Charpentier Louise i THE LIBRARY OF THE UNIVERSITY OF CALIFORNIA LOS ANGELES MUSIC LIBRARY aao Nia i3iHdW»ar là pressentir l'avenir. (La mère, qui s'impatiente, chante un motif du récit de Julien. J LO VISE 15 Mother. He here! Indeed! If he comes, I leave. Father (conciliating). Come, come. Mother. You would force me to receive here this good- for-noth ins; who laughs in my face when I meet him. F.ATHER. Boyishness ! Mother. This rascal, debauchee, bohemian ! This saloon supporter whose existence is the scandal of the quarter. And I don't say everything. I know a few other things about him — dreadful. Louise (losing her head). It is not true. fMoTiiER smacks her face. Father interferes, much annoyed. Louise falls on a chair exhausted and 7vccps. Father goes tozvard his daughter.) Father. Oh, my child; my Louise. You know how we love you. If we are prudent toward those who notice you, it is, that having arrived at the end of the road that you begin, we know all the miseries of it. ('Mother has gone sulkily info kitchen and starts ironing.) At your age everything is beautiful, rose colored. Taking a husband is choosing a doll. fLouiSE is astonished.) Yes, a doll. Unfortunately, these sorts of dolls, my daughter, often make you shed many tears. Louise. Yes, when they are wicked. But in choosing one that is good, gentle, lovinc — Father. How would you choose it, little girl ? Louise. With my heart. Father. It's a very poor judge. Louise. But why? F.VTHER. Who says in love always says blind ! Mother (aside). If he's going to argue with her he'll never finish. ^Mother places iron down very hard.) Louise (boldly). But before loving, before being blind, can one not discover the faults of the person — who will be loved ? Father. Perhaps, only that one thing is wanting. Which ? Louise. Father. Experience. Louise (mockingly). Then those who marry twice are happier the second time. Father (seriously). Do not joke, Louise. If it is diffi- cult to know hearts, one can read in the past of whoever one loves and by that means learn something of tlu' future. ('Mother, zvho is grozving impatient, sings snatches from the song of Julien, j 16 LOUISE La ]\Iere. La! la! la! la' Li: Père. Crois-tu qu'il t'aime? Louise. Oui! L.\ AIere. La! la! la! la! Le Père. Et toi, crois-tu l'aimer? fLouisE se cache la tête sin !d poitrine de son père.) L.\ Mère (à mi-voix). "C'était mon adorée..." Le Père. Il ne t'a jamais parlé? Louise (avec effort). Non ! (Le père la regarde un peu méfiant.) La !Mere (à part, continuant d'imiter JUUE.N'^. "Xous ne pouvions j^as nous parler! ...Nous ne pouvions pas nous regard- er !... Nos coeurs bondissaient ! L'om- bre frémissait ! Et tout le monde dor- mait !" ^'Louise très troublée se détourne; le père lui prend les mains.) Le Père. Louise, si je repousse sa demande, me promets-tu de l'oublier? (Louise hésite.) Promcts-tu d'obéir en fille sag'e à notre volonté? .•\li ! si tu devais un jour renier ma tendresse, .sache bien que, privé de toi, je ne pourrais vivre... ô mon enfant, ma Louise!... Louise (émue). Père, toujours, je vous aimerai ! (Le père la presse sur son cœur, elle éclate en sanglots.) Le Père (relève Louise j. Allons, enfant, sèche tes belles mi- rettes ! Ce gros chagrin passera... et plus tard tu nous remercieras de t'avoir préservée du malheur... Allons! al- lons ! petite folle ! (Il prend le journal sur la table, en- joué.) Tiens, lis-moi le journal, ca te dis- traira et ca ménagera mes pauvres yeu.x... \'eux-tu ! (La ntcrc rentre et s'assied près de la table, reprisant du linge.) Louise (aire effort). Oui. (Di.v heures sonnent. Louise prend le journal, va s'asseoir près de la lampe et commence sa lecture d'une voi.v étranglée de sanglots.) Louise (lisant). "La saison printanière est des plus brillantes. Paris tout en fête.." (Elle sanglote.) Paris !... (Le rideau tombe lentement.) ACTE DEUXIEME Premier T.\bleau. I i'n carrefour an /ifi.v de la butte Montmartre. .1 gauche, un han- gar; a droite une maison et un cab- aret. Au fond, à droite, un escalier montant. .4u fond, à gauche, un escalier descendant. .In loin, à droite, la Butte; à gauche le fau- bourg.) f.'^ous le hangar, une Laitière pré- pare son étalage et allume son feu: près d'elle unmc Fillette plie les journau.r du matin. — A droite, une l'ETiTi-; Ciiii-EONNiERE trava'dlc hâ- t'ivement : à côte d'elle une Glan- euse de charbon et. plus loin, un Bricoleur fouillent les ordures. Des Men AHERKS 7'ont au.v pro-'isions.) (Cinq heures du malin, en avril.) LOUISE 17 Mother. La, la, la, la. Father. Do you believe he loves you? Louise. Yes. Mother. La, la, la, la. Father. And you ; do you believe you love him ? (Louise hides her liead in her father's breast.) Mother (singing lozv). 'Twas my adored one. Father. And he never spoke to you? Louise (zvith effort). No. ("The Father looks at her doubt- in gly.) Mother (still imitating Julien j. "We could not speak to one an- other! We could not see each other. Our hearts beat madly. The shad- ows trembled. And all the world slept." (^Louise, troubled, turns azvay. Fath- er takes her hands.) Father. Louise, should I reject his request, will you promise me to forget him. ('Louise hesitates.) Do you promise, like a good girl, to obey our will? Ah, if some day you should betray my love, know this, that deprived of you, I could not live. Oh, my child, my Louise. Louise (moved). Father, always I shall love you ! (Father presses her to his heart. She bursts into tears.) Father (raises her). Come child, dry your pretty eyes. This big grief will pass, and later you will thank us for having saved you from trouble. Come, come, little fool. (FIc takes up paper on table. Gaily.) Here, read me the paper. It will make you forget and will save my poor eyes. Will you ? (Mother enters, sits at table, mend- ing linen.) Louise (z^ith effort). Yes. (Ten o'clock strikes. Louise takes the paper, sits by the lamp and reads with voice full of tears. Reading.) "The Soring season is most bril- liant. All Paris is in holiday garb — " (She sobs.) "Paris—" (The curtain falls slowly.) SECOND ACT. First Scene. (A meeting of streets belozv Mont- martre. Left, a shed. Right, a house and a drinking shop. Rear, right, stairivay going up. Rear, on left, a stairivay going down. In distance, the Butte — left, the Fau- bourg.) (Under the shed a milk zcoinan pre- pares her layout and lights her fire. Near her a girl folds the morning papers. Right, a little rag picker zi'orks quickly. By her side a coal gatherer, and further a scavenger turning over the dirt. Housekeep- ers pass to market.) I Five in the morning, April.) IS LO UISE La Petite Chiffonnière (à la glan- euse) . Dire qu'en c'moment y a des fem- mes qui dorment dans d'ia soie ! La Glaneuse. Bah ! les draps de soie s'usent plus vite que les autres... La Petite Chiffonnière. Oui, parce qu'on y dort plus long- temps ! La Glaneuse. Grande bête!... ton tour viendra. L.\ Petite Chiffonnière. Mon tour!... si c'était vrai! (Un noctambule parait.) Le Noctambule fà la plieuse). Si jolie, si matin !... Malice du destin qui revêt de satin et de robes d'aurore les gfuetteuses de nuit aux rides inclémentes et cache au libertin, sous des voiles de nuit, les fillettes d'aurore que le désir tourmente ! Un baiser? La Pli L'USE. Passez vot' chemin ! Le Noctambule. Mon chemin ? Je le cherche... me tendras-tu la perche? Sans les lanternes de tes jolis yeu.x, je risque fort de me perdre?... Tu veux?... (Elle lui tourne le dos.) La Glaneuse et Le Bricoleur. Ah!... (s étirant.) Ah!... Le Noctambule (regardant autour de lui). En ce froid carrefour où gémit la souffrance, je me sens mal à l'aise et... (A la fillette.) sans ta jeune chair, il me semblerait choir au seuil du sombre enfer où le Dante écrivit : "Ici point d'es- pérance Le son de ma voi.x éveille-t-il en toi une vague souvenance, que tu restes songeuse? Peut-être un frais désir fait tressaillir ton cœur d'amoureuse ? La Plieuse {riant). \'ous êtes fou ! La Laitière (riant). Sa folie n'est pas dangereuse... Qui êtes-vous ? Le Noctambule. (Rejetant son manteau sur l'épaule et apparaissant séduisant.) Je suis le Plaisir de Paris. (Les deu.v femmes font un geste d- étonnement admiratif. La petite chiffonnière interrompt son travail et s'approche.) L.\ Laitière. Où allez-vous? Le Noctambule. Je vais vers les amantes que le désir tourmente. Je vais cherchant les cœurs qu'oublia le bonheur. (Montrant la ville.) Là-bas glanant le rire... ici semant l'- envie, prêchant partout le droit de tous à la folie. ■ Je suis le procureur de la grande cité, ton humble serviteur !... ou ton niai- tre!... La Laitière (le menaçant). Efifronté ! (Il s'enfuit en riant, .lu coin de la rue, il heurte violemment un chif- fonnier et disparaît. Le chiffonnier chancelle et tombe.) Le Chiffonnier. Fait' attention... butor ! Le Noctambule (déjà loin). Je suis le procureur do la !.;i;uvle cité! LO VISE 19 The Little Ragpicker (to coal ivoman). And to think that, riglit now, there are women who sleep in silk. Coal Woman. Bah, silk sheets go quicker than others. Rag Picker. Yes, because they sleep longer in them. Coal Woman. Big fool. Your turn'll come. Rag Picker. My turn! If it were only true. (Night Walker appears.) Night Walker (to neivspaper girl). So pretty, so early 1 Malice of fate, That in satin, clothes With robes of the dawn, The watchers of night. Wrinkled and pale, And hides from the libertine Under cover of night The children of dawn Whom desire torments! A kiss. Paper Folder. Go your way. Night Walker. My way I now seek. Will you be my guide? \\'ithout the lights of thy pretty eyes I risk being lost — Wilt thou? (She turns her hack on him.) Coal Woman and Scavenger. Ah! (stretching). Ah! Night Walker (looking about) In this cold, wretched street, where suffering reigns, I am not at my ease, and — (To the girl) Without thy young flesh I would seem to fall on the brink of sombre hell, where Dante wrote, "Here give up hone." The sound of my voice Dost wake in thee A vague remembrance That thou dreamest? Mayhap some fresh desire Makes palpitate Thy amorous heart. The Paper Girl (laughing). You are crazy. ]\IiLK Woman (laughing). But it's not dangerous. Who are you ? XiGHT Walker (opening cloak and looking seductive.) I am the Pleasure of Paris. (The tzvo zvonien e.r press surprised admiration. The Rag Picker stops her zcork to come nearer.) Milk Seller. Where are you going? Night Walker. I go to the lovers Whom desire torments ; I go looking for hearts Forgotten by joy. (Pointing at the town.) There gathering laughter — here sow- ing envy — • Preaching broadcast the right of all to folly. I am the soul of the great city. Your humble servant — or your mas- ter! Milk Woman (threatening him). Impudent ! (He escapes laughing. At the corner he knocks down a rag picker and disappears.) Rag Picker. Look out — fool! Night Walker (far away). I am the soul of the great city. 20 LOUISE Le Chiffonnier (à part). Ah!... je le connais... le misérable! Ce n'est pas la première fois qu'il se trouve sur mon chemin... (Au bricoleur.) Un soir, il y a longtemps, je m'en souviens comme si c'était hier... ici, au même endroit... il m'est apparu... Hélas! il n'était pas seul, ce jour-là! une fillette lui donnait la main et sou- riait à sa chanson ! C'était ma fille ! Je l'avais laissée là, au travail... il est venu, il lui a soufflé à l'oreille ses tentations mauvaises... et la coquette l'a écouté! EH'l'a suivi! En s'enfuy- ant ell'm'a heurté!... Comme aujour- d'hui... je suis tombé!... ah!... (Il sanglote et se met au travail.) La Glaneuse. Pauvre homme !... Le Bricoleur. Bah! dans toutes les familles, c'est la même chose! Moi, j'en avais trois... je n'ai pu les tenir!... Faut pas leur en vouloir si elles prefer' à notre vie d'- enfer le paradis qui les appelle là- bas !... L.\. Petite Chiffonnière (à. part). Est-c'que les bons lits, les belles robes, comme le soleil, ne devraient pas être à tout le monde ! (Elle tend les bras vers le soleil.) ^'Deux Gardiens de la Paix travers- ent lentement la scène et s'approch- ent de la laitière. Le carrefour s'- anime. — L^NF. Balayeuse appar- aît.) Premier Gardien (à la laitière). Belle journée! La Laitière. Voici le printemps ! Premier Gardien. La saison des amours... La Laitière. Pour ceux qui ont vingt ans !.,. Deuxième Gardien. Bah ! Chacun son tour ! La Laitière. J'attends encore le mien ! Premier Gardien. \^ous n'avez jamais aimé? (Un gavroche s'approche et se chauffe les mains au fourneau.) La Laitière (simplement). Je n'ai pas eu le temps. (Les gardiens rient.) Le Gavroche (k la laitière). Un p'tit noir ! La Balayeuse (fanfaronne). Moi, j'ai eu ch'vau.x et voitures... Y a vingt ans... J'étais la reine de Paris! Quell' dégringolade! hein? mais je ne regrette rien!... je me suis tant amusée. Ah ! la belle vie ! le joyeux, le tendre, l'inoubliable para- dis! Le Gavroche (avec une ndiveté feinte ). Dites : donnez-moi l'adresse... La Balayeuse. Quelle adresse? Le Gavroche (goguenard). L'adresse... de vot' "paradis !'' La Balayeuse. Mais, mon petit... (Montrant la viUc. tendre.) C'est Paris ! Le Gavroche (jouant l'étonne- mcnt). Paris!... C'est étonnant! depuis que j'suis au monde j'm'en étais pas encore ancrcu ! LO VISE 21 Rac; Picker (aside). Ah ! I know him — the wretcli ! 'Tis not the first time I rtnd liim in my way. (To the Scavenger.) One night, long ago — I remember it as if it were yesterday — here, at the same place, he appeared to me. Alas ! he was not alone that day, for a young girl held him by the hand and smiled at his song. 'Twas my daughter! 1 had left her at work. He came and whispered his bad temptations in her ear. And the coquette listened to him. She followed him and, in es- caping, knocked against me — like to- day. I fell— ah! ' (He sobs and starts working.) Cn.vRCOAL Woman. Poor man ! Scavenger. Pshaw, it's the same thing in all families. I had three — I couldn't hold them. Who must blame if they prefer to our life of hell the paradise that awaits them over there. The Little Rag Picker (aside). Ought not good beds, fine dresses, like the sun, be the property of every- one? (She lifts her arms tozvard the sun. Tivo Peace Officers slozi'ly cross stage and approach Milk IFoinan. Street gets animated. .4 Street Sweeper comes on.) First Officer (to Milk Woman). Fine day. Milk Woman. Spring is with us. Officer. The season of love. Milk Woman. For those who are twenty. Second Officer. Bah ! Each one in his turn. Milk Woman. I'm still waiting for mine. First Officer. You've never loved? (Street urchin enters: ivarnis his hands.) Milk Woman. I handn't the time. (Officers laugh.) Street Urchin (to Milk Jl'oman). A little black. Street Sweeper (boastingly). I had horses and carriages — twenty years ago. I was the queen of Paris. What a fall, eh? But I regret noth- ing. I had so much fun. What a fine life — the joyous, the sweet, the unforgettable paradise. Urchin (zvith feigned innocence). Say, give me the address. Sweeper. What address? Urchin (mockingly). Why, of your "paradise." Sweeper. Look here, young fellow (pointing at city tenderly). It's Paris. Urchin (pretending astonishment.) Paris! Astonishing! Since I came into the world, I never suspected it. 22 LO VISE Premier Gardien. Allons ! circule ! Le Gavroche. De quoi! On n'peut pas s'instruire? Premier Gardien. Va travailler! (Il le pousse. Le ga-cTochc s'en i-a. Il se retourne.) Le Gavroche (criant). Y en a donc que pour les femm's, dans vot' "paradis"? ( Geste menaçant des gardiens: le gamin s'enfuit; les gardiens s'cloig- nent. La petite chiffonnière s'en l'a courbée sous le poids d'un sac de chiffons. La balayeuse reprend son travail.) La Petite Chiffonnière. (avec amertume.) Y en a qu'pour les femmes ! ('JuLiE.N' paraît au fond de la scène; il fait un signe à ses amis dont les têtes surgissent en haut de l'escalier descendant. Les Bohèmes, s'avanc- ent, comiquemenf, avec des allures de conspirateurs.) Le Peintre (à. Julien J. C'est ici? Le Sculpteur. C'est là qu'elle travaille? fJuLiE.N indique la maison.) Julien. .Sa mère l'accompagnera jusqu'à cette porte... sitôt disparue, je m'- élance... je rattrape I,ouse, et si ses parents refusent... Le Peintre. Tu l'enlèves! Tous (entourant Julienj. Bravo ! Le Chansonnier. Mais consentira-t-elle ? Julien. Je la déciderai !... (Ils se répandent sur la place.) L'Etudiant fà Julienj. Nous en ferons notre Muse! Le Sculpteur. Le coin est joli! Un Jeune Poète. Muse des Bohèmes ! Le Peintre. L^n vrai carrefour à sérénades... L'n Philosophe (avec dédain). Une Muse? Le Chansonnier. Nous aurions du nous munit de nos instruments... L'Etudiant. On la couronnera ! (Des têtes de bonnes paraissent au.v fenêtres de la maison ) Le Sculpteur. Nous reviendrons. Le Philosophe. Les Muses sont mortes! Li-; Poète. On les ressuscitera ! Le Peintre (lorgnant les fenêtres). Oil ! les jolies filles ! LOUISE 23 First Officer. Come, move on. Urchin. What for? Can't one learn any- thing? First Officer. Go to work. (Officer pushes him. Urchin goes, /hen turns.) Urchin (shouting). There's only room for women^in jour paradise. (Officers threaten him — he flies. Offi- cers depart. The little Rag Picker exits, bending under load. Szi'cep- er resumes ivork.) Little R.\g Picker (bitterly). There's only room for women. (Julien appears at rear. Makes sign to friends zchose heads appear above stairs. The Bohemians ad- vance comically, like conspirators.) Painter (to Julien.j Is it here? Sculptor. Is it here she works? ('Julien points to house.) Julien. Her mother will bring her to the door. As soon as she disappears I rush in, catch Louise again and if her parents refuse — Painter. You abduct her. All (surrounding JulienJ. Bravo ! Songster. But will she consent? Julien. I shall decide her. (They spread over the place.) The Student (to Julien^. We'll make her our Muse. Sculptor. The corner is pretty. Young Poet. Jvluse of the Bohemians. Painter. A choice spot for serenades. Philosopher (disdainfully). A Muse? Songster. We ought to have brought our in- struments. Student. We'll crown her. (Servant girls' heads appear at win- doïi'.) .Sculptor. We'll come back. Philosopher. The Muses are dead. The Poet. \\'e'll resurrect them. Painter (ivatching ivindows). Oh. the pretty girls. Sié LOUISE Le Sculpteur. Mesdemoiselles ? Le Chansonnier. Elles sont charmantes! Le Poète. Ravissantes ! (Les bohèmes envoient des baisers et saluent: d'autres font les clozvns. Le chansonnier, grattant sa canne ainsi qu'une guitare ) Le Chansonnier. Enfants de la bohème, Nous aimons qui nous aime ! Toujours gais et pimpans, Les femmes nous trouvent séduis- ant';. Deuxième Philosophe. Pourquoi refuseraient-ils? Le Chansonnier. Quoiqu' sans argents! Premier Philosophe. Ils préfèrent sans doute en faire la femme d'un bourgeois. Le Chansonnier. Presqu' indigents ! Deuxième Philosophe. Mais l'ouvrier méprise le bourgeois. Premier Philosophe. Ha ! ha ! tu crois ça. toi ? Mais nous somm's très intelligents ! (Cris et bra:os : des fenêtres on jette des sons. Les bohèmes saluent ironiquement.) Les Bohèmes (saluant). Aimez-vous la peinture? — La sculpture? — La musique? — Je suis un grand poète! Le Premier Philosophe. Mon cher, l'idéal des ouvriers, c'est d'êti'e des bourgeois... Le désir des bourgeois : être des grands seigneurs ; et le rêve des grands seigneurs... dev- enir des artises! Le Peintre. Et le rêve des artistes? Le Premier Philosophe. Etre des dieux! Tous. Bravo ! Le Poète (avec enthousiasme). Oui, des dieux!... L'Apprenti (traversant la scciiej. Allez donc travailler, tas d' feign- ants ! (Les bohèmes esquissent une pour- suite, l>uis ils descendent l'escalier en chantant.) Les Bohèmes. Enfants de la Bohème Nous aimons qui nous aime. Toujours gais et pimpants, Les femm's nous trouvent séduis- ants... Quoiqu' sans argents ! (Déjà loin.) Presqu' indigents. (Très loin.) Mais nous somm's très intelligents!... Julien ^à ses amis). Voici l'heure, laissez-moi... Le Premier Philosophe. Allons, bonne chance ! Le Chansonnier (l'excitant). Enlève la redoute ! (Ils s'éloignent.) Le Peintre. Sois éloquent. L'Etudiant (donnant une accolade à JULIENJ. A tout à l'heure... (Ils s'éloignent.) LOUISE 25 Sculptor. Ladies ! Songster. They are charming! Poet. Ravishing ! (Some scud kisses. Others play the cloivn.) Songster (striking cane like a guitar). Children of Bohemia, We love who e'er loves us; Always gay and natty. Women find us seductive. Second Philosopher. Why should they refuse us? Songster. Though very short of money. First Philosopher. They prefer, no doubt, to make them wives of tradesmen. Songster. Almost "broke." Second Philosopher. But the workman despises the tradesman. First Philosopher. Ha, ha; you believe that? Songster. But we are most intelligent. (Cries and bravos. They throzv pen- nies from the zvindoK's. Bohemians talute ironically.) The Bohemians fialiilingl. Do you like fainting.-' — Sculpture? — Music? — I am a great poet! First Philosopher (on the side). My dear fellow, the ideal of the work- man is to be a tradesman ; The desire of the tradesman to be a lord ; And the dream of the lord — To become an artist. P.JlINTER. And the dream of the artist? First Philosopher. To be a god. All. Bravo, bravo ! The Poet (zvith enthusiasm). Yes — gods. The Apprentice (zvith enthusiasm). Go to work, lot of ne'er-do-wells. (Bohemians chase him, then go down the stairs.) Bohemi.\ns. Children of Bohemia, We love who e'er loves us ; Always gay and natty. Women find us seductive. Though very short of money. (Far away.) Almost "broke." (î'ery far.) But we are most intelligent. Julien (to his friends). This is the hour ; leave me. First Philosopher. Good luck ! Songster. Carry the fort. (They e.vit.) P !l IN 1ER, Be flixjiieiii! Student (embracing JulienJ. See you by and bye. (They are gone.) 26 LOUISE Julien (dans une agitation doulour- euse) . Elle va paraître, ma joie, mon tour- ment! ma vie!... \'oudra-t-elle me sui- vre? Voudra-t-elle qu'aujourd'hui notre amour soit vainqueur?... Que dois-je lui dire?... Comment la décider?... Qui viendrait à mon aide?... L.\ Rempailleuse (lointaine). La caneus', racc'modeus' de cha- is's! Marchand de Chiffons, (liontaine). Marchand d'chiffons, ferraill' à vendre ! (Il écoute avec émoi croissant: les chants se rapprochent.) — Artichauts, des gros artichauts... à la tendress*, la verduress'... à un sou, vert et tendre, et à un sou, en v'ià des gros, des bien beaux!... — Du mouron pour les p'tits ois- eaux ! — V'ià d'ia carotte, elle est bell', v'ià d'ia carotte ! (Etc., etc.) Julien (avec enthousiasme). Ah ! chanson de Paris où vibre et palpite mon âme!... Na'ifs et vieux re- frains du faubourg qui s'éveille, aube .^onore qui réjouit mon oreille! Cris de Paris... voix de la rue. Etes-vous le chant de victoire de notre amour triomphant?... (Des ouvrières paraissent au fond. Julien se cache sous le hangar, épiant.) Bonjour! Blanche. Marguerite. Bonjour ! Blanche. Comment vas-tu? (Elles disparaissent à l'entrée de la maison. Une autre parait et fait un sieste à un quatrième. ) Suzanne. Nous sommes en avance? Gertrude. Il est huit heures... Suzanne. Ah! (Elles entrent dans la maison. Dcu.v autres s'aivnccnt en caquetant.) Irma. Eh bien ! tu t'es amusée, hier ? Camille. Ah! c'que j'ai ri ! Irma. Tu sais, l'grand Léon... (Elle lui parle à l'oreille.) Camille. Vrai? Irma. En mariage, ma chère! (Elles disparaissent.) Julien. \'iendra-t-elle? (Impatient, il sort de sa cacheta , trois oui'rières entrent et le regard- ent gesticuler.) L'.\pprextie (riant). Ah! ah! ah! Elise. Qu'il est beau ! Madeleine. Hé! l'artiste? L'.'\pprentie. Il attend sa belle! C'te tête! (Elles entrent dans la maison.) (La Mere et Louise entrer.!.) LO VISE 27 Julien ((gainfully iicn'oits). She is about to appear, my joy, my torment, my life. Will she follow me? Will she wish that to-day our love shall conquer? What shall I tell her? How con- vince her ? Who will come to my aid? Chair Mender f in distance). Caning — mending of chairs. Junk Wom.\n. Rags, bottles, pans to sell. (Julien listens; cries come nearer.) Artichokes, fine artichokes, tender and green — one penny ; green and ten- der, one sou. Here you are, fine and big. Seed for little birds ; Carrots, very fine — carrots. Julien (zcith cntliusiasin). Oh song of Paris, wherein my sou! \ibrates. Simple and ancient refrains ui the waking street, deep-voiced dawn that delights mine ear ! Cries of Paris. . Voices of the street. Are you the song of victory of our triumphant love? (U'orkgirls begin to appear. Julie.>i hidc.^ under shed, i^'atcliiiig.) Blanche. Good morning. Marguerite. Good morning. Blanche. How are you ? (They go into house. A third appears and motions to fourth.) Suzanne. We are early. Gertrude. It's eight o'clock. Suzanne. Ah! (They enter house. Tivo others ar- rive, cackling.) Ir.ma. Well, did you have a good time yesterday ? Camille. How I did laugh. Irma. Do you know big Leon ? (Whispers in her ear.) Camille. Really ? Irma. In marriage, my dear. (They go in.) Julien. Will she come? (Impatient, he leaves his hiding place Three ivorkgirls xcatch him ct'J//V- ulate.J Apprentice (laughing). Ha, ha, ha. Elise. Isn't he handsome ? Madeline. Ha — the artist. Apprentice. He's waiting for his sweetheart what a guy. (They go in house.) (The .Mother and Louise enter.) 28 LOUISE La AIeke {bougonnant). Pourquoi te retourner? Il nous suit, sans doute... Suffit! je demand- erai à ton père que dorénavant tu trav- ailles chez nous. ^Louise lè.ve les yeux an ciel. Mim- ique de Julien qui, se montre à Louise. Louise, voyant Julien, porte la main sur son cœur.) Ah! t'as beau faire les gros yeux!... On changera ta mauvaise tête ; il faudra bien que Louise reste une fille honnête!... Allons, au revoir ! CLouiSE, froidement, lui tend la joue; la mère l'embrasse. Louise entre dans la maison; la mère s'éloigne. Arrivée prés de la rue, elle guette de tous côtés, puis disparaî. Julien se risque timidement, puis s'élance dans la maison. Cris des Rues (lointains). V'ià d'ia carotte, elle est bell', v'ià d'ia carotte, d'ia carotte ! d'ia carotte !... (Julien reparaît, entraînant Louise.) Louise (affolée, se débattant). Laissez-moi, ah! de grâce! Julien. Alors, ils ont refusé? Louise. Je vous en prie ! si ma mère revenait... Julien. Ils ont refusé? Louise. Vous me faites mourir de peur ! Julien. Et tu supportes cette chose ! Tu ne te révoltes pas? Louise. Que puis-je faire? Julien. Tu le demandes? Louise. Ils sont les maîtres ! Julien. Pourquoi, les maîtres ?... Parce qu'ils t'ont lait naitre, se croient-ils le droit d'emprisonner ta jeunesse adorable?... Louise. Julien !... Julien. ...d'asservir ta vie... Louise. Ah ! par pitié ! Julien. ...de la murer pour leur plaisir? Louise. Laissez-moi partir!... Julien. Ta volonté, désormais, est celle d'une femme et vaut la leur: tu es femme, tu peu.x, tu dois vouloir! Louise. Ah! je vais être en retard! laissez- moi partir!... (^Julien, fâché, la laisse partir. Elle fait quelques pas, puis revient sonri- ante. Julien. Tu ne m'aimes plus! Louise (naïvement). Ce n'est pas vrai ! (Les cris de la rue reparaissent, lointains) . Julien. Si tu m'aimais, oublierais-tu ta promesse? fTvOuiSE, troublée, se détourne). L O U I SB 29 The Mother (crossly). What are you lurning "round for? I suppose he's following us. Enough ! I'll ask your father to let you work at home hereafter. (^Louise lifts her eyes to heaven. Julien shows himself to her. She, seeing him, puts lier hand on her heart.) Oh, you needn't make big eyes. We'll change that wicked head of yours. I'll see that Louise remains a good girl. Come, au revoir. ("Louise, coldly, offers her cheek. Mother kisses her. Louise goes within. Mother, after watching on all sides, disappears. Julien comes forth timidly, then rushes in house.) Street Cries (distant). Here you are. Carrots, fine carrots, carrots, carrots. ('Julien reappears, dragging Lou- ise j. Louise (crazed, struggling) . Let me go, in mercy's name! Julien. Then they have refused? Louise. I beg of you — if my mother came back! Julien. They refused? Louise. You'll make me die of fear. Julien. And you'll stand that? You don't rebel ? Louise. What can I do? Julien. You ask it? Louise. They are the masters. Julien. Why the masters? Becanre they gave you birth do they think they pos- sess the right to imprison your goldea youth ? Louise. Julien ! Julien. To enslave your life? Louise. Have pity ! Julien. To wall it up for their pleasure? Louise. Let me go! Julien. Your will, from this time forth, is that of a woman, and is as good as theirs. You are a woman; you can,, you must act. Louise. Oh, I'm going to be late. Let me go! f'JuLiAN, angry, releases her. She takes a few steps and returns, smil- '"g-) Julien. You don't love me any more. Louise (simply). That is not true. (The cries of the street are heard again, distantly.) Julien. If you loved me. would you forget your promise ? /'Lnt;:?!-: turns her head.) 30 LO VISE VOIX LOINTAINES. Voilà l'cresson d' fontaine, la santé du corps!... Julien. "Ecrivez encore à mon père ; s'il re- fuse votre demande, je promets de fuir avec vous." VOIX LOINT.\INES. Mouron pour les p'tits oiseaux! Louise. Ah! si je pouvais, si mon père... VOIX LOINTAINES. Pois verts! pois verts!... Julien. Ton père te pardonnerait. Louise. Jamais ! Julien. Plus tard, quand ton bonheur... Louise. Mon abandon le tuerait et je l'aime, mon père, autant que je t'aime! Julien (la serrant dans ses bras). Ah ! Louise, si tu m'aimes, partons de suite au pays (montrant la Butte ensoleillée.) où vivent libres les amants ; veins, je te choierai tant, et toute, et toute ta vie ! (De la rue voisine viennent des cris et des rires). Viens vers la joie! le plaisir! (En entendant des rires, Louise, troublée, se cache sous le hani^ar. Quatre ouvrières traversent la scène en riant et entrent dans la maison). Julien (plus pressant). Si tu m'aimes, Louise, viens, fuyons de suite ; si tu m'aimes, n'attends pas plus Innp^temps : tiens ta promesse dès maintenant!... Louise!... Louise!... (Il veut r entraîner). Louise (se débattant). Julien ! Julien. Veins!... Louise. Ah ! je deviens folle... Julien. ...vers le plaisir!... Louise (affolée). Je ne sais que faire... laissez-moi partir... demain... plus tard... (Avec tendresse). Je serai ta femme!... Julien!... mon bien-aimé!... (Fhite du chevrier lointaine. Louise se jette à son cou, puis se dégage et s'éloigne vers la maison ; sur le seuil de la porte, elle envoie un baiser. Julien répond avec tristesse. — Louise disparaît). Le Marchand D'Habits (descend- ant l'escalier). Marchand d'habits ! avez-vous des habits à vendr'? (Il interroge les fenêtres). Marchand d'habits I... (Il se tourne). Avez-vous des habits à vendr'? (Il sort. Julien s'achemine triste- ment vers la rue). Le Marchand D'Habits (au loin). Merchand d'habits ! Avez-vous de? habits à vendr'? ('Julien fait un dernier geste de désespoir et disparaît lentement). Marchande De Mouron (au loin). Mouron pour les p'tits oiseaux! Marchande D'Artichauts (très loin). A la tendress'i la verduress' !... LO UTS E 31 Voices in Distance. Fresh water-cress, health of the body. Julien. "Write again to my father. If he refuses your request, I promise to fly with you." Voices (distant). Seeds for litle birds. Louise. If I could — if my father — Voices (distant). Green peas, green peas. Julien. Your father would forgive you. Louise. Never. Julien. And later, when your happiness — Louise. My leaving would kill him, and I love my father as much as I love you. Julien (pressing her in liis arms). .A.h, Louise, if you love me, let us go at once to our country (pointing to the sunlit Butte) where lovers live free. Come, I'll pet you so much and all your life. (From the ne.vt street come cries and laughter.) Come to happiness — to pleasure. (Hearing the laughter, Louise hides in shed. Four zvork girls cross the stage, laughing, and go in house.) Julien. If you love me, Louise, come, let us ûy at once. If you love me, do not wait any longer. Keep your promise from now. Louise, Louise ! Œe tries to dra'j her.) Louise (struggling). Julien ! Come! Julien. Louise. I am going mad ! Julien. — To pleasure ! Louise. I know not what to do. Let me go — to-morrow — later — (Tenderly.) I shall be your wife! Julien — my beloved. (Flute of goather.d in distance. Lou- ise throzvs her arms about him, re- leases herself and goes tozvard the house. She sends him a kiss. Jul- ien responds sadly. She disafy- pears.) Old Clo' M.^n (coming dozvn stair- zvay). Old clo'! Any clothes to sell? (Looks up at zi'indows.) Old clo'! (Turns about.) .'\ny clothes to sell? (E.vits. Julien sadly zvalks azcay.) Old Clo' Man (distant). Old clo' ! Any old clothes to sel! ? fJuLiEN, in despair, sloivly disap- pears. ) Bird Dealer (in distance). Seed for your little birds. Artichoke Dealer (very distantj. Tender and green. 32 LOUISE DEUXIÈME TABLEAU. (Un atelier de couture; les ouv- rières autour des 'tables travaillent en caquetant; quelques-unes chantent; près du mannequin, deux om'rières plissent une jupe; l'apprentie, couchée à terre, ramasse les épingles; une ouvrière travaille à la machine). Les Ouvrières, Louise. (Elise, Suzanne, Madeleine et l'ap- prentie). La ! la ! la ! la ! VIELLES OUVRIERES. La ! la ! la ! la ! Blanche (près du mannequin, fai- sant les plis d'une jupe). C'est énervant! je n'peux pas y arriver... Marguerite. Queir mauvaise étoffe! les plis n'niarquent pas... Elise (à Gertrude). Passez-moi vos ciseaux... Gertrude. Et les tiens? Elise. Perdus !... Gertrude. J'en ai assez d'ies prêter. Elise. Un' minute? Gertrude. Tu n'as qu'à t'en payer. (Blanche prend la jupe, la montre à la /'rentière, puis va .^'asseoir à la pre- mière table). Irma. Moi, j'ai vu l'Pré aux Clercs et Mignon. Camille. Moi, j'ai vu Manon. Irma. C'est beau? Camille. Très beau, surtout quand ell' meurt Elise (à Marguerite, à tni-voix). Voudrais-tu ra'montrer à baleiner? Marguerite. Tu prends ton ruban comm' ceci... tu commenc's par en bas, tu l'fais sout'nir très peu... Gertrude. J'peux pas arriver à finir c'corsage! sur l'mann'quin, c'est bien, mais sur la femme ! Irma. C'est pour qui? Gertrude. Pour la duchesse... C.\MILLE. En effet, j'vois ca d'ici! Gertrude. Faut lui mc'tt" du crin sous les bras! Camille. Faut lui fair' des hanches ! lu II 1 I n'aiil I. Un H ut yenibourrag", q joi ! L'Apprentie (gavroche). C'qu'y a des clientes, tout d'même! LOUISE 33 SECOND SCENE. (A seïving establishment. Workgirls around a table sew while gossiping. Close to a form tzvo girls try on a skirt. The apprentice, on the ground picks up pins. One girl zvorks at machine.) Elise, Suzanne, Madeline and Apprentice. La, la, la, la. Old Workwomen. La, la, la, la. Blanche (by the form, setting skirt). Oh, bother! I don't seem to get it right. Marguerite. Wretched stuff. The folds won't stay in place. Elise (to Gertrude j. Pass me your scissors. Gertrude. What about your own? Elise. Lost. Gertrude. Lve had enough of lending. Elise. Just a minute. Gertrude. Better buy your own. ('Blanche shows skirt to forewoman then sits at table.) ïny.A. I've been to see the "Pré aux Clercs" and "Mignon." Camille. I've seen "Manon." Irma. Is it fine? Camille Very fine, especially where she dies. Elise (to Marguerite, softly). Will you show me how to whale- bone? Marguerite. You take your ribbon like this — you begin low down, but supporting it a little bit— Gertrude. I can't get hold of the knack of fin- ishing this waist. On the form it is all right, but on the woman — Irma. Who is it for? Gertrude. For the duchess. Camille. Just so ; I can see it from here. Gertrude. Got to put horsehair under the arms. Camille. You'll have to give her hips. Irma. A genuine stuffing, say. Apprentice. Funny clients, all the same. 34 LOUISE Blanche (à Marguerite). Moi, j'vais m'faire une robe pour le Grand Prix... J'ai vu un model", ma chère ! La Premiere (à Gertrude). N'oubliez pas le sachet d'hélio- trope ?... Elise (à Suzanne qui lui donne des conseils. Ah ! laiss'-moi tranquille, tu m'en- nuies ! Suzanne. C'est pas comm' ca qu'on s'y prend ! Elise. Tu veux toujours en savoir plus qu'les autres! Suzanne. P'tite imbécile! tu n'vois pas qu'ca craqu' sous l'aiguille? Elise. Oh! la! la! quel cauch'mar! Suzanne. T'en as un caractère! Elise. Tu n't'es pas r'gardée! Suzanne. \^a donc! eh! bouffie! (Blise lance une pelote à la tête de Suzanne: les autres s'interposent. Toutes rient avec éclats. La première se lève). La Premiere. Mesd'maiselles, un peu d'silence... nous n'sommes pas au marché. (Silence relatif. La première va causer avec Gertrude j. Camille (bas à ses voisines). \'^oyez Louise, quell' drôl' de tête cil' fait aujourd'hui. Ulanche. C'est vrai! Irma. C'est vrai ! on dirait qu'elle a pleuré. Gertrude. Elle a peut-être des ennuis d» famille... Camille. Ses parents sont très durs pour elle... (Les ouvrières se groupent et jet- tent des regards sur Louise qui semble ne rien voir). Irma. Eir n'a pas la vie belle... Camille. Sa mèr' la frappe encore... Blanche, Marguerite. Ah! Elise. Ce n'est pas moi qui m'iaisserais battre ! Suzanne. Moi non plus! Blanche. Et moi, c'que j'Ies plaquerais! L'Apprentie. Moi, quand le père veut m' battre, j'iui dis: cogn' sur maman, y a plus d' largeur ! (Rires. Louisi:. écoute et reprend son attitude indifférente). Irma (regardant ironiquement Louise). Non ; je crois que Louise est amoureuse. LOUISE 35 Blanche (to Marguerite^ I'm going to make a dress for my- self for the Grand Prix — I came across a model, my dear! Forewoman (to Gertrude^. Don' forget the sachet of helio- trope. Elise (to Sltzanne, who is advisitig her) . Give me a rest — your're a nuisance. Suzanne. That's not the way to do it. Elise. You always want to know more than anybody else. Suzanne. Little fool, don't you see it breaks under the needle ? Elise. Oh, la, la ; what a nightmare. Suzette. Pretty disposition you've got. Elise. You haven't watched yourself, have you? Suzanne. Get out, eh — fat head! j'Elise throivs a spool at Suzanne. Others interpose. All laugh, loudly. The forctvoinan rises.) Forewoman. Young women — a little silence. We are not in the markets. (Slight silenee. Forezvoman talks to Gertrude.^ Camille (low, to others). Look at Louise. Queer way she's got about her to-day. Blanche. That's so? Irma. Yes, that is so. Looks as if she had been crying. Gertrude. Perhaps she has some family troubles. Camille. Her parents are very hard on her. (They group together and zvatch Lou- ise, Tvho doesn't see them.) Irma. Her life's anything but a dream. Camille. Her mother still beats her. Blanche, Marguerite. Ah! Elise. I'm not one to let them beat ma. Suzanne. Nor I. Blanche. Wouldn't I give it back! Apprentice. Me, when papa wants to beat ine, I tell him : "Give to mamma — there's more surface." (Laughter. Louise listens, but re- sumes her indifferent air). Irma (looking ironically at LouisEJ. No ; I think Louise is in love. 86 LOUISE Gertrude (étonnée). Amoureuse! Louise... Camille. Pourquoi Louise serait-ell' pas amoureuse ? Blanche. Amoureuse, Louise... L'Apprentie (à part). Amoureuse ! Suzanne et Madeleine. Amoureuse ! Gertrude et Elise. Amoureuse ! Blanche et Marguerite. Amoureuse ! Irm.a et Camille. Amoureuse ! Toutes (sauf Irma, Camille, l'appren- tie et la première.) Louise, entends tu? Ou dit que tu es amoureuse. Louise (troublée). Moi? Irma et Camille. Est-ce vrai? Louise (avec colère). Vous êtes folles... Gertrude. Un amoureux à ton âge, c'n'est pas un péché, et tu peux l'avouir... A moins que tu ne veuilles garder le secret de tes aventures. (Orgue de barbarie lointain). Suzanne, Elise. Louise, raconte-nous... Louise. Je n'ai pas d'aventure. Gertrude. (Derrière elle, l'apprentie mime ironiquement la chanson). Que c'est charmant une aventure. Un garçon de jolie figure qui vous aime et vous le prouve à tout moment. C'est le rêve d'or jeunes filles... rêve auquel on pense tout enfant. Pour le baiser d'un amant, je don- nerais sans regret le restant de ma vie. Camille. D'où vient ce sentiment qui nous at- tire constamment vers les hommes? D'où vient qu'à leur approche nos cœurs chavirent? On a beau nous dire: "Prenez garde!" Qu'apparaisse le prédestiné, les scrupules s'envolent!... A son regard, on rougit ; à sa parole on sourit ; dans l'enthousiasme du baiser, on s'ouvre au dieu malin ; c'est un bonnet de plus qu'on accroche au moulin !... ''Rires étouffés). L'Apprentie. Louise, raconte-nous tes aventures... Louise (avec impatience). Je n'ai pas d'aventures (Peu à peu les ouvrières repren- nent leur travail et causent à voi.v basse). IR.^L\ (lant^oitrciisonent). Oh! moi (juancl je suis dans la rue, tout mon être prend comme feu ; sous les rayons artlents des yeux qui me désirent, je vais radieuse! Les frôlements, les appels, les flat- teries m'attisent et me grisent!... Il me semble être en voyage, alors que paysages et maisons tourbillon-' nent en ronde folle autour du wagon. Elise (à Gertrude). C'est un beau brun ! LO VISE 37 Gertrude (astonished). Louise! In love. Camille. And why shouldn't Louise be in love? Blanche. In love, Louise — Apprentice (aside). In love ! Suzanne and Madeleine. In love! Gertrude and Elise. In love! Blanche and Marguerite. In love ! Irma and Camille. In love! All (save Irma, Camille, Appren- tice and Forewoman). Louise, do you hear? They say that you're in love. Louise (nervous). Me? Irma and Camille. Is it true? Louise (angrily). You are all mad. Gertrude. A lover, at your age ; it is no sin, and you can own up to it, unless you would guard the secret of your adven- tures. (Street organ in distance.) Suzanne, Elise. Louise, tell us — Louise. I have no adventure. Gertrude. (Behind her the apprentice mimics the song, ironically.) An adventure is most charming; A handsome young fellow who loves you and proves it every moment. 'Tis the golden dream of girls — that one dreams when still a child ; For the kiss of a young lover, without regret I'd give the remainder of hfe. Camille. Whence comes this sentiment that draws us constantly toward the men? How does it happen that at their approach our hearts are shipwrecked? 'Tis no use telling us "Look out." Let the predestined appear, scruples they fly. At his glance one blushes ; at his word one smiles ; in the en- thusiasm of the kiss one is open to the cunning god. It is another victory he can put down to his cunning wiles. (Smothered laughter.) Apprentice. Louise, tell us your adventures. Louise (impatiently.) I have no adventures. Irma (langourously.) As for me when I am in the street All my being takes fire. LTnder the ardent rays Of eyes That desire me I go radiant. Tile brushings past, the hints The flatteries, fire me and intoxicate. Elise. He is fine and dark. 3S LO VISE Gertrude. Tu l'aimes? Elise. J'en suis toquée ! Gertrude. Grande folle! L.\ Premiere (à Madeleine). Voyez la longueur des manches... Gertrude. Dieu, qu"l fait chaud ! ovrez la f 'nêtre ! ^L'Apprentie î'a ouvrir une fenêtre. Blanche (à Elise). C'est tordant! Suzanne (à Madeleine). Tu viens avec moi, ce soir? Marguerite. Louise, chante-nous quelque chose. La Premiere (à Marguerite). Laissez-la donc tranquille! L'Apprentie (à Suazanne). J'ai rendez-vous à huit heures... Elise {à Blanche). Il t'a fait la cour? La Premiere. A qui l 'corsage? CiRTRUDE. C'est à moi. La Premiere. Dépêchez-vous, il le faut pour ce soir. Blanche, Eli.se cl Madklkine (riant bruyamment). Ah ! ah ! ah ! ah I Camille et Gertrude. Chut! (La Première va ^ians la chambre voisine). L'Apprentie. Ecoutez ! (L'Apprentie, près d'Irma, l'écoute avec admiration). Irma. Une voix mystérieuse, prometteuse de bonheur, parmi les bruissements de la rue amoureuse, me poursuit et m'enjôle. C'est la voix de Paris ! C'est l'appel au plaisir, à l'amour ! ...Et peu à peu l'vresse me gagne : dans un frisson délicieux, à tous les yeux je livre mes yeux ; et mon cœur bat la campagne et succombe aux désirs de tous les cœurs. Les Jeunes Ouvrières (Elise, Su- zanne, Madeleine cl l'apprente). C'est la voix de Paris... Gertrude et Les Vieilles Ouvrières. Régalez-vous, mesdam's, voilà l'plaisir ! (Fanfare dans la coulisse). Toutes (diversement). Ah ! la musique ! Irma, Camille, Blanche, Elise, M.\deleine et L'Apprentie, vont aii.v fenêtres et regardent curieuse- ment dans la cour. L^NE Voix (dans la coulisse, en colère). Un! Blanche. Oueir flrnl' tic fanfare! LOUISE 39 Gertrude. You love him ? Elise. I'm mad about him. GliRTRUDE. Big fool. Forewoman (to Madeleine.) See the length of the sleeves. Gertrude. Heaven ! it's hot ; open the window. {Apprentice opens if.) Blanche (to Elise). It's great fun. Suzanne (to Madeleine.) You're coming with me to-night? Marguerite. Louise, sing us something. Forewoman (to Marguerite.) Please let her alone. Apprentice (to Suzanne.) I meet him at eight o'clock. Elise (to BlancheJ. Did he court you ? The Forewoman. Whose waist is this? Gertrude. It's mine. Forewoman. Hurry up, it must be ready to-night. Blanche, Elise, Madeleine. (loudly laughing.) Ha, ha, ha, ha. Camille and Gertrude. Chut! (Forewoman goes in next room.) Apprentice. Listen. (She listens to Irma admiringly.) Irma. A mysterious voice, harbinger of happiness amid the sounds of the street, pursues and captivates me. 'Tis the voice of Paris. 'Tis the call to pleasure, to love. And little by little I'm intoxicated ; in a delicious shiver to all eyes I give my eyes; and my heart beats madly and succumbs to the desires of all hearts. The Workgirls, Elise, Etc. 'Tis the voice of Paris. Gertrude and Old Workwomen. Have a good time, ladies, there's the pleasure. (Sound of trumpets.) All, Diversely. Ah, here's music. (Irma, Camille, Elise, Madeleine and Apprentice go to windows and look curiously in street.) A Voice Outside (Angry). One! Blanche. A funny sort of trumpet-call. 40 LO VISE Irma. Ils accompagn'nt un chanteur!... Camille. 11 est bien, c'iui-là. Blanche (pouffant). Tu trouves? Elise. On dirait l'artist' de tout à l'heure... L'Apprentie. Il nous r'garde... Camille. Louise! viens voir... il est très bien! (Louise semble ne pas entendre. Guitare dans la coulisse. Elise, Ma- deleine et l'apprentie, se moquent de Camille. Pendant la première partie de la sérénade, elles envoient des bais- ers au chanteur). Julien (dans la coulisse). Dans la cité lointaine, Au bleu pays d'espoir, Je sais, loin de la peine, Un joyeu.\ reposoir, Qui, pour fêter ma reine Se fleurit chaque soir. Les Ouvrières. Quelle jolie voix! quelle jolie voix! Ah! ma chère, quelle jolie voix! Louise (a part). C'est lui ! c'est Julien ! Julien. Les fleurs du beau domaine S'avivent chaque soir; Mais l'insensible reine Ne daigne s'émouvoir. Quand viendras-tu, dis-moi, la belle. Au reposoir d'ivresse éternelle? Toutes Les Ouvrières sauf Louise. Quelle caresse! Quelle ivresse! Aux acents de sa ten-drcs.se, mon âme s'abandonne... Ah! quelle jolie voix! Camille. Comme il nous regarde ! Irma. On dirait qu'il s'adresse à l'une de nous! L'Apprentie. C'est vrai ! Louise (à part). Pauvre Julien ! Elise. Il n'a pas l'air content... Blanche. Jetons-lui des sous! Camille. Et des baisers... (Elles jettent des sous et envoient des baisers). Louise. Ah! j'aurais dû partir tout à l'heure!... (Julien gratte avec rage les cordes de sa guitare). Blanche. Qu'est-c' qu'il a? Elise. Il devient fou! (Louise se lève, frémissante, puis se rassied. Les ouvrières, trouvant la chanson moins jolie, échangent des gestes de lassitude, de moquerie. Elsie et Madeleine, raillent et sifflent impitoyablement). Ji'i.ii'.N (ax'cc émotion). Si ton âme, oubliant les serments d'autrefois, s'est détournée de moi; si tes vœux .sont de vivre sans lumière et sans joie... Gertrude. Que chante-t-il? LOUISE 41 Irma. They accompany a sing;er. Camille. He's good looking, isn't he? Blanche (bursting with laughter). You think so ! Elise. It might be the artist of this morn- ing. Apprentice. He's looking at us. Camille. Louise, come, look. He's really a line fellow. (Louise seems not to hear. Guitar in the zviiigs. Elise, Madeleine and Apprentice laugh at Camille. During first part of serenade they send kisses to the singer.) Julien (in zvings). In the distant city, In the blue land of hope, I know far from pain, A joyous resting place, Which to pleasure my queen Bursts in bloom each night. WORKGIRLS. What a pretty voice, ■what a pretty voice. Ah, my dear. Louise (aside). 'Tis he — Julien. Julien. The flowers of the fine domian Revive each night, But the insensitive queen Won't deign to notice ; When wilt come, tell me, my belle. To the place of eternal delight. All the Working. Girls (e.vcept Louise). What caress — what bliss. To his ac- cents of tenderness my soul suc- cumbs. Ah, what a pretty voice. Camille. How he looks at us. Irma. One would think he addressed him- self to somebody here. Apprentice. That's so. Louise (aside). Poor Julien ! Elise. He doesn't seem very happy. Blanche. Let us throw him some pennies. Camille. And a few kisses. (They throzv pennies and kisses). Louise. I should have gone away before this. (Julien strikes his guitar with rage). Blanche. What's the matter with him? Elise. He's gone crazy. (Louise rises, trembling, then sits down. The zvorkgirls, finding the song not so pretty, exchange gestures of lassitude and mockery. Elise and Madeleine rail and zvhistlc zvithout ceasing.) Julien (zir Julien and Louise. (Trumpets and drums. Apothéose.) (But a rumor comes from the rear. The crozvd gives zvay. A great silence ensues. On the step of the garden the mother of Louise, hesitating to enter, appears.) The Crowd. Look ! Look ! Who is this woman ? What does she want? Grisettes and Bohèmes. The mother of Louise!... (The Father of Fools runs azvay laughing, followed by girls.) Crowd. The mother of the Muse! Louise. Ah! (The carrieis of banners, musicians an ! '^ancers disappear.) Mothers (indignant). Look at her bolflness ; In her immorality. In her impudicity, She forgets That her parents are worried. F.athers (with contempt). Admire the absurdity Of this solemnity ; Folly is triumphant. Julien (placing himself in front of her.) I'll guard thee. (The mother advances timidly. The grisettes surround Louise, zvho is half fainting.) The Crowd. What an affair. The Urchins. Let us go on all fours : It's not the time to make a row. Loafers. Adieu, cow, pigs and litter, Another queen in the gutter. (Mother nears the house. A group of bohcmcs block her way. At her glance they fall back.) Crowd. What an affair. LIrchixs (far away). Take care of troubles and beatings, It's going to rain blows !... 64 LOUISE Les Gueux (descendant des échafaudages). Adieu, chansons, adieu, chimér's ! Ah! quel malheur d'avoir un' mère! fLouiSE se relève, voit sa mere, et s'élance dans les bras de Julien. La foule s'éloigne. Louise, se réfugie dans le vestibule. Julien, dans une attitude de défi, barre la route). La Mere (humblement, à Julien). Je ne viens pas en ennemie... Je venais dire à Louise que son père est très souffrant et qu'elle seule peut le sauver ! Louise (à part). Mon père ! Julien (à part). Que vient-elle faire? La Mere (à Julien, simplement). Nous avions tout accepté ; nous étions las de lutter, de chercher... et nous avions fait une croi.x sur la porte de sa chambre... Elle était morte, bien morte pour nous !... Mais aujourd'hui que son père est au plus mal, je viens vous supplier, mon- sieur, de permettre à Louise de revenir chez nous ; et ce sera la guérison de mon pauvre homme à la maison. Louise. Mon père est très malade? rjuLiEN manifeste sa méfiance). La Mere (à Louise). Il est bien mal depuis hier... Le pre- mier jour, il versa mille larmes! Il allait et venait de la porte à la fenêtre, regardant, écoutant, espérant à cha(|uc minute, te voir revenir... La nuit, comme le sommeil ne vou- lait pas de lui, pendant des heures, il se traînait dans l'ombre, et gémissait... et sanglotait... Un soir, je le surpris sur le seuil de ta chambre, à genoux et criant: Louise! Louise! mon enfant! m'entends-tu?... ne suis-je plus ton père?... Puis il sembla se faire une raison, et reprit sa vie d'autrefois... enfin je crus qu'il oubliait, en le voyant parfois sourire à mes larmes. Hélas! je m'étais trompée; ton père n'avait rien oublié. La douleur le minait, et plus il la cachait, plus il souffrait ! Seule, une joie peut le sauver... Et vous pouvez la lui donner, en con- seillant à Louise de revenir chez nous. Oh ! Elle sera libre maintenant ! Ce que nous voulons, c'est l'avoir un peu., nous l'aimions depuis plus longtemps que vous... Elle nous aimait avant de vous connaître. Oh! monsieur! vous ne voudriez pas que son père vous maudisse ! La malédiction d'un mourant vou^ poursuivrait toute la vie!... (Le chiffonnier parait, au fond de la scène. Il fouille le ruisseau en s' éclairant de sa lanterne). (La mère attend avec inquiétude). Le Chiffonnier. L^n père cherche sa fille qui était toute sa famille. Mais une fille dans la cité, c'est une aiguille dans un champ de blé ! fil s'éloigne). Pourquoi chercher et m'obstiner, La grande ville a besoin de nos filles... ('Louise et Julien regardent le chiffo- nnier avec compassion. Leurs hési- tations s'envolent). ■ Julien (à la mère). Prometez-moi de me rendre Louise ? La Mere. Je le promets. Le Chiffonnier (très loin). Tra la la la. Tra la la la. Elle est partie dans la nuit! LO VISE Gb Loafers (descending scaffolding). Adieu to song, to fancies bright ; What a pity 'tis to have a mother. (Louise rises, sees her mother, and rushes to the arms of Julien. The croivd melts away. Louise takes refuge in the vestibule. Julien, de- fiant, bars the way.) Mother (humbly to Julien). I do not come as an enemy... I come to tell Louise that her father is suf- fering and that she alone can save him. Louise (aside). My father! Julien (aside). What brings her here? Mother (to Julien, simply) We had accepted everything ; we were tired of struggling anu seeking... and we had made a cross on the door of her room. She was dead. ..quite dead for us. But to-day that her father is much worse, I came to beseech you, sir, to permit Louise to come back home. And it means the getting well of my poor man at the house. Louise. My father is very sick? (Julien manifests incredulity.) Mother (to Louise). He is very bad since yesterday. The lirst day hj shed a thousand tears. He came and went from door to window, looking, listening, hoping each minute to see you return... At night, as sleep would have noth- ing to do with him, for hours he would drag himself in the dark, groaning and sobbing. One night I surprised him on the floor of your room, on his knees, exclaiming "Louise. Louise, My child, do you hear me. ..am I no longer your father?" Then he seemed to come to reason and resumed his ordinary life. ..at last I thought he was furgetting as 1 saw him some times smile at my tears. .'Mas, I was mistaken. Your father had forgotten nothing. Sorrow was ruining him. The more he hid it the more he suffered. (To Julien.) Only a great joy can save him... And you can give it to him in advis- ing Louise to come back home. Oh, she shall now be free. What we want is to have her a little. ..we have loved her longer than you. She loved us before she knew you. Oh, sir, you would not wish tliat her father should curse yon. The malediction of a dying man would pursue you all your life. (The rag picker appears at rear of scene. ITe pokes in the gutter Tr.'ht- ing himself with lantern. Mother waits with impatience.) Rag Picker. A father seeks his daughter She was all he had of family But a girl in the city Is a needle In a field of wheat. (He passes on.) Why seek and pester. The big town Is in want of our girls. (Louise and Julien look at rag picker with compassion. Their hesitations disappear.) Julien (to the mother). Do you promise to give me back Louise? Mother. I promise. The Rag Picker (in distance/. Tra, la, la, la, Tra, la, la, la. She disappeared in the night. 66 LO VISE Julien. Allons ! va, messagère de bonheur ! Et n'oublie pas que dès ce moment je vais compter toutes les heures ! fLouiSE ôte le châle dont on l'avait parée et le donne à Julien j. (La mère va vers la porte du jardin. Louise la suit, troublée, s'arrctant à chaque pas. Sur un geste de Julien elle revient vers lui. se dans jette ses bras. Louise s'éloigne a reculons, une main sitr les lèvres.) Julien (lui tendant les bras). O Jolie! ACTE QUATRIEME (Même décor qu'au premier acte. La maison et la terrasse de Julien ont disparu et l'on voit, au loin. Paris. Neuf heures du soir. Eté). (Le père est assis près de la table. La mère, dans la cuisine, fait la lessive. A travers la porte vitrée, on aperçoit Louise dans sa chambre. La mère, s'approche du père, l'hwite à boire. Celui-ci les yeu.v fixés sur Louise ne semble pas la voir). La Mere (cherchant à l'égayer). Tu devrais te rapprocher de la fenêtre, il y fait si bon depuis que les démolisseurs ont balayé le vieux fau- bourg et ouvert à Paris le chemin de notre chambre. Ah! on respire maintenant! Vois la belle trouée d'air, de lumière et de vie ! Le Père (après un silence). Oui ! une fameuse trouée oil sont disparues bien des choses... La Mere. Bien des gens ! Lie Père. Et quelque peu de bonheur. La Mere (affectueusement). Tu as peut-être eu tort de travailler aujourd'lnii... Le Père. Après vingt jours de paresse, j'ai dû faire un efifort pour m'y remettre ; mais maintenant, c'est fini et je suis d'aplomb... Le coffre est encore solide et peut lutter longtemps ! La fatigue me fait du bien... et j'ai pris l'habitude du chagrin... Les pauvres gens peuvent-ils être heureux ? A qui le bon Dieu donnerait-il son ciel s'il n'y avait sur la terre que des gens heureux ? Bête de somme que je suis, que tous nous sommes, sous le joug pesant de la Fatalité ! Tristes serfs d'une besogne qui ne cesse jamais! Piteux jouets aux mains de l'injus- tice, dans un monde où tout n'est que misère et déception, où choses et gens sont nos ennemis, où les enfants même, dans l'égoïsme de l'amour, nous mar- tyrisent et nous disent: (Aprement). — \'ous avez assez vécu ! Place ! Place ! nous n'avons plus besoin de vous!... nous ne voulons plus de maîtres!... (Douloureusement) . Et, si l'on veut lutter contre leur folie,ces êtres d'orguel, narguant notre tendresse, ajoutent leur haine à toutes nos détresses, et silencieux, implac- ables, impatients, ils attendent que la mort vienne les délivrer de ceux qui voudraient mourir pour eux ! fLouiSE se lève lentement, ouvre la fenêtre de sa chambre et regarde dans la nuit. Le père la suit des yeu.v) . Voir naître une enfant, la fleurir de caresse, guider ses premiers pas, sou- rire à son premier sourire... ('Louise pleure; le père la contemple avec une émotion croissante). Les fatigues, les tourments, rien ne coûte : c'est pour elle ; (|u'clk' soit tou- jours plus belle! L'enfant grandit: c'est maintenant une jolie demoiselle vers laquelle s'empressent les galants. LOUISE 67 Julien. There, go, messenger of happiness! And don't forget tliat from this mo- ment, I shall count all the hours. (Louise takes off the shmc! they had given her and hands it to Julien. The mother goes toivard garden gate. Louise, troubled, follows her. stopping at each step. On a gesture of Julien she returns and throws herself in his arms. Louise goes out backward, one hand on her lips. Ji'LiEN (spreading his arms to her). Oh, pretty one ! FOURTH ACT. (Same scene as first act. The house and terrace of Julien have disap- peared and one. sees Paris in the distance. Nine o'clock in the even- ing. Summer.) (The father is seated near the table. The mother, in the kitchen, making ready for the n'ash. Through a glasi door Louise is seen in her room. The mother approaches father, ini'itcs him to drink. He, his eyes fixed on Louise, seems not to sec her.) Mother (trying to cheer him). You ought to go to the window. It feels so good since the wreckers did away with old faubourg and opened to Paris the road to our room. Ah! now we can breathe. See the big tunnel of air, light and life. Father (after a silence). Yes, a famous tunnel through which a good many things disappeared. Mother. Many people. F,\THER. And some happiness. ]\IoTHER (affectionately). You were, perhaps, wrong to work so much to-day... Father. After twenty days of laziness, I had to make an eflfort to get in harness again ; hut now its over and I'm all right. The trunk is still solid and can struggle a long time. F'atigue does me good and I've taken the habit of sorrow... Can poor jieople be happy ? To whom would the good God give his heaven if there were only happy people on earth? Beast of burden that I am, that we all are, under the heavy weight of Fatality. Sorrowful serfs of a task that never ends. Piteous toys in the hands of injus- tice, in a world where everything is but misery and deception, where things and people are our enemies, where even the children, in the egoism of love, martyrise us and say to us: (Bitterly.) You have lived enough. Room, Room ! \\'e don't need you any more. We won't have any more masters !... (Sadly.) And, if one would fight against tiieir folly, these proud beings, laughing at our tenderness, adding their hatred to all our distresses, silent, impatient, wait that death shall come to deliver them from those who would die for them! (I^ouise slowly rises, opens her win- do:c and looks into the night. The father's eyes follozv her.) See a child born, flower her with caresses, guide her first steps, smile at her first smile. (Louise zveeps. The father looks at her with growing emotion.) Fatigues, torments, nothing mat- ters; 'tis for her — that she may al- ways be handsome. The child grows. She is now a pretty demoiselle upon whom gallants br^in to press. 68 LO U [SE (Louise ferme sa fenêtre et se rassied). Tout en elle est ravissant ; ils sont fiers, les vieux parents, car la fille de leur sang est pour tous un modèle d'honneur et de sagesse ! Puis, un jour, un inconnu qui passe, d'un regard enjôleur séduit la pure fille et chasse le passé de son cœur ; s'em- pare de sa pensée et détruit à jamais notre bonheur! Ah ! soit maudit le voleur d'amour qui. de notre fille, fit pour nous une étrangère ; le ravisseur dont le caprice d'un jour nous causa tant de larmes et changea le foyer de calme et de joie en un enfer de discorde et de haine ! (Silence.) La Mere (de la cuisine). Louise ! Louise ! Louise. Quoi : La Mere. Viens m'aider ! (Louise se lève, range son ouvrage, éteint sa lampe, puis ouvre la porte; le père se tourne vers elle, lui tend les bras: elle passe sans le voir, se dirige vers la cuisine et disparaît. Les deu.v femmes, à la cantonade). La Mere. Auras-tu bientôt fini de bouder ? Tu n'as donc pas pitié de ton père ? (Le père écoute avidement) Tu supposes peut-être qu'on va te laisser retourner chez ton amoureux? Louise (vivement). Vous l'aviez promis! La Mere. Tu sais bien que c'est impossible. On n'peut pas te laiser r'commencer une vie pareile! Tu la connais, mainte- nant, la vie de bohème ; tu sais ce que c'est: de la misère en chansons. Voy- ons, sois raisonnable!... sois bonne pour nous... Ton pauvre père souffre tant! (Père se lève et s'approche de la cui- sine). Louise (dont la voix s'élève). l'amour libre! La Mere (moqueuse). L'amour libre, l'amour libre! en prônant aujourd'hui ce qu'il appelle l'amour libre, il n'a qu'un but : esquiv- er le mariage ! L'amour libre!... en voilà une his- toire ! (Elle rit raïlleusement. Lentement, le père va se rasseoir). Louise. Rira bien qui rira- la dernière! La Mere. C'est ce que nous verrons... en at- tendant, va dormir, c'est l'heure ; et n'oublie pas de dire bonsoir à ton père. /'Louise paraît à la porte: elle <;'avance lentement, et se dirige vers le père). Louise. Bonsoir, père. (Elle lui présente son front. Le père la saisit avec violence, et l'embrasse longuement. Sans lui rendre son baiser, Louise se dégage et s'éloigne froidement. Le père tend vers elle ses br/is. puis s'élance). Le Père. Louise ! (Suppliant). Louise ! (// l'attire à lui). Regarde-moi ! (Tendre). Ne suis-jc plus ton père? N'es-tu LOUISE 69 fLouisE closes windoivs. S'ils again.) Everything about her is ravishing ; they are proud, the old parents, for the girl of their blood is a model of honor and wisdom. (He rises. ) Then one day, a passing stranger with a cunning glance seduces the pure girl and chases the past frnni lier heart, takes possession of her thoughts and destroys our happiness forever. Ah, cursed be the robber of love, who of our daughter made a stranger to us ; the ravisher whose caprice of a day caused us so many tears and changed the hearth of calm and joy into a hell of discord and hatred. (Silence.) Mother (front kitchen). Louise ! Louise ! Louise. What? Mother. Come and help me. (Louise rises, arranges her seiving, puts out her lamp, then opens the door. The father turns to her with arms out- stretched. She passes him without looking and goes to the kitchen and disappears.) Mother (outside). Have Will you soon stop sulking? you no pity on your father? (Father listens an.viously.) Perhaps you think we are going to let you return to your lover ? Louise (lively). You promised it. Mother. You know that it's impossible. We can't let begin again such a life as that. You know now what it is, this bo- hemian life — misery in songs. Come, be reasonable. ..be good to us... Your poor father suffers so much. (Father rises and goes tozvard kitchen.) Louise (loud voice). ...love that is free! Mother (mockingly). Free love, free love. Tn practicing to-day what is called free love he had only one aim. to slide out of marriage. Free love. ..that's a fine story. (.'^he laughs mockingly, dozvn again.) Father sits Louise. Laughs best who laughs last. Mother. We'll see about that. In the mean- time, go to your sleep — it's time ; and don't forget to say good-night to your father. (Louise appears at door, walks slowly and goes tozvard father.) Louise. Good-night, father. (She presents her forehead. Father seises her z'iolentlv and embraces her long. Without giz'ing back kiss. Louise moves azi'ay coldly. Father strains his arms toward her then springs.) Father. Louise ! (Begging.) Louise ! (He drazcs her to him.) Look at me. (Tenderly.) Am I not your father? Are you 70 LOUISE plus l'enfant qu'autre-fois j'ai bercée dans mes bras? N'es-tu plus la fille de mon sang? (Il l'assied sur ses genoux et la berce comme un enfant). Le Père (la retenant). Reste... repose-toi... comme jadis, toute petite... (Louise cherche à s'évader). Reste... Ah! souviens-toi des beaux jours d'autrefois !... (Louise essaie doucement de se dégag- er). Pourquoi veux-tu partir? Est-il donc pour toi un refuge sur la terre plus doux que le cœur de ton père? (La berçant). L'enfant dormira bientôt... l'enfant dormira bientôt... Comme autrefois, endors-toil (S'cfforcant de sourire). "Si la p'tite enfant est sage... elle aura une belle image... do-do... l'enfant do." Louise (lève la tête). L'enfant serait sage, tout à fait sage, si son père voulait lui faire moins de peine et comprendre que la douleur est mauvaise conseillère... Le Père. Pourquoi parler de peine et parler de douleur, quand un père, une mère t'aiment et ne vivent que pour ton bon- heur ? Louise (avec ironie). Mon bonheur?... Vous n'avez qu'un signe à faire pour que revienne le bonheur. (Gentiment enfantin, mais toujours triste). La belle image (|uc l'enfant désire, la grâce qu'cll-vous demande c'est de n'être plus, comme un oiseau mis en cage... (Elle se lève). privée de liberté et emprisonnée par votre aveugle tendresse, qui s'imagine que je puisse être heureuse à vivre ainsi qu'une captive, dans l'âge où, sans la liberté, la vie est pire que la mort. (La mère paraît). L.\ Père. Si tu veux être libre, laisse li ton rêve de folie... Louise (à part). Mon rêve de folie!... Vous voulez que j'abandonne tout espoir, et que je mente à mes ser- ments... comme vous mentîtes... à vos promesses ! La Mere. Insolente ! Louise (imita)it sa mère). "Oh ! elle sera libre, maintenant ; ce que nous demandons, c'est l'avoir un peu, car nous l'aimons depuis plus longtemps que vous ; elle nous aimait avant de vous connaître." (Se tournant 7'crs sa mère). Vous nous reconnaissiez, alors, le droit de nous aimer et de nous le dire! L.\ Mere. Nous vous reconnaissions le droit de vous marier, pas autre chose ! Tant pis pour toi, (Sarcastique). si ton amant satisfait, réclame main- tenant l'union libre. (Brutale). Tu n'as que ce que tu mérites. Louise (indigner). Comment!... comment!... Tu oses le nier!... n'est-il pas vrai que tu m'avais promis de me laisser libre? LOUISE 71 no longer the child who used to cradle in my arms ? Are you no longer the daughter of my blood? (He scats her on his knees like a child.) Father (retaining her). Remain — rest. ..as in other days — long ago. (Louise seeks to escape.) Remain. Ah, do you remember the fine days of long ago ? (Louise tries gently to get away.) Why do you want to go? Is there for you a refuge safer on earth than your father's heart? (Rocking her.) Soon the child will be asleep, Soon the child will be asleep, Go to sleep as in the old times. (Forcing himself to smile.) If the little child is good She shall have a pretty picture. Do, do. Baby, do, do. Louise (raising head). The child would be good, and very, very good, if her father would give her less trouble and understand that grief is a poor counselor... Father. Why speak of trouble and grief, when a father and a mother only live for your happiness? Louise (ironically.) My happiness. You have only to make a sign and happiness will return. (Prettily childish, but sadly.) The handsome picture the child wants, the mercy that she requests is no longer to be like a bird in a cage (She rises.) deprived of liberty and imprisoned by your blind tenderness, which imagines that I can be happy living like a captive, at an age wtien, without lib- erty, life is worse than death. (The mother appears.) Father. If you wish to be free abandon your dream of folly... Louise, (aside). My dream of folly !... You wish me to abandon all hope. That I belie my oaths... .■\s you lied... In your promises. Mother. Insolent. Louise (imitating her mother). "Oh now .she will be free. What we ask is to have her a little for we have loved her longer than you. She loved us before she knew you." (Turning to her mother.) You recognized our right then to love one another and to say it. Mother. We recognized your right to marry — nothing else. The worse for you. (Sarcastic.) And if your lover satisfied, now cries, Free love — (Brutally.) You've only got what you deserve. Louise (indignant). What. ..what!. ..You dare deny it? Is it not true that you promised to leave me free. 72 LOUISE Le Père. La liberté que tu demandes, c'est la liberté de courir les rues... la liberté de nous déshonorer ! (Il prend Louise dans ses bras, avec détresse) . Louise, ô mon enfant ! Qui m'aurait dit qu'un jour tu renierais ma ten- dresse, et que, loin de moi, tu demand- erais à vivre? O Louise, reviens à toi ! Comme autrefois, dans mes bras, en- dors-toi !... (Il l'assied sur ses genoux). N'est-ce plus mon enfant, ma Louise chérie, que je presse en mes bras trem- blants? Louise (arec amertume). Les parents voudraient qu'on restât le marmot dont la pensée sommeille à l'ombre de leur volonté ! La Père. Les misères, les tourments, tout s'ouble auprès d'elle ; elle est si bonne, si aimante, si belle! Louise. Pourquoi serais-je belle... si ce n'est pour être aimée?... Le Père. Ah ! n'est-ce pas t'aimer que te don- ner notre vie? Louise. Vous prenez la mienne ! Le Père. N'est-ce pas t'aimer que t'avoir par- donné... Louise. Pour m'emprisonner mieux qu'au- trefois! Le Père N'est-ce pas t'aimer que te supplier.. quand j'aurais le droit de commander.. fLouisE s'éloigne vivement du père. Celui-ci s'avance sur elle, mena- çant). Louise. Tout être a le droit d'être libre ! Tout cœur a le devoir d'aimer ! Aveugle celui qui veut garrotter l'originale et fière volonté d'une âme qui s'éveille et qui réclame sa part de soleil, sa part d'amour ! L.\ Père (découragé). Ah ! ce n'est pas toi qui parles par ta bouche, méchante ! Non ! ce n'tst pas toi ! C'est une étrangère, une enne- mie impitoyable. Ce n'est plus ma fille ! mon seul bien! mon espoir! ma jolie! \'oix Lointaines. O Jolie!... Louise. Paris ! Paris m'appelle ! \^oix Lointaines. .folie!... Louise. O la magique, la chère musique de la grande ville!... Le Père (avec haine). Paris!... Louise. O l'attirante promesse!... Le Père. Paris!... Louise. L'inoubliable, l'affolant vertige!... Au secours de la Fille, la Ville vien- drait-elle? (On aperçoit la ville qui peu à peu s'éclaire). Paris! Paris! Fête éternelle du plaisir ! LOUISE 73 Father. The liberty you ask is the liberty to gad the streets — freedom to dishonor yourself. (Taking Louise in his arms, dis- tressedly.) Louise, oh my child. Who could have told me that one day, you would give up my love and that you would wish to live far from me? Oh Louise, come back to yourself as in the past, in my arms, go to sleep. . (He places her on Iiis knees.) Is it no longer my child, my dar- ling Louise, whom I press in these trembling arms? Louise (bitterly). Parents would wish that one re- mained a dormouse, the thought of which slumbers in the shadow of their will. Father. Miseries and torments, all are for- gotten now. She is so good, so lov- ing, so pretty. Louise. Why should I be pretty Unless it is to be loved ? Father. Is it not loving you to give you our hfe. Louise. You take mine. Father. Is it not loving you to have for- given?... Louise. So as to imprison me more than ever. Father. Is it not loving you to beseech. When I should have the right to command ? (Louise tears herself away from her father. He advances on her threat- ingly.) Louise. All beings have the right to be free, Every heart has the right to love. Rlincl is he who would fetter the first and proud will of a soul that claims its share of sun, Its share of love. F..\ther. Oh, it is not thou who speaketh by thy mouth, wicked one. No it is not thee. It is a stranger, an enemy, un- forgiving. It is no longer my daugh- ter, my only possession, my hope, my pretty one. Distant Voices. Oh, pretty one ! Louise. Paris, Paris calls me. Distant Voices. Oh, pretty one! Louise. Oh, the magic, the dear music of the town. Father (;ivith hatred), Paris ! Louise. The attractive promise. Father. Paris ! Louise. The unforgetable. the delightful craze. To the help of the Girl would the town come. (The city gradually lights up.) Paris, Paris, eternal festival of pleasure ; 74 LO VISE Paris ! splendeur de mes désirs ! Paris, ô Paris, secours ma détresse. Ressucite l'ivresse des hymnes d'allé- gresse ! Que s'écroulent les murs de la triste prison ! Sonne, cloche de joie des libres épousailles ! Fais revivre le charme de l'heure où mon cœur battait contre son cœur ! Le Perf (dont la colère augmente). Ah! Louise. Vers sa demeure, asile des rêves, ville maternelle, porte moi d'un coup d'aile ! Tais-toi ' Le Père. Louise. Encore un jour d'amour ! Encore un jour d'amour! (Le père ferme la fenêtre). Le Père. Tais-toi ! Tais-toi ! La Mere. Elle devient folle. Louise (à toute volée). Qu'il vienne vite, vite, mon bien- aimé, pareil aux hardis chevaliers des contes bleus de la Légende. La Mere. Que dit-elle? Louise. A mon appel va-t-il accourir, le Prince Charmant, dont la caresse éveilla la petite Montmartroise au cœur dormant! Lk Père. Tu n'as pas lionte! Louise. Qu'il vienne donc le poète, dont la tendresse triomphante fit une Muse de la oauvre recluse! La ^Iere. Veux-tu te taire ! Louise. Ce n'est plus la petite fille au cœur timide et craintif, c'est une femme, au cœur de flamme, qui veut reprendre son amant! (Elle s'élance vers la porte. Le père lui barre le passage). Le Père. Tu ne passeras pas ! Louise (tournant dans la chambre comme une hallucinée). La! la! la! la! la! la! Il va venir bientôt ! La ! la ! la ! la ! la ! la ! Je vais revoir les yeux du bien-aimé; je vais entendre sa parole ; et mes lèvres vont pouvoir se griser de son ardent baiser toute l'éternité ! Julien ! à moi ! Julien, pour toujour-;, prends-moi !... Le Père. (Au paroxysme de la colère, il .'i'élance sur elle comme pour la frapper : puis se ravise et, furicusciucnt. ouzi-c In porte). .Ah ! misérable ! va-t'en ! va-t'en le retrouver ! Dans la ville, qui t'appelle, va donc t'amuser! C'est plus gai qu'ici, là-bas!... (Il court vers Louise, lui saisit les uuiius, la I raine z'crs la porte). Allons, dépèche-toi ! voici la fête qui s'allume ! Ah ! ah ! ah ! Toutes les filles sont là; on les entend crier; " — Que la danse commence!" — Et brijlent les lampions!... et ronfle la musique ! (Montrant Paris). — "Voilà rplaisir, mcsdam's!" On danse à crever, on ril :'i plonri-r. LO VISE 75 Paris, splendor of my desires. Paris, oh Paris aid my distress. Resurrect the bhss of thy hymns of delight ! That the walls of the sad prison may fall. Ring out, bell of joy of a free u'lion, Let the charm revive of the hour v.'hen his heart beat against mine. F.\THER (zvhose anger groivs). Ah! Louise. Toward his habitation, home of dreams, maternal city, carry me with a stroke of the wing ! Father. Be quiet! Louise. One more day of love! One more day of love ! (Father closes the window.) F.AÏHER. Be quiet! be quiet! The Mother. She's going mad. Louise (loudly). Let him come quickly, quickly, my •NçW beloved, like the bold knights of the blue stories of the Legend. Mother. What is she saying? Louise. At my call, will he come, the Prince riiarming, whose kiss awakened the little Montmartraise of the sleeping heart. Father. You are not ashamed? Louise. Let him come then, the poet whose triumphant tenderness made a Muse of the poor recluse. Mother. Will you shut up? Louise. It is no longer the little girl of the timid heart and afraid, it is a woman, with heart of flame, who wants back her lover. (She rushes to door. Father gets in front of her. Father. You shall not pass. Louise (fuming about like a mad '^^■oiiiaii. La, la, la, la, la, la. He will come soon. La, la, la, la, la, la. I shall once more see the eyes of my beloved, I shall hear him speak and my lips will get drunk under his ardent kisses for all eternity ! Julien, come to me, Julien, forever, take me ! Father , (In a paroxysm of anger, he throxvs himself upon her as if to strike her. On second thought, furiously he opens the door). Ah, wretch ! Go, go and find him. In the town that calls you, go then amuse yourself. It's gayer than here, over there ! (He runs at Louise, scices her hands and drags her to door). Come, hurry, here is the fete- lighting up. .\h. ha, ha. .\11 the girls are there. (Jne can hear them cry out "Let the dance begin!" The lanterns burn — the music sounds. (Shozi'ing Paris.) Here's yoiu- pleasure, ladies. They'll dance till they die, they'lF laugli till thei' crj'. 76 LOUISE CLouisE s'échappe et se réfugie au bout de la chambre). "Voilà rplaisir, mesdam's !" On n'atend plus que toi! allons, va, mais va donc ! La Mere. Pierre ! Louise (tremblante, apeurée, hésitant à sortir court autour de la chambre). Ah! La Mere (s accrochant an père). Laisse-la ! Le Père. Dépêche-toi ! La Mere. Laisse-la, je t'en prie! Li; Père. M'entends-tu ? La Mere (s accrochant au père). Pierre ! Le Père (presque hurlé). Vas-tu t'en aller? ou je te jette à la porte ! (Il vent s'élancer. La mère le retient: hors de lui, il écarte la mère avec violence et s'élance). Le Père. (Cri). Ah! La Mere (tombant). (Cri). Ah! Louise (affolée, s'enfuit). (Cri). Ah! ('Louise partie, le père regarde autour de lui... Sa colère tombe... Il regrette et s'élance dans l'escalier. On l'entend appeler). Le Père. Louise!... Louise!... (La mère se relève, le père apparaît. Il reste un moment sur le seuil, comme terrassé par la douleur). Le Père (tendant le poing vers la vi'l -, avec haine). O Paris!!! N, L O U I S E 77 J Louise escapes to the end of the ruomj. There's the pleasure, ladies. They're only awaiting you, go on, !;et out. Mother. Pierre ! (Louise, trembling, frightened runs around the room). Ah! Mother (holding on to father). Leave her alone. Father. , Hurry up. Mother. Let her be, I beg. Father. Do you hear me? Mother {holding to father). Pierre ! Father (almost howling). Will you get out? or do you want me to throw you through the door? (He rushes at her. Mother holds him back. He pushes her a'lVay and rushes at Louise). Father (with a cry). Ah! Mother (falling, with a cry). Ah! Louise (crazed, escapes, ivith a cry). Ah! (Louise gone, the father looks about him. His anger falls. He re- grets and runs to staircase. He ts heard calling). Father. Louise !... Louise!... (The mother rises. The father re- turns, remains a moment on the sill expressing keenest sorrow. The Fath- er shakins; his ^st "d'ifh hatred). Oh. Paris!! THE END. )47 8 ^l&. THE STEffl\i5Sy PIANO To uphold a reputation for tone quality une- qualled ; to build a piano that has fixed the basic principles for all makes ; to create a world stan- dard and keep it at a level unapproached by others — that is the Steinway achievement through four generations. Quality should be the only determining factor in the selection of a piano. STEINWAY & SONS STEINWAY HALL 107 and 109 East 14th Street, New York Subway Express Station at the Door Represented by the Foremost Dealers Everywhere Untvofstfy 01 Calilornia, Los Angiikrt L 006 694 364 8 MUSIC LIBRARY ML 50 C38L9 1907 cop «2 'TlirP'iRrn'O'lAL LIBRARY FACIlITr' D 000 680 047