monastere de Carfenten , ibid. 322. Devient evSque de Dol , ibid. 323. Comment il en reraplit les devoirs , ibid. 324. Sa vie privee , 454 325. Saint Gildas, ibid. 326. Pourquoi surnomme Badonique , ibid. 327. Disciple de S. Iltut. Ses vcrtus , 455 328. Se fail religieux , ibid. 329. Vient en Armorique , et se retire dans Tile d'Houat , ibid- 330. Quel ctoit son genre de vie , ibid. 331. Satisfaction qu'il gollle dans son ile, 456 332. Y est decouvert , ibid. 333. Conversions qu'il y opere , ibid. 334. Forme des disciples , ibid. 335. S'ctablit avec eux a la presqu'ile de Buys , ibid. 336. Leur donne des reglements , 438 337. Pratique une relraitc sur le Blavet , et pourquoi ? ibid. 338. Ne veille pasraoins sur sa communaule , ibid. 339. Dirige le Corate Waroc et Trifine , sa fille , 459 340. Gildas la ressuscite , itid. XXVJ TABLE DES UATlfeRES. 3il. I,a fait cntrcr pn religion , ou ellc meurt saintcmcnt, cl a soin dc son fils , 439 34-2. La mere et le fils sent honores d'un cultc public , iljid- a43. Geinisscraents dc S- Gildas sur les dc- sordres des Bretons de Tiie , 460 344. Et sur ceux du clergc , il/id. 343. But que le saint s'y propose , 46i 346. Justice qu'on rend k ses vues, 462 347. Meurt al'ile dllouat , ibid. 348. Ce que S. Guenael fit en Brelagne et en Irlande , ibid. 349. Pourquoi il revienl en Armorique , ibid. 350. Y fonde de nouveaux monasteres , 463 351. Sa mort , ibid. 352. S. Maude , offert a Dicu des son en- fance, 464 353. Prfiche dans les Etats de son p6re , ibid. 354. Aborde aux cotes de Dol, ibid. 335. Y visile les monasteres deces cotes, et ecux de Chesey , 465 356. S'arretc auprfes de S. Tugdual , 466 337. Se fixe a Lan-Maude, ibid. 358. Passe dans une ile , ibid. 359. IJulhmael ct Tudy , ses disciples , ibid. 360. S. Kircch fonde un Monastire qui portc son nom , 467 361. Se fait solitaire 4 Ploudaniel , d'ou saint Pol le fait sortir , ibid. 362. Get eveque I'associe aux fonctions du S. ministere , ibid. 363. .Sa vie privee , 468 364. Ses miracles et sa mort , ibid. .365. Saint Briac , ibid. 366. S'attache a S. Tugdual , ibid. 367. Batitun monasterc a Boulbriac , ibid. 368. Le quitte souvcnt pour aller en soli- tude , 469 369. Va en pclerinage a Rome , ibid. 370. Sa mort , ibid. 371. S. Ruelin, abbe du monastcre dc Tre- guer. Ses qualitcs, ibid. 372. Macliau se dement de sa premiere ver- tu, 373. Est oxcommunie , 374. S'enipare des comtes de Cornouaille , Venncs ibid. 470 ct de ibid 375. An de J.-C 577. Est tue parTheodoric, qui rccouvre le comti' de Cornouaille , ibid. 376. Eiinius le remplacc 3ans le siege de Venncs , Ibid. 377. An de J.-C 578. Chilperic envoie des Troupes contre Gurcch , ibid. 378. Avantages que celui-ci remporle, 471 379. Traile avcc les ofliciers de Cbilperic,(£id. 380. Envoie Eonius vers le roi,qui I'exile, ib. 381. An de J.-C. 579. Guerech ravage le com- te de Henncs , ibid. 382. Eonius est envoye a Angers , et Beppo- lene oppose a Guerech , ibid. 383 et 384. La pcstc reparoit de nouveau ; leltre de qualre ivdques dc la province de Tours , 4 ce sujet , 472 385 ct 386. An dc J.-C. 581. S. Felix est at- taquc de la maladic contagicuse ; Meurt I'an 582 . 474 387. Ses liaisons avcc Forlunat, 475 388. Ses dilTercnds avcc S. Gregoire de Tours , ibid. 389. S. Magloire se retire en solitude dans le voisinage dc Dol , ibid. 390. A pour successeur S. Budoch , 476 391. Ce que fait S. Magloire dans le lieu de sa rctraile , ibid. 392. Y est visile de loutcs parts , 477 393. Pense a une nouvclle rctraile , ibid. 394. Consultc S. Budoch qui Ten detoume , ibid. 393. Se rend a ses raisons. Miracle quil opcre , 478 396. On lui donne des possessions dans Tile de Gcrsey , 479 397. Y fonde unmonasterc. Ce qu'il y fait.i'ftirf. 398. Andc J.-C. 585. Famine en Armorique , 480 399. S. Magloire nourrit ceux des Armoriques qui vont Ic trouvcr , ibid. 400. Leur donne en mcme temps les secours spirilucls , ibid. 401. Sa coinmunaute pri'tc a manquer du nc- ccssaire , lui propose de la dissuudrc pour quelquc temps , ibid. 402. L'Abbti s'y oppose, et continue comme auparavant , -481 403- In vaisscau , charge de vivres , ramene Tabondance dans son monastcre , ibid. 404 et 403. An de J.C. 586. S. Magloire se prepare h la mort ; sa mort , ibid. 406. Andc J.-C. 586. Allaire dc Domnole , fiUe dc Victor , 6vtquc de Rennes , 482 407. Burgondion est destine , par quelques cvdqucs , a occupcr Ic siege de Nantes , ibid. 408. Gregoire dc Tours s'y oppose , 483 409. Noniicchius II , cveque de Nantes . ibid. 410. Apaise le roi Gonlran , irrilc contre son fils , ibid. TABLE DBS MATIERES. XXVIJ 411. An deJ.-C. 587. Guerech clJudual funt des incursions dans le pays de Nantois , 483 412. Gontran les somme de rcparer leurs de- gats , 48i 413. Traitent avec les deputes de ce roi , ibid. 414. Phenomenes exlraordinaires , ibid. 415. Nouvelles courses de Guerech , dans le pays Nantois, 485 416. Qualitcs d'Eonius , ibid- 417. Regalis , eveque de Venncs , ibid. 418. AndeJ.-C. 588. Guerech ravage de nou- veau le territoire de Rennes et celui de Nantes, ibid. 419 et 420. An de J. C, 590. Gontran en- voie une armee contre Guerech ; raesiotel- ligence entre ces deux generaux , 486 421 et 422. La reine Fredegonde envoie du secours a Guerech ; defaitc de Beppolene , et sa mort , ibid. 423. Ebracaire marche k Vennes , et accorde la paix a Guerech , ibid. 424 et 425. Une parlie de Tarmee d'Ebracaire est defaite par Canao ; I'autre est dissipec par les Angevins : Ebracaire disgracie , 487 426. Guerech renvoie les prisonniers Fran- cois, d'apres les ordres de Fredegonde , 488 427. An de J.-C. 591. La pestes'annonce dans Ic diocese de Nantes , ibid. 428. An de J.-C. 593. Rennes et Nantes re- connoissent Childebert II , ibid. 429 et 430. An deJ.-C. 594. Guerech ravage de nouveau le pays de Rennes et de Nantes ; combat entre Tarmee de Childebert et celle de Guerech , 489 431. S. AUor , eveque de Quimper , ibid. 432. S- Gurval avait ete abbe dans le pays de Galles, 490 433. Embrasse la vie solitaire , qu'il est bien- tot oblige de quitter , ibid- 434. Se retire en Armoriquc , ibid. 435.Ce qu'il fait a Alet durant son episcopat,(7). 436. Se dcmet de son eveche , ibid. 437. Coalfinith , ev6que d'Alet , ibid. 438. S. Gurval passe a Guern , 491 439. S'ensevelit dans une forut voisine , et y meurt saintement , ibid. TOME II. SEPTIfiME SifeCLE. 1. Saint Martin -. son extraction , 1 2. Ses rares qualites , ibid. 3. Embrasse I'etat ecclesiastique , 2 4. Est fait archidiacre de Nantes , ibid. 5 Ce qu'il opere dans le diocese , ibid. 6. Annonce I'Evangile aux habitants d'Her- bauge , ''•■ 7. Se retire en solitude , 6 8. Manierc dont il y vit , 7 9. S'attache des disciples , 9 10. En forme une comraunaute a Verlou,«6«(i 11. Elat florissant de ce monastere , 10 12. Ce qu'il fait en Angleterre , ibid. 1 3. Fonde le monastere des DeuxJumeaux,i6Jd. 14. Entretient ses communautes dans la fcr- veur , 11 15. Saint Men , 12 16. Sa naissance , ibid. 17. son education , ibid. 18. Passe avec S. Sanson II en Bretagnc, idid. 19. Est depute vers Guerech II, comte de Vennes , 14 20. Lege en chomin cher Caduon , 15 21. Ce comte veutle retenir aupr^sde lui, 18 22. Men obtient de Guerech ce qu'il hii de- man de , 19 23. Va fonder un monastere a Tre-Foss, ibid. 24. Ce monastere devient celebre, 20 25. S. Men fait le pelerinage de Rome , ibid. 26. Saint Mieu , 21 27. S. Wouga aborde a Penmark , et se fi.xe a Treguenec , md. 28.Passe dans uneforet aupres de Lesneven, 22 29. Y meurt saintement, ibid. 30. Saint Hernin , ifilJ. 31. S. Goneri ; sa relrailea Branguilly , ibid. 32. Ses vertus , 23 33. Miracle qu'il opere , ibid. 34. Se transportc a Plougrcscan , 24 35. Y termine ses jours , ibid. 36. S. Efllam et sainte Ilonore , ibid. 37. Leur manage , 25 38. Efllam va se cofmer a Plestin , ibid. 39. Y vit en solitaire , ibid 40. Y convcrtit les infidcles , 26 41. Honore le suit a Plestiii , ibid. 42. y pratique le memo genre de vie, ibid. 43. Va a Lan-Ninnocht, oil elle meurt, iiii/. 44. S. Estin , a qui appartenoit la cabaiie d'Efllam , le visile , 27 txvii| 45. Sainte Argariarguc ou Sainlc Osmane , 27 '(6. Mori de Judual , vers I'an 59t . scs qua- litcs , 28 47. Caracterc de son cpouse , ibi<^- 48. Leurs enfants , 29 49. S. Budoch , eveque de Dul , ibid. 50. Son education aupres de S. Magloire.ifcid. 51. Son d6lachement du monde dans la vie religieuse , ibid. 52. Son pontifical, ibid. 53. Sa mort , vers Ian 600 , ibid- 5't. Cet cveqiio est dilTerent dc S. Budoc de Porz-Poder , 30 55. Hod III succi'de a Judnal , 31 56. Mori dc Hod HI , ibid. 57. Grallon , ibid. 58. Uailon , ibid. 59. Supplicc qu'il vcut inlligcr a quelqu'uii de sa tnaison , ibid. CO. S. Men sollicile en vain sa grice , ibid. CI. Le prisonnicr est delivrc rairaculeusc- inent , 32 62. Chute de Ilailon , ibid. 63. Sa morl , ibid. 64. Arhad , ibid. 65. Docthual , ibid. 66. Saint Colomban , ibid. 67. Son education , ibid. 68. Abandonne sa mere , 33 6'.). Se perfectionne dans la science divine, ibid. 70. Sc fait rcligieux a Bangor , ibid. 71. Arrive dans laGauIe , 34 72. Dans quel elat il y Irouvc la religion , ibid. 73. Fruits de scs [)reJications , ibid. 74. Va Irouvcr Ic roi Childebcrt , ibid. 75. Fonde Ic nionastcrc d'Ancgrai , ibid. 76. En elablil un aulrea Luxcu , 35 77. El un Iroisicme a Fontaines , 36 78. lU'gIc dc S. Colomban , ibid. 79. Ordrc dc Toflicc Divin selon sa regie , 37 80. Son Pcnilcnlid , ibid. 81. Son usage sur la Pique esl dcsapprouvc des evtiques de France , 38 82. Cel abbe est chasse de Luxcu , ibid. 83. Scs miracles ct ses predictions duranl son voyage , 39 81. Sejourne a Nantes , 40 85. SulTronius , cvfique dc Nanlcs , ibid. 86. No donne point de sccours a Saint Co- lomban , 41 87. Cliarit6 et miracles de cc S. abbe , ibid, 88. Sa Icttri' a ses rdigieux do Luxcu , ibid. 89. Le cici n'approuve pas rerabarquemenl dc Colomban , 42 TAIILE DES MATltBKS. 90. Le monastere de Gauglondc fonde par Tun deses disciples , ibid. 91. Potentinen etablil un autre iCoulanccs, 43 92. Accueil que Clotaire 11 fait a S. Colom- ban , ibid. 93. Cet abbe passe a la cour d'Auslrasie , 44 94. Va dans le pays des Sueves pour prccher la foi , 45 95. Se retire a Brcgenti , 46 96. Va en Italic , 47 97. Etablil Ic monastere de Bobio , ibid. 98. Clotaire II Finvile k revcnir dans la Gaulc , 48 99. Meurl i Bobio, I'an 615 , ibid. 100. Ses ccrits , ibid. 101. Sesdcfauls, 49 102. Ses reliques levees dc lerre , ibid. 103. On croit qu'elles ont etc transferees a Lomine , 50 104. Cc sont plut6l celles d"un autre saint du m£mc nora , ibid. 105. S. Leucher , evdque de Dol , 52 106. Samort : translation dc scs reliques, ibid. 107. Tigerinomal , eveque de Dol , ibid. 108. Sonracritc Tavoit elevc a cctte dignite, 55 109. II a pour cleve S. Turicn , ibid. 110. Cejeune homme se fait serf de S. San- son 1 , 56 111. Son education privco , ibid. 112. Scs eludes sous Tigerinomal , ibid. 113. Cc prclal le met a la tele dc son chapi- Ire ct des etudes de ses clcrcs , ibid. 1 14. Conduite dc S. Turicn dans eel cmploi, 57 115. Postcrite du roi Hocl HI , ibid_ 116. Sainte Euricllc , 58 117. Cc que furciil les aulres princesses, i/6i(f. 118. Salomon llsucccdcallod lll,ran612, t'A. 119. Judicael se fait religieux i I'abbayc de Gael , ibid. 120. Vertus qu'il y pratique , 59 121. Cadwalon et Edwin vivenl a la cour de Salomon , ibid. 122. Uctourncnt en Aiiglctcrrc ,ran 615 , 60 123. Mori dc S. Men , vers I'an 617 , ibid. 121. Auslole , son disciple, reconnu saint, 61 125. Mori de Callinitli , I'an 619 , ibid. 126. Armd , eveque d'Alct , 62 127. Corentin II , eveque dc Quimpcr , ibid. 128. A pour disciple S. Menou , 63 129. I.e fail entrer dans la clcricalurc , 64 130. Est nomme a I'cvrchc de Quimficr, apres la morl de Corentin II , page 64 131. S. Martin dc Verlou fail cclatcr le m^me TABLE DES zele danssa vieillesse , ibid. 132. Sa mort, a Durin , versl'anGSi, ibid. 133. Son corps est transporle a Vertou , 65 134. Leobard , eveque de Nantes , 66 135. II assiste au concile de Reims, I'an 625, ib. 136. Principauxreglementsde ce concile, (fiirf. 137. Salomon II repare labbaye de S.-Me- laine ct augmente les revenus , 67 138. Edwin met en fuite Cadwallon , ibid. 139. Etend sa domination sur toute I'Angle- terre , 68 140. Se fait Chretien , ibid. 141. Comment il conduit sessujets, 70 142. Salomon prete , I'an 627 , du secours a Cadwallon , 71 143. Conversion des habitants d'Herbauge, ib. 144. Naissance de S.Amand: son education,i6. 145. Se retire au pays d'Aulnis , 72 146. Entre dans le monastere de rile-dOye,i/&. 147. Y convertit des infideles , 75 148. Son enlrevue avec son pere , ibid. 149. Va au tombeau de S. Martin de Tours,t'i. 150. Sefait clerc, 76 151. Passe a Bourgesoii il se fait reclus, ibid. 152. S'en va en pelerinage J Rome , ibid. 153. Est sacre eveque , ibid. 154. S. Enogaf , eveque d'Alet , ibid. 155. Duriolere, eveque de Rennes , 77 156. Mort de Salomon II, vers I'an 632 , ibid. 157. Predications de S. Amand , 78 158. Est exile par le roi Dagobert , ibid. 139. Est rappele et baptise Sigebert , ibid. 160. Preche I'Evangile a Gand , 79 161. Conversions qu'il y opere , 80 162. Judicael succede a Salomon II , ibid. 163. Ses demeles avec le roi Dagobert , 81 164. Dagobert lui envoie une ambassade vers I'an 636 , 82 163. Judicael va le Irouver a Creil, ibid. 166. Sagesse du Gouvernement de Judicael, 84 167. Sa frugalite , ibid. 168. II fonde I'abbaye de Penpunt, ibid. 169. Saint Elocau , ibid. 170. Saint Leri , 85 171. Maelmon , eveque d'Alet , ibid. 172. Judicael pense a renoncer a la Cou- ronne , 87 173. 11 consulte sur ce sujet , 8 174. II offre sa couronne a Judoc , ibid. 175. Judoc demande du temps pour delib6- HATitREs. xxix rer , 88 176. II s'enfuit hors du royaume , ibid. 177. Charite de Judicael , ibid 178. Rentre, au plus tard, I'an 642 , a S. Jean- de-Gael , 89 179. Judoc se retire dans le Ponlhieu , ibid. 180. Se fixe chez le due Haimon , 91 181. Est promu a la pretrise et fait cure de la chapelle de Haimon , ibid. 182. Se fait reclus a Brahic , ibid. 183. Sa charite envers les pauvres , 92 184. Serapius, eveque dcNanles, ibid. 185. II depute au concile de Chalons , vers I'an 630 , ainsi que Duriotere , 93 186. Canons de ce concile , ibid. 187. S. Menou va en pelerinage a Rome , 94 188. Meurt a Mailly , '*' Deas , ibid- 75. L'6glisc de Deas est ouverlc un an aux personnes du sexc, 313 70. Lc monastere el la paroisse de Deas pren- nenl lc nom de saint Filbert , ibid: 11. Lieu de sa naissancc el sa famillc , ibii- 78 Sa vie a la cour de Dagobert 1 , 314 79. Se fait religicux a Rebais , ibid. 80. 11 en devicnt abbe , ibid. 81 . Persecution qu'il y essuic , 315 82. U abdique sa dignite , ibid. 83. 154111 lc monastere dc Jumiegcs , ibid. 84. Elcclui de Pavilly, 316 85. II lAcbc dc convcrtir Ebroin , ibid. 86. Ebroin lc calomnie el lc fait mellre en prison, ^^"^ T4BLE DES 87. Son innocence est reconnue , 317 88. Se retire a Poitiers , ibid. 89. II bitit le monaslere de Nermoutier, 318 90. Et celui de Quincai , ibid. 91. Filbert reprend le gouvernemenl du mo- naslere de Jumieges , ibid. 92. Retourne a Nermoutier , ibid. 93. Y termine ses jours ^ 319 94. Le corps de S. Vital transfer^ k Deas, ibid. 93. Ravage des Normans en Basse-Breta- gne, 96. Jarnuvalt , eveque d'Alet, 97. Gerfroi meurt k Glanfeuil , 98. Ratuili se fait religieus ci Redon , 99. Comment il se prepare a la mort , ibid. 320 ibid. 321 ibid. 100. Plusieurs seigneurs se font moines a Re- don , ibid. 101. Jamuithin , religieux a Redon , ibid. 102. Fidweten y est recu , 322 103. Son credit aupres de Dieu , 323 lOi. Sa maladie, ibid. 103. Sa mort, ibid. 106. Conhoiarn , ibid. 107. Miracle qu'il opere , 324 108. Sa mort , ibid. 109.Tethwiu, ibid. liO.Condelu, 325 lii.Riowen, ibid. 112. Uloc conjure la perte des moines de Re- don , 327 1 13. 11 en est detourne par un miracle , ibid. 114. Exaction que Hinganl exerce sur les re- ligieux de Redon , 328 115 Convoion rend la justice dans les terres de son monaslere , ibid. 116. Riswelen lui dispute la propriete de quel- ques-unes , 329 117.Tredocjurela perte de Conwoioneldeses religieux , ibid. 118. Conwoion guerit un aveugle , 330 119. An de J.-C. 840. Maladie de Louis-le- Debonnaire , 331 120. Sa mort , ibid. 121. Son caractere , 332 122. Guerre civile entre les enfants de Louis- le-Debonnaire , ibid. 1*23. Nominoe reconnott Charles-le-Chauve pour souverain , ibid. 124. An de J.-C. 841 . Bataille de Fontenay, 333 125. Lambert II brigue sans sucies le corate de Nantes , ibid. 126. An de J.-C. 843. Nominoe le lui accor- de , 334 127. Erispo^ Latin par le comtc Renaud , ibid. MATIERES. IXIV 1 28 • Renaud defait et lue par Lambert , 334 !29. Nominoe s'arroge le litre de roi , ibid. 130. Lambert prend possession de Nantes, 335 131. Les Nantois le chassent , ibid. 132. Mahen , eveque d'Alet , ibid. 133. Wnar , evSque de Renncs , 336 134. II assisle au concile de Germigni , ibid. 135. Les Normans a Nantes, ibid. 136. Martyre de Gonhard el de plusieurs aulres. Sac de Nantes , 337 137. lis sont mis au nombre des saints, 339 138. Leurs reliques portees dans la suite a Creleil, ibid. 139. Les religieux de Vertou se relirent a Saint-Jouin avec le corps de saint Mar- tin , 340 140. Les Normans brtllent I'abbave d'.Ain- dre , ' 341 141. Et celle de Deas , 342 142. lis se battent pour le partage du bulin , ib. 143. lis ranconnent la plupart de leurs cap- tifs , ibid. 144. Ravagent Bordeaux et la Saintonge, ib. 145. Nomiuo6 s'empare d'une parlie du diocese de Rennes , 343 146. Susan , eveque de Vennes , ibid. 147. Lambert renlre dans son gouverne- menl , 344 148. Emplois qu'il donne en propriete , ibid. 149. Susan reconcile I'eglise de Nantes , 345 150. Charles leChauve fait tenir un concile a Loire , ibid. 151. Canons de ce Concile, ibid. 132. Premiere expedition de Charles le-Chauve en Brelagne , 3i6 133. An de J.-C. 844. Nominoe et Lambert ra- vagent le Maine et I'Anjou , ibid. 154. Incursion de Nominoe sur les terres de France , 347 155. II braiele monaslere de Glonne , ibid. 156. Seconde expedition de Charles-le-Chauve en Brelagne , ibid. 1 57. Bataille de Ballon . ibid. 158. Fuite de Charles-le-Chauve, 348 159. Deroute et fuite de son armee , ibid. 160. Vers I'an de J.-C. 845. Mort de Benoil de Masserac , ibid. 161. Est mis au nombre des saints , 349 162.Actard, eveque de Nanles, ibid. 163. Son entree en celle ville, 350 164. An de J.-C. 846. Differend de Lambert avec les Nantois , ibid. 165. Actard apporte des plaintes centre lui an Toi Charles , ibid. XXXfi TADLE DES 166. Nominoc deslituo L.imbcrt , 330 167. An tie J.- C. 8i7. Ravages des Normans en Brelagnc , 351 168. Ambassade resolue h Mcrsen vers Nomi- nee , ibid. 1G9. II traitc avcc les deputes dc Charles-le- Chauvc , ibid. 170. 11 projette de se faire sacrcr roi do Bre- lagnc , 352 171. Les cvdques de Brelagnc accuses de si- monic , ibid. 172. Assemblec de Redon lenue centre eux,t6. 173. Susan el Felix deputes a Rome , 353 17i. Leltrc synodale des eviiques au pape,t6id. 175. Conwoion depute h Rome parNominoe.ifi. 176. Reception des deputes des evfiques de Brctagne , 354 177. lis sont renvojes sur les lieux pour y 6lre juges , ibid. 178. Lcttre de Leon IV aux eveques de Bre- lagnc, ibid. 179. Ellc est conforme aux canons, 355 180. Sa reponse aux questions particuli6res des eviques , ibid. 181. Sa leltrc a Nominoc , 356 182. An de J.- C. 848. Translation des rcliqucs de sainl Marcellin en I'eglise dc Redon , 356 183. Eveques qui siegeoient alors 5 Dol , A Renncsct a Alet , ibid. I8't. Deposition des eveques de Vennes , de Quimpcr , de Leon el de Dol , 358 185. Eveques qui les remplaccnt , 339 186. Les cvfiques deposes se retirent en France , 360 187. Les moiiaslercs dc Saint-Brieuc cl dc Treguer eriges en evechcs , ibid. 188. Dol crigd en melropole , ibid. 189. Norainoe sacrc roi dc Brelagnc , 362 190. .\clard dc Nantes est depose , 363 191.('iislardlui est subrogc , ibid. 192. Lambert se reconcilic avec Nominoc, ifrid. 193. Actard se retire a Tours , ibid. 194. Leltrc du papc 2. Mort de Hoel , comte dc Nantes, ibid. 1U:).Esl inhume i Nantes , 572 16i. Guorech lui succede , ibid. 163. Nc se fait point sacrcr , • ibid. 166. Usage qu'il fait dcs bicns de rev(;clie,tii(/. 167. Se marie, ibid. 168. Guerre qu'il fait a Conan , 573 169. An de J.-C. 987. Sa mort , 574 170. Vers Tan de J -C. 988. Le monasterc de Lchon soumis a I'abbaye de Saint Slagloire de Paris , 575 171. Son ctat llorissant, 376 172. 1'lQoul , cvfiquc d'Aiel, ibid. 173. Judicaiil tient en coramendc rcveche de Nantes, ibid. 17'f.An de J.C. 990. Conun se rend mailre dc Nanlos , 577 173. lU'lique qu'on decouvre au lioufut , ibid. 176. EUe est de saint Paul Aurclien , 578 177. Hugo, cvfique dc Nantes , ibid. 178. Main , cveque dc Dol , ibid. 179. Doolbald , evi^que de Reunes , ibid- 180. Caloranie donl on le charge , ibid. ISl.Orat, dvc^quedo Quiraper , 579 182. Torres que Conan donne au Mont-Saint- Miclici , ibid. 183. Les ncuf evequcs dc Bretagiiu temoins de ccllc donation , 580 184. L'abbayc de Saint-Pair unie a celle dc Mont-Saint-Micliel , 581 ISo. Au dc J.-C. 992. Conan defait par Foul- ques Nerra , ibid. 186. Sa mort, 582 187. Esl inhume au Mont-Sainl Miihd , ibid. 188. Foulques prend possession de Nantes, 583 189. Privilege accordc a Bourgueil , ibid. 190. Ilcrve, evi-que dc Nantes , ibid. 191. Postcrile dc Conan , ibid. 192. An lie J.-C. 993. Hommn?e du comic de TABLE DES U.VKtUES. Nantes rendu au due Geoffroy , 583 193. An dc J.-C. 996. Alliance de G6olTroy avcc Ilavoisc, et de Richard II. avcc Ju- dit , ibid. 194. An de J.-C. 999. Uolan, evfique de Dol, 584 193. Anniversaires fondcs par le due G6of- froy , 584 196. Raoul , de Dol , cv6que de Bayeux , 585 UEM.IRQLF.S IMRTICULIERES. 197. Les Alains n'ont point porte Icur nom en Brcl.igne , 583 198. Ce que signiGoit le nom d' Alain pris par quelques Bretons , 588 199. Cc nom n'(5toit donn6 qu'i des personnes qualifiees , ibid. 200. Quelle en eloit la raison , 589 201. Pourquoi des evcques, des abbes, des viergcs unl-ils pris des noms qui paroisscnl contraires a Ihuraanite chretienne , 590 202. Ilsavoient d'autres norasauparavant, 392 203.Leurs nouvcaux noms equivaloienlaccux qu'on a ompruntes des sainli , ibid. 204. Pcrpeluite de la noblesse brclonne , 393 203. Les nobles n'avoient point encore de noms de families,, 397 206. On les distinguoit du peupie par leurs noms , ibid. 207. Leurs noms les dislingiioient quelquefois entreux , ibid. 208. Les noms des grands partuut les ?n^- mes . 598 III. 209. Le clergc , premier ordre dc I'Elal , 998 210. Tiers-olat , 600 601 211. Les bencliies con\crtis en Ijefs , 212. Quand el comment ce changement cs' arriv6 , 605 213. Urigine des justices privees , 607 il4. Les revcnus de I'Eglisc parlages en qua- tre portions , 612 TABLE SIS.Ordres qu'on suivoit dans les retributions a faire aux clercs , ibid. 216. Fonds de TEglise donnes en b6nelice, 613 217. Quels fonds on pouvoit donner en bene- fice , ibid. 218. A qui on les conferoit et a quelles condi- tions , ibid. 219. Benefices que I'eveque pouvoit revoquer ou non, 614 220. Soin qu'on avoit des benefices , 615 221. Dime ecclesiastique d'abord volontai- re , ibid. 222. Passe en ioi , 616 223. Dimes des paroisses de la carapagne at- tachees aux eglises baptisraales , 618 224. Emploi des dimes , 619 225. Comptes que les cures en rendoient a I'eveque , 620 226. Ce qu'etoit le Mansus des Cures , 621 227. Clercs r6unis en communaute sous le nom de chanoinct , ibid. 228. Ce qu'etoient ces communautes , 622 229. Ces communautes cloitrees , 623 230. Ce que les cbanoines retiroient de leurs communautes , 624 231. Des cures leur sont confiees , ibid. UES MTTliRliS. Xliij 232. Leurs communautes dotees au neuvieme siecle , 612 233. Eglises paroissiales donnees a des ab- bayes , 623 234. Fonds de I'Eglise attaches aux pauvres, ib. 235. Motifs du changement introduit dans le partage des biens de I'Eglise , 626 236. La nature des biens de I'Eglise reste la raeme , 627 VIII. 237. Autorit^ des eveques sur les religieux,627 238. Droits des eveques dans I'election des abbes , 628 239. Ceus qu'ils avoient sur les biens des monasteres , ibid. 240. Exemptions qu'ils accordent , 629 241. Biens des eglises envahis par lesla'iques, 630 242. Pourquoi les deux puissances accordent des privileges aux monasteres , 639 243. Comment et pourquoi les biens de I'eglise ont tomb6 entre les mains des laiques , ibid. 2i4. Etat des lettres en Bretagne depuis le vi" siecle jusqu'au x ' , 640 FiiK DE Li Table. HISTOIRE ECCLESIASTIQUE DE BRETAGNE. INTRODUCTION, OU L'ON TRAITE DE LA RELIGION, DD GOXTVERHEMENT , DES MCCURS ET DE8 USAGES DES BRETONS , DEPUIS LEUK ETABLISSEMENT EN BRETAGNE , JUSQU'aU TEMPS OXJ ILS EMBRASSEEENT LE CHRISTIANISME. CommutaTerulit Teritatem Dei in mendacium : et coluerunt el scrvie- runt Creaturse potiCls quSim Creatori qui esl bcnediclus in secula. Horn. c. I. -(r. 25. AVANT-PROPOS. 1. Pour se metlie a porlee de composer une hisloire d'une maniere satisfaisante , iJ faut non-seulement en connoitre le fond , mais encore tout ce qui a des rapports necessaires avec elle. Sous ce point de vue , qui rapprocbe les parties a proportion du besoin qu'on en a , et qui les place comme elles ont existe , celui qui met la plume a la main doit , en expo- sant des fails , aller jusqu'a la source. Ce ne sont plus de simples de- tails qui n'ont aucune liaison entr'eux. Si les evenemens se presentent aux lecteurs, c'est pour decouvrir la connexion qu'ils ont les uns avec les autres. On saisit alors I'enchainement qu'ils ont avec 1' esprit et le coeur humain. 2. Si ces principes, qui flallent I'homme naturellement grand et avide de s'instruire du passe , pour mettre a profit et les vertus et les faules de ceux qui I'ont devance , conviennent a I'histoire en general , ils sont 1 2 IIISTOIRE ECCLliSIASTIQUE. bien plus propres a celle de I'Eglise. Les tc'nebres dc rcrreur el de la siipers- lilion sc soul rc'pamlucs sur la plus grande parlie dc I'univcrs. Si la Bre- taguo , plus ftrnie que tant d'aulres, a coiubattu long-lemps ccs mons- tres , elle en a ete a la fin terrassee. La veritable oiigine de ses egare- niens sur la (livinilo et les homniages qui lui sont dus , est encore un problerae. Sa solution douneroit de grandes lumieres. La foi chrc'tienne ne connoit a la verite d'autres dogmcs que ceux que Dieu , toujours iufiuiment cclaire et au-dessus de loute erieur , a daigne reveler. Toujours pure dans ses ma?urs , la religion de Jc'sus-Cbrist sait ecarter tout ce qui seroit capable de les allerer. Guidee sans cesse par rEspril-SaiiU , I'Eglise calholiciuc n'admet dans le culte exterieur et dans ses ceremonies augusles , que ce qui pent conduire a Dieu. !\Iais qu'il ctoit a craindrc que les Bretons ncopliytcs , scmblables a Aclian qui avoil reserve quekpie chose de Jericho , ne reliussent quel- ques-uns de leurs anciens usages contre la volonte dn Tres-IIaut ! Les prejuges que Ton a recus de ses ancetres ; leur niauiere de penser et d'agir sur laquelle on s'est niodele ; les rils el lescoulumes qu'ils nous onl transmis el que riiabiUule a rcudos rcspeotables , forinent une espcce de nouvclle nature a laquelle la religion s'oppose souvent sans fruit. Ses impressions, toujours "sives et souvent presentees, subjuguent riiomme presque malgre lui. L' experience de tous les siecles ne confirme que trop une verite si humiliante. 11 est done du moins trcs-utile de savoir quels ctoient la religion , les mncurs et les usages des Bretons , avant qu'ils eusscnt cmbrasse le chris- tiauisme. I'ar la nous verrons en ([uoi ils s'en rapprochoient ou s'en eloi- gnoient. jNous ne pourrons ignorer ce qu'ils ont tente d'y porter avec eux. Le conlrasle des deux religions serviraenfin a nous faire connoilre de quels niaux nous sommes delivres. Pour rcmplir un objel aussi inU'ressant , il faudroit des lumieres plus etenducs (jue les notres et un pinccau plus habilement nianie. Puisse le desir de servir la religion et la patrie , suppleer a ce qui nous manque d'aillcurs I Commencons. 3. Nous considererons les Bretons sous deux epoques differentes. La premiere conlicndra ce que ces peuples ont ete durant le temps qu'ils out forme cntr'eux une socictc librc et indcpendante. La scconde rcnfer- mera les changemens qui leur soul arrives depuis que Jules -Cesar les sounait aux Romains, jusqu'a ce moment fortune oil ils embrasserent la religion chrttienne. Ce (jui partagera notre introduction en deux livres. INTRODDCTIOIf. LIVRE PREMIER. 4. Ce que nous appelons Rrelagne n'a pastoujours porte ce nom. On I'appeloit autrefois Ar-Mor-Rich. Ces termes sont pris dans la langue celtique , que les Bretons parloient dans les premiers temps. lis signifient jnoi'ince ou rojaume maritime (i). C'etoit une denomination generiqueque Ton donna a toutes les cotes occidentales de ce -vaste pays que nous con- noissons sous le nom de Gaules. Ceux qui peuplerent ces contrees furent designes par cette raison sousle nom general d'Armoriques (2), c'est-a-dire , d'habitans des cotes de la mer. Nous ne les ajipellerons point autrement par la suite. 5. L'Armorique renfermoit plusieurs peuples dans son seir». hesReeh- nes , les Namneies , les Diahlintes , les Curiosolites , les Veneti et les Osis- mii occupoient notre Bretagne. II s'agit de reconnoitre le lieu ou cliacun de ces peuples etoit place. 6. La ville principale des Redones (3) s'appeloit Condate. C'est un terme celtique , qui ne se rend pas , a proprement parler , pax celui de confluent , comme I'a pense le savant M. de Valois , mais par celui de pointe. Ce que les Gaulois exprimoient par conk , etoit le cuneus des Latins ; et il designoit un angle de terre forme par I'union de deux rivieres. La position de Condate , a I'endroit ou la Vilaine recoit la petite riviere -de Ylsle (4), fait connoitre I'origine de son nom. Cesldu mot Condate qu'on a fait ce que nous nommons aujourd'hui Conde , c6ne (5). Nous remarquerons aussi en meme temps que de coidi sont derives les noms de Conquet et de Concarneau , deux petits ports de mer , dont le premier est (1) Les etymologies que nous rapporlons rcur, et de don, excellent. On sail que les dans cct ouvrage sont tirecs des dictionnaires Gaulois s'exercoient beaucoup k la course. celtiques de Dom Pelletier et dc M. Bullet. Elle Icur fut d'abord d'une grande utilite pour (2) Nous croyons , avec M. Cordemoy et donner la chasse aux betes et se sauvcrdc d'autres bons auteurs , qu'il est plus exact de leurs dents mcurtricrcs. Elle flt ensuite parlie dire Armoriqucs qii'Armoricains , avec les der- du metier de la guerre. niers historiens de Bretagne et M. I'abbe des (4) Le nom d'Isle vient d't* , riviere , el de Fontaines. Nous ne formons en ain que les le onlay , petit ;cequ\\cui(iire petite riviere. noms latins qui se terminent en amis. Les (^)Lc Icrmc Condole \knlde conk , pointe; roms en icus , du nombre desquels est Armo- de da , riviere , et de tc , habitation ; cc qui se ricus , se changent en ique. rend par habitation oil deux rividrcs formcnt (3) LesRedonts lirentleurnom dc red, cou- un angle par leur union. 4 UISTOIRE ECCLliSIASTIQUE. sur la poinle la plus occidenlale du diocese de Leon , vis-a-vis I'ile d'Oues- sant ; et le second , sur uue petite pointe , a peu prcs a rextremite de Coniouailles. 7. Le teniloire dcs Rcdoncs ctoit borne vers Torient par les Diablintcs , coiume nous aurons occasion de le voir. 8. 9. Selon riliueraired'Antonin, lesconfins dcs 7?emc que celle de Condale ; il vient de conk , nes, voisine du Coesnonct duruisspauIaMi- jwi'ife; dc di , riviere , ci dc wic , habita- ned. Ce canton tire son nom dc sa position. ''O"- Ro , au-destut;ma, la,-si , rieiire: lieu au- (I) Le lerme /Irirf ou Erdre \\enl d'arvon , dcssus de la riviere. Lc (ermc Mined tsl pris ^j, ^ ^ , riviere , et de dreui , scniir mauvait : Atmin , fteiHe, d A'cd. ririf re. ]-Ad(lition de I'Erdre est extrt^mcment buucuse. Deric, publiec un an plus (ard, 'd la Gn deson tome 2. a.V. (o) Nolitia Galliar. INTRODUCTION. 7 r£mpire', qu'elle met dans rAnmoriquc , €st le m^me que Namnetas ; et quie Mawialius doit etre corrige par Namnetas. 22. Le cours de la Loire (Z^/ge/) servoit de limites a rarrondissement des Namnetes. C'est dans toute k force des termes que Slrabon a avance que cette riviere coule entre les Pictones et les Namnetes (i). Aussi le pays de Raits, qui est a la gauche de la Loire , etoit-il autrefois de la depen- daiice des Pictavi. II fut consequemment d'abord du diocese de Poitiers et de I'Aquitaine seconde. Gregoire de Tours I'assure posilivement (2). Les lettres de Louis le Debonnaire de I'an 83g , font foi que I'eglise de Saint- Viau en Raits faisoit partie du Poitou. 23. Le pays de Raits avoit pris sa denomination d'une ancienne ville qu'ou appeloit Ratiate (3). Elle etoit si considerable qu'elle jouissoit de la dignile de civitas , et qu'Adelpliius , eveque de Poitiers , prend , dans sa souscription au premier concile d'Orleans tenu I'an 5i i , le nom d'e- \eque de cette ville. 24- Sous nos rois de la premiere race , on frappoit a Ratiate des mon- noiesaleur coin. Le Blanc donne le dessin d'une de ced monnoies sur laquelle on voit la tete d'un jeune prince ceinte d'un double rang de perles , avec le nom de Ratiate. Au revers paroit une croix et le nom du monetaire : Teodirico monetario. aS. II n'est pas facile de fixer d'une maniere certaine le lieu qu'occupoit Ratiate. Cette ville fut devaste'e par les Normands et reduite en solitude , selon la Chronique de Nantes. II paroit cependant que sa position etoit celle de Saint-Pierre et de Sainte-Opportune de Raits, dont il est parle dans un titre de Marmoutier du neuvieme siecle. II y avoit encore alors un chateau tout aupres. 26. Le pays de Raits ne fut incorpore au Nantois que par la cession qu en fit Charles le Chauve a Erispoe , fils de Nominoe. 27. 28.Herbauge(4), qui etoit une portion du pays de Raits, etoit egale- ment separe du territoire des Namnetes. Gregoire de Tours dit expresse- ment que ce district etoit du Poitou (5). II avoit pour chef-lieu une ville nommee Herbadilla ou IJerbedila (6) , qui , si Ton en croit differentes le- (1) Les Picloncs sont encore appeles Pictavi, (3) Ratiate tire son elymologie de rascia , Piatvi. Le nom de Pictones est composd de aqualique, et de te , habitation. pice, dard, javelol; de teo, gros , et d'on , (i) Herbauge vient dVr, cau , et de bang, hommes : hommcs qui se servent de gros jave- habitation. lots. Les'termcsPtictat't etPw(vi«igiiiQent la (5) De Glor. Martyr, lib. 1. c. 90. mime chose: vys, hommes. (6) Le nom d' Herbadilla est forme dVr , (2) Lib. dc Glor. Confess, c. 54. eaw; de bad , nacelle , et d'il contrce •■ pays 8 HISTOIRE ECCLliSIASTIQUE. geiidcs, ful abimce en 58o, eii punilion des crimes de ses liabilans. C'esl la que Ton voit le lac de Grand-Lieu , donl la circonference est d'emi- ron dix lieues. Ses eaux sont noiiatres et houibeuses. Elles sont entrete- iiues par la cliule de trois petiles rivieres, savoir , la Logue ,1a Boulo- gne el le Logon. iJoni Mabillon rapporte (i), d'aprcs le tc'moiguage des babilaus de la paroisse de Grand-Lieu , que , luenio de son temps , on tiroit encore de ce lac des restes d'auciens edifices , du bois de cbarpenle , H differentes es- peces d'uslensiles. Ce qui suppose la realite de la submersion de cette \ille. On dit que, du temps de saint Amand , eveque de Maslricht , qui avoit pris naissance a Ilcrbauge , on Aovoit encore quelcjues toils des niaisons. On lit dans la vie de S. Pbilbcil, que le monastere de Deas , raainteuaot Saiiil-I'bilbert de Grand-Lieu , t'loit situe in telluiv Hei-bidiUca. Le pays d'Herbauge etoit anciennement un comle. Rainaud, qui en uloit possesseur en 843 , ful tue celte raeme annee par Lambert , comle de IN'antes (a). ag. Le territoire de Condmcnum s'etendoit du cote de Condale des Rcdones au-dela de ses bornes actuelles. 11 s'avancoit jusqu'a la petite riviere de Sevre, qui se rend dans la Vilaine. Ce qu'on appcUe aujour- d'bui la paroisse de Messac, acluellement depcndante de Rennes , ressor- lissoit de Condivicnum. En effct , laCbronicjue de Sainl-Brieuc portepositive- uieut que Messac faisoit encore , au neuvieme siecle , parlie du territoire de Nantes (3). On y voit aussi que Gislard , installe par Nominoe sur le siege de Nantes , a la place d'Actard , et qui s'etoit maintenu , apres la niort de ce roi , dans une parlie de ce diocese , etendoit sa juridiction dcpuis I'Erdre jusqu'a la Vilaine et la Sevre. Sench , terme cellique , d'ou a pu dc'iiver le nom de Sevre , se rend par chan^cmcnt : ce tpu exprimeroil Ires-bien que les deux rives de celte riviere ne dt'pendoient pas du meme peuple. 3o. Le plus ancien bislorien qui ait parle des Diablintes , est Jules-Cesar. Pliue Second les nommc Diablindi. Outre ces deux noms , on leur connoit encore cenx de Dia'iUliv , DiauUuc , Dinblinti , Diablintes , Diaplintcs , Dcablites el Dcabliti (,j). 3i. Comme Cesar place \es Diablintes entre les Morini , qui occupoient oil il y a dct caux qui portent des nacelles. (3) D. Morice, P. justitk. de I'llist. de (l)ActaSS. Ord.S.Bciica. t. 1. Bret. t. 1. (2) Chronic. Adcm. I. 2. Bibliolh. Labb. , (4) La Diablintes onl pris Icur nomde dia, ce INTRODCCTIOHr. Q ce que nous appelons les dioceses de Boulogne , de Saint-Omer et d'l- pre, et les Menapii situes sur le Rhin , on se persuaderoit aisement qu'il faudroit les chercher clxez les Beiges. Ce seroit neanmoins les eloigner beaucoup du lieu qu'ils habitoient. Pline les range dans la Lyonnoise, a la suite des Cariosuelites , et avant les Redones. C'est la aussi leur vei-ita- ble position. 32. La \ille principale des /)/rt/V///^6'j- s'appeloit Noedunurn , suivant Pto- leraee. La Notice des provinces de la Gaule en fait mention sous le noni de civitas Diablintum. 33. Sanson a cru retrouver cette \ille dans Nogent-le-Rotrou (i). Les Julerci , nom comniun aux Diahlintes et a d'autres peuples, ne faisoient, selon lui , dans les premiers temps , qu'une meme nation , qui fut parla- gee dans la suite en trois cites , savoir : les Aulerci Cenoniani , les Aiderci Diahlintes et les Aulerci Eburovices. Les Cenomani enxenX. le Maine en par- tage , et les Ehurovices le canton d'Evreux. Les Diahlintes , ajoute-t-il , dureut avoir pour leur portion le pays entre le Maine et Evreux , a qui Ton donna le nom de Perclie. M. de Valois a comliattu ce systeme avec succes. II pretend entr'autres que ces trois peuples out ete distingues de tout temps , et par leur nom et par leur territoire : il croit qu'ils n'ont jamais rien eu de commun que le prenom di Aulerci; il soutient que si Ton faisoit voisins les uns des autres lous ceux qui s'appeloient Aulerci , il faudroit rendre limilrophes de ces trois nations des peuples qui en ctoient Ires-eloignes. 34. D'Argentre place Noedunum a Chateauneuf (2}. 11 ne nous en donne pas la raison. Nous aliens tacber de la decouvrir. Dans un acte de i382 (3), Chateauneuf s'appelle Castrum novum de Noa. Le terme Noa, dont on a fait Noue et Noe , se trouve dans le celtique etle grec , et veutdire eau , Jhntaine; ce qui convient assez a Cbateauneuf , qui est situe dans un lieu aqualique et voisin de la mare Saint-Coalman. Le mot jVoc , qui fait partie de la capitale des Diahlintes , seroit tire de Non. Mais , pour ren- dre certain le succes d'une pareille etymologic , la vraisemblance ne suffit pas ; il faut c|ue tout concoure a I'assurer. L'origine dn bourg de jiarlicule augmentative, et de 6ciin , fori: embouchure , et de ti, habilation. Le surnom Diablhilcs , Ircs-forU. de Rotrou est pris dc Rolrou I. ou de Rotrou (I) Nogcnt-lc-Rotrou {Novigenlum) est si- 11. , comte du Perche. tue sur le penchant d'une monlagne , a la ^^^ jjj^j^.^^ ^^ Bretagne. chiUe d'une petite riviere quise dccliargedans riluigne. C'est de sa position qu'il tiro son (3) ^- Lobineau. Trcuvcs justidc. de I'hist. nom ; il vientdc (laowou nou,pcnte; dc gen, ^'^ Bret. to HISTOIRE ECCL^SIASTIQUE. Chateauneuf ne remonte pas a un grand nombre de siecles : on n'y a Irou- ve aucun iiKnimncnt ancien. 35. C'est a M. I'abbe le Ba'uf , ce jiulicieux et infaligableanti([uaire, que nous soinnies redeval)les de la dtcouveite de I'einplacenient veritable de Nocdiiniun. Des adcs du nioyen age le font reconnoitre dansle Maine, sous le nom de Diablintcs. Dans le testament de Ik'rlcliran , I'veque du Mans, du sixieme des calendes d'avril, c'est-a-dire , du vingt-seplieme de mars , en la trente-deuxieme annee du regne de Clotaire II , fpii rcpond a I'an 6iG de noire ere vulgaire, on lit oppidutn Diablintis. Ce nom , com- me la plupart des autres , a du sonffrir de I'alteration par la succession des siecles. 11 sen sera forme celui de IJiiiblcut , Jablcnt et enfin Ju- blaiiis. Aussi trouve-t-ou Jubletit dans un acte de I'evcupie Ilildebert , qui , apres avoir siege au Mans, fut transfere a Tours, en laaS. La Table de Peutinger , dressee sous I'empire de Theodose le Grand , trace une voie romaine (jui conduisoit d'^ra-gcuus (IJayeux) a Subdi- inun (le Mans), en passant par A'lidioitnum , ville capitale de peuple. Cette ville , .\udioiunim , est visiblement la Xoedimum , cluf-lieu des Dia- hlintes , dont parle Ptolemee. En suivant la direction de la Table , et les distances itineraires, la voie devoit passer par Jublains , ct de la au Mans. .Tublains a perdu sa premiere splendeur. Cette ville n'est plus qu'un bourg : il est compris maintenant dans le doyenne d'Kvron , ct se voit a deux lieues de Mayenne. On y a trouve plusieurs moimmens d'anlicjuite. On y apercoit encore les debris d'un ancien edifice qu'on assure etre du temps des Romains. L'enceinte de cette ville, dont on remarque memede nos jours des vestiges sensibles , etoit de forme carrce. Situt'e sur un terrain uni , elle a etc redevable du nom de dmuim a rt'U'vation de ses remparls (i). 36. 37 . Les Diabliiites avoient pour voisins les Sail ou Sngii , dont le n. )in se trouve dans la INoticc des provinces de la Gaule ; ceux-ci babitoient ce(pu forme aujourd'bui le diocese de Sees. Les Diablintcs ]o\^no\eQ\. aussi les Cenomani, dont le district s'etendoit a une petite panic de ce qui compose maintenant lo Maine. Les .-livii (1) leuretoient egalemcnt limilro- (t) iVoedunum a pris son nom dc noc ,has- temps des Romains .clcen'estqucsous ccrap- tin rcmfU d'tau , cl de dunum , ilevalion. On port qu'on les a appeUs bains de Char. y avoit pratique des bains dont il reste encore ^o) Les Ariii tiroicnt leur nom dar , «Hr; quelqucs morccaui : ils devoicnt etre aussi an- ^j^ ^^,. ^ ^.^,.^^^ ^ ^^ ^.- ^ conlrh. ciens que cctle ville ; on a pu les embcUir du INTRODUCTIOIT. 1 t plies. La position de ce peuple inconnu jusqu'au dernier siecle, aete de- couverte en i']5j , par le celebre M. d'Anville. Vagoritum (i) , capitale de cette nation , se retrouve sous le nom de cite d'Erve ou d'Arve , quelle conserve de nos jours , sur le bord de la riviere d'Herve , appelee Jiva dans les anciens litres , et qui se rend dans la Sarte , pres de Sable. Va- goritum dominoit effectivement sur cette riviere. Ptolemee est le seul ecrivain qui fasse mention des Arm. II les place dans la Lyonnoise a la suite des Diaiditce ou Diabhntes. 38. Les Diablinles touchoient les Ahriiicatui cites par Pline, lesquels habitoient I'Avrancliin. De la ils revenoient jusqu'a Fins des Redones , dont nous avons parle ci-dessus. lis tenoient dans ce canton ce qui fait , a propreraent parler, I'arrondissement de Dol, et ils confaioient aux Ciirio- solites. Le pagus aletensis , que Ton norame a present Clos^Pou-let , et autrefois Plou-alet , terminoit le ressoit des Dioblintes. 3g. Le terrain que les Diablintes occuperent au commencement , fut de peu d'etendiie. II ne contenoit d'abord que Jublains et ses environs. On donna a ce district le nom celtique de Meyland , c'est-a-dire , de canton sitae au milieu d'un etat. C'est de la qu'est venue dans la suite la deno- mination laline Meduana , et cede que tout le monde connoit par le ternie Majenne , que conserve la ville de ce nom. Les Diablintes , dont le nombre s'accroissoit peu a peu , se trouverent resserres par les Cenomani et les Arvii. Ils fiirent obliges d'avancer vers I'occident. 4o. 4i • D'Erne , qui a pris son nom de la riviere qui I'arrose (a) , les Dia- blintes se repandirent entre la Normandie et le terrain qui fait partie du district de Fougeres. Le Coesnon et TOisance , qui coulent dans la vallee voisine d'Antrain , fu'ent appeler ainsi cette ville (3). !\i. Le terrain de ces deux rivieres, en continuant la route vers I'occi- dent, porta le nom de T'/n , qui veut dire outre, et par la suite celui de Trans. Ce qu'on reconnoit encore de nos jours dans la paroisse qui a retenu cette denomination. 43. Bienlot les Diablintes passerent dans le pays qu'on nomme Dol. [i) Wa,rk\,ere ; gor, au-dessus; x,conlree ; amn , riviere, en les faisanlprcccder dei'ar- lon , ville : ville d'unc conlrie qui domine sur tide an; ce qui veut dire : rivieres qui cou- nne riviere. lenlle Inng d'un vallon. (2) Erne paroit tire denaos, rivitrc. [On pcut encore faire venir le nom A'An- (3) Le nom d'Antrain est compose de deux train , d'an, aupri:s , et de tren , riviere.'] — mots ccltiques, Iraoun , bas , inferieur , et Addition de I'crraia. a. V. la niSTOIRE ECCLESIASTIQLT. I.eiir nom y a subsistc l)ien des siecles. Dans iino notice de la Gaule quAiidrc Duchesne a decouverle , la cilt- des /JidO/inlcs est appclee Ca- rifes. I'ne autre notice et la Chronique de Robert , moine d'Auxerre , la nomment Adiila. Carifes se reti'ouve encore dans Carfeunlen. Ces deux nonis, qui sontles niemes dans I'idee qu'ils doivent offrir a I'esprit , sont tires de deux mots cclliques , kaer et fcnnteun , qui veulcnt dire : xnlle oil il J a tics sources iVcau vh'e. Telle est aujourd'luii la paroisse de Car- fenten, qui cloit autrefois un faubourg de Dol. Quoique ces notices soient posterieures a I'age romain , et qu'on puisse les regarder comme interpolees , il est certain que ceux qui y ont inserele nom de Carifes , etoient persuades que le territoire de Dol avoit fait dti moins parlie de celui des Didhlintes. C'cst tout ce qu'ils devoient avancer. Les faits et la tradition auroient ete conformes les uns aux autres. 44- Le nom de Diaulitcc, que portoient les Diahlintes , est fort analo- gue a celui de Diaul, mot celtique qui se rend par le terme Diable. Nous sommes garants que , dans le trcizieme siocle , il y avoit encore aux en- virons de Dol une famille qui s'appeloit Diable, dont quelqu'un avoit des possessions dans la paroisse de la Fresnaye. Ce fait est consigne dans un litre des archives du cbapilre de Dul. A une lieue de la ville , on voit une ferme uommee Diablere. Les Peres Briet et Labbe pretendent que la famille de saint Guetas , en Bietagne , qui a change son ancien nom de Diable en celui qu'elle a porte depuis , avoit pris de la terre Diablere la dc'nnmiuation de Diable. Salacon, eveque de Dol , que INominoe lit drposer au neuvicme siecle , est qualifie dans plusieurs actes episcopus dialetensis. On s'apercoit fa- ciiement que de DiauUlcc , on aura fail d'abord Diaulctcnsis , et par abreviatiou Dialetensis. Nous avous trouve , dans les noms de C.ondatc et Comliiucnum , la raison qui a determine leurs fondaleurs a les appeler ainsi. Ce qui nous cnliardil a rechercher i'origiue du nom que Ton a donne a la ville de Dol. 45. Dol se rend en langue brelonne par lieu bas et fertile. C'est aussi I'etymologie que Cambden , cet habile historien anglois , prele a la ville de ce nom. I'our lui donner de la vraiscmblance , il faul que le nom de Dol ait cte originaircment accorde a celte vasle plaine sur laquelle la ville domiue , et que de la elle ait emprunte sa denomination. II ne s'a- "ira plus que de savoir si , du temps des Diablintes , on pouvoit recon- noitre dans ce terrain la ferlilite qu'on lui attribue. Au quatrieme siecle , INTRODUCTION. ^^ il etoit encore couvert d'une foiet qui alloil joiWdi'e celle de Chosey , et s'etendoit dans le pays d'Alet. Cette foret , comma toiites les autres de rAiuiorique , etoit anterieure anx liabilans de ce lien. Une terre inculte et livree aux seules forces de la nature , etoit-elle propre a faiie admirer sa f econdite , surtout si Ton considere combien elle devoit etre marecageuse ? Ses premiers colons ne vivoient que de chasse et de leur belail : ce n'etoit pas dans une foret qu'ils pouvoient tfonver de gras paturages. L'a^ri- cuhure ne les occupa que long-temps apres leur arrivee. 4G. Si le sens que Cambden , les Gallois et les Bas-Bretons modernes donnent au mot Dol , ne peut convenir au terrain sur lequel est situee la ville de ce nom , celui qu'y avoient attache les anciens Celtes est plus analogue a cette position. Par le terme Dol, ils entendoient un endroit eleve. Aussi , ce qu'on appelle la Dole est une haute montagne de Fran- che-Comte : une ville de la meme province et du meme nom est placee sur une eminence. Le Mont-Dol s'eleve majestueusementau-dessus des marais de la ville. Le terme Dol reparott dans d'autres langues que la celtique. 11 est la racine du verbe latin ndolesco , qui est forme de a aug- mentatif , de dol et esco , verbe substantif; gadol , en hebreu , signifie grand. Par le changement facile du d en t, nous retrouvons dans le mot Dol , tollo , en latin , e'lei'er , et tholos ,. en grec , dome , voiUe cle^ee. Nous croyons qu'il est important de remarquer ici que les noms des choses les plus communes , tels que ceux de montagnes et de rivieres, sontpresque les memes dans toutes les langues. Ce sont des restes precieux de la langue primitive qui a servi de fondement au langage des differens peuples. La plupart des savans conviennent a present de cette verite. 47. 48. La ville de Dol et le territoire qui en dependoit ne formerent d'abord qu'un pagus ou canton. A I'orient , ce district joignoit Trans ; vers le midi , Fins des Redones ; a I'occideiit , le lieu nomme Marc , c'est- a-dire , frontieres ou marches. On I'appelle de nos jours Saint- Pere-Marc- en-pou-Iet. II separoit, comme a present, le pays de Dol et celui d'Alel. Lejjagus de Dol se terminoit a I'endroit connu sous le nom celtique de Diiui-ans : ce qui veut dire lieu de separation ; d'oii Ton a fait Dinan (i). 49. La pagus aletensis etoit resserre par celui de Dol et par la cite des Curiosolites . II ne comprenoit probablemenl que ce qui forme acluellement le Clos-Pou-let. (■l)Cenaliset, apreslui,d'Argentre ontmis meilleur juge, qui les nomme Yeneli , et qui les Unolli i Dinan , a cause de la similitude leur donne pour capifale Crocialonum , Va- qui paroitentre CCS deux noms. MaisPtolemce, logncs, detruit leur sentiment. *4 niSTOIRE ECCLl^SIASTIQUE. Isidore, doiit Cambdcn fail mention dans son excellente description des lies britannifjues , mcl. I/ukI, ([iie Ton doit prendre pour .f/et, au nombre des dt'pendances de Nocdtimini. 5o. Lenom cents pas de I'eglise , au milieu du grand che- » min de Dinan, auprcsdesquels est une base » dc profit atticurge de trois pieds six pouces M de diametre , avec environ un pied de filt » cannele en spirale. Mais ce qui est de plus » remarquable , est une grande pierre de cinq » pieds -de long , large et epaisse de trois , que )) Ton a liree d'un lombeau pour en faire un >i pilier octogone , auquel on a laisse une face » plus large que celles qui lui repondent, pour » conserverune inscription laline, telle qu'clle » est figurce dans la copie suivginte : D. M. S. SILICIA. M. GIDDE DO. MO. AFFRIKA EXIMIA PIETATE FILILM SECUTA iG niSTOIRE ECCLKSIASTIQUE. Un temple octogonc de Irente-iiii pieds de liaut, orne de colonnes et de- core de statues , contribuoit a rembelllssement de celte ville. Plusieurs routes sortoient de Corseul ; il en su])siste encore fjuelques-unes. La plus considerable a sa direction vers la \ille de Veinies. De Coi-seul , cette voie mC SITA EST VIXH AN. LXV. CN. 1AM A lU US FIL-I'OSLIT. » Aubasducloclicrdclam^mccglisc, dans >> un trou de seize polices en carrc , on voit » unc inscription gothiquc , mais tres-diflicile » a dcchiffrer. » II paroit en quclques cndroits h flour de >• terrc un petit mur de deux picds quatrc '• pouccs, continue en droilc ligne du sud de » I'cglise vers le nord, sur la longueur d'cn- » viron deux cents toises. II traverse le citne- " tierc par-devant la grande porte , passe en- » tredeux maisons et so cache dans un champ » oil* on nc I'a pas fait chrrrhcr, ctant trop » mince pour un mur de ville. Les paysans » disent qu'il est coup6 perpendiculairement » par un autre mur cpais de sept 1 huit pieds. » lis le rcconnoissent par le blc qui est tou- » jours plus court au-dessus do ccmur qu'aux » autres endroils. II est asscz difficile de devi- » ner ce quo c'etoit, vu la quantilc d'autres » resles dc murs que Ton rencontre en fouil- » lant dans cc champ. )> A Test dc cc nnir est un puils crcuse dans » Ic roc , convert d'une pierrc de sept pieds » de dian>etrc , ct pcrcee au milieu d'un trou >> rond dc dix-huit pouccs. » Le grand chemin dc Dinan , au sorlir ' mur de deux a qnatre picds, cloignes les » uns des autres dc deuxct de cinq toises. » Sur cc chemin , a quclques deux ccntstoi- >> ses dc rcglisc , on a fuuilic et Ton fouillc » encore, dans unc piece de Icrrc incullc, pour >• chcrcher el ramasser du tuileau a faire du ci- i> ment pour les fortifications dc Saint-Malo, 1) el Ton y a trouvc plusieurs vestiges d'an- » cicns liitinieiis. Le premier qui fiit docoii- » vert est une espccc de petile citcrne de six >• pieds en carre,qui avoit du cole de I'csl » une rigoic , tt un autre aw siKi de huit pouccs » en carrc ; Ic pave en est convert d'unc » chape dc eitncnt dc quatre pouces d'cpais. » .\u-dcssus est une voAlc pleine de terrc. » A deux toises plus haul , vers le nord , » sous unc pierrc brute dc trois pieds, il y a " unc pierrc de taille dc cinq pieds six pouccs, •) sur quatrc ct demi dc large, et dc seize » pouccs d'cpais. On a fait fouiller i ciite , » pour savoir ce qu'il y avoit dessous. » On I'a trouveccnehassce dans unc macon- » ncrie failc d'une faconsingulicre. Ccsontde » pclites pierrcs ct des morccaux de tuile plate » jctcs sur un enduitde cimcnt bien uni,et » rccnuvert d'un autre cnduit dc cimcnt » applani de mdme par dessus. II y en a plu- » sieurslifsles uns sur les autres. Aprcs avoir » di^raoli lout autour, on n'a trouvc qned'au- » trcs pierrcs de taille [ilus petitcs , el au-des- » sous , de la maronncric u cliaux ct a sable. » A deux toises p)uj haul , on a trouve dans » unc espccc dc chambrc de douzc pieds en » carre , enduitc de cimcnt , unc cherainee » dc cinq picds de large , qui cxhaloit la I'u- » mec par deux canaux dc tuilc d'unc piece , » cimenles aux deux coins. Cos canaux sent » dc dix-huil pouccs dc haul ct de six en car- » re. .\ux deux coles opposes , ils sont pcrccs » de trous carrcs , longs dc cinq pouccs , sur » un et demi de large. » A cinq toises dc cet cndroit ctoil un petit » corridor de quatre picds dc largo, pave de » pierrcs carrces dc qualorzc pouccs , dont le >> grain est plus On el la couleur plus verditrc » que ccllc du pays , avcc un enduit dc ci- » ment par les coles. » A I'ouest Uc la mime cliamhrc ctoil unc » cspcce dc canal voillc, dc deux pieds dc » large et dc deux picds ct demi dc haul, » avcc des pelils pilicrs de briqucs dc neuf .) pouccs en carre dans le milieu. Unpcu au- » dessous est une grande pierrc de taille dc » cinq pieds et dcini en carrc, epaissc de » vingt pouccs. .\ cole est un mur en demi- » cercle qui va joindrc la pierrc dont on a » paric , ct un autre mur de scpl picds d'e- » pais , la traverse a deux toises par derri^re. » Un autre qui est nordctsud, serablevcnir se INTRODUCTIOTf. I ■- y se rend d'uii seul alignement jusqu'aux environs de Beauliois , ou elle forme son premier angle. Elle est encore bien tracee jusqu'a I'elang de Jugon (i) qu'elle traverse, et passe au-dela a plus d'une demi-lieue ; apres quoi on en retrouve des vestiges de quart de lieue en quart de lieue. On la revoit pres de Langouedre et sur le Mene (2). Cette voie, qui a de vingt a vingt-qualre pieds de large , est fort bombee et elevee de quatre a cinq picds au-dessus du terrain qui I'environne. I3ne autre voie qui se prend de Corseul , donne sur Quintin (3). Elle passe par Cambocuf, Plan-coet , le Chemin Cbaussee , Saint Alban , Plan- guenoual , Pont-Neuf , Yfiniac. De cet endroit , elle se prolonge durant environ deux lieues vers Quintin. Ce cliemin est moins bombe que le premier. Du reste , il est ferre a peu pres de la meme maniere ; mais il a trente-six a quaranle pieds de large. Deux autres routes sortent encore de Corseul , mais elles ne sont rc- connoissables qu'a I'arrivee de celle ville. 59. La premiere asa direction vers Rennes. Entre Rennes et Corseul (4) » le joindre ,et celui-ci est coupe d'une ouver- » lure qu'on croil avoir cte une porlc , dont le » scuil est une pierre dc cinq pieds sur quatre » de large , cncastroe par un bout sous un » paremcnt de grandcs briques. L'autre paroit » I'avoir 6te aussi. Ayant fait fouilier au-des- » sous jusqu'a dix pieds de profondeur , on a » trouve une arcade de briques bouchce d'un » cote dc pierres de taille , et un autre mur » en rctour formant un angle fort obtus. » Environ a buit cents toises de I'cglisc, au » sud-est , sur une hauteur, on voit la moitic » d'un temple oclogone , qui subsisle encore » hors de (erre, de trente-un pieds de baut, » revetu par dedans et par dehors de petites » pierres de quatre pouces en carr^ , taillees » proprcment et posees par assises reglees. >> Lcs angles ,1c bas et le haul , a quatre pieds » du sommet, sont ecorchecs commc s'il y » avoit eu une base, une corniche et quclque » rncrustalion. ■» V.vire les pans de I'octogone , on remar- » que aussi quantite de trous. Aux coles de » ce temple , on decouvre quelqucs vestiges » d'une levee couverte d'un cnduit de ciment » applique sur des pierres h sec. » 11 paroit d'autres rcstcs dc chemins » forme de levees , qui pourroient bicn otrr » I'ouvrage des Ilomains , depuis Corseul jus- » qu'a deux lieues loin aupres dc Beaubois , » et depuis ce tem[)le jusqu'a pareiile distance » du cote de Quever. Ce chemin est en plu- » sicurs endroils dans son cntier , quoiquc ic » plus souvent convert de terre. {Hisloirc de » V Academie royalc des inscriptions , t. I., d(- » puis la page Mi jusqu'a Wl .^ (1) On trouve I'etymologie de Jugon dans juc, clccalion , coUine , et dans on, riviere. Cette petite ville est au pied d'une montagnc , sur la riviere d'Arguenon , qui prcnd cllc- meme son nom de rarliclcar; dc guen , hclle , cl d'od , riviere : belle riviere. (2) Menh, en languc brctoanc , signifie wonlagnes. (3) Le nom de Quintin est compose dc caiti , helle , et de din, en composition tin, forei. L'emplacement de cette ville a etc pris, com- me on le voit , sur ia for^'t qu'on appelle encore Quiotin. La riviere de Gouet, qui passe aupres de cette viile, en prend son nom. Goucd, forel: riviere qui traverse tine foret. (4) « Scion toules lcs apparences , eel cJi- » fice ( Ic temple de Corseul ) n'a jamais etc plus elcv6 , ni couvcrt. Lcs trous qu'on y I 8 niSTOIRE ECCLESUSTIQCE. se voient a Saint Meloir des Bois (i), paroisse du diocese de Dol, et a l)cu de distance de Ilede, quatre piliers ronds qui ne font qu'iinemcme masse , sur luii dcsquels est rinscriplion suivante ; IMP. CAES. AVOINIO VICTORINO P. F. PI... SO.... O. LEUG. Le haul de ce pilier est creuse en forme de bassin et I'on v apercoit (juelques trous. » remarque n'ont jamais etc fcriiK'S...Lcs pc- » tiles picrrcs carrees dont I'cdilicc est rcvfitu » ont la surface arrondie , corame sont ordi- » naircmcnt les paves dcs rues ; ces pierres » sunt a peu pros blanches comme le tuf. Le >' dedans est revetu dc ces picrrcs , comme le » dehors, et elles manquent aux m^mesen- » droils, c'est-i-dire, aux angles ,au bas et » sur Ic haul , et ccla d'unc maniire 6gale sur » les qualrc pans qui subsistent. Ces licux , » (legarnis de picrrcs et ccorchcs , comoic dit » I'ingonicur , onl un cnfonccmciil dans lemur » qui , dans le haut , a bien deux picds de » profondcur , mais il n'cn a pas plus d'un » dans Ic bas. Cc memc cnfonccnicnt paroit >) aussi au-dedans , el n'a pas plus d'un pied » de profondeur, tant en iiaut qu'en bas. Le » prieur de Lehon , Martin Corncau , conjec- « lure que les angles, lanlintcrieurs qu'extc- » rieurs , el lous les endroits ddnues de ces . » pclitcs picrrcs carrees , ctoient orncs dc » picrrcs de laille qui ont etc cnlcvees depuis » pourd'autrcs biitiments. » Les encognures , tant dehors que dedans, » sont vides , aussi-bicn que la place dc la » cornichc. II paroit qu'on en ante les colon- » ncs et les pilastres , dc mOme que les pierres » de la corniche. » Au bas dc la colline oii est ce temple , on » voil un tronron dc eolonne qui a trois pieds » de diamitre : ce qui emporlc trrnte pieds » de hauleur , el cela fait jugcr qu'ellc pcut » avoir servi u ce temple, qui en a trenle-six ), en tout , y compris I'allique au-dcssus dc M la corniche. » .\Iexis Lobincau croit qu'a chaqueangl vroient leurs maisons. Les Grecs avoient >) dcs temples decouvcrls qu'ils appcloient » Ilypi'tres. Quant k cette levee qui conlient , » comme on voit , un grand espace , elle pou- » voit scrvir a rcnfermcr Ic peupic qui assis- » toil aux sacrifices ouaux autrcs actes de re- u ligion. {Mcmoires dc I'Acadcmic des tciences » de Paris.) » (1) [Cc n'cst point a Saint Meloir dcs JBois, et aupres de llede , mais a Saint Meloir , pa- roisse du diocese de Dol , cntre Bourseul et Jugon , qu'on voit la eolonne milliaire dont il est parle aux pages 4i et 45 du premier to- lumedc cette histoire. C'est une erreur qu'on s'emprcsse dc rclcvcr. Cette eolonne indique la voie qui se rend dcCorseulaux environs de Beaubois, el de li au lieu oil Ton a forme I'e- tang de Jugon , el cnsuiledc la manicre qu'on s'cst cxplique A la page 42 (*). Les habiUns du pays nomment ce cherain Lctra , parco qu'il est fort bombd. Le.cleve; tra, Iret.'i — Avcrlisscmcnl dc Deric, public un an plus tarJ a la tin de son tome 2. a. V. (*) Ci-ilcssus , n"? 58, page 17. a. V. IITTRODUCTIOW. I9 Dom Lobineau I'avoit pris pour un autel ; il regardoit les Irois aulies piliers comme des piedestaux de statues. Le tout n'est cependant qu'une colonne milliaire sur laquelle on a grave le nom de I'empereur regnant , et qui servoit a maiquer com- bien il y avoit de lieues de I'endroit ou elle est placee , a Rennes et a Corseul. 60. Marcus Piavonius-Victorinus etoit un grand capitaine, que Pos- thume , tyran des Gaules , associa a I'empire vers I'an 26? , qui y f"t re- connu et y perit de mort violente vers I'an 268. La seconde route de Corseul passe par le bourg de Languenan ; on y voyoit deux piliers d'environ onze pieds d'elevalion ; ils etoient a une distance d'environ six pouces I'un de I'autre et monies sur un piedestal comoiun. Chacune de ces pierres etoit taillee en rond , a la liauleur de neuf pieds ; le reste se terminoit en carre. A la face droite de cbaque cote etoit representee une tete d'homme, et a la gauche une tete de femme. La tete de I'liomme etoit nue; celle de la femme portoit une coiffure a I'anlique. Les deux autres cotes de chaque carre contenoient une inscription. Ce monument fut renverse en 1769 par un ouragan violent. Ce n'est que depuis cette epoque que nous avons eu connois- sance de cet antique. 11 merite que Ton en conserve la memoire a la posterite. Nous regrettons particulierement la perte de ces inscriptions. Les piliers sur lesquels elles etoient gravees ont ete brises , et les frag- mens disperses. Nous pensons que cet ouvrage etoit une colonne itineraire. Elle sert a relever I'eclat obscurci de I'ancienne ville de Corseul. La voie oil se trou- voit cette colonne conduisoit vers la mer ; mais nous n'osons assurer po- sitivement quel port elle indiquoit. 61. L^territoire des Curiosolites confinoit avec les Diablintes , de I'oc- cident au midi ; avec le canton d'Aleth , par le Clos-Pou-let; avec ce que nous appelons le diocese de Saint-Brieuc , dans une paroisse qui con- serve le nom d'Yfiniac (i), terrae indicatif d'anciennes limites ; avec les Veneti a Comblessac. L'^, petite riviere qui coule aupres de cette paroisse J separoit les Veneti des Curiosolites (2). (1) Le nom dT/iniac est compose de fin , Ji- (2) Le nom de cette paroisse se (rouvc dans mite*; d'i, riviere, et d'ac , /»a6i f'"'"^"" • chateau bdli sur k (2) Lib. 4, c. 19. '■<"'• (3)Lclcrrae//(?H(;-fs!erendcxactemcntccux (i) Comment, lilt. 3. de Vindilis ct de Gucdel. EnclTtt, VindiUs ..„■,-.. . ■ . , . , „ , .,-, ., (5) Mor-Bihaii vicnt de nior, mer, et dc ost compose de vin, belle, ct d tic , tie; ^ ' . . >■ Gucdel , de gued . belle . et dVt . He. BelU-Isle ^''""' ' P'""^ ' '' 1'" ''^' '^''' ■ ?'"" '"*'• INTRODUCTIOiV. 2 1 ass?7, generalement un pareil emplacement aux villes des Veneti. A une lieue au-dessous de Venues et au fond dii Mor-Bihan est ini lieu que les eaux de I'Ocean couvrentde cette manieie : il se nonime Duwiiec (i) . C'est la probablement son ancienne situation. 69. Le Vindana portus (-2) , que Ptolemee met entre remboucbure du fleuve Erius (3) (la Vilaine) et le promontoire Gobceum (Cap de Saint- Mahe ou Finisterre) , n'etoit point autre que le Mor-Bihan. L'ancien l\a- vale , ternie consacie par les Roraains , se reconnoit a I'entree de ce port : ou le nomme encore de nos jours Navalo. 70. 71. Les Veneti avoient pour frontieres les etats ^Q^Namnetes ^ des Redones , des Curiosolites et des yjsis/nii. lis confinoient avec les Curioso- lites a Comblessac : tout ce que nous connoissons d'anciens bistoriens , tels que Cesar , Strabon , Pomponius-Mela , Pline et Ptolemee font men- tion des Osismii. C'est la le nom que leur donnent Pline et Mela. II est un pen cbange dans les Conmientaires de Cesar , qui les appelle Osis- mii ; Pylbeas les nomme Tirnii. 72. Les savans sont partages sur la position des Osismii (J\). Quelques- uns , du uombre desquels est I'illustre M. Huet , eveque d'Avranches , out pretendu que ce peuple babitoit Hiemes , qui n'est plus aujourd'bui qu'un bourg , au diocese de Seez , mais qui autrefois eloit une ville assez considerable et dont le ressort etait fort etendu (5). Cette opinion , fondee sur une mauvaise tradition , a ete renouvelee depuis peu par M. Trigan , dans son Histoire ecclesiastique de Normandie. Les preuves qu'il tire des actes qui out suivi I'age romain , ne peuvent prevaloir contre celles que nous fournissent les plus anciens auteurs. 73. Strabon , qui vivoit sous Auguste , place les Osismii aupres des Fe- neti et proche I'Ocean. aEn sortant du territoire des Veneti ^ dit ce geo- » graphe , on entre sur celui des Osismii. . . qui babitent un promontoire » assez avance dans I'Ocean (6). » (1) Lcnomde DuroMcc vient de (Itir , ieau- ment ainsi .ippeles dc ,ji, pa^.?, coiUre'c , et coup, dbondant ; d'ow, eau , el d'ec , pointe ; d'w , 6a» ; ce qui voudra dire : habitans (Tun ce qui vcul dire : promonloire environne de pays Vas. Lc territoire des Osismiens se nora- teaucoup d'cau. mc mainlenanl Basse-Bretagnc.Le nova Timii (2) Vindana est compose dc vin , hlanc , et peut venir de iim ou dim , montagnc. de dan, principal ; ce qui veut dire ; port le (5) La ville d'Hidmes {Oximum) etoit balie plus contidcraMe des Blancs ou des Yeneli. sur le sommet d'unc montagne. C'est de la (3)£rm« vicnt d'cr, eau, et d'iit), eau; par qu'elle a pris son nom. Oc . monlagne ; swm , reduplication, furle riviere. en composition, sym , somrnel. (4) Les Osismii ou Osisini sont propable- (6) Post Venelos sunt Osismii, quos Timios ^-i HISTOIRE ECCLIiSIASTIQUE. Lne position de cette nature convient enticrement a la Brelagne. Elle contient plusieurs promonloires qui dominent sur la mer. Le local des cotes de Normandie ne suppose rien de seniblable. D'ou il faut conclure ([ue , du temps de Strabon , et meme de celui de Pytbeas , le plus ancien des ecrivaiiis gaulois que nous connoissions et qui florissoit quatre siecles avant Terc cbrclicnne , il y avoit ea Bretaguc des Osismii. Pomponius-Mela met les Osismii sur la mer britannique , vis-a-vis de 1 ile de Sein (i). Tous les geograpbes parlent de Sein comme d'uneile situee dans la partie occidentale de notre Bretagne. Nous observerons en passant que c'est mal a propos que quelques au- teurs lui ont donne le nom d' Ilc-des-Saints , soil dans les carles geogra- pbiques , soit dans leurs ecrils. Nous ajouterons encore que c'est par inadverlance que M. Freret s'est persuade que I'ile de Sein s'appeloit en bas-breton Enez-Sizun. Ce nom est plulot celui d'une langue de terra, (lout la pointe se nomme le bee duRaz(2). Nousaurons occasion de faire connoitre d'oii est vcnu le nom que porle Tile de Sein , et d'en fixer le vrai sens. De quelquc nianiere que Ton veuille entendre Pline (3) , il est constant que cet bistorien compare notre Bretagne a une peninsule (|ui s'avance dans I'Ocean et dont I'extr^mite etoit babilee par les Osismii. Plolemee , dans la description qu'il fait des peuples etablis dans I'Ar- niorique, depuis remboucbure de la Seine jusqu'au promontoire Go- bee , reconnoil que les Osismii etoient voisins de ce promontoire. II les fail limitroplies des f'eneti (4). Ce que Ptoleniee appelle promontoire Gobee, est I'endroit du con- linent de la Gaule le plus avance dans la mer vers le coucbant. On y reconnoit la pointe de cette partie de la Bretagne qui a pris le nom de Saint-Mabe ou Finislerre , dont nous venons de parler. Le nom de Gobc'e que portoit ce promontoire est pris dans la langue Pyllieas dicil : versus Occanum habitantcs in Ligcrim, scd pcninsulam spectatiorcm cxcur- promonlorio quodam satis longe porrecto , non rcnlcm in Oceanum a One Osismiorum circui- laracn ita longc ut illc ct qui cum sccuti sunt, lu D. C. XXV. M. passuum , longltudine ct auclorcs Iradiderunt. {Ocograph. lib. 4.) latiludine C. XXV. M. ultra cam Namtietes. (1) Sena insula in Britannicooceano,Osis- T-ib- ^ , c- iT- micis adversa littoribus. Lib. 3. c. 6. (*^ 1^=*'"* scplcnlrionalc Sequanx IcncnlCa- ,_, „ J. . . ,, IctsB ; post quosLexubii .post Unclli, post hog (2) Raz , d^lroU; sizun, dcroi,. i,i,iucenscs , ct ullimi usque ad Gobsum pro- (3) Lugduncnsis Gallia habelLexovios, Vc- montorium Osismii. Occidentale autcm latus netos , Abrincaluos , Osismios , clarum Dumcn icnent Vcneli , quorum civitas Dariorigum. INTRODUCTION. ^^ celtique. Gwep, dit Davies , se rend par Rostrum. Le mot bee exprime ce rostrum; et ce *ec est la pointe du Raz , autrement de Saint-Malhieu on Mahe. Ptolemc'e place pres de ce protnontoire un Slaliocanus partus . On Ty retrouve effectivement ; on voit une rade entie I'abbaye de Saint>Mathieii et le Conquet , au diocese de Leon , a qui Ton donne encore de nos jours le nom de Porz-Liocan , ce qui veut dire : Port de couleur blanche. Porz , en celtique, signifie/jor^; liou , couleur, et can , blanc. Les rochers de Liocan sont en partie blancs ; la greve , qui est couverte de cailloux et de sable, en est toute transparente. Dom Lobiueau dit qu'on voit a Porz-Liocan des vestiges d'un port conslruit en briques et en ciment. Les anciens du pays assurerent , en 1694 , h Dom Pelletier, auteur du dictionnaire breton , qu'ils avoient vii des anneaux ou Ton attachoit les navires : ce religieux remarqua la place d'un de ces anneaux « Le quai, dit-il , etoit au-dessus de la > pleine mer a la hauteur d'environ trois toises , et les anneaux avoient y> quatre ou cinq pieds moins d'elevation » ; ce qui lui fait juger que les navires etoient dans ce temps- la plus eleves, ou que le rivage a baisse. Jean Villani avoit pris Porz-Liocan pour Saint-Pol-de-Leon. Cenalis n'a pas mieux reussi en tirant son nom des salines qu'il supposoit avoir existe dans ce lieu. Les trois historiens que nous avons nommes viennent a I'appui de Straljon pour fixer irrevocablement les Osismii en Bietagne. A ces 9u- torites se joint celle de M. d'Anville , qu'il suffit de citer en cette ma- liere pour meriter de la croyance. Ce savant academicien pense que les Osismii occupoient une partie de la Basse-Bretagne. Dire avec M. Tri- gan que la Notice des provinces et des cites de la Gaule pent etre faulive , lorsqu'elle place la cite des Osismii dans la troisieme Lyonnoise , c'est • avancer une proposition hasardee ; reduire , comme il le fait , sans des preuves evidentes , cette possibilite a I'acte, c'est choquer les regies d'une saine logique. Au reste , nous reconnoissons , avec cet hislorien , le Pagus O.iimen- sis du diocese de Seez ; mais , d'apres ce que nous avons dit, il nous paroit certain que les Osismii , dont il est ici question , etoient etablis dans la Basse-Bretagne. 74. Essayons maintenant de decouvrir la vraie situation de la ville prin- cipale de nos Osismii. Ptolemee nous en a fourmi le nom sous celui de 2 4 HISTOIRE ECCLIiSIASTtQUE. Vorganium (i). La Table de Peutinger, qui nous represenle celle ville on abrege par Forgiian , va nous iiidiquer Son emplacement. Celle po- sition se Irouve sur une route qui , iraversant la Brelagne dans sa lon- gueur , dcpuis Condivicmnn des Nnmnetes , el passant a Dnrioiigum dcs Vencti , aboulil vers la mer en un lieu a qui la Table donne Ic nom de Gesocribatc (2) , niais a qui celui de Gesoltin'nle conviendioit mieux el qui paroit elre le meme que Brimtes partus de Ptolemce , c'est-a-dire , Brest. L'analogie qui se Irouve entre Gesohrivate et Gesocribatc est tres- sensible ; I'on sail conibien la Table tbtodosienne est pen sine dans I'as- signalion des \rais noms de lieu. Ce que la Table designe par Sulis (3) , entre la cite des / cncti et celle des Osismii , se connoit par le point d'u- nion de la petite rivi^e de Suel avec celle de Blavet (4). On voit assez d'aHlnite entre Suel et Sulis , pour ne pas s'y trompcr ; on est encore pins rassure par la distance marquee XX entre Dnrtoritum ou Dario- riguni et Sulis , on celle distance aboulit. De la la Table de Peutinger conduit a T'orgium ou J\>rgnnium. La distance qui porle Will s'arrcle a Carbaix , en suivant la meme voie. C'est done cette ville qui servoit autrefois de clief-lieu aux Osismii. De la on doit conclure combien Al- bert le Grand s'esl trompe, lorsqu'il a ecrit que Carbaix avoit ete fon- de dans le cinquicme siecle, par une princesse a qui il donne le nom donne le commerce de betail et son excel- » lent gibier : c'est peut-elrc de la qu'elle a (*) M- Ogde se regarde du moins comme le rd- daclenr de la dissertalioii qu'il jjpdsente sur Ker- aes , puisque de deux il ii'cn fail qu'une. C'esl sous ce rapport que nous la lui altiibuons. [**) Dansunedesesnolesdela page 2, il avance ce qui suit : « On prononce en franjais Carhaix ; » pris son nom actuel ; oxipourroil le faire ve- » nir du mot breton Kerc'heit , qui veut dire » perdrix. » Reconnoit-on , a ces expressions , le langage imposant de ceux qui cherchent , par le poids de leurs raisons, a subjuguer les esprits? Croit-on avanccr icides propositions certaines et cvidentes ? Soutient-on qu'il doive s'ensui- vre n^ccssairemcnt des conclusions infaillibles? Tel est le maintien de la demonstration. Les termes peul-clrc, on pourroU, n'annoncent que de simples probabililcs. Pourquoi M. Ogee, qui en connoit la force , veut-il , dans cette circonstance , leur preter une energie qu'il leur refuse dans toute autre ? Laissons sous le ri- deau la cause dc cette variation. Ce n'est point le mot Kerc-heic , qui n'en- tre probablement dans aucune langue , mais celui de Kerc'heit , qui a etc employe par M. Deric. Pour savoir ce que ce mot reprcsenfe, on ne pent niicux faire que de consulterles lexicographes qui en ont parle : ils sont les depositaires dc sa valeur. M. Bullet , dans son dictionnaire ccltique , rend Kcrchel par perdrix grise, et dit que c'est un mot breton. Dom lePelletier, dans son vo- cabulairc de la meme langue , assure que « Kerc'hcil , en Bas-Leon , et peu ailleurs , » est le nom que Ton donne a la perdrix » grise. Je crois , ajoute-t-il , que ce n'est que » son cri qui lui a procure ce nom.» II est done certain que , dans la langue bretonne , Kerc'heit ou L'crchcil a designe ce que nous nommons perdrix. M. Ogee a dit .• a Kerc-heic est le cri qu'on » attribue a la perdrix , et non pas son nom. » Un savant lui repond : « C'est une verite de » fait assez connue que Thomme est , par sa » nature , portii a limitation ; on le remarque « de la maniere la plus frappante dans la for- » mation des mots. S'il faut iniposer un nom » a un objct inconnu, et quecetobjet agisse » sur le sens dc rou'ie, dont le rapport est » immediat avec Torgane de la parole , pour » mais celle prononciation est vicicuse : c'est une » de ces complaisances que le Franrais , jaloux de M se monlier loiijourscivi! .meme auxddpcus dus » mols , s'est permise , par dgard sans doute pour » la ddlicatesse de I'oreille.M (*"*) Page prdcddcnle. a. V. 26 HISTOinit rCCLfiSIASTIQlK. sition dc J'organiurn , eloit de consulter les distances spc'cifiees par la Table » former Ic nom fic cct objet , rhomrac » n'hi^site, nc rcdocliit , ni ne compare ; il » imilc avcc sn voi\ Ic noni qui a frnppc son » oreillc , et le son qui en rtsnitc est Ic nom » qu'il donnc .\ la chose. C'cst cc que les » Grecs appcllcnt purenient et simplement n Onomalnpi'c , c'cst-A-dire , formation du » nom ; rcconnoissant , lorsqu'ils rappcllcnt » ainsi eniplialiquemcnt ct par antonomase , » qnc, quoiqu'il y ait plusieurs autres ma- » niercs dc former Ics nonis , celle-ci est la » manierc vraie , primitive et originale. Tons » les noms de ce genre ppuvcnt done otrc » regardes comme necessaires , leur forma- >> tion (5tant purcmcnt mccanique et abso- » luraent liec au physique des choses , sans » que I'arbilrairc y ait aucune part ; quoiquc » Ics hommcs puissent d'ailleurs donncr h » lear guise d'autres noms h ccs memcs cho- » ses. Les mots apparlicnncnt , par conse- » quent , a la langue primitive ; si vrai , que » le mouvemcnt nalurel ct general a tous » les enfans , est d'appcler d'cux-mi'mcs les » choses bruyantcs du nom du bruit qu'cllcs » font; sans doute qu'ils leur laisseroicnt i » jamais ces noms que la nature a dictes des » renfance, si I'instruction et I'exemple , » depravant la nature , nc leur apprcnoit » qu'elles pcuvcnt.en verlu de laconvention B des hommcs, *trc appelces autrement. Les » tertnes onomatop^es sont en Ires ■ grand » nomhrc , tnus originaux et primitifs , tons » faisant parlie dc la langue primitive natu- » relle ; leurs derivations sont etendues , pcu » alterccs ct en quantitc , dans quelque » langue que ce soil.... L'onomatopec s'elend » mf;mc aux noms des choses qui remuentles » sens intcrieurs , lorsquc leur effct est de pro- » duire au-dedans du corps quelqucs mouve- " mens inusites. AInrs Ics noms sont imilalifs » des mouvcmcns imprimos au corps parTaf- » fection de I'Ame , tcls que hnrrcur , palpi- » ter , fr(m\r , iremhlcr, etc. (*) » Dc CCS principes luminenx , il suit qnc , dus lors que Kerc'heit est un son qui imite le cri dc la perdrix, on a pu s'en servir pour rcndrc (•] M^caniqiie du lang.tf;p. I. 1. (**)0n cxamiiiera, dans le nne M. Ogee, maisdontil nenous avoit pas decoHvcrt la cause. M. Bullet croit que clujar vicnt de dug , cxcclUnl , et d't/ar ou jar , poult ■■ CTcellcntc poulc. Si Ton adopte ccfte dernicre etymologic , le nom de clujar sera postorieur au deluge uni- verse! ; car c'cst uniquement par Ic goAtqu'on a connu la qualitc exquise dc la perdrix, et Ton pense communcment que ce n'cst que du temps dc Nod qu'on commenca 4 manger de la chair desanimaux. Si Ton aime micux sc ran- ger du parti dc M. Rousscl , clujar sera sans doute un nom trcs-ancicn, raais il le sera moins que cclui dc h'crc'heil, parce qu'il est plus facile d'entendre le cri dc la perdrix qnc de connoitre I'inclination naturellc de cet oi- scau (•*). celiiqne. (Voyei ci-aprfc5,»cpliiaie8iicle, n°SW elsuiv. a.V.) INTRODUCTION. 27 de Peulinger. 11 n'esl pas elounaut que Sanson , qui n'y a eu aucun egard, Mais quoique Tierc'hcil ait cte inspire par la nature pour designer la pcrdrix , quelle res- semblance , quel air de famille ce nom peut-il avoir avee Kcr-aiis? A cette objeclion on re- pond d'abord qu'onn'a ctablid'affinite qu'en- Ire Kcrc'hcU et Carhaix; on ne savoit pas en- core, que le seal vrai nuin de Carhaix filt Ker-aiis; la dccouverlcdc M. Ogee n'etoitpas publique. Cequ'on n'ignoroit point, c'cst que Ic faste avcc Icqucl on a donnc a ta plupart des villes de la Gaule unc originc ilhistre , s'est lieureu- semcnt cclipsd dans noire siecle. Jules-Cesar, qui ne triorapha des Gaulois que par la divi- sion qu'il fit semcr dans les csprits , n'avoit garde de nous clever des villes ; il avoit trop a cocur de renverser ccUcs qui lui faisoient om- brage. Des legions romaines donnerent , a la Y^rife , la naissancc h quclques-unes des cites de Brctagne : on en voit la preuvedansl'In- Iroduction a Tllistoirc Ecdcsiastique de cctle province , par M. Doric ; mais ccs cvcnemens arrivereut ayant la fin du qnatrieme siecle. Les cmpereurs s'y firent respecter jusqu'a ce temps. L'an 409 , les Drelons armoriques se- couircntlejoug ; comme les histoires dcposent que, depuis cclte epoque , ils se niainlinrent conslammentdans Tindepcndance , on nepou- voit soupconncr que M. Ogee etoit dcstin6 k prouver le contraire. On voyoit avec plaisir que le goftt du vrai , qui commence a dominer , a introduitune ma- nicre simple et naturelle de fixer sans retour ce qui a donne lieu aux noms de nos villes. On regardc comme certain aujourd'hui que la plupart ont etc designees par Icur position particuliere ou par les choses les plus remar- quablcs que leur terrain renferraoit. Comme do tout temps la perdrix a etc nbondante et delicieuse dans le canton de Carhaix , la pre- miere idee qui s'olTrc k I'csprit est que cct ar- rondissement se sera d'abord appele Kcrc'hcU , d'oii Ton aura fait Carhaix. Mais ce raisonnemcnl n'cloit qu'une con- jecture; aussi ne I'a-t-on hasarde que sous les auspices de la probabilitc. Comme son aufcur I'a depuis examine plus mClrcment, il le rc- Icguc des a present parmi les prcjuges. Cette etymologic ne pcut compalir avcc la significa- tion des differens noms que Carhaix a porlcs j c'est en les comparant les uns avec les autres que la verite eiit paru a decouvert. Avant que de nous expliqucr plus clairement, il faut dis- cuter I'origine que M. Ogee donnc a la ville de Carhaix. Pour ne point allorer ses preuves, il faut Tentendre lui-meme. « Comme , dit-il , les diverses opinions que » j'ai pu recucillir sur I'origine de la ville » de Ker-aes.... m'ont paru de nature h ne » pouvoir satisfaire que cette classe d'hommes » dont I'imngination formce par le merveil- » Icux sc mefie toujours de ce qui est natu- » rel, et ne donne de creance enticre qu'a » ce qui est absurdc , je vais hasarder de 1) donner plus de consislance a mes recher- » ches , en les fondant sur I'ordre naturel )) des fails , sur Tapproximation du vrai, si » je ne puis les elablir sur la verite elle- » memo , declarant elre prct a me rcndre a » toule personne qui se presentcra avcc des " preuves mieux fondecs en raison que cclles » que je vais developper ici sur I'origine de la )) ville de Ker-aes. » Les pcuples les plus cclebres do I'anti- » quite, les Romains , jaloux de transmellre » a la posterito le souvenir de Icurs exploits, » ne se bornerent pas a clever , dans les pays » de conquetes , les monumens de leur gran- » deur, les pyramidcs et les arcs do Iriom- » phc qui , en saisissant noire admiration , » nous frappcnt encore d'elonncmcnl. Lcurs » camps , fortifies par leur Industrie, embel- » lis par leurs soins , transformcs en de gran- » des cites , cmpruntant les noms des genc- » raux ou des principaux citoyens do la rcpu- » blique, formerent dans la suite les villes ce- » Icbrcs connucs depuis sous le nora de lcurs » fondateurs ; telle entr'autrcs , en remontant » a unc origine ancicnne , est la ville de Ker- j> acs, en Lrclagne. " Alin de marcher avec plus d'ordre et de >. methode dans les details historiques de cette j>: ville, jo dois d'abord parcourir les princi- » paux fails qui se rapportent a Aelius , Aes >> ouAcce, gouverneur des Gaules et general n des troupes de Valenlinion III , le meme " qui vainquit.itlila dans les champs catalau- » niques , et qui sanra I'empirc des incursions ')) des Huns , aprcs avoir force les Francais « U'abaudoDDcr les Gaules ct do rcpasscr le aS HISTOIRE ECCLESIASTIQUE. se soil egare en portant celle capitale dans un lieu que Ton appelle Coj- >• Rhin , marcha centre les Bretons armori- " ques qui , dc concert avcc les Bagaudes et » les Alains , s'etoicnt soulcves en 435. t Ce general laissant u Litorius , son lieu- » tenant, le commandcment d'une particde " son armce , avcc ordre do conlinuer la »• guerre , m(?nic pendant I'hiver , confre les >• Bagaudes qui habiloient lo lung de la » Loire, du Claiii et de I'Allicr, alia lui- ). mdme dtablir son camp au centre de I'Ar- n morique , i rendroit oh est aujourd'hui >• Ker-ai'S , pour etre plus a porlce de re- » duire les rebelles. » Les Bretons ayant cte soumis , ou plutot » reprimes (car 11 paroltjparl'histoire ,qu'ils )' ne rcntrercnt jamais dans une drpcndancc >' totalc aux lois de I'empirc) , Ic vainqueur , " apris avoir impose son nom au camp qu'il » avoit occupe en Brctagne (*) et jelclesfon- » dcmens dc la ville dc Kcr-acs , marcha de " nouveau vers les Gaulcs septentrionales , >• pour s'opposer a la seconde incursion des '• Francs, conduits par Clodion, leur chef. " C'est a I'epoque du depart d'Actius dc X I'Arraorique , et au commencement de I'an- >• nee 43G , qu'on doit rapportcr I'cvcnement '■ qui donna naissance a la villc de Ker-aes. >■ La vraiscmblance seule , au defaut d'au- » trcs prcuves , sembleroit lenir ici lieu dc » certitude, en ne proportionnantsa persua- >• sion qu'ii rcnchainement des circonstances » et des fails que Ton vientde rapporter;mais " ce qui, au defaut dc 1 liistoire momc, con- » duiroit i une conviction enliere ct prcsque » indubitable alVgarddufondateurdcCarhaix, >• est le rapport et Tanalogie exacte et si par- " faitc du nom d'Actius avcc celui de la ville » qu'il fonda dans rArmoriqiie. » En efl'et , le nom brelon uu celtique Ker- >• aes qui , dans la version frangaise , veul dire » ville d'.Aos , est encore rendu dans Ic mdme » sens par le latin UibsJ::sia,sive Urbs JElia, » ville d'Aiis, villc Aeticnnc, ville d'Actius ; ;») I I.es Uomains appeloienl Statiia les camps » oil ils hivcrnoicnl , ct comme ils j- passoienl sou- » vent deux ou Irois aniiics de suite , ils les forli- > fioienl cilraordinairemcnl. Ccs camps , une fois » abanJonn(!s, dcvenoient I'asile dcs barbarcs , » qui , pour sc garanlir dcs culrcpriscs hosliles, >• dc mtoc que Urbs Roma, sous-en tend ville » de Rome, ville romainc , villc de Romulus. » II scmble qu'on ne puisse prendre dede- » fiance conlre ccs dcrnieres prcsomptions , " d'ailleurs si hcurcuses, contre un concours » de fails et de circonstances en partie fondcs » sur riiistoire, i moins de vuuloir revoqucr » en doule toute vcrite liistorique ct s'elever " contre la vraiscmblance qui paroit occupcr » ici la m(;me place que I'dvidence ct la cer- » titudc. )> Cette dissertation fera sans doutc le m£mc plaisir i nos Icctcurs qu'elle nous a fait a nous- miJmc. L'erudition y est maricc avec cet air de vcrite qui porle naturcllemcnt a la convic- tion ; mais le vrai nous echappc quelquefuis a I'instant mc'me ou nous croyons le saisir. II n'cstpas rare que I'apparencenous tiennelieu de la rcalite ; une lumierc trop vive, au lieu de nous eclaircr , nous cblouit ; nous n'aper- ccvons plus les objcts teis quils sont en eux- memcs. Ne scroit-ce point ici la position de M. Ogee ? En effet , pour peu qu'on approfondisse les prcuves Je comparaison qu'il nous donnepour claycrson systcme, on en aperccvrabientot la foiblcsse. Grenoble et Cherbourg ne doivent point leur existence a des camps romains. La premiere de ccs deux viiles subsistoit avant Julcs-Ccsar. Plancus , ce citoyen romain qui illustra la fin de scs jours par un trait d'huma- nite lieroique, en fait mention dans une dc ses lettres a Ciccron : il I'appclle Cularo, nom qu'elle avoit emprunte de sa position. Son cm- placement est rcsscrre par dc hautes monta- gnes. CuJar, en celtique, veul dire if rr^, rts- »ent', dit M. Bullet. Diocleticn et Maximien , son collogue, cra- bcllircnt Grenoble. Deux inscriptions qu'on y a lrouv6es font mention dcsouvrages que ces deux empcrcurs y avoient fails, iluris Cula- ronensibus cum inUrioribus asdificiit. Ces ins- B de la violence, du brii;andage , s'y rifugioienl » en fonic ; ccs memcs camps prcnoienl la lormc )i de villc el relcnoicnt le nom dc crux qui \tx t> avoient construils. Tclles soul les villcs de Gre- » noble , de Cherbourg el Ker-aes. Gralianopo- t lis , Cectarii Btirgui, urbs Aetia, etc. o INTRODUCTION. ac "ue-Auded , ou plutot Cozgueuded , a douze mille pas environ de la valle( Trecor, raaintenant Treguer. '9 lee criptions nous apprennent que cetle \ille se nommoit encore alors Cularo. Ses portes furcnt appelees Jovia et Herculea , de Jovius et tTHcr- cuUus , surnom que ccs empereurs s'etoient donncs. On ne peut douter que le nom de Grenoble ne soil pris de Gralien. Entre les souscrip- tions du concile d'Aquilee tenu I'an 381, la quinzieme annoe dc cet empereur, on veil celle de Domninus qui s'intitule Episcopus GraiianopolUanus. Saint Augustin , dans son livre De Civitate Dei , 1. 21 , c. 7, fait men- tion de la fonlainc bnllante qui est a qualre heures de chcmin dc Grenoble. iN'on longe , dil- il , a GralianopoU civitate, etc. [*). C'est an sentiment commun que Gratien rctablit Cularo , et que la reconnoissance en- gagea cette ville a prendre le nom de son bienfaiteur. De tout ceci , il rcsulte que Tori- gine de Grenoble va se perdre dans la nuit des temps , biea loin qu'on en connoisse le fondateur. Cherbourg s'appelle Caslellum Carusiur , dans les lettres dc Richard III , due de Nor- mandie, donnees I'an 1026. On le nomma ainsi, a cause de la grande bale qu'il defendoit ("). Cherbourg etoit considerable alors et avoit dA I'etrc auparavant. Le Castellum Carusftur fut demoli vers la Cn du dernier siccle ; on y trou- va beaucoup de mddaiiles d'or sur Icsquelles ^toitempreinte d'un cote la face d'un hommc, etdel'autre, un cheval. La forme de ccs em- preintes 6toit fort grossiere et le dcssin aussi mal execute : ce qui prouve que la fabrique de (•) La merveille de cetle fonlaine brulante est attest^e par deux inscriptions; la premiire con- lienl ce qui suit : « Vutcano Aug. Sacrum-* ; la iecoode : « Divo Graliano , tyrannide vindica- » td, Theodosius et Valenlinianus Aiigg. ex » volo p. » On Irouve rexplication du ph^nomine de cetle fonlaine dans les Dl^moires de I'Acad^mie des sciences de Paris, ann^e 1699. Le terrain bril- lant de cette fonlaine est un monumcnlde ces ancieos Tolcans qui subsisloient autrefois dans le Danpbine. (**) Car, grande; ut , ouverture, bate; bur, jortcreite. Les Gaulois et les Germains avoient e»p!oj-iU l«rine6«r, poureiprimerunchabila- ces medaillcs remontoit a des temps fort eloi- gnes ; on cn decouvrit de Jules-Cesar , de Ne- ron , de Ncrva etd'autres empereurs romains. On en delerra meme sous une des rocbes du R'oule (*") , avec une inscription grecque qui signilioit : Nicomcdes , roi d'Epire. Froissard , historien du quatorzieme siecle , a avance le premier que Cherbourg a ete fon- de par Jules-Cesar. Ce qu'il y a d'habiles cri- tiques ne I'ont pas cru sur sa parole ; on re- garde meme comme constant que le vainqueur des Gaules n'entra jamais dans le Cotentin. Oderic-Vital, qui vivoit deux cents ans avant Froissard , avait donne lieu a cette erreur, en appelant Cherbourg CiBsaris burgus. Cette ori- gine etoit trop recente pour qu'on pAty don- ner une foi raisonnable. M. Ogee , qui ose la renouveler, ne trouvera pas de partisans. Si I'cmpereur Gratien n'est que le restaura- teur de Grenoble , si Cherbourg ne doit point son etablissementa Jules-Cesar, Carhaixpour- roit bicn n'etre pas en droit de rcclamer Ae- tius pour son fondateur. C'est dcj4 du moins un grand prejuge contre M. Ogee. Osons done examiner ce qui constituela base de son senti- ment ; mais , quelle est notre surprise ! bien loin que, I'an 435 , Aetius ait etabli son camp au centre de I'Armorique , a I'endroit oil est aujourd'hui Kcr-acs , il marcha alors avec pre- cipitation , h la tete d'une armee d'Erules , de Huns , de Franrais et de Sarmatcs , contre Gondicairc, roi des Bourguignons, qui s'ctoit revolte,a I'exemple dcsArmoriques(**"). C'est \k probablement la seule expedition qu'il fit d-ins le cours de celte ann^e. tion ferm^e , d^fendue , fortiii^e par la nature ou par I'arl. Ainsi, Carusbur \eul dire : Forleresie sur une grande baie. Le mot Cherbourg est ri.t de Carusbur. Cetle ville ^toit Iris-bien fortifi^e jusqu'au temps oil Carusbur ful d(^moli. (***) Leterme ^'oote est compost defl_ syncope de I'article ar, en composition, ctde o/, wonW- gne ; ce nui veut dire : la monlagne. (****) oBurgundiones, qui rcbellaverant, • belle riviere que les anciens appeloient la >> riviere d'.iiis ct qu'on nomme aujourd'hui la » riviere d'Hiere. » Qu'est-ce qu'entendoicnt autrefois les Armoriques par' le lermoacs? Etoit-ce d'Aclius dont ils vouloient parler? Non sans doute : ce terme etoit usite avant lui, il etoit aussi ancien que celui de A'er. Le motacs est forme d'a,riviire, qu'on a change- en fi«. 1 SuivanlM. Bullet, .1 , en languecim- brique , signific cau , riviere. Aa , en cimbri- quc , suedois , danois , runique , islandois : ri- viirc. Aa , amas d'cau, en grec, suivantlle- sychius. Aha, en gothique, tentoniquc, lla- man' tes , ceux du nord en parliculier , tels que les » Gallois; il en est dememedes Irlandois et » des Latins. En gallois, en saxon et en bas- » breton, on dit car ou cacr. En osque, caer; » en hebreu , mar ; les Massorettes , maar ; Ics » Latins , macrco, Hre marri.» Action, fontaine sur Ic Jourdain , lire son nora d'ae , fontaine , ctd'on, soldi: fontaine dusohil. Ac, signifie encore a present de I'eau. Dans qnclqucs pro- vinces de France, dit M. Bullet, on appellc acrole une petite ampoulle pleine d'eauqui se fait sur le corps ; cette ampoulle est nommee aiguarolc , en Languedoc , d'aiguc , qui signi- fie eau.Cc qui fait voir qu'ac, dans acroJe , dc- signe de I'eau. Ainsi, par le terrae aet , les Armoriques ont cxprime la rai^me chose que riviere. licr-aes veut ilonc dire : i'i7/c de la ri- viere ou vitic sur le lord d't/nc rivih-c. Albert le Grand avoit atlribue la fondation de Ker-acs h une princesse qu'il nomme Ahes ou AchC'C, clqui adft vivrcau cinquiemc sie- clc. Outre que I'exislcnce de cctte prince.sse n'cst pas fondle sur I'histoire, du moins de la (*)ni6liiirccriilfj!ic dc la Monarchic Irangaitc, 1.2, ch. 9, p. 295. INTBODUCTIOTf. 3 1 vel historien de Bretagne , Dom Morice , dit que Ton en apercoit encore manicredont ilnons apeint savic, cet histo- rien auroit dft s'apercevoirque Ic mot a/ics est le meme qu'oM, et que celui d'acftife n'estpas different (Taches , qui se rend par riviere (*). M. Og^e , qui n'a pas de raisons plus solidcs de prendre acs pour Aetius , s'expose auxme- mes reproches qu'il fait a cet auteur trop juste- ment decrie. Les Armoriques avoient differens mots pour exprimer ce que nous appelons riviere ; celle qui passe h Carhaix fut tanlot appelee aes et tantot Aif re (♦*). Ce dernier terme acnOnpre- valu. Ce n'etoit qu'un nom gcncrique , qui est devena parliculier. Les noms de Ker-alis et de Carhaix sont exactement les memes , quant au sens qu'ils renferment. Nous avons expose celui de Ker- atjs, faisons connoitre ce que denote Carhaix. Car ,ville ; ai, riviere (***) : ville de la riviere, ou ville sur le iord d'une rivihe. La Chronique de Saint-Brieuc , commencee I'an 1394 , donne le nom de Carhez a la ville de Carhaix (*•*'). Car , ville; es ou ess , riviere, suirant M. Bullet. Le P. Gregoire de Rostrenen rapporle que les Vennetois donnent a Carhaix le nom de Carhh. Ce capucin , si verse dans sa langue , faisoit un grand cas de I'idiome du diocese de Vennes.Lorsqu'il dit que Carhaix s'appelle en latin Urbs Aesia, il n'a egard qu'a la termi- naison.Ces noms sont celtiques dans le fond: vr , ville ; es, riviere ; ur , chez les Gallois , signifie habitalion ; ur , en ancien grec , ville ; de \k,itrbs en latin. Des etymologies des trois noms que Car- haix a portes , il suit que celui de Ker-aiis (*) Aches , en gallois , veut dire , riviere ; ach , eau, cnbretonct chez les ancicnsGermains; ac , eau , en basque ; ackaz , en persan , etang; achu, en hdbreu , lieu aqtialique et marecageux ; ach , en Illinois, lac ; acha, riviire, en grec. (**) Le terme Hiere est form^ de hioxi /, arli- de, et A'er, rivUre. Goer, en bas--l)reton , ri- viere; erbi, en copble, itang , mer; erke , en fin- landois , lac. (,"*) Aion ay, riviire, en dcossois ; ai, eau , en persan; hhhai, jonlaine , en arabc ; hai , mer, eaa, en chinois ; oyer, eau, en amhe; oyer, eau , rividre , en malai ; ayero , aiguiero , ruis- «au(fune rue, en Languedocien. n'estpas plus energique que les deux autres ; tous presentoient les memes idees ; Ton pou- voit , conscquemment , les employer suivant sa volonte. Aucun n'a pour more cctte com- plaisance que M. Ogee reprochc aux Francais : ils ont une origine plus noble. La parole no peut etre que I'image de nos idees : celles-ci doivent etre la peinture des objets : les noms, qui representent les objets , en font done uq tableau assez ressemblant , pour qu'on les dis- tingue sur-le-champ : soit que dans les anciens temps on ait dit , Ker-acs , Car-aiou Car-'es , a I'instant on concevoit une ville siluh sur le lord d'une riviere. II n'y a , dans ceci , rien d'arbifraire : on suit I'idee de la position du lieu qui ne varie point. C'est presque toujours, sous ce rapport, que les premiers habilans de la terre firentla description du point que cha- que socicte y occupa. Sur les debris de I'opinion de M. Ogee, s'eleve maintenantla haute antiquite que nous avons donnee a Carhaix dans ngtre premier volume (*****). Les preuves dont nous Tavons appuyee conservent leur premiere force. Jet- tons seulementun coup d'oeil sur les noms que les monumens romains ont donnes a Carhaix. Pourquoi la table de Peutingerrappelle-t-elle Vorgium ? Nous en trouverons la solution dans la langue de nos ancelres ; vor , habilalion ; gi, riviere; um, lerminaison latine , conse- quemmentetrangere(_******).Onentendoitdonc au quatrieme siecle ("****), par Vorgium , un lieuhabiU sur lebord d'une riviere; ce qui nous indique Carhaix. Depuis ce temps jusqu'a nos jours , on a porte le meme jugement sur cette ville, en la caracterisant par sa position. (****) Bom Morice , pieuves justificatives de I'Histoire de Brelagne , lorn. 1. p. 27. (••*«•) Voyez les pages 59,60 , 61 el 62. ( Ci- dessus.noTi.p. 23,25,25,26, 27,28,29. a. V.) {**'***)Vor ou bor, habitation, ence\l\(\ae; tar- da , mitairie , en basque ; horde ou bourde , mai- wn ,envieux frangais ; gi, eau.riviire, en gal- lois. De la , giboulee; ghia , mer , en larlare du Thibet; giang , /letwe , en lonquinois. (*••****) M. le comte de Buat , dans son hisloire des anciens peuples de l'Europe,a fai tvoir que celle Table n'a point ^l^dress^e du leiups deTlieodose le Grand, ni de son flls Honorius, coaime I'avoient cm la plupart des lavans, mais anlericurement i eux. 32 IIISTOinE ECCLESIASTIQUE. quclques vestiges et qu'elle fut ruiuee par les Danois au commencement Quel motif a portc Ptolcm6c h nous la faire connoilre sous Ic nom dc Vorganium? Le void : Icniot Vorganium sc tire dc vnr , habi- tation; (iegan , tris-abondanie , ct d'i , riviere (*); ce qui sc rend par lieu habiti el tres- ahondanl aupris d'une riviere. C'est la prc- ciscmcnt la nolion que M. Ogee nous donne de Carhaix. Cilons les Icrmes qu'il emploie a la 6' page de ccs niemcs obseivalions. « Le » bopuf , le gibicr dc loute cspece, la perdrix » sur-tout, le beurre, le laitage, ct toulcs » les dcnri'cs y sont excellens, ct sont peut- » 6tre cc qu'il y a de mcilleur en Bretagne , « en cc genre. Les terrcs et les prairies , qui » font un objet intercssant pour les habitans » dc la campagne , sont d'un trcs-bon rap- 1' port el trcs-avanlageux >>. Plus on se rap- procbe du temps oil Carliaixful pcuple, jilus son nom est analogue a sa position ct a la qua- lite de son terroir. Sous quclque denomination qu'on I'ait connu , les tcrracs dont on s'est servi.onl toujourscte pris dans la languc dc ses anciens posscsseurs. Les premiers liabitans de Carhaix Irouvii- rent, dans I'elevation de son terrain , une for- tification naturelle : Tindustric vint dans la suite a Icur secours ; la fci tilite du pays anima la population ; les desccndans , trop rcsserrcs, se partagerent ; d'autres licux furentoccupes ; les colonics se multipliercnt ; une grande partie de la Bretagne fut insensiblemcnt cul- tivce parcepeuple, qui prcnoit des accroisse- mcns rapides. Carhaix , qui avoit etc le bcrccau des Osis- mii , conlinua d'etre leur metropole sous les Empercurs Remains. Ptolemec, qui vivait du temps d'Adricn et dc iMarc-Aurelc , en fait une ville capitalc. Si les Itomainslui donnerent le nom dc son peuple , c'est parce qu'elle en ctoit la mere. Ainsi , Condate et Condivicnum prirent le nom dc Ilennes et dc Nantes : ces (Icux villos Tout conserve jusqu'a cc jour, parcc qu'clles ont toujours ele Ic chef-lieu de leur triliu. Des Ic qualrieme siccle, les empercurs de- lachcrcnt les Corisopili dc Carhaix. Deux rai- ( * ) M. Bidlcl dil que S"" signifie plenitude , surabonihncc ; i, rlriirc , m pallois \y ,rii>i(Te, en cliinois; aii, eau , cnalbauoisj iajonc, en sons semblent les avoir engages i faire ce de- membrcmcnl : la trop grande ctenduc des Osisinii , qu'il iloil lion dc diviscr, ct I'occa- sion qu'on en trouvoit dans la nouvclle villc de Quimpcr. Lasplcndeur dc Carhaix s'eclipsa pcu i peu aux cinquieme et sixieme siccles : le» Romains ccssiJrcnt dc I'liabiter; et la religion chretirnnc y introduisit des changemens. Car- haix rcprit (lone son ancicn nom. Le commandant d'une milicc particuliere avoit etc place dans celte ville par les empe- rcurs. " In Iractu Artnoricano ct NerricariO , » prccfeclus miliium Osismiacorum ; Osismiis:'. Ccs prefels s'ctoient fait une gloire d'cmbellir leur sejour: c'est de la que sont venus ces fragmens curicux dc colonncs , dc statues , ccs bronzes antiques , ccs medailles en or et en argent, de divers empercurs, ccs aque- ducs , etc. dont M. Ogee fait I'ctalage. Ces commandans ont reside a Carhaix durant les sieclcs brillans dc I'empirc romain : leur ha- bitation y a etc fixe et permancnte ; celle d'.Vctius n'ci'it etc que momcnlancc: ses trou- pes , dont I'opulencc n'cloil pas lepartage, n'auroient cu garde de faire passer le luxe dans leur camp. La capitalc d'un peuple doit entretcnir des communications avec ses voisins , lantii cause duserviccmilitaire quepourla facilile du com- merce. Carhaix communiquoit, par une voie romaine , avec Nantes, Vennes , Ker-is , Brest, etc. M. Ogee dif, page 4' de ses obser- vations , <• qu'avant la confection des gran- » des routes dans la Bassc-Brclagne , on )) voyoit encore aux environs de Kcr-aes , " parliculiercmenl sur les chemins dc Nantes » ct de Brest , plusieurs debris dc la voie ro- >' maine designee .) , saint Corentin est dit : cpiscopus civitatis Aquilcv. Ce qui donne occasion au P. Gregoire de Rostrenen , dans son dictionnaire breton , de faire sortir le nom de Quimper de hemp ou kanip , qu'il rend par champ de bataille ^ et dVr, qui veut dire aigle. Suivant celte etymologie , Quimper seroit la meme chose que champ de raigle, campus (iqnihv. C'est sans doule par inie suite de cette de- nomination que I'eglise appelce aiijounriuii Lo-Maria {Locus-Maricc^j , au diocese de Quimper, se nomme dans les cbartres , Sancta Maria de Aquilonin , et que des lettres de Benedict I , eveque de Quimper , ont ete expediees in Aquilonia cii>itate. 78. Le P. Ilardouin , ne a Quimper , celebre par son erudition , et plus encore par la siugularite de scs opinions , a rcmarque , dans une des notes de son edition de Pline le ISaturalisle , que Quimper signifie ville entouree de murailles ; mais il ne dit point d'ou il a tire celle etymolo- gie. Les savans I'ont laissee pour ce qu'elle vaut ; nous la releguons avec eux parmi les paradoxes que ce Jcsuite a pn's plaisir d'enfanter. Ce qui nous etonne , c'est que M. I'abbe Expilly I'ait renouvelee de nos jours dans son dictionnaire des Caules. Le P. Cregoire , que nous avons cite plus liaut , assure que tamper est un ancien mot cellique (jui veul dire gueirier. Nohs voyons aussi , par ce qui nous resle des monumens des plus ancie»nes langues du nonl , que le terme kimpcr y est employe pour exprimer celui qui s'engage dans le service militaire pour une solde , o« par I'espoir du pillage. Dans son origine , ce mot designoit un homme robusle , un lutteur. Kemp/Ian (3) , mi- litari ; kcmpa (anglo-saxon) , miles ; campjf (lenlon) , helium ; kcmpfer, hel- lator ; hemper (belgice) , athlela , pugil. 79. Le nom de Quimper a ete pris aussi sous un point de vue Wif- fereut de celui que nous vcnons de presenter. Dom Lobineau en fait doriver I'originc du mot limmer , qui, dans Tancienne langue desBre- (1) Bollandislie , torn. 3 , mense Jul. kcmpfan , comballre , h moins qu'il n'cn loit (2) Nolilia Galliar. une varianlc k nousinconnuc. (Vid. Wachler, (3) Cc mot est sans doulc une alteration de Glossar. germani. F" kempfen.) a V. IJfTRODUCTlON. 35 tons , se rend par confluent de rmeres (i). Dom Le Pelletier remarque d'ailleurs que ce mot est compose de kem , en latin cum , et de bifr , ccoulement. Ce qui repond au latin conjluens , dont nous avons fait con- Jluent ^ Con/lans , pour faire connoitre la jonction de deux rivieres. 80. II s'agit de decider a laquelle de ces deux etymologies nous de- vons donner la preference. La \ille de Quimper est effectivement situee au confluent des rivieres d'Oder et de Tbeyr. C'est dans ce sens que Bernard de Moclan, eveque de Quimper, a domie , en 1166 (2), des leltres y^pud conjluenliam in Ecclesia B. Maries et B. Ckorentini. Mais il est necessaire d'observer que le nom de Quimper sedonne a des lieux ou la jonction de rivieres ne se trouve pas. Tel est Quimper-ver , sur la source d'un ruisseau qui passe jusqu'a la \ille de Treguer , sans s'unir k d'autres. Tel est encore Quimper-quezennec ^ oil il n'y a point de jonction de rivieres. D'ailleurs , au mot Quimper , on auroit du au moins ajouter le nom d'une riviere , comme on le remarque dans Quimper-le. A celte derniere Yille , la riviere d'Izol (3) va se perdre dans celle d'EUe (4). 8r. Si nous nous attachons au sentiment du P. Gregoire de Roslre- nen et aux titres qui viennent au secours de cette opinion , nous avons la satisfaction de voir se developper comme d'elles-memes non-seulement I'origine du nom de Quimper , mais encore celle de la fondation de cette ville= Situee sur I'Oder (5) qui se degorge a quelques lieues dans I'O- cean , elle etoit propre a devenir une des clefs de I'Armorique. Le Hen oil elle est assise fut done clioisi par les Romains, lorsqu'ils furent mai- ires du pays, pour y etablir une garnison. L'enseigne de leurs legions , comme tout le monde le sail , etoit une aigle ; le terrain ou leurs troupes furent cantonnees ne put mieux s'appeler dans leur langue que Campus AquilcE. Les naturels du pays le nommerent Quinip-er, en celtique,parce que I'aigle romaine , qui etoit le symbole de la force et de la superiorite , y etoit arboree , et que d'ailleurs il etoit occnpe par une troupe de guer- riers. Ce lieu dut devenir alors un asile contre la violence et le brigan- dage ; on pent se persuader sans peine qu'il ne tarda pas a se peupler et a prendre la consistance d'une ville. (1) Vie des Saints de Bretagne. (5) L'Oder tire son nom d'o , paragogique , (2) Dom Morice, preuvcs justificatives de et de der , nom appellatif de riviire, devenu Bretagne, torn. 1. propre de celle-ci. EI!e prend sa source dans (3) Le Domd7roJvientd'is,ri«iire, et d'oJ, des montagnes , au diocese de Quimper, a arlicle. quatre lieues sud-sud-ouestde Carhaix , passe (4) Celui A'EIU est derive d'e!, arlkle , et S Pont-Bourgis , Quimper, et se jette dans la de laig , riviere, mcr, i deux lieues sud dc cette derniere villc. 36 • mSTOlRE ECCLESIASTIQUE. 85... 83. Quiniper , foible comme les autres villes dans ses commence- uiens, acquit par la suite de la consideration et merita , de la part des Roniains , par ses accroissemens , le noni de capitale. Elle est marquee , dans la Notice des provinces et cites de la Gaule , parmi les cites de la IroisieaieLjonnoise. Lepeujjle qui en dependoit y est reconnu sousle nom de Corisopiti. C'est la premiere fois qu'il est parle de celte nation ; dans les siecles anterieurs a Tcpoque de cette Notice , ce peuplc faisait parlie des Osismii. 84. Les Corisopiti , que. M. de Valois avoit mal a propos confondusavec les Curiosolitcs , occupoient I'etendue de cclle parlie de TArmorique qui I'orme aclucllement Ic diocese de Quimper. Dans le proces que Nominoe , qui aspiroit au titre de roi de Bretagne , fit vers le milieu du neuvieme siecle aux eveques de celte* province , I'eveche de Quimper est appele Co- risopitensis. Ce nom subsistoit meme en 1166, temps 011 I'eveque Ber- nard , dont nous avons parle , s'intitule : Corisopitensis Ecclesitv. humilis minister. 85. Les Corisopiti (i) n'ont pas ete les seuls subordonnes aux Osismii. Ce qui compose le diocese de Leon faisoit encore une de leurs depen- dances. Lorsque , dans la vie de saint Gildas, on lit que saint Pol fut eveque des Osismii (2), on doit en conclure seulement que sa juridiction s'eten- doit sur une partie de ce peuple , puisque nous le retrouvons egalement dans le diocese de Quimper. 86. La ville de Leon doit sa fondation a la meme cause (jue celle de (Quimper. L'une et I'antre se rapportent aux Romains. Leon fut d'abord le sejour d'une legion a qui Ton atlribua un Pagus , on district. Ce Pngiis appele Leone nsis , et mieux I^gionensis , du nom des troupes qui I'liabi- terent, ctoit pcu de cliose dans son principe. Cbildebert I en fit present a saint Pol-Aurt'lien : il y ajouta en meme temps celui des Agnates. Ces Agnotes etoient differens des Anagnotes de Pline. Ceux-la, suivant Arte- niidore dans Etienne de Byzance , etoient fixes dans la Celtique sur le rivage de I'Ocean (3) : on ne pent mieux les ranger que sous les Osismii. La parlie occidcnlale du diocese de Leon , environnee de la mer de tons cotes, conserve encore le nom d'Ack dans un des cantons ecclesiastiques (1) Les CorisopUi lircnt Icur denomination (2) Acta SS. ordin. S. Bcncd.t.l. de cor , habiialion ; d'iso , au-dcssous , ct de (3) Le nom .IjnolM vicnl d'ni; , pmn^c ,})ro- |)^,>non(nl7nf. Ce quidonnea entendre :unpcu- montoirc;dc na , rati , cl d'ol , lord , rivage; pie qui habile un pays bas ct oil il y a des ce qui veut dire : Peuple qui habile un Itrrain monlagncs. dlevele long des cCUsde la mer. INTRODUCTION. 3^ de cet eveche, et le port d'Aber-Ack en tire le sien (i). Ce qui fait voir I'analogie qui se trouve meme de nos jours entre les Agnates , et le pays qu'ils ont autrefois habile. 87. iNous lie pouvons assurer, avec la nieme con fiance, que le terrain sur lequel on a pris les dioceses de Treguer et de Saint-Biieuc , ait ete egalenient du ressort des Osismii. Nous n'avons point de preuves posi- tives a administrer ; aleurdefaut, nous en trouverons de negatives. En efiet , de tous les peuples de I'Armorique , cites par Cesar et les autres liistoiiens , aucun ne pent etre place ni a Treguer , ni a Saint-Brieuc , si ce 11 'est les Osismii. 88. Nousavons deja fait assez entrevoir que ce seroitapureperte qu'on voudroit placer a Treguer les Lexobii ou Lexovii (2). Leur capitale etoit Noi'iomagits : I'ltineraire d'Antonin en determine la position a Lisieux. Que, dans des temps recules , il ait existe une ville , sous le nom de Lexo- bie , dans le lieu qu'on nomine Cazgueuded , et que plusieurs eveques sortis de TAnglelerre y aient trouve successivement un refuge, il n'en resultera rien en faveur des pretendus Lexobii de I'Armorique ; ils sont absolument inconnus a I'antiquite. D'ailleurs, le nom de Lexobie , qu'on fait porter a cette ville, ne viendra pas de celui des Lexovii. II se rappro- clie naturellement de Cozgueuded ., et signifie peut-etre la meme chose (3) , a une foible difference pres. On pent assurer que Cesar n'a point eu en vue notre Armorique, lors- qu'il a parle des Lexovii. Strabon a marque d'ailleurs la position de ce peuple vers I'embouchure de la Seine. Ptolemee en parle apres les Ca- lelce. Quoique la maniere dont il s'exprime , en le faisant suivre imme- diatement par les J'eneli, qui etoient dans le Cotentin, ne soit pas exacte, elle ne permet pas du nioins de le placer dans le diocese de Treguer. (1) Aber, port. un ruisseau. Bie, en grec , a cetfe m^mesi- (2) Les Lexobii de Normandic ont pris leur g"ification ; elle est la meme dans le celtique. nom dans le terme Llisau , hcrbc ; ce qui carac- ^^ ''' ' ^^ ^*' ""*' tWktc d'Afrique ; Biete , terise un peuple qui habile une contrcequi "^'"^ d'Artois; le ruisseau de I'un des ma- produit beaucoup d'herbes. On salt de quelle ■"^'^ ^^ ^°' ' ,. ,. \ ., . , que le nom de tea;o6» vient uniquement de sa mine en tue ou bia , peut designer un cana , position 38 niSTOIRE ECCLliSIASTIQUE. 89. Nous piofiterons de celte circonslance pour remarciuer ici que le noru de Treguer est le nieine que celui de Trccor. L'un el I'aulre signifient Irois rivieres (i). U se forme a Treguer uue pcninsule par la jonction de deux rivieres , dent une se divise en deu\ bras avaut que de se joiu- dre , de facon qu'on croiroit apcrcevoir Irois rivieres. go. Les Biducesii de I'toleiiu'c ne reconnoilroient point a Saint-Brieuc leur pays nalal , quoi qu'en disc d'Argentre (a). Ce peuple etoil le meme que les Fiducasses de Pline (3). Le rapport qui se trouveenlre ces deux noms ne laisse pas de doute sur leur idenlilo. Aussi MM. de Valois et d'Anville u'onl fail qu'uue seule et mcnie nation des biducesii et des Fiducasses. La capitale de ce peuple a ete decouverte au commencement de ce siecle pres la riviere d'Orne, un peu au-dessous de Caen , dans une pa- roisse que Ton nomme Vieux (4). Les litres de I'abbaye de Fonlenai qui en est voisine , lui donnent le nom de Fideoccc et de Feocce , qui prend son origine dans I'idacdsses. De nicme que de Durocasses on a fait DrociE , Drei/x ; ainsi de Fiducasses est venu Fideocce, Feocw , Fieu.v. Un aqueduc , des debris de colonnes, des inscriptions, un gymnase complel , des bains , donl celle capitale ctoit decoree , sont des preuves non cquivo(|ues de son ancienne grandeur. On y voit encore des traces de voies romaincs. Ce que Ton nomme lu lerre levee, et qu'on a eu la complaisance d'altri!)uer a Guillaume le Con- (pierant , a iXww cole sa direction vers Yesme ( Oximum) dont nous avons parle ci-devant. A I'opposile , celte route , a la prendre au passage d'un ruisseau qui passe sous ^ ieux , lendoit vers Bayeux. Le cliemin de Lisieux, (|ui passoit pres d'Estrecs (Strata) avant que d'arriver a la ri- viere de Dive , el qui traverse celte route , conduit pliilol a ^ ieux qu'a Caen. ni. Les Ca/eti (5) , que Le Baud a lenlc d'ctal)lir a Saint-Brieuc, ne seroient pas moins deplaces que les Biducesii. lis s'etendoient , suivant Strabon (6) , jusqu'a I'embouchure de la Seine. D'apres Plolemee , ils occupoient la cote septenlrionale depuis cctle riviere (7) : ce qui les fait placer dans le pavs de Caux , en Normandie. Comme Cesar st'paroit les (1) Le ierrae Trlgucr vienl de Ire , Irois , ct (i) Mcmoircs de I'Acad. des belles-lettres , dVr, riviere; cclui dc Trecor vicnt de encore a present (i568) , les reeeveurs en font cbapitre en deniers j> comptes et non recus. Et se trouve au registre de la seneehaussee de » Rennes , qu 'autrefois il y eut proces entre le due et les eveques pour V les paturages desdits marais , ou le due pretendoit que ses hommes » avoient droit de mener leur betail en commun. » L'etymologie de Cesambre justifie pleinement cet habile historien. Par ce terme , on entendoit des paturages voisins d'une montagne (8). Tout decele les brigandages que la mer a faits depuis Alet jusqu'au Cap-Fre- hel. Ce nom est tire Ae fres , dechirement , et d!hel, grand. L'ile qu'on appelle Catis a ete environnee d'une foret que la Ranee traversoit. Cat , foret ; is , riviere. L'anse du Guesclin , que le rivage de la mer forme en la paroisse de Saint-Coulomb , sur les confins de celle de Cancalle , n'a pas toujours existe. Un rocher, qui est a peu pres au milieu de cette anse, et que (1) Solidor vientde sol, valUe ; d'i ou hi, bordduquell'eau lal, et A'e , riviere. hois, et de dor , riviere : valUe convene de bois (5) Ban , profond ; che , lieu ; nou , riviere, auprcs d'une riviere. (6) Conchee veut dire ; montagne habilee qui (2) Arbourg prend son nom d'ar, rocher ; domine sur une riviere. Celermevknt dc con , d'e, riviere , et de burg, bourg. rocher; de che , habitation , et d'e, riviere. (3) Le nom de Ranee signiUe partage de ri- (7) Hist. deBret. «iere ; il se tire de ran , partage , et de sa, en (8) Le nom do Cesambre vient de Cesan, ga- composition se , riviere. son , motle de terre avec Vherbe , et de bre , (4) De Cole vient de col , terrain contre le montagne. 46 IIISTOIRE ECCLESIASTIQUr. les grandes marccs couvrent maintenanl tout enlicr , a cle tlu continent, r.'etoil autrefois une fortification ou il y avoit uue garnison (i). In ruisseau qui prend sa source au'dessous du Lupin en Saint-Cou- lomb , vers I'orient ct Ic midi , longeoil les coles de Roleneuf , passoit au-dessous du proniontoire de la \ arde et alloit se decliarger au-dessus de Cesanibre. Les noins de ces lieux nous en fournisscnt la prcuve (a). La paroisse de Paramo qui , depuis le Lupin exclusivemcnt , sV'lend jus- qu'a la Varde, et est bornee vers le midi el roccidcnt par le Rotouan , a pris son nom de ces ruisseaux (3). La foret de Cbesey s'est meme avancee jusqu'a Gersey. Adrien de Va- lois , dans sa Notice des Gaulcs , fait mention de celle ile sous le nom de Cesarea. Si cet bistorien a pense qu'on I'avoil ainsi appelee de Jules- Cesar ou de quelque empereur , c'est ime erreur que nous devons rele- ver. Ce nom et quelques autres qu'on lui a donaes concourent a faire connoitre que le terrain de Gersey a ete couvert de bois dans les pre- miers temps et qu'il joignoit une foret (4). Celte villc ou bourg de la Basse-Bretagne que I'nnonyme de Ravenne appelle Cris ou Kris , et dont on ne sail pas bien la position , est une nou- velle preuve des incursions de la mer sur le continent de I'Armorique. Depuis un grand nombre de siecles, clle est ensevelie dans les eaux (5). (1) Cc roclicr qu'on appcllc YEvesquc tire tion vers Icmidi ct I'occident dc Paramo. II a son nom d'c'i-ci , garnison, ct de que, forlifi- pris en partic son nom du marais qu'il tra- ealion ■■ rocher forlifid oil il y a une garnison. verse, ras, marais ; ovan, riviere. On a mis (2) Le Icrmc TAipin designe un terrain clcve un t devant ovan, scion le gonic de la languc au-dessus duquci il y a uii ruissoau. ( Lu , mis- ccltiquc. scan; pin, ctevalion.) Celui dc Roleneuf sc (4) I.c tcrme Cesarea csl forme do ces , fa- int de rol, riviere ; dc len , pelile , el A'euf, tH, el A'ar , grandc. Ces est Ic mcnic mot que colline : coUine sur une pelile riviere. Le ruis- bes , foret. Le 6 et le (/ se placcnt dans le cel- seau du Lupin a done coulc dans une plainc liquc I'un pour I'autre , de m^mc que Ic h se au-dessous dc Roleneuf ; cettc plainc est , dc- substitue par le f. Cciarca vout done dire: puis bicn des siecles , occupi'o par la mcr. Le grandc forH. Le mot Gersey prouvc que cettc ruisseau du Lupin se rcndoit ensuitc sous le lie a etc voisine d'une fortft. Gcr,auprh; say, promontoirc dc la Varde , le long de la meme forel : lieu auprcs d'une forel. Gersey a encore plainc. T'ar, au-dessus ; de , riviire : lieu qui porlc Ic nom dc Resia ou Lesia. Re , auprts ; domine sur une riviere. si, foret. Le , auprcs; si, foret. CMc (otH, (.3) Paramc a cmprunlc son nom dcpa, pe- qui joignoit Gersey, ne pouvoil dire que celle lite; dera,rti'itTc, ctde mat , courburc. Ceqyii de Chescy. veut dire : canton sur le bord duquel des ri- (5)Le nom de Oris ou Am est compose de t'itTf* font une cnurhurc. La coledc Roleneuf haer , viUe , habitation , hameau , et A'is , bos. ormc,jusqu'A la Varde, une cspecc dc dcmi- Le pcuplc brcton s'cst forme une grandc idee fcercle. Le ruisseau qui couloit au bas dc cctlc dc I'etcndue de cettc vllle ; il a cru que le nom rote ctoit consequcmmcnl oblige dc dccrire les dc Paris vcut dire pareil a is , ou second is ; mcmes ligncs. Le Rotouan suit la m.!me direc- en lalin , par-is. Crcdulc qu'il csl , il n'a pas INTRODUCTIOPf. 4? Ce que nous venons de dire touchant les iles de Chosey , de la Cou- chee et des autres lieux de celte espece , est appuye sur uiic verite aii- joiird'hiii reconnue , savoir, que les iles voisines de la terre ferine en ont fait autrefois parlie. Telle a ete encore I'ile d'Ouessant (i), qui est actuellement a quatre lieues de la cote. On decouvre encore de nos jours , sur la gre've , dans les grandes marees , des troncs d'arbres et des debris de maisons. loo. La carte de la Manclie, dressee par M. Bellin en 1763, fait voir que la profondeur de la mer qui , a prendre au-dessus de I'ile d'Ouessant , est de soixante-trois brasses , \a toujours en diminuant jusqu'au pas de Calais. M. Desmarest a prouve , en lySi , que I'Angleterre joignoit autre- fois Calais par une langue de terre (a). 11 y a tout lieu de croire que cet isthme s'etendoit d'abord jusqu'a la hauteur d'Ouessant. De celte ile au Cap-Lezard , -il n'y a pas beaucoup plus de trente lieues. Cet espace de terrain , altaque le premier par les flots de la mer, a du en ressentir des effels plus marques; a mesure que la mer a etendu ses conquetes , ils ont du etre moins sensibles. Aussi son lit est-il moins profond , a proportion des progres que nous supposons qu'elle a fails sur cet isthme. Pour s'en convaincre , il suffit de jeter un coup d'oeil sur la carte de M. Bellin. Tout annonce que les Casquets et I'ile d'Aurigny tenoient a Port-Land. Les pierres Cabris et d'autres rochers voisins devoient joindre d'un cote les Casquets et I'ile d'Aurigny, et de I'autre , le cap de la Hague. Depuis Grenesey jusqu'a I'endroit qu'on nomme le Groin de Cancalle , la mer est herissee de rochers. Tout cet espace maintenant occupe par la mer , n'a fait parlie de son domaine que par les coups redoubles qu'elle hii aportes. fait attention que Kris pouvoit n'dtre qu'un celle-ci a retenu. Le terme Elhorne vient A'el , simple iiameau. monlagne ; de hor , riviere, etde nds , aupres: (l)Oucssant est appele IZxontis/niu/a, dans riviere qui coule aupres d'une ou plusieurs I'ltincrairc maritime; dans Almoin, Oj(a; dans inonlagnes. Parle nora de Bcniguet, ile au Guillaumc le Breton , Philippidor VII , Ossa. couchant du Conquet, on connoit qu'elle a cle Les Ouessantins le nommcnt (/mo et Ussan. au milieu d'une foretet qu'une ou plusieurs ri- Ce derniernom paroit le veritable et les autres vi^res y avoient leurlit. Ben , monlagne ; i,ri- enderivent. II vient d'uc/ia ^ Ires-haul, super- viire ; guel, forel. Celui de Molenc , ile entrc latifd'ueA, haul, et d'amn , riviere : lieu fori le Conquet et Ouessant , atteste le voisiiiagc elev^ qui domine sur une ou plusieurs rivieres, d'une riviere. Mol , monlagne; en, rivihe. 11 y a lieu de penser que I'Aon , qui se de- L'Aon et I'Elhome devoient passer aupres de gorge dans la bale de Brest , vers I'est , et I'El- ces deux iles , avant que de se rendre a Oues- horne, vers rest-nord-est, Ouoient dans les sant. premiers temps jusqu'a Ouessant , et que de la ,^. ^. ... , . .. ^ „, , iu aiininnt c« ^„„ 1 A 1 i (2) Disscrtation suF la lODCtion dc 1 Ang 6- us auoient se rendre dans la mer. ^on , erase , , , ^ d'^t'on , est un nom appellalif de riviere , que terre k la France. 48 iriSTOIRE ECCLfSIASTIQUE. La meme cause qui a delaclie noire islhme du continent a fait rom- pie autrefois a I'Ocean la digue qui ttoit entre Ceuta et Gibraltar , a donne naissance a la Mediterrance , a separe la Sicile de Tltalie et les lies de rArcliipcl de la terre ferrae. Mais comment ces changemens se sont-lls oj)erc's ? Pour ce qui regarde la separation de I'Armorique et de I'Angleterre , on ne pcut , pour peu qu'on runechisse , I'atlribuer a un tremblement de terre. 11 en resteroit encore des vestiges : des rochers entr'ouverts et places sans ordre se presenteroient entr'aulres a la \ue. Qu'on se rapproclie du temps ou le deluge couvril la surface de la terre , on concevra que I'eau qui avoit penetre presque loutes les parlies inte- rieures de ristlmie de I'Armorique, ne s'evapora pas des le moment oil sa surface fut laissee a sec. La mer , sans doute iuqietueuse alors dans les parages de I'istlime , comme elle Test a present , donna de toule sa masse conlie le continent et en delaya de plus en plus les terres. L'air en furie seconda ses efforts de temps a aulre , et lui donna assez d'acti- vite pour ronger et detruire insensiblement la digue que la nature lui avoit opposee. Les tempetcs reunies quelquefois aux grandes marees eloienl capables de produire les plus grands changemens. Les rivieres qui alloient se decliarger dans la mer favorisoieut d'ailleurs ses invasions j Ainsi, par la succession du temps, les terres de rislbme durent dispa- rollre ; les monlagnes (jui rcsisloient a tout le courroux de lamer, for- merent des 51es. L'Ocean , loujours en action , et a qui un avanlage en preparoit un aulre, a su tcllcment en profiler, cju'il a enfin reduit les choses dans I'tlat ou elles sonl. Les liabilans de lislbme ou ceux (jui en etoient voisins , n'avoient pas assez d'induslrie pour opposer a la mer des barrieres arlificielles ; et quand bien meme ils auroient trouve dans leur propre fonds des ressources suffisantes , ils auroient neglige de les employer. En petit nombre dans le conmicnccment , el snjcls a peu de besoins , ils avoient plus de terrain qu'il ne leur en falloil. II eloit interessant de connoilre , avanl loutes choses, quels etoient les peuples qui out habile les premiers noire Armorique ; nous ne pou- vions mieux faire que d'aller ensuile a la decouverle du terriloire que chacun d'eux a occupe. La seule chose que nous regrcllons , c'est de n'avoir pas repandu plus d'agrement sur ccUe maliere. Llle exigeoil de la precision : nous avons cru qu'on nous feroil grace , en faveur de la juslesse que nous devions employer. loi. Les peuples de notre Armorique faisoienl parlie des cites marili- mcs donl parle Cesar. Par le terme ch'itns , cet historien entendoit non une INTRODUCTION. 49 Une ville en j^articulier , mais le district d'un peuple distingue et inde- pendant de ceux dont il etoit -voisin. C'est aussi dans ce sens que nous nous en sommes servis. 102. Les six peuples qui composoient notre Armorique formoient cha- cun un etat separe , une republique particuliere. Cliaque cite avoit ses niagistrats pour decider les differends qui y naissoient , et ses ministres pour le service de la religion. Les cites avoient communement sous elles des peuples d'un ordre inferieur , ou , ce qui est la meme chose , se divisoient en cantons qui ressortissoienl a la cite. Tels furent d'abord les Corisopiti , les Jgnotes et ceux de Leon a I'egard des Osismii ; ceux de Dol et d'Alet par rapport aux Diahlintes. Des circonstances particulieres , que nous detaillerons dans notre histoire , les firent sortir de I'etat de subordination ou ils avoient vecu ; leurs villes , soil qu'elles fussent ho- norees du litre de capitales , soit qu'elles fussent propres a le recevoir , offrirent des sieges aux premiers evequesqui en firent la conquete a Jesus- Christ. io3. Quoique souveraines dans leurs etats respectifs , les nations arnio- riques s'etoient confederees entr'elles pour leurs interets coramuns. Elles etoient liees en outre avec les autres peuples de la Gaule. 104. La cite des Redoncs ^dxdiX. avoir tenu de tout temps un rang dis- tingue parmi les Armoriques , soit parce qu'etant situee a pen pres an centre des cinq autres peuples avec qui elle etoit particulierement unie , les assemblees generales devoient s'y tenir de preference , soit parce que les terres avancees dans le continent etant plus propres a fournir aux pre- miers besoins des hommes que celles qui sont sur le bord de la nier , elle a dii etre peuplee une des premieres. io5. Condate , capitale des Redoncs , ne laissa pas de devenir commer- cante. La Vilaine (i) connue de Ptoleraee sous le nom d'Herius (2), que Ton retrouve a present par celui de Treig-hier , qui est le passage de cette ri- viere entre la Roche-Bernard et son embouchure , va se decharjrer entre la presqu'ile de Ruis (3) et le degorgement de la Loire. Ce qui donna occasion aux Redones de se lier avec les Veneti. (1) Gregoire de Tours nomme la Vilaine Fi- Yilaina qu'elle a retenu. C'est le meme que cmom'a ; Fredegaire , Ficcnonia , et Aimoin , Wi\m , riviere forte. Tisnon. Les moderncs rappellent Tigelania et (2)Ou£rius.Voy. ci-des.n°69,p.21. a.V. Tigelonia. Le nom de Vicinonia vient de wich, (3) Ruis s'appcloit d'abord Reuvis, d'ou Ton force ,et d'on, riviire. Gregoire de Tours com- a fait Ruis ; elle 6toit entierement de la terre pare en plusieurs endroits cette riviere a un ferme ; la mer, par ses efforts redoubles, rn a torrent C'est aussi ce qu'exprime le nom de fait une presqu'ile. Rcug, dechirure; wise, cau. 1 5o IIISTOIRE ECCLliSIASTIQUE. De grandes routes ouverlcs a Condate conduisirenl d'un cole a Ingena (i) (A\ ranches) , de la a Legedia (le Havre de Liugreville) , el meme plus avant sur les coles du Colciilin en Neustrie , ou plulul / cst-Rich , c'est-a- dire , ivjaume occidciiUd ; d'aulre cole , a Jidiumagus (Angers). Uue troi- sierae route qui sorloit de Condate passoit par Corseul et se rendoit a Re- ginea^ Erquy. 106. Les Namneles s'etablirent , a I'exeniple des Redones , sur le bord des eaux. Les avantages qu'ils retirerent de la Loire ne furent pas d'abord suporieurs a ceux de leurs voisins ; mais lorsque la navigation eut pris ipiclques essors , leur conunerce , el sur iner et sur lerre , les combla de richesses. Pytheas, celebre geograpbe de Marseille , qui , selon I'opinioii commune, \ ivoit environ deux cent quatre-vingts ans avant Jesus-Christ , regardoil Corbilo conime une des villes les plus opulentes de laGaule (2). II lacom- patoit a Maiseille et a IVarbonne pour ses richesses el sou commerce (3). C'eloit surtoul dans Tile brilaiuiicjue (jue Corbilo trafiquoit. Scipion demauda aux habitans de celte ville , ainsi qu'a ceux de Marseille et de IVarbonne , des eclaircissemens sur celte ile ; mais ils ne liii en donnerent aucun. Si ces deux dernieres villes u'etoient pas en etat de satisfaire la cu- riosite de ce romain , ce qu'il ne nous imporle pas d'examiner , les Corbi- hnois avoienl des raisous d'inleret pour ne rien repondre. La question proposee suppose des connoissances dans ceux qu'on inlerrogeoit, la cause da silence est facile a deviner. Les Corbilonois firent semblant d'i- gnorer ce que , dans le fond , ils savoient. C'est qu'ils ne vouloient pas comuiuniquer a un etranger des lumieres dont il auroil pu se servir a leur (k'savanlagc. lis n'avoienl pas dessein de parlager avec d'autres un com- merce qui les combloit de bions. C't'loil un systeme rccu parmi les na- tions adonnees au trafic , de cacher la source de leurs richesses. Nous li- sons dans Sti'abon qu'un vaisseau romain , qui vouloit dt'couvrir la route du pays ou Ton liroit I'ttain , suivitrdans celte intention un baliment phe- nicien ; ([ue Ic pilote , pour couvru' sa marche , alma mieux se faire eclioucr; el que , par rcconnoissance , le Iresor public le dt'dommagea a son relour de la pcrle (ju'il avoil faite (4). 107. Les auteurs sont partagts sur la position de Corbdo. M. de \'alois (1) Ingena ; d'in , belle , ct dc gen, foreC ; (3) Lc commerce considerable que les Nan- Tlerius vient de tor, forte , cl d'i, rivihc. tois onl toujours fait sur mrr , lour a donne „ „. , ... , occasion de prendre un navire pour armes. (2)Strabo,geo6r.hb.4. (4) Geogr lib. 3. INTRODUCTION. 5 1 pense que cette ville etoit la meme que Coueron (i) , petit port de mer sur la rive droite de la Loire , a deux lieues au-dessous de Nantes. M. d'Anville regarde ce sentiment comme probable. Sanson , au contraire , a cru que Corhilo etoit la meme que Condmcnum. 31. Huet a suivi cette opinion {%). II nous paroit que c'est la seule a laquelle on puisse s'atta- clier. En effet , comme le dit ce savant prelat , il n'est pas vraisemblable que deux villes de commerce , etant si voisines , eussent pu s'elever en meme temps a une si grande puissance. A cette raison , qui nous semble solide , nous ajouterons que Corhilo et Condmcnum presentent a I'esprit la meme idee , quoique sous des termes differens. Leurs noms ont la meme source : ils sont piis dans la langue celtique. Nous avons fait voir que Condmcnum vient de conk (angle) ; Corhilo est forme de corn , qui veut dire egalement (un angle). Les noms de Corhilo el de Condivicnum prisen eux-memes , conviennent done a la meme ville (3). Ce Scipion , qui avoit demande a Corhilo , Narbonne et Marseille , des instructions sur le commerce de I'ile de Bretagne , eloit probablement Publius-Coruelius-Scipion qui fut consul dans la seconde guerre puni- que et pere de I'Africain. Dans ce cas , il devoit etre contemporain de Pylheas. D'ou Ton pent iuferer que les Namnetes avoient porte dans I'ile leur Irafic au moins trois cents ans avant I'ere chretienne. La fondalion de Marseille remonte , comme on le sait , a trois siecles plus liaut. Narbonne etoit florissante avant que les Romains eussent tente de porter leurs amies dans la Gaule : elle avoit pris le nom Ae Narho- Martius. Ce ne fut que cent seize ans avant Jesus-Christ qu'une colonic romaine fut etablie en cette ville. Les medailles et les inscriptions de ce temps prouvent ([u'elle ne doit pas son surnom au consul Martiiis-Rex. 108. Les Diahlintes de Noedunum etoient , suivant la Table theodo- sienne , en correspondance avec les cites de Vieux et de Baveux, en Basse-Normandie , et avec le Mans. 11 semble que ceux de Dol et d'Alet ne s'empresserent pas de meltre a profit les secours que le voisinage de la mer leur offroit (4). D'anciens tilres font connoitre qu'une voie qui se (1) Coueron lire son nom it cou , porl ; dVr, (4) On ignore quels pouvoicnt fire les jiorls sur , au-dessus , el d'ori , riviere : port sur la de mer qui sc trouvoicnt dans le dislricl d'Alet riviere. et celui de Dol. Les cliangeraens que la mer y (2) Histoire du commerce. ' "P".*^^ °« permetlent pas de les reconnoitre. La raison principale qui engagea TEmpirc h (3) Corhilo est compose dc corn, angle; Ail, placer un camp a Alet, etoit pour arr«erles hahilation, et d'o , riviere : haiilalion oU des barbaresqui, en remontant la Ranee, alloient rivieres forment un angle en s'unissanl. devaster I'intcricur de I'Armorique. Sa IIISTOIRE ECCLESIASTIQUE. veiidoil de Kormandie par la Manceliere , en Baguer-Pican , a Carfenten , aiicien Fauxbourg de Dol , conduisoit de la a Corseul. 109. Les Curiosolites s'etoient servis plus utilement de leur position. V.n port a Erquy, des routes qui aboulissoieiit de Corseul a Rennes, a Ven- ues et ailleurs , supposent que ce peuple avoil forme plusieurs branches d'industrie. 110. Les Osisniii, a considerer I'etendue de leurs etats, auroient du elre puissans. lis le seroient devenus infailliblement , s'ils avoient su tirer parti de I'tlenient qui baignoit leurs cotes. Les seuls ports que nous leur conuoissions etoicnt Brest el le Porz-Liocan. 111. Ms-a-vis de Brest se trouve le passage de Viroise. Ce nom peut lui venir d'/z/j , ([ui , dans les premiers temps , etoit celui de I'lrlande. C'est que Ton cingloit de Brest par I'lroise , pom- se rendre cliez les Irois on Ir-landois. Ce qui nous iudique que les Osismii cioient autrefois en com- merce avec rir-lande. 1 1 2. Carliai.x. avoit des relations avec Brest , Vennes et Nantes. Ce tpii nous fait presumer que cette capitale etoit riche. Les cantons qui ont servi a composer les dioceses de Treguer et de Saint-Bricuc , dont I'in- dustrie primitive ne se dccouvre pas , devoient etre fort pauvres et con- st(|uemment peu peuples. lis neprirentpas de consistance, memesous les Bomains. 113. Les plus "celebres et les plus riches de IWrmorique furent les J'e- iicti. Leur habilete dans la marine les mit en etat de tout entreprendre. Les forces redoutables qu'ils entretinrent sur I'Ocean (i) leur en donnerenX I'erapire : les vaisseaux qui y naviguoient leur payoient des droits de passage. Ce fut ce haul point de grandeur qui fit donner a leur ville priucipalc le nom fastueux de Ddriorigum ou de niailresse de la merfaV C'etoit la qu'on voyoit le port le plus fameux de I'Armorique et proba- blement de toute la Gaule. Les Veneti y faisoient leurs plus forts arme- mens. Cesar assure que, de son temps , les Veneti etoient dans I'usage d'en- (l) Comment. Cisar. lib. 3. marinicrs ct dc Iciirs soldats. "Le nom latin (2)LcsKomains,qui s'unrichissoicnt desde- ■ deccltc coulcur T'cncdi* , qui est le nom ilc pouillcs des nations ct de leurs connoissanccs, . ce peuple (T>ne(i), dit M. Iluet dans son surcnt proliterde rexperiencc des Fcncft dans » iiisloiic du commerce et de la navigation , la marine. C'est d'cux qu'ils cmprunlcrent lu- • marque son origine. II est vrai , ajoule-t-il , sage dc donner la coulcur dc la mer aux vais- • que queiqucs auteurs grccs ont rappnrle le scaux qu'ils destinoicnt a la decouvcrte , aux • nom de celte coulcur aux Vcnetcs silues sur voiles, aux cordages, aux habits mcmc dclcurs b le golfe adriatiquc, mais c'etoit fautc de INTRODUCTION. 53 Toyer un grand nonibre de \aisseaux en Angleterie (i). Ce qui suppose qu'ils en faisoient le principal commerce. Get liislorien fait assez con- noitre , par la maniere dont il s'exprime , que ce trafic subsisloit depuis long-temps. II faut avoir recours a d'autres ressources pour en trouver I'epoque. Ce sont les Pheniciens, si Ton en croit Strabon (2) , qui ont ouvert le commerce des lies britanniques : ils le faisoient a I'exclusion de tout autre peuple. Ils y portoient , dit cet auteur , de la vaisselle de terre, du sel , des instrumens de fer et de cuivre de toute espece. Suivant le temoignage de ce meme bistorien , ces iles produisoient du ble en abondance ; elles ren- fermoient dans leur sein des mines d'or et d' argent ; les esclaves y etoient en grand nombre; les cliiens qu'on y elevoit excelloient pour la cbasse. Il est a croire que toules ces cboses entroient dans le commerce des Pbe- niciens. Celui de I'etain seul leur valoit desbiens immenses. Herodote , qui naquit quatre cent quatre ans avant Jesus-Cbrist , temps ou les Phe- niciens trafiquoient encore en Angleterre , ne put rien apprendre de cer- tain dans la Pbenicie meme sur ce commerce , lant ils etoient jalouxd'en faire un mystere aux etrangers. Himilcon decouvrit les lies britanniques environ trois cents ans avant noire ere. Ce futla le commencement du commerce qu'y firent les Cartba- ginois. Diodore de Sicile avance que les Gaulois leur enleverent le commerce de I'etain et de I'ambre. Comme les Pbeniciens sont les plus anciens navigateurs , il pent se faire qu'ils aient ete les premiers negocians qui aient entre dans I'ile. Les Nnnt- netes , ainsi que nous I'avons vu , y trafiquerent des le temps de Pytbeas. Les Veneti avoient entrepris le meme commerce avant leurs voisins. Nous en fournirons bientot des preuves sensibles. Diodore de Sicile dit que les Bretons insulaires transportoient I'etain dans I'ile de Wigth (3) , ou les marcbands etrangers venoient I'acbeter. Ils le portoient de la dans la Gaule , oil ils le cbargeoient sur des cbevaux. Des ■ savoircombienlespeupIcsdeVennesavoicnt sonne, ils rendoient cette letlre par ou. Dio- » cu de reputation et d'autoritd dans les affaires dore de Sicile , qui appelle cette ile Ida , dit » de la mer. • qu'elleetoit prochcde la Bretagnc , quelle pa- (1) Comment, lib. 3. roissoitune ile et qu'elle eloit loule entouree (2) Lib. 3. d'cau lorsque la marec montoit, raais que le (3J Les Romains nommoient I'ile de Wigth reflux laissoit a dccouvert le terrain qui etoil Veda, Tedis , Vidcsis , ct Ptolemec Ouide- entre deux. Cet historicn ajoute que les Bre- sis. Comme les Grecs n'avoient point d'? con- tons prenoient ce temps-la pour passer en eha- 54 HISTOIRE ECCLlisiASTIQUE.' cotes dc la Gaule ils arrivoient en Irenle jours tie marclie a rembou' cliurc ilu Rhone , c'est-a-dirc , a Marseille , comme Strabon rinterprele- Ce meme ecrivain observe ailleurs que ces negocians transporloient I'e- tain de ces iles a Narbonne , lorscjue les Romains y eurent envoye une co- lonic ; ce qui arriva cent seize ans avant Jc'siis-Clnisl. C'etoit a Darioiigian qu'ctoienl etablis les coniptoirs gaulois ; c'cloit la (ju'abordoienl les vaisseaux qui portoienl I'elain de Tile. Tout concourt a faire croire que Diodore ne pensoit point autreraent a cet cgard. Outre (ju'aucun autre peuple de la Gaule n'etoit aussi en etat que les reneti de faire ce conunerce , ce que Cesar en a dit suffiroil pres([ue pour de- cider la question en leur faveur. Mais ce qui tranche toute difficulte , c'est (jue les niarcliandises pouvoient se Iranspovler facilenieul par terre de \ ennes a ^larseille et a Narbonne. Une vole qui sorloit de Dariori- gum se rendoit directement a Nantes. La deux routes s'ouvroient : I'une sur la gauclie et du cote de Bourges senibloit aboulir a ^larseille ; I'autre sur la droite passoil par Poitiers et Bordeaux el se terniinoit a Narbonne. Les Yoiturcs pouvoient cgalement se rcndre par terre a leur destination dans trente jours. En evaluant les journees de chevaux a six lieues , traite qu'ils peuvent faire aiseraent , quoiquc cbargcs , ils se trouvera qu'ils avoieut fait i8o lieues Ic trenlieme jour. Ce furent encore les Veiicti qui , au rapport du mome Diodore , reni- l)laccrenl les Carlliaginois dans le commerce dc la mcr Balti([ue, environ cent seize ans avant notre ere. C'est sur ses bonis (|no Ton pcchoit le succin ou I'ambrc (jui etoit si recherche par les anciens. Outre qu'on remployoit comme aujourd'hui dans la medecine , les fenuiies I'esti- moienl aulant que les perles les plus precieuses. Le gout pour I'ambre •'toil encore dominant parmi le sexe , du vivanl de Pline qui s'en plai^ gnoit ameremenl. Ce bilume servoit aussi a faire des vases , dcs statues ot d'autres ouvrages qui exigeoient des morceaux considerables. Les Gaulois, qui n'en faisoient que des colliers et des brasselels , ne les con- sefvoient pas dans toule leur grosseur. Les Feneli et les Namnctes qui , des le commencement , lonrnerent Icurs vucs vers le commerce , durent le faire dans lile avant les Car- lliaginois el au nicme temps que les Phcniciens. Les Duiniwnii , qui ha- rlot de la Icrrc fcrmc dans Ida. Ce qui prouve qui marque la situation du terrain , meme qu7c/a a ite une prcsqu'ilejointc au continent avant qu'il fill delaclie do la Bretagne insn- l)ar un isthmc que la violence de I'Ocean a fuit hiirc par lOcean , puisqu'il etoit sepnre dc la disparoltrc.H'ii/j/i se rend par siparalion, nom terre, lorsque la marce montoit. IJVrRODUCTION. 55 bitoient ce que nous appelons aujourd'hui la Coruouailles insulaiie , ou se tiouvoit I'etain fin , eloient voisius des T'eneti. Redevables de leur existence dans I'ile a ceux-ci, comme nous le ferons bieutot voir, ils ne pouvoient manquer d'entrelenir une correspondance mutuelle. Les be- soins reciproques des deqx nations les y invitoient et la facilite du trajet leur en procuroit le moyen. Temoius du commerce que les Phenicieiis faisoient en Angleterre , et surlout de celui de Tetain qu'ils prenoient eii Coruouailles , les Vened apprirent a se modeler sur eux. Comme Tavi- dite du gain fait toujours de fortes impressions sur les negocians , ceux de Dariorigum durent faire tous leurs efforts pour partager avec les Plieniciens cette brancbe de trafic , le plutot qu'il leur fut possible. ii4- Les premiers liabitans de 1' Angleterre , ainsi que de la Gaule , fureut les auimaux. Unie d'alDord au continent , elle leur presenta un asile comme le reste dela terre ferme. L'bistoire ne fait point mention du temps ou elle fut changee en ile. Cette epoque est anterieure a la de- couverte qu'en firent les Pheuiciens , et peut-etre au temps ou les Ar- moriques formerent leur republique. Ce qu'il y a de certain , c'est f[ue , comme I'Angleterre a du se detacber successivement du continent , la Maii- cbe n'a pris que peu a peu la forme et I'etendue que nous lui voyons. ii5. «Ona, dit Tacite (i), peu de lumieres sur les premiers ha- » bitans de I'Angleterre. Etoient-ils nes dans le pays meme? Venoient-ils )) d'ailleurs? Une nation barbare ne pent nous eclairer sur ce sujet » On prendroit pour desGaulois ceux qui sont voisins de la Gaule. Cette •u ressemblance est I'effet ou du meme sang , ou du meme climat. En ge- )) neral , on doit presumer que des Gaulois se sont etablis dans une » contree dont leur pays n'est separe que par un bras de la mer. Tout » favorise cette idee : meme langue, meme culte , egales superstitions, » pareille audace a la vue des dangers , semblable timidite a les sur- » nionter. » « La raison nous apprend , pour eiuprunler les expressions de Camb- » den (2) , que cbaque pays a d'abord ele babile par les peuples voi- » sins plutot que par ceux qui en sont eloignes : qui ne croira en effet » que I'ile de Chypre a ete premierement occupee par ses voisins les » Asiatiques ; I'ile de Crete et la Sicile , par les Grecs; la Corse , par les lia- » bitans de I'ltalie; la Zelande , par les Germains ou Allemands ; I'lr- 5> lande , par les peuples de la Korvege; et non que ces pays ont ete peu- (1) Agric. vita. c. tl. (2) In Britan. 56 HISTOinE ECCLESUSTIQUE. » pies par ties colonies venues du fond de la Tartaric ou de la Maurita- » nie? De nicme, pourquoi ne croirions-nous pas que la Grande-Bre- » tagne a ete habilee par les Ganlois qui eloienl dans le voisinage, plu- » tot que par les Troyens, les haliens , les Albains et les Bruliens , qui « sent si eloignes? .... 11 resulte de la que les anciens Gaulois et les » Bretons avoient la nieme langue ; et , par une consequence necessaire, y> que Ton doit rapporter I'origine des Bretons au.\ Gaulois. Car il faut » avouer que la Gaule, voisine de 1' Armt'nie , fertile en fruits et encore » plus peuplee , au rapport de Strabon , a ete habitee la premiere. Et » puisque les Gaulois ont envoye des colonies dans I'ltalie , dans la Ger- » manie , dans la Tlirace et dans I'Asie , a combien plus forte raison ne » doit-on pas penser qu'ils en ont fait passer en Anglelerrc , pays voisin » du Icur et qui n'etoit pas moins fertile ? Les Anglois doivent se glori- }> fier d'etre sortis de ces anciens Gaulois qui etoient regardts comme le » peuple le plus courageux. » Selon Cesar (i) , la cote maritime de la Brelagne insulaire fut occu- pee par des colonies gauloises. « L'interieur est babite, dil-il , selon la » tradition du pavs , par ceux qui y sont nes. La cote maritime est pos- » sedee par les peujjles que I'envie de piller et de fairc la guerre fit sor- » tir de la Belgique. lis portoient presque tous les noms des cites ou ils » etoient nts. Ils sorlirent de leur pays natal pour venir dans cette con- » tree. Apres y avoir fait la guerre , ils s'y etablirent et commeucerenl » a y cultiver des tenes. » Il y avait effeclivement en Angletcrre des .itrebates (a) el des Belgir. On y remarquoit une vilie sous le nom de Venta Bclgarum , dont il est park' dans I'ltineraire d'Antonin. Ces deux peuples etoient originaires de la Gaule. Le nom seul des Beiges peut justifier ce que Cesar rapporte de cette nation. Bclgcn , mot tudescpie , signifie se disputer , se qncreller. Ces Beiges etoient done un peuple ferocc (|ui ne respiroit que la guerre el les combats. 1 16. Outre les Atrebates etles Belgrr , Ptolemee place dans la Bretagne in- sulaire les Parisii (3) assez connus dans les Gaules (4). Comme I'amour du (1) Comment, lib. o. Pays-Bas. (2) Les Alrcbalcs prcnncnt leur nom da(, (3^ Lc tcrmeParwiivicntde par, navire,ci lerre; de re , beaucoup, cl de hat , abondanl. de guuys , en composition//? , hommes. On sait Ce qui se rend par : habitans dune conircc queles Parisicns faisoicnl un grand commerce fertile. L'Arlois oil ce peuple ^loil flie dloit par cau. tri'S-abondant. On Tappcllc le greoier des (4^Gcograph.lib. 2. c. 3. pillage INTRODUCTION. ^'] pillage et de la guerre avoit conduit ces peuples en Angleterre , il faut qu'avant leur premiere entree dans I'ile il y ait eu des habitafls. Et cofn- inent ces braves aufoient-ils pu y signaler leur courage , s'ils ti'avoient rencontre avec qui se m^surer ? Aussi ceux qui demeuroifeftt dans I'in- terieur de Tile en etoient-ils , suivant Cesar , les premiers colons. Les Beiges et les autres etrangers qui s'emparerent de la tiiCconfereftce de I'ile firent replier vers le centre les naturels du pays. Mais d'on etoi^ftt softis les peuples qui occupoient I'interieur de I'ile? Etoiefif-ils imloch- tlK)nes , c'est-a-dire , avoient-ils pris naissance dn sein meme de la terre, comme les plantes qu'elle feconde? Ce sentimetit de quelques anciens n'a pas besoin de refutation. Le venerable Bede tious inslrui- ra mieux. « Les Bretons ^ dil-il , qui ont donne leur nom a cette ile , » en ont ete les seuls habitans. lis vinrent de I'Armorique dans Albion » (I'Angleterre) et s'emparerent des parties meridionales de Cette ile. » C'est la tradition du pays. » Pomponius-Gallus ne fait pas difficulte d'avancer egalement que ce sont les Bretons de la Gaule ou les Armoriques qui ont porte le nom de Bretagne en Anglelerre. 1171 Les deux propositions de Bede nous paroissent d'une exacte ve- rite. L'application que nous allons en faire servira a les confirmer. Le terthe Britannia , suivant Humfroy-Lbuyd , est forme de pridcain , qui veut dire fort blanc. Le nom d'Albion que I'Angleterre porta d'abord , vient d'alb , blanc , et d'/o« , rocher ; ce qui veut dire , a la lettre : ro- cher des b lanes, Les noras de Bretagne et d'Albion sont done precisement les memes quant au sens qui leur est propre. 11 ne s'agit plus que de rechercher quels sont les Bretons armoriques qui ont donne a I'ile le nom de Bretagne ou d'Albion. C'est ce que nous allons decouvrir a I'instant. Le nom de Ve- neti que portoient les babitans de Dariorigum tire son origine de gn-en ou wen, qui siguifie blanc. Le terme Britones ou Feneti est done exactement le meme quant au fond. Ce sont done les Feneti qui ont donne leur nom aux Bretons de I'ile. Aussi un ecrivain cite par le Baud (i) a-t-il connu les Fe- neti sous le nom d'Jlbains. Il les place entre la ville de Teuducle (2) , qui est Quimper , et le fleuve Doena qu'on peut prendre pour la Vilaine (3). (1) Hist, de Bret. ouplusieurs rivihes Telle ^toit la position de (2) Le nom de Teuducle est forme do Ihuu , Quimper. qu'on prononce \oient les memes coulumes et la meme maniere de vivre des Gaulois.w Polybe assure la meme cbose. « Les Venetes , dit cet auteur, etoient sem- n blables par les mcxjurs , par les coutumes et par riiabillement , aux autres » Gaulois , et n'en dilTeroient que parce qu'ils parloient une langue dif- )) ferente. » Ce que Ton doit entendre seulement d'un dialecte different. L'empereur Julien (4) dit que les llomains subjuguerent tout le pays qui etoit babite par les Ilenetes , par les Ligures et par un grand nom- bre d'autres Gaulois. Ce qui montre que ce prince reconnoissoit les //e- /;e//pour des Gaulois. L'origine troyenne qu'on avoittente de leur donncr s'est dissipee par les lumieres qui ont eclaire I'bistoire. (1) Geograph. lib. 3. (3) Geogr. lib. 4. (2) Le Icrrae AquUaine sc lire d'ach , eau , (4) Julian. Oral. 2. et dc tan, habitation. INTRODUCTION. bg iig. La peiiplade que les Veneti firent passer en Angleterre a du pre- ceder de plusieurs siecles celle de I'ltalie. Places sur I'Ocean et a peu de dis- tance de I'ile, ils n'eurent pas de peine a I'aperceYoir. Familiarises pres- que des leur arrivee en Armorique avec la mer , ils durent chercher les moyens de la franchir avec surete. Le danger etoit d'autant moins grand que la traversee en Angleterre etoit moins longue. L'entree des T'eneti dans I'ile paroit done avoir suivi de pres celle qu'ils avoient faite dans TArniorique. Nous regardons comme au moins tres-probable que I'An- gleterre etoit reduite en ile , avant qu'aucun homme y eiit penetre. 1 20. Les yeneti , qui avoient peuple 1' Angleterre , durent en regarder les habitans comme d'aulres eux-memes. Les nouveaux colons trouverent dans leurs coeurs des motifs d'un attacliement solide. Mais les liens du sang se brisent enfin : il faut des interets communs pour les entretenir. Ce furent aussi les besoins mutuels qui conserverent la premiere union et qui la rendirent indissoluble. Des rapports si intimes entre les deux nations nous font comprendie avec quel zele clles devoient travailler a soutenir reciproquement leurs correspondances. Aussi , suivant Strabon et I'bistorien Dion , si les Veneti risquerent et perdirent dans un combat naval leurs biens , levn- liber- te et leur patrie , c'etoit pour s'opposer a I'entreprise que Cesar avoit formee sur File. lis furent assez heureux pour la faire ecbouer ; mais ils devinrent la viclime de leur attacliement a leurs voisins. Les insulaires , instruits que I'orage qui les avoit menaces alloit fondre sur la tete de leurs confederes , equiperent une flotte et partagerent avec eux le sort de la guerre. Cesar raconte les cboses d'une autre maniere ; mais il savoit si bien , comme I'a observe Plutarque , I'art de cacher de medians des- seins sous des dehors lionnetes , que le temoignage qu'il rend en sa pro- pre cause ne peut etre d'un grand poids. II vaut mieux en croire deux liistoriens qui n'avoient point de motifs de nous en imposer. 121. Notre dessein n'est pas de nous etendre plus au long sur les Ve- neti. 11 nous suffit de remarquer que , si les Pheniciens et les Cartha- ginois furent redevables d'une partie de leurs ricliesses a la brancbe de commerce qu'ils formerent avec Albion , les Veneti qui ne cesserent pas de le faire conjointement avec eux et apres eux , durent par cela seul parvenir au plus haut point de I'opulence. Nous dirons enfin que , tau- dis que le reste de la Gaule ne se piquoit que de cueillir des lauriers mi- lilaires aux depens de I'humanite , les Veneti, qui servoient de facleurs aux autres nations , en leur fournissant les besoins et les agremens de la 6o IIISTOIRE ECCLKSIASTIQUE. \ie, faisoient refluer dans leur patrie les biens de cliaf|ue peuple. Ce 11 'est done pas sans raison que Ton a pretendu qu'ils out ele les plus ct'lebies navigaleurs du monde. y^^. Le haul degrd de grandeur et de richesses ou rArmorique eloit parvenue, I'ordie qui y regnoit, avoient ele^ou^Tage de bien des siecles. Ciet edifice qui s'elevoit avec majestd , nialgre des defauts multiplies qui pouYoient en enlrainer la ruine , avoit eu des fondemens tres-fuibles. Pour peu qu'on ait ralleulion de lir^r le voile qui couvre le berceau des Ar- nioriques , on remarquera que lout anuonce chez eux , ainsi que chez les autres nations , la nouveaute des arts et des connoissances utiles. L'his- toire ancienue des Gaules , dont I'Arniorique faisoit partie , donne assez de jour a cette vt'rite. 123. Le premier haliillement des Armoriques fut le Saguni (i). C'etoit une cspece de raanteau carre que Ton assujettissoil; avec une agrafe et qui couvroit les bras, les epaules et la poilrine. D'ou il est natural de croire que , comme Ton n'eut d'abord que ce velement , une grande par- tie du corps etoit a docouvert. 124. La plupart des Gaulois prirent dg la occasion de se peindre le visage et de tracer sur leurs corps des figures de loules sorles d'aui- niaux (2). Solin croit qu'ils se servoient d'un fer tres-poinlu pour les im- primer dans la chair, lis frottoient cette empreinte d'une couleur bleue , que Cesar nomme J'itimn et Pline Glastum (3) (c'etoit du pastel). Cette gravurc s'allachoil si fort a la peau et aux chairs , <[u'elle nc s'elTacoit jamais. Ces figures , dont les hommes el les femmes s'imaginoienl embel- iir leurs corps , eurenl par la suite un autre avautage. Ce fut celui de dis- tinguer les families el les differenles ccxudilions. II n'etoil pas permis aux, esclaves d'eu porter. C'etpit une precaution que la politifjue du temps avoit iuvenlie pour reconnoitre tqujours qette portion d'hommes que la foililesse devouoit a la servitude. Les nobles se faiscjient sligmatiser le visage , les mains , les bras , les cuissq$ el la poilrine. Les figures qu'ils portoient en ces parUes de leurs corps les couvroienl en eulier ; celles du peuple etoienl plus petites el se 1 approchoient raoius les unes des autres. Ces empreintcs ne pouvoient manquer d'etre expostcs a la vue. C'esl pour cela, dit Ilt'rodien , qu'on ne nielloit poiul d'habils ; on uc vquloit pas cacher des choses qui faisoient honncur. (1) So!7un»vicntducclliqxic«ale, hdbH, ou 11. 44. Caesar, de bcUo gallic, lib. 5. clc. de fliebrcu tac\\ac}\ , coutrir. ^3, G((mj„,„ vient de q\te souverains dans leurs families continuerent lememc empire sous la pfotecfion des lois. Les maris avoient droit d« vie et de morl sur leurs femmes , ainsi que sur leurs etifans , du temps de Jules- Cesar. Lorsqu'un per6 de famille d'une noblesse distin- guce vcnoil a mourir, ses proclics s'asscmbloient , et pour peu qu'il v eut de soupcons sur sa mort , on mctloit sa fetnme a la torture commc une esclavc. INTRODUCTION. 65 esclave. SI le crime etoit avere , on la faisoit mourir dans les flammes et dans les plus cruels supplices (i). Un mari eloit oblige de faire entrer dans la communaule autant de biens qu'il en recevoit de sa femme : le tout apparlenoit au survivant , avec les fruits qui en provenoient (2). i4o. 11 paroit que I'aulorite de cbaque cite armorique etoil devolue 11 son senat (3). C'est dans cette persuasion que Cesar fit perir celui des Fe- neli (4). Ce general lui attribuoil la revoke des Armoriques contre les Romains. i4i. Jalouse neanmoins de sa liberie, cbaque nation se regardoit au- dessus de son senat; c'est pourquoi eUe se croyoit en droit d'infirmer quelquefois ses arrets et jugeoit meme ses niagistrats, lorsqu'elle pensoit ou qu'ils alloient contre ses interets , on qu'ils ne vouloient pas se ren- dre a ses ordres. Ce fut par ce double motif que les peuples d'Evreux et de Lisieux mirent a mort leurs senateurs. lis avoient decide de se reunir aux Veneti pour secouer avec eux le joug des Romains. Leurs magistrals s'y opposoient de tout leur credit (5), 142. Les senals des Armoriques etoient composes des personnes les plus remarquables parmi la noblesse. C'etoit le premier ordre apres celui des druides. Pour le peuple , il eloit presque reduit a la condition deses- claves ; il ne pouvoit rien parlui-meme, et jamais on ne lui donnoit de part aux alHaires. Une grande partie de ces nialbeureux, accables de dettes ou d'impots , en bulte aux vexations des grands , s'etoient rendus d'eux-memes esclaves des nobles qui avoient sur eux les droits que tout maitre a sur ses esclaves (6). 143. i44- i45. Les Armoriques qui connurent les premiers les avan- tages et les douceurs que Tagriculture procure au genre bumain , empor- tes neanmoins par le prcjuge commun a tons les Celtes , la regarderent comme une occupation basse et servile. lis laisserent auxfemmes, aux enfants , aux esclaves , le soin de la culture des terres (7). Les Veneti , dont le but principal etoit de s'enricbir par le commerce de terre et de mer , jugerent plus sainement de I'agricullure. Sans elle , ils n'auroieut pu reussir dans une entreprise de cette nature. Les arts mecaniques , qui en etoient un autre appui, durent ega'cment leur elre cbers. On ne pent douter que les autres negocians de I'Armorique n'aient suivi cet exemple. (1) De Bello gallic, lib. 6. (4) De Belio Gall. lib. 3. (2) Ibidem. (5) Ibidem. (3) Le nom de S^nal vient de senedd, as- (6) Ibidem , lib. 6. semblee des anciens. Sen, ancicn; edd,mai- (7) Strabo , lib. 3. son, Iriiunal. _ 66 IIISTOIRE ECCL^SIASTIQUE. Tous eurent neanmoins uu penchant decide pour le metier de la guerre. Leuis anceUcs en avoienl Irouve I'image dans les combats qu'il leur avoit fallu livrer aux beles sauvages. La rcconnoissance fut le premier Iribut que rou paya a ceux qui , par leur force et leur liabilete , avoient defen- du leurs sembialjles contre ces dangereux animaux , et les avoient enri- cliis de leurs depouilles. Ce fureut la les seules voies d'acquerir de la gloire. Se defendre et se novurir etoienl les premieres choses qui occupe- rent les Armoriqucs. Chacun clicrcba a fixer sur soi rattention des autres par son adresse a la cbasse. Les applaudissemens el Tadmiralion enfle- rent le courage de ces guerriers. lis en formercnt d'autres qui se firenl lionueur de les suivrc dans leurs courses. Ce fut la I'origine de ces cheva- liers si vanles dans les Gaules. Ces chasseurs voulurent par la suite exer- cer sur leurs palrioles cet ascendant qu'ils avoient pris sur les animaux. L'egalite , qui avail rc'gne d'abord, se dissipa pcu a peu. Les cxercices \iolens furenl particulicremcnl en rccommandation. De I'empire sur les betes , ces braves passerent a celui qu'ils se donnerent sur leurs sembla- bles. On regarda la force comme un acte de justice. Passee en loi par r usage , elle s'acquit des droits reels et absolus. On se persuada meme que la divinite prcnoit sous sa protection le plus fort , el que les foibles n'avoient point de droit a ce qu'ils n'etoicnt pas en ctat dc defendre. 146. C'est sur ce principe qu'etoient appuyees les conqueles que ces peuplcs faisoient sur les elrangcrs , et le droit qu'ils s'arrogeoient sur leurs vies et sur leurs biens. Les Senoncs (i), qui assiegeoient Clusium , ne balancerent pas a repondre aux ambassadeurs romains qui vouloient les detourncr dc s'emparer injustemcnt des terres dc cclte ville leur alliee , que leur droit etoil attache a la pointc de leurs epees , et que tous les biens appartenoient a de braves guerriers comme eux. « Lorsque , dirent- » ils , vous-meraes avez declare la guerre aux Albanicns , aux Fidena- » les , pour vous emparer de leurs terres , vous u'avez rien fait d'i- » noui ni d'injuste : vous avez suivi la plus ancienne des lois , celle qui )• donne au plus fort les biens du plus foible. Celle lui commence par la » divinile et s'elend jusqu'aux brutes (2). » C'est sur ce fondcraent qu'Arioviste disoit a Jules-Cesar que , suivant le droit de la guerre , le vainqueur dispose a son gre des vaincus. Le droit dc la guerre, c'est la loi du plus fort (3). (I) Le nom de Senonet vienl de »enon , la pertedcs hommes ctlaruinc des villej. ircs-grand. Cc pcuplc , ilit Floras , eloil d'une ^2) Til. I.iv. lib. 5. c. 33. laiUe cnorrac ct distingue par la grandeur dc ^^ j^^,,^ ^^jj.^ ^.^ j ^ jg ges armes, de sorte qu'il paroissoil nt pour INTRODUCTION. 67 1 47- Chaqiie nation armoiique respectoit dans ses membres le droit que nous appelons de premier occupant. C'etoit une loi qu'eile avoitren- due sacree. II n'en etoit pas ainsi a I'egard des peuples qui n'avoieiit point traite avec les Armoriques. Ceux-ci croyoient pouvoir les attaquer licite- raeut , piller et enlever leurs biens. Leur motif etoit que, n'ayant point renonce a la commuuaute des autres richesses de la terre , ils avoient droit de les reclamer. Comme dans ce procede ils trouvoient de I'opposilion , ils revendiquoient le droit du plus fort. Telles fureut les pretentions de cette colonie que les Veneti envoyerent en Italie. 148. La loi du plus fort , que les Armoriques et les autres Gaulois avoient etablie a I'egard des peuples qui n'avoient point de liaison avec eux , avoit souvent lieu entre les differens membres de la meme cite. Lors- qu'un ciloycn etoit ajourne devant les magistrals , ou pour une injure , ou pour quelqu'aulre raison , il pouvoit en certains cas decliner la juri- diclion et oflrir de terminer le proces par la voie des armes. Si la matiere du different n'etoit pas evidente , si I'accuse se tenoit sur la negative , si la deposition des temoins n'etoit pas suffisante pour le convaincre , les juges meltoient les parlies hors de cour el les renvoyoient a finir leur dis- pute par le duel (i). Lorsque les temoins ne deposoient pas la meme chose , ils etoient eux-memes tenus de se baltre. Quand des personnes d'un merile egal aspiroient a une cliarge , elle etoit disputee les armes a la main (2). Lorsque le cbef des druides venoit a mourir, son successeur ne le remplacoil quelquefois qu'apres avoir es- suye un combat judiciel. C'etoit par le duel que la justice et le bon droit se manifestoient. Un guer- rier ne connoissoit point d'autre jurisprudence. Elle etoit pour lui aussi prompte que glorieuse. Celle du barreau , dont la marcbe est loujours lenle , parce qu'eile est reflecliie , auroil trop mis a I'epreuve son ar- deur impetueuse , et , suivantle prejuge qui dominoit alors , auroil coni- promis son honneur. Aussi un Armorique gueriier avoit-il pour maxime de ne jamais paroitre en public sans ses armes ; c'etoit un usage de les en- terrer avec lui lorsqu'il mouroit. 149. Les etrangers et les voyageurs etoient les seuls qui n'avoient point a craindre de la loi du plus fort. Les Armoriques , ainsi que les autres Gau- lois , regardoienl leurs personnes comme sacrees et inviolables. Toules les maisons leur etoient ouvertes et parlout on leur donnoit a manger. On (1) Tacit. Annal. 13. Nicol. Damas. apud (2) Livius 38, StrobKum. lib. 3. 68 niSTOJBE ECCLEStASTlQUE. ii'altendoit pas mcmc qu'ils demandassent I'hospilalile : il y avoil une emulalion t'gale a qui les previendroil ; ils n'avoient d'embarras que sur le choix ; on regardoit comme favorise parliculierement du cicl , celui a qui ils donnoient la prcfi'rencc. i3o. Les niinislrcs de la religion gauloise remontent a la plus haute antiquile. Saint Clement d' Alexandria fail voir (i) , d'apres les plus an- ciens auleurs , que les druides subsistoient avant les Mnesipbiles , les So- lons , les Xenophanes , les Thales et les Pythagores. 11 ajoute , sur la foi d'Alexandre Thistorien , que ce dernier philosophe avoit ele I'eleve de ces Gaulois. i5i. C'etoit a ces niinistres seuls que la nation gauloise confioit I'edu- calion de la jeunesse. On auroit cru I'cxposer a des dangers , si on I'a- voit mise enlre les mains de toute autre espece de savans. Les jeunes gens qui alloient en foule prendre leurs lecons (2) n'etoient point des families du peuple : ses occupations ne relevoient pas si haul. Pompo- nius-Mcla , cite par Cluvicr, dit que cette jeunesse n'etoit pas simplement ingenue, mais la plus noble de la nation. iSa. i53. Ces maitres ne se bornoient pas a enseigner la tbeologie et la morale. Dans leurs ecoles , on disputoit des astres et de leur mouve- ment , de la grandeur du monde et de la terre , de la constitution del'u- nivers , de la puissance et de Tempire des dieux (3). lis faisoient profes- sion , dit Pomponius-Mela , de connoitre non-seulement la grandeur , mais encore la forme du monde et de la terre , les divers mouvemens du cicl et des aslres, et la volonte des dieux (4). Ces differentes connoissances ne peuvent clre autres que la physique , la geographic , I'aslronomie et les autres parlies des mallu'matiques. Ces sciences , qui sont le fondement dc la navigation , durent clre cultivees avec soin par les Armoriques cora- mercans. Pomponius-Mcla rapporle que les druides donnoient des lecons de I'art oratoire (5). Strabon y ajoute la jurisprudence et I'liistoire (6). Les ecoles de ces docleurs n'etoient point etablies dans les villes : ellesse tenoient dans le fond des bois et dans des cavernes solitaires (7). Leur doctrine etoil rcnfermec dans des vers qu'ils faisoient apprcndre par occur a la jeunesse. C'etoit facililer le travail de leurs disciples. Les vers se re- tiennenl plus facilemcnt el plus long-temps que la prose. C'est aussi la (1) Strom, lib. 5. (5) Geog. lib. 3. c. 2. (2) Dc Brllo Gallic, lib. 6. (C) Gcogr. lib. 4. (3) Ibidem. (7) Mela. lib. 3. c. 2. Lucan. Bello cirU. (4) Geog. lib. 3. c. 2. lib. 1. INTRODUCTION. 69 methode que Ton a suivie jusqu'au milieu de ce siecle, pour I'instruc- tion des jeunes gens. 11 est a desirer qu'on ne perde pas de vue cet avan- tage dans les nouveaux plans que Ton tache de rediger mainlenant. Ou- tre I'ordre et la simplicite des regies , il est bon de ne rien epargner pour venir au secours de la memoire. Mais coinine les druides ne donnoient jamais leurs traitc's par ecrit , ils mettoient des obstacles aux progres dans les sciences. Cesar donne deux raisons de cette methode : nous n'osons assurer qu'il les ait puisees dans leur vraie source. La premiere est afin que par la la doctrine qu'enseignoient les druides ne fut connue de per- sonne et qu'elleen parut plus mysterieuse. Laseconde, afin que les jeunes gens qui etoient obliges d'apprendre ces vers , et qui n'avoient pas le se- cours des livres , fussent plus attentifs a cultiver leur memoire. 1 54- Ceux que Ton avoit charges du depot de la religion furent assez generalemeut connus sous le nom de druides (i). Diogene-Laerce et Suidas les appellent Semnothees , de semnos , venerable , et de teos , Dieu; pour nous faire comprendre qu'ils se faisoient gloire d'honorer la divinite , de la servir et de la connoitre. 1 55. Nous pourrions , a I'exemple de Jules-Cesar et de quelques autres auteurs , comprendre , sous le nom generique de druides , tons les minis- tres de la religion gauloise ; mais , pour plus grande clarte , nous dirons avec Strabon qu'il y avoit plusieurs classes dans le clerge des Gaules ; savoir , celle des bardes , celle des deviiis et celle des druides. « Les bardes , » dit-il, composent des hymnes et des poemes. Les devins ofirent des sa- (1) On ne convient pas aujourd'hui de la que nous en trouverons I'etymologie. Nous ne raison positive qui delermina les Gaulois a les la rencontrerons point dans le mot drus , ma- appelerainsi.Lcsuns croientquelcmoldruWe gicien , d^mon ; ce seroit faire injure a la re- vient de Thcbreu derussim , qui veut dire con- ligion primitive des Gaulois. lis n'adoroient templaleur; mais quclque aOTinite que la Ian- point les esprits dans les premiers temps , et gue hebraique paroisse avoir avec le celtique, ils ne cherchoient pas a avoir de commerce il est plus naturel de puiser ce terme dansle avec eux. Dans les poesies bretonnes du cin- dialecte meme des Gaulois , surlout si Ton n'a quieme et du sixicme siccles , temps oh le drui- pas de fortes raisons d'agir autrement, et si disme respiroit encore, les ministres gaulois I'origine qu'on y rencontre exprime d'une ma- sont reprcsentcs sous le nom de Derouyden, niere plus sensible les fonctions des pretres au pluric! , etsous celui de Derouydausingu- gaulois. D'autres s'imaginent en trouver la lier. Ce nom est compose de deux racines eel- source dans le grec. Drus veut dire chene , tiques : dc ou di , dcus , Dieu , et de rhouid arbre pour lequel les Druides avoicntune sin- ou rhoud , loqucns , parlant, conversant. Var guliere veneration. Mais est-il vraisemblable le terme Derouyd, nous entendons done : C«- que, par ce motif scul, qui n'cloitqu'exicrieur lui qui converse avec Dieu el qui esll'organt a la religion gauloise , ces peuples cussent dc sa volonlS. On verra par la suite que c'6- donne k leurs ministres une pareille dcnomi- toit la I'idee que les Gaulois s'^toient fornue nation ? Pourquoi Taller chercher dans une de leurs ministres. langue etrangere ? C'est done dans le celtique 7" nrsToini; ECCLiisiASTiQUK? » crificcs el s'appliquent a la physiologie. Les druidcs , outre la physio- » logie , cullivenl la pbilosopliie morale. lis passent pour etre d'une in- » u'gritc a loute ('preuve. Do la vicnl qu'on Icur renicl la decision des )> difftiens que les parliculiers el nienie Ics peoples enliers onl les uns » avcc les aulres. Quelqucfois les druides des deux parlies disculent en- » ti'eux ce qui fait le sujet d'uue guerre , et trouvent le raoyen de paci- » fier des armees qui etoicnl sur le point de se ballre. Us soul charges >> pi incipalenieiil de juger les causes ou il s'agit de nieurtre et d'effusion }> de sang (i). » D'aulrcs liisloriens nous foul encore mieux connoilre le caraclere et les prerogatives de ces ordres religicux. Animien-IMarcellin remarqueque «les » esprits s'etanl insensiblcmenl cullivcs dans les Gaules, les sciences com- » menccreut a y fleurir. Ceux qui les enseignerent les premiers furenl » les bardcs , les devins et les druides. Les bardes cliantoient dans des » vers lieroiques et aux doux accords de leur lyre , les exploils des » grands liommes. Les devins etudioient rencbaincmenl et les secrets de )' la nature et s'appliquoient a les devoiler. Les druides , qui avoient un j> esprit plus eleve que les aulres , vivoient ensemble en communaute , a n la maniere des pylbagoriciens , s'appliejuant a des questions occultes » et sublimes , et , s'clcvant au-dessus de la condition humaine , ils pro- y> iioncoient que les ames sont immortelles (a). Les Caulois , dit Dio- 3) dore de Sicile , onl un grand respect pour les druides , qui sont les J) pliilosopbcs et les tbeologiens de la nation. lis onl aussi leurs devins n aux([uels ils ajoulcnl beaucoup de foi. Les devins predisent I'avenir , » tanl par le vol des oiseaux que par rinspeclion des viclimes; et le peu- » pie leur est eutieremcut soumis. lis pratiquent surloul (|ucl(|ue chose >^ d'extraordinaire el d'inct-oyable , (juand il s'agit de deliberer sur des « alTaires exlr^meinent imporlantes. On immole alors un liomme que le » devin frappe d'une cpee au-dcsaus du diapbragme, pour juger de I'a- » venir, lant par la maniere dont la victime tombe par Icrre . que par )) la palpitation de scs membres. II observe encore de quelle maniere le )) sang coule. Les Gaulois ajoutent beaucoup de foi a cette sorle de divi- » nation , qui est fort ancienne parmi enx. C'est une coutume recue chez » ce peuple , de n'offrir aucun sacrifice sans le minisleie d'un pbiloso- » pbe. lis donncnt pour raison de cct usage que , quand on veut olfrir )i des prt'sens aux dieux , il est a propos de recourir a la mi'diation des (l)Googr.lib.4. (2) Lib. 5. INTRODUCTIOW. 7 1 » personnes qui connoissent la divinite et qui sont ses confidens. On » obeit aux druides et aux poetes qui composent des hymnes , non-seu- » lement dans les cboses qui concernent la paix , mais encore dans celles » qui regardent la guerre. Les amis et les ennemis ont la meme soumis- » sion pour eux. On a vu souvent que , lorsque les armees ^toient deja !> en presence, et que le soldat , apres avoir jete sa lance centre I'en- » nemi , etoit sur le point de forcer les rangs I'epee a la main , les drui- » des se presentaient entre les deux armees , apaisoient le soldat irrite , » comme on apprivoiseroit des betes sauvages ; tant il est vrai que , jus- » que parmi les nations les plus barbares et les plus feroces , la fureur » cede a la sagesse , et qu'il n'y en a aucune ou Mars n'ait de la consi- » deration pour les muses (i). » 1 56. Ces temoignages nous feroiit faire ici une remarque importante , c'est que les Gaulois ne connurent d'abord que les bardes et les druides. Ceux-la , dont le nom celtique signifie un chantre ou un musicien (2) , elaut occupes a composer des bymnes , soit en I'bonneur de la divinite, soit pour conserver la memoire des actions eclatantes ou des lois civiles , vont se perdre dans les temps les plus recules. Les premiers mouvemens du cceur de I'bomme , a la vue des bienfaits dont I'Etre supreme le comble , le portent naturellement a exprimer la reconnoissance dont il est pene- tre. Sa dependance lui apprend a s'humilier devant son createur et a I'invoquer. Les cantiques sont done de la plusbaute antiquite , et, des le commencement , ils firent parlie du culle que Ton rendit dans les Gaules a la divinite. C'est par ce moyen que la religion se perpetua. Les airs sur lesquels ces cantiques etoient ajustes , la mesure ou I'liarmonie que Ton admiroit dans les paroles, rendoient ces pieces faciles a retenir. La me- moire qui se les rappeloit avec plaisir , les conservoit aussi fidelement que si elles eussent ete confiees au papier. Avant I'invention de I'ecriture, les Gaulois clianterent la grandeur et les merveilles de Dieu ; avant cette epo- que si favorable au developpement de I'esprit bumain , ils celebrerent les actions de leurs beros. 137. Les druides furent les premiers ibeologiens de la nation , les de- positaires des dogmes de la religion et ses ponlifes. La divination , quoi- que fort ancienne parmi les Gaulois , etoit par cette raison nouvelle chez eui , et poslerieure a la religion primitive. D'ailleurs , on con9oit aise- ment que cette pretendue science n'a pu elre que le produit de comtunai- (1) Lib. 5. (2) Fettas. lib. 2. 7^ HISTOIRE ECCLeSIASTIQUE. sons aussi successives que fausses , ct que ce fut la cretlulile agilc'e par la craiiite ou par Tesperance , qui lui doiuia cours dans la suile des temps. Si nous voulons done connoilre la nature Avx (Iniidisnu; , nous devonsle depouiller de ce que Ton y a ajoutc'. Avant que d'entrer dans ce qu'il a de plus secret , jetons un coup d'oeil sur son exterieur. 1 58. Ce n'etoil point dans les temples , niais sous le ciel que les Armo- riqucs et les autres Gaulois adoroient la divinite. lis ne s'assembloient pas meme a cet cffct dans les villes ou les bourgades. Leurs plus anciens sancluaires furenl sur les montagnes. Les plus celebres etoient dans les forcls. Quelquefois on les t'lablissoil proclie des fontaines , des lacs ou des rivieres ; tanlot le long des grands chemins et particulierement dans des carrefoius ou Ton ariivoit par plusieurs endroils. iSg. Ces lieux tenoient la place de temples. Comme ceux-ci, lis etoient dedies au culte de la divinilr. Les Gaulois, dit Pline (i) , consacroient des forcls aux dieux , principalenicnl des lorcls de clienes , et , dans tous leurs sacrifices , ils tenoient a la main des branches de eel arbre. Ce fa- meux temple du pays chartrain , ou les druides des Gaules s'assembloient dans un certain temps de I'annee , n'etoit autre chose qu'une foret. Les peuples de la Grande-Bretagne , issuspour la plupart de I'Armorique, sui- vait exaclemcnt la mcnic praliquc. Tacite , en parlant de la prise de I'ile dc Man par les Pvomains , rapporte qu'on renvcrsa les forcts ou les na- lurels du pays avoient suivi jusqu'alors de cruelles superstitions, en fai- sant repandre le sang des captifs sur les autels qui y etoient dresses , et en consultant la divinite par les entraillcs de ces victimes. iGo. Lorsque les assemblces religieuses se tenoient dans des fo- rcts, un grand et majcslueux arbre otoit le symbole de I'Elre supreme. Les Celles, dit 3Ia\ime de Tyr, reconnoissent un Dieu ; mais le simulacre ■ de Jupiter est parmi eux un chene eleve au-dessus d'un autre (2). On arrosoil I'arbre consacre el meme ceux cpii en etoient voisins , du sang des hommes et des animaux immoles. Leur tete etoit la portion ri^ervee a la di\ inili'. C'cst par ccttc raison qn'on ratlachoit a ces arbres (3). Celui qui faisoil Toffrande , etoit le niailre du corps dc la viclime. Si la chair ttoit propre a manger, il en faisoil un festin ou assisloient sa fa- niiilc et scs amis. ^ I G I . Lorsque le chene qui servoit de symbole venoit a perir, il ne perdoit pas j)ourccla sa consecration. On le tailloit en coloune ou en pyramide. (1) Ilislor. iialui . lib. IC. c. 44. . , (3) Tacit. Annal. 1. Slrabo. 3. (2) Diss. 38. Tel INTRODUCTIOIT. 73 Tel eloit , suivant Adam de Brenae , Virminsul des Saxons. Ce nom \eut dire , selon lui , colonne unwerselle. Vitikind fait venir irminsul du tudes- que irrnin ou hermann , qui designe un homme de guerre , et de sul , co- lonne. Les plus anciennes representations d'ApoUon , de Junon , de Ceres et de Pallas chez les Grecs, n'etoient que des colonnes (i). Quelquefois ie lieu du sanctuaire etoit marque par un amas de grosses pierres. On en trouve de nos jours en differens endroits de I'Allemagne et de I'Angle- terre. Le savant M. Keisler en a donne la description (a) : on ne peut douter qu'il n'y en ait aussi en France. Le vulgaire appelle lieu de fee ou de sacrifice , dit le P. Gregoire de Rostrenen (3) , certaines pierres ele- vees , convenes d'autres pierres plates fort communes en Bretagne , et ou ils disent que les paiens offroient autrefois des sacrifices. lis ajoutent que leurs ancetres ont vu aupres de ces lieux beaucoup de petits nains tout noirs danser , etc. Telle est en particulier la pierre levee de Poitiers, a I'occasion de laquelle M. Dreux du Radier a fait une savante disserta- tion. II existe encore en Bretagne une autre espece de pierres qui ser- voient au meme usage : elles sont taillees en forme de pyramide et de co- lonne. Leur base est tantot enfoncee profondement dans la terre , tan- lot elles ont un piedestal. Les unes ont douze pieds d'elevation , d'autres en ont plus de vingt ; celle que Ton voit a une demi-lieue de la ville de Dol (4) en a vingt-neuf de hauteur visible : on ignore ce que la terre nous en cache. Cette pierre est d'un seulbloc; elle etoit vraisemblable- ment carree dans son principe. On a place une croix sur son sommet , long-temps apres son erection. C'est I'esprit du chrislianisme qui I'a fait elever. On a cru faire cesser , par ce moyen , les superstitions que Ton pratiquoit en ce lieu. On trouve une pierre a peu pres seml)lable proche la chapelle Saint-Jean , dans la paroisse de Cuguen ; il y en a deux aulres en celle de Combour , au village de Landran (5). (1) Clemens Ales. Strqin. lib. 1. vi. Elle comprenoit dans son enclave le Tillage (2) Anliquit. Selects. ,d« '* ^°f .' '^^^^'" "^^ ^'] ^^<^['Mn,el \ilhoed (vU, halUation ; hoed, ford) i^ersVo- (3) Dictionn. francois-cellique , au molfc'e. ^.j^^j ^ g,,^ p^^j^jj ^^ ^^^ d'Ichot,h cause d'un (4) L'endroit ou cetle colonne est placeese ruisseau qui y passoit (i, ruisseau; chot , fo- nomracle Cftampdolanf, c'est-a-dire,leCAamp rcj). Tous ces noms se reconnoisscnt encore de du temple. Ce tcrme vient de do, preposition nos jours. Plusicurs chcmins conduisoientace qui repond aux francaises de, du , des , et de temple. Quatrc y aboulissent meme a present. Ian , Icmple. Ce champ et toutcs les terres des (5) Le nom de Landran est derive dc Ian , environs forraoient une foret. A I'occident et temple, et de dran , cadence , harmonic ; la au midi , elle s'appeloit i/ccal ; d'er , Jonjue , danse faisoit une des parties principales du ct d'al, Hevie : longue foret surun terrain Ue- culte divin chez les Gaulois. ID 74 IIISTOIRE ECCLlESIASTigrr. 1 6-2 . Les Armoriqiies , de meme que les aulres Gaulois, donnoient le nom dc la diviiiite aiix lieux destines aux asseniblees de religion , ainsi qu'aux clidses qui en eloienl le s\ mbole. C'c'toit la , selon eux , que I'Elre supreme signaloit sa puissance , sa bonle et ses aulres allribuls. L'cnlree de ces temples etoit iuterdite aux lucbes et aux impies que les ministrcs de la re- ligion avoient excommunies : quel(iues-uus de ces lieux etoient decores du droit d'asile. II est nalurel de penser que les forets et aulres lieux consacres a la di- vinite etoient distingues par des marques dont on etoit convenu. Lesanc- tuaire ou etoit le symbole du dieu devoit Tclre a bien plus forte raison. C'est de la que Tacite assuroit que les Germains consacroient aux dieux celestes des bois et des forets , et qu'ils donnoient les iioms des diviniles meme a ces retraites profondes , qu'on adoroit en esprit , sans qu'on osat porter les yeux sur les lieux oii la divinite residoit. iG3. C'c'toit dans ces sanctuaircs (|uc Ton conservoit les offiandes faites a la divinite. Mors media est. Cert6 populi quos despicit Arctos ', Felices errore suo , quos ille limonini Maximus baud urget letbi mclus. Indi; rucndi In ferrura mens prona viris , animajque capaces Mortis ct igaavum redilura; parcere vilaj (1). 171. Quelques-uns out lache d'infirmer le tcmoignage de Pompouius- Mela , en faisant remarquer que le lieu oii doit se passer la seconde vie des Gaulois a ele pris par cet auteur dans la theologie paienne des Ro- niains {^vitnni alteram ad Manes) , qui etoit bien difTt'rcnle de celle des Gaulois. Pour le prouvcr , ils sc servenl du lexte mcnie de ETucain que nous venons de cilcr : Vobis autoribus , umbrK Non tacitas Ercbi scdcs, Ditisque profundi Pallida rcgna petunt. I'ar la , disent-ils , le poete depose que les Gaulois ne reconnoissoient point de manes. Mela n'avoit done pas , concluent-ils , des idees nettes et precises de ce qu'il avancoit , et , puisqu'il a parle sans connoissance , son autorile ne peut avoir de poids. 172. Ce raisonncment est plus specieux que sulide. En effet , il n'esl ])as ctonnaut que Mela , qui n'etoit inslruit (jue superficiellenient de la religion des Gaulois , se soit servi d'un Icrme peu propre a designer le sejour de I'aulre vie , lei (jue ces peuples le concevoient. Ne au milieu des Celles , Lucaiu etoit sans doule plus eclaire sur celle maliere. Le manes de mela repond a orhe alio de Lucain. Par ce moyen , qui se pre- .scnte naUucUcmcnt , ces deux ecrivains sont d'accord dans le fonds , (juoiqu'ils ne le soienl pas dans les lernies. Lorsque Lucain assure que , dans le sentiment des druides , les araes ne vonl point se rcndre a I'Erebc, comme les Romains pensoient qu'elles (l)Pharsal. lib. 1. INTRODUCTION. 79 le faisoient; que, loin de prendre cette route, Tame qui a quitte son corps dans ce monde , va le reprendre dans un autre; que la mort de ce nionde u'est qu'un passage a une vie qui n'est point de courte duree , ainsi que la premiere , raais dont I'etendue ne se raesure pas , ce poete fait entendre claireraent qu'il faut exclure de ces idees le dogme pylliago- ricien , suivant lequel les ames reparoissoient sur notre terre et dans notre nionde , pour animer de nouveaux corps et parcourir une nouvelle car- riere , qui n'a aucun rapport ni continuite avec la premiere. 173. Cependant , quelques-uns ont cru que Jules-Cesar a prete cette opinion aux Gaulois. Pour bieu saisir la penst'e de cet auteur , il faut le laisser parler sa langue naturelle. In primis , dit-il , hoc persuaclere volunt {druidcE) non intcrire animas , sed ah aliis post mortem transire ad alios ; atque hoc maxime ad virtutem excitari putant ^ metu mortis neglecto. Si Ton fait attention , dit-on , a ces mots : ab aliis ad alios , on verra que les Gaulois etoient persuades qu'apres la mort, il s'operoit une transmigra- tion des ames et qu'elle se faisoit, non dans les corps des betes, mais uni- quement dans ceux des bommes. On repond que les termes latins que nous venons de citer ne peuvent se traduire , ni meme se comprendre , a moins qu'on ne supplee le mot qui est relatif a ceux ab aliis ad alios. Celui cVhomines s'offre le pre- mier a I'esprit ; dans ce cas , le sens de la proposition de Cesar seroit que I'ame , a la sortie d'un homme , renlroit dans un autre homme : ce qu'on ne peut supposer. En effet , le corps que I'ame a abandonne et celui ou elle entreroit , ne seroient , durant le temps de la separation , que des cadavres. On ne peut en avoir d'autres idees. L'bomme n'existeroit que dans I'instant de I'union des deux substances. Le temps du passage que suppose Cesar fait seulement entrevoir deux elres distingues qui ne sont point unis et a qui consequemment cet liistorien n'a pu donner dans cet instant le noin d'bomme. Si Ton veut que Cesar ait eu dessein de dire que les ames , apres la mort , passoient dans d'autres corps , la metempsycose aura lieu ; mais la pbrase laline de cet auteur ne sera plus la merae. Comme on aura sup- plee le terme corpora, on ne pourra plus lire : ab aliis ad alios, mais ab alas ad alia. De tons ceux qui ont traite la metempsycose, on ne voit personne qui ait employe le \.erme homo, mais seulement celui de corpus. Si I'on tente de trouver un sens raisonnable dans la proposition de Ce- sar , ce sera celui- ci : ab aliis locis ad alios locos . il reviendra au sentiment de Lucain que nous avons rapporte ci-devant ; mais il sera contraire a la 8o niSTOIRE ECCLlvSIASTIQCE. 11) c'lempsycose qii€ Ton s'efforcoit d'etahlir. C'est ainsi que Cesar , hien eiitendu , se lapproche de noire fiicon de penser. i'74- O'l "G pent nier que Diodore de Sicile et Valcre-Maxinie n'aient allribue aux Gaulois le dogine de la nielcmpsvcose. « Les Gaulois , dit le >' pieruier , out fait prevaloir chez eiix ropinioii de Pylliagore , qui \eut » que les anies des hommes soient immortelles , ct qu'apros un certain « iiombi-e d'aiinees, elles reviennent animer d'autres corps. C'est pourquoi, » lorsqu'ils brulent leurs morts , ils adressent a leurs amis et a lenrs pa- » rens defunts des lettres qu'ils jcltent dans le biicher, comme si ils de- » voient les recevoir et les liie (i). » Le second, apres avoir remarque que les Gaulois eloient persuades que I'ame est immortelle , ajoute : «Je les traiterois de fous , ces por- » tours debraiesjsi ils ne tcnoient le mcme sentiment que le philoso- » plie Pythagore (2). « I'rincipcs faux ! raisonnemcns frivolcs ! Ces deux auteurs supposent que les Gaulois avoient emprunlu de Pylbagore leur doctrine sur I'im- morlalilc de I'ame. Supposition gratuile el dcmentie par des personnages respectables. Saint Clement d'Alexandrie , sur la foi d'Alexandre Polyhis- tor , assure que Pylbagore lui-meme avoit ete inslruit par les Gaulois , bien loin que les Gaulois eussent pris de lui leurs connoissances (3). En efTet, ce pbilosoplie ne \int au monde que vers la quarante-septieme olympiade , cpialrc generations apres IS'uma et environ cinq cent qualre- vingt-dix ans avant Jesus-Christ ; au lieu que la pbihisopbic et I'antiquile des druides rcmontent juscju'au temps d'Hoinei-e , c'est-a-dire , niille ans avant notre ere. I/eneur de Diodore et de Valere ne sera done venue que de ce ([u'ils ne connoissoient rimmorlalite de raine (pie dans le Irop fameux systeme du pbilosoplie grec, comuie etant plus repandu que le dogme des druides. Qui pourra croire d'aillcurs , avec Valere-Maxime , que si Ton vent reconnoitre rimmorlalite de Tanie avec les druides , il faut en meme temps admellie avec Pylbagore qu'apres la niort elle passe dans un autre corps? Qui sera assez credule pour se persuader (juc , si , en admellant le senti- ment des druides, on rcjelle celui de ce pbilosoplie, on meritedes lors de passer pour insense ? C'est user de la raison , quoi (|u'en disc ce rail- leur «t imposant crilique , que de souleuir d'un cole rimmortalile de ranne , et de n'iprouver de Tautre le jiytbagorisme. (l)Lib. S. (3) Strom, lib. 1. (2)Lib. 2. c. C 17^- INTRODUCTION. °' 175. On pouiroit , a parler absolument , allier , en quelque maniere , la conduite des Gaulois avec la metempsycose. En effet , le relour des ames dans les corps ne devoit , suivant Diodore (i), se faire qu'apresuu • certain nombre d'annees. Durant cet intervalle , elles s'assembloient dans un meme lieu. C'etoit dans cette babitalion commune a toutes , qu'elles s'entretenoient ensemljle , qu'elles donnoient les letlres a I'adresse des ames qui n'etoient pas encore retournees a la \ie ; qu'elles se faisoient rendre compte et payer par leurs debiteurs , et qu'elles jouissoient des biens que Ton avoit envoyes avec elles dans les ceremonies de leurs fu- nerailles. 176. Cependant , si Ton examine de pres les cboses , telles que les Gaulois les concevoient , ces rapports qui nous paroissoient se rassem- bler comme d'eux-memes , s'evanouissent bienlot. Quoique dans le sys- teme de la metempsycose les ames ne passassent pas immediatement apres la niort dans d'autres corps , mais seulement apres un temps determine , il n'etoit pas moins vrai de dire que ce temps etoit limite , et qu'apres qu'il etoit ecoule , la societe se rompoit pour ne se renouer jamais. L'embarras augmentera davantage , si Ton fait reflexion que le retour dans de nouveaux corps , ne devoit pas dependre des soubails de ces ames rassemblees ou de leur indifference. C'etoit de la divinite que venoit la determination du temps de ce retour : elle seule en avoit une connois- sance enliere , et a elle seule il appartenoit d'en fixer la maniere et les circonstances. Comme toutes ces consequences naissent du fonds de la metempsycose , elles ne peuvent etre revoquees en doute. Cela pose comme certain , quel empressement si vif peut-on supposer dans les Gaulois , a faire bruler , avec les morts , ce qui leur avoit ete le plus cber et le plus utile dans la vie ? Quelle raison si pressante avoient-ils de preter de I'argcnt , a con- dition qu'il ne leur seroit rendu que dans I'autre monde ? Pourquoi adressoient-ils avec tant d'exactitude et de soin a leurs parens et leurs amis , des lettres ou ils rendoient compte de leurs affaires ? Les services que les vivans rendoient par la aux morts, n'auroient ete que passa- gers ; I'amertume qui les auroit suivis, auroit ete d'autant plus cuisante , que le peu de temps que les ames avoient a passer ensemble , n'etoit pas dans leur disposition et qu'elles devoient animer d'aulres corps , pour ne plus conserver de lien avec ce qu'elles avoient prectdemment aime. (1) Lib. 5. 82 HISTOIRE r.CCLliSIASTIQUr. Si Ton suppose , ail contraire , que les Gaulois avoient pour priucipe que I'aine , apres la mort , donnoit une nouvclle vie au corps (ju'elle avoit anime , ce dogme ct les aclions qui eu soul la suite se trouvent lies ensemble. Une epouse, des cliens et des esclaves perdent la vie pour aller rejoiudie un maii , un guerrier et un maitre. Ce n'est point pour le re- voir quelque temps : c'est pour vivre toujours avec lui. Si Ton prelepour no recevoir que dans I'autre monde , le motif ne perd rien du retour sur soi-meme. On ne s'embarrassoit pas tant d'allcr au-devant des besoins de la Aie presenle , que de se preniunir contre ceux de la vie future, l.'uuc t'toitmomeutanee; I'autre n'avoit ni terme , ni fin. Ceux qui sur- vivoient a leurs parens et amis avoient du moins la consolation de jeter dans leurs bucbers des leltres ([ui leur porloient leurs regrets et les te- nioignages de leur altacbcment. 177. L'immorlalile de I'anie el son entree dans une nouvclle vie etoient les seuls dogmes que les druides enseiguoient ouvertemenl , et d'ailleurs ils faisoicnt profession de ue rien ccrire. lis defendoient aux peuples iiii- lies dans les aulres mysteres de leur religion , de reveler aux etrangers ce qu'ils leur appienoient. Ce qui fail jugerde quel poids peiiveut elre les aiiteurs , ou romains ou grecs , fjui ont tente de devoilcr le druidis- me. Lesuns n'en ont parle que par occasion ; d'autres ne Tout fait que sur des rapports de personnes peu inslruites : presque lous en ont traite d'une maniere succincte , et aucun ne I'a entrejiris d'apres les druides. Cliaque ecrivain , suivant les prejuges qui rafiectoient , n'a trouve dans la religion des Gaulois que ce qii'il a voulu. Tacbons d'eviter les memes reprocbes. L'amourdu vrai, eclairo du flambeau de la critique , pent nous faire sortir de ce dedalc. 178. II nous paroit que les druides reconnoissoient un Dieu supreme, maitre de I'univcrs , auqnel tout eloit soumiset obeissant. Nous en avons Tacite pour garani (i). « Les Germains , dit ce mcme bislorien , croient y> qu'il ne convicnl pas a la grandeur des dieux celestes de les renfermer » dans des nuuailles , ou de les reprcsenter sous une forme bumaine. J) Ils consacrent des bois et des forets , et ils appellent du nom des dieux » les lieux secrets ou ils ne voient la divinite que dans le respect qu'ils » lui temoignent (2). » Les Celliberes et les peuples qui les confinoient du cote du uord, ado- roient le Dieu sans nom au temps de la pleine lunc , dansant toute la nuit au-devant de leurs maisons avec loutes leurs families (3). (1) Tlegnator omnium Deus, celera subjec- (S) German, c. 1. ta atquc parenlia. Gorman, c. 35. (3) Slrabo , Gcogr. lib. 3. INTRODUCTION. ^^ Ciceron reproche aux Gaulois qu'ils n'ont ni les moeurs ni le nalurel des autres hommes. Car taudis que ceux-ci ne prenuent les amies ([ue pour la defense de leur religion et s'adressent aux dieux pour avoir la paix , les Gaulois, an conlraire, font la guerre a toules les autres reli- gions et veulent detruire les dieux immortels (i). Lucain, dans une apostrophe qu'il fait aux druides , ne craint pas d'assurer qu'ils sont les seuls , entre les mortels , a qui il a tte donne de connoitre ou d'iguorer le Dieu qu'ils adoroient. Solis nosse Decs et caeli Numina vobis, Aut solis nescire datum. D'apres ces lemoignages , on peut regarder comme cerlain que les druides ont admis I'existence de Dieu dans toute sa force. N'est-ce pas la I'idee que les Germains s'en etoient formee , en lui attribuant le souverain domaineet radministralion de I'uuivers? Puisque tout ce qui existe n'at- tendoit que ses ordres pour agir , ne devoit-il pas ctre present par tout? Ne pouvoir le renfermer dans des enceintes de nuirailles , n'est-ce pas admettre son immensite? Croire qu'on ne peut le representer sous une forme corporelle , ni lui donner une figure on I'offrir aux yeux dans des images , c'est reconnoitre sa spiiitualite. Etre convaincu qu'on ne pouvoit I'adorer d'une maniere convenable que dans des retraites et des forels consacrees , parce qu'il y regnoit en silence et y devenoit en quelque facon sensible dans le respect qu'il inspiroit , c'est penser que , puis- qu'il est esprit , on doit principalement lui rendre ses hommages en esprit. Dire que Dieu est sansnom , c'est lui attribuer toute perfection. En effet, il n'y a pas de raison qui doive determiner a le designer plutot par tel altribut que par tel autre. En consequence de la conviction de tons ces principes , faire la guerre aux dieux des Grecs et des Remains , n'est-ce pas les traiter comme de fausses diviniles qui n'avoient de realite que dans I'imaginalion de leurs adorateurs ? Aussi Tancienne mythologie islandoise , Intitulee I'Edda, altribue-t-elle au Dieu supreme une puissance xnfinie , une science sans domes , une justice incorruptible. Elle I'appelle Pauteur de tout ce qui existe, Vcternel , lan- cien , Tetre vivant et terrible , le scrutateur des choses cachces , rirmnuahle. Saint Augustin , qui avoit etudie les differentes religions , en cludiant la sienne, met, en termes formels, les pliilosophes Gaulois au nombre des sages qui ont reconnu un Dieu supreme (2). (1) Cicero [iro M. Fonlcio. (2) De Civi'. Dei , lib. 8. cap. P> 84 niSTOIRE ECCLESIASTIQUE. 179. II est etonnant que Jules-Cesar, eel homme sijudicieux d'aillenrs, 3it voulii nous faire croire que les Gaulois avoient adopte de son temps ^ les diviniles dc Rome. C'est un paradoxe ctrange que de penser qu'ils les servoicnt au temps de son enlix'e dans les Gaules. Pour que Mercure ait ete le Teutalcs des Gaulois , ApoUon leur Belenus , Mars leur Esus , Jupiter leur Taranis, Dis leur Pluton , il ne suffit pas que, comme Mer- cure , Teutates ait ete I'inventeur des arts , le guide des voyageurs , la source des gains et des profits ; que , semblable a Apollon , Belenus ait preside a la medecine ; qu'Esus ait etc le genie de la guerre ; que Taranis ait eu la foudre pour partage , et que Dis ait regne dans les enfers ; mais il fant que tout ce tpii est propre el parliculier a I'un , puisse et doive s'altribuer a celui qui lui repond , de sorte qu'on ne puisse trouver de difference que dans les noms gaulois et romains. Etoit-ce la I'idee qu? Cesar avoit concue des dieux dc Rome el de la Gaule ? Avoil-il examine leur gtnealogie respective ? Avoit-il approfondi la ressemblance parfaite qui devoit se trouver entre les uns et les autres? Non sans doule. Oulre qu'il ne lui ('toil pas facile de se .procurer tous ces eclaircissemens , il avoit particulierement a cccur de persuader aux Gaulois que leur religion etoit la meme c[ue la sienne. 11 chercboit dans I'exlerieur de Tune et de I'aulre de quoi leur faire illusion. Suivant les Romains, Mercure etoit fils de Jupiter et de Maia ; Apollon avoit le meme dieu pour pere et Latone pour mere. Selon la plus com- mune opinion , Mars etoit issu de Jupiler et de Junon ; d'aulrcs veulent (pie cotte deesse , pour se venger de ce que son mari avoit produit Pallas de son cerveau , donna aussi , sans son secours , la naissance a ce dieu. Pluton etoit , comme Jupiter et Neptune , sorti de Saturne et d'Ops. A loutes ces origines bi/.arres , il faut encore joindre les aventures de toute espece qui caraclerisoient cbacune de ces divinites. Tous et cliacun de ces atlribuls pourroient-ils convenir a ce que les Gaulois appeloient Teula- tes , Belenus , Esus , Taranis el Dis ? 11 n'y a que la verile qui soil par lout la meme : ces objels rapprocbrs ne se ressemblcnl point. Il est essentiel d'observer que nous considt'rons ici la religion romaine , telle que le peu- ^ pie la consideroit du tenq^s de Cesar. Nous ne cbercbons pas a discuter ce (ju'elle avoit clu dans son principe , et ce qui avoit donne occasion aux dogmcs qui dominoient dans le siecle de ce general. Le lieu ou les Gaulois rendoient leur culle religieux a Tautcur de leurs jours , etoit , comme nous I'avons observe , bors des villes et des bour- i^ades , souvenl prcs des grands cbemins , ou sur quelque eminence. Pour INTRODUCTION. 85 roidiuaire, il etoit marque par une ou plusieurs pierres. Les Romains, en voyant ces pierres, se rappeloient que, dans leur pays , Us en avoient a pen pies de semblables, qu'ils avoient dedites a Mercure, et ils en concluoient que son culte avoit lieu dans les Gaules. lis pouvoient en- core s'imaginer , a certains egards, que le dieu qu'on servoit en ces lieu v etoit le protecteur des voyageurs. Ces pierres , qui designoient le lieu de TassemlDlee religieuse , et qui , pour la plupart , etoient placees sur les grands cliemins, servoient d'asile et a ceux du pays qui s'y rendoient , et aux voyageurs etrangers. Telle est la veritable cause de I'erreur qui a donne lieu a Tidenlite pretendue entre Teutates et Mercure. On ne trou- veroit pas plus de resseinblance entre les autres dieux de Rome et ceux que Ton attribue a la Gaule. Nous aurons occasion d'en fournir encore quelques preuves. Au reste, ce qui pent en quelque maniere excuser Jules- Cesar, cest que cet bistorien dit seulement que les Gaulois ont a peu pres le nieme sentiment que les autres peuples sur Mercure , Apollon , Mars et Jupiter (i). Ce qui lait voir que tout son but etoit de rapprocber , autant qu'il pouvoit , la religion des vaincus de celle des vainqueurs. 1 80. Cependant , lesdifferens nomsde Teutates, Belenus , Esus , Tara- nis et Dis , semblent n'avoir ete dans I'esprit des druides autre chose que des attributs de la divinite. Outre que ce sentiment se lie tres-bien avec I'idee du Dieu supreme qvii ne s'est jamais perdue totalement cliez eux , les anciens Gaulois ne connurent point d'abord d'aulre divinite. Les chefs memes des premieres colonies n'acquirent pas I'idee d'un seul Dieu par la voie du raisonnement , mais par la tradition. Nous exposerons dans la suite les raisons qui appuient ce sentiment. Revenons aux pretendus dieux des Gaulois. Le nora de Tis (2) f\it donne dans le commencement a I'Elre supreme par les Germains. II repond au mot teos des Grecs , dont les Latins ont fait celui de deus. Au nom de Tis , les Gaulois ajouterent celui de Teu- iates (3). Ce qui veut dire : pere des hommes. Les peuples de la Gaule se croyoient issus delui. Par cette raison , ils s'appeloicnt Teiitsah ou enfans de Tat. Telle etoit aussi I'origine de la denomination que se donnerent les Volces-Teclosages. Cest ainsi que les Gaulois rendoient hommage a la toute-puissance de Dieu , en le reconnoissant pour leur Createur. Dis (4) etoit exactement le meme que Tis ou Teutates , I'auteur du (1) De Bello Gallic, lib. 6. (3) TeulalH est forme de (eu<, hommet , et {2) Tu, grand, puissant. (i) Dis , grand. 8G . niSTOlRE ECCLESIASTIQCE. genre liumaiu. Cast pour cela qu'on I'appeloit Dis Pater, ou Ditis Pater, le Pere Dis. C'esl do lui probablcnient ((ue la paroisse d'.^^/>,pres de Caen , lire son nom. 11 est compose d'as, qui vent dire seigneur , et dc lis , puissant. 11 y a lieu de croire que le Dieu supreme avoit un sanc- luaire en cet endroil. Una pareille doctrine etoit bien eloignee du polytheisme. Nous ne pou- vous en donner una idee plus juste, que de rapporler ici ce que saint Paul disoit un jour a I'arcopage : « Dieu a fait naitred'un seul toute la race » des liommes , et il leur a donne pour demcure toute la terre , ayant » marfjuc' I'ordre des saisons et les borues de rhai)itation de chaque » peu[)lc , afui qu'ils cbercbassent Dieu , comrae en tatonnant , quoiqu'il » ne soil pas loin de nous. Car c'est en lui que nous a\'ons la vie , le » mouvemeut et I'etre; et, selon que quelques-uns de vos poetes ont » dit : Kous sommes les enfans et la race de Dieu (i). » i8i. Jules-Cesar, qui a pris le Dis des Gaulois pour Pluton , n'a fon- de son jugement que sur les apparences. Les sacrifices que Ton faisoit aux divinites infernales n'avoient lieu communement que de nuit. Ceux que Ton faisoit a Dis s'offroient durant ce temps , et les fetes n'etoient indi- quc'es que quand le solcil avoit (juilte I'bori/on. Esus c'toit un noni appellalif. 11 signifie seigneur , par anlonomase , oit tout-puissant (2). C'est le meme que le Zeus des Grecs. Dieu , dit Aris- tole (3) , est ainsi appele. Hesycliius , celebre grammairien , assure que , par le terme Esus , on doit entendre VEtre supreme. L'Esus des Gaulois ^toit sans doute , selon eux , le maitre et I'arbitre de tout. lis pouvoient , sans l)Icsser son unite , le fairc presider egalement aux armees et aux evene- nicns divers (jui se passent dans le monde. ]Mais , parcc qu'ils recon- noissoient que les plus vaillans guerriers ne pouvoient vaincre sous d'au- ircs auspices que sous les siens , on n'a pas droit d'en conolure qu'ils se soiant forme un Dieu isole dont le district ne s'elendit que dans I'en- ceinte des balailles. On peut dire qua leur intention eloit de protester par la que, dans lui seul, residoit la force, et que los Iriomplies les plus eclatansvicnncnt de son bras a (jui rien ne rcsistc. Ce sont la du moins les preniieres idees fju'ils s'en formerent. Le lieu de I'asscniblee religieuse etoit quelquefois marque par uue epce. 11 n'en a pas fallu davantagepour faire cruire aux etrangers que le dieu qu'on y servoit etoit Mars. Tarani , terme encore connu de nos Bas-Brelons et des Gallois , qui (1) Act. .\posl. 17. V. 26,27,28. f2) Demundo. lib. 1. c. 7. ^2) Es , Iris ; us , puissanl, haul. INTRODUCTION. 87 se reud par le mot tonnerre, et dont on a fait Taranis (i) , pouvoit signi- fier seulement que le dieu des Gaulois etoit le niaitre de la foudre, et que son pouvoir s'etendoit aussi bien dans les airs que sur la terre. Les Thraces qui, comme le dit Herodote(2), etoient dans la persuasion qu'il n'y avoit point d'aulre dieu que le leur , respectoient sa puissance a la vue des eclairs et au bruit du tonnerre. On a peine a croire, quoi qu'en dise cetauteur, que ce fiit pour menacer la divinite qu'ils tiroient des fleches a ce moment. Bien plus , ne pretendoient-ils point temoigner , par cette action , leur devouement au maitre de I'univers , et la joie qu'ils res- sentoieut a la vue des signes non suspects de son pouvoir ? Accoutumes a le regarder , de meme que les Celtes , comme le dieu de la guerre > ils lui marquoient qu'il avoit en eux des enfans qui n'avoient rien plus a coeur que de I'imiter. Si, par les eclairs et la foudre , leur dieu portoit par tout I'epouvante et I'effroi, ils lui protestoient que , de leur cote, ils etoient toujours prets a jeter la terreur cliez leurs ennemis , par I'adresse et la vigueur qu'ils tenoient de sa main bienfaisante. Le nom de Belenus pent egalement se donner au vrai Dieu. Quelques- uns le font venir de melen , qui veut dire blond , parce qu'ils confondent Belenus avec ApoUon. Ne peut-on pas le tirer de bel , au-clessus ; el d'e/z, cieH Belenus sera done cclui qui domine sur le del. Cette qualification n'a rien de contraire aux perfections infinies de I'Etre supreme. Au reste , il est certain que les Gaulois reconnurent un premier etre d'oii sontemanes tous les autres. Ce dogme fut constammentsoutenu jusqu'au temps oil ils subirent le joug des Romains. 182. De lout ce que nous avons dit jusqu'a present de la religion des Gaulois , et consequemment de celle des Armoriques , il resulte que les forets , les arbres et les pierres qu'ils consacroient a la divinite n'etoient pas originairement I'objet de leur culte. Ces consecrations se faisoient pour rendre plus respectable le lieu de Tasserablee. Le nom de Dieu , qu'ils donnoient aux sanctuaires, ne servoit qu'a rappeler sa presence plus facilement a I'esprit. lis I'adoroient , tantot sous le doux nom de pere, pour animer la confiance qu'ils devoient avoir en lui; et tantot sou* celui de maitre du tonnerre , de seigneur et de roi , pour se rappeler les droits qu'il avoit sur eux. Trop heureux s'ils en fussent restes la ! 1 83. Tandis que les Gaulois respecterent les traditions qu'ils tenoient des anciens , la religion primitive se conserva parmi eux dans son in- (1) Taranis, lonnant. (2) Lib. ^. 88 HISTOIRE ECCLESIASTIQUE. legrile. Formt'c pour le bonheur de I'liomme , elle u'avoit fait coaler que le sang, ties bcles. Par unc nouveaule altentaloire a I'auloritc' de I'Etre supreme , les druides y suljsliluerenl en plusicurs occasions cclui de leurs semblables. Abomination (ju'ils Irouverent dans les rils mal cnlendus de la religion. Egares une fois par leur imagination , ils s'y livrerent deplus en plus. Nous avons reraarque ci-dessus , d'apres Ammien-Marcellin , que la divination, sur-tout par I'inspection des \icliraes, etoit fort ancienne cbez les Gaulois. lis en tiroient des prognostics , non-seulcment par les entrailles, mais encore par le baltenicnt des artcres , par la palpilalion des membres et d'autres signes de celte nature. C'est pour cela que les Vates ou devins furent les seuls ministres des sacrifices. 184. Une autre espece de divination etoit le duel. 11 avoit lieu dans les cas douteux. La Providence se cbarget)it alors de decider la (jueslion par la victoire qu'elle accordoil a I'uu des cbampions. Telle etoit la ma- niere de penser des Gaulois a ce sujet. Ce principe , appuye sur un faux suppose , a etc mis en oubli par la succession des siecles ; mais ses con- sequences u'en ont pas moins fait de ravages , malgre les lumieres qui auroient du les dissiper. Tant il est diQicile de delruire les anciens pre- juges! Les Gaulois ne borncrenl pas la divination a ces objels : nous vfer- 10ns par la suite jusqu'ou ils letendirenl. Si les druides s'ctoieut laisses aveuglcr par la superstition la plus gros- siere , dans la recbercbe qu'ils faisoient de I'avenir ; la medeciue , cette science si utile , quand elle a pour guide I'experiencc aidee de la raison , etoit degradee enlre leurs mains par la magic. Les connoissanccs pby- siques, qui ctoient encore bicn foibles, en faisoient la moindre partie. 1 85. Le gui de cbene cloit un remede specifuiue centre les poisons et propre a douner la fecondite aux animaux stcriles. I'our acquerir cette \ertu , un pretre, en liabils pontificaux , devoit le cueillir le premier jour de I'an , qui etoit une des principalcs fetes des Gaulois , avec luie ser- pette d'or , au milieu des sacrifices el des festins solcmuels (i). Le Said go, espece de bruycre on de tamarin , avoil des proprietes ad- mirables. C'eloit un prcservatif conlre un grand nombre de maux , ou il servoit a les guerir. La fumee de ce simple dissipoit les maladies des yeux. L'efficacite de ce remede dependoit de la maniere dont on cueil- loit la planle ct dont le sue etoit exprime. L'n pretre, a jeun , purifie par le bain , apres avoir offcrt le sacrifice du pain et du vin , s'en alloit (l)Plin. Ilisl. nalur. lib. 21. c. 02, les INTRO nUCTION. 89 les pieds nus , dans la canipagne ; avant que d'arracber Therbe , il passoit la main droite sous la mancbe du bras gaucbe. Dans celte atti- tude, il la cueilloit et la renfermoit dans un linge blauc et neuf (i). On observoit a pen pres les memes ceremonies pour le Snmolus (2) ou Pulsatilla. Celui qui le cueilloit devoit etre a jeun , ne pas regarder la plante ; mais la meltre dans uue auge et I'y broyer pour les animaux qui venoient y boire. Cette berbe ainsi preparee guerissoit les maladies des boeufs et des pores (3). La verveine etoit egalement une plante cberie des druides. lis la ra- massoient au temps de la cauicule , avant que le soleil et la lune eussent darde sur elle leurs rayons, lis faisoient preceder cette action par un sacrifice expiatoire, qui consistoit dans une offrande de feves et de miel. Tenant a la main gaucbe un couteau , avec lequel ils creusoient la terre qui etoit attacbee a la racine de la verveine, ils avoient I'attention de faire sauter la plante en I'air. Les feuilles , la tige el la racine etoient sechees separement a I'ombre. Avec ces precautions , la verveine avoit des proprietes encore plus etendues que les deux autres plantes. Les druides I'emplovoient dans la plupart de leurs divinations et sortileges. Elle avoit la verlu de cbasser toute espece de fievre , de reunir les esprits et les coeurs , el de guerir loutes sortes de maladies. Par sou aspersion , elle inspiroit la gaiete (4). II faut ranger dans la meme classe le prctendu ocuf de serpent , dont quelques druides faisoient le plus grand eloge. Son effet principal con- sistoit a procurer le gain des proces et I'acces aupres des grands , lors- qu'on le portoit avec soi. Les druides le donnoienl au peuple , un certain jour de la lune. La mauiere dont Pline decrit cet oeuf, fail soupconner que c'eloit un ecbinite , espece de fossile , que Ton croit etre un poisson petrifie. Ces superstitious , quelque contraires qu'elles paroissent a la saine rai- son , ont continue d'etre en vogue bien des siecles apres I'extinction du druidisnie , meme parmi les pei"sonues d'ailleurs eclairees. La religion chrelienne , si propre a faire renUer ces vaines observances dans le dis- credit qu'elles meritoient , ne put faire taire le prejuge. Marcel , qui na- quit a Bordeaux , au qualrieine siecle , cet bomrae dont le merite eloit si (t) Plin. Hist, nahir. lib. 2i. c. 6-2. San , lonne , saluCaire ; moch ou mos, pnrc. (2) Plusieurs manuscrils , suivant le Perc 3 pjj^ jjisf. nalur. lib. n. c. G3. Hardouin , portent Samosus au lieu do Sa- molus. Cc dernier nom cxprimc ses propricl(56. CO Iljidcm. lib. 23. c. 59. go inSTOlRE ECCLESIASTlQUr. eclalanl , qu'il passoit aux yeux de Siiidas pour elie la verlu vivante , nietiie daus un corps morlel , s'cloit abandonne a ces reveries. II pu- hlia , sous rempire de Theodose le jeune , un recueil de remedes , dent la plupart sent puises dans la raedecine des anciens druides. II pretend , par exeniple , que , pour que les simples qu'il emploie operent la guerison , it faut les cueillir de la main gaucbe. Pour faire sortir des veux les pe- lites pailles qui y entrent , il veut qu'on les ouvre avec Irois doigts de la main gaucbe , sans auneau , et qu'on cracbe Irois fois , en prononcant autant de fois Rica, Rica, Sow (i). Pour peu qu'on veuille jeter les yeux sur les reccUes exlravagantes , dont le peuple de la campagne se sert encore de nos jours pour guerir la plupart des maladies , tant des hommes que des betes , on verra qu'elles viennent de la meme source. Quelle suite ! quel encbaincmenl singulier d'ignorance et d'erreur I Mais, ce qu'il y a de plus indecent, c'est que le peuple, dcvenu cbretien , a ajoute a ces pretendus remedes des rits qu'il a puises dans notre reli- gion sainte. Tirons le rideau sur des objets qui font si peu d'bonneur a rbomnie. Nous remar([uerons seulement , avec le judicieux Pline , que la medecine a donne la naissance a la magie (2). C'est ainsi que , d'une mere sage , est sortie une fille insensee. 186. Nous avons distingue ci-devant trois ordres de personnes consa- crees specialenieut a la divinite cbez les Gaulois : les bardes , les devins et les druides. On peut observer que les Romains semblent avoir emprunte le nom de Vates , pour exprimer les devins. Quel(|ucs-uns les appellent f'a- des et d'autres Fncerres. Ceux-ci etoient les minislres de la religion gau- loise. On les liroit du corps des druides , pour excercer les fonctions de pontifes. On les regardoit comme les favoris de la divinite , les media- teurs entre le ciel et la terre , et les confidens de I'Etre supreme. Aussi , il n'etoit pas permis d'offrir des sacrifices sans leur ministore , ni de solliciter des graces du ciel , autrement que par leur entremise. 11 est neanmoins interessant de remarquer que ces trois ordres religieux n'ont pas toujours subsiste : il n'y avoit origiuairement que les bardes et les druides. Les Vacerres ne parurent que quand les druides eurent commen- ce de s'adonner a la divination et a la magie. 187. Les bardes n'avoient point de demeures fixes ; les druides vi- voient en comniunaule; les devins etoient a leur tete. Un souverain pon- (1) Le nom dc i?ica, vicnt dc ri,quc je puisse fairc sortir ectlc ordure, puitse, et de caexJeCer. Celui de Soro se tire „ , ., „. . de sorad, ordure. Ce qui vcul dire : que jc ' • ■ • INTRODUCTIOir. 9 ' life presidoit au corps religieux : il exercoit un pouvoir a peu pres absolu. Jules-Cesar , sur la foi diiqiiel nous avancons cette derniere proposition , rapporte que , quand ce grand-pretre venoit a mourir , et que , parmi les druides , il se trouvoit quelqu'un d'un nierite superieur , il ne man- quoit pas de le remplacer. Si plusieurs competiteurs , dont les qualites personnelles fussent egales , se mettoient sur les rangs , lesuccesseur etoit choisi par le suffrage des druides. Quelquefois aussi le sort des arines en decidoit (i). 1 88. L'ordre du clerge lenoit le premier rang dans I'Etat chez les Gau- lois. Jules-Cesar , faisant mention de ceux qui , de son temps, etoient les plus distingues de la Gaule , nommeles druides avant les chevaliers , c'est- a-dire, tons ceux qui etoient devoues au culte divin (2). 189. La plupart des affaires publiques et particulieres etoient confieesaux ministres de la religion : leur jugement ne souffroit point d'appel : ce qui leur suppose beaucoup d'equite; du moins le prejuge etoit en leur faveur. Quelque considere que fut I'art militaire , ils etoient dans I'usage de ne pas s'y adonner. Le privilege qui leur faisoit le plus d'honneur etoit de n'etre assujeltis a aucune charge publique , tant civile que militaire (3). La nation regardoit celle deference comme uu foible temoignage de la reconnoissance qu'elle devoit a leurs services. 190. Les honneurs et les immunites qui relevoient l'ordre religieux , etoient pour les Gaulois un motif puissant de s'y faire initier. Aussi , le nonibre des druides etoit-il tres-considerable. Pour entrer dans cette so- ciete , il falloit s'en rendre digne par un cours de vingt annees d'etude. Lorsqu'il etoit fmi , on subissoit un examen oil il falloit reciter plusieurs milliers de vers , qui servoient de principes ou de reponses aux questions qu'on leur proposoit. 191.. L'habit dont les druides se servoient dans les ceremonies religieu- ses , etoit blanc (4). D. Martin , dans son traile de la religion des Gau- lois , soutient (|ue leurs pretres portoient toujours de longues rt)bes blanches, rayees de pouipre , et de telle manieie que ces raies alloient successivement en diminuant de part et d'autre. Ces particularites nous paroissent sans fondement. Les Gaulois n'ont commence de se servir de robes longues que lorsqu'ils eurent passe sous la domination des Romains. Aussi, Pline , leseul qui ait parle derhainllement des druides , leur donne (1) De Bello Gallic, lib. 6. (3) De Bello Gallic, lib. 6. (2) Ibidem. (4) Plin. Hist, natur. lib. 24. c. li. 9^ IIISTOIRE ECCLESIASTIQUI-. ties luniques et des sales, ainsi qii'aux aulres Gaulois , sans faiie mention de robes longues (i). ig-2. Cependanl les Armoriques , dont le commerce etoit devenu le plus florissanl de la Gaule , acqueroient des richesses encore plus precieuses , celles dc I'esprit, par lour correspondance avcc les Marseillois. Cepeuple , issu dlouie dans I'Asie niineure , qui s'etoit five dans les Gaules , y faisoit fleurir la polilesse , la civilite des mocurs , celle lionnclele dans les pa- roles et dans les actions , el ccs manieres prevenantes qui gagnent les esprils et attachent les coeurs. Ciceron rcgardoit Marseille comnie la nou- ■velle Athenes , I'abord general el le centre des belles-lettres. Si, comma le dil un ecrivain judicieux (2), on voyoit aborder en cctte ville les meii- leurs sujcls dc lEurope , pour y ctudier , on ne peut douter que les Ar- moriques , qui avoienl avec elle des liaisons plus etroites que les aulres Gaulois, et donl I'opuleuce etoil montee a son comble, n'aienteu a cccur d'y envoyer leur jeunesse. Voici I'ordre que Ton suivit dans les eludes. La grammaire etoit la pre- miere cbose par on Ton comniencnit ; sous cc nom etoit comprise non- seulemenl I't'tude de la langue laline , pour la parler et I'ecrire ; mais en- core tout ce qui pouvoit donner I'intelligence des auleurs les plus accre- dites. L'etude du grec se faisoit avant celle de la laliuite. Pour Tune, on prenoit Ilomere et Demosthenes. Pour I'aulre , on se servit de Ciceron et de Virgile , lorsque leurs ouvrages eurent paru. A la granunaire, succe- doil la poesie. De celle-ci , on passoit a la philosopliie. Muni de ces se- cours , on finissoil par la rlittorique. Celle etude elt)it soulenue par celle de riiisloire et par uiie lecture approfondie des mcilleurs ouvrages (3). Celte melhode etoit encore en usage du temps de Neron. Du moins, Pe- trone , qui vivoil sous le regne de cet empereur , la recommandoit-il aui jeunes gens qui vouloient se dislinguer dans les sciences (4)- Les ecoles des druides , tpii cnseignoient dans les bois et les antres ecarles , durent perdre de leur lustre el de leur cclebrite. Pour seles conserver , ces sa- vans furent obliges de se rapprocher de la melhode nouvelle. Plusieurs d'entr'eux en prirent occasion de s'etablir dans les villes. 193. Les Gaulois , en adoptant les manirs etrangeres , commencoienl a s'amollir. Les dissensions intestines delruisoient I'liarmonic el armoient souvent les cites contre les cites. Jules-Cesar , rennemi de quiconque ne (l)Plin. Hist, natur. lib. 16. c. U. (3]Notxvarior.in ClaudiiRutilii num. Gill. (2) Cx3. Egassi Bulxi Historia univers. itin. Paris. (4) Pclron.Satyr. INTRODUCTION. qS treiubloit pas devant I'autorite romaine , sut mellre a profit la mesintel- ligence des Gaulois. 11 s'en servit pour les detruire les uns par les autres. Politique qu'on a depuis reduite en maxime. La rapidite des conquetes de Jules-Cesar abaissa bientot la Gaule devant lui. 194. Les Armoriques, quelque puissans qu'ils fussent, plierent sous le meme joug. Revenus de leur premiere consternation , et se rappelant ce qu'ils ont ete, ils clierchent a briser les fers qu'ils viennentde recevoir. Les Osismii, les Namnetes et les Diab/intcs, ranimes par la voix des Fened , ce peuple qui avoit tant de credit dans les Gaules , reclament leur pre- miere independance. Une nombreuse flottese rassembleen Venetie. Cesar, pique au vif de I'affront que lui causent les f'eneti , les attaque par terre (i). Accoutume a vaincre , il sent pour la premiere fois qu'il a trou- ve desegaux. Dans I'esperance que la mer le servira plus glorieusement, il tente un combat naval. Les vaisseaux des Veneti , plus eleves que ceux de Jules-Cesar , ont d'abord I'avantage. Les Romains , pour rappeler la \ictoire quialloit leurechapper , coupent , avecde longuesfaulx emnian- cbees, les cordages des navires ennemis; en faisant tomber les voiles , (1) A deux lieues du nord-nord-ouest de la ville de Saint-Brieuc , on voit un terrain a qui I'on a donnc le nom de camp de Cesar. II est de figure triangulaire, pose sur le haul d'une falaise , Ilanque d'un cote par la mer , d'un autre par un vallon profond ou coule la petite riviere d'Ic. Le froisi^me c6lc fait face a la campagne. On ne trouve aucune trace des an- ciennes fortifications qui devoicnt autrefois en defendre les approches. La nature a pules de- truire ellc-meme ou a ete sceondee par les ha- bitans du lieu , qui auront applani les retran- chemens, pour rendrele terrain propre a I'a- gricullure , don t ils sonl Ircs-jaloux. A la pointe de cecamp , on dccouvre les ruines d'une an- cienne tour, dite de Cesar, qui scrvoit autre- fois de fanal au portd'Ic ou de Binic. La for- me de ce camp et sa situation font croire qu'il a 6te fait par les Romains ; mais ctoit-il I'ou- vrage de Cesar, comme son nom scmble I'in- diquer? C'est ce dont on n'a aucune preuvc. On pourroilen faire honneuri Titurius-Sabi- nos , que le conquerant des Gaules , avant que de marcher centre Darioriyum , envoya avec trois Ugions pour tenir en respect les Curio- tolUet , les Unelli et les Lexobii , et les cmpfi- clier de se joindre aux Veneli. Mais ce poste n'auroit pas ete propre a ce dessein. On sait que, des le troisi^me siecle, des pirates du nord vinrent infesterlesc61esde I'Armorique. Les Romains , pour les arretcr, ctablirent de distance en distance, pr6s de la mer, differens camps , ainsi que nous Tavons deji vu. C'esl la I'origine du pretendu camp do Cesar, et dela tour qui porle son nom, en la paroisse dePor- dic.Nous lisonsdans la quatriemevie de saint Patrice, que la Manche qu'il passa avec son pere , Calphurnius , pourse rendre dans notre Armorique, portoit le nom de mer de Tyr- rhene ; ce dernier mot , qui est tird du tudes- que, signifie que ceux qui habitoient lesbords de cette mer demeuroient dans des lours. C'e- toit pour la defense du pays que celle de Por. die avoit die construite. Mais pourquoi une grande partie de la cute de Saint-Brieuc s'est- clle appclce autrefois Icht ? Nous savons , dit Usserius , dans ses Antiquites des Eglises bri- tanniques , page 429 , par les Vies d'Albee et de Declan , que la mer qui est entre I'Angle- terre et la Gaule s'est nomvaec Icht. Qucsigni- fioit ce nom? II paroit qu'il prend sa source dans le terme ceitique ych, vaillant. Ce qui signifie que les c6tes de cette mer ctoient de- fendues par des gucrriers , ainsi que nous I'ap- prend d'ailleurs Ihisloire romaine. Le Pordic prend sa denomination die, nom generique de riviere , devenu particulicr a celle-ci. Le nom de Binic vieni de bin,mon{agni. 94 HfSTOIRE ECCLESIASTIQUr? lis les enipeclient de manauivrer. A la vue de eel accident , les Feneti se li'ouhlent et la serenite rcnail dans Ic coeur dcs Roinains. Fncourages par la presence de leur general , ils montent a I'abordage. Un grand nonibre de vaisseauv sont forces ; le calme qui survienl livre les aulres a la discre- tion des vainqueurs; la nuit seule en sauve quel(|iies-uns. La perte dii combat naval entraine celle de la capilale des Veneti. Tons les seuateurs de Dart'oiigutn sont mis a mort par ordre de Jules-Cesar , et les citoyens sont vendus a I'encau. Ce fluent la les derniers efforts de I'Armorique pour recouvrer une li- berte qui lui etoit si cliere. Les tresors immenses que Jules-Cesar trouva dans Dariorigum , lui servirent a enchainer Rome. Cette ville orgueilleuse , qui ne se croyoit faitc que pour commander a I'univers, en secouant queldue temps apres, par le meurtre de cet illustre ambitienx , le Jong qu'il lui preparoit , vengea du meme coup la mort des senateurs des Fenett. 195. Celui dans la main duquel sont tous les evenemens , avoit inspire aux Romains cet esprit de force et de conseil qui les fit triomplier de tons les obstacles que leur opposa le peuple le plus puissant des Gaules. Et , pour donner une preuve sensible qu'il lelivroit a sesennemis , il fit taire la nier et les vents. Ainsi , par une cliaine non interrompue de victoires , le iiiailre des empires dcslinoit Rome a devenir le centre de la puissance universelle. Cette ville, qui jusqu'alors n'avoit respire que la guerre et le carnage , et dont la grandeur s'etoit formee des debris de I'univers , etoit sur le point de donner la paix a la terre. Cette paix servoit d'emblenie a une autre infiniment supei ieure. La premiere ne devoit durer que peu de Icmps : la secondc devoit etrc elernelle. L'une n'avoit pour objet que la tranquillite extcrieure ; I'aulre avoit pour but celle de I'ame. Le Desire des nations alloit bienlot reconcilier le monde coupable avec son Pereirrite. Ce que nous avons dit jusqu'a present nous paroit devoir suffire pour donner une idee du nombre des peuplcs qui babitoient originairementl'Ar- niorique , du lerritoire que cliacun d'eux occupoit , de leurs foiccs respcc- tives , de leur gouverneinent , tant particulier que general , de leurs ma-ui s et de leur religion. Comme ils n'avoicnt point encore d'entraves , ils se sont presentes a notre esprit uniquement sous ce rapport. Soumis a la puissance romaine , les Armoriques durent eprouver des changemens, soil dans I'ordre civil , soit dans I'ordre de la religion. Nous allons lacber d'en donner le precis. Par la , nonsseronsa porleedc conce- voir (juel eloitl'etat dcs Armoriques , lors((u"ilsen)brasserent la religion cbre- lienno, eldc connoilre en particulier les prejuges qu'ilsy porlercnt avec eux. INTRODUCTIOSr. qS LIVRE SECOND. 196. La vengeance eclatante que Jules-Cesar lira de Dcmorigum est une preuve de I'ombrage que ce politique general avoit pris de sa puis- sance et de la persuasion ou il etoit que , pour contenir les Gaules , il falloit abattre cette opulente et redoutable ville. Cetle sanglante expedi- tion annonca aux Gaulois ce que pouvoit le courroux irrite du vainqueur. La clemence ne tarda pas neaumoins a prendre la place de la terreur. Ainsi Ton a eu soin d'encliainer les homnies, tantot par la crainte , et tantot par I'esperance. L'haliilete consiste a employer ces moyens a propos. Les larmes queles Armoriquesavoient verseessurle desaslre de Dariorigum fii- rent essuyees par la douceur et la moderation. Les charges du peuple ne furent point aggravees et les chefs des cites furent traites avec egard. Ce? sar tacha de gagner les coeurs par des traitemens honnetes et de rendre supportable le joug qu'il avoit eu tant de peine a imposer. 197. L'etat des personnes ne changeapas sous la nouvelle domination. On ne pent , a la verite , disconvenir que le droit de faire la guerre n'ait ete enleve aux peuples armoriques. Leur qualite de sujets de I'Empire exigeoit cette privation. Du reste , ils cohserverent leurs usages , leurs lois et leurs prerogatives , autaut qu'elles pouvoient compatir avec la cons- titution romaine. 198. Les chevaliers que la naissance , les grands biens et le maniement des armes avoient si fort eleves au-dessus du peuple, n'eurent plus la fa- culte de se faire accompagner a la guerre par leurs ambactes (i) ou leurs cliens. On ne connoissoit plus que les aigles romaines. Le nom de ces braves disparut. La realite continua de subsister. II y eut toujours dans I'Armorique , corame dans le reste de la Gaule, un ordre particulier de citoyens , distingue du clerge et du peuple , et au-dessus de celui-ci , par la naissance seule ; ce qui constitue , a propre- nient parler , la noblesse. Les Gaulois trouverent chez les Romains une nouvelle source d'eleva- tion. Plusieurs furent mis au rang des senateurs de Rome et jouirent de tous les honneurs qui y etoient attaches. Ces distinctions etoient heredi- taires et se perpetuoient avec le sang. 199. Ces senateurs de la ville d'Auvergne, qui brilloient par I'eclat de (1) Ambacl, terme celtique, signiGe wne pcrsonne atiachee au service d'un autre. r)'l niSTOIRE ECCLlislASTIQUE. la noblesse roniaine et qui viment au-devant de saint Marlin, coinine le rapporle Grcgoire de Tours , n'etoient point , ainsi que I'a remarque un historien eclaire , le Pcre Daniel , des officiers du senat de leur patrie, niais des descendans de persounes qui avoient ele decorees du tilre de st'nateurs roniains. C'est dans ce sens (jue saint Avile , t'veque de Vienne , dans sa letlre au.\ eveques d'llalie, ecrile au nom de ceux de France, prend la (jualile de seualeur roinain. La nieme prerogative nous est iudiquee dans la vie de saint Maximin : « II naquit a Poitiers d'un pere et d'une mere tres-illuslrcs , dit Loup , r> puisqu'ils coniptoient , pour les auteurs de Icur ancicnne race , des X aieux de I'ordrc st'nalorien. » Gregoire de Tours , en parlant de difft'reus eveques de laGaule, fait voir que leur noblesse n'eloit point personnelle , mais qu'ils la tenoient de leurs ancetres. II dit dTlonorius, eveque d'Arlcs , « qu'il a pris naissance » a Aries , d'uue famille consulaire et senatorienne ; » d'Apolinaire , eve- que d'Auvergne , « que , suivanl le siecle, il est Ires-noble et des premiers » senateurs des Gaules ; » de Suipice , eveque de Bourgcs , a qu'il est fort » noble et des premiers senateurs gaulois. » 200. Les senals de I'Armorique et des autres parties de la Gaule etoieut egalcment composes de persounes nobles. Ces compagnies jouissoient de grandes prerogatives sous I'autorite des empereurs romains ; les monu- mens du Haul et du Bas-Empire font foi qu'il y avoit un senat a Rennes, a Bayeux , a Vieux prcs de Caen , a Bordeaux , etc. T/empereur Claude, dans le dessein de s'attacber de plus en plus la no- blesse gauloise , rendit propres a occuper les grandes dignites de I'Em- pire , les principaux Iiabilans des cites des Gaules qui n'avoient pas en- core le droit de bouigeoisie romaine. Galba elendit cet avantage a la plupart des cites de la Gaule. Vespasien , plus liberal encore , accorda aux (iaulois tons les droits et les privileges (jui appartenoienl aux citoyens romains. Ainsi , Cerealis , qui commandoit les troupes que Vespasieu en- Iretenoit dans les Gaules , avoit raison de dire aux cites de Langres et de Treves, que Rome ne faisoit point difficulle de nieltre les Gaulois a la tele de ses legions , de ses provinces el meme de cclles de la Gaule : que lout (Hoit egal entr'eux et les Romains ; qu'il n'y avoit point d'lionneursel dc digniles parmi les Romains auxquelles il leur fut inlerdit de prelendre (i). Caracalla conceda a tout sujel de I'empire le droit de bourgeoisie romaine. (I) Tacit, lib. 4. Les INTRODUCTION. 97 Les Armoriques , qui s'accoulumerent a \ivre a la roniaine , etoient encore comiiis , au sixieme siecle, sous le nom de Romains. Un concile de Tours, tenu en 567 , en est une preuve. L'Armorique , I'une des plus illuslres parties des Gaules , ne le cedoit en noblesse a aucune autre. Nous aurons occasion de le faire voir dans le cours de notre histoire. Nous ne pouvons neanmoins passer sous silence que saints Donatien et Rogalien , ces celebres martyrs de Nantes , qui vi- voient au troisieme siecle de notre ere, etoient recommandables par leiu- naissance , clari genere , pour nous servir des termes de I'auteur de leurs actes. Les Romains avoient coutume de designer , sous le nom d'honores , /to- iiornti , les citoyens les plus distingues des Gaules, c'est-a-dire , les nol)les gaulois. Ces nobles avoient la preseance sur les autres dans les asseniblees generales des Gaules (i). lis donnoient aussi leurs voix , separement du clerge et des bourgeois , dans I'election des eveques , comme il paroit ])ar la lettre de Leon I aux eveques de la province de Vienne. 201. Comme les Romains avoient fait dechoir les nobles armoriques de leur premiere puissance et de I'autorite qu'ils s'etoieni arrogee sur le peu- ple , celte portion de I'Etat , autrefois avilie , sortit de I'oppression et de la dependance ou elle avoit vecu. La qualite de citoyens de Rome, dont les peuples furent gratifies , leur donna encore une nouvelle conside- ration . 202 . Le peuple forma un troisieme ordre. II etoit compose de pers) Ainsi Bouljanus sera le Janus du monde. » On assure m(ime, ajoute-t-il , qu'une an- » cienne figure de Boljanus le representoit » avec frois faces , apparerament pour signi- » fier les trois parties du monde , qui etoient » alors connues. Boul signifie encore, en bas- » breton, un globe, unc boule. » Cet habile historien auroit pu ajouter que Bouljanus etoit represente lancant la foudre de la main droite , tandis que sa gauche etoit enveloppee dans un nuage. II auroit pu dire que l'un des pieds de Bouljanus etoit appuyiS sur la terre et I'autre sur la mer. Le P. Longueval n'a pas fait attention que les Romains , de qui les Armoriques auroient emprunte Janus , ne representoient point ce dieu sous tous ces emblemcs. Mais quand bien memecela seroit ainsi , ce qui detruit lerai- sonneraent dc cet historien , et renverse I'ap- plication que M. Travers fait du Janus de Mon- tejan au Volianus de Nantes, c'est que I'ins- cription dont nous venons deparlersepare Vo- lianus des divinitos des .^uguslcs. i4 T06 niSTOIRt: ECCLESUSTlQrE. et rniUre qn'il appuie sur la mer , liii assurent un empire absolii sur le globe lout eiilier. N'est-ce pas la I'Ktre supreme , Icl que les Gaulois le veneroienl clans les beau\ jours de Icur liberie. 1.6 nom de Volianus , que les Nanlois donnenl a Dieu , le caracterise de plus en plus. An nom de Dis on Tis , qui designoit anciennement le Dieu unique , on ajoiila celui de god , qui veut dire le hon. C'est aussi \\\\\ des allribuls de Dieu qui toucbe I'bommele plussensiblcment. Tan- tol on appela Dieu God- Tis , el lanlol simplement God. De ce dernier mot , on a fail Odin , que les Anglo-Saxons prononcerent TFodan. Quel- «{ues-uns , suivant Paul , diacre(i), disoient Giiodan , en y ajoulant une letlre. Le Dieu supreme t'toit connu par les Germains sous le nom de Vodan (2). 11 fut adore par les Armoriques sous celui de V'olian. La difference entre ces deu\ mots n'est que Ircs-peu sensible : elle disparoi- Ira, du moins quant au sens qu'ils conlicnnent , si Ton fait attention que la religion des Gaulois etoil la meme que celle des Germains. Les Suevcs rendoient aussi a Vodan les lionneurs divins. Ce fait est constate dans la \ie de saint Colomban (3). 110. Les Gaulois eurent encore recours a d'autres allegories , pour ex- primer ce qu'ils pensoienl de la divinite. Les Romains , qui n'eloientpas inilies dans Icurs mvstores , etoient souvent la dupe de leur imagination , lorsqu'ils Icnloienl d'expliciuer leurs sjnibolcs. Pour en donner un exam- ple , meltons sous les yeux ce que dit Lucien du pretendu Ilercule gau- lois. « Les Gaulois , dit-il, donnent I'idee de ce dieu sous une forme toute )• extraordinaire. C'esl un vicillard decrepit qui a le derriere de la teto » chauve. Le pen de clieveux qu'il conserve sur le devanl , sont parfai- » tement blancs... Convert d'une peau de lion , il lient une massue dans » la main droite , un car(|uois lui pend sur les epaules ; dans la main » gaucbe il ticnt un arc bande... Ce vieux Hercule traine apres soi une » graude multitude d'bommes qu'il lienl tous enchaines par les oreilles » avec des cliaines d'or emaille , fort delicalcs et fort precieuses , qui « ressemblenl a celles qu'on porte aulour du con. Attacbes par des lien.s » si fragilcs , ils ne penscnt pas a s'enfuir , quoiqu'ils puissenl le taire » facilement. Us ne resislent point el ne se roidissenl pas contre celui qui » les tire. Au conlraire , ils le suivent volonlairement et avec joie , en » louant ccUii qui les conduit. lis se liatent nume , et Ton voit par le» (l)Rprum Longob. lib. 1. c. 3. (3) Apnd Surium , in vila S. Columbani. (2) Ibidem. INTRODUCTION. I07 y> chainons qui sent laches , qu'ils out envie de devancer leur conduc- » teur,et qu'ils seroient ties-faches qu'on lesdeliat... Hercule a la main » droife enibairassee de sa massue et la gauclie d'lin arc. Le peintie ne » sacliant ou il devoit allaclier un bout des cliainous , s'est aviso de pei- » cer I'extremite de la langue du dieu , et d'y attaclier de petites cbaiiies » qui vont toules se rendre daus sa bouclie, de nianiere qu'il attire toute » la foule avec sa langue. Le dieu a le visage et les yeux tournes vers la » multitude , qu'il regarde d'un air gracieux et riant (i). » Lucien , qui ne cousidera que I'exterieur de ce tableau , ne pouvoit manquer de le tiouver charge d'un assemblage ridicule. II en eiit porte un tout autre jugement , s'il eut leve le voile qui I'empechoit d'apercevoir sa vraie signification. Pour y parvenir , il devoit savoir que le Teutales ou le Dis-Pater des Gaulois etoit le souverain des liommes , leur pere et leur createur , le plus ancien de tout ce qui existe et le premier de tous les etres. Les Gaulois ne trouverent dans la nature , rien de plus proj)re a leur rappeler ces grandes vei ites que le portrait d'un vieillard. Il n'y a risn dans cette image qui cheque la raison et qui convienne aux Hercules. Taranis , ce nom qui avoit ete propre a la divinile , et qui inspiroit aux Gaulois le respect et lasoumission qu'ils lui devoient , etoit particuliere- ment invoque sous ce rapport par les guerriers , ainsi que nous I'avons deja observe. Les Gaulois , qui faisoient une profession ouverte du nie'- tier des armes , aimoient a le considerer comme le dieu des armees. La peau de lion^ dont les Gaulois le revetoient, exprime sa force • sa mas- sue , son carquois et son arc bande prouvent que rien ne peut lui rt'sis- ter , et qu'il n'a qu'a vouloir pour detruire tout ce qui s'opposeroit a son bras tout-puissant. Source de toute intelligence , Teutates etoit encore chez les Gaulois I'auleur des sciences et des arts. C'estpour les lui rapporter que le peiii- tre lui attribue le don de persuader et toutes les merveilles qu'il opere. Aussi les Gaulois lui donnoient-ils le nom d'Ogmius (2). Les noms de Teutates , Taranis et Belenus qui sont virtuellement leu- fermes dans ce pretendu Hercule , dc'posent que les Gaulois reconnois- soient sous cet embleme un seul et meme Dieu. Ainsi, quand on saisit le (1) Lucian. in ITerculegallico. une science occulte. D'oii il suit que, par le (2) Suivant M. Keisler , dans ses antiqui- nom d'Ogmius , on vouloit dire que Dieu avoit tes septentrionales , ogma est un ancien mot donne aux hommcs la connoissancedes scien- celtique qui veut dire, i parler strictemcnt, ces et des bclles-lcltrcs. On peut aussi fairc des leUres secretes , et qu'on peut appliquer k venir Ogmius d'o^ , furce , el do mi , bouche. Io8 IIISTOrnE ECCLESIASTIQir.. A lai sens des alU'goiics sous lesf[uclles les Gaulois ont cache la divinite , on relronve Icur religion priniilive jusques dans les temps ou Ton croi- loit qu'elle s't'toit tclipsce. Les Romains, qui avoient les yeux fascines par I'idee toujours presente de leurs dieux , ne voyoient par tout qu'eux. Le nienagement dont usoient les Gaulois dans les images qu'ils offroient de la divinile , les faisoit triompher de la vaine credulite de leurs maitres. Plus lieurcux s'ils avoient pense qu'il n'esl jamais permis de degulser sa foi ! Lllercule, dont Lucien nous a (ait relalage railleur, et qu'il pretend avoir ele I'objet du culte des Gaulois , n'etoit done point un de ces heros (|ue I'antiquite nous a tant vantes. C'etoit le fort par antonomase , Tau- U'uv de tout ce qui eviste , le principe de toute intelligence , le Dieu supreme. S'il faut le repeter , les Hercules gaulois , ou , pour parler dans la langue de leur patrie , les Carls ou Kerls (i) n'attiroient sur eu\ que ladmiration , I'eslime et la reconnoissance de leurs citoyens. On ne les traila jamais que comme des.liommes. 2i 1 . Les Rennois , ainsi que les Nantois , recurent les dieux romains. All)ert le Grand rapporte que Ton voyoit autrefois dans la cite de Rennes un temple dedie a Thetis , et un autre a I'honneur d'Isis , dans un en- droit peu eloigne de celte ville. Lne tour , c[ue Ton nommoit la vision des dieux , eloit un autre pantheon (2). Le 26 Mars 177/j , des macons, travaillant a la demolition d'unemaison canoniale du chapitre de Rennes , trouverent , a six ou sept pieds de profondeur , un plat d'or de neuf pouces , cinq lignes de diametre. Dans le foutl de ce plat etoit incrustee une platine (pii representoit une baccha- nale relevee en bosse, de cinq pouces et dcmi de diametre. Les cotes etoient ornes de seize medaillons ou etoient gravees des figures d'empe- veurs et d'imperatrices (3). Ce qui suppose que le culte de Bacchus n'etoit |jas inconnu a la ville de Rennes. 222. Thetis et Isis etoient, suivant Plularque , la meme divinite. C'est (le la espece de libation ; les uns jetoient dans i'eau des pieces de toile ou » de drap , et les autres des toisons. Le plus grand nombre y jeloit en » outre des formes de fromages ou de cire , ou des pains tout entiers , V et diffc'rentes autres clioses , cliacun scion ses facultes. lis y venoient » avec leurs chariots charges de liqueurs et de nourriture. Aprcs avoir » immole des aniniau\ , ils faisoicnt bonne cbere pendant trois jours (i). k Un usage a peu pres semljlablc existoit encore dans le diocese de Ouimper an dix-seplieme siede , malgre les lumiores de I'Evangile. Dans (juelqucs paroisscs de la campagne , le premier jour de Tan , on faisoit une espece do sacrifice aux fontaines publi(|ues. On leur offroit des mor- ceaux de pain converts de beurre (2). 226. L'air, le feu , le soleil et la lune furent aussi animes par des esprits ; la nature prescjue entiere fut livree a leur gouvernement. Nous pouvnns en jngor par ce qu'en pensoient , an sixicme siecle , les habitans de Tile deTliull, c'est-a-dire , de llslandeou deScandinavie. Cespeuples n'avoient eu encore aucun commerce avec les nations policees. « lis » servent , dit Procope (3) , plusieurs dieux et j)hisieurs genies , qu'iis M placent dans le ciel , sur la terre , dans lair et dans la mer. lis ont » encore d'autres divinites moins considerables , qui resident , comme » ils le croicnt , dans les eaux courantes et dans les fontaines. Ils sont « exacts a leur imnujlcr des victimes de toute espece. » 227. Lorsque nous avons avance que les Gaulois n'avoient rendu d a- bord qu'un culte subalterne et relalif , a ces esprits {{u'ils placoient dans differentes parties du monde , nous avons suppose que leur croyance ser- voit de guide a leurs actions. Quelque grossiers (|u'on les puisse ima- (1) De Gloria Confes?. c. '2. art. M. le Noblct. (2) Vies des Sainls do Brctagiie , par Lob., (3) Golb. lib. 2. c. 15. INTRODUCTION. 1 I I giner , ils devoient toiijours agir consequemiiient a leur manierr de penser. Convaincus de I'exislence d'un premier etre , des lors ils liii de- voient riionimage de leur coeur et tout leur exteiieur. Nous avons \u rempressement qu'ils avoient a s'acquitter de ce devoir. Le ciilte qu'ils rendoient a leurs geuics devoit avoir I'auleur de la nature pour objet principal. De I'adoralion d'un seul etre , on ne va pas sur-le-cliamp a celle de ses creatures. La raison oppose du nioins quelque temps vnie l)arriere trop forte. II est probable que , tandis que les druides eurent la confiance du peuple et I'autorite en main , ils firent respecter les anciens usages. •228. Les choses cbangerent de face, lorsque la religion gauloise fut avilie par I'ascendant que prirent sur elle les dieux latins. Les druides furent alors sans credit , et le peuple fut adonne a tons les prejuges. II se fit une revolution dans les idees comme dans le gouvernement. En ren- dant aux dieux de Rome les honneurs divins , les Gaulois apprirenta en fuire autant a leurs genies. 229. L'exislence de ces genies, dont le culle devint sacrilege, avoit ete pour les Gaulois une autre source d'erreurs. lis leur avoient attribue la connoissance des cboses passees et de celles a venir. C'est de la qu'on inventa les epreuves de Teau , du fer rouge et descbaibons ardens. Quand un parliculier etoit accuse d'un crime dont on ne pouvoit le convaincie juridiquement , on le jetoil dans la mer on dans une riviere. S'il etoit reellement coupable , I'inlelligence qui presidoit a celle eau devoit nunii- fester son crime , en le laissant descendre a fond pour ne pas reparoitre. S'il etoit innocent , elle avoit la complaisance de le faire surnager. Ceux qui marcboient sur le fer rouge sans en rien ressenlir. ou qui porloient le feu sur leurs babits sans etre brules , etoient des lors declares liors de cour et de proces. Les femmes qui dt'lendirent a Ariovisle de livrer le combat a Jules-Cesar avant la nouvellc lune , pretendoient avoir vu , dans le mouvement et le murmure des eaux , que les Germains seroienl vain- cus , s'ils en venoient aux mains durant cet intervalle (i). La couleur et le petillement du feu etoient un pronostic de I'avenir. 230. Les Gaulois , dans la memoire descpiels l'exislence dun sen/ Dieu avoit cle profondement gravee dans les premiers temps, se la rap- pelerent bientot a la voix de la religion chretienne. Ce qu il fut impos- sible d'exterminer , c'est le culte de ces genies. C'etoit une liydre tou- jours renaissante. Plus on lui enlevoit de teles , plus il eii paroissoit de (1) CiPsar, (ic BcUo Gallic, lib. 1. c. SO. I I i niSTOIRE ECCLKSIASTIQUE. uouvelles. JNous n'aurons que trop d'occasions d'en donner des preuves dansle corps de noire hisloire. Ces habitans de la Cornouailles arniorique , dont nous parlious a I'ins- tanl , se nietloient a genoux devanl la nouvelle lune , et rocitoient I'o- raison dominicale en son honneur. lis porloient , le premier jour de I'an, a des fontaines , aulanl de morceaux de pain qu'il y avoit de per- sonnes dans nne famille. 11 y a aupres de Saint-Efflam , a peu de distance de Saint Michel en Greve et de la ville de Lannion , une Fontaine renom^ niee par les superstitions que le peuple v exerce encore a present. Lors- ([ue (pielqu'un a ete vole, il s'y rend a jeun un Uuidi. La , il jette dans lean plusieurs morceaux de pain , a chacun desqueis il donne le noni des personnes qu'il soupconne avoir fait le vol : celui de ces morceaux qui reste a fond indique le voleur. Pour faire oublier , s'il etoit pos- sible , ces vaines observances , les apotres de I'Armorique firent placer , sur la plupart de ces fontaines , des statues de la Vierge ou de quelques autres saints , ou leur donnerent le nom des pieux personnages rpii avoient illustre le pays par leurs vertus. 23 1. Les Gaulois su[){)()st;rent encore I'existence dune autre espece de genies. Ceux-ci prenoient une forme Immaine , quand ils le jugeoient a propos ; ils s'offroient a la vue des bommes ou disparoissoient selon leur bon plaisir. On leur donnoit , en celtique , le nom de Teas ou Tlieiiz , qui veut dire esprit-folet. C'est de la qn'on les appela Diisii en latin. Saint Augustin (i) assure que tant de personnes lui out atteste que ces esprits recliercboient le conuiierce des femmes et les seduisoient , qu'il y auvoit une espece d'impudence a ne pas le croire. Quelque nuiltiplics fiu'aient ete ces temoignages , examines de pres , ils ne doivenl pas etre d'un grand poids. 11 est Ires-probable que ce (jui a donne occasion de croire a ces genies a pris son origine dans la plus vive des passions , i(ui , dans tons les temps, a chercbe les moyens de s'excuser. Les lutins sont encore connus du peuple. Les impressions subites et invo- lontaires que donne le cocbemar , et dont on ne pouvoit Irouver la cause an dedans de soi-meme , fortilierent I'idte que Ton avoit de ces Dusn. On s'imagina qu'ils venoient se couclier durant la nuit sur ceux (jui dormoient a la renverse , et qu'ils eloient la cause de I'espece de suffo- cation (pi'on ressentoit. On leur attribua aussi loutes les illusions noc- turnes qui arrivent dans les songes. '(l)De Civil. Dei, lib. 15. c. 23. 232. INTRODUCTIOJT. 1 I 3 232. On voyoit autrefois un temple de Pan et un autre de Ceres sur les bords de la Vilaine , proclie le lieu ou est maintenant la ville de Vi- tre (i). A I'exemple des cites de Rennes et de Nantes , celle de Corseul admit les dieux de ses vainqueurs. Le temple de Mars , qu'elle avoit erige en I'honneur de ce dieu , subsistoit encore , du moins en partie , en 1709, comme nous Tavons observe. Nous ne pouvous douter que les autres peuples de I'Armorique n'aient embrasse le culle des memes divinites. Les actes de saints Donatien et Rogalien font foi que I'intention des empereurs etoit que les Armoriques eussent reconnu les dieux de Rome. 233. On remarque proche Lan-Lef , eglise actuellement succursale au diocese de Dol , dans les enclaves de celui de Saint-Brieuc , un monu- ment d'une structure singuliere. II est compose de deux murs circulaires. Le premier , qui est exterieur , contient trente pieds de diametre : il est perce de douze fenetres de difierentes grandeurs , qui se retiecissent vers le fond. L'espace qui les separe est orne de colonnes. Le second miir est a neuf pieds de distance du premier et lui est concentrique. On y a pratique douze arcades voiitees en plein cintre , hautes de neuf pieds et larges de cinq. Ces douze arcades repondent aux douze fenetres du mur exterieur. Les pilastres qui portent ces arcades sont carres et ont trois pieds siu' chaque face. Chaque cote est garni d'une colonne adossee , saillante de six pouces. Ce batiment a cte construit a cliaux et a sable ; depuis long- temps il est sans couverture. 234. Si Ton s'en rapportoit a la tradition qui subsiste dans le pays , on regarderoit cet edifice comme un reste d'un ancien temple eleve par les Armoriques , avant qu'ils fussent devenus chreliens. C'est sans fondement qu'on lui a trouve de la ressemblance avec le pretendu temple de Mont- morillon. Pour s'en assurer ;, il suffit de jeler les yeux sur la description qu'en a faite dom Bernard de Monlfaucon , et que Ton trouve dans son supplement de I'Antiquite expliquee , tome 2. En effet , cet edifice etoit, octogone et double ; c'est-a-dire , qu'il y en avoit un dessus et un autre/ dessous. Celui de dessous etoit plus etroit en dedans , parce que le mur etoit de la moitie plus epais ; celui de dessus , qui etoit plus large , pr<- (l)IAlbertleGrand,calal.desev.deRennes. wi, riviere, et irei , tortuosite, courburcLa Par le terme VitrS , on entend un lieu ou Vilaine , en passant h Vilre , y fait des sinuo- une riviere fail une courbure. II a pour origine sites. Il4 mSTOlRE rCCLESIASTIQUE. noil sou jour par liuit fcuetres pratiquees dans liuit arcades, faites en foruie de porlail , uue l\ cliatiue face. Mais quaud bien meme le vaisseau de Lau-Lef auroit la plus grande conformite avec celui de Montmorillon , on ue pourroit pas s'en servir pour prouver qu'il a ete consacre aux idoles. M. I'abbe le Ba-uf ii'a trouve dans le dernier qu'un ancien hopital destine pour les pelerlus qui alloicnt on revenoient de la Palestine (i). •235. Le temple de Lan-Lef pourroit bien n'avoir pas une origine aussi ancieune que celle qu'on lui prtle. Si Ion a vu autrefois des temples de figure ronde , on n'eu connoit point qui aient eu un si grand nonibre d'ouverlures. Nous permettra-t-on d'exposer ce que nous pensons de ce monument ? 11 nous paroit que c'a ele , dans son principe , un baptistere. On sail que c'eloit une petite t'glise , aupres d'unc plus grande, oil Ton adminislroit le bapteuie. Tel ctoil le baptistere de Constantin , proclie I'eglise de Saint Jean de Lalran de Rome. Le batiment de Lan-Lef est en- core coutigu a I'eglise succursale de ce nom , puisqu'il lui sert de vesti- bule. Uue autre propriete des baptisleres etoit d'etre ronds. Du Cange observe qu'on voit a Florence , vis-a-vis de la cathedrale , une autre ealise de figure ronde qu'on appelle baptistere ; qu'au milieu de cette I e<^lise est un baptistere de maibre tres-blanc ou tous les llorentins re- I coivent le baptcme , selon I'ancien usage. A ces trails , on reconnoit en- \ core la destination du monument de Lan-Lef. C'etoit probablement dans la secoude enceinte qu'ctoit place le bassiu consacre an bapteme. Les tkleles s'tlaut multiplits en Vrmorique , on fut oblige d'elablir des baptis- leres boisdes eglises callit-diales. Quelques eglises delacampagne de\iii- leiil baptismales. Comiue le diocese de Dol fut le plus etendu de tons ceux de la Bretagne , les eveques de ce siege se Irouverent dans la necessite de faire construire de ces sorles de baptisteres dans differens cantons de leur ressort.La seconde enceinte de murailles ([ue Ton voit an teuiple de Lan-I^f avoit cte pratiqiiee probablement pour derober a la vue du public ceux que I'ou baplisoil. ll est ini^lile de remarquer ici que le baptcme se conferoit par imiuersiou (2). Revenons maintenant a ce premier temple de I'Armorique que nous I'avons fait qu'indic|ucr. Tachons de fixer sa position , et de dt'terminer quel etoit le dicu (ju'on y servoit. 236. Strabon dit que I'ile oil ce temple c'toit place etoit pen eloignee (liMi-m. de I'arad. des bclles'lcttres de Pa- eider la question. II so tire de Ian, iglise , ct ris , t. 1'2. d'c/^, eau. Ce qui signifie : ri/lise oil I'onrcn- (2) Lc nom dc Lan-Lef scmblc lui seul d6- ferme de icau , c'est-a-dire , un baptistere. INTRODUCTIOTT. I ' 5 du continent , et qu'elle regardoit I'embouchure de la Loire. Ptolemee place les Samnites , dont les femmes desservoient ce temple , proche de cette riviere. Denis le Periegete on le voyageur , ne rapporle pas simple- inent , comme Slrabon , qu'elles habitoient one petite ile ; niais il ajnute qu'elles alloient dans plusienrs iles exercer leurs ceremonies religieuses (i). Les differentes notions que ces trois auteurs nous fournissent de cetle ile conviennent enlierement a celle de Dunet. Elle est effecliveraent tout proche de la terre ferme et vis-a-vis de I'endroit ou se degorge la Loire. Les pretresses de Dunet pouvoient passer facilement de la aux iles d'Houat et d'Hedic qui en sont voisines, et ensuite a Belle-Isle. Plusieurs manuscrits de Pline donnent a I'ile de Dunet le nom de Samm's ou ^ Amnis. Ce dernier terme , qui vient A'amn , mot celtique , veut dire une r/we/e , ainsi que nous I'avons deja observe. L'ile de Du- net (2) se trouve entre la Vilaine et la Loire , au moment ou elles se perdent dans la mer. 237. 238. Les pretresses de Dunet avoient coutume , une fois par an , d'enlever et de retablir dans un jour le toil de leur temple. L'instant de la demolition etoit marque par inie fete solennelle , pendant laquelle , suivant I'expression de Strabon , ces femmes se livroient a une espece de fureur bacliique. Denis le Periegete assure egalement qu'elles celebroient des mysteres bacliiques. II remarque qu'elles y vaquoient de nuit , et qu'elles se couronnoient de lierre. C'est uniquement sur cet exterieur qu'on a juge que cetle solennite etoit consacree a Bacchus. La conse- quence qu'on en a tiree ne nous paroit pas juste. II est vrai que la fete de ces femmes druides avoit beaucoup de conformite avec celle de Bacclius : Tune et I'autre se faisoient de nuit; on s'y rendoit a la faveur des flam- beaux. Toutes deux etoient accompagnees de danses. La demolition et le retablissemeut du toil du temple s'ex^cutoient apparemment dans une es- pece de cadence ; d'ou il arrivoit que celle -des pretresses qui , en tom- bant , manquoit a la mesure , manquoit en meme temps aux rits de la cere- monie religieuse. Pour cette infraction a la loi , elle etoit sur-le-champ pu- nie de mort. Les bacchanales et la fete de Dunet etoient remarquables par (1) Strabo, Geogr. lib. 4. et Valesius, nolit. Galliar. verbo , Samnites. (2) Le nom de Dunet designe un rocher en- tre des rivibres. II est forme de dun , monlagnc , et d'«( ou ed , eau , riviere. Siala insula est pla- cce dans I'ltiniTairc maritime apres Vindilis (Belle-Isle) : ce qui convienl a l'ile d'Houat. Le nom de Siala paroit venir do si , forel , et dV< , terre. Celui d'Houat a la meme origine. fou , bois ; at, terre. Onenpeut direautant i''Iedic. Cejnom peutsetirer de Itocd , forel, etdc i'r, conlree. Les differentes etymologies de ces deux dernicres lies sont propres a faire voir qu'elles tenoient autrefois a la terre fcrme. / / / Il6 IIISTOIHE ECCLKSIASTIQin. la dissolulion dii \iii el de la bonne chere. Cesexcesetoient non-seulement perniis ; mais , bien plus , ils entroient dans le voeu de I'asseniblee. Si de celle ressemblance enVre les bacclianales et la fele de Dunet , on pouvoit lirer une idenlile parfaile , loutes Ics ceremonies sacrees des Gaulois irauioieut eu que Bacchus pour objet. La joie , la danse et le vin en faisoient un accompaijnement necessaire. Les Sueves , du temps de saint Coloniban , nous en fournissent une nouvclle preuve. I'ne cuve d'une grandeur enorme , qu'on remplissoit de biere , etoit videe durant la fete de Vodan. ■^39. Ce n'est done pas seulement a I'exterieur du culte religieux qu'il faul s'attacber , pour juger saincment quel est le dieu qu'un peuple adore. II est nccessaire d'approfondir en quoi consistent ses dogmes. Nous crovons rendre justice aux druides de Dunet , en les lavant de I'imputation qu'on leur a faile d'avoir sacrifie au dieu des ivrognes. II est plus analogue a ce (jue nous connoissons de la religion des Armoriques , de ne voir dans ce culle que celui dn Dieu unitpje. Du temps d'Auguste , on cette cere- inonie etoit encore en usage , la religion des Gaulois , quelque corrom- j)ue quelle fiit , etoit reconnoissable. 240. Pour comprendre en quoi consistoit la fete de Dunet , il faut se rappeler que nous avons dit ci-devant que les Gaulois regardoient Teuta- les coninie leur pere et leur createur. Ils pensoient qu'il les avoit tires de la lerre. C'eloit elle qui lui avoit servi de maliere pour la formation du corps liumain. Sous ce rapport , les Gaulois envisageoient leur pere Tat Cftumic le mari de la terre , et la terre comme sa femme. Ce manage etoit pureuient ideal et eutierement figure. Aussi VEdda meme porte-t-elle que la terre etoit en meme temps la fdle et la femme d'Odin ; elle y prend le nom de Frigga ou f/ea , c'est-a-dire , la dame par excellence. Le dieu supreme, Odin, etoit eternel , suivant les Gaulois. La matiere etoit son ouvrage et consequennncnt avoit commence d'etre. Le sacrifice que Ton faisoit dans I'ile de Dunet se pralicpioit a I'occasion du mariage de Teu- lates avec la terre. Pour parler sans figure, les pretresses temoignoient dans cette fete a la divinile la reconnoissance qu'elles lui devoient , com- me elant I'ouvrage de ses mains. Strabon ne connoissoit pas assez les druides gauloises ; si celles de Dunet soi«oient de leur ile , ce n'eloit pas pour aller voir leurs maris. Elles vi- voieM babituellement avec eux. Le •voyage que ce geographe leur fait faire sur le continent n'avoit dautrc but , quoi qu'il en disc , que de faiic parliciper leurs voisins a leur fete. INTRODUCTION. II7 24 1- Ce que le meme histoiien avance , d'apres Artemidore (i), que , dans une ile voisine de TAngleterre , on sacrifioita Ceres et a Proserpine, avec les memes ceremonies que dansl'ilede Samothrace, doit etre rappro- che des principes gaulois. Par le detail que nous venons de faire , on comprend que , par Ceres , on doit entendre la terre. Comme la fete de celle-ci se faisoit durant la nuit , Artemidore a cru que Proserpine y en- troit de moitie. Son raisonnement etoit conforme a la maniere de pen- ser des Grecs. lis sacrifioient durant le jour aux dieux du ciel , et pen- dant la nuit aux dieux infernaux. Cette ile qu'Artemidore ne nomme pas , etoit probablement ou Gersey (2) on Guernesey. II est tres- vraisemblable que le lieu ou est placee I'abbaye de Saint- Jacut etoit autrefois consacre a la terre. C'est du moins ce qu'insinue le 110m de Lan-Dounr que ce terrain porte encore de nos jours (3). 242. Les Gaulois , qui s'aveugloient de plus en plus sur la religion , tournerent en poison I'allegorie que leurs peres leur avoient fournie , pour se lappeler le souvenir de leur creation, lis en prirent occasion de rendre un culte reel a la terre. 243. L'art de la divination et de la magie , qui avoit ete d'abord in- connu aux Gaulois , devint I'objet de leurs recherches. Ces pretend ues sciences etoient deja fort anciennes dans la Gaule , du temps de Diodoie de Sicile qui vivoit sous le regne d'Augusle. On croyoit qu'elles avoient ete decouvertes dans la Grande-Bretagne , et que de la elles avoient ete com- niuniquees aux Gaulois. On assuroit que ceux de la Gaule , qui vouloient s'en instruire a fond, etoient dans I'usage d'aller les apprendre dans Tile (4) Ce sentiment se trouve appuye de Solin. « Les Silures , dit-il , sont fort at- » taclies au culte des dieux. Les bommes et les femmes de cette nation se » vanlent egalement de connoitre I'avenir (5). « Pline observe que la ma- (l)Strabo, Geogr. lib. 4. • continent du Cotentin, et gu'elle en a e(e (2) Nous devons a la verite que Gersey se » separee par la mer qui a inonde le terrain lit dans lltincraire maritime d'Antonin , sous » qui joignoit cette ile a la terre ferme. • C'est le nom de Cwsarea. D'anciens manuscrits Tap- probablement de Guernesey que veut parler pellent Gergia, terme qui vient de ger , au- Artemidore. Vvis.tl do gi , foHi. Cenalis nomme Gersey, ^3^ ^^5 Celtes donnoient anciennement a la Gerseia insula, insula GrisoCUon Gersoii. Le jerre les noms d'Ar, Er ou Erd. On y a ajoute moiGnsoUi se tirede ger,aupris, et de sol , „„ article. Cequi a forme les noms de day^r /•ore*. Guillaume Jans connott Gersey sous le ^„.„,^ ^^-...^^j, £„„ ^st egalement celi- nom de Jarscc , et Ortelius sous celui de Jar- ^^3 ,j sjgnifiera ici un temple, sey. I, tic ; ar, aupres ; say , forcl. « On tient, . disent les auteurs du dictionnaire de Tre- (*) Cjesar, de Bello Gallic, lib. 6. » vou.x , que Gersey a fait autrefois parlie du (5) Solin , cap. 25. 1'° niSTOIRE ECCLESIASTIQUr. gie s'exercoit dans la Giande-Bretagne avec tant d'ait et des ceremonies SI etranges , (|iie les Perses pouvoient encore profiler a I'ecole des Bre- tons (i). 244- 245. Les Armoiiques qui ctoienl voisins de I'Anglelerre et lii's de commerce avec elJe , ne cedoienl point a celte ile dans ces sorles de connoiasances. L'ile de Sein etoit celebre dans I'antiquile par les oracles qu'on y rendoil. « Eile est , dit Pomponius-Mela , siir la cote des Osisniiens. » Ce qui la distingue particulierement , c'est I'oracle d'une divinite gau- )' loise. Les prelresses de ce dieu gardenl la Airginite perpt'luelle : ce w qui leur doune beaucoup de considtraliun. On dit qu'elles sont au » nombre de neuf. Les Gaulois Icur donnent Ic nom de Series. lis croient » qu'elles sont animees d'un genie tout particulier ; que , par leurs en- » cbanlemeus , elles excitent des tempetes sur la mer et dans les airs ; » qu'elles prennent la forme de tels animaux qu'il leur plait ; qu'elles » guerissenf les maladies absolunicnl incurables; (|u'elles pentlrent I'ave- » nir , raais qu'elles ne le decouvient qu'a ceux (jui naviguent et qui se » metlent exprcs en mer pour les consulter (2). » II y a lieu de soupconner que ces pretendues prophetesses avoient commence d'exercer leur art sur les mariuiers, et que , comblees de leurs bienfails , elles ne voulurent pas I't'lcndre a d'autres especes de person- nes. L'ile de Sein, qu'elles habiloicnt , les mettoit a portee de reiidre leurs oracles aux Vennetois el aux Nantois , les plus grands navigateurs des Gaules. Leur reputation , qui etoit etablie au loin , devoit leur atlirer beaucoup d'elrangers. Nous pouvons juger de la quanlite de presens qu'on lew portoit , par ceux que firent les Germains a \'elleda , vierge Bruc- tere , qui , conune les fiUcs de Sein , professoil la divination, lis ne crai- gnoient point de prendre dans les depots sacres pour verser ces dons en- tre ses mains. D'aulrefois , on parlageoit avec elle le butin et les prison- niers que Ton avoit faits sur les ennemis. Un jour on lui donna le com- mandant d'une legion romaine. Dans un autre temps , on lui ceda un \aisseau que Ton avoit pris sur les Romains (3). ■i'\6. C'est du minislere mcme auquel ces neuf vierges otoicnt employees (jue leur est venu le nom de Se/icc ou Kcncr. 11 est lire de kanad , mot cel- lique qui veut dire , prop/wte , devin (4). C'est de la aussi que l'ile cpii j'ur servoit de demeure a et^ appelee Sein. (l,nist. nat. lib. 30. (i) M. Bullet tire le mot SenmA^ten, qui (2) Pomponius-Mcia, lib. 3. c. 6. vcut dire saint. (3) Tacit. Hist. lib. \. c. 61. lib. 5. c. 22. IWTRODUCTION. I 1 9 247. Le rocher qui partage aujourd'hui la Bretagne et la Normandie, et (jue Ton appelle Mont-Saint-Michel , eloit consacre dans les premiers temps a Beleniis. Sur le sommet de cette montagne, il y avoit un college de ueuf druides. La plus ancienne rendoit des oracles. Elles vendoient aussi a ceux qui exercoient la na-vigation des fleches qui , a les en croire , avoient la vertu de calmer les orages , en les faisant lancer dans la mer par un jeune homme de vingt-un ans qui avoit conserve sa virginite. Quand le vaisseau etoit de retour a bon port , on deputoit la meme per- sonne pour porter a ces pretresses des presens plus on moins considera- bles. Elles ne se piquoient pas , comme les vierges de Sein , de garder la continence. Une d'entr'elles alloit se baigner dans la mer avec le depute. Elle le trailoit ensuite comme si elle I'eut eu pour mari. Le lendemain , en s'en retournant , il s'attaclioit sur les epaules autant de coquilles qu'il avoit fait d'injures a la chastete (i). 248. o Tout proche de I'Angleterre , dit Demetrius dans Plutarque , il » y a plusieurs iles dont quelques-unes portent le nom des genies et des » heros auxquels elles sont dediees ou consacrees. Je m'embarquai ex- :> pres pour les voir et m'instruire moi-meme sur les lieux. J'etois a la » suite de I'empereur (2). J'abordai dans I'ile qui etoit la plus proche de w celles qui n'etoient point habitees. Je n'y trouvai que tres-peu d'hommes, » tous pretres, et particulierement respectes par les Bretons. A peine » avions-nous mis pied a terie , qu'une tempete troubla le ciel et la mer. » Les vents dechaines s'entrechoquoient , I'air etoit en feu , la foudre « tomboit avec un bruit et un fracas epouvantable. Quand le ciel se Tut » eclairci et que I'orage eut cesse , ces insulaires assurerent que quelque » grand personnage devoit etre mort , parce que , disoient-ils , il en est » des grandes ames , comme de la lumiere. Tandis qu'une chandelle est » allumee , elle n'incommode personne ; mais des qu'elle vient a s'e- » teindre , on en est mal aftecte. Ainsi , les grands hommes sont pen- » dant leur vie comme des flambeaux dont la lumiere est douce et ne » fait souffrir personne. Mais quand ils viennent a mourir et a disparoitre , » ils excitent ordinaireraent , comme on vient de le voir , des tempetes et » corrompenl I'air (3). » On ne peut douter que cette fade coraparaison , dont s'etoient servi les pretres de cette lie, n'eut d'autre but que d'en imposer a I'empereir et a ceux de sa suite. La basse flatterie a laquelle ils avoient eu recoitvs (1) De I'homme et de la femme. t. 2. (3) De Cessat. orac. (:2) Probablement I'empereur Claude. ISO HISTOIRE ECCLESI.VSTIQUE. pour relevcr la suptriorite des grands apres leur moil , quoicju'elle les luette de niveau avec les aulies lionuues , put avoir son effcl sur le coeur de ce prince. Mais , couune la verile perce a travers les nuages de I'en- cens , les prejuges que Ton avoil du pouvoir des druides sur les orages, durent faire penser que c'eloit eux qui avoieut forme la tcnipete. C'est la I'aveu (|ue ces prclres dcsiroient. II paroit certain que les lies dc lArmoritjue etoient aussi fameuses par la divination et la magie , que celles de la Grande-Brelagne. On pouvoit egalement y prendre des lecons. Coinme ce sont les Armoriques qui ont , du nioins en partie , peuple I'Angleterre , ce sont eux aussi qui ont pro - hablemcnl porlt' ces pretendues sciences. 249. On comploit , dans I'Armorique et dans le reste des Gaules , Tout ce qui se fait ou par Dieu , ou par les anges , ou par les genies , )' ou par les ames des beros , ne se fait-il pas selon les ordres du Dieu » souverain ? Cbacun de ces genies n'a-t-il pas ete prepose par le souverain » Dieu sur toutes les creatures , et n'a-t-il pas recu de lui le pouvoir fle B les admiuistrer ? Est-ce done que celui qui bonore le Dieu souverain , » n'adore pas avec raison celui a qui le souverain Dieu a fait part de son » pouvoir ? Ou il ne faut pas venir en ce monde ; ou , si Ton y vieiit , il » faut rendre grace aux genies qui president aux cboses terrestres ; il faut y> leur offi ir , tandis que nous vivons , des prcmices et des prieres pour » meriter leurs faveurs. Car il seroit injuste de jouir des cboses dont ils » ont la dispensation , sans leur payer un tiibut d'bonneur. w Ce sont la les raisonnemens qu'Origene fait tenir a ce pbilosopbe epi- curien dans la Siav^nte reponse qu'il lui a faite (i). « Lorsque nous assurons , dit Julien , que le souverain Dieu que nous » adoroDs comoje le maitre absolu de toutes cboses , a commis un dieu » inferieur a cbaque nation , pour en avoir soin , ainsi qu'un roi commet J) un gouverneur a cbaque province , nous pensons mieux que Moise qui » adore le dieu d'une petite portion de la terre , comme le createur de » toutes cboses (a). Les Juifs sont religieux en parlie , puisque le dieu » qu'ils adoreqit est le Djeu tres- puissant et tres-bon , qui gouverne le » nionde visil)le , et que nous adorons nous-memes sous d'autres nonis , » comnie je ne sOMroi* en douter. Ainsi je ne puis les blamer de cet at- (1) Lib. 8 , D. 68, n. 33 , n. 55. (2) Apud S. Cyrillum , lib. 2. ia8 UISTOIRE ECCLliStASTIQUE. » lachement a leurs lois. Us se trompenl seulemenl en ce qu'ils lui ren- » deiU un cuke exclusif , ct iie veulent point adorer les an lies dieux. >' I.e sentiment de ccs pliilosophcs n'eloit pas une opinion nouvelle , iii- ventee seulement pour donner du credit a la religion paienne ,ella jus- lifier devant les chreliens. Platon avoit eu a pen pres les memes idees vrai , ajoute-t-il , que, parlavuedes creatures, ce qui est invisible en » Dieu , leur a ete rendu visible ; et que , par la beaute de I'ouvrage, ils » ont connu la toule-puissance eternelle et la divinite de I'ouvrier ; mais » toute cette connoissance , bien loin de les sanctifier, n'a servi , par le » mauvais usage qu'ils en ont fait, qu'a les rendre plus criminelset entie- » rement inexcusables. Ayant connu Dieu , ils ne I'ont pas glorifie comme » Dieu ; ils ue Tout pas adore comnae souveraine majeste ; ils ne Font pas » remercie comme auteur de tout bien. Devenus vains et orgueilleux, » ils se sont egares dans la vanite de leurs raisonnemens ; leur esprit insen- » se et prive de la veritable sagesse , est tombe dans les erreurs les plus » grossieres. De sorte que ceux qui se croyoient et disoient sages , sont >' devenus veritablement insenses. Voyez a quel point est montee la folic » de ces pretendus sages : ils ont rendu I'lionneuret le culte qui n'est dii » qu'au Dieu immortel et incorruptible , a des figures d'oiseaux , de ser- » pens et de betes a quatre pieds. .. lis ont quitte le Dieu veritable , vi- » vant,... pour de faux dieux, auxquels ils ont rendu le culte qui n'etoit j) du qu'au vrai Dieu , et ils ont rendu plus de gloire a la creature qu'au » Createur , quoique Dieu n'en ait recu aucun veritable tort , et qu'inde- » pendamment de toute creature , il soit glorieux et beni dans tons les » siecles (i). » vt, 267. Lorsque nous parcourons les usages des differentes nations qui ont successivement habite la lerre , nous voyons que toutes ont employe les sacrifices des animaux , soit pour reconnoitre le souverain domaine de la divinite , soit pour la remercier des bienfaits dont elle les combloit ou pour lui en demander de nouveaux , soit pour I'expiation de leurs cri- mes. Quelle peut etre la raison de cette institution ? Comment a-t-il pu se faire que les peuples , malgre la difference des temps , des moeurs et des langues , se soient astreints a cet usage ? a68. Si nous interrogeons les sentimens que la nature a rendus com- rauns a tons les hommes, nous n'y trouverons point la solution de ce probleme. La mort d'un animal a-t-elle quelque rapport avec la recon- noissance que I'homme doil temoigner a I'auteur de tout bien ? Est-elle propre a laver les laches de I'homme criminel ? Est-il jamais venu dans (1) Ad Rom. c. 1. V. 18, t9 , 20 , 21 , 22 , 23 , 24 , 23. 17 j3o niSTOIRE ECCLliSIASTIQUE. I'espril tie qui f|iie ce soil , de sacrificiuiie genisse on iin laiireau en signe de ijralilude , h I'lin de ses semblables qiiiraura oblige? Oil a-t-on cher- che quehjuefois a aj)aiser la colere de queiqirun par uii hommage de cette nature ? Celiii (jiii aiiroit lente de pareils moyens se seroit fail passer pour nil extravagant. Si Ton aime mieux avoir recours a la raison , elle nous repondra que, conune Dieu est infiniment au-dcssus de laniatiere , nousdevons I'adorer en esprit et en verite. Elle nous fera coniprendre que les sacrifices de toutes les facultes de notre ame sont les seuls qui puissent en (juelque maniere etre dignes de lui. Aussi Forphyre , ce zele partisan de la raison , s'est ele- ve avec force contre les sacrifices de son temps. Janiblique les traitoit d'injurieux a la divinitc. Daulres ont cru trouver I'origine des sacrifices dans rimbecillitc preten- due des premiers liommes. Assertion liasardee et qui se detruit d'elle- raeme. Les generations qui suivirent de pres le deluge avoient des idees plus claires et plus exactes de la vraie religion et de tout ce qui la con- cerne , que celles qui vinrent long-temps apres. Celles-la touclioient pres- que au moment on les traditions Icur avoienl etc transmises par I'organe de Noe , le plus fervent servileur de la di\inite. Ces traditions n'avoient pu ni se perdre , ni s'alterer dans un si court intervalle, surlout si Ton reflecliit qu'elles avoient , pour la plupart , un rapport necessaire avec le culte exterieur. Les sacrifices , aussi anciens que la religion , tiennenl a son depot. Les generations (pii s'eloignerent du temps on ces traditions avoient etc confiees au genre buniain , les perdirent insensiblement de vue et se livrerent a I'esprit parliculier. Lne funeste experience ne Ta prouve que Irop sensiblement. 269. Ne cherclions point daulre cause de I'exislence des sacrifices des animaux , dans la religion primitive , que la volonte de Dieu , le mailre absolu de I'univers. C'est a lui , sans doule , a qui il apparlcnoit de deter- miner la ijianiere par laquelle il vouloit que Ibonune lui temoignat sa de- peudance. Crealeur de Ihorame et arbitre de son sort , c'etoit a Dieu de lui intimer ses ordres , de lui fixer des lois qui I'approchassent de son Irone , et qui servissent, pour ainsi dire, de contract mutuel entre le sou- verain et le sujet. C'etoit a I'Etre supreme de prescrire a Thommc d'une raaniere claire et precise les devoirs qu'il exigeoit de lui , el les moyens dont il vouloit qu'il se servit , soil pour se conserver sa bienveillance, soit pour apaiser son courroux. Foible et borne dans ses connoissances , leger par instinct , distrait par millc affaires , en proie a une foule de passions , INTRODDCTIOir. ^-51 Ihonime auroit-il pu se former un plan de religion qui eiit eu cette pro- portion qui doit repondre a la majeste dii Dieu qu'il eut voulu servir , et aux facultes si peu connues de son propre cceur ? Quelles preuves au- roit-il pu se donner a soi-meme que les formulas de redevance et tout I'ap- pareil de servitude qu'il auroit invenles auroient etc agreables an Seigneur? 11 n'y auroit eu que I'acceplation formelle que le Tres-Haut en auroit faite , qui eut pu le tranquilliser sur son culte. 270. Le sang des animaux etoit-il propre par lui-meme a enlretenir en- tre Dieu et I'lionime un commerce reciproque? Non sansdoute. C'est ce- pendant par I'ordre de Dieu que ce sang a coule. L'homme n'a pu etre I'auteur de cer usage : I'idee qu'il porte avec soi n'est pas analogue a la nianiere de penser de I'esprit humain. L'Etre supreme , qui a droit de par- ler a tons leshommes, a pu seul I'introduire et le rendre general dans tons les temps et dans tons les ages. La sagesse et les autres perfections infuiies de Dieu seroient-ellesici en defaut ? Ell ! qui pourroit le penser? Puisque l'homme ne peut s'offrir en holocauste a la divinite , puisque les victimes des animaux qu'elle veut lui etre offertes ne peuvent lui plaire par elles-memes , il faut que l'homme ait manque a I'alliance qu'il a contractee avec Dieu , et qu'il n'ait plus rien a lui offrir qui soit digne de lui. Ces viclimes ne seront apparem- ment que rembleme et le type qui en cacheront une autre d'une valeur et d'un merite superieur. Cette double consequence , qui sort necessaire- ment de ces deux principes , n'est susceptible d'explication dans les anna- les d'aucun peuple , si ce n'est dans celles de la nation juive. Eh ! ne peul- on pas les citer avec aulant de fondement que tout autre depot? L'au- thenlicite de ses livres est au-dcssus de toute critique. Ouvrons-les done et nous instruisons. Dieu dit , et tout est fait. L'homme va etre charge de porter a son Crea- teur la reconnoissance, les louanges el les adorations de toute la nature. Souverain del'univers , il ne dependra que de celui qui lui a donne la vie. Sa soumission a ses ordres sera la source de son bonheur. Son corps as- sujelti a son ame , ne doit souffrir ni alteration , ni changement. Apres (juelque temps d'epreuve sur la terre , de la il doit s'elever au ciel , sans souffrir la mort. Mais le libre arbitre , qui ne lui est donne que pour faire eclater davantage son merite devant celui qui doit en etre la grande recompense , va devenir malheureusement entre ses mains la cause de sa ruine. line secrete complaisance dans les dons qui le decorent , detache deja son cccur du bien souverain el iinmuablea qui il doit les rapporler. '32 mSTOIRE ECCLliSIASTIQUE. Celle premiere faule contre la loi eternelle va le precipiter dans la deso- heissance et la revoke. Clnite terrible et dont les suites seroiit si mulli- plieesjuSqu'a la fin du monde ! L'honimesera desormais condamnea un travail penihle , expose a des maladies de toute espece et siijet a la mori. L'i^norance obscurcit son entendeiiient ; la chair se revoke contre liii ; sa volonle s'incline vers le nial ; un mur de separation est etabli entre Dieu et lui. Trisles debris de ce bel edifice que la main du Tout-Puissant avoit pris plaisir de former! Pbilosophes de I'antiquite , lorsque vous avez jete les yeux sur les restes de grandeur qui parent encore I'liomme, et sur la misere qui le degrade en meme temps , vous n'avcz pu vous era- pecher de rendre hommage a I'etrange revolution qu'il a essuyi'e. Cependant , arcliitecle aussi miscricordieux que puissant , Dieu veut bieu , malgre I'indiguile de rhomme, travailler a sa reparation . Le crayon en est trace sous I'embleme de la fenime , qui doit , dans les sieclesa ve- nir , ecraser la tete du serpent. D'elle naitra celui (|ui deja commence a s'immoler. Dieu (ail pour nous victime du pecbe , celui (|ui ne connoit pas nicnie le pcclie , afin (|ue nous devenions justes de la justice meme. Celte victime s'olTrira jusqu'u la fin des siecles a la place de I'liomme coupable. Son union avec elle le purifiera des taclies de son peche. Par elle, il fera a Dieu rolTrande de tout ce qu'il est. En attendant que cette victime pa- roisse , le sang des animaux coulera par ordre de Dieu. Conime ce sang sera un aveu public de la dt'pendance et de la servitude de I'liomme en- veis son Createur , il sera t'galement le signe du sacrifice qu'operera celui qui doit mourir pour le salut des liommes, qui, par la , doit rendre a Dieu un bonueur digne de lui, et obtenir aux hommes le pardon deleurs peclies, la grace sanctifiante et leur ouvrirleciel. Abel immole a Dieu les premiers lu's el ce qu'il y a de plus gras dans ses troupeaux. A la vue de la destruction de ces animaux, il s'bumiliedevant Dieu par des senlimens dune adoration profonde. 11 y decouvre I'image du grand sacrifice du liberateur qu'il attend. C'est la , i» proprement par- ler , la victime qu'il ofTre a Dieu. Ce n'est que dans ce redempteur qu'il met sa confiance. Ce n'est (ju'en lui et par lui qu'il se consacre lui-meme , pour faire la volonto de Dieu. Ce n'est aussi (|up par la foi qu'il est de- clare juste, Dieu lui-nicine rendanl lemoignage qu'il accepte ses dons. Depositaire de la religion cpie Dieu a domu'e a ses peres , Noe, a la soi- tie del'arcbe, prend de toules les betes et de tons les oiseaux qui pou- voient etre oflerts en sacrifice. II en fait un holocauste au Seigneur , qui en recoit une odeur tres-agreable. La foi d'Abel et des autres justes a passe INTRODUCTION. 1 33 dans son ame. Pretre et niediateur de tous les homnies , il s'imniole a la souveraine majeste, en s'unissant interieurement au sacrifice du libera- teur qui doit s'offrir pour tous les liommes. Celle pratique sainte , ainsi que le depot des autres parties de la religion que le Seigneur a donnee aux hommes , subsisteront dans leur entier jusqu'a I'avenement du re- derapteur promis. Noe I'inculquera a sa famille , ses descendans a la pos- lerite , et les nations , dispersees par un prodige pour peupler I'univers , seront chargees de les perpetuer. Les Gaulois , colonic particuliere , sortis du meme sang que les autres nations , instruits des memes principes de religion , et par le meme canal, les porteront avec eux , ainsi que les traditions du genre humain. C'est par ce moyen que doit subsisler parmi les nations la religion que Dieu leur a donnee. Partout I'homme reconnoltra que , par le peche du premier pere , il est une victinie devouee a la mort. Partout ii celebrera la mise- licorde de son Dieu par I'ofTrande de la victime qui lui est substituee , et qui doit annuler la sentence de mort portee contre lui. Ces sacrifices sanglans que la nature, la raison et I'ideeque nous avons de Dieu , sembloient egalement reprouver , a les prendre tels qu'ils sont en eux-memes , excitent maintenant, par le souvenir qu'ils nous rappellent de celui qu'ils representent , notre gratitude envers Dieu ; nous font ad- mirer la profondeur de sa sagesse et nouS aneantissent devant lui. 271. C'est d'apres ces principes que les Gaulois et les autres peuples de la terre ont fait des sacrifices a la divinite. lis en tenoient tous la pratique successivement les uns des autres. Le premier anneau de cette cliaine qui s'esl etendu si prodigieusemeut , sort des mains du premier des prevarica- teurs. Les Gaulois , en s'eloignant de la source , n'ont pas oublie qu'ils etoieul pecheurs. lis ont toujours proteste qu'ils n'avoient plus de droit a la vie ; mais ils ne se sont pas egalement rappele ce qu'exprimoit le sang de la -victime. Get oubli les a fait porter , sans I'aveu de Dieu , ou plutot contre sa -volonte , une main sacrilege sur eux-memes. Ils ont mis le sang humain a la place du sacrifice figuratif , dont la memoire leur echappoit. Tout ce qu'ils savoient , c'est qu'il falloit que quel(ju'un d'entr'eux peril pour le salut des autres. Ce u'est done que par une charite mal entendtie qu'ils ont porte la cruaute jusqu'a cet exces. Les Gaulois n'ont pas ete les seuls a donner dans cette erreur. Les fastes des nations font foi que les Pheniciens , les Egyptiens , les Carlliaginois , les Tyriens , les Lacedemoniens , les Athenienset lesRomains immoloient des victimes liumaines. Taut il est vrai de dire que, des lors que I'hom- l34 HISTOIRE ECCLESIASTIQTTE. me fianchit les liiiiitcs que Dieu lui a prescrites , il ne fait plus que de faux pas. I'lus il avance el plus il s'abandonne a lui-iueme , plus ses ^ga- remeus se multiplicnt. vii. .i']-i. 273. Les autels (i) sont aussianciens que les sacrifices. Il est bien viaisemblable que les sacrifices d'Abel et de Cain furent offerts sur quelque elevation ou de pierre ou de gazon. C'est de la, en efiet, qu'est venu le iioni d'autel. Enos consacra a Dieu des autels publics (2). Cet usage fut continue par toute la terre jusqu'au deluge. Du nioins est-il certain (ju'il passa a Noe et a sa fauiille. Toute la terre ttoit propre a reudre a Dieu le culte qu'il avoit ctabli. 11 n'avoit point fixe de lieu particulier. Ce qui fut cause qu'on lui erigea des autels , tantot en rase campagne , tantot sur les hauls lieux et tantot dans lesbois. Cesbois , qui ctoient eclaires durant les asseuibk'cs , parcc qu'ellcs sc faisoicnt de nuit , prirentle noni de luci (3). I ne telle pratique ctoit fondt'e sur la Iradiliou qui avoit passe a Noe et a ses descendans. 11 n'y eut , apres la dispersion des peuples , de reprehensi- ble en cet usage que ce que Ton y ajouta de contraire a la revelation , dont la connoissance se perpeluoit de bouche en bouche. Les bois, les lacs , les niarais , les mohlagnes pouvoient elre dcsignes , par la convention des homnics , pour reprcsenter la presence particuliere de la divinito. Des monceaux de pierres, des arines planlees sur des tas , purent servir de centre de ralliement pour le service de la religion. Toutes ces choses ne contredisoient en aucune maniere la religion revelee. On en con- viendra pour peu qu'on I'ait suivie depuis son origiue. ■yf\. La consecration de ces nicmcs autels , par les libations et les onc- lidiis , fut pratiquce par Jacob. 11 n'eniplova celte ccremonie (|ue parce (pi'il I'avoit recue de ses peres. Leserment solemnel que cepatriarche fit avec Laban sur le Mont Galaad a la face des autels ; le festin qu'il lui donna, et a safamille, apres le sacrifice , etoient une suite de ce que Ton avoit fait dans les siccles precedens , ou du moins il savoil (|ue tout cela ctoit avouc par la religion. 275. Les lieux consacres au culte de Dieu porterent, dans les premiers temps , des noms (jui le representoient ou ([uelqu'un de ses attributs. Par ce moven , on sc rappeloit plus aisement a I'esprit la divinite , on les (1) II paroUqiic Ic mol lalin altar ( , anlel , sacrcu qiielquc divinite. lis avoienl emprunte vicnt (III cellique alll , haulc , cl d'ar, pierre. ce terrae du celtique lliig , lumiire , parce que (2) Gen. c. 4. v. 26. ces bois etoient illumines durant ces acles de (3) Les Latins appcloicnl Iuchs un bois con- religion. INTRODUCTION. l35 bienfaits signales qu'elle avoit repandus. Ainsi Jacob nomme Bethel , ou sejour de Dieu , le lieu oil le Seigneur lui avoit apparu. Ainsi les Gaulois donnereut au Jieu des assemblees religieuses le nom de Tciitatcs , qui veut dire : pere des Jioinrnes ; ou celui ^Esiis , qui sigiiifie seigneur. Ces idees communes a tous les peuples de la terre n'avoient d'autre principe que les notions qu'ils avoient puisees dans la religion d'Adam. VIII. 276. 277. 278. La Neomenie ou la convocation des Gaulois pour adorer Dieu vers le commencement de chaque nouvelle lune , le repas commun , Je chant et les danses dont etoient suivis les sacrifices et qui accompagnoient les funerailles , ont aussi leur origine dans I'antiquite la plus reculee. Ces usages avoient ele communsa toutes les nations. lis avoient ete puisesdans la famille de Noe , delaquelle tous les peuples sont sortis. Si les Gaulois ne sacrifioient pas des la Neomenie , c'est que leurs assemblees religieuses ne se tenoient que de nuit. lis attendoient que la nouvelle lune les eclairat sufFisamment pour se rendre a leurs sanctuaires (i). Ce ne fut pas a cause de leurs assemblees nocturnes qu'ils compterent par nuits. II nous paroit plus naturel d'en puiser la raison dans 1' usage des premiers temps , ou Ton ne comptoit point par jour. Moise place la nuit avant lejour. Du soir et du matin , dit cet bistorien sacre , se fit le premier jour (2). 279. Deux motifs principaux semblent avoir determine les Gaulois a consacrer le temps de la nuit au culte public de la divinite. Comme la nuit etoit le commencement de la journee , ils croyoient en devoir les premices a I'Etre souverain. D'ailleurs le silence et I'obscurite de la nuit rendoient leurs assemblees plus augustes ; ils leur inspiroient une crainte religieuse , et les preservoient , dans leurs prieres , des distractions aux- quelles le grand jour les auroit exposes. 280. Les repas publics et les bonneurs rendus aux morts etoient fondes sur deux verites importantes : I'une , que les bommes etant enfans de Dieu, leur pere commun , qui les nourrit tous indistinctement, doivent s'aimer mutuellement comme freres ; I'autre , qu'il ya une autre vie et des recompenses eternelles a esperer. 281 . La danse , cette poesie muette , probablement aussi ancienne que le monde , susceptible et du bien et du mal , dont la fin principale est de peindre , par des gestes cadences , les passions dont les bommes sont agites', est prop re , suivant les tableaux qu'elle represente , a reveiller (1) Plin. lib. 6. c. 44. (2) Gen. c. 1. t.S, 8, 19, 23,31. I 36 IIISTOIRE ECCL^SIASTIQTTi:? . dans Ics coours des senlimcns de picto , de di'voucment , de dependance , de gratitude ct des aiitres verlus. Lorsque le chant fit partie du culte divin , la danse y fut appelee. L'homrae crut ne pouvoir temoi- gner a Dien sa veneration , sa confiance et sa joie , d'une maniere qui lui flit plus agreable , qu'en irapriniant a cet effet a son corps les mouve- mens les plus eludies. C'est par una suite de celte methode recue de leiirs ancolres , que les Israelites , apres le passage de la nier Rouge , rendent des actions de graces a Dieu par des chants et par des danses (i). La fille de Jephle vient au-devant de son pere en dansanl au son des tam- bours , pour le fcliciter sur sa \lctoire (2). A la ceremonie du transport de I'arche d'alliance , David , revetu d'un Ephod de lin , dansoit de toutes ses forces au son des trompettes et des autres instrumens de rausique (3). Les festins cjui se faisoient dans les sacrifices sont si anciens ([u'on ne peut en fixer I'epoque. Nous voyons Jethro , beau-pere de Moise , ofFrir des holocaustes et des sacrifices a Dieu ; et Aaron , accompagne des anciens des Israelites, venir manger avec lui en la presence deDieu(4). Ces deux illustres personnages ne faisoient que suivre en cela I'usage qui dominoit parmi les diffcrentes nations. 28a. Toutes ces pratiques etoient done conformes au voeu de la veri- table religion. L'abus que les Gaulois en firent prouve corabien I'liomme doit etre en garde contra la depravation de son coeur. La sobriete fut exiiee des repas religieux , et la danse degenera en exces. Cet exercice devint une passion dominante dans la Gaule et particulierement en Armo- rique. La religion chretienne , dont la morale est si pure , ne fut pas capable de dessiller les yeux a cet egard. La plus grande partie des di- manches et des fetes etoient encore employes a la danse au dix-septieme siecle. C'eloit beaucoup d'obtenir que Ton ne dansit pas durant rofifice divin. On peut consulter la-dessus les ordonnanccs des prelats armo- ritiucs. Dans (juehjues cantons du diocese de Quimper , on passoit la plus grande partie de la nuit a danscr dans les chapelles. Le peuple grossier, a qui les sens servent le plus souvent de guides , croyoil par la fort ho- norer les saints (5). IX. 283. C'est une chose etonnanle que les Gaulois aient fait dependredu murmure des eaux , du battement des victimes el des autres observances (i) Exod. c. 15. i. 20. (4) Exod. c. 18. f . 12. (2) [,il). Jud. c. 1 1 . t. 34. (5) Vies des Saints do Brelagne , par LoLi- (3; Lib. 2. Ileg. c. 6. v. 1». neau. Art. M. le Noblct. dont INTRODUCTION. ^^1 dont nous avons parle , la reussite des affaires particulieres et generales. La surprise devient encore plus grande , si Ton fait attention nue les peuples les mieux polices , tels que les Romains et tant d'autres , se sont adonnes comme eux a la divination. On concoit que la coutume et les lois rendoient ces ceremonies respectables. Quelque chose qu'on en pensat , on auroit eu tout a craindre de vouloir supprimer ces usages , ou meme de s'en ecarter. Mais il y avoit eu un temps ou ils avoient commence d'exisler. Ridicules en eux-memes , comment a-t-on pu les fcure adopter de I'univers? Le desir souvent immodere desavoir, qui est si naturel a riiomme, n'en a pu elre que I'occasion. On n'en trouvera la \eritable cause que dans quelque pratique qui aura ete commune a la sociele des hommes avant leur dispersion , et dont ils auront conserve une idee , du moins vague , apres leur separation. L'erreur a ete universelle : c'est d'une verite commune a tons , dont on aura abuse , qu'elle aura pris naissance. Dieu fut d'abord en commerce direct avec les enfans de Noe. Tantot il prevenoit leurs dt'sirs , en leur manifestant sa tendresse paternelle. L'arc-: en-ciel est le signe que sa clemence etablit entre lui et I'liomme , pour servir de gage qu'il n'y aura plus a I'avenir de deluge qui fasse perir ce qui est vivant et anime. A la vue de ce symbole , I'bomme se rappelle la promesse d'un Dieu toujours vrai. Ici , c'est un songe ; la , c'est une ap- parition qui inslruit de I'avenir ; dans une autre circonstance , c'est un prodige qui anime et soutient. Tons ces fails se trouvent repandus dans les livres de I'ancien testament. Tantot la divinite permettoit aux hommes de sonder les effets de sa providence , par telle marque qu'ils osoient lui presenter en toute humilite. Eliezer , qui avoit la foi d'Abraham , son maitre , et celle des anciens temps , n'hesite point a demander un signe a Dieu , pour connoitre quelle etoit Tepouse qu'il destinoit a Isaac. 11 ose meme le lui determiner. Les faveurs que sa misericorde a repandues par ]e passe dans des circonstances decisives lui iuspirent cetle hardiesse. « Si » c'est vous , dit-il au Seigneur , qui m'avez conduit en men chemin , » assislez-moi , je vous supplie , dans ce jour. Me voici pres de cette 3) fontauie ou les.filles de la ville vontpuiser de I'eau. Que la fille a qui » je demanderai a boire et qui;, apres m'en avoir donne, m'en oflfrira » aussi pour mes chameaux , soit celle que vous avez destinee a Isaac » voire servileur (i). » (l)Gen. c.2\.f.l2, 13 , It . i8 1 38 niSTOIRE ECCLliSIASTIQUK. I,a priere d'Eli«'zer , qui part d'un cmir soiimis et de la confiance qu'il a dans le Dion dcs conseils, est bicntot exaiicee. Le peiiple jiiif , dt'posilaire de la religion d'Adam et des enfants de Noe , a conserve les memes seutimens a I't'gard de la divinite. Le christianisme , qui est raccomplissemeut de cetle religion, n'a pu manquer de se les approprier. Aussi les apotres, sV'tant mis en prieres, disent hardiment : « Spigiicin- , vous qui connoissez le cneur de lous les liommes , failes » connoilre , par le sort que nous allons jeter , lequel de Barsabas on de » Matthias vous avez choisi pour remplir le ministere du perfide Ju- D das (i). » L' esprit du Seigneur , qui a toujours ete avec son Eglise, lui a inspire, dans diffi'rens temps, les demandes qu'elle lui faisoit et la ma- niere dont elles ctoient faites. Sous sa conduite , elle n'a pu tomber dans I'erreur. II n'en est pas ainsi de I'esprit parliculier. Abandonne a sa propre foi- blesse , a combien d'ecarts ne doit-il pas elre sujel ? Les nations, qui se separerent pour babiler la surface de la terre , se ressouvenoient que la divinite , toujours bienfaisante , avoit devoile de temps a autre , par des marques sensibles , les secrets de sa providence ; que mcme elle avoit agree souvent celles que la piete lui avoit proposees dans des circons- tances delicates , et que , par la , des ames fideles a la voix de la sou- veraine intelligence avoient decouvert ce qui leur etoit cache. L'homme , qui n'avoit plus la meme liaison avec Dieu , parce qu'il s'en eloignoit insensiblement pour n'ecouter que son propre sens, regarda bientot comme une obligation contractee par la divinite ce qui n'avoit ete qu'une grace speciale. D'apres celte persuasion , qui n'avoit d'aulre principe que la temeiite la plus marquee , il osa fixer a Dieu le moyen par lequel il devoit annoucer sa volonte. II fit plus : 11 regarda les anges de teuebres comme les organes et les interpretcs de la souveraine intelligence. Le duel , les augures , I'inspeclion exterieurc et interieure des victimes , le feu , I'eau et le sort furent des voies egalement sines pour dt'couvrir la verite dcs faits dans les cas douleux ; c'est ainsi que la voix divine se fai- soit entendre , et que l'homme etoit instruit de ce qu'il auroit ignore sans cela. Aveugle presomption ! Fatale illusion! Dans quels- egaremens I'enne- mi du genre humain n'a-t-il pas jete les Gaulois par ce funeste present ? Pour les induire plus facilement en erreur , il a eu soin de leur presenter la coupe du mensonge sous les apparences de la vcrite. (1) Act. c. 1. r- 2i , 23. INTRODUCTION. iSg Comme la divination n'avoit d'autre fondement que la volonte de Dieu , qu'on supposoit s'assujettir a telle marque exterieure que les hommes fixoient , tout signe arbitraire parut egalement favoraljle pour connoitre I'avenir. Chaque peuple arrangea ces signes selon le genie de sa religion. Les plus habiles , ceux qui etoient charges des choses saintes , les redui- sirent en art. X. 284- 285. Les details dans lesquelsuousavonsentrejusqu'a present, font foi que la religion primitive des Gaulois etoit la meme que celle d'Adam et des autres patriarches. Ceque les Armoriques y ont ajoute attaque directe- ment les droits que Dieu s'etoit reserves sur eux. Nous avons suffisamment indique ce qui venoit deDieu et ce que I'liomme avoit invente. Ceux d'entre les Armoriques qui etoient de bonne foi , auroient pu , avec des yeux al- ien tifs , distinguer I'un el I'autre. Les lumieres naturelles , qui ne s'eloient point eteintes en eux , etoient suffisantes pour le leur faire apercevoir. Le vrai est de tous les temps : la nouveaute porte son epoque avec elle. D'ailleurs les regies des moeurs etoient ecrites dans le cceur de chaque individu : elles ne pouvoienl s'enfreindre impunement. Bien plus , le depot de la religion , altere chez les nations, ne I'etoit pas parmi le peuple que Dieu s'etoit choisi. La providence de celui qui a soin de ce qui nous paroit le plus vil , veilloit specialement a la conservation des dogmes qu'elle lui avoit confies. ToujourS subsistans sans alteration dans cette societe , ils etoient comme un soleil bienfaisant que Dieu montroit sans cesse a I'univers, pour eclairer ceux donl la foi s'etoit eteinte on qui etoient sur le point de la perdre. L'appareil des differentes lois qui con- cernoienl le regime des Juifs ne regardoit qu'eux. La religion sur laquelle ces preceples etoient entes avoienl ele , dans son oiigine , celle de tous les hommes. Elle devoit subsister parmi eux jusqu'a ce que la realite dont elle etoit I'ombre lui eut succede , et que le Desire des nations lui eul donne sa perfection. Si Dieu dispersoit son peuple de temps a autre en differens pays , c'etoit afin de fournir aux gentils I'occasion de le recon- noitre et de sortir de leurs egaremens. 286. Cependant , des oracles sorlis de la Judee annoncoient au monde I'avenement de son liberateur. L'orient et I'occident I'attendoient en si- lence. Les Armoriques , que des forces stiperieures avoienl soumis a I'empire de Rome , s'eloient courbes devant ses dieux par la plus grande des lachetes. Accoutumes depuis long-temps a s'eloigner de I'ancienne religion , ils s'etoient prepares par ia a ce forfait. L'agneau , qui jusqu'a- ^-lO HISTOIRE ECCLESIASTIQUE. lors ii'avoit ete imraole qu'en figure , et a qui toutes les nations auroient pu s'unir par la foi, pari cnfin de Textremile du ciel et descend sur la terre, comnie un epoux qui sort de sa chambre nupliale. Plein d'ardeur, il court, conime un geant, dans sa voie. Apres avoir accompli tout ce que les prophelies avoieut annonce de lui , il ofTre son sacrifice sanglant. L'ombre et les figures disparoissent , et la religion acquiert tout son ac- croissenient. Ce pontife t'ternel a proniis qu'apres avoir ete eleve de terre , il en- traineroit apres lui tout I'univers. Le temps qu'il avoit marque pour s'at- tacher I'Armorique aparu. Ce sont les changements et les merveilles qu'il y a operees qui nous restent a decrire. i4i TROISIEME ET QUATRIEME SIECLES. Ciim exaltatus fuero i terra , omnia Iraliam ad mc ipsum. t . L'Ajimorique , dont les derniers eflbrts pour recouvrer son indepen- datice n'avoient abouti qu'a la ruine de la plus celebre et de la plus riche de ses villes , etoit rentree sous le joug des Romains et \ivoit sous leurs lois. Le monde presque entier se taisoit devant Rome et lui rendoit hoiumage. Cette force qui asservissoit tout et dont I'histoire n'avoit point encore presente d'exemple , etoit dirigee par celui qui renverse , quand il lui plait , les empires les mieux etablis , et qui , dans d'autres circonstances , leur donue une solidite que rien ne peut ebranler. Quelque moderce que fiit la domination que les Romains exercerent sur les Armoriques , ceux-ci ne s'y soumirent qu'en fremissant , et ils la supporterent toujours avec peine, lis etoient jaloux a I'exces d'une liberte dont ils n'avoient presque jamais eu de justes idees. Occupes de sa con- servation et d'en eteudre le domaine , ils lui avoient sacrifie les droits les plus inviolables de la nature. II etoit dans I'ordre que la Pro- vidence divine , qui veille dans tons les temps sur les actions de I'homme , les punit enfin de Tabus monstrueux qu'ils en avoient fait. Mais ce qu'il y avoit de plus deplorable , et ce a quoi ces infortunes peusoient le moins , c'est que, peu satisfaits d'avoir outrage la nature , ils avoient insensUilement perdu de vue la religion surnaturelle et revelee. Substituant les productions de leur imagination aux enseignemens que Dieu avoit donnes a leurs premiers peres , ils avoient tellement altere ce precieux depot qu'il n'etoit plus reconnoissable. Devenus esclaves de la superstition la plus grossiere , tous se senloient portes a I'idolatrie , et la plupart n'avoient pas eu bonte de se livrer a ce delire. Le polytlieisme de Rome et ses rits sacrileges etoient devenus communs dans I'Armorique , ainsi que dans le reste d.es Gaules. Cette nouvelle servitude etoit bien plus bumiliante que la premiere. Celle-ci etoit involontaire et une suite de la loi du plus fort ; I'autre , qui partoitdu coeur, etoit independante de toute contrainte proprement dite. L'une ne pouvoil affecter que le corps ; I'aulre etoit un liommage de l/jti IIISTOIRE ECCLESIASTIQIT. I'anie. Si ramour dii vrai eul loujoiirs accompagne les Armoiiques , ih n'en auroient tie que plus grands. En devenaiit sujels des Roniains , ils j ii'cii etoient pas raoins sous I'empire de la raison. Si leurs vainqueurs I'a- ; voient dt'savouee pour s'abandonner a la pin enc'sie dcs idoles , ils ne pouvoicnl se prt'valoir de leur exemple. Les luniieres (jui cclairoient en- core leurs esprils rcclaniuienl contre ce culte insense. j Cependanl le Desire des nations , celui qui devoit ecraser la tete dii | serpent, et dont ravenement , la vie, la niorl et les conquetes sontde- j crites d'une nianiere si frappanle, quoicjue hien des siecles avant I'evene- J ment , dans les annalcs les plus autlicnticjucs , reniplit leur altenle dans ,; le temps marque. II se fait chair pour dissiper leurs crreurs , et pour ('■carter les tencbres an milieu des(juelles elles s'c'toient assises. Les vie- [ limes des animaux , qui represenloient I'oblation que le Verbe devoit faire de sa personne divine au Pere eternel , etoient sur le point de cesser. ^ I'ar le sacrifice de la croix , il fait disparoitie les ombres et les figures ; il 1 casse le decret de la reprojjation du genre liumain et le reconcilie avec j son Perc. Sa niorl sanglanle devient le signal du retour prochain des j gentils a la vraie religion. Suivant un oracle cinane de sa boucbe , il doit \ les attirer tons succCssivement a lui. liien different des autres conqut'rans , j il n'emploicra point la force et la violence pour leur donner des lois. Olles-ci parlironl du lieu meme ou la vraie religion s'etoit conservee. Les .luifs dispersrs dans I'univers , dont les proplu'lies avoient annonce la irprobalion , serviront de Ic'moins de la vc'ritc des anciennes ecritures dans toules les parlies du monde. L'horame, qui a oublie sa raison en ne rendant pas a son Crealeur ce qu'il lui devoit , I'oubliera de nouveau pour cmbrasser des dogmes incompreliensibles , parce qu'il est limite , et pour captiver son enlendement sous le joug de la foi. L'ne morale pure et austere lui servira de guide dans ses actions. D'une main , elle relran- cliera de son c(A;ur les aulcls (jue les passions y onl eriges ; et de I'autre , elle renversera ceux des fausses divinites. Dans les dogmes ct la morale qui lui seront offerts, il trouvera deslumieres a ses tenebres , des secours a sa faiblesse , dcs remcdes a ses maux. Les savans et les ignorans seront confondus ensemble. Plus relevee que la pliilosopliie des sages du siecle , la religion , qui va tlonner I'univers , sera proporliomii'e au genie des personnes les plus grossieres. A ceux-la , elle fcra praticjuer de pelites choses ; a ceux-ci , elle en fera croire de grandes. Toujours allaquee , elle ne sera jamais vaincue , parce qu'elle a pour ap])ui celui qui , d'une parole , a place les fondemens de I'univers. Ceux qui seront charges do TR0ISIE3IE ET QUATRIEME SIECLES. l45 I'annoncer commanderont en maitres a la nature. Cette illustre anibas- sade est destiuee a douze hommes , la plupart peclieurs , sans education , sans conuoissances , sans biens et sans autorite. Toute leur force \ieudia du ciel 5 Tesprit du Tres-Haut les animera ; c'est par lui et en son nom qu'ils parleront. Leur predication sera scellee de leur sang ; des personnes de tout age, de tout sexe et de tons les lieux aimeront mieux sacrifiei- leur vie que de renoncer a la doctrine qu'ils auront recue. Le monde paien vaetre surpris de se voir en peu de temps chretien. Deja, du centre de I'erreur , le soleil de justice fait sortir cette lumiere pure qui doit conduire I'univers a la verite. Rome , cette orgueilleuse Rome qui ne connoit point de maitre , voit , malgre tous ses efforts , s'etablir dans son sein la nouvelle religion. Ses proselytes se forment aux depens du culte des dieux de Rome , ceux-la qui , a Ten croire , com- mandent aux dieux des nations, comme elle est la souveraine de I'univers. Pierre , cet homme qui n'avoit connu que ses filets , devenu tout a coup le vicaire de Jesus-Christ , dont la mort est une folic pour les gentils , fait arborer I'etendard de la croix dans cette ville altiere qui s'etoit flattee , en ajoutant a ses conquetes le royaume de Juda , d'avoir vaincu le Dieu des Juifs ; I'empire que cette maitresse du monde tient en main ne subsistera plus que quelques siecles. Apres s'etre enivree du sang des martyrs , elle verra la main de Dieu s'appesantir sur elle , et fournira un nouvel exemple de sa justice. Cependant la chaire que Pierre y a fondee lui assure I'au- guste qualite de capitale du monde chretien. L'Eglise romaine sera, dans tous les temps , le centre de I'unite et de la communion catholique , la mere et la maitresse de toutes les eglises. Rome chretienne delivrera les Armoriques d'une servitude infiniment plus onereuse que celle qui leur avoit ete imposee par Rome paienne. En effet , des monumens qui me- ritent notre veneration nous apprennent que toutes les eglises des Gaules ont ete fondees par des ou'STiers deputes du Saint-Siege (i). 2. Tout concouroit a faire connoitre de bonne heure aux Armoriques la foi en Jesus-Christ. Membres de TElmpire, ils avoient des rapports ne- cessaires avec la capitale ; des grands chemins ouverts de toute part dans les Gaules , et qui aboutissoient a ceux c[ui conduisoient a Rome , facili- toient avec elle un commerce reciproque ; I'ambition , ce mobile de tant d'actions , y faisoit entreprendre des voyages frequens. Ceux qui restoient dans leur patrie , curieux a I'exces de nouvelles (2) , etoient instruits par (1) Innocent, ad Decent. (2)Cssar. lib. 4. c. 5. lib. 6. c. 20. 1 44 IHSTOIRE ECCLisiASTIQUF?. la renommee des cliangeuiens que la religion clirelienne operoit dans le nionde. 3. Mais, biei) plus que tout cela , le zele donl saint Pierre et TApolre des gentils eloienl aniau's pour procurer I'accroissemcnt du regne spiriluol du Seigneur , nous porlc a croire que , pendant qu'ils out vecu a Rome, ils u'ont pas neglige d'envoyer de leurs disciples dans les Gaules. 4- Cependant, taudis (pie nous nous plaisons a reflecliir sur ce que ces apolres fervens ont pu faire , nous ne pouvons pas prononcer avec certitude sur ce qu'ils ont fait. La I'oi est un don purcmenl gratuil , qui ne s'acquiert pas par les forces huniaincs. Quelque altentifs que fussent les apolres a la propagation de lEvangile , ils n'en eloient pas moins subordonnes, d'une maniere parliculicre , a I'esprit du Tout-Puissanl ; c'eloit lui qui di- rigeoit leurs pas et ceux de leurs disciples. L'Ecriture nous enseigne qu'il jie dependoit pas d'eux de prcclier ou ils avoient projete de le faire (i). Comme les livres saints el la tradition ne nous altestent point qu'ils aient passe , ou leurs envoycs , dans r.Vrniorique , nous ne devons pas avancer ce fait , a moins que nous n'en ayous d'aulres preuves. Nos actes do- niesliques peuvent nous elre d'un grand secours ; mais , dans I'usage que nous allons en faire , il faut nous tenir en garde , pour que I'amour de la patrie se concilie avec la verite; ,, )) iV. ; ;i ;.'. .,.;!;ii .i .'i. On a donne a Rcnnes , pour premiers pasteurs, Maximin et SulTre- nius , autrement Synclironius. On les fait passer pour cleves de I'apotre saint Philippe et de I'evangeliste saint Luc. On pretend qu'ils ont vecu du temps de saint Pierre , et qu'ils ont recu leur mission de ce prince des apolres. Saint Clair vienl a Nantes de la part de saint Lin ; il a pour associe Deodalus , a qui Ton attribue la conversion de Vennes et de Quim- per. Dreimalus , envoye c'galement par sainl Liu , ctablit son siege a Lexobie , autrement Goz-Gueudel. Sans vouloir jeler un ocil jaloux sur I'origine des aulres eglises des Gaules , nous osons assurer , et elles ne nous demenliront pas , que peu , ou , pour mieux dire , aucune d'elles ne remonte a des temps si eloignes. II n'esl pas douleux que Dieu a pitie de qui il veut , el dans le temps qu'il le veul. C'est a nous d'adorer la profondeur de sa sagesse , et de reconnoitre , au milieu de la foiblesse de nos lumieres, que ses jugemens sont incoinprthensiblcs. Mais, porter si loin Telablissement des eglises do rArmoricpie, ne seroit-ce point trop avancer etconsequemment ne rien (l)Act. c. 16. V. 1,3,6, 7. dire TROISIEME ET QUATRlijIE StECLES. 1 45 dire en leiir faveur? Les tradilions ne peuvent etre honorables, qu'autant qu'elles ont de certitude. Tertullien a dit, et la raison I'avoit prononce avant liii , que ni I'espace des temps , ni lautorite des personnes , ni les privileges des pays ne peuvent prescrire contre la verite (i). 6. Si , des le premier siecle de I'ere cluetienne , il y eut en dans I'Ar- moriqne plusieurs eglises formees ; si , par une succession non interrom- pue , elles eussent ete conduites par des eveques , leur etat eut ete floris- sant. Ceux qui commandoient dans le pays au nom des empereurs auroient defere , du moins de temps a autre , les chreliens comme conpables envers les dieux et comme rebelles aux ordres de leurs souverains. Des martvrs auroient donne au loin de la consideration a ces eglises. Leurs noms , qu'on etoit soigneux de conserver , auroient passe , du moins pour la plupart , a laposterite , malgre I'injure des temps et la malice des hommes. Ce qui nous etonne , c'est que , parmi cette longue suite d'eveques que I'oh donne a I'Armorique durant les deux premiers siecles de I'ere cbre- tienne , on n'en trouve presque aucun qui soil bonore du martyre. On les fait tons mourir , a deux pres , comme s'ils eussent vecu a I'ombre de la paix et loin des persecutions du paganisme. Ces prejugcs , que la raison paroit autoriser , nous forcent a jeter des regards attentifs sur les titres qui ser-went de fondement a I'antiquite des eglises de I'Armorique. Albert le Grand , de Morlaix , religieux de I'ordre de saint Dominique , auteur des Vies des saints de Bretagne , dans son Catalogue clironologique ct bistorique des eveques de Rennes , est celui qui donne a cette \ille , Maximin pour premier eveque. Des I'an soixante-sept de Jesus-Cbrist , Suffrenius ou Syncbronius lui succede. Suivent apres Rambertus , Ser- vius, saint Justus, Honoratus^ Placidus et saint Leonorius. Ce dernier mourut Ian 'iB'j. Cette liste d'eveques a ete tir^e d'un ancien manuscrit de la bibliolbeque de Saint-Pierre de Rennes, par Augustin Dupaz, connu par plus d'un ouvrage, qui en donna une copie en iGaS a Albert le Grand (2). Si Ton (l)De vol. Virg. » turninus Tholosatcs; Dionysius Areopagila, (2) Voici quel eet le lexte de ce mannscrit: » cum sociis , Parisinos ; Marlialis Lemovi- « Tempore quo Lazarus una cum sororibus » censes; Urbinus post StremoniumArvernos; » Magdalene et Martha , post prcTparati niinas » Gatianus Turonciises ; Sergius Narbonen- » naufragii Gallias adveniens, Masssilicnscra » ses ; Lucianus Bellovacenses ; Maxirainus » docebat et regcbat ecclesiam , Tropliilus » cumSynchronio iuArmorica villamrubrani, » Pauli discipulus Arclatensem instruebat cc- » qua: Rhedonum civitas Jicilur, miserante » clesiam ; Sedonius , qui fuerat coccus nalus, » Domino, visitavit alque instruxit, rcxilque B eloqucntissimus apud Aquensium lines; Sa- » ecclesiam lUicdoncnsem in sublimi aJ con- ^9 lJj6 HISTOIIU: ECCLtSIASTIQUE. eu emit cetle pu;ce , c'est a Maxiiuin que la ville de Rennes est redevable de la foi chrclienne. Aprts avMir conduit quelciuc temps cetle nouvelle » Quentiam (luviorum positara et a;(liCcalara , » atquejuxla cam oratorium , quod nunc Ca- » pclla de civitafo dicilur, sublato indi- Te- » thios ad occidcntcm vano simulacin , Deo » sub invocatioac beata; Maria; Virginis Dei » para3 consocravite|)iscopus,vetcrum deorum » visionis turri purgatd , et alio ad orientcm » dejecto Isidis idolo , ultcriusque ipso pro- u grcdicns , successorein sui opiscopalils di- » raisit Synchronium , cui succcdcns Rambcr- u tus ibidem multos sibi adjunxit discipulos. » Ramberto Servius. Scrvio Justus , qui , pcr- » secutionc Marci-Antoiiini et Secuiidi Cum- » modi Gallias agitaiite , raarlyrio coronatus » est. Decii persecutione Honoratus ojusdcm » ecclesiae cpiscopus est truucalus. Dioclcliani » persecutione Placidus cpiscopus , martyr » gliiriosus occubuit. Lconorius Magiii Cons- » tantiiii tempore, pace totiEcclesio; rcildita, » ciescente pio Gdclium coetu , Desidcratus » urbi Rhcdonicm pastor cxsurrcxit , amplio- » rcmque iliam, qua; Rhedonis vidctur, Sancti » Petri apostulorum principis basilicam , de- « jectis paganorum idulis, sibi Catliedralem » ecclesiam consecravit. » La plupart des pie- ces qui oni du rapport avcc ccllc-ci ont cte faitcs depuis le ucuvieme siecle , pour elayer I'especc d'cnthousiasmc oil Ton etoit do vou- loir quo les apotics de la Gaule y fusscnt ve- iius dos le premier siecle, ou pour fairc naitre ce scnlimonl en favour do quelques egliscs auxquellos on vouloit faire lionneur. L'auleur de ce raanuscrit voyant que les autres eglises se faisoient remonler jusqu'au temps dos apu- Ires, a tcnle d'cii rap])rochcr cello do llenncs. Ililduin , abbe do Saint Denis et miiiistre d'etat sous Louis-le-Debonnaire , est le pre- mier qui ait soutcnu que I'evfiquc de Paris etoit le nn^me que colui d'Athenos. II s'appuya du nom de deux autours dont on n'avoit point cnlendu parlcr , Aristnrque et Visbius ; leurs ecrits , qu'on n'a jamais vus depuis, avoient etc trouvcs, disoit-il , dans la bibliothequc do I'iglisc do Paris. 11 fit passer cettc nouvelle opinion de Paris a Rome ; Methodius la com- muniqua aux Grccs ; la traduction que fit Anastase do la vie de saint Denis , tomposce par Methodius , la fit repasser en France. L'ancicnne tradition etoit tcllcmcnt docrice au douzieme siecle , qu'AbaiUard , ce cclobre Ar- nioriquc , fut oblige de quitter I'abbiiyo de Saint Denis, pour avoir dit que I'eveque de Paris ri'oloil point I'Aroopagile. II n'est pas plus certain que saint Martial, de Limoges, ait vecudurantlc premier siecle, quoique sa vie, composce sons le nom de saint Auslriclinien , love tout doute ii cet egard , et qu"ollc soit soutcnuc par les deux lelLres qui portent lo nom du saint. Du Bosquet ( llistor. Gallic, lib. 1. c. 23.) fait voir que ces ouvrages ont ete ccrits sur la fin du di- xiemc sicclc. Ce n'est aussi que sous le regae do Philippe I. qu'on commenca de placer saint Martial au premier siecle de I'Eglise. Une critique judicieuse a decide co qu'il faut pen- ser sur lo temps oil ont vecu les autres eve- qucs que lo manusrrit de Saint Pierre de Rennes I'ait contcmporains do Maximin. II scroit trop long et pcat-fitre hors de propus d'cn fairc ici Tctalage. Ce que nous venons de rapportor suffit pour prouver que I'auteur de ce manuscrit a puiso dans des sources em- poisonneos par I'crrcur; doul'oD est en droit de conclure que Ics noms de Maximin et de ses successeurs , inconnus jusqu'on 1623 , sont supposes. Quant au num do ViUa Rubra , que le memoire donnc a la villc de Rennes, voici ce qu'on dit d'Argcntre dans son his- toirc do Bretagne. « il s'cst porte, dit-il , un u bruit depuis long-temps sans auleur certain, « de main en main, que la villo de Rennes » s'appoloit, au temps passe. Rubra. Maisje » n'en ai vu par ecrit nul sulEsant te- » Dioignage , furs quelques vers vulgaires , » si est-ce un fort vieil bruit. Quolques-uns » prennent occasion de ce nom do Rubra pour » croire qu'anciennoment elle fut murce de » brique rouge , commo encore en reste-l-il » quelque petite part de Tancienno cit6.» Nous voyons par les Momoires de Tacademie des Inscriptions et Bellos-Lcttres de Paris, t. 15 , que les legions romaines avoient des tuilcries oil Ton fabriquoit des briques , dont cllcs se servoiont pour lours fortilicalions. Des legions ctablies a Rennes peuvent en avoir construil ses murs. Cettc quantite prodigieuse de bri- ques que Ton a Irouvees a Corscal est I'ou- vrage de quelque legion. TBOISIEME ET QUATRli:ME SlixLES. l47 eglise, il en confia le soin a Synchronius el passa dans nlid autre cotitnee. Celte conversion dut arriver dans le temps que Lazare , chasse pflf l^s Juifs , de Jerusalem , avec ses soenrs Magdelaine et Marllie , et abord^ ttii- raculeusement a Marseille , en faisoit la conqu^te a Jcsiis-Christ ; que Trophime , disciple de saint Paul, y ajoutoit Aries ; Sedoine, Ai'X ; Sa- tiirnin , Toulouse; Denis I'Areopagite , Paris; Martial , T.imoges ; Urbin , la TiUe d'Auvergne ; Gatien , Tours ; Serge , Narbonue ; et Lucien , Beauvais. Ce Maximin est apparemment le meme que celiii qu'on regarde coftime le premier eveque d'Aix en Provence. Cependant on ignore ce qu'a fait ce saint prelat , le lieu d'oii il eloit venu , de qui il avoit pris sa mission et dans quel temps il arriva dans la ville d'Aix. Quand bien meme on snp' poseroit comme certain que cet apotre ait ete eveque d'Aix , pea de temps apres la mort de Jesus-Christ , pourroit-on se persuader qu'il ait annonce I'evangile aux Rennois ? Le monument qui annonce ce fait est-il assez respectable pour subjuguer notre croyance? Est-il I'ouvrage d'une plume instruite , ou dicte par la credulite ? La plupart des eglises a qui il donne line si baute antiquite s'empressent de la desavouer , et , par leur recla- mation , elles nous font connoitre le cas qu'on doit faire de ce manuscrit. C'est sur la foi d'anciens breviaires que quelques-uns croicnt que saijit Clair a vecu du temps des apotres , et qu'il termina ses travaux evan- geliques en qualite d'eveque de Nantes , I'an de Jesus-Cbrist qualre-vingt- seize. Fondement bien pen solide ! Si Ton y rencontre des faits certains , ils sont noyes , pour ainsi dire , dans un cbaos d'absurdites , de ridicule et de faussetes. On s'en convaincra facilement, pour peu qu'on ait la pa- tience de parcourir ceux qui nous restent. Les vies des saints , qui v sont inserees ne respirent , pour la plupart , que le merveilleux et la fable. Des I'an iSjg, un savant eveque de Dol reforma celles que contenoit le breviaire de son tglise ; exemple qui fut bientot suivi par les prelats de France et de ceux de sa province. Le concile de Trente avoit meme donne un decret a ce sujet. Quelque soin que les eveques armoriques aient pris de ne rien laisser , dans les bistoires des saints de leurs nouveaux bre- viaires , qui put cboquer des personnes graves et savantes , le succes n'a pas repondu k leur attente. lis se virent forces , au commencement du dix-septieme siecle , d'adopter le breviaire des cordeliers , a la reforma- tion duquel Pi^ V avoit fait travailler. , S'il est vrai , comme on n'en peut douter , que les anciennes legendes que nous avons de saint Clair ne sont pas assez averees pour fixer son i48 HiSToraE ecclesiastique. episcopal au premier siecle de I'Eglise , Dcodalus , sou disciple , n'a pas prcche dans ce temps la reliijion cliiclienne aux Vennelois et aux Coriso- pites. L'eleve n'a pu exisler avant son maitre. Drennalus, que Ton fail disciple de Joseph dAiimalliic , passa , suivanl Conrad, arcliidiacre de Salisbury , de (i) la liretagne en Aiiuorique. II aborda a Morlaix (2) , en converlil les babilans , el alia bienlol planler la croix a Lexobie , oii il elablit son siege. Alberl le Grand a ci u que ce ponlife avoit commence , I'an soixanle-douze de noire ere , sa predication en Armorique , el qu'il niourul vingt ans apres. Depuis celte ^poque juscpi'a la fin du qualrienie siecle , il lui trouve quaranle-cinq successeurs. L'annce de leur avenemenl el celle de leur mort soul deterniinees avec line precision qui elonne (3). On assure que Joseph d'Arinialhie , ayant pailage avec Lazare la haine des Juifs, fut en bulle aux inemes persecutions que lui ; que , Iransporte dans la Provence, il la (juilta pour aller instruire les Bretons de I'ile. Uieinialus , auinie du meme dc'sir de faire connoilre Dieu , vola dans r Armorique. Ces histoires sonl trop recenles pour qu'on puisse les croire. Ce n'est qu'au dixieme siecle qu'on iraagina I'arrivee de Lazare en Provence. Celle de Joseph d'Arimalhie en Bretagne ressent la meme nouveaute : des lors I'existence meme de Drennalus , (|u"on ne connoit pas d'ailleurs , est sus- pecle de supposition. Les Grecs disent que Lazare mourul dans I'ile de Chypre , et qu'il fut inhume a Cytje. Celte opinion a passe dans I'pccident , ou elle a ete long- (1) Doscript. ulriusquR Britan. lib. 9. c. oC. nom dc Jarlol est drrive dc jarll, eomle , ct (2) Morlaix, que Ton a uulrcl'ois ajipclii d'ol , chdleau. CAui de Pluuigneau a pour Munlrelais , ct qu'on a cru pouvoir noramcr rarines plou, bahilalion oit il y a plusieurs en latin Mons rdaxus ou rclaxalus , est un colons ; d'ig , riviere , ct de neach , donl on a lieu russcne par des iuontat;ncs. Ce qui a etii fait neau , prince. D'auciens comtcs avoient caus<; que , pour y asscoir unc villc , on a ele apparemment un rhilcau dans ce canton , qui oblige dc l"ctcndrc sur Ic penchant d'une col- faisoit parlie de leurs domaines. Pour le nom line , entre deui vallees. Cast de 14 que Mor- Je Piourin , on trouve son etymologic dans laix a pris son nom. II vient dc mun ou mon. ploM , ct rin, riviirc. Francois I. permit, ea montagne, et dc Ireuleg ou Ireleg , prc«e; 13i2, aux bourgeois dc Morlaix de biUir un ce qui veut dire : lieu presse par del mimla- fort a I'cmbnuchurc dc leur Havre , sur un ro- ynes. Deux rivieres , dont fuiic nommtie Jar- rher nommd le Jo/rcou ( insula Tori et non lot ct I'aulrc Kevlenl ou Kerculcut . se riu- Tauri,) il fut acbeve deux ans apres. Celte nissent a rhotel-de-viile dc Morlaix, ct forment lie est ainsi nommcc dc lorr , fracture ; ct d'l, ce qu'on appelle Ic port ou la riviere de Mor- eau, parcc que la racr I'a separce du conli- laix. Jarlot tire sa source de deux ruisscaux, nent. dont I'un vicnl dc Plourin et Taulre de Ploui- ^3^ ^^^^^ ^^ ivdques dc Tregaer. gneau , deux lieues au-dcssus dc Morlaix. Le TROISIEME r.T QUATRIEME SIDLES. 1 49 temps adoptee d'une voix unanime ; quelques-uns meme deposeiit que , de leur temps , il y avoit encore plusieurs eglises en Cliypre consacrees sous Je nom de Saint Lazare. On en voit qui le font eveque de cette ile , et d'autres qui , a ce litre , ajoxitent la qualite de martyr ; ce dont les Grecs ne parlent pas. Ce fiit en Chypre que I'empereur Leon le Sage en- voya prendre le corps de Lazare , pour le placer dans la magnifique basi- lique qu'il avoit dediee a Constantinople , a ce saint. Ceux que ce prince avoit charges de cette commission ecrivirent qu'ils avoient trouve son corps pres de la ville de Cytie , dans un tombeau de marbre , avec una inscription qui portoit que c'eloit le corps de Lazare , le bien-aime de .lesus-Christ , et ressuscite par lui quatre jours apres sa mort. Us le depo- serent dans une cbasse d'argent et I'apporterent a Constantinople ; il fut mis dans cette eglise ou Ton pretend que I'empereur fit placer aussi les reliques de sainte Magdelaine , qu'il avoit fait venir d'Ephese. Ceux qui ont donne lieu a la pretendue descente de Lazare en Pro- vence , se sont egalement trompes en confondant Marie-Magdelaine avec Marie soeur de Martbe. L'Evangile a soin de distinguer I'une de I'autre. Celle-ci etoit de Belbanie et celle-la de Galilee. Ce qu'il y a de plus probable touchant Josepb d'Arimathie , c'est qu'avant passe , depuis la mort de Jesus-Cbrist, le reste de ses jours dans la ferveur des premiers cbreliens , il mourut a Jerusalem. II y en a qui disent que son corps fut transporte en France , du temps de Cbarlemagne, par Fortunat , patriarcbe de Jerusalem , qui fuyoit la persecution des Sarrasins , et qu'il le deposa a Moyen-Moutier , dont il devint abbe. Jean Blome , de Londres , fortement persuade de I'opinion ou etoient les Anglois, que leur ile possedoit ces saintes reliques, obtint, en i3^5, par letlres patentes dont parle Usserius (i), permission du roi Edouard III de les chercher a Glaslenbury , ou il protestoit qu'un ange I'avoit averti en songe qu'il les trouveroit. Cette recbercbe a ete inutile. Lorsque les eveques de la primitive Eglise alloient porter le flambeau de la foi dans quelque lieu , leurs premieres attaques se dirigeoient tou- jours contre les villes capitales. Si leurs efforts etoient couronnes par le succes , bientot ils subjuguoient les cantons qui en dependoient. Cette Lexobie ou Drennalus a du s'etablir, etoit done une ville-mere. Cepen- dant les auteurs anciens , qui ont si bien decrit les villes de notre Armo- rique et leurs peuples , ne parlent point de la cite de Drennalus. Ce silence (1) Britan. Eccles. Antiq. l5o IIISTOIRE ECCLKSIVSTigrr. est (Ju inoins une preuve negative conlre I'cxislence de cetle naliou. n'apres ce que nous avons dit des actes qui font remoiilcr jusqu'a son l)eiceau relablissenieut de la religion cbrelienne en A.rmoiiquc, on con- coil (|u'ils onl ele dresses sur ceux que Ton a prtHcs a d'aulres cglises. Coninie la plupart , du nioiiis de celles-ci , ne portent pas leur ancien- nele au dela du Iroisieme siecle , malgie les litres dont on a lenle de lea ennoblir , rArmoricjue, egalement amie du vrai , n'a garde d'etendre plus loin ses pretentions. Si la discussion ou nous avons entre alariuoil la simplicile de quelques Chretiens , nous leur dirions , avec M. Fleun' , que « la vraie piete con- » sisle a aimer la verite el la purete de la religion , et a observer , avanl » loutes choses , les preceptes marques expressemcnl dans rCcriture. Or w je vois , continue cet historien , que saint Paul recommaude plusieurs » foisa Tile et a Timotbee d'eviter les fables; et, qu'enlre les desordres » des derniers temps, il predit (|ue Ton se detournera de la verite pour » s'appli(|uer a des fables. Je vois que les docles fables ne sont pas moins » rejetees par saint Pierre, que les contes de vieilles par saint Paul; et , » comme il condamne les fables judaiques , je crois qu'il auroit condamne » les fables cbretiennes, s'il y en avoit eu des lors. Que diront a cela ceux X' que la timidile rend si credules ? N'auronl-ils point de scrupule » de nu'priser une telle aulorile ? Diront-ils que jamais il n'y a eu de » fables cbcz les cbrelieiis? Il faudroit demeulir toule Tanliquile ; et , » quand nous n'aurions que la legende doree de Jacques Voragine, elle )) n'est que trop suffisante. La donation de Gsnstantin n'est pas ciue , » meme a Rome. La papesse Jeanne, crue autrefois par les catholiques , )) est abandonnee ct rtfutee par les protestans. Baronius , sans doute » bon calbolique , a rejelc (juanlile d'ccrits apocryplics ct de fables » avanceespar Melaphrasle et par plusieurs autres (i). » Nous n'avons plus des auteurs obscurs a consulter ; une nouvelle route se piesente a nous. Les t^nebres qui nous environnoienl ont fait place a la lumiere. Nous comprenons pourquoi Sulpice-Severe , le i)lus ancien do nos bistoriens , en parlant de la cinc|uiemc persecution , celle de Marc- Aurele , dit qu'alors on vit dans les Gaules les premiers marljTs ; cest que la religion cbrelienne a tie rccue assez tard au-deca des AJpes. Les acles de saint Salurnin (2) forlifient ce recit , en attestant que la lumiere (1) Disc, sur I'hist. cccIps. art. 5. qucs-uns croicnt qn'ils ont etcecrilscinquanle (2; Grt'goirc de Tours fail mention dc ccs ans apres la mort du saint; d'aulres aprt-s la aclcs, a qui il donnc le nom d'hisloire. Quel- paix renduo par Conslantin. Ce qu'il y a de TROISTKME ET QUATBIEME SIECLES. l5l de I'Evangile ne s'esl lepandue dans nos provinces que lentement et peu a peu. Le pere de I'histoire de France , Gregoire de Tours , assure que saint Pothin fut le premier eveque de I'l'glise de Lyon , « et que, sous Dece » sept eveques furent ordonnes et envoyes dans les Gaules pour y pre- » cher la foi , ainsi que le marque I'histoire du martyre de saint Saturnin ; » car on y lit , ajoute-t-il , sous le consulat de Dece et de Gratus , comme » on le sait par une tradition fidele, la ville de Toulouse (i) eut saint » Saturnin pour son premier eveque. Voici done les eveques qui furent » envoyes : Gatien a Tours (a) , Trophime a Aries (3), Paul a Narbon- certain , c'est qu'ils I'ont ete avant le milieu du cinquicme siecle. Get ouvragc dccele I'es- prit , le savoir ct la pietc de son auteur. II cite la date du consulat de I'empercur Dece et de Gratus , qui concourt avec I'an de Jesus- Christ 250. Ce qui fait Toir qu'il avoit devant les yeux des pieces originales. (1) Toulouse (^Tolosa) , situce au milieu d'une plaine aussi belle que fertile , sur la Ga- ronne , en a pris son nom. II vientdc lologon tolos, qui veut dire: silue dans une plaine au hard d'une riviere. Cetle ville rcmonle a la plus haute antiquite. Cent ans environ avant I'ere chretienne , Scrvilius-Cepion cnlcva du temple de Toulouse des richesscs immenses , que les Gaulois y offroient depuis long-temps. Justin nous fait entendre que cetfc ville esis- toit meme dans le temps que Brennus condui- sit les Gaulois en Gri^ce , deux siecles au deli del'^poque de Cepion. C'etoit, suivantPom- ponius-Mela , la ville principalc des Tcclo- tagti. M. Pelloulier dit, dans sun hisloire des Celtcs , t. 1 , que ce nom signifie en tudcsque un peuple qui parle la langue de Teut : il de- signe plutot les enfans de Teut. Martial , et , aprea lui , Ausonc et Sidoine-Apollinaire, daaneot a Toulouse le surnom de Palladia , ajjparemment a cause des talens de ses ci- toycns pour les belles-ktlrcs. (2) Cette ville , qui a pris son nom des Tu- rani , ses anciens habitans, s'est appelee Cre de Vionno ou Vigenne. TKOISliME F.T Ql'ATRlEME SINGLES. l53 de Nantes et de la preteiidiie Lexobie avoient ete etablies par des cveques qui eussent vecu du lemps des apotres , ou raeme de celui de Dece , cat liislorien auroit-il passe sous silence des evenemens si glorieux a la religion et a son siege ? Les memes raisons qui I'engageoient a consigner dans ses annales I'antiquite des huit eglises dont il vient de parler, auroient du le determiner a faire mention de celles de I'Armorique que Ton suppose re- monter bien plus loin. Rejouissons-nous dans le Seigneur de I'anciennete que Gregoire de Tours assure aux eglises dont il a fait mention. C'est lui pronostic non ecpii- voque du bonheur qui attend I'Armorique. Ce que nous devons dire a son honneur , c'est qu'a peine la religion cliretienne y fut annoncee , qu'elle y forma de genereux athletes. Vers I'an 286 , la foi en .Tesus- Christ s'v fit connoilre d'vme maniere eclatanle. ■-. Maximien-Hercule, que Diocletien associa cette annee-la meme a I'Empire, dans I'expedition qu'il fit en Ganle contra las Bagaudes (i), faction de Celtes que les vexations des Remains avoient forces de se re- volter , trouva le moyen de satisfaire la haine qu'il portoit a la religion chretienna. Apres avoir fait massacrer la legion tbelieenne , il envoya Riclius- Varus , cehii-la que les martyrologes et les legendaires ont appele Rictiovare, avec la dignite deprefet dans la Gaule belgique etdans la Gaule celtique. Rictius-Varusfutunministreancoreplusmechantquesonmaitre.Parloutses pasfurant arroses du sang des Chretiens . 11 le fit couler a Reims(2), a Soissons(3) (1) Le nom de Ba^audw vient du celtique rum, nom qui lui est vcnu deduce , c/u'e ,poi- hagad, qui vcut dire : troupe, association, guard, ct d'ordinjo ou ortwyo , fabriqutr. II La peinUire que les Remains ont fait de ccs paroit que, des les temps les plus recules, il Gaulois , n'est pas d'apres nature, lis etoient y avoit eu une manufacture d'arraes a Duro- une partic considerable de la nation. Salvien Corlorum. Eile subsisloit encore, lorsqu'on dit que , par Ics proscriptions, par la devasta- dressalaNotlcede I'Empire. L'llineraLred'An- tion de leurs terres , par le brigandage des tonin ct la Table theodosienne nous appren- juges , ils etoient devenus comme barbares , nent qu'un trcs-grand nombrc 'de voles mili- neleur etantplus permlsdc vivreen Romains. taires se rendoicnt a eelte ville ; ce qui en Diocletien, qui crut ne pouvoir les rcprimer prouve I'iraportance. Cornelius-Fronto , qui par lui-meme , se donna un collegue dans la vivoit du temps d'Adrien , dit quelle d'toit I'e- personne de Maximien , qu'il dcclara Auguste. mule d'Athenes pour les sciences. lU'envoya dans les Gaules pour Topposer aux ^3^ q^^.^^^ a^^tWt cette ville Noviodunum , Bagaudes qui avoienl u leur tete deux empe- ^^^ ^^,^,,3 ^ jire de nou , riviere , et do du- reursdeleurchoix. L'und'euxnommeAman- „„,„^ elevation, parce qu'elle domine sur dus se voit sur des mcdailles avec le litre I'Aisne. Sous Auguste , elle fut honoree du ti- d Auguste. {,.g ^'^ygusta ; I'ltincraire la nommo Snesso- (2) Cesar, Slrabon et Ptolemee font men- ntp, parce qu'alors clle avoit quitte son nom tioii de cette ville. lis I'appcUcnt Duro-Corlo- pour prendre celui de son peuple. 20 '54 HISTOinE ECCL^SIASTIQUK. rt 11 Amiens (i). Le bruit des ordres donl il etoil porleur se rt'paiidit bien- tot dans rArruorique. Un apolie zt'le avoit dej"i fail (juehiues proselytes dans la ville de Nantes. La persecution alloit s'elendre sur cetle bergerie naissanle. Le pasleur eut donne volontiers sa vie pour la confession de la foi ; mais il apprt'hendoit que sa mort n'eut relarde les progres de la religion. II suivil le con.seil que son divin maitre avoit donne a ses disci- ples : « Si Ton vous persecute dans une ville , fuyez dans une autre. « II prit ce parti avec d'autant plus de confiance , qu'il laissoit un geuereux defenseur de la reliirion chretienne. S. C'eloit un jeune bommea qui sa famille , par des vues auibilicuses et par egard pour le nom romain , avoit donne celui de Donatien. Sa nais- sance etoil dislingut'e devanl les bonnues ; mais sa pitte I'etoit encore da- vantage devant Dieu. Mvement louclie de la grandeur et de la subliniite (111 cbristianisme , il comprenoit combicn il est bonteu.v d'encenser les idolcs. La morale de I'Evangile , si pure et si pi opre a souteuir la foi- blesse de riiomnie ct a Tc'lever au-dcssus de lui-meme , etoil pour lui un objel d'adiniralion. Elle lui avoit dcssilh' les yeux et lui avoil fail apcrce- Yoir la profondeur des egaremens ou se livre le coeur liumain , lorsqu'il ii'a d'autres guides que ses passions. Purifie par les eaux sacrees du bap- leme , il joignoit a la saintete des dogmes de la religion , I'innocence des luauirs. Quoique au milieu de rimpetuosite de la jeunesse , il s'etoit procure une malurite d'esprit qui le rapprocboit des vicillards. Sensible a Faveuglement de ses conciloyens , il soiiiciloit sans cesse le ciel de les prevenir de ses benedictions et de les eclairer. Coninie Jesus-ClirisI eloil profondement grave dans son ca'ur , le noni de ce liberateur etoit fre- (juemmenl sur ses levres. Dans le dessein de satisfaire I'ardeur qui le de- voroit pour la gloire de son Dieu et lesalut de ses freres , il nes'occupoit (pi'a faire des neopbvtes el a delruire le cube insense des faux dieux. Ses soins ne furent pas inuliles. Son fiere aine devint bienlol sa conquete. Rogatien etoit son nom. C'etoit egalement pour Halter les Roniains , que (1) Amiens cloit connue autrefois sous le peuple ^lw6m»ii etoient arnics de pied en cap. nom de Samaro-biiva. Co nom vicnt dc sa- La Notice de rEmpiroles aiipellc Calaphrac- mara, tomme , cl dc briva,fiUc. Cc qui si- farii. Dans la revolution des Gaulcs , on equi- Rnifie : ville sur la Somme. C6sary tint les pa , dit Tacitc , des homraes, suivant la c^<^\- Elals dc la Gaule ; Ciceron en parle dans ses tuniedu pays , d'un hoinme qui a t'lc puni du supplice lionteux de la croix , et que " vous engagez les uns et les aulres a embrasser son culte. » Donatien repondit : « Vous rendez , malgre vous , lioniniage a la verilc , » lorsque vous avanccz que je desire que tons ceux (|ui se sont livres a » I'erreur reconnoissent la ni'cessilc de servir ,)csus-Christ , car il n'y a que » hiiqui meritenos adorations. » Le juge dit : « Sojez plus circonspect et >' cessez au plulot de preclier ces supersPilions ; ou , si vous ne rcspectez » pas nies ordres , je vous forcerai de garder le silence, en vous faisant » niellre a mort. » Le confesseur n'pliqua : «La mort ne pent que m'elre » avanlageuse : elle sera le commencement de men honlieur. Ce n'esl » que pour vous qu'elle peut elre terrible; vous ne cbercliez qu'a vous )> enfoncer de plus en plus dans les tenebres , et vous les preferez a la lu- )' niiere que Jesus-Cbrisl vous presente. o Cette fermete, qui ne pouvoit venir que du Tout-Puissant, el qui auroit du porter le magistral a en examiner la veritable cause, ne servil qu'a I'ir- riter davantage. Scmblable a Pliaraou , qui poursuivit autrefois le peuple de Dieu , malgre I'assistance visible dont il le favorisoit , son canir etoit endurci. II voyoit , comme s'il n'avoit pas vu , et il entendoil , sans com- prendre autre cbose que ce que sa passion lui suggeroit. Il fil encbainer rilluslre allilete et le fit ainsi conduire en prison , afin que la violence des tourmcns le portal a renoncer a la foi , ou , du moins , dans la vue que son supplice cmpecbat de croire en Jcsus-CbrisI , ceux ([ui en seroienl les te- moins. Il fit ensuite comparoitre son frere. Comme ses menaces , bicn loin dV'pouvanter Donalien , n'avoient eu d'autre effct que de faire briller sa Constance, il eul recours a I'arlificeet il cacba son ressenliment sous le voile d'unc douceur cmpruntee. (''est de cette maniere que I'ennemi du genre bumain , dont I'arl de nuire est exlrememcut varie , se plait , dans cerlaines circonstances , a presenter dans des coupes encbanlees le poison le plus subtil et le plus dangereux. « J'ai appris , Rogatien , dit le jugelrompeur, que vous avez forme le des- V sein pen refk'cbi d'abandonner le culte des dieux : ce sont eux qui out .1 daigne vous douner la vie, qui out pris plaisir a orner voire esprit de » diflerenles connoissances , et a enricbir voire coeur de leurs dons pre- » cieux ; nous craignons qu'apres que vous vous eles distingue par tant >> de talcns-, vous en vejiiez a la fin a douner des preuves de folie. Pre- xnoisiKMr FT QUATRii:ME siixLES. 107 » nez garde surloiil que , si voiis vous obstinez a ne reconnoitre qu'nn seul » Dieu , vous tl'obligiez tous les autres a conjurer voire perte. Mais , com- » me vous n'eles pas encore souille deje ne sals quel bapteme , si vous » etes capable de reflexion , disposez-vous a recevoir les biens et les bon- w neurs que la cleraence des enipereurs et la bonte des dieux vous f)r- » frent en ce moment. » Rogatien repondit : « Aussi mauvais que vous Fetes , vous ne pouvez » faire quede mauvaises propositions. Vous promettez d'abordles bonnes » graces des empereurs etensuite les faveursdes dieux. Comment pouvez- » vous mettre au nombre des divinites ceux f[ue vous placez apres les » bommes ? Quoi qu'il en soit , et vous et ces divinites, vous partagez en- » semble les memes miseres. lis sont sourds , ces dieux de metal; vous » I'etes egalement a la verite. lis n'ont point de vie ; et vous , vous man- » quez d'intelligence ; car celui qui fait consister sa religion a adorer des » pierres , devient semblable a ce qu'il adore. » Le juge dit a ses licteurs : « Qu'on mette cet insense en prison avec I'auleur de sa folic , afin que 5. demain le glaive 4e la justice venge I'outrage fait aux dieux et anx j> empeieurs. « ' ' " L'avautage inestimable que ces confesseurs , doublement freres et selon la chair et suivant I'Evangile , goutoient de souffrir pour le nom de Jesus- j Christ, repandoit dans leurs ames la plus douce consolation. Le seul regret de Rogatien etoit de se voir prive de la grace du bapteme. II conjura son frt'ie d'v suppleer en quelque maniere , en lui donnant le baiser de paix par Icquel les fideles se reconnoissoient alors. Donalien calma ses inquie- tudes et fit pour lui cette priere : « Seigneur Jesus, devant qui lesvceux « ont le merite de Taction , parce que vous vous contentez de la volon- » te , quand le pouvoir n'est pas en notre disposition , et que , en nous B donnant la liberte de cboisir , vous vous etes reserve a vous seul la » faculte d'executer, failes qu'une foi pure tienne lieu de bapteme a voire » serviteur Rogatien ; et , s'il arrive que nous soyons demain mis a mort , » que I'effusion de son sang supplee en lui le sacrement de la conflr- » mation. » Les deux freres passerent le reste de la nuil en prieres , pour se prepa- rer au combat. Le lendemain fut en effet marque par leur Iriomphe. Le juge , apres avoir pris seance sur le tribunal , fit de nouveau comparoitre les confesseurs. Leurs raembres ne jouissoient plus de cette liberte dont ils avoient fait un si saint usage ; mais leur esprit et leur coeur , sur les- quels les bommes n'avoient aucuti pouvoir , I'avoient conservee dans I 58 mSTOIRi; ECCLIiSIASriQUE. toule son (.'(endue, lis etoient d'autant plus mailres d'eux-nienies , qn'ils etoienl degages de Ionic ad'eclion leneslrc , que lout en eux eloit subor- donue a la volonte de Dieu et ne lendoil (|ne vers le ciel. lis croyoient ne pouvoir faire un enipioi plus noble de tonics leurs facultes , que de les consacrer a celui qni leur avoit donne I'eAistence. Un nouveau zele pour la gloirc de leur Dieu , les aninioit , et ils scnloienl au-dedans dVnx-niemes des forces qu'ils n'avoienl pas encore connues. C'cst ainsi que les vrais lideles , en cooperanl a la grace qui est en eux , en recoivent I'accroisse- ment et deviennent redoutables aux enncniis de leur Dieu et aux leurs. ('ependant le juge dit a ces freres : « La severile , dont je dois des w exeuiples au public , m'enipcche d'user avec vous de mcnageuiens. Eh ! » comment povnrois-je le faire ? Vous mcpriscz le cullc des dieux. Si c'est » I'ignorance qui vous conduit a cet execs , vous n'ctes pas excusables. » Si ce soul vos pretendues lumieres qui vous servent de guides , voire V crime est encore plus grand. » Les martyrs repondirenl : « Voire science » est pire que la folie de I'ignorance ; c'est elle qui vous rend aussi in- » sensible el aussi aveugle que les dieux de mrlal ([ue vous adorez. Aclie- » vez noire sacrifice; nous sommes prtls a soulTrir , pour Jcsns-Chrisl , ; » lout ce (jue la rage de vos bourreaux sera capable d'invenler. ^ous ne » perdrons pas la vie en la donnant a celui dont nous I'avons recue. II i> nous la rcndra avec usure. » Lejuge, qui n'ecouloit plus que sa fureur, les lit d'abord tourmenler I sur le cbevalet (i) , pour se venger , au moins sur leurs corps , de ce , qu'il ne pouvoil oblenir de leur volonte. Ensuile , il les conulamna a avoir ( la letc Irancbee. Les barbares execuleursde celte sentence ne s'en linrent j pas a ses termes; dans la vue de plaire a ce juge sanguinairc , ils per- I Cerent de leurs lances la tele des deux martyrs , avant que de la leur con- ) per (a). ^ j r I. Telle ful la (in glorieuse de ces deux illuslics freres. La nierae cba- (1) Lc chcvalct {cquuleus) oloit une cspcce qiron appcioit fidicula;. Cos conies etoient de chcval de bois. Les Remains , qui sc scr- scrrdcsavcc des poulieseldcsmoulincls. Bien- voicnt de ce genre de torture pour arracher tot les mcmbres du patient eloicnt disloqucs la veritc de la bouchc dcscsclaves , lemploye- ct en proie a des doulcurs amores. Pour les rent indiffiTemment centre les elircliens. On- multiplier , des bourreaux liii decliiroient les tre que , par ce supplicc, ils les assimiloient coles avec dcsongles de fer ct des scorpions, i la partic des homnies la moins eonsidercc, la especc dc fouels fort epineux ct lr6s-piquans. Iiaine qu'ils portnienl a leur nom les faisnit y Ensuile ils les lul brOloient avec des torches ajouter de nouvcaux lourmens. Les martyrs allumecs etoient etendus sur ce chevalct, les jambes et ^^^.^^^ .^ ^..^ ^g ^j ^.^^ g^ j,^ji_ les bras croiscs. On les Iioit avec des cordcs TROISltME ET QUATRIEME STJICLES. I ^9 rite qui les avoit unis , consomma leur sacrifice. Leuis corps reslerent sur Ja place pour servir de nourrilure anx betes carnassieres. C'est ainsi que I'aveuglement des paiens leur faisoit \ioler les droits les plus sacres de rimmanitc'. Les chretiens , qui avoient appris a les respecter, meme vis-a- vis de leurs ennemis , et qui, dans les corps de ccs martyrs, honoroient les temples de I'Esprit-Saint , eurent grand soiii de les enlever. lis les in- huraerent aupres du lieu qui avoit servi de theatre a leurs souffrances (i). lu. On ignore le temps precis ou les actes du marlyre de saint Uonatien et de saint Rogatien , tels que nous les avons, ont ete rediges. Lesdis- cours dont ils sont parsemes paroissent trop diffus a quelques-uns pour Jes regarder comme une histoire originale. Nous n'avons pas besoin d'ap- prot'ondir cclte matiere. Les divines ecritures nous font connoitre que I'Esprit-Saint , qui a promis de meltre a la bouche des martyrs ce qu'ils ont a diie devant les tyrans , a du moins inspire a ceux de Nantes la subs- tance des harangues que le redacteur de leur passion leur fait tenir. Tout annonce d'ailleurs la sincerite et la gravite de ces actes , tant par I rapport au style que par rapport aux pensees. La justesse et la religion v regnent a I'envi ; on n'y apercoit point de faits surprenans et hors de vraisemblance. Leur auteur joignoit a la science la piete et I'eloquence. 11 explique les motifs qui I'ont engage a les transmeltre a la posterite. La lecture , dit-il , de ces sortes d'ouvrages contribue beaucoup au saint des lideles. Car , lorsqu'on lit avec attention les memoires des martyrs , et qu'on concoit conibien il est avantageux de repandre son sang pour Jesus-Christ , on s'y anime puissamment par le desir d'imiter ceux qui sont morls pour lui , et Ton se porle avecjoie a celebrer leurs fetes avec Aent'ralion. II y temoigne que la doctrine constanle de TEglise a ete que le marlyre supplee au defaut du bapleme , comme on le voyoit dans la per- sonne de saint Rogatien. 1 3. Ce fut probablement pour effacer le souvenir du temoignage eclatant que Donatien et Rogatien venoient de rendre a la religion chretienne , et pour dissiper le soupcon que Rictius-Varus auroit pu former sur la nianicre de penser des Nantois toucliantle culle des dieux, que Gemelhis- Secundus et Caius-Sedatus-Florus firent placer, devant I'hotel du tribunal du commerce de leur ville , la famcuse inscription dont nous avons par- le (2). Ils consacrerent ce lieu aux diviniles de Dioclt'tien et de Maxi- (1) Vies des Saints deBrclagnc, par Albert (2) \oyei t. 1. p. 270 et suiv. (Ci-dessus, le Grand ct Dom I-ohincau. Introduction , n. 218, p. 105-.) iGo UISTOIRE ECCLESlASTIQtIE. iiiien-Ilercule , lous dciix Augusles, c'esl-a-dire , empcreurs. En leiu erigeanl ce Irophee, ils n'etoieiit que les inlerprt'les Ue Icius conciloyens, dont les richesses et la splcndcur prenok-nl leiir source dans le n«goce , el ils remplissoicnt les ordi es dc leurs souvcrains. Au.v dieiix dcs \ugusles , ils euiciil rallenlion de joiudie le dicu Volianus. Celle divinilc u'c'loit pas connue des iloaiains : elle c'loit parliculicre aux Gaulois ; on hiiavoit eleve depuis loug-teinps un temple a Nantes. Sous le nom de Volianus , les Armoiiques avoient d'abord adore I'Elre supreme et rendu hommage a sou unite. En joignant les dieux de la Gaule a ceux de Rome , les Kan- tois ne contrevenoient pas aux intentions dcs empcreurs. Ceux-ci lais- soient a cliaque peuplc la liberie de suivre son ancienne religion , pourvu | qu'elle n'inleressat point I'ordre public et qu'elle n'altacjuat point de j front cclle qu'ils professoient. Mais si la conduite de ce peuple commer- cant etoit conforme a la volonte des princes de la terre , elle eloit directe- ment oppnsee a celle de Dieu. Ce n'est que par lui que les rois regncnl , ] ft const'qucmment leurs ordres ne sont jiistes qu'autant qu'ils se rappro- j client de ses perlectipns infuiies. En placant sur les nicnics autels les di- \iniles des empereurs el le Dieu unique , c'etoit aneantir , s'il eiit cle pes- j sible , I'existence de celui-ci (jui ne pent avoir d'egal. Si les Nanlois avoient ) connu I'empire que le vrai devoit exercer sur eux , ils auroient vu qu'il I valoil mieux obeir a Dieu qu'aux honuues , et ((u'ils devoicnt sacrificr ] jusqu'a leur vie, pour soutenir runile dc lElre souverain. Le dcguisement et les emblcines sous lescpiels ils taclierent de caclier aux Romains le vrai Dieu , n'ont servi qu'a faire connoitre leur pusillanimite , et a prouver a Tunivers qu'ils avoient abandonne les interets de la'gloire du Tres-IIaul. 11 n'apparlient qu'a la religion chrelienne de compter de vrais martyrs. I 1 |. >i(nis ne devons pas nous cnnuyer de reveniraceux delNantes. Le j ministre dont il est parlu dans leurs actcs , et (jui avoit pris la fuile sur I'a- j vis qu'il avoit eu de la persecution qui alloit s'elever contre son cglise j naissante , est designe sous le nom de sdcerdos. Il nous paroit interes- I sant de fixer ce que Ton doit entendre par ce terme , d'aulant plus ipie Ion n'cst pas d'accordsur sa vraie significalioii. • ! Quel(|ues-uns n'y reconnoissent ([u'uii simple pretro. En cITet , il n'e.st jl l)as Yiaiseinblable , disent-ils, qu'un evc(|uc se fut etabli a Nantes , sans v avoir altaclie des pretres el des diacres. 11 n'auroit pas lu'glige d'y for- im r un clcrge , de maniere que , dans son absence , il se fiil trouve quel- que ecclesiaslique pour y exercer lesfonctions sacerdotales. Saint Cyprieii, I oblige de prendre la fuile, laissa dcs pirtres a Carlliagc pour Ic rcmplaccr. j( D'aulres | k TROISIEME ET QUATRIEME SIECLES. l6l D'aulres croieut que le mot sacerdos emporte ici avec soi I'auguste qua- lite d'eveque. Les critiques les plus severes ne font pas remonter au-dela du milieu du cinquieme siecle , les actes de saints Donatien et Rogatien ; il y en a meme qui pensent qu'on les a dresses peu de temps apves que la paix fut rendue a I'Eglise. L'expression de sacerdos s'employoit regulie- rement alors pour caracteriser un eveque. C'est dans ce sens que saint Cyprien, saint Auguslin , saint Ambroise, et meme long-temps apres eux saint Gregoire de Tours, ont pris celte denomination. Le minislre nan- lois pouvoit avoir des raisons legitimes pour ne pas se donner des se- condaires. Ce dernier sentiment , qu'un habile historien (i) a adopte , se rappro- che davantage de la maniere de s'exprimer des anciens temps , et est plus conforme aux circonstances. 1 5. Quelque avantageux que le martyre parut a I'apotre de Nantes , il menageoit la grace de sa vocation et en suivoit les impressions. Les voies qui conduisent au ciel les personnes du meme etat ne sont pas toujours les niemes. L'esprit de retenue et de circonspeclion quiguidoit les pas de saint (iatien , a Tours , se retrouvoit dans I'ouvrier evangelique de INantes. Lorsque des contradictions dangereuses traversoient les saintes entrepri- ses de ce premier pasteup de la Touraine , et menacoient ses jours , il avoit recours a la retraite ; quand Forage etoit dissipe , il reprenoit ses fonctions avec de nouvelles forces. Le predicateur nantois, qui avoit fait beaucoup moins de proselytes que lui , cherchoit a faire eviter a ceux qu'il avoit gagnes a Jesus-Christ les mauvais traitemens qu'auroient pu leur oc- casionner leurs concitoyens , qui ne connoissoient pas le prix de la nou- velle religion. 11 travailloit a fonder et a etendre I'edifice spirituel de son eglise avec le moins d'eclat qu'il lui etoit possible. 11 la traitoit comme ces arbres qui jeltent de profondes racines pour mieux s'affermir , avant que d'elever leurs tetes vers le ciel et de donner des fruits. Son zele eclaire par la prudence le portoit partout ou sa presence etoit necessaire ; il n'avoit pas besoin de secours etrangers pour conduire une bergerie qui ne com- mencoit que de se former. Comme son intention n'etoil pas de la produire au grand jour , la multiplicite des cooperaleurs auroit ete contraire a ses vues. 11 altendoit que la Providence eiit fait succeder le calme a la tem- pete , pour donner a son eglise une consistance entiere. i6. II nous semble qu'en faisant le portrait de I'apotre de Nantes , c'esl (2) Longueval , Hist, dc VEglisc gallic, t. 1. 21 162 HiSTOIftE rXCLl'siASTlQUE. celui dc saint Clair que nous avonsebauche. Oii pent le regardcr commf le docteur des Nantois (i), de inciiie que saint Paul I'a ete des nations. Outre que son noni liii dcfcne cet honneur, nous avons fait voir qu'il n'a pu sieger a IVantes au premier siecle de I'Eglise; les niemes motifs prouvent qu'il n'y a point paru dans le second; mais lout conduit a Iv placer a la fin du troisicme. On Ten reconnoil universellement pour le premier eve- que. Du temps des marlvKs de celle ville , il y avoit un certain nonibre de fulcles ; nous ne pouvons niieux faire que de mellre a leur tete eel illustre prelat et de lui attribuer leur conversion. Nous sommes en cela d'accord avec de savans modernes (2). 17. Riclius -Varus , ce minislre cruel de Maximicn, ne survecul pas long-temps au.v saints martyrs Donalien ct Uogatien. On a nieme assure qu'il se procura de sa propre main une mort violente. 18. Cependant Constance-Cblore fut cree Cesar par Diocletien , le pre- mier mars de I'an ■jc)i , et fut pourvu de la Gaule d'au-delades Alpes avec I'Arniorique. Pendant qu'il ful Cesar, et depuis qu'il eut monte sju- le trone imptiial , il ne permit pas que Ton condamtiat personne a inort pour cause du cbristianisnie. C'est le tt'moignage que lui rendent Lac- tance (3), Eusebe(4)et saint Optat (5). D'ou Ton doit conclure que c'est a fort que ()uclques-uns out mis sous squ regne le martyre des saints freres de Nantes. 19. Anssi les mo-urs de Constance-Cblore etoient bien differentes de celles dc Maxiniien. Celui.-ci etoit cruel et voluptueux ; celui-la gardoit la cbastete au milieu de la cour. L'un faisoit consister son bonbeur a faire du mal ; I'autre croyoit ne p.ouvoir etre beureux qu'autant que le se- roient ses sujets. Des qualitcs si contraires les unes aux autres avoient rendu la religion cbn'lienne odieuse a .Maximicn ct la faisoient aimer de Constance. Ce prince se convainquit par hii-mcme qu'il navoit point de sujets plus fi- deles que les clireliens. II n'ignoroit pas que , comme ils avoient pour principe d'ob(^'ir J ayant tout, a un Dicii qui ne commande rien que de (1) Lc nom dc clair , en latin cJarus , s'e- science, ils lui donnercnt un nom quirepon- X crivoit der en celtiquc. II vcul dire en cetic doit a ses talens. langue docleur ou savant. C'est dc la qu'au- (3-, p. Lobincau . Vies des Saints de Bret. D. trefois , par lc niol dcr ou dcrc , on enlcndoit j^orjcg ^ jjist. dc Brelagne. une personne distingiu'cparsa science, et que /on rv .r , ,'..,..,, ° .' . ' ^ (3) De Moric persec. dergte eloit la meme chose que science, ea- pacilt\ Comme celui qui annonra lc premier W ' '^^ Constant, c. 13, 15, 17. I'Evangilc aux Nanlols leur ai)prit la vraie (5)Lib. l.dc schism. Donat. >• tROISIEME ET QUATRIEME SIECLES. l63 juste, lis se faisoient un devoir d'executer la volonle des maities dela terre , lorsqu'elle ne s'oppose pas aux regies invariables de la loi eler- nelle. 11 savoit que , s'ils avoient resiste a I'autorlte civile dans des clioses raisonnables , ils auroient resiste des lors a leur DIeu , dont les rois sont la plus belle image. Les apologistes du cbristianisme avoient mis plus d'une fois ces maximes sous les yeux des paieiis ; les cbreliens les avoient prati- quees dans tous les temps. 20. Duraut la persecution de Blaximien , en Armorique , le sang de Donalien et deRogatien avoit parleseul enfaveur dela religion cbrelienne. II avoit supplee au silence du pasleur et de ses autres ouailles. Plus tou- chant que la voix la plus eloquente , il avoit fait I'bonneur du cbef et la consolation des brebis dispersees. 21. La tranquillite que Constance-Cblore vouloit faire gouter aux cbre- tiens, fit renaitre I'esperance dans le ca3ur de saint Clair. Le glaive qui avoit menace sa tete I'avoit fait s'ecarter de sa ville clierie ; la paix I'y rappela. Ceux qui connoissent qnelles sont les forces de la cbarite , peu- vent se representer quels durent etre les fruits de ses nouveaux travaux. Son zele fut d'autant plus aclif qu'il avoit ete plus resserre durant son exil. Une terre arrosee et presque encore fumante du sang de ses disci- ples , lui preparoit une ricbe moisson. Sa voix retentit au-deliors; la grace du Tout-Puissant opera au-dedans. II planta et il arrosa : Dieu donna I'accroissement. Ce fut alors que la ville de Nantes vit avec surprise sVla- blir dans son sein un clerge dont les vertus I'emportoient aulant sur celles de ses druides que la lumiere I'emporte sur les tenebres , et dont les ceremonies religieuses alloient elTacer , par leur majeste et la pie'te qo'elles inspiroient, la bassesse et I'liorreur des anciens rils. 22. Saint Clair ne borna pas ses courses apostoliques aux limites du pays nantois. On croit qu'il preclia I'Evangile cbez les peuples voisins , et particulierement a Rennes et a Vennes. Suivant une ancienne tradition , ce zele prelat mourut dans un lieu qu'on nomme Reguiny, et qui fait aujourd'bui partie du diocese de Vennes. La signification naturelle de ce lerme en verifie I'exactitude (i). L'annee de la mort de saint Clair est incertaine et le jour precis du mois ou elle arriva n'est pas connu. Les uns la placent au premier d'octobre, et d'autres au second. 23. Il y en a qui donnenl a cet eveque la glorieuse qualite de martyr. (1) Le mot Reguiny est compose de deux lomlcau; ainsi , far rcguimj , on cntendoit le mots ccltiqucs : rhen ou rcen, qui veut dire , toir.beau oil Ic corps du maitre et du docteur seigneur , mailre , et de guint , iUvalion , de I'Armoriquc avoit et6 depose. l64 HISTOIRE ECCLESIASTIQUF.. C esl ce que Ton remarque dans un vicuv birviaiie de Teglise de Saint Pol de Ltkju , et dans les litanies qui se Irouvent a la fin des psaumes pt'nilenliaux d'un breviaire de S;iint-Drieuc , egalcnient ancien. Cette dis- tinction , dont on honoic cc saint prelat , suppose seulement qu'il avoit annonce la foi durant le temps des persecutions, el c[u'il avoit peut-etre soufTert quelques peines pour le nom de Jesus-Clirist. Du temps de saint Angustin et de saint Epiphane , on donnoit le litre de martvTsaux confes- senrs qui avoient endure qneUjues tourmens pour Jesus -Christ , quoiqu'on lie leui- eul pas cnlevt' la vie a eel effel. Ce seroit sans fondement cpie Ton prelendroit cpie saint Clair auroit verse son sang pour le soulien de la religion ; il le fit sans doute dans la preparation de son coeur. C'est tout ce que Ton pent dire de certain a ce c'gard. Soneglise meme nelui donne d'aulre rang que parnii les coufesseurs (i). 24. II y a lieu de croire que saint Clair fut envoye a Nantes par saint Gatien , premier eve([ue de Tours. La gloire de Dieu et le salut des ames vers lesquels Icndoicnt loules les actions de ce pontife, nous font juger qu'il eut a ca;ur de faire repandre les luniieres de la foi , du moins, dans les cites voisines de la metropole. Pour nous borner a I'Arraorique , nous voyous que Naules , moins eloignee de Tours , est la premiere ville ou Jesus-Christ est connu. Nous observons que saint Clair llorissoit quelque temps apres celui oii Gregoire de Tours rapporte que la religion chre- tienne ful prechee dans les Gaulcs par sept eveques , que le Saint-Siege y envoya durant le regne de I'empereur Dece. 11 est constate , par plus d'un monument , que ces predicatcurs s'associerent des personnes dislin- guees par leur charitc el par leurs lumieres , a qui ilsconfererent le pou- voir episcopal , et qu'ils assignerent a chacun d'oux un certain deparle- menl au milieu duqucl ils devoicnt etablir leurs sieges. Saint Gatien vecut a Tours jusqu'au commencement du qualrieme siecle , apres y avoir passe environ cinquante ans. C'est durant cet intervalle que ce metropolilain sa- cra saint Clair eveque, et qu'il le deputa vers la ville de Nantes. 11 est vrai (ju'un manuscrit de I'eglise de Treguer fait sorlir celui-cidi- rectement de Rome , par ordre du [>ape , avec Tun des cloux dont saint Pierre avoit ete attache durant son marlvre. L'office de ce saint , dont se sert I'eglise de Nantes , contient les memes particularites. Mais , comme ces actes renferment d'ailleurs des fails dont nous avons decouvert le pen de certitude , nous devons nous defier de la verite de ceux-ci. (l)Proprium Nannet. an. 1733. TROISIEME ET QUATRli:ME Sli:CLES. 1 6j Les pontifes roraains n'avoient pas besoin d'envoyer sulHtenient de nouveaux ouvriers dans les Gaules : ils avoient tout lieu de se reposer sur I'activile des premiers. L'eveque de Tours etoit plus a portee qu'eux de saisir le moment propre a atlaquer I'idolatrie des \illes voisines , et Ton ne peut douter qu'il n'y ait fait passer des niissionnairesevangeliques. 25, Le regne de Constance-Chlore avoit ete, pour les cliretiens de Nantes, une aurora de bon augure. Celui de Constantiu fut semblable a nn jour serein et sans nuages. Toleres sous le pere , les fideles eurent , sous le fils , I'exercice public de leur religion. Redevable a Jesus-Christ d'une victoire celebre , ce prince publia en 3i3 , conjointement avec Licinius , un edit dont voici la teneur. « Ayant considere , il y a long-temps , qu'on ne )) doit refuser a personne la liberie de conscience sur le choix de sa re- » ligion , nous (i) avons deja ordonne qu'on permit , tant aux cliretiens » qu'aux aulres , le libre exercice de la leur; mais parce que, dans le » rescrit ou cette liberie est accordee , il y a des termes obscurs qui » donnent lieu a des contestations , quelques-uns se sont crus dispenses i> de I'observer. C'est pourquoi, moi Constantin Auguste , et moi Licinius » Auguste , etanl beureusement arrives a Milan et traitant ensemble de » ce qui concerne le bon ordre et le bien public , nous avons cru ne » pouvoir rien faire de plus utile a noire peuple que de coramencer » par regler ce qui concerne le culte de la divinile , en accordant , tant » aux Chretiens qu'a tons les aulres , la liberie de suivre telle religion i> qu'ils jugeroient a propos. » Les deux empereurs adressenl ensuite la parole aux magistrals , et ils ajoulenl : « Nous avons juge convenable de vous faire connoitre noire )' Yolonte , pour oter I'ambiguite qui pouvoil ^tre dans nos premieres » lettres (2) el abroger les edits pleins de severile qui vous onl ete en~ » voyes , et qui sont si eloignes de noire clemence. C'est poiuquoi , qui- « couque voudra suivre la religion des chretiens , qu'il puisse le faire en » toute liberie , purement et simplemenl... » De plus , nous avons ordonne , louchanl les chretiens , que les lieux oil ils a avoienl coulume de s'assembler , el louchanl lesquels vous avez » recu des ordres par les edits prccedens , leur soienl rendus incessam- » ment par quiconque les aura recus en don ou les aura acheles , soil de » noire questeur ou de quelqu'autre ; et cela sans tergiversation el sans (1) Eusebii. llist. lib. 10. c. 5. limitoit par dc cerlaincs conditions I'cxcrcice (•2) Constantin avoit donnc ;'i Rome, quel- du culte public des chretiens. ques mois auparavant , une declaration qui l"G6 UISTOIRE ECCL^SIASTIQIjE. » repeter le prix qu'ils aurout coiite. Mais que ccux qui les auroient adie* » les ou recus en gratification attendcnt leur deddnimagement de notre » bonte , et qu'ils s'adressent pour cela aux prefets des lieux , afin que » nous pourvoyions a les iiidemniser. Vous donnerez vos soins a faire » reslituer ccs biens , sans aucun dclai , a la socictu des clirctiens. Vx » comnie il est notoirc que les cbreliens , outre les lieux ou ils s'assem- » bloient , possedoient aussi d'autres biens qui n'apparlenoient pas aux » parliculiers, mais a la communaute , vous aurez soin qu'ils leur soient » reslilues graluitenient ct au plulot , comine nous I'avons ordonne... » Vous devez en tout tela proteger ct soutenir les cbrc'liens de loute votre » autorile, et tenir la main a Tcxt'culion de ce present edit, par lequel » nous avons pourvu au bien et a la tranquillite publique. Ce sera le n nioven d'altirer de plus en plus sur nous la faveur tlivine que nous » avons deja eprouvee en tant d'occasions. » 2G. La religion cliretienne qui, nialgre les persecutions , s'cloit soule- nue a Mantes avec cclal , et qui , duraut le rcgnc pacifique de Constance- Chlore , y avoit fait de nouvcaux progrcs, dut s't'tendre avec bien plus de rapidite a Ysim de la protection que Constanlin venoit de Itii accor- der. Si I'liistoire ne nous a pas transrnis les grandes choses que les pre- miers pasteurs de Nantes opererent dans ce temps , la charite qui les animoit pent du moins nous les representer. Il est essenliel a celle verln d'ainier a conununiquer ses biens , surlout lorsqu'elle ne rencontre pas des obstacles trop puissans. 27. Les Chretiens ne tarderent pas a placer , dans un sepulcie magni- fique , les reliques des saints martyrs Donatien et Rogalien. Plusieui's rveques de INanlcs furent inlmmt's dans la suite aupres de leur tombeau (i). 11 faisoit panic du cimelicre des lidcles. ■J.S. Cependanl Ennius, aulrement Ennius , avoit ix'mplace saint Clair a Nantes. Ce seroit donner au pontiHcat de celui-ci une duree trop courte , (\uv de le terminer avant la mort de Constance-Cblore , arrivee Tan 3o6. Les merveilles que fit saint Clair dans son diocese et dans les cites voisines , depuis le calrae de I'Eglise , nous font supposer qu'il n'a pas fmi ses jours avant cet empereur. Nous ne pouvons di'lerminer combien de temps Ennius siegea a Nantes. Si ses vertus ne lui out pas acquis un rang parmi les saints evcques , on ne doit pas moins tenir pour certain qu'il possedoit les qualites emi- (1) Albert Ic Grand , Vies des Saints de Bret. TROISliME ET QUATRIKME SIIXXES. I 6^ nentes qu'exige une dignite si relevee. La haute idee que le clerge et les fideles s'etoient formee de I'episcopat , d'apres les divines Ecrilures , nous donne droit de porter ce jugement. Aussi le nom qu'on imposa a Ennius est-il analogue a son merite personnel (i). 29. Ennius eut pour successeur saint Similien. Gregoire de Tours j'ap- pelle Similin ; le vulgaire I'lionore sous le nom de saint Sembin. II porta au loin la bonne odeur de Jesus-Christ ; ses exemples contribuerent eii' core plus que ses discours a dissiper les nuages de I'idolatrie et a etendre le chrislianisme dans son diocese. La veneration que Ton avoit pour sa vie edifiante I'accompagna jusqu'au tombeau. Son corps fut enterre hors la ville. Nous verrons ailleurs que , si les Nanlois lui ont eu les plus grandes obligations pendant qu'il a ete leur pasteur visible , Tamonr qu'il leur portoit , devenu encore plus actif et plus pur dans le ciel , leur a procure de puissans secours dans leurs besoins pressans. C'etoit pour immortaliser sa bienfaisance et leur gratitude , qu'ils lui donnerent le nom sous lequel nous le connaissons (2). 30. Constantin , malgre son attachement pour le christianisme, n'avoit pas ose d'abord attaquer directement le paganisme. L'idolatrie etoit en- core trop bien affermie. C'etoit avoir fait beaucoup que d'avoir delie la langue a la vraie religion , et de I'avoir mise a portee de triompher de sa rivale , par la sagesse de ses mysleres et la saintete de sa morale. Ce prince s'appliqua , le reste de son regne , a miner par parlie les fonde- mens de ce culte monstrueux que la main de la superstition avoit eleve , et a faire rendre au vrai Dieu I'hommage qui lui est dii. La croix de Jesus-Christ ^ qui avoit triomphesur les etendards de Cons- tantin , fut gravee sur ses monnoies et peinte dans tons ses tableaux. On ne I'eniploya plus pour servir de supplice aux criminels (3). Quoitjue convaincu que la douceur , la persuasion et I'exemple etoient les moyens les plus propres a ramener les paiens a la verite , I'empereur crut etre en droit de faire fermer les temples des taux dieux , et de defendre d'y offrir des sacrifices (4). Son dessein n'etoit pas de forcer par la les idolatres a embrasser le christianisme : il n'en eut fait que des hvpocrites. (1) Ermius vient dVr, nom qui designe Celui de simiUn on similien vient de *j , ^ci- Vexcellence , et demi, louche; uiestuneter- gneur, et de 6(7, ion. Le 6 el I'm se meltent minaison latine qui ne signiGe rien. Ainsi, indifferemmenf Tun pour {"autre dans le eel- par Ermius , on entendoit, a la leltre , une tique. louche ^loquenle. Ennius a pour racine enne ,„ „ ,., . . , ,,. „ , . ou enn , anclen ; nom qui exprime le respect. ,. J^' S"^"""- ''^- < ' A""^'- ^'^'- C"'^- T''^*^''- (2)Lenom de Semlin est compose de .an ''''■ 9- »"• 40.Lactant. Inst.t.lib. 4. c. 2G, 27. ou sanl, sainl, et de lin , doux, charitable. (4) Lib. 2. de Vila Constant, c. 45cl46. 1 68 ilisToinE ECCLtsiASTrQCi;. II vouloit nieltre fin , aulant cju'il eloit en lui , aux abominations qu'ils coinmeltoienl dans leurs temples , ct les engager ainsi a en examiner la turpitude , afin cjuc , plus flexibles a deposcr Icurs prcjuges , ils pussent envisager ce qu'ils avoienl a faire avec des veux clairvoyaus. Pour ne pas exposer la religion , il eut I'altcnlion do ne donner qu'a des Chretiens Ics prefectures el le gouvernement dcs provinces ; lorsque des circonstances parliculicres Tobligeijicnl de faire aulrement , tout exercice du paganisme leur etoit inlerdit (i). Paruneloi solemnelle , il cxliorta lous ses siijels a embrasser la religion chrelienne (2). Comme les paiens accusoienl de nouveaute cetle religion , le prince judicicux fait celte observation , qu'elle est aussi ancienne f|uc Ic monde , que le paga- nisme n'en est (pi'une alteration , et que Jtsus-Christ est vcnu pour rendre a la religion j)riinilive sa purete loute entierc. Nous avons eu soin de fournir les preuves de celte verile dans noire introduction. Des le temps des apolres , les chretiens avoieut sanctifie le dimanche par des anivres d'une piete plus tendre. Constanlin en lit une fete pour tout I'Fnipire : il voiilul (pie ce jour fut consacre a la prierc; en consequence, il delendil , duraut ce saint temps, loute occupation dans les villes, mais il lit une exception en faveur des travaux de I'agriculture (3). Il accorda la faculte d'emanciper et d'affraucbir ce jour-la , parce qu'il est Tepoque de raffrancliissement du genre humain par la resurrection de Jesus-Cbrist. !l abrogea la loi Pappici Poppiva , que les consuls Paj^pius et Poppieus ;i\oient portee Tan 7G1 de Rome. Elle privoit de la succession de leurs procbes parents ceux qui , a I'age de vingl-cinq ans , n'ttoient pas ma- ries (4)- C'etoit punir la virgiuite si honoree des chreliens , el a qui les paiens eux-memes avoient donne des eloges si flatleurs en differens temps. En rendant a cetle vertu la justice (pi 'elle ivclamoit , Constanlin etoit bien (^loignt" d'auloriser la vie des C(ilibataircs voliiplueux et d'approuver rerreur des b(;retiques (jui regard(jient le manage comme criminel. il ne se contenta pas de lirer la virginil(i de I'opprobre dont on I'avoit cou- verle ; il la releva par des distinctions. 11 accorda a ceux des deux sexes (luiauroienl cmbrassc; cet tilat le pouvoir de faire leur testament , quoique niineurs. Les Komains avoienl donnc' ce piivib'ge a leurs veslalcs : il con- venoita plus juste litre aux vierges cbn'tiennes. Pour rendre a eux-m(!^mes les ministrcs de la religion , Constanlin ac- corda aux clercs Texemplion de loutes charges municipales. Ce qui led^- (I) Euscb. dc Vita Constant, lib. 2. c. 4i. (3) Cod. Thcod. dc For. ^2) Idem, ibid. c. 47. (i) Euscb. dc Vila Conslanl. lib.i. c. 2G. termina TROISIEME ET QUATRli:ME SIECLES. 1 G9 termina a les trailer si avantageusement, « c'est, disoit-il , de peur qu'ils » ne fussent distraits du service de la diviiiile : ce qui seroil une espece » de sacrilege. Car , ajoutoit-il , I'hommage qu'ils reiident a Dieu , est » la principale source de la prosperite de notre empire (i). » Pour leur concilier plus de veneration , il declara que I'affranchisse- ment des esclaves , sujet auparavant a beaucoup de formalites embarras- santes , pourroit se faire dans I'eglise , en presence des eveques et du peuple, dont on dresseroit un acte signe des eveques (2). II donna aux ecclesiastiques le pouvoir d'affrancliir leurs esclaves par leurs seules pa- roles , sans appeler de temoins et sans autre formalite (3). II permit a ceux qui avoient des proces de decliner la juridiction civile et de recourir an jugement des eveques. Leurs sentences etoient sans appel comme celles de I'empereur, et les magistrals etoient obliges de leur preter main- forte (4). Ce qui fut la source principale des grands biens de I'Eglise , c'est que ce prince , par une loi publiee a Rome , le troisieme de Juillet de I'an 32 1 , donna a qui que ce fut indistinctement le droit de lui leguer , par testament , telle portion de ses biens qu'il jugeroit a propos. Une loi sern- blable existoit depuis long-temps en faveur des temples des idoles. 3 1 . Des faveurs si multipliees contribuerent a rendre I'eglise de Nantes florissante. Le druidisme sans appui se trouva isole ; les noms de Jupiter et des autres dieux de Rome furent lournes en derision ; le masque qui couvroit ces religions une fois tombe , ne laissa plus apercevoir que I'er- reur et les abominations qui en etoient la suite. Les fideles profilerent de ce moment decisif pour renverser ce temple trop celebre de Volianus , oil les druides exercoient depuis si long-temps leurs ceremonies sacri- leges et siiperstitieuses. 32. 33. Lasemence de I'Evangile, que saint Clairavoitporlee a Rennes , n'etoit pas tombee dans une terre sterile. Uparoit presque certain que , des la mort de Constantin , qui arriva en 337 , ""^ eglise etoit formee dans cette ville , et qu'elle avoit un eveque a sa tete. Le premier fut Mode- ran (5); elle fut ensuite gouvernee par Justin ou Just (6), Riolhime (7), (1) Cod. Theod. lit). 2. de Episc. lib. 16. leg. 1. Till. not. 71 sur Constant; tit. 2 et 5. (5) Le nora de Moderan vient de mod , cha- (2) Cod. Theod. lib. 4. tit. 7. lib. 16. tit. 2. rilable , et de eran , grand. Cod. Just. lib. 1. tit. 13. (6) Celui de Just vient de jus , humble. (3) Sozom. lib. 1. c. 9. Godef. ad Cod. (7) Cehii de Riolhime a pour originc rio , Theod. prince, et tarn, nourriCure : excellent predica- (4) Sozom. lib. 1. c. 9. Cod. Theod. extra (cur. 23 yjO mSTOIRF. ECCLESIASTIQUE. Eleclian(i) el Jean (2), autreraciU le blanc. On assnre que Riolhimefut sacre par saint Martin (3). Si I'ou pent juger tie la sainlele des fideles de celle noiivellc eglisepar celle de ses premiers pasleuis , on pourroit avancer que leurs vertus fu- reiil portt'es a un liaut degrt; de perfection. Quo! qu'il en soil, ces cinq ('viVjucs furent tons ogalement reconiniandables par leurs rares qualitt's. On les a mis apres leur mort au nombre des saints. 34- Lcs temples que Ton avoit dedies daiis la ville de Rennesalsis , a Thelis ct aux aulres dicuv , fircnl place , du moiusavanl la fin de ce sie- ele , a ceux de Jc'sus-Cluist. 11 n'esl pas probable que ceux de Ceres et de Pan , que Ton met sur les bords de la \ ilainc , a I'endroil on a ('le balie la ville de Vitre, aient tie purifies, comnie on le dit, par saint Clair, lors- qu'il preclia I'Evangile dans ce lieu (/(). Le pagauisme t'toit alors irop puis- sant ; la prudence cbrelienne n'aulorisoit pas un eclat de celle nature. Nous croyons plus volouliers que les grotles voisines de ce canton , tjui eloient sur la Vilaine , et f[ui avoient servi de repaire aux druides , furenl sanctiriecs dans la suite par la presence de verUieux bermiles , qui sc li- yrerent a la contemplation ties biens celestes. 35. A I'exemple de Constanlin , Constance 11 dt^fendit leculte public des idoles ; il enjoignit de fermer leurs temples , non-seulenicnldans les villes , mais encore dans les campagnes ; ceux (|ui auroiont sacrifie furent me- naces de la perle de la vie et de leurs biens ; les gouverneurs qui n'au- roienl pas puni les refraclaires etoienl sujels a la mcnic peine. Les sacri- fices noclurnes quele lyran Magnence avoit permis , fment proscrils. Ce- pendant , ni (Constanlin , ni son fils, ne forcerenl personne a devenir Chre- tien ; les pontifes paiens conserverent meme leurs ancieiis lilres el leurs prerogatives ; les empereurs ne cliercberent pas a faire execuler conlre les paiens leurs lois a la rigucur. Constance confirma el meme il ttendil les imnuniiles que son pere avoit accordees au clerge ; il exempta les clercs , leurs enfans , leurs femmes et leurs esclaves des impositions exlraordinaires, el du logcment des gens de guerre et ties officiers du prince ; ils conlinuerent tl'elre assujellis aux contributions ordinaires. Comme la plujiart travailloient de leurs mains, on faisnienl tiiiolque commerce , rempercur les exempla de I'impot alta- clie a la conililion darlisan et de marcband. «Car, dil-il , ce qu'ils anias- (1) Eleclran vicnl d'el , grand ; d'cr/i , pre- (3) Maan , llist. ecclcs. Turon. position siiperflue, cl de I'Eglise et corriger les abus qui, a I'abri de la perversile du eoeur dc riiomme , se glissent pen a pen dans le champ du Seigneur. La crainte de la persecution excitc'e par Julien avoit pu arrcler des ames timides , et les enipcclicr dc confesser Jesus-Clirist , auquel elles croyoient interieuremenl ; quelques-uns meme pouvoienl avoir enliere- ment Iralii leur religion. D'autrcs , surlout les fideles de la campagne , oii ridolalrie conservoit encore son empire , etoient exposes a dementir leur f'oi , par le penchant et la facilite qu'ils avoient a s'initier de nouveau ant ceremonies paiennes. La pai\ dont I'Kglise jouissoit cloit propre a amoUir les Chretiens el a les rendre moins altentifs a remplir leurs devoirs. Le sanctuaire meme est sujet a des relachcmens. C'est pourquoi , radaire principale etant heureusement terminee , des eveques proposerent , comme ils le disent dans la lellre synodale , « de » trailer de quel([ues dcsordres que la sainlete de TEglise ne permel pas » de recevoir , ni la coiitume de condamner avec la severile qu'ils meri- » toient. Car, ajoulcnt-ils , ces vices sonl lellementenracines dans toutes » les eglises , qu'il est difficile de les extirper ; ce qui devroit couvrir de ). honle les coupahles. Mais , apres de mures et de longues deliberations , » nous avons pris des mesnres pour relrancher les scandales et conserver » la sainlete de I'Eglise. » Ces prelals avoient en vue les biganies , que Ton avoit admis aux saints ordrcs. , 4i. Les peres du concile fircnt qualre canons. Les voici ces reglemens si respectables par leur anciennete. • L « Pour ne pas deshonorer le clerge , nous dcfendons d'ordonner dans » la suite lesbigames , c'esl-a-dire, ceux accorde , elles ne seront point admises a la communion qu'elles n'aient n satisfait a Dieu par une penitence pleine et conveuable. « III. « A regard de ceux qui, apres avoir recu le saint hapleme , se sont x souilles par les sacrifices profanes des demons ou par quelque purifi- >< cation inceslueuse (i) , nous avons juge a propos , selon que I'ordonne » le concile de Kicee , de ne pas leur fermer I'entree de la satisfaction , » de peur de les jeter dans le desespoir ; mais ils feront penitence jusqu'a j> la fm de leurs jours , dans I'esperance neanmoins que leurs peches » leur seront remis par celui-la qui les pardonne , et dent la misericorde » est si grande que personne ne doit manquer de confiance en lui. Car » Dieu n'a pas fail la mort , el il ne se plait pas a perdre les vivans. » IV. « Nous avons cru qu'il ctoit avantageux a I'Eglise que vous sussiez , » nos tres-chers freres , que ceux qui, etant sur le point d'etre ordonnes » diacres , pretres ou eveques , se coufessent coupables de quelque crime » mortel , ne doivent pas etre promus a ces ordres , parce que , s'ils ne )> sont pas en effel coupables de ces crimes , ils le sont du moins d'avoir )i menti pour s'en faire croire coupables , car il n'est pas plus permis de ■-) porter faux lemoignage conlre soi que contre un autre. Que la bonle » divine vous conserve a jamais , nos tres-cbers freres. » Gralien attnbue deux autres canons a ce concile (2). Par le premier , il est'defendu a I'eveque de donner ou d'ecbanger les biens de I'Eglise , sans en avoir oblenu , par ecrit , le consentement de son clerge ; et il est df'cide que la donation est nulle. Par le second , il est ordonne que les pretres qui sont a la lete des eglises du diocese demanderont , avant la solemnile de Paques , le saint cbreme a leur propre eveque , par eux- memes ou par un autre pretre , et non par un jeune clerc. Mais la lellre synodale du concile, telle que nous I'avons , ne renferme cjueles quaire premiers canons. Rile est adressee a tons les eveques des Gaules el des cinq provinces (3). (1) Le texlc de ce canon porte incesld lava- (2) Labbe , Concil. t. 2. iirc passer la clarle du jour suivanl le sentiment le plus certain , ne furent et les defendre des injures de I'air. Scnequc invcntees que vers le temps do I'empcreur appellccetle pierrc .s;)('ciWarc. Plinc , dans son Thcodosc, declare Augusle en 379etmorten ipitro 91, (lit que le verre etoit cepcndanl 395. Ainsi , quand l>ien mcmc les Tyricns au- connu des anciciis bien des sieclcs avant lui , roicnt regarde les vitres comme necessaircs a car ils avoienl des bouteilles , des gobclels ct Icur eglisc, il est au moins inccrtain qu'ils autres vases de verre et de crystal. Ce qu'il y eussent pu en faire usage. Les fenetres des cdi- a d'elonnant , c'esl quils n'aicnt pas pensc a ficcs fermoicnt avec de la toile , du parcliemin , s'cn scrvir pour leurs fcnCtics. ou bien avec des picrres Iransparcnles qui se TROISIEME ET QTTATRIEME SlfecLES.' 179 49. A la loi que Conslantin avoit porlee sur la sanclification du diman- clie, Valentinien I ajouta la defense d'exiger ce jour-la des cliretiens les contribulions publiques. En memoire de la delivrance du genre liumain qui s'est operee le jour de Paques , il ordonna que , dans cette sainte so- lemnite , la liberie seroit rendue aux prisonniers. il en excepta seulement les sacrileges , les empoisonneurs , les adulleres , les ravisseurs , les ho- micides, les magiciens et les coupables du crime de leze-majesle, parce qu'il regardoit I'impunile de ces crimes comme trop opposee au bien de la sociele. II voulut que les amendes que Ton feroit pratiquer dans les causes ecclesiastiqucs , tournassent uniquement au soulagement des pau- vres. II defendit aux clercs et aux moines de frequenter les maisons des veuves et des orpbelines. Il confisqua au profit du fisc les donations que ces femmes leur feroient, sous pretexte de piete , de leur \ivant ou par testament. Il defendit d'admetlre dans le clerge les personnes riches etles decurions , a moins qu'ils n'abandonnassent la propriete de leurs biens ou a la communaute municipale , ou a quelqu'un de leurs parens qui suppor- teroient les charges publiques et rempliroient leurs fonctions (i). II vou- lut que les biens des vierges consacrees a Dieu fussent exempts detaille. II etendit ce privilege sur les veuves qui iie passoient pas a de secondes noces. Gratien porta une loi qui ordonne que les causes moins importantes , qui ont pour objet la religion , seront decidees par I'eveque ou par les synodes des dioceses (le diocese comprenoit alors le district d'une ou de plusieurs provinces) ; mais pour les civiles ou criminelles , elles devoient etre portees aux tribunaux des juges laiques ordinaireset exlraordinaires. Theodose ordonna d'interrompre toule procedure criminelle pendant les quarante jours qui precedent la fete de Paques. « Les juges , disoit-il , » ne doivent pas punir les criminels dans un temps ou ils attendent de » Dieu la remission de leurs propres crimes. » II suspendit les proce- dures, meme civiles, durant la quinzaine de Paques; et tons les diman- ches de I'annee , les spectacles furent interdits par son ordre. Gratien attaqua, en 382, I'idolatrie jusques dans ce quelle avoit de plus cher. Il confisqua les revenus attaches a I'entrelien des pontifes (1) Voycz ce qac nons avons (lit du senat par la nomination dusenat, par heritage, ou en inferieur dans notre Introduction , p. 251 (*). acquerant les biens fonds d'un dccurion. Quel- Lcs decurions etoient membres de ce senat : ques-uns entroient volontairemcnt dans celte leur chef s'appeloit Decemvir. La naissancefai- compagnie ; d'autres tachoient dc s'y sous- soit un dccurion. On ledevenoit souventaussi trairc u cause de scs charges. (*} Ci-dessus, Inlroduclioo , n. 202, p. 97. a. V. '8o niSTOIM rCCLtSFASTIQUE. paiens, ainsi que les Icrrcs donl la superstition avoit gratific les temples. II cassa les privileges et les iniiiuiiiites ties pretrcs. II allribuoit au fisc les fonds qui leur seroient legues. La dignile do grand ponlife , altachee depuis si long-temps a celle des empereurs , passa entre les mains du pre- fet de Rome. Gralien , qui trul ne devoir plus user de menagement poli- tique cnvers les idolatres, refusa la robe pontificale. Valenliuien II fit , de son cole , des ordonnances , pour la destruction des idoles. 5o. Les faveurs el les graces que les empereurs repandoicnt sur le chris- lianisme , lui acqueroient de plus en plus la veneration des paiens qui vouloient reflechir ; mais les edits qu'ils portoient contra ridolatrie , n'e- toient pour Fordinaire que des menaces. U paroit certain que la violence ne i'ut point employee dans les cites de Nantes ct de Uennes. Les eveques de ces deux dioceses qui , sans doute , avoient le meme esprit que saint Hilaire , leur voisin, se seroient opposes a cet abus, et ils se seroient ecries comme lui : Dieu est le Dieu de tons leshommes; il n'a pasbesoin d'une obcissance sans liberie ; il ne recoit pas une profession que le coeur desavoue ; il ne s'agil pas de le Iromper , mais de le servir. 5i. Cependant la f(ji que saint Clair avoit precliee a Vennes , n'y avoit jete que de foil)les racines. La voix des liommes aposlolicpies n'avoil point encore retenti cliez les Osismiens, les Curiosolites et les Diablinles deDol et d'Alel. Dieu en reservoit la conversion aiix liabitans de la Bretagne. Les Armoriques leur avoient donne la naissance selon la chair : les insulaires devoienl a leur tour donner a la pluparl d'cntr'cux la naissance selon I'esprit. 5i. Dieu , dit le venerable Bede (i) , qui choisit douze pauvres pecheurs pour convertir le nionde , inspira , du temps des empereurs Marc-Aurele et Commode son fils , a un prince de se faire apotre et de regarder comme moins avantageux de porter une couronne , que d'etendre la foi dans cette partie t'loiguc'e de I'univers. Ce prince s'appoloit Lucius (9). II regnoit dans une partie de la Bretagne, sous la drpcndancc de I'Lmpire romain. II envoya a Rome une ambassade pour demander au pape Eleutbere des ecclesiasliques qui pussent lui apprendreet a sessujets la doctrine clirelienne, celebrer parmi eux les saints mysteres et leur couferer les sacremens. Cette ambassade fut rccue avecjoie par le saint ponlife; il cliargea deshommes inslruits de porter iLvangilc dans la Bretagne. (1) Hist. lib. I.e. 4. blc , cl dc si , scujixeur , roi. (2) Le nom dc Lucius vicnl de luj, agrc'a- TROISIEME ET QUATRIEME SIECtES. l8l D'apres Gildas et Bede (i), on croit que Fagan et Damien etoient a la tete de cette mission. lis decederent dans le diocese de Landaff , on du moins, bien pies de ses limites. H y a eu , dans le pays de Galles, une eglise consacree sous leur invocation (2). Dans le comte de Sommerset , on a vu une eglise paroissiale qui portoit le nom de saint Deruvien , qui repond a celui de Damien (3). La foi que les envoyes d'Eleutliere avoient precbee dans la Bretagne y flit recue avec tant d'avidite , qu'elle passa bientot dans le nord de I'ile, oil , comme le dit Teitullien (4) , les aigles romaines n'avoienl pu pen^- trer , c'est-a-dire, qu'elle s'etendit jusques dans I'lrlande. L'Ecosse , lou- jours unie a la Bretagne et liabitee par les Pictes , qui etoient Bretons , fut eclairee de TEvangile a peu pres dans le meme temps que les sujets de Lucius. Saint Prosper, apres avoir donne au pape Celeslin I'cloge qu'il meritoit pour la jjeine qu'il prenoit d'etouffer le pelagianisme dans la Bre- tagne , ajoute qu'il « sacra aussi un eveque pour les Scots , et que , peu » salisfait de conserver la foi dans I'ile romaine , il travailloit en meme » temps a rendre cbretienne une ile barbare (5). » Usserius remarque ju- dicieusement que , par cette I'/e harhare , il faut entendre I'lrlande. Quoi- que I'Ecosse u'ait jamais ete subjuguee entierement par les Romains , elle a toujours fait parlie de I'ile de Bretagne. Les fideles y eurent peu a re- douter les persecutions des empereurs paiens : les forets et les grottes leur offroient des asiles. Saint Alban rendit neanmoins un glorieux temoignage a Jesus-Cbrist , sous Diocletien , dans la ville de Verulam. Cette ville , dont il ne reste plus de vestiges , fut detruite dans la suite par les Saxons. Les eveques de Londres , d'Yorck et de Colcbester assisterent , en 3i4^ au concile d'Arles. Tel etoit I'etat du cbristianisme dans la Bretagne aux troisieme et quatrieme siecles. 53. Les troubles qui agiterent I'ile du temps de Constance-Chlore, for- cerent un grand uombre de personnes a s'expatrier. Ce prince les placa dans le territoire des Curiosolites et dans celui des Venetes. Ce furent pro- bablement quelques-uns d'entr'eux qui dounerent le nom a Maure et Mauron ; ce sont actuellement deux paroisses du diocese de Saint Malo et dontle terrain etoit alors du departement des Curiosolites. Lesnoms de Maure et de Mauron sont originairement celtiques et viennent du terme Mawr qui veut dire grand. II servoit a distinguer les habitans de I'ile de (1) Usserius, Eccles. britan. antiq. f4) Lib. contra Judffos. (2) Ilarpisfield , Hist. lib. 1. c. 3. (5) S. Prosper contra collatorem. c. 21. (3) Annales do Stow. J 8a ItlSTOIRE ECCtlfsiASTIQUE. ccux de rArmoriquc. Celle parlie dii continent etolt connnc aussi sous le nom de Venelie, le meme que celui de Bretagnc , quanl a sa significa- tion. Ce qui differencioit done les deux nations , c'toient les lermcs de grande et de petite Hretagne , de nieme que de nos jours. Les Romains relinrent toujours I'ancienne denomination d'Armorique. Nous la conser- \ei'ons avec eux jusqu'a ce que les circonslauces nous delerminent h I'appe- ler du nom qu'elle porte maintenant. 54- A cetle transmigration , il en succeda plusicurs aulrcs. La plus me- morable et la plus avantageuse an cluistianisme , fut ccllc ([ue fit naitre Maxime , lorsqu'en 383 (i) il fut revetu de la pourpre. Get homme, sur la naissance duquel on a debite des choses si opposees les unes aux autres, sans avoir pu decider clairement ce qu'il eloit , parvint aux premieres di- gnilcs de la milice. Jaloux de I'clevation de Tlicodose , dont Gratien c'toit I'auteur , et vou- lant se frayer un clieniin a la couronne , il avoit excite secrelement a la se- dition les legions romaincs qui etoient en garnison dans la Crelagne. Les pretexles n'avoient pas manque a la revoke ; Maxime en recueillit bientot les fruits : il fut proclanie Auguste; sous le voile de la resistance , il jouit de cette dignite a laquelle il aspiroit avec ardeur. Ainsi, la (a) modestie caclie quelquefois Tambition la plus dcmesuree. (1) M. l'al)l:6 Gallet a prouvo qu'un grand iiombre de Bretons passirent en Gaiilc avec Maxime; qu'ils furcnt places dans I'Armori- que ct qu"ils ne rotouriiercnt pas dans I'ilc. Ccs prcuvrs se trouvcnt a la I'm de I'llistoi- rc dc Lrctagne, t. 1. , par D. Moricc et D. Taillandier. M. I'abbe des Fontaines , liabile critique , a adoplo ce sentiment dans son llis- toire des ilucs de Bretagne ; on ne voit pas qu'on puisse rallaquer d'une manii^rc solide. (2j Coramc ccs colonies nombrcuses dc Bre- tons vont s'incorporer avec les Armoriques ct Icur donncr en quelque manii^re la loi , il paroil interessant de les connoitre. Jules- Cesar, vainqueurdcs Gaulcs, n'avoit fait que itiontrer aux Romains la Bretagne. Lucain assure meme(Iib.2) , en termcsexprcs, qu'il futballu par les Bretons. Horace (Epod. lib. 7. 7.) et Tibullc ( lib. 4.) disent que celtc na- tion jouissoit , de leur temps , dc sa premiere independance. En cfTet, Auguste, content des fers dont il avoit encliaine sa patrie, ne rhcrcha pas a inquitter I'ilc. Tibere adopta ces idccs, trop conformes d'ailleurs a son in- dolence naturclle. Caligula parut raenacers6- ricuscment la Bretagne ; mais lorsqu'il cut range son armee en bataillc sur la cote de rile et qu'il lui cut doiine Ic signal du com- bat sans avoir d'cnncmis a sa rencontre , par un nouvcau trait de ces extravagances qui ne convenoicnt qu'a lui , il Dt ramasser des co- quillagcs h ses troupes , ct , charge de ccs depouilles , il s'cn revint Iriompher ;i Rome. Claude, ce prince si peu propre aux grandes choses, fit faire une expedition centre I'ile par Plautius. Ce gdneral experimonte rcmpor- ta des victoires , ct ses succes se multiplierent. L'empereur passalui-merae en Bretagne. Les fantii, les Alrcbalcs , les Rcgni ct les Trino- hanUs se soumirent a lui. Les Cantii habitoient le pays de lienl. Leur principalc ville etoit Durovcrnum , A present Canlorbery. Les Alre- baCes possddoicnt le tcrritoire dc Bark , les villes de Galleve , ou Calevc , suivant Ptolc- mcc, ct dc Spine ct Willengford. Les Rcgni Etoient situ6s a I'orient conlre les Alrcbalcs, TROISIEME ET QUATRIEME SIECLT-S. I 83 55. La jeunesse de I'ile suivit Maxime dans une parlie de ses expedi- tions. Pour la recompense!" des services qu'elle lui avoit rendus, en oil est maintenant le canton de Sussex et de Surrey. Les Trinobanlcs occupoient ce qu'on appelle Essex et Middlesex. Leurs villes les plus celebres etoient Londinu>n, dilc Augusta par Ammien-Marcellin , Londres ; DurolUum, quise nomme Leiton; Cumalodum , a present Maldon ; Colonia , Cokhcslrc. Cos pcuples etoient les plus civilises de la Bretagne. Le commerce qu'ils avoient cntrctenu avec lesAr- moriques Icur avoit donne des moeurs sociales, ainsi que le dit Diodore de Sicile. Comme eux, ils avoient depuis long-temps des pos- sessions fixes et stables. C'etoil pour en con- server le domainc qu'ils sacrifiercnt leur li- berie. Le gros de la nation, moins Iraitablc, et dont le premier bien eloit de ne point souf- frir de maitrc, s'opposa de toutes ses forces aux armes des Romains. Ostorius-Scapula , qui remplaca Plaulius, s'avanca ncanmoins chcz les Silures. lis possedoient les cantons d'llereford , Radnor, Brecknock , Montmouth et Glamorgan. Ce peuple , si nous en croyons Solin , ne faisoit point usage de I'argent ; le commerce ne se faisoit chcz lui que par echange. Le maniemcnt des armes etoit sa profession favorite. Le general romain rem- porta cepcndant une victoire complete sur Caractacus, clief des Bretons, et le fit pri- sonnier. Les rigueurs militaires et les exac- tions des prefels qui , sous le regne de Neron, accablerent la Bretagne, lasserentsa patience. Suetonius-Paulinus, qui commandoit les gar- nisons romaines , attaqua Tile Mona, aujour- d'liui Anglesey. C'etoit la principale demeurc desdruides, le centre de leurs superstitions et de leur autorilc. La place fut emportee malgre refibrt des soldats bretons et le fana- tisme des prclres , qui couroient le long du rivage comme des furies, avec des femmes armees do torches alluraees , et qui, tous en- semble , faisoient retenlir I'air de hurleraens epouvantables, de cris coufus et de conjura- tions effroyables. Les druMes perircnt dans les memes feux qu'ils avoient destines aux ennemis de leur liberie. Les autels sur Icsquels ils versoient le sang huraain furent renverses et leurs bois sacrcs abattus. Tandis que cettc sanglaiite expedition se passoit , Baodicce , reine des Iceni, qui occupoient les cantons de Suffolke , Norfolk , Iluntinghdon et Cam- bridge, ne prenant conscil que du ressenti- ment des outrages que les tribuns romains lui avoient fait essuycr, s'eloit mise a la tele des Bretons. Cette heroine avoit dcja force plusieurs places, lorsque Suetonius se mit en tete de secourir les autres. II fut oblige d'a- bandonncr Londres aux revoltes. Cette ville, que les Romains avoient dcja rendue Dorissante par son commerce , fut livrce aux Oammes , et ses habitans furent passes , sans distinc- tion , au fil de Tepee. Suetonius prit bientot sa revanche. II profita d'un poste avantageux ; la bataille qu'il gagna fut decisive. Baodicee , pour ne pas survivre h la liberie de sa palrie et a la sienne , se fil pcrir par le poison. Ca- ton d'Ulique s'etoit perce de son cpce dans une scmblable circonslaiicc. L'un ct I'autre n'a- voient pas fait attention que la vie est un pre- sent du ciel dont nous lui devons compte , et qu'il n'appartient qu'au maitre de nos desti- nees de reprendre ce bicnfait qu'il nous a mis en depot; mais il n'y a que la religion chre- tienne qui puisse nous apprendre Tusage que nous devons faire de I'adversite et nous en montrer les avantages. Baodicce ct Caton etoient malhcurcuseracnt paiens. Cerealis , qui comraanda sous Vespasicn , se fil respec- ter des Bretons. Julius-Frontinus, qui lui suc- ceda , jouit du meme bonheur. Get homme , si recommandable par ses vertus morales , gou- verna la Bretagne sous Vespasicn , Tile ct Do- milien; il souraila I'Empire toules les parlies meridionales de lile. II eraploya loules sortcs de moyens pour rendre douccs et agreabies les chaines qu'il venoit d'imposcr. II fit lleurir les sciences et les Icllres dans la Bretagne ; il y inlroduisit en meme temps la langue, I'ar- chilcclure, les habits et les coulumes des do- mains. Les Bretons devinrent d'autres hom- mes. Le portrait que Slrabon en avoit fait au qualriemc livre de sa geographic , ne ressem- ble plus k ce qu'ils etoient du temps de Fron- tinus. Agricola porta le premier I'cpouvante dans la Caledonie, herissee de monlagnes et de forets ; c'est la partie seplenlrionale de la Bretagne. Elle etoit ainsi appelee du nomdes 'S'l mSTOIRE ECCLl^SIASTrQL'i:. conliibiiaiit a le faire Iriompher de Gratlen, il la placa dans I'Armoii- qiic. L ne parlie occupa Ics cotes des Diabliules. Ellcs n'avoicnt pas alors Calcdons qui habitoicnt ce pays. Pacuvc et, aprcslui , Varron rapporlcntqucla Calcdonic produisoit des liommes dorit Ics corps eloient gros et 6pais. Aussi, par Ic termc calcd , on cntendoil grosscur , et par celui do calcdon , (jrns. Les ancicns Ics appeloienl souvont l)cu- calcdons ou Dicalcdons , pour cxprimer leur bravoure. En clTet , Ics noms de dewr ct de dich signifient vaillanl , couragcux. Agricola pcnetra nicme dans Tlrlandc, jusqu'alors in- connuc aux domains. La revolte dc ccs bar- bares , sous Icur chef Galcacus , ne servit qu'a augmcnlcr la ploirc du general remain : ils furciit dcfails dans une action decisive. Corap- tanl pen sur la souraission de ces pcuplcs iii- (raital)lcs, qui dcvoicnt un jour opprimer la Bretagne, Agricola fit clever un rcmpart ct clalilit des garnisons entre Ics detroits dc Clyde ct dc Forlh. Par ce moyen, la com- munication entre Ics sauvagcs et les provinces roraaincs fut interrompue ; cllcsse trouverent h I'abri de leurs incursions. Adrien suivit le mi^rae plan. Pour dcfendre de plus en plus les frontieres dcTEmpirc, il fitconslruirc, durant le voyage qu'il fit en Bretagne , une forli- lication de terrc dcpuis remboucliure de la Tine jusqu'au golfc dc Sohvai. Loliius-Urbi- cus , lieutenant de rcmpereur Antonin Ic Picux , rcpara , I'an 1V4, le boulevard d'A- gricola. CVtoit au-dcli de ce boulevard que ceux des Bretons qui ne voulurcnt pas se soumeltre i Agricola s'6toient retires. On leur donnoit , particulierement chcz les Romains, le nomde Pictos. lis sc reunircnt aux anciens habitans ct fircnt corps avec eux. Les Scots, qui donncrcnl leur nom i I'Ecosse, i cause des colonics qu'ils y fircnt passer, s'etoient d'abord clablis dans I'lrlandc. C'est pour ccla que, pendant bien des sieclcs, les habitans dirlandc ont etc appel6s , suivant Orosius , tanlot Scots el tantut Iriandois. Ces Scots ti- roicnt leur originc des Celtes. Leur languc paroit 4 quelques savans la mOrae quo cclic dont se servenl encore les paysans dlilaudc ct les nionlagnards d'Ecosse. Ils n'y trouvent que quelques variations que la longueur des tctpps a introduites. On croit que cettc languc est un dialectc de cellc des anciens Cclles , qui , selon Pellouticr ct Sfallet , se repan- dircnt de la Scythic asiastique dans presque toutes les parties de I'Europe. Quoi qu'il en soit, I'lrlandc doit ses premiers habitans a la Bretagne. La proximile dc ces deux iles auto- rise a former cette conjecture. Tacite assure d'aillcurs que les Iriandois avoicnt , a pcu pres, les m(^racs mcrurs que les Bretons. Ceux-la avoicnt pour maisons des huttcs failcs d'osier qu'ils plioient avec art el entrela- coient de quelques lattcs ; la couverture de ces maisons ctoit de paille. Cette maniere de batir leur valut le nom de Scots. Scot ou col vcut dire rhatimicre , hullc. Outre Ic nom d'Ecosse que porta I'lrlandc, on la nomma encore Ivernia, llibernia , lern ct Iris. Ccs deux premiers noms font connottrc la ma- licre que Ton employoit pour la construc- tion de ccs huttes. Us sonl derives d'j, habi- tation , ct de vcrn ou hern, saiilc. Le saule est un bois qui a la llcxibilitc de I'osier, ct qui devoit etre trfes-commun dans le terrain aquatique d'Irlandc. /crnest une erase d'ii'ern. Iris , qui vient d't'r ou rr, tcrre , et d'lj, can , designe un pays huraide. Seplimc-S6vcre , aprcs avoir perdu cinquanlc mille hommcs centre les barbares el recule un peu les fron- tieres , substitua, en 208, un mur de pierrcs a celui d'Adricn. II ne se passa rien d'im- portant en Bretagne jusqucs vers la fin de re siecle. Carausius , que sa valcur avoit elcvc au-dessus de sa naissance , fut charge , Pan 286, dc rcprimer les Francs ct les Saxons qui intestoicnt les coles dc rArmoriquc ct cellcs de la Bretagne. Les Saxons etoieiil Gcrraains ; c'ctoil une des plus braves tribus de ces pcuplcs guerriers. lis s'etoient repandus du scptcntrion de la Ccrnianie et de la Chersonese Cimbriquc , ct s\'toient cmpares de toutes les cutcs dc la mcr dcpuis remboucliure du Rhin jusqu'au Jutland. C'est de la qu'ils faisoient des courses sur la Bretagne el I'-Vrmoriquc. On ne les a connus que trop dcpuis sous le nom de Norniands. La quillc dc leurs vais- scaux ct tout cc qui plongeoit dans I'eau ^toit d'un bois tres-leger; cc qui paroissoit au- dessus dc I'eau n'eloit qu'un tissu d'osier couvcrt dc cuir. Les Saxons voituroicnt ces la TROISIEME ET QUATRli:ME SXECLES. I 85 la meme position que de nos jours. S'il est vrai , comme nous avons tache de le prouver ailleurs , que I'espace occupe maintenant par la mer , de- bateaux par tcrre , lorsqu'ils avoient des eic- peditions k faire loin des cotes dc la mer sur le continent. « Le moindre rameurd'entr'eux, » dit Sidoine- Apollinaire dans sa sixicme » Icttre , est capable de commander un vais- » seau corsaire. lis ne laisscnt point passer » une occasion de s'instruire reciproquement » Tun I'autre sans la mettre \ profit, et ils » font alternativementla fonclion desoldatet » celle d'officier. Yous ne sauriez trop vous » tenir sur vos gardes contre le plus dange- » reux des ennemis. S'il vous trouve en de- » fense , ii se retire ; si ces pirates vous sur- » prennent, ils vous mettent en deroutc. lis » laissent la ceux qui Icsattendent, pour allcr » chercher ceux qui ne les attendent pas. Si » le Saxon poursuit , il a bientot gagne les » devans ; s'il fuit, il echappe. Les naufrages » auxquels il faut s'exposer, en tentant quel- » que entreprise , lui paroissent des incon- ■» venicns , mais non des obstacles. On croi- ■» roit que nos Saxons ont vu la mer 5 sec , » tant la connoissance qu'ils ont de tous ses » bancs et de tous ses ecucils est precise ; » rOcean d'aillcurs n'a point de danger avec » lequel ils ne soieni , pour ainsi dire , fanii- » liariscs. Une tempete horrible augmente » leur conDanee , et c'cst en se felicitant les » UDs les autres de ce quele cici leuraccorde » un temps si propre a rassurcr , contre la » erainte d'une descente , le pays qu'ils vcu- » lent surprendre et saccager, que nos Saxons » luttent contre les ondes en fureur. o Mais revenons a Carausius. Get officier auroit rempli avec honneur rimportantc commission dont il cloit charge , si Tappet des richesses n'avoit point corrompu son coeur. Ses pre- miers succcs repondircnt h Tattenfe que Ton avoit concue de ses talens. Accuse bientot de rctenir une partie du butin qu'il faisoit sur ies pirates et de se concerter avec eus , il fut condamnc a payer de sa tete. A ce crime , il ajouta celui de la revolte. Pour sc mettre ;\ couvert du supplice, il prit la pourpre et s'empara de la Bretagne. Allectus , son ami, vcngea Rome par sa mort : cet attentat lui ouvrit Tentree au trone. Poursuivi a son tour par Constance-Chlorc , I'an 296, il perdit la bataille et la vie , fruit ordinaire dc I'ambition. La Bretagne, oil la guerre sembloit avoir fixe son sejour , n'avoit pas h espcrer d'y rappeler la paix. Une perspective si desolante inspira a plusieurs des habitans d'aller chercher ailleurs la tranquillite apres laquelle ils soupi- roicnt. C'est dans ccttc position que Constance- Chlore leur donna une retraite en Armorique. Les habitans du nord de la Bretagne remue- rent sous Conslantin : ce qui occasionna une nouvelle emigration. En 367, les Barbares reprirent les armcs contre les Bretons. Ils franchirent les barrieres romaines , et por- terent de tous cotes le for et la Qamme. Necla- ride, qui exercoit I'emploi de comte d-ins le commandement maritime , c'est-i-dire , qui 6toit charge de gardcr ces coles , fut mis a mort; Fullofaudc, qui etoit due du meme commandement, c'est-a-dire, general des trou- pes, fut surpris dans une embuscade. Valen- tinien, instruit du danger ou se trouvoit la Bretagne, envoya Theodosc a son sccours. Cet officier (^toit Espagnol de naissance et d'une famille distinguce. Sa bravoure et son experience etoient egalement connucs ; sa fi- gure avantageuse Oxoit agrcablcment les re- gards ; son eloquence etoit vivo et militaire. Ce qui le faisoit rcmarquer davantage , c'est que sa modcstie lui cachoit ses talens. II n'a- voit pas affaire, ainsi que ceux qui I'avoient precede , aux seuls naturels du pays ; les Scots d'Hibernie s'ctoient unis u eux. Les uns et los autres ne respiroient que le sang remain et le pillage des richesses de leurs voisins. Pour tenir tote a ces brigands , Thcodose ras- sembla toulcs les troupes de I'ile ; il y fit joindre les descrleurs, h qui il avoit accorde une amnistic. Dulcitius , excellent capitaine, lui futdonne par I'empercur 'V^alenlinicn ; Ci- vilis , dont la droiture et la justice etoient au- dfssus de tout soupcon , fut nommc vicaire des prdfets. Un debut si sage annoncoit des succes. Aussi, par la prudence avec laquelle Thcodose distribua ses troupes , ct par I'acli- vile soutenue qu'il cmploya dans ses opera- tions militaires, il vint i bout de dissiper les Barbares , de les faire rentrcr dans leurs fo- rcts et de les rechasser dans leurs monlagncR. 24 l86 HISTOtr.E ECCLESIASTIQIJE. puis I lie dOiiessanl jusqu'au Pas de Calais , eloit autrefois une parlie dii cuiilineiu, on concoit que la nier n'a couvert celle etendue de torrequa successivement , el que Ic lieu de son rivage a varie a proportion de ses invasions. Outre celles dont nous avous parle , on est porte a croire que les .Minliers(i) , I'iled'Aungny {">.) et les Casquels (3) ont ete babiles ; mais rien no nous indique I't'poque oil ilsont passe sous Ic domaine de la mer. II paroit certain que, du temps de Maxinic , les nionlagnes de Cliosey servoient encore de digue a eel element. Une vasle foret qui s'elendoit de- piiis Aldernay , Chosey el les Mintiers , jusqu'a- Dol , n'avoil pas encore eprouve les insulles de I'Ocean. La portion de celle foret qui dependoit de TArmorique , s'appeloit Cancaven (/j), nom que Ton relrouve dans celui tie (^ancale. il est probable (|ue quelques-uns des insulaires s'elablirent dansle lieu ijudn nomme CanUas(5) , et donl la mer, qui s'en est emparee depuis , ne montre plus que le sommel. On reconnoit , dans les noms de Baguer-r Morvan , de Bagiier-Piccan et de Miniac-Morvan (6) , qui sont trois pa- l.a Brelagiic avoil ete divisec auparavant en quatre provinces par les Remains. Les pays rcconquis donnercnt occasion au general d'en furiucr une cinquieme, qu'il appela Valenlia, a cause de rempercur. C'ctoit I'Ecosse racri- dionale. Quelque precaution que prit Thiio- dose pour aflcrmir la tranquillitc publique, la desolation oil Tile s'ctuit vue plougee resta fortement gravec dans les esprits. (1) Ces rochcrs ainsi nommes par la plupart di's liabitans de !a ciUe voisine , sont appelcs Musquicrt dans la carte de la Manclie qui a ete dressce par M. Bellin , en 17C3. Le ternic Minliers se derive de miii , poitilc ; de li , ha- bitation, et d'er , parliculc privative. Ce qui veut dire : canton qui se icrmine en pointe et qui n'eslplus habitc. Le molMusquicrs vieiit dc tiiirs , (h'lruiie , ct dc/.ir, ville , hahilalion: hahitalimi detruile. Les Mintiers sont presquc entierement couverts d'eau de nos jours dans les grandes marecs. (2) Cette Me, voisine de la c6te occidcntalc du Ciitentin , dont olle n'est separee ([lie par un delroil qu'nii nonunc le Raz-IUunchar , s'appeloit autrefois Aldernay ou Arderney. Ses ciMcs du nord , de I'ouest et du midi sont liordecs de rochers etd'ecucils. Cc qui prrtuve qu'clle a ete d'ahord unic a la tcrre ferme. Ls surface de cetlc lie n'ctoit qu'une foret : aJ ou ar, grandc ; den, foret. Ortelius rap- porte , dans la vie de sainte Osilhe , qu'il y. avoit eu , dans la Bretagne insulaire , une fo- ret du nora d'Arderna ; c'est la menie qu".4r- dcn. Cambdcn assure qu'on nommoit ainsi celle parlie de NVarwyshire qu'on connoitsous le nom de Voodlan , c'est-i-dirc , de payt de forcts. Vod ou god , foret ; Ian , pays. La forr'l d'Aldcrnay ou d'Aurigny s'elendoit jusqu'au cap dc la Hague {aga , foret). Aurigny n'a pris cc nom que depuis lepoque uii le terrain qui est cntre celle tie et le cap de la Hague a etc envalii par la mer. Afr , qu'on prononce aur , di'lruile ; in, belie ; hi, fnrel : belle fn- ret di'lruile. (3) Le lermc Casquels a pour etymologic cas , habitation, et Aef , particule ndgalive. Cc (|ui designg un terrain o» il n")/ a plus d'hubitans. (i) (an . belle ; ca , foret ; aven , riviere : bclk foret au milieu de laquelle coulent d> de la seconde Bclgique , savoir : ecUc de » Boulogne , celle des Morins , et cnfin cello " des Ncrvicns , qui ctoit a rexlrcraite des » Gaulcs , ct touchoil le Bliin , et que la No- » lice dcsigne en general par Texprcssion , » Xcrvicanus limes. On avoit apparemmcnt , » continue eel hislorien, rcnferm(5 dans le " commandemenl arraorique et nnrvien , ces » (rois cites , situ^es cntre le Hhin et les » confins de la seconde Lyonnoise, qui est » noire Normandie, afin que loulcs les Irou- » pes el loulcs les (lolles destinecs i la garde » des c6les de la Gaule ccllique sur I'Ocean , » fusscnt sous les ordrcs du ineme ollicier , » du due qui commandcroil dans ce gou- » vcrnemenl militaire. » Cost par le mi-me motif qu'on avoil compris dans le radrac com- mandemenl la seconde el la troisieme Lyon- noise , la premiere Aquitainc ct la seconde Aquitainc. Co due , qui avoil h sa disposition loutes les troupes, en cas d'evcnemens ox- Iraordinaircs , pouvoil en faire passer dans les licux oil le besoin du service I'exigeoit. Ce n'ctoit pas sans raison qu'on avoil annexe au meme gouvcrncment Tours ct plusieurs cites de la Iroisiemc Lyonnoise qui sonl me- diterranees, ainsi que toute la qualrienu' Lyonnoise ou la Senonoise , dont aucuiie cite n'6loit baignec de la raer. Les Saxons, dont nous avons parle ci-dessus , el les autrcs barbarcs , qui faisoicnl le metier d'ecumcurs de mer , ne se bornoieiil pas a descendre stir les cotes : ils rcmonloicnt les fleuvessur Icurs bateaux aussi loin qu'ils vouloicnt. Pour ar- reler ces brigands , on cnlrelcnoit dans les rivieres des Oottcs de barques el d'autres bMimens plats. Les bassins et les arscnaux de ces Holies eloicnt fort avanl dans les lerres pour le service du pays, et pour ne pas les exposer i I'ennemi. II y avoil une (lotle qui gardoit la Loire, el une autre la Seine. La nolle do la Seine avoit son bassin el ses arse- naux a Paris. TROISIEME Et QUAtHiijlE SIECLES. Tf)! droits de TEmpire. Ces raonarques servoient aux Romains d'instrumens de servitude et relevoient I'eclat de leur grandeur. Le prince breton con- serva sa dignite sous la dependance de Theodose. G2. Conan jouissoit des douceurs de la pais et du plaisir loujours tlal- teur de commander a un royaume. La perte qu'il avoit faitede son epouse poHvoit seule jeter du trouble dans son ame. Les jeunes gens de Tile qui vivoient sous ses ordres , ne connoissoient point encore , du moins la plu- part , le joug de I'hymen ; ils avoient quilte leur patrie de trop bonne lieure pour avoir pu y contracter un pared engagement. Le roi et cette jeunesse devoient naturellement jeter les yeux sur leur pays natal pour former ces alliances. Ursule (.1) ne seroit-elle point celle que Conan se des- tinoit ? Elle etoit nee sous le meme ciel que lui. Lesonze mille vierges que Ton met ordinairement a sa suite , ne devoient-elles pas aussi douner leurs mains a ceux de ses officiers et de ses soldats qui n'avoient point d'e- pouses ? C'esl sous le regne de Maxime qu'on les fait sortir de la Bretagne. Un vent favorable les auroit bientot conduites en Armorique , 011 la re- ligion , ayant en main le flambeau conjugal , les allendoit. Une tempete elevee tout a coup submergea les ones et transporta les autres vers Co- logne. Des idolatres , avides de leurs depouilles , eurent de quoi satis- faire leur ardeur pour les ricliesses. Ces filles chretiennes connoissoient le niepris qu'on en doit faire. Leur seul bien , dansce moment critique, etoit leur foi et leur bonneur. Pour les conserver , elles aimerent mieux sacrilier une vie perissable : aux lis de la virginite , elles ajoulerent les roses du martyre. Le Martvrologe romain ne limite point le nombre des compagnes de sainte Ursule. Ce qui merite une attention particuliere , c'est que les dio- ceses de Dol et de Vennes , ou nous supposons que ces vierges devoient s'aireler , les ont reverees immediatement apres leur martyre. Du moins est-il certain ([ue leiu- culte y est si ancien qu'on n'en pent trouver I'epoque. A. Vennes , on fait I'office de sainte Avoye ledeux de mai. Une des cba- pelles dela cathedrale de Dol esldediee a cette vierge Quelques-uns Tout confondue mal a propos avec sainte Aure , qui vivoit au septieme siecle. C'est une tradition que saint Juvat , pretre , souffrit le martyre avec sainte Ursule. 11 est patron d'une paroisse de son nom , aupres de Dinan , dans le diocese de Saint-Malo. f.a plupart des anciens calendriers des saints (1) Le nom d'Vrsuk vient d'ur , noureau, ct de sul , soleil. 19^ ' HISTOIRE ECCLJESIASTIQCE. des eglises armoriqiies deposent que sainte Ursule et ses suivanles y eloient honorees d'liii ciille special. On conserve a IVanles des chefs de qiielques- nnes de ces saiiiles vierges raartyres. Nous savons ([ue la Clironiqucde saint Iron n'en compte (pie onze (i). Mais qui nous assuiera que son auleur a rencontre le \rai ? Son autoritc doit-elle I'emporter sur le Marlyrologe roniain , qui ne determine point le nombre de ces vierges? Le sentiment de ceux qui en font una communaute de filles consacrees l\ Dieu , a la tete desquelles ils mcltent sainte Ursule , esl-il bicnappuye? Personue , dans Tantiquite , n'a parle de ce monastere : aucun ne la place a Cologne ou aux environs. Quoi qu'il en soit de tout ceci , le culte que Ton rend a sainte Ursule et a ses compagnes est legitime en lui-meme. L'Eglise, (pii I'approuve, n'au- torise point les liisloires fabuleuses qu'on a debitees de leurs vies. Ce que nous en avons dit est du nioins vraisemblable. Les Bretons Letcs , qui ont eu pour patrie la mcme terre que ces saintes niarlyres , ont eu ce mo- tif de plus que bicn d'autres , pour recourir a leur intercession. 63. Cependant les troupes bretonnes , en peuplant unepartiedu Pagtis «"''• (5) Ochmius prend le sicn d'og , persuasif, %cle. au Qgur^ prince ; ct de fur , sage. ^, ^^ ^. _ j,^,,^^^ ^^ ^^. ^^^^^^^^^ ^^.j, .^^-^^ (3) Usscrius, Brilan. Ecclcs. Anlkj. eloquenl. plus TROISIKME ET QUATRIEME SIECLES. IqS plus encore de ses rares vertus que de sabeaute , (jui I'elevoit au-dessiis de son infortune , crut Irouver son bonheur en la prenanl pour femme (i). 65. Outre celte alliance , qui donnoit a Calphurnius des rapports parti- culiers avec lesGaulois, Conan etoit son cousin. II y fut recu par ce prince avec tous les egards qu'il meritoit , et avec une amitie que ue donne pas toujours le meme sang. Patrice , Deochoin-Sannan , Lupile , Agris, autrement Tigride , Lianiain , Darerea et Cinnemuni, ses enfans , I'accompagnerent dans celte transmigration (2). Les noeuds (jui les unis- soient se resserrerent de plus en plus. Conan epousa Darerea. Le beau- pere eut un etablissement dans le territoire des Diablintes d'Alet , assez pres de la mer (3). 66. La joie de Conan ne fut pas long-temps pure. Des pirates liiber- nois firent une descente la meme annee de son mariage sur le terrain des Letes-Bretons. Calphurnius perdit la vie dans le combat. Patrice, quoi- que jeune , y fit des prodiges de valeur. Ce qui le fit appeler Succat , ou vaillant giierrier (4) , nom qu'il conserva jusqu'a ce qu'un genre de guerre plus favorable a I'humanite et a la religion lui acquit pour toujours celiii de pere. Malgre sa bravoure , il tomba avec Lupite entre les mains des barbares : tous deux furent fails esclaves suivant I'usage. C'etoient proba- blenient ces Ilibernois qui ruinerent la ville de Corseul , du moins au- cun monument n'en fait mention depuis ce temps. 67. Patrice recouvra la lilierte vers Tan 3g5 et repassadans lesGaules. 11 se relira d'abord aupres de saint Martin , son grand oncle, qui lui don- na la tonsure monacale. Apres avoir passe quatre ans sous la discipline de ce pere de la vie monaslique , il revinl en Armorique pour y revoir sa fa- mille. Il s'arreta peu de temps aupres d'elle ; desabuse des grandeurs pre- tendues du monde , il prefc'roit au lumulte de la cour de son beau-frere , la paix (|ui regne dans la solitude et qui rapproclie de Dieu par elle-nieme. 11 la trouva sous la direction d'un saint homme nomme Tathee , dont nous aurons bienlot occasion de parler. La confession de saint Patrice , qui passe pour avoir des marques cer- taines d'authenlicile , porte qu'il naquit dans un canton nomme Jioiuiven ( 1 ) Usserius, Britan. Eccles. Antiq. Calphurnius, nomme id la mer qu"iltraversa. (2) Idem , ibidem. ^°Z ."PP''""'"' ' P" '« ^i" dc Declan et d'Aibee, que celte meritoit la Manche. hi, (3) L'ancien Scholiaste de Prochus, dont pelil : mare id, pelile mer. nous avons parle, qui vivnit vers la fin du (4) Jocelin ct plusicurs autrcs dijeni qu<' sixieme siecle , et qui appcllc Armorique-Le- Patrice fut nomme Succat , c'cst-a-dire, raii- tane, ou Bretagne-Lele , le pays oil aborda lant guerrier. 2 5 194 niSTOIRE ECCLESIASTIQUE. Tabeniia- (i). C'esl le hoiirg de Kill-Palrik en Ecosse , a remboucluire de la Cluid, entre Diiiihiillon el Glascow. Ce qui confirme cc cjue nous avons avance louchant la paliie de Calplmrniiis. &%. L'incursion des Hiberiiois en Armorique n'avoit ete qu'un coup de main : la tranquiilile y ful bienlot retablie. Mais il ne sufTisoit pas de niettre de Tordre dans le civil ; la religion exigeoit que Conan vint a son secours. Nantes et Rennes ctoient les seules villes de TArmorique qui pussent se gluiifier en Dieu d'avoir des evcqucs a leurs tetes. Les Letes-Cretons , qui faisoient profession du chrislianisrne , et qui avoient pour demeure trois dt'parlemens separes , avoient besoin d'un clerge pour leur aider a remplir les devoirs de la religion. Dans celte vue, Conan fonda deux cvcchcs , I'un a Vennes (2) et I'aulre a Dol. Grallon , comte de Cornouaille , en etablit un a Quimper. C'etoit en meme temps un moyen d'acquerir a Jesus-Christ ceux des Armoriques paiens qui habi- toient ces difierens territoires (3). Ces etablissemens , si glorieux a leur§ auteurs, se firent avant le commencement du cinquieme siecle. BEMA.RQUES PARTICULjtRES. I. 6g. Si lespeuples de I'Armorique avoient eu soin de conserver dans sa purete la religion revelee , ils auroient eu peu d'obstacles a vaincre pour reconnoitre la divinitc du cbristianisnie. La confrontation des dogmes de la tradition avec ceux de Jesus-Christ eut produit une conviction entiere dans leurs esprifs. lis se seroient apercus bienlot que la religion primi- (t) Jocclin rend Bonavcn Taberniw par la- dans cettc ville. Jean de Tinmoutti appelle ce hernaculorum campus. Cc qui dcsigne un camp prince Caradauc. Ce lermc , qui est compose remain oii Ton avoil bJti uno forlcressc pour de cara , prince , et de dauc, grand, n'cst servir de defense conlrc les Pictes et les Scots, pas dilTt-rcnt de cclui dc Mcriadcc. Mcr . Ce lieu ctoit du dopartemenl de la province grand ; rcilh, prince. A la petite monarchic romainc a qui le Ronoral Tlicodose avoit don- que Caradauc occupoit dans une partie de nic ne le nom de Yalenlia. Le premier nom de de Bretagne, il ajouta cclle de IWrmorique. Patrice eloit Maun, suivant Ncnnius : il ne (Qui, CaradaucusJ uHra Urminos Britannim prit celui de Patrice qu'apres son sacre. Maun regno prnpagalo , minorcm Britanniam regno ou aun , riviere : homme ne sur le lord dune >uo subjugaverat. (Usser. Anliq. Eccles. Brit. Hviere. Le nom de Bonaven Tubcrnia: se lire pag. 2TG). Ce qu'on ne peat dire que de Co- de hon , ctnhouchnre ; iVaven , riviere ; de la , nan Mcriadcc. IIocl L qui , au commencement anidc, de,cldcbcrn,montagne: embouchure du sixiemc siecle, abandonna FArmorique de riviere voisine dune montagnc. Dunbritton pour se soustraire aux Saxons qui en faisoient est sur un rocher escarpe. la conqu<:-te pour les Francois , et qui , quel- qucs anni'cs aprcs, la reprit les armes ah (2) M. I'abb6 Gallet a prouve que Tathec ou ^^.^^ _ ^..^^.^^ gucuncs possessions dans file Paterne a etc le premier ev(^que de Vennes , , npg,j„„g et que cc fut Conan Mcriadec qui le pla?a ^3^ ^ Morice, Hist, dc Bret t. L TROISliiME ET QDATRlfejIE Sli;CLES. 103 live n'etoit que I'ombre et la figure de la nouvelle alliance : ils auroient senti que le christianisme lui donne toute sa perfection , et que tous les croyans , depuis Abel jusqu'a eux , ne s'etoient sanctifies que par celui qui devoit elie envoye. Quoique le Seigneur ne leur eut pas confie particulierement sa parole , ils n'auroientpasmoins faitpartie desonEglise. «LesJuifsavoient et^ sans » doute , a proprement parler, ainsi que le dit saint Augustin , le peuple de » Dieu ; mais on nepeut nier, ajoule ce docteur, que quelques hommes » des nations etrangeres n'aient appartenu , non par une societe cliar- » nelle , mais seulement spirituelle , aux vrais Israelites qui etoient ci- » toyens de la patrie celeste. Tel fut le saint homme Job : il n'etoit ni » Juif , ni proselyte du judaisme. Son origine etoit idumeenne ; il naquit » et mourut dans celte conlree. Personne de son temps ne I'egala en jus- » tice et en piete, selon les divines Ecritures. Je ne doute point , conti- » nue ce Pere , que Dieu n'ait \oulu nous apprendre , par cet exeraple- » la seul, qu'il a pu se trouver aussi, parmi d'autres peuples , des » hommes qui vivoient selon la loi , qui lui etoient agreables , et dont le » nom etoit ecrit dans la Jerusalem celeste (i). » Le centenier Corneille , romain , ou , du moins italien de naissance , sans etre circoncis ni disciple de Jesus-Christ , etoit , au milieu des ido- latres, un homme religieux et craignant Dieu. Sa famille a merite le meme eloge. Aussi I'appareil de la religion mosaique n'etoit que pour les Juifs : le fondement de cette religion sainle, qui etoit appuyee sur les traditions , regardoit lout le genre humaiu , parce qu'elles avoient ete donnees a toutes les nations. C'etoit a elles de les observer et de les garder soi- gneusement , telles que I'Elre Souverain les leur avoit confiees. La plu- part des lois judaiques servoient de barriere contre I'idolatrie , et veilloient a la conservation du depot general. C'etoit une preuve de I'attention marquee que Dieu avoit pour ce peuple choisi. Par une nouvelle prero- gative , I'Esprit-Saint avoit charge la synagogue de perpetuer ce depot , sans alteration , jusqu'au temps du Messie. Les differens peuples pouvoient la consulter, soit pour se rappeler I'ancienne croyance, lorsqu'ils s'en etoient ecartes , soit pour y perseverer. 70. Mais les Armoriques n'avoient pas tenu une conduite si sage. Nous avons vu jusqu'ou ils avoient pousse la superstition , et avec quelle faci- ei) Dc Civit. Dei , lib. 18. c. 47. iq'' iiisToiRE r.ccLiisi vsriQur. lilo ils avoieiil rccii Ics dieiix de Rome. La religion chrclicnno , ciincmie dc lous les culles, allaquoit de front celte veiu'ralion parliculitre ([u ils avoient pour ces gonies qu'il leur avoil plii de placer dans les Fontaines , les rivieres et la mcr; ellc avoit en liorreiir les divinations de toute es- pece auxquelles ils s'etoient allaclies ; la pliiralite des dienx lui etoit dia- metralement opposoe. Quelles contradictions ne dul-elle done pas eprou- \er, lorsfju'elle ful annoncee dans rArmoriquc ? S'c\pose-t-on , sans de puissans motifs , a la liaine, au nu'pris, aux lourmens , a la niort ? Que ne durent done pas faire Donatien et Rogalien pour refuser leur noni a cette religion ? Une naissance illustre , jointc a des talens superieurs , leur ouvroit la carriere des lionneurs et faisoil naitre sous leurs pas les plaisirs d'un siecle corronipu (pie le paganisnie encensoil. Les deux partis sont balances : Jesus-Christ crucifie a triomplie dans leurs cocurs, et ils voudroieut dcja parlager ses souffrances. Auparavant idolatres , qui les a transformes tout a coup en d'autres hommes? Qui les a engages a me- priscr ce qu'ils avoient rcspecle le plus, et a tout sacrifier jusqu'a leur vie? II faut que ces deux athletes aient ele spectaleurs de grandes clioses , et qu'ils aient ete etrangement touches des merveilles et de la necessite dc la religion qu'on leur a prechcc. Bien plus , les tortures ([u'on employa pour les faire relourner au paganisnie durerent trop long-temps et furent trop cruelles pour qu'ils eussent pu les soutenir avec serenite , si le ciel n'etoit venu a leur secours. Leur perseverance doit etre comptee parmi les miracles. La confession de ces deux freres lenoit a celle des martyrs de tous pavs , de tout age , de lout sexe et de loule condition. ('\'loienl autanl de lemoins irreprochables qui deposoient en faveur de la divinite du chrislianisme. Leur chaine , dont les anneaux etoient innomhrables , com- mencoit par le diacre saint Etienne, et s'etoit prolongce jusqu'a I'avene- menl de Constance-Chlore. Quelle foule de temoius ! La conviction des marlvrs de Nantes ('toit appuyce sur les miracles de leur temps. Ils etoient raresalors, parce que la religion cloit deja suffi- samment prouvee par ceux qui avoient precede. Les miracles du troi- sieme siecle etoient lies avec ceux du second , et ceux-ci avec ceux du piemier et tous avec les cpuvres et les prophelies de Jesus-Christ. Quelle lumiere ! Lorsqueles empereurs cesscrent deperseculer le chrislianisme , et meme depuis le temps (juils le mireiit en honneur, il n'eut pas moins I'homme tout eutiera vaincre, les passions de son cccur et les egaremens de son e.spril. TROISIEME ET QUATRIEME SIECLES. 197 D'un cote , qu'on se le repiesenle lei qu'il est dans ses dognies et dans sa morale; que, de raulre , on se rappelle ce qu'eloient alors les Armo- liques , on verra la nature deployer a I'instant I'aversion la plus forte contre une religion si relevee et si pure. La conversion des cites de Nantes el de Rennes fut consequemment Tonvrage du Tout-Puissant. Lui seul tient en main le coeur des hommes. II n'y a que lui qui puisse leur faire oublier ce qu'ils ont de plus cher. Le fanatisme et I'adulalion avoient immole Donatien et Rogatien ; mais la raison , qui ne perd jamais ses droits , laissa un vaste cliamp a la reflexion. Soil qu'on exarainat en elle-meme la patience plus qu'hu- maine de ces confesseurs , soil qu'on la comparat avec celle des autres martyrs , on etoit egalem^ nt frappe. On etoit oblige de reconnoitre dans leur courage une force etrangere : I'aveuglement seul pouvoit I'attribuer a I'obstination. Leurs moeurs n'etoient pas moins surprenantes. Les plai- sirs , les richesses , les honueurs et tout ce qui flalte la cupidite n'avoient plus d'empire suf eux. lis s'interdisoient jusqu'a la pensee du crime. La charite etoit leur vertii clierie. Pour les peindre d'un seul trait , on les retrouve dans Donatien et Rogatien chretiens. Les paiens , qui pouvoient s'instruire par eux-memes , alloient puiser la doctrine qui les animoit dans les livres saints. Les autres la trouvoient dans les entretiens et les discours des pasteurs evangeliques. Tels furenl les moyens qui condni- sirent les Nantois a la vraie religion. 11. C'etoit un usage adopte par I'Eglise , de suivre , dans I'erection des eveches , I'ordre etabli dans le civil. Aussi les eveques n'attaquoient d'a- bord le paganisme que dans les capitales , afin que , quand ils les auroient acquises a la religion , la foi se repandit plus facilement dans les cantons qui en dependoient. Saint Paul enjoint a son disciple d'ordonner des eve- ques pour les cites (i). Saint Pierre fixe son siege a Rome. Pour connoilre I't'tendue des dioceses (|ui s'etoient formes en Armori- que, il suffit done de savoir quels etoient les limites de cbaque peuple. Nous avons determine ailleurs (a) en quoi consisloient les territoires res- peclifs des Redones , des Namnetes et des Veneti. Si Ton veut consulter ce que nous y avons dit a ce sujet , on apercevra jusqu'oii alloit I'arrondis- sement de chacun de ces dioceses. 7 f . C'etoit encore une coutume autorisee par les canons , de n'etablir (1) AdTit. c. 1. (2)Voycrle 1. vol. de notre Histoirc. (Ci- dessus, Introduction, a. Y.j 19^ HISTOIRE ECCLESIASTIQUE. des eveques que dans les grandes villes qui renferraoient un peuple nom- lireux. L'episcopat est la royaule du sacerdoce : c'eut ele I'avilir que de placer son trone dans des bourgs ou de petiles villes , ainsi que le dit le concile de Sardique (i). Trop ressern;, il n'auroit pu exercer ses fonc- tions augusles d'une maniere convenable , ni repandre au loin les ri- cliesses du ciel. Par celte raison , Dol qui n\'t<)it qu'un Pagus , ou canton de la cite des Diahlintcs , ne pnuvoit aspirer par lui-meme a I'honneur de devenir le siege dun eveque. Mais nous avons vu que les Rretons-Letes venoient de s'y etablir. Reunis aux anciens babilans de ce district , ils formoient une nation considc'rable. Ce peuple n'etoit plus subordonne a Noedunum , sa capitale : il avoit passe sous la domination de Conan, dont les etats s'etendoient jusqu'au Coesnon. Comme il ne reconnoissoit plus la meme autorile civile, il de- voit relever , pour le spiriluel , de la juridiction des eveques qui depen- doient du roi de IWrniorique. Pour se mettre a convert des insultes des pirates , les naturels du pays et leurs nouveaux compatriotes s'etablirent en communaute et formerent une ville assez peuplee qu'ils fortifierent. Les Bretons etablis a Dol , ceux qui etoient disperses dans les campa- gnes voisines ou qui avoient plus loin leurs babitalions , avoient besoin de secours spirituels. I'rappe de ces motifs , Conan nebalanca pas a fon- der a Dol un siege episcopal. L'etendue de cet eveche ne passa pas d'a- bord les liraites de I'ancien canton. Nous les avons fait connoltre, lors- que nous avons parle des Diablintes (2). Nous ajouterons seulement que, du cole de la Neustrie , le diocese de Dol se lermiuoit inclusivement a (^endre (3) , petit terrain baigne par le Coesnon , et cpii est au-dessus de Plenefougere dont il faisoit parlie (4)- Subdinum , capitale des Cenomani , avoit emprunte de son peuple le nom de M^ms. Saint Julien , envoy^ par saint Gatien , avoit ete I'apotre de celte ville : ses successeurs avoient rendu cbrctienne non-seulcment cette nation particuliere, mais encore les Jivii el les Dialdiiitcs Ac JVoedunurn . Ces deux cites , qui avoient perdu leur ancienne cck'brile , furcnt incor- (1) Canon 6". hlacn , fronticrcs ; de fim , hHrc, ct de ger , (2) Voy. le 1. 1 . dn noire Hist. (Introd. a.V.) riviere. Ce qui dosignc un lien qui srrtdc fron- (3j Cendrc vicnt dc cen, tele, et de dre , lieu, tiercs , oit i7 y a bcaucoup de helres ct qui ett Ce qui veut dire : Urrain qui est au-devanl auprit d'une riviere. II joignoit effcclivement d'un autre el qui en fait comme la tete. le Coesnon a Cendre , ct Va il spparoit rArmo- (4) Plcnfoujjcrc tiro son nom dc placn ou riquc de la Ncuslric. TROlSliME ET QUATRIEME SIIICLES. I99 porees avec celle du Mans. Mais lorsque Uol fut honore du lilre de siege ej)iscopal , le temps n'avoit pas encore permis aux eveques du Mans de Je- ter siir ce canton leurs regards paternels. Les eveques de Rennes , anterieurs de pres d'un siecle a ceux de Dol , avoient porte leur sollicitude pastorale dans quelques petits districts qui etoient du ressort des Diablintes d'en deca le Coesnon , et y avoient forme quelques eglises. D'ou il suit qu'ils s'etoiept un peu avances dans le pays de Dol. C'est de la que de nos jours des pa- roisses sont enclavees respectivement dans les deux dioceses. Les Corisopiti qui , dans leur origine , ne faisoient qu'un canton des Osismii , avoient acquis, sous les Romains , le litre de cite. La Notice des provinces de I'Empire le leur donne et les distingue des Osismii. Nous ne devons done pas etre surpris qu'on ail donne des eveques a ce peuple jdes le commencement de la monarchie armorique. Les Bretons-Letes , qui vivoient avec les Corisopiti , exigeoient le ministere des eveques ; la ville de Quimper leur offroit un lieu propre a leur caractere. Les bornes de ce nouveau diocese furent celles de la nation ; elles furent neanmoins recu- lees dans la suite : Carhaix meme y fut enclave. La cause de cette extension vient de ce que ceux qui avoient retenu le nom d'OjwmH furent encore long-temps avant que d'avoir des cliefs ecclesiastiques. Les eveques de Quimper , qui avoient a coeur le salut des etrangers, comme celui de leurs diocesains , porterent la religion au-dela de leur district naturel. La creation des eveches de Dol^, Vennes et Quimper , n'interessoit point personnellement les eveques de Nantes et de Rennes. On leur laissoit la direction des peuples qui ressortissoient de leurs sieges. Ceux memes que les eveques de Rennes avoient detaches du Pagus de Dol , continuerent de reconnoitre sa juridiction. Au reste , quelque legitime que fut en elle-meme I'erection de ces trois eveches , c'etoit aux anciens eveques de la province ecclesiastique a pro- noncer sur leur necessite (i) ; Ton ne peut douter que leur autorite ne soit intervenue dans cette affaire. La cour de Rome ne prenoit point en- core de part dans ces sortes d'etablissemens ; celle qu'y eut le roi de I'Ar- morique, n'avoit pour but que le bien public. III. 72. Les ministres de la religion chretienne tenoient par une chaine non interrompue au premier sacrificateur qui ait paru dans I'univers. Quelque diversite que les dilTerentes nations eiissent introduite dans le culte divin , (l)Concil. Sardic. Can. 6. ^OO niSTOIRE ECCLEStASTIQtlK. paitoiit le saccrdoce etles aiilels furent entretenus aux depens du public. L'('(liiilc- natmelle avoil inspire celle prati([ue. Les Armoriques paiens I'a- voienl coiinue. Deveiuis cliretieiis , ils apprirent (pie la raisou souve- raiiie , Jesus-Christ , avoit pronorice queecliii (pii Iravaille nierite qu'on le nourrisse. lis surent que les apotres n'avoient porte avec eux ni or iii ar- gent. Ils avoient vupar eux-memes (pie ceux qui leur avoient annonce les premiers I'Evangile avoient suivi cet exemplc. Ces nouveaux pasteurs avoient denieurt' dans les maisons de leurs proselytes , niangeant ct bii- vant ce (pi'on leur servoit. 73. Les premiers biens de I't^glise armorique furent ceux que les fideles oHrirent a I'autel. L'tjveque prenoit une partie du pain pour consacrer I'agneau sans tache, et rtjservoit I'autre. Comme les chreliens setrailoient de freres dans toute r(3tendue du terme , ils n'avoient qu'un coeur et qu'une ame ; aussi ne leur connoissoit-on , en (pielque maniere , (pi'un mt^me pa- trimoine snr la terre , ainsi ([u'ils n'avoient qu'un m<}me heritage dans le ciei . I Is se regardoient sculemenl comme les economes de leurs biens ; con- tens du n«icessaire , ils donnoient le superflu. 74- Toutes ces richesses etoient deposees entre les mains de I'eveque. Comme sa cliarit«5 s'cUendoit a tout son diocese , et m(>me au-dela , lors- queles circonslanccs le perniettoient, il etoit le pcre dcs pauvres , le de- fonscur dcs veuves et des orphelins. Il ne rendoit compte a personne de la distribution du lrque. On voyoit meme des clercs exercer des metiers , ou faire le negoce. Ce n'«?toit pas pour salisfaire la cu|)idlle , mais pour subvenir a leurs nccessiles et a cclles des aulres. lis se privoient dcs disti ibulions qui lour etoient dues , afin ([u'elles passassent aux autres pauvres. Les emporours n'ignoroient pas leur desint(!'ressement ; ils ('toient pei-suades que le travail de leurs mains el le fruit de leur Industrie tournoient uniquement au service de 1 humanite. Constance , pour favoriser des vues si louablcs , les affranchit de I'inipol (pi'on levoit sur les ouvriers et sur les marchands. Saint Paul avoit doniK- lui-meme lexomple dune perfection si relevc'c , en ne vivant (IllC TROISli:ME ET QTTATRlfeME SifeCLES. 20! que de ses ouvrages manuels. Cependant, commele commerce auroit pii disUaire les clercs du service divin , ils ne pouvoient le faire que dans le lieu de leur residence (i). 77. Lorsque quelqu'un ctoit eleve a I'episcopat , ou il faisoit sur-le- chanip la cession de ses heritages , ou , s'il les gardoit durant sa vie , il en doimoit I'usufruit aux pauvres, et il avoit soin d'en transporter ledo- maine a I'Eglise par un testament. C'etoit imiter Jesus-Clirist qui , maitre de lous les biens , s'est fait pauvre a cause de nous , pour nous enrichir de son indigence. 78. Les biens des ecclesiastiques qui n'avoient point teste , et qui n'a- \oient pas de parens pour recueillir leur succession , etoient devolus a I'Eglise. Theodose le Jeune en fit une loi (2). Les eveques et les clercs qui n'avoient rien au temps de leur ordination , ne pouvoient acquerir qu'au nom de I'Eglise. Ainsi I'avoit ordonne le concile de Carthage , dans son quarante-neuvieme canon. 79. La loi de Valentinien I, qui defendoit d'admeltre dans le clerge les riches et les decurions , ne regardoit quelespersonnesqui composoient les senats inferieurs. La qualite de leurs biens et la naissance les y faisoient entrer. lis etoient les debiteurs, et , en quelque maniere , les esclavesdu public. Par la, ils contractoient une irregularite qui les rendoit incapables d'embrasser la clericature. L'Eglise etoit bien eloignee de blesser le droit naturel en les recevant parmi ses ministres. II y avoit dans les grandes villes une autre espece de riches qui pouvoient aspirer a I'honneur du sacer- doce : c'etoientles membres des senats du premier ordre. lis n'etoientsu- jels a aucune servitude : leurs grands biens en etoient exempts comme leurs personnes. Depuis plus de quatre siecles , Nantes et Rennes avoient ele pourvues de ces deux sortes de senats. 80. Lorsque le mcmeValenlinien declara nullesles donations que les veuves et les orphelines faisoient , de leur vivant ou par testament , aux clercs et aux moines , il n'avoit en vue que d'arreter la cupidite , que I'etat le plus saint n'etouffe pas toujours. Les clercs et les moines , en s'appropriant ces dons , cessoient d'etre pauvres. Trouvant le nocessaire ailleurs , par ces largesses ils avoient du superflu. L'Eglise seule devoit en elre la depo- sitaire , pour les faire passer a ceux qui en avoient besoin. Bien loin que I'Eglise souffrit de celte disposition , elle y gagnoit beaucoup , et tout etoit dans I'ordre. Ces veuves et ces orphelines, qui ne pouvoient rien (1) Concil. Elib. Can. 19. (2) Cod. Theod. lib. 5. til. 3. c. 1. 2G ■^02 IIISTOIUE ECCLEStASXrQUE! doiiner aiix niembrcs du clerge , avoient une entiere liberlo de ctder au CDrps les legs qu'elles louloient faire. 8i. Les Ucsors temporels de I'Eglise furent grands des sa naissance , parce que les riches connurent I'usage qu'ils devoient faire de leurs biens. Le clerge, dont les occupations spiriluelles c'loient si mullipliees , ne consiillanl que son amour pour I'liumanite et toujours guide par le meme esprit, recut ces biens a litre de patrimoine des pauvrcs , de voeux des fideles et de prix des pecbes. Un discernement eclaire les lui faisoit dislribuer a chacun avec une juste balance. 82. Si les eveques etoient attentifs a pourvoir a la subsistance de leur clerge et des autrcs pauvres de leurs dioceses , ils etoient encore pins oc- cupes a former les coeurs aux vcrtus tpii cntretiennent la vie de lame , a instruire les fideles , a corriger les pi'cbcurs et a faire des neophytes. Outre les enseignemens qu'ils donnoient dans les eglises , leurs niaisons etoient autant d'ecoles de religion. C'etoit la surtout qu'ils catechisoienl les catechumenes , qu'ils fortifioient les fideles dans leur foi et qu'ils per- feclionnoient les clercs. 11 falloit consequemment des instructions suivies et melhodiques. Aux premiers , I'evcque enseiguoil les clcmens de la re- ligion ; il leur developpoit les fondemens inebranlables sur lesquels elle est appuyee. Aux clercs , il interpretoit I'Ecriture. Enfans privilegies et destines, du nioins la phipart, a devenir maitres eux-niemes , ceu.\-ci avoient besoin d'une nourrilurc plus solide. En apprenanl la science ec- clesiastiqiic , ils se formoient en meme temps et aux bonnes manirs et auv fonctions de leur ministere. 83. Les eveques de Nantes et de Renncs, fideles imitaleurs des aulres pasteurs, furent les predicateurs et les iheologiens de leurs eglises. C'est surtout par cet endroit que saint Clair s'acquit la ri'j)utation de savant , et qu'Ermius passa pour un pcrsonnage eloquent. Les ecoles de ces laborieux prelats durent etre en petit cc qu'etok en grand celle d'Alexandrie. Si saint E{>ipode el saint Alexandre, tons deux disciples de saint Polhin , se distiuguerent dans les leltres, les premiers eveques des deux plus grandes villes de I'Arraorique , qui en connoissoient les avantages par leur propre experience , durent ne rien cpargner pour les faire fleurir chez eux. Saint In'nee faisoit voir dans ses disciples, Caius el Ilippolyte , ce que les eveciues de rArmoricjue avoient a faire. Saint Marlin , le naodele de ses suffragans , ne piquoit pas moins leur emula- tion. Son monastere de Marmoulier ctoit devenu le sanctuaire des sciences ecclesiasliques. TROISlfcME ET QUATRli:ME SIECtKS. 2o3 Si ces eveques etoient engages par des raisons lirees de leur ministere , et forlifies par I'exemple, a faciliter a leurs dioceses les moj ens dV'ludier la connoissance du salut, ils y etoient encore excites par le gout si natnrel aux Gaulois pour les sciences profanes. Phebicius , ne a Bayeux , giand-pretre de Belenus en celte ville , qui voyoit sa fortune et sa consideration s'evanouir avec le culle de celte divinite , alia professer les belles-lettres a Bordeaux (i). Le college qui v etoil fonde jouissoit d'une reputation si brillante , que les savans des pays etrangers venoient y briguer des cbaires , et que les autres villes de la Gaule , celles meme de Rome et de Constantinople , se croyoienl hono- rees d'avoir ou de ses professeurs , ou de ses eleves pour I'instruction de leur jeunesse. Allius-Patere , fils de Phebicius , fit I'admiration de Bordeaux par une \ie reglee , quoique paien , et par ses talens supe'rieurs. Ses discours etoient liarmonieux , pleins d'urbanite , de graces et de sel. Ausone releve par- ticulierement son eloquence. Saint Jerome assure que ce rbeteur et Del- phide , son fils , excelloient dans I'art de bien parler. La reputation d'Al- tius-Patere le suivit a Rome : il y enseigna la rbetorique avec le plus grand succes. Les Armoriques ne pouvoient voir avec indifference une emulation si marquee pour les belles-lettres. Les applaudissemens que Ton donnoit a ceux qui y reusissoient etoient pour eux un nouvel aiguillon. Une loideGratien, par laquelle il est ordonne d'etablir d'babiles pro- fesseurs de rbetorique et de belles-lettres pour le grec et le latin dans toutes les villes les plus peuplees de la Gaule , ne nous permet pas de douter qu'on n'en ait attire a Nantes et a Rennes , s'il n'y en avoit pas auparavant. V. 84. Le clerge des eglises de Nantes et de Rennes ne fut pas nombreux jusqu'a la fin du quatrieme siecle. Les eveques qui les gouvernoient , rem- (1) Strabon ct Ptolcmec parlent de celte civus Canilius 6rigea un temple en celte \ ille ville : ils rappellent Burdigala. Ce nom vient aux dicux tutelaires d'Auguste ; le terrain sur de bwar , en composition bwer , bur , en for- lequel il fut conslruit fut assigne par un decret me d'arc ; dc dy , grand , et de coJ, en com- des decurions de la ville. C'etoit un peristyle a position gal, port. Ce qui veut dire : grand quatre angles droits, long do 87pieds et large port en forme d'arc. En effet , le port de Bor- de 62 , selon Elie Vinct. Dans sa largeur , ce deauxestsi vaste qu'il pent contenirplus de temple avoit six colonnes en faccct huit co- deux mille vaisseaux , el il represenle une es- tonnes h chaque cole dans sa longueur. Elles peced'arc donl la Garonne est la cordc. Las- eloienl loutes d'ordrecorinthien. 204 IIISTOIRE ECCLl-SUSTIQUE. q plissoient pareux-memes les fonclions dii saini ministere. Prelres et sacri- ficaleurs anx aiitels, docleurssur rambon, pri'dicaleursjiiS(|iio.s clans leiir maintieii et leur silence, crucifiLS an nionde el au peche , nu'dccins dans I'adniinislralion de la penitence secrete, dans celle qn'ils faisoient lemplir solemnellement en public , pasterns jusqnes dans les besoins leniporels , regies vivantes du clerge el du penple , tout a Ions , ils etoient verilable- ment papes , c'est-a-dire , peres de leurs ouailles et servileurs des ser- vilenrs. 8j. Les pieties et les diacres qui coniposoienl Icur sunat et leur con- seil , leur servoient de vicaires dans leur absence et leurs maladies , au- tanl que leur ordre pouvoit le leur permeltre. Pendant la vacance du siege, ils conduisoieut I'Eglise et adniiuislroient ses biens. 86. 11 y a lieu de presunier que les eglises parliculieres (|ui furent edi- fices ;i INantes etoient paroissiales. Des prelres y furent atlacbes ; ils n'y celebroienl pas neaninoins les saints niysleies. Ce que nous connoissons des eglises-meres nous apprend qu'on ne faisoit point aillcurs de sacrifice. On n'y voyoit quun autel , comine , a proprement parler , il n'y avoit qu'un pontife. Les pretres et les diacres attacbes a son eglise I'assisloient durant cetle redoutable fonction. Les fideles y etoient presens et ne fai- soient qu'une nieme bostie qui s'imnioloit avec Jesus-Cbrist au Pere eter- nel. De la calbc'drale , on envoyoit la connnunion aux pretres (jui des- servoient les eglises inferieures de la ville. Cette pratique les tenoit dans la dependance de I'eveque. 87. Les pretres qui furent cbargcs de I'adminislration des six paroisses fondees liors laville de >\iutes, rendoient comple a I'eveque du teniporel de ces eglises. lis prenoient sur leurs revenus ce dont ils avoient besoin pour leur vclement et leur nourrilure ; I'eveque disposoit du reste suivant ses lumieres et sa cbarite. I, * . ^'i. 88. C'est principalemenl la raison d'inconlinence qui a fait atlacber I'ir- regularite a ceux (|ui out ele mariesdeux fois. Les Peres disent que c'e- loit la le motif pour kujuel saint Paul vouloil qu'on n'ordonnal eveque que celui qui n'avoit epouse qu'une femnie (i). Get apotre exigeoit la meme cbose des diacres et des veuves (2). II insinuoit par la cjuelle devoit elre la verlu de ceux qu'on elevoit au saint ministere. Lorsque les Peres du concile de Valence etendirent I'an 37/1 , d'aprcs (Ij I. Tim. 3. 2. (2)lbid.v. 12. ctc.5,t,9. TROISIF.ME ET QCATRIEME SIECLES. 203 les canons apostoliques (i) , la bigamie a ceux qui avoient epouse une veuve , ils jugerent que le soupcon d'inconlinence qui loniboit directe- ment sur la femme, n'etoit pas honorable au mari. Ce n'est pas que I'E- glise Iraitat d'illicites les secondes noces : elles sent bonnes en elles-memes; niaisl'incontinence, a qui elles servent de remede , est une infirmile de I'arae. C'esl pour la punir que I'Eglise imposoit une penitence a ceux qui se remarioient- La pape Innocent I qui^ conime le concile de Valence , declare que ceux qui epousenl une veuve avant le bapteme ou apres, ou qui epou- sent une fdle avant le bapteme et une seconde aprcs , lombent dans I'irre- gularite , en donne pour raison que le bapteme a bien la force de laver la taclie dcs crimes , mais qu'il ne pent diminuer le nombre des mariages contracles. « Dieu , dit-il, n'autorisa et ne benit que le premier manage » d'un bomme avec une femme. L'Eglise , qui a pris ce divin modele pour » regie de sa discipline , ne benit que les premieres noces , et refuse i> I'entree au saint ministere a ceux qui sorlent des bornes tracees , en n quelque facon , par le doigt de Dieu meme (2). » La raison mystique de cetle irregularite que saint Augustin fait valoir, et a laquelle on s'atlaclie aujourd'hui , savoir , que le mariage des pretres doit representer celui du Verbe incarne avec son Eglise (3) , qui est tou- jours une, n'avoit point ete alleguee avant ce saint docteur. Elle a ete , dit Thomassin (.')) , plutot I'embellissementd'une chose faite , qu'un motif pour la faire. VII. Sg. Pour pen que Ton veuille approfondir la nature du saint ministere et les qualites qu'il requiert dans ceux qui en sont revetus , on ne sera pas surpris que presque tons ceux qui y eloient appeles opposassenl de la resistance a leur ordination. La ferveur du chrislianisme , alors presque dans toute sa force , representoit vivement et sans nuages a I'esprit I'ex- cellence et la sublimite du sacerdoce. Les qualites que saint Paul exige dans les eveques effrayoient I'humilite des elus. Simples particuliers , ils n'avoient a repondre que d'eux-memes au tribunal de Dieu. Une fois a la tete de la bergerie , ils avoient a rendre comple de tout. Les grands exem- ples des verlus pastorales que leur offroient de tous cotes de saints eve- ques , bien loin de les rassurer , ne leur montroient que leur indignite. (1) C. 16 , 17. (i) Discipline de I'Eglise sur les beneCces ; (2) Ep. 22. c. 1 ,8. art. bigames. (3) Lib. cle bono conjugali. 206 nTSTOIRI ECCLlSsiASTTQUE. On sail qii'il falliit user d'arlifice et de violence pour fairc s'asseoir saint Martin sur Ic sic'ge de Tours. Son liumiiile lui avoit inspire la retraile el la vie privee : I'obcissance seule , aniraee par la cliariu' , lui fit accepter en tremhlant le fardeau redoulable de I'episcopat. 90. S'imputer des crimes ou que Ton n'avoit pas coniniis , on qui du nioins etoieut secrets , dans la vue d'eviler le sacerdoce , c'eloit sans doule se rcgarder conime indignc dun emploi si rclcvc el en reconnoitre la su- peiiorile ; mais lui rendre cet hoinmage par uii mensonge , c'eloit oulrager la verite par essence , le Dieu de toutes vertus. Lorsque le concile de Va- lence rend inhabiles a repiscopat ceux qui faisoient cet aveu , il n'a fait que suivre I'exemple de saint Paul , qui donne une exclusion generate a ceux qui out lonibe dans le crime apres leur hapleme (i). Les constitu- tions apostoli(jues (2) , le canon soixante-unieme des Apolres , les conciles de Neocesaree (3) , de Nicee (4) et d'Elvire (5) , portent la nieme irregu- larile. Ceux qu'on admettoit aux saints ordres devoient avoir conserve la candeur et la purete donl ils avoient ete revetusdans leur bapteme. La pe- nitence ne leur auroil pas rendu I'innocence virginale : elle auroit pu en faire des saints, niais elle ne pouvoit donner a I'Eglise des minislres selon ses desirs. vin. ()i. Ce n'etoit point par I'liabit qu'on reconnoissoit les ecclesiastiques dans la vie civile. Un exterieur simple et niodeste , qui annoncoit la pu- rete du ca-ur , faisoit leur caractcre dislinclif. Les Armoriques , qui avoient cmprunte des Roniains leurs usages el leurs mn^urs , se velirent conime eux. Lcspersonnes en dignite et le plus grand nonibre des simples citoyens romains, porloientune robe qu'ilsnommoient toge. Cet habillenient etoit de laine , ample et long. D'abord on I'avoit laisse lomber jusques sur les pieds; mais Auguste,qui I'avoit trouve trop incommode pour niarclier, le fit relever de facon qu'il ne descendoit qn'un peu au-dcssous du genou. On raltaclioit sur I'l'paule gauclie. II se plioil el se relroussoil de facon a laisser le bras droit enlierement libre. D'un pan de cetletoge, on se cou- vroit la tete, soil pour se preserver de I'ardeur du soleil , soil pour se defendre de la pluie. Le clerge adopta celte maniere de s'babiller. Comme les ecclesiastitpies ne respiroient en tout que la simplicit(' , leurs toges n'avoicnt point celle fi- (1) Til.c. 1. l.Tira. I.e. 3. (4) C. 9. 10. (2) Lil).2.cllib.3.c.9.ctlib.8. c. 4. (5)C.30. (3)C.9. 10. TROISIEME ET QUATRliiME SIECLES. 2O7 nesse et cette ampleur que Ton remarquoil dans celles ties personnes ri- ches et de ceux qui se piquoieut de grandeur. lis affectoient encore moins de relever leurs toges par des raies de differentes couleurs , ou de les charger de broderie , ainsi que le pratiquoient les personnes du grand moude. Elles etoient blanches et unies, telles que les porloit le peuple remain. 92. Le Pape Celestin blama, en I'annee 4^8 , les ecclesiastiques des provinces de Vienne et de Narbonne, qui, au lieu de la toge , coramen- coient a porter uu manteau et une ceinture. II leur montre que ce n'est que I'aniour de la chastete qui nous est recommande par ce qu'on lit dans I'Evangile , de se ceindre les reins ; qu'il ne faut pas corrompre , par su- perstition , la discipline que tant de saints eveques ont autorisee ; que le clerge ne doit pas se dislinguer des fideles par Thabit , mais par la doc- trine et la purete. On observe que les chanoines de I'eglise de saint Martin de Tours por- tereut Ihabit blanc des leur institution. Ce ne fut que sous le pape Alexandre in qu'ils ehangerent cette couleur , pour prendre le rouge et le violet, qu'ils conserverent durant plusieurs siecles (i). IX. 93. Les purifications impures auxquelles quelques-uns des nouveaux convertis au chrislianisme n'avoient point honte de s'inilier , et dont les Peres du concile de Valence sesont plaints dans leur troisieine canon , est une suite de la veneration superstitieuse que les Gaulois avoient conservee pour I'eau. Nous avons fait voir ailleurs (2) qu'ils avoient suppose qu'un genie particulier animoit cet element. Les Romains, si eclaires d'ailleurs, avoient tombe dans la meme puerilite. D'apres ce principe , I'eau acquit des proprietes les plus surprenantes. Une des ceremonies a qui cette fausse persuasion avoit donne lieu , et qu'on decoroit du nom de lustration , consistoit a se plonger dans I'eau , ou a repandre sur soi de I'eau luslrale (3). Lorsque les nautonniers de notre Bretagne font traverser a quelqu'un, pour la premiere fois, unbras de mer , ils ne mantjuent point de le hapti- ser (c'est le terme dont ils se servent ) , a moins qu'il ne se rachette par ar- gent. La meme pratique a lieu lorsqu'on passe le Iropique, ou le detroit, ou sous la li"ne. 'O* (1) Gervaise , Vie de S. Martin. Iiilroduction , n. 223, p. t09. a. V.) (2) I. vol. pages 283 et suiv. ( Ci-dcssus , ,3) iEneid.lib. 6. v. 740. 2o8 IirSTOIRE ECCLESIASTIQUE. Ces usages ne sont plus aujourd'hui qu'une plaisanlerie burlesque. Le peuplc , cliez qui ils sont lelegues , n'en voit d'autre raison qu'une cou- lume aveuglc ; des yeux allenlifs en decouvreut rorigine , quelque an- cienne qu'elle soil. 91. Pour faire do I'eau lustralc , les Romains , dit Alhenee, y eteignoient un lison ardcnl qu'ils avoicnt pris sur uii aulel 011 Ton offioil un sacrifice. Thcodoret nous apprend que les paiens avoient dcs personncs a la porle de leurs temples qui jetoient de celte eau sur ceu.t qui y entroient (i). II ajoute qu'on en rcpandoit encore sur les viandes qui eloient servies dans les festins (2). On la deposoit communement dans do grands vases places a la porle des temples. Cliacun s'y purifioil en entrant et en sortant : dans tons les sacrifices que laisoient les Romains , on arrosoil les assistans avee des goupillons a pen pres semblables aux notres (3). 95 . Antoine-Marcile Colonne , arclieveque de Salerne (/|) , et Baronius (5) rapportent au\ apotres memes I'origine de I'eau benite. lis pretendent qu'ils en out introduit I'usage a I'imitalion des aspersions de la loi mo- saique. D'autres discut qu'il faut en attribucr I'institulion an pape saint Alexandre , qui fut martyrise sous Adrien (G). Quoi qu'il en soil a cet egard , toule creature de Dieu est bonne, dit I'Apotre; elle devient sainte par la parole de Dieu et par la priere (7). C'est par celte raison que I't'- veque sanclifie I'eau (8). De meme que les viandes des paiens devenoient immondes par I'invocalion du nialin esprit , ainsi I'eau acquiert la sainlete par I'invocalion de Dieu (9). De la les constitutions aposloliques ordonnent a I'eveque de benir I'eau et lluiile ; et , en son absence, au prelre assisle d'un diacre (10). 96. La pratique de I'eau lustrale , ([ui est commune entre les chreliens el les paiens , n'est done pas appuyee sur le meme principe et n'a pas pour objpl la meme fin cliez les uns et les autres. L'eau dont les cbreliens se servoienl dans les ceremonies religieuses se rapporloit au culte dn vrai Dieu ; celle que les paiens employoient etoit consacree a celui des idoles. L'une liroit son efficacile du Tout-Puissant el eloit propre a la guerisou des maladies de I'ame et du corps. L'autre etoit souillee par le souffle im- pur des demons , el porloit la corruption partoul ou on la rrpandoit. Valenliiiien I'toit bien convaincu de celte %crile. Comme il accompagnoit (1) Lib. 3. c. 16. (6)Godeau. (2)Lib. 3. c. li. • (7) Tim. 1.4. (3) yEncid. lib. 6. v. 229. (8) S.Cyprian. Ep. 12. adJanuar. (4) Lib. de aqua bcncd. sect. 2. n. 43. (9) S. Cyrilltis , Catocli. 3. C5) Ad an. 132. n. 3 el '1. (10) Lib. 8. cap. 29. un TROISli:ME ET QUATRIEME SINGLES. aOQ un jour renipereur Julien I'apostat au lemple du genie de la ville d'A- lexandrie , en qualite de capitaine de ses gardes , les neocores ayant jete de I'eau lustrale sur ceux qui entroient , il s'apercut qu'une goutte de cette eau eloit tombee sur son habit : il s'en plaiguit a I'un des neocores ; et , apres I'avoir traite dureraent , il lui fit sentir qu'il I'avoit souille , bien loin de le purifier. Le deserleur du clirislianisme , qui crut ses dieux insultes par celle action , le fit releguer dans un cbuteau situe au milieu des deserts ; aprcs y avoir vecu un an et quelques mois , on lui defera I'empire pour recompense de sa piete (i). 97. Des principes que nous venons d'etablir , il suit evidemment que les purifications du paganisme , soit par immersion , soil par aspersion , etoient , pour les neophytes qui y avoieiit recours , autant d'actes d'ido- latrie. Les prophetes de I'ancienne loi , dans les reproches qu'ils faisoient aux Juifs, I'avoient designee par le nom de fornication. Par ces purifica- tions , les Chretiens s'attachoient a un autre dieu qu'a celui qui est le ve- ritable Dieu ; c'etoit abandonner son culte pour celui des idoles. Aussi les Peres du concile de Valence ne balancent point a meltre dans le menie rang les sacrifices profanes des demons et les purifications qu'ils qualifient d'incesle. X. 98. Mais pourquoi les eveques de cette respectable assemblee refusent-ils les secours des sacremens , meme a I'article de la mort , a ceux qui , apres leur bapteme , avoient immole de nouveau aux demons, ou qui avoient participe aux sacrifices des genlils par I'eau lustrale? Des prelats aussi zeles que ceux de la Gaule pour la conversion des pecheurs , et dont les vues etoient si saintes , pouvoient-ils ne pas tendre une main bienfaisante a ceux qui , ayant eu le malheur de retomber dans I'idolatrie , reconnois- soient toute I'enormite de leur faute? Pourquoi ne les reconcilioient-ils pas au moins dans ce moment redoutable ou I'ame ; prete a quitter le corps , alloit se presenter devant son juge? Ce n'est que dans la charite meme de ces pasteurs et dans leurs hi- mieres que nous trouverons la raison de leur conduite. lis etoient bien eloignes de penser qu'il y eut des crimes irremissibles par leur nature ; ils savoient egalement que le pouvoir des clefs qu'ils avoient en main leur procuroit le moyen de delier les plus grands pecheurs , ]orsf|u'ils sont contrits et humilies. Ce n'etoit pas sous ce rapport qu'ils envisageoient (1) Theodoret , lib. 3. c. IG. 27 aio iiisTornn: rccLi'siASXiQur.. I'etat des choscs. Dc tons coles, les chreliens eloienl ciivironncs cl'ido-« lalres. Les liaisons naUirelles el poliliques qu'ils avoient avec eiix expo- soieiil leiir foi a do grands dangers. Qiielque horreur qu'on leur eiit inspiree pour loiile espece de ceremonies paiennes , lis ne s'y sentoient pas nioins pork's inlt'rieurement. L'habilude et rexcmple sont depuissans mobiles. Les eve(|ues , qui n'avoicut rien plus a canir que Ic salul de leurs ouaillcs , tenlerent dc larir la source du nial. Ceux de§ cliretiens cpii avoient relourne a I'idolalrie trouvcrent , dans une penitence laborieuse et continuee jusqu'a leur dernier soupir , de quoi apaiser la justice de Dieu el atlirer sur eux sa misericorde. Les laches qui auroicnt ete tentt's de succoniber , speclateurs d'lme telle penitence, rej)renoient , a cctle occasion , assez dc forces pour sorlir victorieux du combat. Des pcines presentes , et qui ne se terminent qu'a la mort , font plus d'impression que cclles de reternite , qu'on ne considere que dans une perspective eloignoe. Les pasleurs gaulois , guides par les circons- tances, etoient scmblables a un medecin qui ne craint pas d'ordonner a son malade Ic regime le plus exact el les rcmedes les plus violens , quand il les juge propres a exlirper la maladic. XI. 99. La sepulture ne ful pas seulement cbez les chreliens un devoir dc la nature : elie fut encore un acte dc religion. On eut soin d'en ecarter tout ce qui rcssentoil la superstition. On n'avoit garde, dit saint Angus- tin (r) , de negliger la sepulture des morls, ni de jeter au hasard , comme parle Origene (2) , des corps qui out etc le siege dune ame raisonnable. La foi enseigne que les corps des saints sont les membrcs de Jesus-Christ , et que leurs reljques out ete les temples du Sainl-Esprit. 100. On ne bruloit pas ordinairement les corps morts : on prefera en general la coulume de les inhumer, comme conforme a I'usage primitif. Ce n'est pas qu'on craignit de fairc perir par le feu des corps qui dcvoient tot ou lard se dissoudre. Rien ne sc perd dans la nature ; cclui qui , d'un acte de sa \olonle , a tout cree de rien , est assez puissant pour rassem- bler chaque panic du corps humain et Tanimer de nouveau , lorsque pa- roitra le temps qu'il a fixe pour sa resurrection. loi. C'eut ete profaner les corps des fideles , que de les enterrer dans les tombeaux des itlolatres. Saint Cvprien en fit de grands reprochcs a Martial, eveque en Espague (3). (I) DeCivrt. Dei , cap. 13. (3) Ep. 26. (•2) Contra Cclsum , lib. 2. TROISIEME ET QtJATRlEME SIECLES. 'i I I 102. Les clercs etoient charges d'inliumer les corps morls des chre* liens. Saint Clirysostome fait voir que , de son temps , c'etoit un usage ancien (i). On donnoit aux clercs fossoyeurs le nom de Copiates (2). Constantin les exempta , par un privilege pardculier , de la contribution lustrale que payoieut tons les marcliands. io3. On ne nianquoit pas de chanter des psaumes pour les morts , lors- qu'on portoitleurs corps en terre ; on celebroit pour eux le sacrifice de la niesse (3). C'est une sainte et salutaire pensee de prier pour eux , afin que leurs peches leur soient reniis. I o4 . On consacra des lieux communs , ou les corps des fideles morts dans le sein de I'Eglise devoient etre deposes. On leur donna le nom de cimetiere , c'est-a-dire , repos des morts ; parce que , suivant la foi chre- lienne, les fideles defunts ue sont pas morls, a proprement parler ; ils sont comnie dans un etat de sommeil , en attendant la resurrection s.t- nerale. TertuUien rapporte un miracle qui se fit dans un de ces cime- tieres. Un corps mort se redra pour faire place a un autre (4). io5. La loi des douze tables , portee chez les Romains , avoit defendu de bruler et d'enterrer les corps dans la ville , afin de la preserver de la corruption et de I'incendie. Elle fut etendue , par Adrien , a toules les villes de I'Empire. Une troisieme raison , egalement puissante alors , pou- voit avoir donne lieu a cette seconde ordonnance. Elle tiroit sa source d'une superstition par laquelle la vue d'un mort souilloit les flamines. Diocletien et Maximien n'eurent point d'autre motif que celui-ci pour renouveler cetle loi. loG. Theodose le Jeune , qui connoissoit I'absurdite des ceremonies du paganisme , n'eut egard qu'au bien de Ihumauile dans la defense qu'il fit , en 38i , d'etablir des cimetieres dans I'interieur des viiles. La pre- sence descadavres, dit ce prince , semble en alterer la purete (5). Origene avoit remarque , avant cet empereur , que les citoyens seroient infectes par la mauvaise odeur qu'ils repandent. L'Eglise s'etoit conformee a un reglement si sage en lui-meme , plus encore par amour de la societe que par obeissance a I'autorite civile. 107. Le cimetiere des chretiens de Nantes fut consequemment aussi (1) De muliere septies icfa. rigne des Copiates peut done s'atlribucr a I'E- (2) On fail vcnir le nom de Copiates du grec glisc latine. cupos , travail; de la on conjecture que I'e- (3) Terlullian. Lib. de aniraa. glisc dOrient leur a donne rexistence. Ce nom (4) Ibidem. se derive plulot du celtique cop , creuser. L'o- (5) Ex Constit. Tlieod. Jun. 2Ii IlISTOIIUe ECCLESIASTIQUE. liors la ville. C'est la (ju'ils deposerent les corps des saints martyrs Do- natien et Rogatien. La plupart des evcqiies de cetle ville furent enlerres aupres d'eux. 1 08. Le cinieticre de Rennes etoit dans le lieu qu'occupe mainlenant ral:)baye de Saint Melaine. Marbodus , eveque de cette ville , qui vivoit sur la fin de I'onzienie siecle , place, dans cet endroit , le tombeau de saint Moderan. Saint Just , on Justin, y fut inhume. On voit encore, dans I'Eglise de ce monastere , une chapelle dediee a ce dernier cvcque ; la banicre du faubourg de Saint 3Ielaine porte le nom de Saint Just. 109. II y avoit des oratoires dans ces cimelieres; on en eleva sur le tombeau des saints martyrs de Nantes : on en fit autant sur ceux des saints pontifes de Rennes. La , on offroit le sacrifice de la messe , parce que les pretres qui I'y celcbroient n'avoient point de peuple (jui leur fiit soumis , et qu'il n'y avoit point de danger d'elever autel contra aulel. J 1 o. Si le respect qu'on avoit pour I'episcopat et pour la saintete de ceux qui en etoient revetus, n'etoitpasun motif sufTisant pour les inhumer dans les eglises , a plus forte raison , le corps d'aucun fidele n'y pouvoit repo- ser , quelque rang qu'il eut eu dans I'etat ; le temple du Seigneur n'ad- metloit dans son enceinte (jue les apotres et les marlvrs. Cetle exception ne tournoit qu'a la gloire de la religion. A la vue de ces prccieuses reliques, la foi des chretiens en devenoit plus ferme et leur courage plus constant. ai3 CINQUIEME SIECLE. Ciim cxaltatus fucro a torra , omnia trahnm ad me ipsum. Joan. 12. -{f. 32. 1 . Les eveqiies que la divine Providence avoit pris soin d'attacher a IS'antes et a Rennes , avoient ele autant de flambeaux places sur le chan- delier. Leur foi et leurs vertus ne tarderent pas a passer dans les esprits et les coeurs des habitans de leurs villes ; bientot elles se communiquerent a la plus grande partie des cantons qui en ressortissoient. L'effet propre du christianisme est de changer ses disciples , uon-seuleraent en des hom- nies nouveaux , mais de les consacrer et de les diviniser en quelque ma- niere. Ce spectacle dut frapper vivement les cites voisines des Aantois et des Reunois. Les nouveaux botes que les habitans du canton de Dol , les Vennetois et les Corisopites recurent chez eux , leur montroient pour la plupart les exemples d'une saintete peu commune. lis etoient sem- blables a ces arbres qui , apres avoir souffert dans une terrearide , sont transplanles sur le bord des eaux. INous ne pouvons rappeler au jour tout ce que les zeles pasteurs des trois eglises nouvelles entreprirent pour I'avantage de la religion et de la societe civile. II ne nous apparlient pas de chercher a devoiler ce que Dieu a voulu nous tenir cache. Nous ferons meme un choix parmi les materiaux que nous rencontrerons. Si nous ne rapporlons pas tout ce qu'ils peuvent contenir , c'est que I'amour du vrai est notre premiere regie. 2. Le premier eveque de Dol s'appeloit Senior ou Senieur. Ce nom , c[ui convenoit en general a tous les eveques (i) , lui devint propre. Sa vie ne nous est pas connue. Tout ce que nous en pouvons dire avec quelque certitude, c'est qu'il ordonna pretre saint Patrice , I'apotre d'Irlande , dans I'un des voyages que celui-ci fit en Armorique (2). 3. Saint Talhee (3), autrement Patet/ie , a qui Ton a donnele surnom ,^ » ■ xt . paHo ,i« ^o „Mr« II ' . u J ■ episcopal de Caer-Leon , suivant Usserius. celle Ue ce golfe. II n est pas hors de vrai- ' ^ ' semblance que Conan soit ne dans cette pro- W Nonnita vient de noim, ainsi que Num. vince. Gildas pouvoit la rcgardcr comme le ^* signiOe sainte. C'est ce que Ton voit dans la lieu de son origine , quoique I'Armorique lui ^'^ '^'^ saint Turiaf, 6veque de Dol. De ]k est ettt donn6 le jour. Son nom vient de gil , -'""''' le nom denonnu^, reliyieux , et celui de dernier , et dc da , saint. """"" ' ^eligieusc. (1) M. I'abbc Gallet a prouve , d'apres Gale, (^' Usserius , Brit, eccles. antiq. que Gildas I'Albanien est different de Gildas (6) Cadoc se rend par sage- *^° IIISTOIRE ECCLESIASTIQUr:. les (jualre evangiles. Ce inanuscrit a ete long-temps conserve dans I'eglise de saint Cadoc : on Ic couviit de lames d'or et d'aigent. Les Gallois , par respect pour les divines Ecrilures et la main sainle qui les avoit transcrites, s'en servoient dans les ceremonies les plus augustes , et dans leurs ser- nicns les plus solemnels. Saint Gildas, acconipagnc de saint Cadoc , cjuilla Lan-(^arvan pour pra- liquer la vie eremilique. lis passcrenl tons deux en Armori(|ue. Gildas s'e- tablit a Ronecli , autrement I'ile de Groais (i). Cadoc se fixa a Echni (a), ile proche du continent ; elle a pris le nom d'Enes-Caduad (3). Ces deux ilcs ayant etc' pillees par des pirates descendus des Orcades , (^adoc el Gildas relournerent en Cretagne. Celui-ci s'arrcla dans le mo- naslere de Glastenbury , ou il conlinua denseigner la jcunessc et de pre- cher le peuple. C'est dans ce lieu qu'il ecrivit I'Histoire d'Aurele-Ambroise, ([uil met au-dessus de ses predecesseurs. Jean Fordun , auteur du Scoti- clironicon , et Guillaume de Malmesbury , vantent beaucoup cet ouvrage. Le dernier assure que , si les Bretons se sont rendus ctiebres dans les pays elrangers , ils en sont redevablcs a Gildas. L'Arraorique , qui avoit donne la naissance a ce savant , pouvoit parlager cet lionneur avec eux. . Apres avoir servi ulilemeut la religion et la Bretagne , Gildas pensa uiic seconde fois a la retraite , pour ne plus en sortir. II s'enfonca dans unc solitude, sur les bords du fleuve qui arrose Glastenbury (4); en cet en- droit , il batit une eglisc en I'honneur de la sainle Trinite. II y passa lo resle de ses jours dans lesuiorlifications les plus auslcres , et dans la prt* sence de Dieu par la priere et les bonnes oeuvres. Son corps fut trans- porte a Glastenbury et inhume dans la grande eglise de celte abbaye. On le trouva presque cntier Tan 1184. Cadoc mourut a Bennevenne (5) , mainlenant Wedon , dans le comte de Northampton. Ceux des auteurs modernes ([ui onl confondu Bennevenne de Brela^neavec Benevent en Italic , ne pouvoicnt s'empecher , par unp seconde erreur , de croire que ce saint avoit fini ses jours dans cette demiere ville. (1) Ronechlirc son nom de roh , rocher , et (i) Le nom dc Glastcnhury est derive dn de nech , iUvi. Groais (anciennement Croj) glaslum , pasld : hnhe qui croisioil aux envi- a pris le sion de cro , marais , et d'i , riviere : rons de cetle ville , et donl les nrclont se ser- marais arrose d'unc riviere (le Blavel). Ce voieni pour se leindre le corps , et de bur , qui prouve qu'aulrefois Groais cloit du con- ville , bourg. tipgnt. (5) Bennevenne est nommcc, dans Antonin, {•ij Echni vient A'ecg , foret , et dc ni , non : nannnvenna , Bennavenna , Bennaventa. Cetic /;eM7uia ««f'd'c(re/"oiT<. Ccqiiis'cstfait par ville est proche des sources dc IWufon. Dc la rinvasiondc li mer. sf" tire son nom. Dan , ben , source; aven ou (3) Enh , tie. ovcnt , riviere. CINQUIEME SliiCLE. 2 21") Cadoc etoit fils de Guntlee et de Gladuse. Celte dame avoit porte a sou niari la principaule de la parlie meridionale du pays de Galles , apres lu mort de Braghan , son pere. Les Yerlus de ces deux epoux les rendirent encore plus respectables que leur naissance et leur rang ne leur atli- roient d'egards. Guntlee quilta , sur la fin de ses jours , les honneurs et les richesses du monde, pour ne s'occuper que du saUit de son ame. II alia vivre en solitaire aupres d'une eglise qu'il avoit fait construire a la campagne. On liii rend encore dans le pays de Galles un culte re- ligieux. Cadoc succeda aux biens et aux dignites de son pere ; vrai sage , il s'en depouilla bientot pour embrasser I'etat raonastique. II se mit sous la discipline de saint Tatliee , autrement Paterne d'Hibernie , que les au- teurs eclaires ont soin de ne pas confondre avec I'apolre de cette ile. De relour dans le Glamorgan, sa patrie , il y donna des preuves de sa science et de sa saintete. 11 construisit a trois mille de Cowbridge r^glise et le monaslere de Lan-Carvan , autrement I'eglise des cerfs. L'e- cole qu'il y elablit fut en grande renommee. Il en sortit des hommes il- lustres et beaucoup de saints. Le culte de saint Cadoc est ancien dans TArmorique; il est particulierement bonore dans les eglises de Rennes et de Vennes, sous le nom de Cado ou Caduad (i). 43. (2) Cependant I'Armorique s'etoit donne un roi dans la personne de Salomon , autrement Salaun (3). Differens monuraens le presentent sous les noms de Gicquel , Vitol et Victric. Ce sont autant d'attributs , les memes quant au fond , qui servent a exprimer les vertus de ce Prince (4). Salomon etoit fils de cet Urbien dont nous avons parle , et avoit Co- nan pour aieul. La piete etoit familiere dans cette illustre familie. Lenou- \eau roi auroit degenere de ses ancetres , s'il se fut fraye une autre route. L'un de ses premiers soins fut d'entretenir ses peuples au milieu de la paix , a I'exemple du grand prince dont il rappeloit I'esprit , et de les faire vivre tranquillement , cliacun a I'ombre de son figuier et de sa vi- gue. Aussi n'epargna-t-il lien pour maintenir la bonne intelligence entre ses sujets et les Romains. Dans ce dessein , il renouvela, avec Valenti- uien III, le traite que Conan avoit fail avec Honorius. (1) Capgrave, Usserius, Ctiastelain. (i) Le nomde Witol qa'isc prononcoitainsi, ^.-l^ r 4_ i.-n ■, r\ ■ ■ tr (luoiquc Ic 1110010 fiiie G««7o2 , a donne loti- (2) [An 421.]— Omission, a. V. ■ ^ , ■ :, ^. , ^ ! gine a celui de utcquel. Ces ternies vicnncnt (3} Salaun vicnt de sal , grand , etd'aun, du lerme wile, qui, en langue tcutonique , prince. Celui de Salomon est pi is de sal, signific prudence. Victric est compose de u)je regne de Salomon fut encore ilhistre par la translation d'une prccieusc reliqiie : c'cloit le chef de I'apotre saint Matthieu. Des mar- cliands I'avoient pris en Egypte et en fircnt present a Salomon. Les de- pouillos uiorlellfs des saints martyrs avoient etc , dps le commencement dii christianisnie , en grande veneration chez les fideles. Le prince reli- gieux , qui regardoit ce sacre depot comme la defense de son royaume , le fit placer avec honneur dans la ville de Leon. Rcdevable de son exis- tence aux Romains , elle conimencoit a s' clever. Une relicpie si respecta- ble liii donna un nouvel eclat et la prt'paroit de loin a deveuir le siege dun eveclie. Le royaume entier goiita les heureux effets des sentimens de bonle que Dieu inspira dans ce moment a Salomon. Un usage barbare faisoil vendre les enfans de ceux qui u'avoient pas d'autres movens de paver les taxes qu'ils devoient au fisc Les magistrats romains I'avoient intro- duit en Armon([ue , avec bien d'autres vexations (i) : ce qui avoit donne (t) Pour comprcndre la nature des vexa- tions que les magistrats romains exerccrcnt dans les Gaulcs , il faut savoir en quoi con- sistoient les revenus de I'Empire. Augusle imposa le premier un tribut anx Ciaulois,ran de l\ome 721 , dans Tasscmblde qui se tint alors a Narbonne. C'etoit un subside annuel ot ordinaire. Au quatrieme et einquiemc sie- cles, les revenus de FEmpire consistoient : 1° dans les fonds de terre dont la propriet6 appartenoita i'etat; 2° dans I'imposition per- sonnclle et reclie (|ue eliaque citoycn payoit, soil a litre de capitation , soil a raison des Icrres el des autrcs biens qu'il posscdoit ; 3° dans les droits de douane ou de peage; 4° dans les casucls , qui cloienl le i)roduit des reu- nions des domaines engages, des confiscations et des dons voiontaires. — 1" 11 paroit que les Armoriqucs conserverent , sous les Romains, la propriele des fonds de terre qu'ils avoient fait v;il()ir durant le (emps lie Icur indepon- dancc. Pour les terrcs inculles, la propriele en etoit reservee aux erapercurs. Nous avons remarque que Constancc-Clilore , Constantin cl Maximc en donnerenl une partic aux Brc- tons-Letcs , qu'ils elablirent en Armoriquc : (les parliculiers pouvoienl en affcrmer du fisc. lis lui payoienl la dixiemc partie des grains ct des legumes qui devoient sc recueillir sur ces terrcs. Dans ce sens, on peut dire que les Itomains onl Icve la dime en quelqucs cii- droils de TArmorique. Ce qui n'a aucun rap- port avec la dime ecclcsiastique , que nous verrons paroitre durant le sixicme siccle. Le tcnancicr etoit oblige de donnerla cinquitimc partie du produit des arbres fruiliers el de cc- lui des plantcs qui rapporlcnl pendant plu- sicurs aiinees, sans qu'il soil ncccssaire de les renouvelcr. II y avoit encore un impotsur les troupeaux, tant de gros que de menu betail. Celui qui vouloil faire pailre ses bes- tiaux dans les forets qui n'avoicnl point de possesscurs particulicrs, declaroit le nombrc du betail. Le prepose a cct clTel exigcoil une certaine sommc pour le pSlurage de chaque b^'te, qu'il ecrivoit sur son registrc. C'est pour cela que ce tribut prenoit le nom de scriptura. On lenoit un cadastre de loutes les ferres que I'Empire donnoit a fcrme pour un temps, ctde celles dont, moycnnant une re- devance dclermincc, il accordoitlajouissance illirailee a ceux qui se cliargeoient de les nicttre en valcur ou de les y enlretcnir. On deposoil, dans chaque cite , un ctat des terrcs qui apparlcnoienti I'Empire, dans la cilc , ainsi que des noms de ceux h qui elles etoient concedecs. Les decurions faisoient payer a chaque lenancier sa redevance annuelle. lis portoienl dans le trcsor public celles qui Cloienl payables en deniers : pour celles qui etoient dues en denr6cs , ils en faisoient la disposition suivanl les ordres des cmpereurs 'CINQUli:ME SIECLE. a3t occasion de secouer le joug. Salomon , se rappelant la chaiite du glorleux apotre envers tous les homines , abolit cette pratique inhumaine. L'inte- et sous I'inspection du comte de la cite. Cos terres etoient quelquefois si surchargees , que I'argent qu'on etoit oblige d'emprunter avec interet, pour payer a jour nommc ccs rede- vances , mettoit ceux qui les tenoient en main dans la plus affreuse indigence. Comme les mines des metaux qui sc trouvoienl dans rEmpireeloient exploitces a son profit, ccUcs de I'Armorique, qui etoient en grand nombre, lui appartenoient aussi.— 2° L'imposition reclle tomboit sur les terres a raison de tant par ar- pent : la taxe personnelle ou capitation avoit pour objet les tetes. Pour parvenir au regle- mentde ces deux taxes, on faisoit un rccen- sement ou denombrcmentde tous les sujets de I'Empire. On le nommoit census. Les officicrs de chaque cite dressoient des roles sur le lieu el les faisoient approuver par le gouverneur de la province : on les deppsoit dans les ar- chives. Une copie restoit entre les mains des officiers de chaque cite ; une autre etoit en- vojee a I'empereur. La taxe par arpent n'etoit pas toujours la meme. On I'annoncoit ordi- nairement pour plusieurs annees : ce qui peut-ctre a donne lieu aux indiciions , qui contiennent quinze annees. Quelquefois , par des besoins pressans , on augmcntoit tout i coup cette imposition. Ces augmentations su- bites s'appelerent super-indklions. Les pre- fets du pretoire etoient autorises par les em- pereurs a les exiger, suivant qu'ils le juge- roient necessaire. Cette permission , que Thco- dose le Grand revoqua^ etoit la source dc beaucoup d'abus. Ceux qui etoient exempts de la taxe des arpens , tels que les Bretons-Letes, qui avoicnt des beneOces militaires , etoient sujets a ces super-indlclions , qu'on reputoit n'fitre ordonnees que pour des besoins urgens dc I'ctat ... La capitation etoit imposee sur chaque citoyen , comme un individu sujet et contribuable aux besoins de I'clat , sans faire attention aux biens-fonds qu'il pouvoit avoir. Comme ces cotes-parts ne regardoient que la personne , d'abord tous furent egalement taxes, soit qu'ils fussent riches, ou non. Sur quoi on pent observer que , celtc imposition ne concernant que les personnes librcs, nn citoyen dc I'Armorique pouvoit , ou par son Industrie , ou par le travail de ses esclaves , trouver de quoi payer sa capitation. Si, par une mauvaise administration ou par quel- qu'aulre malheur , il etoit oblige d'avoir re- cours a des eraprunls et qu'il ne fAt pas en etat d'y faire honneur, il devenoit, en plu- sieurs circonsfanccs , I'esclave de son crean- cier. Plusieurs citoyens etoient associes pour payer une seule et meme cote-part. Nous en avons la preuve dans une loi de Valens et de Valenlinien , que Ton trouve au code de Jus- tinian , liv. 11. tit. 47. loi 10. Les decurions, qui etoient charges de la confection du ca- dastre, etoient obliges de faire le recouvre- ment des deniers que devoient payer tous les particuliers de leur cite. Lorsqu'ils manquoient dc faire rentrer, au jour marque , ces impo- sitions dans le trcsor public , les olTiciers du prince les Iraitoient avec une durete barbare. Plusieurs d'entr'eux , renoncant au rang ho- norable qu'ils avoient par leur naissance ou par leurs biens , abandonnoient leur patrie , suit pour se cacher , soit pour se retirer en des lieux oi Ton ne pouvoit leur donner au- cune part a I'administration des affaires pu- bliques.D'ailleurs, ces decurions, qui avoient tout a craindre pour eux, s'ils ne payoient pas toutes les taxes au jmir fixe , etoient for- ces de poursuivre vivemcnt ceux des contri- buables qui n'avoient pas payc leur contin- gent. Du moins , comme ces charges etoient comrauncment au-dessus des facultes du peu- ple et qu'il ne pouvoit payer h I'ccheance, les particuliers restoient debiteurs de leurs olTi- ciers municipaux, etceux-ci, a leur tour, des officiers du prince ; ce qui occasionnoit la ruine de beaucoup de particuliers , dont on vcndoit les heritages, et enJcttoit les communautcs qui etoient obligees d'emprunter a usure, pour faire face aux arreragcs des taxes qu'on ne pouvoit recouvrer. — 3° les denrces et les mar- chandises qu'on pouvoit importer dans I'Em- pire ^ payoient, pour droit de douane, le hui- tifcme denier de leur estimation. On ne pou- voit exporter ni or, ni esclaves qui eussent certains talens , ni armes defensives ou offen- sives. Pour cet efftt, les magistrals qui cxpe- dioient des passe-ports aux vaisseaux qui al- 332 niSTOIRE ECCLESIASTIQDE. let avoil eloufTc jusqu'alors le cri de la nature; la religion, dont le propre est d'ccarter ies passions , le reveilla , et vint au secours de I'hu- nianite oppiimre. Vn clirt'lien , qui donne , quand il le faut , sa vie nieme pour SOS seinblables , s'enipressc de Ies rt'tablir dans Icurs drolls uaturels , lorsqu'il en a le pouvoir. 45. Un roi (|ui veut regner suivant Ies regies que la vertu lui present, aitaquele vice par lout oil il le rencontre. Salomon , apres avoir sacrifie son i)ien-t'lre a I'inleret du peuple , crut le disposer par la a rendre le menie liommage a la raison. La premiere rtformc prcnoit sa source dans la religion et la bicnfaisance du prince , bien plus que dans linvitalion de ses sujets. La seconde , dont nous ignorons le veritable objet, par- toit du meme pi incipe ; mais ce qui en faisoit la raatiere n'etoit pas egale- ment agreable a la nation. II est des abus qu'on ne pent tenter de de- truire lout a coup sans s'exposer aux plus grands dangers. Salomon en fit malheureusemcnt Texpericnce : ses sujets rimmolerent a leur passion ir- rilee. Le lieu oil le prince fut mis a mort rappcllera a la posterite la plus reculce un evenement qui devroit elre enseveli dans Ies tenebres Ies plus epaisses. 11 est dans la paroisse de Ploudiri , au diocese de Leon : on I'appelle merzer Salaun , c'est-a-dire , nmrtjre de Salomon. 4(J. La justice dont ce prince soutenoit Ics inlerets, lui a fait donner le nom de martyr , suivant I'usage pratique dans ce temps. Saint Jean- Baptiste avoit ete la viclimc de cettc liberie si noble , mais si rare , avec laquelle il repiit la conduite scandaleuse d'lIerodes-Autipas , tetrarque de Galilee ; Salomon cprouva le meme sort , en opposant son autorite aux exces de son peuple. Les eglises de I'Armorique , qui connoissoient sa saintete, lui deccrncrcnt un culte religicux. On construisit dans le lieu meme de son martyre , une eglise sous son invocation. 47. Salomon avoit epouse la fille d'un palrice romain, qui se nommoit Flavius. Hen cut (piatre cnfans , Audren, Constantin , Kebius et Ren- guilide. Lcs deux premieis furent puissans dans le monde : I'un regna dans la suite en Armoiique , I'aulre dans la Bretagne. 48. Kebius s'atlaclia ii poursuivre une couronne plus durable : celle loicnt Irafiqucr hors TEmpirc, nc manquoicnt comptes parmi lcs fonds casuels de I'Empire. pas de Ies visiter. La vcnlc exclusive du scl On rangeoit dans la meme classe Ies succes- 6loit une branclic da revcnu des cmpcreurs. sions qui, dans certains cas, revcnoienl au Les droits dc pcagc sc levuienl aux passages prince ; ies coniiscalions , les deslierences , Ics des Oeuvcsct des rivieres. — 4'Mes dons gratuits benefices militaircs que I'luTitier n'etoit pas que les communautes ou cites faisoient au capable de teuir. prince en certaines circonstances , dtoient du CINQUIKME SIKCLE. 233 (Ju ciel flit runique objet de ses voeux. Jean de Tinmoiilh a ecrit qu'il fut sacie evcque par saint Hilaire de Poitiers. C'eloit pliilol saint Hilaire d 'Aries , qui mourut I'an 449 > pres de cent ans apres. Kebius se retira dans la Bretagne qui eloit le lieu natal de ses ancetres. II se rendit a Menevie et de la il passa en Hibernie. Une des iles de ce pays lui servit de demeiue pendant qualre ans. 11 y batit une eglise , et beaucoup de disciples s'attacherent a lui. lis le suivirent dans Tile d".\n- lesey(i), ou il termina saintement sa carriere (2). 49. Pour Renguilide , elle fut mariee a Bican , cbevalier , dans la Bre- tagne. Elle eut I'honneur d'etre mere du fameux Iltut , dont nous au- rons occasion de parler. 50. (3) Grallon fut installe sur le trone de TArraorique , apres la niort violente de Salomon. Ce prince etoit ne dans la Bretagne et avoit eu part aux avantages que le tyran Maxime avoit faits a Conan. II avoit epouse Tigris ou Agris , soeur de la reine Darerea. Le nom de Tigris confirme ce que nous avons dit ci-devant de la baute naissance de Calplnirnius, son pere (4). On ne pent doutei- que Grallon ne fut aussi d'une famille tres- illustre. L'alliance qu'il avoit contractee lui donna un nouveau credit dans I'Armorique. II eut un etablissement dans le territoire des Osismiens , et probablement il eut le commandement du camp romain, nomme Quimper, qui avoit pris depuis peu le nom de ville capitale. Un office de cette im- portance lui avoit fourni I'occasion de la faire eriger en siege episcopal. Salomon , a son avenement , I'avoit fait comte de Cornouaille , c'est-a- dire, de I'Armorique, dignite qui le rapprocboit du souverain. Si Grallon n'eut pas de part a la mort du roi son bienfaiteur , il fit du moins une injustice a ses enfans, en les privant du sceptre de leur pere. Ce n'est pas la premiere fois que I'ambition , pour se satisfaire , s'est ap- propriee des forces qu'elle n 'avoit en main que pour defendre le bon droit. 5i. 52. Valentinieniii secrut outrage par la mort de Salomon, son allie : il tenta de la venger sur les Armoriques. Litorius, I'un des generaux de I'Erapire le plus experimente apres Aelius , fit des degats sur leurs lerres et remporta sur eux quelques avantages. Les circonslances critiques 011 ils etoient reduits les determina a enlrer en accommodementavec I'Empire, (i) Anglesey s'appeloit anciennement Mon (3) [An 435.1 — Omission. a.V. ou Mona , rocher , pierre. On la nommoit aussi (4) Le nom de Tigris vient de Ugh , maiton, Hr-mon: lerre pierrcuse ,pleine de rochers. clde ris, roi. Celui (V Agris \icnl d'ag , race , (2) Usscrius , Brilan. Eccles. Anliq. et de ris , roi : issue de maisonroyale. 3o a34 IIISTOIRE ECCLLSIASTIQLE. soil qu'ils se flaltassenl d'obtenir des conditions avantageuscs , soil quilsv attciulissenl dii lenips des momens plus favorables. Aetius eloil charge (ic>s iiilcrets des Romains et Albinus de ceux des Armoriques. Leon , diacre de I'eglise de Rome , qui avoit pari a loutes les grandes affaires , el que son merile alloit hienlot placer sur la cliaire de sainl Pierre , devoit ser- vir de mediateur enlre ccs deux conuiiissaires (i). :j3. Aelius, le rempai t de rEuipirc coulre les barbares , qui gouvema les Gaules avec lant de gloire , est connu de lout le inoiide. II n'en est pas ainsi d'Albinus. Un habile hislorien de nos jours (2) croil que c'esl le meine qui fut dans la suite prefel du pretoire , consul et palrice. II nous paroit trcs-vraisemblable que eel Albinus avoit pour palric la cite de Ven- nes. 11 V florissoil alors une famille puissante qui portoil le norn d'^/- bina. C'esl d'elle que sortil Albinus , que nous vcrroiis dans le siecle sui- vant occuper le siege d' Angers avec tant de distinction. Le commissaire Albinus etoit peut-etre aussi celui-la qui devint eveque deQuimper, sous le iioni de Venecan. On mettoil assez souvenl alors a la tete de I'Eglise , ceux (lui avoit brille Ic plus sur le tlu'iilrc du nionde , par leurs grandes qualitcs. Le nom de la celebre famille Albina n'etoil point different , dans le fond , de celui que porloienlles Veneli. L'un rendoil en latin ce que I'autreex- primoit en celtique. Comme celle famille tenoit le premier rang dans le i)avs elle ne pouvoit se donncr un nom qui marqual plus clairement son ancienne ori^ine , el qui fut en memo temps plus flaltcur pour sa pa trie. 54. 55. 5G. Quel(|ues droits que les talens superieurs de Leon lui don- nassent sur les deux negociateurs , il ne se passa point de Iraite. Grallon , (|ui ne sc senloil pas assez fort pour faire face aux Romains , s'unit aux (iaulois (3) meconlens du gouvernemenl romain. II traila avecles Fran- cois, qui commencoienl d'avoir des ctablissemens dans les Gaules. Ap- puye de cotte manierc , il porta ses conqueles jusqu'a Tours ; il piit celtc ville Tan l\!\[\ • mais Aetius la lui enleva I'annee suivante et la confia a Majorien, (lui la defendil vaillammenl. Giallon niourut au milieu de celle alterualive de vicloires el d'echecs. * (I) Dcfunclo Xislo episropn , qu.idrnginla (2) Le Beau , Hist, du Bas-Empirc , t. 7. ainpliiis (liL-bus romuna ccclesia sine antistite (3) Les Gaulois , avec qui Grallon Iraila fuil , mir,>l)ili pace alque paticntia pr.cjcntiani se noramoienl Bai/audcs. Co nom qai , comme diacimi Lcoiils cxptctanlcs , qucin tunc inler nous lavons vu , nc dcsignoil qu'u/ie confe- AiHium elAlbinuin Jinirilias lediiilcgrantem , dcralion , de\intiin sobriquet que les sujols Gallia; deliMi"b;iiit. Kusl. Prosp. ad annum lidelcs de lEmpiic doanoictil a ceux qui se ^',Q_ revoltoitnt. CINQUIEME SliiCLE. ^^^ 57. Le caracleie dislinctif de Salomon , durant son regne , avoit ele li douceur. Grallon commenca le sien par la liauteur et la severile. Le commerce qu'il eut soin d'entretenir avec Corenlin , Guignoleel plusieurs autres saints personnages , civilisa ses mocurs et lui epargna bien des ecarts. 11 regarda enfin sespeuples comme ses seniblables : en procu- rant leur bonlieur , il travailla pour le sien. Trop beureux les princes qui font taire leurs passions pour n'ecouler que les avis de ceux qui ne cher- chent que la gloire de leurs mailres ! Vainqueurs d'eux-memes , ils font oublier leurs fautes passees et Ton ne voit plus en eux que des motifs d'amour. C'est pour eterniser ce sentiment que les Armoriques donnerent a leur roi le doux nom de Grallon (i) , c'est-a-dire , i^ Aimahle. On doit cet eloge a Grallon, qu'il dissipa les pirates du nord : nous entendons par la ies Vandales. Zozime dil que les Armoriques s'oppose- rent avec succes a leurs courses. Ce prince continua avecles haliitans de la Brelagne les memes liaisons que ses predecesseurs ; un grand nombre passa , sous son regne , dans ses etats , pour se soustraire a la fureur des barbares. Les fils du roi des Francois lui donnerent des sommes consi- derables. II se faisoit bonneur d'en avoir quelques-uns pour sujets. Les Letes clablis cliez les Rennois , dont nous avons deja parle , appartenoient effeclivement a cette nation puissanle et guerriere. 58. On a donue a Grallon le surnom de Mar ou de Grand (2). Les preuves de sa valeur ne sont point equivoques. Du cole de la mer. il mit ses etats en siirele ; I'interieur ne fut pas meme trouble par les Ro- maius. 11 traila ses sujels avec la douceur et la tendresse d'un pere. Sa liberalile envers I'Eglise n'est pas moins connue. Outre I'ereclion de I'e- vecbe de Quimper, dont on lui est redevable , il fonda les abbayes de Landouar et de Landevvenec , et il fut inbume dans celle-ci. On y celebre encore tous les ans son anniversaire , le cinquieme jour de Janvier. II avoit donne plusieurs terres a ce monastere : la cession en avoit efe faile en presence de la baute noblesse de Cornouaille , ou , ce qui est la meme cbose , de I'Armorique (3). Saint Corenlin , eveque de Quimper , ful temoin d'une donation que Varlien (4) , lionime distingue par sa no- (1) Le nom dc Grallon , o«, pour mioux Cornubicnsibus nohilissimis et (idctibus. En- dire, avec Ic Catalogue des comtes dc Cor- suite il est dit : nohilis vir nomine Varhenus. nouaille , Gradlen et Gradlon, est pris de D. Morice , Preuv. justific. de Bret. lorn. 1. grad , grace ; d'ou les latins ont fait grains , Ce qui prouve que, chez les Armoriques, on agrdaMc , ctde ten ou Ion, plein, rcmpli. distinguoit, comme parmi les I^oraains , dif- (•2) Catalogue des comtes de Cornouaille. f'^''*'""=' "P^"=" '^'^ noblesse. (4) Varhen vient dc var , doux , Ion , cl de (3) Le lexte porte : coram muUis testibus ^^^ aricicn. a36 niSTOiRE ecclesiastique. blesse et par son cmploi aupres de Grallon , fit a la ineme abbaye. Sg. Les saints , donl nous avons fait mention , firont la gloire clii regne lie Grallon. Gutbiern qui , de son temps , sc relira en Armorique , lui doiina un nouveau lustre. C'etoit uii roi , ou pUilul un prince de la par- lie de I'ile de Bretagne qu'ou appela Cambrie; aprcs avoir foule aux pieds les grandeurs du monde , il passa de la Bretagne dans I'ile de Groais, a cinq lioues sud-cst de Quimperlc. C'est dans ce lieu ecarle que Gutbiern, apres s'ilre di'robe a ses courlisans, cacba sa qualile el ses verlus. Il y de- nieura plusieurs annt'es , sans elre connu d'autres personnes que des pe- cbeurs. Le ciel , toujours admirable dans ses voies , vouloit affermir son bumilite , avant de le produire au grand jour; les miracles que Gulbiern opcroit , fixerenl rallenlion des deux seigneurs de celte ile : ils firent part a Grallon de ces merveilles. Go. Ce prince engagea le solitaire a le venir irouver. Accoutume autre- fois a commander , celui-ci nc savoit plus qu'obt'ir. La conversation que Grallon eut avec lui I't'difia lellement que , pour le retirer de son rocber, il lui donna une (piantile de lerre dans un lieu nomnit- Anaurot (i) , si- tae au confluent des deux rivieres lUIe et l/.ol. C'est la meme oil I'abbaye de Quimperlc (u) est a present balie. 11 est au moins probable que GiUbiern (3) finit ses jours dans ce lieu qui, de son temps, n'eloit qu'une affreuse solitude. On y voyoit encore , en 1678, une cbapelle sous son invocation. On la delruisit alors pour y placer la niaison abbaliale. I.e tonibeau et la figure du saint avoient ele tin's de cet oraloire ; on les avoit Iransporti's dans Tcglise soulerraine de la mcme abbaye. On pent regarder Gutbiern conimc le premier fondaleiu de ce monastere. Gr. Grallon eut encore pour conteniporain un pieux solitaire nomme (1) I,e tcrrac Anaurot est compose d'anicn, vieres. on anuun , prnfond , et de rot, rivifrc. Ce (3) Le nora de Guthiem lire son origine qui veul Aire : lieu prnfond cnvironnc de ri- de gwcn ,cxlraction, race , cIAq ticrn .prince, vieres. C'est ccUe vallcc, cnloiiree premiere- souverain. De l;"i on a foriiie Macdern , si ment des deux rivieres Elle et Izol , oil est connu en Armorique, qui veut dire : fits de bJtie la principalc partie de Qiiimperle, et prince : mac, fits. A cette occasion nous re- ensuite de hautcs montagncs , sur le penchant raarquerons (pic Landerncau . chef-lieu de i.i el au liAut dosquelles est, cntr'autres , la pa- baronie dc I.eon, prend son etymologie dans roisse de Saint Michel. le mutton, territoire, et dans telui dc Jicrn , (2) Quimperlc est une pcninsulc form6e prince. Cc qui signiDe : territoire du prince. par la jonction d'Ello et d'Izol. Civm, en com- Nousobscrverons en m^me temps qu'Audiern position cym , confluent ; her ou per. ri- \'\en\. d'aud, atle , horddc la mer ,tiAttiern ; viere ; llai , pelites : confluent de petite* ri- ce qui se rend par: cole du prince. CINQCIEME SliCLE. 23^ Ronan on Renan. On croit qu'il prit naissance en Iilande. Ses parens, qui etoient Chretiens , issus piobableraent de ceux de ces Hibernois que les Bretons avoient attires a la religion , I'eleverent saintement. II paroit qu'il passa dans la Brelagne pour s'instruire dans les sainles Ecrilures et se for- mer a la piete. Sa science et ses vertus furent telles , qu'il merila d'etre eleve a I'episcopat. On ignore quel etoit son siege : peut-etre n'etoit-il qu'eveque regionnaire. 62. On assure qu'il remplit les fonclions de ce redoutable ministere avec beaucoup de zele et de cbarite. La vie contemplative avoit pour lui des cliarmes qu'on ne peut exprimer. Tout ce cjui ne le portoit pas direcle- nient a Dieu ne repondoit point a I'amour qui rattachoit a lui. Les defe- rences qu'on rendoit a son merite blessoient son humilite. Sa devise etoit renfernite dans celte sentence : « Au seul roi des siecles, immortel et in- » visible , a Dieu seul lionneur et gloire. » 63. C'est pourquoi il chercba un pays oii il put servir Dieu sans elre connu. L'Arniorique (i) lui parul propre a ce dessein. Etant aborde dans le territoire de Leon , il s'arreta dans un endroit fort retire , a deux lienes environ de la cote : il y construisit une cbaumiere , ou il vecut assez long-temps sans avoir de commerce avec les hommes. Sa joie etoit d'au- tant plus grande qu'il n'attendoit d'autre consolation que du ciel , et que rien ne I'empechoit de se livrer tout entier a la priere vocale et a la con- sideration des cboses saintes. Cette solitude , qui devint une terre de be- nediction , a fait place depuis a une ville qui a pris le nom de son pre- mier habitant. 64. Scmblable aux disciples privilegies de Jesus-Christ, qui avoienl tout quitte pour le suivre , il fut , comme eux , pourvu du don des mi- racles. Il en fit usage, avec la meme ardeur , pour guerir les malades. La reconnoissance publia bienlot ces a?uvres du Tout-Puissant. La renoni- mee attira dans la sohlude du saint un grand nombre d'infirmes : elle en (1) La legende manuscritc du pcrc Dupaz , auparavant , s'il eftt ele disciple des eleves dc qa'asuivieD. Lobineau , fail naitrc Renan de saint Patrice, qui ne coramcnca sa mission parens que saint Patrice , I'ap6tre d'lrlande , apostolique que vers Fan 432. C'est doneuiic avoit convertis au christianisme. Elle le fait erreur centre la chronologic. Ce qu'on rap- 61cvedes dis-iples dc ce saint maitre. Comme porte des mauvais traitemens que Renan es- D. Morice et M. Tabbe des Fontaines ont suya dc la part de Grallon fait croirc que rela prouve, d'aprcs les memoires de M. I'abbe arriva vers I'an 435, ou , du moins , pcu dc (jallet, que Grallon avoit rcgne en Armo- temps apres. Mais , par la vie mfime du saint, riquc depuis I'an 433 jusques vers 446, temps on decouvre evidemmcnt qu'il habitoitrn Ar- de sa raort , Renan n'auroil pu rcsider dans morique avant cette epoque. son royaumc durant cct intcrvalle, ni memo ^38 niSTOIRK ECCLESIASTIQUE. Iroubla par la loufe la douceur. II craignit qu'en rcndavil la sante dii corps aux autres , celle de son ame ne vint a pcrdre de sa force. G5. II eut recours une seconde fois a la i'liile : apres avoir traverse le golfe de Brest et fait cinq a six licues dans le pays des Corisopiles , il se trouva sur le bord d'une grande foret (i). 11 se fit un hennilage dans le lieu nicme (|ue Ton appelle aujourdluii Loc-Renan (a). C'est une paroisse du diocese de Quiniper , pen eloignt'e de Douarnenez. Renan ne goiila pas plus dans celte nouvelle demeure les avantagcs d'une vie obscure. Ses verlus et sa solitude meme furent autant de voix qui annoncerent son arrivec et donl rcclio relentit au loin. Ce bruit par\inljusqu'aux orcilles de Grallon. (3G. L'odeur des vertus de Renan atlira le prince a sa cabane , tanl les cliarmcs de la saintete sont puissans ! Le saint lui donna des avis salu- taires sui- la manicre donl il devoit gouverner ses peuples et nioderer ses passions. 67. Un particulier avoit donne rhospilalile a Renan au moment de son arrivee. Toucbe de son exlcrieur morlilio et de ses discours t'difians , il s'cloit atlaclie forlcmcnl a lui et I'avoil aide a balir sa cabane et un ora- toire. Les assiduiles de eel bonmie aupres de rcrmile deplurent beau- coup a sa femmc. Ellc en porta ses plaintes ameres au solilaire , qui ne servirenl qu'a niellre sa patience dans un plus grand jour. Bien loin d'i- niiler la verlu donl il lui donnoil Tcxemple, elle enlra en fureur. Pour se venger , elle fit courir le bruil que Renan cloit magicicn , et qu'il (1) Ceux qui ont ecrit la vie de sainl Ucnan appcUent cctte foret Ncmce. Cc tcrmc vicnt dencm, foret, et d'o« , riviere, lis la nom- mcnt encore Coclncven , de coet , forcl, et d'ei'cn , riviere ; I'n qui precede even se met, en brelon , i la tele du mot. Ainsi les termcs Nemec el Coclncven nous indiquciit une forcl qui csl Iraverscc par une riviere. Des monu- mcns, qui subsistent mf'me dc nos jours, nous donnent une idee de relenduc de cctte fon'l. On la relrouve i Guaimcncvcn ou Guc- luencven , au-dcssous de Cliitcaulin {gai, forel ; men , pclilc ; even , riviere : petite ri- vitre au milieu d'une foret). .\ Porzay el Gui- nigoud {pore, habitation; sai , foret : de- meure au milieu d'une foret. Gwi , riviere; ni, dimiiiulif; goud, forcl: petite riviere au milieu d'une forel]. A Lcsliascouct , proche Locrcnan {_ les , aupres ; as , riviere j couel , forcl: riviere aupres d'une forcl). AGucngal, paroisse voisine de Quimper ( gucn , belle ; gal, forcl). La riviere qui traverse le sol dc celle forcl s'appclle Ifenaudel. Elle rccoit rOdcr i Quimper : c'est de cc conducnt qu'elle lire son nom. Iten, confluent; au , ri- viere; clou ed, diminutif : petite riviere qui avn confluent. Lc Boiiaudol, apri's avoir ar- rose Loc-Renan et reuni I'Oder k ses eaux , va se jeler dans I'Occan , aupr6s d'une pa- roisse h qui il a donno son nom. (2) Le tcrme Loc-Renan est compos6 de loc, habitation: de re ou ro , aupres , ct dc nan , cau : habitation aupres de I'cau. C'est dc la que saint Ilcnan a pris son nom. Sa pre- miere demeure avoit cte auprfcs d'un petit bras de mcr qui s'ouvre a I'ansc de Lan-!Idut , el qui se prolonge dans les tcrrcs, au diocese dc Leon. CKVQUIEME SIECLE. aSc) profitoil dc la facilite de son mari pour Tinitier dans ses mysteres abo- niinables. 68. Celte imposture n'ayant pas eu toullesuccesqu'elleen esperoit , elle eut recours a un nouveau slratageme. Elle reuferma etroitement sa fille unique, et debita dans le canton que Renan , se transformant en bete quand il vouloit , I'avoit devoree. Elle se presenta aux pieds du trone de Grallon pour lui demander justice de ce forfait. Les larmes qui couloient de ses \eux et les transports qui I'agitoient exterieurement parurent au prince autant depreuves de I'outrage fait a I'amour maternel. 69. 70. Grallon indigne manda Renan pour en tirer une vengeance eciatante. Sans cliercber a discuter , suivant la raison , de quel cote etoit la faute : « j'ai , dit-il , deux dogues fuiieux qui me feront connoltre si J* cet homme est innocent. Qu'on les lache confrelui, la saintete de sa M vie le sauvera peut-etre , s'il n'est pas coupable. » Celte sentence, qui, prise en elle-meme, fait fremir la nature, parloit moins de son coeur que de I'empire du prejuge. On croyoit encore , du temps de ce prince , que Dieu se rendoit toujours le garant de la bonne cause. Les chiens mis en liberte fondirent a I'instant sur Renan pour le devorer. Le saint fit alois le signe de la croix , et dit : « que Ic Seigneur vous arrete. » Cescbiens, changes tout a coup , vinrent flatter et caresser Renan. Grallon reconnut que la passion I'avoit conduit trop loin , et que le doigt de I^ieu se nia- jiifestoit en faveur de celui qu'il venoit d't'prouver. Renan n'attribua ce miracle qu'a la bonle del'Elre souverain. 11 decouvrit les artifices de celte mechante femme ; il declara le lieu on elle avoil cache sa fille , et pro- testa que , par la faute de sa mere , elle avoit ele etoufTee. Le prince fit verifier les fails sur les lieux : tout se trouva conforme a ce que le saint avoit depose. Il ne restoit plus qu'a punir la calomniatrice. On rapporle que Renan , qui ne suivoit en tout que sa cbarite , obtint la grace de celte femme, et qu'en nieme lemps il ressuscita sa fille. 71. Ce saint solitaire finit ses jours dans sa seconde cellule ; du moins esl-il certain que son corps fut inliumc dans I'oratoiie qui y etoit oonli<'u. Les miracles qui furent open's .sur son lombeau le reiidirent celebre : re qui fut cause qu'on y construisit une eglise considerable. Une partie des relicjues du saint a reste dans cette eglise ; I'autre a ete transferee dans la cathedrale de Quimper, ou Ton en fait la fete le premier jour de juin (i). (1) Legendc m.inus. dc Dupaz. l,oI)incau , Vio3 des Saints de Bret. Vies des. Saints dc Bre(. Albert le Grand , a/jO lirSTOIRE ECCL^SrASTIQUE, 72. La salnlelc, qui eloil le caraclerc dislinclif ties comnuinaulrs reli- ijicuses ct dcs solilaircs de T Armoritiue , Ics bous exempks iiu'ils don- uoient et les services qu'ils rendoienl an public, n'ctoienl que I'echo des verlus des premiers eveques dc ce royaunie. Tous vivoient iudislincle- luent sous leur dependance ; la discipline qu'ils gardoient etoit ou leui- ouvrage , ou uuuii de leur approbation. La ferveur que Ton admiroit dans ces sociclc'ssainlos, ct a ronibre de la solitude , prcnoit en partie sa source dans la vie edifiante des prclats respectables qui veilloient sur leur con- duile. Si la Providence a perniis que les actions de ces illustres guides dans les voiesdu salut nesoient pas parvenuesjusqu'a nous, elle nous en a du moins ebauche le portrait dans celui que nous avons de quelques- uns de ces saints eleves. r3. Les eveques de I'Armorique nVtoient pas seulenient attentifs a en- tretenir I'ordre paruii les fidcles de leurs dioceses ; ils avoient a ca-ur de conserver les prixiltges que Taulorite civile leur avoit accordes. On sail (luc, dans les premiers jours de I'Eglise naissante , les fideles n'avoient (lu'un meme canu- et un meme esprit : la charile les unissoit lousetroile- inent. Si la cupidite tentoit de Iroubler I'liarmonie par des disputes et dcs proccs , on etoit oblige de recourir aux chefs de I'Eglise pour les termi- ner. Ce rcglcmeut avoit cte sagement clabli. La force du chrisliauisnie con- siste dans I'union de ses proselytes et dans I'etendue de leur charite. La publicite des querelles particulieres des chretiens auroit fait le scandale des Juifs et des paiens ; ils auroient ele moins touches de la grandeur , de la saintete et de la divinitc dela religion. Les chretiens eux-memes seseroient exposes a compromettrc leur foi , en s'adressant aux juges paiens, a cause des ceremonies idolalres qui s'observoient quelquefois a leur tribunal. Mi- nistres du Christ , a Tavenement duquel il a ete dit que les nations con- \erties forgeroient de leurs epees des socs de charrue pour labourer la lerre , et de leurs lances des faulx pour faire la moisson ; cju'elles ne tire- roient plus I'c'pee I'une conlre Faulre , et qu'elles ne s'exerceroicnt plus au combat (i) ; les cvc'cpics, qui avoient puise son esprit, se faisoient un devoir d'aller au-devant de toute conleslation , ou du moins de la termi- ner promptement ; d'apprendre a chacun a travailler en paix a son salut , a la conserver avec tout le raonde , a renoncer a son propre sens , ct a briser la durete de son cocur pour en arracher les epines et y faire germcr toutes les vertus. I'cres aussi teudrcs que jugcs iiUcgrcs , ils avoient droit (i) Isaise , c. 2. CIKQUIEME STKCLE. nl^l a une soiimission de cceur et d'esprit dans lesordonnancesqu'ilsrendoient sur les affaires civiles. Si quelquefois la passion y entroit , c'etoit une suite mallieureuse de la foiblesse bumaine, dont personne n'est exempt. Des jiiges laiqiies, dont les piincipales occupations etoient d'approfondir Tes- prit des lois , pouvoient dans certains cas tire plus instruils que les eve- <[ues; mais ceux-ci avoient de leur cole des avantages , une connoissance plus dislincle de la morale evaugelique , qui apprend a rendre ce que I'on doit a Dieu , a la societe et a soi-nicme. 74- Les empereurs Chretiens s'etoient convaincus par eux-memes des services importans que les evcques avoient rendus a I'etat dans I'admi- nislration de la justice. Nous avons vu quelle confiance Conslantin avoit eu dans leur integrite , et qu'il s't'toit decharge sur eux , en parlie , du soin de jnger ses sujets. Une loi, qui selit a la suite du Code theodosien , or- donne que tout ce qui aura eld decide , en quelque njatiere que ce soit , par le jugementdes eveques , soit tenu pour sacre et soit irrevocablement suivi de son cffet , meme en cc qui concerne les mineurs ; il y estenjoint au prefct du pi'tloire et aux auUes magistrals de tenir la main a I'execu- tion. Le demandeur et le defendeur sont libres d'cn appelcr a I'eveque , ou au commencement du proces , ou apres les delais expires de I'instance, ou apres la dernicre audience , ou mem.e lorsquele juge a commence de statucr ; dans lousccs cas, I'appel est autorisc , malgre I'opposilion de la parlie, et le jiigeraent irrcformable. 75. Celte loi , qui tendoit a la destruclion des tribunaux seculiers, en rendant I'Eglise trop puissante , I'exposoit a la jalousie , malgre la pure- te de ses int&nliQns , et la livroit a mille distractions. Aussi fut-elleres- treinte par les successeurs de Gonstantin ; il resta neanmoins a I'Eglise en- core assez d'autorite pour qu'on cbercbat a la Iroubler dans sa possession. 76. Valenlinien iii donna, le seize avril 452-, une ordonnance qui ren- versoit tons les privileges que ses predecesseurs avoient accordes a ce su- jet. Les plainles que Ton a faites sur les jugemens des eveques, le por- tent , dit-il , a defendre dans la suite au clerge de prononcer sur d'au- tres causes que sur celles qui concernent la religion. Les clercs, qui onl quelques proces entr'eux , pourront neanmoins , si les parties y consen- tent, s'en tenir a I'arbitrage de I'eveque. Un demandeur laique , dans une cause civile ou ciiminelle , est libra de poursuivre un clerc devant les juges seculiers. 77. Ce reglement parut a plusicurs eveques conime une plaie faite a I'Eglise. Dans le dessein d'v remedier , ils s'opposerent a I'execution en- 3i ^42 IIISTOIRE rCCLTIStASTIQtir:. lieie de cetle loi. Lt'on , Victurius et Eusloclie de Tours eleverenl entr'au- Ires la voix dans cctte occasion. lis adresscrent une lellre commune a Sarmalion , Cliarialon , Desiderius ou Didier , eveques de la troisieme Lyonnoise , cl au\ prelros dc la nicme province (i). 78. llsleur exposcDl d'abord (|ue la puissance seculiere a cu une vcne- ralion si profonde pour I'etat ecclesiaslicjue , que les empereurs romains s etoient empresses d'altiibuer aux eveques le jugement meme des affaires civiles : que lei t'loii I'ancicn droit confirme par diffc'rens edits ; que ntan- nioiiis on cherchoit a le meconnotlre, et qu'en consequence plusieurs nienihres du clcrge porloicnt lours proces devanl les cours sc'culicres. lis ajoulent qu'ils ne peuvent souffrir raffront que Ton fait par la aux lois et a leur ordre. lis finissent en leur donnant avis de la resolution qu'ils ont prise de concert , de deposer les clercs qui , dans leurs affaires , s'adres- seroient aux jugcs laiqucs, au lieu d'avoir recours an jugement de I'eve- que. lis exig(>nt qu'un clerc , a (jui un laique inlente nn proces devantlc juge scculicr, deniaudc auparavant aclrejugt' par son eveque , et en ob- tienne la permission de plaider a une cour etrangere , si sa partie n'en veut pas reconnoitre d'aulre. Tel est le reglement qu'ils veulent qu'on observe dans loute la province (2). 79. Le pouvoir de ces eveques ne s'etendoit pas au-dela de ce slatut. La leltre qui le contenoit cloit le rcsullat d'une decision prise dans un con- cile dc la province de Tours. L'autorile avec laquclle ces Irois eveques parlent a Sarnialion , Cliariaton et Desiderius , le suppose necessairement et fait connoilre que ces prelals , a qui cetle lellre etoit envoyee , depen- doient de cclle nu'lropole. On ne I'avoit drcssce que pour leur notifier cc qu'on avoil arrete dans I'assemblee provinciale , et pour les metlre a poi ic'e de s'y conformer. 80. Les eveques de ce concile traitent , dans leur leltre , leurs confreres, de seigneurs, de bienlieureux et de venerables en Jesus-Christ, .\ureste, ricn ne fait voir dans quel lieu se lint cetle assemblc'e de la metropole. Ce (jui doit niaintenant faire I'objet de nos reclierches, c'est de tacher d assigner avec certitude quels etoient les sieges que Leon el Victurius oc- cupoicnt , ainsi que ceux des trois eveques a qui ils avoient ecrit. 81. Pour ce qui regarde Victurius, il est certain qu'il c'toit eveque du Mans : sainl Martin I'avoit place sur la cliaire de cette eglise. On avoit (1) C'est par erreur que quelqucs-uns ont ques Provineim Thracim, au lieu de Teriice. cru que cclle Ictlrc cloit adrcssce aux evo- (2) Sirmond, Concil. Gall. t. 1. CINQUlijIE SIECI.E. 2 4 3 ciu d'al)ord que Leon etoit le meme que le pape , premier de ce nom ; on est a present revenu de cette erreur : on veut aujourd'hui que ce soil ce- lui-la qui siegeoit a Bourges vers le meme temps. Le nom seul serl de soulien a ce dernier sentiment , comme au premier ; mais on ne fait pas attention que I'eveque, dont il s'agit ici , etoit de la troisieme Lyonnoise , et qu'on ne peut le meltre ailleurs. Ce Leon n'etoit point eveque d' An- gers ; saint Rene occupoit cette place alors , ou du moins elle etoit va- cante dans ce temps (i) ; nous la verrons bientot remplie par Talasius. Ce n'est done qu'en Armorique qu'on peut trouver le siege deLeon. 82. Nous nous rappelons que Desiderius etoit eveque de Nantes et quit avoit ete sacre par saint Martin. Chariaton est le meme que Corentin , premier eveque de Quimper. Nous en avons fourni la raison ci-devant. Comme les eveques du concile ne font point mention de Paterne , on doit conclure , de leur silence , que les Vennetois venoient de le perdre. Il etoit represente par les pretres de son eglise. La niort avoit enleve Riotliimeet Senieur. Leon et Sarmalion (a) lesavoient remplaces; mais rien ne nous appreud lequel des deux il faut placer a Rennes plutot qu'a Dol. 83. Le concile , a I'occasion duquel fut ecrite la lettre dont nous avons donne le precis , dut se tenir a la fin de I'an /jSa. Les troubles qui agile- rent I'Armorique furent peut-etre causis qu'il ne se trouva a cette assem- blee qu'un eveque de ce royaume. C'est ce qui determina ceux qui I'a- voient composee a faire part aux absens , du decjet qu'ils avoient dres- se : leur acceptation donnoit une nouvelle force a cet arrete. 84. 85. Les eveques de la metropole de Tours conferoient alors fre- quemment ensemble et sans designation de temps , selon I'occurrence des affaires. lis eurent occasion de se reunir I'an 453. lis renouvelerent , dans leur synode , entr'aulres clioses , le disposilif de la lettre dont nous avons rendu compte. lis firent les douze canons suivans : I. Il est defendu aux clercs de resisler a un jugement rendu par les eveques ; de plaider , sans leur consentement , devant les juges secu- (1) Comme la vie de saint Rene , dit le Pcrc » avoir ru ce qui s'est ecrit de part et d'aii- Longueval , dans son premier volume del'IIis- » ire , nous croyons devoir nous en tenir a la toire de I'Eglise gallicane,« est plcine de fails » tradition de cette eglise. » Nous souscri- » peu vraisemblables, quelques critiques out vons volontiers a ce jugement. » avance qu'il n'y avoit jamais eu d'eveque (2) Le nom de SarmaCion se lire de sar, » d'Angersdece nom. Mais, ajoute-t-il, apres Iris ;CiC mat , ion, eld' ion, copahle , savanl. ^44 IIISTOIRE F.CCLtSIASTIQUE. liers ; de passer d'un lieu a un aulre sans leur permission , ou de voyager sans en avoir oblenu des leltres de recommandation. II. 11 est enjuiul au.v diacres do dcfc'rer aux prelres en loule humllilc. III. On defend la violence et les miililalions de membres. IV. 11 est ordonue aux clercs d'evilcr loute famiiiaritu aveo les femnies elrangeres. « Ceux d'cnlr'eux , disenl les Peres , qui ne sont pas maries , » ne peuvent avoir chez cux que leurs socurs , leurs taules et leurs meres. » En effet , il est bon a rhommc de n'clre pas seul ; niais la familiarite j> avec des femmes etrangeres est dangereuse aux clercs : elle en a fait loni- j> ber plusieurs dans le peclie. Ceux qui n'observeront pas cetle defense » ne seront point promus aux ordres superieurs, et , s'ils sont doja or- » donnt's , ils seront interdils de leurs fonctions. Ceux d'enlre les clercs » qu'on saura avoir aide a prendre ou a livrer quehjue ville , ne seront » pas seulement prives de la communion , mais on ne les admettra pas 3' merae a manger avec les autrcs fideles dans les repas ordinaires. » V. On traitera avec la memo sevt'rite les pcnitens qui abandonncnt leur etat el les vierges consacrces a Dieu , ([ui sont tombees volontairement dans le crime. VI. On excommunie ceux qui epousent des femmes dont les maris sont encore vivans. Ml. La meme peine est portee contra les clercs qui abaudonnent la olericalure pour s'engager dans la milice seculiere , et se mellre au rang des laiques. vni. Les moines , qui abandonncnt leurs engagemens et voyagent sans leltres de recommandation et sans necessitc , ne seront point recus a la communion , ni par leurs abbes , ni par les prelres, a moins qu'ils ne sc soient corriges auparavant. IX. II est defendu aux evecpies d'ordonner des clercs dun autre dio- cese , sans le consentement de I'eveque diocesain. X. On excommunie les clercs qui ne veulent pas s'acquitter des fonc- CINQUliME SIECLE. 2 ijO tions de leur onlie, a moins ([u'ils ne prouvenl qu'ou n'a pas ele en droit de les ordonner (i). XI. II est ordonne qu'entre les personnes maiiees que Ton admet a la pretrise ou au diaconat, on neprendra que ceux qui n'ont eu qu'une feni- nie et qui I'ont epousee vierge. XII. On accordera la penitence publique a tous ceux qui auront coii- fesse leurs fautes et qui se seront converlis. L'eveque en reglera rordie et la duree , suivant sa prudence ; il aura soiii de proporlionner I'un et I'autre a la qualite des peclies. Les Peres de ce concile veulent que ceux de la province qui ne se con- formeroient pas a ces ordonnances, en soient punis , et qu'il soit permis a leurs confreres de s'elever contre eux (2). 86. Cette assemblee s'etoit tenue a Angers le 4 Octobre , sous le consulat d'Opilion. Ses canons evirent des ce jour force deloi dans la province de Tours. 87. La vacance du siege d'Angers avoit donne lieu a la convocation de ce concile. 11 s'agissoit de choisir un successeur a saint Rene. On niit a sa place Talasius. 88. Suivant le quatrieme canon du concile de Nicee , de I'an 3^5 , l'eveque devoit etre etabli ou elu par tous les eveques de la province ; et , si cela ne pouvoit se faire , au moins par trois eveques presens , avec le consentement de ceux qui etoient absens , lesquels ayant agree I'election , ceux qui etoient presens faisoient I'imposition des mains ou I'ordination. C'etoit un usage assez ordinaire de faire I'election et la consecration des eveques dans le meine temps. Le motif pour lequel les Peres du concile de Nicee avoient porte ce canon , etoit, comme le dit Innocent i dans sa lettre a Victrice , afin que les eveques n'entrassent point furtivement dans la bergerie, mais avec I'approbation de loule I'Eglise , qui etoit represen- tee par celle de la province ou Ton consacroit un nouvel eveque. Ce n'est pas que le peuple n'ait continue en Arraorique d'avoir part aux elections. (1) Lc dixifeme canon est concu en ces ter- dernierepartic. Les Peres Sirmond etLongiie- mes .• Qxiicumquc aukm vel de laicis , vel de val I'expliqucnt dans ce sens : Qu'il nefautpas clero minislri fuerint ordinali , et ohservare excommunier pcrsonne , qu'apres Vavoir coii- noluerinl , si laicus , communicare non liccat , vaincu du crime qui meriie Vexcommimica- nisi forte reprobavcrint criminosos. Ce texte, tion. qui rcnferme beaucoup d'obscurites, n'cst , pas enlendu egalemcnt , du moins quant i sa ^"^ S'™'>"'^ ' <^°"'=''- ^'''- '• * " 246 HISTOIRE ECCLESIASTIQUE. Pour se confornior aiix regies elablies, six eveques asslstereiit a la cousecralion de I'elu d'Angers , savoir : Eustoclie de Tours , ^'iclurius du Mans, Charialou de Quiniper , Leon , Ruuioride et Vivcnlius. D'apres le canon que nous avons cile , on doit regarder coninie certain que ces trois derniers prclals sicgeoient en Armorique. Ce que nous avons dit ci- devant de Lc'on n'ctoil pas uue pure conjecture. Desiderius (i) etoit rcniplace par Rumoride , (juc nous voyons pour la premiere fois. Viven- lius avoit succede a Sarnialion , dont on n'apercoit plus le noni. Le siege de Venues etoit peut-clre encore vacant. C'est ainsi que la succession des eveques de rArniorique continue de ne pas souffrir d'interrupliou depuis leur t'tablissement dans celte province romaine. Nous n'en cherchons pas la chaine dans des catalogues obscurs ; nous la trouvons dans les actes les plus respectables. Vn examen attenlif fixe a ces eveques les sieges qu'ils out reellenient occupes , et determine ceux que Ton ignoroit jus- qu'a ce jour. 89. Cependant Audrcn (2) , fils de Salomon , avoit monte sur le trone dc son aieul vers I'an 4'j5, apres la mort de Grallon. Les premieres annees de son regne ne furcnt marquees par aucun evenement d'eclat. C'en etoit uu trcs-precieux a ses peuples de niainteuir la tranquillite dans ses c'lals, et dont il n'uloit redevable (ju'a sa sagesse. 90. c)i . f)2. L'ile de Rretagne etoit toujours aussi agilt'e que les flols de la luer ([ui I'environnent. Les emigrations frcquenles et nombreuses qu'elle souffroit depuis long-temps en avoient fait disparoitre ce qu'il y avoit dc bras aguerris et vigoureux. EUe dul a saint Germain , eveque d'Au- xerre (3) , et a saint Loup , eveque de Troyes (4) en 429 , la vicloire coni- (1) Lp Perc Longucval (lit , dans son Ilis- qu'ils avoient prise ?« Quod idcJ) singulos uni- toire de lEglise gallicanc , torn. 2, que la » versosque voluiinus agnoscere , ut, quod IcUrc synodique d'EuslocIie , Leon ct Vic- » pleno juslitiae et juris ordine conslKutuni turius, dont nous avons parte, fut ccrite en » est, effectum tolius firmitatis in oinnil>us consequence du concile d'Angcrs , dc Tan » clcricorum negoliis sortialur. » 453. II n'a pas fait attention que Desiderius (2) Audren , aulremenl Drrmrus, a etc (•loit un dc ceux a qui die avoit etc adrcssec , ainsi nomme, parcc qu'il avoit le visage picin ct que cc preiat ne vivoit plus dans Ic temps de boutons. En elTel , le mot dremrus , se que sc tint ce concile. D'oii il suit que celle tire dc drcm , visage , et de ru: , plein de bou- lellre est anlcricurca I'cpoquc de cettc assem- (ons. Celui li' Audrcn vient d'aJ , elev^ , et de lilec. D'aillcurs , si clle ciit etc faitc au con- drem. cilc d'Angcrs , comment I'auroit-on envoyee a (3) Auxcrre (Autissiodorum) tire son nom Cliariaton qui y etoit present et inslruitdc d'au«,6ord; d'w , rii-icrc ; de i/odrum , dont on lout ce qui s'y cloit passe? Les evi^qucs n'y a fait jodrum, pclile montagne . Ce qui vcut di'clarcnt-ils pas qu'ils ne la font parvcnir aux dire •.pelilemonlagne sur Ic bord d'une riviere. abscns , que pour leur noliOer la decision (4) Troyes fTrecaJ a pris son Dom des CINQUIEME Sli'.CtE. 247 plete qu'elle remporia siir les Pictes et les Ecossois. Tandis que les Ro- mains lui fournirent ties legions , elle triomplia et se rcleva de ses pertes. Livree^ vers I'an 448, a elle-meme , elle devint la proie de ses ennemis, Les barrieres que les Remains leur avoient opposees furent sans defense. lis les francliirent pour porter la devastation et la mort chez leurs voi- sins. L'etat deplorable 011 lis les reduisirent et leur soumission ne purent calmer leur ferocile. Dans une position aussi affligeante , les Bretons eurent encore recours a Rome. « Les barbares , disent-ils a Aetius, nous » poussent vers la mer ; la mer nous renvoie vers les barbares. Si nous » voulons eviter d'etre egorges , nous sommes engloutis par les flots ; et , » pour ne pas perir dans les abimes , nous tomboiis entre les mains de M nos plus cruels ennemis. Ainsi nous n'avons plus que I'borrible choix )i de perir par I'epee ou dans les flots. » 93. Aetius soutenoit alorspar sa valeur I'Empire cbancelant ; mais il etoit presse par Attila (i) , qui se van toil d'etre le fleau de Dieu et le marteau de I'univers. II ne lui etoit pas possible de venir au secoius de ces allies infortunes. Ce refus les jeta dans le desespoir : ne se croyant pas en siirete dans leurs anciennes demeures , et , sans faire attention qu'ils ne liroient leur subsistance que de la culture de leurs terres , ils s'enfon- cerent dans les forets etles cavernes desmoutagnes , ou la fiiim les atten- doit et ou leurs ennemis les attaquerent. Ceux-ci , qui avoient ravage les campagnes , eprouverenl a leur tour les borreurs de la famine. Ce qui les obligea de rentrer dans leur pays avec leur butin. 94- 95. Audren ne put s'empecher de s'attendrir sur les malheurs de cette lie , ou ses ancetres avoient regne avec bonneur. Oubliant sespropres interets , il envoya aux Bretons , Constantin son frere , a la tele de deux mille hommes. La nation reprit courage ; ce qu'il y avoit de jeunes gens s'arma dans le dessein de perir ou de vaincre. Constanlin , qui leur ser- voit de general , defit les barbares en plusieurs rencontres. La gratitude lui mil la couronne de Bretagne sur la tete : la perfidie la lui enleva avec les jours apres quelques annees. Son fils Constans le remplaca et eprouva bientot le meme sort. 96. 9'7. Ambroise-Aurelien , son frere, qui craignoit d'etre traile de cette maniere, se refugia aupres d'Audren , son oncle. La legerete , I'in- constance et la grossierete des Bretons les conduisirent insensiblemenl a Tricasses. Trie, fori ; cah , Irh . Tricasses , (I) Suivant les mcdailles de ce prince, son tri<-/br<*. Ce peuple faisoit parlie de CCS bra- vrai nom eloit Atula. II vient d'a(, Urve , et ves SenoDoisqui prirentRome. de hde , deluge : deluge de la lerre. 24° HISTOinr. rCCLESIASTIQCE. la ruiiie de Iciir palrie. Le couronnement de Vorligern , run des piincts Domiionicns , en fiit le signal. Ce nouveau loi, qui n'avoit point de se- cours a espercr de rArmoiique et qui ne se senloit pas assez de courage pour resisler a ses onneniis, envova , de concert avec ses sujets, une deputation vers les Saxons du nord-oucst de la Gernianie , pour ies invi- ler a proleger I'ile. Jaloux d'acfjuerir de la gloire et animes bien plus en- core par le desir des richesses , ils acceplerent avec joie une proposition si conforiue a leuis intcicts. 98. Les troupes des Saxons furent enibarquccs sur Irois vaisseaux. Ilorsa et Hengist, tons deux frcres, en t'loient les commandans. Le premier ins- piroil la terreur par son noni seul (i). Le second en avoit un qui n'ctoit pas hioins imposant (2). 11 signifie anclcn , non pour designer I'age de celui qui le portoit , mais pour exprimer I'illustre origine dont on le (ai- soit descendre. 11 passoit , ainsi que la pluparl des princes saxons, pour elre issu dc A\'oden , le dieu unique des anciens Gaulois , dont nous avons park' ailleurs. Ce \Yoden , dont les Saxons avoient perdu I'idee primitive, cloit regarde comme le bisaieul d'Hcngist. Ce tcrme ne pio- duisoit pas dans leur esprit le mcme sens que celui ([uc nous y allaclions. Connne ces peupjes ne remontoient pas au-dela de la troisieme genera- lion , lorsqu'il s'agissoit de dresser Icurs arbres geuealogiques , ils eni- ployoient ce mot pour faire voir que, de pere en fils , Texlraction de ce prince alloit sc perdre dans Woden, Tauteur du premier liomme. Outre le nom d'ancien , Hengist portoit encore celui de juste. La pre- miere idee que les Saxons se formoient de la justice, venoit de celle qu'ils avoient de la valeur , soil dans les combats entre les armees , soil dans les duels entre Ies particuliers. D'aprcs ce faux principe , la justice, selon eux , eloit loujours altacliee a la parlie victorieuse. Hengist eloit done une especede dieu invincible, tel que Mars cliez les Romains. 99. Les Saxuns , fiers d'avoir a leur tele Hengist et Ilorsa , formerenl les plus belles esperances. De I'ile de Tanet (3) , 011 ils avoient aborde an nomI)re de quinze cents, lis marcherent a la victoirc. L'epouvante avoit devaiice leurs pas : leur presence fit renlrer les barbares dans leurs aii- ciennes limiles. Les Bretons s'applaudirenl dc s'etre donne des auxiliairt s (1) Lc nom dc hor: vcut dire mailtct , (3) Ccltc ile est dans la province de Kent , v\arica\i. Soiin I'appelie Tanalos. Cc nom tui vient de ,r^. ^ 1 • 1 rr •, . • i , lIc nom. Res , hahitaliiin ; arm, lac, lagune : etoit Litic sur pilulis dans des lagiincs. On habilalion au milieu des laguncs. n'y cntroit qu'en bateaux ou par un pont (2)Conslantius de vitaS. Germani,1.2. c.5. CINQUIEME SlfeCLE. sS I to8. Trois ans apres, Attila est sur le point de fondre sur les Gaules. Aetius rassemble des troupes de toute part ; il conjure les allies de I'Em- pire de se reunir contre I'ennemi commun. Les Armoriques se joignirent a lui, Secouru par un grand nombre d'autres auxiliaires , il cliassa At- tila d'Orleans (i) et le dcfit dans les plaines de Chalons, en Cham- pagne. Les Alains s'etoient rendus suspects, durant cette guerre, auxRoniains et a leurs allies. Les Armoriques , qui n'avoient pas oublie I'expedition que ce peuple , avide de pillage , avoit voulu tenter contr'eux , porterent le feu de la guerre dans son pays. Aetius I'avoit place dans les environs d'Orleans , qui etoient auparavant incultes et aliandonnes. Cet habile general s'en eloit servi comme d'un boulevard pour contenir les Armo- riques. Accouturaee aux brigandages, cette nation n'avoit cesse de s'y exercer ; par ses correspondances avec les etrangers , elle avoit mis la Gaule dans des crises violentes. Les Armoriques se rendirent maitres d'une partie de son terriloire ; le plus grand nombre , qui passa en Ilalie , fut dt'fait a Bergame , par Ricimer , en 4^4 , le 6 de fevrier. Ce qni resta d' Alains aupres d'Orleans , fut transporte dans I'Armorique ; ils furent tellement separes les uns des autres , qu'il ne leur fut plus possible de s'attrouper. Ce n'est pas cependant ce qui rendit en Armorique le nom d'Alain si commun. Nous en verrons d'autres raisons (2). 109. Entre les differentes conversions que saint Patrice avoit faites a son entre'e dans I'lrlande , celle d'un jeune seigneur avoit etc remar- quable. Son pere s'appeloit Clyton , nom que Ton donnoit aux fils de rois ou a leurs bcritiers. Aussi eloit-il roi de I'tlllonie, ou du moins , le plus puissant de ceux de cette province. 1 10. Purifie par les eaux salutaires du bapteme , le jeune prince auroit du en devenir plus cher a son pere , s'il eut connu les proprietes admi- (1) II est tres-probable que ce fut rempe- Ic c et le g , I'un pour Tautrc. Ccn ou gen , reur Aurelien , mort en 275, qui donna le coupure , portage; abon, riviere. La Loire , nom h la villc d'Orleans , qui la delacha des qui passe a Orleans , se partage vis-i-vis cetlo Carnutcs , et en fit le chef-lieu d'un peuple ville et forme une ilc. particulier. M. d'Anville a prouve qu'Orleans ,o\ t *i ■ 1 ■.- • • .. , ,„ . ^ ^ \o , (2) Les Alains ont ete ainsi appelcs du mot esll anciennc (jcnaouw ou Lcnabum; car on ,. . , ^ , • •,. ,.^ „ ^„ , , , . ... . "Un, qui, en langue (arlare , signifiemon- ht run et 1 autre chez les ancicns hislonens. , --i ■■•..• T .„,,,,,,. , ^ , '"?«« ) parce qu lis eloient sortis des raonta- La lable Iheodosienne porte : Ccnabo pour ., , j , , <, „ , „ .. .... ... . . gnes situees au nord de la Sarmatie asiatique. uenabo. Sunta pretend meme qu il convicnt , ^, ,, ■ , , , ,. , „, „ , ,' .. „ Les noms d .Wain, qu on rcmarquc en Armc- de lire dans Cesar , Cenabum plulot que Oc- . . , . , , , r.. 1 u .' . • iir' rique , ont du moins , la nhipart , une autre nabum. C est une chose enticrcracnt indilTe- f . ' > i i ■> ""^ "" , , ■ r' I • 1 • . origine , comme nous Ic ferons voir, rente, puisque les anciensGauloiscmployoient ° ' aSa iiisToinr. ecclesiastiql'e. rabies de cc sacrement. La religion saintc que ce ncophile avoit embras- sce lui faisoit apercevoir plus dislinclcuient que la nature lout ce qu'il devoit a I'auteur de ses jours ; elle lui apprenoit egalement a respecter son roi et a servir sa patrie, nieme aux drpens de sa \ie. Clylon ne connoissoit pas encore les dons de Dieu : les tenebres du pa- ganisme reuvironnoient et I'empcclioient de voir la lumiere de I'Evangile. La veneration qu'il avoit pour ses dieux etoit fortcmeut gravee dans son esprit. A la vue du mi'pris que son fils leur temoignoit , Clj ton oublia qu'il etoit pere. Sa tendresse se changea en fureur. Un arret de proscrip- tion sortit bientot de sa bouclie. Taut il est vrai de dire que ceux qui atta- quent la vraie religion , oulre qu'ils nianquent a ce qu'ils doivent a Dieu , s'exposent a blesscr en meme temps la loi nalurelle. Disciple de Jesus- Cbrisl , Fingars (i) (c'est le nom que les cbretiens donnerent au fils de Clyton) partagea avec joie ses aniertumes sur la terre et merila par la de partager sa gloire dans le ciel. La Providence divine , qui I'adoptoit pour son fils , le conduisit dans ses voies. Un grand nombre de seigneurs avoient , comme lui , embrasse le cbrislianisme. Aussi coupal^les aux yeux du pere , ils accompagnerent le fils dans son exil. III. L'Arraorique etoit le sejour des vertus : elle devint celui de ces sages. Audren , qui venoit probablement de prendre les renes de ce royaume , recut avec bonte Fingars ct les aulres compagnons de sa dis- grace. 11 n'epargna rien pour adoucir la durete de leur sort. A ne consi- derer que les idt'cs du nionde , qui ne se plait qu'a envisager les agre- niens de la vie prcsenle, leur situation avoit de quoi les jeter dans la plus grande desolation. Rapprocbce des esperances que fournit I'Evan- gile , elle devoit les remplir de la plus douce consolation , par le bon usage qu'ils pouvoient en faire. Les tribulations de cette vie ne sent pas un instant vis-a-vis de I't'ternite ; unies a celles de Jcsus-Clirist et suppor- tees dans les mcmcs vues qu'il a soufTert lui-incnie , elles conduisent a une glorieuseiinuiortalile. On se sent pt'nelre dune sainle joie d'avoir ete trouve digne d'endurer quelque cbose pour le nom de Dieu. 112. Les egards marques que la cour d'Audien avoit pour Fingars , et les charmes qu'on employoil pour lui faire oid)lier ses peines , n'avoient rien qui put fixer sou esprit et altacber son cocur. L'un et I'autre ne se rcposoient que dans le Dieu de toute consolation. 11 se dcroba bientot (1) Lc nom de Fingars vienl de ^n, tagc , qui cnlre en composition , ct qui angmente la ct dc gars, jeunc homme. On I'appcla aussi signification. La vraie science derhomraccil Guigner, de gui,savanl, ct d'er, particule de connuitrc Dieu , ct dc pratiqucr sa loi. CINQUIEME SIECLE. ^53 du palais de son bote : uiie grotte devint sa demeure. Les seigneurs , qui avoient ete a la suite de ce religieux prince , alanines de son absence , le trouverent danssa solitude. II y etoit aussi tranquille qu'un roi au milieu de ses courtisans. Sou corps etoit soumis aux ordres de son ame , et son ame a ceux de Dieu. En triompbant du monde , il vouloit triompber de lui-meme , et , par ce moyen Irop rarement pratique , assurer un bonbeur dout la \ivacile de sa foi lui montroit I'etendue. 1 1 3. Audren , qui admira les effets merveilleux de la grace du Tout- Puissant , fit conslruire un monastere a cet illustre anacborete. Le terrain que ce roi lui donna etoit probablement le nieme que nous nommons aujourd'bui Plouvigner (i) , paroisse du diocese de Vennes. Fingars rassembla un grand nonibre de disciples , entre lesquels se trou- verent la plupart deg Hibernois qui avoient vecu avec lui a la cour d' Audren. II s'adonna lout entier a la contemplation des biens celestes et aux autres vertus de son etat. Ses religieux apprirent , par son exemple , bien plus que par ses discours, la science des saints. Sans aucuns rapports avec les etrangers , il ne s'occupoit cj[ue de I'administralion iuterieure de sa com- munaute. 1 1 4- Sa cbarite ne I'attachoit pas moins au reste des liomraes. La si- tuation deplorable , aux yeux d'un chretien , ou il avoit laisse I'lrlande , se presenta fortement vui jour a son esprit. Aninie du desir d'y faire res- pecter le Dieu qu'il adoroit , il prit la genereuse resolution de retouruer en sa patrie. Mais quelle fut sa joie , lorsqu'il vit par lui-meme que le grand Patrice avoit ete assez beureux pour y faire fleurir la religion ! Le saint abbe venoit offrir a son pere et a ses sujets uu royaume eler- nel ; les sujets de son pere , qui , par le bapteme , avoient deja donne leur nom a Jesus-Cbrist , lui firent bommage d'une couronne temporelle. C'e- Joit celle de Clyton que la mort leur avoit enleve. C'est ainsi que Dieu ^ qui veilloit sur les jours de Fingars, sembloit I'appeleraux grandeurs du siecle, apres I'avoir eprouvepar les afflictions. Grand dans la persecution, admirable dans ses austerites, au-dessus de I'liomme dans la solitude , (1) Lenom de Plou-Vigner est lemcme que pour exploiter cette terre. Les moines sappli- celui de Plou-Guigner : le g dans le celtique se quoient eux-memes au labourage et aux autres prononcoit fort souvent autrefois comme I'v travauxde la campagne. llsne se contentoient consonnc. Le terrae ploue , synonyme depcu- pas de servir le public par leurs instructions pie , fait croire qu'Audren avoit donne a Gui- et leurs prieres. Leurs mains infaligables fai- gner , non-seulcmentce qui compose maintc- soient sorlir, du milieu des bois et des ron- nant la paroisse de Plouvigner, mais encore ces , des campagnes chargces demoissons. des osclaves , et tout ce qui etoit necessaire 254 niSTOIRE ECCLI?SI.VSTIQUE. pere de ses religieux , il etoit digne de commander aux aulres. Du moins, esl-il vrai , que les verliis dt'coreront toujours le diademe. Le refus qu'en fit riiumble I'ingars , donna lui nouveau luslre a son nierile. Si i'cclat qui rcnvironne n'eloil pas capable de I'eblouir , les obligations qu'il impose le lui rendoient redoutable. Il savoit quelle sera la rigueur dujugement que celui par qui regnent les lois, exigera d'eux un jour. La croix lui lenoit lieu d'heritage , et il benit Dieu que ses etats fussenl sonmis a Jesus- Clnist. 1 1 5. iiG. LaBrelagne, opprimc'e par les Saxons infideles , allira I'at- tenlion du pieux Fingars. La devastation des campagncs et la ruine des villes etoient les moindres maux qu'il eut a deplorer , quelque grands (ju'ils fussent d'ailleurs. Ilengist , apres la mort d'Horsa , avoit pris le connnandement de rarmoe saxone. Toujours dans I'atlion , et renforce a a loute hcure par de nouvelles troupes qu'il faisoil venir de la Germanic , il portoit le ravage dans toules les parties de Tile. Les personnes de tout age , de lout sexe et de toute condition etoient immolees a sa fureur. Les ministres du Seigneur , inliumainement massacres jusqu'aux pieds des autels , fournissoient une preuve trop sensible de sa haine contre la vraie religion. Les Saxons idolatres alloient placer leurs dieux dans les temples du Tres-IIaut , et replonger I'ile dans ses premieres tenebrcs. Patrice avoit ac(]uis I'lrlande a Jesus-Christ ; Fingars , aussi zcle que lui , forma du moins le projet d'ajouter a celte conquete le nouveau peuple qui domi- noit en Bretagne , et de preserver de la contagion les naturels du pays. C'est dans le desir de I'execuler que le nouvel apotre fit voile avec quel- ques saints evcqucs et one nombrcuse suite. II prit terrc dans la Cor- nouaille. Ilengist , qui sembloit se multiiilier par la rapidite de sa marclie , y poursuivoit alois les Bretons , que les deserts et les montagnes ne pouvoiciit mettre a I'abri de ses coups meurtriers. Soil que ce general sanguinaire fut entraine par I'aversion que ses prejnges lui inspiroienl contre le cliristianisme , soit qu'il prit pretexte de confondre ces saints missionnaires avec les enneniis de sa nation , il les fit tons pcrir sans distinction (i). Dieu , qui est admirable dans ses saints, rendil par la Fiu- (1) Les aclcs dc saint Fingars donncnt Ic lois et des Germains, le memc que Wodan, nom dc Tlicodoric ou Thcudric h celui qui et dc ric/» , prince. Ainsi Thcodoric o\i Theu- lui fit soulTrir le martyre. 11 est facile dc se dric signiDcicpnncc Tul, ou, pourparler plus convaincrc que cc nom est le mc^me dans !c cxac.'.emcnt , prince issu dc Tut ou de n'odan. fond que celui d'llcngist. Les tcrmcs Thco- Celte origine donnoit aux chefs des peuplcs dur.c, rAeuiorjcourAeudric.sont derives dc gcrmains la plus liaute consideration. Cet tutouta(,qw est le dieu des ancicns Gau- usage prcnoit sa Source daas rantiquil6 la CINQUIEME SIECLE. 255 gars de plus en plus conforme au Verbe eternel. La conversion des Saxons etoit reservee a saint Augustin. 117. On rapporte que saint Fingars apparul en songe , apres sa mort, a un seigneur du pays , et qu'il lui recommanda sa sepulture. Un jour que celui-ci etoit a la chasse , ses chiens lancerent un cerf qui se relira dains le lieu ou les corps des saints martyrs avoient ete laisses. Les chiens I'y poursuivirent : il etoit couclie aux pieds de saint Fingars avec la meme securite que s'il n'eiit pas ete a leur discretion. La meule manqua elle- memea son instinct : elle s'arreta sans fondre sur sa proie. Ces pheno- raenes , si contraires aux lois de la nature , rappelerent au souvenir du chasseur les ordres qu'il avait recus dans sa vision. II reconnut le doigt de Dieu et fit inhumer les corps des saints martyrs. Le cruel Hengist avoit porte ailleurs la terreur et la mort. 1 18. Les vertus que saint Fingars avoit fait hriller en Armorique y out rendu sa memoire precieuse. Ce martyr est patron de la Ireve (i) ou eglise succursale de Loc-Equiner (2) , au diocese de Leon. Il est reconnu pour patron tilulaire d'une des chapelles de la cathedrale de Vennes. Le diocese en fait la fete le i4 de decembre (3). 119. Cependant la plupart des evequcs de I'Armorique s'etoient rendus a Tours Fan 4G1 , pour y celebrer la fete de saint Martin. Le meme esprit de piele y avoit conduit quelques prelats de la Gaule. Perpet , autrement Perpelue , etoit alors sur le siege de Tours. Issu d'une famille tres-illustre de senateurs auvergnacs , dont il eut de grandes possessions , il devoit par cet endroit s'atlirer le respect et la considera- tion de ceux qui ont les yeux particulierement fixes sur la noblesse et les autres avantages qui la relevent. Ce qui le distinguoit veritablement c'est que I'eclat de sa naissance etoit soutenu par les verlus qui font le Chretien, et surtout par celles qui sont propres aux njinislres des saints plus reculce. Des nations enlieres avoient pris pendante de la paroissiale , dont cellc-li est le nom dc Tout. De ce nombre etnient les succursale. Tectosages, qui habitoient autour de Toulouse. . (g) Lq nom d'Equincr est unc alt^-ration de Jules-Cesar assure, au livrc C' de ses Com- ^^.j^j j, c„,.^„,, Cclui de loe , terme eel- menlairos , qu'.l y avoit d'aulres Tcclosages ^1^^^^ ^orame fous les autres que nous avons en German.e , pres la foret Hercynie. C'est de ^^p^, -^ ^^^^ ^^^ ^^j^^ ^ ^.^^t ^-^^ ,.^,^ ^ ^^^^ . talion. la aussi qu'est vcnu le nom de Teudurum , forteresse de la Germanic inKrieure , cf celui de Teudurum , ville do Germanie. (^) ^' Anselmus , Cantuar Archiep. in vifa (1) Lenomdetrerc vient dc Ire f on Irew , ^- Guigneri ; Albert le Grand , Lobineau , qui signifie une ccrtaine quantile de maisons ^'"^« ^''^ ^^- ^^ ^'^^- ' Usserius , Sritan. Ec- ou de villages attaches a une petite eglise de- '^ "' Antiq. 256 lIISTOIRIv ECCLESIASTIQUE. autels. II crut que les richesses dont il etoit pourvu n'etoient qu'iin depot que la Providence avoit mis enlre ses mains. II trouva dans sa hienveil- lance le desir de Ics repandre ; sa hienfaisance lui valut le nom aiinable /[u'il porta (i) , nom que les opulens de tons les siecles devroieut me- riter. Ces prclals , qui s'eloient reunis pour s'edifier muluellement et pour applaudir a la gloire du bienheureux apotre delaGaule, excites, comme Perpet , par le desir de conserver dans sa purete I'Eglise du Seigneur , s'assemblerent en concile !e i8 novembre. « Comme les saintes regies de la discipline ecclesiastique , disent ces » Peres, se trouvent alterees en plusieurs points , les bienlieureux eveques » dont la souscriplion est ici , assembles en la ville de Tours, sous le » consulat du trcs-illuslre Scverin , le quatorze des calendes de de- » cembrc , pour la tres-sacrce fete ou Ton celebre la reception du sei- » gneur Martin, ont fait , confonnement a I'autorite des Peres, la pre- » sente delinilion . » » I. Que les pretres ou les ministres de I'Eglise , dont il est ecrit , » vous etes la lumiere du monde, aient toujours devant les yeux la n.craintedu Seigneur, ct qu'elle leur fasse mener une vie si edifianle » qu'ils puissent plaire a Dieu et servir d'exemple a tous les fideles. » L'anatlieme est piononce conlre ccux qui donnent occasion de blas- » phemer le nom de Dieu : la gloire de rimmortalile est promise a ceux )) dont les anivres le font bcnir. Si, selon la doctrine de I'Apolre, la 3) cliastete est commandee a tous les fideles , de maniere que ceux qui ont w des femmes doivent se comporter comme n'en ayant pas , a combien j> plus forte raison les pretres du Seigneur et les leviles attaclies aux )) saints autels doivent-ils etre tcllcnient en garde qu'ils conservent et la » purclc du caur et celle du corps , afm d'etre exauces de Dieu lors- » qu'ils prient pour le peuple. Ceux qui viveiit selon la cbair, dit I'A- » potre , ne peuvent plaire a Dieu ni garder sa loi. 3Iais, pour vous , » vous n'etes pas dans cet elat malheureux : vous ne vivez pas selon la » chair , mais selon I'esprit que vous avez recu dans le bapteme. Et » ailleurs : lout est pur a ceux qui sont purs ; mais pour ceux qui sont » souilles et infidcles , il n'y a ricn de pur , parcc que leur esprit est » souille aussi bien que leur conscience. Si Ton prescrit la continence (1) Lc nom de Perpet sc lire dcper , bien- faisant , ct dc pelh , richc. w an CINQUIEME SIECLE. 20^ » au laique , afin qu'offrant a Dieu ses prieres , il en soit exauce ; ne doit- » on pas la recoramander plus etroitement aux pretres et aux levites , ». qui doiveut etre toujoursprets ou a offrir le sacrifice ou a baptiser, selon » les circonstances. Avee quel front , infectes de la concupiscence char- » nelle , oseroient-ils remplir ces redoutables fonctions , et par quel en- » droit croiroient-ils mdriler que Dieu les ecoute ? » II. « Quoiqu'il ait ete regie par nos predecesseurs que tout prelre ou » levite qui seroit convaincu d'avoir eu commerce avec sa femme depuis » son ordination seroit excommunie , nous voulons bien moderer la li- » gueur de cetle loi , quelque juste qu'elle soit. Nous nous contentons » d'interdire aux coupables leurs fonctions , et de les exclure des ordres » supeiieurs. C'est beaucoup pour eux de ne pas leur retrancher la » communion ; mais afin que ces regies puissent etre observees , il faut » eviter I'intemperance de la boisson , qui est le foyer de tons les vices. » L'Apotre dit : ne vous laissez pas aller aux exces du vin , qui pro- » duisent I'incontinence. Le meme apotre nous apprend quel est le clui- » timent de I'ivrognerie , quand il dit , entr'autres , que ni les fornica- » teurs , ni les idolatres , ni les ivrognes ne possederont le royaume de » Dieu. S'il arrive done qu'un clerc , dans quelque ordre qu'il soit , ne » s'abstienne pas de ce vice , nous ordonnons qu'il soit puni a propor- 3) tion du degie du ministere qu'il aura dans I'Eglise. » III. « Et comme il ne faut donner aucune entree au demon , on aura » surlout attention que les clercs n'aient point de familiarite avec les » femmes etrangeres. C'est le moyen qu'ils ne donnent a personne occa- » sion ou de parler mal d'eux , ou d'en penser d'une maniere desavan- » tageuse. 11 arrive souvent que , par ces frequentations deplacees , le » demon qui , comme un lion dans son repaire , se tient sans cesse en » embuscade , est cause de la j^erte des serviteurs de Dieu. C'est ponr- » quoi si un clerc , apres la defense de son eveque , continue de s'atta- » cher aux familiarites illicites de ces femmes , il sera retranche de la » communion. » IV. « Le clerc a qui il est permis de se mariei' ne pourra epouser ime » veuve. S'il le fait, il sera reduit au dernier rang. » v. « Les clercs qui abandonnent leur t'tat pour vivre en laiques ou » pour s'engager dans la profession des amies seront excommunies. » 33 ^^8 HISTOIRE ECCL^SUSTIQUE. VI. « Ceiix qui reiionceiit a la profession religieuse, les vicrges consa- « crees a Dieu qui se maricnt cl ccux qui les epousent, subiiont la me me « peine, jusqu'a ce qu'ils fassent penitence et se reliient du precipice » oil le demon les a jeles. 11 est dit : si (juelqu'un viole le temple de Dieu , » le Seigneur le perdra. » VII. M On ne doit communicjuer en aucune maniere avec les liomi- » cides , jusqu'a ce qu'ils aienl efface leurs crimes par la confession et .« par la penitence. » VIII. « Si le pecheur, apres avoir recu la penitence, semblable au cliieu )> qui retourne a ce qu'il a vomi , en quitte les exercices pour se livrer >) de nouveau aux plaisirs du siecle , il sera scpare de la communion de J? I'Kglise et les fidoles ne pourront manger avec lui , afin que cette double « confusion pui.sse le porter a la coinponction , et que les autres soient ); intimides par son e.xemple. « IS. « 111 eveque qui , sans avoir egard aux limites que nos peres ont )> fixees a chaque diocese, ose s'aIlri])uor des pcuples qui nesont pas du » sien , on oidonnera des clercs d'un diocese etranger , sera separe de » la communion de tons ses confreres. L'apolre nous apprend que nous » ne pouvons avoir de participation avec ceux qui ne gardent pas I'or- » (ire . cl qui s'l'cartent de la tradition recue de nos peres. » ; I '. X. « Nous declarons nulles les ordinations illicitcs , si , par une satis- ' » faction convenable, on ne remet lout dans I'ordre et la paix. » XI. « Un clcrc qui , sans la permission de son eveque , abandonucra » son eglise pour allex" aiUeurs , sera si'p arc' de la communion.)) xti. « S'il vojTige^'s^tt dans d'antrcs provinces , soil dans d'aulres ci- j » tes , ce ne sera qu'avec des Icltrcs de rocommandalion do son cvecpie. » ■ ' . ' ■ ->. ."> ,ou;)'),';j r! vonir a la gl'oire de la berilitude. )> CIIVQUIEME SIECLK. 2 59 f< Sur tout ceci , nous nous confions en la puissanfe intercession dii » saint et bienlieureux eveque , le seigneur Martin ; et nous nous persua- » dons que , comme ces decrets sont conformes a la doctrine de nos » peres , nos confreres absens voudront bien y acquiescer et les con- i> firmer (i). » 120. A ce concile assisterent neuf eveques : tous en soiiscrivirent les actes ; sept d'entr'eux designoient en meme temps le lieu ou ils siegeoient ; savoir : Perpet , a Tours ; Victurius , an Mans ; Leon , a Bourges ; Eusebe, k Nantes; Amandin, a Chalons-sur-Marne ; Germain, a Rouen ; Athe- nius , a Rennes. Mansuet , I'un des Peres de ce concile , le souscrivit en qualite d'eveque des Bretons ; Venerand , a qui la vue ne permelloil pas alors d'ecrire , fit signer pour lui le pretre Jocondin , sans faire mention du diocese a la tete duquel il etoit. 121. On n'a forme jusqu'a present que des conjectures sur le lieu on siegeoient ces deux derniers eveques. Quelques-uns ont place Mansuet a Alet, quoiqu'il n'y eiit pas encore d'eveclie dans cette \ille. D'aulres ont cru qu'il etoit etabli a Dol, comme metropolitain de TArmorique. M. I'abbe Gallet (2) veut qu'il ait ete eveque dans I'ile de Bretagne. Les Irois premieres opinions se detruisent d'elles-memes. La quatrieme ne paroit pas plus solide. 122. Avant I'arrivee de la jeunesse militaire de Tile dans le canton de Dol , on y comptoit peu d'habitans ; ce fut elle qui , comme nous Ta- vons fait voir, donna I'existence a la ville de Dol , et qui remplit de co- lons les campagnes voisines ; c'est principalement pour elle qu'on avoit fonde un eveche a Dol. Le prelat qui le gouvernoit pouvoit done prendre le litre d'eveque des Bretons. Mais cette qualite convenoit-elle mieux a I'eveque de Dol qu'a lout autre eveque de I'Armorique ? Celui de Rennes n'avoit d'autres etrangers sous sa dependance qu'une colonic de Francois : on n'en connoissoit aucune dans le diocese de Nantes. Les cites de Vennes et de Quimper comprenoient reellement dans leur sein un grand nombre de Bretons ; maisils etoient confondus avec les nalurels du pays , et ceux-ci I'empor- toient de beaucoup sur eux par la multitude. Quoique les Vennetois n'eus- sent pas conserve le meme ascendant sur les aulres peuples , depuis lo sac de leur ville principale , leur premier penchant pour le commerce ne s'etoit point dementi ; ils etoient loujours distingues par leurs ricbes- (1) Sirmond , Concil. Galliae, torn. 1. (2j D. Morice, Hist, de Bret. torn. 1. 260 HISTOiaE ECCLESIASTIQCE. ses , et conseqiicmmenl Icur population devoit ctre tres-nombreuse. Lcs Corisopites n'avoient ete eiiges en tile par les Komaius qu'a raison de la grandeur de leur etat. Ainsi, taudis que les Bretons fixes a Dol pouvoient se glorifier d'efiacer par leur noinbre les anciens liabilans; ceux de leurs compalriotes, qui etoienl etablis dans les aulres eveches, etoient eclipses par la quantite des citoyens qui les avoient incorpores. La qualite d'e- \eque des Bretons etoit done privative a I'l'veque de Dol; pour la lui assurer, nous u'avons pas besoin de gralifier son siege du litre de me- tropole. D'ailleurs, on ne pent douter , comma nous aurous occasion de le re- niarquer , que les eveques de Dol u'aienl elendu des lors leurs sollicitu- des pastorales , noii-sculemeul dans le lerritoire qui leur avoit etc assigne ' d'abord , mais encore dans ceux qui foriuent aujciurd'bui les dioceses de Saint-Malo, de Sainl-Brieuc , de Treguer et deLeon. La plus grande \ parlie des Bretons , qui passcrenl de I'ile en Armorique , depuis que Co- nau y fut place , jusqu'au milieu du cinquieme siecle , eurent pour etablis- j sement les differens cantons de ces evecbes , dont la plupart etoienl pres- I que deserts auparavant. C'c'toit pour les eveques de Dol un nouveau mo- tif de s'inlituler eveques des Bretons. On ne pouvoit alors se mtprendre sur cette denomination , parce que la possession parloit en leur faveui'. r.e qui flatte le plus I'liomme , surtout quand il occupe una tarra etran- | gere , c'est de jouir du plaisir de vivra avec ses patriotes ; cette satisfac- I tion devient encore plus pifiuanle , lorsqu'on est appele pour leur com- mander. Ne sous le nicmc ciel que les Bretons , Mansuet (i) goutoit ce . double avantage. 1 23. Quant a ce qui regarde Venerand , on n'aura pas de peine a le I reconnoitre pour eveque de Quimper. Saint Cbariaton ou Corenlin , que 1 nous avons vu assister au concile d' Angers de I'an 453 , etoit mort de- puis ce temps : Venerand lui avoit succede. On le connoit mieux sous les noms de Venecan , Guenegan ou Ccmogan (2). Le I'ere Albert le (irand (1) Lenom de Mansuel vient demon , how- Nousvcrrons au concile de Vennes, dont nous me; de su , Ucu , pays , et d'el, mcmc : horn- parlcrons bienlot, ce m6mc Venerand, sous me du mane pays. le nom d'Albinus. Les differens noms queron (2) Le tcrme Tcncran , a la fin duquel on a a donnes dans les premiers temps aux memes ajoute und, parce qu'on le crojoit lire du la- personnes , ii'cmp^rhoient pas de les rccon- tin, est derive de ten, fc/anc/de ner , seigneur, nnitre, parce que, soil qu'ils fussent latins ou ct il'an, noble. Cc'qni signifio \c noble seigneur celtiqucs , on savoit ce qu'ils siRnifioient, et blanc. Ceux de Venecan ct Guenegan , qui sont que les causes qui les avoient fait donner , dc les m6raes, viennenldejifcn-can , mens de Messeigneurs les eveques qui me les ont envoyes. » C'est le premier eveque de la Gaule qui ait ajoute a son nom la qualite de pecheur dans la souscription des conciles. 127. Le sexe devotn'a voit point ehcore donne d'exemple en Armorique d'un renoncement parfait a soi-meme. Une vierge de Bretagne vint y of- frir ce spectacle si digne de la religion chrelienne. Elle etoit fille de Bro- chan , prince ou roi d'une partie de I'ile , a qui la retraite que s'y con- serverent dans la suite la plupart des Bretons , pour se mettre a couverl de la tyrannic des Saxons , fit donner le nom de Cambric (3) , au- jourd'hui le pays de Galleo. notre Basse-Brctagneet dans le pays deGalles, (3) La Cambrie etoit d'abord occupce par la difference de ces noms est propre k jcler de trois peuplcs : les Deraetes , les Ordorices et la confusion dans I'histoire, si Ton n'a pas I'at- les Silurcs. Les habitans de celte parlie de tention de remonter k la source. rAnglcterre se nomment encore i present dans (1) Lerins {Lirinum) tire son nom de lyes, lour langue Kimri ou Kimbrl. Les autcurs mo- abondancc ; d'acr , serpent, et d'in. He. S. dernes latins ont rendu ce nom par celui de Honorat, qui y avoit fonde une faraeuse ab- Cambri , que nous ne voyons point dans les baye , en avoit chasso une grande quantile de anciens. Kimri et Kimhri , pluriels de Cyniro serpens. et de Cymbro , sont des termes composes de (2) nicz {Alcbecc-Reiorum) est ainsi appc- ^in , ancien , et deftro, pays. SurquoiTho- lee d'alef, riche ; de baes , eampagne • riche maj Guillaurae remarque que Cyniro est une tampagnc. Act vientde re, riviere, et d'i, Aa- erase de Cymbro. Par Kimri ou Kimbri on a biuilion. Riez est sur I'Auvestre , dans une done entcndu un peupU qui habile unpaysde plaiiie qui abonde en fruits et en bons vins. {o„(g anciennele. 262 IIISTOIRE ECCLESIASTIQtIE. L'eclal de la comonne , siir laquelle tant d'aulrcs jettcnt des yeux ja- loux, n'avoit point el)loui ceUe princesse ; un roi qui la rcclicrclioil en niariage n'avoit fait anciine impression sur son cocur. Jesus-Christ fut I'epoux qu'elle choisit ; son joug etoit le seul qui lui inspirit des charmes. L'exemple de Gutliiern , a qui elle etoit altacliee par le sang et dont nous avons admire la vie sainle, I'avoit frappee vivemcnt. Le palais de son pere avoil ete une ecole de piete : ses freres , quclque nombreux qu'ils fusscnt , avoient foule aux pieds les grandeurs du siecle, pour ne s'occu- per que de celles du ciel. 128. La princesse eut des combats opiniatresa livreraramourpaternel. La tendresse de Broclian et de son epouse Menedeux n'etoit plus par- tagee : elle s'etoit concentree dans le seul enfant qui leur restoit. ^lais la grace du Seigneur, qui avoit rendu celle vierge supcrieure a elle-meme , sut enfin imposer silence aux vauix pen refk'cliis que la nature , trop ecou- tee , suggeroit asafamille. F.a promesse que le maitre commun des hom- mes a faile de recompeuser au centuple ceux qui quittent tout pour le suivre , fit renaitre la serenite sur le visage de ses vertueux parens , el le calnie renlra dans leurs amcs. lis sc consolcreut dans le Seigneur , et ils trouverent dans riit'roisme d'une fille clicrie , de puissans motifs pour travaiiler a conquerir un royaume plus durable que ceux de la terre. 129. Celle verlueuse fille n'aspire plus qu'au bonlieur de passer lereste de ses jours dans la solitude , pour y ecouter sans distraction la voix de Dieu. Le nom de INinnocbt (i) qu'elle porle , lui rappcUera sans cesse ie sacrifice qu'elle a fait a son Crtateur , pour ne s'atlaclier qu'a lui. Dans le dessein de remplir cet engagement, elle vole vers une terre etrangere. Le lieu oii elle aborda se nommoit PuUifiu (2) , parce que c'etoit une des cotes les plus ferliles de I'Armorique. i3o. (3) Cet evenement arriva pen de temps aprcs qu'Audrcncut monle sur Ic trone. Erecb(/i), I'aine de ses fils, quin'cloit alors quccomte de Cor- nouaille , recul I'humble vierge , non avec cetlc dislinclion que sa nais- sance exigeoit (car elle ne connoissoit plus dans sa personne d'autres litres que ceux dont I'honoroit le bapteme) , mais avec celle eslime et celte con- sideration que la vertu se concilie presque loujours. i3i. Le prince lui ceda un terrain inbabile , dans un canton voisin de (1) Lc nom dc .Vinnor/tl vicnt dc ncn , par- (3) [An 445 environ.] — Omission, a. V. fail , enlier , el de nochl , depouUUment. (4) Cclui d'Erech ou Errich est composd (2) Cclui de PuUi/ln est tire dc pull, abon- d'cr , grand , et de rich , prince : U grand dant, fertile i il'i, cau, mcr, ct dc/iu, bord, cute, prince. CIMQUIEME SIECLE. 263 rembouchure de la riviere de Blavet , et qui faisoil partie d'une posses- sion considerable qu'on appeloit Plemur (i). Elle y batit un monastere oil elle se reuferma avec plusieurs aulres vierges qui I'avoient suivies dans sa retraite. 1 32. Des eveques et plusieurs autres saints personnages ; touches de I'heroisme de la princesse , avoient renonce , conime elle , a leur patrie et a leurs biens. Erecb , aussi liberal envers eux , leur fit construire des cellules dont on -voyoit encore des vestiges au douzieme siecle. Ces deux monasteres n'etoientpas eloignes I'un de I'autre. Celui des religieuses s'ap- pela Lan-IS'innocht , du nom de sa fondatrice (2). 1 33. On dil que , comme Erech etoit un jour a la chasse , un cerf qu'il avoit long-temps poursuivi et qui etoit aux abois , se refiigia dans I'eglise de INinnocht , comme si elle avoit eu le pouvoir de lui conserver la vie. On ajoute que les chiens s'arreterent tout a coup et ne purent francliir les bornes du monastere. Le^Mince, qui fut temoin de ces circonstances ex- traordinaires , concut une nouvelle veneration pour la saintesuperieure de cette communaute. Les faveurs dont Dieu bonoroit sa servante , lui fireut comprendre combien elle etoit propre a attirer sur lui les bene- dictions du ciel. Aussi I'engagea-t-il a ne pas I'oublier dans ses prieres. II passa sept jours aupres d'elle, pour s'animer par son exemple a la pra- tique des vertus cbretiennes. Avant que de la quitter , il lui fit de grands presens. 1 34. Cependant , la communaute de cette sainte fille n'avoit pas de fonds pour la faire subsister. Erecb , toucbe de sa pauvrete , prit des moyens pour lui procurer un honnete entretien ; dans la vue d'affermir , d'une maniere irrevocable , les donations qu'il vouloit faire , il convoqua les eveques et les grands de I'Armorique (3). Julhael , comte de Rennes(4)^ el Budic (5), ccmite de Cornouaille, ses freres , se trouverent a cette as- semblee. Tons les assistans donnerent leur consentement aux dons d'E- recli. Apres la messe qui fut celebree solemnellement , le prince en pro- duisit I'acte par ecrit. 11 etoit concu daps ces termes : « Au nom de la (1) Cclui de Plemur vient de phue , asscm- » pcctu episcoporum , comilum et oplima- bice d'habilans d'un catilon de la campagne » turn regionis brilannicse. » D. Morice , I. 1. partage' en hameaux el maisons parliculUrcs , des Preuves juslificalives de VHist. de lirel. et de muT , grand. ■ ^^^ ^e nom de Julhael est pris de ju , ieun>' . (•2) Ian , lieu tacre, monasthe. ^^ j^ ,,^^j ^ ^^j^-,.^^ (3) « Legalis per totam Letaviam dircclis , » episcopos etoptimates acccrsivit, inter quos (5) Le nom dc liudic \knl de bu , petit , el >■ Juthacl Redonensis et Budicus Cornubicnsis de die , diminutif. D'oii il suit que Budic etoit » tomites adfuerunt fratres sui.... in cons- le dernier des freres d'ErccIi. 1l6f\ IIISTOIRE ECCLtSIASTIQCE. » saiiile TrinilL' , dc la bienheureuse Vierge Marie , et en vertu de la » sainle croix , moi Guerecli (i) , due de la Pclile-Drelagne , par la grace » de Dieu , je doniie et cede a la sainte servante de Dieu et vierge Nin- » noclit , et a celles cjiii lui succederont a perpeluite au service du Sei- » gneur , dans le lieu qui d'elle a pris le noni de Lan-Ninnocht , en pri'-- » sence dcs cveques , des coniles et grands du pays de Bretagne , de mos » propres heritages , pour la commemoration journalicre de mes parens, » tant vivans que dc'funls ; pour le salut de mon ame , de celui de ma )) poslerile et la prosperile de mon regne ; savoir , tous les serfs de Plc- » mur , avec toutes les terres qui en dependent , soit qu'elles soient de- » frichees ou non. J'y ajoute tout le terrain ou est I'eglise de sainte Ju- )) lilte et I'eglise nieme qui est a Renguis. Je donne pour I'entretien du )) monaslcre , trois cens muids , tant de vin que de sel et de froment , a n prendre chaque annce sur la terre de Balliguerran , et je me charge » de les faire transporter par bateau jusqu'a la commuuaute. Je faispre- w sent de trois cents chevaux et cavales , d'aulant de bo?ufs , de vaches » et de menu belail. En temoignage de cette donation , j'ofTre ce calice » d'or plein de vin pur avec la palene. Quiconque done seroit assez » bardi que de faire tort a cette donation ou de s'emparer de la moindre » portion , il sera sujet a un anatheme eternel , et qu'il partage le sort de » ceux que leurs crimes ont precipite dans un feu qui ne s'eteindra ja- » mais. Tous les assistans applaudirent , en disant : Ainsi soit-il. Fait dans » le lieu que Ton appelle Ninnocbt , au terriloire de Plemur , en pre- » sence des susdils nobles de Ltlavie , I'an de I'lncarnation de notre » Seigneur Jcsus-Chrisl qualre cent cinquanle-huit , regnant le raeme » noire Seigneur Jesus-Christ dans les siecles infuus des siecles. Ainsi » soit-il. (2). » (1) Giierpch , donl il est ici quoslion , ne 1130, un ancien manuscrit qui conlenoit la pcutelre qu'ErccIi. Celui qui vivoit au sixicme vie dcsaintc Ninnocht : cc moine la rcloucha. sitcle el qui ful tue par son [rcre Canao , en C'esl l;i qu'on lit Tacle de donation que nous 547, no pouvoit faire une donation en 458. avons rappoite. 1° Ercch seroit le prince dcs De plus , il n'eloit que corale dc Vennes : le Gaules qui eiH pris le premier le litre , par la bienfaitcur dc Lan-Ninnodil sc qualific dc grace de Dieu, si res termes ont ('le rccllc- duc dc la Pt'titc-Brctagne. mcnt renfermcs dans le lexlo primilif. Nous (2)Ons'apercoilaiscmentquecelactc,dont n'en voyons d'cxcmple qu'au sixiimc siccle , nous vcnons de donner la traduction, n'csl dans des Icttrcs deCliilperic i el dc Gonlran : pas original. On le trouvc au 1. 1. des Preuves encore nc pcut-on compter sur rautlicnlicitc justificatives dc riiistuirc dc Bretagne , par D. dc ccs diplimos. Au rcstc, en supposant qu'E- Morice ; cet historien I'a transcrit sur un Car- rech se soit servi dc la formulc , par la grace tulaire de I'abbaye de Quimperl6. Gurhcden, de Dieu, il nc I'a employee que pour recon- religieux dc cette maison , trouva , vers I'an noilre la divinitc commc la source dc son ele- ISinnocht ciNQuiiarE siECLE. 265 i35. Ninnocht se sanctifia dans son monastere de Plemur , par les vertus les plus sublimes. Dieu lui accorda le don des miracles durant sa vie. Elle mourut de la mort des justes , a Lan-Ninnochl , le quatre jiiin , apres y avoir passe trente-deux ans , si Ton en croit le Pere Albert le (irand , toujours exact a fixer les dales, mais pen attentif a en fournir des preuves. Son tombeau fut illustre par plusieurs miracles (i). Son nom se Ht dans les litanies angloises ecrites vers la fin du septieme siecle (2). Le vation. Par la, il ne se croyoit pas indepen- dant de tout autre que de Dieu ; il n'ignoroit pas qu'il ctoit comptable de ses actions a Au- dren , son pere , souvcrain de TArmorique. II agissoit comme firent apres lui les fils des em- pereurs , Charlemagne et Louis le Debon- iiaire. lis eurcnt, ainsi que lui, des departe- mens dans les provinces de France , sous la direction de leurs peres. Quoiquc simples re- prescntans de ces empereurs, ils prenoieiitle mcme titre qu'Erech. Les grands vassaux de la couronne , et les seigneurs qui en relevoient immediatemcnt , n'etoient pas les seuls h se donner cette quallle ; des abbes, des prieurs et des cures ne balancoieiit pas a se Taltri- buer. La reconnoissancc des bienfaits dontla Providence les gratiDoit, ctoit en cela leur unique mobile; aucun d'eux n'y attachoit des idees de supcriorite. Ce ne fut que sous Char- les VII que cette formule , par la grace de Dieu, fut restreinte au souvcrain. M. Bonamy remarque, a ce sujet, que Louis XI dcfendit a Francois II , due deUretagne, de s'en ser- vir. Mais , dit-il , a cette defense fut sans effcf, » puisqu'il la mil toujours dans ses lettres , de » m^me que sa Dlle Anne de Brctagnc. » (Mem. des inscript. t. 45.) 2° Quant aunom de la sainteTrinite, dont Erech intitule son acte de fondation , on ne doit pas en elre sur- pris. Justinien et ses successeurs en ont fait autantdans differenlescirconstanccs. Lechris- tianismc avoit inspire cette marque de piete aux empereurs remains. Les princes armori- ques, qui n'etoient pas moins religiciix , eu- rent reconrs i la merac invocation. 3" On ne peut douter qu'il n'y eilt en Armorique beau- coup de vignobles, au cinquieme siecle. Les Phocccns de Marseille, dit Justin, livre43, porterent la vigne dans les Gaules, ou du moins apprirent a ses habitans a la tailier. Nous avojis vu aillcurs que les Vennctois fi- rent les premiers un commerce considerable avec ces ctrangers. II n'est pas elonnant qu'ils aient mis a profit les decouvertes d'un peu- ple avec lequcl ils ctoient lies. Les vignobles furent done connus de la cite de Vennes des avant Jules-Cesar ; les autres cites de I'Armo' rique cultiverent la vigne a leur exemple. 4°L'usagede compter les annces par celles de Jcsiis-Christ , ou par son Incarnation , fut in- troduit en Italic par Denis le Petit ; Gregoire de Tours s'en est servi. II faut avouer nean- moins qu'il confondl'cre del'Incarnation avec celle de la Passion. Saint .4uguslin , I'apdtre des Saxons de I'Angleterre, porta la premiere dans riIe,d'ou elle a pu passer en Armorique... Ces remarques nous ont paru ncccssaircs pour nous mettre a porlee de prononcer sur la croyance que merite Gurheden. Le manuscrit dont il s'est servi ctoit ecrit, comme il I'ob- serve lui-meme, en vieux style ruslique , c'csl-a-dire , dans cette langue composee de I'ancien cellique et du latin , si commune au neuvieme siecle dans la Gaule , ainsi que le prouve le 17« canon du troisicme concile de Tours, tenu en 813. «Tilam S. Ninnoca; in » libello veCeri stylo rustice digeslam repcricn- » les maluimus poliiis incompositw matciici » reclam simplicUalem scribcndo serrarc , » quamplus justo vcl minus, cam cmendando, » seriem narralionis depravare. » Ce manus- crit ne paroit pas remonter bien au-dela du huitierae siecle ; mais il y a tout lieu de pcnser qu'il avoit etc redige sur des memoircs qui approchoicntdu temps de la donation. Gurhe- den a sans doutc laisse subsistercc qui faisoit le fond de ce manuscrit ; mais il a acconimode le reste , du moins en partie, a la maiiiure dont on ecrivoitdc son (emps. (1) Lobineau ; Albert le Grand, Vies des saints de Bretagnc. (2) Analecta Mabillon , t. 2. 34 26G IIISXOIIU: ECOLESIASTIQUE. nionasUr^,4e.fieile saiulp vierge n'est plus aujourJ'hui qn'un prieure d('- peiidatil de I'abbaye de SautlciPiQix de Quimperle. i36. La riovidcnce , qui veille parliculierement sur son pcuple choisi, ainie a Ivii preseuler de temps cu lenips des exemples de la piete la plu^ relevte , pour a^crlir les uns el les auties de ce qu'ils peuvent et doi- vent fair^ y chapuu, ^-^us leur elat, el Icur leproclier , d^ule raaniere sen- sible , leur- lit'deur et Ipur lucbele. Les grandes cboses qu'a fait Ninnoci.i en Armorique , viennent de se renouveler dans I'Empire Francois. Nee a Tombre du trone le plus majestucux de TEurope, c'levee a la cour la plus brilla.ute , eiubellip par la i;\iain des graces , ornec des dons les plus precieux de i'espi-il et du coeur ^ cherie du plus tendre des peres , ainu'c de la cojur'et.du pcuple , Marie-Louise de Francp a tout sacrifie pour se leul'pnuer dans I'ojjscuritc du cloitre. La croix , a la vue de laquelle on voit trembler la dclicatesse de la plupart des cbreliens , fait les delices di- celle auguste princcsse. Elle a nionlrc a la France elonnt'e qu'au milieu nieme des grandpms de la lerre,, el dans un ^iecle qui s'est devoue a la frivolite il se-trouve encore des ames assez fortes pour suivre Jesus- Cbrisl jusques d^i|s sps conseils. L'elernite , qui fail disparoitre devant elle la vaste eteudue des temps , lui a rcprcsente dans leur vrai point de vuc les bonneurs et les cbannes de ce n)onde. Eclairce d'en baut , celle sage princcsse les a Considert's conuue n'ctanl dt'ja plus. Elle s'csl appliquee celle verite , que le maitre de Tuuivers ne respeclera la puissance de qui que ce soil, parce que les grands , conmieles pelits , sont son ouvrage , el qu'il. 9 egalenienl spin de tous. Dans la crainle de cette terrilile sen- tence qui menace des plus grands supplices les puissans du siecle, elle s'esl bumilice dans I'esperance qu'il y a quelque misericordc a allendre pour les pelils. Elle a rt'ilecbi que la verlu seule met devant Dieu de la (iifference entre les bommes , el qu'elle nc pent Irop faiie pour conquerir uiu- courof^ne devaut qui les autres ne sont rien. . .137. iS8.Cefut du temps desainleMnnocbtquese tint unconcile a \en- nes. II n'est pas facile de fixer I'epoque precise de cette respectable as- semblee. I^es nonis de I'empereur Severe et du papeHilaire, sous les- quek elle fut convoquce , servent a prouver qu'elle ne se fit pas plus tard que le quinze d'aout de I'au !\65 , puisque, ce jour-la meme, i cin- pereur ful euipuisoiiue par Ricimer ; ils font encore foi (|ue ce synode nc fut pas assemble avanl le douze de novembre 461 , car c'est a ce jour quest attache I'avenement d'llilaire a la cluiire de saint Pierre. On doil (lone rappoi-tcr a Tune des annees qui a suivi . depiiis 461 jnsqu'a 4^'5 , la 1-^ CINQUIEME SIECLE. 2G7 celebration de ce concile. On y fit seize canons que nous allons donner : T. « Nous avons juge a propos , disent les Peres de ce concile , de » separer de la communion ecclesiastique les homicides et les faux te- » moins , jusqu'a ce qu'ils se soient purifies de leurs crimes par la pe- j' nitence. » n. « Nous prononcons la meme peine contre ceux qui repudient leuis )) femmes , excepte pour cause d'adultere , comme le dit I'Evangile , et » qui , sans avoir prouve ce crime , se marient ensuite a d'autres. Notre » foiblesse a laisser ces fautes impunies serviroit de pretexte a quelques- » uns pour tomber dans les memes exces (i). » III. « Nous privons et de la communion des sacremens et de la table X commune des fideles , ceux qui , apres s'etre soumis a la penitence , en » interrompent le cours pour reprendre leurs anciennes lik'bitudes et me- » ner une vie toute seculiere. » IV. '.c Nous separons aussi de la communion celles qui , apres avoir fait » profession de virginite , et recu dans ce dessein la benediction par I'in)- » position des mains, seront trouvees coupajjles d'adultere. Nous ordon- » nons la meme peine contre ceux avec qui elles auront comniis ce » crime. » V. « Les clercs ne pourront voyager sans des lettres de recommanda- » tiou de leur eveque ; s'iis agissent autrement , on ne les recevra point » a la communion , dans quelque lieu qu'ils aillent. » VI. " Nous etendons la meme peine aux moines qui courent lepays, » sans avoir obtenu de pareilles lettres ; si les reprimandes ne suffisent » pas pour les corriger , nous voulons qu'on les punisse par les fouets. » VII. « Les moines ne pourront se retirer de la communaute, pour lia- » biter des cellules solitaires , sans la permission de I'abbe ; il ne I'accor- » dera qu'a ceux qui auront ete long-temps eprouves , et qui paroitront (1) Voici le teste de ce canon : « Eos qui , » a communionc similiter arcendos , ne per orelictis uxoribus, sicut in Evangelic dici- « indulgentiara nostrara , prajtermissa .id li- » tur , excepti causi fornicationis , sine adul- » centiam erroris invitent. » Nous exposerons » terii probatione alias duxerint , statuimus ailleurs la raison de cette discipline. 3*^8 HISTOIUE ECCLESIASriQUE. » capables d'uiic plus grande solitude , ou a ceux qui , a cause de leurs » in(iiinil('s , ue peuveiU plus clrc assujcltis aux austerik's de la rcijle. Oi> )) aura atteiuiou loulefois cpie ces cellules st'parees soient dans I'euceinte i> (lu inonaslere et sous la puissance de I'alibe. » VIII. « Les ahbes ne pourront avoir plus dun inonaslere, ni difle: X rentes demeures , si ce n'est des hospices dans I'enceinte des villes, i> pour se nietlre a convert de lincursion de lennenii. » IX. « Nons defendons aux clercs , sous peine d'excommunication , de » s'adresser aux trihunaux seculiers , a moins que leur eveque ne Icur en w ait donue la permission ; niais si leur eve([ueleur est suspect , ou sil'affai- » re contentieuse a pour ohjet des hiens que I'eveque veut leur enlever, » ils auront recours aux autres eveques et non a la puissance seculiere.» X. « Pour niaiiitcnir la charile fraternelle , les eveques ne pourronl >' j)romouvoir a un ordre supcrieur les clercs ordonnes par d'autres » eveques , sans la permission de ceux-ci. » _ XI. a Les pretres , les diacres , les sous-diacres et ceux des aulreii » clercs a qui il n'est plus permis de se marier , ne pourront assister aux " lestins des noces , ni se trouver aux asseiublees dans lesquelles on » cliante des chansons consacrees a I'amour profane et contraires a I'hon- » netetr , ni a celles oil il y a des danses indecentes, afin que leurs oreilles )> et leurs yeux ne soient pas souilles par des paroles de cette nature et « par un spectacle pareil. » XII. « Nous defendons a tons clercs de manger cliez les Juifs et de les » inviter a manger clie/. eux. Comine ils ne mangent pas de toules les » viandes qui se servent chez les chretiens , il est indecent et nieme sa- » crilege aux chretiens d'user des viandes qu'ils servent sur leurs tables. » Ils regardent comme immondc ce que I'apotre nous permet de man- >' ger : ce seroit se degrader cpie de manger ce ([u'ils nous donneroient , a tandis qu'ils ne gouteroient pas a ce que nous leur ofTririons. » xiii. « Mais surtout les clercs doivent eviler I'ivrognerie : elle est le )i fover et I'aliincnt de tons les vices. (^)uand on est pris de vin , I'esprit » et le corps ne peuveiU plus exercer leurs fonctions avec la meme faci- » lite qu'auparavant. Le vin assoupit la raison ; le penchant vers le mal CINQllEME SIECLE. ^69 » ne connoit plus de fiein ; et , sans le savoir , il arrive qu'on tombe i> dans le peclie. IMais une telle ignorance ne doit pas etre exempte de » cliatiment ; puisqu'il est certain qu'elle est la suite d'une alienation vo- » lontaire de I'esprit. C'est pourquoi nous ordonnons que celui qui » sera convaincu de s'etre enivre, ou soit excommunie durant trente » jours , ou qu'il subisse quelque punilion corporelle. « XIV. « Un clerc, qui demeure dans I'enceinte de sa \ille , et qui , n'e- » tant pas malade , aura manque d'assister aux prieres du matin , sera » prive durant sept jours de la communion , parce qu'il n'est pas per- )' mis a un ministre des clioses saintes de negliger une obligation d'ou » il tire de si grands avantages , surtout lorsqu'aucun motif raisonnable » ne I'appelle ailleurs. » XV. « N'ous avons cru en meme temps qu'il etoit de I'ordre que I'of- « fice divin et la psalmodie fussent du moins parlout les memes dans » notre province ecclesiastique (la troisieme Lyonnoise), et que, com- )) me nous n'avons qu'une meme foi sur la Trinite , nous n'ayons aussi B qu'une meme regie dans nos offices , de peur que la difference qui » pourroit s'y trouver, ne donnat occasion de faire soupconner que nous " n'avons pas les memes sentimens. » XVI. « Et , pour ne pas passer sous silence des pratiques qui alterent » le plus la foi de la religion cluetienne, des clercs s'adonnent aux augures; » et, sous le nom d'une fausse religion , ils exercent la divination par » I'inspection des premieres pages a I'ouverture des livres saints , et ils » I'appellent le sort des saints; d'autres pretendent decouvrir I'avenir » par le moyen de toute autre eciiture. Nous excommunions tout clerc » qui sera convaincu d'avoir exerce cet art ou de I'avoir enseigne. » 139. La souscription de ces canons se fit dans I'ordre et de la maniere qui suit : « Perpetue , eveque , j'ai relu et souscrit ces decrets emanes de » nous, et je pense que Ton doit garder ce qui a ete regie auparavant » par nos peres et par nous. Paterne , eveque, j'ai souscrit. Albin , » eveque, j'ai souscrit. Athenius , eveque, j'ai souscrit. Nunechius , eve- » que , j'ai souscrit. Liberalis , eveque , j'ai souscrit. » 1 40 . 1 4 1 . Les six eveques de ce concileenvoyerent ces canons a Victorius( i ) (I) Victorius tire son nom de vie, inlre- pide , et de (or, teigneur. Ce prelat avoit ap- ^7° HISTOIRE ECCLESIASTIQCK. till Mans , el a Talasius d'Angers(i) , qui n'y avoienl pas assisle. Dans la leltre qu'ils leur aclresserciit , ils les Iraitenl de seigneurs tres-heureux , et de freres respectables dans le Christ, par la cliilrite qui Ics unit. Apres ces lemoignages de civilite, ils observent qu'ils ne doivent avoir d'autres pensees ni d'autres soins, surtout lorsque la volonte ou I'occasion les a rasseuibk's , que de ce qui concerne la religion , pour le niaiiUien de la- quelie il n'y a point d'autre secours a csperer. lis ajoulent qu'ils ont re- solu de faire quelques slatuts , ou pour regler-'des clioses qui ne ravoient pas encore ete , ou pour reformer des abus qui s'etoient glisses dans la discipline. Les motifs de leur determination , qu'ils donnent a ces deux prelats , sont remarquables et rcpondent a levir piete et a leur discerne- ment. C'est, disent-ils , qu'ils ont juge a propos de faire ces regleniens tnsenible , lorsqu'ils avoicnt avec eux I'espiit dc Jcsus-Clhrist , parce par le pape Sixte iii, se relira a Lerins aupres de Fauste , et qu'ayant passe quelques raois avec lui , il lui fit goii- ter ses sentimens. Cela paroit d'autant plus vraisemblable , qu'il n'y a pas merae lieu de soupconner qu'aucun eveque armorique ait donne dans les erreurs de Pelage (i) , du temps que Fauste habitoit sa patrie. 1 63. Nous ignorons jusqu'a quel temps vecurent les cinq eveques ar- raoriques qui avoient assiste au concile de Vennes. Nous trouverions a la plupart d'entr'eux des successeurs jusqu'a la fin de ce siecle , si nous nous en rapportions aux catalogues qu'on a tires de leurs eglises ; mais , comme nous n'avons rien qui en appuie I'authenticite , nous aimons mieux garder le silence, que de produire au grand jour ces pieces qui pourroient ne pas en soutenir la lumiere. fl) Lenom dePf'Jajf, que IcsLalins avoient Tous deux signifioient qu'il etoit ne de I'ile donne a cet hcresiarque, etoit le mome que de Bretagne. 3/or(;an, de mor , wier; jan, fn- eelui de Morgan, qu'il avoit dans sa patrie. gendre ; Pelage, i Pelago. 278 iriSTOIRE ECCL^SIASTIQCE. 164. L'eglise de Rennes a des avantages a eel cgard que lesaulres n'ont pas. 11 est certain qu'Atlienius fut remplace par saint Amand. Si les details de la vie de celui-ci ne sont pas connus , on sait qu'il fut un grand eve- que. Son nom en fait la preuve (i). La duree de son ponlificat s'c'tendil piobablemeiil jusques vers I'an 484. i65. On pent conjecturer , avec assez de vraisemblauce , que cet Ainand , ;i qui saint Paulin de Nolc, qui mourut en 4^1 , a I'iige de soixante-dix-huit ans, donne la qualite de freie , et qu'il appelle un en- fant de bcnediclion , etoit celui-la meme qui devint eveque de Rennes. Les circonslances lui conviennent entierement. I'aulin avoit pris nais- sance a nordeaux. A I'esprit , a la science , aux ricliesses , aux dignites et aux autres qualites qui le rendoienl recommandable , il joignoit celles qui inspirent ramitie , et n'avoit rien de plus a coeur que de se lier avec les savans. Amand de Rennes devoit etre ne avant la fin du quatrieme siecle, etentrerdans I'adolescence , lorsque saint Paulin le qualilioit d'en- fant. Pour le litre de frere , le saint le donnoit sans difficulte a des per- sonnes laiques. Le jeune Amand etoit etroilement lie avec Sancte , poele chrelien de la Caule , et celui-ci avec saint Paulin. Sancte, qui entrelenoit un commerce de lettres avec cet eveque , avant la liaison qu'il forma avec Amand , le continua conjoinlemcnt avec lui. Paulin Icur faisoit aussi rcponse par une leltre commune a tons deux. Il ne nous en rcsle plus qu'une de celte socie- le : elle est de saint Paulin. On I'a divisee en deux a cause de sa lon- gueur (a). 16G. Des commencemens si beaux doivent nous faire comprendre cc que devint Amand dans un age plus avancu , et quelles furent sa piete et sa science. Ses mi-riles furent grands durant son ponlificat. 1G7. Le corps de saint Amand ful inhume , suivant I'ancien usage , hors I'enceinte de Rennes , dans le cimetiere destine aux fideles , c'est- a-dirc , dans le lieu qu'occupe maintenant I'abbaye de saint Melaine. On y conserve ses precieuses reliques avec beaucoup de religion. La ville de Rennes , cpii regarde ce saint eveque comme son patron , a pour lui une veneration parliculiere, et sa confiance en son intercession aupres de Dieu s'est loujours soutenue. Elle I'invoque surtout dans les calamites publi- ques ; elle a trouve dans sa tendresse paternelle de quoi piquer sa recon- noissance et fortifier sa foi. (1) Lc nom d'Ainand sc tire d'a , parliculc homme. augmciilativc.ct demand, grand: trcs-grand (2J Ep. 40. 41. CINQUIEME SIECLE. 279 168. Dieu, qui n'avoit que des vues de misericorde sur le peuple de Rennes , en recorapensant les travaux apostoliques de saint Amand , lui reservoit un nouveau clief selon son cceur. U I'avoit fait naitre vers le mi- lieu de ce siecle, dans un lieu qu'on nommoit Placium (i) , an diocese de Venues. 169. Ses parens etoient des plus illuslres de TArmorique. On I'appela Melain ou Melaine (2), en menioire de la position du chateau ou il etoit ne. 170. Son education fut confiee a de saints prelats , qui lui culliverent I'esprit et le formerent a la piete des sa plus tendre jeunesse. II passa de leur ecole dans un monastere , ou il embrassa la \ie religieuse. II s'y con- sacra tout entier aux exercices de la vertu la plus austere , de sorte qu'en peu de temps il devint le modele de la communaute. Dieu avoit decouvert a saint Amand les qualites eminentes de Melaine , et lui avoit fait connoitre , au lit de la mort, que ce religieux devoit elre son successeur. Le saint prelat , qui portojt ses ouailles dans son coeur , se hata de faire part au clerge , a la noblesse et au peuple de la volonte divine. A peine lui eurent-ils rendu les derniers devoirs , qu'ils allerent en foule trouver Melaine. lis Fenleverent malgre sa resistance et le choisirent d'une voix unanime pour leur eveque. Son humilite lui suggera de fortes raisons pour prouver son incapacite a un ministere si releve. Ne pouvant reussir de ce cote , il eut recours aux prieres et aux larmes. Rien ne fut ecoute : le ciel avoit parle ; on vouloit que ses desseins fussent accomplis. 171. 172. Melaine fut sacre malgre lui : la grace qu'il recut dans son ordination (3) lui fit bientot comprendre que sa vocation etoit I'ouvrage du (1) Le nom de PJacium vienl de pJas ou pa- {Bren, riviere), cl a peu pres.a trenle mille lot , qui signiGe demeure de roi. Palas est de Rennes. Le mille remain dont il est ici compose d'a*, demeure, el de pal , prince , question (car les Gaulois comptoient par ou roi. 7«m est une terminaison latine que lieues) comprenoit, suivant M. d'Anville(Me- I'on a ajoutee au terme plas. Nous appre- moires de Tacademie des inscriptions, torn, nons , par la vie de ce saint eveque , que Pla- 48) 756 toises , qui , evalu6es en lieues de dum etoit dans le diocese de Vennes , a Irente 2400 toises , ne donnent pas tout a fait neuf raille environ de Rennes, etpeu eloigne de la lieues et demie. Vilaine. C'est , d'apres ces connoissances , (2) Melen tire son elymologie de ma , en qu'on doit cliercher la position de ce lieu. On composition me , aupres , et de len , riviere : ne la trouvera point a Ploermel , puisque cette homme ne aupres d'une riviere. rille est du diocese de Saint-Malo ^ et bien (3) Saint Amand mourut , suivant Dupaz , loin de la Vilaine. On ne peut aussi la deter- le 14 novembre de I'an 484. Si cela est ainsi . miner a Bain , parce que cette paroisse , qui, comme on peut le croire , I'ordination de saint k la verite , depend de Vennes , n'est distante Melaine doit Strc fixce au 6 Janvier 485 , ainsi de Rennes que de sept lieues. Nous croyons que le discnt les Martyrologes de Luques etde ne pouvoir mieux la fixer qu'i Brain. Cette Corbie, qui portent le nom de saint Jerome: paroisse est dans le ressorl de Vennes , sur les en faisant naitre saint .4maDd I'an 392 , il dat rives de la Vilaine , dont elle a pris le nom. mourir a 96 ans. 280 niSTOIT\E ECCLESIASTTQTTE. mailre des destinees. Celte n'nexion , qiielque consolanle qu'elle soit, ne dissipa point la frayeur dont il avoit ele saisi a la \ue d'un oniploi si dan- geieux par lui-meme el donl la cliarge est si nniltiplice. Kile lui inspira seu- lement celte esperance ferme , que celui qui I'y avoit appele lui accorde- loit de puissans sccours pour en remplir toutes les obligations. Afin de se les attirer , il se cru! dans la necessite de rendre sa penitence encore plus austere que durant le temps passe, de veillcr et de jeuner davantage, de ])rier avcc une nouvelle fervcur et avec inio plus grande assiduite. Il ne lui parut pas moins important de s'app]i([uer a la meditation des saintes Ecritures et de la Tradition , dont il eloit devenu I'inlerprete. C'est de la que ses discours porlerent la conviction dans les esprits , et que son exem- j)le fit une sainle violence aux ames les plus endurcies. II fut tout a la fois , et I'oracle de I'Armorique , et un miroir de la saintete la plus cminente. 173. Eusebe , qui t'toit parvenu a I'empire de I'Armorique (i), apres la mort d'Erech , malgre les droits que ses enfans y avoient , ressenlit les efiels du pouvoir que Melaine avoit aupres de Dieu. Quelques Armoriques avoient encouru I'indignation de ce prince , sans que Ton en saclie le vrai motif. 11 parlit de Venues accompagnc d'une nombreuse suite, que Ion regarde mcmc comme une armce. Rendu a Comblessac (2) , il fit arra- clier les yeux et couper les mains a plusieurs personnes, Le jour meme que cette expedition se fit , Eusebe tomba malade : les niedecins , qu'il fit appcler , ne purent lui procurer de soulagement. Trois jours apres , la princcsse Aspasie (3) , sa fille , ful obsedee du demon. La gucrison du pere et de la fille eloit reservee a des secours plus puissans que ceux de I'art. On appela le Tbaumalurge de TArmorique. Melaine, qui eloit alors a Placium , a quatre lieues environ de Comblessac, ne tar- da pas de se rendre a I'invitation qu'on lui faisoit. Sa presence fit une vive impression sur le cocur d'Eusebe : saisi d'une vraie componction , il fit la confession de ses peclic's. Apres en avoir eu I'absolulion , il conjura Me- laine de prier pour sa fille et pour lui. Le prt'lat cliaritable lui repondit : « La nialadie qui vous afflige ne vous conduira point au lombeau. Elle » vous a ele envoyee pour le salul de voire ame , et pour vous engager (l)Usscrius, Britan. Ecclcs. Antiq. riosolilcs. Af, nom appellalif dc rivifere , est (2) Lc Icxte porlc Cambliciaeus. Cc tcrme dcvcnu proprc a ccllc-ci. vicnt , cominc nous I'avons dit aillcurs , de „ ^ „ , . . , cam , habUation , cl dc bUch ou brich , fron- ^ ^^^ ^^ "^"^ . ^ .^^/"'';'';";nt d'a, , Uge . ot Hire. L'Af, pelilc riviiTC qui coulc aupKs ^"^ J>"' ' ^'P'^'"'^' > «&«'««■ £"« "e r^gna dc Comblessac, separoit les Ycnelcs des Cu- P" imraed.alement apres son pere. a CINQUIEME SIECLE. 2^1 » a servir fidelement le Dieu qui voiis a cree. » Le ponlife oignil ensuile par trois fois d'huile sacree le prince souffiant , et invoqua sur lui le norii du Seigneur. La nialadie fit place sur-le-champ a la sante : Eusebe se leva. Le souverain et Melaiue u'eurent plus que des actions de graces a rendre a la bienfaisance du Createui'. Le saint n'eul pas plulol passe a I'appartenient d'Aspasie , que le demon comnienca de crier : « Pourquoi » lue persecutez-vous , homme de Dieu ; car vous m'avez deja cbasse du » corps d'une autre fdle. » Melaine , I'ayant fortement tanse , lui dit : « Sors , cruel esprit, du lieu que tu occupes, et va dans tel endroit que » tu ne puisses nuire desormais u aucun homme. » A I'instant , Aspasie reprit sa liberte naturelle. 174. 175. Melaine, qui savoit qu'a Dieu seiil appartiennent riionneur et la gloire , et que c'est de lui que vient tout don parfait , n'en fut que plus humble a la vue de ces miracles. Pour eviter des louanges, toujours dangereuses a la foiblesse humaine , il prit conge de la cour. Cependant la reconnoissance agissoit furtenient sur Eusebe. Ce prince donna Coni- blessac a Melaine , pour I'entretien de ses religieux. Celte terre est le plus ancien palrimoine de I'abbaye connue sous le noni de Saint Melaiue. Ce qui donne lieu de penser que eel illustre pontife en avoit jete lui-meme les fondemens. Conduit par le meme esprit que saint Martin de Tours , il en retracoit les Aerlus et les prodiges. A son exemple , il donnoit a la soli- tude et au recueillement tout le temps que I'episcopat n'exigeoit pas de lui. Lorsqu'il pouvoit disposer de quelques momens , il les passoit au- pres de sa ville , dans la retraite qu'il avoit formee. Les cendres de ses pieux predecesseurs , qui y reposoient , aninioient son courage et sa foi. Quand il pouvoit jouir d'une plus grande liberte , il voloit a Placium , ou il avoit etabli une autre communaule (i). Ce n'est pas ici le lieu de faire un plus long detail des actions de saint Melaine. Pour suivre I'ordre des temps , nous le reservons au sixieme siecle. Ce que nous avons dit de cet eveque , n'est que I'aurore d'un soleil qui eclaira sans nuages le monde gaulois. 176. Eusebe n'etoit point du sang des rois de I'Armorique , coninie on le croit communement. 11 est tres-probable qu'il y avoit pris naissance : loutes les personnes dont noire histoire fait mention , et qui portent un nom grec ou remain , etoient gauloises (2). Eusebe fut redevable de son (1) S. Melanii vita apud Bolland. ad diem des SS. de Bret. 6 januar. .Albert le Grand , Lobineau ; Vies (2) Valesius , rerum Francic. lib. 7. 3G ^ioa HISTOIRE ECCLESIASTIQUE. elevalion a son aniMtion et a la faveur des grands du royaiime. II a passe pour un prince severe et cruel. Le changement de ses moeursful TouYrage de saint Melaine. II fit , pendant les dernieres annees de son regne , le bonheur de son peuple , et , du mantcau de ses vertus , il couvril ses fautes passt'es. On ne s'occiipa plus de ce qu'il avoit ete, pour ne penser qu'a ce qu'il etoit. Le nom d'Eusebe (i) , c'est-a-dire , de pieux , passa a la posterite. Sa mort, (juiarrival'an 4go, fut precieusedevantle Seigneur (2). La langue grecque , de laquelle on emprunta son nom , lui etoit appa- remnieiit familiere. 177. II paroit tres-vraisemblable que les Armoriques decernerent un culle religieux a Lusebe , et (jue sa fenuiic , avant partage durant sa vie ses actions beroiques de cbrislianisme , elle parlagea aussi avec lui les Loinieurs qu'on lui a rendus. Leurs depouilles mortelles furent probable- men t transferees bors de I'Armorique au dixieme siecle , temps oil les Da- nois y flrent de frequenles descentes , et niettoient tout a feu el a sang. En effet , I'cglise coUogiale de saint Eranibourg, en la ville de Senlis, possede I'epine et une cote de saint Eusebe , confesseur , et le corps de la bienbeureuse Landouenne. On les trouva dans une nieiue cbasse , a I'ouverture qui en fut faile Ian 1177, en presence de Louis vii , roi de France, de Pbilippe , son fils , de Pierre, It'gat du Saint-Siege, de Henri , eveque de Senlis, et de Simon , eveque de Meaux. Ce qu'on sait de sainte Landouenne , c'est qu'elle c'loit reine des Armoriques. On en faill'officele aq oclobre , dans lout le diocese de Senlis. (1) Le mot Euseie est derive du grccEuae- sidtrable. C'est done vers la Qndu sixieme sie- ves, pipi/a;. cle qu'il faul renvoyer lY'poquc dc l.i vie de (2) Ce que nous savons de rhistoire du roi sainl Molaino. On en pent mcttre i'.iuteur par- Eusebc est rcnferme dans la vie de saint Me- mi les ecrivains armoriques. Son style est plus laine. Celui qui la ecrite etoit Armorique , net el [jIus concis qu'il ne rcloit commune- commc onpcuts'enconvaincreparun endroit ment dans son siecle. Tout respire en lui la de son ouvragc. Les critiques ne sont pas bonne foi et la naivete. C'etoit un lioramc d'accord sur le temps precis auquel I'autcur a grave , pieux et eclaire dans la religion el les compose la vie du saint eveque. Andre Du saintcs Ecriturcs. 11 n'a pas enlre dans un Chesne , et, apres lui, Bullandus, ponseiil prand detail des actions du saint, si ce n'ost que I'ecrivain 6toit conlemporain du saint. M. de ses miracles. Ce qui a fail dire a M. Baillet, Bailletcroit cclle vie posttrieure ,de quelque que cclte \ie a eu le sort des autres ouvrages temps , a sa mort. II est constant que I'aiio- de la mime nature , que les copistcs religieux njTne n'ccri^ il que sur ce qu'il avoil appris par ont cru devoir enricliir d'additions et de fuur- tradilion, comme il le dit lui-meme : Qucfvc- rures, pour les rcndre plus merveilleux ou ridica relatione comperimus. Un des motifs qui plus touclians. Nous n'avons pas I'opil si per- le porterent a le fairc , fut la crainte oil il etoit cant que ce critique , mais nous pouvons dire , que la longueur du teniiis ne fit ouldicr ce avec les savans auteurs de rilistoire lilteraire qu'on en connoissoit. D'oii il suit qu'il conser- Ae Fnnce, qu'il est plus aisid'arancer dcsem- voil celle tradition depuis un temps assci con- hlabUs chases que de les prouver. CINQUIEME SliCLE. q83 178. Les reliqiies de ces deux saints personnages , que I'on avoit eu soin de renfermer dans la nieme chasse , tandis qu'on auroit pu les con- fondre avec celles de plusieurs autres saints , qui etoient honores dans la meme eglisede saint Frambourg, donnent lieude soupconner qu'on avoit cru, sur d'ancienncs traditions, qu'ayant ete unis particulierement du- rant leur vie ^ on n'avoit pas du les separer apres leur mort. Par ce dis- cernement, on iudiquoit la cause de leur liaison a ceux qui pouvoient avoir interct de sen instruire. Nous ne connoissons point de plus grands rapports entre les deux sexes que celui qui leur vient du sacrement de mariage. Landouenne etoit reine de I'Armorique : elle ne pouvoit tenir qued'Eusebe cette auguste qualite En effet , elle n'avoit point ete I'epouse d'aucun de ses predecesseurs. Nous les avons fait connoitre ci-devant , a I'exceptiou de celle d'Audren , qu'on dit etre la fiile d'un Leon , empe- reur , c'est-a-dire , qui occupoit une place distinguee aupres de quelque prince ; celui-!a , peut-etre , qui devint minislre d'Euric , roi des Visi- goths (i). Elevee a la romaine , elle n'auroit pas pris un noni gaulois. Nous verrons , dans la suite , que les successeurs d'Eusebe n'eurent point de femmes qui s'appelat Landouenne (2). 11 est done a presumer que ce roi avoit pris celle-ci en mariage. Un manuscrit gotliique de I'eglise de saint Frambourg I'appelle Loeve (3). 179. Aspasie marcba avec Constance sur les traces de ses glorieux pa- rens. Ce fut la piete de celle jeune princesse qui inspira a son pere la do- nation qu'il fit de Comblessac h saint Melaine. Si elle ne regna pas apres lui , elle n'eloit pas moins digne du trone. Hoel i , successeur deBudic, connut son merite ; il I'associa a la couronne par le mariage qu'il con- tracta avec elle. Celle reine fit la gloire et I'ornement de I'Armorique. Grande dans sa viduile , elle se consacra toulentiere au service deDieu. Elle fill mise apres sa mort au nombre des saints. Son corps a ete depose dans le choeur de la paroisse de Lancoet (4) , proclie la Rocbe-Der- rien (5), oil Ton montre son lombeau. Elle y est invoquee comme pa- ct) Leon, cc catholiquc si respectable, que de Clermont. comploit pour I'un dc ses aieux I'oraleur (2) Landouenne tire son nom de Ian , ex- Fronton; il etoit lui-meme le plus eloquent cellenle , c\. dc icen on gticn , bonne. de son siecle et le raeillcur des poctes. Dans (3) Loeve tire le sien de lo , Ires , el d'cvr: , la science des lois , il eclipsoit meme le cclebre modcsCe. Appius-Claudius. Ce grand homme etoit de (4) Le nom de Lancoci est derive de fan , wo- Narbonnc, ou il avoit fait connoissance avec naslere, clde cocC, foirt. saint Siddine. On peut croire que ce fut lui qui (5) Le nom de Rochcderien sc lire de roc , fortifia Erech, son pelit-fils, dans le goAtdes fortification; de der , redoutable , ct d'ien , ri- sciences, et qui lui procura Tamiticde I'cvfi- viere. Ce qui veut dire: fortcrcsse rcdoutalle 204 IllbTOIRE ICCLKSIASTIQLK. troiiue, sons le noni de saiiite Copaie. Elle porta aussi ccliii d'Alma-Piim- pa oil Pompeia. Ses verlus passcrenl en Tiigilual et Leonore , ses cnfans , que nous verrons dans le siecle suivanl repandre la bonne odeur de Jt'sus- (nuisl en Armorique. Soene , aulrement Loeve , sa fille , sc niodela sur son exemple. Son nom lui rappeloit en nieme temps les grandes (pialitt-s de Landouenne, on Loeve , sa grand'niore. 1 80. (i) L'atlacheniciil que les \rnioiiques avoient eu pour la familie de leurs premiers rois, se ranima tout a coup apres la mortd'Eusebe. lis ne purent s'empeclier de voir des vertus dabs Aspasie ; mais ils ne trou- \oienl pas en elle ce ([ui les flaltoit le plus dansce moment , le sang qui avoit coule dans les vcines de leurs aulres souverains. C'en fut assez pour Texclure de la couronne. Des qualreenfans d'Audren , il ne resloil plus que le dernier. Budic (2) fut elu d'une voix unanime. ]l avoit ete oblige de ([uitler TArmoriqiie, a pen pres daps le temps ([u'Eusebc en fut proclame roi (3). Ce qui iiou§ sur le bord d'unc riviere. Telle est la Roche- Dcriicn.Lc lermc roc, qui il'abordsignifioit un rochcr , a designe une fortcressc, parcc qu'on les plaroit quclquefois sur des rocs ou des rochers. (i) [An 490.]— Omission, a. V. (2) On donne a Budic Ic nom de Dcbroe , parcc qu'il avoit le teint brun : de, noir; broch, couleur brunc. On I'appelle ^erocA , c'cst-a-dire ^jcunc roi, par opposition ii Erech, son atne : bcr , seifjneur , roi; oc,jeunc. On le noramc Bodo'ix , parcc qu'il (iloit Ic dernier des cnfans d'Audren : beg,peiil; die, dimi- nutir. (3) «Fuit vir Budic . filius Cybsdan , na- » lusdc CornM7niii(i; qui in Domelicam rcgio- » nem', tempore Airpor-Lauhir, regis ejus- i> dcm rcgni , venit cum sua classe cxpulsus » patriA. Qui , ciim niorarctur in patria, ac- » ccpit silii uxorem Ana\inu'd nomine, liliam » Ensic( mater auteni illius (luciihaf , filia I.i- » nonui),dcqu4 Anaumcd nali sunt sibi Is- » mael et Tifei martyr jarens in Pennalun. >• Qui ciim morarclur in patria , missis Icgatis » ad eura de naliva sua regionc ComugaUiw , » ulsine mora cum tola sua familia, ct auxi- » lio liiilannorum , ad reci|>icndum regnum >i Arraorican gcnlis vcniret, dcfuncto rcgc eo- • rum , ilium volebant recipi-re natnm de re- » gali progenic. Facto ab illis consiliu uno » ore , audita legatione ctacceptA , affoctuose » acccpit uxorem suara pracgnantem cum tola » fnmilia sua , et classe applicuit in palria ; » ct regnavit per totara Armoricam terram... >' Qua; postea vocata Ccrniu Budic. » ( Sancli Oudocei vita. ) Nous rcmarqucrons 1' que le terme Cybsdan ne dcsignoit pas Ic nom d'unc personne , mais seulement sa qualite. Cybs , autre; dan, chef, roi. Ainsi , lorsqu'on dil que Budic ctoit Gls de. Cybsdan, on vouloil uniquement faire entendre que ce roi ctoit fils de roi, savoir, d'.\udrcn. 2 Qucl'.Armoriqiie portoit, d^s les temps les plus reculcs , le nom de Cornu GallicB. L'auteur d'un ancicn frag- ment rapporto par Pilhou ( Hist. Franc, ti) , nous aiiprcnil que tout ce qu'on appeloit Brc- tagnc Je sjn temps , sc nommoilCornouaillc, avant I'arrivce des Bretons. Celui qui a ccrit la vie de saint Pol-Aurelicn estdu mfmc sen- timent, ct ne fait pas de distinction enlrcla Cornouaillc ct le continent, qui formoit le royaumc armorique. Glabcr- Radulphe, qui vivoit au commencement du onzi6me siecle. dit , en lermesexpres, que Rcnnes ctoit la ca- pilale de la Cornouaillc. Le nom de Cornu Gaf- lia que les Latins ont donne a I'Armoriquc, vient du celtiquc corn, promonloire , et d« gall , brave , raillant. Le nom de braves ap- parlcnoit surlout aux Armoriques. Par leur soulovcmcnt contre Jules-Cesar, ils furei.tsur CINQUIEME SIECLE. 285 fait croire qu'etaiU le seul qui , apres la mort de son frere Erech , put pretendre a I'enipiie de I'Aimorique par le droil de la naissance , sa fuite en I'ile de Bretagne ne fut occasionnee que par Eusebe ef ses partisans. Ce prince s'etoit retire aupres d'Aircor-Lauliir (i) , roi des Demetes (a). 11 avoit epouse dans ce pays Anaumed (3), fille d'Ensic (4) et de Guen- haf (5) , lous deux illustres par leur naissance. Les Arnioriques lui en- voyerent une ambassade pour I'engager a prendre I'ancien gouvernement de ses peres. Cetle proposition lui etoit trop agreable pour ne pas s'y rendre sur-le-champ. Aussitot il fit equiper une flotte et fit embarquer toule sa famille. La joie que cet evenement causa en Arniorique , fut si grande que , pour le consacrer a la posterite , ce pays porta long-temps le nom de Cerniu Budic (G) , c'est-a-dire , cercle ou terre de Budic. i8i. La premiere expedition que fit Budic , apres son couronnement , fut d'aller se faire reconnoitre par les liabitans du pays que les Alains avoient possede , et qu'Audren avoit enleve a cette nation. 182. Dieu donna , presque dans le meme temps , a I'Armorique , des marques bien sensibles de sa protection. Marcbil (7), chef redoutable d'une troupe de baibares , devastoit les environs de Nantes. « La villeas- M siegee depuis deux mois commencoit a souffrir beaucoup, lorsque , » sur le milieu de la nuit , le peuple y vit distinctement des horanies » vetus de blanc , et portant des cierges allumes , sortir de feglise des » martyrs saint Rogatien et saint Donatien. Bientot ce cboeur celeste fut » joint par une autre troupe semblable , sortie de I'eglise de saint Simi- » lien, eveque et confesseur. Ces deux choeurs de bienhenreux , apres » s'etre salues muluellement , firent ensemble leurs prieres , et , des « qu'elles furent finies , chacun rentra dans I'eglise d'ou il etoit sorti. le point de rcntrer dans leur premiere li- pU qui habile dc bons palurages.Wfi en di i'et.- berte. lis en jouirent pendant le cinquieme cellens dans les comtes de Cardigan , Pem- siecle , tandis que le rcstc de la Gaulo s'etoit brock et Caermarden. laisse asservir successivement par les bar- (3) Lc nom A' Anaumed vient A'anan , bou- bares. che , et dc ined, belle. (1) Ceux qui veulcnt connoitre le temps oii (4) Celui d'Ensic se tire dVn ou hen, tele , regna Aircor-Lauhir, peuvent consulterleprc- et de zioch , clevec. micr tome de I'llistoirc de Bret. , par D. Mo- (5) Celui de Guenhaf est compose de guen , rice. Le nom de ce prince vientd'air , brillant, bcUc , et il'af. Ires , beaucoup. et de cor , petit : homme pctil dc taille , mais (6) Cerniu est derive de cern , cercle. On a donll'ensemble etail brillant. Celai Ae Lauhir dit aussi Cornubia ou Cornu- Zfurfjci , parce etoit un sobriquet : il vient de lau, main, ct que , commenous I'avons dit , I'Armorique ou de hir , tongue. rcgnoit Budic est rcmplie depromontoires. (2) Lc nom de Dvmctes (^Demeli) est com- (7) Marchil tire son nom de mar, grand, pose dc da, bon , eldemelh, pdiurages : pen- el de cftiJ ou hil, puissant. '■^86 IIISTOIRE ECCLESIASTIQUI- » Dans le temps mcme que nos saints etoient en prieres , une terreur pa- » nique saisit Ics assiegeans, qui se relirerent avec taut de precipilalion , » que les Nantois , qui sorlirent de leur ville dcs ([ue le jour eul paru , » n'en puient joiudie aucun (i). » Les barbares tomberentbientot eiilre les mains do Dudic , cl fureiit cnlicrcment dt'fails. 1 83. Ce miracle cunvaiiiciuit dc plus en plus les fideles qu'il ya des saints qui veillent a la garde des villes et desroyaumes ; queleurs prieres monlent vers le lione du Tout - Puissant , comme un encens qui lui est agreable , et qu'elles ecartent les fleaux les plus terribles. II etoil bien pro- pre a faiie voir en meme temps aux paiens , que le Dieu des cUretiens communique sa force aux armees , quand il lui plait , ou qu'il les dissipc d'un clin d'ocil , et qu'il n'y a d'autre Dicu que lui. .\ussi , Marchil seulit des lors les absurdiles du paganisme : la religion cbrelienne , dont il se fit instruire , lui ouvrit de plus en plus les yeux , et le bapteme I'attacha ;i Jesus-Cbrist. i8/|. i85. i8G. Marcbil c'loii un des generaux de celte nation , que Ton connoissoit sous le nom de Francs. ?yous en avons vu, dcs le troisieme siecle j des detachemens dans les Gaules ; ils avoient montre , el sur mer ct sur terre , lout ce qu'on avoit a craindre de leur courage. Durant le cinquiemc siecle , ils ne se bornerent plus a des pirateries et au pillage. L esprit de conquete s'cmpara de leurs ames devenues plus avides ; ils len- tcrenl d'cncliainer loulela Gaule. Clovis (2), aussi vaillanl qu'ambilieux , sembla lenir en main la deslinee de celte fertile et vasle region. Marcbil ful un des instrumens dont il se servit pour penetrer dans I'Armorique. Des I'an 48G , ce roi avoit vaincu Syagrius , general des Romains , et lui avoit fait tranclier la tele." Soissons deviut alors le siege desa monarcbie. En 492 , il s'empara de Tongres , et de Ulieims , I'annee suivante. Les provinces, qui sonl enlre la Somme , la Seine et I'Aisne, avoient di'ja subi le meme joug. Pret a perdre la bataille a la journce de Tolbiac , conlre les Germains , il invoque le Dieu de Clolilde , son epouse , et remporle la ■victoire. Pour accomplir son vreu , il se fait baptiser par saint Remi, le jour de Noel l^c)6. Budic eloit auparavant le seul roi calbolique du monde cbrt'lien. Clovis parlagea avec lui ce precieux avantage ; mais la grace du baplcme ne le guerit pas de sa passion dominante : il ful lou- jours egalement ambilicux. En 497, "" ''" apres sa conversion , il fit faire des incursions sur les terres des Armoriques , et bienlot apres il leur (I) Grcgor. Turon. dc Glor. Marl. lib. 1. (2) Le nom dc Chiis , dc clolh, Hluslre, c. CO. cl dc wic, vaillanl. ClNQDliME SIECLE. 287 fil line guerre ouverte. Son bras , qui ne connoissoil point de resistance, fut arrete dans ce moment. La valeur des Armoriques et leur union avec les Romains formerent un boulevard impenetrable. Une confederation si bien liee etonna Clevis. Comme la bravoure el la prudence des Armori- ques deconcerterent ses projets , il eut recours a la negociation ; aussi fin politique que grand guerrier , il leur proposa d'unir les deux nations par une alliance qui les rendit en quelque sorte un seul et meme peuple. La proposition fut acceptee, parce que les Francs, qui la faisoient , venoient d'embrasser le christianisme (i). 187. Les Francs et les Armoriques trouverent dans cette alliance un autre avantage. Les garnisons romaines, qui conservoient encore quel- ques places sur les fronlieres des deux nations, leur cederent le pavs qu'elles gardoient et leur preterent le serment. La plupart des soldats qui les composoient etoient nes dans les Gaules et n'auroient quilte qu'a re- gret leur profession , ou abandonne les etablissemens qu'ils avoient dans leur patrie. 188. Ce fut probablement dans ce temps que les limites de I'empire francois et armorique furent fixees. C'etoit le moyen que la bonne iii- intelligence se maintint long-temps de part et d'autre. Clovis et Budic en gouterent les douceurs pendant quelques annees. J 89. Cependant, apres la mort de Vortimer , qui etoit arriveel'an 464, Vortigern (2) reprit le gouvernement de la Bretagne. Deux ans apres , Hengist , qui fit venir de nouveaux secours de Germanic , remporia plu- sieurs victoires et reduisit I'ile dans I'etal le plus triste. 190. Un desastre si affligeant rendit de nouveau Vortigern I'execration de ses sujets : il prit la fuite et se renferma dans une forteresse. Les Bre- tons se rappelerent alors qu'il leur resloit encore un rejeton de leurs an- ciens rois. C'etoit Ambroise-Aurelien (3) , fils de Constanlin. On depute (t) Procop. De BelloGolhieo , cap. 12. Nous auteurs donnenl en faveur de notrc sentiment avons cru , avec M. de Valois el la plupart des m'ont paru dccisivcs. D'ailleurs, le nom d'.tr- savans , que le texte original de Procope por- morique ou Arborique est le meme. Les Celfes toil Armoriques et non pas Arboriqucs. Ccpen- disoientegalement Ar-Mor et Ar-Vor. Comrae dant, comme le Pere Daniel , et , apres lui , ' les Grecs nc connoissent point d'V consonnc, M. I'abbe Velly , ont soutenu qu'il y avoit Procope a ecril Arborique au lieu d'Arvoriquc. dans les Gaules , sous le regne de Clovis , un (2) Le nom dc Vortigern vient de vor , roi, peuple nomme rcellemenl Arborique , on pent et dc ligern, roi; ce qui veut dire : deux fnis consulter sur cette dispute liistorique le tome roi. Ce qui etoit vrai a la lettre. 1. del'Hisloire critique dc la monarchic fran- (3) On a appcle Ambroise-Aurelien , ulher, coise , par M. I'abbe Dubos ; on pcul aussi re- irrriblc ; pcndragon , tele de dragon , a cause de courir ;i I'llistoire de Bret. , par D. Morice , Pcnscigne dc cet animal qu'il porloit sur ses tome 1. , note xxvii. Les prcuves que ces deux drapeaux, et naihanleod, de nalhan , noble , clde hod , illuslre. a88 nisToinr eccllsiastiql'e. proinplement en Armoiifjue , pour lui ofTrir uiie couronne chancelanle. Ce prince, qui ne cliercliea venger la morl de son pere et de son frere que par des bienfaits , repasse en Brclagne. Le tyran fut la premiere victime qu'il iminola a I'honnenr de la nation : il le fit bruler dans la lour nicme ou ce lache s't'toit rofugie. Le courage , qui aninie le nouveau roi , passe dans Ics Bretons ; chacun soil de sa tanniore el se range sousscs t'lendards. La foilnne secondc sa bravonre ; ses enneniis sonl surpris de scs vicloires. II force Ilengisl de se conlenler du royaume dc Rent, que ses armes lui avoienl acquis anparavant el qui coinprenoil le conite de ce noni , Mid- dlesex , Essex el une parlie de Surrey. Llla , que le prince saxon fil venir de son pavs pour diviscr les forces el rallcnlion d'Ambroise-Aurelien , lie dul son empire dans la province de Sussex , et la portion la plus con- siderable de Surrey , tpi'a un grand nonibre dc batailles et a des renforts de troupes fraiclies qu'on lui envoyoit de Germanic. 191. Ambroise-Aurelien , maitre du resle de la Bretagne , tandis qu'il tenoil d'une main I'epee pour la dcfendre , emplovoil I'autre pourle re- lablissemenl des saints autels que les Saxons avoienl demolis duranl leurs courses. Dans les t'lats-grnt'raux qu'il linl a Yorcb (1), il enjoignit a la nation de rebiilir a ses frais les ('gliscs paroissiales qui avoienl ete delruiles; pour lui , il se cbargea de rcedifier les calbedrales {1). 1 92 . Deux eglises metropoles , Yorch el Kaerleon (3) , avoienl perdu leurs pasleurs : les malbeurs du temps n'avoient pas permis de leur don- ner des successeurs. Ambroise-Aurelien placa Dubrice ('1) a Kaerleon , el Sanson (5) , a Yorck (G). 193. Dubrice avoil pris naissance dans Tile de Miserbdil (7),proche (l)Celte villc s'appeloil anciennemcnt £60- murs. On y remarquoit encore, an ilouzitmc racum , suivant Ptolcmoc. Ce nom vienl iVa- siecle , des resles de temples el de llicilres , her, en compoiition ebcr , ou ebor, cmhou- des bains publics , des aquediirs ct des souler- churc, ct d'ac , riviire. Vorcii est place dans rains. Tous ces monumens etoicnt des prcu- un terrain agrcablc ct fertile , a remboucluirc vesdcson anciennc raagniCccnce.Cettcgrandc du Fosse , dans I'Onse. et belle ville n'cst plus qu'un petit bourg. (2) L'sserius,Britan. Eecles. .\nliquil. (|) Le nom de Dubrice est compose de du, (^3) Kaerleon eloit ainsi ap|)clee du ccltiquc chef, maitre , et de hri , venerable, kaer , ville , ct du latin , Ici/io , parcc que la . (5j Celui de Sanson vicnt de san , bonne , legion secondc , ditc britannique ct auguste, et de son , mimoire , reputation • homme de y avoit cu son quarticr. On la nommoit aussi bonne mhnoire. simplemenl Jsca, a cause dc sa situation sur (6} Usserius , Brilan. Eecles. Ant. la riviere I'skc. l^lcttc ville etoit puissanto ct (7) Le termc J/iferii/iIest fiuine deJnic,cn trfes-considerable du temps des Ilomaius. Ellc composition , my , riviere ; dc serr , eldvation , s'avancoil fort loin aux deux bords de I'l'skc; ct dc dil , s('paree. Cc qui veul dire : terrain un chiteau, qui est maintenant h un millcde ctevd qui est separi- du continent par uneri- Kacrleon, eloit autrefois dans renccinle dc ses viere. le CINQUIEME SlECLE. .289 le fleuve Gui (i). Ses parens etoient desplns qualifies du pays. Son esprit etoit propre a cultiver les sciences, et I'application qu'il y avoit donnee avoit ete telle qu'il etoit devenu un des maitres les plus celebres de la Brela- gne. II etablit un monastere a Henllan (2) , ou il enseigna pendant sept ans , avec la reputation la plus brillante , les sciences divines et humaines. De la il passa a Moch-Rlioss (3), ou il continua ses lecons. Les plus grands hommes de la Bretagne sortireut de son ecole. Ce qu'il y avoit de plus noble en lui , c'est qu'il avoit joint aux sciences la pratique des vertus cbretiennes. La religion lui avoit appris que tout ce qu'on ne rap- porte pas a Dieu est perissalile , et que les'connoissances les plus vastes servent presque toujours a deceler I'orgueil , si elles n'ont pour but ce- lui qui en est le vrai principe. Convaincu qu'il etoit ue pour I'utilite publique , il avoit cru ne pouvoir enfouir les lalens que Dieu lui avoit confies. Ses vertus et ses aulres rares qualites devoient prendre leur der- nier accroissement dans le saint ministere. Il etoit eveque de Landaf (4; , lorsqu'il fut nomme au gouvernement de I'Eglise de Kaerleon (5). ig4. Sanson fut mis des son enfance sous la discipline de ce savant docteur. Il en puisa bientot I'esprit et les maximes. II etoit ne dans la Bretagne , vers I'an 460. Les qualites sublimes que I'apotre saint Paul recommande si fort a son disciple Tite , se trouverent reunies en lui : elles le firent aimer et respecter des vrais fideles, dans sapatrie. On ne I'admira pas moins en Armorique , oil la Pro\idence le fit passer au commencement du siecle suivant. REMARQUES PARTICULIERES. I. 195. Nous avons observe ci-devant que, par les termes pie , j>ku , p/u , ploe , ploue e\.plu , on avoit entendu un certain nombre d'habitans d'un canton cbampetre , partage en villages et en maisons particulieres. Nous relrouvons ces noms dans sept dioceses de I'Armorique : il n'y a que ceux de Rennes et de Nantes 011 Ton n'en decouvre point. Quelle est la raison de cette difference ? (1) Le nom de Gui est g^nerique et s'appli- ete avert! eii songe de se flxer dans le lieu oi que a toute riviere. iltrouveroit unc truieavec ses petits. (Usser. (2) Le nom de Hcntlan se tire de hen , rl- Brit. Eccles. Antiq.) viere , et de Ian, monastere. Cette communau- (4, Landaf est compose do Ian , habitalion , te etoit placeesur les bonds du Gui. ctdedafou laf, riviere. (3j Moch-Rlios prend son nom de moch , /mmt t. •< r^ . . .• „ ,, . V . .. T^ u • ■[ (5) Usser. Bntan. Eccles. Antiq. pore , et de rhos, heu humide. Dubricc avoit 37 290 mSTOIRE ECCLESIASTrqUE. On a vu que les officiers et les soldats de Conan furent places le long des coles de rArmorique , depiiis ])ol jusqua Vennes. Ceux des autres Bretons qui, pendant le cinquicme siecle , passerent dans ce royaume , furent etablis dans les nicmes lieu\. Par une distribution si sagement or- donnee, 11 y avoit un cordon de troupes toujours pretes a faire face aux pirates. Le terrain qui fut accorde a cliaque officier et a sessoldals, fut deter- mine et fixe. Le chef fit construire une maison principale, les autres ne purent faire que des cases. Bientot on vit s'elever , au milieu des bois , des liameaux et des bourgs. Ccs nouveaux colons etoienl en tout sembla- bles aux anciens , a cette difference pres , que , par tlat , ils eloient obli- ges au service militaire : les refugies de I'ile furent admis aux memes conditions et avec les memes avantages. Fracan et d'autres personnes dis- tinguees firent passer avec eux leurs ricliesses et se firent suivre par leurs nombreux csclaves. Tons ces etrangers firent Hcurir Tagriculture partout ou on les fixa , de maniere que les cotes de I'Armorique , qui avoient ete presque desertes jusqu'alors, et ou la nature etoit, pour ainsi dire , aban- donnee a elle-meme , devinrent les plus peuplees et les mieux culti- vees. 11 paroit que les noms de/Vc , pica , plo ,]>loe el plane furent consacres aux cliefs et aux personnes fibres qui composoient mi corps particulier et separe de nulice dans le lieu de leur habitation. Pour les dislinguer les uns des autres , on donna a chacun de ces corps des surnonis propres : ils etoient tires , ou de la position et de la nature du terrain qu'on leur avoit cede , ou de quelque qualite (|ui les caracterisoit. Pour se cpnvaincre do la certitude du fait ([ue nous avancons , il est constant qu'en parcourant la carle de noire Brelagne, depuis Dol jusqu'a Vennes, on voit sur la cote un grand nombre de paroisses dont le pre- nom repond a ceux dont on vient de parler. Si Ton penetre dans la terre ferme par des lignes a pen pres paralleles , on en remarque d'autres de la meme denomination. Les colons, qui occupoicnt ces postes, semblent faits pour soulenir ceux i\m servoient de gardes avancees sur les cotes. II etoit dans I'ordre (|u'on veiilat a la surete des rivieres, non-seule- ment a leur embouchure, mais encore en deca. On apercoit partout les memes noms , el ceu\-ci noys indi(|uent la meme cause egalemenl sub- sistante dans tons ces lieux. Les surnoms de quelqucs-uns de ces corps nous font reconnoitre sen- siblement leur dcslinalion primilivc. Tels sonl , par exemple , ceux de CINQTJIEME SIECLE. igi Plelierel (i), au bailliage de Plancoet ; et de Ploubanalec , a celui de Paim- pol. L'un veut dire intrepide et grand (2) , I'autre grand guerrier. Une paroisse voisiue de la ville de Saint-Brieuc s'appelle encore de nos jours Ploufragan. Cette terre appartenoit a Fracan , en qualite deLete. 11 paya de sa tele I'obligation qu'il avoit conlraclee de defendre le pays ; il perit dans un combat centre les pirates, et Patrice y acquit le nom de guerrier. Alet avoit ete, du temps des Romains , le poste d'un commandant par- liculier. 11 le fut egalement sous les rois armoriques. La plupart de ceux qui habitoient ce canton formoient autant de troupes subordonnees a I'of- ficier-general de cette place. On appela ce petit territoire Plou-Alet ; on le reconnoit de nos jours par I'arcliidiacone du Clos-Pou-Iet (3). (1) Le nom de Pkherel vient de her , intre- pide , el dV ! , grand. (2) Celui de Ploubanalec vienl de ban, grand, et de lech , soldal, guerrier. (3) lo Sur la rive gauche de la Ranee, en sortani de S.-Malo , on trouve Pleudihen. Ce nom dcsigne sa position el le cas qu'on faisoit de ses habitans. Use tire de di, remarquable , el de hen , riviere :pcuple remarquaUe qui ha- lite aupres d'une riviere De I'autre cote de la mi'me riviere , on voit Pleurlui , qui prend son nom d'eur , riviere , el de tui , habitation. Plelin autremenl Plcstin , de ten , riviere : pcu- ple aupres d'une riviere. Est , moisson ; en ou in , riviere : peuple aupres d'une riviere, qui a d'abondanles rccoUes. Ce terrain abonde en grains el en paturages. Plouer. Er, riviere. Ce sonl la ceux a qui nous croyons que la Ranee eloit confice. On en avoit distribue d'autres plus avant sur la terre ferrae, pour se porter oil le bcsoin I'exigeroit, tels ttoienl ceux de Plerguer, Pledcr, Ple'guen , Plegueneuc. Ce qui s'est observe partoul ailleurs, commela carte en fait foi. 2° Aux deux bords de la riviere d'Argue- non, qui scpare le diocese de Saint-Malode celui de Saint-Brieuc, sont Plorcc, donlle nom vient d'cch, eau, riviere; Plevin , dc ven ou pen , riviere; Pluduno , de du , contrie , el de rtau , riviere. La mcr n'a pas toujours etendu son empire jusqu'au cap Frehcl : elle a rcs- pecte long-ttmps un terrain considerable qui eloit au dcla dc ce promontoire. Secondec par rimpetuosite des vents , elle a franchises an- ciennes borncs. Le nom de Frehcl nous serl de preuve k eel egard. Fres, de'chirement ; hel, grand. Ce qui fail aujourd'hui la bale de la Fresnaye eloit autrefois du continent. Fres , dcchirement ; na , eau ; ai , habitation : habita- tion que la mer a detruite. La riviere de Fre- mur, qui alloit se degorger bien au-dela de cette baie , a pris son nom du changement qui esl arrive au terrain qu'occupe ce petil gol- fe , parce qu'en presentant son lit aux Dots de la mer en furie , elle favorisa son invasion . Fres , dechiremenl ; mur , grand. 3" Plcvenon a emprunte son nom de ven , beau , el d'on , riviere ; beau peuple qui habile proche une riviere. Cetle paroisse est a Tem- bouchure dc la Fremur , au-dessous esl Plc- boulle. i° Pickerel est a I'anse de ce nom ; au-des- sous esl Plurien. 5' Pleneuff, au-dessous d'Erquy , lire pro- bablemenl son nom de ncuff, action de nager. Les ancicns s'adonnoientbeaucoup a cct exer- cice. 6" Au-dessous de Saint-Brieuc sont Plou- fragan , Pledran (qui veul dire : peuple qui marche d'un pas ferme ; de dran ) ct Plaintel. Ce mot est compose d'ain , lieu , habitation , el dc tel ou tal , prince , seigneur , en langue de la Cornouaille insulaire. Ce qui signiDe : peuple qui habile un lieu sous les ordrcs d'un chef distingui'. 1" Proche Sainl-Kai esl Plourhan , qui a pour etymologic rhan, deparlcment , partage de fonclions : peuple qui a ses fonclions parta- gdes. 8' Proche la pointe de Plouha, ainsi nom- 292 IIISTOIRE ECCLKSIASTIQUE. bi les Annoriqucs se servoieiit dcs mots pie , plea , plo , ploe e\ ploue , pour distiugiier ceux des liabilans Ue la canipagne qui faisoient le ser- mce.parcc qu'cUc dominc surla mer (ha, eau), sont Plouha , I'lehedcl , qui aniioncc un peuple noble [hed, tcte ; el, ^levi'c , noble), ct IHu-' dual , dont le fcrmc dual sc rend par parlie , pari •■ peuple a qui on a fait Ic parlage. 9'Proclie le Minard, colline qui forme une polnte [min , colline ; ard , poinle) , sc Irouve Plouzcc , qui a pris son notn de sa position [cs, eau; ec , pointe) : peuple qui halite aupres d'unepoinlc voisine dc la mer. 10" Vers rembouchurc du Tiieu , on voit Ploubanalec ou I'leubalanee, donl nous avons parie ; Phmrivou ou Plourviaull , en avancanl dans la terrc fcrmc; ensuifc Plotiecou Plocuc. Auprcs de Guincamp, Ploumagnar, ainsi ap- pelc, parce que celle paroisse est prochc un bois (jna, lieu; gnar , hois). De I'autre cute sont I'lcubihan , Ploudaruel. Prcs dc Chilel- Audren , d'un cot6 Plouagal , donl le nom lire son originc A'a , riviere , et de gad, forel : peu- ple qui habile une forel oti passe une riviere (la Lies) ; de I'autrc Plelo [lo , eau), ct Phmva- ra [vara, rivii:re). LeTricu , qui va se dcchar- ger au passage de Goelo (jjoel, eau) , prcnd sa source a I'ctang Neuf, au dela de la villc de (luincamp , qui a pris son nom de !a belle plaine oil ellc est situee ( guin , belle ; camp , camparjne) , passe au Port-Rieu qu'il a grati- fie dc son nom et recoil au-dcssus la petite ri- viere de l-wi {Hex, riviere). A cettc jonction, le Trieu paroit former trois rivieres. Tri,lrois; eu , riviere. iV Sur la rive gauche de la riviere dc Tregucr, Plougrescan ; 41a gauche j Ploemur- GauUer. {Mur , grand ; gau , bois , forel ; ticrn , seigneur , prince) , ce qui veut dire: peuple considerable I'lahli au milieu d'un bois , sous la diicclion d''un hnmme puissant. Pres do la ville de Treguer, Plouguier [gui , fin; cr: riviere): peuple fin qui habile sur le lord d'une ou plusicurs rivieres. Bcaucoup au- dessous dc cctte >ille , Plouezal , au sud-sud- esl. 12' Proche Lanion , que son excellent ler- roir a fait ainsi noinmcr (Ian, terroir ; ion, e.Tcellent) , est Ploemur - Hodnu ; au-dessus sont Ploulech et Plouhezre , ou Ploubcrre. l^anion est sur le Gwcrn , nom gcnerique de nviere. 13° Au-dcssous dc la pointe de Lokirec, on compte d'un c6te Ploulech, Ploumiliau , Plouzelemprv ; de I'autre, Plougal-Guerand , i'louigneau , Plougonvcn ou Plougonnen , Plougal-Moisan , Pluffur. Le nom de ffur a signifie autrefois la mcme chose que ^uf rnVr. Pluffur, peuple dont la prineipale occupation eloil la guerre. 1 i" Au-dcssous de Tembouchure de la ri- viere de Morlais , se presentc Plougasnou , dont le nom fait connoitre un peuple dont la bravoure n'eloit pas suspecte {gas ou gwas , courageux) ; Plouezoch, Ploujan; au-dessous de Morlaix , Plourin , Plougonvcn ou Plou- gonnen. 15' Entre Kcrouscre ct Leon, PlougouUn, Plouenan et Plouvorn. 16' L'ansc dcGoulven, ainsi appelce parce qu'ellc est a rcmboucliure d'un golfe qui s'a- vance jusques vers Lesneven , a d'un ciMe Ploucscat , Plounevez ; dc I'autre , Plouyder. Goulven a pour originc goul, embouchure , et ven, riviere, tire d'avcn par aphercsc. Lesne- ven a pris son nom de la proxiraild de cette riviere : les, proche; even, riviere ; I'X se met ordinaircmcnten breton a la tete du mot. Ploucscat tire le sien cVcs , eau, et de cat, troupe , cohorte : peuple sur VOcean qui forme unecohorte. Au-dessous de Lesneven est Plow danicl , qui tire son nom dc dan ou dam, sei- gneur , ct d'ai7 , autre : peuple qtti vit sous I'aulorili' d'un aulre seigneur. On comptoit alors, comme aujourd'hui, plusicurs Plou- daniel. Les descendans du premier seigneur du canton de Ploadaniel ont pcul-etre donne rexislcnce a la ville de Lesneven. Le mot dam ou dan se voit encore dans le francois Tidam et dans Damescll , litre qui annonce line prande naissance jointe aux honneurs ct dignites. 17 En dcra dc la pointe de Landrgavan est Plouncourislres. Les habitans de ce lieu , qui est sur le bord de la mer , s'ai)pliquoient beaucoup a la filature. Ncour , pleur ; is , eau ; tri's , pres. Cettc paroisse est maintenant pres- que couverle de sable. 18' Au-dessous du havre d'Abrcvrak se CINQUJEME SIECLE. ig3 vice militaire , ainsi que nous le pensons , on voit clairement pourquoi les Rennois et les Aantois n'ont tlonne ces noms a aucun de leurs cantons. frouvent deux golfes ; sur les bords de I'un est Plougucrneau ; 4 la rive droits de Taulre sont Plouycn , Ploabencc; a la gauche, Plou- guin. Le nom d''Abrevrak vient d'afcre , em- bouchure de riviere , et de vrac ou Irac , foinle. 19° Proche le Port-Sal , oii apparemment il y a eu autrefois unc maison de seigneur, ce qui est indiquepar le terme sal, est Plou- dalmezcau, dont le nom est compose de dal, parlagc j dc mes , champ , campagne , etd"a«, marque du supcrlatif. Ce qui so rend par : peuple a qui I'on a parlagc une grande cam- pagne. 20° Plouarzcl , sur le golfe qui se degorge a I'anse de Lanillut. 21° Entre la pointe de Lanpol et celle de Corsen, Ploumogucr, dont le nom vient de mog , families destinies au service mililaire , et d'er ou goer , cau : penplc qui demeure aupres de la mer , el donl les families sont vouecs a la guerre. Pol, colline. Corsen vient de cor,pro- montoire , et de sen , haul. 22" A Cote de la riviere d'EIhorne , que M. Ogee , dans sa carte de Bretagne , appelle Landernau, est Plougar , ainsi nomme dcs bois qui cnvironnoient scs babitans ; gar, hois. II y a encore tout aupres Coel-menel , qui de- signe un lieu inculte etoii il n'y avoit que du bois. Coet, lois ; mcnel, lieu incuUe. Plus pres de TElborne, Plounevenler , dont le nom nous fait connoitre un peuple vaillant. Nes , proche ; wen ou win , cau; ler, vaillanl : peuple vaillant qui halite aupres d'une riviere. Au- dessus de Landernau , Plouedcr. La force et i'intrepidite caracterisoient scs colons : der , fori , intripide. A la droite , en venant de Brest, Ploudiri fait un triangle avec Lander- nau et Landivisiau. Son peuple , comme nous I'avons observe sur I'origine de Pleudihen , etoit considere. Tous deux etoient sur dcs ri- vieres : ri, riviere. Proche Brest, Plougaslel , dont les babitans etoient destines a la guerre. Gwas , hommes ; lei , guerre. li y a dans celle paroisse un puits dont I'eau descend quand la mermonte,et monlc quand la mer descend. On trouve rexplication de ce phenomene dans les Memoircs de I'Acadcmie des Sciences , annee 1717. Au-dessus de Brest, Plouzan. Celte paroisse est situec proche le canal du Conquet; san , conduit d'eau : canal. 23° Au-dcssous du Conquet , Plougouve- len, qui paroit lircr son nom de gou , aupres ; de veil , fortification , et d'en , cau ; peuple voisin de la mer, qui est defendu par une for- tification. 24" Entre Audiern , Plogoff et Plouhinec. 25" Au-dessous de Douarnenez, Ploare. 26' Vis-a-vis la bale de ce nom , Plocven- Porzai, Plomodierti ; nous remarquerons au sujet d'ls , dont nous avons parle , t. i , p. 101 (*), que D. Le Pellcticr, dans son Dic- tionnaire de la langue bretonne, article/*, dit : «qu'il a pu esister une ville sous le nom » d'ls , mais au sens breton , qui est que » Jeer esl toiUe hdbilalion, ville, bourg, vil- li lage , hameau , et une maison seulc. On dit, » ajoute-t-il , que cctte ville a etc submergee » par la mer, en punition de ses peches. Je » crois bien que la mer abima cette pretcn- » due grande ville, mais je crois aussi que » c'ctoil un village siluesur le bord de la bale » de Douarnenez el a fleur d"cau de haute mer; » de sorte que quelque ouragan ayant enflu » la mer , I'aura poussie sur la terre et aura » renverse ce village , donl le nom de Ker-is » est habitation basse. Les poiites bretons au- o ront exagere, a leur ordinaire , eel evene- » mcnt toujours Iriste et funeste. La preuve » que Ton peut donner de la reputation de » cette habitation , est que la grande entree o de Brest est nommee par les gens de ce » pays , canol Is , le canal d'ls ; mais ce peut » etre le canal bas , en distinction du plus » haul, qui esl ceiui de la Manche, par le » Conquet , eu egard au nord qui est cense » le haul, oil la mer monte, et au sud ou » sud-ouest , 0& la mer descend. » Nous pen- sons volontiers , avec ce savant bcni'dictin , quis etoit sur le bord de la bale qu'on nomme Dottarnenez. Cola est d'autant plus pruhablo que la tradition y est confurmo , et que , d'ail- (•) Ci-dcssus , Inlrodiiclioii , no 99, in fine , p. 46. a. \. 294 HISTOIKE ECCLESUSTIQrE. Les troupes qui avolent suivi Maximo sous les ordres de Conan , ne fureut point placees cliez eu\ ; on en doil dire aulanl desautres Bretons qui vin- renl dans la suite clierclier un asile dans rArmoiique. leurs , I'espace que cetle bale rcnferme aclucl- Icmeiitetoit autrefois terre fcrme. C'est ce que veul nous faire entendre Ic terme Dnuarncne:. Douar , canton; nan, en composition nen , separc ; es , eau. Ce qui signilie : canton que la mer a scpari du contincnl. La mcr attaqua Ic centre dc ce canton avant dc fondre sur la circonfercnce , sur I'un des bonds dc laquellc Is 6toit place. Ce qu'on nomme le Bee de la CAfiTcconlcnoit des colons. Chai, habitation; vre ou hrc , colUnc. I.a paroisse de Vlogoff n'est plus qu'un rcste du terrain considerable qu'cllc a occupe. Plo , peuple ; go , diminm ; of ou af, eau : peuple donl la mcr a diminud Ic terriloire. L La profondcur du passage du Raz n'est que de vingt-cinq brasses , ainsi que la baic deDouarncnez, elsa plusgrandclargeurn'est que de deux lieues. Au milieu de ce passage est un grand rocher pcu eloigne de deux chai- ncs dc roclicrs , qui s'etendonl a la droite eti la gauche du Raz. Lorsque la mer est basse, si Ton creiise sur ses rives, on frouve de la terre glaise a quelques pieds dc profondeur. Ces observations font croire avcc raison que ce qui forme le passage du Raz a etc uni au continent. Nous n'avons osi jusqu'a present fixer le lieu precis que Ker is occupoit. Son emplacement etoit ncanmoins facile a rctrouvcr. La baic , qui porte le nom de Trepace {') , nous le dc- terniinoit. Trc , ville ; pace , subrnergec. Si Ton en croyoit la tradition , cette ville au- roit renfcrmc dans son enceinte , outre la baic dc Trepace , cellos dc Duarnoncz, dWudicrn et une partiede la paroisse dc Plogoff. Ce qui a donne occasion a cette meprise , c'est que tons ces lieux ont etc envahis par la mer. Com- nie dans la suite on n'a pas eu d'idccs neltes de retcndue primitive de cette ville, on I'a gratifiee de tout cc vaste terrain Ji tilrc dc voi- sinagc. On nc doil pas elro surpris que Ton dccou- vre , aupres du lieu ou t-toit la ville d'ls , d'ancicns blitimens. A une demi-lieue d'Au- diern , on apercoit sous I'eau une murailk- bien conservee ; ellc est de pierres de taille liees ensemble par un ciment admirable. Les nautoniers lui donnent le nom de Gamell , c'est-ik-dirc , dc beau mur. Gam ou cam , erase dc coam, belle; ell , eUvalion. II nc faut pas s'imagincr que la ville d'ls sc soil etcnduejus- qucs-la : cescroitlui donncr une enceinte que n'a eu aucunc anciennc ville de la Gaule. Unegrande voie qui sortoit de Ker-is,enlre S.-Tey et la pointc du Raz , alloit se rendre a Pont-Davy, et de la a Carhaix. Dans Ics en- droits ouce chemin subsiste dans son enlier, surtout vers la baiede Trepace, on rcconnoit encore environ soixante-dix pieds de largeur. II est pave de grandes pierres de taille ; dans le pays, on Tappcllc Nan Track , i cause desa beaule et de sa solidite. IS'an , vlh'ation ; track , cxcellenle: excellentc voicbombce. D'aprcs ces connoissances rcunies , on doit regardercom- me constant qu'Is a et6 une vraic ville , et que mcmc ellc a joui d'une ccrtainc celebrite.] — Addition de Deric , publice a la fin du present chapitrc Icrminant son tome 2. a. V. 27 ' Vis-a-vis la pointc dc Souche , Plou- zcvet. 28 ' Vis-4-vis celle de Penmark , Plottan , Ploneour. 29' Proche le Pont-Labbc, Plobaslanec ; au-dcssou5, Plomcur , Plonivel. 30' Sur rOdel, Plomelen , Ptu guff urn ; J sa gauche , Plngastel. 31" Vis-a-vis Quirapcr, Plouncis. 32' Proche Loc-Renan , Plogonec. 33' A la droite de I'Odet , entre Bodivit et cette riviere, Plcuven. 34" .^u-dcssus du Fanuot, lieu agreablo, autrefois couvert de hetrcs {faou , hetres ; el, agre'able) , et de I'autrc cole de la Laith , nom gcneriquc de riviere , s'apcrcoit Plour(. 35" Pres dc rOrient, Vlocmur. 36' Au-dcssus de la ville de Ilenncbon , dont le terrain forme un triangle environne dcia mer dans le (lux, commc une prcsqu'ile (en, eau; bon , environn^) , et contrc la ri- (*;Ce n'eslipic par corruption qn'on la iriiiiiui; !a baic des Tn'passcs. I CINQTIIEME 'SIECLE. 2g5 196. Les terres leliques, dont I'etat demeuroit toujoiirsle veritable pro- piietaire , et qui n'etoient donnees que sous la condilion du service mili- taire, pouvoient passer aux heritiers sous la meme charge. Cettenouvelle methode de distribuer les terres, a donne I'origine a cette espece de pos- sessions que nous appelons fiefs. Les laiques ne furent pas les seuls a etre gratifies de ces terres leliques, que Ton appeloit encore benefices , parce qu'elles etoient un pur bienfait et une liberalite du prince. Les souverains de rArmorique en accorderent aux eveques et aux abbes des raonasteres de leur dependance. lis faisoieut le serment mililaire , ainsi que les autres sujets; a cette difference pres, qu'ils ne s'obligeoient pas de porter les arines en personne pour le ser- vice de la patrie : ils s'engageoient seulement a fournir un certain noni- bre de soldats. 197. Comme ces biens n'etoient que viagers , ils etoient reversibles a I'etat a la mort des eveques ou des abbes qui en avoient ete les admi- nistrateurs , de meme que ceux des particuliers, lorsqu'ils venoient a mourir. Les heritiers de ceux-ci pretoient un nouveau serment sur-le- champ , s'ils etoient reputes capables de tenir ces benefices. II s'ecouloit du temps avant que de pouvoir douner un successeur a un eveque ou a un abbe. Durant cet intervalle , les revenus des benefices rentroient dans le tresor du fisc , et les nouveaux pourvus ne commencoient de jouir que lorsqu'ils avoient promis d'acquitler les charges imposees sur ces fonds. Le terme regale , qu'on employoit alors , ne signifioit pas , comme au- jourd'hui , le droit qu'a le prince de jouir des eveches ou archevecbes du royaume , landis qu'ils sont vacans , et jusqu'a ce que le nouvel eveque ou archeveque lui ait prete serment de fidelite : ce droit n'etoit qu'une suite de la nature de toute espece de benefices ; il n'en constituoit pas I'essence tout entiere. Par le mot /•^^«/e on entendoit itnordre particulier de guerriers (i). Les fonds de terre que les eveques ou les abbes posse- viere Corfe est situe Plo-e. Les sinuosites que Plumcl, Plumergal, Pluvigner , Plumelin. fait cette riviere lui ont acquis le nom qu'elle 40° Proclie Vennes , Plescop ( peuple de porta. Cwr, qui se prononce cor , riviere ; ha', I'evfique) ; au-dessus, Plou-Audren ; Plumelec en composition /a, /c, rourftwre. Vers la source sur la Glaid, nom commun de riviere; au- de cette riviere, Ploudauf, Plougucrncvel. dessus de Josselin, Pleugriffct; Pleucadeuc sui 37" Plumeliau, sur le Blavet. I'Ow ; Pluherlen sur I'Arb (Ow , riviere; Arb, SS" Plouhinec, entrele Port-Louis ct Saint- riviere). Cado. (1 ) Le mot Regale vient de red, ordre , et de 39 ' Au-dessous d'Anrai, Plouharnel, Ploe- gall, guerrier, vaillanl. Le redgall on a fait mel. Vis-a-vis d'Aurai, I'luverct ; au dessus , re-gall , et ensuitc regale. 29G niSTOIRE ECCLKSIASTIQUK. doient autrement qu'en benefices , ne tomboient point en la main du souverain. L'ancienne espece de gueniers a disparu avec le temps; on lie s'est pas nieme souveim de leur nom , ct cc n'est que par Ics traces qu'ils en ont laissees apres eux , que nous nous rappelons leur exis- tence. II. 198. Les Armoiiques , en secouant le joug des Remains , rcntrereut dans leurs premiers droits. Si Conan continua d'etre leur roi , il dut cet avantage a I'amour qu'ils lui porfoicnt. Il commandoit auparavanl a un peuple assei'vi , et lui-menie n'avoit cu jusqu'alors que I'ombre de la couronne. Des suffrages recucillis par la voix de la liberte , lui en don- iiereut la realile. La nation etoit alors composee des naturels du pays et des Brelons-Leles. Ce double peuple , qui n'en faisoit plus qu'un, etdont les inlerets etoient devenus les memes , avoit adopte le meme plan de gouverncment civil. D'un cole , il se rapprocba des ancicns usages pra- tiques dans I'ile et sur le continent ; dc I'autrc , il retinl des Runiaius ce qui lui parut le plus convenable a I'administration publique. 199. I ' Le loi fut subordonne aux lois , ct la succession an trone ne fut liereditaire que sous le bon plaisir de la nation. C'est sous le pretexte de rinfraclion des lois que le pieux Salomon perdit la vie ; ce fut la volonte superieure du peuple qui priva ses cnfans du diademe ct qui le placa sur la tele de Crallon. Eusebe n'eut d'autrcs droits que celui-la pour remplacer Erech an prejudice de Budic. Aspasie , sa fillc , auroit pu lui succeder apres sa mort. Les Bretons transmettoient indifferemment le sceptre aux liommes et aux femmes. Nous en avons un exemple dans la fameuse Baodicee, reine des Iceiii. Cepeiulant on laissa Aspasie a I'e- cai t , et Ton deputa en Bretagne pour ofirir a Budic les renes du royaume. - 200. 1" Les revenus du roi consistoient dans les terres que les an- ciens liabitans n'avoient pas mises en culture. Les Remains, en conque- rant leur pays , leur avoient laisse la propriete de celles qu'ils posse- doicnt alors. 11 etoit dans I'ordre commun que rArmorique , rendue a sa premiere liberte , Pit succeder son fisc aux droits dc celui des Romains. C'etoit un bien qui lournoil meme au profit de la nation , parce que par la ses rois etoient en etat de soutenir I'eclat de la couronne. Parmi ces terres, il s'en Irouvoil un grand nombre que I'Empire avoit mises en valeur. Elles s'elendoient unicpiement dans la parlie inferieure de I'Ar- morique. I'our en tirer partie , les premiers rois y fixerent leur domi- cile CINQUIEME SIECtE. 297 cile : ils firent balir des chateaux en differens endroits ; on connoit en- core ceux de Conan-Meriadec , d'Audren et d'Erech. A I'exemple de I'Empire , les rois firent defricher d'autres lerres qu'ils tenoient en main , comme les autres : des esclaves etoient charges de leur cuhure. Celles qu'ils donnoient a des particuliers pour les ameliorer , produisoient des redevances suivant la qualite du sol , et la quantite en etoit reglee. Nous ne parlons pas ici des terres leliques : elles etoient la recompense du ser- vice miiitaire. Outre les agremens des forets et leur utilite intrinseque , le pacage qu'ou y accordoit produisoit un cens. Les mines et les monnoies furent du domaine du roi. Nous ignorons si les droits de douane et de peage eurent lieu des le commencement. II paroit certain que la taxe par arpent et la capitation furent supprimees. Elles avoient ete la source de trop de vexations. 201. 3° Les places de dues et de comtes etoient les plus importantes du royaume apres celle du souverain. Le nom et I'usage en etoient emprun- tes des Romains. Ce n'etoit qu'une simple administration ou emploi. Le due etoit le lieutenant du roi , et le comte , sous-lieutenant. L'un et I'autre commandoient les troupes du royaume, immediatement sous les ordres du roi ou sous le general qu'il lui avoit plu de nommer. Dans le com- mencement de la monarchic , il n'y eut qu'un due et un comte , et quel- quefois qu'un comte , qui reunissoit les deux fonctions dans sa personne. Le premier comte d'une cite particuliere est Juthael , qui le fut de Rennes. Le due ou le comte etoit charge de fairerendre la justice dans I'eten- due du royaume ou dans la cite , s'il n'avoit le commandement que d'un diocese. Les possesseurs des benefices etoient alors bien eloignes de penser a s'attribuer la propriete de la justice. La juridiction du senat qui residoit a la capitale de chaque peuple , continua de s'etendre a tout le terrain qui avoit forme autrefois son district. La justice, qui auparavant avoit ete rendue sous la direction des comics de I'Empire , commcnca de I'etre sous celle des comtes des rois armoriques. Ce que nous connois- sons aujourd'hui sous le nom de communaute , ou corps de ville, ne represente point ces anciens senats , dont les membres etoient nobles. Ce n'est qu'une image du senat inferieur. 202. L'ofFice de due ou de comte etoit confere aux personnes les plus illustres de la nation , et communement aux fils des rois. Nous avons vu Grallon revetu de ce poste important. A la faveur de cette charge , il se fraya un chemin a la royaule. Avant qu'Erech y fut parvenu , il etoit comte de Cornouaille, c'est-a-dire, de TArniorique ; 3Iaxence , son frere , le remplaca dans cette dignite. 38 298 HISTOIRE ECCL^SIASTrQUn. 9.o3. 4" Le cler<^(' , a qui rinimanilt' cl la raison ilnienl si redevables, ctoil le premier corps du royaiime. Les eve(|ues tiiireiil aussi le premier rang dans le senal de leurs villes episcopales. Celte entree ne leur fut point deferee comme aux chefs de la religion dans leurs dioceses ; on leur fit cet honneur , parce (ju'ils en etoient les premiers ciloyens. C'est la le principal fondement du pouvoir civil cju'ils exercerent dans I'Armo- rique. Conseilleis du souverain , ils avoicnt part a toules les grandes af- faires du gouvernement , el ricu d'impoManl ne se faisoit sans eux. Lors- que le parlement de la nation ful fixe a Rennes eta Nantes, sous le nom de grands jours, les eveques de ces deux villes conlinuerent d'y faire les fonctions de juges civils. 204. 5° Les affaires , (jui interessoienlle bien public , se traitoient dans une assembk'e gi'ntrale. Le roi y con\ ocjuoil les eveques , le due on les comtes , s'il y en avoit plusieurs , el quclqucs-uns des stnateurs de cba- que cite. Les senats inferieurs ne prenoient aucune part a ces etats. Tels furent ceux qu'Erech avoit tenus a Lan-INinnocht. Le roi ne pouvoit le- ver aucun droit, ni faire aucune imposition sans leur consentement. Son trone , qui t'loil un tribunal loujours ouverl a ceux qui vouloient rt'cla- mer directemenl sa justice, I't'toit surtout dans ces assembltes. C'est pour cela que quebjucs-uns dounent le nom de consuls aux princes armori- ques. Les aniendes, qu'ils imposoienl suivant les circonstances , appar- tenoient aux pauvres. Les juges subalternes etoient obliges de se confor- nier a ce pieux usage. Le meme esprit subsisloit encore , du moins en parlie , dans la Ires-ancicnne Coulqme de I'Armorique , cliapitre 221 . III. 205. Les eveques, qucUiue grands qu'ils fussent aux yeux de la reli- gion , comme vicaires de Jesus-Cbi isl , et a ceux du inonde par les prc'e- niinences dont ils jouissoient, n'en etoient pas moins bumbles. Al'exemple de saint Paul, ils prirent la ((ualite de pecbeurs. lis rendoient , parcel aveu , un temoignage non suspect a la necessile de la grace ; ils recon- noissoient que tons les bonmies sonl coupablcs par leur naissance , et qu'ils ne sont justifies que par les merites de Jesus-Cbrist. C'cloil en quel- que maniere une confession de foi el une protestation publique de I'bor- reur qu'ils avoient de I'beresie de Pelage , si d'ailleurs leurs sentimens sur cet objet n'avoient pas ele aussi publics qu'ils I'etoienl. Leur communion avec les aulres metropoles en etoit un sur garant. Ces pieux cvcfjues ap- prenoienl en meme temps a leurs peuplcs a rrprituer I'orgueil , cet enne- mi cacbe de la raison , si oppose a la religion , et a ne pas s'appuyer sur CIlYQUliME SlECtE. 299 ces litres pompeux , que la vanite du siecle avoil invenles pour suppleer aux vertus qui commencoient a s'eclipser. Les seuls monumens qui nous restent a cet egard se trouvent dans Talasius d' Angers et Perpet de Tours : ils nous indiquent la maniere de penser des autres eveques qui dependoient de la metropole de Tours. Nous en verrons un autre exemple dans saint Sanson , second du nom, au concile de Paris , en I'an SSy. ao6. Si ces eveques etoient convaincus qu'ils n'avoient en propre que le peclie, leur charite , toujours ingenieuse , leur faisoit envisager le pro- chain sous des rapports bien differens. lis avoient surtout devant lesyeux que toute puissance vient de Dieu j et ils se faisoient un devoir de le res- pecter dans ceux qui avoient une participation de son pouvoir. D'apres ce principe , cliaque eveque traitoit ses confreres de seigneurs , de Iji'en- heureux , de saints et de vc'ncrables en Jcsus-Christ. Ainsi s'etoient expri- mes Leon , Victurius et Eustoche dans leur letlre a trois eveques de I'Ar- morique. Ainsi avoient parle saint Loup et saint Euphrone , en ecrivant a Talase ; celui-ci s'etoit explique clairement , lorsqu'il souscrivit en sa ville les actes du concile de Tours. Les Peres du concile de Vennes ne s'ecar- terent pas de cet usage dans leur lettre synodique. Outre la qualite de seigneurs qu'ils donnent aux eveques absens , a qui ils envoyerent leurs decrets, ils les traitent de tetes couronnees (i). Comme la plenitude du sacerdoce est unie a I'episcopat , ils le regardoient conime une royaute spirituelle. iv. 207. Saint Perpet, builieme eveque de Tours depuis saint Galien , ne se contenla pas de donner aux pauvres, pendant sa vie , I'usufruit de ses grands biens. Avant sa mort , il les fit legataires de ses meubles et de ses possessions. Son testament est un monument precieux de I'antiquite : il justifiera en partie ce que nous avons dit sur la maniere dont les eve- ques disposoient de leurs biens propres , et suppleera a la perte des actes qui prouvent I'emploi que les prelats armoriques en ont fait. Voici les termes par ou commence le testament que fit Perpet , I'an 4t5. « Au nom de Jesus-Cbrist , je , Perpet , pecbeur , eveque de I'eglise de » Tours , n'ai pas voulu mourir sans avoir fait connoitre mes dernieres » volontes , de peur que les pauvres ne fussent frustres des ricbesses que » la divine Providence m'a donnees si liberalement , et que les biens » d'un eveque , ce qu'a Dieu ne plaise , ne passassent a d'aulres qu'a I'E- (1) Incolumem coronam veslram Ecclesiae concil. t. 4.) sueeDeus protcgat, Domini fralres. (Lai)be, 3oO niSTOIRE ECCLESIASTIQUE, » ylise ; je donne etjelegiie aux prelres , aux diacreset aiix aulres clercs i> de mon eglise , la paix de Jc'sus-Christ. Ainsi soit-il. Seigneur, confir- » mez ce que vous avez opi're en nous ; (ju'il n'y ait pas de schisme par- » mi eux ; qu'ils demeurentconslammentallaclics a la foi. Ainsi soit-il — » Paix a I'Eglise ; paix au peuple , a la ville et a la campagne. Ainsi soit- » il. Venez, Seigneur, el nc tardez pas. Ainsi soit-il. Jevous laisse done )) a vous , pnHres , diacres et autres clercs de mon t'glise , le soin de ma » si'pullure. \ ous enterrerez ce cadavre on il vousplaira, de I'avis du » comte Agilon. Je sais que mon Redempteur vit el que je verrai mon )> Sauveur dans ma chair. Ainsi soit-il. Si cependant vous daignez m'ac- » corder la grace que je vous demande humblement , je souhaiterais » que, dans raltenledu jugement , mon corps reposal aux pieds de saint » IMartin. » Ce prtlal avoit fail In'ilir une cglise magnifique en I'honncur de saint Martin ; il y avoit iransfere le corps de ce bienlieureux eveque , et fait revetir de marbre son lombeau. Comme Ton n'enterroit encore que ra- rement dans les egliscs, Perpel laissoit a la prudence de son clerge a de- cider s'il convenoit de lui accorder celte distinction. Ensuite le teslaleur affranchit des esclaves (ju'il avoit aclietes de son argent ; il remet tout ce qu'on pouvoil lui devoir, legue plusieurs fonds de terre a son eglise, a la charge que, du revenu d'une de ces terres, on enlretienne jour el nuit des lampes devant le lombeau de saint Mar- tin. Celte maniere d'honorer par le feu I'Etre-Supreme , remonle a I'o- rigine du nionde. Dieu I'agrea dans les sacrifices que lui offrirent les premiers patiiarches; on la voit prescrile dans le Leviti(jue ; elle se pra- tiqua dans le temple du peuple juif, d'ou I'Eglise calbolique I'a emprun- tee. Perpet donne a saint Euphrone d'Aulun , son collegue el son Ires- clier frere , une pelile chasse d'argenl pleine de reliques, qu'il portoit urdinairemenl sur lui , el un livre des evangiles ecril de la main de saint Hilaire de Poiliers. Pour les aulres livres de sa bibliotheque , il les cede a son eglise. II donne a sa scjeur Fidia-Julia-Perpelua une petite croix d'or avec des reliques; des vases sacres a plusieurs t'glises ; une tenture de lapisserie a celle de saint Pierre ; une colombe d'argent pour depo- ser I'eucharistie , au prelie Amalaire. 11 conjure ses donataires de se souvenir de lui dans leurs prieres. 11 assigne ime pension viagere , sur ses bicns, a deux prelres qu'il avoit deposes , et qui avoient exerce leurs fonctions , I'un a Maiile ou Luines , el Tautre a Orbonne : il defend de les retablir. Comme ils ne rendoient plus aucun service a I'Eglise , elle CITTQU liirtE STi:CLTf ^ ■ ' ■ 3o I avoit cesse de leur foiirnir lenr subsislance. Ce prelat fait present , a son successeur, des meubles qu'il voudra choisir, de sa chambre et de sa chapelle , et lui adresse celte priere : « Aimez , lui dit-il, les pretres , les « diacres , les ecclesiastiques et les vierges de votre eglise et de la mienne, » ou plutot de I'eglise qui n'appartient ni a voiis , ni a moi , mais a Je- » sus-Christ. Soutenez-les par voire exemple ; prevenez-les par votre » bonte ; faites en sorte qu'ils sentent qu'ils sont vos enfans et non vos » esclaves , qu'ils vous ont pour pere et non pour maitre imperieux. » Ces dispositions faites, saint Perpet continue de cetle maniere : «Mais » vous , qui etes mes entrailles , mes freres bien-aimes , ma couronne , » ma joie , mes seigneurs , mes enfans , 6 vous , pauvres de Jesus-Christ ! » indigens , mendians , malades , veuves et orplielins , je vous declare , » vous nomme et vous institue mes lieritiers. Je vous legue et vous donne n tout ce que je possede en terres , en paturages , en prairies , en bois , » en vignes , en maisons , en jardins , en rivieres , en moulins , en or , » en argent , en habits et en toute autre chose , a I'exception de ce dont » j'ai dispose ci-dessus. Je veux qu'aussitot apres ma raort tous cesbiens » soient vendus , et que la somme qui proviendra de la vente soit divi- » see en trois parties, dont deux seronl dislribuees aux hommes pauvres, » a la discretion du pretre Agrarius et du comte Agilon ; la troisieme » sera mise aux mains de la vierge Dadolene , pour etre distribute , com- » me il lui plaira , aux veuves et aux autres femmes pauvres (i). » Par un second testament , que Perpet fit dans la suite , ce saint laisse , sans detruire le premier , aux eglises paroissiales qu'il avoit fait cons- truire dans son diocese , les biens qu'il avoit dans ces cantons memes. II en avoit fait batir un grand nombre; il avoit etabli quatre nouvellespa- roisses : Avene , Barou , Monay et Vernou (2). V. 308. Les diacres eurent dans les eglises de I'Armorique , commeail- (l)D'Acheri, Spicileg. t. 5. pre* ; au , riviere. Monay prend son origine de ,cy. rij r- • rr i-i_ ,r^ ni mon, aiondant, fertile, ei d'ai , habilalion. (2)i6idem. GregonusTuron. lib. 10. C.31. ^ ' , ., ,. , , •. mi n- . T T. . X ■ J, » Le nom de Mediconum , qu on lin donne en- Maan. Uisl. Turon. Eccles. La paroisse d A- , , . n • » j j , ., , , . , , , T . core , rend le meme sens. II vient de med , vene est situee sur la nve gauche de la Loire. ^^ . ^,. ^^^^^.^ ^^^^^^ ^^ ^^ ^^„ ^ .^. C est de celte nv.ere qu'elle a pns son nom. ^^^ ^^ ^^^ ^^ y^^^^ ^^i^ ^^^^^ ^^^^^i,^^ q„^ Aven , umcre. M. Maan 1 appelle Evena , even, ^^j,^ ^^^^.^^^^ ^^^ ^ ,^ ^^^^^^ ^,^^^ ^i^i . ^^ ._ „^^ rmere. Barou, sur la rive droite de la Creuse, , .,^ ^ ^^„^^^ . „^„^ „.^^..^^ ^e nom de Ternan- tire son nom de bar, pres , et d'ou> , rimcre. ^^^ ^^ p,^, . j y.^anlum , qu'elle portoit au- On nomme aussi celte paroisse Daraum ; bar, ^^^^^.^^ ^ j^ ^^^^ ^^■^.^^. nani, riviere. 3o2 iiiSToinr ECCttsiASTiQun. leurs , radministralion dii teniporel , sous raulorile des eveques. Un pau- vre s'etaiit presente devant saint i\Iarliii , a denii-nu , ce prelat com- inanda a son archidiacre de lui donner un habit. aog. 2IO. Cctle foiiclion , <|ui lapprochoil les diacres dc lYveque , en faisoit autant de ininistrcs. lis Uii servoient, pour ainsi dire , d'yeux et dc mains : c'etoicnt les instruniens par lesquels loutes les graces s'accor- doieut. Comme on s'attache plus facilement a ce qui est sensible , les diacres acquirent bcaucoup de consideration , et Ton se sentit porle a leur faire la cour. Les pretrcs , dont les fonctions etoient purement spiri- luelles , n'avoient rien qui leur atlirat les regards. De la vint cct ascen- dant trop connu que les diacres s'arrogerent sur les prelres : ils leur disputerent la preseance el meme tenlerent quelquefois de I'etnporter sur eux. Ce sont ccs entreprises que le concile d'Angers reprima I'an 453 , par son second canon. Cetabus avoit ete corrige des I'an 3i4, par les Peres du concile d'Arles : ils avoient enjoint aux diacres de "respecter les prelres. Ceux-la avoient portu en quelques endroits la temerite jusqu'a s'atlribucr le droit d'offrir le sacrifice de leucliarislie. Quelques- uns avoient des cures on paroisses a conduire , de meme que les pretres. On peut se convaincre de la ceililude de ce fait par le soixante-dix-septieme canon du concile d'Elvire , en 3o3 ; le septieme de celui de Tarragone , en 5iG, et par d'aulres anterieurs. I^es ti Ires des cardinaux diacres n'e- toient dans leur principe que des paroisses, dont radniinislration leur eloit confit'e. C'esl la ce qui leur fournit le pretexte d'ctendre leurs fonc- tions jusqycs sur la confection du plus saint de nos mysteres. Le concile de Carthage de I'an 898 mit des borues a d'autres preten- tions des diacres. II leur rappela qu'il ne sont pas seulement les ministres de rcvcque , niais qu'ils le sont encore des prctres; il leur dt'fendit de distribuer I'eucbaristie an peuple , en presence du pretre , si ce n'etoit i)ar son ordre , en cas de necessite ; de s'asseoir en quelque lieu que ce tut , si le pretre ne le leur comrnande , el de parler dans I'assemblee des prelres , s'ils ne sont interroges. 211. Nous avons lieu de croire que les diacres faisoient par eux-memes " aux bommes en Armorique la distribution des aumones , el que des vierges ou des veuves les delivroient aux femmes. Ce que Perpet ordon- na a eel egard par son testament, insinue que les aumones se faisoient de celle manierc , en ce qui regarde les personnes du sexe. L'etat saint des diacres , el la discipline qui alloit au-devant de Tapparence meme du mal , confumcnl celtc assertion. CINQDIEME SliXLE. 3o3 VI. .J.. , ■■;■ ■!'. - ':■ :ii2. 2i3. Apresqueles liommes se furent separes pour peiipler la terre, ia grandeur et la puissance des families consisterent dans le nombre des en- fans. Ce fut una obligalion de travailler a etendre, parl'union conjugale, la multiplication de I'espece humaine. Les legislateurs I'encouragerent par des distinctions ; mais ils n'ignoroient pas en meme temps combien le celibat est grand en lui-meme , et qu'il n'y a que I'abns qu'on pent faire de cet etat qui soit reprehensible. La plupart ne tarderent pas a inlerdire le mariage a ceux qui etoient charges du culle religieux. Melcbisedech , roi de Salem , et grand-pretre du Seigneur, qui vivoit du temps despa- triarches , nous est depeint corame n'ayant point de genealogie , ni de fa- niille. Josue , Elie, Elisee nefurent jamais maries. Chez les Egyptiens , les pretres de Cybele gardoicnt la continence. Les gymnosophistes et les brachmanes dans I'lnde , les hierophantes a Athenes, la plupart des disci- ples de Pythagore , ceu.\ de Diogene observoient le meme regime. A Rome , Vesta , Minerve , Diane , les Muses , les Graces etoient les protec- trices de la virginit^. Les Vestales sont connues de touk le monde. Le respect qu'on leur portoit etoit profond , et Icurs prerogatives y repon- doient. En Perse, les pietresses du soleii pratiquoient la meme vertu que les Vestales. Les Grecs donnoient les noms de demi-dieux , d'egaux aux dieux , a ceux qui professoient la virginile. Les Lalins faisoient venir le terme ccelebs, de cceli leatitudo , comme qui diroit , une personne celeste. La metamorphose de Daphne en laurier prouve que la continence etoit , suivant les Romains , le moyen le plus sur pour faire passer son nom a une glorieuse immortalite. 214. Si les hommes ont compris , malgre la depravation de leur coeur et les tenebres du paganisme , qu'il etoit intc'ressant de ne confier les choses saintes qu'a ceux qui gardoient la continence , est-il surprenant que Jesus-Christ , en qui sont tous les tresors de la sagesse , dans lequel habite une lumiere inaccessible aux hommes , et qui avoit paru sur la terre pour rendre a la religion sa perfection , ait regarde cetfe vertu conune convenable aux ministres des autels. Philon et Macrobe (i) , echos de la raison , ont soutenu que , si la nature divine vouloit bien quel- quefois se communiquer a la nature humaine, ce ne pouvoit et ne de- voit etre que par le ministere d'une vierge. II y a sans doute en cela quelque chose d'outre ; mais on y decouvre combien le Dieu des vierges (l)Macrob. in Somnio Scipionis. 3o4 mSTOIBE ECCLESIASTIOnK. est jaloux de trouver dans ses creatures quelqu'un qui approclie de sa piirele. 2 1 5. Ceux qui uiit riioniicur de participcr au saccrdoce de la loi nouvelle , a la production et a rimmolalion de TAgiieau sans taclie , out pratique le celibat des le commencement de I'Eglise. Jesus- Christ a choisi pour mere una vierge; ceux qui sont destines pour renfanler de uouveau sur les saiuls aulels, ne peuvcnt niieux faire que d'imiter sa purete. C'est a eux que Jcsus-Christ a dit : celui qui quiltera son c'pouse , ses enfans , ses biens pour mon noni , recevra le centuple et aura la vie eternelle (i). Ce sont eux qu'il envisageoit , lursqu'il a prononce qu'il y a des eu- nuques volontaires (jui ont renonce au mariage pour le royaurae des cieux (2). Saint Paul en fit une loi a son disciple Tite (3). Les ecck'siastiques des premiers siecles de I'Eglise \iveraenf persuades de la purete inclTable du sacrifice, et convaincus que la chastete des pre- tres doit se rapproclier , autant qu'il est possible , de la saintete de la vic- time , s'animerent mutuellement a la pratique de la discipline tracee par le docleur des nations. Toujours exposes aux persecutions, ils usoient de ce moude , comnie n'en usant pas. Un grand nombre de laiques ou ne se marioient pas , ou renoucoient aux droits du mariage : ce qui de- voit soutenir le courage de ceux d'entre les ecck'siastiques qui se sen- loient le moins de forces. 21G. Lorsque la paix fut rendue a I'Eglise , la premiere ferveur des fi- deles se raleutit : ce relachement influa sur leurs pasteurs. L'obligation oil eloient ceux-ci de ne point laisser habiter de femmes suspectes dans leurs maisons , devint plus etroile pour eux : leur vertu ctoit plus expo- see ; les Chretiens , moins justes , etoient plus portcs a former des soup- 90ns sur des fenmies qui ne leur Icnoient pas de pres par le sang. Pour mettre le sacerdoce a I'abri des prejuges et ecarter ce qui pouvoit lui etre nuisible , le concile d' Angers dcfendit a ceux des clercs qui n'etoient pas raaries d'avoir chez eux d'aulres femmes que leurs soeurs , leurs tan- tes et leurs meres. Ce reglement est plus severe que le troisieme canon du concile de ISicee , tenu I'an 325 , puisquc celui-ci leur permet d'avoir en outre quelqu'autre fenmie qui ne puisse causer aucun soupcon : ce que Rufm enleud des plus proches parenles. Le troisieme concile de Carthage I'explique , canon di.x-seplierae , des nieces, des femmes des (1) Mallh. 19. V. 29 (3) Ad Til. c. 1. (2; Ibid. v. 12. euCans CIJfQUIEME Sli:CLE. 3o5 enfans des clercs , et de celles de leur famille qui etoieut allacliecs a leiir menage avant leur ordination. Les Peres du concile d' Angers donnent a ces femmes , qui fontl'objet de leur defense , le noin (.Vc'tm/igeres ; d'autres les appeloient sous-in- Iroduites et agapctes. Ces differens noms exprimoient les differens pre- textes sous lesquels les clercs les retenoient cliez eux ; les uns sous celui de charite et d'amilie spiiituelle ; les autres pour avoir soin de leur mt" nage , de leurs affaires domesti([ues , et pour les soulager dans leurs maladies. 217. Ceux qui ctoient eleves au sacerdoce ou au diaconat durant leur manage, etoieut des lors obliges de regarder leurs femmes comme leurs soeurs. S'il arrivoit que quelqu'un manquat a cette loi , on I'excommu- nioit ( i). Cette discipline subsista en Armorique jusqu'au milieu du cin- quieme siecle. Les Peres du concile de Tours userent d'indulgence en 461 , en vers les refractaires. lis se contenterent de les suspendre de leurs fonctions , et de les exclure des ordres superieurs. 218. Les eglises ne gardoient pas par tout la meme uniformite tou- chant la continence a I'egard des sous-diacres et des autres clercs. Les papes Sirice et Innocent i en avoient dispense les sous-diacres. Le con- cile de Tours , de I'an 461 , suppose evidemment, par son second canon , que ceux qui dependoient de cette metropole pouvoient se marier , ou du moins vivre comme maris avec leurs femmes. 219. Talase d'Angers , prelat zele pour la discipline ecclesiastique , consulla , quelque temps aprcs son sacre , saint Loup de Troye et saint Euphrone d'Autun , sur le mariage des clercs inferieurs. Ces deux eve- ques lui repondirent que la pratique de leurs eglises etoit de souffrir les bigames dans quelques ordres, comme dans celui de portier; mais que Ton defendoit les secondes noces aux exorcistes et aux sous-diacres ; qu'au reste il seroit a desirer que les clercs engage's dans le mariage n'en fissent point usage; ou plutot que, pour eviter toute discussion , Ton n'eleviit point d'bommes maries au rang des clercs. lis observent que la discipline de I'eglise d'Autun etoit plus severe , parce qu'on y deposoil les porliers qui passoient a de secondes noces. lis prolestent tous deux que , si d'autres eveques penveut inlroduire dans leurs eglises une pratique plus sainte , ils I'approuveront volontiers , parce que Dieu en seia glori- fie , quoiqu'ils ne puissent pas la faire cxecuter (2). , (1) Concil. Turon. 1. can. 1. (2) Sirmond. Concil. Gallix. 1. 1. 3o ^•'>'^ niSTOJIlE ECCLtSIASTIQUE. lalase avoit a cneiir d'elever les clercs de son diocese a la perfection d'e leur etat ; mais il ne pouvoit y parvenir sans le concoiirs des autres eve- ques. Les voeuv de saint Loup et de saint Euphrone furent remplis dans nn concile de la province de Tours : on y decida que les sous-diacres et quelques autres d'enire les clercs ne pouvoient plus se marier. L'on- zienic canon du concile de Venncs , dont on n'a pas toujours pest' les termes , suppose cette defense ; on devoit Tavoir faile depuis pen de temps. Les actes du concile qui la renferme ne nous sont pas parvenus : cette asseinblee a du se tenir depuis le synode de Tours , mais avant celui de ^ennes. Le pape Leon i avoit enjoint aux sous-diacres de garden la con- tinence : son autoritc fut d'un grand poids dans la province de Tours. 9.30. Nous ne pouvons dt'terminer quelle est , outre les sous-diacres , celte espece de clercs a qui les eve([ues de la province de Tours ne per- mettoient plus de se niaricr. Comme les actes du concile qui en avoit porte I'ordonnance n'existent plus , il n'est pas possible de les distinguer des autres. Nous ne connoissous pas mcme conibien il y avoit alors dans la Caule d'ordres que nous appelons mineurs. Saint Loup et saint Eu- plirone ne parlenl , dans leur reponse a Talase , ([ue des porliers et des exorcistcs; saint Sidoine nous indi([ue , a la vcrile , des lecleurs (i) ; mais aucun monument ne fait mention des acolytes dans I'Eglise gallicane , quoiqu'il y en ait eu a Rome des le troisieme siecle (2). VI r. 221. Les clercs etoient attaches, suivant les canons, a I'evccjue qui leur avoit donne le premier ordre. On n'avoit egard ni au lieu de la nais- sance , ni a celui du baplcme, mais uni(|upmcnt a celui de la premiere ordination on du benefice. C'est de la (ju'il est drfendu aux clercs, par le premier canon du concile d'Angers , de passer d'un lieu a un autre, et nieme de voyager ; que le concile de Tours separe de la communion , par I'onzieme canon , un clerc qui quitte son eglise pour aller ailleurs. Pour voyager d'une maniere conforme aux regies , il falloit des lettres tie recommandalion de la part de Tcveque de qui les clercs dependoient. Ceux qui voyageoienl de celle facon etoient recus avec les menies dis- tinctions et les memes prerogatives dont ils jouissoient dans leur propre eglise. Peut-etre meme y trouvoient-ils de plus grands avantages. 11 n'y a jien dans celte prali(jue qui ne fut autorise par la discipline : I'hospitalite etoit porlee quelquefois jusqu'a la profusion. Ce traitement , f|ui ('loit ap- (I) Lib. i. cp. 25. (2) Eusebius , lib. 6. c. 43. CINQUIEME SifeCLE. ' 3o7 puye sur la charite , fit naitre le desir de voyager ; I'amour propre y vit son bien-etre , et Ton ne risqua qu'a gagner. Ce qui pouvoit elre utile dans son principe aiiroit lourne en abus , si la prudence des eveques n'y avoit mis des obstacles. Les pelerinages aux Lieux-Saints commencoient a devenir frequens. II etoit necessaire de leur fixer desbornes. Les clercs , qui n'etoient pas munis de letlres de recommandation , etoient prives de la communion, dans quelquelieu qu'ils allassent. lis n'e- toient pas pour cela sujets a I'anatbeme , ou a I'excommunication ; leur punition consistoit a ne pouvoir plus exercer les fonctions de leur ordre , et des lors ils etoient prives de toute distribution. Tel est le sens du cin- quieme canon du concile de Vennes. 222. Le lieu qu'un clerc avoit contracte avec I'eveque par sa premiere ordination , etant antei ieur a tout autre , etoit consequemment le plus fort : un autre eveque ne pouvoit le rompre en elevant uu clerc a un or- dre superieur. Cependant , quelques eveques tenterent d'altirer a eux , sous ce pretexte , des clercs etrangers. Get abus fut coudamjie par le neu- vieme canon du concile d'Angtrs. Conmie ce mal reprenoitde nouvelles racines, le concile de Tours , par son neuvicme canon , separe de la com- munion des autres eveques , celui qui ordonne des clercs qui ne lui appar- tiennent pas. Pour retablir les cboses dans leur premier etat , il declare , par le dixieme canon , la nullite de ces ordinations illicites , a moins que , par une satisfaction con\ enable , I'ordre et la paix qui ont ete violes ne rentrent dans leurs droits. 223. Comme les clercs etoient attacbes par leur ordination a un of- fice particulier , ils etoient tenus a la residence. C'est ce que supposent les conciles de la province de Tours , dont nous avons rapporte les ca- nons. Aussi les eveques etoient-ils attentifs a faire remplir aux clercs cette obligation , d'ou dependoit le plus grand bien spirituel de I'Eglise. Ceux- ci ne pouvoient s'absenler du lieu ou ils etoient attacbes, qu'avec I'agre- ment de leur eveque , c'est-a-dire , lorsqu'il avoit pese leurs motifs et qu'il les avoit crus legitimes. 224. II n'etoit pas dans le pouvoir des clercs de renoncer a leur etat. lis etoient enroles dans une milice plus sainte que celle du monde ; pro- raus a des dignites spirituelles , ils ne pouvoient se rabaisser a celles du siecle : c'eiit ete une espece d'apostasie. Aussi le concile d'Angers, canon septieme , et celui de Tours , canon cinquieme , excommunient-ils les clercs qui portent les amies et se comportent en laiques. Les proposi- tions dont se servant ces deux conciles sont universelles : elles compren- 3()S niSTOIRE nCCLESfASTIQUK. nciil iion-seulcmenl les prtlres, les diacres et sous-diacres ; mais encore les porliors , les lecteiirs , les e.vorcistes el les acolytes , s'il est certain que ceii\-ci existassent alors dans la province de Tours. Ces dispositions n'c- loienl pas seuleinent recues dans cette province. I)es I'an 45 1 , le concile de Calcedoine avoit defendu , sous peine d'anatheme , a ceux qui sont en- tres une fois dans le clerge , on dans Telat nionastiquc , de quitter I'une et I'autre de ces professions qu'ils out enibrassees a cause de Dieu , pour s'engager dans la uiilice , on dans une dignite stculiere. 9.25. L'eveque et son clerge vivoient sous la protection des lois. L'eve- que ne pouvoit priver un clerc ni des fonctions de son ordre, ni des emohuiiens qu'il percevoit de I'Eglise. II t'toit necessaire, au prealable , de lui (aire son proces juridiquement : on ne le deposoit que quand le delit ('toil prouve. Si le clerc accuse pouvoit faire voir que son eveque lui etoit suspect , il ('toil en droit de se pourvoir devunt les eveques de la province. Si I'affaire concernoit des bicns que l'eveque vouliit lui enle- ver , elle etoit des lors devolue au tribunal des comprovinciaux. Telle etoit la regie que les Peres du concile de Vennes avoient etablie par leur neuvieme canon. 226. Les abbes et les moines de r\rmoiique eloicnt souniis, ainsi que les clercs , a l'eveque. lis ne pouvoienl sortir de leurs monasteres sans permission , ni renoncer a I'etat qu'ils avoient cmbrasse. Pour rendie cette verite sensible , il suffit de jeter les yeux sur le liuitieme canon du concile de Vennes. Ce reglement est le mcme que celui qui avoit ete fait Ian 45 1 , au concile de Calcedoine , canon rjuatricnie. 227. Les moines vivoient sous la conduite immediate dun superieur, que Ton uommoit Abbe, c"esl-a-dire , Perc. La vanite n'avoit point don- ne lieu a ce litre si doux : il avoit pris naissance dans le coeur des chefs qui gouvernoient leurs monasteres avec uneaulorite vraiment paternelle, et dans celui de leurs religieux (jui leur obeissoient avec une soumis- sion filiale. Les jeunes religieux apprenoient , dans les monasteres , a se former , principalement a la piete et a la praticjue des vertus les plus austeres. Dans I'enceinte de ces maisons , on voyoit des cellules separees les ones des autres. Llles etoient destinees a ceux (|ui I'loicnt parvenus a une emi- nente saintete , on qui ne pouvoient plus , a cause de leurs infirmites , soutenir I'austerite de la regie. C.cs anacboretes passoient , de temps a autre, de leurs cellules dans les monasteres. Pour celles qui etoient in- dependantes , I'Armorique n'en connoissoit point : clles auroient occa- ciNQCiEME sieclf:. ->or) sionne les memes desordres , dont on s'etoit plainl ailleurs. Les solitaires , qii'on remarquoit dans le royaume , n'avoient embrasse leiir elat , qu'a- pres que reveque du lieu les avoit epiouves , a moins que leur vertu ne lui fut connue d'ailleurs. Tous les religieux vivoient sous les yeux de Tah- be , afin que leur conduite fut au-dessus de loutsoupcon. 228. Saint Guignole etoit pretre et abbe de Landewenec : d'oii Ton peul inferer qu'il y avoit aussi des pretres, durant le cinquieme siecle , dans les autres monasteres de rArmorique. Celui de Marmoulier etoit une pepiniere d'eveques : les religieux de celle communaute qu'on ele- voit a I'episcopat , devoient etre bonores , avant ce temps , du sacerdoce ou du diaconat. Les maisons religieuses de I'Armonque approcboient de la saintete de celle-la , et devoient etre son emule dans les sciences ec- clesiastiques. VI (I. •229. Le plus ancien monaslere de filles que nous connoissions dans les Gaules, est celui de Lan-Mnnocbt. U etoit , comme les autres , gouverne par une superieure et pai" un pretre , sous I'autorite de I'eveque. II est bien probable que ces religieuses avoient du moins un oratoire pour y cbanter tous les jours les cantiques de leur divin epoux , selon les heures de I'oiTice de I'Eglise. Pour les diniancbcs , elles devoient se rendre , sui- vant I'usage , a I'eglise paroissiale , pour y parliciper aux saints mysteres. Nous croyons qu'a I'exemple des autres communautes du monde chrelien, elles se cbargerent de I'educalion desjeunes filles. La plupart de ces reli- gieuses etoient probablement initiees dans la connoissance de la langue la- tine , ce qui etoit alors assez ordinaire ; celles qui pouvoient I'ignorer , animees du desir de comprendre du moins le sens des offices qu'elles psalmodioient , se firent un devoir de I'apprendre. 23o. II y avoit dans I'Armorique deux autres especes de religieuses. Les unes , sans faire de voeu public et solemnel , consacroient a Dieu leur vii- ginite; elles n'etoient distinguees des autres filles que par leur extreme modestie , soit dans leurs vetemens , soit dans leur maintien : ce qui brii- loit en elles etoit la pratique des vertus cbretiennes. Saint Jc'rome dit , dans sa lettre a Gaudentius , que ces sortes de vierges portoient ordinai- reraent une tunique de laine brune et un manteau noir. Les autres fai- soient un voeu public et solemnel de virginile : elles recevoient de la main de i'eveque un voile de consecration. Cette ceremonie se faisoit avec ap- pareil pendant la messe ou le jour de I'Epiphanie , ou la seconde fete de Paques , ou celle de quelque apotre , ou a Noel. Ce voile etoit un syin- •iiO niSTOIRE ECCLESIASTlQUn. bole du manage celeste de ces vierges avec I'epoux immoilel. Ce n'est pas que celiii des autres vierges n'cii fi'it egalement une reprcsenlalion. Teitullien le fait assez entendre , lors(iii'il dit (jiie ceux qui oscnt do\ oiler ces filles, sont des sacrileges (i). dcs vierges occupoient dans cha([ue pglise uue place honorable et sc'paree du peuple (a). ■2 3 1. Ces vierges faisoient de leurs niaisons parliculieres conime autant de nionasteres. Elles consacroient toute leur vie :i la retraite , a api)ren- dre TKcriture-Sainle , a lire les saints Peres, a la psalniodie, a la prit-re , aux jeuncs el aux travaux nianuels. Tel est le portrait que saint Jerome nous en a trace dans ses ouvrages(3). Les eveques regardoient les vierges comme la plus noble et la plus illustrc portion du Iroupeau fidele; elles etoient a leurs yeux les plus l>elles fleurs du parterre de I'Eglise , rornement du ciel , les images les plus parfailes de la saintete du Dieu trois fois saint. Aussi avoient-ils grand soin de les eloigner de tout ce qui auroit pu obs- curcir leurs verlus. lis ne permettoient pas a cessainles filles de dcmeurer avec les liommes dans uue nicnie niaison (4)- C'esl d'elles en particulier que parlent le concile d'Angers et celui de Tours , lorsque , par le qua- torzicme et troisieme canons , ils defendent aux clercs d'avoir chez eux des lilies elrangercs. 11 ne suffit pas que leur bonneur fiit a couvert : il devoit elre au-dessus de lout soupcon. iZi. L'Eglise a loujours regarde comme un grand crime le man([ue- ment des vierges a la foi de leur etat. Des I'an 3o3 , le concile d'Ehire piiva , canon treizieme, de la communion, meme a la mort, les vierges qui , apres s'etre consacrees a Dieu , auroient viole leur vocu et vecu dans le desordre, ne con)prenanl pas le bien qu'elles ont perdu. Si cependant elles n'eloient tombc'cs (|u'une sculc fois par seduction ou par fragilite , et si elles avoienl fait pcnilcucc pendant toute leur vie , le concile veul qu'on leur donne la- communion a la fin. .i33. Le seizieme canon du concile de Calcedoiue , tenu I'an 45 1 , de- fend aux vierges consacrees a Dieu, el aux moines, de se marier, sous peine d'etre prives de la communion pendant tout le temps qu'il plaira a I'tveque. Ce (|ui suppose que leurs vtcux ne formoient pas encore un empcchement dirinianl de mariage ; en effet, les Peres de ce concile ne se seroient pas contenles d'excommunier les coupables , ils leur auroient enjoint de se separcr. Innocent i , dans sa reponse a Victrice , eveque de Rouen , avoil decide , des I'an 4o4 , qu'on ne devoit soumetlre a la [I) Dc virgin, vclandis. (3) Ad Gaiidenl... Ad Marccllam. ^2) S. Ambros. ad virg. lapsam. (4) S. Cyprian, lib. 1. ep. 11. CINQUlilME Sli:CLE. 3jl penitence publique qu'apres la niort de lews maris, celles des viergcsqui, apres s'etre consacrees a Dieu , avoient eu la temorile de so marier. On n'enlrevoit d'aulre motif de cette decision que celui de ne pas lesenlever a leurs epoux , a qui elles eloient unies par un mariage valide. Elle est d'autant plus sage que Ton ne pouvoit astreindre une femrae a la peni- tence publique sans le consentement de son niari ; parce que, durant ce temps , ils devoient vivre comme frere et soeur. On ne decouvre , dans ces sortes de mariages , qu'un empechement prohibitif , qui donne lieu , par la mort des maris , aux exercices de la penitence publique. Saint Augustin avoit cru egalement que les mariages de ces vierges etoient ve- rilables , et que celles qui se separqient de leurs maris , a cause de \e\xf ^ voeu , faisoient un tres-grand mal. La raison qu'il en apporte est qu'elles donnoient lieu a la partie qui n'avoit pas fait de voeux , de se remar- rier a une autre, el d'etre par la une adultere(i). Saint Leon i , dans sa reponse , vers I'an 443 , a Ruslique, eveque de Narbonue , avoit dit qu'll faut meltre en penitence publique les moines qui renoncent a leur etat pour s'engager dans le mariage ; que les filles qui , sans eire contraintes par leurs parens , ont promis voloutairement de garder la virginite , et qui ont pris I'babit convenable a leur profession , quoiqu'elles n'aient pas ete consacrees a Dieu , prevariquent si elles abandonnent leur resolution ; que le crime seroit plus grand , si elles avoient ete consacrees. Quoique le sixieme canon du concile de Tours traite le mariage des vier- ges qui avoient recu la consecration d'union detestable , et cjuc , par le qualrieme de celui de Yennes , la vierge qui se marie et celui qui I'epouse, soient notes d'adullere , ainsi que I'a fait Innocent i , les Peres de ces deux conciles n'ont pas juge pour cela , avec ce souverain pontife , que le mariage ainsi contracte fut nul ; la seule peine qu'ils infligent aux preva- ricateurs consiste dans I'excommunicalion. 11 paroit done certain que les voeux des vierges consacrees a Dieu , meme par I'imposition des mains de Teveque , n'ont forme dans TEglise , jusqu'au cinquieme siecle , (ju'uu empecliement prohibitif de mariage. IX. 234- La priere vocale , que I'Eglisc fait faire tons les jours a cerlaincs lieures , au nom de tout le corps des fideles , par ceux qui sont spcciale- ment destines a cette sublime fonction , s'appeloit office , ainsi que nous I'enseigne le quinzieme canon du concile de Vennes. Ce terme etoit pris (1) Lib. de bono vid. e. 10. J12 HISTOIRE ECCLESIASTIQUE. dans louleson elendiie ; en effet , le premier office ou devoir de I'horame est de louei- Dieii , de le remercier de ses dons et d'implorer sa miseri- corde. 235. L'ofTice ne fut pas d'abord le menie dans les difTc'rentes eglises de la province de Touis : la forme qu'on y observoit n'etoit pas fixe. Le Irentieme canon du concile d .Vgde , de I'an 5o6 , suppose que I'office n'eloit pas plus regie dans les autres eglises de la Gaule. Lcs evcques qui assislcrenl au concile de Vennes jugerent a propos de garder I'uniformile a cet egard. lis decidcrent qu'il n'v auroit plus a I'avenir qu'un meme office di\in el une menie psalmodie dans tons les dioceses qui dcpendoient de Tours. A Texemple du concile de Vennes, celui d'Epoue (i) , ville alors considerable du diocese de Vienne, stalua, I'an Siy , canon vingt- ieplieine, que les eveques de la province suivroient le rit de la melropole dans la celebration de roffice divin. La raison pour iaquelle le concile de Vennes rendit son nrdonnance , eloil la crainle qu'on inserat , dans les differens offices , quelque chose donl les Gollis , lours voisins , qui etoient Ariens , eussent profile pour preler aux eveques de la province de Tours des senlimens sur la Tiinile qu'ils n'avoienl pas. (1) Suivant les manuscrils anciens cl re- ■ cens de ce concile , le lieu oil il se tint s'ap- peloit Epao ou Fpauna. Une inscription gra- vcc sur une pierre , avec ces mots : Dca Epo- na; , qu'on a trouvec a Yene , au diocese du Bcllai , a fait croire a M. Flcury ct a d'autrcs savans que c'etoit laqucs'cloil tcnuc rassem- blee des 6vi^qucs du royaumc do Bourfjopfne, dans la persuasion oil ils etoient que celle ville avail pris le nom de cctle dcessc. C'etoit une divinite romainc : les chcvaux et les eta- ' bics etoient sous sa garde. Son nom mt^me en est la preuve : Epo , chcvaujc. Lcs Komains avoient cmpruntc du ccltiquc bicn d'autrcs terraes que cclui-l qu'ils en usent ainsi plutol (|ue de consuller les demons , cependant » cette pratique me deplait ; je n'aime point que , tandis que les oracles » divins ne parlcnt que pour I'aulre \ie, on les appli(|ue au neant de » celle-ci ni aux affaires du siecle. » C'tloit tenter Dicu , (|ue de peiiser qu'il dut manifester ses volontt's on decouvrir I'avenir autant de fois qu'il plairoit aux chreliens d'ouviir les livres saints. On n'y rencontre rien , ni dans la tradition , d'ou Ton puisse inferer que le nioderaleur de I'uni- vers ait fait avec eux un pareil contrat. II est probable que rexcommu- nication lancee par les Peres du concile de Vennes , contre ceux qui ten- toient de decouvrir I'avenir ou la volontt' de Dieu par celle methode , arreta leur lemerile dans rArmori(|ue , durant le rcsle de ce siecle ; mais celte superstition ne fut que trop repandue pendant le suivant dans le leste de la Gaule. XI. ■2fyi. Plusieurs anciens Peres ont enseigne que le lien du manage pou- voit se rompre par I'adultere de la fcmme. Tel a etc le sentiment de Ter- tullien. « Le Creatcur ne di'sunil pas , dit-il , ce qu'il a uni lui-meme, si » ce n'est pour cause d'adullere (i). » D'ou Ton pcul condure que , sui- vant ce celebre ecrivain , Dieu desunil ou permet de desunir , pour cause d'adullere, ce (ju'il avoit uni. Saint Epiphane , apres avoir expose que les sccondes noces sont permises, proteste que les divines Ecritures ne coiidanuient pas et n'excluent point de I'Eglise ou de la vie ('ternelle celui qui, apres avoir fait divorce avec sa fcmme pour cause d'adullere, en epouse une autre , ni celle femine , si clle prend un autre mari ; ce saint docleur ajoute que les livres saints les tolerent a cause de leur foiblesse , U) CoDfes. lib. 5. (2) Lib. 4. contra Marrion. CINQUIEME SIECLE. Sly tie manicre cependant que le marl n'ait pas deux femmes en gardant la premiere; mais qu'en etant reellement separe, il lui soil permis d'eti avoir une autre (i). Saint Astere d'Amasee avance qu'on doit etre bien persuade que le niariage ne se dissoiU que par la niort et I'adultere (2). Ces Peres et quelques autres appuyoient leur opinion sur le neuvieme verset du chapitre dix-neuvieme de saint Matlhieu. Ceux qui pensoient autrement reclamoient en leur faveur la meme autorite. Saint Augustin repandit un grand jour sur cette dispute : il prouva que Tadultere del'un des conjoints par mariage ne donne lieu qu'a la separation d'hal)itation (3). Cependant ce docleur , quelque eclaire qu'il fut , reconnoit que celte question souffroit encore difficulte (4) , et il n'ose se flatter de 1' avoir en- tierement eclaircie (5). Dans ce partage de sentimens et dans un temps oii I'Eglise n'avoit pas prononce sur le vrai sens des paroles de Jesus-Christ au sujet du divorce, il n'est pas elonnant que les Peres du concile de Vennes aient cru que le lien du mariage pouvoit se rompre par I'adultere de la femrae. Cl) S. Epiphanius adversiis baeres. c. 59. (4) Tract, de fide el opcribus , c. 19. (2) Horn, in S. Mallh. (5) Retract, lib. 2. c. 57. (3) Lib. de Conjog. adult, ad Pollentium. 3i8 SIXIEME SIECLE. Conflnjant tale aliquid liscrctici. Tertull.de pnetc. adv. hecr. 1 . Le conimeiicemenl de ce siecle fut remarquable par la mort d'un saint fondaleur de Tordre religieux , qui avoil eclaii'e I'Armorique. Son iiom eloit Hrieuc (i). 2. Get illustrc abbe n'avoil point pris naissance a Corck(2) , en Irlan- de , comnic quelques-uus I'ont avancc sans fondement : c'etoit dans lile de Bretagne qu'il avoit recii le jour ; mais il n'est pas si facile de determi- ner le lieu precis de son origine. On ne peut mieux le fixer que dans le Hulland, pays qui fut le premier domicile des Corilani , ou du moins dans I'une des contrees voisines de celte province , sur lesquelles les co- lonics de cc peuple se repandircnt (3). \X) [An 302 environ.]— Omission. a. V. (2) Corck s'appcUc ainsi, parce que cctte ville est a rcmbouchure dc la Lee, qui y for- me un bun port. Cot , cmbonchure ;k , ilehacr, ville. l.c nom de Lc'c vient d(! lailh , riviere. Nous vcrrons bientot que retymulogic deCorck ne convicnt pas i la patrie de saint Bricuc. (3) Les Aclcs dc saint Bricuc portent qu'il ctoil Corriiiciana: regionis indifjcna. Pour de- couvrir le lieu dc sa naissance , il ne s'agit done que desavoirdans quelle parliede TAn- gletcrre etoit situcc cctte Corriiiciana rcyio. Les uns , tels que Bcrtrand d'Argentre ct Ic 1'. Albert le Grand, prolendcnt que c'etoit la Coriiouaillc insulaire ; les prcuves qu'ils en ap- portcnl ne sont ricn moins que convaincantes et n'onlpas besoin de refutation. Dautresvcu- lent trouver ce lieu dans le Cardiganshire, parcc qu'autrefois on Tapiieloit Ccrelica rcgio , cl Cariigan, Ccrelica. La rcsscmblance qu'on croit aperccvoir cntre Ic tcrme Corriiiciana ct cclui dc Ccrelica , a fait adopter ce sentiment. Nous vcrrons bientot ce qu'il en faul penser. Lc raol Ccrelica est compos6 de ccr , monlagnc; d'aJ, en composition cl, aupres , c\A'ic, ri- viere. Ce qui vcul dire : coUinc aupris d'tine riviere. Cardigan, belle ville au pays de Gallcs, est assise sur le pcncbanld'une coUinc, el for- lifiee d'un ancicn cliAtcau cleve surun rochcr, a rcmbouchure du Tywy. Le lermc Ccrelica exprimc done la position de Cardigan ; on la retrouve memo dans le nom que cette ville poric a present. Car , rochcr; di , riviere ; gan, embouchure . 11 reste h examiner ce que Ton doit entendre par Corriiiciana ; c'cst un com- pose de cor, particulc diminutive; de rhulh , en composition , rhgd , rouge , ct dc lis , ha- hitalion. Cc qui sc rend par pf(i/c habilation rouge. Ccrelica et Corriiiciana ne dcsignent done pas le mcmc lieu. Ploleraoe, liv. ii , ch. 3 , parle des Corilani : ils s'eloicnt ctablis dans Ic Corriiiciana rcgio. Pour sc convaincrc de ce fait , il suflit de decomposer leurnom. Co , particulc diminutive ; rhyd, rouge i tan, pays: habilans d'unpetilpays donl la icrre est rouge. Ce pays est le mdrac que lc Bulland : c'estia plus petite province d'Anglctcrrc; mais elle Dourrit une multitude ctonnanle debrcbis, dont la laine est rougeatrc, aussi bien que le lerroir : le Rutland a, deli, cmprunteson nom i rhud, rouge; lann , snl. Carabden , Au- difret et Ic P. Briot doniient unc plus grande ctenduc dc terrain aux Corilani; outre lo Rutland , ils occupoicnt , selon ccs 6crivain5, CINQUIKME SIECLE. 3ig 3. Saint Germain , eveque d'Auxerre , elanl venu I'an 429611 Bretagne, ou les prelats des Gaules I'avoient depute pour defendre la foi et pour s'opposer aux progres de I'li^resie pelagienne , qui etoit entretenue dans I'ile par un nomme Agricola , fils de Severin , qu'on avoit lionore de I'episcopat; Brieuc , qui avoit alors environ vingt ans, allire par Todeur des verlus de ce vicaire apostolique , et par I'eclat de ses miracles, f Lit te- raoin des victoires qu'il remporta sur le demon de I'erreur. Ce jeune houime s'empressa d'entrer sous la discipline d'un tel raaitre. L'exterieur imposant de sa haute naissance ne lui fascina point les yeux ; il pensa que plus le rang qu'il tenoit dans le siecle I'elevoit au-dessus des autres (car il etoit d'une des premieres families de Tile) (i), plus il devoil Iravailler a les comtes de Northampton , de Lejcestcr , de Nottingham , de Lincoln el de Darby ou Derby. La ville de Northampton tire son nom de nor , embouchure ; do tan , riviere , et de ton, habitation; elle est sur le Nen ou Neen (nom appellatif de riviere), qui y recoitl'Au- fon , autre nom appellatif de riviere. Nottin- gham, sur le Trent, ainsi appeic , parce qu'il se partage en differens bras [terr , parlage ; nnt , en composition, cnt , riviere), est un terme corrompu du saxon , Snolinga-ham , qui signille : habitation des grottes. Cette ville se nomme Gaiiscnni*, dans ritincrairc d'An- tonin ; gau , groiies ; sen, belles. La coUiiie sur laquelle Nottingham est silue, offrc , en divers cndroits , des grottes soutcrraines , tail- lees dans le roc avec beaucoup desymetrie; elles sont partagees en plusieurs charabres ; on en voit d'autrcs qui font autant de maisons a plusieurs etages les uns sur les autres ; on y re- marque des cherainees , des fenetres et plu- sieurs chambres. Leycester , qui est sur la Stoure (nom appellatif de riviere) , se noramc Rates, dans Antonin : rat, riviere ; tes , habi- tation. Lincoln , qui est dans une agreable si- tuation , ic long d'une colline, au bas do la- quelle coule le Witham , qui s'y partage en trois bras , a pris de la sa denomination : llyn, riviere ; col , partagce. Le Witham , qui prend sa source a Stanford , fait beaucoup de sinuosi- tes avant de se rendre a I'Ocean : vw , en composition vy , sinuositi ; Ian, riviere. Pto- lemce , liv. 11, chap. 3, fait mention do Lin- dum, qui occupoit le sommet dc la colline dont nous venons de parler : leyn, sommet; dum , colline. On y voyoit autrefois des vesti- ges de remparts et de fosses , on y remarque encore les traces d'une voie romaine qui con- duisoit jusqu'a Stanford. Lc brave Vortimer mourut dans cette ville. Le mcme Ptolemee donne Lindum aux Coritani. Derby, pres le confluent de deux rivieres , ne signille point autre chose : der , riviere ;bi, deux. Les Co- ritani, en s'avancant hors du Rutland, con- serverent leurnom dans les provinces, dont les villes, que nous venons d'appclcr , sont capi- tales , quoique le motif qui !e leur avoit fait donner , ne pOt y avoir lieu. De parcils exem- ples sont plus frcquens qu'on ne pensc. Les Bretons, ou , ce qui est la meme chose , les Blancs, retinrent Icur j>remicr nom , quoique la plupart d'entr'eux se fussent points et stig- matises dans la suite. On n'appclad'abord Ar- moriques que ceux qui habitoient les cotes d( la mer ; ce nom passa a ceux qui demeuroient bien avant dans le terrain. De tout ce que nous venons de rapporter , il resultc que, pour trouver avec certitude la patrie dc S. Brieuc , il faut la chercher dans I'une des provinces dupeu- ple Cort/ajii, mais aucun monument ne nous enseigne a laquelle il faut donner la preference, (1) Saint Brieuc avoit pour pore Ccrpus et pour mere Eldrudc. L'un tire son nom Je ccr , grandc , et de bwth , dont on a forme ptcd ou pws , maison : hommc dc grande mai- son. L'autre prend le sien d'cJ, grande , et de drud , illustre ; grande etillustredame. Les noms de Cerpus et i'Eldrude ne sont point saxons, comme I'a cru Boliandus : ils sont tires du gallois et de I'ancien brcton. On a done eu tort d'en conclure qu'Eldrude etoit saxonne d'origine. On n'a pas mieux reussi a 3:20 inSTOIRE rCCLJ^SIASTIQUE. les surpasser eii mc'rile. La douceur de son caraclere , sccondee par I'educalion , un air preveiiant , un esprit aise et docile , la modeslie qui accompagnoit son extericur ; loules ces qualitcs, qui depusent si favora- l)lement en faveur de la jeunesse , frappcrent saint Germain , el lui firent naitre un pressenliment de la saintete eniinente oii Brieuc devoil par- venir. 4- f-e saint prulal se fit nienie suivre en France par son disciple (i). Les talens et les rares qualites du maitre parurent bieutot conmuines ddnncr pourmaitrc a Bricuc , en Irlandc , un (les saints du nom de Germain , qui y oat etc celebres , ct qu'on a travesli en un saint Ger- main. (1) Si les Aetes de saint Brieuc , tels que nous Ics avons , mcritcnl dc la creance en bien des circonstances , ils renferraent aussi des contradictions manifestcs. Cettc dernicrc pro- position se prouve par cc qui suit : « MiUelis » cum {Briocwn) , dit I'auteur de ces aclcs , » ai cmlaUm Parisiacam ad bcatum virnm » Germanum ejusdem civilalis cpiscopum. » MiUilur Parisius ; ciim ad virum Dei Pari- n sius pervcnisset J, etc. Ihtn prm cwlcris , Pa- n Iricius sciUcel el LUutus sincero cum amove » amplcxi sunt. » C'cst la un anaclironisrac bien marque. Le saint Germain dont on vcut que saint Brieuc ait etc disciple fut ordonnc cvcque de Paris Tan o'.ib. Saint Patrice niou- rut vers I'an iOi. La vie de saint Illut nc fut pas prolongee hcaucoup au-dela du commen- cement du sixicmc sieclc. Saint Bricuc n'a done pu trouvcr ces deux saints , depuis5o3, ;i I'ecolc do saint Germain de Paris, el ils n'ont pu , depuis cettc cpixpie , licr avec lui une etroilc amitie. S'il est vrai que saint Pa- trice, saint Illut et saint Bricuc aient eu Ic mime maltrc , et que ce mailre se soil appele Germain , comrac I'assurcnt les actcs que nous venons de ciler, ce n'a pu etre que Ger- main , ev(5que d'Auxerre I'an 418 et mort I'an 448. Aussi lil-on dans la vie de saint Patrice que ce gcncrcux confesscur , anime du desir constant de porter la foi clicz Ics Irlandois, consulla a cc sujct les prclats les plus eclaires et Ics plus vertucux de la Gaule. En 415 , il alia trouvcr a AuxcrrcVcvequc saint Amateur, sous la discipline duqucl il rcsla jusqu'a sa mort qui arriva trois ans aprcs ; il conlinua encore trois annces sous ccUc de saint Ger- main, son successeur , et s'y forma au mi- nislere de TEgliso ct a toutes les vortus d'un saint paslcur. On voit de nouvcau Patrice a Auxcrre , apri-s le rctour du voyage que saint Germain avail fait en Angleterre , I'an 429. Pour saint Illut , il n'a pu prendre les lecons de saint Germain durant aucunc dc ces deux cpoques : il n'etoitpas encore ne, lorsque saint Patrice se mil, en 418, sous la direction du nouvcl cvcque d'Auxerre ; et il ne pouvoit ftre que dans I'cnfancc, temps oil Ton ncpeut fairc dc vcritables liaisons , quand eel apolrc dc rirlande visila saint Germain en 430. En effct, Rcnguilidc , mere d'lltut, cloit fille dc Salomon , roi dc I'Armorique, ainsi que nous I'avons vu ailleurs. Ce prince ne fut marie que vers I'an 408 ; Renguilide ne vint au mondc qu'apres Audren ct Constantin , scs frcres, vers I'an 4tl. II est trcs-probabic qu'elle n'cpousa pas Bican avant I'i^ge de quinzc ans , ce qui renvoic a I'an 42G. En supposant qu'Illut ait etc son premier enfant, ellc n'a pu lui donner le jour qu'cn 427. Ce nc fut qu'au second voyage que saint Germain fit , en 440 , dans la Grande-Brclagne, qu'Illut fut connu dc ce prclat, ct c'cst >\ cetle occa- sion que eel abbe passe pour son disciple. Quant a ce qui regarde saint Bricuc , dts lors que scs artcs le font contemporain de saint Patrice, mort vers Tan 464, ctdc saint Illut , dcccd6 au commencement du sixicme siccle , el qu'ils donncnt 4 tons trois le mf me mailre, on doit en infcrcr que c'a 6t6 saint Germain d'.Vuxcrre. Si ces m<''mrs aclcs ne font men- tion a present que dc saint Germain dc Paris, on doit reconnoitre qu'une main elrangcre Ics a intcrpoles dans cettc parlic. Par cc moycn, loulc contradiction disparott, et la vie dc saint Bricuc sc lie avec cc quis'estpass6 dc son temps. a SIXIEME SIirCLF. 32 1 a I'eleve. L'inlelligence des saintes Ecritures devint familiere a Brieuc, et les yertUs qu'elles recommandcnt , se graverent profondt'ment dans son coeiir. Son amour pour les pauvres n'eut point de bornes : on le vit se depouiller pour les revelir. L'austerite de sa vie approclioit de celle du saint eveque qu'il s'eloit propose pour modele. Ce qui prouve I'etat de perfection oil it parvint avec I'age , c'est que saint Germain, ([ui connoissoit toute I'etendue de la subliraite du sacerdoce et des qualitc's superieures qu'il requiert , I'lionora de cet augusle caraclere. 5. Brieuc, affermi dans les voies de la saintele , et rempli des dons de la science , non de celle qui enfle et qui donne lout a I'exterieur , mais de celle qui, en faisant connoilre a I'homme ses devoirs, lui apprend en nierae temps a les praliquer , repassa dans sa patrie. La religion et les moeurs y prirent une nouvelle vigueur sous ses etendards ; la grace des miracles que saint Germain avoit si bien employee pour la gloire de Dieu et le salut despeuples, fut s\iivie des memes effets enlreses mains : ses parens fureni une des premieres conquetes qu'il fit a Jt'sus-Clirist. Les kalendes de Janvier , ancienne fete du paganisme , n'etoient pas encore entierement oubliees dans Tile ; sa famille , guidc'e par I'liabitude, s'y livroit le jour meme qu'il la visita ; il lui fit comprendre que le culte de Dieu doit etre sans partage , et qu'il n'a rien de conimun avec les ex- travagances des paiens. Ami de la retraite dans laquelle habite I'inno- cence, tandis qu'elle est sujette a se lernir dans le lumulte du monde, il fonda le celebre monastere de Grand-lann (i) , des libe'ralites de sa fa- mille. Ceux qui entrerent dans sa communautu irouverent , dans leur cbef , I'exemple de toutes les vertus , et se sanctifierent avec lui. G. Plusieurs annees aprcs , le saint abbe se retira en Armorique avec un grand nombre de ses disciples ; il aborda a la vallt'e qu'on appeloit alors Trecor (a) , et de la s'avanca dans le continent , entre la riviere de Treguer et celle de Trieu (3). Un officier etolt alors prepose a la garde de ces rivieres : cet emploi (1) Grand-lann tire son nom de grand , du midi , d'ou , s'avancant vers Ic septen- crase de g'crand, grand, etde lann,monasiere. trion , il passe a Guincamp et ;\ Pontrieux ; (2) L'auteur des Actcs de saint Brieuc ap- de ce dernier lieu il sc rend dans la Manche, pelle Jaudi I'endroit oil cet abbe s'arrcta. Le au nord-est, eta trois lieues environ de Tre- nom de Jaudi se tire d'lo , riviere, et de di, guer. Le nom dc Trieu est forme de iyr, par deux. Deux riviferes arrosent Trecor , autre- transposition Iry , rioicre , et d>u , union. ment Treguer. Le Lies, apres avoir coule a Chaicl-Audren, va (3J Le Trieu ou Trieux prend sa source a sejoindre au Trieu au-dcssus de Pontrieux (*). rexlremite du diocese dc Treguer, du cole Lies tire son nom dc Hex, riviere. [*) On Poit-Rieu. Voyez ci-dessus, cinquieme siecle , n^ 195 ,p.2D2, a la nnlcn" iO. ,i. V. 4 1 3^2 IIISXOIBE ECCtiSlASTIQUE. liii avoit fait donner. le noui de ConanCi), Ce coml© donna a saint I5iieuc uii elahlisscnient oil 11 fornia un nionaslere ; on en pent encore leconnoilre de nos jours Je liom , par celui de l.^ndebaron .ou Lande- hairon (j.) , paroisse siluc'e vers la siturce dcs deux rivieres que nous ve- nons d'appelcr. ^ ■._ ,;', 7. La pic'lc de I'abhe ne dcmeura pas oisive dans celle nouvelje lerre : il fut le pere et Texemple d'une nombreuse so^iel!e ;• ses soins paternels sVlondirent jusqirau pcnple de son voisinas^e , parnii lequel on comp- loil beaucoup de ses couciloyens. Tandis (|ue les beiiodiclions du ciel se ri'pandoient sur le lieu (pi'il babiloit, les Corilains gemissoient dans I'afi fliclion : une crnelJe maladie en faisoit perir cbaque jour un grand nom- ine; pour desaruier le bras de la justice divine, lis eurent repours a la cbarile de leur saint palriote , et a son credit aupres de celui qui donne la vie et la niort , suivant les conseils de sa sagesse infuiie. Les corres- pondances qu'ils entrelenoient avec les Armori(pies linslruisirent bien- tot de leur Irislc position. Le serviteur de Dicu prouva, dans celte circonstance , que les saints n'abandonnent point ceux qui leur cxposent leurs besoins , el surtout les personnes avec qui ils onl eu des liaisons parliculicres. L'enipresse- nient de saint Ikieuc , a secourir ses freres , ne connut point d'obstacles : la gucrison de leurs maladies corporelles lui fut cbcre ; celle qu'il seliuta de procurer a leurs anaes etoit d'un tout autre prix, parce que ses yeux , iQujours clairvoyants , osoient decbirer le voile qui couvre I'tternite ; sa presence dissipa les alaimes , et tout repondit au zele qui rar)iinoit. Apres avoir beni le Dieu des miscricordes , il revint en Arinorique se renfer- iner dans son monastere. 8. Quoique la ferveur se soutint toujours dans sa comniunaute, le ju- dicieux supcrieur s'apercut qu'il etoit a cliarge a quel(|ues-uns de ses re- li"ieux. Des verlus sublimes font (|ueI(iuefois ombrage dans le lieu menie qui est destine a leur servir de sanctnaire. Drieuc , qui craignoit la divi- sion , se fit reniplaccr par un abbe (3) selon le C(rur de Dicu , et alia clier- cber une autre solitude. (1) Le nom de Conan vienl dc con, chef, (2) Landobaron ou Landcbairon , qui est ct d'an , rivihe : chef qui commande sur une cntrc Tontrieux et Guincamp, est ainsi ap- nu plusieurs rivieres. On conscrvoil encore pc\c dc lann , monastere ; de de , vers ; de bar I'usage que les Rumains avoicnt introduit , oufccr, source, ct d'on , rivihe ; ce qui veut de faire gardcr par des troupes les embou- dire : mnnasterc situi vers la source d'une ou chures des rivii^res , parce que les ccuracurs plusieurs rivieres. do mer les remontoicnt pour faire des incur- (3) L'auteur dc la vie de saint Brieuc lui iions bicn avant dans le terrain. donne saint Tugdual pour successcur : c'est SIXI^ME SIECLE. 3a 3 9. Quatre-vingts de ses moines le suivirent , pour ne pas se priver d'un si grand modele. II s'embarqua avec eux a Trecor ; aprcs avoir en- Ire dans la Manclie , il longea les cotes de la mer , et s'arreta a I'endroit que nous nommons le port du Leguer (i). La riviere , qui a son em- l)ouclune dans ce liavre , portoit alors le nom de Saiigtia , parce que des troupes y ctoient postees sur ses rives pour en dt'fendre rentree(2). Le terrain , qui est au-dessus de ce port , etoit convert de hois (3). 10. Saint Brieuc , accompagne de ses religieux, s'avanca dans le con- tinent ou la foret se proloUgeoit ; comnie il s'entretenoit avec eux des avantages qu'ils pourroient se procurer dans ce lieu , Tune des senlinelles qui les apercut se rendit aupres du commandant , pour lui faire le rap- port de ce qu'elle venoit de decouvrir. Comme le chateau de ce comte n'etoit pas eloigne , les brdres furent bientot recus : une troupe de cava- liers f'ut cliargee de faire inain-basse sUr ces etrangers , qu'on prenoit pour des en n em is. r I . Des douleurs aigues, dont le gouverneur est saisi a I'instant meme, le font penser plus murement; il fait revenir I'escadron sur ses pas et lui enjoint de conduire a son chateau les hommes qu'on lui avoit denonces. II fut c'trangement surpris de trouver dans leur chef un parent et un ami : tous deux eloient nes sous le meme ciel el de la meme famille. Le nom de cet officier etoit Rigual (4) ou Rivallon (5). On le lui avoit line nouvelle errour du Icgendairc ; saint exprimenf-ils ici cc que cet historien vcut Tugdual n'a jamais etc abbe de Landebaron : nous faire entendre? C'est en quoi consiste le raonaslire qu'il fonda^prit le nom deLann- l'6tat de la question : on ne voit ni dans la Trcgucr. qualile des eaux de la riviere de Gouet, ri (1) Lc nom du liavre dit Leguer a pour dans eclle du sol qu'elle baigne, de quoi au- origine le , port, ct gwer , riviere ; cc qui toriscr i'ctymologic qu'on lui donnc. L'his- signifie: /wire de la rivihe. toire ne fournit pas plus de lumiore i ce su- (2) Les Actes de saint Brieuc poitent cc qui jet : il paroit done qu'il faut donner une autre suit : « Devenit {Briocus) ad flvviuni qui ab origine aumolgouet; elle vient naturellement » incoUs lerrw vacatur sangua. » Le tcrmc de goto, riviere , ct d'al ou el, parlicule di- sangua a pour etymologic «am , riviere, ct minulire : pelilc riviere. guad, sentinellc ; cc qui veal dire: riviere au- (3) Ce terrain s'appeloit Cesson , de ces, pres de laqueUe il y a des senlinelles. La ri- bois, et d'on, riviere ; bois sur le bord d'une viere Sangua s'appelle maintenant Gouet ou riviere. Goual. D'Argcntrc , dans son histoirc de Brc- (4) Rigual ^toif ainsi appcle de ri , gouver- tagnc, art. Saint-Brituc , dil que goucl est neur , ct de gwal , forlip cation. un mot corrompu dc goual, qui signifie sanjf (5) Lc nom de Rivallon est le meme que en breton. II auroit parle plus cxactcment , cclui de Rigual ; il vieiit dc ri , gouverneur ; s'il eiit assure que ces deux tcrmcs sent cgale- de bal ou wal , fortification, et d'on , riviere ; ment bas-bretons cl dcsigncnt la racmc chose, cc qui vcut dire : gouverneur d'une forlifica- c'est-J-dire , du saug ; mais goucl ou goual lion c labile sur une riviere. 3"-^4 iiisroiBE ixcLilsusriQi.i:. donne dans rAniKiriijoe , a caitse de rcmploi (jiril y avoil obleijvi. Les titles, (loiii sa luiissauce di&linguee I'avoient decore dans sa palrie , ue lavoicijl pas siiivi a sou euiigralion. A I'.exemple; de tant d'autres , ii avoit qiiille la Brelagne , pour rcspiier plus a I'aise dans une tene qui eluit le refuge des iiisulaires , et oil il eloil ;i la Icle des Letes dii canlon. Higual confessa devant Brieuc la faule^ (|u'il avoit ete sur le point de conuuellie conlie sa persoune el conlre ceux de sa suite , et lui en de- nianda pardon : la sanlc , (ju'il venoit de perdre , Uii fut rendue par les ijiieres du saint. . , , 12. Cct evcneiuenl piqua Rigual d'uoe vive reconnoissance , et le pi'nc'- Ira d'admiraliun el de respect pour un parent d'une si haute vertu , a qui le ciel rendoil des tenioignages sensibles ; il lui donna le palais au- prt'S dufjuel ses Iroupes faisoienl I'exercice , et annexa a ce present tout re qui en dependoit. La plus grande partie de ce terrain , qui devoit etre fort etendu , eti)it encore inculte et reiupli de bois. Cette cession fut faile a litre de benefice (i). (1) Voiti ce qu'on lit dans les Actcs.dc saint Brieuc : « Aulam campi roburb {alias » llelioni, qua olim vclus stabulum voeabatur), » cum univcrsa qua ad cam pcrlingcbat , redi- " tiiHin possessione , Iradcn.i , ul ibidem ad » Ileum pcrpclualitcr seniendum moiiaslico t> aptum ordini adificaret habilaculuvi. » De la on conclucroit que Vaula campi roboris seroit le iQeiiie qu'JIclion cl le vilus flabulitm ; rc- pcn.l.int, la collection de realise de Nantes distingue Tun el I'aulrc ; clle portc que Higual so rclira h Hellion, et qu'ii abandonna u Dricuc I'aiilacampi roboris ; cc qui nousparoil dans I'cxacte verite. En ellft , le ternie aula , qui si; lire A'ol , kabilatian , indiijue , a la vcri- le , une maisun qui devoit etrede consequen- ce, mais il n'annonce pas qu'elleait elefaitc pour se meltre h couvert de la violence ; c'c- toil plutol un lieu de plaisance aupresduqucl le eomledu canton exerniit ses troupes et leur faisoit livrer des combats simules. C'eslpour cola que noos avons rendu letcrmc campi, par lieu d'excrcice ; cc mot est pris de camp , qui a celtc signification , et d'oii est \enu le latin camput el le franrois champ. Au contraire , Hellion etoit un chiteau fortilic : hell , palais; ion, fortifte. Le nom i'llilliun, que porte a present une paroisse voisine de la ville r ItyioccTisc corpus sanclissimum sancussinn confcssoris SIXIEME Sli;CLE. 827 s'c'toient etablies aupres de son monastere pour recevoir avec plus de facilite, et plus fiequemment , ses solides inslruclions. Apres sa moit , lacelebrite de ses miracles en altaclia plusieurs a ce lieu par la gratitude, et d'autres par le commerce qu'y procuroient les etrangers qui venoient etr foule visiter les reliques du saint. Peu a peu le monastere de cepieux eveque , a qui des boisavoient fait place, et qui en ful encore long-temps entoure , \it s'elever a ses cotes une multitude de maisons. Les citoyens , a I'exemple des religieux de la double vallee , qui tous etoient temoins des merveilles que le bienlieureux Brievic faisoit eclater en leur faveur , et a I'egard des etrangers qui reclamoient sa puissante in- tercession aupres de Dieu , se mirent sous sa protection. Le nom du saint devint celui de leur nouvelle ville ; c'est ainsi que la religion a toujours sprvi la gloire el Tillustralion des etats. 17. L'un de ces religieux, a qui saint Brieuc avoil apparu apres sa niort, se nommoit Marcan , et I'autre Sieu. On ne pent douter que tous Irois n'aient ete unis , pendant leur vie mortelle , par le meme esprit et par les memes vertus : I'apparition du pere a ses enfans spirituels eloit pour eux un nouvel encouragement a la perseverance. La gloire , dont ils I'avoient vu tout rayonnant , etoit un pronostic de celle qui les al- tendoit apres leurs combats sur la terre. Saint Marcan ne pouvoit manquer d'etre connu en Armorique : les Bretons , qui venoient successivement s'y elablir , ne perdoient pas de \ue la memoire de leurs grands hommes. Les evetpies de Dol , qui , pour la plupart , etoient sortis de la meme ile , s'empressoient d'intro- duire dans leur diocese le culle de ses saints; par la ils piquoient Femu- lation de leurs patriotes , et excitoient les anciens habitans du pays a marcher sur les memes traces. C'est d'apres ces considerations que saint Marcan (i) devint le patron d'une paroisse de I'eveche de Dol , a deux lieues de la ville principale. 18. Saint Marcan avoit termine ses jours dans la Brelagne. Sieu , apres la vision qu'il avoit eue a Grand-Lann , passa en Armorique , dans le monastere de la double vallee , pour se rejouir dans le Seigneur , avec les religieux de cette fervente maison , sur le triompbe de leur pere commun. 19. II y a lieu de croire que Sieu ne tarda pas a quitter le regime cenobitique pour vivre en solitaire. Ce fut probablement dans un canton (t) Le nom de Marcan exprime la sainlele dc celui qui le porta. JIf ar, ires ; can, bon. 328 HISTOIRE ECCLESIASTIQUE. f|ii'on appelle Laii-sieu , pies I'ahbaie de Saint Jacut , qu'il clioisit sa re- Iraile. 11 aura pris son iiom de la position meme du lieu ; ce terrain , (lu'il avoit sanclifie par sa presence, ct qu'on a crigo en paroisse depuis sa molt , aura cle consacre a sa nicmoire sous le noni de Lau-sieu (i). 20. Cepcndant la Bretagne etoit loujours en proie aux invasions des Saxons, qui y faisoient a tout moment de nouvelles descentes. Ilengist avoit fondc le royaume de Kent , malgre la resistance qu'on lui avoit op- posee. Ella , excite par la nienie avidile , venoit d'etendre sa domination sur la province de Sussex , ct sur une grande parlie de cello de Surrey. C.erdic et Kuric , son fils , jetoient les fondemens de la monarcliie de AVes- sex. Quoicjuc Ambroise soutint avec honneur le nom d'Aurelien (2), ii ne pouvoit fairc face a tant d'ennemis , qui savoient reparerleurs pertes par les recrues qu'ils faisoient venir de leur pays. Des vers I'an 5o4 , la ville d'Yorckfut pillee , et ses temples furent en partie detruits de nouveau. Sanson qui, comme nous I'avons vu , en etoit evecjue, fut oblige d'abandonuer son siege et de s'expalrier (3). « II se refugia , dit Mallbieu » Paris , dans la petite Bretagne , aupres de ses concitoyens , qui etoient ( i ) Sieu a pris son nom dc si , lerre , el d'cu , riviere : homme qui habile une tcrre qui est sur Icbord d'unc riviere. Outre Ic nom de Sicu, il avoit encore ccux lie Siman et de Siviau ; le premier est lire dc si, Urre , et de man, ri- viere ; le second est forme dc si , terre ; de wi, riviere , et d'au , clev^ ; ce qui veut dire ; ijratul homme qui habile un terrain arrose d'un ruisseau. Une petite riviiTc longe la paroisse dc Sieu , et de la va sc rcndrc h la mcr; ccltc position fait pcnser que saint Sieu se rctira dans ce canton. Au nom dc Sieu , que la na- ture donnoit a ce lieu , on ajouta cclui dc lann, erjlisc; ce qui sJKnilic : eglise dediee aeeluiqui a kahili un terrain baignt! par un ruisseau. (2) Le lerme Aurelien a pour racinc or, le, el el , grand . ce qui vcut dire : le grand. Ambroise a aussi porte le nom t\'ulher , c'cst- ft-dirc , formidable, parcc que, plus d'une fuis , il defit les Saxons. II tua de sa proprc main Ilcngisl dans une bataillc ; ou, du moins, I'ayant fait prisonnicr, il lui fit tranchcr la tctc, comme a un sujcl rebclle. On Ic connoit sous le nom do nathan-leod , tcrmcs qui sont pris de nalhan , noble , ct dc leod ou clod , iUuslre. On le nommoil encore pendragon , dc (*) Vojcz ci-Jes5us , ciuquiime siicle, n° 100 , pen , tele , et do dragon , serpent (*). Mitlhicu dc Westminster croit qu'Ambroisc fit arborer un dragon sur ses etcndards , 4 I'occasion d'unc cometc qui parut de son temps sous la figure d'un dragon ; mais il est plus nafurcl de penser, avec Cambden , que ce prince en recut I'usagc des Remains. Vegece rapportc, liv. 1 , chap. '23 , que les legions avoieni un aiglcpour drapeau ctlcs cohortes un dragon. Les Daces , que Tempereur Trajan vainquit , se servoient d'ctendards 011 des dragons etoient rcprescntcs. II les fit employer le premier par los troupes romaines. .Vmmicn -Marcellin , liv. 5. Claudicn , liv. 2. in Rufinum , Si- doine in Paneg. Majoriani , parlcnt de res drapeaux. Les differens noms d'.Xmbroisc- Anrclicn ont donne occasion h quelqucs his- toriens d'en fairc deux pcrsonnagcs. Cambden a remarque ccltc errcur : la vie d'Uther et d'Ambroisc , dcgagee des fables qu'on y a m(5lecs , est cnlicrcmcnt la mcme. Les Bre- tons le nommcrent Ambroise parcc qu'il leur avoit 6tc d'un grand secours dans leur dc- trcssc. Am , occasion favorable ; broies , gens du pays. (3) Usscr. Brilan. Eccles. Anliqpag. M. p. 287, note 3, a. V. » de SIXifeME SIECLE. 329 » de la m^me nation et du meme pays ; il arriva dans ces lieux et fut recu » avecbeaucoup d'honneur, de ses compatriotes. Lespeuples , d'un con- » sentement unanime , I'elurent pour gouverner I'eglise de Dol , qui ve- » noit de perdre son pasteur , et , malgre sa resistance , il fut place sur » ce siege avec I'agrement du roi. » Le nom de I'eveque de Dol qui venoit de mourir , lorsque Sanson aborda en Armorique, nous est inconnu. Liberalis , qui avoit assiste au concile de Vennes , etoit decede probablement depuis plusieurs annees : c'eloit, sans doute, son successeur qu'on venoit de perdre. Budic , roi d'Armorique vivoit encore : I'accueil dont il bonora Sanson , dut etre des plus distingues. Le prince se rappeloit , avec reconnoissance , les ser- vices importans que la nation bretonne lui avoit rendus , et il ne pouvoit voir avec indifference les pertes que souffroient dans I'ile la religion et I'etat ; il benit Dieu de lui avoir procure un sujet aussi eminent que I'e- veque d'Yorck , et dont les lumieres , jointes a la cbarite , eloient si propres a faire fleurir les bonnes moeurs dans son royaume. 21. Dans le meme temps , a peu pres , que saint Sanson avoit pris la fuite , saint Teliau , accompagne de saint Davy et de saint Paterne , dont nous aurons occasion de parler , avoit entrepris le voyage de Jerusalem. A son retour il passa en Armorique. Plus d'un motif I'engagea a faire celte demarcbe. Anaumed , epouse de Budic , eloit sa soeur : c'etoit pour lui une grande satisfaction de la revoir ; en cedant aux vaux de la na- ture , il n'oublia pas ceux que la religion lui inspiroit. Les sages mettent a profit , pour I'eternite , les actions les plus indifferentes aux yeux du vulgaire. Le sejour que Teliau fit a la cour de Budic , quoiqu'avoue par la piete, n'eut pas pour lui les memes cbarmes que celui qu'il se procura dans I'humble maison de I'eveque Sanson. Nes tons deux dans la province de Morgannuc , qui avoisine celle de Montmoutb , eleves a la meme ecole , ils avoient le meme esprit , celui qui fait les grands pontifes , el la cbarite de Jesus-Cbrist les unissoit etroitement. Sanson , qui ne laissoit passer au- cune occasion de servir utilement son diocese , associa Teliau a ses solli- citudes pastorales , et ne le perdit qu'a regret , pour le rendre a sa patrie qu'il devoit sanctifier. 22. L'etat respectable ou etoit parvenu le royaume armorique, I'alta- cbementque les peuples temoignoient a Budic, ralliance que ce prince avoit faite avec Clovis , tout sembloit lui prometlre que I'olivier cou- ronneroit son front le resle de ses jobrs , et lui annoncer que son occu- 4a 35o IIISTOIRF. ECCLtSIASTIQUE. palion principale devoit tendie a faire jouir ses sujets des fruits dc la paix. Cepciulant Clovis , qui aspiroit a la puissance uuiverscllo dans Ics Caules, nesebornoil plus a iuvotpier la loi du plus fori : les Iraitcs Ics plus solennels etoient une foible baniere a son ambition ; pour la cou- vrir, il osa menie employer le manteau de la relit^ion. Sigebert , roi de Cologne , et Clodoric son fils , Cararic, autre roi francois, Ragnacaire , roi de Canibrai , el Rinomer , roi du Maine , furenl immolcs a sa jalousie , nialgrc les liens du sang qui Ics unissoil a sa personne. Le meurtrier de ses procbes n'avoil pu abaisscr par la force le roi de I'Armorique : la trabison le seconda et fit tomber a ses pieds un monarque puissant. Ce prince inforlune ful inliunu' , a ce que Ton pretend , dans I'eglise de Saint Cyrde Nantes, qu'il avoil fail balir (i). 23. Budic enleve a ses peuples , il ne resloit j)lus qu'a envaliir ses etats. Les Prisons, allies de Clovis ou soumis a ses lois , firent une irruption en Armoriquc : leurs amies victoricuses penetrerent jusqu'aux exlremites du rovaumc , cl bientol ils s'en rendirenl les maitres. Pour afferniir leur conquele , ils cbasserent les princes du sang royal et les seigneurs qui leur etoienl atlacbes. Clovis , au comble de sa joie , fit alors connoilre sensiblement que celU; expedition avoil cte conduile sous ses ordres. Aussllot il place des lieute- nans dans le pays con([uis et fail baltre monnoie a Rennes. 24- Une chose qu'on ne peul trop loner dans le monarque francois , c'esl que la vertu avoit un acces facile anpresde lui. Get eloge seroit plus flalteur s'il I'avoil ainiee pour elle-meme : ceux des eveques de son royaunie dont les talens el la saintcti' etoienl rcconnus , cntroient dans ses conseils el jouissoienl des lioiuieurs Ics plus marques. L' Armoriquc ne lul pas plulol joinle a ses etals que saint Melaine com- nienca a paroitre avec eclal a sa cour. II ful, en quel(|ue maniere , I'o- racle du prince : c'esl a sa persuasion que ce roi balit plusieurs eglises nouvelles, (pi'il releva celles que le malbeur des temps avoit renversees el qu'il fonda quelques monasteres. Les temples vivans du Seigneur , ces pauvres dans lesquels se Irouve surloul Jesus-Cbrisl cl qui etoienl tou- jours presens aux yeux cbaritables du saint eveque, recurenl aussi de puis- sans secours : c'eloit beaucoup oblenir dun sou>erain (|ui violoit, sans scrupule , les droits les plus sacres de la justice et de rbumanile. i5. L'evequc de Rennes, (|ui avoit a canir la conservation de la disci- iiline cccl(''siasli(pie , ful un des principaux mobiles de la convocation du (1) [An 509 environ.] — Omission. a. V. SIXlillE SliCLE. 33 I coiicile d'Orleans. Celte assemblee fut teiiue , an mois de juillet, sous le consulat de Felix, c'est-a-dire , I'an 5ii. Les eveques de rAimorique , alors sujels de Clovis , durent y assister avec ceux des Gaules. Aussi en compte-t-on an moins trois : Melaine de Rennes, Epiphane de Nantes et Modesle de Vennes. Comme les canons de ce concile sent egalement I'ou- vrage des eglises francoises et armoriques, nous croyons devoir les rap- porter ici : ils sent an nombre de trenle-un. I. a Les homicides , les adulteres , les voleurs qui se refugieront dans » I'eglise ne pourront , ainsi que les canons et les lois romaines I'ont )) ordonne , etre enleves de renceinte de I'eglise , ni de la maison de » I'eveque , ni livres a qui que ce soit, a moins qu'il n'ait prete serment » sur les saints Evangiles qu'ou ne les meltra point a mort , qu'on ne les » mutilera pas et qu'on ne leur infligera aucune peine; le coupa])le sera » tenu , neanmoins , de salisfaire a la partie. Celui qui sera convaincu » d'avoir \iole son serment sera separe , non-seulement de la commu- » nion de TEglise, mais encore de la table de tons les fideles catlio- » liques. Si la paitie interessee ne veut pas recevoir la composition , au » cas que le coupable s'enfuie par un motif de crainte , on ne pourra » le redemander aux clercs de I'eglise. » II. « A I'cgard des ravisseurs qui se sauvent dans I'eglise avec les filles » qu'ils ont enlevees , si c'est par force et centre leur gre qu'ils les ont » ravies et que le fait soit constate , la fille enlevee sera raise en liberte. » Le ravisseur ne pouna etre puni de mort ou de quelque peine afflic- » tive , mais il sera fait esclave et oblige de se racbeler. Si la fiUe a » donne son consenkuienl au ravisseur , ou devaut ou apres I'enleve- " ment , et qu'elle ait encore son pere , elle lui sera rendue , apres avoir » oblenu de lui le pardon de sa faute. Le pere ne pourra exiger aucune » autre satisfaction du ravisseur. » III. « L'esclave qui , coupable de quelque faute , se sera refugie dans » I'eglise , sera contraint de retourner au service de son mallre , des que y celui-ci aura prete serment de ne lui faire aucun mal pour son eva- » sion. Si, conlre son serment, le maitre est convaincu de I'avoir mal- » traite , en punition du nu'pris qu'il fait de I'Eglisc et du violement de )) sa foi , il seia sqjare de la communion et de la table , de la meme » maniere que nous I'avons ordonne ci-devant. Si l'esclave refuse de )) sorlir, quoique son mailre ait fait serment , a la demande des clercs , » de lui accorder sa grace , il pourra Ic liicr par force de I'eglise. » 332 niSTOIRE ECCLisiASTIQUE. IV. « On lie rccevra les laiqiies dans le clcrge que par ordre du roi ou » avec la peiriiission du juge ; niais les enfans dcs clercs , c'est-a-dire , » ceux donl les peces , aieux on hisaieux sont du clerge , seroul sous » la puissance et la discipline de I'eveque. » V. « Les ofTrandes ou les revenus des terres que le roi , noire seigneur , » a donnees a I'Eglise , ou pourra donner dans la suite , avec exemption » de charges , seront eniploy^s aux reparations des t'glises , a la nourri- » ture des t'veques, des pretres et des pauvres, ct au racliat des cap- w tifs. Les clercs, ([uijouissent des monies immunilcs , seront obliges de " travailler a racuvre de iF.glise. Si qiicUjue eveque fait un autre usage >• de ces biens , et ne veille pas sur les clercs , il en sera repris publi([ue- » ment parses comprovinciaux. S'il ne se corrige pas, les eveques se » separeront de sa communion. « VI. « Nous defendons d'excommunier ceux qui croient pouvoir pour- » suivre leurs droits , soil contre I'eveque , soit contre I'Eglise , pourvu » qu'ils n'emploient pas des reproches outrageans, ou des accusations » criminelles. » VII. « Les abbes, les pretres, tout clerc on religieux , ne pourront aller » demander des graces au prince sans la permission de I'eveque ; celui » qui agiroit autrement, sera excommunie et prive de son etat. Son eve- » que pourra neanmoins I'y relablir , lorscju'il aura pleinement satisfait » pour celte faule. » VIII. a L'evetjue , (jui ordonnera pre! re ou diacre un esclave qu'il con- X noitra tel , en I'absence ou a I'inscu de son mailre , dedominagera le » maitre au double ; mais I'esclave conservera I'ordre sacre qu'il aura » recu. Si I'eveque ignoroit sa condition , ceux qui le lui ont presenle , » et qui en ont rendu temoignage , seront tenus au meme dedomma- » gement. » IX. u Le diacre ou le pretie (jui aura commis un crime capital , sera u depose et excommunie. » X. « A regard des clercs heretiques ([ui se convertissent a la foi calho- » lique , ou des eglises que les Gotbsontjusqu'a present possedees , et » oil ils professoient leurs erreurs , si la conversion de ces clercs est sin- w cere , si leur foi est catholicjue , si leur vie est pure et sans reproche , SlXlilME SliCLE. 333 » ils seront recus par riraposition des mains dans I'office dont I'eveque * les aura jiiges dignes ; les eglises seront reconciliees avec les memes » ceremonies que nous avons coutume de reconcilier les notres. » XI. « Ceux qui , apres avoir recu la penitence , abandonneront leur etat » pour retourner aux actions du siecle , seront separes de la communion » et de la table de tous les catboliques. Celui qui , apres cet interdit , r> osera manger avec eux , sera lui-meme prive de la communion. » XII. « Le diacre ou le pretre , qui se sera eloigne de I'autel pour faire w penitence de quelque faute , pourra donner le bapteme , en cas de ne- » cessite, et s'il ne se trouve point d'autre miuistre de I'Eglise pour le » conferer. » XIII. « Si la veuve d'un pretre ou d'un diacre se remarie , elle et son i> conjoint seront punis et separes; s'ils s'opiniatrent dans leur crime , » ils seront tous deux excommunies. » XIV. « Suivant les anciens canons , que nous avons juge a propos de » renouveler , nous avons regie que I'eveque aura la moilie des offran- » des que les fideles feront a I'autel (dans la cathedrale), I'autre moitie » sera parlagee aux clercs,selon leurs degres. L'eveque continuera d'a- » voir I'administration des biens-fonds de I'eglise matrice. » XV. « Quant aux terres , vignes , esclaves , et meme I'argent que les fi- * deles donneront aux paroisses, on suivra la disposition des anciens » canons , selon laquelle tous ces biens doivent etre sous la puissance » de I'eveque, 11 n'aura que le tiers des offrandes qui seront faites a » I'autel dans les paroisses. » XVI. « L'eveque sera tenu de vetir et de nourrir , autant qu'il pourra, » tous les pauvres et les infirmes qui ne peuvent pas Iravailler. » xvn. « Les eglises baties en divers lieux , et celles qu'on batit encore » tous les jours, dependront , suivant les anciens canons , de l'eveque )) dans le terriloire duquel elles seront conslruites. » xviii. « Un frere n'epousera point la veuve de son frere , ni un veuf la » sccur de sa femme. » XIX. « Les abbes demeureront soumis aux eveques, comme il convient » il I'humilite de leur etat ; ils en seront corriges , s'ils font quelque chose 334 mSTOIRE ECCLKSIASTIQUE. y> conlrc la logle. lis s'assemhierout tous les ans dansle lieu que I'cveque » leiir aura marque. Les nioines obtiront en tout aux abbes : s'il s'en » trouve queiqu'un d'indocile qui veuille courir en dilTerens lieux , ou » posseder quelque chose en propre , I'abbe saisira , au profit du mo- » nastere , tout oe qu'il aura acquis ; le vagabond sera pris , avec le se- y> cours de I'eveque, et rcnfernio comme fugilif. L'abbe , qui iie punira » point de pareilles fautes, ou qui reccvra dans son nionaslerc un iiioiiie » etranger , sera traite comme coupable. » XX. « 11 ne sera j)as pciniis aux moines de se scrvir de Vorartum (i) , » dans leur monasterc , ni d'y porter des chaussures (A qui leur cou« )) vrenl les jambes. » XXI. (c Un moinc qui se marie , aprcs avoir pris le mantcau , ne pourra » jamais eutrcr dans Ictat ecclesiaslitjue. » xxii. « Aucun moine ne pourra quitter sa communaule , poiirseba- (f) I.c P. Longiieval , dans son second vol. de I'Uistoire de I'Eglisc gallicane, rend le mol urarium p.ir cclui li't'luk. Ce scnlimcnU'st refute par M. Ilcrmant , tome 2 dc son llis- toire dcs concilcs. o Le mnt orarium, dit-il , » sigiiilie proprcmcrit un liogc On , dot\t on » s'essuyoit le visage ; ct c'est cc que le con- » cile defend aux moines , et, apres lui , saint » Isiilore , dans la regie qu'il a f;iile pour les » moines , chap. 12. .. D. Ceillicr donne aussi le meiuc sens a Vorarium. Cclui qui I'employa le premier ful I'cmpereur Marc-.\urele, ainsi quo Tatteste Vopiscus. L'usage qu'il en lit eloit uniquement pour scrvir, en ragilant enl'air , de signe d'applaudisscracnl ou de bicnvcil- lanceaux spectacles. Nous voyons qu'il futin- troduil dans les asscmLlecs dcs Chretiens. Eu- sebc rapportc que Paul de Samosate , prechant un jour dcvaiit le pcujiie , s'atlendoit a rettc espece d'applaudissemenl. Depuis , onsescr- vit de I'orarium pour s'cssuyer le visage ct pour se moucher. L'clymologie de ce uum re- pond a ce dernier usage : e!le vienl du ccltique or, visage. {2) Le lexte latin porle Tzangas. Ccnom se tire du ccltique ( pour (i/, ain^i qu'on le rc- marque dans la vie de saint Ciildas; lerinequi vcut dire maison , et de zamjna , jambc : a la leltrc : maison dcs jamba. Les Gaulois consi- deroicnt Icurs vdtemcns comme aulant d'ha- bitations , ct se scrvoicnt dcs memos Icrmcs pour rendrca I'esprit les uns el les autres. Par exemple, caban signiGc pelilc maison, et manleau pour la pluic. Cc qui nous couvrc s'appelle habit, c'est-i-dire, petite maison . hob , maison; it on is ', petite. Le domino , doni on se couvre la teto ct les epaules, tire son nom de domus , maison. Copula (chasuble) \cul iWrc, habitlemenl J c'est un diniinutifde cas , habitation. Ctl :aqenn, ' tcrme egaleracnl cellique (habit) , a la memo originc : cas , ha- bilaliiin ;.qcnn.,.bi:lk. Le r^anja sc«:vpitdonc surlout a couvrir les jambes el a les garantir des dangers qu'ellcs pouvoicnt cssujTf 6laiit nucs ; c'est pourcela qu'on en usoil a la guerre cl en voyage ; mais , a la maisnn ct a la villc , cc vetement n'eloil pas d'usage. I'ne loiqu'oa trouve dans le Code Theodosicn , le defend cx- prcsscinent. •■i.'tutn Tzatijarum aique bracca- » ri/m infra tifbcm vcncraUUm nemini liceal )i jMKT/irtre. » Lex. 2^ Cod. Thcod. Charlema- gne ctcndilccllc loi aux cicrcs. « Clerici pam- » pis aul Tzanyis vcl arndi tion ulanlw.n Ca- pil. [ib. 7 , cap. 30'».Jl.anfrauc , dans son re- glemtnt poiir Kordre de saint Benoit, veut qu'on accordc Ife Tiatigd aui relig?eux , lors- qu'ilssont en voyage. Le 20'csnondu concile d'Orlcansn'en rcstrcintet n*eninterdili'usagc que dans le.niuniis'icrc. ■ ■ SIXli.ME SIECLE. 333 » tir line cellule parliculiere, sans la permission de son eveque, on I'a- » gremenl de I'abbe. » XXIII. « Si un eveque donne a des clercs ou a des moines quelques » pieces de vignes, ou de teires a cultiver, ou a posseder pour un temps , » ces biens reviendront a I'Eglise , quelque espace de temps qu'il se soit » ecoule ; et la prescription, qui est en usage selon les lois civiles , » n'aura pas lieu pour les biens de TEglise. » XXIV. K Tous les eveques ont ordonne que le careme soit de quarante » jours et non de cinquanle. » XXV. « Aucun babitant des villes ne pourra celebrer , a sa maison de y campagne , les fetes de Paques, de Noel et de la Quinquagesime (c'est- » a-dire , de la Pentecole), a moins que quelque infirmite ne I'y re- » tienne. » XXVI. « Le peuple ne soriiia pas avant la fin de la messe , et sans avoir » recu la benediction de I'eveque , s*il y est present. » XXVII. « Les Rogations, ou Litanies , seront celebrees, par loutes les » eglises , les trois jours qui precedent I'Ascension ; on jeunera ces trois » jours, et Ton n'usera que de nourriture de careme. Lesesclaves memes » ne travailleront pas, afin que tout le peuple puisse s'assembler. » xxviii. '( Les clercs, qui negligeront d'assister aux Rogations, seront » puuis (i) , a la discretion de I'eveque. » XXIX. « Les eveques , les pieties el les diacres se conformeront aux an- » ciens canons, qui leur enjoignenl d'cviler toute familiarite avec des » femmes etrangeres. y> XXX. « Tout clerc , nioine et seculier qui croira a la divination , aux » augures et a ce qu'on appelle faussement les sorts des saints, ou qui eii- » seigneia cetle doctrine, sera excommunie. » XXXI. « L'eveque se tiouvera le dimancbe u Teglise dont il est le plus » proche, a moins que la maladie ne Ten empeche (i). » (1) II y a, dans le teste latin, suscipianl partkulierement en usage dans les monas- discipUnam ; ce qu'on peut rendrc par ces teres, pour le maintien de la discipline, on a mots : quails soient fusligcs. Le terme disci- nomrae cette correction di>cipiin«. pUnc se pril d'abord pour toutes sortes de cor- ^-i) sirmond , Concil. Gallise. t. 1. reclions ; mais , comme la flagellation eloit • / 336 niSTOIRK ECCLESIASTIQUE. 26. Les actes de ce concile furent souscrits par Epipliane cle Nantes , Modeste de Yennes et Melaine de Rennes. Celui-ci fut rame de cette sainte asseniblee , par sa science ct son zcle a cnmbattre les erreurs des lieretiques. L'auteur de sa vie en apporte pour garants les acles du con- cile meme ; mais nous ne les avons plus , et il ne nous reste que les ca- nons dont nous venons de faire le rapport. 27. II paroit , par le rang de la souscription d'Epiphane au concile d'Orleans , qu'il ctoit plus ancien dans I'episcopat que les deux autres cveques armorifiues. Feut-etre tloit-il le successeur immt'diat de Nune- oliius , qui avoit assiste au concile de Venues , et de la niort duquel on ignore I'epoque. Ce fait est d'aulant plus probable, quT.iisebe, predeces- seur de IS'unecbius , s'eloit trouve , en /(G i , au concile de Tours. Nous n'ignorons pas qu'on place a Nantes trois eveques entre Nunecbius et Epipbane ; mais Icurs noms (1) ne sevoient que dans des catalogues dont Tautoritc u'est pas assez respectable pour qu'on puisse s'y arreter. 28. Si nous ne connaissons pas quel fut en detail le pontificat d'Epi- pbane , nous sommes , du moins , en droit d'assurer qu'en general il fut plein de merite. Ce ne fut que par de grandes qualiles que ce prelat s'ac- quit le nora qui lui est reste , c'est-a-dire, celui d'illustre (2). 11 y a tout lieu de croire que la langue grecque lui etoit familiere , et que , pour iustruire la posterile du cas qu'il en faisoit , on prefera d'y puiser son nom. 29. On est fonde a penser (|ue le sacre de Modeste avoit precede celui de saint Melaine. Le rang dans lequel il souscrivit les canons du concile d'Orleans senible en tire une preuve : il est done vraiseniblable qu'il reni- placa Palerne 11 , imniediatenient aprcs sa mort. 30. Ce prelat avoit recu son nom du celtique, sa langue naturelle, et la plus aiuiable des vertus le lui avoit donne (3). La gloire de Dieu et Id salut des araes qui lui etoient confiees faisoient I'unique objet de ses soins; Lien eloigpe de dominer sur elles , il s'en declaroit le serviteur en Jesus- Christ et pour Jesus-Cbrist. Sa retenue relevoit ses talcns nalurels et le rendoit d'aulant plus proprc a persuader les aulres, qu'il paroissoit se soumeltre a eux. 3i. On remarque , parnii les Peres du concile d'Orleans, un Lilba- {l) Cesnomssont CarmundusouCarmudiij; (3) Le nom de Mndeste csl iterivc du cel- Cerimius ou Cermicus ; Clement, aulrcment tique moiesJ, d'oii est vcnu le lalia modcjiu* Cletnalius, Ckmarius ou Clcmanus. et le franrois modcsle. (2) Epiphancs , iUuslre. rede sixiJ:me siECLE. 337 rede qui s'intitule eveque de I'eglise Osismieuue : c'est la raeme que celle de Quimper. La cite des Corisupiti , qui avoit ele erigee en eveche dcs la fin du quatiieme siecle , eloit un demembrement de celle des Osismii , dont Cesar et les auleurs du Haul Empire ont parle. Dans le temps ([ue Liiharedese disoit eveque de ce peuple, on n'en connoissoit point encore d'autre du mcme nom qui eut de la reputation dans les Gaules. Allcr cbercher dans I'Hieniois le siege de Lilharede , ou le faire eveque de See/. , c'est perdre de vue la cite des Osisinii , dont les anciens ont fixe, a I'eii- vi , la position dans la partie inferieure de I'Armorique , pour nous tians- porler dans un canton qui , quoiqu'il ait ete considerable , n'a eu de la celebrite que dans le moyen-age. Faire Lilharede eveque de Lisieux , c'est abuser de sa souscription ; le placer a Leon , c'est anticiper le temps de I'erection de cette ville en siege episcopal (i). (I) 1° II est certain que Lilharede n'a point ete eveque de Lizieux. Dans I'edition des con- ciles du P. Labbe et dans celle du P. Sirmond, Lilharede souscrit en ces terraes : aLUhare- » dus episcopus ccclcsio Oxomensis subscrip- » si. » D'autres portent Oximensis. On lit dans un manuscrit de Corbie : Episcopus de Vxoma. Dans cclui de Reims : e civilale Uxo- ma. Claude Robert, Severt ctquelqucs autres qui ne trouvoient point, dans loutcla Gaule, de siege k qui convint le nom i''Oxomensi$ , d'Oximensia ou Uxomensis , ont cru que le texte primitif etoit Luxovicnsis. Mais rien n'oblige d'avoir recours k celte correction ly- pographique, puisque, sans elle , on decou- vre la place qu'occupoit Lilharede. 11 est vrai que le P. Le Cointe (Annal. eccles. torn. 1. ad an. 502) avance cette proposition : « Ple- 1) rique Codices Lilharedum faciunt episco- » pum Lexoviensctn. » Les exemplaircs que nous avons cites sont publics : ceux qu'on nous oppose sont obscurs et nc sont proba- blement que des nomenclatures d'eveques , pcu propres a paroitre au grand jour. Aussi I'annaliste ne soutient-il pas absolument que Lilharede ait ete evdque de Lisieux ; il croit meme qu'on pent, avecautant de fondemcnt, le donner aux Lexoviens de la Bretagnc Ar- morique qu'a ceux dc Lisieux : incertitude qui laisse la question indecise ; mais ce que nous avons etabli pour la terminer reste dans toule sa force. 2" Lilharede n'a point ete eveque de Seez , quoi qu'en dise M. Trigan dans son Ilis- toire ecclesiastique de Normandie, tome i. Enefiet, il est constant, comme nousl'avoiis prouve , torn. 1. de notre histoire , p. 53 et suivantes(*j, que ce que Cesar, Strabon , Py- theas , Plinc et Plolemee rapportent des Osis- mii, convient uniqucraent k ceux de notre Armorique. Cinq siecles apres Jules- Cesar, on ne faisoit pas encore mention de ceux qui ont fail partie du diocese de Seez. Forlunat , qui naquit vers I'an 530 et mourut vers (;09 , paroit avoir parte le premier de rilicmois , canton fortetendu, qui renfcrraoit une ville qu'on a appelce Oximus, Oximum, Oximium , Oxmisus. Aussi M. Trigan, pour en prouvcr I'existence, n'invoque-t-il pas des monumens anterieurs au huitieme siecle. Parcc que Li- lharede souscrit, en 511 , episcopus Oximen- sis , faut-il allcr thcrcher son siege dans tine ville (}iViR pagus , tandis qu'on trouve un an- cien peuple de ce nom qui a conserve toule sa celebrite jusqu'a ce temps ? Les Osismii n'avoient pas seulement possede le Leonois , comme le fait entendre M. Trigan, mais , d(! plus, tout le terriloire des Corisopiii , quoi- qu'il n'en parle pas. C'est de ceux-ci dont Li- lharede etoit eveque. Get historien ne persua- dcra d'ailicurs k personne que les Osismii dc I'Armorique brelonne soient une colonic des habitansde rilicmois, ni que les CuriosoliU's aicnt ele places dans le pays de Baycux, vers la mer. En vain diroil-on que Lilharede a souscrit eveque des Osismicns , comme safiit Lo souscrivit depuis eveque de Briovere ; la (*) Voyez ci-dessus , Inlioduclion , n" 73 , p. 21. a. V. 43 - / 338 "niSTOlRE ECCL^SIASTIQt'E. 3?.. Commc Litliarcde signa les canons du concile d'Orlc'ans avant Mo* deste ct .^lelaine , I'cpoqiie de son avt'nement au sii'ge de Qniiiiper peul remoiiter jusqu'au temps ou mounil Albin , I'lin de ses prt'dc'cesseurs. 33. S'il porta le iiom de Lilharede , c'esl-a-dire , i^c\'('qiie tres-bon (i), ce lie fut point jioiir s'elever au-dessus des autres. II ne I'eut devant les yeux que pour sc rappeler que riionime a ete cree bon ; (jue nous ne sonimes fails que pour elre bons , de mauvais que nous somraes , et que nous devons nous rapprocber , autant qu'il est eii nous, de Dieu , bon par essence. Les litres de grandeur qn'on prodiguoit alors aux personnes revetues des dignites du siecle , ne hii paroissoient enfanlees que pour hercer I'orgueil. Celui-la seul lui sembloit grand , qui, en rendant au Crea- teur ce qu'il lui doit , se fait I'tjeil de I'aveuglo, le pied du boiteux , le pere de I'orplielin et de riiidigent. 34- Saint Guignole , abbe de Landewenec , qui etoit mort I'an So/j , avoit dtsigne , pour son successeur , un religieux de sa communaute. 1/innocence de sa vie I'avoil fail appeler Guenacl , c'est-a-dire , bon ange (a). .Son pere , qui lenoit un des premiers rangs dans I'Armorique inferieure, sa patrie, se nommoit Romelius ou Gomelius , ce qui veut dire : patssanl seii^neur (3). On croit qu'il exerca les fonclions importantcs dc comle dans une panic de ce pays; sa mere cloil sortie d'une faniillequi ne le redoii en rien a celle de Romelius. Le nom de Letice, qu'il porta, le fail assez connoitre (4)' 35. Si ces illuslres epoux se fircnl respecter dans le monde par les avantages que leur procuroient leur naissance et leurs emplois , ils moiilrerent f|ue leur grandeur ne les dispensoit pas de vciller a I'edu- cation dc leurs enfans. Leur premier suin fut d'inspirer a Gucnael la crainte de celui devant qui les juges de la terra seront juges , et de 1« (lifTtTcncc est que saint Lo cloit connu d'ail- ce prctendu siege disparoit avec Lilharede. leurs pour L-vtMiuc de Coulances , et que rien Passivus, au second concilc d'0rl6ans de fan ne (iL'posc que I-itharedc I'ail cIl- de Seez. On 533, snusciit : cpiscopus Sayiensis. sc Irmnpcrolt t'';;alcment si I'on pretendoit (1) Lilharede a pris son nom dc li. prince . qu'Hicraes a etc le premier siege des prcrpliius , prince qui, par ses qualiles, s'etoit attire heaucoup de vene- ration dans I'ile (a). [\o. Son education fut confiee a saint lltut. C'etoit un docleur celebre, dont la naissance egaloit le mt'rite. II avoit pour pere Bican (3) , Tun des principaux seigneurs de Tile , el pour mere Renguilide , fille de Sa- lomon , ancien roi de I'Armorique. Saint Germain d'Auxerre avoit pu lui aii-pol. Almoin assure qu'il y a subsisle jusqu'au dixieme siccle : c'est maintenant une eglise paroissiale. 40. Clo\is n'existoit plus alors , et I'.Vrmonqne etoit tombt^e en par- rai;e a Cliildebert , roi de Paiis. Wilur, aulrement Gwitar , commamluil pour lui dans la Basse- Armorique (3) : il t'loil a la Ic'le des troupes de nier et de terre. Sa naissance n'etoit pas moins distinguee que son poste; un emploi de celte nature fait supposer qu'il avoit eu part a la reduction de I'Armorique , et que c'etoit une recompense de ses services. Une ar- mee de 1 1 isons leuoit en respect la parlie superieure de I'Armorique : Corsolde en eloil le general {\). Le saint abbe crut devoir se presenter devant ^^ itur. La demeure or- dinaire de cc conile etoit a Tile de Bat (5) : il y passoit lout le temps qu'il (1) Cc havrc cslappclc Porz engm ou Pors cnMinc*, dans lesMcmoircs raainiscritsdu P. ilu Paz. Porz , porl; eugen , hocuf ; cnumel, iwuf. (2) L'cndroit oil saint Pol dcsccndit, se nom- moit Admo];cn; re terme est compose d'ad, pres ; dc mac, qifon prnnoncc 7»a/;, piai/ic , ct d'cn , ruisscau. L'ilc porloitle nom dc 3/e- iXona , mot tire dc mcou he , parlagte , divisee , et dc dun, montagnc ; cc qui veul dire : mon- tagnc qui a H6 sipank du contiiicnl. I'ncou plusicurs rivieres avoieiit cu leurs cours au- j)res de ccttc montagnc. Voycz cc que nous avons dit a cc sujcl , tome 1 de cclte Ilisluire , note (6) de la page 101 ct 102 (*). L'ile IJancc, qui est entre Ouessant ct Molenc, fait assez conndltrc par son nom qu'eilc a soulTert de grandcs variations: ban, ravayve , disoUc ; 9- Sa fa- mille qui , comme nous I'avons dit ailieurs , portoit le nom A' .ilbinn , Tune des plus illuslres de I'Armorique , avoit jusqu'alors soulenu son (1) Le mot Rnnccraij csl compose de ronz , (3) Marse tire son nom de mar , grnnd , et auprit : d'cr, ririfrr , ct d'ai , habHation : d't poiiry*, article te: re qui vtut dir: : le ^emeure aupres d'une riviere. grand, par antonomaic. (2)VilaS.Melanii. SIXIEME SIKCLE. 349 rang par ses services et ses emplois. Quelques-uns pretendent qu'il etoit de la paroisse de Languidic , pres Hennebon (i). Ce qu'il y a de constant a cet egard , c'est que le nom de Languidic annonce une maison dis- tinguee et puissante (2). 55. Docile aux inspirations de la grace divine, Aubin connut des son enfauce combien le joug du Seigneur est doux , et combien est leger le fardeau qu'il impose a ses serviteurs. La tendresse qu'il avoit pour ses parens, les agremens qu'il goutoit aupres d'eux, les esperances flatteuses que sa naissance et ses grands biens lui offroient , rien ne fut capable de ratlacber au siecle : les cboses creees ne pouvoient arreter un cceur fait pour le ciel. Pour rendre son detachement et plus assure et plus par- fait, il se retira dans un monastere, a I'extremite de I'Armorique. 56. II oublia , dans sa cellule, que la nature I'avoit fait pour comman- der. Esclave du Seigneur , il n'eut d'aulre volonte que celle de ses supe- rieurs ; il n'envisageoit en eux que les ordres de Dieu et son autorite. La naissance et les dignites que le monde encense , s'aneantirent devant lui. Tout ce qui devoit le quitter a la mort , ne lui parut que vanite ; I'hon- netete et la polilesse , qui doivent etre surtout I'appanage des grands, le distinguerent encore ; mais ces deux qualites, qui , pour I'ordinaire , ser- vent de voile a I'amour propre , etoient eclairees par la charite. Les aus- teriles auxquelles il assujettissoit sou corps , cet ennemi si redoutable de I'esprit, Ten rendirent le maitre. Attentif a veiller sur ses sens , il ne les laissa jamais s'ecarter ; ses yeux ne se d^tournerent point sur des objels dangereux; ses oreilles furent fermees aux plaisanleries et a la medisance ; elles I'auroient expose a raanquer au procbain. L'amour qu'il devoit a ses freres , etoit la regie de sa conduite envers eux ; soit qu'il fut renfer- me dans son monastere , soit que les circonstances I'obligeassent de se trouver au milieu du monde , les mouvemens de son cceur etoient diriges vers Dieu. 5n. Une vie si exemplaire lui attira I'estimeet la veneration desacom- niunaute. L'abbe , qui la cpnduisoit , etant mort I'an 5o4 , ce religieux (t) Proprium Vcnclcnsc. ret ; der , chine ; inn , riviere. La riviere d'E- (2) Languidic est un tcrme qui a pour ori- (el est ainsi appclee , parce qu'elle se parlago S\ne lann , habitation ; gui , iUustre , cl die , en plusicurs bras ; e , eau, riviere; tail , qui puissante; ce qui se rend par : terrequia ete se partage. L'Etel recoil, a Gevin , la peliU habiiee par une familte iilustre et puissante. riviere de Tail , qui se divise egalement en La paroisse de Languidic a pour Ircve Bran- deux branches ; le nom de Gevin marque le dcrion , sur I'Etel. L'nc forel de chenes a cou- conQuent : ge , riviere ; vin, confluent. vert le terrain de cctte succursaic : bran , fo- 35o HISTOIBE ECCL^SIASTIQCE. fut elu (I'une voix unaniiiie pour le remplacer. Ce choi\ fit egalement lionneur aux uns et aux aulres. Quand on se domie uii chef verUieux , c'est qu'on a envie de Timiter. Aiibin , qui n'avoit alors que Ironte-cinq ans , fit briller une sagesse consommte. II rendil sa commuiiaule a sa premiere ferveur ; ceux de st;s moiiies, qui paroissoient Ics luoiiis regies, embrassereul la reforme avec une sainte ardeur. La licdeur fit place au zele et a ractivite. Durant ce siecle, aiicun monaslcre ne fut plus saint et phis edifiant. Ce qu'on ne pouvoit se lasser d admirer , c'etoit I'ordre qui regnoit dans rofficedivin , ft les aulres exerciccs de la vie rrgulicre. Celte deference et cette cliarite mutuelle qui unissoient tous les membrcs, et sembloicnt n'en faire qu'un seul et meme corps dans une seuleet meme ame , etoient des avant-gouls de cette paix profonde qui fait les delices du ciel , et qui discerne un cha- cun, a proportion deses merites, sans que la jalousie, ce fleau de la societe , en puisse alterer la sereuile. Tant de verlus rassemblees dans la communaulo d'Aubin , luifireut donner le noni de saint monaslere , ou de Tincillac (i). Quehiues-uns ont cru que rArmorique renl'ermoit, dans son enceinte , cette lerre de benediction ; d'aulres en font lionneur a I'Anjou. II semble que le pays nantois pourroit la revendiquer avec aulant de fondement (•2). (1) Fortunat, qui a t'crit la vie de saint Aiibin , appclle sun inonasttTC Tincillaceine oil Cinrillacense. Cos deux nuiiis sonl cxacte- mcnt les mrmcs; I'S et le T se meltcnt indif- fercmmenl I'un pour I'aulrc dans le celliquc. Sen ou ten , sainl ; cil , monaslere. (2) D. Mabilion avance, dans scs Annalcs derurdredc saint IJonoit, tome |)r(;raier, qu'on n'a pu dccouvrir jusqu'a present quel eloit le iiionaslere de Tincillae , ni dans quel evechc il etoit situe. Deux raisons cngagent ccl his- toricn a penscr que c'est dans I'Anjou plu- tot qu'cn Armoriquc , qu'on doit placer ccllc communaute. La premiere est que, sainl Au- Lin a etc lire de Tincillac , dont il ctuit abbe , pour monler sur le siege d'Angers. La scconde qui lui paroit plus forte, et qui Test reeile- ment , est que I'orlunat passa par Tincillac en allant de I'uitiers a Angers, comrae le prouvenl ccs vers qu'il adrcssa asainteRade- gonde , qui avoit foule aux pieds une bril- lante couronnc pour porter la croix deJcsus- (^hribt , et i Agnes, abbesse i I'oiticrs ; Nam me digrcssum it vobis Eomimdiis amalor IIU suscc|)il qui bonil;ile solel. lliiic ciliis exciMTrns CarinCT dcvchor Anl;e : Tiiiclllaccnsi perfoiorinde loco. Iliiic saccr antistcs rapiiil luc Doiuicianiis Ad sancli Alhiiii gaiidia testa tialiens. On voit par li , dit Mabilion , que Fortunat vlnt de chez Edmond , a I'endrtjit qu'il ap- pelle Aula Cariaca, pcut-etrc le nume que Carrieres , proclie Thniiars , en Poitou , et de li au monasterc de Tincillac , d'oii Domicicii Femmena i Angers , pour y celebrer la fete de saint Aubin. Ce qui fait, ajoule-t-il , une route de |)eu de jours , au lieu que Fortunat auniit pris un grand detour, si , pour allor de Puiliers h Angers , il eiit dirige ses pas du c6lt de Vcnnes cl de Nantes. Mais, 1" on pent rcgardcr comnie certain que le dcsscin de Fortunat , quand il (lartit de Poitiers , n'c- toit pas d'allcr I'l Angers. .Apres avoir repondu aux politcsses d'Edmond , qui I'avoit si bien arcueilli a I'ordinairc, il s'cmpressa dc se ren- dre h Aula Cariaca : cilus escurrens CariaciB devehor Aulw. L'activite qu'il met dans cette SIXIEME SIKCLE. 351 58. II y avoit vingt-cinq ans que saint Aubin (i)etoitala tete de sa comrnunale, lorsque les vopux du clerge et du peuple d'Angers I'appele- rent au gouvernement de leiir eglise. La resistance qu'il fit pour ne pas consentir a son election , ne servit qu'a augmenler le desir des Ange- "vins : il fut oblige de ceder a leurs instances. L'elevation d' Aubin fut pour lui un nouveau motif de croitre en ver- tiis, pour en repandre les influences dans le champ qu'il s'etoit charge de cultiver. Minislre d'un Dieu homme , qui s'est fait gloire de sancti- fier rhumilile , il se regarda comme une victime devouee au service de son peuple. 11 fut le pere des pauvres , le consolateur des affliges , le liberateur des esclaves , le medecin des ames et des corps. L' esprit de Dieu , qui I'avoit porte a la reforme de son monaslere , n'eclata pas moins dans celle qu'il iutroduisit en son diocese. La grace des miracles , dont le Tout-Puissant I'avoit honore dans I'obscurite du cloitre , ne I'aban- donna pas durant ses travaux apostoliques. Ces evenemens extraordinai- res auxquels le Providence daignoit se preler , etoient entre ses mains, comme autant de moyens assures dont il se servoit pour faire entrer dans la bergerie de Jesus-Christ ce qui restoit de paiens, pour edifier les fideles el menager leur salut. Dans un voyage que le Thaumaturge fit a Venues , il ressuscita un mort ; ailleurs , par le signe de la croix , il rendit la vue a trois aveugles. circonstancc suppose qu'il avoit de puissans motifs pour hater sa raarche. A Tincillac , il trouvc I'eveque Domicien qui lui fait de si fortes instances pourle suivre a Angers, qu'il ne peut s'y refuser : rapuil me trahcns. Ce voyage n'etoil done pas premedilc, lorsqu'il sortit de Poitiers. 2 ' L'Aula Cariaca n'est pcut- etre pas Carrieres. Suivant la Chroiiique de Nantes , Guerrande s'appeloit autrefois Aula (Juiriaca. Le terme Aula etoit pris ancicnne- lUL'nt pour la maison d'an prince ou d'unc per- sonne conslituceen dignile. Ccluide (Juiriaca se tire de kir , fermd. On sail que \c q , le t et le c , ont dans le cclliquc , comme dans toutes li's autrcs langues , le meme son et la meme valcur; iaca est unc tcrminaison laline qui nexprime ricn. Par Aulaquiriaca , on cnten- doit unc maison forlifii'c, un chateau. L'Aula Cariaea de Fortunat signifie la raeme chose. Car , ferme , cnclos. Aula quiriaca ct Aula eariaca donncnt done I'idee du m^me lieu, f.'est done a Guerrande qu'il falloit chercher Wiula cariaca. Le nom de Guerrande fournit d'ailleurs les memos notions; guer , palais ; and, prince • palais du prince. Gucrech ii y sejournoit souvent. Sainte Radegonde , qui n'nvoit rien de plus h coeur que de retablir la pais enire les princes de la Gaulc , avoit pro- babiemcnt depute Fortunat vers Guercch. Quoi qu'il en soit , on doit reconnoitre que le monastcre de Tincillac etoit voisin de Guer- rande, et vraisemMablemcnt dans le Nantois , vers les conGns de I'Anjou. Nous ne pensons pas ccpendant, avcc D. Lobincau , Vies des Saints de Brctagne , qu'il ait etc a Tilliers. L'analogic qu'il a cru trouver entre Tincillac et Tilliers , n'est qu'apparcnte : Ii , habita- tion ; Hex , riviere : lieu voisin d'une riviere. (1) Surius rapporte que saint Aubin condui- sit son monastcre pendant vingt-cinq ans. Les deux manuscrits dont Mabillon s'est servi , ne portent que cinq ans. M. Fleury s'est atta- che a ceux-ci. Nous suivons cclui de Surius avccM. Baillct et leP. Longueval , autcur de rilistuire de TEglise gallicanc. 352 HrSTOIRE ECCLlfsiASTIQUE . L'action que nous allons detailler donnera un nouveau jour a sa cha- rite. Une dame, nommc'e Eterie (i) , t'toit prisonniere a Bullae, dans le diocese d' Angers , pour une somme d'argent quelle ne pouvoit payer. Comnie on la traitoit avcc durete et qu'il lui eloit defendu de con- verser avec qui que ce fi'il, Aubin apprelienda que, livree a elle-nu'ine, elle vint a tomber dans le dt'scspoir. Le tendre pasteur , qui auroit don- ne sa vie pour conserver cclle des ames de ses ouailles , prit le parli d'aller visiter celle rc'cluse. Sa charile , feconde en ressources, le fit trioniplicr de la vigilance des gardes. Des qu'Elerie I'apercut , elle sejela a ses pieds el Ics serra I'troileinent , sans pouvoir lui temoigner sa re- connoissance, autrement que par des larnies et par des soupirs. Un des soldals , qui eul connoissance de ce qui se passoit , bien loin d'adniirer le courage du pontife el la gralilude de celle fenime desolee , aborda celle-ci avec une espece de fureur, et I'arraclia avec violence des pieds de son consolaleur. Aubin , peu touclie de la luaniore dont on le trai- toit , ne fut pas nioins sensible a rinsulte qu'on faisoil a celle dame ; il jelle un regard fDudroyant sur le barbare ; du souflle de sa bouche, il le renverse par terre. A eel aspect , les aulres gardes sont saisis de frayeur : la punition de leur compagnon leur apprend a avoir du nioins pitic des mallieureu.v lors(|u'on ne peut les soulager autrement , et les fait s'a- baisser devant le saint evcque. Sa tcndresse palernelle I'arreta quelques jours aupres de celle dame , afui de la consoler. Pour mcUre le comble a sa bienfaisance , il delivra a ses creanciers I'argent qu'elle leur devoit , et la rendil a sa premiere liberie. 5g. La douceur , qui faisoit le caraclere de saint Aubin , ne I'empechoit pas d'etre ferme (juaud il cloit question des iiiturels de Dieu el de main- tenir la discipline ecclcsiastique. 11 s'cleva avec force conlre les mariages incestueux. Saint Jean -Haptiste fut le modele qu'il se proposa ; il crul (jue , comme lui , il trouveroil des Ilerodes ; esperant dans la grace qui avoit si bien servi ce precurseur du Jlessie , il etoit resolu de defendre la cause de Dieu aux depens de ses jours. Pour ne rion faire avec precipitation , il prit conscil des personnes les plus sages et les plus cclairces. 11 se transporta raemc jusqu'a Aries , pour (1) Eleric a pris son nora d'c , article , cl Jc Ser. C'csl dc la qu'cst vcnii le nom dc Sire , (fr, ou ser, monlagne ; 3\x figure , i/rand , dont on s'esl scrvi en France , depiiis le Irei- eleve. Le lermc Eterie estdonc un nom gone- zii-me sicclejusqu'au scizicme , pour designer rique , qui vcut dire, la grandc on la Dame, une pcrsonnc de condition, ct qu'on a reserve l,e gallois ct le brcton Syr est Ic iu(ime que dcpuis ce temps aux teles couronnces. consuUer SIXjijIE SIECLE. 353 consulter le celebre saiut Cesaire , qui en eloit eveque ; il fit lous ses ef- forts dans plusieurs conciles pour faire cesser le scandale des mariages incestueux ; il employa meme les censures ecclesiastiques centre ceux qui ne vouloient pas quitter ces desordres. Les aulres prelats , qui, par leiir caractere , avoienl la meme cause a defendre , n'eurent pas toujours la meme fermele ; il se laissa lui-meme ehranler dans un concile par leiir exemple et par leur autoiite : c'etoit probablement une assemblee de la province de Tours. Une personne puissante, que le saint avoit excom- muniee , s'en plaignit aux eveques , qui I'obligerent de lever la censure ; mais, comme ils le prioient de benir les eulogies, c'est-a-dire , le pain qu'ils envoyoient a ce penitent , en signe de son rt'tablissement a la com- munion de I'Eglise , il rc'pondil : « Je suis oblige de ceder et de voiis j> obeir ; mais , tandis que vous abandonnez la cause de Dieu , il saura la » defendre lui-meme. » En effet , la personne excommuniee mourut avant I'arrivee de celui qui lui portoit ces eulogies de la part du con- cile. Ainsi Dieu condamna la molle complaisance de ces eveques , et jus* tifia la severile apparente de son serviteur. Ce miracle dessilla les yeux des eveques qui avoient tiabi les regies etablies. De saiuts eveques, parmi lesquels on distinguoil saint Aubin , assembles au troisieme concile d'Orleans, remirent en vigueur, par leur dixieme canon , le trenticme que les Peres d'Epaone avoient dresse en 5 1 7. Ce canon defendoit les mariages avec la belle-sa'ur , la belle-mere , la belle -fdle, la veuve de I'oncle , la cousine germaine on issue de gerraain. 60. Aubin contiuua de travailler sans relacbe a la vigne du Seigneur. » II maintint dans sou diocese I'observation des saints canons pendant le reste de ses jours : sa mort fut semblable a sa vie ; elle lui ouvrit I'enlree a une immortalite glorieuse. Cet evenement arriva le i" mars 55o (i). Six ans s'eloient a peine o'coulc's , qu'Aubin fut propose a la veneration des fideles. Saint Germain , eveque de Paris, Eutrope, successeur immt'- diat du saint, et plusieurs aulres prelats, firent, en 55G, la ceremoiiie de lever son corps de terre et de I'encliasser. Le grand nombre de mi- racles qui s'opererent alors justifierent le jugement qu'on avoit porle de son eminente saintete. L'Armorique s'empressa d'honorer celui a qui elle avoit donne le jour. Presque toutes ses eglises en out fait I'office (laii« (1) Fortunal, In vila S. Albini apud Bol- bintau, Vies desSainls dc Brctagnc. land.Mabillon , Act. SS. ord. S. Benedict. T,o- 45 354 niSTOIRE ECCLl'SIASTIQUE. leurs breviaires. Les villes de Guerrande et du Cormier le reconnoissenl ])our patron : pliisieurs paroisses sc sonl miscs sous sa protcclion. Gi. L'eglise dc Rennes , aprcs la niort dii saint et savatit evecjue qui Tavoil gouvernee, mit a sa tele Febediole. L'humilite et la charile le ca- racleriserent : ces deux vertiis-, qui sont le fondeinent des autres , le ren- dirent clier a son peuple (i). II assistaau cinquieme concile d'Orleans de I'an 549 et en souscrivil les actes. Ga.Marse, eveque de Nantes, n'ctoit plus ; Eunicre I'avoit remplace an nioins des Ian 533. II se trouva , cette annee-la meme , au second concile d'Orleans, et au quatrieme qui se tint dans la meme ville , Ian 541. Quant a celui de I'an 538, le prelre Marcellien , son depute, le souscrivit en son nom (2). G3. rumcre ctoit un prelat d'un nierile superieur : sa naissance n'etoit pas moins dislinguec. L'office dejugc, (ju'il avoit exerce dans le siecle , avoit fait connoilre sou dosinleressenient et son inlegrite. Son eloquence lui avoit ac(juis une reputation fort etendue. Sa vertu ne se dementit pas dans I'episcopat : il fut ohligcant , doux et sensible ; la colere qui, pres- (jue toujours, se voit abandonnee par la raison et la vertu , n'eut point d'enipire sur lui. La sercnile de son visage apprenoit aux autres a se mo- derer ; la patience lui parut trop belle el trop aiiuablc pour se laisser toucher par des injures : il envisageoit de loin celui qui doit la couron- ner. Tout etranger avoit droit a sa table : les niallieureux attiroient liurtout ses regards; leurs maux devenoientles siens : les pauvres etoient sa famille ; sa main bienfaisante alloit au-devant de leurs besoins; il leur ))arlageoit avec joie les biens qu'il avoit recus de ses peres et ceux de son eglise. Les malades , cette portion du genre humain (|ui doit etre si cliere a celle quijouit de.la sanlc, exciloit sa compassion : il les visiloit (1) Lc nomdc Febediole sc tire de fe , petit, mcrioepiscopocccIcsiicNamnctensis siihscrip- humble ; de bed , bon , ct d'iul, agi cable. Ce si. » Lc mot Domnus ainsi quo ccliii de Homi- qui vent dire : homme qui s'esl fail aimer par nus sont tires du cclliquo dum, qui, dans lc snn humilild el sa bnnle. D. Morice avanco , sens propre ct (ij;ur('' , di'signcreiil loul ee qui dans sa Lisle clirunologique des evcques de est iHeve. Les Peres du concile de Tours , (tc Rennes, qu'un Febediole 1 souscrivil parpro- I'an 461 , donnenl h saint Martin le litre de curourau concile Icnua Frejus , vers I'an 439. Dumnus , c'csl .i-dire , de Seigneur. On avoit Pour g.iranl, il cile le quatrieme volume des commcnceA s'enscrvir desle quatrieme siecle. Anecd'iles dc I). Marlene. Nous n'y avuus Sairil Klicnne est appcle Dnmnus Slephawu , |)oinl lu cc fail ; ce qui nous a determine a ne dans la relation de I'invenlion de ses rcliques. reconnoitre qu'un Febediole. Dom est une distinction encore h present re- (2) Marcellien souscrivil en ccstcrmesles servee aux nobles dans I'Espagne. Ce litre se CTnunsdu Iroisicme concile d'Orleans : "Mar- conserve en France dans le sens dc ticui , celliaous presbyter directus a Domno meo Eu- parrai quclques ordres religieux. SrXIEME SliCLE. 3^3 tous avec une tendresse de pere et leur lenoit lieu de medecin. C'est l;i le portrait que Fortunat a crayonne de ce pieux eveque (i). Eumere , en rendant a ses uuailles ce qu'ii leur devoit , n'en etoit que plus dispose a la decoration des temples du Seigneur. 11 jeta les fondemens de cette fa- meuse basilique de Nantes , qui fut aclievee par Felix , son successeur. 64- Eumere trouva dans son diocese un enfant qui ne se souvenoit pas d'avoir ete baptise , mais qui se rappeloit seulement d'avoir eu la tete enveloppee d'un linge. Ne voulant pas decider par lui-meme ce quii avoit a faire dans cette circonstance , il chargea quelques-uns de ses diacres d'une lettre pour saint Trojan , eveque de Salutes : c'etoit un prelat qui s'etoit attire une estime universelle , et dont la saintete etoit lellemeut averee qu'il ne pouvoit porter de frauges a ses habits , qu'on ne les arrachat aussitot pour les conserver comme des reliques. Dans la reponse qu'il fit a Eumere , il se traite d'humble ministre et honore son confrere du titre de seigneur bienbeureux en Jesus-Christ, suivant lusage encore en vigueUr. Apres ce preambule, il dit que le linge dont cet en- fant se souvenoit d'avoir eu la tete enveloppee, eloit un signe equivoque, puisqu'on enveloppoit souventla tete pour cause de maladie. C'est pour- quoi il conclut : « sachez qu'il est ordonne que quiconque ne sesouvient » pas d'avoir ete baptise , si personne ne pent prouver qu'il I'ait ete , » doit recevoir au plutot le bapteme , de peur qu'on ne nous demande » compte de cette ame, si elle demeure privee de ce sacrement. « Le linge dont on enveloppoit la tele du nouveau baptise merite notre atten- tion : cette bandelette n'etoit sans doute employee qu'a cause de I'onctiou du saint chreme , comme on le pratique encore aujourd'hui dans quelques endroits a la confirmation. Nous ne connaissons point d'autres particu- larites de la vie d'Eumere , mais on ne pent douter qu'il n'ait ete grand selon Dieu (a). 65. Un seigneur de I'Armorique , a qui ses grands biens avoient fait donner le nom de Petran (3) , avoit epouse une fille que sa naissance faisoit appeler Gueane (4). L'un et I'aulre etoient encore plus recomman- dables par les qualites de I'ame que par celles qui frappent les sens. Un fils devint le fruit de leur mariage , vers I'an 48o : ils benirent , en (1) Lib. 4. carm. 1. richesses , ct de rann , parlage •■ homme qui a (2) Le nom d'Eumere se tire d'eu , parliculo ^e* richesses en partage. qui marque le bien , et de mcr , grand. Ce qui (4) Gucanc est ainsiappclre Ac gucnn, belle. Tout dire : Ires-grand homme. Ce titre, si recherche par le sexe , scdonnoit (3) Petran est un terme compose de peih , a"'' femmes de qualile. 356 HISTOIRE ECCLl^SIASTIQUE. recevant ce depot , rauteur de leurs jours et de la vie de cet enfant. Aiiimes du desir d'une vie plus parfaite, ils ne se regardorent plus que comine frere et swur : ils s'occupcrent uni(iueinent des mo^ens de parve- nil' a cet ^tat heureux oii Ton ne connoilra plus de maris et d'epouses, et oil tous ressembleront aux anges. Gueane se chargea de I'education de son fils. Pelran quilta I'Arraorique pour se retirer en Iilande , oil il vecut Je reste de ses jours dans les exercices de la vie solitaire. 66. Lcur enfant suca avec Ic lait le germe de tnutes les verlus. Comnie il devint dans la suite le perc d'un grand uombre de religieux , il merila le nom de Palerne, que la posleiite lui a conserve. Sa piete envers Dieu le porta vers la retraite ; rexemjjle de son pere, qui avoit abandonne ce qu'il avoit de plus cher pour servir sans partage le maitre de I'univers , lui offrit un nouveau motif dc tendre a la perfection. 11 fit son apprentis- sage dans un des raonastcres de I'Armorique , sa patrie. 67. A peine etoit-il dans I'adolescence , que, d'ajjres la conviction que Ton avoit de ses talens et de ses vertus , on le mil a la tete de liuit cent quarante-sept moines qui passerent avec iiii dans la Bretagne. Le conite de Cardigan , an pavs de Galles , leur donna un asile : le peuple leur batit un monastcre. L'enilnenle saiulete de I'abbe le fit cboisir pour superieur general des religieux de toule la conlree. La plus considerable de toutes ses coramunaules etoit celle de Llan-1'atern-Vaur (i) : elle fut dans la suite cbangee en siege episcopal. Durant le voyage qu'il fit en Irlande pour voir son pere , il y rccoucilia deux princes ((ui se faisoient uiie guene sanglante. Il fit le pelerinage de Jerusalem avec saint Davy et saint Teliau : il y fut sacre evecjue par Jean iii , qui en etoit patriarclie. Apres son retour , il conlinua de gouverner, avec une satisfaction ge- neralejes communautcs de sa dt'pendance. Son temps etoit partage entre la priere et le travail des mains ; ses jeunes etoieut frequens ; riK)spitalitr etoit une de ses vertus favorites ; il avoit pour les pauvres des entrailles de pere; les afTligt's trouvoient en lui une ressource a leurs niaux. 68. Son eloignement ne le rendoit pas moins cher aux .\rmoriqucs : ce que la renonunc'e publioit de lui , faisoit faire des voeux pour son re- tour en sa patrie. Les Vennetois , qui venoient de perdre leur eveque (probablement Modeste), jeterent les yeux sur ce saint abbe. Hoel iii- terposa son credit dans uue affaire de cette consequence. Paterne sc rendit aux dt'sirs du prince et a ceux de ses sujets. (1) Llan-Patcrn-Vaurse rend par iglisedu icrnc ; vaur ou mavr , grand, grand Paiernc. Hann, eglise ; PaUrn , Pa- V SIXIEME SIECLE. 357 II porta dans rArmorique les meraes verlus donl la Bretagne avoit ete temoin. Pour ne pas perdre I'esprit de recueillement si necessaire a tout pasteur , il fit batir un monaslere proche sa ville : il lia une elroite amitie avec saint Sanson. On assure que la plupart des eveques de la pro- vince payoient alors des redevances a I'eveche de Dol ; on ajoute que saint Sanson , par egard pour saint Paterne , en dechargea le sien. Les eveques armoriques-bretons , c'est-a-dire, ceux de Quimper , de Vennes et de Leon , se faisoient un devoir de deferer a I'ancien metro- politain d'Yorck , les menaes honneurs dont il avoit joui dans son pre- mier siege. Saint Paterne , a qui des personnes mal intentionnees prete- rent des vues contraires, detrompa saint Sanson a ce sujet , dans une assemblee des eveques de celte parlie de I'Armorique. Il y donna des preuves non equivoques des egards qu'il avoit pour ce respectable pontife. Ce ne fut pas la la seule mortification qu'on tenta de faire souffrir au pieux eveque de Vennes. Des personnes puissanles ouvrirent conlre lui la persecution , et (juelques-uns de ses religieux memes , a qui Tausterite de sa vie faisoit orabrage , enlrerent dans la meme lice. Le pasteur ne leur opposa que la patience et la douceur. Peu salisfaits de la violence ils eurent recours a la caloranie. Paterne fut pleinement justifie dans le synode des eveques, quoique quelques-uns d'enlr'eux fussent preve- nus contre lui. La jalousie apprit a se taire et la charile reprit ses droits. 69. Cependant I'eveque de Vennes , au lieu de retourner vers son peu- ple, s'enfuit dans une terre etrangere. Comme Jonas , il avoit ete I'occa- sion de la tenipete qui s'etoit elevee; mais I'un avoit evite d'accomplir les ordresdu souverain maitreet nieiitoit d'etre puni;rautre, altentifa ecou- ter la voix de sa conscience et a suivre la loi de son Dieu , malgre la malice des hommes , etoit digne des plus grands eloges , et n'avoil que des recompenses a attendre de la justice meme. Ami de la pais , il crut ne pas en acbeter trop cher la conservation par sa retraite : jl abandonna meme I'Armorique , et alia s'exiler cliez les Francois. Sa mort arriva pro- bablement quelques annc'es avant le milieu de ce siecle (i). 70. Un saint eve((ue de I'ile de Bretagne , qui etoit venu s'etablir en Armorique , donna la naissance a I'eveche d'Alet. Celte fondation , a ft)BoIland.inAct.Sanctorum;JoannesTiD- des. Antiq. p. 276;D.Morice, Hist, de Bret, molhensis; Capgravius in vita S.Paterni; Bui- t. 1. p. 928; Albert le Grand, Vies des Saints teaUjHist. Ord. S.Bened.; Usserius, Brit. Ec- de Bretagne. 358 IIISTOIRK ECCLESIASTIQCE. laquelle la religion el I'aulorite civile applaudissoienl a Tenvi , ne fit pas moins d'lionneur aux cbrt'liens de celte forleressc , qui le clioisirent pour leur pasleur , qu'au discenicmeiU du roi Iloel qui y donna les mains. Le noni sous Icqucl nous counoissons cc saint , est Malo. Nous \er- rons par la suite pourcjuoi on Ic lui donna. Son pore ctoit probablcmenl seigneur de Caerwent (i) , et se nommoit Gwenl ou Vent (2). Son epouse s'appcloit Darival ou Derivale (3). 71, Malo ful baptise par saint Brendan , aulrcment saint Broladre. Des qu'il fut susceptible d'tducation , ses parens le niireut sous la discipline de cet babile luaitre (4). Brendan etoit nn dcs plus fanieux eleves de saint Finian , et avoit t'le perfectionne par le ceiebre Gildas I'Alba- nicn. U donna ses lecons dans le monastere de Lau-Carvan , au comte (1) Sigcbertdc Gcml>lours , qui vivoil dans lo onzicmc siecle, autcur de la \ie dc saint Malo , s'expriine en ccs Icrracs : « Pater ejus , » Guenl nomine , comes fuil, qui urbis Gi- » micastrum vocata; condilor cxtitil ; matrem » ipsius Darival acccpimus.n La vie du memo saint, ccrito par un moinc anonynic , que du Bosc a publiec dans la Uibliothcquc dc FIcuri , porte ce qui suit : « In Britannia » quadrangula , qua rcgio Vcnti dicitur , ma- » Irc nomine Dcriirala nalus , quce erat soror » Amonis, patris sancti Samsonis , ft L'mbrafel » patris saucli Maylorii; ex patrc nohilissimo » regionis illius, nnnwie Tento, oriundus fuit. » Pour connoftrc queilos etoient Ics possessions du pere de sainlMalo , ii faut savoir ce qu'e- loil Gimicaslrum et regio Venli. Gimicastrum est un terrae compose de gies , lorlueuse , en sous-cntcndant riviere; de mi, aupres , et du mot latin caslrum, fortification ; ce qui veut dire : forleressc aupres d'unc riviere tortueusc. I.e mot vcnti est lire dcvenl, riviere ; ainsi , rcgio vcnti signific : pays arrosi par une ri- viere. II exislc encore de nos jours, dans le comte de Montmoulli, une bourgade .1 Irois lieuos de Caerlcon , qu'on appclle Caorwcnt, parce qu'ellc est si(u6e sur une riviere. Celte riviere se nomme Wie : c'est exactemenl la mime que Gies. L'v et Ic g se mellent indif- fercmmenl I'linpour I'autre au rommenccnipnt du mot. I. a \\\o haigrie une parlio du Mont- moulhihire, oii ellcdecrit bcaucoup desinuo- sitcs. Caerwent ne differoit point dc la Venta Silurxm , dont il est fail mention dans lltine- raire d'Antonin. Caer , ville ; venl, riviere; ven , riviirc ;ta, habitation. Caerwent eloit la capitale du Slontmoutlisliirc, et lui donnoit le nora ; en efTet, ce pays a ete long-temps ap- pelc Guent ou Wentlan. Le lien de Caerwent n'est rcmarquable dc nos jours que par ses ruines : on y voil dcs debris de muraillcs qui avoient environ mille pas de circonfcrence , et quelques rcmparts. On y a decouvert aujsi des monumens d'antiquile , tels que dcs paves a la mosaique et des medaillcs. D'aprcs ce que nous venons dc rapporter, on peut toii- clure que Vent ctoit seigneur dc Caerwent el d'uneparticduMonlmouthshirc; mais c'est trop avancer que dc lui atlribucr la fondation de cette capitale : I'autoritc de Sigcbert n'a pas assez de force pour balancer celle de I'lline- raire. (2] Le terme Gwenl ou Venl se rend par ti- litTC. Ap|)liquc au p^re de saint Malo, il a dil signilior un homnip qui eloit le mattre du ter- rain que la Gic ou la NVic arrosoit. (3) Le nom dc Darival a pour originc da . qui a pour domaine ; ri, rivitre , et wal , for- teresse. Cclui de Dcrirafcvicnt de dcr, dame ; d'i , riviirc , ct de teal , forleressc; par oil Ton entendoit une dame a qui appartcnoit une place forte el le terrain arrose par la riviere voisinc. (4) Le mot lircndan est forme de brcn , clief. maitre , ct de dan , excellent. Le saint a (le encore appele lirenvalat ; de bren , chef, etde val, grand: lirvladre ; dc bro , maitre, ct dc lacd , fi'cond. SIXIEME SIECLE. 35g de Glamorgan, ou Ellenius(i), grand lilterateui , avoit auparavant ensei- gne. Des disciples de tout age se rassemblerent souslui : il en eut jusqu'a pres de trois mille. 72. Ix jeune Malo repondit si bien aux instructions de Brendan , que tout le monde fut surpris des progres qu'il fit dans les letlres et dans les sciences divines. Ses mceurs respiroient I'innocence et la candeur ; tout a lous, il savoit s'attirer la bienveillance des uns et des autres. On le voyoit lour a tour enfant avec les enfans et vieillard avec les vieillards ; nio- deste , il ne s'eleva jamais au-dessus de ceux qu'il suipassoit , ni ne se compara a ceux qui I'egaloient ; bumble , il se tenoit au-dessous de ses inferieurs. Son abstinence etoit grande ; la mortification de ses sens le detacboit de la terre, et lui donnoil une facilite merveilleuse a la reclier- cbe des biens spirituels ; son temps etoit parlage entre la priere et I'etude. 73. Pour se preserver de la contagion du siecle , que les guerres intes- tines et celles des Saxons rendoient plus dangereuse , Malo rccut des mains de Brendan la tonsure monacale et I'babit de religion. Ses talens et ses vertus lui gagnerent la confiance entiere de son abbe. 74- Ce fut aussi un nouveau Joseph pour quelques-uns de ses freres : la jalousie entra dans leurs coeurs. Les egards que Brendan avoit pour son fils bien-aime , leur parurent injurieux : ils cbercberent a s'en venger contre IMalo. Leur envie ne servit (ju'a les abaisser et a mettre dans un plus grand jour la saintete de leur confrere. Heureux si de la ils avoient pris occasion de I'imiter! Pour lui , persuade de plus en plus du prix de la vertu , il s'elanca vers elle avec plus d'aclivite ; il eprouva que le cloitre ne fait pas les saints, et que, quand le vieil bomme ypenetre , il y fait des ravages aussi terribles que dans le monde. Semblable a un toirent qu'une forte digue a long-temps retenu , s'il vient a francbirles barrieres que la religion lui a constamment opposees , on n'apercoit plus que du desordre et de la confusion. 75. Amis de la paix, Brendan et Malo crurcnt devoir ceder a la tem- pete : le courroux de la mer leur parut moins formidable que les pas- sions des bommes, lorsqu'elles sont decbaiut'es. Les iles du nord , (ju'ils visilerent , leur fouinirent I'occasion de confirmer dans la foi et dans I'exercice des bonnes cruvres , les cbretiens qu'ils y trouverent ; ils eu- rent la consolation de s'edifier avec les saints personnages qui y vivoient : (1) EUenius lire son nom d'eJ , grande, el ou Ir'cs-savanl. de Un, science: homme de grande science , 36o UlSTOIBE ECCUisiASXrQUE. c'eloiciil la les lieux forlunes qui convenoient a leur cliarilc'. Leur voyage ifC lermiua par les Orcades (i). 76. Ccpendanl I'orage , qui s'eloit forme a Lan-Carvan , avoit disparu : les faux freres , qui I'avoienl occasionne , s'etoieut retires. La comma- iiaute recut avec une joie inexprimable les deux saiuls , et s'einpressa d'lioiiorcr leurs veilus. Malo se devoua loul enlier a ses premiers exer- cices : sou humilile iie Irouva rieu de Irop has ; la joie , ([u'il gouloit daus le Seigneur , etoil pure. Mais s'il se regardoil comme un serviteur inutile el comme n'ayant en parlage que des dcfauls , les aulres decou- vroienl en lui les perfections que son aneanlisscmcnt lui cachoit. Ce qui Iroubla la serenile de son ame , fut la reception des saints ordres. 77. Peu de temps aprcs , le siege episcopal de Caerwent , dont son pere avoit etc conile et ou il avoit pris naissance , vint a vaqucr par la morl de son eveque. Le peuple , que la renommce avoit inslruit des rares (jualilcs de Malo , se rendit en foule a Lan-Carvan , et le demanda pour j)asteur. Le limide religieux , qui ne craignoit rien tanl que les dignites ecclesiasticpies, se crut indigne de cet lionueur; pour ne pas Taccepter, il cmploya les representalions les plus fortes et les prieresles plus lou- chantes. Sa resistance augmenla les poursuiles ; sa cellule fut forcee ; il Alt cnleve malgre ses protestations et ses larmes ; on le conduisit a Caerwent , ou il ful sacre eveque. 78. Les voeux du public ne furent accomplis qu'en parlie; lis abouti- rent meme a le priver de ce saint pontife. Quelque avautage que Main trouvat a le scrvir, il rencontroit dans son niinislere trop de distractions rjui le dclournoient de ses premieres occiqialions. Une multitude d en- fans qui I'environnoient pour lui demander le pain spiriluel ; les oris des pauvres , lesgemissemens , le bruit tumultueux des valets et des plaideurs , (1) Ccs lies sont au nonl de I'Ecossc , ct sopnrc lic TEcnssc , n'a pas m(*me toujours n'cn sont soparocs que par un dctroit qu'on cxislc. I'nc vasle forel les a couverlcs d'abord, nomracPcn-lan-firth,qui a virigl-quatrc millc ct il y a lieu dc juger qu'cllc se prolongeoit en longueur cl douzc en largcur. Pompo- jusqu'enEcosse. La mer sc sera 6tendue suc- nius-Mcla et Ptolemec en compicnl Irentc , ccssiveraent dans Ic dctroit qu'elle occupc. ct Plinc quaranlc. Orosc n'en Irouve que Des arbres soutcrrains , qu'on docouvre dans Ircnte-iine; il n'y en a i present que vingl- ccs lies, decclcnl ses anciens brigandages . hull. On pourroit en conclurc ou que i'ele- ct autoriscnt isoupconner ccux qu'ellc cache valion dc la mcr est plus grandc dans ces dans son sein. Le nom , que les Orcades con- paragcs, ou que quclqucs-unes dc ces lies a scrvcnt, nous montrc qu'dies n'ont cl45 que perdu dc sa hauteur , ant les ancicns regislrcs' obscrvcrons ici que les pelits ct les grands du chapilrc de Saint-Malo, uno prairie de Louvras , qui ne sent plus que des roehers en- Cesaml.rc fut affermcc trcntc sols , Ian 1 1HT. vironnis de la mer , comrac tous ccux dont Dom Jean Billard, recevcur de la manse du nous venons dc parlrr , a IVxcoption de quel- meme cbapitrc . avoil fait article d'une prai- ques-uns que ses eau.v couvrcnt enliereracnt, ric au mcmc lieu, dans son compte rendu , ne sont separis dc Cesamhre que par les I'an 142i. Ebicres. Ccs Louvras ont fait autrefois parlie (5) Og , riviire .- velh, prairie • rivieres en- d'une lerre grassc et fertile : lou , lerre . vrat Ire lesquellet il y a da prairies. SIXIKME SIECLE. 36"3 c'etoit tin personnage recommandable par sa saiiitetc. Aron recut Mak) et ses compagnons avec beaucoup d'humanile , sans les coiinoilre. Coiu- me leur maniere de scxconduire etoit piiisee dans les memes principes que ceux de son bote, ils furent bientol lies par la cbarite la plus etroile : ils n'eurent d'autre dispute entr'eux que de s'animer mutuellement a la perfection cbretienne. Eloignes du tumulte du monde , sans desir d'y rentier , attacbt's uniquement a Dieu , ils jouissoient de cette paix pro- fonde que procure I'union des esprits et des coeurs ; les delices que leur faisoit gouter cette sainte intimile , repandoient une douceur inexpriina- ble sur les grandes austerites de leur penitence : ils ne prenoient , pour nourriture , que du pain et des racines ; leur boisson n'etoit que de I'eau ; encore en usoient-ils avec reserve , tant etoit grande I'abslinence dont ils faisoient profession. 82. Le dessein de Brendan n'etoit pas de rester en Armorique ; apres qu'il se fut edifie quelque temps avec Aron et ses eleves , il prit conge de Malo. Les monasteres et les solitaires de la plaine de Chosey attirerent ses regards ; il ne put voir sans admiration les merveilles que la grace divine y enfantoit dans des corps mortels. Ce vaste lieu etoit le temple de la divinite : des anges , plulot que des hommes, en faisoient le ser\ice. 83. Brendan s'embarqua ensuite pour passer a I'ilede Gersey. L'endroit ou il aborda porle encore son nom. On y a erige une paroisse sous son invocation. Si le desir de la relraitc le fit s'arreter en ce lieu , il y trou\a aussi de grands exemples de vertus. De la , il prit occasion de retourner dans la Bretagne insulaire ; il y construisit le monastere d'Ailecb , et une eglise dans le pays de Hetli. De retour en Irlande , sa palrie, il y etablit des ecoles et des monasteres qui acquirent beaucoup de celebrite. Le plus renomme etoit celui de Cluain-Fearta (i) , dans la province de Connaugbt, sur le Shannon (2) , au comte de Gallawai ; on le nomme actuellement Clonfert; on en a fait depuis un siege episcopal, qui ressortit de I'archeveche de Tuam. 84. Brendan est auteur d'une regie monastique qui a ete iong-tenips en veneration dans I'lrlande. Il enseigna quelques aiuices a Ross-Carbre , et niourut enfin au monastere d'luacbduin , pres de Tuam , dans la Cona- cie , le ifi mai, I'an 578, age de qualre-vingt-quatnrze ans. Get abl)e {l)Cluain,relraile ; fearla , admirable : mo- (2) San, belle i on, riviere; cclle riviere nailere oil il se fail des prodiges de verlus. est large et profonde. 366 niSTOIRE ECCLlisiASTIQVE. avoil fonde celle comniunaule pour sa socur Briga (i). Le Martyrologe roniain fail incnlion de ce saint. Unc paroissc du diocese de Dol , qui domine sur rextreniito de la plainc de Cliosey , I'a pris pour patron ti- tulaire (a). 85. Cependant, quelques chrctieus du voisinagc, et surtout les habi- lans d'Alet , visiloient de temps en temps les pieux Aron el Malo : ceux-ci ii'en etoienl sc'pan's que par une langue de lerre marccageuse , oil couloil le Ilulouan. La petite ville d'Alet eloit alors fort peuplee el tres- commercanle. Les eveques de Dol avoient , a la v^-rite , repandu I'Evan- gile dans cetle \ille , el avoient meme fonde quelques eglises dans son canton. Mais le pagaiiisme respiroit encore dans tous ces lieux : il eloit meme dominant dans la cajjilale. La j)lupart des Ak'liens itoient plus oc- cupes a aniasser les riclicsses qui tombent sous les sens , que celles qui n'appai tienncnl qu'a I'ame. Les fideles , qui avoient a coeur de faire trionqjlicr le cbrislianisme dans Icur patrie , eurent recours aux deux saints voisins. 8G. Aron , cbarge d'annces el prel a succomber sous ses auslerites , n'avoil que dcs pricres a offrir a Dieu pour qu'il daignal cclaircr les paiens el leur donner un coour nouveau. Malo, dans la force de I'age , ('■toil eloquent et pcrsuasif ; s'il n'eut ecoule que la voix de la cliarite, il cut vole dc lui-mcme au secours de ces mallieureuses victimes de I'er- rcur; mais I'amour de la vie contemplative, qui I'avoit conduit sur son rocber , en suspendoit les effets. La solitude etoit son unique partage ; aussi ne la quilloit-il jamais, et ce n'cloit qu'avec beaucoup de repu- gnance qu'il se conmiunicjuoit aux etrangers. Les cbretiens d'Alet , qui observoienl sa conduile , I'appelerenl pour cela Maclou , c'est-a-dire , fe saint cache aiiprcs dc la rii'iere (3). 87. Cependant , quelque drsir qu'eut Alalo de ne rien clianger a son plan t pu en faire disparoilre la position. 97. In saint abbe renilit celel)re , du temps de saint Sanson , un lieu du canton d'Alet. Il etoit fils d'un prince du pays de Galles. Comme il j)renoit un jour sa recreation avec ses freres , selon la coulume des jeunes gens , un abbe (i) passa devant eux , accompagne de quelques- uns de ses disciples. Cot enfant , touche du cliant de celte religieuse compagnie (car les moines psalmodioient toujours en route), se joignit a elle , nialgre ses freres. (l)Le nom dc Carfentcn , commc nous Vn- alloit sc penlrcdans la mer. Saint Moach avoit vons dit . torac 1 , p. 26 (') . signifie riUc oil etc apparcmraonllo fondatcurdu monasltTedc ily adcs sources d'eau viic ,ou des fontaines. son nora. Ses actions nous sont inconniies, €aer,viUe;fcuntcun,fonlainc.Cc(i\iiQsi ^<^^ ^'^'«s '^^ "t abbe nomment cclfc prince sujet a la colire. Cet atlribut ne suffit r'"™^ Hajarmc. Cc nom est cmprunte de pas pour nous faire reconnoitre quel etoit cc '"' ' '"•''"^'^^ Ac jarllc , princcsse , ct de ma,. prinjg (jrandc : lagrandcprincesse. T)-"). IIlSTOinE LCCLP.SIASTIQUE. qui avoit foiilc mix pieds la grandeur de sa naissance , ct qui avoil em- brasse les morlifications de la croix , etoit bien tloigne de rentrer dai»« le monde , el de reclierclier ses plaisirs seducteurs par une prevarica- lioii. Feruie dans ses resolutions, il (piitte son monaslere ou sa vie et oelle de ses nioines n'etoient pas en surete. Cache dans un endroit de I'ile, il y est decouvert et force de passer la mer. loi. Arrive a Alel , il remonla la Ranee, sur la rive gauclie de la- quelle il trouva un desert ou il se fixa pour toujours. Le lieu qu'il occupa etoit sur le bord de cette riviere , et pour cela se nomraoit Le- tau (i); c'ctoit un terrain eleve ou le solitaire n'avoit point a redouter la crue des eaux. Les habitans du voisinage I'appeloient aussi Suliau ou Suliac (2) ; ils en firent prendre le nom au nouvel hole. Le soldat de Jpsiis-Christ , qui n'aspiroit qu'a la conquele du royaume celeste , se contente d'une simple cabane; I'eau de la riviere etanche sa soif; un champ qu'il defriche lui donne sa nourriture, en attendant d'habiler les tabernacles eternels ou il espere etre amplement dedommage des sacri- fices qu'il a faits. 102. io3. Quelques religieux , qui I'avoient accompagne dans sa fuite, rimilerent dans ses austeiites. L'odeur des vertus de ce grand honmie lui attira de nouveaux disciples : ce qui I'obligea de batir un monastere. Ses talens ne furent pas concentres dans sa niaison : il porta aux envi- rons la parole de I'Evangile , et y fit plusieurs conversions. Saint Sanson I , en faisant la visite de son diocese , passa quelques jours avec lui. II fut ties-utile a saint Malo , qui vcnoit de se charger de la couduile du peuple d'Alet. Purifie par les tribulations el par la penitence , il fiil enleve dans une grande vieil- lesse. Le corps du saint eveque fut inhume dans son eglise oatliedrale ; elle etoit alois dediee a I'apotre saint Andre ; depuis ce temps , elle a pris le nom de saint Davy , de meme que la ville et le diocese de Menesie. On remarque plusieurs chapelles aupres de I'eglise de saint Davy. II y en a une qui porte le nom de la pieuse mere du saint eveque; cette femme s'etoit consacree a Dieu durant sa viduite , et s't'toit misea la tele d'une communaute de plusieurs personnes de son sexe, qui , a son exeni- ple, avaient renonce au monde (2). On voit une autre chapelle sous lin- vocation de saint Lilv (3), le disciple bien-airaede saint Davy; c'est pour cela que , dans la langue du pays, on I'appeloit Gwas-Dewy (4)- 112. Ce n'est point par les vertus d'eclat qu'on a cherchie a caracte- riser saint Davy. C'est par celle qui paroil la plus facile a observer et cependant a laquelle on manque peut-etre le plus', je veux'dire, le si- lence , qu'on a voulu nous le peindre (5). Conduit par les lumieres du cliristianisme , il s'etoit convaincu que, si le don de la parole suppose que riiomme est ne pour vivre en society avec ses semblables et pour leur rendre les services qui sont dans son pouvoir , son piincipal com- merce doit etre avec sonCreateur; que, consequemment , il doit se for- mer au-dedans de lui-meme une retraile , oil , niaitre de ses passions , et ne faisant servir les objets exlerieurs qu'a la gloire de Dieu , il ne se gnu- verne que par les lois du ciel , et qu'il ne pent mieux faire que de con- sacrer chaque jour des heures reglees a converser uniquement avec la (1) Le terrain de Mcncw , aulrement Me- basse latinite, le tcrme nonrnts , teligieux , nccie , s'avance dans la mer a I'occidcnt. II est ct cului de nonna , nunne , nonnain. ( Voyez pierreux et sterile. Men, picrre ; menew . ci-dess., cinquiemesiecle ,n'42, p. 217. a.V.) pKrrcuj. Le siege de Kaer-Leon , qui fut trans- (3^ im ^ (^j. q^ rcligieux aura ete cheri de portedanscelieu, adonnela naissanceaune saint Davy, a cause dc la pnrote do ses ville qui porte encore le nom de saint Davy. mocurs. (2) Le nom de Aonnito vient de I'etat saint (4) Gicas ,hommc. que la mere de saint Davy avoit embrassc. (5) dcwi , nlencicux. Dc dcwi Ton a fait Ifoim , dans la vie desaint Thuriau , eveque de Oavy , que , mal a propos , on ccrit a present Dot , Tcut dire , saint. De la est venu , dans la Cat id. 376 HISTOIRE ECCL^SIASTIQCE. Divinile , afin de se preparer a s'unir a elle d'une nianiere indissoluble pendant des annees elernelles (i). 1 1 3. L'Arraorique a connu dans tousles temps ce glovieux saint. Les lieux (ju'on appelle Sainl-Divy , proclie Landernau , et Pol-Davy , aupres de Douarnencz , nous lappellcnl sa nu'inoire. 114. Cependanl , saint Teliau , apres avoir quille saint Sanson pour retourner dans sa patrie , ne tarda pas a etre place sur le chandelier de I'Eglise. On I'eleva, malgre lui , sur le siege episcopal de Landaf , vers Ian 5 12, temps ou saint Dubrice fut Iransfere a la metropole de Kaer- Leon. ii5. Les peuples , en changeant de pasteur , retrouverent les memes verlus et les niemes lalens. La priere , la penitence, la predication et la charite occupoient tons les momens du nouvel eveque. L'attenlion quil eut dc n'admellre dans son clerge que des personnes vertucuses et eclairees , fit fleurir dans son diocese 1« science et la piete. Oil avoit une telle confiance dans ses luniiefes et dans son equile , que son auto- lile seule suffisoit pour terminer sans appel les affaires les plus epineuscs. 1 iG. Ambroisc-A.ureIien , qui avoit coinhallu avec taut de gloire puur la deTeuse de la Bretagne , n'etoit plus : il avoit peri de la main de Cerdic, en 5i5. Arthur, son fils , dout le uom seul auuonce les exploits (2), soutint le sceptr* que les Saxons vouloienl lui arracher ; il les battit en 5.20 , a plate couture , dans une balaille rangee. Cerdic n'en etablit pas nioins le royaume des Saxons occidcnlaux ou de Wessex. Get elat eloil compose des provinces de Hants , de Dorset , de Wilts , de Berks et de Tile de Wight. Ln 5-27, une colonic nonibreuse de nouveaux Saxons (it une descenle dans la Bretagne , et (il connoilre, par sa contenance , qu'elle vouloit y former des elablissemens solides : c'etoit un presage de la fondalion des rovaunios des Lslanglcs, de Mercie et d'Essex. Arthur altaqua en 54^ les Saxons, sur le bord du Camb (3), les tailla en pieces , et mourut d'une blessure qu'il recul dans le combat (4). (1) L'sscrius, Brilan. Ecclcs.Antiq.; Glial- fabulcux, u cause des aventurcs qu'on lui a dus Caiibrcnsis dans I'Anglia sacra di! War- prilccs, fut inhume a Glasleiiburj'. Sous ton, t. 2.; Brown NVils, ct Wilkins , Concil. Henri 11, en 119t , lorsqu'on creusoit uii Britaii. ct llibcr. I. 1. lombeau pour un moiiic de I'abbaye, on (2) .(/(/lui-, marUa\i. Ce prince fullc mar- trouva les osscmens d■.Vrtllur,quie^oienld"unt• tcau des Saxons. Ainsi Charles , pere de Pc- grandeur prodigieuse, avec cellc inscription : pin , ful suriiommc Maricl. Ci gil le roi Arthur, cnUrrc dans I'ile Aval- (3) Camb , loriueuse. Celte riviere est ainsi lone. Au-dessus dc son cofTre et dans le me- appclce a cause de ses sinuosiles. me tombcau , ctoient Ics os dela rcinc Guen- {%) Ce roi , qu'on a voulu faire passer pour Ilavcrc^ sa femme. Ces fails sont lircs des An- Les sixii:ME siicLE. 377 Les esperances des Bretons furent ensevelies avec ce roi. Ses svicces- seurs n'eurent ni sa bravoui-e, ni son intelligence. Les dissensions domes- liques annereut le plus souvent les princes du pays les uns contre les autres. Les Saxons, qui etoient commandes par des chefs belliqueux et accoulumes a profiler des fautes de leurs ennemis, parvinrent bientot a former leur heptarcliie. C'est alors que ceux des Bretons qui ne passerenl pas en Arinorique , se cantonnerent dans la parlie de I'ile , qui, par ses rocLers , sembloit devoir leur servir d'un asile impenetrable aux traits des Saxons. Comme ils n'avoient presque plus rien a perdre, ils devinrent invincibles : aussi leur donna-t-on le nom de Gallois , ou de braves (i). 117. Saint Teliau , qui gemissoit sur les malheurs ou la guerre entrai- noit sa patrie , la vit tout a coup desolee par unfleau dont les suites etoient egalement redoutables. La peste fit d'elranges ravages dans son diocese et dans les autres parlies du pays de Galles. On la nommoit jaunisse , parce que lous ceux qui en etoient frappes devenoient extrememenl jaunes (2). Le prelat donna des preuves de la cliarite la plus ardente et la plus genereuse durant cette contagion, Le peuple el le pasteur prirenl le parli de se souslraire par la fuite a cette cruelle maladie. Tons se rendireut en Cornouaille aupres de Geren- nius , qui en etoit souverain. Ce prince les recut avec lumianite ; la ils se partagerent : les uns passerent en Italic , d'autres en France. Pour saint Teliau , il cingla vers Dol , avec une grande parlie de ses ouailles. 118. Le siege de cette ville vaquoit encore par la niorl de saint Sanson i. Le nouveau venu fut prie de se charger du gouvernement spirituel du dio- cese : il le fit avec la salisfaction universelle des Dolois et des botes ciu'ils avoient recus parmi eux. I iQ. Apres sept ans el sept mois de sejour , Teliau repril avec son peu- ple , vers I'an 554, la route de Cornouaille, 011 il trouva Gerennius prel d'expirer. La peste avoit cesse lorsqu'il renlra a Laudaf, mais elle avoil enleve le roi Malgocunus. Les differens noms qu'on lui a fait por- ter prouvent assez que c'etoit un mauvais prince (3). On ne pent niei- cependant qu'il n'ait eu de la bravoure. nalcs de I'abbaye de Morgan, an comic de (3) Malgocunus a ele ainsi appclc dc mal, Glamorgan , et de I'Histoire de Jean de Glas- prince ,• de go , mauvai.i , et dc cum , vaillant ' tenbury. mauvais prince qui n'a que la bravoure enpar- {i) Gal, brave. tage. Ce roi avoit encore plusicurs autres (2) Le nom qu'on donnoii i cclte maladie noms , qui conDrmcnl I'clymoiogie que nous ftoit gallvelen. Gall , peste ; velen , jaune. venons de donner du premier. Cclui de ]Uel- 4S 378 HISTOUIE ECCLIESIASTIQCE. IS.O. Saint Teliau goiiverna encore quclques annees I't'glise ',de Lan- daf. Apres avoir Iravaille lonfj;-lcmps au saint fles aulres , il prit le parti '^*"* mie partie de chasse. 142. Hoel avoit epouse, vers Tan 535 , Rimo (i) , soeur du roi Malgo- cunus, dont nous avons parle. Le seul fruit de leur mariage fut Judual. 143. Canao ne se contenta pas d'avoir irempe ses mains dans le sang de son frere : il epousa encore sa veuve , inalgre elle. Les eveques de I'Ar- morique vengerent ces deux crimes par rexcommunicalion. i44- L^ persecution s'ouvrit alors de toule part conlre Malo. « Quel » est , disoit-on , cet etranger qui est venu dominer ici ? Jaloux de nos » heritages , il s'enricliit de nos pertes. Tandis que les apotres et leurs » successeurs n'onl rien possede sur la terre , celui-ci , sous le manleau /) de la pauvrete , cache adroitement le vice honteux de I'amour des ri- » chesses ; en prechant de (aire I'aumone , il recucille le fruit de I'ava- » rice. Sous pretexte qu'il prie bcaucoup pour les autres, il depouille » les maisons des veuves. Ceiui qui vuudroit nous persuader donner ses biens a-t-il besoin d'etre I'econome de ceux des autres? » Nous n'avons rien de mieux a faire que de le chasser de notre pays , » et (lue de rcprendre les biens que Ton a attaches a ses eglises. Comme M il a lout pris , il ne nous reste plus rien ; il nous fait acheler I'espe- » ranee des biens a venir par la perte de ceux qui sont entre nos mains , » et il a grand soin d'en prendre I'usufruit. Tels cloient les discours seditieux que Canao aulorisoil parmi le pcuplc. Ces supjx'ils de I'ange de lenebres ne s'en tinrenl pas a la calouuiie : ils en vinrent aux voies de fait. Ix betail ct les mcubles des lerrcs de la ca- ^l) Ri, iris i mo, aimablc : tres-aimalle. thedrale SIXIE3IE SliCLE. 38 -J thedrale d'Alet furent enleves : celui qui etoit charge de la boulangerie de la maison de Malo , fut , entr'autres , traite inhumainement. On alia I'exposer sur le bord de la mer , pieds et mains liees , apres I'avoir fouette avec des branches d'osier ; on se flaltoit qu'il seroit suffoque par le premier flux des eaux ; mais Malo , averti de cet etrange evenement , lui sauva la vie par un miracle. Les flots respecterent cette victime de la passion ; en justifiant son innocence , ils donnerent lieu aux coupables de reconnoitre la grievete de leur crime. 145. De pareils attentats toucherent sensiblemeut Malo. La perte de ses biens n'etoit rien a ses yeux : il en tiroit meme occasion de beuir le Sei- gneur. La mort spirituelle des ames de ceux dont sa presence ne faisoit qu'irriter la fureur , lui fit verser des torrens de larmes et perca son coeur de la plus vive douleur. Comnie les criminels perseveroient dans leurs mauvais precedes , il consulta Dieu par la priere , sur ce qu'il avoit a faire. Le parti de s'eloigner fut pris , non pour abandonner ses ouailles , pour lesquelles il auroit volontiers sacrifie sa vie , mais pour faire cesser les vexations qu'on exercoit contre son clerge. Odieux a Canao qui ne respiroit que les forfaits , il ne pouvoit avoir de paix avec lui. Cepeudant , comme sa patience , sa douceur , ses avis salutaires qui avoient suivi le miracle que nous venons de rapporter , n'avoient pas ete assez puissans pour ramenei" ses ennemis a leur devoir, il ne lui resta plus qu'a exercer contr'eux la rigueur des canons. Toujours anime du meme esprit de misericorde et de charite , il lanca I'analheme contre ces aveugles volontaires , afin que , n'ayant plus de commerce avec les fi- deles , la confusion les fit rentrer en eux-memes et leur ouvrit les yeux sur la perte de leurs ames. 146. Cet acte termine , il quitta sa ville et s'enibarqua avec quelques religieux ; il se mit sur mer au gre des vents , sans autre dessein que celui de suivre Dieu : il arriva en peu de temps a I'ile dOleron (i). Alors (1) LaLegende manuscritedeMarmoutier, tion reciproque li'Agenls et d'Olcron . failas- dont on lit une copie, au premier tome des sez voir que ccs deux noms dcsignent la Preuves justiOcatives de I'Histoire de Brcta- infimc lie. D'aillcurs, le mot Olcron est forme gne, par D. Morice, pag. 192 et 193 , nomme d'o , monlagne ; de lar , pres , et d'on, cau , cette He jl^enis. Ce terme est tiro d'a , auprcs; rivure. Ce qui signifie : monlagne aupres des de gen, embouchure, et d't* , monlagne. Cc rivieres. Du temps dc Sidoine-Apollinaire, qui veut dire : monlagne auprls des embou- cclte ile se noramoit Olario , d'oii Ton a fait chures. L'ile d'Oleron est situee vis-a-vis de Olcron. Cet auleur appelle Olarionenses les rembouchure de la Seudre el de celle de la llevres qui y sejournoicnt alors. II parnit Charente, au diocese de Saintes. Cette posi- qu'Oleron a wte autrefois du continent. Du 49 386- niSTOIRE ECCLESIASTIQUE. il se rappcia ce qua dit Jesiis-Christ : « En quelque ville on quelque )> lieu (jue vous eiitriez, informez-vous qui y est digne de vous loger, j> ct denieuiez cliez lui jusqu'a cc que vous vous en alliez. >. C'est pour- quoi il s'infonna s'i! y avoil quehiu'un assez cliaiilablc pour le rccevoir, et ceux de sa suile ; on lui indiqua saint Leonce , s en difl'erens monasteres. Pour son pere et son oncle, il les emmena dans sa communaule , ou Ton joignolt la solitude des anacboretes a I'institut de la viecenobitique. 171. L'abbe Piron etoit mort d'une maniere qui donna une vive at- teinte a I'opinion que Ton avoit toujours eu de sa saintete. Sanson , dans le coeur duquel la vertu etoit gravee et dont Tbumiiite , quelque grande qu'elle fut , ne pouvoit cacher tout I'eclat, fut choisi pour le rempla- cer. Ce ne fut qu'avec la plus grande repugnance qu'il se cbargea de cette administration. Les commodites de la vie lui parurent trop grandes dans ce monastere : comnie il ne pouvoit les soiilTrir ni les relrancber pour leur substituer la pauvrete et la mortification que la discipline reguliere exigeoit , apres dix-buit mois de patience , il abdiqua la place. 1 72. La raison qu'il allegua a ses religieux fut qu'il vouloit vivre en bermite. Des moines savans et vertueux qui revenoient de Rome lui foui- nirent I'occasion de passer avec eux dans 1 Iilande , leur palrie. 11 y fut fait superieur d'un monastere et I'edifia par ses exemples. (1) Um ou sum, seigneur; bra,vaiUanl; (2) ^/"r, particule augmentative ; ci,Aa«e pareille atlitude. Get homme lui re- pondit : « il y a trois jours et trois nuits que j'attends un etranger qui , }> d'apres une ivvelatioii que j'ai eue , mettra fin a mon affliclion. J'ai , J) ajouta-t-il , unc femine couverte de lopre et une fille possedee du de- » mon. » Les enliaillcs du charitable pGnlife furent cuiuesa cerecit : sur- le-champ , il alia visiter les malades , pria Dieu pour elles et les guc- rit (.). ne GuMoU. Le tcrme Gubiolus n*a ete em- ploye que pour designer la position de rcm- bouchure de ccUc riviere, fin'6, embouchure; i, riviere: ol , monlaijnc. Ce qui si^'niDe unc ririere qui a son embouchure aupres dune mon- tagne. (1) Baldcric, archev^quc deDol, qui vi- voit au duuziiuie siecic et qui a mis au jour une vie de saint Sanson , pretend quel'i-pouK de cctte lepreuse qu'il guerit etoit un seigneur puissant k qui il donne le nom de Prival ; et qu'en reconnoissance du bienfait qu'il avoit reeu , it (l(jnna au lliaum.itiirgereniplacciucnt de son monastere et dos terrcs pour son en- trctien. 11 vout que Sanson , pour eterniscr la raeinoire de la doulcur que Privat avoit cue de la maladic de sa fomme, appelit son monas- tere Dal, terme qu'il croit un abrege du latin dolor. Pour fairc voir combien cette fable a ete mal ordonncc , il sufTit de ciler le texle sur lequel on I'a fabriquce. Le voici tel que D. Mabillon I'a donne : « Descendentibus il- " lis ( Samsone et Jlonacliis ) de navi , vi- » derunt tuguriolum non grandc propc por- » turn situm , ad quod sanctus Samson ap- » propinquans vidit ad ostium mansiuncuL-e « privatum ploranlem, atque ad mare sem- o per aspicientem. Sanctus vero Samson in- » tendcns in cum , pcrcunclabatur ab co '< quidnam hoc essct. .^t privalus diiit ei : o Ires sunt j,^m dies totidemque noctes a qui- u bus spcro in hoc portu auxiliatorem quern Deus mibi transmarinum venire promisit. » Sanctus Samson illi dixit : quis est dolor » tuus ? Ille dixit : uxorem habeo in liac nian- » sione leprosam , nccnon et filiam dimo- » niacam , et promissioncm Ihibui illaium »> sanandarura in hoe portu. Sanctus vcro » Samson incunctantcr in iilam mansionem » introiens , ac super utrasque .Tgrotantesora- » tioncni fundcns , sanas alque incolumes eas, o Deo auctore, coram omnibus dimisit ; ac » inde exiens, Deo duce, aptissimum reperit « inibi locum, atque honorificum fundavit » monastcrium , quod usque hodic proprio ■D vocabulo Doluni nuncupatur. » t" Ce teste fait voir que la luaison de cet homme qu'on rcgarde comme un des plus qualiOes du pays , n'etoit qu'unc simple chau/niere • (Hjmn'o/um non grandc , mansiuncula. .Vussi ce mari n'est point appcle par son nom propre : on en parlc phitot comme d'un particulier fort obscur : privatus. Soil qu'on veuille tirer cc terme dn ccltique priv ou du lalin privalus , qui en est sorti , on n'y trouvera qu'une personnc pri- v6e. Ce ne pent elre que par ioadvertance, ou par une ignorance grossierc , ou par deri- sion , qu'on a lente d'dtlacherau mol privalus des idees de grandeur. •!■ Ce texte ne fait pas menic soui)ronner que le mari de cette 16- prcuse , ou ellc , eU9sent des possessions con- siderables. 3' llien n'y indique, pas mime indirectcment, qu'ils aient donne le moindrc foods h Sanson en signe de reconnoissance. Cc prelat trouve un endroit propre h bdtir un monastere, et prcsque sur-le-cbamp I'ouvrage est ■commence. Qu'cst-ce qui a fait la cession du terrain ? c'est stir quoi les Acles de saint Sanson gardent un profond silence. 4' Ce mo- nastere de saint Sanson, qu'on appelle Dol , n'avoit point le nn'rae emplacement que ce- lui do la villc de Dol. II etoit 5 Icmbouchure de Tune des rivieres de Dol , el cette embou- chure etoit aupr6s d'une Eminence. Ce qu'on sixiEME siicLE. Sgg 182. Le saint trouva dans les environs de ce port un lieu Ires-propre a recevoir un monastere : c'etoit un terrain qui doniinoit sur le rivage , et que, par cette raison , on appeloit Dol. L'abbave qu'y construisit San- son , eloit encore celebre au septieme siecle , et conservoit son ancien nom de Dol (i). Ce ne fut pas la laseule communaute qu'il erigea. L'au- teur de sa vie assure qu'il en etablit plusieurs autres en Armorique. 1 83. Saint Teliau gouvernoit le diocese de Dol , lorsque saint Sanson aborda sur ses cotes. A. son retour a Landaf, cette eglise resta sans chef ; elle se dedommagea de cette perte par le choix qu'elle fit de I'e- veque regionaire : c'est ainsi que s'accomplirent les desseins de Dieu sur ce fidele ministre (2). 184. Saint Leonor , en confiant Judual aux ondes de la mer , conime a un element dont les furies etoient beaucoup moins redoutables que celles de Canao , Favoit fait accorapagner par des personnes qui de- voient le conduire a la cour de Childebert; il s'etoit flatte que ce roi , dont il etoit connu , jetleroit un ceil de compassion sur le jeune prince , et que du moins il adouciroit ses malheurs. Le saint ne fiit pas entierement trompe dans son attente. Judual de- vint le pupille de Childebert, qui T^leva avec beaucoup de soin. La protection du roi n'alla pas plus loin ; il ne pensa pas a le retablir dans les droits de son pere , ni a venger les crimes de Canao. Sa cour meme etoit pour Judual une honnete prison. n'a jamais pu dire do la viile de Dol. Dans aucun temps, cette ville n'a ele,d'une maniefc pennancnte , sur le rivage de la mer ; elle en est merae a present a plus d'une lieue. 4' Ce n'est qu'au douzicme siecle que Baldcric a imagine la fable de I'origine du nom de la ville de Dol : il a cru , sans discernement, en trouver la preuve dans la ressemblance des mots Dol et dolor. Pour rendre la chose plus Traisemblalile, il a suppose que ce dont saint Sanson avoit ete temoin a son arrivee en Ar- morique, avoit donne lieu a ce nom. Mais dans la vie la plus ancienne que nous ayons de ce saint, et qu'on trouve, comme nous I'avons dit , dans D. Mabillon et chez les Bol- landisles , au 28 juillet , il n'est point question de cette pretendue anecdote. Aussi la ville de Dol et son nom existoient avanl saint Sanson M. L'auteur de la vie de saint Albee que cite isserius , depose que le lieu oil saint Sanson I. demeuroit^ s'appeloit Dolomhoir. Au reste. les Bretons, de Tile et les Armoriques don- noicnt asscz ordinairement a un terrain cleve le nom de Dol. Lclieu oil Sanson 11 balil son monastere pouvoitetre nomme ainsi , des lars qu'il dominoit sur le rivage. (1) L'auteur dela vie de saint Sanson . que nous suivons de preference , et qui est diCfe- rente de cclle que du Bosc , ou du Bois , a inserce dans sa bibliotheque de Fleury , la dO- dia a Tigerinomalus , eveque de Dol , au sep- tieme siecle. Cette vie a ete dressce sur des memoircs d"un vicillard cousin de saint San- son , qui avoit habite pres de 80 ans dans la maison du meme saint , tant durant sa vie qu'apres sa raort. Ce qu'on y dit du trailemcnt que la rcine Ultrogothe dut faire a Sanson , n'est pas vraisemblabie , et c'est a tort qu'on rend Cliildebert complice des crimes de Ca- nao. II vaut mieux suivre les Actes de saint Leonor , qui deposent le contraire. (2) [.\n 554 environ.] — Omission. 4. V. /jOO IIISTOIRE ECCLESIASTIQUE. i85. Les dioceses de Dol et d'Alet gemissoient surlout sous Toppres- sion du meurtrier de ses freres. Des plaiiUcs do louloespece furent adres- sees ail nouvel eveque , comme a celui qui pouvoit seul en tarir la source. Accoutume a venir au secours de I'liumanite , et plus attache encore a la justice qu'a Judual qui lui etoit uiii par le sang (i) , il prit le parti de porter aux picds du trone de Cliildebert, les griefs du peuple contre Tusurpateur des biens de son prince legitime , et de solliciter son retour. 11 avoil un pretexte d'ailleurs pour entreprendre ce voyage : c'etoit afin de faire approuver son election par ce roi , et de se faire confirmer dans la jouissance des revenus qui dependuient de son eveche. 186. Le don des miracles n'abandonna pas le saint eveque pendant sa route , doiit le principal motif etoit la cliarite. II guerit un des princi- j)aux comtes du palais qui etoit possede du demon. Cetle merveille , qui fut rapportee sur-le-cliamp au souverain , lui facilila une audience ; il trouva beaucoup plus de difficultes qu'il n'avoit pense a faire rendre a Judual sa liberie. La reiife Ultrogotlie , gagnee par les presens de Canao, avoit epouse ses interets : Cliildebert Irouvoil en lui un homme qui ser- voit son aulorile dans rArmorique , et qui lui etoit entierement devoue. Le rappcl de Judual pouvoit occasionner des troubles dans ce gouverne- meiit; la France se seroit vue dans la necessite d'y prendre part , sans esperance d'y gagner. 187. Cependant Cliildebert , edifie de riiuniillle , de la cliarite et de la sagesse du saint prelat , ne put refuser a I'importunite de ses piieres , le retour de Judual : ce prince lui avoit nieme de grandes obligations. Les paiens, qui lialiiloicnt sur la llis!e(->.) , enlre iliionne(3) et I'ont-Aude- mer (4) , jusqu'alois rebelles a la grace qui les avoit appeles au cliris- (\)Judualo, cognomcnto Candida , Domno- lacavit^ duquel sort unerivifrc. nensis palrim magna ex parte duce nobUissi- (3) Brionnc . villc sur la Risic , n'etoit d'a- mo, S. Siimsonis consanguineo. (Vita S. Pauli l)orJ qii'un chilcau. Kri, forlercsse ; on, ri- Lcoiiensis , apud bibliotbecam Floriaccn- rt^rc .■ forlercsse sur le bord d'une riviere. sem.) (i) Pontaudcracr est nomme Breviodurum (2) Le nomancien de cettc riviere est fli- dans litindraire d'Antonin , et Urcrodurum scla. II scliredc ri,riiiere, cl dc sel , qui se dans la Table Ibeodosienne. Ces tcrmcs ont cache. Cctle riviere , qui prciid sa source sur pour racine breva ou briva , villc , et dur , les cunlins du dioci'se dc Scez , apros avoir riviere ■ villc sur le bord dune riviirc. La ville cntre dans celui d'Evreux , dont clle arrose dc Ponlaudcmer est sur la rive gauche dc TAigle , Rugles , Lire, Ferriere et leCh4leau la Risle. Ce n'cst que dans le raoyen-Age que de la Lunc , se perd sous terre dans res|)ace Jireviodurum a pris Ic nom de Ponlaudcmer. d'une licuo, et nc fait reparoitrc ses caux On pretend qu'Aldcmar, seigneur franrois , quaui environs de Groslay . qui de li a pris qui y fit faire apparcmmcnt di s reparations, ioi\ uom.Grav , crcuse i lex , riviere : lieude le lui donna. Au faubourg dit dc Saint tianisme SIXIEME SIECtE. ^OJ tianisme , venoient enfin de ceder a la voix de Sanson. Pour metlre cet apolre a portee de consolider cet ouvrage important, Cliildebert lui ceda en propriete les terres de ce canton , sous la dependance de son eglise de Dol. Sanson y fit balir un monastere, que Ton nomma Pental (i), a cause de I'auslerite de la vie qu'on y pratiqua. 1 88. Sanson, comble des bienfaits du roi, eut la satisfaction de ratne- ner avec lui le prince Judual. lis ne firent qu'une partie de la route par terre : un vaisseau lesprit dans la IN'eustrie et les transporta a Guernesey (2) et a Gersey , d'oii ils se rendireut an monastere de Dol , qui etoit aupres du rivage de la mer. Judual ne rentra pas sur-le-cbamp en possession de ses etats. Canao , qui maintenoit I'autorite de Cliildebert dans I'Armo- rique , se conserva sa protection ; il lui fut seulement enjoint de ne pas insulter son neveu. Celui-ci , en attendant des circonstances plus pro- pres a faire valoir ses droits , contracta une alliance avec une princesse qu'on nommoit Azenor. 189. Quelques annees apres , des affaires appelerent de nouveau saint Sanson a la cour de Cliildebert. Sa sante , que les jeiines et les travaux avoient rendue extremement foible et languissanle , ne lui permit pas d'entrcprendre ce -voyage a pied , suivant sa coutume : il fut oblige de se servir dun chariot. Conime il passoit dans les plaines de la Beauce (3), une des roues de sa voiture se brisa ; les religieux , qui I'accompagnoient selon I'usage , n'ayant point trouve de bois pour la rcparer , furent sen- siblement touches de cet accident imprevu. Le saint, qui meltoit loule Aignan,on voila la droite dcia Risleles l-estes pour faire passer a la posleiite la memoire du d"un vieux chateau. changement qui y (iloit arrive. {I) Poen , penitence ; lale , riviere : lieu pres ,„.,,,, , , . , . .^ d'une riviere , comacrU lapMlence. f,^) ^* 'T"**' ^'^^ , "'*•" (2) Dans la Tie de saint Sanson , donnee P«' "^ Begests pagus, le l>eu ou arr.va ccmi- rv ,,>•,, ., , ... . ., •■ race. Le nom de ofacsis est compose de oca, par D. Mabillon , il est dit ce qui suit ; le- . ,, ,. ^ , •,•,.• , . ... ruisicau; d e, parlicule privative, et de st, siam , Anqiamaue , mannas instdas , prospero , ., , . , j . /^ .•■.,00 , r 7 T , pays : pays ou a ny a point de rutsscaux. On navigto petierunt (S. Sanson et Judvahts.) f n r ^ , ,. . , VT r •• • it 4nti,*s ne trouve dans la Beauce ni bois , ni rivieres. >ous avons fait voir, t. I. , p. 100 (*) , quo ... , , -. , r« •„ „..i i„ ™ji~ (1 /^ II „ „, ni fontaines. Le peu de puils qu on y voit ieiia est la mcme lie que 6cr«ei/. II nouspa- , , ., ,. , , ., „ , i . , , ,.».. , J r' sont tres-profonds ; d'aillcurs Icau n en vaut roil aiiAngia n est pas diffcrente de Guerne- . ' . , , , . sey. Cenomvicntd'an, a«-dm«., et de^r, "•'^ = " qui est cause qu on s ysertdec.tcr- forel : lieu qui domine sur une foret. Guerne- "«• P"^'"""' ' '^'"^ '» ^'^ ^'^ "'"' f^"ma.n, sey est appele5arm,-a, dans rilineraireraari- ^^"-'n"" '"« P''"^' «=• «^' «PP«"'' '••• "'^"'"^^ time. Ce terme est pris de sar , au-dessus , et *^'*«- «"il'="">'« •« 1!' elon , au hvre second dcmih, /-ore*. Quoiquc les environs de Guer- '^'^ s" Pl"l'PPiJe, la notnme Bclsia. Bel , nescy , devenue lie , ne fusscnt plus converts «<""•« ' /■«""""'' ' *' ' ''''l'"'*^ ' manquement : de Lois , ce lieu conserva son ancien nom , ^'^» o« " "'V « P"'"' ^' fonlaines. (•) Ci-dessus, Inlroduclion , n^ 99, p. W , note 4. a. V. 5l 4oa niSTOIRE ECCLESIASTrgrt. sa force dans ccliii (jiii a tout fait ilc rien , fit le sigue tie la croix sur celte roue : dans le nionienl la fracture disparut. Clhildehert , qui ful instruit de cet evenement naerveilleux , voulul quon batil un monaslere dans le lieu merae ou s'etoit fait ce miracle , el V allaclia de grands revenus. Pour perpeluer le souvenir de cette ac- tion , cette communaule ful appelce Rotmou (i). 190. Le pieux cveque de Dol assista an concile de Paris , qui fut lenu celte annce (2). Ce n'ctoit qu'avec la plus vive douleur qu'il voyoii Canao vivre comine mari avec la veuve de son frcre : il n'etoit pas nioins sensible a Tusurpalion des biens de Feglise d'Alet. Le patrimoine des pauvres , en proie a I'avidilc des laiques , eloit un sacrilege a ses yeux. Le premier et le qnatrieme canons du concile de Paris reprime- rent ces entrcprises li'mc'raires. Sanson en souscrivit les actcs en ces ter- mes : « Sanson , pccbeur , eveque , j'ai donne mon consontemenl et ai » souscrit. » DLx autres evcques employerent la meme formule. La sous- cription de I'eveque de Dol est ravanl-dernierc , parcc qu'apparemment sa promotion a ce siege etoit posu'rieure a celle de tous les autres , a I'exceplion de Ferrocinctus. De quinze eveques qui se trouverent ;i celle asscmbk'e que Cliildcbcrt avoit convoquee, il n'y en eul que quatre a faire connoitie les noms de leurs t'glises (3i). Felix etoit du nonibre des premiers. 191. Ce prelat, dont le uom est romaiu , etoit ne dans I'Aquitaine. Sa famille en etoit un des plus illuslres ornemens. On dit nicme qu'il etoil sorli dc Felix , qui avoit etc' consul sous Tlu'odoric , roi des Oslro- gotlis. D'aulres le font nailre a Dourges ; ce fut Ian 5ia qu'il vint au moude. 19A. La nature hii avoit donne un genie supcrieur : une education convenable a son rang le developpa. Le mauvais gout de son siecle pour les letlres ne rempeciia pas d"y (aire des progres etonnans. 11 fut poele et orateur : c'ctoit , suivaut Foilunat, uu torrent d'eloquence. I-t langue grecque lui etoit si familiere , qu'on eiit dit qu'elle lui etoil naturelle; mais ce qui rend son eloge accompli , c'est qu'a tous ses talens il joi- gnoit une picte solide. 193. Ces grandes qualites le firent clioisir pour remplir le sit'ge epis- copal de Nantes , vacant par la morl crLumere. Son ordination se lit (1) Rot, roue ; motu, arrctet. (3) Mabillon , in Aclis SS. Ordin.Bened. ; (2) [An 557.] -Omission a. V. Dnchosnc.llisl. Franc, t. 1.; Sirmond, Concil. Gail. t. 1. SIXIEME SIECLE. 4^ J I'an 549 , apres le cinquieme concile d'Orleans , ou Ton ne \it paroilre ni eveqiie de Nantes, ni depute de sa part. Felix etoit marie ; niais , sui- vaut les canons , il ne regarda plus sa femme que cotnme sa soeui-. Cast lui qui fit a Gregoire de Tours I'histoire du fait que nous allons lapporter. La fenirae d'un eveque de Nantes , a qui son mari etoit de- veiiu suspect , avant vouUi le surprendre , le trouva qui reposoit Iran- quillement dans son lit ; elle vit sur son sein un agneau aussi blanc que la neige, et dont I'eclat egaluit celui de la plus vive lumiere. Cette fem- me jalouse , qui se croyoit meprisee , reconnut par ce miracle la verlu de son epoux et son attachement aux regies derEglise(i). Nouscroyons que c'est d'Eumere dont il est ici question. 194. Felix , son successeur , en fit revivre les vertus. On retrou\a en lui la meme charite , le merae atlachemeut aux pauvres et aux malades , le meme goiit pour la priere, le meme esprit de mortification , la meme Iiumilite, la meme douceur et le meme zele, 195. Canao , qui avoit fait perir trois de ses freres , Aouloit encore trailer, avec la meme barbaric , .Macliau, le quatrieme. Apres s'etre saisi de sa personne , il I'avoit charge de chaines et le retenoit prisonnier dans I'un de ses chateaux. Cette place forte etoit probablement dans le diocese de Nantes : il nous semble que ce lieu n'etoit pas autre que Guer- rande , et que ce palais a donne I'origine a la ville de ce nom. 196. Felix, sous les yeux duquel cette etrange scene se passoit , se luita d'en arreler les suites. Il employa si a propos son credit et son eloquence aupres de Canao , qu'il en obtint la grace du prince iut'or- tune. La vie lui fut conservee et la liberte rendue; il ne sorlit cependant de prison qu'apres avoir prete serment de fidelite a sou frere , et promis de se contenter de la part qu'on lui cederoit dans la succession de son pere. 197. Macliau , qui ne se fioit pas a la parole de Canao , se mit sous la protection de Comorre, I'un des plus puissans seigneurs de I'Armorique. Nous croyons que c'est le meme qu'Urbien ou Concar , fils du roi Iki- dic (2). II avoit trop de motifs de proter une main secourable a I'inno- cence opprimee : aussi ne fit-il pas difficulte de lui donner un asile chez lui. (1) Greg. Turon. deGlor. Confess, c. 78. lui donne encore, presente la mome idee. (•2) Nous avons fait voir, p. 107(*), quo Con , prince ; vaur , grand. La vraic grandeur les noms dc Concar et de Comorre sent exac- se plait h sccourir les malhcureux , surtout tement les memes. Celui de Conovaur qu'on quaod ils sont opprimes injuslcment. (•) Ci-dcssus , no 13i , p 382. a. V. 404 HISTOIRE ECCLlisTASTIQUE. 198. Canao , Hiche de n'avoir j)as fait egorger son frere tandis qu'il le relenoit dans les fers, eiivoya des satellites chez Comorre pour le poi- gnarder. Comorre craignit de s'exposer au resseiuinicnt d'un neveu altere de sang, inais il ne voulul pas manquer au.\ droits de I'hospilalite. Pour ne point irrilcr le lyran ct pour ne pas coniproniettre son honneur , il eiit recours a un etrange stralagenie : il fit mettre le prince dans un tom- beau qu'il couvrit de terre , selon I'usage pratique pour les morts lors- qu'on les inhumoit , a cette diffeience pros qu'il hii menagea une ou- verlure par iaquelle il put respircr. Quand les envoves de Canao vinrent lui deniander Macliau , il Icur rrpondit avec un air de compassion , qui scini)loit elre I'effel de la nature: « llt'las! Macliau n'esl plus; voici Ten- » droit oil nous veixons de rinburaer. « Cette nouvelle les remplit de joie : sa tombe , sur Iaquelle ilsburent et mangerent , leur tint lieu d'une salle encbantee. Canao , satisfait , s'empara des biens de son frere. 199. Le prince, qu'on croyoit mort dans son tombeau , en sortit plein de vie ; ce qui abrege quelquefois cellc des autres la lui conserva. Ecbappe a ce nouveau danger, il prit de la le nom que nous lui connaissons (i). Pour ne pas donner plus long-temps de I'onibrage a I'avidite de son frere , il lui fallut niourir au nionde. La grandeur, qui I'avoit mis si sou- vent il deux doigts de sa perte, parul lui ctre a (barge : il sc separa de sa fennne et entra dans le clcrgc. 900. Ccpcndant , Cuennin avoit reniplact' saint Paterne in , imnicdia- lenient apres Tabdicalion que cclui-ci avoit faite de son siege. L'bistolre de sa vie n'a point ete transmise a la posteritt' ; mais son eglise . (|ui I'a mis au nombre des saints , a etc dans son temps tcmoin de ses vertus. Le\ <»randes qualilcs de son coeur lui acquirent le nom qu'il porta (a). 1^ diu- cese de Venues fait memoire de ce sainl le 19 aoul. •>oi. Sainl Paterne avoit participe durant sa vie aux bumilialions dc Jesus-Cbrist ; ce (Kvin maitre \e fit participer a sa gloire apres sa mort. IMeconnu de la plupart de ses diocesains , il avoit vlv terminer , dans un pays etranger, une carriere penitente. Dieu , qui se cbargea de sa justifi- cation , opera pbisicurs miracles sur son tombeau. Tandis que ce martvr de la patience en recueilloit les fruits dans le ciel , une secbcresse de [)lusicurs annoes suspendit la fcrlilite de la lerre dans le diocese de Vennes. Un pbenomene si pen commun donna lieu a (1) Sla , homme qui le dr'guise ; elcuz , ca- pour df'guiirr son elal. •Niu ■ hommc qui s'rst cacht dan$ un cateau {2) 6uen, bon. sixii:ME siECLE. 4o5 des reflexions solides ; les prejuges qu'on avoit formes contre le saint eveque se dissiperent : on commenca a n'apercevoir que ses verlus. On se ciut heureiix de posseder , aprcs la mort , les reliques d'un pasteiir qu'on n'avoitpu supporter durant sa vie : on s'empressa d'aller les cherclier dans le lieu de son exil. Portees en triomphe jusquedansla ville episcopale, elles firent reconnoitre a leur entree I'ancien esprit de celui qui les avoit animees; une pluie salutaire annonea qvie la campagne offriroit l^ientot ses premieres ricliesses a des cultivateurs desoles par I'aridite. On eleva une eglise liors la ville , ou ce depot fut place avec la distinction qu'il meiitoit : cetle eglise est maintenant paroissiale et porle le noin du saint. La fete de cette translation se celebre , dans le diocese de Venues , le 2 1 de mai (i). 202. Macliau , que la naissance elevoit si fort au-dessus des autres clercs et dont le merile sembloit y repondre , fut elu eveque de N'ennes apres la mort de saint Guennin (2). La vertu etoit en possession de s'as- seoir sur la chaire de celte eglise : reunie a Teclat qui environne la no- blesse , ellei devoit s'attirer de plus en plus les honnnages qui lui sont dus. 203. La France, soumise a plusieurs rois depuis la mort de Clovis , rentra tout enticre sous I'autorite de Clotaire , aprcs le deces de Cliilde- bert , arrive I'an 558. Ce prince, dont les mccurs ne repondoient pas a la purete de la religion , signala son avcnement par une conslilulioa ])r()pre a la rassurer. Les premiers articles ([ui concernenl le civil soul con- cijs en ces termes : a Pour les successions , on suivra la disposition des » lois, et toutesles graces oblenues a leur prejudice seront reputees nulles » par les juges : si quelqu'un est accuse d'un crime , qu'il ne .soil pas » condamne sans elre entendu ; mais s'il est convaincu , qu'il soil puni » selon la nature du crime. Les causes des Remains (c'est-a-dire , des » Gaulois) seront terminees suivant les lois romaines. Une grace obtenue » de nous par subreption sera nuUe. Si quelque juge condamne quelqu'un » injustement et contre la loi , il sera conige en noire absence par les » eveques et oblige de reformer ce qu'il a nial juge. f^ersonne ne se ser- » vira de noire aulorile pour epouser une veuve ou une fille mal^n' (1) Le Piopre du diocese de Vennes , de La fin dc sa vie fut en buUe aui persecutions, I'an 1757 , ne rcconnoit qu'un saint Patcrne, ct ce ne fut qu'apres sa mort que ses enne- celui qui siegca lo premier a Vennes, du temps mis lui rendirenl justice. Les derniers jours de Conan Mcriadec. On ne peut s'empfcher dc I'autre sont couverts d'epais nuagcs. Ce d'admcttre celui -ci : ce. seroit fronder des qu'on en sail, c'cst qu'il termina saintcment aulorites respectables que de revoquer son sa carricre. existence en doute. 11 vccut au sixicme liecle. (2; Gregor. Turon. Ilisf . lib. 4. n. 4. 4o6 mSTOlRC ECCLESIASTIQLE. M^elles, oil pour les enlovcr. Que peisonne n'ait la hardiesse d'f'pouser 5> line religieuse... Les oblalious des moils failes aiix eglises (c'est-ii-dire , » Jes biens doniies a I'Eglise par teslaiueiit , ou les legs deslint's a fait e » prior pour les morls) ne pourroul leur eli-e enlevees. Nous remettons » a I'Eglise , par devotion , les Iribuls imposes sur les tcrres etles palii- )> rages (i), meme la dime des pores ; c'est pour(pioi nous dtfendons a » ceux qui Icveiil ces dime;- d'allcr sur les lenes de il^lise. Nous exemp- » Ions de loulcs cliarges publiipics les cgliiies el les clercs a qui Clovis » et Cbildebert en oul accorde rimmunitt' j nous confirinonsloules les do- » nations faites aux egllses par ces princes et par qiidque autre personne » que ce soil. Nous voulons qu'on ue soit pas recu a revendiqucr les » l)iens que Icseglises, les clercs et nos aiilrcs sujets possedent depuis * trenleans, pourvu , neanmoins, que le-GQinojcucqoitnt de la jx)ss£s- » sion ait tie juste (2). » '-Ir,: - i*;'... ao4 (3). Clotaire , en devenant inaitre absolu de plusieurs royaumes , n'en fut pas plus lieureiix. Cliramnc , soutenu par Ghildebei-t , s'etoit re- volte contre son pere et son roi. La^paix quil avoit faite aveb Clotaire up flit pas de longue duree : Dieu , qui vouioil punir I'un par raiilre, per- mit que ce lils iiigrat pril uiie secondc fjuiii Ifss, armes coutrc celui qui lui avoit doniui le jour. > , '> ; ' " "* >' ■'^ 'r^'! '• ' 2o5. Cliramne n'avoit plus la protection de son oncle a inipU)rer : il se I efugia , avec sa Temme et ses filks , aiipres de Canao , qui ne s'etoit niain- Icnu dans rimpunile de ses crimes que par Fappui du feu roi. Judual , ([uiiravoit eu jusqu'alors d'aulrcs drfenseiiis que saint Leonor (;l saint Sanson 11 , coinmenca a rcspirer. Clotaire lui promit de le tirer de I'oppression et de le relablir dans ses etats. 1 ao6 (4). Ce prince se mil a la lete de ses ironpes pour aller poursuivrc son (ils rebelle qui avoit ravage les fiontieres de son royaume , et qui en avoit enleve un bulin considerable : il prit sa loutc par le Maine, ou il tiouva I'abbe Conslaiitien qui lui predit la victoire (5). 11 cnlra dansl'Ai- moricpie par rexlrc'mile du pays de Reniics ct passa dans celui de Dnl. ludual, a la tele de qiielques personnes qui lui eloient attacbees, joigiiit les drapeaiix du souverain. {\) I.c tcxtc portc : acjraria , pascuaria , vcl rium. decimas porcorum , Ecckiia; pro fidci noslrai ('2) Sirmoad. Concil. GjIUk. t. 1. devolionc concedimus . ila ut aclor aut dcci- (3; [An 538. ] —Omission. a. V. malor in rebus Ecclcsia; nullus acccdal. Le tri- [%) [.\n 580. ] — Omission. a. V. but, qu'on nommoit agraria , HoW. \c citam- (5) Vila Conslanliani , apuJ Duchesne, pari, commc Ic dit du Cange , au mot ayra- t. 1. SIXIEME SIECLE. 4^7 207. Chramne , suivi de Canao, n'eut point horreur d'aller a la ren- contre de son peie. Les deux arraees se trouvereat en presence dans une plaine : la unit qui survitit sembla vouloir derober aux yeux des homnies la vue du combat qui alloit se livrer. Canao j profuant de cette circous- tance , dit a Cliianine : « Je no ciois pas , prince , qu'il convieune f[ue » vous combaltiez conlre voire pere ; laissez-nioi toniber sur lui cede « nuit, et je vous reponds de la victoire. » Le prince francois, que Dieu poursuivoit dans sa colere , rejeta bautement cette proposition et remit I'attaque auleodemain. ao8. 209. Clotaire , dont la vie n'avoit rien qui se rapprocbut de celle de David que par sesadulleres etparla necessile oiiil eloitd'en veniraux mains contre un fils rebellc, osa se mettre en parailele avec ce roi. A.vant cpie tie livrer la balaille , il s'ecria les larmes aux yeux : « Voyez , Seigneur , )' du baut du ciel, les outrages que me fait mon Ills : jugez ma cause >> coinme vous avez autrefois juge enlre Absalon et David , son pere. » l.a fureur qui animoit les cbefs passa dans les soldats : le combat fut opi- niatre et sanglant et la vicloire long-temps balanct'e. Les Armoriques per- direnl enfin leur rang, el bienlot apres ils furenl mis en deroule. Judual qui , dans une guerre jusle, cbercboita venger la morl d'un pere et celle de ses oncles , et a laver, dans le sang du Ivran , des outrages person- nels , suit de pres Canao et Tatteinl d'un javelot qui lui enleve la vie dont il n'eloit pas digne. Cbramne prit la fuite vers la flotte qu'il a\ oil fait tenir prete en cas d'ecbec. Mais , pere et mari aussi lendre que fils denature , il se rappela que les princesses ses filles et sa femme couroient les plus grands dangers. A I'aide de quelques braves qui le seconderent , il eloit sur le point de les en relirer, lorsque les soldats viclorieux le firent pri- sonnier ; ils le lierent coninie un criminel et I'enfermerent dans une cbau- niiere. Clotaire, informe de celle nouvelle , ordonna , dans le premier niouvement desa colere, (ju'on le brulal vif avec sa fennne et ses enfans. Cet ordre, que la barbaric avoildicle, fut mis a execution , excepte que Cbramne , qui eloit le seul coupable , fut etouffe avant que d'etre consu. me par le feu (i). 210. Clotaire profila de la defaile de Canao, ce prince si digne des noms qu'on lui donna (2) , pour s'emparer des comti's de Venues el de Ct)Greg. Turon. Hist.lib. 4. n. 20; Viede augmcnte la signiflcalion , cl do , violent , S. Leonor, dansDucliesne. furieux : prince ircs-violent. Canao a etc aussi (2)Lenomdc Canao \icni Ac can , prince ; appclc Conober H Canbur : ccs deun noras rc- d'a, parliculc , qui, ajoulcc aui mots^ en pondcnt au premier. Ber , impciueux ; bur. 4o8 HISTOIIUJ ECCLKSIASTIQUK. >'antes ; il y j()i|^iiil celui de Renncs , qui avoit fait partie dii patrimoine de Iloel II. Jiuliial , fils de celui-ci , conserva la partie scpteiitrionale de rArmorique , qui s'elend depiiis Dol jusqii'a Leon. Le reste fut du res- sort des aulres princes de sa famille ; tons furenl nt-anmoins , probable- ment , sous la cU'pendance du monart|ue fiancois. 211. (i) Les lauriers que Clotaire cueillit en Armoriqne, lui coiite- rent bien des remords. Les presens qu'il fit a I'eglise de saint Martin ct a d'aulres , ne lui rendirent pas la paix de I'ame; le joxu' nieme , eta riieure nieme qu'il avoit fait prrir son fils , il mourut d'une fievre dont il fut pris en cliassant dans la foret de Conipiegne (-2). .4vant que dexpirer, il prononca ces paroles remarquables : « Combien grande doit elre la » puissance de ce roi du ciel , qui fait ainsi mourir, quand illui plait, les » plus grands rois de la tent ! » ■211. Clierebert , Gonlran , Sigebert et Cliilperic , ses enfans , partage- rent ses etats. Les comti's de Ronnes, dc iNanles et de Vennes, avec la sou- verainete sur le resle de TArnioriquc , t'cluirent a Cliilperic , roi deSois- sons. a 1 3. La vie de Tun des freres de Canao , dont noxis n'avons pas en- core parle , ne presentera point de ces scenes qui alarmcnt I'luimanite. Les maximes des grands de son siccle n'avoient point influc' sur ses mceurs. La religion , ce puissant mobile des grandcs actions , et qui ennoblit celles qui paroissent les plus potiles aux yeux du uioude , avoit regie les niouvemcns de son coeiir. 2i4-(-e prince se nomma Tugdual, parce qu'il devintle clief d'un grand nombre de religieux (3). Eleve , comme Leonor , a IV'cole de saint Illut , dans la Brelagne insulaire ou il avoit pris naissance , il renonca des sa jeunesse aux possessions de la terre , et s'ncquit unc reputation fondee sur le na'rite personnel. 2 1 5. La reine Alnia-Ponipa , sa mere, s'c'tdit separee da monde aussi~ totapres la mort de son mari. Soene , sa fille, avoit fait ^oeu de virginite. Toutes deux se baterent d'aller trouver Tugdual , en Bretagne , d'oii il n'avoit })as sorli depuis sa naissance. Elles ne rougircnt pas de se inel- tre sous sa direction. colire, fougucux. Domini' par un tempera- de cot, forct. Coraj)irgnc lire son nom dc raentfougucux, Canao n'tpargna iiilcsacre, compen, belle, et deli, en composition de, ni le profane , pour parvcnir a ses fins. maison. (1) [ An 5G1.] — Omission. a. V. (3) Tug , chef ; du, maison ; al, nombreuse: (2) Cette for(?t sc nommoil %a'a Colia , chef dune nombreusc maiton. 216. SIXlilME SliCtE. 409 216. Bientot apres il passa avec elles , et avec un grand nombre de re- ligieux, en Armorique. Hoel 11 (i) recut cette sainte troupe avec les egards qu'il lui devoit. Ce prince , qui ne respectoit pas moins dans ses chefs les vertus eminentes que la voix de la nature , donna a son frere ce qu'il voulut de terres pour batir des monasteres. V-2I7. 11 en construisit un proche le Conquet. Ce lieu se nomme , de nos jours , Trepabu (2). On I'a converli en une eglise paroissiale. 218. Tugdual en edifia un autre a la jonction de deux rivieres , dont une se partage en deux bras , avant que de s'unir a I'autre; ce qui a fait donner a ce terrain le nom de Trecor, ou des trois rivieres (3). La maison qui y fut etablie s'appela Zrt«- /"recoA- ou Lan-Treguer (4). Cette communaute , qui etoit placee dans une position avantageuse , a donne la naissance a la ville de Treguer. 219. Tugdual fut I'administrateur et I'abbe de ces deux maisons reli- gieuses ; il s'arretoit le plus souvent dans la derniere : ce qui ne Tempe- cha pas de conduire I'autre avec autant d'activite et de vigilance que s'il y eut toujours ete present. 220. Les eveques de Dol s'etoient charges , depuis la fondation de cette ville par les troupes de Maxime, et depuis son erection en siege episcopal , de conduire dans les voies du salut celles qui s'etoient fixees dans le reste de la partie septentrionale de I'Armorique. lis avoient meme forme deja quelques paroisses dans le territoire qui compose maintenaiit le diocese de Treguer. On y distingue entr'autres Lan-mur (5), oil il est probable qu'ils avoient etabli un baptistere. Des eveques regio- naires , dont la plupart avoient habite vers I'embouchure du Leguer , proche la paroisse de Ploulech (6) , dans un lieu qu'on nomme Coz- gueuded , avoit rendu aux eveques de Dol des services imporlans dans le saint ministere (7). Le zele des eveques de Dol et de leurs cooperateuis (Ij La Legcndc dc saint Tugdual nomme tuire, au renvoi (a). (Ci-dessus, Introduc- Deroch cclui qui le traita si favorablement. tion , n ■ 89 , p. 3S , note 1. a. V. ) Ce nom vienl de der , chdri , el d'och , prince. (4) Lan , monaslire. Hoel n avoit beaucoup contribue par ses (5) Lan, I'glise ; mur, grande. talens militaires a faire rentrcr I'Armorique (6) Ploulech tire son nom dc ptott, dont sous I'empire de son pfcre. Ce qui Ten avoit nous avons deja donne rclymologie , et dc fait beaucoup aimer. Sa generositc cnversles lech, eau ; canton habile sur le bord de I'eau. seigneurs le fit cherir de la nation. (7) Parmi les soixante-qualre eveques qu'.Vl (2)Tre,dcmeure;pab,pcrc: demeure dupire. bcrt le Grand donne h la ville de Lexobie (3) Voyez t. 1. , p. 75 ct 7G dc cette His- avant Tarrivcc de saint Tugdual a Trccor, on J2 4 10 IIISTOIRE ECCLESIASTIQUE. s'etoil elendu jusqu'aux naturels du pays. Plusieurs avoienl embrasse le cluistianisme ; les autres perseveroient dans leurs superstitions. Tugdual ful employe a leur conversion ; il porta chez eux la lumiere de I'Evangile ; partout il fit la guerre aux vices. ii]. A I'exeniple dc son frere Leonor , il enlrcprit le vovage de Paris pour faire confirnier par Cliildcberl les donations qu'on a\ oit faites a ses nionasleres. En passant par Angers , il lia une etroile amilie avec saint Aubin , eveque de celte villa. Ce prt'lat , qui I'accompagna le reste de sa route , voulut bien se charger de le presenter au prince et lui servir d'interprete (i). Le roi lui accorda sa demande avec plaisir. ■ii2. Infonne des obligations que la religion lui avoit dans rArmori- que , et convaincu par lui-meme de son mt'rite , il crut que, s'il eloit revetu de la plenitude du sacerdoce , les fruits qu'il recueilleroit seroient encore plus abondans. Get abbe fut consacre eveque , malgre sa repu- gnance. Childebert nc lui fit assigncr d'autre district que celui de sa cliarite (2). 223. I.'elevation de Tugdual ne lui fit point oublier son etat ; loujours egalenient bumble et mortifie , il ne s'abaissa pas moins au-dessous des autres; il conserva le meme esprit de penitence et d'oraison. Saint San- son II s'en servit comme d'un instrument de la grace du Tout-Puissant ; Dieu repandit de nouvelles benedictions sur ses travaux apostoliques : ce qui contribua beaucoup a adoucir la peine qu'il ressentoit de la pei te de sa solitude. 11 se rapprocboit de son cber Lan-Trcguer , aussitot que ses occupations publiques le lui permettoient ; lii il respiroit a son aise au milieu de la vertu que Tair contagieux du monde a toujours alar- mee , et il reprenoit de nouvelles forces pour soutenir les fatigues aux- qiielles son zoic I'appeloit. 29.4. I.a sainlele de Tugdual , son aideur pour la gloire de Dieu et le .salut des hommes ctoient autant de reprocbes (ju'il faisoit au vicieux el iiibumain Canao. C'en fut assez pour encourir son indignation : la n'cii voit aucun dont I'cxislcncc soil prouv^c , doit son originc qu'aux Bretons de I'ile. S,i ve- ou par leur assistance a Jcs conciles, ou par ritablc elyraologic sc lire de Hex , riviere, et des rapporls avec quelqucs afTaircs civiles ominoe. nioycn-4gc de la l.cxobie armorique, elle ne ' ^ ' SIXIEJIE SINGLE. A I 1 quality de frere , selon la chair , fut oubliee ; celle que donne la reli- gion , faisoit depuis long- temps I'objet de son indifference. Ceux qui prenoient le parti du tyran (et il ne s'en trouvera toujours que-trop qui epouseront les interets du plus fort , quelque marques qu'ils soient au coin de I'injuslice ) souleverent le peuple contre celui a qui ils au- roient pu par reconnoissance eriger des trophees. 225. Tugdual alia cacber son innocence dans la solitude avec quel- ques-uns de ses religieux ; les betes feroces le servirent mieux que les hommes. II s'y offrit chaque jour comme une victime de propitiation pour les peclies de son frere et de ceux du peuple ; ses humiliations et ses prieres ne firent pas descendre du ciel cetle grace victorieuse , (lui , en menageant la liberte de I'homme , triomphe des cceurs les plus en- durcis. Quelques annees auparavant , le Dieu des misericordes avoitprete une oreille favorable a ses voeux durant une maladie contagieuse qui avoit afflige le territoire de Treguer et celui de Leon. C'etoit la pes.te qu'on nommoit inguinaire. Get abbe , dont les prieres se reunircnt a celles de Pol , ce pasteur si tendre , avoit fait une sainte violence au maitre souverain de I'univers. 226. Vivement louche des scandales que Canao multiplioit , Tugdual , pour fortifier safoi et s'affermir dans les souffrances, alia visiter a Rome le tombeau du prince des apotres. Ce pelerinage, qui de nos jours n'est presque plus qu'un sujet de dissipation et de curiosite , fut pour le saint prelat une nouvelle source de merite. Dans la route , il le sanctifia par le recueillement interieur et par le chant des pseaumes. Humilie devant les saintes rehques , il comprit mieux que jamais que la devise d'un Chre- tien qui se fait gloire d'etre le disciple de Jesus-Christ , est de soulTrii- ou de mourir. 227. Le saint eveque , a son retour , n'eut plus d'ennemis a redouter. Canao avoit peri lesarmes a la main contre son souverain. Une disetle, qui avoit repandu la misere dans les campagnes , avoit rendu le peuple plus traitable : le temps, qui fait presque tout oublier , avoit faits'eva- nouir la calomnie. Tugdual mit a profit ce moment ; il I'employa pour porter les uns et les autres a Dieu et a la pratique de sa loi. II continua de gouverner ses deux monasteres avec la nieme edification et le meme applaudissement. 228. II mourut un dimanche, dernier jour de novembre : ce (ju'on pent rapporter a I'an 564 a" plutot , ou a quelque autre annee posle- rieure. Son corps fut inhume dans son nionastere de Treguer. Dieu ilhis- ^ , „ niSTOIRE ECCLKSIASTIQUE. tra son lombeau par des miracles qui alteslerent sa saiulete ilevant les homines ; les fideles y accoururent de toules parts : les uus , pour y obte- nir , par son intercession , la guerison de leurs maladies corporelles ; les autres, pour s' exciter a la pitle , a la vue de ces precieuses reliques (i). aag. 11 est probable qu'Alma-Pompa s'etoit fixee dans la foret voisine de Lantreguer (2), et qu'elle y avoitbati un monastere; on en retrouve en- core le nom dans celui de Lancoat (3). C'est aujourd'liui une eglise pa- roissiale ; les reliques de cette reine y ont repose dans un tombeau qui est au milieu du choeur ; on I'y honore sous le nom de sainte Copeie. On n'a pas decerne de culte public a Soeve; mais les Actes de saint Tugdual lui donnent la qualite de bienlieureuse (4). a3o. Cependant , saint Pol-Aurelien , ([ui aspiroit , depuis long-temps, apres la solitude , s'etoit decharge du fardcau de I'cpiscopat. II avoit mis dans sa place Joevin (5). C'etoit I'un de ses disciples. Ses rares qualites lui etoient connues , des avant le temps qu'il quitta la Bretagne. On as- sure que saint Sanson 11 imposa les mains a ce nouvel eveque (6). 23 1. Le siege de Leon ne fut renipli que Ireize mois par .loevin : la mnit I'enleva alors a son diocese. Tiernomail , autrement Ermel , fut son (1) Baillet, Albert Ic Grand ct Lobincau , Vies des Saints de Bretagne. On a donne plu- sicurs autres noms au premier abbe de Tre- guer, outre celui de Tugdual. On I'a appele Tugval , dc(«j, chef, et de vol. grand, ile- vi. A ces noms de Tugdual el de Tugval , on a ajoute celui de Pahu , ou pcre , qu'on don- noit parliculicrement aux evi'^quos. 11 conve- noit surtout h ce saint, quia enfanle dans Jesus-Christ beaucoup de chrctiens. Voici ce qui a donne lieu au prelendu souverain pon- tilicat de Tugdual sous le nom de I.^'on v. Dans la vie originale dc ce saint, on lisoil ces mots : Leon pabu Tugdual. Ces termes, qui sent ccltiques, etoient enlendus dans leur signification naturelle , et n'etoicnt employes que pour designer un illuslre et excellent pire et chef dune communauti nombreusc. Le , il- luttre;on, excellent. Pah. perc ; lug, chef; du.maison; al . nombreuse. Lorsque le cel- tiquc dcvint moins familicr, on crut pouvoir trouver dans Ic francois I'origine dc ces trois roots: pour leur donner un sens intelligible, on les arrangea de la manifcrc suivantc : Leon pab y , Tugdual , ce qui vouloit dire que Tugdual avoit ite pope ious le nom de L(on Y. Les legendaires cmbellirent ce prctendu fait de la facon qu'on le voit dans Albert le Grand . (2) Pour Lan-Tregucr, dont il vient d'etre parle. a. V. (3) Lan , monastere : coal , foret .- monastire au milieu d'une forit. Cette foril s'ctendoit jusquW Ilencoal , paroissc qui est dans une ligne parallele h Lancoat. Hen, rieille ; cnat , foret. Alma-Pompa , qui residoil h Lancoat , ctoil a portce dc recevoir de son CIs Ious les secours dont cllc avoit bcsoin , cl de lui four- nirceux qui depcndoicnl d'clle. (i; Actes de saint Tugdual. (3) Le nom de Joevin vient do jo . eau ; d'c . particule employee a la tetc du mot, sans rien ajouter h sa signification ni en rien Oter, ct dc vin , bon, saint. Ce qui vcut dire : le bon ou le taint qui habile aupris de I'eau. On lit dans la vie de saint Pol que ce maitre ce- da i Joevin roratuirc qu'il avoit bAti dans uii vallon, aupres d'une fontainc, en la partic la plus occidenlale du pays d'Ack. Joevin , qui habita ce lieu , a pris de l?i son nom. (6) Proprium Lconcnsc, ad diem 2 iMartii , in fcsto S. Joevini. SIXIEME SIECLE. 4' 3 successeur (i). Comme Joevin , il avpit ete forme a I'ecole de saint Pol , et il en avoit les vertus. On esperoit que son pontifical seroit aussi saint que celui de son predecesseur ; mais on se flattoit que sa duree seroit plus longue. La Providence divine en avoit autrement dispose : a peine Tiernomail eut-il passe un an dans les travaux de son rainistere , qu'il termina ses jours. aSa. Get evenenoent frappa saint Pol d'une maniere sensible. Durant le cours de deux annees , les deux niinistres , qu'il avoit donues a son eglise lui etoient ravis ; le maitre des destinees , qui veilloit sur lui , seni- bloit ne le conserver que pour I'inviter a reprendre ses fonctions. Son peuple le sollicitoit avec empressement a rentrer dans sa premiere car- riere. Soumis aux ordres de Dieu , il crut en tout cela les reconnoitre. Des lors , sans ecouter la foiblesse de son temperament , que les veilles et les travaux de toute espece avoient etrangement altere , il se livra avec une nouvelle ardeur au gouvernement de son diocese. Son amour pour son peuple n'avoit rien perdu de son activite : il travailla avec le meme zele a I'edifier par ses instructions et ses exemples. Sa charite in- genieuse supplea a ce que les forces de son corps ne lui permettoient pas d'entreprendre. a33. Apres avoir rempli de nouveau les fonctions de medecin , de maitre et de pere , il s'occupa sans retour du compte qui lui restoit a rendre a Dieu ; dans cette vue , il se fit substituer par Cetomerin (2) , I'un de ses religieux, dont le merite etoit connu. II le sacra en presence du comte Judual , a qui appartenoit le pays de Leon. 234. Au milieu de cette ceremonie, un aveugle supplia saint Pol d'a- voir pitie de lui , et d'adresser ses voeux au ciel en sa faveur : a I'heure meme, il fut gueri , par le seul attouchement des mains du pieux eve- que. Le prince , qui fut temoin de ce miracle , donna au saint une grande etendue de terrain qu'on nommoit le territoire , par antonomase : c'est ce qu'on a nomme depuis le Minihi (3). Nous en ferons mention lorsque nous parlerons des lieux d'asile qui ont subsiste si long-temps en Ar- morique. 235. Saint Pol retourna a son monastere de I'ile de Bat. Les travaux , (I) Un moine de Saint Benoit sur Loire, (2) Cetomerin a tire son nom dc ccl , com- qui a (icrit la vie de saint Pol , appelle Tier- munaule ; d'o, indicatif de merite, el de mcr, nomagilus le successeur de saint Joevin. Ce grand. Ce qui veut dire : le plus parfait dune nomse lire de licrn , chef i d'o , indicatif de communaute. merilc iCide magher , mailre : chef qui est un ,». ... ... .. grand maitre i er, grand; met, chef. 4l4 HISTOIRE ECCL^SIASTIQUE. les veilles et les jeunes , joints a son age avanoe, en firent nn squelette anime ; il etoit cependant toujours le premier a tons les exercices de la communaute et surlout a celiii de I'oraison. 236. Comme il ctoit un jour dans une cellule voisine de son nionas- teie , lieu on il se retiroit pour prier avec plus de trancjuillite , et qui a conserve le noin de Pcnili , il eut un pressenliment de sa mort pro- chaine. II pria ses religieu.\ de se rejouir avec lui sur la couronne de jus- tice que Dieu pn'paroit a son amour ; tendre pere , il Icur promit f[ue son esprit seroit toujours avec eux et qu'il les secourroit dans leurs liesoins; il les consola en leur faisant observer qu'il ne les laissoit pas orphelins, et que le pastcur qu'il icur avoit donne, auroit pour eux les nienies senlirnens que lui. « Suivez , mes cliers enfans , leur dit-il , » suivez les exemples (jue jc vous ai kisses , et praliqucz les regies (|ue ' » je vous ai donnoes. C'est le seul tt'nioignage de recnnnoissance et d'at- » lachement que vous demande la tendresse de voire pere raourant ; » en agissant ainsi, il vous promet , de la part de Dieu, mille bcuedic- » lions. » Fortifie du pain des forts , c'est-a-dire , du corps et du sang de Jc'sus-Christ , les mains levees pour benir ses cliers disciples , il leur dit : « Que la benediction de Dieu^ que nous adorons, l*ere, Fils et Saint- j> Esprit , descende sur vous. » Dans le moment memc , il rendit I'ame a Dieu. 237. Sa morl arriva le 12 de mars, qui eloit un dimanclie ; ce qui nous fait presumer que ce fut I'an S']Z (i). Son corps fut inhume dans son eglise catliedrale : son tombeau est encore an milieu de la nef. Di- vers miracles se firent a la presence de ses sainles relirjucs. Son eglise , pour bonorer sa mcmoire , a pris le nom de son fondateur ; Leon meme la fait preceder du sien. Le culle de cet eveque s'tleudit en peu de temps dans toute I'Armorique : il est invoque parmi les saints confesseurs, dans les liUinies angloises du septieme siecle. 238. Saint Pol avoit recu de Dieu des graces particulieres , pour per- suader aux fideles la pratique des conseils evangeliqucs. Dans la vue de seconder leurs genereuses resolutions , il leur construisit des monasteres. (1) Vn ancicn manuscrit , cite par BoUan- il avoit 93 ans. Un raoine de Saint Benoil sur dus, fixe la mort dc saint Pol i cctte annee. Loire, qui vivoit au dixidme siicic ct qui a II avoit ete mis dos son enfance sous la disci- compose sa vie, le fait vivre au moins cent pline dc saint Illut , probablement d^s Tige ans. Ce qu'il dit de ce grand Jge n'a pour fon- de cinq ans, ct pcut-tUrc la premiere annce dement qu'un oui-dirc Ac plusde quatrc cents que ce maitre cnscigoa , c'est-ii-dirc , I'an ans. Ce oui'-dire, passe par tant de bouclies , 485. Pol eloit done nc vers I'an 480. En 573, ne meritc pns une foi rigoureuse. SIXIEME SIECLE. 2l5 Outre ceux dont nobs avons pavle , celui de Geiber (i) tienl un rang dis- tingue : il etoit sitae dans le lieu nieme ou I'qn a bati le^mpnastere de Relecq (2). :•? ^^^b oi'T'jZ^'l <■ , o'nr.n 239. Le premier abbe de Gerber fut Tangui , autrenient Gurgui (3) ; il fonda lui-meme, comnie on le pretend , I'abbaye de saint Matthieu , des liberalites de Gualon son pere. On assure que c'etoit un seigneur riche et puissant : c'est du moins ce que son nom indique(4). 240. On donne une scEur a cet abbe : elle portoit le nom de Haude , qui designe une personne accomplie (5). Elle a ete raise au nombre des saints : I'ancien breviaire de Leon en fait memoire le 1 8 de novembre , et lui donne la qualite de vierge. 24 I . La mort de Canao avoit ete une nouvelle preuve de la nianiere dont Dieu punit de temps en temps I'ambition des grands de la terre , ce fleau de la societe civile ; la vertu osa se montrer a decouvert et re- pandre au loin ses salutaires influences. Saint Leonor qui , par ses vauv au ciel , n'avoit pu changer le coeur de son frere , redoubla ses efforts pour assurer sa vocation par de bonnes ceuvres. Le reste de sa vie ap- procha plus de celle d'un ange que d'un homme. 242. Sa communaute de Pontual recut ses derniers soupirs. On ignore combien de temps son monastere subsista apres sa mort. La paroisse , dans I'etendue de laquelle il I'avoit etabli , a pris le nom de ce saint abbe ; I'eglise paroissiale conserve son tombeau , qui est eleve de deux pieds au-dessus de la terre : on y voit son chef dans ini reliquaire d'ar- gent ; ses autres ossemens reposent dans deux chasses d'ebene vilrees. On I'honore particulierement en Armorique ; I'eglise de Saint-Malo en fait la fete le premier de juillet; une chapelle de la cathedrale de Rennes lui etoit dediee avant sa demolition. Plusieurs paroisses le re- connoissent pour patron , entr'autre celle d'Andouille (6). 11 y a lieu (1) Le monastere de Gfrfter a empruiite son au milieu dune forel. Gur , homme ; gwi , fo- nom de ger , auprcs , et de ber , forel. Le Re- ret .■ homme de la forel. lecq , qui est dans un vallon , aux confins des ,^^ g^,^^ ^ t.^^.^iche ; on , prince .- prim-e dioceses de Leon , de Treguer et de Quim- irts-riche per, est doraine par une grande foret aupres de laquelle sont ceux de Coetlosquet et de '-^•' """" ' ""'^"'Z""'- Penhoet. (6) Celte paroisse, du diocese de Rennes, (■2) Le nom de Relecq se rend par Reliques. qu' est presque entource de la rivii-re disle , Cdte communaute a dd ctre ainsi nommce tn apris son nom. An . aulow ; dou, riviere; de quelque relique considerable qu'on y placa ^' ' i'*'''^ ■ « ' '«'"'■« • '^'■'"'"''' e""''""""'-' «''"'»'' j-abord. " P'^t^"' riviere. Telle est la riviere disk; is , ri- (3) Tan , chef; gwi , forel . chef qui habile i''«''«'' ^^ ' ?«'''«• 4i6 nisTOiRE ecclesiastiqtje; de penser qu'il employa ulilement le caractere episcopal dont il etoit honore , et qu'il s'en ser\it pour rinslruclion des habitans de son voisi- nage , a Texemple des aulres saints abbes , a qui Ton avoit defere cette distinction. a/fS. Sanson ii , a qui le prince Judual etoit si redevable , jouitaupres de lui de la plus haute consideration. Ce comte I'aima comnie son pere et I'ecouta comme un oracle. Ce saint eveque partagea ce qui lui restnit d'annees a vivre , entre les travaux de la penitence , le soin de son diocese et de ses monasteres. 244- L'auteur de sa vie rapporte qu'il passoit les caremes dans quel- que lieu solitaire oii il n'avoit que Dieu pour temoin de ses austerites et de ses autres pratiques heroiques ; il ajoute qu'il portoit avec lui trois pains , la seule nourriture qu'il eut durant ce saint temps. •245. On ne pent dire combien il corrigea de desordres et de supers- titions. L'ile de Gersey , \oisine de son premier monastere , fut arrosee de ses sueurs ; il y abolit les fetes paienncs des calcndes de Janvier. Par la douceur de ses discours, il gagna tons ceux qui eloient capables d'e- couter la raison ; pour les enfans , qui ne se conduisoient encore que par les sens, il les detourna de courir en masque au jour de cette fete, en leur distribuant des medailles dorees. 246. Le monastere qu'il avoit bali sur le bord de la mer , a son arrivee en Armorique , etoit celui qu'il habitoit de preference : cette maison etoit assez eloignee de la ville de Dol pour le separer du tumulle du monde , de maniere cependant qu'il pouvoit etre instruit chaque jour de ce qui concernoit son eglise catliedrale. Des oies sauvages(i), qui se rasseni- (1) Voicice que porte la vie de saint San- par la Gtrmanie , on doil cnlendre los deux son donneeparSurius: , lam habebal , cu quod divcrso! aves innu- raaniqucs. Les coramandans des troupes ro- » merobilcs circa monasUrium ex ulraque maincs qui burdoient le Hhin , pourmettre les » parte , id est, anscres fulvm ct albicanles Gaules A couvcrt des incursions des Germains , » convenicbant , qua molesliam illi ac atiis envoyoient des cohortes cntii-res h la chasse » fratribus infercbanli ila u« aliquis verbum de ces oiseaux. Forlunat met ces oies parmi » alleriut . iirvpter snnos (Uversns vix audire les oiseaux qui frequcntoiont la Meuse. » po(cral.i) Dans la vie manuscritc du raceme ^^^ ^^^^^ j„|j.j, jp^j^s _ ,|„o grus , ganla , anser saint, ces oies sent appelics ganlcs , a cause olorque. de leur blancheur. Ganl , blanche. Pline rap- Triplice merccferax , alilc , piscc , rate, porte, I. 10, c. 22, que, dans la Germanic, Saint Valbert, alibr de Luxcuilau septiemc on vopit unc espece li'oits sauvagcs , qui siecle , cmpecha , par un miracle , Ics ravages etoienl blanches it plus pttitcs que les autres, ^^^ j^^ ^^j^^ jauvagcs , appeU'CS ganUr par les k qui Ion donnoit Ic nom de gantm ou gan- payjans, faisoicnt dans sa tcrrc de Nant en sa. Sur quoi le P ilardouin remarquc que , jj^je bloient SIXIEJIE SIECLE. 417 bloient aux environs de cette communaute , faisoient souvent un lei bruit par leurs oris , que les moines ne pouvoient pas meme s'entendre ; Sanson les en delivra par un miracle , si Ton s'en rapporte a I'un des auteurs de sa vie. 247. Sanson mourut dans cemonastere vers I'an 576 , dans un age fort avance (i). II fut universellement regretle : les grands, le clerge et le peuple perdirent en lui un pere. Son corps fut enlerre dans I'eglise de la communaute , ou il venoit de terminer ses jours. Les miracles , qui se perpetuoient encore a la fin du septieme siecle sur ses cendres, avoient rendu ce lieu celebre ; son nom ne tarda pas a etre invoque , et la fete de ce saint fut solennelle dans son eglise catliedrale. il[8. L'armee de Clotaire avoit mine le monaslere de Taurac , pen- dant son sejour dans le pays de Dol. Ce qui nous fait penser que le cliamp ou la bataille avoit ete livree a I'avantage du roi, etoit voisin de cette communaute , et que la flotte de Cbramne n'en etoit pas eloignee (2). Sanson fit reparer cette maison , qui etoit un sanctuaire de la penitence. 11 avoit mis a sa tete un abbe d'un grand merile, qui se nommoit Si- milien. L'amour de la retraite lui avoit fait quitter I'lrlande , sa pauie. Jl est probable qu'il avoit passe en Armorique a la suite de saint Sanson. (1) Nous avons prouve ci-dessus, au renvoi [a) des pag. 205 et 206 {') , que ce monastere etoit aupres de rcmbouchure de I'une des rivieres des Diablintes , et qu'a cette embou- chure il y avoit un port de mer. Dans le voi- sinage etoit un terrain eleve que , par cette raison , on appeloit Dol. Comme le monas- tere de saint Sanson fut bclti sur cette emi- nence, il en porta le nom {Dolum monaste- rium). La vie de ce saint , inserce dans celles des saints de Surius, porte ces termes : « Mo- » naslerium ejus fSamsonisJ prope mare esl.r> A ces traits , on ne reconnoitra pas le lieu 0(1 est siluee la ville de Dol. Ce sont done deux endroits differens. L'un dominoit sur le ri- vage de la mer et sur un port ; I'aulre sur la plaine de la foret voisine. L'un etoit une ville 150 ans avant rarrivce de saint Sanson 11 , en Armorique ; I'aulre ne fut habitc que quand cet dveque y etablit un monastere. De la on doit conclure quel cas on doit faire de I'opi- nion qui attribue a cc monaslere I'origine de la ville de Dol , et qui n'en fait remonler les premiers eveques qu'a saint Sanson 11. (2) L'abbe des Fontaines , Hist, des dues de Bret. , t. 1 , croit que cette bataille se don- na enlre Saint-Malo et Chileauneuf. D. Mo- rice , plus reserve , se contente de la placer vers Saint-Malo. On nepeut rien dire de cer- tain a cet egard. Gregoire de Tours, 1. i, n. 4. de son Hist. , dit souleraent que le lieu od les deux armees se baltirent etoit une plaine, et que Chramne avoit des vaisscaux lout prOls a lerecevoir en casdc defaife. Les troupes du rebelle etoient vraisemblablcraent poslee au- pres du monaslere de Taurac, qui , d'un cote, avoit la mer en face, a I'embouchure d'une riviere oil il pouvoit sc Irouver un petit port , ct de lautre une plaine. La retraite des trou- pes de Chramne dans leurs vaisseaux, donna lieu a la ruine du monastere de Taurac. V [*) Voyez ci-dessus , n" 180 , p. 397, 4 la nole. a. V. 53 ■llS HISTOIRE ECCL^SIASTTQUr:. 249- Panni Ics religieux dc la communaule de Taurac , on distinguoit saint Ktlihin (i). 11 avoit pris naissance dans rArmorique , d'une famille ilhistie. Son pere se nonimoit Eatjchhis , autrenrient Enciiis ou Eucius{pL), et sa mere Eula (3). II fut tleve avec soin , jus(ju'a I'age dc quinze ans , dans la niaison palernelle. Eula , devenue veuve , ne pensa plus qu'a vivre pour Dieu. Saint Sanson 11 lui donna le voile sacre. - 25o. Ellibin , animo par la vue de ce sacrifice , s'offrit egalement an Seigneur. Le saint prelat, (|ui venoit d'etre nomme a Teveche de Dol , lui donna la tonsure clericale , et le prit dans sa maison episcopale , pour le former an saint ministere. Le temps que cet eleve y passa ne fut pas long ; mais il fut marfjue par une grande docilite et par un desir sin- cere de travailler a sa perfection. 25 1. Un jour que le saint eveque celebroil les saints mysteres , un diacre nomme Daumer (4) , clianla ces paroles de Jesus-Christ dans TE- vangiie : « Celui ([ui ne renonce pas a tout ce qu'il possede, ne pent etre » niDU disciple. » 11 n'en fallut pas davanlage pour determiner Ethbin a tout abandonner et a enibrasser I'elat religieux. II fut encore forfifie dans cette resolution par son pieux eveque. Sanson , qui ne vouloit pas le ])crdre de vue , le fit entrerdans le monastere de Taurac, et le confia au saint abbe Similien. 2J2. Comme son nierile s'accrut avec I'age , Sanson le fit passer par les diflV'r^is ordres jusqu'au diaconat. II y avoit alors , dans le meme monastere , un religieux lionore du sacerdoce. Son nom etoit Guignole. Ce pretre, qui admiroit les dons de la grace que Dieu repandoit sur Ethbin , avoit pour lui une affection vraiment paternelle. Comme il alloit de temps en lenqis , par I'ordre de son abbe , ct'U'brer la messe ;t une eglise cloignee d'envirun un millc, il se faisoit accompagncr par ce saint tliacre , qui le servoit a I'aulel. 253. On rapporle (|u"un jour , lorsqu'ils revenoient au monastere , apres avoir satisfait a leur devotion , ils renconlrerent un lepreux couche par terre , qui imploroit leursecours; son corps etoit convert d'ulceres, dont le scul asjiect iuspiroit de Ihorrcur. L'aversion que la nature res- sent pour de parcils objets , ne fut point ecoutee. Apres que ces deux (1) Ellibin a pris son nom A'ct, aimablc , seigntur. Celui d'Eueiut , d'tu, bon , elde ti, rt dc bin , douj. xcigneur. (2) Eutychius t.rc son nom deu , bonne , ,3 ^^ ^^.^ , ^^ ^ ^^^^ ct dc tyeh , maison : homnte de bonne maison. Lc nom d'Eneius vicnt dVn , grand , ct dc si , (4) Dau , chef; mer , grand. 4i9 religielix eurent rendu au malade le service qu'il attendoit de leur cha- rite , ils reconnurent que Jesus-Christ , pour mettre en action leur amour envers le prochain , avoit pris la figure du malheureux qu'ils \enoient de soulager ; ils le virent s'envoler au ciel tout brillant de lumiere. 254- Ces deux saints se separerent apres la destruction de leur commu- iiaute par les Francois. Guignole s'altacha a quelqu'un des autres ino- iiasteres de saint Sanson , en attendant que Taurac fut reedifie ; il mou- rut dans celui-ci de la niort des justes (i). 255. Etlibin s'enfonca dans uue solitude , peut-etre dans la paitie de la plaine de Dol qui n'etoit pas encore defrichee. Il y habita plus de trente ans; de la il passa en Irlande et se fixa dans une epaisse et som- bre foret (2). Il y construisit un oratoire , qu'il dedia a saint Svlvain ; martyr; tout aupres , il se fit une chaumiere, 011 il demeura plus de \ingt ans. 256. Son abstinence etoit telle , qu'il ne prenoit de nourrilure que deux fois la semaine , le dinianche et le jeudi. Sa refection consistoit en du pain et de I'eau ; il ne se servit jamais de vin que dans le sacrifice de la messe. 257. Dieu releva la vie cachee de ce saint hermite par un grand nom- Ijie de miracles. Un des plus remarquables est la guerison d'un enfant paralytique ; sa mere I'avoit porte au tombeau de sainte Brigide d'lr- lande; la elle eut une revelation que son fils ne seroit gueri que par saint Elhbin. 258. A I'age d'environ quatre-vingt-trois ans, ce solitaire fut attaque d'une fievre violente : c'etoit la le dernier sacrifice qu'il avoit a faire avec Jesus-Christ crucifie. Se sentant pres de sa fin , il assenibla les ver- tueux hermites qui habitoient la nieme foret, et les supplia de I'inhumer dans sa chapelle , au cote droit de I'autel , et de faire celebrer la sainte messe pour le repos de son ame; il se fit meme porter dans sou ora- toire ; a peine etoit-il aupres des marches de I'autel , qu'il expira : cet evenement arriva le 19 d'octobre. Le Martyrologe roniain fait nienlion de ce saint sous le meme jour. Trilheme le fait vivre jusqu'au com- mencement du septieme siecle (3). Son corps fut depose dans le (1) Usserius , Britan. Eccles. Antiq. , p. fortt : "Sylva, qua: Necknsis dicilur.n he 2i8;Surius, ad diem 19 octob. ; Bolland. , t. mot Neclensis est form6 de nech , sombre, 1. Martii ; Lobincau , Vies des SS. de Bret. I'paisse , et dc ten , forel. (2) Voici les Icrmes dont se scrt I'autcur (3) C. 54 des Homracs illustres de I'ordre de dcla vie de saint Ethbin , pour exprimercetlc saint Benoit. 4aO IIISTOIRE r.CCLl'siASTIQCE. lieu quil avoil dcsigne , et donna occasion a plus d'un miracle (i). aSg. Vers le milieu de ce siecle , un saint liomme s't'toit retire dans rArmorique. Le nom d'Armel ou d'Arzel qu'il portoit , est nne preuve de I'estime dont il joubsoit (2). Le pays de Galles avoit ete le lieu de sa naissance. Sa famille t'toit distinguee dans le monde. aGo. Ses premieres annees furent consacrees a se former le C(vur et I'espiit sons un maitre verlueux et habile. Comme il avoit un heureux ca- ractere et beaucoup de penetration , il surpassa ses condisciples en vertus et en science. lis le respecloient comme un saint et le regardoient com- me un maitre. Un de ses compagnons , attaque d'une fievre -violente , prit , au milieu de I'acces , son babit , dans la persuasion qu'apres s'en etre revotu , il scroit gucri ; son atlente ne fut pas frustree : n Tinstant le mal disparut. •2G1. Quoique le commandement que le Seigneur a fait de renoncer a toutes choses ne regarde que les dispositions du cceur , Armel voulut le suivre dans toute son etendue. Rien de ce qui est cree ne lui parut ca- pable de le rendre beureux. Il n'y vil que des sujets de se distraiie de sa dernicre fin , I'aulcur de son etre, dans lequel reside la plenitude de tous les biens. Son cocur , dont les desirs etoieut immenses , ainsi que ceux de tous les honimes , se porta uniquement vers Dieu , comme le seul qui put Ic rassasier. Armel prit la resolution de quitter sa patrie , ses parens et ses ricbcsses. Plusieurs d'entre ceux a qui il servoit de modele entierent dans les niemcs sentiniens. On rcnian]uc sur tous un ricbe sei- gneur , nonmie Carencinal (3j , parent de saint Pol, eveque de Leon. aCa. Armel prit terre , avec cette troupe cboisie , dans le canton d'Ack, au diocese de Leon. S'ttant avance sur le continent , il balitun oratoire pl de petites cellules , oil il vecut avec ses religieux dans une grande aus- leiile et dans une ap])lication continuelle au service de Dieu. Le lieu qu'on lui donna etoit dune etendue considerable , mais il etoit incuhe. Lalibe et ses religieux , aides d'un certain nombre de serfs , ne tarderent pas a defricber ce terrain et a le rendre fertile. Le temps , devant qui les generations s'ecoulent comme les eaux d'un fleuve rapide , a fait dis- paroitre leur monastere ; mais le nom de celui qui I'a gouverne s'est con- (l)Surius. ad diem 19 oclobris ; D. Lobi- seigneur; dVn , puinanl ; de ein . inlelli- neau, Vies dcs Saints de Brclagnc. genre . et d'ni , haute ■ puistant seigneur tre.t. (2) Ar , article ; mel , grand. Ar , article ; eclair^. Le plus cclaire parmi les Chretiens est zel , grand : Ic grand hommc. celui qui cherchc a imiler de plus prcs Jesus- (3) Carencinal est aiiisi appcle dc car , Christ. SIXIEME SliCLE. 421 "serve precieusenient par ses colons. Leur paroisse s'appelle Plou-Arzel. 263. La sainlete et les miracles de la cotnmunaute d'Armel ne frappe- rent pas seulement les Armoriques : la cour de Childebert fat ravie d'ad- miration sur le recit qui lui en fut fait. Ce prince les fit venir aupres de lui ; I'esprit de penitence les accompagna dans son palais : la vertu ne de- vroit jamais etre etrangere dans les maisons des princes de la terre. Si les rois sont les images de Dieii par leur puissance , ils ne doivent pas moins I'etre par les autres atlributs qui les rendent chers a leurs peuples : le res- pect et I'amour aiment a marcher sur la meme ligne. 264. Apres que Childebert se fut edifie avec les religieux d'Armel , il leur accorda la permission de reprendre la retraite. Pour les multiplier dans son royaume , il laissa a chacun d'eux la liberte de s'etablir ou ils voudroient , avec le consentement de I'abbe. II n'en retourna qu'un pe- tit nombre a Plou-Arzel. 265. Armel ne jouit pas du meme avantage que ses compagnons. Chil- debert , qui avoit reconnu sa prudence et ses autres qualites propres au gouvernement , ne put se determiner a se priver sitot de lui. Quel- que aversion qu'eiit cet abbe pour le tumulte de la cour , il fut oblige de passer six ans aupres du monarque ; toujours ami de la \ertu , et la preferant a tout , il ne fit point plier sa religion suivant les caprices des courtisans. Attentif a veiller sur lui-mcme , il posseda son ame en paix au milieu du tourbillon des passions qui Tenvironnoit ; le seal plai- sir qu'il y gouta fut de porter au pied du trone les voeux des malheureux ; au milieu du centre de la grandeur humaine , il en comprit mieux que tout n'est que vanite- 266. Rendu a lui-meme , il quitta le monde avec une nouvelle joie , pour jouir plus facileraent de Dieu. Le roi , qui avoit a caur que cet abbe ne retournat point a son premier monastere , lui fit donner par le prince Judual , qui etoit encore a sa cour , uii canton a trois lieues de Rennes , dans une foret voisine de la riviere de Seiche , et que pour cela I'on nommoit Bochod (i). Armel y batit un monastere , qui a porte long- temps le nom de Moustier (2). Si, par ses miracles, il s'acquit la vene- ration la plusprofonde, il fut encore plus recommandable parses vertus. (1) Bo , ril'tere ; chod , furil : riviere qui Ira- mere et a Chansay. Chod , foret ; mer , grande ■■ verse une foret. La Seiche traversoit cetle fo- grande ford. Can , belle ; sat , foret. rtt, entre le lieu oil Armel se placact Chalil- ,^.. ^ , .. . ., , Ion , qui veut dire : pays de forel sur le lord f^) Le nom de Moustier sc vo.t dans qucl- A-une Tixiere. Chad, foret , il , contree ; on , *!"" ".=!" posterieurs au d.x.erae s.ecle. rivtfre Cette m6me foret se retroure a Chau- P"""" '*«'«"" "" monastere. 422 niSTOIRE ECCLESIASTIQUn. 267. II ne se contenta pas tie conduire saintement la nouvelle com- niunaute dont il etoit devenu le chef; il visila ses ancieus disciples dans les differentes solitudes oii ils s'etoient i('pandiis ; ils les excita puissam- inent a marcher avee perseverance dans la cairierc qu'ils avoient cora- niencee , et a enlever la couronne inuiiortelle qui les attendoit a la fin (le leur course. 2G8. L'idoh'ilric , qui iVgnoit encore parnii la pliipart des habitans de la campagne , Ic penetra de la plus vive douleur. Tous les hommes sent sortis du meme pere : leurs genealogies , (jui renionlent toutes a Noe , et de la jusqu'a Adam, les rendent lous semblables. Freres , suivant la nature, ils out encore la meme fin ; leurs umes immortelles sont egale- menl desliuees au honheur elernel que Dieu leur destine. Quoique Jesus- Christ soil niort pour le salut de tous les hommes , cependant , ne dans la pauvrete el riiumiliation , il semble inviler surtout au christianisnie ceux dont I'etat se rapproche davantage de sa Aie. Ces considerations , joinles u la charile qui animoit le saint abbe , le dcterminerent a porter I'Evangile dans les villages et les hamcaux : il catechisa les canipagnes voisines avec tant de succes, qu'il convertil a la foi chretienne un grand nombre de personnes , el qu'il bannit les rits superstitieux. 269. Le terrain qui forme la paioisse qu'on appclle le Teil , etoit alors couvert d'une foret qui s'l'tendoit piobablement jus ^t de ail, pierre. Ce qui veut dire : jusqu'u la petite riviere dc Bru; ce qui se P'crre sacree. SIXIEME STECLE. 4^3 pierres ne sont pas toutes d'une egale hauteur : six a sept pieds , hors de terre , donnent Televation des unes et des autres. Les pierres transversales sont au nombre de neuf : deux , qui occupent le milieu des deux rangs , meritent le plus d'attention : I'une a dix-huit pieds de longueur , sur luiit pieds neuf pouces de large ; I'autre , dix- sept pieds trois pouces de long , sur neuf pieds et demi de large ; toutes deux ont cinq a six pieds d'epaisseur par le milieu , mais elles sont beau- coup diminuees vers leurs extremites. Les deux rangs de pierres sont fermes au septentrion par une seule qui va les joindre et s'unir a celles qui sont au-dessus. Pour I'ouverture de la partie meridionale , elle n'est point close ; I'une des extremites de ce monument est moins elevee que le reste. Toutes les pierres qui le composent sont brutes et a peu pres telles qu'elles sont sorties de la carriere (i). On I'appelle dans le pavs la Roche aux Fees (2). La paroisse de Retier se glorifioit egalement d'etre la retraite du culte ancien : elle possedoit une pierre , plantee perpendiculairemenl , et d'une enoi me grandeur ; c'est maintenant im carre long et aplati , qui a dix pieds d'elevation sur huit de large , et environ cinq d'epaisseur. Cette pierre a ete mutilee etrangement : quelques-iins de ses debris ap- prochent de son volume actuel (3). Le nom du village de Richtbourd , dans le voisinage duquel on I'a elevee , nous rappelle sa destination pri- mitive (4). Nous la retrouvons encore dans celui de Retier (5). Armel n'eut pas de peine a devoiler les absurdites du culte insense (l^ Ces pierres sont feuilletees comme les cription de ces deux monumens. II nous pierres ardoisines , mais plus grossierement. donne lieu d'observer que le dernier n"a pu Elles sont d'un rouge-brun. On ne connoit ctre pris que dans les carricres de Saint Ber. de carriere de cette espece de pierre qu'a thevin , proche Laval , a dix lieues de Riclit- cinq quarts de lieue, dans les landes de Re- bourd. ''•"■• ii)l'e terme [Rich Ibaurd ou] Richliourg est (2) Le lermc Fee se tire du latin fnda , qu'on compose de richt, rtpos, cl de bwrd qu'on a pro- trouve dans les ancicns monumens. Fada est "0"ce bourg, labk. Ce qui signifie a la leltre : prisdu celtique fadh , devin. Comme il n'ap- '"*'" ''" ''^po'- I-es fetes religieuses sont des partenoitqu'aux devinsd'excrcerles fonctions Jou'"sc'e repos.Le sabbatdes Juifsnepresentnit depontifcs, il s'ensuit que la Roche aux Fees pasd'autreidee : Sabbalum, requies , cessalio. eloitun de leurs sanctuaires. Celui-ci nepou- ^^ pierre de Richtbourd etoit done faite ori- Toit ^tre mieux place : il etoit cnvironne d'un g'^airemcnt pour des ceremonies religieuses. grand nombre de ch<5nes pour lesquels les ^''"^ rassemblerons , a la fin de notre qua- druides avoienteu une veneration particuliere. ''''i''ne volume, dans des reflexions particu- Le nom de Rouvrai ne permel pas de douter "^''^^ ' ^'^ *!"' concerne I'idoiairiede nosperes de la verite de cette circonstance. *'"" sixicme et septieme siecles. (Voyez ci- (3) M. Guerin , doyen et ancien syndic des ^'"■''*' sept'eme siecle , remarquet parlicu- procureurs et notaires de la baronnie de la '"''■"• ^- " "^ '"'''• *• '^"^ tinerche , nous a fourni obligeammenl la des- '^ * ' ''^P"' ' "^'' ' """*'"' • *""*"«»■'"« • maison du repos. 4^4 niSTOIRE ECCLlisiASTIQUE. (ju'on rendoit aux demons : le plus dilTicile eloil d'en convalncre dos personiips giossieies a qui I'habilude tenoit lieu de raison , et de les faire agir en consequence. La patience , la douceur et les instructions reiterees de I'apotre du Teil lui soumirent les esprits et lui attacherent les coeurs. On cessa de frequenter le temple du Teil ; peu a peu ii toniba dans le mepris. La pierre de Richtbourd ue tarda pas a eprouver le nieme sort. 270. Armel avoil etc lionore du sacerdoce , avant que de passer en Armorique ; il mourut dans son monastere le 16 aoiit ; mais on ignore puisse servir d'excuse legitime. L'apotre nous dit : qui nous sepa- ■» rcra de la cbarile de Jesus-Cbrist ? Sera-ce la tribulation , la detresse , « la persecution, la faim, la nudite , le peril, le glaive ? Cette oeuvre » sainte doit I'emporter sur toute autre chose , puisque I'Eglise ne con- )' uoit point de commandement avant celui qui dit : vous aimerez le » Seigneur votre Dieu , de tout voire cocur , de toute votre ame et de » toutes vos forces. II n'est conscquemment personne quidoive I'empor- )i ter sur le precepte du Seigneur. Rien ne doit intimider sur la terre ceux » qui sont armes de la croix de Jesus-Cbrist. C'est pourquoi celui des » eveques qui ne se rendra pas au synode , ainsi que nous venons de le » dire, demeurera excommunie jusqu'au premier concile. Aucun eveque » des autres provinces ne pourra communiquer avec lui. » n. a On ne perdra point de vue ces paroles emanees du ciel : je vous » donne ma paix. Pour s'y conformer, on conservera inviolablement » I'union et la cbarite sacerdotale ; mais si , pour nos peches , il s'eleve » quelque diffeient entre nous , on cboisira , de pait et d'aulie , des ar- » bitres entre nos freres les pretres, qui, par la voie de la douceur , met- » tront fm aux proces et relabliront la paix. Car de quel front oserions- » nous tirer une paille de I'oeil d'un autre, si nous ne voyons pas une » poutre qui va tomber sur le notre? Comment pouirions-nous repren- » dre dans les autres un vice dont nous leur donnerions I'exemple ? C'est » pourquoi celui qui refusera de se reconciiier par la voie que nous ve- » vons de tracer, doit s'attendre , quand il viendra au concile, d'etre » traite comme coupable , et d'etre mis en penitence ; car il est juste de » punir celui qui a pecbe de propos delibere, et qui n'a pas pratique V lui-meme ce qu'il devoit enseigner aux autres. » 43a MISTOIRE ECCLESIASTIQUE, in. « Le corps du Seigneur ne sera point place' sur I'aulel , dans uu ar- » rangenient arbitraire ; niais il sera dispose en forme de croix (i). » « tv. Les laiques ne se placeronl point avec les clercs, pres de I'au- » tel ou Ton cc'lebre les saints niysteres , pendant la messe et pendant » les vigiles (c'est-a-dire , pendant les raatines). La parlie superieure de » IV'glise , scparee par une balustrade , ne doit etre ouverte qu'aux » cbcrurs dcs clercs qui psalmodicnt (2). Cependant le sancluaire sera » ouvert aux laiques (3), et mtnie aux femmcs pour prier el pour rece- » voir la communion , ainsi qu'il se pratique. » V. « Cbaque ville aura soin de nourrir ceux de ses habitans qui sont » dans la pauvrete el la miscre. Les prctres de la campagne et les laicjues » nourriront aussi les leurs , afin d'empecher les meudians vagabonds de » courir dans les villes et dans les provinces. » VI. « Aucun clerc ou laiquc ne pourra donner des lettres de commu- » nion , ou do recommandation. Celle faculte est reservee aux eveques.» (1) Ce canon est conrii en ccs tcrmes : « L'l » corpus Domini in allari , non in itnat/inario » ordinc , sed sub ciucis lilulo componaUir. » Baronius pcnsc que le concile declare ici qu'on ne doit point mcUre le corps de IS'olrc-Sci- gneur Jesus-Clirisl sur I'aulel , a cote des ima- ges, mais sous la croix, comrae cela se pra- tique encore de nos jours. D'lialnles critiques autorisent le sentiment que nous avons cm- brasse. II paroit d'ailleurs plus conforme 4 la discipline du sixiemc siecle , oil Ton mcltoit sur Taulcl les pains qui devoicnt elrcconsa- crdspour la communion du peuple. (2) La partie superieure de I'eglise , s(^'pa- r6c par unc balustrade ct destinee aux clercs, a etc ainsi nommee , suivant Isidore, h coro- nis circumstanlium , parce qu'autrcfois on so placoit en rond autour de I'autel pour chan- ter. C'cstdc la que ccttc partie de I'eglise est appelce chmur. Nous nommons aulcl ;i I.1 ro- mainc un maltre-aulel oil Ton peut adorer do tous cotes. Les autels dcs Grecs ne sont point encore fails aulremcnt : les chantres ct les clercssont places tout autour. Durant les trois premiers sicclcs de I'Eglise, le clicrur n'etoit pas separe de la ncf. Cc changement n'urriva que sous I'crapereur Conslantin. Depuis cc temps , Ics Peres s'accordcnt a dire que le chffiur eluit ferrac de balustrades. On y mct- loit memo des voiles qu'on n'ouvroit qu'apres la consecration. (3) Dans cc canon , le sancluaire est appe- le sancla-sanclorum. II est ainsi nommo du sancta-sanclorum , c'est-i-dire , sanclissima . de I'anciennc loi. Le tabernacle de Mo'ise etoit divisij en deux parties , donl la premiere por- toit le nom de sancta , ct la seconde , celui de sancla-sanclontm. L'arctie dalliance etoit dans le lieu tres-saint ; un voile le separoit du saint lieu. II n'etoit permis qu'au grand- prOtrcd'enlrer dans le lieu Ircs-sainl , ct une seulc fois Tannfe. Cem^mc canon nousdonnc lieu de remarqucr la (lifforeMcc qui se trou- voit dans la maniere de communier les lai- ques , enire I'Eglise de Rome et celle de la Gaule. Dans la seconde, Ics hommes et Ics femmesalloicnt rccevoir la communion dans le sancluaire. Au contrairc , dans la premiere, Ics cviqnes , selon qu'il est marque dans I'or- drc remain , qui avoient assiste le pape a la nicssc , parcouroient I'eglise , communiaot hummcsctfcouucs, cbacuu ci sa place. VII. SIXIEME SIECLt. 433 vir. « Les eveques ne pourront deposer un archipretre ou un abbe sans » I'avis des pretres de leur clerge , ou le consentement des abbes de leur » diocese, lis les assembleront et ne condamneront raccuse que quaiid » il sera juge coupable , de I'avis commun de ses confreres. » VIII. a L'eveque qui coram uniquera avec celui qu'il saura avoir ^te ex- » communie par un autre eveque , sera lui-meme excommunie jusqu'au » premier concile. » IX. a On n'ordonnera point d'eveque dans I'Armorique , soil breton , w soil remain (c'est-a-dire gaulois) , sans le consentement du metropo- » litain , ou des comprovinciaux. Celui qui ne se conformera pas a ce re- » glement , subira la peine portee a cet tgard dans d'autres conciles , » et sera excommunie jusqu'a la premiere assemblee generale. En effet , » ce n'est pas sans sujet que nous separons de noire communion , ceux » qui meprisent les decrets de nos Peres. » X. « Quoique Ton ait deja fait un grand nombre de canons conlre » la familiarite des femmes , nous voyons avec douleur les memes abus ■» se renouveler , et nous sonimes dans la necessite de detruire ces mau- » vais rejetons toujours renaissans. Aucun clerc n'aura done desormais » dans sa maison de femme etrangere , sous tel pretexte de necessite que » ce puisse elre , meme pour conduire son menage. Puisqu'il nous est » ordonne de travailler de nos mains , pour nous nourrir et nous vetii- , » pourquoi enfermer dans nos maisons un serpent , sous pretexte que » nous en avons besoin pour travailler a nos vetemens ? Nid d'entre les » clercs , eveque , pretre , diacre et sous-diacre , ne pourra done avoir » desormais cbez lui ni vierge consacre'e a Dieu , ni femme veuve , ni » son esclave, d'aulant plus aisee a corrompre qu'elle est plus assujet- » tie. Nous n'exceptons que la mere , la soeur ou la fille. Toute etrangere )) peut etre une occasion de faute , par cela merae qu'elle est sous la de- » pendance. Quiconque , soit eveque , pretre , diacre ou sous-diacre » transgressera sur ce point les staluls des Peres et les notres , sera ex- » communie. « XI. « L'eveque , qui negligera de tenir la main a I'execulion du pre- » sent statut , subira la rigueur des canons precedens. Le melropolitain » et ses comprovinciaux se preleront , pour cet effet , un mutiiel se- » cours , lorsque quelqu'un d'entr'eux trouvera de la resistance de la 55 4^4 UISTOIR£ rXCLlisiASTIQL'E. » part de ses clercs , selon qu'il est ecrit : le frere , aidant son frere , » sera exalte (i). Celui qui refiisera de venir au secours de son frere , » sera excommunie jusqu'au synode. Mais si un eveque qui voit qu'on » ne recoule pas , n'en donne point avis a ses freres , pour f|u'il s'ur » uisse a lui , il doit s'attendre a en rendre compte au Seigneur. » XII. « L'eveque , qui est marie, doit \ivre avec sa femme comma avec » sa socur : il gouvernera si saintemcnt toule sa maison , taut celle de » ses clercs que la sienne propre , qu'on ne puisse former aucun soup- » con contre lui ; et quoique , par la grace de Dieu , il vive dans la chas- » tete , que ses clercs , qui raccompagnenl toujours dans sa chambre » et partout oil il va , en soient temoins; que les pretres, les diacres et » les jeunes clercs veillenl aussi a sa garde. Cependant , pour repondre » eutierement aux vues dun Dieu jaloux , el afiu d'eviler tout soupcon , » I'habitation de l'eveque sera lellement scparee de celle de sa femme , » que la compagnie dcs personnes du sexe qui la scrvent ne puisse clre » contagieuse aux jeunes clercs que I'Eglise voit s'elever a ses coles , j> comme sa plus chere esperance. » XIII. « L'eveque , qui n'est point marie (2) , n'aura point de femme » elrangere chez lui, quoique, comme le (lit Tapotre , lliomme soil » sanclifie par la femme fidele , de meme que la femme Test par I'liom- » me fidele... Les clercs qui servent revccjue et le gardent , seront char- j» ges d'eloigner de sa maison celles <]ui la fit'quenteroient. » XIV. (( Commo les laiques sont toujours portcs a soupconner dans les » aulres le mal (pi'ils font eux-memes , les pretres et les moiiies , pour » leur oter tout soupcon, coucheront toujours seuls ; ceux-ci n'auront >' point de cliambres a deux , ni de parliculieres : tous seront dans un » dortoir commun , sous I'inspcction de I'abbe ou du prevot. Deux ou » trois y veilleront et liront tour a tour , tandis que les autres prcndront » leur repos; ain^i le corps et I'ame trouveront leur avantage reci- » proque. » XV. « I,esmoines n'auront point la liberte de courirhors du monastere , » ni de frequenter dcs femnies etrangeres. Si quelqu'un ose se marier , (1) Le texte lalin du chapitre 18 des pro- par son frere , sera comme une vHle forte. verbes, y. 19, portc : FraUr . qui adjuvalur a (2) La fcnimc il'uri evcquccsl appelee £pu- fraire, quasi civiias firma ; le frere, aide copa , dans ce canon. i. sixieme siecle. 435 » il sera excommunie , et Ton emploiera , pour le separer de sa femme , » Tautorite du juge seculier , qui sera oblige de preter main-forte , sous :> peine d'excommunication. S'il arrive qu'un moine trouve dans cet etat x> quelqu'un qui le soulienne , lui et ses adherens seront chasses de I'E- » glise. Si cependant il revient au monaslere , et s'il s'y soumet a la pe- » nitence que lui imposera son abbe , il rentrera en grace , lorsqu'il » I'aura accomplie. » XVI. « On ne permettra a aucune femme d'entrer dans I'enceinte des )* monasteres ; I'aljbe ou le prevot qui seroient uegligens en ce point , » seront excommunies. » XVII, « Pour les jeiines des moines, on gardera les anciennes consli- » tutions. Depuis Paques jusqu'a la Quinquagesime ( c'est-a-dire , la Pen- » tecote) , ils ne jeuneront que les jours des Rogations; mais ils jeiine- » ront la semaine entiere qui suit cette fete; ensuite trois jours de la se- » maine , le lundi , le mercredi et le vendredi , jusqu'au mois d'aout ; » ceux qui auront quelque incommodite en seront exempts. Pendant le » mois d'aout , on ne jeiinera pas , parce qu'il y a tous les jours quel- » que fete de saint. En septembre , octobre et novembre , on jeunera » trois fois la semaine ; et depuis le premier decembre jusqu'a Noel, tous » les jours. Comme les jours qui setrouvent entre Noel et I'Epiphanie sont » autant de fetes , on ne jeunera point duraut ce temps , excepte les » trois jours ou nos Peres , pour abolir les superstitions paiennes , ont » ordonne qu'on recitat en particulier des litanies au commencement de » Janvier; qu'on psalmodiat dans les eglises, et que, le jour de la Cir- » concision , ou celebrat la messe a la huilieme heure (c'est-a-dire , a i» deux heures apres midi). Depuis I'Epiphanie jusqu'au Careme, on » jeunera trois fois la semaine. » XVIII. « Par respect pour saint Martin et pour I'honneur de son culte , » voici I'oidre de la psalmodie que nous voulons qu'on observe , taut » dans la basilique de ce saint que dans nos eglises. Tous les jours de » fete, on dira a matines six anliennes avec deux pseaumes a chaque )j anlienne. Durant le mois d'aout , oil il y a des fetes et des messes de » saints, on fera I'office plus matin. En septembre, on dira sept an- n tiennes et deux pseaumes a chaque. En octobre, huit anliennes avec >' trois pseaumes a chaque antienne. En novembre, neuf anliennes, » avec trois pseaumes a chaque antienne. Au mois de decembre , dix /jSG HISTOIRE ECCLESIASTIQUE. » aiiliennes et trois pseaumes a chaqiie atitieDoe. En Janvier , fevrier et » jusqu'a Paques , on fera la mtine chose ; le loul , ueanmoins, autant « que faire se pourra ; mais on observera conslanimeul de ne dire ja- )) niais moins de doiize pseaumes a malines. Qir les Peres ont ordonne )' de dire six pseaumes a sextc , avec alleluia , et douze a la douzieme » heure ( c'est-a-dire , a vepres) , aussi avec alleluia : ce qu'ils ont ap- » pris par la revelation d'un ange(i). Pourquoi done ne diroit-on pas » au moins douze pseaumes a malines ? Celui qui aura manque de salis- » faire a ce devoir , jcunera ce jour-la au pain et a I'eau ; s'il manque a » (aire cette penitence , il jeimera unesemaine entiere au pain et a Teau.)) XIX. a Plusieurs archipretres de la campagne , des diacres et des sous- » diacres sont soupconnes d'habiter avec leurs femraes. Pour dissiper ce >> soupcon , rarcbiprctre se fera acconipagner en tout lieu par un lec- » teur d'enlre ses cbanoines, on par qiielque clerc , qui coucbera dans » le meme appartement que lui , pour etre tcmoin de sa cbaslete. Sept , » enlre les sous-diacres , lecteurs , ou meme les iaiques , seront clioisis » pour passer tour a tour leur semaine en sa compagnie ; celui qui man- » quera a ce devoir , sera fuslige. Si , de son cote , I'arcbipretre ne fait » pas ext'culer ce reglement , il sera mis en penitence el prive de la 5) communion pendant Irenle jours. Pour les prctrcs , diacies el sous- » diacres de la campagne qui sont maries, il suffira rpi'ils ne coucbent )> point dans la meme cbambre que leurs fenimes , et que celles-ci soient » toujours accompagnees de leurs esclaves. Si un pretre, diacre ousous- » diacre habile avec sa femme (2) , il sera excommunie pendant un an , » sera dei^rade de tout office clerical , et n'duit au rang des Iaiques ; la » seule grace qu'on lui accordcra sera de le mellrc au nombre des » lecteurs qui sont charges de la psalmodie. Les archipretres , qui ne » veilleront pas sur la chaslele des jeunes clercs qui leur sont soumis , » seront renfermes par I'evcque et jcuneront un mois enlier au pain et ). a I'eau ; car les canons ne permellenl ;i aucun clerc d'habiter avec sa » femme. On sail que le diacre Nicolas a donnt^ occasion a I'lieresie des >, Mcolailes ; mais on ignore par quel pretre elle s'est introduite dans le (1^ Cassicn rapportc , 1. 2. c. 4 , Jos iiisli- (2j Dc munic que Ic canon Irciziimc donne lulions monasliques , quun angc avuit aver- .i la fcmmc de I't'vi'quc lo nom iVEpiscopa, (i les solitaires de fEttyptc ct dcla Tliebaidc, ainsi le canon dix-ncuvlcmc appelle les fem- de reciter douze pseaumes 4 vepres, el douze mes des prctrcs, diacres ct sous-diacres , i I'ofGce de la nuit. Le concile fail ici allusion I'rcshytera , Diaeonissa et Stih-Viaconissa. a celte revelation. SIXIEME SliCLE. 4^7 » sacerdoce; c'est qu'on n'a pu se persuader jusqu'a notre siecle que w celui qui consacre le corps du Seigneur , fut assez hardi pour se por- » ter a un pareil exces. Si ces diacres out tie condanincs par les eve- » ques et traites d'heretiques ; si les Peres les ont soumis a ranalbeme , » que doit-on penser de ces pretres indignes qui , sujets au meme crime , » y font lomber les aulres par leur mauvais exemple ; qui , au lieu d'etre » la loi \ivante par leurs actions, la font transgresser par leurs peches? » II \aut mieux retrancher de notre corps un chef qu'on ne pent guerir , n que de le laisser a la tete du Iroupeau , a qui il communiqueroit sa » maladie. Un pictre et un pasteur de cetle trenipe ne merile done plus » les respects du peuple ; bien loin de le reconnoitre , on doit I'eMter , » des lors qu'apres avoir abandonne la discipline , il n'enseigne que le » vice et ne cbercbe pas a se corriger. » XX. « Nous lisons, dans la reponse du pape Innocent , a Victrice , eve- » que de Rouen , au sujet des vierges consacrees a Dieu , et qui ont recu » le voile de I'eveque, que, si elles viennent a se marier , a peine peut- » on les adnieltre a la penitence. En effet , si Ton regarde, dit-il , comme » adultere celle qui , du vivant de son mari, s'est mariee a un autre , i> combien est plus condaninable celle qui , apres avoir cboisi un epoux w immortel , se marie a un bomme mortel ? Quant aux vierges , ajoule- » t-il , qui n'ont pas encore recu le voile , mais qui out promis de garder » la virginile , si elles se niarient , il faut , quoi qu'elles n'aient pas recu » le voile , les mettre quelque temps en penitence , paice qu'elles s'e- » toient obligees a Dieu par leur promesse ; car si les contrats qui se font » de bonne foi jiarmi les bomnies ne pcuvent se rompre , a plus forte rai- » son les engageraens que Ton prend avec Dieu ne peuvent etre enfreinls » sans s'exposer a en elre punis. Et au sujet des veuves , il parle en ces » termes : Si I'apotre saint Paul dit que celles qui abandonnent I'enga- » gement qu'elles ont forme de garder la viduite , se damnent , parce )) qu'elles agissent centre la foi qu'elles ont donnee , quel est le pretre » qui osat contredire cesdecrets emanes du siege apostolique, et I'oracle » du Saint-Esprit meme, par la boucbe de I'apotre? De quels docteurs » ecouterons-nous la predication , si ce u'est de ceux que le siege apos- » tolique a recus , ainsi que nos Peres Ton t toujours pratique? C'est en » marcbant sur leurs traces que, conformc'ment a ce qu'ont ordonne » I'apotre Paul et le pape Innocent , nous defendons a tout honuiie de » ravir ou de prendre pour femme une vierge consacre'e , et qui a cbaiig^ /|38 HISTOIRE ECCLESIASTIQUE. )) d'liabil pour Jc'sus-Clirist. Les lois romaines les condamncnl a morl ; et » nous lisons , clans les liistoires du paganisnie , que les (illes (jui, s'etant » consaciees a la deesse \esla , venoient a se laisser corrompre , etoient » condamnees par les lois a elre enterrees vives. Si ces filles , attachees » a ces profanes superstitions , subissoient una telle peine pour leur pre- » varicalion _, quelle condamnalion ne doivent pas attendre celles qui , )) consacrees a Jesus-Cluist , nian' une vierge avant (pi'elle eul atteint I'age de vingt-cinq ans , lorsque sa n chastetc etoil en danger par la puissance de ceux qui la dcniandoient )) en mariage , ou qu'elle demandoit celte griice a la mort , si ceux dont » elle dependoit la demandoient avec elle. Nous rappelons a la vie celles )) que la loi condatnne a la mort ; mais si elles se rendent indociles a la » voix de leurs pasteius et rebelles a nos decrets , elles seront frappees » du glaive de la parole et separees de la conununion de IKglije ; alors » personne ne pourra comniuniquer avec elles , sans etre sujet a la meme » peine. Qu'on ne pretende pas, au reste , s'excuser comme font quel- » ques-unes , en disant qu'elles n'ont change d'liabit que dans la crainte » d'etre desliouorees par des personnes iiidignes d'elles. ISos rois , de « glorieuse meinoire , Cbildcbcrt el Clotaire, par une constitution que le » roi Chcrebert , aujourd'bui regnant , a conlirmce , onl dcfendu de » prendre pour fenune aucune filie , sans le consentement descs parens. » Celle qui craiiil la violence , et ne veut point avoir pour mari celui qui » la poursuit , a le droit de se rcfugier dans I'Eglise , jusqu'a ce queses » parens puissent Ten tirer sous Taulorite du roi el la protection de I'E- » glise. Pour celle (|ui a cliangc d'liabit , elle doit perst'vcrer sans detour » dans le parti ([u'elle a embrassr. Quant aux veuves qu'on pn'tend pou- » voir se marier , parce qu'elles n'ont point ete benies , il est vrai que » rE<^lise n'a jamais employe de benedictions pour elles, mais leur pro- n messe suffil pour les obliger. Les Peres ont dcfendu , au concile d'E- » paone (i), de consacrer dcs veuves en cjualilc de diacoiiesses (2) ; ils ont » ordonne qu'on leur donnat seuleinent la benediction des penitens(3). (l)Ou Epone. Voycz ci-dcssus , cinquicmc donnoil aux veuves qui se consacroicnt a sicclc, n-235, p. 312. a.V. Dieu , en promcllanl la conlincncc , etoit dis- (i) Can. 21. tingueo dc ccllc qu'on donnoil aux pinitens (3) CcUe benediction de la penitence qu'on publics , lorsqu'on les reconcilioil i I'Eglise. SIXIEME SIKCLE. 439 » Le synode d'Ailes les soumet a rexcommunlcatiou avec leurs ravis- » seurs (i). Nous lisons dans I'ancien testament, que les Ilebreux , ayant » pris des femnies etrangeres , malgre la defense de Dieu , ce peuple fut » vaincu par les gentils , et que , quand ils eurent renvoye ces ferames et » cesse de conlracler ces sortes d'alliauces , ils furent vainqueurs a leur » tour. Celui des Ingenus qui oseva done communiquer avec ces ex- » communies , le sera des lors lui-meme. » XXI. « A I'egard des manages incestueux , nous croyons qu'il suffit de J) garder les anciens decrets ; nous les renouvelons seulement , parce qu'il j> y en a qui disent les avoir ignores par la negligence de nos predeces- » seurs ; c'est Irahir la verite : car nous savons que ces grands hommes , » bien loin d'etre coupables d'une pareille faule , n'ont jamais cesse de » precher ce que les Ecritures nous enseignent. Mais afin qu'on ne puisse » continuer de nous faire ce reproclie , nous avons juge a proposd'ex- » traire quelques passages des livres saints , et de les inserer au present » canon , dont on fera la lecture au peuple. » Apres avoir cite le 18° cbapitre du Levitique , le verset i5 et suivans du 27* cbapitre du Deuteronome , ces Peres continuent en ces termes : « Ce que portent les lois romaines sur les mariages incestueux doit etre » egalement clair aux savans et aux ignorans : I'une veut qu'on separe » celui qui a epouse la fille de sa soeur ou de son frere , ou meme sa cou- » sine germaine , ou la femme de son frere (2) ; i'autre condamne » toute femme qui epouse le mari de sa sceur apres sa mort , ou celui » qui, apres la mort de sa femme, en epouse la sceur (3). Le concile d'Or- » leans (4), qui fut assemble par ordre du grand Clovis , defend, sous peine » d' excommunication , a un bomme d'epouser la veuve de son frere ni » la sceur de sa defunte femme. Celui d'Epaone veut qu'on ne recoive a la » penitence ceux qui ont contract^ des mariages incestueux qu'apres qu'ils » se seront separes. II declare incestueux les mariages avec la belle-soeur , » la belle-mere, la belle-fille , la veuve de I'oncle , la cousine germaine ou » issue de gerraain(5).Celui deClermont en Auvergneexcommunie celui qui » epouse la veuve de son frere , la scEur de sa femme , sa belle-fille , sa cou- » sine germaine ou issue de germaine et la veuve de son oncle (6). Nous ra- » tifions et confirraons ce que nos Peres ont ordonne. II vaut mieux em- (1) Can. 46. (4) Concil. Aurel. I. c. 18. (2) Cod. Theod. de incerlis nupliis , lib. 3. f5) Concil. Epaon. c. 30. (3) Codice eod. lib. 4. (6) Concil. Arvern. c. 12 44o niSTOIRE ECCLESIASTIQUE. » plover la severite pour corriger nos mifants , que de laclier la bride a r> de plus grands abus j)ar une niolle complaisance. Le Seigneur nous )' en a fail un comniandemeni et saint Paul esl en cela noire modele , » lorsqu'il dit au.x Corinlbiens (>) : lequel des deux preferez-vous , ou w queje vous visile la verge a la main , ou dans I'esprit de cliarite et de » douceur? II court un bruit qu'il se comnict parmi vous des impureles » si abominables qu'il ne s'en Irouve pas de semblables paimi les paiens : » c'est qu'il y a un liomme cliez vous f[ui abuse de la femme de son » pcre et commet impunement un incesle. Et , sacbanl cela , vous etes » enflcs d'orgueil et vous vous occupcz de vaines disputes , au lieu que ). vous devriez elrc bumilies pour un tel scandalc ct demander , par vos » gtinissemens et par voslarmes , qu'on rctranclial de voire Eglise celui (|ui « a fait uue action si honteuse. Pour moi , quoiqu'absent de corps , raais )) present en esprit , j'ai deja porle cetle sentence contre celui qui a » commis un si grand crime (2). Puisque le mcnie apotre dit ailleurs : » soyez mes imilaleurs comnic jc le suis de Jcsus-Cluist (3). Qu'on ne » nous accuse point de presomplion si , marcbanl sur ses traces , nous » cliassons de I'Eglise ceux qui sont coupablcs de pareils crimes, jusqu'a » cc qu'ils renlrent en eux-memes et relournent a la \ic qu'ils avoient » acquise pour toujours par notrc Seigneur Jesus-Christ el le bapleme. » XXII. a Nous avons appris qu'il y a des personnes qui, par un reste de f> superstition paienne, celebrenl les calendes de Janvier. Janus etoit un » genlil qui, a la verite , parvint a la royaule , mais qui n'a pu devenir » Dieu. Ce nest pas etre clui'tien que de croire un seul Dieu , le Perc " regnant avec le Fils et le Saint-Espril , et de meler avcc celle foi les » erreurs du paganisrae. U y en a encore qui , le jour dc la cliaire de » I'apotre saint Pierre , offrenl des viandes aux morls et qui , apres avoir )) assiste a la messe et recu le corps du Seigneur , se trouvent a des as- » semblees paiemies et mangent des viandes consacrt'es au demon. Nous » conjurons les pasleurs et les pielres de cbasser de I'Eglise, en veiUi » de I'aulorite sainle qui leur esl confiee , tous ceux qu'ils verront prali- (1) 1. Cor. i. 21. pudie Ingoberge pour ^pouser Mircllour, lillc (2) L'allcntion que les Peres dc cc concile d'un artisan : bierildt aprcs , il ravoit rempla- ont de cileries anciens canons , Taujirite des cde parsasfturMarcoucse, quictoit religicuse. papcs ct des rois contre les mariagcs inccs- Aussi saintGerraain, cvequc de Paris, ne tar- tucux ct ceux des rcligieuscs , proiivo Ic dos- da pas h rexcommunier. sein qu'ils avoient d'excommunicr Caribert , (2"\ i Cor 11 1 s'il ncchangeoit dc conduilc. Cc roiavoit ri- quer SIXIEME SIECLE. 44 I » quer de telles folies , ou faire , devant cerlaines pierres , devant des » arbres , des Fontaines oil les paiens ont coutume de s'assembler, des » choses qui n'ont point de rapport avec les ceremonies de I'Rglise , et » de ne point laisser parliciper au saint autel des personnes qui gardent » les observances des gentils. Les demons n'ont rien de commun avec Je- » sus-Chrisl. Toutes ces pratiques superstitieuses , bien loin de purifier le » pecbeur, ne font que le souiller.» XXIII. « Outre les byranes de saint Ambroise qui sont recues dans I'ofiice, » nous permettons d'en admettre quelques autres qui paroissent dignes B d'etre cbantees , pourvu cependant que le nom de I'auteur soit marque » au commencement (i). » XXIV. « Lorsque les rois nos seigneurs sont en guerre , et que , pousses » par des gens mal intentionnes , ils envabissent les possessions les uns 1) des autres , pour qu'il n'arrive pas qu'a cette occasion les biens des » eglises soient piUes , nous ordounons , conformeinent aux anciens ca- » nons, que quiconque attentera d'envabir ou de faire confisquer les » biens des eglises , des eveques , des abbes , des monasteres et des pretres, J) situes dans un autre royaume , sera d'abord averti par un pretre de » I'eglise interessee. S'il nese rend pas a cet avis , tous les freres, c'est- » a-dirc , les eveques , lui ecriront comme a un fils par une lettre cora- » mune , pour I'engager a restituer. Mais si , apres ces monitions , il per- » siste dans son usurpation , comme nous n'avons point d'autres amies , » tous , d'un consentement commun avec les abbes , les pretres et le » reste du clerge , reciteront contre ce meurtrier des pauvres le pseaume » io8 , afin qu'il soit frappe de la malediction qui est tombee sur Judas » pour avoir soustrait la nourriture des pauvres ; et que celui qui , au » mepris de Dieu , de I'Eglise et des eveques, fait ces usurpations, soit » frappe du glaive du Seigneur et meure non-seulement excommunie , » mais encore anatbematise. Si I'eveque ne peut , pour cause de maladie, » assembler le clerge , il cbargera les abbes et les pretres dele convoquer. » Si , bors le cas de maladie , il ne fait ni I'un ni I'autre , il sera excom- j> munie. Car I'eveque qui , malgre notre defense , oseroit communiquer (I) Ce canon semble rcgardcr les hymnes ctensuitei Poitiers. Paul, diacrc d'Aquilee, de Fortunat. II arriva en France Tan 565 ou et apres lui , Sigcbert, assurcnt qu'il avoit 5fi6, I'annce du mariagc de Sigcbert avec compose des liymnes pour toutes los fetes de Brunehaut. II en composa lYpilhalame, ctant I'annce. Nousavons encore ccilespour Not'l , a la cour d'Austrasic. De \h il passa k Tours P4qucs, la Sainle Croix : le reste est perdu. 5G 44 2 IIISTOIRE ECCLESIASTIQUE. » avec un pareil usurpalcur , ce que nous ne pouvons croire , meriCe » d'etre excomnuuiie el se separe , avec le coupable , de la charile de » tout le clergc. » XXV. « Nous ne pouvons nous empecher de remarquer que la plupart » des legs qui out ete fails aux cglises pour le salul des ames , sonl enlre » les mains de personnes qui les reliennent par des supercheries qui leur » sonl ineuitrieres. Aveuglc's qu'ils sonl par la convoilise, ils ne pensent » pas au jour du jugemenl. Quiconque done, sans s'occuper de sa der- » uiere fin , relient injuslemenl les donalions failes aux eglises et ne veut w pas les en saisir , doit etre separe de toules les eglises et aucune ne doit » le recevoir dans sa conmiunion. Car celui qui ose enlever les biens ec- » clcsiasliques ct (jui s'obsline a les posst'der injuslemenl , n'esl pas digne » qu'on lui permelle d'approcber de I'aulel du Seigneur. On doit regar- » der comme meurlriers des pauvres ceux qui enlevent ce qui est destine i' a les nourrir. On aura soin neanmoins d'admonester les delenleurs » avanl que de lancer conlre eux la sentence. » XXVI. « Les juges el les seigneurs qui opprimenl les pauvres seront ex- » communies , s'ils ne changenl de conduite apres raverlissement que » leur en aura douue I'eveque. » xxvii. « Les ('veques ne recevront rien pour I'ordinalion des clercg. » C'esl une action sacrilege el berclique , ainsi qu'il est dit dans les » dogmes ecclesiaslicpies. Offrir de I'argent a I'eveque , c'esl imiter Simon » le magicien. II est tcril : vous avcz rccu graluiteinenl , doniiez graluile- )) menl. Celui (pii croil que la grace de Dieu pent s'acbeler a prix d'ar- ;> genl et celui (jui la vend sont egalemenl coupables. lis seront I'un et » I'aulre separes del'Eglise jusqu'au premier synode ( I ). » 295. Ce concile n'etoil compose que de neuf eveques , mais lous etoient recomniandabics par leur nicrite. Lupbrone de Tours y presida. Saint Pretexlal de Rouen , saint Germain de Paris , saint Cbalelric de Cbartrcs el Leudebaude de Seez s'y reunirent. Domitien d'Angers , Domnole du Mans , saint Felix de Nantes el Victor de Rennes furent les seuls de la iroisienie Lyonnoise a s'y Irouver. Comme les dioceses de Quimper , \ennes, Lron , Alet el Dol formoicnl une nation particuiiere , les evecjues de ces sieges n'avoienlpas une liaison tlroite avec le melropolilain. (1) Sirmond. Concil. Gall. t. 1. SIXIEME SINGLE. 443 296. Felix aclieva, I'annee suivante (a), I'oglise calliedrale de Nantes, qu'Eumere avoit commencee. Rien n'etoit plus grand ni plus majestueux , selonla description que nous en avons dansForlunat.I! y avoit deux grandes ailesau cote de la nef ; du milieu de Tedifice s'ele\oit fort haul una tour carree , qu'une espece de coupole terminoit. Letoit etoit convert d'etain. Les voutes , les arcades , les chapiteaux et les colonnes etoient enrichis des ornemens les plus recherches. L'azur , Tor , le marbre , les peintures a la mosaique , les feuillages et les fleurs y etoient prodigues avec art. On assure que le pave etoit de iharbre de differentes couleurs et arrange par compartimens. Un crucifix d'argent d'une grandeur extraordinaire , dont la ceinture etoit une draperie d'or, fixoit sur tout les regards. Le principal autel etoit consacre sous I'invocation de saint Pierre ; celui de I'aile droite etoit dedie sous celle de saint Hilaire et de saint Martin , et celui de I'ailc gauche en I'honneur de saint Ferreol. Ce qui suppose que saint Felix avoit obtenu des reliques de ces quatre saints , et qu'il les avoit dt'posees dans les trois auteis de son eglise. 297. L'eveque de Nantes invita les prelats voisins a la dedicace de cetle superbe basilique. Cette ceremonie augusle se fit le 3o septembre. Cinq eveques y assisterent : Euphrone de Tours (2), Victor de Rennes (3) , Do- milien d' Angers (4), Domnole du Mans (5) et Macliau deVennes(6). 298. La magnificence de Felix (7) neparut pas seulement dans la decora* (1) [An 568.] — Omission. a.V. (2) Euphrone tire son nom d'cu, Ion, et dc froH , seigneur. (3) Celui dc Yiclor vicnt dc vie , inlr^pide , et dc tor , seigneur. (i) Celui de Domilien est formd dc dotn, seigneur, et d'it , bon. (5) Domnole est ainsi appeld dc dom , sei- gneur , et de noil , illuslre. (6) Dans les ancienncs editions des OEuvrcs de Fortunat, on lit Macharius. Ce termc ex- prime la mcme chose que celui dc MacUavus {Macliau) , dont nous avons donne ci-devant relymologie. 11 vient de ma, homme qui se diguise , et dc car , en se renfermant. Macha- rius ct MacUavus sont done deux mots qui dc- signent la meme pcrsonne. Lc termc Macha- rius , qu'on trouve dans quclques editions de Fortunat, n'cst done point une erreur de co- piste , commc le pense M. Travers , qui pr6- tend que le texte original portoit MacUavus. S'il avoit connu I'afTniite que ces deux termes ont I'un avec I'autre dans le ccllique , il auroit raisonnS dc la manicre que nous le faisons. Commc dans la suite des sicclcs on n'a pas connu ce qu'ctoit cct evc^que Macharius , on I'a confondu sans raison tantot avec Romacha- r(u.5 deCoulances et lantiitavec Magnacharius d'Angoulfime. (7) ((C'est , dit Lobincau ( vie de saint Fe- » lix) , I'opinion commune du diocese , mar- » quee memo dans les lecons de rolBce du » saint, que ce fut lui qui fit crcuscrle canal » qui est chlre rextremite dc la plaine de » Mauves et la poinlc supcricure des prai- » rics de la Magdclaine , et qui, passant le » long dcRichcbourg , du chAteau et des murg » dc la ville', recoit I'Erdre au-dcssous du » pont de la Saussaye et va faire du port de o la Fosse , un des plus beaux de I'Europe ; » ct il faut avoucr que Tangle que fait le bras » de la Loire au bout de la prairie de Mauves , » ou il tournc tout court a droile , scmble fa- » voriser celtc opinion ». Voici cc que dit ;\ ce sujetle Lectionnaire de Nantes del'an 1733. 444 IIISTOIRE ECCLKSIASTIQUr.. tion des temples el dans la pnmpe du service divin ; il etendil ses soins a CI Felix erga suos cives ct colonos niaxim& » cliaritate llagrans , ut eis aquarum opportu- » uilalccopiAque prodcssct, niivium I.igcrim, » cum aniea per milliarii spaliuin ah urhedis- » taret,juxta cjusdein url)is inuros riaviga- » bilem rcddiiiil.o oQuiconquc pourtant, dit » le ratme D. Lobineau, cet babilc et laborieux )' bisloiicna quinotrc province est sircdcvablo, » lira Forluiiat avcc aUeiitiun , nc p(jurra ja- » mais sc persuader que ce soij d'un travail sur » la riviere de Loire qu'il ait voulu louer Fe- » lix , puisquc rien de ce qu'il dit , ne peut » s'entendrc du canal dont il e^t question. Selon Fortunat , pour fairc Ic nouvcau lit de la riviere dont Felix detourna le cours , il fallut ciilreprendre deux cboses : couper plusieurs raontagnes , ou collines , et fairc une digue elevee comme une monlagne dans le vieux canal qui fut comble. C'cst assurement ce qu'on ne peut pas dire du canal de la Loire qui baigno Ics murailles du cbateau et de la ville de Nantes. On n'a qu'a ou\rir les yeux pour voir qu'il n'y a point eu d'ancien lit de riviere rcm- pli par des montagncs artificicllcs , et qu'il n'y a jamais cu de montagncs i coupor , ni de collines h baisser pour faire un nou- veau lit. Le canal qu'on pretend avoir ele fait par Felix, coule dans une prairie dont tous les bords sent furt bas , et oQ il n'y a jamais cu de hauteurs ; ct ce canal est si large qu'on ne peut doutcr , quand on y fait rcllcxion , qu'il ne soil naturel. Com- ment d'ailleurs la vilie de Nantes auroil- ellepu se former, subsister els'accroJire, si le canal dont il s'agit , n'avoil pas (He des le commencement , proihe de ses murs ; puisque , sans ce canal, I.j villc scroit eloi- gnee de plus d'un quart de lieuedu lit de ce Deuve ? I'lirdre , qui pour lors ctoit hors la ville , n'est point potable. Ainsi les babitans , qui n'ont ni fontaines, ni bons puits , aurolent etc dans la necessit6 d'aller chercliur de I'eau a plus d'un quart delicuc. Qui pourra encore s'imagincr que le port do Nantes filt a Pirrail , qui en est eloigne de pres d'une lioue ? et si Ton » vouloit dire qu'e le port etoit au bord du u canal qui est au dc!a de la prairie de la " Magdelainc, comment les vaisseaux y au- » roient- ils pu aborder ct dccharger leurs » marchandises , en hiver , que toutcs ces n prairies sont inondees ? la ville do Nantes » n'auroit jamais etc oil die est, si le canal » n'y avoit toujours etc. C'est done une cr- • reur populaire de croire que saint Felix ait » fait le canal de la Loire qui joint Nantes , « dont on ne peut entendre les vers de For- " tunal, quclque sens qu'on leur veuilledon- » ner , ct dont neanmoins Fortunat n'auroit » pas oublie de parler, si Felix avait fait cet » ouvrage, puisqu'il a tant exagore ce que ce » saint cviVpic lit fairc pour detourner le cours » do la petite riviiire de Ceil ; car c'est indu- » bitablemcnt d'elle qu'il faut entendre For- u tunat, qui n'auroit pas manque de parler » des grands avaiitages et descommodites que » Nantes auroit rccues , pour Ic commerced » pour Tusage de la vie , de cette nouvelle ap- » proche de la Loire , si c'avoit etc I'ouvrage » de Felix. II sc borne a dire que Felix a » trouve le moyen d'elever une monlagne oil » la riviere couloit, et de faire couler la ri- » viere oil il y avoit des montagncs ( ce qui » n'csl pas imaginable de la Loire ) et nom- » me effectiveracnt Celcr la riviere dont il « parle ». Quo rapidiis (luorcl , Ce/cr aniiiis adhxsit , £t subil6,nalo colic , retursil iter. a Tcrme qu'on a mal pris pour une epi- » thete de cette riviere , au lieu que c'cst son » nom proprc , en franrais , le Ceil, d'oii u ont pris le nom le chateau de Cbasseil , » maison de plaisancc des evftques de Nantes, » ct celui de la Ccillerayequi est au-dessus ». M. Travrrs, dans son histoire abregcc des eveques de Nantes , s'exprime en ces terraes : » il n'est pas certain que I'evique S. Felin » ait detournc lo cours de la Loire pour la » faire passer a Nantes ; il faut plulot dire , » avee D. Lobineau , que c'est le Ceil ». Dans sa dissertation sur les monnoies brelonnes , il s'expliqueautreinenl. « La cite des Nanlois » a eu de tout temps un port qui I'a toujours » rcndue fameuse. Mais les anciens ccrivains » ne nous disent point oil etoit ce port. En » quelque endroit done qu'il ait eli' ancicn- n nement, ou a Couercn , u trois lieucs au- SIXIEME SliXLE. /|45 tout ce qui pouvoit faire fleurir le commerce dans sa ville capilale ; il » dcssoiis de Nantes , sur la Loire, ou vers Ro- » zay, iunclicuc ,ou aun mille de la ville, au- » dcssiis de Uichebourg fun des faabourgs], » il est maintenant a la Fosse. Nous croyons » en etre redcvables k saint Felix , seizieme » evdquc de Nantes , par les soins duquel il « fut fait vers I'an 550 ». Dans cetle diversite d'opinions , il est ne- cessaire d'examiner de nouveau cequeFortu- nat a dit sur la mati^re presente. On doit con- venir , avec D. Lobincau , que ce poete n'au- Toit pas manqu^ dc parler des grands avan- tages et des commod'Uh que Nantes auroil re- (ucs pour le commerec et pour I'usage de la ri'e , de eellc nouvelle opproehe de la Loire , si (avoit die Vourrage de Felix. Inlerrogeons- le : c'ost le scul juge en etat de decider, par- cc qu'il ^toitcontemporain et voisin de Felix. Voici com me il en parle : Qui prolnis ingenio, nutans meliore I'otalti, Currere prisca facis fluniina lege novA. Qua; pritis in prfficeps veluli sine finge, regebanl, Ad viclum pUbis nunc faiuulantur aqux, Ce que Ton pent rendre en ces termcs: « Toujours conduit par la sagcsse , si vous o'donnez de nouvclles lois aux Deuves , c'est » pour en tirer de nouveaux avantages. Lcs » eausqui^dansleurancienlit, n'annoncoient )5 presque d'autre dessein que de suivre la » pente qui Icur est nalurelle , s'empressent » a present de fournir, dans celui que vous » leur avez creuse , aux besoins des citoyens. » Le poete continne ainsi : Altera de (luvio inelitur seges orlavlrorum , Ciim per le populo parlurit uuila cibum. o Le fleuve, docile k voire tcndresse, en » faisant sortir de ses eaux la nourrilure du » peuple, scmble etre par la une nouvelle pe- » pinicre du genre humain. »Tels sont , d'a- prcs Fortunat , lcs avantages du nouveau ca- nal que Felix avoit pratique. Pour qu'unpiU les appliquer au Ceil , il faudroit que cctte petite riviere fftt navigable, et qu'clle por- \hX h. Nantes de grosses barques. Ce que per- sonne n'a dit jusqu'a present. Cen'estdonc point de ce ruisscau dont Fortunat a voulu parler. Pour peu qu'on pfcse ses expressions , on DC peut les entendre que dc la Loire. Ellc scale pouvoit procurer aux Nantois des den- rces de toute espece. En supposaiit que cctte riviere Mt eloignfie de Nantes avant que saint Felix siegeJt en cette ville , on concoit que le transport des marchandises par terre etoit dispendieux. Lorsqu'elle baigna les murs de cette cite, les choses nccessaircs i la vie se trouverent, pour ainsi dire, sous la main. Ne nous lessons point d'ccouter Fortunat. II aplanira peut-etre les autrcs difficulles. II continue de parler de Felix en ces termes ; Aggcre com])os!to , rcmovens in gurgile lapsuni , Quo nalura negat , cogis liabere viain, Eiigis liic vallem , subdens ad concava monleni , Et vice converse , licec tumet , ille jacel. Allcr in allerius migravit imagine formam , Mons Id valle sedel, vallis ad aslra subit. Qu6 fuil unda fugax, crevit pigro obice terra , El([u6prora prius, bucmodd plauslia meant. Collihus atUeisis flcxas superinveliis undas, El fluvinm docjiem, monle velanle, traliis. Qu6 rapidus (luercl, veniens celer aranis adlia;sil , El sul)il6, nalo colle , reloisit iter. Si nous comprenons le sens de ces vers, voici a peu pres comrae on peut lcs rendre en franrois. « Par le moyen des digues que « vous opposez aux eaux, vous leur faites » prendre un cours que la nature leur avoit » refuse jusqu'i present. Cequi etoit eiifoncc , » s'eleve sous vos mains ; ce qui etoit elevc , » s'abaisse a son tour : la forme de Tun sc » communique a I'autre. Le terrain qui domi- » noit sur I'ancien canal , se cbange en vallon » pour recevoir lcs eaux; et ce canal, qui » (itoit profond , prcnd la place du terrain » elevc. Li oil I'ondese plaisoit icouleravec » vitesse , on nc voit plus que de la (erre qui , » a force de travail , en a arrete le cours. Au » lieu des vaisseaux qui y voguoient, on ne » rencontre plus que des cbariots. Vous trans- » portezleseaux au-dcssus de leur lit, et vous » les rctenez par de nouvclles rives. La ri- » viere, accoutumee a couler avec rapidite » dans son premier lit, s'est arrdtce tout ;\ » coup, raalgre la force avec laquelle elle a » tenlc de rcpousscr votre lev(!e , une resis- » tance plus opiniatre I'a obligee de suivre une » autre direction. » Lorsque Felix detourna la Loire, il n'avoit done pas besoin 'le couper des montagnes, ni d'abaisscr des collincs. Ce qu'il devoit faire , c'etoit 1 ' de crcuser , h cette riviere , un vastc lit qui , par sa profondcur , 446 ITISTOIRE ECCLESIASTIQUE. detouriia la Loire avcc des travaux immenses , et la fit passer sous les resscml)15l a un vallon , et dont les rives imi- tasseiil des monticules , par Icur elevation ; 2" de comblcr I'ancien canal qui , de vallee qu'il ctoit, cu egnrd au terrain voisin, devoit s'e- lever insensiblcment commc une montagnc pour prendre le niveau. C'est la ce que veut dire Fortunat dans son style poetique, qu'on ne doit pas prendre dans toule la force des lermcs. Des lors que Fortunat , en decrivant les avantages que Nantes retiroit du nouveau ca- nal de Felix , n'a pu parler de celui du Ceil , i! est constant que les vers cites par D. Lubi- ncau ne peuvent rcgarder cettc petite riviere, et que Ic tcrme ccler n'est ici qu'une epilhete i'amnis. La maison de plaisancc des evdques de Nantes , qu'on nommc communement Chassais ou Chassey , estainsi appelee decas, nom appollalif irhnbilalion , el dVi ou ai , ri- viere. Cellc de la Selleraye tire son etymolo- gic de sel , habilalion , et de re, rivihe : ha- bitation auprh (Tunc riviere. Lcsautrcs objecfinnsqu'a proposees D.Lo- bineau nedoivenf plus embarrasser. Mais ce- pcndant il ne faut pas les laisscr sans reponscs. La ville de Nantes , autrefois bien moins con- siderable, est presquc entierement situee sur -Je pecicliant d'une colline , h rex[)osition du levant , et , pour la plus grandc partic . au mi- di. Ceux qui se lixerent d'abord dans co lieu, durent preferer cetle position a celle de la plainc qui est au-dessous , h cause de son liu- iiiiditc et des inondations. Aucun monument ne nous instruit que I'Erdrc ait beancoup change de position. Ce que nous pouvons en savoir, c'est qu'on attribuc au due Pierre Blauclerc d'avoir ri'treci le lit de cetle riviere dans la ville, de I'avoir eloigni'' de la place des Changes et fail se dccharger dans IcrUalcau. Ce Ratcau , oCi les caux de I'Erdre ct de la Loire sejoignent, ctoit |)ris dans les murs de la ville, au quarlicr de Sainte Catherine, et ferme par une grande grille de fer qui so haussoil et se baissoit au bcsoin. Au-dessus ctoienl deux tours qui en di'fi'ndoientl'entrce. C'est de la que le Hatcau a pris son nom. Ce lieu naroil itc d'abord fi-rnie que de palissa- de. Rat , camp ferme de paltssade ; au , riviirc: camp ferme de palistade siir une riviere. Quoique I'eau de I'Erdrc nc soil guirc potable, les Nantois n'avoient pas besoin de recourir 4 la Loire jiour apaiser leur soif. On voil maintenant beaucoup de puits a Nantes, tels que ceux du ehiieau et de la place Saint Pierre ; ceux de Notre-Dame , du Pilori ; celui qui est voisin des prisons royales ; ceux de la Munnoye, des Changes, de la porte Saint Nicolas ; ceux du Marcliix, de la rue Saint Leonor , des Cordeliers , et un grand nombre de puits domestiques dans les communautes, hotels et niaisons des parli- culiers. Les premiers habilans deNantes, qui, d'ailleurs avoient de puissans n)olifs pour ne pas quitter ce lieu, out pu employer les me- mes moyens : la n^cessit6 rend induslrieux. Les eaux de ces puits devoicnt etre d'une grande utilitc. Ce que Ton ne doit pas passer sous silence, c'est que les Nantois eloient voi- sins de la Chezine qui sejetledans la Loire h I'endroit oti la ville se scpare du faubourg de la Fosse . el qui de li a pris son nom. Ced , conjlue/il; ein, purl. Ce qui veut dire : riviere qui a son confluent a vn port. Les avantages que les premiers Nantois lircrenl de lErdre , furent d'aulant plus grands et plus prompts que la navigation , alors dans Tenfance , *y ctoit phis facile. Cetle riviire preml sa source dans iWnjou, a quatre lieues ouest-nord- ouesl d'.ingers , en un canton qu'ou a appel* pour cela Lorow , de lor , source , el d'ou' , riviere. Ce qui veut dire : source de riviere, L'Erdre rcroitsurles conlins de la Rrelagne une autre riviere. Ce lieu se nomnie Cande , a cause du confluent des deux rivieres. Land , confluent. La riviere qui s'unit i I'Erdre en cat endroil , porle le nom de Mandy , parce qu'elle va coulcr avec elle. Man, riviere; dy , deux. Cetle jonction conlribue a rendrc TErdrc na- vigable. Riale, la Merlicre et Nor, par oil celle riviere passe , en ont cmprunle leurs noms. Ri . riviere- at, aupri'.t. Mer , pris; Hex , riviere ; re , deux. Nor , riviere. Le port de Nor pouvoit scrvir , comme k present , d'cnirepot : les marchandises qui y arrivoient ctoienl voitur^cs de la par eau jusqu'i Nantes. II n'est peut-(^-tre pas hors do propos de rc- marquer , i celte occasion , qu'il y a a Nor une mine de charbon de lerre qui peul supplcer aux charbons etrangers. Lc lieu oil est cetle sixiI:me siECLr. 44? murs de Nantes. II etablit a la Fosse le port qui paroit avoir ete au- paravant a Piremil (i). 299. Felix ne pouvoit faire un emploi plus noble des grandes ri- chesses qu'il avoit recues de ses ancetres. Les malheureux attiroient sur tout son attention. Sa charite pour eux n'avoit d'aulres bornes que celles de leurs besoins. S'il ne se regardoit que comme I'econome de son propre patrimoine , s'il le vendoit meme pour le service de I'Eglise et celui de la chose publique , il considera toujoursles revenus ecclesiastiques comme le patrimoine des pau-vres. Ce qu'il craignit le plus , c'etoit de laisser dans son diocese quelque indigent dont il n'eut pas soulage la misere. 300. La conduite qu'il gardoit dans son diocese fut une des princi- mine se nomme Langucn , parce qu'autrefois c'etoit une forfit qu'un eveneraent particutier a renversee. Lan , renversie ; gucn , foret. Elle a eu le meme sort que plusieurs autres de TEurope. II n'a fallu rien moinsqu'une re- yolution violente dans le terrain qu'occupott cette foret , pour la faire s'cnfoncer dans le sein de la terre. Elle devoit conlenir beau- coup d'arbres resineux. Lcur substance a dA se decomposer apres bien des slides et se changer en une espece de terre, qui, etant penctree par la matiere resineuse que ces ar- bres avoient deposee , s'est enfin mineralisee. S"ilfaut avouer, comme leditD.Lobineau, que Tangle que fait le bras de la Loire au Iwut de la prairie de Mauves, ou il tourne tout court a droite , semble favoriser Topi- nion de ceux qui pensent que c'est cette ri- viere que Felix detourna ; ce sentiment prend de nouvelles forces h Tappui de Fortunat. En effet, la riviere dont I'^vi-quc de Nantes changea le canal , prit un cours oppose a ce- lui qu'elle suivoit : relorsU iler. Ce cours op- pose n'est-il pas bien rendu par la droite et to gauche ? La Loire , au lieu de se rcndre , com- me par le passe , dans son ancien lit qui etoit S la gauche , I'abandonna , parce qu'il etoit comble , pour tomber dans le nouveau que Felix lui avoit prepare a la droite. Par ce changement , la plaine de Mauves et celle de laMagdelaine, qui n'cn faisoient qu'une,fu- rent separces par la riviere , et chacune prit le nom qui lui etoit analogue. Mauves signi- (*) Ci-dessus , Introduction , n" 218, p. 103. a. V. fia ies pdlurages que la riviere avoil coupes , et Magdclainc, desprairies sur la meme riviere. Hoes, pdlurage ; ves ou les, coupe; mad, prairie ; lainnc , coupe'e. Qu'on nous permette de remarquer, en passant, que la Dinate qui , au-dessus de Mauves , s'unit a la Loire , tire son nom de dan , en composition , de/» ou din, riviere, et d'a(, conlluent. Le fa- mcux temple dont nous avons parlc, I. 1. p. 269 et 270 (*), avoit ete etabli a Richtbourd , maintenant faubourg de Nantes. C'est ce que nous decouvre I'etymologie de ce nom. Voyez ci-dessus le renvoi (o) de la p. 271 (**). Nous ajouterons que I'Erdre recoit k Nantes le nom de Barbin , parce qu'il va se joindre a la Loire , au-dessous du pont de la Saussai. liar, riviere ; bin , deux. C'est de la que le canal de la Loire va former le port de la Fosse. {I) Le tcrmc fos , dont le francois a formg cclui dc Fosse , et qui designc ici une levee , suppose que Fclis ne se contenta pas d'y cons- truireun port, mais qu'il I'enrichitd'un quai pour la facilitc du commerce. II nous semble que I'ancien port dc Nantes qui subsisloit avant Ic pontiOcat de saint Fe- lix, etoit a Piremil. Ce que nous pouvons dire en faveur de cette assertion , c'est que le nom dc Piremil paroit attcstcr la verilc de ce fait. Ce tcrmc est composcde pw , en composition , py , golfe , haie ; de re , riviere , et dc mil , Ele- vation. Ce qui veut dire : elevation au hard de laquelle une riviirc forme une haie. (**) CI- dfssus, n° 269, page 423, note i. a.V. 448 IIISTOIRE ECCL^SIASTIQUE. pales regies que Ton suivit au second concile de Tours. Elle influa beau- coup sur la confection du cinquienie canon qui y fut dresse. Ce chari- table prelat le fit religieusenient observer dans sa \ille episcopale et dans lous les autres lieux de sa dc'pendance. Ou ne vit plus dc men- dians dans les rues , ni dc vagabonds sur Ics cbeniins. Pour donner rexeniple, outre les aumones abondantes qu'il continua de dislribuer , il se cliargea en parliculier de la nourriture et de Tentrelien d'un noni- bre determine de pauvres. Tons ccux (jui avoient du superflu , ecclesias- tiques , nobles et ingenus, suivirent ce modcle. 3oi. Le pays qui est au midi de la Loire , etoit encore infecte des er- reurs du paganisme. Felix travailla avec succes a la conversion de ceux qui etoieut dans son diocese. Les Teifales (i) , qui di'pcndoient de celui de Poitiers , devinrent ensuite I'objet de son zelc. Il raciieta tous les cap- tifs (jui etoienl retcnus par ce peuplc fcroce , ct lacha de gagner leur afiec- lion. i'ar sa prudence et une sainte obstiuation, il cbaugea ces loups en agneaux , comme le dit Fortunat. 302. Sa maison etoit un st'iuinaire d'ecck'siastlques qu'il formoil lui- meme a la pic'te et aux sciences divines, lis passoienl plusieurs annees auprcs de lui , et il afierniissoil leurs pas dans les sentiers de la vertu. Coninie les levres dcs pretres ne doivenl s'ouvrir que pour annoncer au peuple les verites saintcs , cet eclaire pasteur avoit soin de les leur deve- lopper et de leur nieltre devant les yeux les devoirs de leur eta t. Pleins du feu qui le devoroit pour la luaison de Dieu , et guides par ces lumieres vives que presentent les Saintes Ecritures a ceux qui les out meditees avec buniilite , ils se repandoient dans les paroisses , pour y continuer I'ouvragede leur infaligableevcciue. Tel ful entr'aulres saint Martin, abbe de Vertou , dont nous ne pourrons parler que dans le siecle suivanf. 303. Saint Felix avoit a ca?ur d'altirer dans son diocese de fervens religieux , et des solitaires capables d'inslruire ou du moins dV'ilifier ses pouples par leur sainlete. Cet habile mailre n'ignoroit pas que les pre- dications les plus solides tirent leur source dcs bons exemplcs. 11 avoit di- rigc dans les voies etroitcs de la perfection cbrelienne un celebre re- (1) Ces Teifales, qai ont donnd leur nomau lagnes. Lc nora dcs Alains signiflc la mt*mc pagus Taifalgicus , In mrme que Tifaugc , pa- cliosc. Yoycz ce que nous avons dit , t. 2, p. roisscnt avoirf.iit partic dcs Alains. lis ont et6 310, au renvoi (a) (*)■ On peut remarquer ainsi appelcs dc tai , habilation , et dc fal ou qu'alin , en tartare , et akn , en ccltique , so bal, monlagne : peuplc qui a habilides mon- rendent par mon(a(/nr. (,*) Voyezci dcssus,cinquicmc si6clc, n" 108, p. 251, nole2. a. V. cltis SIXIEHE SIECLE. /|i'9 clus , qui avoit pris naissance , a ce qu'on croit , vers Tan 5i i , dans la paroisse tie Benai , an diocese de Nanles (i). Ses parens , qui etoient pau- vres, ne lui laisserent d'autres biens qu'une education sainle ; comme son pere , il laboura la terre : ce qui lui fit donuer le nom de Friar (2). La vie champetre , qui a fait la gloire des peuples les plus senses , qui a ete sanctifiee par les patriarches , et qui n'a ete avilie en France que d'apres les anciens prejuges de nos peres qui ne connoissoient que I'arl meur- trier de la guerre , sera toujours regardee avec distinction par des yeux clairvoyans , parce que I'agriculture sera , dans tons les temps , le plus necessaire de tous les etats et le plus analogue a la nature humaine. 304. Occupe des memes sentimens qui animoient la plupart des reli- gieux de rArmorique durant leurs travaux corporels, Friar pensoit sans cesse a I'arret que le Dieu de justice a porte contre le premier des hom- ines. En s'inclinant vers la terre , il se representoit la mort qui fait ren- trer du meme coup le monarque et le sujet dans la poussiere d'ou ils ont ete tires. Levant ensuite les yeux vers le ciel , ou Ton ne seme ni ne la- boure plus , raais oii Ton recueille pendant I'eternite ce qu'on a seme dans le temps , son coeur s'elancoit vers celui qui devoit faire sa felicile. 11 savoit tellement allier la priere avec le travail , que bien loin que I'une fut un obstacle a Tautre , elle le lui rendoit plus facile. 305. Sa piete lui occasionna des railleries frequentes de la part de ceux qui n'en connoissoient pas les avantages. Comme la plupart n'ont pas ou la volonte d'imiter les saints , parce que la pratique constante et affec- tueuse des devoirs de la religion coute trop a la nature depravee , ou sont trop legers pour apprecier le vrai motif de la conduile des ames pieuses , ils ne s'appliquent qu'a jeter du ridicule sur leurs actions. Aveugles qu'ils sont , ils ne reflecbissent pas qu'en s'egaranl de la voie de la verite , le soleil de I'intelligence ne se leve point sur eux ; tandis qu'ils regardent comme une folic la vie du juste , celui-ci se prepare de loin une place parmi les enfans de Dieu , et assure son parlage avec ses elus. 306. Un jour que Friar ramassoit des javelles de ble dans un champ avec les autres moissonneurs , un essaim de guepes s'eleva tout a coup (1) La paroisse de Bcnal nV'foit d'abord La terre ct scigncurie de Coislin a son chcf- qu'une foret qui s'elendoit jusqu'a Coaslin ou lieu aupros du marais de Saint Giidas. Coislin , ct joignoit le marais de Saint Giidas. (2) Le nom de Friar vient de fri , qui ou- Ben , exlrvmild ; hai, forct ; coad ou coct , vrc, ct d'ar, terre, champ . honme qui owrt forel; Un , marais : forcl auprcs d'unmarais. la terre , e'est-a-dire , lahowexir. 57 4^0 niSTOIRE ECCLESFASTIQUE. «'t alia pi(juer ses compagnons. « Que le devot vienne, dirent-ils, en Ic » regardant avec derision , hii qui prie Dieu sans cesse et qui fait a clia- » que instant le signe de la croix ; qu'il nous delivre de ces animaux. « I'eu sensible a cette insultc , riioinme de Dieu ne songea qu'a secourir ses freres ; il se representa que la cliarite ne pense mal de personne. I'lein de confiance dans la bonte de celui qu'il servoit avec fidelile , il fit le signe de la croix , en proft'rant ces paroles qu'il repetoit a chaque moment : « Notre secours est dans le nom du Seigneur qui a fait le ciel » et la terre. » L'obeissance , que ces insecles rendirenl aux vanix du saint , couvrit d'une salulaire confusion ceux qui I'avoient raillr , el leur appril a le resjiectcr. Dieu lui donna, queUjue temps apres , une preuve non moins sensible de sa protection. Tombe du haul d'un arbre , il se releva aussi sain que s'il n'eut point eprouve de chute. Soy. Ce miracle lui fit faire de serieuses reflexions sur ce qu'il devoit a la providence de son Createur. « Que fais-je , dit-il , et pourquoi dif- » ferer davaulage a me consacrer unicjuement au service du Seigneur, » dont le secours m'est toujours present? » A I'instant , il prit la resolu- tion de tout abandonner. Son sacrifice paroilra grand a ceux qui con- noissent cc qu'il en coute pour renoncer meme au desir d'avoir. 308. Saint Felix, que Friar consulta sur le genre de vie qu'il vouloit enibrasser , applaudit a son clioix ; il ne le regarda plus que comme son frere , tant eloit grande I'estirae qu'il en avoit concue. Lbermite se retira ji , le . el d'aud, grand. Ce qui vcut la Loire. SIXifeME SliCLE.' 45 1 charrue s'arreta a regarder en arriere , et fut tellemenl elTraye de la tache qu'il avoit entreprise , qu'ayant perdu courage, il retourna dans son monastere , oil la vie etoit moins dure. Les suites de son inconstance ne furent pas aussi heureuses qu'il se I'etoit imagine : il fut tue peu de temps apres , sans qu'on ait pu decouvrir quelle fut I'occasion de sa mort. 3ii. Le diacre Secondel eut plus de perseverance : il demeura assez fidelement attache a la compagnie de saint Friar, qu'il regardoit comme son maitre , malgre la superiorite a laquelle son ordination I'elevoit. II fut enfin tente par le demon , qui lui apparut de nuit sous la forme de uotre Seigneur , et qui lui dit : « Je suis le Christ a qui vous adressez » tous les jours vos prieres ; vous voila maintenant devenu saint , et j'ai » ecrit voire nom dans le livre de vie , avec celui de mes elus. Sortez i> pr^sentement de cette ile , et allez faire des guerisons miraculeuses par- » mi les peuples. » Le solitaire , trop crt'dule, n'ecoute que son zele et sort de son reduit sans avoir pris conseil de Friar. Les malades sur les- quels il impose les mains sont gueris. De retour , il raconte au saint le voyage qu'il a fait , et lui detaille I'histoire de ses miracles. 3 1 •J. Au lieu des applaudissemens qu'il atlendoit, il ne recut que des reproches. « Nous sommes bien malheureux , dit Friar , en pleurant ame- » rement ; car je vois, par vos discours , que vous avez ete seduit par la » tentation de I'ennemi de notre salut. Allez done et faites penitence , j> pour ne pas vous laisser prendre desormais dans ses pieges. » Secon- del , frappe de cette remonlrance comme d'un coup de foudre , se jette aux pieds de Friar , confesse sa faute et le conjure , leslarmes aux yeux , de prier pour lui. Le saint , qui a appris (jue Dieu ne rejette pas un ccpur contrit et humilie , lui expose I'etendue de sa misericorde. Le coupable sollicite aussitot son pardon aupres du Seigneur ; celui qui I'a excite a une componction sincere le demande avec ardeur. 3i3. L'ange seducteur avoit Irop bien reussi pour ne pas revenir a la charge : il reparut sous la mcme forme devant Secondel et lui dit : « Ne » vous avois-je pas donne ordre daller visiter mon troupeau , parce » que mes brebis sont malades, et qu'elles sont sans pasteur? » Le soli- taire , qui commencoit a discerner les esprits , le traita d'imposleur et le somma de lui montrer sa croix , pour prouver qu'il etoil le Christ. Le demon , vaincu celte fois, ne se crut pas desarme. 3 1 4. 11 revint avec une h'gion d'aulrcs mauvais esprits , et frappa Se- condel d'une telle maniere , qu'il fut en peril de la vie. Docile aux ins- 4^2 IHSTOIRE ECCLLSIASTIQCE. piratioiis de la grace, I'liermite la fit fnictifier avec perseverance, et jjarviiit a une grande saintete. II mourut enlre les bras de saint Friai' , qui I'enlerra dans I'oratoire de leiir ile. Ses reliques sont niaintenant dans I'eglise paroissiale de Benai , qui en fait la fele , comme I'un de ses patrons , le ag d'avril. 3r5. Pour saint Friar , il ne sorlil jamais de Vindunilc ; c'est pour cela que Gregoire de Tours I'a mis au nombre des reclus : cbaquejour I'e- leva a un nouveau degre de perfection ; Dieu le favorisa nieme du don des miracles. Parnii ccux dont il I'bonora , on remarque qu'un baton sec , qu'il avoit enfonce dans la terre , prit racine et porta des fruits. Les peuples vinrent de toutes parts admirer ce prodige ; comme il pouvoit elre unc occasion de vaine gloire , Thumble penitent le conpa et le fit bruler : sacrifice qui nous enseigne que nous devons eloigner de nous les presens , nieme de Uieu , lorsqu'ils peuvent elre un sujet de I'offenser. Le clnetien qui connoit sa foililesse et la perversite de son coeur , ne se soutient que par la vigilance. Saint Gregoire de Tours , qui vivoit du temps de Friar, avoit une si haute opinion de son credit aupres du Tout- Puissant , qu'il le croyoit en etat de ressusciler les morts , s'il eut de- uiande cette grace a Dieu. 3 iG. 3 1 7. De uouveaux disciples se rangerent aupres de Friar , sur la fin de .ses jours. Sa mort donna un nouvel eclat ;i sa vertu ; ctant tombe malade, il envoya prier son frere , IV'veque Felix ^ de vcnir le visiter avant son de- ces , qui devoit arriver un dimanclie. Le prelat, qui etoit arrete par des allaires, lui fit dire d'avoir un peu de patience ct de differer le jour de sa mort, afiii (|u"il put se procurer la consolation de le voir. L'liermite, qui t'toit a rextremile, agissant comme s'il eut ele le maitre de prolon- gcr sa vie , dit alors : « levons-nous done pour allendre notre frere. » Dieu suspendit , en effet , la maladie du saint ; en accordant a I'un et ;i I'autre celte grace signalee , il manifesla le nu'iile de I'eveque et du soli- taire- Lorsque Felix arriva , Friar lui dit ; « Saint eveque , vous relardc/ >. bien le voyage quej'ai a faire. » Aussitot la fievre le rcprit. Apres avoir passe la nuit du samedi en prieres avec I'eveque , il expira sainlemenl entre ses bras le dimanclie matin , qui etoit , comme on le croit , le pre- mier jour d'aout ; ce qui nous Hiit rapporter sa mort , avec le Pere le Cointe , a I'an $77 (i). Une odeur admirable rempiit, apres son tre[)as , sa cellule, dit Grt'goire de Tours , ct parfuma les assislans. (1) Gregor. Turon. Vit. Patnim , c. 10. Baillcl , D. Lobincau. SIXIEME SIECLE. 4^3 Saint Felix lava et revetit le corps de son clier frere , avant que de renterrer : c'etoit un ancien usage recu parmi les clnetiens. Les resles du saint furent deposes dans son hermitage ; plusieurs miracles s'opere- rent sur son lombeau : on y batit depuis une eglise. Ce saint est le prin- cipal patron de la paroisse de Benai; on y conserve une partie de ses reliques ; I'autre est dans la calliedrale de Nantes (i). 3 1 8. Saint Sanson n avoit designe , en mourant , Magloire, son cousin, pour son successeur dans le gouvernement de son eglise ; ce clioix , qui n'avoit d'autre fondement que le merite , ne pouvoit manquer d'etre agree du clerge et du peuple. Sig. Magloire , beaucoup moins age que saint Sanson, avoit eu le meme maitre. Illut , apres I'avoir forme a la piete et aux belles-lettres , le renvoya cliez ses parens. A la visite que Sanson avoit faite a son pere Ammon durant sa maladie , il avoit persuade a Magloire d'embrasser I'etat monastique : ce qu'il fit dans une communaute voisine du lieu de sa naissance. 320. II en observa les regularites avec tant de zele et d'exactilude , qu'il devint en peu de temps un modele de la vie religieuse. L'innocence de ses mccurs eloit fondee sur une bumilite vraiment chretienne : attache a la priere , il ne connoissoit que les biens celestes ; par la mortification de ses sens, sa liberie le portoit avec plus de force a la pratique des \ertus. 321. Sanson s'associa ce jeune religieux , lorsqu'il passa en Armoriqiie. Pour le rendre plus utile au public , il I'eleva au diaconat. Ce levite fut le compagnon de tous ses travaux et de ses bonnes oeuvres. Lorsque le saint eveque fut place sur le siege de Dol , il le mit a la lete du mo- nastere de Carfenten : c'est dans ce temps qu'on donna a celui-ci le noni de Magloire , ou de chef propose a I'instruction des autres (2). 32 2. Ce poste important fit connoilre ce qu'il etoit : sa science el sa saintete brillerent a I'envi. Le sacerdoce , auquel il fut eleve , le condui- sit a un nouveau degre de perfection. Quoique appele a I'episcopat par la voix d'un saint et par les voeux de son peuple , il n'en redouta pas moins le fardeau , et ce ne fut que par obeissance qu'il se laissa imposer les mains. 323. Semblable a son illuslre predecesseur , ilprecha la penitence dans (1) Gregor. Turon. Vit. Patrum , c. 10. (2) Mag , pie'pote dl'intlruction ; lor, chrf. Baillet , Lobineau. /|54 nrSTOIRE ECCLtSIASTrQUE. tout son diocese et y calt'chisa. Les coles septenlrlonales de rArmori- <|ue , qui ne recomioissoient point encore d'aulres eveques que ceux de Dol, furent arrosees de ses sueurs. Ses inslruclions , ses vertus et ses pxemples porlerent partout la conviction et opererent des changemens admirablcs dans les moeurs. 324. Malgre la conlinuite de ses travaux , sa vie n'en etoit pas moitis austere : sa nourrilure ('loit ordinaircment du pain d'orge el des legu- mes ; aux grandes fetes, il mangcoil par complaisance quelques pelits poissons ; son jeune etoit presque continuel , et il ne le rompoil que le soir. Les mercredis et les vendredis , il faisoit une abstinence enliere ; il porloit toujours un cilice ; ses habits n'etoienl ni vils , ni prc'cieux ; il en agissoit ainsi, pour tenir un milieu entre le luxe des grands et la pauvrcte. SaS. II etoit sorli de I'ecole de saint Illul un peisonnage qui ne me- lila pas moins radmiration de son siecle que saint Sanson et saint Ma- gloire. Le nom de Gildas , sous lequel on le connoit , prouve sa saintete; celui de Sage , (|u'on lui a conserve , nc depose pas moins avantageuse- ment en sa favour. 328. Il viut au monde , comme il nous I'apprcnd lui-meme, Fannee on les Bretons remporlerent une victoire complete sur les Saxons qui avoient assiege Batli (i), c'est - a - dire , I'an (1) Cclto villc est situcc au pied de Bancs- downe, qui est le mons Badonicus des an- ciens. Le nom de ISanesdowne est compose de ban,jel; et en avoit pris le nom de Gaud (4). S. Paterne venoit de balir un monastere sur le tombeau de ce saint solitaire. 11 avoit converti ce qui restoit de p.niens dans celte loret et delruit un ancien temple fort revere (5). Scubilion et Aroaste, qui lui eloienl allacbc's , se dislinguoienl en meme temps par rausterile de leur ^ic. Lo premier (6) avoit sa cellule dans la meme fo- il) On donne a cc roi Ic nom AWri/c. Cc ceKc collinc que sainl Gaud aroil etc inhu- lermc vicntd'ard, roi. md et que saint Paterne ctablit son monas- (2) Safemme so nommoit GciuscGelon ct, tire : cc dernier fonda plusieurs communau- hdk ; uz , nolle . tes. II contribua beaucoup a rerection de Tab- (3) Man , hnmmc ; mau , cnfatii; dc , Dicu ; baye de Sainl Mciaine de Renncs. Le nom de enfant de Dicu. Pair, qu'il a encore portc , signific rocker ■■ (i) Sainl Gaud a etc ainsi nommc dc gaud , hommc du rocher. forct. On I'appcla aussi iValdus , dc lal o\i (6) On appcla 3/andan on MaudanhVieu gal,forel , et de dus , iici-c, grand • le grand que saint Scubilion habiloit. Cc nom estcom- homme de la forcl. pose dc man ou mau, liabilalion , et dc dan, (5) Saint Paterne s'cst ainsi appclii, parcc riviere : hahilation auprcs d\ina riviere. For- quc sa demeure n'ctoit pas eloignce d'unc ri- tunat , qui a dcrit la vie de saint Paterne, viere. I'ab , pirc ; tern , riviere. On I'a np- rapportc qu'il y avoit un petit bras de racr pelc Paticr.h cause dc sa saintctc : pab ,perc; entre Ihabitalion dc Palorne ct ccllc dc Sen- der , grand ; Pay , parce qu'il liabiloit sur unc bilioD. Cclui-ci , averti dc la maladie dc son collinc; pot, coiliiic. C'est surle penchant de ami , nc put Ic passer dc nuit. Le nom dc ret, i SIXli:ME SIKCLE. 4^5 ret, sur le bord d'une riviere. Le second (i) habitoit aussi Chesey- 355. Maude , apres avoir passe quelque temps dans les raonasteres de la cote de Del , alia visiter ces anachoretes. Semblable a ces abeilles industrieuses , qui , apres avoir puise les sues de mille fleurs odorife- rantes , s'appliquent a en composer un miel delicieux , il vouloit , en prenaut les lecons des plus grands raailres , s'approprier leurs vertus. Scubilion apprend que ce saint dcmeuroit sur le bord d'une riviere, a Tendroit ou il y avoit des bateaux. Scub , ialeau ; ill, bord; on, riviere. Get anactiorcte eloit done separe de saint Paterne par una riviere. Le canal ^ sur Icquel ctoient ces bateaux, devoit rece- voir les rivieres d'Ardee , de la Selune et dc la See. Ce lit etoit conscqucmmcnt Ircs-pro- fond et tres-Iarge. La mer , qui y entroit k I'embouchure , faisoit reflucr les caux ct les grossissoit. C'est la ce que Forlunat appeloit un bras de mer. Ce m6mc historien dit encore que la demeure de Scubilion etoit a trois milles de cello de Palerne. Corame les rivieres, dont nous vcnons de parler, ctoient entre cds deux solitaires, la cellule de Scubilion devoit elre placee dans ce qui fait a present partie de la grove du Mont Sain I Michel. L'Ardceou Ardres {Ardea ou jtrdurus) prend sa source ti rcnlree du diocese d'Avranchcs , du cote de cclui du Mans , ct un peu au-dessus de Mor- tain {MoriloUum ou Morctonium ) , ville ainsi appclee , parce qu'elle est de difficile acces et presque environnee de rochcrs assez escarpes {mor , rochers ; lols , couph), et traverse tout I'Avranchin oil elle arrose environ douze pa- roisscs. Les rivieres qui cntrent dansl'Ardce, sont la Selune, qu'elle rccoit au-dessus du bourg de Ducey ; une autre petite au-dessous de I'abbaye dc Montmorel , et une troisierae au-dessous de Policr. Grossie de toutes ces caux, elle entre dans la mer un peu au-des- sous de Ponlaubau (ainsi nomme de ponl, pont ; d'au , riviere, et de bau , canal ) , assez pros des salines de Courly , entre Avranches et le Mont Saint Michel. Courly a pris ce nom , parce qu'il est sur la riviere. Cow , ha- bilalion ; I, article; i , riviere. Quand le Dux de la mer est retire , I'Ard^c coulc dans les sables jusqu'au dessous du Mont Saint Michel , avant que d'entrer dans I'Occan. La See {Se- gid) a sa source aupres de la bulte de Brim- bal; elle passe i Charance , a Cuve, i Brecey^ ti Saint Brice , au pont Gilbert sous Avran- ches. De lion la voitse rendredansla rrier , entre le Mont Saint Michel et le MontTom- bellenneSj apres un cours de dix lieues. Tout le terrain ou espace qui est entre le Mont Saint Michel ct les iles de Choscy , 6toit, com- me nous I'avons prouve 1. 1 , p. 87 ct suiv. {*), une forct immense. Nous ajouterons ici que celte foret s'etendoitau dela d'Avranches. La paroisse de Geness, qui est sur les rivieres dont nousvenonsde parler, etoit couvcrte de bois. Gen, forel; ess, riviiire. La See ne s'est ainsi appelcc que parce que , dans tout son cours, elle traversoit une foret. Say , forct; gi, riviere. Letcrme Gilbert denote la meme chose. Gill, peiilc riviere ; ber, /"orcJ. La ville d'Avranches meme ( Ingena ) n'a ete d'abord qu'un bois, comme nous I'avons dit, 1. 1. p. 110 (**). Ca ete aussi le sentiment dc Robert Cenalis. Ducey etoit autrefois une epaisse fo- tH. Du, noire ; say , forel. La Selune a tire son nom de say , forct , et de luun , nom ap- pellatif de riviere. La meme foriM s'avancoit egalement dans le Colentin. Une partie esten- core couvcrte de bois. Si Ton joignoit le Coes- non i la Ranee, de la maniere que nous I'a- vons propos6, t. 1. p. 93 ct suiv. (**■*■), on pourroiten meme temps unirl'Ardee i celui- Ih. Ce seroit une correspondance mediterra- nee entre la Normandie et Saint-Malo ; elle seroit d'autant plus avanlageuse qu'cn tcipps de guerre, les corsaires ne pourroient la trou- bler. (1) Arc , dans i ast, forel : homme qui vil dans une forct. (*)Ci-dessus, Introduction, n'Oj, p. 42. a. V, (**) Ibidem , n»105 , p. 50. a. V. ("", ll)iden),D«98,p. 44. a. V. 59 46G IIISTOIRE ECCL^SFASTIQUE. Commerce qui I'emporle infinituent sur celui que font d'aveugles mor- lels, en travcisanl les mers et en afTronlant la mort, pour acquerir les lichesses do la tone. Si lours \ues ne sont pas epurees , et s'ils ne font ])as un saint usage du fruit de ieurs Iravaux , on doit les comparer a ces personnes qui , durant leur sonimeil , s'imaginent regorger de bieus , et qui , a leur reveil , se trouvent les mains vidcs. Leur nom purit avec Ieurs possessions : la memoire du jusle est eternelle comme son bonlieur. 35G. Lorsque les aulres communault's de la parlic superieure de IWr- morique eurent contente la piete de Maude, il s'arreta aupres de saint Tugdual. Tons deux etoient fds de rois ; tons deux servoient le roi des rois. Les delices qu'ils gouterent ensemble furent d'aulanl plus pures , (ju'elles avoient la vertu pour principe. . 357. L'araour de la solitude porta neanmoins Maude a abandonner le saint abbe. Mais il ne s'en eloigna pas tellcnienl ([u'il ne put se rappro- cber a IDccasion. L'endroit qu'il clioisit etoit enUe la ri\iere de Trew ou Trieu , et celle de Jaudy. II le sanctifia par une union parfaite avec Dieu et par la mortification la plus austere. Ce canton lui a ele consacre par la suite : on le nonime Lan-Maude. litre plus (lalteur que ceux des cou- querans ou des ujailres ambitieux , qui , en donnant Ieurs noms a des royaunies ou a des villes , ne font souvent (jue perpt'tuer le souvenir de Ieurs brigandages ou de leur \anile. C'est ici un ami de Dieu dont on reclame le credit. 358. Importune par de frequentes visiles , et craignant les suites des benedictions qu'on repandoit sur lui , Maude se determina a clianger de demeure. II passa le bras de raer (jue Ton voit enlie la terre ferme et I'ile qui porte encore son nom de nos jours. C'eloit un repaire de ser- pens oil personne n'osoit entier. Get asile lui parut moius dangereu.\ que les bonneurs qu on lui rendoit sur le continent. Son premier soin fut de batir un oratoire; une grotte fut sa demeure. C'en etoit assez pour un liomme qui ne pensoit qu'a redifice qu'il avoit a former dans le ciel . 359. Ce pieux solitaire eut deux disciples, Tudy et Dotlimael. L'un et I'autre sV'luient mis des lenfance sous sa discipline. Bothuiael , ainsi (jue son mailre , fut favorise du don des miracles. On dil qu'ayautele cher- cber du feu sur le continent, il I'appoita a saint Maude dans un pan de son babit , (|ui n'en fut pas endommage. II paroit que c'est a celle occa- sion qu'on I'appela liotlunacl , c'est-a-dire , bonnne a I'egai'd duquel le feu pcrd son activite (i). (1) Bol, feu; mad, au-dttsus. SIXliME SifeCLE. 467 On croit que saint Tudy alia , apres la mort de saint Maude , fonder une abbaye dans une ile qui est a rembouchure de I'Oder et du Tbeir. 11 fut efTectivement le pere d'une maison religleuse (1). Cette ile porte le nom d'Enes Tudy (2). On ajoute que celte abbaye fut transferee dans la suite a I'eglise qu'on appelle Loc-Tudy (3) , oil Ton assure qu'il y a eu long-temps des templiers (4). 360. Parmi les disciples de saint Tugdual , qui se distinguerent par leur saintete , on connolt Guewroch , aulrement Kireck , et Briac ; le premier avoit suivi ce saint abbe , lorsqu'il quilta la Brelagne pour se fixer en Armorique. Apres avoir passe quelque temps au monastere de Treguer , il alia s'etablir sur une langue de terre qui s'avance dans la mer , a remboucliure d'une petite riviere appelee pour cela Menow (5) ; c'est maintenant une paroisse qui se nomme Lo-Kirech (6). U paroit que ce saint a pris ses differens noms de la position de ce lieu (7) : il y fonda un monastere qui devint considerable. 36 1. Apres y avoir fait (leurir la regularite, cet humble abbe se retira a Ploudaniel , au diocese de Leon , dans une vallee que Ton appela Traoun Guewroch (8). Sa saintete et ses talens etoient connus de saint Pol ; ce sage prelat lui fit comprendre qu'en travaillant a son salut , il etoit avan- tageux qu'il ne negligeat pas celui des autres , et qu'il ne pouvoit mieux faire que de consacrer au public les dons que Dieu lui avoit confies. Le solitaire , qui ne decouvroit dans sa personne que des imperfections (aveu que tout homme doit faire avec I'apotre des nations), mais qui honoroit dans son eveque I'autorite de Jesus-Christ , se rendit a ses ▼oeux. 362. II partagea , avec le saint pontife , les fonctions les plus impor- tantes du ministere , celles de la predication et de I'administration des sacremens. Rentre dans le monde qu'il avoit fui , il n'en fut que plus attentif a veiller sur tout son exterieur , dans la crainte que , tandis (1) Tu, maison; di ou da, chef : chefde me qui hahiloil un lieu qui s\Uend le long communautd , abb^ . d'une riviere. Lo-Kirech est a present une (2) Enis, ile. succursale de Lan-mur, toulcs deux au dio- (3) Loc , lieu , habiCaiion. Cese deDol, dans les enclaves de cclui de Tre- (4) Albert le Grand , Lobineau ; \^es des guer. Le nora de Guewroch dcsignc une lerre Saints de Bret. Proprium Leonense. qui est vis-a-vis le bord de I'cau. Gue , Icrrc ; (5) Men ,pcliie: 010 , riviire. eu , eau ; ur , bord; oc , vis-a-vis. En appli- (6) Le tcrme Lo-Kirech se tire de loc , lieu ; quant ce nom au saint dont il s'agil, on vou- de hir , long , et d'ecft , riviere : lieu qui s'e- loit parler d'un homme qui habiloil un lien vis- lendle long d'une riviere. a-vis le bord dc Veau. (7) Parle Icrme Kirech, on concoit unhom- (8) Traoun , valh'e. 468 IIISTOIRE ECCLlisiASTIQUE. qu'il rapprochoit les aulres de Dieu , il ne s'en eloignat et devint un re- prouve. 363. La modestie I'accompagnoit dans toutes ses actions ; ses vele- niens annoncoient son detachenient. II etoit loujours seul , a moins que ses occupations ou la cliarite ne Tappelassent parmi les liommes. Dupain, quelcjues k'gunies et de I'eau I'toient sa iiouriiture. L'oraison unissoit a Dieu toutes les facultt's de son aine. 364- Les miracles sont ordinairemenl attaches aux vertus heroiques. Le Seigneur , toujours admirable dans ses saints , se servit de Guewroch pour manifester son pouvoir. On croit que ce ministre fonda au milieu de la ville de Leon une cliapelle en I'honneur de la sainte Merge. C'est celle que Ton nomme Creisker (i). Guewroch terniina sa carriere dans I'exercice de ses fonctions , en un lieu ou Ton a bati depuis la ville de Landernau. Son corps fut transporte a son monastere de Lo-Kirech oii sou culte est etabli de temps immemorial. On fait la fete de ce saint , le dix-septieme de fevrier , dans le diocese de Leon. I^ paroisse de Peros- Kirech (a) a pris son nom de cet abbe 3). 365. Saint Briac avoit pris naissance en Irlande. Ses parens , qui eloient nobles , eurent soin de lui donner une bonne education. II y apprit a envisager les avantages dune condition relevee et des richesses qui la suivent communement , sous le point de vue qu'une saine raison doit la montrer , et (|ue la religion bien ecoutee pn'sentera toujours. 366. Uniquement avide de la noblesse que donne la verlu , et a qui ces bieus ineffables dont on jouit dans le ciel , sont reserves comme une recompense , il quitta sa patrie , et alia se perfectionner aupres de saint Tugdual , dans le pays de Galles. Son attachement pour cet al)be fut si grand qu'il passa avec lui en Armorique. 367. C'est par le conseil de ce saint eveque qu'il devint hii-meme le fondateur dun monastere considerable , a I'endroit oii le Irieu ste par- tage en deux branches. On avoit appel^ ce lieu Boul-Briac , a cause de sa position (4). Briac et son monastere prirent de la leur nom (5). On dil que cet abl)e n'avoit bati d'abord qu'une .simple chapelle qu'il de- dia a la sainte \'ierge , sous le nom de N. D. de /)W- I'no ou de /a (1) Creit , milieu ; her , ville. CO ^oui , sinuositt! ; bri , bras ; ac . rivihe : lieu ou ■> pent salislairc a ses dcltes personnelles? Mais , pour ne pas nous cbar- » ger des fautes des aulres , nous faisons retentir nos voix aux oreilles )) de tout le niondc. Personne ne pourra pretexter de n'avoir pas ete « inslruil. Mais si, dans tous les temps , nous sommes obliges de vous )) parler , vous devez aussi nous ecouter , afin que nous ne repandions » pas la semence dans un terrain rempli d'epines , el que vous ne deve-* r> niez pas semblables a un cbamp sterile. Ce que nous desirous le plus , » c'est que vous ayez autant de plaisir a execuler nos avis , que nous en » ressentons a vous les inculquer ; ce sera le moyen que, quand le maitre » de la moisson paroilra , vous puissiez , ainsi qu'une terre feconde, lui ■» offrir vos bonnes auvrcs ; et que nous , qui avons jete la semence » dans vos cocurs, fassious valoir aupres de lui les fruits que vous avez y> portes. » cc Aussi , nos tres-cbers enfans , vous que la grace du Seigneur a en- » fanles , qui cles le fruit de I'Eglise , qui avez et^ r^generes par le bap- « leme , qui avez le ciel pour beritage , et qui etes les membres de Jcsus- j> Cbrist , vous a (jui il a promis son rovaume , comme la recompense de » vos vicloires , el qui devez nous y servir de couronne , nous avons cru » devoir vous donner cet avis salulaire, que, comme nos peclies semul- » tiplient cbaque j) davantage , doit compter qu'il sera pauvre un jour , et , pour parler » exactement , donner est une dette qu'on est oblige d'acquilter. L'E- » criture assure que I'aumone eleint le peche. Le Seigneur a dit : don- » nez I'aumone , et toules clioses vous seront pures. Pourquoi ne lui of- » fririez-vous pas une partie de ses biens ? Ce n'est point les perdre que » de les lui donner. Ceux done qui veulent etre places dans le sein » d'Abraham , doivent s'empresser de suivre son example. Pour regner » avec Jesus-Christ , il faut donner I'aumone. » « Nous averlissons tous les ennemis , s'il y en a, de se pardonner mu- y> tuellement, et de se reconcilier avec une charile sincere. Celui qui ne » pardonne pas a son ennemi , sollicite en vain aupres de Dieu I'oubJi de » ses fautes. La plus belie aumone qu'on puisse faire , est de ne pas cher- » cher a se venger : il faut rendie le bien pour le mal. Si , comme nous » I'avons dit , c'est une obligation de donner la dime , a I'exemple d'A- » braham , le fleau qui vous menace nous fournit une raison pour vous » engager a donner le dixieme de vos esclaves. Car , puisqu'on dit que » cette maladie , de dix personnes en enleve neuf , n'est-il pas conve- » nable d'en donner une a Dieu , pour en conserver neuf ? Ceux qui n'ont » pas d'csclaves , pourront donner a I'eveque le tiers d'un tre/iiissis (i), (1) Les lois des Visigoths , des Bourgui- gnons , des Bavarois , dcs Prisons ct dcs .41- Go 474 HTSTOlftE ECCLESIAStIQTJE. » pour cliacnn de leiirs enfans. Ces aumones seront fidelemont employees 5) au racliat des captifs. Eiifni , s'il v en a parmi vnus qui aient conlrac- » te des niaiiages inccslueux , nous les exlioilons et nous Ics prions » meme , pour leur salut , de se st'parer , suivant les canons , jiisqu'au » prennier concile provincial , de peur que , s'ils ne le font pas d'eux- » mcmes , Dieu ne les desunisse pour toujours par la mort. Ce sont la » les avis que nous avons cru devoir vous donner quant a present , ■>■ comme a nos enfans spirituels , et dont nous altendons raccomplis- » senienl de voire part , afin que Dieu , (|ui se laisse fic'cliir par les » bonnes a?uvres, exauce vos prieres (i). » 385. 386. Lamaladiecontagieuse se repanditbienlot en Armorique. Dieu appesantit quelquefois sa main sur les saints, ainsi que sur les pecheurs , dans les calamitt's publiques. Son dessein est de ptuiir ccux-ci et de les faire rcntrer scriousoiuent en eux-niemes, tandis qu'il eprouve ceux-la comme I'or dans la (ournaise , et qu'il ajoute un nouvel eclat a la cou- ronne qu'il leur destine. Felix , dont tons les pas avoieut ete marques par la bienfaisance et la charite, futun des premiers attaque de la peste(3). Cette victime , I'une des plus capables d'arreler la vengeance du ciel, ne All pas inmiolee sur-le-cliauip : son sacrifice fut long et douloureux. Ce saint prelat fut enleve le liuilienie des ides , c'est-a-dire , le 6' jour de Janvier 582 , dans la soixanle-dixieme annee de son age, et la trente- troisieme de son episcopal. Ses funeraillcs se fuent avec pompe et magnificence : son corps fut enterre dans son eglise calliedrale qu'il avoit balie , el qui eloit I'un des plus beaux edifices de la Gaule. Plusieurs miracles s'y fuent par son in- tercession ; les peuplcs y accouroient de loutes parts pour offrir leurs \(jeux a Dieu (3). leraands p.irlent t)ii Iremissis. Citte inon- Vaureus. Ellts furcnt appclocs scmis.us cl noie otoit la Iroisietnc p.nrlio (hi sol ft va- iremissis. Vaureus prit alors Ic mini d'cndVr loit qtiatrc denicrs. On I'avoil cnipruntee des ou re. Les plus vertueiix d'entre les pri'tres el les diai res de sa coninuinautt; suivirent son excnq)le. Les trois jours ecoules, Magloire bt:nit un bain d'eau pure , dans lequel il fit mel- tre le comte. Les mains elevees sur le nialade , et les yeux fix^s vers le ciel , il adressa cette priere a Dieu : « Seigneur Jesus-Christ , qui avez cree ). toules dioses ; (pii , par votre piopliete , avez giK-ri de la Kpre Naaman » dans le eanx du Jourdain ; (pii, pour sauver les pi^cheurs , avez descen- » du du ciel en tcrre ; (pii , aprc-s avoir licrascj la tete de I'ancien serpent , » avez 6l^ les peches du monde par le bapteme que vous avez recu dans » le Jourdain : je vous supplie de n'avoir egard dans ce moment qu'a vo- » Ire inlinie mis(-ricorde , et de guerir cet homme delalcpre, afiii i|ue (I J Loil, Icpre ; con, prince, seigneur.- prince aUaqud de la h'pre. SIXIKME SliCLE. 4/0 » ceux qui en seront temoins , glorifient votre puissance ». Celte oraison finie, il lava le comle , en le fiottant avec la main ; sa peau parut aussi saine que celle d'un enfant. 396. Lo'iescon, penetre de la plus \ive reconnoissance , se jelte aux pieds du thaumaturge , le remercie et rend graces a Dieu du bienfait qu'il en a recu par sa mediation. Il lui cede une partie de I'ile de Gersey , pour servirde nouveau theatre a ses vertus. C'est ainsi que la Providence servit le desii- que Magloire avoit de s'expatrier. I.e saint accepta la donation avec d'autant plus de plaisir que cette ile avoit ete depuis peu arrosee du sang d'un illustre martyr. C'etoit saint He- lier, cethomme admirable, qui avoit quitte le monastere de Nanteuil dans le Cotentin , pour habiter un rocher escarpe 011 il n'avoit d'autre toit que le ciel , ni d'autre lit qu'une caVerne. Comme il y menoit la vie heremiti- que, dans la pratique du jeiine et I'exercice de la contemplation , il avoit ete mis a mort par une troupe de barbares (i). 397. Saint Magloire etaljlit dans son ile un monastere fameux. II y las- sembla plus de soixante religieux. Toujours le meme , il ne relacha rien de son genre de vie. Tandis que ses moines prenoient leur repos, il alloit sur le rivage de la mer , pour s'unir en pais avec Dieu , en attendant I'heure de matines. Personne n'exercoit I'hospitalite avec plus de zele que ce saint abbe ; il recevoit avec la meme bonte les pauvres et les riches , pour les gagner tons a Jesus-Christ. La virginite , cette fleur si precieuse, ne souf- frit en lui aucune alteration. Le don des miracles le suivit dans son ile ; il rendit la parole a la fiUe d'un seigneur puissant (2) a qui appartenoit (1) Les Actes de saint Helier I'appellcnt nom de Gcrsulh que celte ile conserve dans Heler ct IlcUbcrt. Le terme Uclcr yicnid'hcl, les Actes de saint Helier. Gcr , aupres ; sw , oacel, gruUc ; ct d'er, homme : homme qui riviere ; ulh , principale ■ lieu aupres dune habile une groUe. Celui d'Helibert se tire forle riviere. Le nom de Gersich , qu'on lit A'hcl, groUe , d'i , dans ^ et de berl, rcliri: egalement dans cette m^mc vie, fait connoi- hiymmc reliri dans une grolle. Saint Helier tre encore plus dislinctcment Gersey. Ger , avoit vccu d'abord sous la discipline de saint aupres; si, fore I ; ic , rivii:re •• lieu aupres Marcou {Marculfus) a qui ses austerites ont d' une forel Iraversh par une riviere. donne le nom. Mar , grand , cul , penitent. f 2) Ce seigneur se nommoit Nivo , parce Comme il vouloit se fairc anachorete , son qu'i) partagca ses grands bicns en trois por- abbe lui designa Gersey , et lui donna , a Nan- tions , dont il en offrit une a saint Magloire. teuil , un guide pour I'y conduirc. Arrive a Ni , parlage ; rod , habitation : homme qui a Gencss , dont nous avons parle ci-dessus, une partage ses Mens. L'ile de Guernesey est barque le passa dans l'ile. II y avoit done appelce^Bi^jar^iadansla viedesaintMagloire. alors un port a Geness , d'oii les bateaux se Ce tcrrae vient de his , elevation , muntagnt ; rendoient par la riviere dans la Manclie. Cette de sar , aupres , et de gi , forel. On se rap- riviere alloit couler autrefois directcment a pcloit que cette ile avoit etc d'abord con- Gersey. C'est ce que nous fait comprendre Ic ligue i la for6t de Gersey. Pour rcndre la pa- 48o niSTOIRE ECCLl£SIASTlQUr:. Guernesey; iin mort lui dut sa rt'surreclion. Ses verlus allolont loiijours en croissant a proportion qn'il approclioit de sa derniere fin. 398. La famine nesiiivitpas de loin lapeste(i). C'ctoitun second flt'au pas lequel Dion , qui agit toujours en pore , dans le temps meme qu'il frappe , cherchuil a corriger ses enfanls rebelles. Ceiix qui ne perissoient pas par ]a faim , etoient reserves a une vie plus amere que la mort. La diselle fut si grande , que la plupart eloient reduils a faire du pain avec des racines de fougcre , ou a manger I'lierbe des prairies et des campagnes ; mais ces sorles de substances etoient plus propres a hater la mort qu'a prolonger la vie. Lcs usuriers et les mauvais riches s'engraisserent de la misere pu- blique : lorsque les pauvres eurent vendu tout ce qu'ils avoient, ils ven- dirent leur liberie , le seul bien qui leur restoit. Telle fut la crise 011 se Irouva une grande partie de la Gaule : I'Armorique la rcssenlit viveraent ; on n'y avoit recueilli aucune espece de ble. 3f)f). La religion fit voir dans celte circonstance ce (|ue pcuvent ceux qui en sont animi's. Saint Magloire en fournit un exemple memorable ; c'etoit un second Joseph que le Seigneur avoit envoye en Egypteavant ses freres , pour leur epargner les horreurs de la faim. Un grand nombre d'Armoriques allerent chercher aupres de lui , des aliments qu'ils ne pou- voient trouver chez eux. La mullilude n'effraya point I'ami des hommes. Sa table ful ouverte a lout le monde. Du rcsle, il mil sa confiance dans le Crealeur. /joo. Si ce tendre abbe conservoil avec soin aux uns et aux aulres la sante du corps , il ne veilloil pas moins a cntretenir lours amos dans la charite avec Dicu , ou a les reconcilier avec lui. Par ces services , il de- venoit doublcment leur pere. La patrie lui etoil redevable dc la conser- vation de ses citoycns , el le ciel s'en pioparoit de nouveaux. Tous bonis- soient Dieu de leur avoir menage celte ressource a leurs pressans besoms. 401. Cepoudant les vivres de la communaute s'epuisoient, et le nom- bre des consommateurs grossissoit chaque jour : I'econome et le doyen conft'rorent a ce sujet avec les aulres religieux. Conunc leur abbo rcvenoit de malines', ils rabordorent ol lui diienl , dans la Iristesse dc leur ccKur : « Saint Pore , le Iroupeau lidcle dc la bcrgerie qui vous est confioe, et » qui , sous vos ordres , porte le joug de Josus-Chrisl , ose vous exposer « en toute humililo , qu'il n'y aura bienlot plus ni ble ni vin dans voire » maison ... Magloire , sans s'etonner , leur demande ce qu'ils pensoient role a \a fiUc dc Nivo , saint Magloiro lui fit bt-nitc. avalcr dc ihuilc saintc mOlec avec dc I'cau (D [An 585] - Om.ss.on. a. \ . SIXlfeME SlECtE* 481 a cet egard , et ce qu'il falloit faire : ces deux officiers lui repondirent que I'avis de la communaute etoit qu'il gardat avec lui quelques religieux ; qu'il dispersal les autres deux a deux , ou trois a trois , et qu'il leur per- mit d'aller ainsi chercher a vivre dans I'lrlande , ou dans le pays de Cal- ks , en attendant que la famine evit cesse. 4o2. A cette proposition qui paroissoit blesser la Providence , alterer la regularite et prejudicier a rinnocence de ses /reres , Magloire ne put s'empecher de pousser des soupirs et de verser des larmes. Anime d'un esprit prophetique , il repliqua : « Oh ! mes freres , dit-il , que vous avez » peu de foi ! qu'est-ce qui vous rend si timides ? Croyez-vous que Dieu » ne puisse pas vous nourrir dans le desert ? Qui est-ce qui a fourni autre- » fois la manne a una multitude innombrable d'hommes ? Qui esl-ce qui » a conserve leurs vetemens dans leur premiere integrite pendant qua- » ranle annees? Qu'est-ce qui a fait jaillir du rocher , des eaux assez abon- » dantes pour etanclier la soif du peuple d'Israel et de ses troupeaux ? » Toutes ces merveilles ne sont-elles pas I'ouvrage de N. S. J.-C? n'est- » il pas dit dans I'Ecriture : le pain , le rocher et les eaux representoient » Jesus-Christ? avec cinq pains et deux poissons , n'a-t-il pas rassasie cinq » mille hommes , sans compter les femmes et les enfans ? » L'heure du diner qui survint , empecha Magloire d'en dire davantage. L'econome lui demanda ensuite quelles personnes mangeroient avec lui. « Ce seront , dit-il , avec cette cordialite que lui inspiroil I'amour de ses » semblables , les enfans a la mamelle ou qui viennenl de la quitter, J) ceux qui vont entrer dans la puberte ou qui sont dans cet age , les » vieillards , I'etianger et le citoyen : tons ont un droit egal a notre table » . 4o3. Dieu , que Maglou-e avoit nourri dans ses membres , ne manqua pas a sa foi et a sa charite. Comme les provisions du monastere venoient de s'epuiser , un vaisseau charge de vivres arriva dans I'ile , et y apporta les secours dont on avoit besoin. 404. 4o5. Le saint vieillard, qui nesoupiroitplus que pour le ciel, fut averti par un ange, la nuit de Paques de I'annee suivante (i) , dans le temps qu'il etoit a I'eglise , de se disposer a la mort, et a recevoir bienlot dans le ciel la recompense de ses travaux. Cet eloge , dont il ne se croyoit pas digne, lui parut une tentation du demon , qui sail quelquefois se transformer en ange de lumiere. Dans cette circonstance critique, il s'humilie devant la majeste supreme de Dieu , le reconnoil pour I'auteur de tout I'icn , et a qui seul il doit rapporter ce qu'il a fait par sa grace ; il le supplia de ne (I) An 586. a.V. 484' HISTOIRE ECCLESIASTIQUE. pas pcrmellre (juc le maliiv esprit liiompliat de sa slinplicilt'. Une lumiere inlerieure lui fit connoiU-e alors que cetle apparition etoit uhe faveur ce- leste : son cocur se repantUi en actions de graces. Elranger sur la terie , il he AOillut plus pailer que de Dieu. L'eglise , d'oiiil ne suitoit quo dans la ni'LCssito ou pour lutilile publique , fut sa demeure. II repetoit souvent ccs paroles du Psalinisle : jo ne demande qu'une seule chose au Seigneur , c'est dliabiter dans sa niaison tons les jours de ma \ie. Muni du saint viatique , il donna sa benediction a ses disciples, et mourut en paix entre leurs bras, le 24* jour de novem- bre , eu finissant une exhortation sur leurs devoirs (i\ 4oG. Victor avoit succede a Febcdiole dans le sirge de Henries : on ignore combien de temps il vecut depuis le dernier Concile de Tours. Ce que nous savons de cet eveque , c'est qu'il ^toit d'urte grande naissance , et qu'il avoit ete marie avant que d'entrer dans I'etat eccli'siasliqne. On lui connoit une fille que Ton nommoil Domnole (a). Elle fut niariee en premieres noces ;i Ikugolin (3) , seigneur puissant , et en seoondes a Nec- tai'(4), here de Badegisile , qui, de majordome du roi Ciotaire , deviiit eveque du Mans, etqui deshonora i't'piscopat par Sefedebauches et ses vio- lences (5). Cette dame etoit alors en pi-oces avec Boliolen, referendaire de la reine Fredegonde , au sujet de quelques vignobles siluesdans I'Anjou. Le lenii)s des vendanges elant venu , Domnole sc rendit la premiere sur le lieu avec des ouvriers. Dobolen Ta fit prier de ne pas mcltre la main ii la vendange. La reponse fut que rien ne I'empecheroit de recueillir les fruits de la terre (pie son pere lui avoit laissee. Aussilnt en ell'et elle se niitala tete de ses ouvriers. Bobolen va fondre sur elle avec inie troupe de gens armts, la lue avec ceux de sa suite qui ne peuvent s'enfuir, et enleve la vendange. Gontran, informed de celtc violence , envova Antis- tius sur les lieux pour punir les coupablcs. Ce commissaire , sVlant fait rendre compte de tout ce qui s'etoit passe, confisqua lesbiens de Uobolen(6). 407. Saint Felix , eveque de Nantes , etant attaque de la maladie dont les suites le menerent au tombeau , avoit appele sur-le^"hamp aupres de lui (piehpies eveques du voisinage , et les avoit pries d'agreer qu'il fut remplaci' par son neveu Burgondion , quoiqu'il n'ei'it que vingt-cinq ans. Lacle de releclion fut dresse conlorniL-ment aux desirs de Teveque de IS'antes et envoye a Gregoiie de Tours. Burgondion en fut lui-meme le (1) ActaSS. Ord. S. Hcncil. t. 1. Lobincau, gncvr : tris-grand seigneur. Vies des SS. de Bret. Lcctionarium Dolensc. (4) Scrh , grand: Uir , ires. (2) Dom ou dam , dame: noil, illuslre. (5}[An38G.l — Omission. a.V. \^j Buronmur , grand; go , tris ; Un.sci- (6) Greg. Tur. Hist. lib. 8. c.32ct43. 483 porteur ; il le supplia de lui donner la tonsure , el de \enir a Nanles pour le sacrer du vivant de son oncle. 4q8. Gregoiie, qui n'avoit devant las yeux queles regies de I'Eglise , refusa de I'ordonner. La chair et le sang font quelquefois illusion meme au?: saints. Les bonnes qualites que Felix reconnoissoit dans son neveu et Ips esperances qu'il en avoit concues , avoient surpris son zele. L'avis que Gregoire donna a ce jeune liomme , etoit marque an coin de la sagesse. 11 lui remontra d'abord que, pouretre promu a I'episcopat, il falloit avoir passe auparavaut par tous les ordies inferieurs , de la maniere que les car lions le prescrivent. « Retournez done , dit le saint, aupres de voire oncle , » et priez-le de vous donner la tonsure. Lorsque vous serez lionore du sa- j> cerdoce, servez I'Eglise. Alors, si Dieu appelle vers lui voire oncle, il » vous sera facile de lui succeder». Burgondion,, a son retour , trouva le nialade dans un etat moius critique : ce qui lui fit differer de mettre en pratique le couseil du saint raetropolitain . Dans le temps qu'on comptoit sur la convalescence de saint Felix , des pustules enflammees parurent sur ses jambes. Un cataplasme de cantliarides, quiy fut applique , occasionna la gangrene et lui donna la mort. 409. Le siege de Nantes ne fut pas cependant enleve a sa famille : le roi Gontran y nomma Nonnechius 11 du nom , son cousin , liomme d'un grand mtTite(i)..l sh b a': 4 10. Get eveque , qui , de I'etal du mariage , avoit passe a la plenitude du sacerdoce , avoit un fils qui fut enveloppe dans le crime de Bobolen. Antistius se rendit a Nantes pour le punir. Comme le coupable s'ctoit re- lire a la cour du roi Clolaire , le commissaire assigna I'eveque a Chalons pour y repondre , devaut le roi Gontran , de la conduile de son fils. Non- nechius se rendit au jour marque et calma la colere du prince par de grands presens (2). 4ii. Cependant Chilperic i eloit morl a Chelles I'an 584 (3), sans avoir pu lirer raison des degals que Gueiech avoit fails dans les pays de Ilennes et de Nanles. Le prince armorique embrassa le parti de Frede- gonde , sa veuve , et de Clolaire 11 , son fils , conlre Gontran (4) , roi (1) Grcgor. Turon. Hist lib. 6. n. 15. Sainlc Clotildc fonda tout aupres un monas- Le nom dc -Vonufc/ims vicnl do won ou don, tore dc religicuses. Sainte Lalildc Ic reliitil mMle , ct dc ncch , grand ■ homme de grand dans le siucle suivant, el y mourut I'an G85. mhile. Les rois de la race capeticnnc lesidoicnt qucl- (2) Grcgor. Turon. Hist. lib. 8. c. 43. qucfois au chateau de CMa. I.c roi Robert y (3) Cc chateau sc nomraoit Cala , parce lit assembler en 1008 un concilc. qu'il etoit sur une eminence. Cal , Eminence. (t) Gregoiie dc Tours fait voir que le vrai ^S-i niSTOIIUE ECCUiSrASTlQUE. d'Orlt'ans cl de Rourgogne. A I'insligalion de celte reine trop fameuse , Guerech et Jiuliial se soulevent el ravagent le pays nantois (i). 4 12. Gonlran , iirile de cette nouvelle injure , fait avancer des troupes vers rArmorique. Mais, avant que de commencer la guerre, il envoie un d(^pulc pour sommer les deux princes de roparer le tort qu'ils ont fait , avoc menace de les faire pe'-rir eux-memes , s'ils refusent d'obeir. /|i3. liilimides , ilspromettent de rendre ce qu'ils ont pille et d'elargir les prisonniers. Gontran , dcsarme par cette reponse , envoie , pour trai- ler de la paix, Namace , eveque d'Orleans , Berlran (u) , eveque du Mans, et plusieurs laupies dislingues. Ces ambassadeurs furent aussi accompa- gn& par des licutenans de Clotaire. Guerech et Judual repondirent aux deputes : « Nous savons , comrae vous , (pie les villes armoriqucs (Rennes » et IS'anles) appartiennent de droit aux fils de Clotaire, et nous recon- » noissons que nous devons etre leurs sujets. Aussi nous ne larderons « pas a reparer tout le doinmage que nous avons fait sur leur lerre , » conlre le droit et la raison. » lis donneient ensuite des cautions , redi- "erent leur promcsse par ecril , et s'obligerent de tlonner niille sols a chacun des deux rois , Gontran el Clotaire. lis jurerent qu'il ne leur arrivcroit plus de piller les pays de Rennes et de Nantes (3). 4i4. Depuis quelques annees , la Gaule avoil «'prouve des effets mar- ques de la colere de Dieu. La lerre etoit sujelle a de frequens tremble- mens • les eaux ne connoissoienl plus de borncs ; dans quelques lieux il tomboit des pluies de sang ; on vit , au uiois de decenibre , des grappes nom de Gontran ctoit Gunuhrammc. Ce ter- rae viont dc gu-n ou cwn , prince , ct dc cram ou ram , grand. Le roi Gonlran mcrila cc li- tre par son araour [uxir la justice et le liien public, par ses liberalites envers les malhcu- reux et par son allachcmcnt a la religion, dans un siecie oil la plii[(:irt des princes ne connoissoienl que le nom des verlus. S'il fit quelques faules , il s'en purifia par la peni- tence. II avoil donn6 , 1'an 586 , le gouvernc- ment d'Angers, de Nantes el dc llennes, en qualite de tuleur du jeunc Clotaire, a IJeppo- len qui avoil deji commande en Armorique pour le roi Cliilperie , et qui y avoit cpouse la niece dc saint Felix de Nanlcs. Les Rennois, qui craignoient de prrjinlieier aux droits de leur legitime souverain , rcfus^rcnt Tentrcedc leur ville a ce corate. Ln recoption qu'on lui fil a Angers fut suivie dc concussions de sa part et dc mcurtres. Rcvenu i Rennes , il s'en rendit mallre; en parlanl, il laissa son fils pour ) commander. A peine eloit-il sorti de r.Vrmorique , que ce lieutenant fut mas- sacre avec tonic sa suite. (1} [An 5S~ J— Omission. a. V. {•2) Le vrai nom de Berlran etoit BerCi- ChratMius , ou Hcrtrannus , et nnn Berlran- dus. Le lerme Ilerli-Chramnu.i est composd dc berlhyd , ricUc , cl dc cram , Iris. On con- vient que Bertraiid cloil un des plus riches cveques de son siccle; il fut aussi I'un des plus charitables envers les pauvres, et des plus libcraux envers les eglises. Sa calhe- drale, le monaslere de la Couture, les pau- vres et ses domc-liques furent ses legalaires. II ceda peu de chose de son palrimoine a ses neveux. [2] Greg. Tur. Hist. lib. 9. c. 18. SIXliME SIECLE. 485 de raisin formees. Un etang d'une ile voisine de la ville de Vennes se changea en sang ; durant plusieurs jours , une multitude prodigieuse d'oiseaux carnassiers s'en rassassioient. La nature entiere sembloit ne plus suivre ses anciennes lois (i). 4 1 5. La crainte avoit dicte les engagemens de Guerech : I'esperance de I'impunite en fit disparoitre les effets. A peine les deputes etoient-ils partis , que ce prince , sanspenser a ses sermens, ni a ses conventions, ni a ses otages , entra de nouveau dans les \ignobles du territoire de Nantes , y fit faire la vendange et transporta le vin dans sa ville de Vennes (a). 4i6. Cependant , Eonius avoit fait de nouvelles tentatives pourretour- ner a son eglise. La Chronique de Tours , qui nous apprend cette par- ticularite , ne nous en fait pas connoitre la suite. Ce prelat etoit un vil esclave de I'ivrognerie , vice qui n'etoit que trop commun dans la Gaule. Comme il celebroit les saints mysteres un jour de dimanche dans une eglise de Paris, il tomba subitement a terre; on altribua cet accident a une apoplexie. La compassion se changea en scandale, lorsqu'on sut que I'ivresse avoit ete la cause de sa chute. 11 etoit quelquefois si epris de vin , qu'il etoit sans mouvement et que I'ecume lui sortoit de la bouche. Pour manifester Thorreur qu'on avoit de sa conduile , on I'appela Eonius (3). 417. Dieu avoit donne ce pasteur dans sa colere : Dieu I'eloignadans sa misericorde. La piete rentra , avec Regalis (4) , dans la chaire de Vennes ; il repara , par une vie reglee et edifiante, les exces de ses deux derniers predecesseurs. Ceux-ci avoient prouve sensiblement que ce n'est pas I'etat des personnes qui les sanclifie , mais que chacun doit mar- cher , avec crainte et tremblemenl , dans sa vocation , en rc'primant ses passions et en coopcrant a la grace. 4 1 8. La saison trop avance'e avoit empeche Gontran de punir Gue- rech. Occupe I'annee suivante d'affaires plus serieuses, il le laissa tran- quille. Le prince armorique, attire par I'appat du butin (]ue I'automne lui offre , penetre dans les territoires de Rennes et de INantcs. II enleve les vendanges , delruit les semences et fait beaucoup de prisonniers (5). (t) Marius in Chron. Fredeg. Epitom. c. homme sujet ae'cumcr. Greg. Tur. Hist. lib. 82. Greg. Tur. Hist, lib, 8. c. 25. Preuvcs jus- 5. c. 40. tif. dcl'Ilist. (lcBret.,parD.Morice,t. l.p.3. (I) Le nom de Regalis est tire de re, Ires , (2) Greg. Tur. Hist. lib. 9. c. 18. et de gai , bon .- ires-bon pasleur. (3) Le nom d' Eonius vienl d'conn, e'cume : (5) [An 588 J — Omission. a. V. • • 486 nrsTOiRE ecclesiastique. 419. 420. Guerccli , enhardi par I'inaclion de Gonlran , recommence ses lioslililc's. Le roi eiivoie conlre luile due Beppolen(i) et le general Ebra- caire(2). La division, qui se niitenlr'eux , ful la cause de leur perte. Ebra- caire , (pii craignoit que I'honneur de la victoire ne fut allribue (pi'a Beppolen , si ses Uoupes se joignoient aux siennes , el que , par cet avan- % tage , il ne lui enlevat son gouvernenient , traversa ses desseius dans toules les occasions. Deppolen penelra bieulot les vues d'Ebracaire , et lui reu- dit la pareille. Pendant leur niarclie , ils se cliargerent de blasphemes , d'opprobres et de maicdictions ; ce qu'il y eut de comniun entr'eux , c'est ([ue I'un et I'autre se rendirenl celcbres sur la route par les in- cendies , les homicides , le degat et par des crimes enormes. Arrives en- fin sur les bords de la ^ilaine, qu'ils passerent sans obstacle , ilsseren- dirent a celle d"0\v. Apres avoir dttruit les chaumieres qui etoient sur se» rives , ils y jelerent un pout et la passerent. 42 1 . 422. Cependant , la reine Fredcgonde avoit envovo secrctcment les Saxons de Bayeux au sccours de Guercch. Coniine la cbevelure et les ha- billemcns de cette nation eloieut as!>ez semblables a ceux des Armoriques, on nc pouvoit les reconnoitre. Ebracaire , qui avoit conjure la perte de Beppolen , se sc'para de lui et se fit suivre de la meilleure partie de rarnit'e. Alors un prelre aborda Beppolen qui ignoroit oil Gucrech etoit posto , il lui dit : « Si vous voulez me suivre , je vous couduirai jusqu a » lui , et je vous raontrerai le camp des Bretons. » Le general , tropcre- dule , marche avec ce (jiii lui reste de troupes ; il apcrcoit bientot I'ar- mee ennemie et croit voler a la victoire. Guerech etoit place dans un lieu de difficile acces et enviionne de marais. Beppolen , a qui les difficullc's ne coutcnt rien , rallacpie pendant deux jours et lui tue un grand nombre de Bretons el de Saxons ; le tnasicme jour , la victoire couronne Gue- rech : la plupart des Francois sont passes au fil de I't'pee ; Beppolen esl blesse d'un coup de lance ; Guerech se jelte sur lui et le rael a mort ; le reste de I'armee , qui etoit renfermee entre de pelils defiles et des marais, peril ou par le glaive , ou dans la fange. 423. Tandis que Guercch eloit aux prises avec Beppolen , Ebracaire s'avancoit vers la ville de Vennes. L'eveque Regalis cnvoya son clerge au devant de lui : le general fut recu croix levees et au chant des psean- mes. Au temps meme qu'on publioit que le vainqueur , dans le desscin de se retirer dans les iles , y avoit envoye ses tresors et ses effels les plus prccieux , ot que ses vaisseaux avoient etc submerges, il se rcndil a Nen- (l)OiiBoboIcn, doutilvicnld'eircpailc.a.V. (2) [An 590.]— Omission. a. V. SIXIEME SifeCLE. 487 nes pour demander la paix a Ebracaire ; il I'obtint, sur son nouveau ser- ment de ne rien faiie de prejudiciable aux interets dii roi Gontran. Get engagement fut cimeute par des otages et suivi de grands presens. Apres que Guerech se fut retire , Regalis , au nom du clerge et dupeu- ple, prela le meme serment. II ajouta ce qui suit : « Nous n'avonsja- » mais manque a la fidelite que nous devons aux rois , nos seigneurs; )i et nous ne nous sommes jamais eleves contre le bien de leur service ; » mais nous sommes reduits sous la captivite des Bretons , qui ne nous » permettent pas de faire ce que nous voudrions. » 424. 425. Ebracaire , content de la satisfaction apparente de Guerech, et ebloui par la magnificence de ses dons , reprend le chemin de la France. Arrive sur lesbords de la Vilaine , il la fit passer a ses meilleures trou- pes ; le reste , qui ne put les suivre , parce que la mer , qui venoit de remonter la riviere dans son flux , la grossissoit Irop , fut oblige de s'ar- reter. Guerech , qui avoit prevu cet evt'nement , envoie Canao , sonfils, avec de bonnes troupes , et lui enjoiut , contre la foi de son serment , de faire main basse sur tout ce qu'il rencontrcroit. L'ordre s'execute a point nomme : ceux qui font resistance sont mis a mort ; les cavaliers , qui veu- lent passer la riviere a la nage , sont entraines par la rapidite du courant et emportes jusqu'a la mer; les autres sont faits prisonniers (i). Ceux qui etoient passes d'abord, ne s'applaudirent pas long-temps: ils furent presque aussi malheureux que les autres. En irop petit (I) II parott que c'est a Ricux qu'Ebracaire cu sur cette riviere un pont a ppu de distance passa la [Vilaine ou] Vilene. La Table theo- de cede forleresse. II n'en reste plus aucune dosicnne fait mention d'une voie roniainc qui trace ; raais le bac, qui lui a t'te s\ibstituc , conduisoit depuis Nantes jusqu'a Dariorigum. porte encore le nom de Passage du pont. Dans Porlu Namnclum IX IX Durcliw^XX Darlo- un litre de I'abbaye de Redon , en date de I'an rilum. Lc passage de la Vilene est ce que Ton 903, Durelia est appelee Reus. Ce terme est trouvedc plus remarquableentre Nantes etZ)a- pris de re , riviere, et d'tis, au-de.^sus , parce niorijum. Les vingt-neuf lieues gauloises, qui que cette yille dominoit sur In Vilene. i^urc- font a peu pres 33,000 toises, se terminent h tia se oommc maintcnant Rieux , pour faire Rieux. C'est en cet endroit que Durctia etoit connottre que son emplacement est sur le bord situ^e ; ce nom designc un passage de riviere, de cette riviere. Ri , riviere; eu , riviere. Du , eau , riviere ; rel , yui , passage. (IcWcM Cette reduplication nous indique una forte I'appeloit autrement Treig-hier, de ireiz . riviere. C'est pour cela que Duretia s'appellc passage, et d'fr, riviere. La grande voie ro- aussi Rivi. Ri , riviere ; wi , rivilre. Le nom maine y est encore assez bien conservcc. La de Vilene est le mfime que ceux de Rieux et do villede Durcti'a etoit defendue par un chitean. Rivi. Wi , riviire ; len , riviere. Voyez ce que Les mines de cette forleresse font voir qu'clle nous avons dit,l. 1. p. 109 , au renvoi (a) ('). etoit considerable. Sa destination primitive La lerre de Ricux a donne le nom a I'uncdes eloit probablcmcnt pour garder le passage de plus illustrcs maisons dc I'Arraorique. la Vilene. Dans des temps fort rcculcs , il ya (*) Voyez ci-dessus, Inlroduclion, n" 105, p. 49, nole 1. a. V. 488 niSTOIRE ECCLLSIASTIQUE. iiombie pour relourncr par les lieux qu'ils avoient pilles , ils fureut obliges de prendre la route d'Angers pour passer sur le pout de celte ville et gagner ensuite la Loire ; a leur entree sur ce pont , ils furent altaques , detruits et depouilles par les Angevins. Quelques-uns de ces iiiforlunes allerent porter leurs plaiiites a Gonlran contre Ebracatre el \\ illiacliaire , leurs cliefs ; ils lui dircnt que Gnerech les avoit corrom- pus par ses presens , et qu'ils aToient fait pc'rir son annee. Ebracaire fut disgracie , et recut ordre de ne plus paroilre a la cour ; Williacbaire n'osa se presenter devant le roi : il se condamna , de lui-meme , a la retraite(i).' 42G. Dans le meme temps, le jeune Clotaire tomba dangereusement nialade. Fredegonde crut apaiser le del par des presens : elle voua beau- coup d'argent a la basilique de Saint Martin ; I'eufant parut aussilot se trouver mieux. Cette reine, qui ecoula cetle fois la voix de sa cons- cience , manda a Guerech de rendrc la liberte a ceux des Francois qu'il retenoit dans les fers. Le prince armorique , en executant ses ordres , fit assez connoitre que c'eloit de concert avec clle que Beppolen avoit per- du la vie et que son armee avoit etc defaite (2). 427. Lepays nanlois fut a couvert , cetle annee , des incursions de I'en- nenii : I'alarme et la consternation ne s'y repandirent pas moins; cette inaladie contagicuse , qui avoit fait ci-devant tant de ravages dans la Gaule, enleva un grand nonibre de personnes (3). L'aumone delivre de la inort ; elle efface les pecbcs el fait trouver misericorde ; le jeune , (jui est accompagne de la conversion des nururs , allirc les regards favorables de Dieu irrite ; la priere n'est pas moins puissanle aupres de lui , et c'est sur tout a elle qu'il a confie tous ses tresors. Les babitans du diocese de Nantes eurent recours a ces moyens pour desarmer la colere du Tout-Puissant : ils s'humilierent en sa presence ; le riche rompit le pain a celui (|ui avoit faim, et couvrit de vetemens ceux qui c^loient nus. A I'abslinence corporelle , on joignit la reformation du ca-ur. Le seigneur se trouva au milieu des prieres publiques. Des jours tranquilles et sereins commencerent a reluire (4)' • 428. Le roi Gonlran , qui mourut le 28 mars SqS , eut pour succes- sour Cbildebert, son neveu , qu'il avoit elabli son Icgalairc universcl. Ce nouvcau souvcrain fut mis en possession de Renncs et de>'anles, sans qu'on fit atlcnlion aux droits de Clotaire 11. (1) Greg. Turon.llist. lib. 10. c. 9. (2) Ibidem, c. 11. (3) [An 501.] —Omission. a. V. (4; Ibidem . c. 30. 429. SIXIEME SIECLE. 489 429. 43o. Childebert, qui aspiroit a la monarchie universelle de la Fiance et qui etoit conduit par le ressentiment , reunit toutes ses forces pour accabler Fredegonde. Cette reine , fertile en ressource , ne se crut pas vaincue. Pour faire diversion , Guerech , a son instigation , fait de nou- velles courses dans les dioceses de Nantes et de Rennes (i). Childebert en- voie une armee en Armorique pour le chatier. Le combat qu'elle livra a celle de Guerech fut tres-sanglant de part et d'autre (2). Nous n'osons assurer que les Francois y aient ete defails ; mais ce qu'il y a de certain , c'est qu'ils ne s'opposerent plus aux entreprises de Guerech. Rennes et Nantes rentrerent sous la domination de leursanciensmaitres. 43 1. Depuis Litharede qui assista au concile d'Orleans de I'an 5ii , il ne paroit aucun eveque de Quimper : on ne pent douter que saint Al- lor n'ait siege dans cette \ille. Son nom nous indique qu'il fut un grand prelat (3); mais le detail de sa vie nous est entieremeut inconnu. Albert le Grand le place a Quimper , au milieu du cinquieme siecle ; c'est une erreur ; \ eneran etoit alors a la tete de cette eglise. II paroit que saint Allor est posterieur a Lilharede. L'ancien Breviaire de Leon marque sa fete au 26 d'octobre ; il est patron des paroissesde Ploubanelec , de Tre- meoc et de Treguennec (4). (1) [An 594.] Omission. a. V. (2) FredegairCj qui nous a transmis ce trait d'histoire , ne dit point dans quel lieu les troupes de Childebert joignircnt les Ar- moriques. Le Baud , appuye sur la tradition du pays , dit que cette action se passa , en- tre Rennes et Vitre , dans le lieu 011 est au- jourd'hui le prieur6 d'Alion. Ce dernier nom est compose d'al, auprh , et d'jon, riviere. Ce prieure est voisin de la petite riviere de Noueront , ainsi appeleede nouer, eau, et de onl ou gonl , confluent .• ce qui veut dire : ri- viere qui a un confluenl. EUe va s'unir h la Vilaine. II est tres-vraisemblable que ce fut proche ce prieure que se livra le combat entre les Francois etles Armoriques. Sans parlor do la tradition qui en fait foi , a laquellc on doit quelquos egards , on voit , aux environs d'A- lion , un cndroit qu'on nomme le champ de balaillc. II y en a un autre qui a relenu son premier nom cellique. II s'appclle VAssnu. Ce terme designe un lieu fortifie. As , forte ; sav , colline : coUine forlifii^c. Une parlic do la forct do Rennes , qui s'etendoit jusqu'i cette forteresse , en a pris le nom de Che- vri : ched , forct ; tre ou hre , forteresse sur une colline. Ce qui veut dire : foret de la forteresse qu'on a clablie sur une colline. On remarque a Alion deux eminences ; c'est sur Tune de ces coUines que cette forteresse fut batie. Les Armoriques ne pouvoicnt etrc pos- Us plus avantageusement pour livrer ba- taille aux Francois. En cas de defaite , ils auroient fait leur retraite en stireli dans la fordt. Si la victoire se decidoit en leur fa- veur, ils pouvoient poursuivre I'ennemi au milieu des landes. Dans les champs voisins d'Alion , on a trouve de grandes tombes de picrre , de toutes coulcurs , couvertes de ter- re : elles etoient remplies d'ossemens. M. d'Argentre, I'historien de Bretagno, en fit ou- vrir dans le seizieme sieclo , el y remarqua encore des rcstes de corps humains. II scmble que le prieure d'Alion doit son existence i cette bataille. Dans ce siecle on avoit soin de faire des fondalions pour le repos des morts ; ccuxdcsArmoriqucs qui avoienlsaerifie leur vie pourla palrio, raeriloient celte reconnoissance- Ci)Al, grand, lor, chef: grand pasteur. CO Lobincau , Vies des Saints de Bret. 62 ^9*^ illSTOIRE ECCLEsrASTIQCE. 43-2. Giirval, que saint Malo avoit designe pour le remplacer, f'foil , comme lui , du pays de Gallcs. Des son enfance , il se consacra au service de Dieu ; son merite le (it placer dans la suite a la tete d'un raonastere , qui c'loit situe dans I'ile de Plecit(i), proclie un rocber voisin de la cote et environne de la mer. Il avoit, dit-on , sous sa conduite , cent quatre- vingt-liuit religieux , qui, tous unis par la charitc la plus ardenle , ser- voient Dieu plutot en anges qu'en hommes. 433. La perfection , vers laquelle toutes ses actions se dirigeoient , lui inspira I'amour de la solitude. Apres avoir passe dans la Cornouaille insu- laire , oii il ne resla pas long-temps , il se fixa dans le Devonshire , qui en est liniilrophe. Ses mains , accoutumees au travail , lui eleverent une simple cabane ; la , il ne pensa qu'a se sanctifier dans I'obscurite ; mais la vertu, qui se cache , n'en est que plus belle ; et , si Ton peut deviner son secret, elle n'en est que plus recberchee : c'est ce qui arriva a Gurval. On vint aupres de lui chercber des lecons de la vraie sagesse ; en pen de temps son hermitage devint un mnnaslerc. 434. Quf)i([ue le nom de Dieu fut bt'ni dans sa communaute , et qu il en procurat la gloire , la vie retiree ne faisoit pas moins I'objet deses de- sii s. Pour en gouter de nouveau les dclices , a I'exemple de la plupart des saints personnages de Tile cbrelienne , il passa dans I'Armorique (a) ; il N vt'cut dans les veilles , les jeiines et les difTerens exercices de la contem- plation. C'est dans ces circonstances que Dieu I'appela a la conduite du (Hocese d'Alel. 435. Maitre de ses passions par la vigilance et la cooperation a la grace, accoutume depuis long-temps a ne vivre que pour Dieu , et a en ou\rir la icjute a ses disciples , il trouva un vaste champ a son zele. Il porta ses ouailles dans son ca-ur ; tandis que ses vertus , semblables a un baume d'une agrc'ablc odeur dont le parfum se communi([ue au loin , faisoient sui les ames la plus vive impression , il instruisoit , reprenoit et cor- rigeoit. 436. Apres avoir gouverne son diocese pendant quelques annees avec beaucoup de saintete , il en abandonna le fardeau pour rentrer dans la vie privt'e. .'|37. II sc fit remplacer par un ecclesiastique dont les talens el los qua- (1) r/«ci< est un tcrme compose dc phc , qu'il fut olevo a IV'piscopat dans son pays na- golfc ic mcr , el d i7 , petit. Cc qui veut dire : (al , el qu'il abJiqua , pour vivre en solitaire He forme'e par un bras dc mer. sur le rocher dont nous avons parlc. C'est une (2) Un moine de Gand . qui a crrit la vie meprise dc sa part. C'est en Armorique que dc cc saint , etqu'llcnschcnius a publiee , dit ces deux fails se sont passes. SIXIEME SIECLE. 49' lites e'toient connues ', c'etoit I'un des archidiacres de son eglise cathe- drale. Son departement spirituel s'etendoit sur les cantons voisins de la riviere de Ranee ; ce qui lui avoit fait donner le nom de Coalfinith (i). 438. Le saint eveqiie alia , vers I'extremite de son diocese , s'enfoncer dans le desert , pour n'y rencontrer que celui avec lequel il esperoit pas- ser bientot des jours eternels. On dit que saint Malo avoit biiti un mo- nastere dans ce lieu : c'est maintenant une paroisse ; elle est fertile en grains et en p&turages : on I'appelle Gwern , a cause de sa position sur la riviere d'Af (2). Plusieurs religieux avoient suivi saint Gurval dans sa re- traite , pour profiler de ses exemples et de ses conseils. 43g. Le peuple , qui se rendoit chaque jour aupres de lui , troubla le commerce qu'il entretenoit avec Dieu ; il se caclia dans une foret voisine , avec quelques-uns de ses pretres ; il y trouva une grotte oii il vecut quel- ques annees dans une saintete admirable. C'est la qu'il mourut separe des hommes , et plus uni que jamais a Dieu , le 6 de juin , a la fin de ce siecle, ou au commencement du suivant(3). Pour perpetuer le souvenir (1) Coalfinith a pris son nom de co , chef; i'al , principal ; de fin , bord , et d'ich , ri- viere ■ chef principal donl la juridiclion s'elendsur les rives d' une riviere. L'archidia- conne de cet ecclesiastique occupoit le ter- rain qui est entre la source de la Ranee et son embouchure. C'est, a peu pres, cequ'on appelle de nos jours Tarchidiaconnc de Di- nan , qui se divise dans les doyennes de Pou- Let, de Pont- Douvre , de Becherel et do Plumaudan. Le doyenne dc Pou-Let, au- trement Plou-Alet , comprend Saint-Malo ^ Cancalle, ChSteauneuf, la Gouesniere , Pa- ramc , Saint Benoit des Ondes , Saint Jouan des Guerets , Saint Meloir des Ondes , Saint Pfere; Saint Servan, Saint Suliac. Le doyenne de Pont - Douvre est ainsi appele , parcc qu'il est sur la rive droite de la Ranee. Pen , ou pon, devant; dw , qu'on prononce dou , riviere. Ce qui signifie : lerresiluee devant une riviere. Ce doyenne est compose de Bour- seul , Corseul , Crchen , Lan-sieu , Langro- lai , Plelan le Petite Plelin, Plcssis Balisson^ Pleurtuit , Plorec , Ploubalai, Plouer , Quc- vcr, Saint Briac, Saint Enogat, Saint Lu- naire , Saint Malo de Dinan , Saint Maude , Tadain , Tregon , Trcvilan , Tremereuc , Trigavou , Vilde , Guingalan. Le doyenne de Becherel , petite ville qui doit son nom a la haute montagne sur laquelle on I'a pla- cee ( bech , cimc de montagne ; er , Iris ; cl , haule) , a, sous sa dependance, Cardroc , Combour , Dinge , Evran , la Baussainc , la Chapelle Chaussee , Landujan , Langoet , Lanrignan , les Iffs , le Quiou , Longaulnai , Lourmais , Plouane, Quebriac , Saint Do- mineuc , Saint Gondran , Saint Leger , Saint Pern , Tinteniac , Treverien. Le doyenne de Plumaudan , paroisse ainsi nommee , parce qu'elle n'est pas eloignee de la Ranee ( plu , peuple ; mos , courbure ; dan , riviere ; peu- ple sur une courbure de riviere), contient dans son ressort , Broons, Brusvilly , Carlorguen , Caulne , Ereac , Evignac , Guenroc , Guitle , la Chapelle du Lou , Langadias , Lanrelas , Lehon , Medereac , Megrit , Plumaugat , Saint Jouan de I'lsle , Saint Juvat , Saint Maden , Saint Sauveur dc Dinan , Sevignac , Tredias , Treffuniel , Tremeur , Trevcron.... Le second arcliidiaconnc de rcglisc d'Alet est dit de Por-IIoct , ou de la grande forel fpor, ou mor , grande; hoet , foret J. II est forme des doyennes de Monlfort , dc llcignon , de la Nonce el de Loheac. (2) Le terme Gwern vieni de gwcr ou goiter , riviere , et de n, erase de ncs , pres : terrain voisin d'une riviere. (3) Alford croit que saint Gurval a vecu 49* HISTOIRE ECCLtSIASTIQUE. du dernier lieu qu'il avoil habite et de son amour pour la solitude , il a eu le nom de Gurval (i). Son corps fut depose dans le monastere de Gwern. II est devenu le patron de I'c'glise de celte commuuaule , qui a ete cliangee en eglise paroissiale. Un prieure, qui depend de I'abbaye de Redon , au dioceso de ^ ennes , porte le nom de Gudwal , le meme cjue celui de Gurval. Sa fete est marquee dans I'ancien Calendrier de Saint Meen , au 7 de juin , sous la denomination de Guidgual (2) Le diocese de Saint- Malo , qui lui est si redevable, la celebre le meme jour (3). dans le quatriemc sieclc. Hcnschenius fait Toir qn'il n'a cxisle tout au plus que dans le sixic^me. (1) Le nom do Gurval so tire de gur , hom- »ie , et de val oil gal , bnis , foret ■ homme de la forel. (2) I/ancien Breviairc d'Orleans faisoit la fete de saint Gurval , avec des lefons pro- pres , sous le nom de saint Gau. Ce qui veul dire egalement , ihommc de ta forit. Gau . foret. Lancien Calendrier de I'eglise de Saint - Malo, que citent les BoUandistes , I'appellc Gudioal. Gudwalus cpiscopus Macloviensis- Gud ou ud , excellent; val ou gal, foret: I'excellent homme de la foret. On ajoute quelquefois le g aux mots qui commencent par une voyelle : ainsi Ton a dit gud om wl. Le g et Vv se mcttent indiflcremment I'un pour I'autre. Val ou gal peuvent done ex- primer la meme chose. Gurval s'est encore appelc Goual , de gou , forel , ct d'al grand : le grand hoinmc dc 'la forel. Guidgual . th: gwijd . foret , et de gual , heureux •■ I'homme heiireux dr la forel. (3) Sanclil. Macloviense. Nous rcnvoyons a la fiii du volume suivanl , siviime siecle. (Ci-aprcs ,septiime siicle , n" 299 Ics r(^floxions que nous avions i fairc sur le ct suiv. a. V.) rrPT nu tome t. s -DBiSL'C, niPBiMeaiE de i. pncD'HonMB. — 18ii. UNIVERSITY OF CALIFORNIA LIBRARY Los Angeles This book is DUE on the last date stamped below. Form L9-T5ni-7,'61(C1437s4)444 UCLA-Young Research Library * BR847.B77 D4 1847 L 009 640 712 7 847 I B77D4' 1847 v.l LlBWWf'llSSll y"'S011l3 703 1