%a3MNfl'3k\V"'' -^OAl: NVSOV<^' i\m- J(' ^CAHvaaii i>^' ' ^.. ■> c- ANCElfj}> .lit I it|\ 'for. uJiir J -jv^ "J laji'» jui ■ ■'JUJ( VI »n 3\'^ ■ »J( 1 ".1 3 V f r.l■r.^r^ ,1 ir ii>ii\ rnr,. . 1 r\K uirci Tr .- r » 1 1 r c^^^ AyVfjon jv •^JliJnv ^i;i = -< 1 >; \u> 00/ rp ^^y[■UNIVER5•/4. ^vlOSANCflfj-^ ,^\' .JrMl'll JH" I p.v" I urn r , i II '.)a:i/Mi»ii an' .^^llIBRARYG^ ,vlsWSANCElfx^ .;,OF-CA1IFO% 5 %a3 vvlOSAflCflfr^. %J12::. NilWV ^ # %^ i.X)H' ,v,l05ANCflfj>^ V = ^ V, is-Asr,f!ff^ ^■^^ ^ 3 ; :jllVJ-i'J' i* JIIVJ JVJ ■ ''^/itiJAiNil ]U' % ZJ\ i 5 % y'-,. 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Gibbon— Contrast of the em- ployments of Mr. Gibbon and M. Necker. . 649 LI. Madame Necker à M. Gibbon, on the disputes at Ge- neva, and state of that City. .... 6âO LII. Madame Necker à M. Gibbon — the Prince of Hesse's visit CONTENTS TO VOL, III. IX No. Page visit to M. de Severy — advises Mr. Gibbon not to marry late in life. June 15tb, \79^2 . . 6,51 LIII. Madame Neckcr à M. Gibbon, on M. Necker's Works, " Le Tableau de l'Etat ]\Ioral, Les Opinions Reli- gieuses, &c." — her and M. Necker's admiration of his History. July 5th, 1792 . .... 653 LIV. Madame Necker à M. Gibbon, on Mr. Gibbon's Opinion of M. Necker's Work. Aug. 10th, 17i)2 . . 653 LV. Madame Necker à M. Gibbon, on the Murder of JNL de Clermont, le Due de Rochefoucault, Sec. Sept. 21st, 1792 65^ LVL Madame Necker à M. Gibbon — M. de Montesquiou — the National Convention, &c. Oct. 8th, 1792 . 658 LVIL ]\Iadame Necker à M. Gibbon — Affairs of Geneva. Nov. 11th, 1792 ih. LVIIL INladame Necker à M. Gibbon— Thanks for his Obser- vations on M. Necker as an Author — Doubts about returning to Geneva. Nov. 29th, 1792 . 659 LIX. Madame Necker à M. Gibbon, on her Daug-hter's leavins: Home — M. Necker's Distress on the Trial of Louis Seize. Jan. 2d, 1793 661 LX. Madame Necker à M. Gibbon, on M. Necker's Employ- ments — their attempts to regain their Property — repeats her admiration of Mr. Gibbon. July 12th, 1793 663 LXL Madame Necker à M. Gibbon — her Disquietude on the state of his Health — on Geneva, the Tumults there. Dec. 9th, 1793 664^ LXIL Sir John Macpherson to Mr. Gibbon — Account of his Tour through Spain. Dec. 4th, 1792 LXIIL M. Necker à M. Gibbon— his wish to see Mr. Gibbon. March 19th, 1793 66S LXIV. Dr. Vincent (now Dean of Westminster) to Mr. Gibbon — Compliments on his Works — on the Time of Mr. Gibbon's Entrance at Westminster School. July 20th, 1793 - . 669 LXV. CONTENTS TO VOL. III. No. LXV. LXVI. LXVII. LXVIII. LXIX. LXX. LXXI. LXXII. LXXIII. LXXIV. Page . 670 ib. 672 674 ib. Dr. Vincent to Mr. Gibbon, on the same subject . Mr. I'inkcrton to Mr. G ibbon, on the Scheme fbrre-pubhsh- ing the Ancient Englisli Historians. July 23(1, 1793 . Mr. Gibbon to Mr. Pinkerton, on the same Subject. July 25th, 1793 Mr. Gibbon to Lord Auckland. Nov. 27tli, 1798 M. Necker a M. Gibbon, on Mr. Gibbons Health — his House at Lausanne, &c. Nov. 1793 Dr. Cooke, Dean of Ely, and Provost of King's College, Cambridge, toLordShefiield, on the publication of Mr. Gibbon's Miscellaneous Works, &c. April 11th, 1796 675 Dr. Cooke to Lord Sheffield, with thanks for a Present of jMr. Gibbon's Works, and Observations upon them. April 26th, 1796 Rev. Norton Nicholls to Lord Sheffield, on the publica- tion of Mr. Gibbon's Miscellaneous Works. June 2d, 1796 G. L. Way, Esq. to Lord Sheffield, on the same Subject . S. Rose, Esq. to Lord Sheffield, with an Extract of a Letter of Mr. Mackenzie's on the publication of Mr. Gibbon's Miscellaneous Works. Sept. 7th, 1796 Epitaph. 676 677 678 679 MEMOIRE MEMOIRE SUR LA MONARCHIE DES MEDES, POUR SERVIR DE SUPPLÉMENT AUX DISSERTATIONS DE MM. FRERET ET DE BOUGAINVILLE. Parmi les savans qui ont osé pénétrer dans la nuit du tems pour y dé- couvrir les origines des nations de l'Orient l'on doit distinguer M. Frerct de l'Académie des Belles Lettres. Cet habile homme, égal aux Scaliger et aux Marsham par son érudition, a su substituer h leurs vues bornées, à leurs conjectures hasardées, et à leurs hypothèses partiales et défectueuses, un esprit de système, de critique, et de philosophie. Il a rassemblé toutes les autorités qui nous sont parvenues. Il les a étudié, apprécié, rapproché et comparé. De ce travail il a vu sortir une masse de lumière qui éclaire, sans nous éblouir. Je vais exposer son système. Dans ces sortes d'étude nous devons chercher la vérité et nous contenter de la vraisemblance. 1. L'an 1968 avant Jésus Christ est l'époque radicale de l'empire des y p^^^gj t^^^^ Assyriens. Ce peuple et leurs successeurs les Mèdes, les Perses et les ^^ ''^™''- ?"!• •'Il V. p. 331 — 40S. Macédoniens ont régné 1.905 ans. L'an 63 le Grand Pompée dépouilla le dernier des Séleucides de l'héritage de ses pères et fit passer l'Asie sous les loix de la république.* * Ce fragment est curieux. Mais il y a bien quelque chose ù dire. 1. Nous ne connois- sons point cet Emile Sura. 2. Lipse a soupçonné que cet endroit n'est pas du texte de Vel- léius. 3. 11 y a des variantes quant au nombre: il faut opter entre 1905 et 1995. 4. Cet auteur semble indiquer l'époque de la défaite de Philippe et d'Antiochus plutôt que celle des conquêtes de Pompée. VOL. III. B 3. Vel- 2 SUR LA MOXARCHIE DES MEDES. Vci" Parler"! T ^" ^<^^'^'"s Patciculus pkcc la révolte d'Arbace 1070 ans après le règne de Ninus. Dans son propre système, c'est 898 ans avant J. C. La voix unanime de l'antiquité nous rapproche de cette époque. 3. Castor, fameux chronologiste de l'antiquité, assignoit 1280 ans de durée à cet empire. Ils nous conduisent à 6'88 ans avant J. C. C'est l'année que les Mèdes d'Hérodote eide\èrent aux Assyriens l'empire de . l'Asie. 4. Ctesias nous donne 1360 ans jusqu'à la destruction totale de Ninève et la mort du dernier de ses rois. L'on trouve par les combinaisons lea plus sûres que l'an avant Christ 608 fut celui de cette grande révolution. Trois souverains de cette d^'nastie ont porté le nom de Sardanapale, et la ressemblance des noms, jointe à celle des événemens, a répandu sur les récits des Grecs une confusion, dont une critique éclairée peut seule nous garantir. T. de TîoHçain, Nous souimcs parvcnus à l'aurore, mais cette aurore est couverte de xxiii. p. 1— 33. nuages. M. rreret na pomt essaye de les dissiper. JMais le premier de ses disciples, M. de Bougainville, son confrère, son successeur, son inter- prète et son ami, a voulu consommer ce grand ouvrage. D'un coup d'œil sûr et lumineux il a parcou'ru le tableau de l'Asie soumise aux Mèdes. Il a vu que les deux dynasties de Ctesias et d'Hérodote étoient essentiellement différentes, et que les loix de la critique nous permet- toient aussi peu de les rejetter que de les accorder. Un seul parti lui restoit: son heureuse simplicité l'avoit dérobé à tous les yeux. Il sup- pose que les deux historiens ont parlé de deux monarchies différentes, et que les successeurs d'Arbace régnoient à Suse lorsque Déjoce jetta les fondemens d'Agbatane. INI. de Vignoles avoit déjà proposé cette expli- cation, mais il étoit réservé à M. de Bougainville de changer en système raisonné ce qui n'étoit encore qu'une conjecture hasardée. Il lui restoit encore le soin de développer l'origine, la liaison, et les révolutions des deux dynasties, et de montrer que cette distinction mettoit dans l'histoire ancienne un accord et une harmonie qu'on chercheroit vainement ail- leurs. Il se proposoit de remplir cette tâche dans un second mémoire. Ses occupations et ses maux auront reculé l'exécution de sa promesse, et la mort, qui l'a enlevé à la société et aux lettres, ne permet plus d'espé- rance. Je me propose de poursuivre ses idées. Je donnerai quelques coups de crayon au tableau imparfait d'un grand maître: ce maître étoit sun LA MONARCHIE DES MEDES. 3 étoit mon ami. Je goûte un triste plaisir clans cette occupation qui me retrace si vivement tout ce qu'il a été, et tout ce qu'il n'est plus. Je crois devoir m'arrêter un instant pour réfléchir sur le caractère de Ctesias, et sur le degré de foi que méritent ses annales. On peut le fixer en peu de mots. Ctesias se servoit assez mal des excellens matériaux qu'il avoit sous les yeux. Un séjour de dix-sept ans à la cour de Perse et la faveur d'Artaxerxe dont il étoit le médecin, lui ouvrirent toutes les archives de la monarchie, et lui donnent un avantage décidé sur les his- toriens qui n'ont rempli leurs ouvrages que des traditions populaires qu'ils avoient recueilli dans leurs voyages. Mais résolu de s'élever sur les débris de la réputation d'Hérodote, il ne sacrifioit que trop souvent les mtérêts de la vérité à l'envie de plaire à sa nation toujours avide de nouveautés et de fables. Voilà l'idée que les plus habiles critiques de Voy. Phot. bîb- 1 antiquité nous ont donne de cet ecnvam; mais ils ont cru en même 133. Freretdan» , , , . . , lea Mém. de tems que son imagination a toujours respecte les grands principes de pAcadémie, l'histoire de l'orient; et les ouvrages nationaux qui ont paru sous les toi"! li.'^i.. 175. successeurs d'Alexandic n'ont jamais ébranlé le système de Ctesias sur l'origine, la durée, et la ruine des empires des Mèdes et des Assyriens. Une critique modeste et impartiale pourroit décomposer le tissu des récits de cet historien, démêler la vérité, et éclaircir souvent la source des erreurs. Une pareille reclierche exigeroit sans doute un examen attentif et détaillé. Je dirai seulement ici qu'au lieu de rejeîter ou d'adopter en gros son histoire orientale, je distinguerois plusieurs classes de faits, d'opinions et de fables; très indépendentes par leur nature et leur auto- rité, et réunies seulement dans la narration de Ctesias. 1. Les traits vraiment historiques qu'il a puisés dans les annales et qui portent tous les caractères de l'évidence. 2. Les traditions fabuleuses des peuples qui font partie de leur système religieux, ou qui servent à orner le berceau des empires. Le plus sage des historiens les rapporte. Le lecteur sourit; il les détache sans peine du corps de l'histoire, et la croix de Constantin ne lui fait point rejetter la défaite de Maxence. Je citerois ici la nais- sance et l'éducation de Sémiramis. 3. Les interprétations que Ctesias à ii.'p. n'd".' Éd. données à ses matériaux. Nous ignorons la nature précise des secours qu'il a eu, si les écrivains originaux de Ninève existoient encore, s'il a travaillé sur des abrégés faits sous la dynastie des Mèdes ou même sons celle des Perses. Il se voyoit obligé de rendre, dans une langue étran- B 2 gère, Wessel, Diodor. Sic. 4 SUR LA iMONAUCHIE DES MEDES. gère, des noms de dignités, de lieux, et mille idées devenues obscures dans le siècle de Ctesias. Quelle source féconde d'erreurs ! Il vouloit composer une histoire générale par la réunion de plusieurs chroniques particulières ; mais peu accoutumé aux études chronologitjues, destitué d'une époque générale, égaré par la différence ou par la ressemblance des noms, il marchoit en aveugle et nous autorise à distinguer entre les faits particuliers qu'il rapporte, et le système de chronologie par lequel il les rassemble. 4. A l'exemple de ses devanciers il interrompt souvent son rir.p.iso.&c. récit par des digressions ménagées avec art et liées avec son sujet princi- i28,'i«9,'&c.' pal : mais cette liaison qui existe dans res[)rit de l'historien n'a poinr de fondement dans la nature des choses. A l'occasion des grands travaux de Sémiramis, Ctesias décrit la plupart des monumens que la tradition attribuoit à cette princesse. Mais l'autorité de ces traditions, et la vérité des descriptions n'ont rien de commun avec la foi des anciennes annales qui constatent l'existence d'une Sémiramis et les grands événemens de son règne. 5. Je sens, et je l'avoue sans peine, qu'il y avoit des fictions aussi bien que des erreurs dans les ouvrages de Ctesias. Il a souvent quitté le personnage d'historien pour celui de rhéteur et même de poëte : L. il. p. 128, je mets, sans balancer, dans cette classe l'oracle d'Ammon, et le secours qu'un roi d'Assyrie envoya aux Troyens. J'accorderai, si l'on veut, que L.ii. p. 117, les armées de Ninus et de Sémiramis sont trop nombreuses, et que nous "^ ' '^' pourrions donner un peu moins d'étendue à leur empire. 6. Si l'ou- vrage de Ctesias subsistoit encore nous n'aurions point à craindre de nous tromper sur ses véritables sentimens. IMais nous ne le connoissons plus que par l'Abrégé de Photius,* et par les extraits détaillés de Diodore de Sicile, de Nicolas de Damas, &c. L'on ne sent que trop combien nous sommes portés à mêler nos idées avec celles que nous rapportons et à faire des changemens dont nous ne voyons pas la conséquence. Dio- dore de Sicile doit en général nous tenir lieu d'un original qu'il suit de près, dont il rapporte souvent les paroles, et qu'il a cependant altéré plus V. 1. ii p. 187, (lune fois. Mais ie ne puis souffrir qu'on relève les erreurs d'un abbré- et Wcsseling, ^ i i not. 60. viateur, d'un Justin copiste de la troisième main, et qu'on les employe contre l'autorité de Ctesias. L'abbréviatcur lui a fait dire que Ninus PI (BU ) * ïl ^*' ^ssez surprenant que ce patriarche se soit contenté d'indiquer les six premiers livres 106, S>.c. de Cteiias qui contenoient l'histoire des Mèdes et des Assyriens, et qu'il n'ait commencé sou extrait que par le septième. Il avoit lu tous les vingt-trois livres de cet historien. fut SUR LA MONARCHIE DES MEDES. 5 fut le premier qui fit la guerre à ses voisins. Hélas! ce ne fut pas jusH», i.i.c.a. Ninus, ce fut ce sauvage que enleva le premier à son frère le gland qu'il venoit de cueillir! On a développé toute l'absurdité d'une proposition qui renverse même le système de son auteur. Mais cet auteur n'est point Ctesias. Le Ctesias de Diodore avoit dit seulement que Ninus ^If p.^i^.'" est le premier dont l'histoire nous ait conservé les exploits. Vixere fortes ante Agamemnona Multi La foule des savans a voulu encore opposer au système de Ctesias l'au- torité d'Hérodote, qui n'a jamais exposé ses sentimens sur les grands principes de l'histoire Asiatique, et dont le témoignage bâti sur l'obser- vation et sur la tradition s'affoiblit en s'éloignant du siècle dans lequel il a vécu. Mais encore je démêle dans cette obscurité le système assez conforme à celui de Ctesias, qu'il aura suivi dans ses Assyriaques. Je développerai cette proposition avec d'autant plus de plaisir, que la tradi- tion générale y rendra témoignage à la haute antiquité de la domination Assyrienne. 1 . Le nom de Syrie ou Assyrie n'a point été borné à cette petite strab. Geo. 1 1 *^i 1 rry 1 XT' \ 1 "1 Ti 5 / ]. xvi.p. 737. provmce sur les bords du ligre dont Nmève est la capitale. 11 s eten- CeiiamCeo. doit, selon Strabon, depuis le fond de la Babylonie jusqu'au Pont Euxin. p.'Vol'. °'° Les habitans de la Chaldée, de l'Aturie, de la Mésopotamie, et de la Syrie propre, étoient les Syriens noirs de la Haute Syrie. Ceux du Pont et de la Cappadoce, plus avancés que les premiers du côté du nord et de la mer Méditerranée, s'appelloient les Syriens blancs ou de la Basse Syrie. Plusieurs auteurs ont regardé le fleuve Halys comme la borne occidentale du nom Syrien, mais il est constant qu'il s'étoit étendu dans la Phrygie Majeure. 2. On ne peut rendre raison de ce nom commun qu'en sup- Xenophont. posant une domniation commune a toutes ces provmces. lous les p. 435. anciens ont pensé que les Assyriens de Ninève ont communiqué leur nom aux pays dans lesquels ils ont porté leurs armes victorieuses. 3. On voit qu'ils plaçoient cette conquête dans ce tems obscur que les Grecs ont nommé fabuleux, mais qui ne l'étoit cpie pour eux. Hérodote nous Herodot. Hist. apprend que les Phéniciens, transplantés des bords de la Mer Rouge à leur nouvelle demeure, commencèrent aussitôt à faire de longs voyages de mer, et à porter les marchandises d'Egypte et d'Assyrie dans les ports les plus éloignés, et en particulier à celui d'Argos d'où ils enlevèrent la fille 6 suit LA MONAUCHIE DES MEDKS. fille flu roi Inaclius. Du terns d'Inachus, c'est à dire 1800 am avant J. C* les Assyriens étoient déjà (dans le sentiment d'Hérodote) une nation qui possédoit une côte maritime, et (jui alloit de pair avec les Egyptiens pour la réputation, le luxe, et les arts. 4. On me demandera peut-être pourquoi le nom d'Assyrie ne s'est jamais étendu aux provinces Orientales de l'empire ? Je n'en sais rien, mais je répondrois volontiers que les fondateurs de la monarchie ont obscurci la gloire de leurs suc- Herodot. 1. i. ccsscurs qui ont subjugué ces provinces long tems après eux. Cette '■'"■ conjecture expliqueroit très bien les 520 ans de règne qu'Hérodote accorde aux Assyriens sur les Mèdes. Il paroît que le dernier roi des Assyriens t avoit reçu de ses pères un empire qui s'étcndoit depuis les déLméîâfurt™' frontières de l'Inde jusqu'à l'Euphrate et l'Halys. La Syrie propre s'en NicoKDamas!' ^^oit détacliéc dcpuis cent cinquante ans, et les extrémités de la monarchie, An"a ''TTiï' telles que l'Arménie et les côtes de la Mer Rouge, étoient encore plon- "ï^' T j- s;ées dans la barbarie la plus grossière. Aman. India. o i o c 22. 40. Avec l'empire Sardanapale avoit hérité de la mollesse de ses pères. Depuis long tems on ne voyoit plus les rois d'Assyrie à la tête des armées. La chasse leur étoit aussi inconnue que la guerre. Renfermés dans leur Diodor, sicui. palais, ils ne régnoient plus que sur un sérail dans lequel tout, jusques Nicoi. Damas, aux plaisirs, ne respiroit que la langueur, la contrainte et la servitude. Vales, p. 425. jNIais Icur nom régnoit encore sur l'Asie, et les sages institutions des biod. 1. ii. premiers monarciues sembloient assurer la puissance de leurs foibles suc- p. 135. '^ TT ' 1 / 1 1 • V. Goguet. Cri- cesseurs. Une armée nombreuse, composée de toutes les provuices, se f'uic des Lois, ii- i \Tk"\ t ■ ^ • • • -^ t fcc.tora.i.p.92. rassembloit tous les ans a JNinève; politique adroite, qui environnoit le trône d'une garde formidable, et qui la dispersoit sans lui donner le tems de connoître ses forces. Ce fut cependant dans le sein de ces troupes que la révolte se forma. Arbace, qui commandoit les troupes de la province de INIédie, possédoit la faveur publique et la méritoit par toutes les vertus opposées aux vices de son maître. Ce guerrier, qui se sentoit digne de donner des loix, rougissoit d'en recevoir d'un souverain qu'il méprisoit. Il ne cherchoit que les moyens de s'en affranchir, et les conseils de son ami Belesus Euseb. Prapar. * Phoroiite. fils d'Inachus, étoit contemporain - iss. et de présens, il associa à ses desseins les Mèdes, les Persans, les Baby- loniens, et quelques tribus d'Arabes qui reconnoissoient la supériorité plutôt que le joug de l'empire. Au commencement de l'année suivante, tous ces corps s'avancèrent vers la capitale sous prétexte de faire leur service. Les anciennes troupes se joignirent à celles qui les relevoient. Arbace arbora l'étendard de la liberté, et se campa près de Ninève à la tête de 400,000 hommes composés de ces quatre nations. A la nouvelle de la révolte Sardanapale se réveilla de sa léthargie, et brisa les liens de la mollesse, des plaisirs, et de l'habitude. Il assembla bientôt une armée nombreuse, marcha à la rencontre des rebelles, les attaqua, les battit après un combat sanglant, et les chassa jusqu'au pied des montagnes qui terminent la plaine de Ninève. Après avoir vaine- ment mis à prix les têtes d'Arbace et de Belesus, il livra une seconde bataille aux troupes d'Arbace, et remporta une autre victoire plus déci- sive que la première. Ces défaites réitérées n'ébranlèrent point la con- j^-^^ g;p„,_ stance du chef des révoltés, qui se montra digne de soutenir l'entreprise '"■ p-^^^- qu'il avoit commencée; mais les autres conjurés, découragés par le mal- heur, parloient déjà d'éviter, par la fuite, la vengeance d'un prince irrité, d'occuper les forteresses de leurs pajs respectifs, et d'y attendre tran- quillement un moment phis propice. Arbace avoit inutilement employé toutes les ressources de la politique ; mais celles de la superstition sont inépuisables. Belesus annonça à l'armée consternée que les dieux les éprouvoient pour couronner enfin leur constance. Le fanatisme ranima le courage des chefs et des soldats, mais il ne leur donna point la victoire. Sardanapale les battit une troisième fois, s'empara de leur camp, et les poursuivit jusqu'aux frontières de la Babylonie. Le général des Mèdes fut 8 SUR LA MONARCHIE DES MEDES. fut blessé dans ce dernier combat après s'y être distingué par mille actions de valeur. Les confédérés, effrayés par la constance de leur infortune, résolurent de se retirer; mais le prophète Chaldéen, qui sentoit que l'in- stant de leur séparation seroit celui de leur destruction commune, tenta encore de les arrêter. Il y réussit. Il passa la nuit entière à observer les astres. " Les Dieux (leur dit-il le lendemain) vous annoncent par ma voix une révolution subite et inespérée, un grand secours que vous n'attendez point. Dans cinq jours vous verrez l'accomplissement de leur parole." Belesus et Arbace savoient sans doute que les troupes de la Eactriane s'avançoient au secours de la capitale. Ce deinier, accompagné d'un corps choisi, alla à leur rencontre. Il eut l'art de lier une négocia- " tion avec eux, son éloquence et ses intrigues leur firent aisément préférer le parti de la liberté à celui du tyran : il les ramena avec lui au camp des confédérés, et sans donner le tems aux ennemis d'apprendre cette nouvelle, il attaqua l'armée Assyrienne, enivrée encore de sa dernière p.'lio."^" victoire et plongée dans la débauche et la négligence. Il en fit un car- nage excessif, tua Salœmène, beau-frère du roi et général des Assyriens ; et poursuivit leurs débris dispersés jusqu'aux portes de la capitale. Le roi y attendit l'ennemi sans crainte ; il se confioit dans la force de la ville, aux anciennes prophéties, et aux secours qu'il espéroit de recevoir des autres provinces de l'empire. Le siège, ou plutôt le blocus de Ninève, dura deux ans ; et elle ne seroit peut-être jamais tombée sous la puissance des Mèdes si le Tigre, en se débordant avec une violence extrême, n'eut Id. p. 141. renversé vingt stades des murs. Sardanapale vit alors que l'oracle étoit " rempli, puisque le fleuve étoit devenu ennemi de la ville, et qu'il ne lui restoit plus qu'à choisir entre la mort et la captivité. 11 fit dresser un vaste bûcher dans la cour du Sérail, le couvrit de tout ce qu'il avoit de plus précieux, d'un nombre infini de robes de pourpre, cent cinquante lits d'or, et un trésor incroyable.* Il s'y enferma (dans une chambre qu'il avoit fait bâtir) avec toutes ses femmes. Ses eunuques y mirent le Ilerodot. I ii. * Ce trésor étoit célèbre : Hérodote en fait mention. Mais je crois qu'Athénée ou plutôt C.150. Aihenaii Ctesias se sont laissé éblouir par une exagération orientale, qui désignoit plutôt un nombre infini, qu'elle ne fixât une somme particulière. Ce nombre est de mille myriades de lalens d'or, et de dix mille myriades de talens d'argent. A n'employer que des talens Attiques, et une proportion décuple, il nous donnera plus de quarante quatre milliards de livres sterling; à toute rigueur, ^44, 174,999,760. feu, SUR LA MONARCHIE DKS MEDES. XJ feu, et l'incendie dura quinze jours. Cependant les ennemis entrèrent par la brèche, se rendirent maîtres de Ninève, et une assemblée générale des chefs salua Arbacc comme roi. Telle fut la fin de Sardanapale, (jui vécut Tacit. iii,i. i. ii. et qui mourut comme Othon. Tous les deux ils montrèrent à l'univers oihon^c^n'.il" que la mollesse peut étouffer des vertus qu'elle n'éteint pas. Tel fut encore le sort de cette dynastie Assyrienne; voici le tableau énergique et vrai d'un homme qui voyoit beaucoiqj d'histoire dans une seule ré- flexion. " Après les trois ou quatre premiers princes, la corruption, le Esprit des Loiî. luxe, l'oisiveté, les délices s'emparent des successeurs; ils s'enferment dans leur palais, leur esprit s'affoiblit, leur vie s'accourcit, la famille décline, les grands s'élèvent, les eunuques s'accréditent ; on ne met sur le trône que des enfans, le palais devient ennemi de l'empire, un peuple oisif qui l'habite ruine celui qui travaille, l'empereur est tué, ou détruit 2)ar un usurpateur, qui fonde une famille dont le troisième ou quatrième successeur va dans ce même palais se renfermer encore." Dans ce récit abrégé je ne me suis point arrêté à corriger une erreur de mes originaux qui, dans plus d'un endroit, placent la ville de Ninève sur les bords de l'Euphrate : elle étoit située sur ceux du Tigre. Plu- sieurs critiques ont déjà relevé cette méprise que je ne saurois attribuer à Ctesias. Il y a des fautes géographiques qu'un homme qui à parcouru Pi'ot. BiETio. l'Asie, d'Ephèse jusqu'aux Indes, ne peut jamais commettre et les com- mettre encore sans motif et sans intérêt. Je ne craindrois pas de la reprocher à un Diodore qui ne se perdoit que trop souvent dans l'im- mensité de son ouvrage et dans l'abondance de ses matériaux. Mais qu'il me soit permis de conjecturer quelque expression équivoque dont Ctesias aura pu se servir et qui laissoit quelque incertitude dans fesprit de Diodore ; les Orientaux .disent souvent le grand fleuve, le fleuve roj'al, en parlant de la rivière qui baigne les murs de la capitale. Si Ctesias avoit conservé cette phrase, la méprise du Sicilien seroit des plus naturelles. Si Ctesias avoit employé le nom Assyrien, ou Persan, du Tigre, s'il l'avoit même exprimé par un nom rague qui désignoit toutes les grandes rivières cpii sortent des montagnes de l'Arménie ; la situation de Diodore auroit été encore plus embarrassante. Il est difficile d'ex, pliquer plusieurs des anciens sans supposer que le Niphates (nom d"une cdiar. t. ii. cliaîne de montagnes dans la Grande Arménie) avoit aussi ce sens vague sùab.'p.j^s. et général. Tzetes, qui liso.it encore l'histoire de Ctesias ou du moins '^*'''"'^' VOL. m. c le?i 10 SUR LA MONARCHIE DES MEDhS. Luean. Phars. les lecucils clc Coiistantiii Poiplivioséiiètc, coiifirmc ma coniectiirc, eu iii. V. 245. . , ." . . . , \ Juveimi.Sat.vi. renchérissant sur rerrcur tic Dioclorc : il ne met point l'Euplnate à la p. 409. , . . . Horat. Carm. ii. placc clu TigTC, il y mot le Nil. 9. 20. avec le» -, ... ^ ... , , . . , notes de Dacicr Mais il v a unc crrciir bien plus importante, et qii ou doit imputera et -Sanadon. /^ • i • a •» ii ■ /• ' > i i l* i i i i j. Tzeies chii. Ltcsias lui-meme : cest d avoir nxe a la mort de ^ardanapale, la der- Historici» Grac! nièic ruiuc de Ninèvc et de l'empire Assyrien. Les momimens les plus .ii.c..'7.p.jo5. p^jj,g ^jg l'antiquité nous assurent que lun et l'autre ont subsisté, cpioicjue avec nn éclat aftbibli, ju.squ"à l'anôOS avant J. C. et près de trois siècles après cette révolution. M. Freret a prouvé très solidement (ju'il y a eu trois Sardanapales, et que sous le premier et le dernier de ces princes les Mèdes et les Babyloniens ont renversé la puissance Assyrienne. Tant de conformités auront ébloui Ctesias ou ses interprètes, au point de lui faire confondre sous la nïême époque la révolte d'Arbace, et la ruine finale de l'empire de Ninèvc. Dans cette confusion il nous est Diodor. sicui. k très difficile d'eu séparer les traits détachés. Je crois pourtant qu'Ar- "*' " bace, jaloux de la force de cette capitale, qu'il avoit éprouvée lui-même, la fit raser de fond en comble, " rm Se -rroXiv nç iSx(i>oi: xccrKma^tv." Les villes de l'Asie, qui ne sont bâties que de briques cuites, se détruisent et se rebâtissent avec une facilité merveilleuse. Nous voyons reparoître, après les ravages affreux des Mogols, toutes ces villes qu'ils avoient dé- truites, et l'on ne sera pas étonné de retrouver Ninève dans le siècle suivant. Arbace usa des droits de la victoire avec une modération qui fit aimer son joug aux vaincus ; en détruisant Ninève il épargna les biens des citoyens, il se contenta de les disperser dans les bourgs du pays. Hélas ! qu'un Arbace seroit utile à Londres ou à Paris ! Cette modéra- tion du vainqueur nous permet de croire qu'il laissa à quelque prince du sang royal une autorité sul>alterne sur l'ancien héritage de Ninus, qu'il lui conféra même le titre de roi, et que c'est par ces dynastes que les anciens ont continué la liste des monarques Assyriens.* La AtUenoel.Deipn. * Qu'on me passe encore une conjecture. Un passage (i'Athénée (copié sur Ctesias) a ■ ■ toujours fait de la peine aux savans : " ts; yag t^eiç uuuç, x.ai Juo &vy»Te^a.(, oça» t» ts^ayjiarot xaxovi^tvx, ■ETPocrs'EroftipEt sic Njkjï, ■etçoj to» exei |3»a-i?i£a," &c. Personne ne comprend comment Sardanapale, Roi de Ninèvc, a pu envoyer ses enfans au Roi de Ninève. Voici mon inter- prétation de cet endroit qu'Athénée a très bien pu gâter en l'abrégeant. Sardanapale étoit résolu de périr, mais le sort de ses entixns le touchoit. Il les tit sortir du sérail, dont l'enceinte étoit peut-être distinguée de celle de la ville, et il les fit conduire aux pieds du vainqueur quL SUR LA JIONAUCIIIE DES MKDES. J l La modératiou d'Arbace éclata encore plus à l'égard des compagnons de sa victoire: Lorsqu'ils prirent les armes il leur avoit promis la liberté. • Sa promesse ne fut pas vaine. jNLais il est bon de fixer Tidée précise d'un mot toujours vague eu lui-même, et assez étranger au langage des Orientaux. 1. Aux gouverneurs des provinces, Arbace donna une autorité plus grande que celle dont ils jouissoient. Il les distribua parmi ses amis. Ou devine sans peine les degrés successifs par lesquels ces satrapes s'attri- buèrent tous les droits régaliens et secouèrent enfin jusqu'au nom de la dépendance. Il paroît même qu'Arbace accorda à ses capitaines le pri- vilège important de ne jamais perdie ia vie ou leur satrapie que par la sentence d'une assemblée générale des capitaines leurs pairs. Arbace suivit du moins cette règle à l'égard de Belesus à qui il avoit donné la satrapie de Babylonc. Son avarice lui fit enlever les cendres du bûcher oiodor. sic. i. ii. de Sardanapale. Il fut condamné à perdre la tête, mais Arbace oublia son îsiicui.Dam. in crime, ne se souvint que de ses services, et lui rendit jusqu'à son gou- ^^"^^p'- ^'"'^ p- v^ernement et le trésor même qu'il avoit dérobé. 2. Les chariots des Scythes, les tentes des Arabes, et toutes les branches du Taurus et du Caucase ont toujours renfermé une multitude de sauvages fiers de leur pauvreté et de leur indépendance féroce. De tems en tems ils sortent de leurs retraites pour subjuguer les peuples amollis par le luxe, pour se corrompre et pour périr comme eux. Il seroit aussi difiicile qu'inutile d'indiquer toutes les nations à qui Arbace se contenta de faire reconnoitre sa souveraineté. On y peut liistinguer les Cadu- sieus, les habitans d'une partie de la Perside, quelques montagnards de la Alédie, et plusieurs peuplades des Scythes en deçà de l'Oxus connues sous le nom de Parthes, de Saques, de Derbices, &c. 1. Arbace se soutint sur le trône par les mêmes vertus auxquelles il a. c. 8P8. 11 -^Ti l'A- -^i-, .1- i> • \ . Diod.Sicul. I. s'i. le (icvoit. 11 gouverna 1 Asie vnigt-huit ans et laissa 1 empire a sa mort p. iie. à son fils Mandauces. 2. J\landauces régna vingt ans, ou cinquante selon Diodore. a.c.sto. 3. Sosarme régna trente ans. a. c. 8jo. qui entroit déjà dans la capitale et qu'il regaidoit avec raison comme le souverain de Ninève. Si j'ajoutois qu'Arbace, touché du malheur de ces jeunes princes, leur laissa le royaume d'Assyrie, je le dirois sans preuves, mais le caractère d'Arbace me justifieroit dans cette idée. C 2 4. Attycas 12 SUR LA MOXAUCIIIJ. DLS MEDES. A. c. 8-^0. 4. Attycas régna trente ans, ou cimjuante selon Diodore.* A. C.790. 5. Arbianes régna vingt-deux ans. Je n'ai point d'événeniens pour remplir ces cinq règnes des premiers rois des Mèdcs et de l'Asie. Ctesias n avoit rien trouvé dans les annales, ou Diodore s'est peu soucié de conserver ses détails. Je vois très claire- ment que ce copiste a négligé plusieurs faits des plus intéressans, que nous trouvons ailleurs. Sa liste des rois est défectueuse, peut-être même remplie de fautes. Je lui trouve dans cette partie de .sa bibliothèque une sorte d'impatiente. Il s'étoit fort étendu sur le règne de Sémiramis, les merveilles de Babylone et la science des Chaldéens ; ce grand mor- ceau avoit déjà passé les bornes (luc la proportion générale de son ou- vrage lui prescrivoit : il se dédommage aux dépens de la monarchie des Mèdes. On n'est pas en droit d'exiger que je remplisse ce vuide : il y en a tant dans ces siècles reculés. IVIais je sens que le système que je propose deviendra bien plus vraisemblable et plus lumineux si je réussis à dé- couvrir quelques traces de cette monarchie et de ses premiers rois, dans les traditions des compatriotes et des contemporains, je veux dire dans celles des Perses modernes et des anciens Grecs. Je ne connois l'histoire Persanne que par les extraits que nos savans nous en ont donnés, et particulièrement par la Bibliothèque Orientale de M. d'Herbelot.f Cette ignorance me donne une sorte de mérite ; c'est celui de l'impartialité. IVIon amour-propre n'est point inté- ressé à justifier «itie science dont l'acquisition ne m'a rien coûté. Voici en peu de mots l'idée que je me suis fait de l'authenticité de cette histoire. Dans ce long intervalle de cinq siècles qui s'écoula depuis la destruc- justin. Hist. tion de la première monarchie des Perses iusqu'à l'établissement delà ). xli. et xlii. ' . / • i / i seconde, la Haute Asie étoit retombée dans la barbarie. Les Parthes, ses maîtres, conservèrent toujours la férocité de leurs ayeux Scythes. * Diodore a donc compté 28'2 ans au lieu des 232 de Jules Africain cité par les chrono- logistes Chrétiens. J'ai suivi l'exemple de M. de Bougainville ; mais je crains qu'un certain petit intérêt de système n'ait contribué à cette préférence que nous lui donnons. Artée, le sixième roi de la dynastie, d'>voit régner avant l'ère de Nabonassar. + Sur toute cette histoire, v. Biblioth. Orient, aux mots Pischadiens et Caiamdcs, et à ceux de chaque roi en particulier. — Universal Hist. Edd. Fol. tom. ii. p. 172 — 240. Le SUR LA MONARCHIE DES MEDES. 13 Le luxe corrompit leurs mœurs sans les adoucir. Ils opprimoient les Agaihiasiiisi. ' r . I. 11. r. X. .11. Persans et se rendoient odieux à tous les vrais Mages par mille super- Hist.da Riani- cliéisnie, par M. stitions étrangères qu'ils avoient introduites dans le culte de Zoroastre. de Beausobie, 11-1 1^ • 1 f r /!•• toiu. i. p. 165. Les malheureux nont d asile (jue 1 avenu' et le passe. L,es predictions et les fables les consolent de leur misère actuelle. Lorstpi'Ardshir Baha- mau rendit l'empire aux Perses, les poëmes historiques qui sembloient renfermer les origines de la nation furent reçus sans critique et sans con- tradiction. Ecrits d'ailleurs d'une manière intéressante, ils franchirent bientôt les bornes de l'empire. On les écoutoit avec autant d'avidité ù la Mecque qu'à Madyan. Eutiu les Arabes parurent et subjuguèrent Bibiioih.Oriem. la Perse. L'ignorance et le fanatisme marchèrent devant eux: ils dé- p 66 1. truisirent par-tout les monumens d'un culte étranger. Au bout de trois cuck.Dvnaft. ix' siècles les arts avoient civilisé ces barbares; et ils ne cherchèrent plus ''• ^^*- qu'à réparer les ravages de leurs ancêtres. Fcrdoussi, fameux poète îiibiiotii.Onent. -p. ,.,.., 11/1*1 au mot Ferdous- Persan, comjjosa un poème historique de 30,000 vers sur les débris des si, p. 347. vieux romans qu'il avoit recueillis. Mais Férdoussi étoit poète et Mu- sulman. On peut croire que dans cette première qualité il préféroit tou- jours le merveilleux au vraisemblable, et que c'est à la dernière que nous devons Abraham, Salomon, et tous les prophètes Juifs. Férdoussi est cependant la source où la plupart des historiens et des poètes ont puisé. Mirkhond et Khondemir, deux historiens Persans de la fin du quinzième siècle, sont, pour ainsi dire, les seuls originaux que nos savans sont ac- coutumés à citer. Je passe aux caractères internes de cette histoire. Je n'y vois rien de plus vraisemblable. C'est un assemblage de iictions grossières. Nulle géographie, nulle chronologie, des paladins, des génies, des fées et des monstres. Nous avons surtout un excellent moyen de comparai- son dans les deux siècles depuis Cyrus jusqu'à Darius. Les Grecs con- temporains, sujets ou ennemis du grand roi, ont pu prendre de fausses idées sur les révolutions intérieures et sur les caractères de ces princes, mais ils connoissoicnt sans doute leurs noms, la durée de leurs règnes, leurs successions, et les grands événemens qui les regardoient eux-mêmes. Les relations d'Hérodote, de Xénophon et de Ctesias, n'ont avec celles de Mirkhond que ce rapport qui suffit pour nous convaincre combien les idées de ce dernier étoient confuses et défectueuses. De cet amas de traditions, tout imparfait qu'il est, nous pouvons néanmoins 14 SLll LA MON'AItCHIE DES MEDES. néanmoins extraire (luclques vérités utiles. Les événemcns généraux se gravent dans le soiucuir des hommes, l'idée des grands établissemens passe à la postérité, et l'imagination bornée et stérile de cette créature singulière, qui ne peut souffrir ni la vérité ni le mensonge, altère plus de laits t[u elle n en invente. Je tâcherai de choi,sir queUiues-uns de ces traits saillans. Dès (jue je n'entreprends point de justifier tout l'en- chaînement ties petits faits, la bonne critique me défend d'en tirer avan- tage dans les occasions où ils me seroient favorables. Je m'arrêterai à trois chefs principaux. 1 . L'idée générale de cha(|ue dynastie. 2. Les monumens de Persépolis. 3. La réformation du calendrier. 1. Réduisons l'histoire ancienne de la Perse à cette proposition géné- lale et simple, " Que (piatre dynasties différentes y ont régné dans ces siècles qui ont précédé la contjuête des Arabes ; c'est à dire les Pischa- diens, la Caïanides, les Ascii khaniens, et les Sassanides, et que la tradi- tion à conservé les noms, l'origine, la ruine, et le caractère des trois premières races."* Je respecte peu la foi de la tradition, mais je ne crois pas l'avoir chargé d'un dépôt au-dessus de ses forces. Nous con- noissons les Sassanides. Les Parthes sont désignés assez clairement sous le nom d'Aschkhaniens. Darab, le dernier des Caïanides, fut vaincu par Iskender le fils de Filikous : ce sont les noms sous lesquels les Orientaux connoissent Darius Codaman, Alexandre, et son père Philippe. La dynastie des prédécesseurs de Darab remonte au-delà du règne de Cyrus, et semble comprendre les Mèdes d'Hérodote. Il ne reste qu'à chercher la place de la dynastie des Pischadiens, la plus an- Chronoiosy.&c. cicnnc, et peut-être la plus illustre, de celles nui ont «rouverné la Perse. p. 21)3. 376. .' ^ ^ ^ . Le Chevalier Newton y a cru reconnoitre les Assyriens. Mais ce grand homme a\oit peu réfléchi sur le génie de l'histoire Persanue. Les Mages étoient les seuls dépositaires de la vérité et des fables. Ils ne connois- soient de souverains légitimes de la Perse que ceux qui en avoient pro- fessé la religion. L^ne identité, ou du moins une ressemblance de culte, soutenoit la chaîne de la succession. Tous les idolâtres n'étoient à leurs yeux que des usurpateurs dignes d'un oubli éternel ; les hérétiques (tels * Je dis des trois premières. L'authenticité de l'histuiie des Sassanides n'a besoin de jireuves. Un habile homme, qui nous donneroit une bonne histoire de cette race, fondée sur la combinaison des écrivains Persans et Arabes avec les historiens de l'église et du bas empire, enrichiroit la littérature sacrée et profane d'un ouvrage très intéressant. que SUR LA MONARCHIE DES .MEDKS. 15 que les Aschlchaniens) passoient à la postérité sans éloge et sans détail.* Nous connoissons la religion des Assyriens : c'étoit le sabismc, le culte le plus ennemi de celui des Mages, l'adoration des astres, des images, et peut-être enfin lapotliéose des héros. INIais, si l'amour d'un système (qui n'est pas le mien) ne m'éblouit point, tous les grands caractères de cette dynastie conviennent avec tout autant de justesse aux INIèdes de Ctesias qu'ils seroient déplacés à l'égard des Assyriens de Ninève ou de Babylone. Les Pischadiens étoient Mèdes d'origine ; Souster et Istek- BiUintii.Oricnt. har (Suse et Persépotis) étoient leur demeure ordinaire. Ils se distin- î",',!,!™. 043'"'' guoient par la magnificence de leur cour et par l'étendue de leur empire; J!î.'"p*Î76.oo5. mais c'est encore plus à la sagesse de leurs loix, à une conduite modérée J^éximlTom^r' et populaire qu'ils ont dû leur grande réputation. Ils ont soutenu de i"' i'^''— ^^2- longues guerres contre les Scythes jusqu'à ce qu'enfin ces barbares, in- ondant l'Asie, ont détruit cette dynastie dont les malheurs ont été vengés, et l'empire rétabli, par les princes du nom de Cai, ou Cy, qui descen- dirent des montagnes de la Médie pour chasser les barbares. Je n'entre- prends point d'expliquer les expéditions de Thamurath dans le Ginnistan, et les guerres de Huschenk contre les peuples de Mahiser, qui avoient des têtes de poisson, et qui n'étoient peut-être que des ictyophages. M. d'Herbelot ne cite ici que les romans modernes, dont le goût et le prin- cipe sont toujours très dififérens de ceux des anciens poëmes, qui tcnoient lieu d'annales. On peut remarquer que les Persans ont placé sous ses premiers rois l'invention des arts les plus nécessaires. 'N'^anité insensée ! mais commune à tous les peuples ; qui ont voulu confondre l'origine de leur nation, ou de leur secte, avec celle du genre humain. 2. Tous les voyageurs ont décrit les fameux restes de la grandeur de v. Universal Persépolis, et ^I. le Comte de Caylus, dont l'œil attentif et pénétrant 46— 5o°.Ed.rôi. suit par-tout le progrès des arts, leur naissance et leur perfection, a ras- des bÎ Mes Lett! semblé dans un excellent mémoire le précis de nos connoissances sur ^"^^^j^'"?"^ une matière aussi intéressante. Accoutumé depuis longtems à tous les prodiges de l'architecture, il ne pense (ju'avec étonnement à cette vaste esplanade taillé dans un roc de marbre, aux canaux qu'on y avoit creusés, * L'application de ce principe jetteroit beaiicoup de lumière sur les endroits les plus ob- Herodot. 1. i. scurs. Elle rendroit une sorte de raison du silence étonnant qu'ils ont gardé à l'égard de "^^ " ' Cyrus. J'ai de bonnes raisons pour croire qu'il n'étoit pas Mage. Je ne citerai que le té- moignage formel d'Hérodote. à la \6 SUR LA MONARCHIE DES MEDES. à la hardiesse du dessein, à la grandeur des masses, et à l'extrême per- fection de toutes ses parties. Il rend justice aux beautés réelles de l'ouvrage tout éloignées qu'elles sont des règles des Grecs. Tout s'y ressentit (à son avis) du goût Egyptien qui a passé au fond de l'orient et sur les côtes de l'Etrarie dans le tems que la Grèce n'étoit remplie ([ue de cahaires. M. de Caylus voit par-tout dans ces débris l'eni- preinte de l'architecte, mais il n'en voit aucune du fondateur. 11 fait sentir même (ju'on rcncontie des difiicultés insurmontables lorsqu'on veut les attribuer aux dynasties qui ont régné sur la Perse dans ces siècles que nous nommons historiques. Ils subsistoient sans doute avant les Sassanides. La tribu connue sous le nom de Parthes, dé- truisoit les villes mais n'en bâtissoit pas. Le règne de la barbarie n'a Xenoph. Cjrop. j-jpi^ (jg comuiun avec celui des arts. Les Acheménides n'ont jamais 1. vii. p. .544. el '' lesantoriiés re- étiibU Icur séjour il PcrsépoUs. Ils partageoient l'année entre Suse, I3a- ciitillies par son "' ' i i . l Ti iditeurHutciiiii- bvlouc, ct Agbatanc. Les temples, les palais, et les tombeaux de Per- sépolis supposent la résidence ordinaire d'un grand roi. INI. de Caylus expose ses difticultés, et en laisse la solution à quelqu'un plus habile ou D'Herbeidt plus licurcux quc lui. Peut-être serois-je plus heureux. Je vois que au mot Giam- Ics Pcrsans attribuent la construction de Persépolis à la dynastie des schid, p.oyo. pischadiens. Un fait aussi simple a pu se conserver. Le souvenir du fondateur sembloit lié avec celui d'un monument éternel. Je pardonne sans peine à quelques omemens que la tradition a acquis en vieillissant, v. d'Anviiie et même à l'enceinte de douze parasanges (trente-six milles Romains) que Itinéraires. Giamscliid donna à sa capitale. Je ne sais même si elle a besoin de pardon, puisqu'elle renfermoit des maisons de plaisance, des champs, des bois et des villages entiers. Je suis encore très content, que les génies n'y soient entrés pour rien dans ces grands ouvrages.* Si l'on me permet de lier l'histoire orientale avec celle des Grecs, et de sup- poser que les Pischadiens n'étoient pas différens des Arbacides, nous aurons trouvé les vrais fondateurs de Persépolis. Je ne vois rien qui ne s'accorde avec cette idée. Le siècle d'Arbace est celui de la grandeur ct du goût Egyptien. Leurs architectes venoient d'achever les pyra- * Ceux qui lisent avec quelque attention l'histoire Persanne peuvent remarquer que les génies et les prodiges ne sont point dans le tableau, et qu'ils en ornent seulement le cadre. On doit sentir le poids de cette distinction. midcs. sun LA MONARCHIE DES MEDES. 17 mides.* La monarchie des Mèdes, qui s'étendoit d'abord sur l'Asie de l'Inde à l'Euphrate, n'étoit point au-dessous de cette entreprise, et sa splendeur a assez duré pour trouver à toute rigueur les deux cens ans que M. de Caylus exige pour l'achever. Mais a-t-il droit de l'exiger? Je respecte infiniment l'autorité de cet habile académicien, mais je ne sais s'il a assez réfléchi sur la combinaison de la puissance despotique avec la grandeur, les trésors, et la résolution de triompher de tous les obstacles. J'ai encore devant les yeux, les restes augustes de l'amphithéâtre de Vespasien, des bains de Titus, de ^ Amtè"' do*. la colonne Trajane, des arcs de triomphe de Titus et de Traian, du ?f*"^ ^°'"? J ' i J ' Vetus.&c.atous temple de paix, et de cent autres ouvrages qui luttent encore contre le "' a"'<:'es. tems et la barbarie. Trouveroit-il ces ouvrages indignes d'être com- parés avec les monumens de Persépolis ? Prononceroit-il qu'il a fallu deux siècles entiers pour les élever? Personne ne sait mieux que lui que leur construction n'a pas coûté une cinquantaine d'années. 3. L'ère de Yezdegerd est aussi fameuse en Perse que celle des Séleu- cides l'a été parmi les Grecs, ou l'hégire parmi les Musulmans. Celle-ci, chère aux Musulmans, et répandue dans la vaste étendue de leurs con- quêtes, n'a point aboli l'usage de la première dans ces provinces qui ont conservé la langue Persanne. L'époque radicale de l'ère de Yezdegerd nous est connue avec la plus grande précision. Tous les astronomes de l'orient la fixent au 16 Juin, l'an de J. C, 632; c'est aussi la première année du règne de ce prince qui lui a donné son nom. Mais quelle est l'origine de ce période, est-il civil ou astronomique ? En faut-il chercher la source dans les cieux ou sur la terre ? Je crois qu'il faut la chercher dans les cieux. Je ne puis y voir aucun des caractères d'un période civil et historique. Toutes ces ères ont commencé par quelque grand événement intéressant et flatteur pour la société qui les a établi ; des évé- nemens qui sembloient annoncer un nouvel ordre de choses. La durée du période se mesure sur celle du peuple, et si la première survit au dernier, ce n'est que lorsqu'un long usage lui a fait prendre des racines fortes et inébranlables. * Diodore de Sicile, qui vécut un peu avant la naissance de J. C. place la fondation des pyramides 1000 ans auparavant. — Voyez Diodor. Sic. lib. i. p. 72. Greaves, Pyramidogra- pUia, dans ses ouvr. torn. i. p. 23, &c. Voss. de Histor. Graec. 1. ii. C. 2. VOL. III. D Lorsqu'une 18 SUR LA MONARCHIE DES WEDES. V. d'Horiidot Lors(iu"iinc conjuration des grands du royaume mit Yezdcgerd sur le mot Vezcîf gérd, trônc, k Pcrse, déchue de son ancienne splendeur depuis la mort de Ockiey's Hibt. Kliosrocs ct décliiréc par ses discordes civiles, alloit succomber sous la vol. i! p.Tî? & fortune des Arabes. Cette nation avoit déjà remporté une grande vic- Abtipilfrag. toire sur l'élite de l'armée Persanne. Elle franchissoit sans peine toutes Poc"ck,p!n2. les barrières qu'on lui opposoit. L'avènement de Yezdegerd ne ramena "^- point la victoire aux drapeaux Sassanides; ses premières années ne se eomptoient (juc par ses revers. En 637 les Arabes s'emparèrent de sa capitale et de son palais. Il se cantonna dans les montagnes de la Sog- diane, où il se soutint jusqu'en 651. Avec lui on vit périr pour jamais la gloire et l'empire des Perses. Les rochers du Mazanderan et les sables du Kcrman furent les seuls asiles que les vainqueurs laissèrent aux sec- tateurs de Zoroastre. Sur ces principes je me crois en droit de conclure que l'ère de Yezdcgerd n'est point une époque arbitraire que les hommes ont imaginé, mais un période astronomique, que Tordre naturel du tems ramenoit au point de sa première institution. V. le Mémoire ç-^g^ ^^^^ gavant Docteur Hyde que nous devons la connoissance pré- de M. Frcrït ^ i dans les Mém. f.\^Q ^jg ^e périodc, OU du grand cycle de 1440 ans employé par les Perses de Littérature, • ' ° '' . /i-T''T> U)m.xïi.p.233. pom- ramener leur année vague à la vraie année solaire. L année Per- Hyde.Goiius, gannc étoit composée de 365 jours, c'est à dire de 12 mois, chacun de 30 jours, avec cinq jours épagomènes ou surnuméraires. Mais leurs astro- nomes étoient encore parvenus à savoir que cette année avoit un quart de jour de moins que l'année solaire. Ils négligeoient ces quarts de jours pendant 120 ans pour les rassembler alors, et pour en faire un mois de 30 jours, qui devenoit ainsi le troisième mois de la 120me année. Le grand cycle étoit composé de douze de ces petits cycles, le mois interca- laire changeoit de place, et avançoit toujours un mois dans le calendrier * llém. de Litt. * M. Fieiet se fonde sur quelques détails obscurs et peu décisifs des règles de cette interca- v"eE7wage lotion, pour croire que du tems de Yezdegerd il ne s'étoit écoulé qu'une portion du grand de'Guguet sur cydg jg c)6'0 ans. Ce cycle a donc commencé en 329 A. C. avec le règne d'Alexandre sur JoTxfdèt arte, et la Perse, et le cycle précédent remonte jusqu'en 1769 avant J. C. dans un tems où les notions des sciences. astronomiques étoient bien éloionées de la justesse d'une année Julienne. Je voyois la raison Mém. de. Litter. ^ o j . , ^omxix. et M. Hyde d'un coté, Freret seul de l'autre. Cependant je balançois encore. L autorité ie Freret m'embarrassoit, jusqu'au moment que je l'ai vu changer d'opinion et embrasser lui- même le système de mon compatriote. Il Greave, &c. SUR LA MONARCHIE DES MEDES. 19 Il lui talloit une durée de 1440 ans pour parcourir l'année entière et pour achever la grande révolution. Puisque l'ère de Yezdegerd a commencé une de ces révolutions, elle fait remonter le période précédent à l'an 809 avant J. C. C'est aussi l'époque radicale que M. Ilyde lui a donnée. Dans le système de Ctesias, Attycas, quatrième roi des Mèdes, régnoit alors sur l'Asie. Les Persans, qui ont connu l'établissement de ce grand cycle, le placent sous le règne de Giamschid, quatrième roi de la dynastie Bibiiot. Oriem. des Piscliadiens. Ce synchronisme trouvé sans effort me flatte beaucoup. rehXp-sssi J'y vois l'identité des INIèdes de Ctesias avec les Piscliadiens, prouvée par les faits. Je reconnois dans cette réformation du calendrier une nation policée et éclairée; et dans toutes les cérémonies qui l'accompagnoient je retrouve jusqu'à la boiité populaire des Arbacides. Pendant les six HydedeReii- jours du Neurouz* le monarque se livroit à ses sujets. Il leur rendoit l'Ti. "'"' justice, niangeoit avec eux, les bénissoit, et recevoit d'eux des présens de fruits et de grains, le gage et les prémices de l'abondance. A ce spectacle intéressant on eût cru voir un père cultivateur au milieu de sa famille. Les Arbacides ne sont plus, mais l'orient en a conservé la mémoire sous le nom de Piscliadiens. Il est encore plein des nionumens de leur grandeur, de leur génie, et de leurs vertus. Je pense bien que ces rois ne se sont pas uniquement occupés des loix, des sciences, et des beaux- arts. L'humanité seroit trop heureuse si ses fastes n'étoient remplis que de pareils événemens. Si cette histoire s'étoit coiuservée, on y liroit, comme dans toutes les autres, les vices des grands, et les malheurs des peuples; on y verroit ce triomphe perpétuel de la violence et de l'in- trigue sur la justice, qu'elles outragent en la violant, et qu'elles outragent cent fois davantage en se servant impunément de son nom sacré. Les traditions Persannes ont effectivement conservé un grand nombre de ces faits qui ne sont que trop vraisemblables; mais je ne sais par quel art je pourrois les séparer de cet alliage grossier dont on les a chargé. Je ne •demanderois grace que pour un seul fait. Giamschid, le fondateur de v. dHcbeioi Persépolis et le réformateur du calendrier, fut chassé enfin de son trône gÎwm?"""' par un usurpateur Arabe. Ce tyran lassa par ses cruautés la, patience vhnlX p. 943. d'un peuple soumis à ses maîtres. Il courut aux armes, un forgeron se ^'■"''"'"'■p-^*^- * La fête du nouvel an. d2 mit 20 sua I.A MONARCHIK DES MtDES. niit à la tête des séditieux, délivra sa patrie du jdugdes Arabes, et rendit le sceptre à son héritier légitime. Cette révolution mérita de passer à la postérité par une fête solenniellc qu'on célébroit tous les ans : et c'est en sa faveur que j'ai demandé cette exception particulière. Je métonne toujours que, si le tablier du forgeron, enrichi de pierres précieuses, devint effectivement l'oriflamme de la Persie, il ne soit pas tombé entre les Mim.Rom^iiv! mains d'Alexandre, et que tous les historiens, qui ont décrit l'aigle d'or pTa'i'/iejs'^^t'ôm A /i • Od. 6. V. 30. envers les dieux, de la simplicité tie mœurs, et d un extreme éloigne- oiymp. od. 2. ment où le nom de Troye n'étoit jamais parvenu. La fable de Memnon Nem.od. e. réussit très bien ; on lui trouva bientôt un trépas digne d'un tel héros. Sa mort (dit-on) fut le plus beau des triomphes d'Achille. Ce combat ^."îg^"' ''' étoit représenté sur le fameux coffre des Cypsélides, monument très * On est très peu d'accord sur l'âge d'Hésiode. J'ai suivi le calcul de Velléius qui paroît avoir suivi de très bons mein.oires. ancien 22 SUR LA MONARCHIE DES MEDES. L^R^X'iac" r ^'^^''^'^ *^^ la sculpture Grecque, et qui remonte jusqu'à la fin du liui- k-sEpitrc» tiènie siècle avant Jesus-Clirist. L'iniao-ination continua toujours à (1 Ovule, loin. I. o 1/ p. 290. ensevelir la vérité, ou du moins la vraisemblance primitive, sous une foule V. Marsliam. ^ i ' Can. Chronic, d'omcmens étrangers. Enfin les antiquaires des Ptolémées déterrèrent p. 423— 4.-J3. et ti • • 11 • icsauioritésqu'ii CH Egypte jc Hc sais quclle torse miraculeuse, qu'ils trouvèrent à propos a recueillies. ,' ... -ii v. Cleric. He OC nommcr JMemnon. Les écrivains postérieurs, qui semblent avoir suàediiio.i'e ' " perdu l'idée des Ethiopiens de l'Inde, adoptèrent avidement un prodige qui transportoit cette fable dans l'Ethiopie occidentale, peut-être dans l'Egypte même. — Mais je m'arrête; je n'ai besoin ici que de connoîtrc les sentimens des premiers Grecs. V. Marsiiain, Dès quc Ics colouics dc l'Asic Mineure avoient pris quelque consis- Can. Chronic. ,11 i-i • • •\ 1 p. 546— 5â4. tence dans leurs nouvelles demeures, i humeur active et inquiète des Grecs les porta à se répandre sur toutes les côtes de la Méditerranée, et à fonder des villes depuis l'embouchure du Tanais jusqu'à celle du Nil. Le commerce, la curiosité, le service militaire, l'esclavage même auront souvent conduit des j)articuliers de la nation dans les cours de la Haute Asie. Le caractère national les suivoit partout ; c'étoit un goût vif pour les ouvrages de leurs poètes, et une vanité extrême qui rapportoit les antiquités de toutes les nations à leur mythologie. Par tout l'orient un vrai Grec ne cherclioit que les vestiges des Argonautes, de Bacchus et de Memnon. S'il a cru trouver le royaume de Memnon, je dirai qu'il a vu un souverain puissant qui régnoit sur les Ethiopiens orientaux, et dont l'empire s'étendoit jusqu'à l'océan, j'en conclurrai l'existence de ce V. Mosheim's monarquc, et l'erreur des Grecs m'assurera d'une vérité historique. Ecclesiastical History, y. i. Loisquc Ics Poi'tugais ont voulu faire du Negus d'Abyssinie, le Prêtre p. 555, et les re- _ ..,,.. • >t • "^ i- ? lations d'Abjs- Jcaii SI proné par les missionnaires Nestonens, on dira tout ce qu on veut sirie dans lelr,^^. ^ . ,. ^ it-» • • 1 vol. du Recueil du Prêtic Jean, mais la méprise même des Portugais m apprend que Ramusfo!^^''"''^ dans le quinzième siècle ils ont trouvé au fond de l'Afrique un empire puissant et Chrétien. Herodot.Hist I. C'cst à Sifsc quc Ics Grccs out fixé la demeure de Memnon longtems T. c. d3, 54. I. ' ~ vil. c. 115. avant qu'elle est devenue la capitale des rois de Perse. Suse se nom- tsch^l. in Fers. _ ' ^ moit déjà la Ville Memnonienne; c'étoit. déjà la dénomination par laquelle les Grecs désignoient son palais, sa citadelle, et son enceinte. En un mot, pour résumer mon argument, je crois pouvoir conclure que dans le septième et le huitième siècle avant J. C. Suse étoit la capitale d'un empire qui s'étendoit jusqu'à l'océan et la frontière de l'Inde; et cet empire SUR LA MONARCHIE DES MEDES. 23 empire n'a pu être que celui des successeurs d'Arbace. Cet éclat de Suse, qui a précédé le règne de Cyrus, nous explique parfaitement la raison pourquoi cette ville a partagé la résidence de ce prince avec Baby- lone et Agbatane. • En quittant pour quelques instans les Mèdes de Ctesias, j'ai essayé d'en prouver l'existence par des autorités étrangères, et de remplir en partie ce vuide de cent trente ans qui a dû être le moment le plus bril- lant de leur histoire. Je vais reprendre ce fil historique que Diodore nous en a laissé, mais qui seroit bien impartait sans le secours de Nicolas de Damas. Artée fut le sixième roi des ]Mèdes.* Je dois ici raconter un événe- Aïaiitj.c.768. ment, petit dans son origine, bizarre par ses effets, mais dont les con- secjuences ébranlèrent, et enfin renversèrent, le trône des Arbacides- Parsondas, qui sortoit d'une famille Persanne, se distinguoit parmi les favoris du roi. Un choix aussi judicieux faisoit également honneur au maître et au sujet ; sous les traits d'un Adonis, Parsondas avoit l'âme d'un héros. Adroit dans tous ses exercices, infatigable à la chasse, in- trépide à la guerre, il sembloit formé pour la cour, le conseil, et le camp. Un seul vice ternissoit l'éclat de tant de vertus : c'étoit l'orerucil. Fier de son mérite et de l'amitié du monarque, il se comparoit souvent avec le satrape de Baby lone, Nanybrus, dont la mollesse, qui surpassoit celle des femmes, le rendoit indigne de gouverner la plus belle province de l'empire. Il la demanda au roi pour lui-même. Artée montra dans cette occasion une vertu d'autant plus respectable qu'elle est rare parmi les souverains Asiatiques. Il fit taire l'amitié pour n'écouter que les loix. Il respecta les institutions d'Arbace, et ces institutions assuroient l'état des satrapes. Nanybrus n'étoit que méprisable. Il n'étoit point coupable. Etonné d'un refus auquel il ne s'attendoit pas, Parsondas ne se rebuta point, mais le roi opposa aux instances réitérées de son favori une fermeté qui le réduisit enfin au silence. Ces intrigues de cour par- vinrent facilement à la connoissance de Nanybrus. Il avoit tout à craindre des importunités de son rival. Il ne lui restoit que la ressource dangereuse de prévenir les desseins de Parsondas en s'assurant de sa per- * Cette histoire se trouve dans lesfragmens de Nicolas de Damas tirts du Recueil de Con- stantin PorphyrogCncte et publiés par M. de Valois, p. 426—437. sonne. 24 SUR LA MONARCHIE DES MEDE*/ sonne. Tous ses officiers, animés par l'espoir des récompenses, ne cher- choient qu'une occasion favorable, lorsque le hasard les servit mieux que toute leur industrie. Parsondas, qui suivoit le roi à la chasse, se laissa emporter un jour à son ardeur, perdit de vue toute sa compagnie, et se trouva vers le déclin du jour auprès d'un endroit où les gens de Nany- brus dressoient les tentes de leur maître, et préparoient son souper. Dès qu'ils apperçurent leur proie, qui se jcttoit ainsi dans leurs filets, ils lui offrirent, avec la politesse la plus empressée, tous les rafraichissemens, qui ne pouvoient être qu'agréables au chasseur fatigué et affamé. Parsondas se laissa bientôt vaincre par la douce violence des Babyloniens. Il accepta même un repas exquis qu'on lui servit. Les vins les plus recher- chés agirent bientôt sur un corps échauffé par un exercice aussi violent, et le Persan, qui vouloit toujours monter à cheval pour rejoindre le roi, fut enfin convaincu que la nuit étoit trop avancée, et qu'il feroit mieux d'attendre le retour du jour dans les tentes de Nanybrus. Les belles Babyloniennes qu'on lui présenta, ne contribuèrent pas peu à cette réso- lution. Parsondas s'endormit dans les bras de l'amour. Son réveil fut terrible. Il se trouva chargé de fers et au pouvoir de son plus cruel ennemi. Conduit à Babylonc, il soutint avec fermeté les reproches du satrape. " J'ai voulu t'enlever ton royaume, (lui dit-il fièrement,) parce- qu'une femme n'est pas digne de régner sur les hommes, et que les ré- compenses de la vertu ne sont pas faites pour les lâches." Nanybrus sentit vivement que son ennemi le braveroit encore au milieu des sup- plices. Par un raffinement de vengeance il préféra de le laisser vivre, mais de le dépouiller de sa superbe vertu, de l'avilir à ses propres yeux, et de jouir de sa misère. Il le confia à l'eunuque chargé du soin des chanteuses de son sérail, avec un ordre d'habiller en fille ce jeune homme, et d'épuiser sur lui tous les arts de la mollesse Asiatique.* L'eunuque remplit les ordres et les intentions de son maître avec un succès extraordinaire. Parsondas fut forcé de s'y prêter. La fraîcheur de la plus belle jeunesse acquit un nouvel éclat ; ses talens se dévelop- pèrent; bientôt cette nouvelle Vénus auroit enlevé à toutes ses com- pagnes le prix du chant, de la musique, et même de la beauté. Artée * Nicolas de Damas décrit ces arts. Je m'étonne que Nanybrus oublia une précaution, avilissante pour son captif, et nécessaire pour rassurer la jalousie. fut SUR LA MONAIiCHIE DES MEDES. 25 fut étonné de ne plus revoir son favori. Les recherches les plus exactes furent inutiles. Le roi crut enfin qu'il avoit péri à la chasse ; il le pleura sept ans ; et ce secret seroit mort dans les obscures profondeurs du sérail de Babylone sans l'infidélité d'un eunuque qui en étoit instruit. Outré d'une punition (ju'il avoit reçue, cet esclave écouta facilement les séduc- tions de Parsondas qui lui proposa de se sauver du palais, de se rendre à la capitale, et d'instruire le roi du triste sort de son ami. Ce prince en reçut la nouvelle avec une joie mêlée d'étonnement et de douleur. Sur le champ il fit partir un ministre fidèle pour le tirer des mains de Nany- brus. On peut s'imaginer quelle étoit la surprise de ce rusé Babylonien. Il assura le ministre royal qu'il ignoroit avec le reste du public le sort de Parsondas depuis le jour qu'il avoit disparu. Cette ignorance prétendue ne trompa point le souverain. Il renvoya un second ministre d'un rang très supérieur au premier avec ordre de lui retrouver son ami, ou de rap- porter la tête du satrape de Babylone. " Plus de renvois, (lui dit-il,) plus d'excuses. S'il balance, prenez-le par la ceinture et conduisez-le sur le champ à la mort." On reconnoît ici le style d'un despote, et le changement de la modération en fureur, si naturel à ceux dont on a méprisé la trop facile bonté. Il fallut obéir ; Nanybrus promit de re- mettre son prisonnier à l'envoyé du roi, aux yeux de qui il n'étoit point embarrassé (disoit-il) à justifier tout ce qu'il avoit fait. Le soir le satrape régala magnifiquement le ministre. Cent cinquante chanteuses et mu- siciennes égayèrent ce festin, lorsque Nanybrus, qui s'apperccvoit l'atten- tion avec laquelle l'envoyé considéroit ce spectacle riant, lui demanda l'objet de son choix; C'est celle-là, lui dit le ministre. Après avoir joui quelques instans d'un embarras qu'il se plaisoit à augmenter. Le voilà, lui dit-il, vous avez choisi ce Parsondas que vous cherchez. Je ne décrirai point l'étonnement et la joie qui suivirent cette reconnoissance. Parsondas fut ramené à Suse où le roi faisoit sa demeure actuelle. Artée ne reconnut pas d'abord cette chanteuse qu'on lui présenta à la place du guerrier qui s'étoit distingué à la tête de ses armées. Il s'étonnoit que ce guerrier n'eût pas préféré la mort à tant d'infamie. " Seigneur," (lui répondit le Persan,) " deux idées consolantes m'ont toujours soutenu au milieu de mes malheurs ; l'espérance de te revoir et celle de me venger un jour de mon lâche persécuteur. Je jouis déjà de la première. La justice ne me trompera point sur l'accomplissement de la dernière." Le VOL. m. E caractère 26 SUK LA MONARCHIE DES MEDES. caractère d'Artée le ramenoit toujours à cet esprit de modération dont il ne s'étoit écarté qu'un instant. Il renvoya l'examen de cette affaire im- portante à la visite prochaine (ju'ii f'aisoit à Bahylone. Le Persan atten- doit avec impatience le moment de la vengeance, et, rempli de cet espoir, il reprit, avec les habits de son sexe, cet extérieur guerrier qu'il avoit perdu depuis longtems. Le roi les fit enfin comparoitre devant son tribunal. Parsondas exagéra l'énormité d'un attentat qui attaquoit sous les yoiix du roi les fondemens de la sûreté publique. Nanybrus fit ^'aloir la clé- mence avec laquelle il avoit traité un ennemi qui cherchoit à le dépouiller de ses états et de la vie. Cette clémence dans l'exercice d'un droit illégitime balançoit encore dans l'esprit d'Artée la justice et l'amitié. Il renvoya au dixième jour la décision finale de cette affaire. Le satrape de Babylone profita de cet intervalle pour faire agir les ressorts les plus efficaces dans toutes les cours. Il s'addresse à l'eunuque IMitrapherne, im de ces favoris domestiques dont l'autorité ne l'emporte que trop souvent sur celle des premiers de l'état. Aux présens qu'il lui offroit, il joignoit des dons immenses pour le roi, si ce prince daignoit lui con- server la vie et la province de Babylone.* La facilité naturelle d'Artée ne put résister aux vives instances de son favori; peut-être fiit-il encore ébloui par l'appas séducteur des richesses. INIais en pardonnant la faute de Nanybrus il n'oublia point les intérêts de Parsondas. 11 imposa au premier une amende de cent talens en faveur de l'offense. Cette légère satisfaction n'appaisa point le courroux du Persan, et les conseils de l'eunuque ne servirent qu'à l'irriter. Il refusa cet or qu'on lui apportoit. " Périsse le premier (s'écria-t-il avec indignation) qui a trouvé ce funeste métail ! C'est par lui que je deviens aujourdhui le jouet d'un vil Baby- lonien." Il ne rouloit plus dans son esprit que des projets de vengeance. Il y réussit enfin Mais nous ignorons de quelle façon il y réussit. L'Extrait de Nicolas de Damas, que nous avons suivi jusqu'ici, est tiré du livre des Vices et des Vertus du grand Recueil de Constantin * Il achetoit la faveur de l'eunuque avec dix talens d'or, cenl talens d'argent; dix gobelets d'or, deux cens d'argent; et beaucoup de vestes précieuses. 11 offroit au roi cent talens d'or, mille d'argent; cent gobelets d'or, trois cens d'argent, et une garderobe prodigieuse. Le seuj argent nionnojé de ces présens (y compris le cent talens d'amende) se raontoient à près de si.\ cens mille livres sterling; ,£592,689 selon les principes du savant Evêque Hooper. V. Inquiry into the State of Ancient Measures, &c. in 8vo. London, 1721. Porphyrogénète ; SUR LA MONARCHIE DES MEDES. 27 Poiphyrogénète ; mais le compilateur nous renvoie pour la suite de cette aventure au livre des Stratagèmes, et ce livre n'est plus. M. de Valois a déterré fort heureusement une citation de Suidas qui nous permet de continuer le fil de l'histoire, mais ce lexicographe, qui par goût et par état , préféroit les mots aux idées, n"a rapporté ici qu'un sens obscur et impar- fait. Il y paroît cependant que Parsondas (qui aura trompé ses ennemis par une réconciliation simulée) invita le satrape Nanybrus et l'eunuque Mitraphernc à un repas qu'il leur donna chez lui ; qu'il enferma sans bruit les portes sur leur suite ; et que, dans les excès d'une débauche à laquelle il encourageoit ses convives, Parsondas se ménagea toujours avec art, et ne buvoit qu'a\'ec modération. C'est à nous à suppléer le reste ; mais le caractère de Parsondas et les conséquences de sa vengeance me persuadent qu'elle fut sanglante, et que Nanybrus et Mitrapherne en furent les \ ictimes. Diodore de Sicile ne s'étoit point arrêté sur la première partie de cette Diodor. ,...,., . , . , , . ; ,, sicui.i.ii. histone smgulière, mais nous lui devons la connoissance de son dénoue- p. i46. ment. C'est lui seul que je suivrai désormais. Pal'sondas avoit satisfait à sa juste fureur, mais il craignoit la sévérité des loix et la colère d'un maître irrité. Il assembla promptement mille cavaliers et trois mille fantassins ; et se retira avec ce corps, tout dévoué à sa fortune, dans le pays des Carduches. Ces peuples habitoient les montagnes situées entre l'Assyrie et l'Aiménie. Ce pays, fortifié par la nature, lui paroissoit un sûr asyle. Mais peu content d'être mis à couvert des poursuites d'Artée, il voulut encore punir ce foible prince, qui avoit préféré un eunuque à un ami tel que lui. Parsondas s'établit bientôt dans sa retraite par une alliance qu^il contracta avec la maison d'un des chefs des Carduches. Ses in- l, n. p. ur. trigues réunirent les tribus divisées, son indignation contre les Mèdes passa dans tous les cœurs, et la nation entière, toujours ennemie du repos, ne craignit jjoint de déclarer la guerre au Grand Roi. Le feu de la révolte se répandit peut-être dans toutes les montagnes de l'Arménie et des provinces limitrophes. Je le soupçonne, sur le nombre de 200,000 hommes qui coururent aux drapeaux de Parsondas, et qui me paioît trop fort pour un pays stérile qui if avoit que sept journées de largeur. Cette armée, toute nombreuse qu'elle étoit, paroissoit encore bien foible xenophont. contre une multitude de 800,000 hommes, qu'Artée rassembla dans l'éten- j. "v. p-'I'si. due de son empire pour marcher à leur tête contre les rebelles ; mais la' E 2 ' nature 28 suit LA MONARCHIE DKS ÎIEDES, nature du pays, théâtre de la guerre, ofFroit à chaque histant des res- sources que Parsondas ne néghgca |)oiut. Les Carduches se trouvoient par-tout, dans les défdés, et sur les bords des précipices, dont ce pays, qu'ils connoissoient partaltenient, étoit hérissé. De ces postes avanta- geux ils écrasoient leurs ennemis par les rochers énormes qu'ils leur rou- loient sur la tête, ou ils les perçoient à travers leurs boucliers et cuirasses avec ces flèches longues de deux coudées qu'ils tiroient avec une force et une addresse inconcevable. A chaciuc pas il lalloit reconunencer un combat toujours inégal pour une armée accablée de ses propres forces et retardée par tout l'attirail du luxe Asiatique. Un général assez adroit pour surmonter tous ces obstacles ne voit plus d'ennemis. Les retraits souterrains des barbares lui sont inconnues. La nature accorde à peine à ces tristes contrées quelques fruits sauvages. S'il ose s'arrêter dans ces montagnes un hiver encore plus rigoureux dans un pays qui n'a point de bois, achève bientôt l'ouvrage de la faim. Une retraite paisible devient sa seule espérance. Heureux si elle lui est encore permise ! Artrxerxr'xe" Darius, Xénoplion, et Artaxerxe éprouvèrent ces difficultés qu'Artée nophon. Ana- j^voit éprouvécs avant eux. Il se retira avec la honte de sa défaite et la basis, l.iv. p,261 i — 28i. perte de 50,000 hommes de ses meilleures troupes. Parsondas profita de sa victoire pour faire des courses dans les provinces encore sujettes à n"''"'^ ifr"' l'cnipire. Le reste de sa vie ne fut rempli que des avantages journaliers qu'il remportoit sur les Mèdes. Ce guerrier mourut dans une vieillesse assez avancée au milieu des regrets d'une nation qui le regardoit comme son libérateur. Il exhorta ses successeurs à suivre son example, et à faire passer à la postérité son amour pour la liberté et sa haine des Mèdes. Jamais les dernières volontés d'un prince n'ont été plus reli- gieusement observées, mais aussi jamais prince n'en donna de plus con- formes au génie de sa nation. Tout ce récit me montre assez clairement que l'empire des Arbacides conserva son premier éclat jusqu'à la révolte de Parsondas. Les armées nombreuses d'Artée, les richesses et la magnificence de ses vassaux, et l'autorité despotique qu'il exerçoit à leur égard ; tout m'annonce dans sa personne un monarque souverain de l'Asie. Mais la révolte de Parsondas étoit propre à faire naître par-tout des sentimens d'indépendance, et les défaites honteuses et réitérées d'Artée avilissoient la majesté du trône, découvroient tous les vices du gouvernement, et divisoient les forces d& l'état. SUR LA MONARCHIE DES MEDES. 29 {'état. N'est-il pas permis de croire que cette révolte brisa le joug que des satrapes puissans et éloignés supportoient à regret? et lorsque nous retrouvons des rois d'Assyrie et de Babylone sous le règne d'Artée, ne peut-on pas conjecturer qu'ils étoient du nombre de ces satrapes am- bitieux ? 1. Tous les savans ont considéré avec raison l'ère de Nabonassar Amnt c. 747. comme une de ces époques précieuses qui lient l'histoire de la terre avec celle des cieux, et qui en assurent par ce moyen la certitude. Elle nous est encore plus utile pour la chronologie orientale, puisqu'elle sert de base au canon astronomique de Ptolémée, qui contient une suite exacte et uon-interrompue des rois de Babylone, de Perse, d'Egypte, et des empereurs Romains, depuis le commencement du règne de Nabo- nassar le 26 Février avant J. C. 747- Cette liste est aussi dénuée de faits, v.Scaiiger. de < ^ EmeiidaL Tem- qu'elle est fournie de caractères chronologiques. 'Le Syncelle cependant por. i.v. p.39j. nous apprend (je ne sais par quel droit) que Nabonassar fit brûler tous les anciens livres et qu'il tâcha d'éteindre la mémoire de ses prédécesseurs. Ce fait n'est vraisemblable que du fondateur d'une dynastie nouvelle, et son ère, qui n'est certainement pas un période astronomique, confirmeroit assez cette idée. Elle a du moins assez d'apparence pour donner quelque avantage au système qui rend raison de ce nouveau royaume de Baby- lone. M. de Bougainville avoit prévu cet avantage. Je tâche de suivre les traces des idées, qu'il s'est contenté de montrer de loin, mais je sens ici qu'il a vu quelque chose de plus que moi, et que je voudrois voir aussi. Il n'auroit pas sûrement conjecturé que Nabonassar étoit fils de Nanybrus, qu'il ne pardonnoit point à Artée la mort de son père, et que ce prince subit le sort commun de ceux qui choisissent les partis mitoy- ens ? — Non — M. de Bougainville n'écrivoit pas un roman. Un critique judicieux respecte toujours ces bornes qui séparent la conjecture permise de la supposition arbitraire ; bornes sacrées, que des mains téméraires ont tant de fois arrachées. Les loix de la critique m'autorisent seule- ment à soupçonner que Nabonassar, successeur de Nanybrus, mais d'un caractère bien différent, profita habilement de la confusion où la révolte de Parsondas avoit jette l'empire IMède, pour en démembrer la grande satrapie de Babylone, et pour y fonder un royaume indépendant qui ne fut détruit que par les conquêtes de Cyrus. Pendant longtems ce roy- aume languissoit dans l'oubli : dans le teras niçme que la nouvelle dynastie Assyrienne 30 SUR LA MONAUCIIIE DES MEDES. ^rIV^?' ■^®^y''^""c rcmplissoit l'Asie du bruit de ses exploits, celle de Babylonc h;,ie,c. xxsix. nopposoit à sa grandeur renaissante (lu'une vainc jalousie et des nésfoci- l'riticaux's Con nectioii, vol. i. p. 10. Avant C. 607. Herodi)t. t. i.e. 178—200. Ant. C. 830. Ant. C. 770. jaloi ations frivoles. Les discordes civiles et un trône mal-assuré affbiblis- .soient peut-être les forces de la monarchie. J'en juge sur les deux inter- règnes et les onze règnes qui remplissent les .soixante-six premières aimées du Canon de Ptolémée. Dans une succession aussi rapide j'cutre- vois des trahisons, des conjurations, des massacres, et infîdos agitans Discordia fratres. Mais enfin deux grands rois connurent les forces de Babylone et les firent sentir à l'Asie. Nabuchodonosor recula les bornes de ses états jusqu'aux extrémités de l'Orient, et par un sort assez commun les suc- cesseurs d'Arbace devinrent les vassaux de leurs esclaves révoltés. Dans tout ce période, Babylone étoit le centre des sciences, des arts, du commerce et du luxe. On y voyoit régner des mœurs douces et des loix sages. J'invite ceux qui ont quelque goût j)0ur la philosophie de l'histoire à lire la description qu'Hérodote nous a laissée de Babylone, de ses ouvrages, et de ses habitans. Au lieu de ce faiseur de contes qu'on leur a si souvent annoncé, ils seront étonnés d'y trouver un observateur dont le coup-d'œil pénétrant et juste ne voit que les grands objets, qui les voit de sang-froid, et qui les peint avec chaleur. 2. Le Chrétien doit un respect aveugle au.x livres saints qui renfer- ment le dépôt de la foi. Le critique éclairé mais profane doit préférer leur témoignage des affaires d'orient à celui des premiers historiens de la Grèce. Les Juifs ont sur eux l'avantage de la proximité des tems et des lieux, la conformité de langue, et la liaison intime qui subsiste entre l'esclave et le maître. L'envie extrême qu'ont eu la plupart des chrono- logistes, de concilier Ctesias avec l'Ecriture, a produit mille hypothèses forcées et arbitraires, qui défigurent l'une et l'autre, en voulant les expli- quer. Le Chevalier Newton, qui n'avoit que trop étudié les prophètes, a tiré de leurs écrits, aussi bien que des livres historiques, l'idée simple et naturelle de la monarchie Assyrienne telle que les Juifs l'ont connue sous les successeurs de David. Vers lan 830 avant J. C. l'autorité du Roi de Ninève ne s'étendoit qu'aux environs de sa capitale. Cette capitale ne fcontenoit que 120,000 habitans, et la foiblesse de ce petit royaume ne lui rendoit les menaces de Jonas que trop vraisemblables. Vers l'an 770, Pul, roi d'Assyrie, soumit les provinces voisines, et se montra le premier eu- SUR LA MONARCHIE DES MEDES. ol en-deça de rEiiphratc. Le royaume de Damas tomba sous les aimes de Ant. c. 740. Tiglath-Pelassar ; celui de Samarie fut détruit par Salmancser. Senna- Am. crsu. cherib hérita des états et de l'ambition de ses pères. Fier de leurs succès il attaqua à la fois la Judée et l'Egypte. Un revers terrible et subit fit Ant.c.Tio. échouer tous ses desseins. Les Egyptiens et les Juifs se disputent la connection, destruction de son armée au nom de leurs dieux respectifs. Cette his- n'erodot. i. ii. c. toire entre sans peine dans le système que j'adopte. Arbace, qui laisse ^■*'" subsister les dynastes de Ninève, leur permet bientôt de rétablir leur ville. La puissance des Mèdes décline, celle de Ninève se renouvelle. Elle remet sous ses loix une partie de son ancien patrimoine. Elle brille quelques instans. Mais les effets ruineux de cette splendeur passagère ne font que hâter sa destruction. Hérodote lui-même nous confirme un trait de cette histoire ; c'est le règne et la défaite de Sennacherib. Lors- qu'il appelle ce monarque Roi des Assyriens et des Arabes, il nous indique une des principales causes de la grandeur nouvelle de Ninève. Ses princes surent réunir sous leurs drapeaux un grand nombre des tribus Arabes. En un mot mon système me permet d'adopter le troisième cha- pitre de Newton presqu'en son entier; s'il veut me permettre d'appeller chronoiogyof renouvellement, ce qu'il regarde comme le premier établissement de do"n)s?p. gèe— l'empire Assyrien. Le silence de l'Ecriture ne me le défend point. Le '^*' royaume de Damas, fondé du tems de David, formoit une barrière entre la Judée et l'Assyrie que les foibles prédécesseurs de Sardanapale n'essay- oient jamais de briser. Sur les siècles antérieurs nous n'avons rien que le livre des Juges, abrégé fidèle mais imparfait ; son témoignage est d'un granfl poids, mais on ne peut rien conclure de son silence. L'indépendance des rois de Ninève et de Babylone remonte jusqu'au règne d'Artée, sixième roi des Mèdes. Nous avons fixé l'époque, et deviné l'occasion de leur révolte. Il y eut sans doute plusieurs autres satrapes qui profitèrent des victoires de Parsondas. J'oserois nommer ceux de l'Arménie, du Pont et de la Cappadoce. Il semble que vers le même tems une nation Scythique très nombreuse, que les Persans ont nommé Saques, s'est établi eu-deca de l'Oxus, et que la Perse a beaucoup souffert des ravages de ces barbares. J'ai promis de ne me point servir des détails qui se sont conservés de la dynastie des Pischadiens. L^n critique plus hardi que moi feroit sentir que sous le règne de Manou- Bibiiothèq. geher, sixième roi de la première race, les provinces de l'occident et de root^Manôu^e- l'orient !>",?■ 550.° 32 SUR tA MONAKCHIE DES MEDES. l'orient se sont révoltées, et que les successeurs de ce prince n'ont régné que sur les pays placés entre ces deux extrémités. A. G. 728. Le règne d'Artynes, successeur d'Artée, fut de vingt-deux ans. L'his- toire n'en a point conservé les événemcns, mais la clironologie y fixe l'époque de Déjocès ; et nous laisse entrevoir combien la d\ nastie des Arbacides perdoit tous les jours de son ancienne grandeur. A. C.706. Astibaras, huitième successeur d'Arbace, occupa le trône de Suse qua- Diod.ir. sicui. rante ans. Son règne fut distingué par la révolte des Parthes, nation •"•p- . • belliqueuse et inconstante, qui couservoit trop bien fidéc de son origine Scythique pour ne pas préférer. la domination des Saques à celle des Mèdes. Cette défection causa une guerre sanglante entre les deux empires, qui fit répandre très inutilement beaucoup de sang, et qui finit enfin par l'épuisement des deux partis. Le traité de paix rendit les Parthes à leurs anciens maîtres, et les deux nations se jurèrent une amitié éternelle. Cette guerre, qui ressemble à tant d'autres, ne sert qu'à nous faire connoître les forces qui restoient encore au trône chancelant de Suse. Diodore de Sicile nous ii conservé le caractère intéressant de la souveraine qui régnoit alors sur les Saques : elle s'appelloit Zarine.* Avant son règne sa nation étoit le inépris de ses voisins. Elle en devint la terreur. Sa force et sa valeur étonnoient ces barbares, parmi qui une éducation rude, et des travaux perpétuels égalisoient les deux sexes. Mais des vertus inconnues dans ces climats les étonnèrent bien davantage. Elle adoucit les mœurs de ses sujets : des villes florissantes s'élevèrent sous ses auspices, et les Saques éprouvèrent pour la première fois les dou- ceurs de la paix et des arts : la reconnoissance éternelle de son peuple, un tombeau superbe, et des honneurs di\'ius furent la récompense de ces bienfaits. Telle fut Zarine. Ce point de vue, sous lequel nous l'avons V. Nicoi. Dam. cousidéré, est grand sans être romanesque. Je rougis d"y mêler une Vaie'!s'^p?436— iutrigue amoureuse sur laquelle Ctesias s'est étendu avec la complaisance Vaies7p"65"."* d'uu rliétcur Grec, et que M. Boivin l'aîné nous a donnée de nouveau î!ttcr°a[ure'^ t. ii. ^^"^ ^^^ stylc précicux et digne du grand Scuticri lui-niôme. Là voici p. 64— 80. cependant en peu de mots: — Stryangée, gendre d'Astibaras, connnandoit les armées Mèdes dans la guerre contre les Saques. Dans une bataille il sauva la vie à Zarine. Ils s'aimèrent. Après la guerre ils se virent à la Voltaire Hist. * Les mots de Czar et de Czariue appartiennent aux langues Tartares. de Pierre 1. 1. i, . , p. 63. capitale SUR LA MONARCHIE DES MEDES. 33 capitale des Saques; mais le Mède amouicux exigea un prix de ses ser- vices que la princesse, aussi vertueuse qu'elle étoit belle, ne \oulut jamais lui accorder. Stryangée se livra à son désespoir, lui écrivit ses derniers reproches, et se tua. Cet amour de romans, étranger aux mœurs de l'orient, a rarement décidé des événemens de la politique, et du destin des grands hommes. La gloire, l'intérêt, la vertu quelcpietbis ; voilà leurs tyrans. Le Dieu de l'amour se retire, en soupirant, à l'oisiveté d'une vie obscure et privée. Astibaras laissa le trône des Mèdes à son fds Aspadas. Si nous en A. c.666. croyons Diodore, ce prince n'est pas différent d'Astyage, l'ayeul du grand ii.p.'iis! Cyrus. jMais il paroît que Diodore n"a cherché ici qu'à concilier deux auteurs, qu'il entendoit mal, et que cette identité prétendue n'est point appuyée sur l'autorité de Ctesias. Cet historien, (jui sui\oit une orto- graphe différente de celle des Grecs, à l'égard du nom d'Astyage, ne s'en écartoit cependant (ju'en le nommant Astiagas. Dans notre système le Phot. Bibi. règne d'Aspadas a précédé de 106 ans, celui de Cyrus. Il semble que l'historien n'a compté l'existence des états que par leur grandeur, et qu'il dédaignoit de continuer une suite de rois dont le lustre s'éclipsoit tous les jours devant la dynastie naissante d'Agbatane. Je vais y porter toute mon attention ; sans perdre de vue 'ces rois d'Elam ou de S use dans lesquels je retrouve toujours les successeurs d'Arbace.* C'est ici qu'Hérodote va nous tenir lieu de Ctesias. Une curiosité insatiable avoit conduit cet historien aux extrémités de l'Asie : il a inter- rogé toutes les nations sur leur origine et leur histoire ; ses écrits sont encore le dépôt précieux de leurs traditions, de leurs fables et de leurs préjugés. Voici les idées qu'il nous a laissées de la formation de la * Je dois une explication générale au lecteur. Tout ce système, je le regarde comme assez vraisemblable. Mais j'y distingue très clairement plusieurs degrés de vraisemblances, qui vont en diminuant. Les voici tels qu'ils se sont placés dans mon esprit. 1. Vers l'an 900, Arbace, général des Mèdes, fonda un empire très puissant dans la Haute Asie sur les débris de celui des Assyriens. Cet empire s'aflbiblit vers l'an 750; cent ans après, il ne mcritoit plus l'attention des historiens. 2. Cette dynastie Rlède de Ctesias, est la race Pischadienne des Persans. 3. Suse étoit la capitale de cet empire, que les Grecs ont nommé Memnonien. 4. 11 se réduisit enfin au royaume d'Elam ou de Suse ; tributaire des Babyloniens selon l'Ecri- ture et Xénophon. Si l'on craint d'adopter ces dernières conséquences, on peut s'arrêter à la troisième, à la seconde, ou même à la première qui a prêté au.\ autres plus de forces qu'elles n'en reçoit. VOL. ni. F monarchie 34 SUR LA MONARCHIE DES MEDES. lierodot. 1. i. monarchie des Mèdes : " Les Assyriens (dit-il) étoient maîtres de la Haute Asie, depuis cinq cent vingt ans, lorsque les Mèdes donnèrent les pre- miers l'exemple de la révolte. Leur liberté fut le prix de plus d'une victoire, mais cette liberté ne fut pour eux qu'une licence effrénée, ou c. 95. plutôt qu'une anarchie sans loix et sans magistrats; dans laquelle per- sonne n'étoit indépendant, parcecjue chacun vouloit l'être. Par-tout la violence fouloit aux pieds la timide équité, et Thomme, rendu à sa pre- mière égalité, apprit qu'un maître est pour lui-même un frein nécessaire. Des talens extraordinaires attiroient seuls un hommage volontaire. La jeunesse obéissoit à ce chef, parcequ'il s'étoit déjà distingué à leur tète; les particuliers soumettoient leurs diiférens à la décision de cet autre vieillard, dont ils révéroient la vertu et l'expérience. Déjoce se distin- guoit parmi ces derniers. Sa voix sembloit être l'organe de la justice. Bientôt sa léputation franchit les limites du canton (ju'il habitoit. De tous côtés on voyoit accourir les INIèdes à son tribunal. Sans force, sans licteurs, il étoit devenu l'unique juge de la nation. Cet homme habile, qui cachoit sous une simplicité apparente une ambition extrême, sentit C.9?, sans peine combien il étoit nécessaire à ses compatriotes. Pour leur faire connoître un bien par sa privation, il se dérobe tout d'un coup aux importunités des plaideurs, qui l'accabloient (disoit-il) d'affaires qui lui étoient étransrères. La retraite d'un seul homme déchaîne de nouveau la licence et le crime. Une assemblée générale fut enfin convoquée, pour découvrir un remède efficace aux maux qu'on ne pouvoit plus endurer. Tout se disposoit à une révolution, et les amis de Déjoce paroissoient ceux de la nation, lorsqu'ils proposèrent l'élection d'un roi, dont le règne ne seroit que celui des loix. Ce conseil fut reçu avec C.98. l'acclamation générale de l'assemblée; et Déjoce consentit enfin à se C.99. charger du fardeau pesant de la royauté. Il fonda la ville d'Agbatane, défendue par sept enceintes, qui s'élevoient les unes au-dessus des autres. Ce fut dans la dernière que ce prince établit son séjour. Pendant un long règne de cinquante-trois ans, les Mèdes ne le voyoient plus ; mais son esprit actif et éclairé sembloit être présent par-tout, et animoit toutes les parties de son gouvernement. LTn pareil système de politique n'est cioo. pas celui d'un conquérant. Déjoce ne le fut point. Il ne laissa à son o. 101. fils Phraorte que des peuples que le respect et l'amour lui avoient soumis. Ils étoient partagés en six tribus: les Buzœ, Paretaceni, Stuchates, Arizanti, SUR LA MONARCHIE DES aiEDES. 35 Arizanti, Budii et Magi." Voilà labiégé du récit d'Hérodote, pur et sans mélange étranger. Avant que de prononcer sur le système d'un auteur il faut l'étudier en lui-même ; maxime assez simple, mais qu'on a rarement suivie. Qu'il me soit permis à présent d'y joindre quelques réflexions. 1. Hérodote n'a point indiqué la durée de cet état d'anarchie parmi les Mèdes. Il doit avoir fini par l'élection de Déjoce l'an 710 avant J. C. mais nous n'avons rien qui nous aide à fixer le terme auquel il a com- mencé. Dans cet extrait infidèle, que Diodore nous a laissé du système Diod.Sicui.i. d'Hérodote, il accorde à cette autonomie une durée de plusieurs généra- tions: les critiques modernes, aussi avares du tems que les anciens en étoient prodigues, l'ont extrêmement rétréci. Usserius réduit cet inter- usserii Annale» règne à trente-sept ans, et Prideaux lui assigne à peine une année entière. 710°' Le calcul de Diodore n'est fondé que sur un sort de convenance. Le necaon,''voi.t" récit d'Hérodote le remplit très bien et paroît même l'exiger. Ceux qui P' ^"^^ cherchent à concilier cet historien avec son rival Ctesias, doivent trouver ici leur point de réunion. Il n'est pas difficile à le saisir. Cet Arbace, destructeur de l'empire de Ninève, aura suivi dans toutes ses actions cet esprit de modération qui le distingue de tous les usurpateurs. Il aura accordé à ses compatriotes la liberté, digne prix de ce sang qu'ils avoient versé pour le placer sur le trône de l'Asie.* 2. Si nous joignons aux lumières de la critique, la connoissance de l'homme, nous verrons sans peine qu'un vaste pays, tel que la Médie, n'a jamais pu rentrer dans l'état de la nature après avoir porté. pendant plus de cinq siècles le joug des loix. Les révolutions changent le contrat politique, mais elles n'ont jamais brisé les liens du contrat social. Le premier n'est appuyé que sur la crainte ou le préjugé. L'habitude et l'intérêt de chacun assurent la durée éternelle du second. Dès qu'il est formé il fait partie de la constitution de l'homme, qui y tient également et par ses vices et par ses vertus. Pour rendre la vraisemblance au récit d'Hérodote, je dois supposer qu'il ne s'agit que de quelques tribus de * Voici une circonstance qui fortifie notre conjecture. Diodore nous assure qu'Arbace Diodor. Sic. I. ii. attira les Persans dans la révolte par l'espoir de la liberté. Selon ce même historien Parson- Si-^ff n*'',,, das étoit Persan; Nicolas de Damas en fait un Mède. Si nous avions encore le texte de Cte- in Excerpt. Val. sias, nous y verrions peut-être qu'Arbace atfranchit ses compatriotes plutôt que les Persans. F 2 barbares, 36 SVL LA MONAHClUt; DES JIKDES. barbares, enfermées dans les Ibrôts et les montagnes de la IMédie, qui n'avoient jamais formé une société politique, et que ces sauvages belli- queux, excités par la voix d'Arbace, descendirent en Ibule dans la plaine pour briser leurs fers, et ceux de l'Asie entière. Ils }• ra])portèrent, avec la gloire du succès, le principe des vices qui les forcèrent enfin à préférer la tyrannie à lanarchie. Cette explication naturelle en elle-même n a rien que de très analogue au tai)leau général de l'Asie. Le système de M. de Bougainville s'y prête très heureusement. Il y accjuiert même un air de franchise et d'aisance, dont il avoit besoin. Dès qu'on établit la distinction des IVièdes, on y voit le germe des deux dynasties collatérales ; les Mèdes des montagnes sont ceux d'Hérodote, pendant (jue les IVièdes de la plaine (c'est à dire de la partie la plus étendue de la province) ont passé sous les loix d'Arbace, et qu'ils ont donné leur nom à la dynastie de Ctesias dont ce prince est le fondateur. Ctesias est descendu de Ninus à Aspadas, en suivant le fil de l'histoire • Hérodote est remonté de Cyrus à Déjoce, en suivant celui de la tradition. Ces deux lignes parallèles ne se sont jamais touché: et par une erreur assez naturelle, chacun des écrivains a cru qu'il n'existoit rien au-delà de ce qu'il voyoit. 3. Dans le récit d'Hérodote tout est naturel et instructif: ce pacte solemnel entre le prince et le peuple, que les philosophes supposent par- tout ailleurs, mais que l'historien ne trouve que dans l'élection de Déjoce ; l'anarchie qui se change tout d'un coup en despotisme par l'impétuosité d'un peuple barbare, qui ne sent jamais que le mal actuel, et qui ne sait pas se dépouiller d'une partie de sa puissance : enfin l'art raffiné du nou- veau monarque qui cache aux regards profanes l'homme et ses foiblesses, pour ne leur montrer dans un lointain obscur et révéré que le juge et le souverain. 4. La chronologie de cette dynastie n'est pas cependant sans diffi- cultés. Si le texte d'Hérodote n'est pas corrompu, cet historien se con- tredit en nous laissant deux calculs contradictoires. II est certain que la somme collective des règnes de ses quatre rois ne monte qu'à 1 50 ans, Déjoce, le premier, en remplit 53 ; il en reste 97 pour le règne de Phraorte et de ses deux successeurs, c'est à dire pour la durée de l'empire Herodot. I. i. c. (|es Mèdcs sur la Haute Asie, puisqu'Hérodote lui-même nous assure de 101,102. . . , trois façons différentes, que ce Phraorte fut le premier conquérant de la dynastie. SUR LA MONAllCHIK DES MEDES. 37 dynastie. Cependant ce même Hérodote nous apprend, que lorsqu' Herodot. / / 1 IT 1.1. c.l,'30. Astyage fut détrôné par C}rus, les Mèdcs avoient régne sur la Haute Asie 128 ans. Il taut choisir. Je choisis sans peine le calcul général.* Mais il est permis d'embrasser l'hypothèse qui concilie les deux calculs avec la moindre erreur possible. C'est ainsi que j'adopte les quatre termes particuliers des quatre règnes de la dynastie, en supposant seule- ment que la mémoire d'Hérodote l'a trompé sur leur application. Selon ce principe de la saine critique, je vois clairement que Déjoce a régné vingt-deux ans au lieu de Phraortc. Il est effectivement assez peu naturel qu'un vieillard, dont la sagesse et l'équité ont préparé la gran- deur, ait pu régner 53 ans. Il nous reste pour les trois autres règnes les 128 dont nous avons besoin. Tous les détails du règne de Cyaxare nous convaincront, combien il a des droits aux années de Déjoce. On ne peut que laisser à Astyage ses 35 ans de règne. Les 40 qui restent à Phraorte suffisent pour les conquêtes de ce prince guerrier. Je vais mettre devant les yeux, cette nouvelle chronologie de la dynastie, et l'on décidera sur la hardiesse et la nécessité de mes changemens. J/« Clironologie. 710 Déjoce - - 22 688 Phraorte - 40 Empires des Mèdes 128 ans. 648 Cyaxare - 53 595 Astyage - 35 560 Cyrus. 5. Voilà des difficultés qui ne sont que trop réelles ; mais il y en a d'imaginaires qui ont embarrassé les plus grands hommes de ce siècle. Eschyle écri\-it les Perses de la même main avec lac[uelle il avoit com- battu aux rivages de Salamine. J'admire avec les hommes de génie la vérité énergique de cette tragédie, et j'oublie en sa faveur cette règle timide du goût qui défend de traiter les sujets contemporains. On y a cru voir je ne sais quel dénombrement des prédécesseurs de Cyrus, qui ne s'accorde pas avec la chronologie d'Hérodote. Eh bien, Eschyle, poète et soldat, s'étoit trompé en recueillant sans attention les premiers * Voici ma raison. Ce nombre unique peut être erroné ; je le sais, mais des quatre mem- bres du calcul particulier cliacuii peut l'être. J'ai trois degrés de vraisemblance contre un. bruits Chronologie vul^ >;aire. 710 Déjoce - - 53 657 Phraorte - 22 635 Cyaxare - 40 59.5 xlstyage - 35 38 SUR LA MONAllCHIE DES MEDES. bruits de la renommée! Au lieu de prendre un parti aussi naturel, le Chronology of Clicvalier Newton a supposé qu'Astvaare étoit fils de Phraorte, et père Ancient King- I I ^ J t> ... donis. p. 307. du Cyaxare d'Hérodote. Le Chevalier Marsham s'y est pris avec bien 512 Marsiiain, plus d'artificc. Il a créé deux Cyaxares, deux Astyages, et un royaume cus"'p!fi04. ' des Médo-Perses inconnu à toute lantiquité. Il seioit facile de ruiner ces deux systèmes, mais il n'est pas nécessaire. Les édifices bâtis sur le sable s'écroulent par leur propre poids. A. I.e. 688. Phraorte, successeur de Déjoce, ne se contenta point des états de son c.io-.i.''' '* père. Les Persans furent sa première concjuête; et cette nation belli- queuse se rangea sous ses drapeaux, et lui prépara de nouvelles victoires. Nous avons des preuves que dès l'an 670, l'Arménie, le Pont, et la Cap- padoce reconnoissoient ses loix. Ce fut ainsi qu'il jetta les fondemens d'un empire qui s'étcndoit du fleuve Halys, jusqu'aux déserts de la Parthie. On peut conjecturer que la vaine ombre qui restoit encore de la monarchie des Arbacides, s'obscurcissoit à la vue de ses progrès ; mais il sembleroit que le roi d'Ecbatane épargna leurs débris, et qu'il préféra la gloire de porter les derniers coups à l'ancien empire de Ninève. Un revers aftieux lattendoit sous les murs de cette capitale. Les Assyriens ne comptoient plus tous les peuples de l'orient au nombre de leurs esclaves ; mais il leur restoit encore des forces et du courage. Ils mar- chèrent à la rencontre des Mèdes. Phraorte perdit, dans une seule bataille, le fruit de toutes ses victoires. Il y périt avec la plus grande partie de son armée. Ant. c. 665. Un synchionismc aussi bien constaté qu'il est intéressant se présente p^j^Q^'ofii.' '"■ ici, et nous sert à lier l'histoire de la Grèce avec celle de l'Asie. La Chronicus,'^'"'' liberté IMessénienne luttoit depuis quatre-vingt ans contre la tyrannie Fr^ret Défense ^^^^ Spartiates. Aristomène soutenoit seul la cause chancelante de sa de la chiouoi. patrie ; mais ce g;rand homme se vit enfin réduit à sortir de cet asyle, la Ancienne, r ' o . V- 174- citadelle d'Ira, qu'il avoit défendu pendant onze ans. Il laissa partir la jeunesse de Messène, sous la conduite de son fils, pour aller chercher un éta'/lissement sur les côtes de l'Italie. Pour lui il se retira à Rhodes, mais , non point y goûter les douceurs du repos. Il n'avoit survécu à sa patrie que pour la venger, et pour susciter dans tout l'univers des ennemis aux Spartiates. Il se préparoit à passer auprès d'Ardyes, roi de Lydie, et de Phraorte, roi des Mèdes. Il espéroit d'intéresser ces princes à sa que- Telle; et d'armer tout l'orient contre les destructeurs de Messène: la mort SUR lA MONARCHIE DES MEDES. ' Sff t mort arrêta tous ses projets. Il seroit inutile de rechercher si cette expé- dition auroit eu un sort plus heureux que celle de Xerxes. Qu'il nous suffise ici de remarquer, que la réputation de Phraortc, sa puissance, et ses victoires, sont établies par la seule idée d'Aristoniène, qui détestoit trop les Spartiates pour leur préparer un triomphe facile. Nous n'avons lien de mieux constaté dans l'histoire ancienne que la seconde guerre de Messène, dont les détails sont appuyés du témoignage des contemporains. Elle finit l'an 66'ij avant J. C. et la mort d'Aristomène la suivit de fort près. La nouvelle monarchie des Mèdes étoit perdue si le fils de Phraorte Ant.c. 648. n'avoit pas été un grand homme. Cyaxare vit bien qu'il étoit nécessaire c. 103. d'ajouter la discipline à la valeur. Avant lui, les armées n'étoient qu'une foule de soldats, distingués seulement par nations, et par tribus. Ce prince introduisit parmi ses troupes les loix d'une nouvelle tactique. Chaque arme eut sa place marquée, et l'on vit, pour la première fois, des corps de cavalerie, d'archers, et de ceux qui se servoient du javelot. Cette tactique étoit cependant bien grossière, et la manière de combattre des Asiatiques annonçoit aussi peu d'art que de bravoure. La journée se passoit à se tirer de loin, jusqu'à ce que le plus foible se retirât, sans avoir jamais vu lennemi de près. Cyaxare a dû employer, pour le moins, quatre ans à tous ces travaux importans et préliminaires ; à ranimer le courage des Mèdes, à former sa nouvelle armée, à la discipliner, et à lui inspirer une confiance, avant-coureur de la victoire. Sans perdre de vue Ante. 64*. ridée d'agrandir sa puissance, en vengeant la mort de son père, il voulut commencer par essayer ses forces contre des ennemis moins redoutables que les Assyriens. Il parcourut toutes les provinces de son empire, qu'il soumit aux loix qu'elles avoient méprisées depuis la mort de Phraorte. Enfin il osa attaquer les Assyriens, les vainquit dans un grand combat et mit le siège devant Ninève. Cette ville fut sur le point de succomber, lorsque Cyaxare fut rappelle à la défense de ses états par une irruption iierodot.c.104. des Scythes. Ces barbares enlevèrent l'empire de la Haute Asie aux Ant. c. c4o. Mèdes, et pénétrèrent même jusqvi'aux frontières de l'Egypte. Cyaxare Herodot.c.ioj. souffrit avec impatience le joug de ce peuple féroce pendant vingt-huit ans. Il attendit le moment de la vengeance. Il le trouva enfin dans un ^- lo*'- festin, qu'il prépara pour les chefs de la nation. Ils y furent massacrés, et cette démarche hardie et bien soutenue rendit à Cyaxare cet empire Ant.c.ci2. qu'il 40 SUR LA MOKAllCHIE DES MEDES. qu'il avoit perdu. II sen servit pour reprendre ses projets contre les Assyriens, qu"il n'avoit jamais perdus de vue. Il se /fortifia par une alliance avec le roi de Babyloue, et réunissant ses forc-es avec les siennes, Ant.c.608. ils ibrmèrent de concert le siège de Ninève. Ce fut alors que la monar- chie et la ville de Ninus périrent pour ne se jamais rétablir ; après avoir subsisté 1360 ans depuis leur première fondation. Je me suis contenté d'indiquer ces faits. Je ne pourrois rien ajouter aux éclaircissemens de VsJdàs"' plusieurs de nos savans; et je n'ai pas envie de les répéter. Par la même Ml'îshani, raison, je passerai sous silence la guerre des INIèdcs contre Alyatte, roi de Newton, Freret, Ly^jjç L'inquiétudc ct la jalousie y donnèrent lieu. Ou se battit six Ant. C.602. g^jjg çjg suite. La lassitude et la superstition disposèrent enfin les esprits Ant. C.597. ^ i^ paix. Cyaxare mourut bientôt après. Il laissa un empire affermi et Herodot. c. lor. un noui illustrc. Il le méritoit par la fermeté pleine d'habileté et de ressources avec laquelle il avoit soutenu ct la prospérité et les revers. Je ne m'arrête qu'un instant sur l'irruption des Scythes. C'est en vain qu'on a voidu refuser aux peuples du Nord cette force ct ce courage physique, qui les a rendus tant de fois maîtres de la terre.* Dans les conquêtes des Romains ou des Arabes, je ne vois qu'un courage d'institu- tion, et des vertus d'autant plus héroïques, qu'elles sont l'ouvrage d'une législation sublime. Les Scythes ont rarement connu d'autres loix que celles des lions de leurs déserts; le sentiment de leur force, et la soif du carnage. Un conquérant s'élève sur les bords glacés des mers de la Corée ; le tonnerre gronde, la terre s'ébranle, mille nations se précipitent les unes sur les autres, et les derniers des fuyards écrasent le midi, l'orient et l'occident. Les hommes amollis par les arts, par le luxe, et par le climat, cherchent vainement une retraite contre la cavalerie rapide et les flèches inévitables des Scythes. La résistance et la fuite leur sont également fatales. C'est ainsi que, précédés de la terreur, armés du glaive destructeur et suivis de la désolation, Tamerlan, Jenghiz, et avant eux le Madyes d'Hérodote, ont parcouru l'Asie étonnée. C'est ainsi Pharsal. 1. * Ecoutons Lucain. Oranis, in Arctois, populus, quicunque pruinis V. 363. Nascitur; indomitus bellis, et Martis amator. Quidquid ad Eoos tractus, mundique leporem Labitiii-, emoUit sentes dementia cœli. qu avec SUR LA -HON A i;c 11 It; DtS MEDKS. 41 qu'avec cet enthousiasme qui fait les poètes et les prophètes, .lérémie les a décrit : " Des hommes féroces, dont le langage inconnu ressemble au ^ 'j^^^vf.' bruit dos Ilots irrités, qui ne connoissent ni la crainte ni la pitié, et dont le carquois redoutable est un tombeau toujours ouvert pour les nations." Il me paroît que la mémoire de cette première expédition s'étoit con- servée dans les traditions Tartares, et que leur Oguz Khan n'est pas différent du Madyes des Grecs. On y voit que ce conquérant, après His.Cé.iéai.dci avoir soumis les Indes et le Turkistan, passa l'Oxus avec une armée Abuigiuui nombreuse; et se rendit maître de toutes les provinces jusqu'aux fron- c. aVi tières de l'Egypte. Il s'arrêta longtems dans la ville de Damas, où il désigna les successeurs de son vaste empire. Il mourut enfin accablé d'ans et de gloire. Ses enfans partagèrent les conquêtes dii père, et il n'est plus fait mention de ces conquêtes. Toutes ces circonstances con- viennent parfaitement avec l'histoire de Madyes, et ne conviennent qu'à lui. Dans le dernier trait on apperçoit la cause de la chute de cet empire. Cyaxare avoit redouté les Scythes, réunis sous les drapeaux de Madyes ; divisés par ses foibles successeurs, il les détruit sans peine. Je sens qu'à cette conjecture l'on se recriera l'ignorance des Tartares, et l'incertitude de leur histoire jusqu'au règne de Jenghiz Khan. Je n'opposerai à ce préjugé qu'un fait unique tlans son espèce, puisqu'il nous permet de considérer le môme événement confié à la tradition d'un Voy. m. de 111 '11 • 1 Guignes, His- peuple barbare, et raconte dans les annales contemporaines de ses mire des H.ms, voisins ; c'est le rétablissement de l'empire Turc ou ]Mogol dans le sep- tième siècle; ces barbares avoient fidèlement conservé tous les grands traits de cette révolution ; la destruction de l'empire Mogol, l'asyle que les débris de la nation trouvèrent dans les montagnes, le terme précis de 458 ans qu'ils y passèrent, et leur sortie qui arriva vingt générations c'est à dire 700 ans avant la naissance de Jenghiz. L'histoire Chinoise et Grecque les justifie sur tous ces détails, et n'enlève qu'un vernis mer- veilleux, dont les Mogols avoient embelli une circonstance assez humi- liante pour leurs ancêtres. Dans nos systèmes de critique ou de logique nous établissons trop aisément des règles générales, sur notre façon de sentir. Nous ne concevons pas assez qu'une jeunesse passionnée pour la gloire militaire écoutoit avec transport les exploits de ses ayeux, qu'elle brûloit de surpasser ; et que ces récits se gravoient avec des traits de feu dans ces âmes fortes, simples, et peu chargées d'idées étrangères. VOt. ITI. G II 42 sun LA MONARCHIE DES MEDES. II me paroît que ce même Madyes, l'Oguz des Tartaies, est aussi cet Apheiasiab si fameux clans les romans Persans: mais cet esprit de fiction, qui dédaigne la vérité historique, ne permet point de compter sur les Bi'bi 'or'èn"''ui <^'<^t'i'ls dc SCS cxploits, ct fcroit presque douter de son existence. Il- Tes^ '"'''*''' semble pourtant que cet Apherasiab détruisit la première dynastie, et Rosum, p. -19. (jii'apiès avoir ravagé impunément la Perse, il fut enfin détruit par Kai 235, et la suite Kaus, daus Ics moutagncs dc la Médic. Si les Pischadiens s'identifient des rol'j Caia- " ^ ,. . Hides jiis.iuà avec les Arbacides, je vois ici un événement très naturel. L irruption A.C.640. des Scythes ébranla tous les trônes de l'Asie ; la jeunesse vigoureuse de ceux de Babylone et d'Agbatane, les soutint au milieu de l'orage, mais. A.c. 612. la première dynastie des Mèdes, déjà foible et languissante, ne se releva jamais de sa chute. La plupart des romanciers Persans semblent avoir vécu dans les provinces orientales. L'empire y périt sans retour ; mai» semblable à celui des successeurs de Constantin, il perdoit tous les jours une partie de son existence, jusqu'au terme fatal que les fauxbourgs de sa capitale devenoient sa frontière. C'est ainsi que la dynastie d'Arbace se vit enfin renfermée dans la petite province de la Susiane ou d'Elymais, AC. 598. lorsque Nabucliodonosor, roi de Babylone, en fit la conquête. Il se con- 34^39?' "^^ "' tenta cependant d'y établir un roi tributaire qui gouvemoit, soumis à son Connections*, autorité, Ics tristcs débris de ce vaste empire. Les prophètes .Juifs, qui s°r r.'NevWs annoncèrent cette révolution, ont exalté la puissance et la réputation du Chron. p. 31 1. j-Qy^umc d'Elaui ; sa gloire passée ne servoit qu'à rendre sa chute plus Euseb.Prae. déplorablc. Nous lisons dans Alexandre Polyhistor, que le grand Nabu- chodonosor invita Astibares, roi des Mèdes, à l'accompagner dans sa guerre contre les Juifs. Dans ce nom d'Astibares, on ne peut pas mé- connoître les Mèdes de Ctesias. Lorsque le roi de Babylone assembla ses forces, pour marcher contre la Palestine et la Phénicie, il étoit très naturel qu'il convoquât tous les princes, vassaux de son empire. Si l'on veut mettre Astibares de ce nombre, on auroit de la peine à lui trouver une situation aussi vraisemblable que celle de roi d'Elam, ou de Suse. Si l'amour d'un système ne me séduit point, je vois ici un enchaînement de faits qui unit la défaite de Saidanapale avec les conquêtes de Nabu- cliodonosor et de Cyrus. A.c. 595. Astyage, le fils de Cyaxare, remplit sans gloire un trône qu'il devoit aux vertus de ses pères. Il est mieux connu par sa qualité de prédéces- seur de Cyrus ; de ce Cyrus qui réunit sous ses loix les monarchies de IMédie, Evang. 1. 9. A. C. 588 SUR LA MOVARCHIE UES MEDES. 43 Médie, de Lydie, et de Babyloiie, et qui laissa dans toute l'Asie un nom qui a survécu à la ruine de son empire. On connoît les relations contra- dictoires qu'Hérodote, Ctesias, et Xénophon nous ont transmis de ses exploits. Il y a peu de lectures aussi intéressantes et aussi utiles que la Cyropédie du dernier de ces écrivains. La philosophie s'y montre parée de la main des graces. Mais la muse de l'histoire a-t-elle présidé à ce travail ? N'y doit-on chercher que la morale, à laquelle son auteur a prêté les attraits d'une fiction ingénieuse? C'est une question qui a toujours partagé les esprits; mais à laquelle on ne peut répondre, quaprès un examen réfléchi de l'ouvrage et des vues de l'écrivain. Je m'en occuperai quelques instans ; mon sujet principal m'y conduit ; et nous rapporterons, de cette recherche, quelques idées de goût et de philo- sophie, propres à nous dédommager de ces détails chronologiques aux- quels il a fallu se livrer. Retiré depuis longtems du bruit des armes, Xénophon cultivoit en paix les lettres. Sa première étude étoit celle de l'homme. L'histoire, l'expérience, et la réflexion l'éclairoient dans cette science ; qui est d'autant plus difficile qu'elle paroît aisée aux observateurs superficiels. Témoin de tous les malheurs de la Grèce, il réfléchissoit combien il Xenopiion. cv- ropœd, 1. i. p. 1, avoit vu de gouvememens populaires, que les intrigues des grands 2 Ed. Hutch. avoient asservis : combien d'aristocraties renversées par la fureur des peuples; et que parmi les tyrans, le petit nombre de ceux qui conser- vèrent leur puissance usurpée, passoicnt pour les plus heureux et les plus sages des hommes. Il ne remarquoit point cet esprit indocile, parmi les troupeaux tranquilles, qui paissoient dans les campagnes de Scillus. De tous les animaux (s'écrioit-il) l'homme est le plus dii^cile à conduire. Mais lorsqu'il se rappelloit l'exemple de Cyrus qui inspiroit l'amour et la Cyropied. 1. i. terreur à cent nations obéissantes et heureuses ; Ah ! qu'il est aisé (se disoit-il) de gouverner les hommes lorsque la prudence tient les rênes de l'empire. La conclusion étoit peut-être un peu précipitée. Cyrus ré- gnoit sur des peuples accoutumés à porter le joug de la servitude, qui trembloient devant un maître sévère, et qui versoient des larmes de re- connoissance sur la main qui les protégeoit. Cette fierté d'âme qu'in- spire la liberté, n'est que trop souvent capricieuse, cruelle et inconstante. L'admiration de Xénophon lui fit naître une curiosité naturelle d'exa- miner l'histoire de C3TUS, et les institutions par lesquelles il avoit formé e 2 un 44 SUR LA MONARCHIE DES MEDES, un empire, déchu, à la vérité, depuis sa mort, mais qui étoit encore la puissance la plus formidable, qui eut jamais régné sur la terre. La Cjropœd. I. i. Cvropédie est le fruit de ces recherches, et de ces réflexions. " Nous rapporterons les choses que nous avons apprises et celles qu il nous semble appercevoir." Ces j)aroles importantes méritent un plus grand développement. Essayons de le leur donner. ' Si nous considérons la Cvropédie sous ce point de vue, qui est celui de son auteur, nous sentirons d'abord qu'un philosophe, qui cherche à rendre raison d\in phénomène histori(iue, n'appuyeroit jamais cette ex- plication sur la fal)lc. Une lecture réfléchie de cet ouvrage, est seule ca- pable de nous convaincre, que c'estpar unehistoire sérieuse, que Xénophon à prétendu remplir cet objet, aussi intéressant pour ses compatriotes.* Dans cette fameuse expédition, dans laquelle notre historien s'immor- talisa avec les dix mille Grecs, qu'il ramena victorieux au sein de leur patrie, il avoit parcouru l'empire Persan les armes à la main. Il avoit étudié les loix, les mœurs, et l'histoire de cette nation célèbre ; qui ne conservoit de sa première puissance que le nom et l'orgueil. Nous lisons Cyropœd. 1. viii. cucorc le résuuié de ces connoissances dans le tableau énergique par riutch'hi.'^' ' lequel il achève la Cyropédie. Les mœurs de la cour d'Artaxerxes y sont par-tout contrastées avec la discipline vertueuse des compagnons de Cyrus, et la corruption qu'il décrit des meilleures institutions de ce prince, suppose et prouve l'existence de ces institutions ; qui sont liées avec l'histoire et le caractère du fondateur. Un historien qui oflfenseroit à chaque instant la géographie et la chro- nologie, méritcroit peu de confiance. C'est un reproche qu'on a souvent V. ses dissert, fait à Xéuophon, et que le grand Freret n'a pas dédaigné d'examiner. sur la Cvropédie . . . , •Uns lès Mé- H a prouvé, de la manière la plus victorieuse, que la géographie de la moires de l'Aca- démie desBelles Cyropédie ne diffère de celle qu'on suit communément que parceque son Lettres, loin. iv. . . r-T i -i-v et ii. auteur avoif des connoissances plus approfondies, et plus particulières, * Encore un trait: il me seroit facile de les multiplier. L'expédition Arménienne de Cvropœd. 1. iii. C3'rus paroît avoir l'air d'un roman ; mais un romancier n'auroit jamais remarqué que les !'■ '^'^-- articles de la paix que ce prince fit signer aux Arméniens et aux Chaldéens subsistoient encore, et qu'il étoit du devoir du satrape d'Arménie de les faire observer. C'est une atten- tion que Xénophon a souvent, de constater les traits historiques qu'il rapporte par les vestiges p 6. " qui s'en étoient conservés. On voit ailleurs que les chansons ])ar lesquelles lesiarbares célc- broiént les exploits de Cyrus ne lui avoient pas échappé. Sans doute qu'il les avoit souvent entendu dans sa luajxhe avec l'armée Pei-sanne. sur I. i.e. 37— 92. SUR LA MONARCHIE DES MEDES. '45 sur l'état de l'Asie. Il n'en est pas de même de sa chronologie, que M. Freret sacrifie avec justice peut-être, mais avec un peu trop de rigueur. _ Xénophon na point marqué les époques des conquêtes de Cyrus ; mais dans la chaleur de sa narration, il semble les avoir rapproché un peu trop les unes des autres. La critique doit respecter les bornes des différens genres ; et ne pas exiger d'un ouviage de goût, cette précision sévère qu'elle s'attend à trouver dans une dissertation chronologique. Hérodote He"ro • , r ■ * ^ / •!• Cl7)Comme tois, les rait rencontrer au même tems, et réconcilie tous ces savans en Marjiiam, litige^ en profitant de ce que leurs différens systèmes peuvent fournir de solide. iV. Rien de plus célèbre panni les poètes, c'est à dire parmi les his- toriens de l'antiquité, que les quatre ages du genre humain, qu'on dis- VOL. III, K ' tinguoit 66 SUR LA NOUVELLE CHRONOLOGIE (i8)Vid.Poeta5 tiiip;uoit par les noms des métaux. (18) Les savans de nos iours, v ont Greecos et La- o «^ ^ v / j ' j ^ tinosfere pas- tfouvé, Ics uHs dcs chimèics Doëtinues, les autres des vestiges de l'histoire sira, prssertim ; ^ , , auicmOvid. que les Hébreux nous ont laissé des premiers siècles. Rien de plus forcé Metamorph. ^ i t» • i i i • i i / • 1. i. v.89,&c. et de plus vague que tout cela. Rien de plus naturel m de plus precis que les idées de M. Newton. Ces quatre siècles sont les quatre généra- tions, ou les cent quarante ans entre Farrivée de Cadmus en Grèce et la prise de Troye, pendant lesquelles la Grèce a perdu les mœurs à me- (19) Newton's suic quelle a reçu les arts de l'Egypte et de la Phénicie. (19) cTp.'iil""^' V. Le Bacchus des Grecs, disons mieux des Egyptiens, n'est plus une personne allégorique ni même un prince dont l'époque se perd dans l'ob- scurité des tems, et dont la plupart des actions doivent s'explicjuer enles (oo)Banier, lappoitant à SCS attributs ; (20) c'est un prince qui civilisa l'orient, ré- F^abies' f il '' pandit les arts de nécessité et d'agrément dans toute l'étendue de ses con- ^''^ quêtes, qui poussa jusqu'aux Indes, souffrit beaucoup de la part du Roi de Thrace, et dont il faut placer l'époque, comme les Grecs ont fait, une génération ou deux après Cadmus. Voilà quelques avantages du nouveau système. Peut-être on y ajou- teroit facilement plusieurs autres. Avant que de passer aux endroits foibles, remarquons trois choses. L Ouest d'abord révolté de la hardiesse de M. Newton. On est sur- pris de voir un Anglois deux mille ans après que les Grecs a\'oient réglé leur clnonologie, venir accuser les Acusilaus, les Ephores, les Eratos- thenes, les Apollodores, &c. d'avoir ignoré les premiers élémens de la chronologie de leur patrie. Mais dissipons l'illusion ; ce n'est point des. témoins qu'il rejette, c'est des critiques dont il détruit les supj^utations. Ils avoient formé leurs calculs long-tems après l'événement, et ils s'étoi- (2i)iisfai- *^"t servis d'un principe erroné en les formant.(21) M. Newton lui en soient les règnes gj^jl^gj.jj.|^^g j^j^ ^j^^j.|.^._ Peut-êtie Icuis laisous valciit-elles mieux que les nérations, sienucs, luais ce sera leurs raisons qui vaudront mieux et non point leur autorité. Je me retracterois cependant si je voyois la nécrologie origi- nale des prêtresses d'Amycles, dont nous parle M. Freret, et que M. (n) Mémoires l'Abbé Fourmout doit avoir apporté en France. (22) Mon éloignement Belles Lettres, dc Paris me laissc ignorer si le voyage de ce savant est dévenu public. "'■''■ IL Ne pourroit-on pas substituera la fameuse division des tems de Varron, une autre qui auroit au moins cet avantage qu'on en sentiroit d'abord les raisons ? La voici ; le tems inconnu sera celui pendant lequel le& DU CHEVALIEll NEWTON. 67 les Grecs n'ont point eu de lettres, ou jusqu'à l'arrivée de Cadmus. La tradition peut conserver les principaux événemens, rarement les circon- stances, et ]jresque jamais les dates. Le tems fabuleux s'étendra jusqu'à la mort de Cyrus. Les Grecs pendant cet espace ont eu des écrivains et des monumens, mais point d'historiens. Les prêtres et les poètes cor- rompirent la religion qui n'étoit que l'histoire des premiers siècles. Le tems historique'commenceavec les premiers historiens, Cadmus de IVIilète, Hécatée, et Hérodote.(23) (23) josepi,. ^ ■' _ contra Apeon, I. IIL Quand ie parle de cet esprit orio-inal qui brille dans l'ouvrao-e de i- p-ioss.New. '' ^ * . . ° ton'sChron.Re- Newton, je ne prétends parler que des deux premiers chapitres. Les for™, c i. p. 37. \ -1 / I 1-1 • • 1 » • 1 r> 1 1 • I Suidas in voce autres, ou u veut régler 1 histoire des Assyriens, des Babyloniens, des AxBo-ixaoc. Mèdes, et des Perses, n'est plus la même chose. Ce n'est pas qu'on n'y trouve bien des remarques curieuses. Mais l'âme de Newton étoit faite pour fonder et pour détruire des empires et non pour éplucher des détails minutieux. Je pense môme que peu de lecteurs se rendront à la trans- position de Cyaxare et d'Astyage; et que beaucoup souhaiteront qu'il eut cité quelquefois le Chevalier Marshain.(24) (24) Marsham, Je vais à présent proposer mes objections. Elles ne serviront peut- sec"uTxviL p."*^' être pas à éclaircir la question, mais elles pourront toujours faire sentir ^°^' '^' combien elle est difficile à éclaircir. I. Je disois que M. Newton s'est servi de l'expérience pour élever son nouveau système. Voici comment il raisonnoit. Les Grecs ont formé leur chronologie en donnant à leurs rois les uns avec les autres 35 à 40 ans de règne. Or l'expérience fait voir que ce nombre est beaucoup trop grand. Les rois d'Angleterre, de France, et presque tous les autres qui ont régné dans les tems vraiment historiques, n'ont régné qu'environ' dix-huit à vingt ans chacun. Il faut donc rabattre environ la moitié de la durée qu'on attribue à leur histoire; (25) ou pour parler plus exacte- (26)Newion, ment, il taut taire cette réduction dans la proportion de quatre a sept. 1. i. p. 52. (26) Il n'y auroit rien à mordre dans ce raisonnement; il faudroit W ^•^^™- '^-'• dabord lui accorder qu'il vaut mieux consulter la nature que les hommes, s'il étoit question d'une suite de rois qui eut régné dans tout autre tems que dans ces siècles reculés. Mais le cas est un peu différent, et les: supputations de Newton ne suffisent point ici. L Si on doit ajouter quelque foi aux monumens les plus respectables, la vie des hommes, et par conséquent leurs règnes, étoit beaucoup plus longue que la nôtre. K 2 Suivant 68 SUR LA NOUVELLE CHRONOLOGIE Suivant la chronologie ordinaire, Phoronée étoit contemporain de Jacob, Cécrops de Moyse, et Cadmus et Danaiis de Josué. Les Hébreux de ce tcms-là approchèrent presque toujours de cent ans et souvent les pas- soient. Au dire d'Ephore les anciens rois d'Arcadie viv'oient trois cens (27) Heidegger, ans ; c'cst bcaucoup, ouaud cène seroit que des années lunaires. (27) La Hist. Sacr. Pa- r' ^ 1 , , . triarch. Exer- naturc paroît même avoir observé une certaine gradation en réduisant la &c. Joseph. An- vic dc l'hommc au niveau d'aujourdhui. Homère reconnoît une grande iIT'c.^iv. " '"'^' différence entre les héros du siège de Troye et les hommes de son tems, et quoiqu'il parle proprement de la force du corps, il est à croire que la (28)omvw. naturenese bornoitpas 1h.(28) Cen'est proprementque du tems de Solon ^f oToi turi répété . 1..11 / • /^ / \ r \ ^-\ souvent dans ouc la vic ordmairc des hommes etoit n.xee a 70 ans. (29) Ur on sent l'Iliade (29)Herodot. I. daboid Ic pcu d'équité du procédé de M. Newton. C'est juger des hommes sur des loix toutes différentes de celles qu'ils ont suivies. 2. Non seulement la nature avoit très bien pourvu à la conservation de ce» princes, mais le genre de vie qu'ils menoient étoit propre à leur assurer une toute autre durée que celle de nos rois. La vie de ceux-ci est toute propre à les conduire bientôt au tombeau; les plaisirs les plus recherchés mènent peu à peu le fainéant. Les fatigues les plus excessives détrui- sent dans peu le héros. Ainsi nos princes sont ordinairement ceux de leur royaume qui vivent le moins. En voici un exemple pris sur un assez e-rand nombre. Les trente rois de France de la troisième race ont vécu 1427 ans en tout. Ce n'est que 47è pour la vie de chaque roi. Que le sort de leurs sujets est différent! Voyons combien une trentaine de gens de lettres, dont la vie étoit simple, quoique les travaux fussent grands, font emporté sur eux à cet égard. Prenons les trente premiers de la hste que M. de Voltaire a mis à la fin de son siècle de Louis XIV. A mettre leurs vies à la suite les unes des autres la somme sera de 1919 ans, qui en font presque 64 pour la vie de chaque savant. Or la vie des princes Grecs étoit très différente de celle des nôtres, on ne se tromperoit pas même en assurant qu'elle étoit encore plus amie de l'homme que celle des gens de lettres. Peu de travaux, encore moins de luxe. La petitesse de leurs états ne leur laissoit que la décision de ce petit nom- bre de disputes qui doivent s'élever parmi un peuple simple et sans richesse, et le commandement de ces armées qui faisoient des guerres, ou plutôt des incursions, dans le pays de leurs voisins. Aussi la plupart sont mort dans un age fort avancé entre les bras de leurs sujets. Vous ne BU CHEVALIER NEWTON. 69 ne voyez pas une seule minorité dans la liste des rois d'Athènes, et seule- ment deux dans celle des rois de Sparte. II. On a de la peine à se prêter au nouveau système au sujet des rois d'Egypte qui ont reçu l'apothéose, Ammon, Osiris, &c. Peut-on se persuader qu'ils n'ont été connus en Egypte que cinq cens ans avant Hérodote, du tems de qui les prêtres avoient reculé les règnes de leurs dieux de plus de quinze mille ans, et avoient couvert leur histoire d'un voile allégorique, sans que des mémoires de familles, sans que des gé- néalogies des compagnons de Sésostris y apportassent le moindre ob- stacle, et cela dans un tems où la connoissance des lettres fournissoit des moyens de transmettre les événemens à la postérité tout autrement sûrs et précis que les hiéroglyphes ? (30) M. Newton paroît n'avoir été (3o) Thaut in- , 1 • / 1 -n • • , . venta les lettres sur ses gardes contre la vanité des Egyptiens que pour nneux se laisser «ousOsirâ. éblouir par celle des Grecs. Ce peuple, dont l'orgueil sur son origine n'étoit égalé que par son ignorance, ne pouvant pas s'élever au niveau des Egyptiens, rabaissoit ceux-ci au sien, et tâchoient de faire croire premièrement que les dieux Egyptiens étoient descendus de ses héros ; (31) ensuite, par une fable un peu moins grossière, qu'ils en étoient (3i)v.fabuiam /-^ . ^ 1 r> 1 1 1 . lus vcl Isidiâ contemporains. On pourroit même dans ces tables trouver de quoi apud Ovid. Me- ébranler le nouveau système. Cécrops de Sais en Egypte apporta en v. 583. &c. Grèce le culte de Minerve (32) adorée depuis long tems en Egypte, (sa) Mj-thoiog. Cécrops aborda en Attique 1080 ans avant J. C. suivant M. Newton, Banier.'tom.^iii. mais Minerve ou Myrine n'étoit, suivant ce même M. Newton, que ^' ^^' cette reine des Amazones, qui en .974 accompagna Osiris dans ses ex- péditions. (33) Mars et Neptune plaidèrent devant l'Aréopage sous le (33) Newton, règne de Cranaus.(34) Je ne conclus rien de cette table, sinon que sous c. ii. p. isr. le règne de ce prince les personnes et le culte de Neptune et de Mars Par. Epoch, a'. étoient déjà connus dans la Grèce; mais cette conclusion n'est pas com- patible avec les principes de M. Newton, puisque Mars et Neptune, autrement appelles Osiris et Typhon, ne devinrent fameux que près de cent ans après le règne de Cranaus. (35) (35) Newton, . ., , 1 • 1 T-» ■■ Chron. Reform, m. J ai dit, il y a un moment, que le synchronisme de Danaus et p. is, et c. ii. d'Egyptus avec Sesac, lève de grandes difficultés ; mais il faut avouer aussi qu'il en fait naître d'autres non moins considérables. Il faut l'acheter par le bouleversement total de la généalogie des rois d'Argos. Abas, le père d'Acrisius et le bisayeul de Persée, qu'on a toujours re- gardé p. 161. 70 SUR LA NOUVELLE CHRONOLOGIE gardé comme fils de Lynceus et petit-neveu de Danails, se trouvera beaucoup plus ancien que celui-ci, d'une famille très difl'érente, et le même qu'un autre Abas qui vint s'établir dans l'île d'Eubéc. Il n'y a personne peut-être qui ajoute moins de foi que moi aux généalogies dii, tems fabuleux ; mais ceux qui veulent les prendre pour règle le i)lus souvent, et qui essayent d'en tirer des preuves victorieuses, ne doivent pas les fouler aux pieds, sur-tout lorsqu'il est question d'une des géné- alogies les plus anciennes et les plus illustres de la Grèce, dont par conséquent la succession a dû se conserver avec plus de pureté que les autres. Le savant M. Freret a fort bien senti combien le système de (36) Mémoires Ncwtou étoit foiblc de cc côté-là. (36) de l'Acad. des _ Belles Lettres, IV. Homèrc ct Hésiodc ont vécu 400 ans avant Hérodote. Cet his- tora. X. p. 137. . . (37) Herodot. toricu Ic dit lui-même,(37) la Chronique de Paros en tombe d'accord, et Histor. 1. xi. . 1 \ 1 i-i • • / X p. 124. J\l. Newton se lelicite de se rencontrer avec le père de 1 histoire. (38) (38) Newton. ti / i • i- t y -^ r • ' ChroD. Reibnn. lls vécuieut douc euvuon 1 an 870 avant J. C JMais cette époque ne ''■ " " tombe, suivant M. Newton, que 34 ans après la prise de Troye. Or à qui persuadera-t-il qu'Homère (car je ne dis rien d'Hésiode) n'ait vécu qu'une génération après ce fameux événement? S'il y en a quelqu'un, qu'il écoute un ancien auteur qui l'a réfuté d'avance avec autant de so- lidité que d'élégance. " Hic longius à temporibus belli quod composuit Troici, quam quidam rentur, abfuit: nam ante annos uongentos quin- (39) iTsserius a q^^ginta floruit, iutia mille natus est, quo nomine non est mirandum ^"Ç'ion e"t™r°'* ^1^'^^' sfepc iUud usurpât oTot nZu (SpoToi £iV»,(39) hoc enim ut hominum ita h°''^r"^T-' saîculorum notatur differentia."(40) On est sûr de plus que dans quelque <-"• 6- endroit des colonies que naquit Homère, il y naquit après l'établisse- (40 Idem. 1. i. jj^çi^^ ([q^ Grccs dans ce pays-là. Or la première migration qui se fit Weziriacsuries ^q \^ Grècc daus l'Asic Mineure, savoir celle des Eoliens, ne se fit que Epitresd Ovide, . tom. ii. p. 363. quinze ans après le retour des Héraclides,(41) ou en 810 suivant les ^Anll^xL c 7 pi'iiic'pes de M. Newton. Tit. Liv. Hist. y Parmi les premiers Grecs qui civilisèrent l'Italie, Evandre tient Rom. I. 1. c. 7. r 1 ' Vir. /Eneid. ^^y^ rano- distingué. Il apporta dans ce pavs la connoissance des lettres, 1. ïiii. V. 313. . . . (43) Rosi.1 An- et quantité d'arts utiles.(42) On l'en recompensa en reconnoissant sa tiquit. Romaii. * ; ' I vi. p. S28. mère Carmenta pour une divinité.(43) Cet Evandre vint en Italie 60 (44) Diony. . Haiicarii. 1. i. ans avaiit la guerre Troyenne, suivant Denys de Halicarnasse,(44) ou (45) Newton, 39 ans suivant M. Newton. (45) Hercule fut l'hôte de cet Evandre ; ce p. 19. fut chez lui qu'après, avoir défait Cacus, il abolit les sacrifices humains, . . qu'Œnotrus, DU CHEVALIER NEWTON. 71 qu'Œnotius, fils de Lycaon, avoit apporté en Italic.(46) Newton croit O^^) Uionys. qu'il est question de l'Hercule Egyptien, et rapporte cette action à Se- p- te- sostris qui revint en Egypte par les Gaules et l'Italie après avoir défait les fils de Geryon en Espagne vers l'an 1008. Cette conjecture se con- firme par la coutume reconnue des rois d'Egypte depuis l'expulsion des pasteurs, d'abolir par-tout ces sacrifices abominables ; mais comment peut-on la concilier avec la chronologie, puisqu' Evandre ne vint en Italie que 65 ou du moins que 44 ans après Sésostris ? Au reste cette remarque ne porte point autant sur le corps du système que les quatre premières. Peut-être même, qu'on y répondroit facilement par un léger changement. J'allois finir ; mais une réflexion s'est d'abord olïerte à mon esprit ; je me rappellois avec combien d'art M. Hooke avoit voulu régler l'histoire Romaine sur les principes de Newton, et combien d'argumens spécieux il avoit apporté pour faire voir que les sept rois de Rome n'avoient régné que 119 ans au lieu des 244 qu'on leur donne ordinairement. (47) J'ai (47) Journal. , „ . , ;^ . m • • 1 T i- • Briltan. toni. vii. voulu lau'e le même essai sur i histou'e des Latms, et montrer au moms an. 1. que des auteurs anciens paroissoient appuyer à cet égard le nouveau système. Virgile met dans la bouche de Jupiter une magnifique prédiction de la future grandeur des Romains. En parlant de leurs ancêtres les Troyens, il dit qu'Enée sera toujours victorieux pendant trois ans, Tertia dum Latio regnantem viderit œstas, Ternaque transieiiiit Rutulis hiberna subactis. (48) ^i^'^y'T'' Qu'ensuite Ascanius fondera Albe, (trente ans après l'arrivée d'Enée en ''' " Italie,) et que cette ville sera le siège de l'empire pendant trois cens ans, Hic jam tercentum totos regnabitur aiinos Gente sub Hectoreâ.(49) (49) Idem, 1. i. ï. 273. Arrêtons-nous : Albe fut donc détruite, suivant Virgile, 330 ans après l'arrivée d'Enée en Italie, ou 337 ans après la prise de Troyc, puisque selon ce même Virgile, Mnée erra sept ans, avant que d'arriver à la terre promise ; nam te jam septima portât Omnibus errantem terris et fluctibus aestas. (50) (50) Virgii. ^neid. 1. i. Mais ^- '■^5- 72 SUR LA NOUVELLE CHRONOLOGIE Mais suivant les chronologies ordinaires Virgile auroit fait ici une bévue singulière, puisqu'elles disent qu'Albe fut détruite vers le milieu du règne de TuUus Hostilius, environ cent ans après la fondation de Rome, époque qui tombe 432 ans après la prise de Troye. Une différence de 232 ans sur cinq à six siècles n'est pas à mépriser. Le système de Newton est aussi favorable à Virgile que les autres lui sont contraires. 337 ans après la destruction de Troye nous conduisent à l'année 567 avant J. C. époque qui coincide bien avec le règne d'Hostilius : car ce prince étoit le troisième successeur de Romulus dont nous fixons l'époque (ji) Newton, à l'an 627.(51) Il y a môme quelque chose de plus précis. Plutarque Chroii. RetoriD. , , . . . K ,• • ci. p. 92. nous a conservé l'ancienne tradition sur le tems de Numa, lorsqu'il dit qu'on déterra les livres de Numa 400 ans après sa mort. Ou les déterra en 181 ; donc il mourut en 581, et son successeur pouv'oit bien régner encore en 667- Qui est-ce qui peut lire ce morceau de Virgile, sans sentir le dessein et l'art du poëte, qui dans le tems même qu'il conduit JEnée chez Didon, répond à ses critiques de la seule manière que la rapidité de sa marche, et la grandeur de son sujet, pouvoit lui permettre, en leur faisant sentir qu'il suivoit un système de chronologie (que Newton n'a fait que rétablir) où ce sj^nchronisme d'jEnée et de Didon n'étoit plus une licence poétique ? Virgile n'est pas le seul qui révoque en doute la chronologie vulgaire des rois de Latium. Justin en réduit la durée à trois cens ans. " Al- «2) Justin. bam longam condidit quœ trecentis annis caput regni fuit."(52) L'au- torité de Justin sera peu de chose si l'on veut, mais celle de Trogue Pompée, qu'il ne fait qu'abréger, sera toujours regardé comme du plus grand poids. Les anciens mettoient cet historien dans la classe des (53) FI. Vopisc. Tacites, des Tite Lives, et des Sallustes. (53) Tite Live lui-même, ce i"an'i"\nt'. "'* père de l'histoire Romaine, qui fait paroître quelquefois tant dattache- (ài)Tit.Uy. nient pour la chronologie ordinaire,(54) et qui la prenoit pour sa règle invariable dans les tems qui ont suivis la fondation de Rome, paroît .y ajouter peu de foi pour les siècles antérieurs. Rien de plus naturel à un historien Romain que de marquer la durée du règne de chaque roi r55)Tit Liï Latin dont il rapporte le nom. (55) Il se tait sur cet article. Rien de 1. i. c. 3. plug nécessaire que de marquer au moins l'intervalle entre la prise de Troye et le règne de Romulus. Il ne le fait point. Bien plus, parlant de la destruction d'Albe, il dit qu'elle suivit de quatre cens ans sa fon- dation. I. i. c. 18. et alibi passim. DU CHEVALIER NEWTON. 73 dation. (55) Albe (je l'ai déjà dit) fut détruite par les Romains environ (56)Tit. Liv. i. cent ans après la fondation de Rome suivant la chronologie deTiteLive. '•'^•^^• Cet auteur ne diffère pas de beaucoup de Virgile, ce qui est déjà d'un grand poids, mais il ne se rencontre pas précisément avec lui, ce qui est bien davantage. Quelqu'un qui voudra comparer ma citation de Virgile avec le texte de cet auteur, trouvera peut-être que je l'ai tronqué, et que la suite fait bien voir qu'il faut entendre ces 300 ans de l'intervalle entre la fondation de Rome et celle d'Albe, et non entre la fondation de cette dernière ville et sa ruine. Quiconque me fait cette difficulté, je le prierai de peser ces deux réponses, et de choisir entr' elles. I. Que la licence d'un poëte dispensoit bien Virgile de cette exacti- tude gênante. Il suit plutôt l'ordre des choses que celui des tems, et il pensoit qu'il n'étoit permis qu'à l'annaliste d'interrompre son discours par une parenthèse, pour apprendre à son lecteur que, quoique les rois d'Albe ayent bien régné eu tout 300 ans, néanmoins il faut compter 60 de ces ans depuis la fondation de Rome. Y a-t-il quelqu'un d'assez peu de goût pour en blâmer Virgile? S'il y en a qu'ils sachent qu'ils blâment de plus ou moins tous les grands poètes. " Quos hic noster auctores habet, quorum Eemulari exoptat negligentiam, potius quam istorum ob- scuram diligentiam."(57) (5r)Terent. II. Qu'en avouant que Virgile s'est tenu dans les bornes qu'on lui v.'ig^^&c." '^' prescrit, on peut le défendre en disant qu'il n'a voulu parler que des années Albanes de dix mois et de 304 jours seulement.(58) Romulus /^gvp;^;^^^ les introduisit à Rome mais Numa les abolit. Virgile peut avoir trouvé i""'''' ^"V ^ I Koman. sua ces époques dans des monumens Latins ou Romains qui conservoient le ^oce Annus ' ' * Albanus. Kosm. vieux calendrier. Les premiers 37 ans jusqu'à la fondation de Rome se Amiq. Rom. , . . ^ J 1 l.iv.c.l.p.327. réduisent a 31, et les 300 suivans à environ 249, en tout 280. Or la prise de Troye tombe eu 904, suivant Newton. 280 ans nous conduisent jusqu'à l'an 624, époque qui ne diffère que de deux ou trois ans de celle de la fondation de Rome selon la nouvelle chronologie. Quand l'ouvrage posthume de M. Freret paroîtra, on peut espérer de voir éclaircir des matières que je n'ai qu'effleuré. Les questions en litige auront reçu tout le degré de lumière dont elles sont susceptibles, par les combats de ces deux grands hommes. VOL. III. L EXTRAIT ( 74 ) Lausanne, 20 Février, 1758. EXTRAIT DE TROIS MÉMOIRES DE M. L'ABBÉ DE LA BLETERIE SUR LA SUCCESSION DE L'EMPIRE ROMAIN ET D'UN SUR LE PRÉNOM D'AUGUSTE. V. les Mémoires de P Académie des Belles Lettres, tome xix. p. 357 — 447, avec des Remarques Critiques. Ce sont de vrais modèles dans ce genre que les Mémoires de M. l'Abbé de la Bleterie. Porter un esprit de netteté dans les ténèbres de l'antiquité suffit pour l'homme de lettres qui veut s'instruire; joncher des fleurs sur les épines de la science, arrête le bel esprit qui ne cherche qu'à s'amuser. Réunir l'utile à l'agréable ; voilà tout ce que le lecteur le plus difficile peut demander : qu'il le demande hardiment à M. delà Bleterie. Il pourra peut-être lui reprocher quelques détails, mais s'il a du goût, il les lui pardonnera avec plaisir, et s'il connoît la nature de ces discussions, il sentira qu'on ne pouvoit guères les éviter. Notre auteur croit que l'empire a toujours été électif sans avoir jamais été ni patrimonial ni héréditaire ; que le sénat conjointement avec le peu- ple avoit déféré l'empire à Auguste et à Tibère, et que par l'abolition des Comices sous ce dernier, le sénat se trouvoit seul dépositaire du droit d'élire ses souverains. Pour établir sa thèse d'une façon incontestable il se propose de parcourir les élections de tous les empereurs. jNIais les trois mémoires que j'abrège ne remplissent qu'une petite partie de ce vaste objet. Voici les preuves principales qu'elle lui fournit. I. Nous ne voyons nulle part une stipulation telle qu'il en auroit fallu pour dépouiller le peuple Roman des droits de se donner des maîtres. Nous connoissons en détail toutes les dignités, tous les titres dont la po- litique, la flatterie, la reconnoissance avoient comblé Octavien. Bieu loin que chacun de ses dignités fût héréditaire, sous la république, elles n'étoient pas même perpétuelles. On sent combien leur assemblage donnoit d'éclat à celui qui en étoit revêtu ; mais pouvoit-il les dénaturer au point de les rendre le patrimoine d'une seule famille ? Tout ce qu'une longue prescription pourroit faire, ceseroit de rendre l'empire héréditaire de SUR LA SUCCKSSION DE L EMPIRE ROSrAITC. 75 de fait. Mais si le fait et le droit se confondent aux yeux du politique, ils sont bien différens à ceux du jurisconsulte. II. On connoît la politique d'Auguste. On sait avec combien d'art iJ présentoit toujours aux Romains l'esclavage sous l'image de la liberté. Premier citoyen, homme de la nation, il n'avoit accepté la commission de rétablir Tordre, que pour s"en démettre lorsque son ouvrage seroit achevé. Un prince de ce caractère auroit-il jamais fait sentir aux Ro- mains (jue de souverains du monde ils étoient dévenus esclaves a'une famille de clîcvaliers, sans avoir même conservé le pouvoir de choisir leurs tyrans ? Auroit-il accepté un droit qui le rendoit plus odieux sans le reudr» plus puissant? III. Les f^its viennent appuyer les raisonnemens. L'an 727 Auguste fit mine de vouloir rendre I9. liberté aux Romains. Mais il se re»dit en- fin aux instances du sénat qui chérissoit sa servitude. Ce fut alors que se fit la célèbre division des provinces. Auguste ne voulut recevoir l'em- pire que pour dix ans ; et sous son règne le peuple Romain élut cinq fois son prince, quoiqu'il la vérité il choisit toujours la même personne. Croira- t-on qu'un pouvoir ait été héréditaire qui n'étoit pas même perpétuel .•* IV. Le commencement de l'histoire impériale n'offre qu'une suite de comédies dont la plaisanterie étoit encore rehaussée par la gravité qui s'y niêloit. Tibère est déjà reconnu pour empereur par les armées et par les provinces. Il entre au sénat, il y joue le rôle de particulier. Le sénat le prie de se charger du gouvernement de l'empire. Il allègue sa vieil- lesse, il refuse, il capitule, il cède. Dans un état héréditaire auroit-il jamais pris ce rôle? II auroit pu paroître vouloir abdiquer, mais il eût avoué qu'il régnoit. Le sénat auroit-il jamais avoué que la république étoit sans chef? — Non — l'équité, de concert avec la flatterie, auroit fait valoir les principes du droit public, les droits de Tibère, ceux de Drusus, et de Germanicus. La force rendoit hommage aux loix. Tibère, maître de vingt-cinq légions, craignoit de paroître empereur avant que d'avoir obtenu l'aveu du sénat. Il faut voir dans notre auteur lui-même, avec combien de précision, il répond aux objections. En voici les deux principales, 1. Que le sénat avoit rendu l'empire héréditaire dans la famille de Jules César, iî. Que Tibère en disposa par son testament. J'aurai cependant la hardiesse d'eu proposer quelques autres, après avoir posé un principe qui me paroît in- L 2 contestable : 76 SUR LA SUCCESSIO>f contestable : c'est que le témoignage d'iin historien contemporain est d'une toute autre autorité dans ces matières que les inductions que nous autres François pouvons tirer des faits qui se rencontrent dans leurs écrits. La raison en est claire. C'est que nous ne voyons l'histoire de ces tenis qu'en gros, au lieu qu'ils la voyoient en détail : et c'est de ce détail que tout dépend dans des discussions aussi délicates que celles-ci. Le spectacle de l'établissement de l'empire se montroit tout entier à leurs yeux. Tout leur enrappelloit, la constitution, les actes du sénat, les sermens de fidélité, les exemples dont ils étoient témoins. A peine nous en est-il parvenu quelques foibles rayons de lumière. Or je vais faire voir que Suétone, Tacite, et Dion croyoient l'empire héréditaire, au moins dans les com- mencemens. L Voici de quelle façon le premier de ces écrivains s'exprime au sujet de l'Empereur Titus. " Fratrem insidiari sibi non desinentem, sed pêne ex professo sollicitantem èxercitus, meditantem fugam, nec occidere neque seponere ac ne in honore quidem minori habere sustinuit : sed ut a (i)Saeion. 1. primo imperii die consortem successoremque testari perseveravit.\\) Un viii.maito,c.9. pj-ijice qui pouvoit disposer de ses états comme de son patrimoine auroit fait un présent magnifique à son frère. Une telle déclaration dans un état héréditaire lui rendoit justice. Mais dans une monarchie élective elle renferme un outrage, vme violation des droits du peuple, dont j'ai peine à croire Titus capable. L'ami du genre humain l'étoit sûrement aussi des loix qui y maintiennent l'ordre, et qui en resserrent les nœuds. II. Ecoutons parler Tacite ou plutôt l'Empereur Galba : c'est de l'adop- tion de Pison qu'il délibère avec ses amis. Après avoir formé des vœux impuissans pour le rétablissement de la liberté, " Sub Tiberio et Claudio et Caio unius familite quasi hereditas fuimus, loco libertatis erit quod (8) Tacit. Hist. ^^^S'i cœpimus."(2) Qui est-ce qui ne reconnoît pas deux propositions dans ce passage — l'une, que sous Tibère, Caligula, et Claude, l'empire avoit été héréditaire, l'autre, que Galba fut le preinier qui songea à le rendre électif? J'entrevois quantité d'entorses qu'un homme d'esprit, peut donner à ce passage; mais qu'il se souvienne qu'il est de Tacite, c'est à dire de l'écrivain dont tous les faits sont exacts, toutes les idées profondes, et toutes les expressions précises. III. Dion est le dernier dont je citerai le témoignage. Cet historien dit que Britannicus avoit un droit incontestable à l'empire comme fils de l. i. c. 16. DE l'empihe komain. 77 de Claude, et que si Néron y pou voit prétendre, c'étoit comme fils adop- tif de ce même Claude. (3) Ce texte n'a pas besoin de commentaire. \^onf|"ï; ")"' Je sais au reste que rien n'est plus commode, ni en même tems plus in- ^^^• commode, que l'autorité de Dion : nous est-il favorable? — c'est un homme du monde et du cabinet qui posséda les plus grandes dignités de l'empire, et qui employa vingt-deux ans à écrire son histoire. (4) Nous condam- [^Ri^the" ^"^ ne-t-il? — c'est un ennemi de toute liberté et de toute vertu, âme anti-ré- Vajer.tom.i. p. publicaine, anti-romaine, et remplie des préjugés d'un Grec Asiatique. (5) Qu'on décide une fois pour tout de son degré de poids, mais que ce jfietctfe" mL'' ne soit pas le besoin du système qui en décide. BeUot'^Leures En attendant que M. de la Bleterie éclaircisse ces difficultés, tenons tom. xh. p. 369. nous toujours à son système. Il est clair, plausible, et bien lié. Si c'est une erreur, c'est une de ces erreurs qui éclairent l'esprit en le trompant. En le supposant prouvé je vais hasarder quelques idées sur la part qu'a- voient les soldats au choix des empereurs. J'entends de la part qu'ils y avoicnt conjointement avec le sénat, et de l'aveu de ce même sénat; car il seroit aussi ridicule de considérer tant de princes massacrés, l'empire même mis à l'enchère, comme des actes de pouvoir légitime de la part de la milice, qu'il le seroit de régler nos notions des droits des empereurs sur les excès d'un Néron. Je trouve que le sénat revêtissoit le nouveau prince de ses titres, et que les armées confirmoient son choix par leur consentement. Etablissons le fait, et cherchons-en les raisons. La grande âme de César en imposoit aux soldats. La politique déli- cate d'Auguste les contenoit dans leurs devoirs. Ils détestoient et ils craignoient Tibère. (6) Ils aimoient dans Caius, la mémoire de Germa- (6) v. Tacit. ^ . . Annal, i. prEEser, meus et de Drusus. (7) D'ailleurs Auguste, qui forma les cohortes pré- c. 42. toriennes, les éloignoit toujours de Rome. (8) Tibère les y rassembla c. 13. 1 / \ Ti 1 ■ 111 -1 • 1-1 (8) Idem. 1. il. C. dans un camp. (9) Ils devinrent redoutables, et ils sentn-ent qu us 49. ,,,.^y.,. . ., ,. «-A (9)Tacit,AnnaK 1 etoient. Cams, après avoir vécu en monstre, périt en tyran. Aussitôt w. c. 2. les soldats déterrent Claude dans le palais. Il demande la vie, on lui offre l'empire. Le mot de liberté rassemble le sénat; il croit être dans le siècle des Scipions, il commande; il se souvient qu'il est dans celui des Césars, il supplie; les députés du sénat allèguent l'autorité des loixj*(10) (io)Jo!epiu * OÎ JiW|(ta» f*>j èt7v tir] x«£lj|fi TÏç «px^Ç; ^laÇttrôai, 7r«p»jjwf lî» J't t^ avy^hnru. Ce sont là les paroles de Josephe. Claude 78 SUR LA SUCCESSION Antiq. jmi. I. Claudc nc se prévaut que de celle des armes. Celle-ci l'emporte, et Hist. Rom. 1. ix. Claude est empereur. Cependant ju.squ ici les soldats ne lont valoir i!v. c.io. " d'autres droits que celui des brigands, mai.s nous allons voir que dans peu de tems l'usage s'érige en droit, et que, pour parler avec Tacite, " Morcm accommodari prout conducat, et fore hoc (juocjuc in bis quas (a) Tacit. An- j^qx usurpcntur." ( 1 1) nal. xii. c. 6. . A la première vacance du trône, on voit Néron, (pii y monta. Il ha- rangue le sénat le lendemain de son élection. Il parle avec plaisir de l'autorité du sénat, mais il y joint le consentement des soldats. " De (i2)Tacit.Ann. auctoritatc patrum, et consensu militum piiefatus." (12) On sent assez la conséquence de cette expression* quand on réfléchit, qu'elle se trouve dans une harangue d'appareil, et qui se fit devant le sénat même. Je ne me propose pas de parcourir toute l'histoire Romaine pour y chercher des preuves de ma thèse. Cependant je nc puis pas me dispen- ser de parlea- de la singulière contestation entre l'armée et le sénat après (13) v.Vopisc. la mort de l'Empereur Aurélien. (13) On v voit deux corps assez mo- iii Vit. Tacit. ,, , /, , , . .„ '11 derés pour se céder leurs droits respectits, assez avoues dans leurs preten- tions pour pouvoir le faire avec bienséance. Quand l'origine et les prétextes de ce droit se déroberoient à notre vue, nous ne devrions pas en être surpris. Quiconque est maître des armes l'est à la fin de tout. ]Mais ici nous n"a\ons pas besoin de cette maxime. Les soldats pouvoient fonder leur droit sur des raisons aussi spécieuses qu'elles étoient peut-être peu solides. I. Ils représentoient en quelque sort le peuple Romain. Les Comices ne subsistoient plus, le peuple de la ville ne demandoit que du pain et (14) Vide Tacit, dcs spcctaclcs. (l4) Autrcfois toute la nation étoit soldats, et toute la ptK. is. .I.e. j^g^i-ji^j^ élLsoit ses chefs; sous les empereurs la partie la plus choisie l'é- toit, et cette partie sembloit avoir succédé aux droits du tout, et devoir concourir avec le sénat dans l'élection de ses princes. Par cette raison les prétoriens habitans de Rome croyoient y avoir plus de droit que les légionnaires, qui n'étoient que citoyens Romains, et que ceux-ci en ex- (15) Voyez Du cluoicnt tout à fait les auxiliaires. (15) deîaMon.frln. H- Sous la république, les soldats, dans de certaines occasions, avoient tuin. i. p. 60. * Il semble que l'expression consensus militum devint la formule ordinaire, du moins Pison s'en servit aussi en parlant de son adoption par Galba, élu DE l'emPIKE nOMAIJV. 79 élu leurs chefs : témoin le brave Martius. (l6) Il est vrai que cette élec- (i6)T!t.Li». . . . Hisl. 1, XXV. Ci tion passoit pour illéo-itime. (17) Mais dans des usages nui favorisent 37. \ . ° ^ , , . * ^ ,,. (17)Idem.I. nos jîrétentions nous nous souvenons de la pratique, et nous oublions sa xxvi. c. 2. condamnation. III. L'équivoque du mot d'Imperator leur fouinissoit une nouvelle raison; je crois même que c'est celle qui a eu le plus de poids. Les sol- dats conféroicnt le titre à" Imperator, mperatorem salutabatit, comme auparavant, (18) mais ce mot avoit bien chano-é de signification. Sous ('i8)VidePiti3c. , ..,,. . , . . Lex. Aiitiq. sub la republique il n'étoit que le titre d'un général vainqueur, sous l'empire vuce imper. il avoit ajouté à son ancien sens un autre bien plus relevé, c'étoit le nom de la première dignité de l'état ; la personne qui l'avoit reçu devenoit généralissime absolu de toutes les armées. (19) Nouvel exemple de l'at- (i9) Dion, iiist. tacliement des hommes aux noms, et de leur négligence pour les idées 235. qu'ils renferment. Il faut (suivant M. de la Bleterie) considérer le titre d'Auguste sous trois points de vue différens. 1. Pour Octavien, c'étoit un titre person- nel; comme Plus, Magnus, Felix. Les Romains lui reconnoissoient par-là quelque chose supérieure à l'homme, qui tenoit de la divinité. 2. Pour Tibère, pour Livie, pour Caius, c'étoit un nom de famille. 3. Il devint un titre de dignité sous les empereurs suivans. Cependant il conservoit toujours quelques marques de son origine personnelle. C'é- toit le seul titre que gardoient les princes qui avoient abdiqués. C'étoit le seul qu'on communiquoit aux femmes des empereurs. RE- ( 80 ) REMARQUES CRITIQUES SUR LE NOMBRE DES HABI- TANS DANS LA CITÉ DES SYBARITES. BoiLEAu apprit à Racine l'art de rimer difficilement. Je voudrois que I\f. Wallace m'eût l'obligation de lui avoir appris à croire difficile- ment. Il en auroit assez besoin. Les trois cens mille combattans de Sybaris ne lui font aucune peine. Quel Pyrrhonicn que ce M. Hume! La seule incrédibilité du nombre le lui fait rejetter.* Entrons cepen- dant dans la pensée de ce M. Hume, et faisons voir que le territoire de Sybaris n'a jamais pu être peuplé à ce point-là. La littérature ne com- porte guères les démonstrations. Quel bonheur pour nous, si nous en trouvions ! Crotone, l'ennemie de Sybaris, en étoit éloignée d'environ deux cens stades du o4té du raidi. f Ces deux cens stades sont donc la plus grande étendue possible de la cité de Sybaris. Héraclée, sujette aux Tarentins, l'empêchoit de s'étendre beaucoup plus loin vers le septentrion. J La mer qui baignoit ses murs formoit sa frontière orientale, et l'on n'a qu'à jetter les yeux sur la carte pour voir combien l'Italie, rétrécie elle-même, lui fournissoit peu de conquêtes occidentales. Pour mettre les Sybarites à leur aise, accordons-leur un cercle dont le rayon soit de deux cens stades. Le stade Grec est composé de six cens pieds. Or, comme le pied Grec est au pied de roi en raison de 23 à 24,§ 600 pieds nous donnent 575 pieds de roi. Le rayon du cercle en a 155,000, et par les opérations ordinaires, la circonférence 974,286, et l'espace circonscrit par le cercle contiendra 37,997,154,000 pieds quarrés. 28,800 pieds quarrés des Ro- mains, ou 24,365 pieds de roi formoient \ejugerum. Ce cercle contenoit 1,559,49s Jugera. Du tems de la fondation de Rome deux jugera suffisoient pour l'entre- tien d'une famillell composée de sept personnes.** Le territoire de Sy- * Vide Wallace upon the Numbers of Mankind, p. 303. t Strabon, 1. vi. p. 404. X Voyez Mazochii Comment, in Tub. Heracleens. ap. Journal des Savans, Novembre, 1758, p. 16. § Eisenschid. de Ponderibus et Mensur. Veterum, p. 110. II Plin. Hist. Natural. 1. xviii. c. 2. ** Wallace, page 119- baris, DANS LA CIÏK DES SYBARITES. 81 baris, cultivé de la même manière, en auroit pu nourrir 5,458,243. Mal- heureusement les récits de Diodore et de Strabon* nous obligent d'en trouver presqu'vme fois autant. Trois cens mille hommes se mirent en campagne contre ceux de Crotone. C'étoit tout au plus la moitié des Sybarites en état de porter les armes. Ceux-ci étoient au nombre de 600,000 ; toutes les personnes libres de 2,400,000, et tous les habitans de 5,600,000 : comptant la proportion des esclaves aux maîtres comme trois à un. L'on sentira assez combien toutes les suppositions ont été faites favo- rables aux Sybarites. Jai supposé tout leur territoire cultivé, villes, dé- serts, rivières, tout a été supprimé. Je n'ai point fait attention au luxe et à la mollesse des Sybarites. Je ne leur ai pas donné plus d'esclaves qu'à ces Romains dont les consuls eux-mêmes bêchoient la terre. Je leuf ai supposé la même simplicité, la même patience, la même assiduité au travail qu'à ces pâtres qui s'exerçoient à conquérir l'univers. Que sera-ce encore si le fondement de cette supposition est ruineux-, si les Romains eux-mêmes ne pouvoient pas nourrir une famille du crû de deux Jugo^a ? On exagère avec tant de plaisir. Les Romains sont- ils pauvres? — deux jugera entretiennent une famille. Sont-ils riches? — leurs bains couvrent des provinces. Mais i^enons à quelque chose de plus précis. Du tems de la simplicité Grecque et Romaine, un chœniv par jour, ou quatre jnodii à peu près par mois, nourrissoient une personne. C'étoit l'étroit nécessaire. On le donnoit aux esclaves.^ Or quel étoit le produit d'un jugerum ? Cicéron nous l'apprend de la campagne de Leontium ; dix ?nedimni, les bonnes années, — huit, année commune.^ Mais cette campagne, distinguée par sa fertilité,§ ne doit point sefvir de modèle pour toutes les autres. Si nous leurs accordons, aux unes portant les autres, cinq medimni, ce sera beaucoup. Il en faut encore * Diodor. 1. xit. c. 9. Strab. I. vi. p. 404. t V. Horlensius de Re Frument. apud Ciceron. Olivet. Tom. iv. p. 605. X Cicero in Verr. Actio II. 1. iii. c. 47. In jugera Leontini agii, mediinnum fere tritici, perpétua et œquabili satione, ager efficit cum octavo, bene ut agatur: ut omnes Dii adjuvent cumd«cirao. § Cicero, in Verr. Actio II. 1. iii. c. 1-8. Quod caput est rei frumentariae, campus Leontinus, cujus anlea species erât, ut cum obsi- tum vidisses, annonae caritatem non verérere. VOL. ïîi. • M déduire 82 SUR LE NOMBllE DES HABITANS, &C. déduire un rnedimmis d'ensemencement, reste à quatre medimni à vingt- quatre niodii. Deux jugera ne suffisent donc qu'à l'entretien d'une seule personne ; et le territoire de Sybaris, en supposant les deux tiers^ cultivés, pouvoit en nourrir cinq cens vingt mille, pas la seizième partie de ceux que Diodore, Strabon, et M. Wallace y ont placés. Je ne déci- derai pas s'il les iiourrissoit en eft'et. Votre raisonnement seroit juste, rae dira-t-on, si les Sybarites ne se nourrissoient que du produit de leurs terres. IMais ils faisoient venir du grain de chez l'étranger. Cette ressource est commode. Elle garantit les Sybarites de la disette, et leurs panégyristes des objections. Il faut cependant prendre garde de ne pas l'employer trop souvent, de peur de faire entrer du bled dans tous les pays sans en faire sortir d'aucun. Les importations de cette espèce ne se peuvent faire que chez des peuples riches et commerçans. Les exportations annoncent à coup sûr une contrée moins peuplée qu'elle ne pourroit l'être; et si la fertilité du terroir, ou l'art des habitans n'y suppléent en partie, un pays assez dégarni d'habitans. Cependant, selon les admirateurs des anciens, les environs de Sybaris, la Grèce, l'Italie, la Sicile, l'Afrique regorgeoient alors de monde. Mais que les Sybarites ayent fait venir du grain, leur commerce n'a pas sûrement surpassé celui d'Athènes, le siège de l'empire et des arts. Celui-ci n'alloit qu'à 1,600,000 medimni tout au plus, peut-être à la moitié seulement.* <200,000 personnes ont pu subsister de ce commerce, et l'on pourroit trouver dans la cité de Sybaris 720,000 âmes; la dou- zième partie du nombre requis. Puisque deux auteurs estimés ont pu convenir d'un fait impossible, que la population de l'antiquité nous devient suspecte ! Il est si peu de faits appuyés sardes autorités aussi bonnes. En tout, hormis la religion, il vaut mieux ne pas croire assez, que de croire trop. * Wallace, p. 291. DU ( 83 ) DU GOUVERNEMENT FÉODAL, SUR-TOUT EN FRANCE. La terre (disoit le Jupiter d'Homère) est suspendue dans les airs, par Homer, iiiad. une chaîne d'or ; seul je soutiens ce poids immense. L'effort réuni des dieux ne sauroit me l'arracher. Cette chaîne d'or c'est le système féodal, mais il s'en falloit bien que son chef put tenir le même langage. Des milliers de légistes ont commenté tous les détails minutieux de ce système. Depuis un siècle, et sur-tout en France, on a voulu recher- cher son origine et ses principes. Les parodoxes hardis du Comte de Boulainvilliers, et les sophismes adroits de l'Abbé Du Bos sont assez connus. Le Président de Montesquieu, toujours brillant et toujours profond, y a porté ses vues systématiques et philosophiques. L'Abbé de Mablv vient de nous donner sur cette matière un ouvrao;e utile et bien écrit.* L'esprit juste et méthodique emprunte les conjectures du génie, et lui rend des critiques. Instruit par Mably, on lit Montesquieu avec plus de fruit et de sûreté ; l'on marche sans s'égarer à la lueur de ses éclairs. Ces hommes célèbres ont ouvert la carrière ; je les suis en tremblant. N'obscurcissons point nos idées sous prétexte de les simplifier. Le système féodal, assemblage monstrueux de tant de parties, que le tems et le hasard ont réunies, nous offre un objet très compliqué ; pour l'étu- dier il faut le décomposer. J'examine la France au commencement du douzième siècle, lorsque le gouvernement féodal avoit acquis un peu de tranquillité sans rien perdre de sa vigueur, j'y vois, 1. Une hiérarchie presqu'infinie, qui ne laisse à son chef qu'un vain fantôme de pré-éminence, et dont chaque membre, à la fois suzerain et vassal, exerce tous les droits de la puis- sance publique, en démembrant fétat. 2. La foi et l'hommage, seuls liens de ce grand corps. 3. Le service militaire que chaque vassal doit à son seigneur pour le fonds qu'il reconnoît tenir de sa bouté. 4. Def millions de paysans enchaînés à la terre qu'ils cultivent. ■* V. le Comte de Boulainvilliers sur l'ancien Gouvernement de la France; l'Abbé du Bos, -Histoire Critique de l'Etablissement de la Monarchie Françoise ; l'Esprit des Loix, livres XXX et xxxi ; Observations sur l'Histoire de France de l'Abbé de Mably, &c. &c. M 2 Les 84 DU GOUVERNEMENT FEODAL, I- Les anciens Germains respectoient la naissance, mais ils n'obéissoient Foi ft liom. ' _ . T 1 /• mage. qu'au niéiite ; et ne connoissoient de mérite que la valeur. Leurs chefs, aussi barbares qu'eux, sentirent cependant cette vérité, et ils appellèrent de bonne-heure les mœurs au secours des loix. Rois, ils présidoient à Tacit, de Mori- peinc daus cc champ de Mars toujoiïrs couvert dorages ; guerriers, ils bus Germanor. ^ . ... surent rassembler autour d eux une troupe de jeunes guerriers qui leur juroient un dévouement sans bornes parcequ'il étoit volontaire. Ils étoient craints et respectés à proportion du nombre et de la bravoure de cette escorte, dans laquelle la noblesse la plus illustre du pays ne rou- L'Espritdes orissoit point dc s'inscrirc. La foi, l'amitié, l'amour de la gloire, la honte Lois, XXX. j. o 1 1 1 /• 1 de survivre à leur chef; voilà les liens des compagnons. Ce chef leur devoit sa protection, son exemple aux combats, et des dons grossiers et militaires, des repas, des armes, et des chevaux de bataille. Dans ce tableau énergique que Tacite nous a tracé des mœurs des Germains, je crois qu'il faut principalement entendre les peuples Sicambres, plus voisins de l'empire que la ligue Suève. Cette confédération Sicambriquc se renouvella dans le troisième siècle, sous le nom de François. L'insti- tution de ces compagnons d'armes, qui arrachoit l'élite de la jeunesse à la patrie pour la consacrer au prince, auroit dû faire trembler la répub- lique pour sa liberté. Mais les François étoient déjà légers et in- ' conséquens ; et l'amour de l'indépendance étoit gravé dans tous les cœurs. Cet esprit, plus fort que les loix, arrêtoit également les uns et les autres, et les empêchoient de former des projets tyranniques, d'y consentir, ou de les craindre. Mais l'on peut deviner, (et j'ose même l'assurer,) que ces associations militaires et domestiques n'entroient point dans l'ordre politique de la nation. Elles avoient leur grade dans la maison du prince, sans en avoir dans l'assemblée des citoyens. Le champ de Mars nommoit les chefs des communautés et les juges des cantons. Je pense que les vassaux avoient droit d'y prétendre, mais ce droit général, fondé sur leur qualité de François, ne devoit point ex- clurre les autres François leurs compatriotes. Je passe rapidement sur les objets connus. Pourquoi rappeller la dé- cadence de l'empire et les conquêtes des François ? Les rois s'agrandi- rent avec la nation. Les vassaux partagèrent la fortune de leur seig- neur, désormais en état de leur prodiguer les richesses des vaincus. Du tems de Tacite les nations Germaniques avoient plusieurs chefs qui par- tageoient SUB-TOUT EN FRANCE. 85, tageoient les cœurs et le service de la jeunesse, et qui s'inspiroient mu- tuellement une crainte salutaire pour l'état. Le tems, les révolutions, et l'avantage commun avoient enfin réuni chaque nation sous les dra- peaux d'un seul général qui devint bientôt l'unique Roi. On sait d'ailleurs que la liberté s'affermit dans les révoltes et se perd dans les conquêtes. On eût dit que les François ne formoient qu'une société de brigands, Mabiy, i. i. c. ; qui ne se connoissent plus après le partage du butin. Ils parurent dans les Gaules, envahirent tout et se dispersèrent. Chaque citoyen exerçoit à son gré sa tyrannie sur les vaincus, et assouvissoit sa vengeance contre ses concitoyens. Les champs de Mars ne s'assembloient plus, et le roi, par cette dissolution de la république, étoit devenu la seule auto- rité légitime. C'est depuis cette époque que les vassaux, connus sous les noms de Leudes, d'Antrustions et de Fidèles, paroissent revêtus d'une noblesse personnelle révérée des peuples, et reconnue par les loix. Le roi ne leur distribuoit plus que des terres considérables qu'on nommoit bénéfices. Conjointement avec les évêques, ils composoient le grand conseil de l'état, qui s'assembloit quelquefois, mais dont Ja politique adroite imitoit bien mal la liberté guerrière des champs de Mars. Le prince choisissoit lui-même les juges et les centeniers des villages, mais ces villages étoient devenus des provinces, et leurs chefs portoient les noms de ducs et de comtes. Je vois sans surprise que le prince les prenoit toujours parmi ces hommes fidèles que ses bienfaits et leur ser- ment de fidélité sembloient consacrer à son service. Mais les tyrans n'ont jamais d'amis, et le prix de la séduction mérite peu de reconnoissance. Ces Leudes, devenus courtisans depuis que les enfans de Clotaire L ne paroissoient plus à la tête des armées, ne songè- rent qu'à assurer leur état aux dépens de leur bienfaiteur. Les bénéfices étoient amovibles; bientôt ils les rendirent perpétuels et enfin hérédi- taires. Le traité d'Andely autorisa cette aristocratie héréditaire qui s'établissoit au milieu de l'état. Il fut confirmé par Clotaire IL et Esprit d« Loix, xxxi. 1, scellé du sang de la malheureuse Brunehaut. C'est de cette assemblée de Paris en 615 qu'on peut dater l'humiliation des roig de la première Mabi^-, i. i. race. C'est aussi à la succession héréditaire des bénéfices qu'on peut fixer l'origine de la noblesse Françoise comme un ordre de l'état. Assurément il 86 DU GOUVERNEMENT FEODAL, il y avoit déjà des familles distinguées dans l'ordre civil et dans l'esprit de la nation.* Les autres François s'empressèrent à donner leurs alleux pour les recevoir érigés en bénéfices, et pour partager les avantages attachés à ce grade, dont la possession d'un bénéfice paroissoit le caractère distinctif bien plus que la prestation du serment. Je pense même que les bénéficiers avoient su profiter de ce changement dans les idées, pour «'attribuer une prétention exclusive aux grandes dignités. Une équivoque de mots a suffi pour changer peu à peu la face de la terre. Les bénéficiers, devenus seigneurs, s'affranchirent facilement du nom même de reconnoissance ; mais l'idée subsista dans la nation, se développa avec le système des fiefs, imagina l'hommage lorsque le serment de fidélité étoit devenu général, et imposa au seigneur et au vassal un système de devoirs pur, généreux et réciproque, ir. La foule des historiens nous ont tracé le plan général de l'institution Service Mili- . ,.., . n ■ ^1■. ■ -'-il j-m taire. dcs ficfs avcc unc smiphcite satisfaisante a 1 esprit, et qui évite les ditn- y. entr-autres cultés cu évitant Ics détails. Les barbares (disent-ils) qui envahirent les l'Hist. (l'Lcosse ^ , de Robertson et provinccs dc l'empiie songèrent aux moyens les plus propres a conserver celle d'Algie- ^ r & .' r i i ferre par Hume, cc qu'ils avoicut acquis. Ils partagèrent Ics terres des vaincus, le gé^ néral prit pour lui un domaine considérable. Les commandans des prin- cipaux corps en reçurent aussi, à condition de le servir dans ses guerres. Ceux-ci à leur tour s'assurèrent, par une semblable distribution, de la fidélité des soldats. Les terres tenoient lieu de solde, et l'armée sub- sistoit toujours cantonnée dans le pays, et prête à se rassembler au premier signal de ses officiers. Quand cette institution seroit plutôt le résultat des faits que le fruit i\e l'imagination, elle surpvendioit le philosophe qui seroit forcé de l'adopter. Une subordination aussi régulière dans une nation qui ne cherchoit qu'à jouir d'une indépendance personnelle, et qui daignoit à peine l'aire des loix générales 1 Une armée qui ne recevoit point de solde, et qui se fait donner des terres au lieu de cette solde ; des vues aussi jéfléchies dans une société de brigands ! Un chef, le premier de ses pairs, qui distribue les récompenses de l'état, et qui les reprend à son gré ! "' Paimi les Grecs et les Romains il y avoit une noblesse très réelle, respectée de la na- tion, mais ignorée des loix. Rappelions- SUR-TOUT EN FRANCE. 87 Rappcllons-nous encore que le service militaire chez les nations nom- breuses et policées, est animé par un esprit bien différent de celui qui règne chez les peuples libres, pauvres, et guerriers. Ce n'est qne chez les premiers qu'on est obligé de choisir parmi les citoyens un ordre per- manent de soldats, et d'entretenir par des récompenses une ardeur tou- jours prête à s'éteindre. L'homme civilisé craint les périls et les fatioues, riionmie sauvage les recherche. Chez les barbares tout est soldat ; l'amour de la patrie, celle de la gloire, le plaisir d'assouvir sa férocité, et l'espérance du butin — voilà ses cheis et ses loix. Il rejetteroit avec mépris une indigne exemption du service ; et sa femme, ses enfans, ses foj-ers domestiques, il ne les défend qne parcequ'ils lui sont chers. Tel est l'esprit qui s'est répandu du nord au midi, depuis les frontières de la Chine jusqu'au fond de l'Afrique. Il a dû s'affoiblir par la mollesse du climat, les mélanges des nations, et les révolutions des états ; mais quelle nation de barbares a prévu des inconvéniens qui ne se feroient sentir qu'à leur postérité, et un système de mœurs éloigné de toutes leurs idées ? Je combine l'expérience avec le raisonnement. J'ouvre les codes de ces peuples qui renversèrent l'empire. Dans les uns il est question d'un partage des terres des vaincus.* Les autres n'en font pas mention,'f mais tous, sans exception, se taisent sur ce servi'ce militaire imposé à leure propriétaires; service qui auroit dû reparoître à chaque instant dans les loix de ces peuples de guerriers. J'ouvre leurs annales, je ne vois que des hommes libres qui suivent les drapeaux d'un roi, d'un duc, ou d'un comte. Enfin j.'apperçois l'aurore de la nouvelle institution, j'en fixe la date, je marque ses progrès. Je la vois sortir de la terre, cette plante foible et tardive. L'arbre s'élève. Il couvre l'Europe entière de son ombre. Dans l'intervalle du quinzième siècle au huitième, les barbares (je parle sur-tout des François) étoient devenus plus corrompus sans être plus civilisés. Leur humeur guerrière avoit perdu de sa vigueur, et leur gouvernement civil étoit rude et informe, lorsque les Arabes passèrent les Pyrénées et sembloient leur préparer le sort des Visigoths. Le * Les Visigoths, et les Bourguignons. t Les AUemanni, les François, les Lombards, &-c. goût 88 nu GOUVERNEMENT FEODAL, goût n'appelloit plus les François à leurs drapeaux; la patrie n'étoit qu'un vain nom, et la nécessité de se défendre agissoit avec moins Mai)!y,i.i.c.6. dcfficacc quc l'espérancc d'acquérir. La France étoit perdue, mais lX! xxxi. 14, Charles Martel la gouvemoit. Ce grand homme (que son intérêt per- sonnel éclairoit peut-être sur celui de l'état) institua une milice con- sacrée au service de la monarchie. Il dépouilla le clergé de la plus grande partie de ces terres qu'il devoit à ses artifices et à la dévotion des Francois, et les distribua à ses capitaines. Il se crut autorisé sans doute à employer les trésors de la religion à la défense de cette même religion contre les plus cruels de ses ennemis. Les premiers monumcns de cette institution célèbre sont perdus ; mais au défaut des diplômes de Charles Martel, nous pouvons puiser dans les annales du tems et dans les capitulaires des rois Carlovingiens, une idée assez sûre de la nature de ces nouveaux bénéfices, et des obli- gations des bénéficiers. On y voit clairement que, L Au lieu de cette reconnoissance vague, dont les anciens vassaux s'étoient si facilement dispensés, Charles Martel leur imposa des devoirs précis, de s'attacher à la personne du prince, de le servir dans le palais, et de le suivre dans ses guerres ; qu'on exigeoit sérieusement ces devoirs, et que le vassal nég- ligent ou infidèle perdoit son fief,* par une sentence autant plus à crain- dre qu'elle étoit revêtue de toutes les formalités de la justice. 2. Il ne s'agissoit plus de choisir quelques braves, prêts à mourir avec leur prince. Ce maire politique vouloit donner un parti à sa maison et une armée à l'état. Chaque vassal étoit à la foi soldat et capitaine. Sa troupe, plus ou moins nombreuse, marchoit sous sa bannière, et remplissoit à son égard les mêmes devoirs que le prince attendoit de lui. Aussi ce n'est que sous Pépin et Charlemagne que nous trouvons la première mention des arrière-vassaux. Dans la suite cette chaîne s'étendit presqu'à l'infini. 3. Pour mettre les grands vassaux en état de soudoyer ces troupes, il falloit leur donner des terres considérables, des maisons, des métairies, et xles seigneuries. Je vois dans les capitulaires des bénéfices de 200 mai- sons, Louis le Débonnaire donne au fils de l'impératrice Judith un fief * Selon l'Abbé de Mably on n'a connu le mot de fief que sous Charles le Simple. M. JNIuratori pense qu'on s'en est très peu servi avant l'an 1000. — V. Mably, 1. ii. c. 1. rero. 1. «t Muratori sopra le Antichite Italiane, Dissert, .x^ dans SUR-TOUT EN FRANCE. - 8<) fkns la haute Bavière de 4000 manoirs, 48,000 arpeus. Je cherclie vainement dans les diplômes le nombre de soldats que chaque vassal devoit fournir. J en conclus qu'un rapport général, qui nous est inconnu, fixoit une proportion entre l'étendue du fief et le service qu'il devoit. Ce rapport seroit-il différent de celui que Guillaume, duc de Normandie, établit en Angleterre lorsqu'il porta dans ce pays tout le système féodal? Chaque fief de quatre hides de terre (de 4 à 500 arpens) devoit entretenir v. Hume-» Hi»t. ' 1 . / / i of England, vol, un chevalier, c'est a dire un gendarme bien monté, armé de toutes i.p.i4.>and407. pièces, et suivi de son écuyer et de trois à quatre soldats. On peut remarquer que le service militaire simple et général dans les premiers tems, ne pouvoit donner que des fantassins. La cavalerie exigeoit trop de soins et de frais. Elle convenoit mieux aux seigneurs des fiefs et à leurs vassaux. L'expérience s'accorde avec les conjectures: l'infanterie, seule force des armées Francoises sous la première race, s'affoiblit déjà v.Heranit, T-./ • 1- 1 /-11 1 AbrégéChrow, sous répm, et disparut sous les successeurs de Charlemagne. Les institutions conformes au sénie et aux besoins d'un siècle s'établis- sent sans peine et s'étendent avec rapidité. Les règlemens de la maison et de l'armée du Maire du palais devinrent bientôt le code politique de l'Europe. Pépin donna plus de consistence au système des fiefs, qui prit dès lors de fortes racines dans le royaume des François, c'est à dire dans la France, la Suisse, les Pays Bas, et dans une grande partie de l'Allemagne. Il se répandit avec les conquêtes de Charlemagne jusqu' aux frontières de la Pologne et de la Transilvanic, jusqu'à Beneventum dans le fond de l'Italie, et en Espagne jusqu'à l'Ebre, Les rois de Navarre et d'Arragon en firent la loi commune de tous ces états chré- tiens qui s'élevèrent sur les débris des Arabes, Les Normands l'adoptèrent en Neustrie, et le portèrent avec leurs armes victorieuses en Angleterre, en Irlande, en Naples, et en Sicile. Les Cioisés l'établirent aux rives du Bosphore, du Jourdain, et de l'Euphrate. Les royaumes du Nord imitè- rent leurs voisins dès qu'ils les connurent. Ils reçurent les fiefs avec le christianisme et les arts. Charles Martel avoit suivi la politique de Septime Sévère. Sa situation ni. » ' _ ' Hiérarcliie étoit la même, et leurs caractères avoicnt beaucoup de rapport. Il ne poinique. ménageoit que ses soldats, à qui il permettoit tout, à qui il prodiguoit tout, et qu'il regardoit comme l'unique appui d'un trône usurpé. Il juimilioit la noblesse, dépouilloit le clergé, opprimoit le peuple, et gou- VOL. m, N vernoit 90 DU GOUVEHNKMENT FEODAL, vcfnoit impunément d'un sceptre de fer une nation libre. Mais il nour- rissoit en secret une bête féroce, terrible à ses ennemis, redoutable à son maitre. Ces grands vassaux, possesseurs des plus belles terres du roy- aume, juges et capitaines des hommes qui les cultivoient, suivis d'une v.Mabiy.i. ii. maisou militaire qui oublia bientôt la source première de leurs bienfaits, étoient peu faits pour respecter les loix, dès qu'ils pouvoient les violer impunément. Charlemagne lutta vainement contre son siècle. Ce LEspritdes g-pand hommc, (lui sentit comme Pierre I. qu'il n'étoit qu'un barbare, trouva dans son génie tout ce que le Russe chercha dans TEurope civi- lisée. Les arts se réveillèrent à sa voix. Il fit respecter aux François les loix qu'il respectoit lui-même. Il rendit au clergé sa discipline et sa dignité, il essaya de soulager et de ranimer un peuple abruti par ses mal- lieurs. II cohtemploit avec plaisir la face d'une nation libre réunie enfin dans ses diettes générales. Je crois démêler qu'il prévoyoit tous les dangers de la milice féodale. Dans le tems même qu'il régloit ses droits et ses devoirs, il lui opposoit ces troupes d'hommes libres qui marchoient sous les étendards de leur comté. Il tâchoit de les rendre à la fois plus utiles et plus respectables. L'autorité de ses loix, et plus encore celle de son génie, tenoit tout immobile pendant sa vie. Pour assurer la tran- quillité de ses peuples, il se vit obligé de troubler celle de ses voisins. Des troupes toujours en campagne et toujours victorieuses connoissent rarement la sédition. De tous les empires, celui des Romains s'est élevé le plus lentement et s'est soutenu le plus longtems. Voilà à la fois la cause et l'effet. Chaque province subjuguée étoit déjà préparée à se perdre dans le nom Romain. Les autres monarchies se sont établies et se sont aflfoiblies avec la même rapidité. La vie de leur fondateur a marqué la période de leur grandeur, souvent celle de leur existence. Les conquêtes peuvent ras- sembler cent nations diverses, le tems seul et les loix peuvent les unir ; et cette harmonie, cette correspondance des parties éloignées d'un vaste empire exigeoit des lumières et des institutions que le siècle de Charle- magne ne pouvoit ni imaginer ni supporter. Ce prince se fit sur le gouvernement de ses royaumes un système différent de celui de ses pré- décesseurs. Il supprima ces ducs puissans qui administroient des pro- vinces fort étendues, pour les partager chacune en plusieurs cantons, régis par autant de comtes ; ceux-ci ne recevoient d'ordre que du sou- A'erain SUR-TOUT EN FRANCE. i^l verain lui-même, ou de ses ministres, qui parcouroient Tempiic pour tenir les états de chaque légation. Il se rappelloit sans doute que les maires d'Austrasie, de Bourgogne, et de Neustrie, avoient accablé le trône des Mesovingiens sous le poids de leur puissance. Mais sa nou- velle institution perdit l'état pour ne prolonger que de quelques instans l'existence foible et précaire de ses descendans. Sous ses indignes suc- cesseurs le champ de Mars n offroit plus que l'image d'une démocratie tumultueuse. Tous ces comtes s'excitoient mutuellement à mépriser une autorité trop foible pour étouffer une hydre qui renaissoit sous leur pas. Peu redoutables par leur nombre et le peu d'étendue de leurs juri- dictions, personne ne songeoit à usurper l'empire, chacun à le démem- brer, à s'attribuer tous les droits régaliens dans le canton auquel il bornoit son ambition, et à les faire passer à sa postérité. Ce ne fut qu'en Allemagne, que l'Empereur laissa subsister les ducs des Saxons, Bavarois, &c. qui gouvernoient sous ses auspices des nations entières.' Ces sujets formidables rejettèrent bientôt des princes indigues de régner sur eux, mais ils respectèrent les droits d'un trône sur lequel chacun d'eux espéroit de monter un jour. Voilà ce qui conserva dans la Ger- manie l'idée d'un corps politique, dans le tems même qu'elle sembloit se perdre parmi les François. Par-tout les gouverneurs vouloient se faire souverains ; par-tout les vassaux cherchoient à se rendre indépendans. De ce conflit il auroit pu résulter un équilibre capable de soutenir encore cet empire chancelant. Mais tout tendoit à réunir les intérêts des deux systèmes, et à confondre même les personnes. I. A l'exemple du souverain, les comtes se firent bientôt des vassaux qui ne dépendoient que d'eux, et à qui ils distri- buoient quelque partie de leur domaine. 2. On leur permit de conférer ^^ ^.^^., les bénéfices publics. 3. Chaque vassal (peut-être môme chaque homme ^"''" ""'• "'^■ libre) pouvoit se choisir un seigneur ; dès lors le prince n'eut plus ni sujets ni vassaux. Dans ces tems d'anarchie tout le monde préféroit un gouverneur puissant à un monarque foible et éloigné. Charles le Chauve m^biy, i, ii. c. accorda bientôt l'hérédité des fiefs. Bientôt il donna cette vaine ombre '"■ '^• d'autorité (jui lui restoit encore. Il confirma aux comtes la possession héréditaire de leurs états. Toutes les parties de la monarchie se plièrent à ce nouveau système. Les idées féodales dominèrent dans cette révo- lution. Le roi devint suzerain, et les comtés n'étoient plus que des fiefs. N £ L'idée S2 DU GOUVERNEMENT FEODAL, L'idée d'un hommage ne s'effaça jamais, et cette idée conserva les débrî* de la monarchie. Un petit nombre de seigneurs se déroba à cette nou- velle forme, osa se dire souverain, et pendant quelque tcms ne rclevoit de Dieu et de leur épée. Vn plus grand nombre de gentilshommes, qui possédoient des terres en roture, vivoient au milieu d'une patrie qui leur sembloit étrangère, et se détendoient à peine contre des seigneurs qui ne connoissoient guères de milieu entre le vassal et le serf. L'empire porta dans son sein ces principes de destruction. La dis- corde des enfans de Louis le Débonnaire les développa de bonne-heure, et les courses des Normands leur donnèrent une nouvelle force. Les barbares, qui menaçoient et qm ravageoient à la fois l'Europe entière,^ détachoient (pour ainsi dire) chaque partie du corps politique pour fixer son attention sur ses propres malheurs. Des villes presque ruinées, des monastères bridés, des campagnes désolées, étoient ouvertes à ces bri- gands domestiques plus cruels encore, qui opprimoient sans peine quelques malheureux échappés au carnage. Des forteresses s'élevoient par-tout, et ces forteresses devinrent bientôt les asyles de la tyrannie. Les derniers successeurs de Charlemagne, tristes spectateurs de tous ces malheurs, conservoient à peine l'indigne honneur de consacrer des usurpations et de prêter leur nom aux attentats d'un vassal puissant qui daignoit l'employer. Ce nom étoit encore respectable à la nation, et la foiblesse de Charles le Simple et de Louis d'Outremer détachoit le respect des François de la personne du roi pour le fixer au trône. Le clergé V. rHist. Ecci. riche, mais sans force, conservoit le dépôt de la tradition ; il rappelloit du Neuvième et , , • /.. -^ i • • ^ ^ i i Dixième Siècle aux grautis qu uu roi etoit le premier magistrat de son peuple; quen jii» eury. j^j.^ygg gucrricrs ils dévoient de la reconnoissance au suzerain dont ils tenoient leurs fiefs ; et qu'il étoit de leur intérêt de conserver à la monar- chie un chef, et d'en réunir les forces contre ses ennemis communs. Ce corps nombreux de prêtres, répandu dans toutes les provinces de l'état, tenoit par-tout le même langage^ et luttoit contre cette anarchie dont il étoit la première victime. Ses écrits, ses sermons, les décrets de ses conciles, ne travailloient qu'à adoucir la férocité des seigneurs, et à donner quelques bornes à leur indépendance. On peut voir qu'ils ne travailloient point sans fruit, par l'esprit qui subsistoit en France sous l'imbécile iiist. de France Chailcs Ic Simple. Rollo, chef des Normands, se fit céder une grande du P. Dan:el, t. . -« r • • i n • ii. p. 214—224. province. Mais ce pay en vainqueur des rrançois sentit que sa souve- raineté iSUR-TOUt EN FRANCE. 93 raineté indépendante lévolteroit un peuple qu'il vouloit se concilier. Il se mit à genoux devant ce fantôme dont il avoit ébranlé le trône, et lui jura sans peine un hommage qu'il étoit maître de violer à son gré. Ce grand exemple, qui niultiplioit ceux de la révolte, fortifia la théorie de la vassalité, et lorsque HugueCapet unit un grand fief à la couronne, elle étoit reconnue de la nation entière. Les grands vassaux se soumet- toieut à suivre le suzerain dans les guerres qui intéressoient le bien cominim de son fief Dans quelques circonstances ils lui faisoient des j.Jg''/' dons gratuits. Ils composoient sa cour de judicature, et cette cour dé- cidoit souverainement de tout ce qui regardoit les devoirs, l'honneur, et la dignité de cette pairie. Les services qu'ils rendoient au roi ils les exigeoient de leurs barons, qui y assujettissoient à leur tour Jes gentils- hommes et seigneurs particuliers ; et ce poids, dont la vélocité s'augmen- toit dans sa chute, accabloit enfin le peuple sous le joug de tous les ordres de l'état. On a toujours cherché à rassembler les membres épars du système ^^^iJJ' ^^ féodal, et à les rapporter à une cause unique et générale. Les barbares, ?eup\e. (dit-on,) qui ont brisé la tyrannie des empereurs, ont apporté à la fois la liberté et la servitude. Leur orgueil les a persuadé qu'ils étoient seuls dignes d'être libres, et les malheureux habitans des provinces ont échangé l'esclavage politique contre l'esclavage civil. Mais ne se souvient-on plus de la fière aristocratie des Gaulois, où la puissance des nobles n'étoit balancée que par la puissance ecclésiastique? A-t-on oublié que le peuple n'y étoit rien, et qu'une partie nombreuse de la nation obéissoit à des maîtres qui exerçoient sur elle tous les droits d'un maître sur ses esclaves? Ne connoît-on plus ces troupeaux sans nombre de malheureux qui cultivoient dans les fers les terres des Ro- mains, et qui laissoient à peine des habitans libres à l'Italie? Cet usage a dû passer les Alpes avec les richesses et le luxe, et s'accroître dans une province frontière qui profitoit de toutes les défaites des barbares. Lors- que le Bourguignon et le Romain ont fait ce fameux partage qui respire v.rEspiit des l'équité bien plus que la violence, avec les terres ils ont partagé les serfs qui les cultivoient. Les Germains traînoient avec eux des prisonniers devenus esclaves par le droit de la guerre ; chaque chef en a beaucoup trouvé sur les domaines où il s'est établi. Il aura régi cet empire domestique scion les maximes ceman! ^°^' de 94 DU GOUVERNEMENT lEODAL, de sa nation; souvent des actes de cruauté et de violence ; jamais un sys- tème suivi de tyrannie. Il aura abandomié à ses serfs une partie des fruits de ses champs, et content de subsister sans travail il n'aura point demandé à s'enrichir: les besoins du barbare sont simples et en petit nom- bre ; ceux de l'homme corrompu sont sans bornes. L'anarchie de l'état sous la décadence des deux premières races multiplia le nombre des serfs, Mu''r!ftôri"""î)isi ^^^ ""^' fl^pouillés de tout, achetoient leur pain aux dépens de la liberté; Cœsarde^Beîi ^^^ autrcs, mcuacés par la violence, se donnoient un maître pour y trouver Gall. VI. 14. un protecteur plus puissant que les loix, et la marche lente du tems, ra- menant les mêmes causes que César avoit appercues, ramenoit aussi les mêmes effets. Tant de servitudes volontaires ou forcées ont bientôt fait naître plu- sieurs classes différentes parmi les hommes qui reconnoissoient un même .seigneur. Des contrats, ou des coutumes, fixèrent bientôt leur état, leurs devoirs, et leurs droits. Je passe sous silence plusieurs nuances que nous distinguons à peiiie, pour m'arrêter à la différence recomiue du serf et du vilain. Les droits du second dépendoient moins du caprice du sei- gneur ; sa personne étoit plus sacrée, et ses enfans pouvoient sortir de leur misère, et monter à des grades supérieurs. Le vilain étoit le dernier des hommes, le serf étoit une bête de somme qui différoit peu, dans l'es- prit de son maître, du bœuf son compagnon de travail. Le maître devint bientôt juge. Intéressé à maintenir la pohce sur ses terres, à prévenir tous les désordres qui pouvoient survenir parmi des milliers de rustres, que leur misère rendoit encore plus féroces, il étoit peu disposé à céder au magistrat de la province l'intendance de sa famille. Ses prétentions sembloient raisonnables. Bientôt les loix les autorisèrent, et il étendoit tous les jours les droits de sa terre sous l'ombre de sa juri- diction domestique. Voilà l'origine la plus naturelle des justices seigneu- riales qui sont connus en France depuis le commencement du septième siècle. On peut croire, et on le sait, qu'un grand nombre de ces malheureux qui fuyoient la violence se réfugièrent au pied des autels, et que St. Mar- tin ou St. Denys leur parurent des maîtres dont la protection étoit assu- rée, et le service doux et honorable. Les églises avoient étendu par-tout le nombre de leurs serfs et la juridiction de leurs terres. Lorsque Cliarles Martel dépouilla les ecclésiastiques, ces serfs et cette juridiction passèrent entre SUR-TOUT EN FRANCE. $$ entre les mains de ses vassaux, et la justice devint un des caractères les plus essentiels d'un fief. Je m'arrête : j'ai considéré le système féodal, l'hiérarchie politique, la Conclusion. foi et l'hommage, le service militaire, et l'esclavage du peuple. Ce fleuve rapide, grossi de mille eaux étrangères, inondoit encore l'Europe dans le douzième siècle. J'entrevois une nouvelle carrière plus vaste et plus utile encore: la dé- cadence de ce système, et ceux qui se sont élevés sur ses débris, sa chute rapide et terrible en Italie, son dépérissement lent et tranquille en Angle- terre et en France, et la solidité qu'il s'est procuré en Allemagne. Rappelions seulement quelques idées de la politique des rois de France depuis Louis le Gros, jusqu'à Charles VII. Les barons étoient puissans parcequ'ils possédoient seuls toutes les richesses, l'autorité et les forces de l'état. A la richesse des terres les rois ont opposé celles du commerce et des arts ; ils ont suscité des tribunaux civils et ecclésiastiques contre les justices seigneuriales. Enfin ils ont remplacé par des troupes réglées la milice féodale. RELATION DES NOCES DE CHARLES DUC DE BOUR- GOGNE, AVEC LA PRINCESSE MARGUERITE, SŒUR D'EDOUARD IV. ROI DANGLETERRE. On doit une sorte de reconnoissance aux historiens qui nous ont con- servé les détails souvent minutieux, mais qui nous peignent les mœurs d'un siècle, son goût pour les arts, et le genre et l'étendue de son com- merce. Il y a plus de variété et souvent plus d'instruction dans ces objets que dans la relation d'une bataille, ou d'un traité de paix. Olivier de la Marche nous a laissé une description fort détaillée des fêtes qui se donnèrent à l'occasion de ces noces, dans lesquelles Charles étala toute la pompe et toute l'étiquette de la maison de Bourgogne. Olivier en étoit parfaitement instruit. Il étoit alors premier maître d'hôtel du duc; c'est à son bon ami et confrère Gilles du Mas, premier maître d'hôtel du Duc de Bretagne, qu'il adresse sa relation dont je choisi- lai les traits qui me paroissent les plus curieux. Après g6 KELATION DES NOCES :iôT. A\nhs une longue négociation dans laquelle le Roi d'Angleterre et le Duc de Bourgogne ne sacrifièrent qu'avec beaucoup de peine leur in- clination à leur politique, ils conclurent enfin un traité d'alliance et de commerce, et le confirmèrent par le mariage de Charles avec la sœur d Edouard. !<«»• La Princesse Marguerite arriva au port de l'Ecluse auprès de Bruges, le 25 Juin, 1468. Pendant les huit jours qu'elle y passa, elle reçut les ■ visites du duc son.époux futur, de la Duchesse douarière, de la Princesse Marie, et des principaux j)ersounages de la cour. Lorsque tout fut pré- paré pour sa réception, ellepartit de l'Ecluse. Le duc alla au devant d'elle jusqu'à Dam, petite ville sur le chemin de Bruges, où il Tépousa, après quoi il retira dans son hôtel, et croy que ta?idis que les autres cérémonies serrent, iljit provision de dormir, comme s il eust à faire aucun guet ou escouade pour la nuict avenir. La princesse continua sa route et fit son entrée solemnelle dans Bruges. Elle avoit amené un cortège nombreux de la cour dAngleterre : on y voyoit la Duchesse de Norfolk, lEvêque de Winchester, le Lord Scales, frère de la Reine d'Angleterre, et sa femme ; quarante ou cinquante dames et demoiselles ; quatre-vingt à cent gentils- hommes : et plus de dix-huit cens personnes de leur suite : la cour nom- breuse du Duc de Bourgogne,les gens d'église qui portoient les reliques, et les magistrats de la ville augmentèrent l'éclat de cette procession, qui étala encore un genre de magnificence propre à la première ville commerçante de l'Europe, c'étoient les compagnies de négocians étrangers qui ren- chérissoient les unes sur les autres par la richesse de leurs équipages, les Vénétiens, les Génois, les Florentins, et les villes Hanséatiqucs. Mar- guerite étoit portée dans une litière qu'accompagnoient à pied les pre- miers seigneurs des deux cours. De ses dames les unes étoient montées sur des haquenées blanches ; les autres la suivoieut dans cinq chariots. La procession finit à Thôtel du Duc de Bourgogne. Pendant les dix jours que durèrent les fêtes, on ne vit à Bruges qu'un enchaînemen-t de luxe et de plaisir. Les banquets et les tournois sont ce qui nous intéresse le plus. Je passe sous silence la maison ouverte que le duc tint pendant tout ce tems-là avec une magnificence digne des plus grands rois. Des fon- taines de vin couloient dans les rues, les étrangers étoient servis en vais- selle d'argent à sept tables différentes, dont les seigneurs de la cour leur faisoient DE CHARLES DUC DE BOURGOGNE. 97 faisoient les honneurs. Plus de six cens personnes travailloient dans les dift'éreus offices du palais.* Ou avoit élevé une très grande salle de bois, tendue d'une belle tapis- serie en soie et en or qui représentoit l'histoire des Argonautes ; sujet que l'ordie de la toison d"or niettoit fort à la mode à la cour de Bourgogne. Elle étoit éclairée par un grand nonibie de candélabres de bois peints en blanc, mais sur tout par deux gi ands chandeliers suspendus vers les deux bouts de la salle. C'étoient des châteaux placés sur des rochers et des montagnes, parmi les sentiers desquelles on voyoit des hommes et des bêtes, qui montoient ou qui descendoient. Le fond étoit composé de sept miroirs qui lenvoyoient l'image de tout ce qui se passoit dans la salle. Ces chandeliers étoient l'ouvrage d'un chanoine de Lisle; qui y avoit ménagé au-dedans une place pour le machiniste qui faisoit tourner le chandelier en faisant sortir du château des dragons qui vomissoient des flammes. Le buffet étoit dressé en forme de losange au milieu de la salle. La riche vaisselle d'or et d'argent enrichie fie pierreries y étoit dis- posée avec goût. Elle passoit le poids de soixante mille marcs. Lagrande table, qui occupoit eu forme de potence le fond de la salle, étoit toujours couverte de trois services magnifiques, dont la décoration présentoit des coups-d'œil aussi variés qu'agréables. Au premier souper l'on y vit trente vaisseaux qui représentoient autant de seigneuries de la maison de Bour- gogne, et qui en portoient les armoiries. Ils étoient enrichis de peinture et de dorure; leur cordages étoient d'or et leurs bannières de soye. Qua- tre chaloupes, qui portoient le fruit et les épiceries, accompagnoient cha- cun des vaisseaux ; trente gros pâtés en forme de châteaux, annonçoient le même nombre de grandes villes qui obéissoient au Duc Charles. L^ne autre fois la table représentoit un camp composé d'un grand nombre de pavillons et de tentes qui couvroient tous les plats ; ou bien un jardin dont les arbres, les fruits, et les feuilles, étoient travaillés très artistement. * A la cuisine 300 ; à la saulserie 80; à l'eschansonerie et panneterie, pour chacune 60 ; àl'espicerie quinze ; et généralement tous les offices étoient fort fournis de gens. VOL. III. INTRO- ( 98 ) Introduction à liiistoire générale de la ré- publique des SUISSES. Chapitre I. Etat de rAllemagne et de la Suisse — La Maison d'Autriche — La No- liesse — Le Clergé — Les Villes libres^Les trois Cantons populaires — Ambition d Albert I. — Tyrannie de ses Gouverneurs— Conjuration — Soulèvement des Suisses — Mort dAlbert L. — Henri VLL — Frédéric d'Autriche et Louis de Bavière — Bataille de Morgarten — Alliance perpétuelle des trois Cantons — Fondation du Corps Helvétique. La Suisse est située au milieu de l'Europe, entre la France, Tltalie, et l'Allemagne. Sa largeur, depuis Basle jusqu'au mont St. Bernard, est d'environ quarante-deux lieues, et sa plus grande étendue de Genève jusqu'au lac de Constance ne surpasse point soixante-dix lieues. Toute la partie méridionale et orientale de cette province est couverte par la masse énorme des Alpes, et compose le sommet de cette chaîne de mon- tagnes qui s'étend de la mer Adriatique jusqu'à la Méditerranée. C'est dans le sein de ces montagnes que les eaux du ciel se sont creusées mille réservoirs inépuisables, dont les canaux vont porter l'abondance jusque» dans les extrémités de l'Europe. D'un côté, le Rhin, qui sort du pied du mont St. Godard, embrasse dans les replis de son cours tranquille une grande partie du contour de la Suisse qu'il sépare aujourdhui de l'Alle- magne. Sorti du lac de Constance il reçoit le tribut de lAar, de la Reuss, et du Limmat, qui se réunissent après avoir arrosé l'intérieur des terres. Il se tourne enfin du côté du Nord, et se perd dans les sables de la Hollande. Au midi le Rhone se précipite avec fureur de la même montagne, et court, à travers le lac de Genève, joindre sous les murs de Lyon ses eaux rapides aux eaux lentes de la Saône. Les Alpes s'abais- sant insensiblement forment des coteaux moins ingrats, fertilisés par des mains libres et industrieuses. Ces montagnes se relèvent enfin de nou- veau pour former cette chaîne qui s'étend sous le nom de Jura depuis le Rhone DK LA REPUBLIQUE DES SUISSES'. .99 Rhone jusqu'au Rliin, et qui sert de rempart à la Suisse contre la Bour- gogne. Vers la fin du treizième siècle, la Suisse étoit encore une province de l'empire d'Allemagne. Ce grand corps sortoit de ranarcliie, et sa con- stitution politique prcnoitdès lors la forme singulière qu'elle a conservée jusqu'à nos jours. L'autorité impériale fut la victime d'une révolution . que les événemens préparoient depuis longtems. Frédéric II. étoit digne d'un autre siècle et d'un sort plus heureux, mais il combattit avec plus de constance que de bonheur contre l'ambition des grands, le fanatisme des peuples, et la politique de la cour de Rome. Les villes Italiennes, deve- nues riches de leur commerce, et fières de leurs richesses, se rangeoient avec ardeur sous l'étendard des pontifes qui étoit pour eux celui de la liberté. Pendant que l'empereur poursuivoit en Italie un fantôme de puissance qui lui échappoit toujours ; les princes d'Allemagne brisèrent les foibles liens qui les attachoient encore à leur souverain, usurpèrent ses droits, ses domaines, et ses revenus ; et s'arrogèrent dans leurs provinces respectives une autorité indépendante et héréditaire. La mort de Fré- déric mit le comble aux désordres publics ; et l'empire sembla rentrer dans cet état de nature, dans lequel chacun, libre du frein des loix, est l'ennemi de son semblable. Après un interrègne de vingt-cinq ans, les électeurs* cédèrent avec i«?2- répugnance au cri de la nation quileur demandoit un chef. Ils s'assem- stru. Corpus blèrent enfin à Francfort, et ce fut Rodolphe, Comte de Habsbourg, qui p. 5^3. "'"^"" réunit les suffrages d'une assemblée dont il méritoit l'estime et dont il Habl'burgica, n'excitoit point la jalousie. Ses vertus justifièrent leur choix. Son ad- '" "' '^' "' ministration, à la fois douce et ferme, rendit bientôt la paix à l'empire, et la vigueur aux loix. Il ne se laissa jamais séduire par la vaine ambi- tion de faire valoir sur l'Italie les droits d'un empire Romain qui n'ex- istoit plus. Il respecta toujours les droits et même les usurpations des princes, et préféra sagement son repos et celui de la patrie, aux préten- tions ambitieuses d'une dignité, qui alloit peut-êtrel passer en des mains étrangères. 11 borna tous ses projets à l'établissement de sa maison : * Les empereurs étoient anciennement choisis par le corps entier de la noblesse Allemande. Vers ce tems-ci les sept grands officiers de la maison impériale, qui avoient toujours eu une part distinguée dans les élections, commenfoient à y prétendre un droit exclusif. La pré- tention leur réussit et fut enfin confirmée par la bulle d'or. o 2 les 100 INTRODUCTION A l'hISTOIRE GENERALE les empereurs conservoient encore le droit de conférer de nouveau l'in- vestiture des fiefs toutes les fois qu'ils étoient dévolus à l'empire. Les malheurs de ce siècle offrirent à Rodolphe les plus heureuses occasion* pour exercer ce droit en faveur de ses enfans. Lorsqu'il eut affermi sou v.StruviiSyn- autorité par dix ans de victoire, il assembla tous les ordres do l'état dans inimîcv, p. o'ii, la diette d'Augsbourg ; sous les yeux de cette assemblée, Albert et Ro- dolphe,* ses deux fils, reçurent de leur père les duchés d'Autriche et de Giannone, Hist. S uabc ; dcux provinccs qui n'avoient plus de maître depuis la mort de Civile di Nit- ^ , t . ^ ^, t i n i* • i'\ ijoii, tow. ii. Frédéric et de Conradm, que leur mallieureux destm avoit conduits a ^' "^^ ' Naples pour y périr sur un échafaud. Ces jeunes princes étoient les derniers rejetons des anciennes maisons de Suabe et d'Autriche, ^neffi Syivii, Lc duché d'Autrichc étoit un des plus beaux fiefs de l'empire. Ses iîi.'p*r'&c"^ plaines fertiles étoient couvertes d'un peuple nombreux, accoutumé aux Eii.t. Boecieri. ^j.,^^gg p^j. j^g guerrcs coutinuellcs qu'il avoit à soutenir contre les Hon- Dipiom. nd cal. frrois et Ics Bohémieus. La libéralité de Frédéric Barberousse avoit af- cem.î-ne» aylv. c» p- 1- franchi les souverains d'Autriche de tous les devoirs onéreux d'un mem- bre de l'empire ; pendant qu'ils en conservoient les honneurs et tous les avantages. Le duché de Suabe ou d'Allemannie étoit d'une grande étendue ; Guiiiiman. de puisqu'il comprcuoit les pays dans lesquels les anciens AUemans s'étoieut ticis.i.i. C.8. établis, le cercle de Suabe, l'Alsace, et la plus grande partie de la Su isse.^ Ses ducs donnèrent souvent la couronne impériale, et la portèrent eux- struv. Syntag- mèmcs pendant plus d'un siècle. L'Empereur Philippe de Suabe acheta ma Hist. Geriu. , -t/'i/i./i «i i* i i p. 433. le premier la fidélité de ses vassaux au prix de ses droits et de ses do- maines qu'il leur abandonnoit. Frédéric IL se vit attaqué par une foule d'ennemis qui vouloient mériter le ciel en déchirant le patrimoine d'un tyran condamné par l'église. Le parti des pontifes se croyoit en droit de lui tout arracher ; ses ami? se contentoient de lui tout de- Guiiiiman.de mander. L'interrègne annéantit les débris de l'autorité des ducs de i.'iii. siniier, de Suabc ; ct luisquc Ics fils de Rodolphe furent revêtus de ce vain titrer yell i."^ " ils ne reçurent qu'un domaine difficile à retrouver et une souveraineté qu'on ne reconnoissoit plus. Une seule circonstance rendoit cet éta- blissement d'un grand prix aux yeux des comtes de Habsbourg. Ils y v.Guiitimanni étoicut situés au scin de leur patrie. Vers le concours de l'Aar et de la urgica. j^guss^ s'élcvoït un ancicu château bâti sur les masures de Vindonisse * Le Duc Rodolphe mourut avant son père. plus. DE LA REPUBLIQUE DES SUISSES. 101 jîlus ancienne encore.* Par la foible lueur qui éclaire ces tems téné- breux, on peut y découvrir les ayeux de Rodolphe vers le conimence- mdtit du onzième siècle, et suivre sans interruption les progrès d'une no- blesse qui se démontre par les preuves ordinaires, par les croisades, les tournois, les brigandages, et les fondations pieuses. Au bien de ses pères,* Rodolphe avoit ajouté le riche héritage de sa mère, fille unique du dernier des anciens comtes de Kybourg. Un domaine qui s'étendoit GuiiiUnan. ..,.,., Habsburgica, sur la plus belle partie de la Suisse, l'éclat de la dignité impénale, et des i.vi. c.4. conjonctures heureuses lui permirent d'espérer qu'il pourroitun jour faire reconnoitre les loix de la maison d'Autriche depuis le lac de Constance jusqu'à celui de Genève.:}; Trente ans d'intrigues et de combats lui avoient développé cette variété confuse de mœurs, d'intérêts, et de pré- jugés, qu'on n'éprouve que parmi les peuples libres ; et lui avoient en- seigné l'art de les ramener toujours à un seul point qu'il ne perdoit jamais de vue. Il conserva sur le trône impérial l'humble simplicité de son pre- * Une assez petite enceinte contient des monumens de tous les siècles. On peut tracer V. Guilliman.de • -v -v , 1 Ail Rebus Helve- encore les ruines de Vindonisse, ville Romaine, ruinée au quatrième siècle par les Allemaris tiorum, l.i. ciii. contre lesquels elle avoit servi de rempart. Elle'étoit le siège de la vingt-unième légion, et ^"',' «'.I'"^'";^» 1 ' ° " ° ' de la suisse, des premiers évèques de Constance. Un peu plus loin le donjon de Habsbourg nous offre tom. ii. p. 174— ' l'image delà tyrannie féodale et le berceau de vingt empereurs. Les débris encore plus con- sidérables de l'abbaye de Konigsfeld nous montrent les trophées abattus de la superstition. Enfin la petite ville de Bruck, qui termine le paysage, nous présente dans son industrie et sa propreté un objet de comparaison assez favorable au siècle dans lequel nous vivons. t Rodolphe possédoit cinq des plus beaux comtés de la Haute Allemagne; savoir, ceux V. Tschudi, p. t . , p. 222. de Habsbourg, de Kybourg, de Lentzbourg, de Bade, et de Frobourg, avec les villes de Brem- garten, Mellingen, Siersée et Sempach ; celles de Zoffinguen, Arau et Bruck dans l'Argew, les villes de Winterthur, de Frowenfeld, et de Diessenhofen dans la Turgovie, avec les paj-s de Gastern et de Zug, et beaucoup d'autres bourgs et villages. Le comté de Bade et le can- ton de Zug ont toujours conservé leurs anciennes limites ; l'Argew et la Turgovie sont assez connues. Il est difficile de désigner avec clarté les autres territoires, qui sont engloutis dans les cantons de Zurich et de Lucerne dont ils comprenoient presque tout le plat pays. l Les Allemands et les Bourguignons partagèrent la Suisse, depuis le cinquième siècle, en V. Gullliuian.de , . • ^ 1 • • ,- 1 •■ - 11- Il Rebus Helveli- denx portions assez inégales, mais qui turent toujours distinguées par les loix et le langage; orum, 1. ii.iii. la Reuss et ensuite l'Aar marquoient leurs frontières. L'Allemannie fit toujours partie du pe Waitevillc, royaume d'Austrasie, et ensuite de l'empire. La Bourgogne Transiurane, (c'est ainsi qu'elle se ^''''' . ,, ,"' ■' ' "^ "Z' J'\ 1 léderation Hel- nommoit,) conquise par les François, eut ensuite ses rois particuliers, dont le dernier le laissa vet. tom. i. p. 18. par testament à l'Empereur Conrad le Salique en 1032. Les ducs de Zeringen la gouverné- i032. rent longtems au nom de l'empire. Dans l'anarchie qui suivit la mort de Berchtold V. der- ° ' ' 1218. nier duc de Zeringen, ces divisions de la Suisse commençoient insensiblement à se confondre. mier 10'2 INTllODUCTION" A L'UISTOIRK GENERALE y|*C''"""'i'"^ inicr ctat. Maître des esprits, il les subjuguoit également par l'amour wi.iierthur, et par la terrcur ; et son ambition artificieuse étoit d'autant plus redou- auteur presquf contemporain, table qu'elle ne se montroit jamais que sous les deliors de la franchise et de la modération. La conquête importante qu'il méditoit ne pouvoit être le fruit que du tems et de la patience. L'Empereur Rodolphe ne '-51- travailla point sans succès ; la mort enfin l'obligea de laisser à son fil» Albert ses desseins imparfaits, son exemple, et ses maximes. Mais la po- litique dépend moins de la raison que du caractère.^ De celui de son père, Albert n'avoit hérité que l'ambition et la valeur. Un naturel dur et féroce, qui se développa en lui dès sa plus tendre jeunesse, effraya tous v.struv.Syn- Ics élcctcurs ct donna la préférence à son rival Adolphe, comte de Nas- t:igina Hist. ., ,.. , , , 1/^1*^ Germ. p. 536— sau ; mais la conduite nnprudente du nouvel empereur les ht bientôt repentir du choix qu'ils venoient de faire. Albert sut profiter du mécon- tentement général pour soulever toute l'Allemagne contre un prince qu'elle méprisoit. Une guerre civile décida de leurs droits, et le mal- heureux Adolphe périt par la main du duc d'Autriche qui fut reconnu par tout l'empire pour son souverain légitime. Mais il apporta sur le trône l'orgueil d'un vainqueur et tous les préjugés d'un chef de parti, et sa conduite se ressentit souvent de l'influence de ces passions. Une noblesse aussi nombreuse qu'indépendante formoit le premier ob- Leu, Diction- staclc aux desseins ambitieux de Rodolphe et de son fils. Cinquante Maire Historique çQjj^j.gg ^gj^j. cinquante barous, et près de mille gentilshommes, écra- de la Suisse au ' T ' ' ~ ' mot Adei. soient du poids de leurs châteaux la terre qui les portoit, et ils se fai- soient tous une gloire de ne relever que de l'empire et de leur épée. Il étoit plus aisé de flatter que de dompter l'orgueil de cet ordre guerrier, tour à tour esclave et rival de ses princes, mais toujours ennemi du v.Tschudi, peuple, des loix, et de la liberté.* Les ducs d'Autriche se ])laisoient à simie^chroni"; ^^ rassembler souvent à leur cour dans des tournois brillans, à adoucir la ra°n"&^'""'" grossièrcté de ses mœurs par les institutions vertueuses de la chevalerie, à le conduire aux combats et à la victoire.! Comblés d'honneurs et de richesses, * Je dois bientôt parler d'une exception rare et peut-être unique à cette maxime gé- nérale. Guilliiuan "^ ^^'^ ^^^ berceau la maison d'Autriche a adopté la maxime des tyrans, de gagner les mi- Habsburgica. I. litaires et de mî-priser le peuple. Werner, évêque de Strasbourg, avoit donné, vers l'an 1026, une somme très considérable à son frère Ratbot pour construire le château de Habsbourg. Lorsqu'il le visita peu de tems après il se montra peu content de la diligence de son frère. ' Attendez, DE LA REPUBLIQUE DES SUISSES. 103 richesses, ces fiers gentilshommes revoyoient enfin leurs foyers domes- tiques ; pleins dattachement pour leur bienfaiteur, et de mépris pour ,^f^',j, cheva-* leur triste indépendance, dont les avantages ne subsistoient que par le s,''p^i"ye!''^* malheur public. Les châteaux étoient les asyles de l'injustice, et le commerce étoit interrompu par un brigandage honteux. Rodolphe et son fils arrêtèrent bientôt ce désordre par la destruction d'un grand nombre des forteresses des plus coupables. Tout l'empire applaudit à leur punition, et l'autorité des ducs d'Autriche se confondoit avec celle des loix. Tout fléchit sous leur joug, et se reconnut vassal de la maison de Habsbourg, à l'exception d'un très petit nombre de comtes parmi lesquels nous devons distinguer les comtes de Savoye, qui s'étoient ren- dus maîtres du pays de Vaud, et qui jettoient dans le silence les fonde- niens de leur grandeur future. L'ordre ecclésiastique avoit plus acquis par la politique que la noblesse n'avoit arraché par la violence. Les évêques de Basle et de Constance étoient au rang des plus grands princes ; plusieurs abbés leur cédoient à peine, et la Suisse étoit remplie de maisons religieuses sur lesquelles la sainte profusion des fidèles avoit versé les biens de la terre. Ces ecclésiastiques méprisoient tous les arts auxquels leurs prédécesseurs avoient dû leur grandeur; et le peuple ne les distinguoit des laïques que par la supériorité de leur faste et de leur orgueil. Il auroit été cepen- dant dangereux de les dépouiller de ces biens consacrés par la supersti- tion, s'ils n'avoient pas eux-mêmes consenti à les remettre aux ducs d'Autriche. Les uns leur vendirent le patrimoine de l'église pour en- richir leurs familles aux dépens de l'ordre. Les autres les reçurent pour maîtres sous le nom d'Avoués ou ministres.* L'évêque de Basle, l'abbé de Attendez, lui dit Ratbot, à demain. Le lendemain matin, l'évêque vit avec effroi une troupe nombreuse et armée qui entouroit le ciiâteau. Cette troupe, lui dit son frère, est composée de toute la noblesse des environs que mes largesses ont attaché à notre maison. Voilà les fortifications que vous désiriez. En connoissez-vous de plus fortes ? * Pour se former une idée des causes de la grandeur ecclésiastique et de sa décadence, V. Muraturi, j'ose renvoyer mes lecteurs aux dissertations du savant Muratori sur les Antiquités Italiennes, jopra'le inti- Ils y trouveront une érudition profonde, une bonne critique, et une sage hardiesse. Il a écrit <^''''«^ Italiane, ,„ ,. . ... Al,/ 1 ,/ -1 V 1^' — l"iv, pour l Italie, mais ses grands principes et même la plupart de ses details sont communs a tous les pays qui ont composé l'empire de Charlemagne. 11 serableroit que dans ces siècles bar- bares deux passions opposées régnoient à la fois : l'une de tout donner à l'église ; et l'autre dp 104 INTRODUCTION' A l'hISTOIRE GENERALE de St. Gall et I'abbessc tie Zurich, eurent cependant le courage de résister aux menaces et aux insinuations de Rodolphe et de son fils. Si réglisc possédoit des richesses immenses, l'histoire, qui juge les hommes sans faveur et sans malignité, doit avouer que leur source na pas toujours été impure, et que leur emploi a souvent été utile aux hommes. Dans le tems qu'une noblesse barbare ne . se livroit qu'aux travaux destructeurs de la guerre et de la chasse, le flambeau sacré des arts se conservoit entre les mains des prêtres. Des terres considérables, quelque- fois des provinces entières, devenoient la récompense de leurs arts pieux, mais c'étoicnt, pour la plupart, des marais à dessécher, des forêts à dé- i'richer, des déserts qu'il falloit cultiver. La terre changea bientôt de face ; des milliers d'esclaves qui fuyoient de toutes parts la tyrannie de leurs maîtres, se réfugioient au pied des autels et se consacroient eux et leur postérité au service du saiut, protecteur de léglise. Des commu- nautés nombreuses se formoient autour de ces églises. On vit naître des citoyens, des loix, et des remparts. La plupart des villes de l'Alle- magne et de la Suisse n'ont point d'autre origine. L'iiumanité dirai-je, ou la politique, de leurs maîtres les affranchit bientôt de la servitude à laquelle elles s'étoient condamnées, et l'industrie, qui marche à la suite de la liberté, leur fournit le moyen de se racheter des devoirs les plus onéreux. Leurs privilèges n'étoient point les mêmes. Les unes, dé- corées du titre imposant de villes impériales, paroissoient libres et souve- raines. Les autres dépendoient presqu'en tout de leur évêque ou de leur abbé; mais elles avoieut toutes un conseil qui rendoit la justice, et une bannière qui rassembloit la bourgeoisie lorsqu'elle vouloit prendre les armes. Convaincues des avantages de leur situation, plusieurs de ces communautés avoient stipulé que leur prince ne les céderoit jamais à de nouveaux maîtres; mais cette condition n'empêcha point l'abbé de Mur- bach de vendre à l'Empereur Albert la ville de Lucerne; et ce fut au mépris de ses sermens que l'abbesse de Seckingen reçut ce prince et ses descendans pour ses avoués perpétuels dans le pays de Glaris. Basle, Zurich, Soleure, St. Gall, Schaffhausen, et plusieurs autres villes de la Suisse, ne subirent point le même joug. Elles en furent sauvées par leurs propres forces ou par la fidélité des prélats qui les gouvernoient. (le lui tout airacher. Le rnî-me homme éprouvoit souvent toutes les deux ; et la vieillesse ii'étoit occupée qu'à restituer les sacrilèges île la jeunesse. Les DE LA REPUBLIQUE DES SUISSES. 105 Les deux villes de Berne et de Fribourg jouissoicnt d'une liberté en- 1179. core plus entière, et dont l'origine commune remontoit à leur fondateur 1191. Berchtold V. duc de Zeringen. Ce prince, dans le dessein de s'en faire un rempart contre la noblesse de ses états, leur donna une situation avantageuse, des privilèges sans bornes, et une constitution toute mili- taire. II mourut après leur avoir recommandé de s'aimer toujours et de ne jamais pardonner à ces barons qui avoient fait périr la maison de leur bienfaiteur. Fribouro-, la moins puissante des deux villes, oublia bientôt Lm, Diction- O^ r naire Histo- un conseil aussi dan2:ereux, et chercba le repos et la sûreté dans la sou- rique, aux mou . . V O ' l . , / 1 ^"""'^ et FH- mission a la maison d'Autriche. Eernc soutint son nidépendancc avec bourg. Guiiii- ,,„ , ,..,,,„., . , mai], de Reb. plus de termete, se choisit plus d une rois des protecteurs, mais ne voulut Hciveiiorum, 1. jamais de maître, s'exerça aux vertus militaires et politiques, remporta des simiér de ke- victoires sur les seigneurs qui l'entouroient, osa résister même à l'Empe- l'ô. """''■ reur Rodolphe, et vit échouer au pied de ses remparts la fortune de ce monarque. Toutes ces villes étoient le fruit lent du tems et des travaux humains ; mais il existoit dans le fond des Alpes, des sociétés obscures, dont la li- berté mâle et vio-oureuse sembloit être I'ouvraije de la seule nature. Les v. Leu, Simier, 1 T T • 7 Cl 1 • ' i!Tr 1 1 1 <■ • • Guillinian. Etat trois cantons d Un, de Schwitz, et d Underwald, rormoient un pays qui et Délices de la s'étendoit près de seize lieues du nord au midi, et dont la plus grande largeur d'orient en occident étoit de douze lieues. Le Mont St. Godard, borne méridionale de ce territoire, parmi les eaux qu'il verse sur l'Europe entière, laisse échapper un torrent qui traverse, sous le nom de Reuss, le long et étroit vallon d'Uri, et se jette enfin dans un lac qui sépare le canton de Schwitz de ceux d'Underwald et de Lucerne. Tout ce pays est couvert de montagnes, dont les sommets ne découvrent à la vue que des rochers escarpés et des forêts de sapins toujours courbés sous le poids des neiges. Leurs côtes oifrent cependant en été une nourriture abondante aux troupeaux de bétail qui font la richesse du paysan, et une branche assez lucrative de son commerce rustique.* On a porté l'industrie jusqu'à semer * Oswald Myconius, Je Lucerne, nous a-donné, au commencement du seizième siècle, un V. le Poeuie et <:ommentaiie fort utile sur un très mauvais poëme de son ami Henri Glareanus. Il s'extasie jj,^ |^. j^^.^ sur le grand commerce de beurre et de fromage que font ses compatriotes en Bourgogne, en «aurus Historia: „ , I !• o • 11 1 ■ 1 V -, . Helvetica: i Suabe et en Italie. Suivant son calcul un troupeau de vingt vaches rapporte à son propriétaire Zuritb, 1735. une somme claire et nette de cent ecus pai- an. Ce tiait est bien fort- pour le seizième Slide. ypL, TU. P du 106 INTRODUCTION A l'hISTOIRE GENERALE cki bled dans les vallons les moins stériles; mais leur récolte foible et in- certaine trompe souvent l'espérance du laboureur, et le contraint de re- courir aux secours étrangers. Un air vif, une terre ingrate, une vie dure avoient formé le caractère de ce peuple. Il leur devoit un corps grand et robuste, des passions impétueuses, des appétits grossiers mais vi- goureux, des mœurs simples et vertueuses. Le Suisse chérissoit sa famille et ses compagnons, respectoit la religion et les loix, méprisoit la fatigue, bravoit la mort, et ne craignoit que l'infamie. La liberté lui étoit chère, et cette indépendance qui naît de l'égalité des fortunes et du sentiment de ses forces, étoit le premier ressort de son âme. Le gou- vernement des trois cantons étoit celui de la nature, et ce gouverne- ment s'est perpétué jusques à nos jours. Le pouvoir législatif se conser- voit dans l'assemblée générale des citoyens. Tous les rangs y étoient confondus, tous les suffrages y étoient égaux, et ce peuple roi, jaloux de sa dignité, ne confioit à ses magistrats annuels que l'autorité nécessaire au maintien des loix et de Tordre. Le noble et le paysan, confondus Tschucii, loin. i. (]ans CCS asscmblécs, apprenoient à se respecter mutuellement, et s'accou- tunioient à penser que la première distinction parmi les hommes est celle des talens utiles à la société. Je pardonne aux historiens Suisses les fables dont ils ont cru embellir les premiers tems de l'histoire de leur nation, mais je dois épargner à un siècle philosophe les Taurisques, les Huns, les Goths, parmi lesquels ils 1414. leur ont clierché des ancêtres. Ce n'est qu'au commencement du dou- zième siècle que j'apperçois les cantons d'Uri, de Schwitz, et d'Under- Lcn, Diction- wald, distingués en trois communautés libres et alliées, indépendantes au moticAiiik mais soumiscs à l'empire, et à son chef, qui leur envoyoit quelquefois des juges pour décider en dernier ressort des affaires criminelles. Un i'4^- arrêt que l'Empereur Conrad IIL rendit contre eux, leur parut un acte d'injustice qu'ils ne dévoient point supporter; ils lui annoncèrent par p^Ts"'''' '""' '' "^''^ déclaration publique, " Qu'ils s'étoient mis volontairement sous la protection de l'empire; qu'ils l'avoient mérité, cette protection, par des services importans; qu'elle leur devenoit inutile et dangereuse; et qu'ils y renonçoient à jamais pour eux et pour leur postérité." Ils persistè- rent plus d'un siècle dans cette résolution qui bravoit l'autorité impé- riale. Othou IV. et Frédéric II. les engagèrent enfin à recevoir de Guifiiman i ii l'îurs maius des juges et baillifs. Ce fut alors qu'ils obtinrent ce di'- *• **" plôme DE LA REPUBLIQUE DES SUISSES. 107 piônie célèbre qui leconnoît leur indépendance, reçoit leur libre hom- mage, et promet de ne les jamais séparer du corps de l'empire. Pendant le grand interrègne ils prirent Rodolphe tie Habsbourg pour leur défen- ^|j]j'','fj.f|^^,'^fj seur, et ce prince, lors(iu'il fut monté sur le trône impérial, leur continua p-4.ini.rScrip. ' _ 1 ' i _ _ _ ' ' tores Tliesami, isa protection, et n'attenta jamais à leurs privilèges. Son fils Albert avoit conçu des desseins bien difterens. Il voyoit l'S". ■> _ •' Tscliudi, toin. «. d'un œil d'indignation qu'au milieu même de ses états une poignée de p. 2J7. &c. montagnards osât encore se nommer libre. Il résolut d'employer à la fois toutes les forces de sa maison et toute l'autorité de sa place pour les réduire sous le joug Autrichien. Il étoit assez injuste pour les reprocher la fidélité qu'ils avoient gardée à l'Empereur Adolphe, et dans sa colère il lui étoit échappé une menace de les punir aussi bien que de les sou- mettre. Ce fut en vain que les trois cantons travaillèrent à regagner sa bienveillance et à obtenir la confirmation de leurs privilèges qu'ils lui demandèrent par des deputations réitérées. Pendant qu'il renvoyoit cet acte de justice, sous les prétextes les plus frivoles, il traitoit secrètement avec les corps ecclésiastiques qui possédoient des droits ou des terres dansées pays. Le collège de IMunster lui remit toutes ses prétentions dans le canton d'Underwald, et l'abbaye de Wettingen lui vendit tous les services qu'une partie des habitans de Schwitz devoit à son église. La Guiiiiman. i. ii. préfecture du val d'Urseren, dont il conféra en même tems le fief à son fils, le rendoit maître du passage des monts et de tout le commerce du canton d"Uri. Il se flattoit encore que les Suisses, accoutumés à passer souvent sur ses terres, puiseroient daiis la conversation de ses sujets des idées plus favorables à l'autorité souveraine. Ces projets auroient peut-être réussi, si le caractère impatient d'Albert ■j.^l^^'J^:^ , ^ ,, lui eut permis d'en attendre le fruit. Déjà persuadé que tous les obsta- p- "^• clés étoient levés, et que les trois cantons étoient disposés à le recon- noitre pour leur soirvcrain, il leur envoya une ambassade composée des ministres les plus distingués de sa cour, et chargée de recevoir leur hom- mage et leurs sermens. Ils étoient instruits de toutes les raisons qu'ils dévoient employer; les forces de la maison d'Autriche, la foiblesse de l'empire Germanique, tous les avantages d'une soumission volontaire, et les droits affreux d'une conquête, à laquelle ils étoient hors d'état de s'opposer. Ils dévoient ajouter que les droits dont l'empereur avoit fait l'acquisition embrassoient dans leur totalité le pays entier, et lui devien- • p 2 droient - 108 INTRODUCTION A I.'hISTOIRE GENEIÎALE droient plus incommodes que les services qu'un grand roi exige de se» - vassaux. On entendit les ministres impériaux dans les assemblées gé- nérales de chaque canton. La réponse qu'on leur lit, fut la même par- tout, et par-tout unanime: "Que les Suisses acceptoicnt avec plaisir l'amitié de la maison d'Autriche, qu'ils révéroient la majesté impériale, mais qu'ils n'étoient soumis qu'à l'empire, dont ils avoient tant de fois soutenu la gloire et les intérêts. Qu'il ne leur étoit pas permis de déli- bérer sur les propositions d'Albert. Qu'ils en appelloient aux constitu- tions de l'empire, a\ix diplômes de ses prédécesseurs, à la mémoire de son père, et à ses propres devoirs. Qu'ils étoient prêts à rendre aux maisons religieuses tous les services auxquels la piété de leurs ayeux les avoit assujettis, mais qu'ils ne permettroient point qu'on vendît la liberté des hommes et ne sacrifieroient jamais celle de leur postérité."' Tschudi, torn. i. Albert fut vivement irrité d'un refus aussi naturel, mais qu'il n'atten- p. 231. _ , . . .V . . v. simieret cloit poiut : Cependant la prudence l'eng-agea à dissimuler son indis;- nation. Les Suisses avoient fait valoir le titre de membres libres de l'empire, titre autrefois méprisable à leurs yeux, mais que la puissance Autrichienne leur rendoit maintenant très précieux. En attaquant un peuple reconnu libre et qui invoquoit ce nom sacré, il risquoit d'alanncF la jalousie de toute l'Allemagne. Le feu de la discorde couvoit sous sa cendre et le sort d'Adolphe étoit une leçon effrayante pour son succes- seur. Sans perdre de vue ses desseins sur les trois cantons, ce prince orgueilleux ne dédaigna point de substituer l'art à la force. Après avoir vainement essayé de soumettre les Suisses à ses tribunaux de Lucerne et de Zug, et de confondre la juridiction Autrichienne avec celle de l'empire, il leur accorda enfin ce que leurs instances réitérées lui deman- 1:504. doient depuis six ans, — des gouverneurs qui décidassent leurs causes cri- minelles au nom de l'empire. Il leur en donna effectivement, mais qui ne ressembloient que par le nom à ceux que ses prédécesseurs leur avoient envoyés. Ceux-ci étoient tirés de la première noblesse des pro- vinces voisines et ne visitoient jamais lé pays des Suisses que lorsqu'ils y étoient appelles pour tenir leurs assises générales. A la place de ces ministres bienfaisans de la paix et de l'ordre, les Suisses virent arriver avec eft'roi deux satellites du tyran; gentilshommes à la vérité, mais en- core plus disposés, par cette qualité, à écraser un peuple qu'ils mépri- soient. Gésier, l'un de ces gouverneurs, avoit le département d'Uri et de De la REPUBLIQUE DES SUISSES. 109 de Sclîwitz. Landenberg, son collègue, devoit contenir le canton d'Un- derwald. Ils s'établirent dans les plus forts châteaux du pays dont la ^^^^ ^.^ maison d'Autriche avoit fait l'acquisition, travaillèrent à rétablir leurs fortifications, et les assurèrent par de bonnes garnisons de troupes mer- cenaires. On voit avec surprise que les Suisses se soient soumis, sans la moindre résistance, à un joug qui ne leur laissoit qu'un vain nom de liberté. Mais il y a des occasions où les nations semblent oublier leur caractère. L'autorité de l'empire, les forces de l'Autriche, et la hardiesse adroite r"J,"' h^JJ' jj' ^ avec laquelle Albert se servoit de l'un et de l'autre étonnèrent leur cou- l^- , ^ ^ ' Siinler de Kep. rage et ne leur laissèrent que le sentiment de leur misère. Hcivet. p. 5. ° _ ^ ... Tschudi, torn. 1. Les premières démarches des gouverneurs paroissoient dictées par un p- 231. esprit d'humanité et de clémence; mais lorsqu'ils virent que leurs arti- fices ne captivoient point l'esprit grossièrement libre de ces monta- gnards, ils se livrèrent avec plaisir à leur dureté naturelle et aux instruc- tions de leur maître. Un despotisme militaire succéda aux loix douces et égales que. les Suisses avoient reçues de leurs ancêtres. On violoit journellement tous leurs anciens privilèges ; des fautes légères ou sup- posées étoient punies par des amendes excessives et arbitraires; les ci- toyens, arrachés du sein dt; leurs familles, gémissoient au fond des cachots, pendant que leurs compatriotes, accablés sous le poids des im- pôts et des corvées, étoient contraints à travailler aux forteresses qui montroient et confirmoient leur esclavage. A l'oppression, que le peu- ple peut quelquefois pardonner, les ministres de la tyrannie Autrichienne ajoutèrent encore le mépris qu'il ne pardonne jamais. Sur la place pub- lique d'Altorf, bourg principal du canton d'Uri, Gésier fit dresser une perche sur laquelle on posa son chapeau. Il prétendoit que tous les pas- sans rendissent à ce chapeau les mêmes honneurs qu'ils eussent rendus à la personne de l'empereur ou à c»He de son représentant. Cette cérémo- nie humiliante servoit à la fois à satisfaire l'orgueil ridicule d'un tyran et à découvrir ces âmes libres qui conservoient encore les sentimens et la fierté de leur premier état. On s'attachoit sur-tout à connoître ceux dont les conseils avoient dé- T«chud.toni.i. . . p- '-'j*- tourné leurs concitoyens de se soumettre à l'empereur, et qui jouissoient parmi eux de la considération que leurs vertus avoient méritée. L'estime publique dénonça au gouverneur d'Underwakl, Henri de Melchtal pour sa 110 INTllODUCTION A L'hiSTOIRE GiSNEKALE 1301, &c. sa première victime. Ce paysan respectable cultivoit en paix le champ de ses pères, lorsqu'un ministre de Landenberg lui déclara qu'il venoit enlever les bœufs de sa charrue, comme l'amende imposée à une faute qu'avoit commis son fils aine. Cet officier s'acquitta de sa commission avec tout l'orgueil de la servitude, et menaça les paysans de leur faire traîner eux-mêmes la charrue. Le sage vieillard soupira et se tut; mais son hls, excité par l'ardeur aveugle de la jeunesse, résista à l'officier qui alloit emmener les bœufs, lui cassa le doigt d'un coup de bâton, et se r^ fugia par une fuite précipitée dans le canton d'Uri. Il fut assez puni en laissant son malheureux père exposé à toute la cruauté de Landenberg. Le gouverneur le fit arrêter dans le vain espoir de découvrir la retraite de Tschudi, tom. i. son fils, mais enfin furieux de voir qu'il ne pouvoit lui arracher ce secret, l's3. ' ' il confisqua son bien et lui fit crever les yeux. L'honneur des femmes tient aux sentimens les plus délicats du cœur humain ; et les attentats qui portent le trouble et l'amertume dans le sein des familles ont donné naissance à plus d'une révolution. Le jeune Wolfenscheissen de Rotzberg, sous les ordres de Landenberg, traversoit le pays suivi seulement de deux domestiques, lorsqu'il apperçut la fenmie d'un paysan qui travailloit dans un pré. Il s'arrêta un mo- ment pour la considérer, et ne vit point sans émotion une beauté mo- deste, embellie par la joie, la santé, et la pudeur. Il commença l'entre- tien par lui demander des nouvelles de son mari. Le bon Boumgarten ne travailloit que dans le bois voisin, mais son épouse craintive, qui voyoit dans le bailli un ministre de vengeance plutôt que de graces, supposa un voyage dont elle ignoroit, disoit-elle, et l'objet et la durée. Charmé d'une occasion aussi heureuse, le gouverneur la pria de le con- duire chez elle pour lui donner quelque rafraichissement dont il avoit besoin. Ce fut là qu'il lui déclara les désirs qu elle lui avoit inspirés, la pressa de les satisfaire, la félicita de se voir associée aux plaisirs de son maître, et lui laissa entrevoir le danger d'un refus imprudent. Elle le sentoit elle-même, et son effroi, qui avoit changé d'objet, étoit l'unique sentiment de son âme. Elle étoit seule, elle connoissoit la puissance du gouverneur, elle n'ignoroit point son caractère, et se crut enfin perdue lorsqu'il lui commanda de lui préparer un bain et d'y entrer avec lui. L'art est naturel aux femmes; heureuses qui ne la font servir qu'aux intérêts de la vertu! Seigneur, lui répondit-elle, en baissant les yeux, épargnez DE LA REPUBLIQUE DES SUISSES. ] 1 1 épargnez la pudeur d'une femme qui vous aime. C'est ma première 1301, &c. foiblesse — nous ne sommes pas seuls — vos domestiques Je vais les renvoyer, lui dit le gouverneur transporté. Dès qu'elle les vit partis elle ne vouloit se déshabiller que dans une chambre voisine du bain. Elle obtint sans peine cette grace d'un amant qui ménagcoit une pudeur dont il alloit triompher. Elle en profita pour s'échapper de la maison et pour courir du côté du bois, lorsqu'elle vit son mari qui quittoit son travail pour revenir à la maison. Le désordre de sa femme, ses soupirs, et ses mots entrecoupés, lui apprirent le danger auquel elle s'étoit dérobé. Dieu soit béni, lui dit-il, ma chère épouse ! aujourdhui il t'a conservé l'honneur et à moi le repos. L'insolent — mais la vengeance est juste et je cours l'achever. Il trouve le gouverneur déjà au bain, nud et sans armes, et lui fend la tête d'un coup de sa hache. Le canton d'Uri devint son asyle et le cacha aux yeux de ses ennemis. Le gouverneur de Lan- denberg voulîit persuader aux autres seigneurs de Wolfenscheissen de poursuivre le meurtrier de leur frère, mais ils lui répondirent que leur frère avoit mérité son sort, et le courroux d'un mari irrité, condamné par les loix, fut justifié par les sentimens d'un peuple vertueux. La mort de Wolfenscheissen avoit délivré le pays d'un tyran ; mais il Tschudi, tom.i. gémissoit toujours sous le poids de la tyrannie. Les trois cantons prirent ^' '^^'' enfin la résolution de faire un dernier effort auprès de l'empereur. Leurs députés étoient chargés de représenter l'excès de leur maux, et de sup. ^3'"'- plier Albert de rappeller ses ministres, et de ne plus mettre sa gloire à opprimer un peuple qui le respectoit toujours. Ce prince orgueilleux ne daigna point les voir ; mais il les renvoya à son conseil dont le ton dur et inflexible n'annonçoit que trop clairement les dispositions de leur maître. On leur dit sans détour, que pour mériter les bienfaits de l'em- pereur il falloit reconnoitre son autorité, mais qu'ils éprouveroient son in- dignation, aussi longtems qu'ils oseroient réclamer leur liberté prétendue. Le retour des députés répandit le désespoir dans tout le pays ; mais le désespoir d'un peuple guerrier est voisin de la fureur. On cntendoit par-tout les cris d'une indignation qu'on ne daignoit plus dissimuler. " Pourquoi fléchir plus longtems sous le joug d'un maître dont l'orgueil s'accroît avec notre lâche patience? On viole nos privilèges; on nous dépouille de nos biens, mais il nous reste des armes ; nous sommes libres dès que nous voulons l'être." Les malheurs de la patrie faisoieot l'en- tretieu r 112 INTUODUCTION A l'HISTOIHE GENERALE 1307. tretien de tous les bons citoyens. Ils pleuroient ces malheurs, mais ils croignoient la puissance Autrichionne. Tous les esprits étoient disposés à la révolte, mais il leur manquoit encore un esprit supérieur qui donnât le mouvement à cette grande entreprise. Le,,, Diciio,,- Werner de Stuuffachcr sortoit d'une des premières familles du pays de ri^ue "i.^m'ot Schvvitz, qui respectoit encore la mémoire de son père, à qui la commu- stauffaci.er. ^auté dcvolt uu traité avantageux conclu par ses soins avec la ville de Zurich. Son fils avoit hérité de lui une fortune assez considérable, l'es- time publique, et l'amour de la patrie. Ce sentiment étoit devenu triste et amère pour un citoyen qui ne pouvoit lui donner que des regrets im- puissans. Un jour, assis devant sa maison, il vit passer le Gouverneur Gésier qui s'arrêta pour lui demander dun ton fier le nom du proprié- taire. Une réponse pleine de respect et de sagesse ne lui fournit point Tscliudi, torn. i. ,.,,,. , , "1 I/.. p. 235. le prétexte qua cherchoit pour perdre un homme vertueux quil cletes- toit: mais il s'emporta vivement: contre lui, et lui dit que l'empereur ou son représentant étoit l'unique propriétaire du pays, et qu'on sauroit bien réduire l'orgueil et l'opulence de ces paysans qui se prétendoient nobles. Ces discours remplirent le cœur de Werner de honte et d'indignation. Il versa ses chagrins dans le sein de son épouse, dont il connoissoit la tendresse, la prudence et le courage. Il n'hésita point à lui commu- niquer le dessein qu'il avoit conçu de sonder les esprits, et d'éprouver si la liberté n'avoit pas encore des ressources dans les cœurs des Suisses. " Oui, cher époux," lui répondit cette femme vertueuse, " tes jours me sont chers, ta gloire me l'est davantage. Un vrai citoyen ne doit jamais survivre à sa patrie : venge-la, ou péris avec elle. Nos tyrans ont des ennemis par-tout où il existe de la vertu. Tu trouverez parmi eux des amis dignes d'être associés à tes desseins généreux. Vous aurez pour vous le témoignage de la conscience, l'approbation de l'Etre Suprême, les vœux de tous les gens de bien, et la reconnoissance de la. postérité." Elle le conseilla ensuite de concerter ses mesures avec ses amis d'Uri. Il suivit son conseil, et fit bientôt après ce voyage sans exciter la défi- ance de ses maîtres. Il examina d'un œil attentif les dispositions de ce pays, et vit sans peine que le nom Autrichien y étoit en horreur. Il entendit le Baron d'Attinghausen, premier magistrat du canton, qui se plaignoit de l'inso-' Tsci.udi, tom. 1. lence de Gésier: il fut témoin de l'indignation de son propre neveu le u. 23o. Guilli- - '^ . seigpeur DE LA •REPUBLIQUE DES SUISSES. 113 seigneur de Rudciitz, Il craignoit cependant de leur communi(]ucr des ^'"[p projets aussi dangereux que les siens. Il ne s'en ouvrit qu'à son ancien HeWet. i. iiic. ami Walter Fiust, qui justifia sa confiance, et lui proposa d'y associer le jeune Arnold de Melchtal, ennemi juré de leurs tyrans, et dont le crédit leur seroit utile pour attirer dans leur parti le canton d'Underwald. Ces trois hommes s'engagèrent par un serment assez inutile, à tout souflfrir et à tout entreprendre pour briser leurs fers, mais à s'acquitter toujours des devoirs que la justice exigeoit d'eux. Les trois conjurés se séparèrent après avoir formé ces liens. Chacun d'eux se rendit dans son pays pour y jetter les fondemens de leur alliance. Le noble et le roturier, unis par leurs malheurs communs, gémissoient sous le même joug et le détestoient également; mais il falloit une pru- dence extrême pour distinguer parmi ces mécontens le petit nombre de ceux dont la fidélité et le courage les rendoient dignes de cette con- fiance. Il les amenèrent sans bruit au rendez-vous général qu'ils avoient choisi à Rutlin, lieu écarté sur les bords du lac, et très propre à tromper la vigilance de leurs ennemis. Là on leur découvrit ce secret important, dépôt sacré de la vie de leurs amis et l'espérance future de la Suisse. Ils se dévouèrent par les mêmes sermens aux principes généreux de leur alliance, et à leur retour ils travaillèrent avec la même précaution à les répandre. Leur nombre croissoit à chaque assemblée ; et cette société, unie par les nœuds de la vertu et de l'amitié, devenoit tous les jours plus redoutable.* Ils sentirent enfin que leurs forces étoient suflfisantes et Tschudi. tom. i. p. 237. 7 No- qu'il ne s'agissoit plus que de les employer. Ils s'assemblèrent pour la vembte. dernière fois au nombre de 112 citoyens pour fixer le moment de leur entreprise et pour en choisir le? moyens. Les uns vouloient prendre les armes sur le champ, et commençoient déjà à rougir de leur patience, mais cette impétuosité céda aux sages conseils de leurs chefs, dont le * Ils se donnoient le nom d'Eidgenossen, qui signifie alliés par serment : terme dont on s'est ensuite servi pour désigner la nation entière. L'on doit effectivement regardercette con- juration comme le germe de la confédération Helvétieiue. Les écrivains étrangers ont reproché aux Suisses la bassesse de leurs premiers conjurés, qui n'étoient, disent-ils, que des paysans obscurs. Le reproche est à la fois ridicule et injuste. Un assez grand nombre de noblesse eut l'honneur d'être admis parmi ces hommes respectables, les Barons d'Attinghauseu, d'Ut- Guillimau. d» zingen et de Schwintzberg, les Seigneurs de Rudentz, d'Iberg, de Stauffacher, et plusieurs iji. ^ jq "^ ' autres dont le lecteur me dispensera de rapporter les noms barbares. Il ne me pardonneroit point si j'oubliois le bon Boumgarten, qui fut associé aux premiers conjurés. VOL. m. . j. pendant par l'idée d'une vengeance terrible ; et cette vengeance lui étoit trop chère pour la confier à des mains étrangères. Il se rendit lui-même i\ Bade, ville principale de ses états Helvétiques. Là, dans une assem- blée très nombreuse de sa noblesse, il exagéra le crime des paysans qui avoient indignement chassés les officiers de leur prince, la nécessité de châtier leur audace, et les secours qu'il attendoit de la fidélité de ses vassaux. Il leur ordonna à tous de rassembler leurs troupes et de le suivre dans une expédition qui intéressoit les droits de tous les seigneurs. Les Suisses virent avec inquiétude, mais sans eft^'roi, l'orage qui se fonnoit contre eux dans toute l'étendue des pays Autrichiens ; ils exercèrent leur jeunesse aux armes, fortifièrent par de bonnes lignes les endroits les plus exposés de leur frontière, et se préparèrent à vivre ou à mourir libres. Un événement imprévu sauva leur république naissante de la destruction qui la menaçoit. L'empereur fut assassiné par son neveu Jean, duc de Suabe, dans le tems qu'il alloit porter le fer et le feu sur les terres des Suisses. Injuste envers les siens comme envers les étran- gers, Albert retenoit depuis longtems l'héritage de son neveu sous le nom de tutelle, et lui refusoit toujours, avec un mépris plus dur que le refus, la restitution d'un bien qu'il étoit encore trop foible pour gou- verner. La conduite du jeune prince justifia ce mépris d'une manière fatale à tous les deux. Il se livra aux conseils pernicieux et intéressés de quelques favoris ; il saisit le moment où l'empereur, qui avoit passé la Reuss, se trouvoit séparé de son armée, et le fit poignarder dans le champ de Konigsfeld. Telle fut la fin malheureuse d'Albert I. dont l'ambition avoit inquiété l'empire pendant plus de dix ans. Tschudi, tom. i. Scs piojcts périrent avec lui. La famille impériale, qui étoit rassem- blée auprès de son chef, le vit massacrer sous ses yeux sans pouvoir le secourir. i Mai. p. 243. DE LA REPUBLIQUE DES SUISSES. 117 secourir. Dans les premiers momens de constemation et de défiance isos. qui suivirent un pareil attentat, elle ne songea qu'à conserver ses amis et qu'à ménager ses ennemis, L'Impératrice Elizabeth fit partir un mi- nistre pour assurer les trois cantons de sa bienveillance, et pour les prier de se joindre à la maison d'Autriche pour punir les assassins du premier des souverains. La réponse des Suisses fut celle d'un peuple qui con- noissoit à la fois ses intérêts et ceux de la justice : " Qu'ils étoient bien éloignés d'approuver le crime du Duc de Suabe, qu'ils plaignoient le triste sort de l'empereur, et qu'ils le plaignoient sur- tout de l'avoir mérité : mais que ce n'étoit point à eux à venger la mort d'un prince qu'ils n'a- voient jamais connu que par ses injustices." Ils dissipèrent cependant les soupçons auxquels cette réponse donnoit lieu, en rejettant avec mépris toutes les propositions avantageuses que leur faisoit le Duc Jean. On se contenta de lui faire dire qu'une république libre ne seroit jamais l'asyle des meurtriers. Ce prince, malheureux autant que coupable, qui n'avoit de hardiesse que pour le crime, se trouva seul, sans appui, sans ressource, abandonné à lui-même et à res remords. Il se retira en Italie et finit ses tristes jours dans le fond d'un cloître. La mort d'Albert fut vengée par sa veuve et par ses enfaiis avec une J»»" vitodut, cruauté qui effraya même ce siècle barbare. Ils imputèrent à toute la noblesse Helvétique le crime d'un très petit nombre; et firent également périr dans les supplices, les coupables et les innoceus. Quarante-cinq gentilshommes furent exécutés dans le château d'Alburen par l'ordre du Duc Leopold. Soixante-trois autres, pris dans la forteresse d'Ar- wangen, furent décapités malgré la foi des capitulations; et la Reine Agnès, fille de l'empereur, témoigna une joie affreuse à voir couler sous ses yeux le sans- le plus pur de la Suisse. Cette princesse acquit dans Len, Diction- . . , • r 1/ ' 1 1 iiairt Historique la suite une haute réputation de sainteté pour avoir fondé 1 abbaye de aux mots ajc Konigsteld. L ambition approuvoit ces horreurs dont les sentimens même de la nature ne justifioient pas l'excès. Tant tie châteaux rasés par-tout la Suisse confirmoient la puissance de la maison d'Autriche, pendant que les terres de leurs anciens propriétaires augmentoient son domaine. Les Suisses, à qui leurs ennemis ont toujours reproché la destruction de la noblesse Helvétique, savent répondre que toutes leurs guerres lui ont été moins funestes que la vengeance sanguinaire des enfans d'Albert. Henri, que 118 INTRODUCTION A l'hISTOIRE GENERALE Henri, comte de Luxembourg, fut élu Empereur après la mort d'Al- bert. Les auteurs contemporains attribuent ce choix aux intrigues du Pape Clement V. qui craignoit de voir passer la couronne impériale dans la maison de France. Ce pontife connoissoit mal les hommes ; cet empereur (ju'il avoit fait, ne travailla qu'à rétablir les anciens droits de l'empire sur Rome et l'Italie. Les Suisses se hâtèrent de féliciter leur nouveau souverain. Ils lui envoyèrent une deputation solemnelle pour exposer leurs droits, justifier ^3„9 leur conduite, et implorer sa justice et sa protection. Henri VIL les T^ciiudi. torn. i. écouta avec bonté et leur accorda par un diplôme semblable à celui de p. 24.>, Slc. Frédéric IL la confirmation de tous leurs privilèges. Cependant la prudence lui dictoit de grands ménagemens pour les ducs d'Autriche, dont la puissance orgueilleuse bravoit son maître et menaçoit l'empire stiiiv. Corp. d'une guerre civile. Dans une dispute qui survint à l'occasion de leur p.'sûB. '^'^"'° investiture ils osèrent rappeller à l'empereur que l'Autriche avoit déjà coûté la vie à six rois. Henri se rendit à cette menace, et conclut un traité avec le Duc Leopold qui le suivit en Italie à la tête de deux cens chevaux. Trois cens Suisses furent aussi de l'expédition Romaine qui procura à leur république naissante un calme précieux de cinq ans. Ce calme resserra les nœuds de leur union, les accoutuma à jouir de la liberté, leur en fit sentir le prix, et les disposa à tout risquer pour la conser\'er. 1314. La mort de Henri VIL empoisonné, dit-on, en Italie, fut suivie d'une guerre civile. Louis, duc de Bavière, et Frédéric le Beau, duc d'Au- triche, disputèrent par les armes la couronne impériale qu'ils prétendoicnt avoir obtenue par les suffrages des électeurs. L'Allemagne fut divisée et déchirée par ces deux princes ; les succès se balançoient, et leur foiblesse respective, qui les empêchoit de faire des efforts décisifs, sem- bloit éterniser les malheurs de l'empire.* Leopold, frère de Frédéric ,Toan vitoduran. d'Autrichc, étoit le plus fort appui de son parti. L^n corps petit et mal Clironic. iii Thesaur. p. 18. * M. de Voltaire noiis a tracé d'un pinceau léger le tableau de l'hisloire générale de l'Europe. Le coloris en est toujours brillant, mais le dessein est souvent très incorrect. Ce Leopold, dit-il, est le même qui viola si lâchement le droit de l'hospitalité dans la personne Oeuvres de Vol- de Richard Cœur de Lion. Dois-je m'arrêter à prouver qu'un duc d'Autriche qui rcgnoit taire, torn, xn, e„ jjg^ ^g fm point battu à Morgarten en 1315, cent vingt-deux ans après? L'imagination de M. de Voltaire l'a emporté. Nous serions pourtant fâchés qu'il en eût moins. fait, DE LA KEPUBLIQUE DES SUISSE*. 1 1^ fait, qu'il ne relevoit point par la parure, cachoit une âme cruelle et intrépide. Il avoit acquis le nom d'un guerrier distingué ; il justifia sa réputation en traversant rAUemagne à la tête de 20,000 hommes pour fair reconnoitre l'autorité de Frédéric. Louis de Bavière n'avoit pas osé tenir la campagne contre lui, et il vit brûler sous ses yeux, Lands- berg et plusieurs autres villes de ses pays héréditaires. Leopold alloit ^^^*- peut-être triompher du rival de sa maison, lorsqu'un courroux indiscret lui fit tourner ses armes contre les Suisses, qui avoient assez naturelle- ment embrassé le parti des ennemis de l'yVutriche. Les moines de l'abbaye d'Einsidlen* étoient les anciens ennemis du Tschudi, tom. r. canton de Schwitz, et leur nouvelle liaison avec les princes Autrichiens Feiix Malleolus, qui les avoient pris sous leur protection, les rendoit plus implacables tensibu's, p. s. in que jamais. Ces religieux, qui ne l'étoient que de nom, insultoient tous jjelv!"" les Suisses qui passoient sur leurs terres, les battoient, et les dé- pouilloient. Ces bonnes gens souffrirent long;-tems sans se plaindre, se plaignirent enfin, n'obtinrent point la justice qu'ils demandoient, et ré- solurent de se la faire eux-mêmes. Ils entrèrent dans le couvent à main armée, y commirent de grands désordres, et emmenèrent avec eux beaucoup de bétails, aussi bien qne six moines, auxquels ils ne rendirent la liberté qu'assez longtems après. L'on conçoit assez qui l'église d'Ein- sidlen lança contre ces sacrilèges les anathèmes les plus effrayans ; mais l'usage trop fréquent de ces foudres leur avoit fait perdre leur force dans l'esprit même des peuples, et les moines furent obligés de recourir à Etat et nùlices * Cette abbaye, riche plutôt que puissante, subsista avec éclat depuis huit siocles. Le tom. ii, p. 415. contraste de ses bâtimens maanifiques avec le pays affreux qui les entoure fait naître l'idée H'^'oire ^e ia f ^ . , Ht formation de des palais enchantés qui paroissoient tout à coup au milieu des deserts. La magie d'Einsid- ja Suisse par Jen est celle de la superstition qui lui attire encore de toutes les provinces voisines une foule Ruchal, tom. i. p. 10. 42, 4;î. de pèlerins et d'offrandes. Ce que Valentin Compar, secrétaire d'état du canton d'Uri, 402. écrivit au Réformateur Zuingle, peut nous donner quelque idée de ses richesses; richesses formation de la qu'elle avoit rassemblées dans le pays le plus pauvre de l'Europe. Je connois (dit-ii) une Suisse, tom. i. abbaye (Einsidlen) à laquelle on a donné plus d'un million d'or ; et qui possède tant de bijoux 7,000,000 de et de choses précieuses qu'il n'y a point de prince qui put en payer la di.\ième partie. Il est î^?"''!' , assez singulier que ces religieux ayent pu goûter la doctrine des Réformateurs qui préchoit Ordres Reli- l'inutilité des pèlerinages: mais il ne l'est point qu'ils ayent renoncé bientôt à une erreur yo't"u,ra!^i. aussi détestable. L'abbaye d'Einsidlen est à présent une des neuf maisons de la Congréga- P- 2<)7. tion Bénédictine Helvétique. Pour le temporel elle reconnoît la protection du canton de Schwitz. leur 120 INTRODUCTIOX A l'hISTOIRE GENERALE 131S. leur protecteur. Leopold écouta avec phiisir des plaintes qui 1 autori- soient à confondre les injures de sa famille avec celles de la religion. Il marcha contre les Suisses plein de fureur et de confiance, résolu de consommer la vengeance que la mort avoit enlevé à son père. Il alloit, disoit-il, à la chasse de ses paysans rebelles, et se faisoit suivre par un grand nombre de charettes chargées de cordes pour emmener les captifs et le bétail, seuls trésors du pays pauvre et agreste qu'il alloit subju- joan. vuodu- gucr.* Tant de présomption n'étoit point extraordinaire. Il se voyoit T.ciiudi, tum i. à la tête de plus de 1300 cavaliers couverts de fer, accoutumés à la p. 271, 27'2. . . . Smiicr tic Re- victoirc et tirés de la première noblesse de la Suisse, de l'Alsace, et de jmb. Hclvet. I. i. .f^, ^ .*. ...... . , Lcu, Diction- la Suabc. 20,000 rantassms bien disciplinés composoient le reste ^Irgartm!" d'uuc arméc à laquelle l'Allemagne avoit pu à peine opposer des forces Tschudi. , 1 égales. La perte des Suisses paroissoit inévitable. Le duc d'Autriche avoit fait ses dispositions pour les attaquer à la fois par tous les côtés accessi- bles. Le Comte Strasberg étoit chargé de rassembler les troupes de Hasli, de Frulingen, et du Sibenthal, au nombre de 4000 hommes, pour entrer à la pointe du jour dans le canton d'Underwald, tandis que 1000 Lucer- nois, traversant le lac sur des bateaux, se joindroient à lui dans le cœur du pays. Leopold lui-même marchoit du côté de Zug pour attaquer le canton de Schwitz, et il tâchoit par des manœuvres assez adroites de faire abandonner aux Suisses le village de Morgarten. C'étoit le défilé par lequel il comptoit déboucher comme le moins difficile de ceux qui cou- vroient les terres de la République. Le Comte de Toggenbourg, servi- teur du duc, fut touché du triste sort de ces hommes Hbres et vertueux, dont le malheur et l'innocence leur avoient acquis des amis dans l'armée Autrichienne. Il se jetta aux pieds de Leopold pour lui demander la per- mission de leur représenter leur danger et de leur offrir le pardon et la paix. Ce prince, longtems inflexible, consentit enfin à leur accorder la vie et les biens à condition qu'ils reconnussent Frédéric son frère pour légitime * Suivant l'étiquette des cours barbares Leopold se faisoit accompagner de son astrologue «t de son bouffon. La folie du premier se paroit toujours des dehors de la sagesse. Le masque comique du second cacboit assez souvent l'esprit et la raison. L'un annonça à son maître les succès les plus éclatans ; l'autre témoigna de l'inquiétude de ce qu'il ne voyoit point les préparatifs nécessaires pour sortir des montagnes de Schwitz aussi bien que pour y entrer, Empereur, DE LA REPUBLIQUE DES SUISSES. 121 Empereur, et eux-mêmes pour sujets de la maison d'Autriche. Chargé isis. de ces pouvoirs, le Comte de Toggenbourg se rendit au camp des Suisses. Ce peuple généreux le remercia avec une vive reconnoissauce des efforts qu"il taisoit en sa laveur; mais il lui déclara qu'ils étoicnt inutiles, et que les Suisses périroient jusqu'au dernier d'entr'eux plutôt que d'accepter des conditions aussi honteuses. Qu'il s'avance, (s'écrièrent-ils,) ce fier ennemi, il apprendra peut-être ce que peuvent le désespoir et la liberté contre ses armées formidables. Le comte les plaignit et se retira. On croit même que la j)itié lui fit oublier le devoir, et qu'il leur communiqua tout le plan des attaques. Il est sûr que les citoyens de Schwitz, instruits du lieu et du moment de leur danger, commandèrent 600 hommes pour se joindre sur le champ aux 700 qui occupoient déjà le poste important de Morgarten. Ils envoyèrent en même tems avertir leurs alliés du be- 14 Novembre, soin qu'ils avoient de leur secours. Ceux d'Uri leur envoyèrent 400 hommes qui arrivèrent vers l'entrée de la nuit. Les habitans d"Under- wald, attaqués dans leurs propres foyers, ne purent leur donner que 300 hommes qui parvinrent vers le minuit au camp de Morgarten. Cette petite troupe ainsi réunie* passa la nuit dans le jeune et la prière, occupa toutes les hauteurs, et ne mit son espoir que dans sa valeur et dans la protection de cet Etre qui aime la justice, et qui punit l'orgueil, Leopold étoit parti de Zug vers le milieu de la nuit. Il se tlattoit d'occuper sans résistance le délilé de Morgarten qui ne perçoit qu'avec difficulté entre le lac Mg\é et le pied d'une montagne escarpée. Il mar- choit à la tête de sa gendarmerie. Une colonne profonde d'infanterie le suivoit de près, et les uns et les autres se promettoient une victoire fa- cile si les paysans osoient se présenter à leur rencontre. Ils étoient à peine entrés dans un chemin rude et étroit, et qui ne permettoit qu'à trois ou quatre de marcher de front, qu'ils se sentirent accablés d'une grêle de pierres et de traits, Kodolphe de Reding, landamman de Schwitz et gé- * On voit qu'elle étôk composée de deux mille hommes, malgré les efforts de ceux qui ont cherché à diminuer ce nombre pour augmenter le merveilleux de l'action. Il faut y ajouter encore cinquante citoyens bannis pour leurs offenses; à qui l'on refusa l'honneur de mourir pour la patrie, mais qui méritèrent leur grace par leur valeur. Pour peu qu'on réfléchisse sur les circonstances de cette guerre on se persuadera sans peine que ces deux mille hommes faisoient près de la moitié de ceux qui étoient en état de porteries armes, et que par con- séquent les trois cantons ne renfermoient pas vingt mille âmes du tems de la révolution. VOL. ni, B néral ]2£ INTRODUCTION A l'hISTOIUE GENERALE 131.5. néial (les coiifécIérpuis qui les soutenoicnt encore, se détachoient du sommet de la montagne et se précipitoient avec un bruit affieux sur les bataillons serrés des Autrichiens.* Déjà les chevaux s'effrayoient, les rangs se confondoient, et le désordre égaroit le courage et le rendoit inutile, lorsque les Suisses descendirent de la montagne en poussant de grantls cris. Accoutumés à poursuivre le chamois sur les bords glissans des précipices, ils couroient d'un pas assuré au milieu des neiges. Ils étoient armés de ces grosses et pesantes hallebardes aux- quelles le fer le mieux trempé ne résistoit point. Les soldats de Léoj)old, cliancelans et découragés, cédèient bientôt aux efforts désespérés d'une troupe qui combattoit pour tout ce qu'il y a de plus cher aux hommes. L'abbé d'Einsidlcn, premier auteur de cette guerre malheureuse, et le comte Henri de INIontfort, donnèrent les premiers l'exemple de la fuite. Le désordie devint général, le carnage fut afi'reux, et les Suisses se livroient au plaisir de la vengeance. A neuf heures du matin la bataille étoit gagnée. U^n grand nombre d'Autrichiens, se précipitant les uns sur les autres, cherchèrent vainement dans le lac un asyle contre la fureur de leurs ennemis. Ils y périrent presque tous. Quinze cens hommes res- tèrent sur le champ de bataille. Ils étoient pour la plupart de la gen- darmerie qu'une valeur malheureuse et une armure pesante arrêtoient dans un lieu où l'un et l'autre leur étoient inutiles. Longtems après l'on s'appercevoit dans toutes les provinces voisines que l'élite de la noblesse avoit péri dans cette fatale journée.f L'infanterie, beaucoup moins engagée dans le défilé, vit en tremblant la défaite des chevaliers qui passoient pour invincibles, et dont les escadrons effiayés se renver- soiênt sur elle. Elle s'arrêta, voulut se retirer, et dans l'instant cette •retraite devint une fuite honteuse. Sa perte fut assez peu considérable, mais les historiens de la nation ont conservé la mémoire de cinquante V. de Bel!o * Les habilans de TKngudine employèrent un semblable artifice dans la guerre de Suabe. Holvet. p. yi). ,,.,., , IT , , ■ 11'- • 1- in Tliesauio. liilibandus 1 irckheimer le decnt assez joliment. Joaii.Vitotlu- ■*■ ^'^ historien contemporain assure que longtems après, la gendarmerie noble (militia) rail. p. ue. ^toit rare dans les provinces voisines. On vit périr dans cette journée le Comte Rodolphe de Tschudi, torn. i. . , , i j,, 573, Habsbourg, trois barons de Bonstetten, deux seigneurs de Halcvil, deux Gésier, et beau- coup d'autre noblesse de l'Argau, de la Turgovie, et de l'Alsace. braves DE LA REPUBLIQUE DES SUISSES. 123 braves Zuriquois dont on trouva les rangs couchés morts sur la place. isis. Leopold lui-même fut entraîné par la foule qui le portoit du côté de Zug. On le vit rentrer dans sa ville tic Winterthur. La iVayeur, la honte, et joan. Viiodu- l'indignation étoient encore peintes sur son front. Dès (jue la victoire ""' *"' se fut déclarée en faveur des Suisses, ils s'assemblèrent sur le champ de bataille, s'embrassèrent en versant des larmes d allégresse, et remercièrent Dieu de la grace qu'il venoit de leur faire et (jui ne leur avoit coûté que quatorze de leurs compagnons. Au milieu de la joie commune les citoyens d'Underwald songeoient au Xscimdi, com. i. danger de leur patrie. Ils ne perdirent pas un moment pour marcher à ''' "'' son secours. Bientôt ils apprirent quelle étoit livrée à toute la fureur des détachemens Autrichiens. Animés par cette nouvelle, ils précipi- tèrent leur marche, traversèrent le lac, joignirent les Lucernois, les re- poussèrent jusques dans leurs bateaux, et s'avancèrent dans la partie su- périeure du pays pour s'unir avec ceux de leurs compatriotes qui faisoient tête au Comte de Strasbcrg. Les deux bannières (|ue ce général apper- çut parmi les troupes ennemies le remplirent d'un juste effroi. Il comprit que l'une de ces bannières avoit combattu à Morgarten: il trembla pour son maître et pour lui-même; et se retira avec la perte de 300 hommes et celle de tout son butin. Le même jour suffit à ces trois victoires. -La Suisse étoit sauvée par les mains de la victoire. Il ne s'agissoit plus Tscimdi, um. ;. que de la rendre utile et que d'assurer à jamais la liberté pour laquelle de r^j, HeU? l'on avoit combattu. Les sentimens de la nation et la situation des af- ''' fairesdemandoient également que les trois cantons formassent une union étroite et indissoluble. Lorsqu'un traité est dicté par l'amitié et la bonne foi il est facile d'en rédiger les conditions. L'acte solemnel de cette al- liance fut confirmé par une assemblée générale des Suisses un peu plus de trois semaines après la bataille. Je dois donner une idée juste d'une 9 Décembre. pièce qui a toujours fait la base de la Confédération Helvétique. Tous les hommes d'Uri, de Schwitz, et d'Underwald se promettent une amitié à l'épreuve du tems et des malheurs. Ils unissent à jamais, pour le bonheur général, leurs forces et leurs conseils. L'on peut découvrir ici la première ébauche de la société civile, et ce contrat social, que tant d'écrivains, mieux instruits des droits de l'homme que de son histoire, ont vainement cherché dans les grands états. Ils jurent de se soutenir mu- tuellement envers et contre tous. Ils s'engagent à sacrifier leurs vies pour la défense commune, à ne jamais permettre qu'un Suisse soit mal- R 2 traité 124 INTRODUCTION A l'hISTOIRÏ; GENERALt 1315. traité ou opprimé, à le secourir ou à le vengei'. Ils consentent à sou- mettre à des arbitres impartiaux tous lesdifFércns qui pourroicnt un jour troubler cette harmonie; et ils établissent le troisième canton juge na- turel de tout ce qui pourroit diviser les deux autres. Convaincus que l'amitié ne peut subsister parmi l'injustice et les crimes, ils décernent la peine de mort contre les homicides volontaires, et celle d'un exil perpé- tuel contre les voleurs. Ils s'assujettissent à tous les devoirs qu'on avoit tlroit d'exiger d'eux avant la révolution, mais ils ne reconnoissent plus ceux que la tyrannie a anéanti et qu'une paix équitable peut seule resti- tuer à la maison d'Autiiche.* Ces devoirs onéreux, et qui blessoient l'indépendance d'un état libre, leur étoient cependant odieux. Ils ne veulent point en contracter de nouveaux, et ils défendent à chacun d'en- gager son hommage, sa parole ou ses biens, sans le consentement de tous les autres confédérés. Ils finissent par dénoncer à tous les contrevenans, la honte du parjure, un exil perpétuel, et la confiscation de leurs biens. Simier, de Rep. La première démarche de la nouvelle répvdjlique fut d'instruire l'Em- GuiMinian. de pcrcur Louis de Bavière de tout ce qui s'étoit passé parmi eux. Ce prince, hlîi.^c.'iT'"'' pai'goût et par politique, étoit l'ami des Suisses. Il leur avoit déjà écrit pour les plaindre, pour les consoler, et pour leur faire espérer un avenir plus favorable. Trop foible lui-même pour les secourir d'une manière efficace, il les fit du moins relever, par l'autorité supérieure de l'arche- vêque de Mayence, de toutes les censures ecclésiastiques qu'ils avoicnt encourues. Il apprit avec joie que son ennemi le plus redoutable avoit perdu sa 1316. gloire et l'élite de ses troupes dans la journée de Morgarten. Il se hâte de confirmer tous les privilèges des trois cantons, d'approuver leur alli- ance, et de confisquer en leur faveur tout ce que la maison d'Autriche possédoit encore au milieu d'eux. Les Suisses reçurent sans difficulté de sa main un préfet impérial qui jura de respecter leurs droits et de les défendre contre tous leurs ennemis. Cette magistrature, l'ombre d'une autorité révérée, disparut insensiblement, et les empereurs suivans accor- dèrent aux Suisses le privilège de choisir des magistrats qui fussent en même tems les ministres du peuple et de l'empire. Je viens de tracer d'une plume foible mais impartiale l'histoire d'une révolution obscure qui a changé le sort de quelques paysans des Alpes. * L'on peut trouver dans le dictionnaire de Leu, les exemples de plusieurs servitudes dont les cantons se rachetèrent longteras après la révolution. Elle DE LA REPUBLIQUE DES SUISSES. 125 Elle mérite néanmoins l'attention du philosophe qui cherche l'homme isie. rlans la chaumière plutôt que clans les palais. Il sait que le nom sacré de liberté a presque toujours désigné les prérogatives injustes d'un petit nombre de citoyens, et que les nations séduites ou entraînées par leurs chefs ont mille fois combattu avec fureur pour des intérêts qui leur étoi- ent étrangers. Il parcourt d'un œil attentif le tableau de l'Europe dans les siècles barbares de l'anarchie féodale. Qu'il est triste, ce tableau, pour un ami des hommes ! Des barons et des évêques qui disputent à leur roi la dépouille sanglante des communes ; ces communes malheu- reuses qui s'arment quelquefois de leurs fers, mais dont la fureur incer- taine et aveugle déshonore par ses excès une liberté dont elles ne savent point jouir;* quelques républiques populaires au fond de l'Italie, déchi- rées par une discorde toujours renaissante, et qui se livrent avec la même ardeur à leurs tribuns et leurs tyrans. Qu'il reconnoisse ici un spectacle plus rare et plus digne de la nature humaine; un peuple vertueux, qui a défendu les droits les plus saints par les moyens les plus légitimes; qui a eu de la fermeté dans le péril et de la modération après la victoire. Chapitre II. Alliance de Lucerne — Guerre de Lauppen — Origine de Zurich — Révo- lution dans son Gouvernement — Rodolphe Brun, bourguemestre — Conjuration des Exilés — Guerre avec l'Autriche — Combat de Tatwyl — Alliance de Glaris — Alliance de Zug — Siège de Zurich par l'Empe- reur Charles IV.— Trêve — Alliance de Berne. La bataille de Morgarten humilioit l'orgueil Autrichien ; les forces de cette maison n'étoient cependant point épuisées, et les Suisses avoient tout à craindre d'un ressentiment irrité par la honte et par le malheur. Mais ces forces étoient divisées, et ce ressentiment se tournoit contre le * Les communes attroupées en Angleterre sous Richard II. y commirent de grands désor- Chronique de dres. L'iiumanité frémit au récit des cruautés de la Jacquerie à qui le désespoir mit les p. 139. P. II. armes à la main après la bataille de Poitiers. Mais les paysans qui désolèrent l'Allemagne Moshe'im's Ec- sous le nom d'Anabaptistes surpassèrent les horreurs des uns et des autres. Ils établissoient clesiastical Hist. , „ . ' Tol. n. p. 232, le r/ayaume du Seigneur. &c. Duc J26 INTRODUCTION A làlIS TOIRE CKNEllA L£ Duc de Bavière qui disputoit l'empire à Frédéric et ses frères. Après avoir vaincu cet «.niucmi, redress injuries and pacify tumults; and the foundation of Munich is a flouiishing proof of his discernment and munificence. But Henry kept his principal residence in Saxony : Brunswick was his capital : the statue of a lion commemorates his name and dominion ; he fortified the city with a ditch and wall ; and, according to the balance of attack and defence, such fortifications might afford a respectable protection. The silver mines of the Hartz, which have been improved by his successors, were already worked by his peasants, and in the scarcity of precious metals, this singular advantage rendered him one of the richest sove- reigns in Europe. Jealous or envious of his greatness, the ecclesiastic and secular princes conspired on all sides against the Saxon Duke : from Bremen and Cologne to Magdeburgh they successively fell before him ; and a sentence of the diet pronounced the injustice of their fallen arms (1166.) A king of Denmark was expelled by two competitors : he had acknowledged the supremacy' of the empire ; and the eloquence of prayers or of gold prevailed on Henry to vindicate his cause. The Duke passed the wall of the limits (1 156), pillaged the city of Sleswick, and advanced fourteen days march into the country : the approach of the Danes, the want of provisions, or the holy season of Lent compelled him to retreat ; but the vessels of his Slavic subjects transported Sweno to the isles, and the fugitive was reinstated in a third part of his king- dom. After the reunion of the Danish monarchy, Henry contracted a public and private alliance with Walderaar I. : these ambitious princes had several personal interviews ; and their confederate arms invaded by sea and land the Slavic idolaters of the Baltic coast. The alternative of death or baptism had formerly been proposed to the Saxon ancestors of Henry the Lion. He presented the same alternative to the idolatrous Slavi, and a superstitious age applauded the triumph of the Catholic hero. At the end of ten years (1160 — 1170) of an holy war, interrupted however by some truces, the powerful and obstinate tribe of the Obotrites, who occupied the present duchy of Mecklen- burgh, were reduced to accept the laws and religion of the conqueror. In the open field, in fair battle, they could not struggle with the arms and discipline of the Germans ; and such rude bulwarks as the natives could raise were soon overthrown by the engines that liad been used in the HOUSE OF BRUNSWICK. 211 the sieges of Italy. But they often prevailed in the surprise and strata- gems of excursive hostility ; and the traces of their footsteps were lost in the impervious woods and morasses which overspread the face of the coun- try. On the sea they were dexterous and daring pirates ; and unless the mouths of the rivers were carefully guarded they manned their light bri- gantines, and ravaged with impunity the isles of Denmark and theadjacent coasts. To the first summons, Niclot, king or great prince of the Obo- trites, returned an answer of ironical submission, that he would adore Henry, and that Henry, if he pleased, might adore his Christ ; a profane mockery, since the pagans themselves reconciled the worship of idols with the belief of a supreme deity. After the failure of a sally, the barbarian upbraided the efteminacyof his two sons : it was incumbent on him to up- braid them by his own success ; but he fell in the rash attempt ; his head, as a grateful present, was sent to the Danish king ; and a third son, who served in the Christian army, applauded with savage zeal the justice of his father's punishment. The two brothers, Pribislaus and Wertislaus, succeeded to the comnrand, and delayed the servitude of the nation. In the siege of their most important fortress, the elder hovered round the Saxon camp, while the younger assumed the more dangerous task of defending the place. After refusing an honourable capitulation, Wertislaus threw himself on the mercy of the conqueror, who sent the royal captive to Brunswick, ignominiously bound in fetters of iron. A treaty soon placed him in the more responsible situation of an hostage : the Obotrites, perhaps by his secret instigation, again rose in arms ; but Wertislaus himself was the victim of rebellion, and as soon as the Duke of Saxony entered the Slavic territory, he shewed the King hanging on a gibbet. This act of cruelty may perhaps be justified by the maxims of war or policy : but if the Duke appealed to the recent massacre of Mecklenburgh, the rebels perhaps might plead the retaliation of some prior injuries. The fortune of the younger brother was less dis- astrous; after a brave defence of his country and his gods, Pribislaus submitted, like Witikind, to the yoke of necessity, and embraced, with apparent sincerity, the religion and manners of the victorious Germans. Henry, who esteemed his valour, restored to the Christian vassal the greatest part of the dominions which he had wrested from the pagan adversary ; and the reigning family of the duke^ of Mecklenburgh is E E 2 lineally 212 ANTIQUITIES OF THE lineally descended froin Pribislaus, the last king of the Obotrites. The Slavic provinces beyond the Elbe were possessed by Henry the Lion, not as a portion of the Germanic empire, but as an absolute and inde- pendent conquest which he alone had been able to achieve. The Guelphic duke was styled the prince of princes, and legislator of na- tions, and the three new bishops of the Obotrites received from his hand their pastoral crosier, a prerogative which Rome had denied to the emperors themselves. I observe with a mixture of pain and pleasure the beneficial conse- quences of war and persecution. The improvement of agriculture and the arts alleviated in some degree the servitude of the Christian proselytes. The Saxon castles of Henry and his vassals were gradually incorporated into flourishing towns. By the institutions of churches and convents the first rays of knowledge were diffused ; and from Holland, Flanders, and Westphalia, the vacant desert was replenished with industrious colonies who have almost extinguished the manners and language of the Slavic race. The foundation of Lubeck is a memorable event in the history of commerce. Near the mouth of the river Trave, that falls into the Baltic, that convenient station had been discovered and used by some Christian merchants : but their infant settlement was repeatedly destroyed by fire, and the sword of the pagans ; and its progress was discouraged by the jealousy of Henry the Lion, till he had acquired (1157) from his vassal, the Count of Holstein, the absolute and immediate property of the soil. Under the shadow of his power, Lubeck arose on a broad and parmancnt basis : the establishment of a mint and a custom-house declared the riches and the hopes of the sovereign : the seat of a bishop was tranferred to the rising city ; and the grant of a munici- pal government secured the personal, and prepared the political liberty of the burghers. The proclamation of the Duke of Saxony to the Danes and Norwegians, the Swedes and Russians, discovers a liberal knowledge of the advantages of trade and the methods of encourage- ment. They are invited to frequent his harbour of Wisby, with the as- surance that the ways shall be open and secure by land and water ; that they shall be hospitably entertained and may freely depart ; that the imposition of duties shall be light and easy : that their persons and property shall be guarded fiom injuiy ; and that in case of death the effects HOUSE OF BRUNSWICK. 2 IS eftects of a stranger shall be carefully preserved for the benefit of his heirs. The charter of Henry to the merchants of the isle of Gothland is still extant ; the first outline of the maritime code of Wisby, as famous in the Baltic as the Rhodian laws had been formcily in the Mediterra- nean. This judicious policy was rewarded with a large and rapid increase : but the arts of cultivation have far less energy and effect than the spon- taneous vigour of nature and freedom. The commerce and navigation of his favourite colony increased with her growing iiîdependence, and before the end of the thirteenth century, Lubeck became the metropolis of the sixty-four cities of the Hanseatic league. That singular republic, so widely scattered, and so loosely connected, was in possession, above two hundred years, of the respect of kings, the naval dominion of the Baltic, the herring fishery, and the monopoly of a lucrative trade. No- vogorod in Russia, Bergen in Norway, London in England, and Bruges in Flanders were their four principal factories or staples. The large ships of their numerous and annual fleets exported all the productions of the North, and sailed homewards richly laden with the precious com- modities and manufactures of the southern climates. Lubeck, an impe- rial city, was soon enfranchised from the dominion of the House of Brunswick; but Henry the Lion was revered as a founder; and his great grandson, Duke Albert, obtained from Henry HL (1266) the first English charter of the Hanseatic towns. The baptism, or the blood, of so many thousand pagans might have expiated the sins of the Catholic hero : but his conscience was still imsatisfied, his salvation was still doubtful, and it was in the fairest season of victory and peace (1172) that he accomplished the fashionable devotion of a pilgrimage to the Holy Land. His first attendant Pri- bislaus, king of the Obotrites, exhibited to the world his own faith and the fame of the conqueror : the Bishop of Worms, the imperial ambassador, accompanied him as far as Constantinople ; several eminent persons of the clergy and nobility imitated his example ; their followers were numerous : a train of horses and waggons transported the baggage and provisions, and the camp was guarded by twelve hundred knights or soldiers exercised in the use of arms. After leaving Ratisbon, and the confines of Bavaria, the Guelphic prince was kindly entertained by Henry, duke of Austria, their former diflferences Avere buried in ob- livion, 214 ANTIQUITIES OF THE livion, and tlicy mingled their tears at the tomb of a mother and a wife. Hungary was the kingdom of a Christian ally; and the journey was continued by land and water from Vienna to Belgrade : the duke pre- ferred the more easy, though perilous, navigation of the Danube ; but his progress was measured by the march of the caravan which joined him every evening on the banks of the river. From Belgrade to Nissa he painfully advanced through the woods and morasses of Servia and Bulgaria, whose wild inhabitants, the nominal subjects of Christ and the Greek emperor, were more inclined to claim the privilege of rapine, than to exercise the laws of hospitality : they attacked his camp in the night ; their feeble arms were repelled by his vigilance, and his genuine piety disdained the temptation of revenge. In the journey between Nissa and Constantinople, the way-worn pilgrims enjoyed the comforts of a civilized and friendly province, and the Emperor Manuel, who had sent an embassy to Brunswick, received Henry as the equal of kings. The wealth and luxury of the Byzantine court were ostentatiously dis- played, and after the pleasures of the chace and banquet, the Saxon or his chaplains disputed with the Greeks on the procession of the Holy Ghost. The friendship of the two princes was confirmed by mutual gifts, ami the Russian furs were, perhaps, overbalanced by the horses and arms, the scarlet cloth and fine linen of Germany. A stout ship was provided for the duke and his peculiar retinue, and the voyage from Constantinople to St. John of Acre, on the coast of Palestine, was disturbed by a storm, and is embellished by a miracle. After a short journey by land he reached Jerusalem, arid was saluted in solemn procession Ijy the patriarch and the military orders. Henry the Lion visited the holy sepulchre and all the customary places of devotion in the <:ity and country : the churches were adorned with the silver of the Saxon mines ; and he presented the Templars with a thousand marks for the service of their perpetual crusade. Palestine applauded his liberal and magnanimous spirit, and had he not been prevented by secret jealousies, his valour might have been felt by the Turks and Saracens. In his return by a different way the Duke of Saxony was actuated by motives of convenience rather than of curiosity. He followed the sea coast of Syria to the northward : from the harbour of Seleucia or St. Simeon the vessels of the Prince of Antioch transplanted him over the MOUSE OF BRUNSWICK. 215 the gulf to the river of Tarsus in Cilicia; and by tliis short passage he escaped the territories of a faithless Emir. From Tarsus to Constanti- nople his march intersected in a diagonal line the extent of Asia Minor : the mountains were of laborious ascent ; the sandy plain was destitute of water and provisions; the more pojndous country was full of danger, suspicion, and Mahometan zeal : and Henry was the only pilgrim who, as a peaceful traveller, proceeded in safety through the Turkish do- minions. But the Sultan of Iconium, Kilidge Arslan II., of the race of Seljuk, watched over his safety, embraced him as a friend, praised his religion, and claimed on the mother's side a distant affinity with the House of Saxony. His presents, in the oriental style, were adapted to the accommodation and amusement of the noble stranger; a cajtan or flowing robe of silk embroidery, the choice for himself and his fol- lowers of eighteen hundred horses, of whom thirty most sumptuously caparisoned were selected for his peculiar use ; six tents of felt, and six camels to carry them ; two well-trained leopards with the proper horses and servants for that singular mode of hunting. Such gifts might be accepted without a blush ; some precious gems, more precious for the workmanship than the materials, might be honourably received from the Greek Emperor : but the duke rejected the gold and silver of the Byzantine court, declaring in a tone of lofty politeness that of such metals his own treasury was sufficiently provided. The avarice of Henry was confined to the acquisition of holy relics, and of these he imported an ample store from Palestine and Greece : but the reforma- tion has annihilated their ideal value; the bits of wood or bone have been thrown away ; and the empty cases alone are preserved for their curious and costly ornaments. The journey from Constantinople to Ratisbon and Brunswick is not marked by any accident or event. On his return home, after a year's absence (1 173), the Duke of Saxony found his name illustrious, his servants faithful, his enemies silent, his dominions in a peaceful and prosperous state : and to the merits of his pilgrimage he would reasonably impute this fair prospect of public and private felicity. Henry the Lion was twice married : but his first wife Clementia, of the ducal House of Zœringen, gave him only a daughter, who, after being long considered as an heiress, was reduced to comfort herself on. the 216 ANTIQUITIES OI' THE the throne of Denmark. His desire of male posterity, the wish of vanity and ambition, at length determined Henry to solicit a divorce ; some bar of remote and invisible consanguinity afforded the pretence : every defect of law or evidence was supplied by the all-sufficient oath xjf the emperor : the sentence was pronounced (1163) by the spiritual court of Constance : and, without any stain on her own honour or her daughter's legitimacy, Clementia found a second husband in the princely family of Savoy. The policy of Frederic Barbarossa had eagerly so- licited the separation ; he wished to connect himself and his friend with the most powerful and illustrious of our English kings ; and the imperial and:)assadors demanded Matilda, eldest daughter of Henry II., for the Duke of Saxony and Bavaria. The fame of Henry the Lion, of his birth and merit, his riches and dominion, obtained fiom the father an easy consent and an ample dower : the Princess Royal of England embarked for Germany with a splendid train : the marriage ceremony was performed (116S) at Minden in Westphalia; as the bride was no more than twelve years of age, the consummation was delayed, but she remained pregnant at the departure of her husband for the Holy Land. In his absence the duchess kept her court at Brunswick, and admi- nistered a nominal regency, under the guard and guidance of his most faithful servants : but her private virtues were her o\v.., the genuine lustre of meekness, purity, and benevolence was enhanced in the po- pular esteem by devout prayers and frequent masses ; and " she was beautified (says an historian with some elegance) by the comeliness of religion." After the return of Henry her riper age soon blessed him with a numerous progeny. Besides two, or perhaps three daughters, Matilda became the mother of four sons, Henry, Lothairc, Otho, and William, from the youngest of whom all the princes of Brunswick are lineally derived. By this alliance they number among their ancestors the Plantagenets, Counts of Anjou, the Dukes of Aquitain and Nor- mandy, the Kings of Scotland whose origin is lost in a Highland mist, and the Kings of England, the descendants of the Saxon conquerors, who drew their fabulous pedigree from the God Woden. The male posterity of Henry II. soon withered, almost to the root : the eldest son of the Princess Matilda was the presumptive heir of his uncle King- John ; and after the birth of Henry III. no more than a single life, the precarious HOUSE OP BRUNSWICK. 217 precarious life of a boy, stood between his title and the throne of England. According- to the probable order of events the children of Henry the Lion should have reigned over us five hundred years before the accession of the Hanover family. The fair anticipation of the name of Este-Brunswick may denote the venerable stem before its separation into the German and Italian branches. A generation of mankind, tlie common interval' between the birth of a father and that of his son, is fixed by Herodotus at the term of about thirty-three years, at the computation of three generations for one century. The experience of modern times has confirmed the reckoning of the Greek historian : and, though a royal marriage may be hastened for the important object of succession, yet the same rule has been verified in the families of sovereigns and subjects.* It is strictly just in the twenty-two generations and the seven hundred and sixty-six years {996 — 1762) which have elapsed from the birth of the Marquis Azo to that of the Prince of Wales ; and if the collateral lines of Bruns- wick and Modena afford no more than twenty-one, and twenty gene- rations, the difference might be explained by some peculiar circum- stances of their respective history. Twenty-two generations, seven or eight hundred years, occupy a small place even in the historical period of the world. But all greatness is relative ; and there are not many pedigrees, in Europe or Asia, which can establish, by clear and contemporary proofs, a similar antiquity. If the ancestors of the IMarquis Azo are lost, as they must be finally lost, in the darkness and disorder of the middle ages, it will be remem- bered that the use of hereditary names and armorial ensigns was un- known ; that the descent of power and property was frequently violated ; that few events were recorded, and that few records have been pre- served. Yet human pride may draw some comfort from the reflection that the authors of the race of Este-Brunswick can never be found in a private or plebeian rank : their first appearance is with the dignity of princes; and they start at once, perfect and in arms, like Pallas from the head of Jupiter. * See Herodotus, 1. ii. c. 142, and his justiticatiou by Freret, Histoire de l'Acadimie Jes Inscriptions, torn. xiv. p. 15 — 20. VOL. HI. F F [The 218 jiNTlQUITIES OF THE [Tlie reader will probably regret, with the editor, that Mr. Gibbon did not complete this interesting disquisition — so far, at least, as to make it reach the auspicious event of the settlement of the House of Hanover on the British Throne. That the reader may not be wholly disappointed, the editor has inserted, in this place, an E.\tract from Mr. Butler's Succinct History of the Geographical and Political Revolutions of the Empire of' Germany, which gives some account of the House of Brunswick, from the period at which Mr. Gibbon leaves it, till the period we have mentioned, after which it is familiar to every British reader.] " Henry the Black was the fountler of the German Principalities possessed by his family. He married Wolphidis, the sole heiress of Herman of Billung, the Duke of Saxony, and of his possessions on the Elbe. His son, Henry the Proud, married Gertrude, the heiress of the duchies of Saxony, Brunswick, and Hanover. Thus Henry the Proud, " 1st. As representing Azo, his great-grandfather, — inherited some part of the Italian possessions of the younger branch of the Estesine family : they chiefly lay on the southern side of the fall of the Po into the Adriatic : " 2d. As representing Count Boniface, the father of the Princess !Mechtildis — he inherited the Italian possessions of the elder branch of the Estesine family ; they chiefly lay in Tuscany ; some part of the possessions of the Princess Mechtildis also de- volved to him : " 3d. As representing Cunegunda, his grandmother — he inherited the possessions of the Guelphs at Altorf : " 4th. As representing his mother, the sole heiress of Herman of Billung — he inherited the possessions of the Saxon family on the Elbe : " 5th. And through his wife — he transmitted the duchies of Saxony, Brunswick, and Hanover. " All these possessions descended to Henry, the Lion, the son of Henry the Proud. He added to them Bavaria, on the cession of Henry Jossemargott, and Lunenburgh and Mecklenburgh by conquest. Thus he became possessed of an extensive territory, — he himself used to de- scribe it in four German verses which have been thus translated : " Henry HOUSE OF BRUNSWICK. 210 " Iferiri/ the Lion is iny name : Tlirough all the earth I spread my fame, For, from the Elbe, unto the Rhine, From Jlartz, unto the sea, — All's mine. " In other words, his possessions filled a considerable portion of the territory between the Rhine, the Baltic, the Elbe, and the Tybcr. " Unfortunately for him, in the quarrels between the Pope and the Emperor Barbarossa, he sided with the former. The emperor confis. Gated his possessions, but returned him his allodial estates in Brunswick, Hanover, and Lunenburgh j he died in 1 195. By his first wife he had no issue male : his second wife was Maud, the daughter of Henry the Second, king of England. By her he had seveial sons, all of whom died except Williatn, called of Winchester from his being born in that city. William of Winchester had issue Otho, called Puer, or the boy. " At the decease of Otho Puer, the partition of this illustrious house commences. The subject of these sheets leads only to the Lunenburgh branches of the Guelphic shoot of the Estesine line. " On the death of Otho the boy, Brunswick and Lunenburgh, the only remains of the splendid possessions of his grandfather, William the Proud, were divided between his two sons, John and Albert : Lunen- burgh was assigned to the former, Brunswick to the latter. Thus the foHTier became the patriarch of, what is called, the Old House of Lunen- burgh. Otho his son received Hanover as a fief from William Sigefred, the Bishop of Hildesheim. Otho had four sons ; Otho his first son suc- ceeded him, and dying without issue was succeeded by his brother William with the large feet. He died in 1369, without issue male : the two other sons of Otho the father also died without male issue. " Thus there was a general failure of issue male of John, the patriarch of the old house of Lunenburgh. By the influence of the Emperor Charles the Fourth, Otho, elector of Saxony, who had married Eliza- beth, the daughter of William, succeeded to the duchy. He died without issue, and left it, by his will, to his uncle Winceslaus, elector of Saxony. It was contested with him by Torquatus Magnus, duke of Saxony ; the contest ended in a compromise ; under which Bernard, the eldest son of Torquatus Magnus, obtained it, and became the patriarch of the Middle House of Lunenburgh ; he died in 1434. After several F F 2 descents. 220 ANTIQUITIES OF THE HOUSE OF BRUNSWICK. descents, it vested in Ernest of Zell, who introduced the Lutheran re- ligion into his states. " After his decease, his sons Henry and Wilham for some time reigned conjointly ; btit William persuaded his brother to content himself with the country of Damieburgh ; while he himself reigned over all the rest, and thus became the patriarch of the 7iew House of Brunswick-Lunenburgh. " He left seven sons ; they agreed to cast lots which should marry, and to reign according to their seniority. The lot fell to George, the sixth of the sons. Frederick was the survivor of them. " On his decease, the duchy descended to Ernest Augustus, the son of George, with whom the Electoral House of Lwtenburgh commences. His reign is remarkable for two circumstances : his advancement to the electoral dignity, and his wife SopJiids being assigned, by an act of the British parliament, to be the royal stem of the Protestant succession to the throne of Great Britain and Ireland. " On the demise of Queen Ann, George his son, in virtue of this act of parliament, succeeded to the British monarchy. " The house of Brunswick-Lunenburgh is now divided into branches, the German and the English. The former, under the title of Brunswick- Lunenburgh and Wolfenbuttel, possesses the duchies of Brunswick and Wolfenbuttel, and the countries of Blackenburgh and Reinskin, and reckons 160,000 subjects. The English, under the title of Brunswick- Lunenburgh and Hanover, possesses, with the electoral dignity, the electorate of Hanover, the duchies of Lunenburgh, Zell, Calemberg, Grubenhagen, Deepholt, Bentheim, Lawenburgh, Bremen, and Verdun, and counts 740,000 subjects." DIGRES- ^ «5 )-^ o H O O i s o o a O 3 - S .a 3 g S ft 3 ft ,^ ^- -ST --j- rS rt -H tH g '^ + + + +i 3 s o 3 K W B, S & + + O ■ s a 'u m 3^ d's • tTtSJ .n ?<« o 5 = + -Sfi O o. H-J c« S5 in in Vl ■n « + R u I ^ + *-2 w I îî; I M > S 1:0 •X oj + ti S N *c ta 'ê 43 ii( IL fc i^ ^ n ^O . < «o to T-l ^ + o H rS -Q O + H I w o -PS o w C3 1 + w + p^ ? 6 g + [î'o/ocî p. MO, mt. iii. iu. GENEALOGY OF THE GUELPHS, FROM THE MARRIAGE OP AZO WITH CUNEGUNDA. First Wife. ÇUNEGUHDA= Counl BOKIFACE. =AZO=: + 1081. f 1101. Second Wife. =Gersenda. -from whom the Dukes of Modena descended. Mecthildis: -f H15. =:G«iLrH II. + 1119. Henry the Black?=WoLFiiii.Dis,— Heiress of Hcrmaa of Billung, and + 1125. I his possessions of Lunenburgh, &c. on the Elbe. Henby the Proud :=GERTRrDE, — Heiress of Saxony, I -|- 1138. Brunswick, and Hanover. Henhv the Iâoo:=MATiLDA, Daughter of Henrj II, -^- 1195. King of England. Loses, by proscription, all his possessions, except his allodial territories of Lunenburgh, Brunswick, and Hanover. Otuo, Emperor of Germany i defeated at the battle of Bouviiies. He Hied ill 1318, leaving four sons, all of M-boin died without issue. Ieniiv, Count Palatine in right of his Wife Agnes, daughter of Conrade, Count Palatiue. ■~l r Lnng Snord, + 1Ï13, Otho the Boy, + 1252. I Created Duke of Brunswick and Lunenburgh by the I Emperor Frederick, 1235- John, ThePatTiarckofthc Old Houîc of Lunenburgh, + 1277, Albert the Great, + J279. Tiie Patriarch ofthe Old House of Bninsmcli. Otho, ( + 1330. Henry the Wonderful, of Grubcnhagen. -|- 1322. John. Lewis All died without leaving issue Albert the Fat; of Gotteugen, + 1313. Magnus I. + 1S6S. Magnus II. Torquatua. Became Heir of the Old Houte »f LunenhiTgh ; + 1373. 1 Empero James L King of England and Scotland. Bernard, + 1400; — The second »on of Torquatus, and PatrUtrch of the Middle House of Lunenburgh, \ Frederick, . . . + 1178. Otho, + 1471. Henry the younger + 1532. Ernest of Zell, . . + 1546. embraced the Lmheran religion, i 3. Henry; — The youngest son of Torquatus, and Patriarch of the Middle House of Brumwick. CtlABLFsI. + 1649. Elizabeti -f 1661, 1. Henry, -f 1598. Fuederick V. Elector Palatine. King of Bo- hemia, + Î632. 2. William, — The Patriarch ofthe Nev Hcnae of Bru7iswck, Lunenburgh, + 1592. j and Hanover. George, . . + 1641. =4. ERNEST-AucrsTUSj + 1698. 1. CnHISTIAN-LEWl! -f 1665, S. P. 2. George-Willia: DukeofZclIc, + 1705. . John-Frederick, Duke of Hanover, died without Mule Issue, 1680. GEORGE I.— First Elector of Hanover, + 1727.= =Sophia-Dorothy, only child, j Heiress of Zelle, GhoroeIL + 1760. FREoERicit-LEwie, Prince of Wales, + 1750. GEORGE lU. ( 221 ) DIGRESSION ON THE CHARACTER OF BRUTUS. The memory of Caesar, celebrated as it is, has not been transmitted down to posterity with such uniform and increasing applause as that of his PATRIOT ASSASSIN. Mai'c Antony acknowledged the rectitude of his intentions. Auarustus refused to violate his statues.* All the o-reat" writers of the succeeding age enlarged on his praises,)" and more than two hundred years after the establishment of the imperial government, the character of Brutus was studied as the perfect idea of Roman virtue. J In England as in France, in modern Italy as in ancient Rome, his name has always been mentioned with respect by the adherents of monarchy,^ and pronounced with enthusiasm by the friends of freedom. It may seem rash and invidious to appeal from the sentence of ages; yet surely I may be permitted to inquire in what consisted the divine virtue OF BRUTUS? The few patriots who, by a bold and well-concerted enterprize, have delivered their country from foreign or domestic slavery, Timoleon and the elder Brutus, Andrew Doria and Gustavus Vasa, the three peasants of Switzerland,!! and the four princes of Orange, excite the warmest sensations of esteem and gratitude in those breasts which feel for the interests of mankind. But the design of the younger Brutus was vast and perhaps impracticable, the execution feeble and unfortunate. Neither * Plutarch, in Antonio, p. 925, inBrut.'p. 1011. Among these were the statues, which the Athenians had erected to Brutus and Cassius, by the side of their own deliverers, Harmodius and Aristogiton. t Under the jealous tyranny ofTiberius, Cremutius Cordus was arraigned before the senate for the encomiums which he bestowed in his history on Brutus and Cassius. He justified himself by the toleration of Augustus and the example of Asinius Pollio, Messala and Livy : nor was it within the tyrant's power to suppress his writings, or the general sense of mankind. Tacit. Annal, iv. 34, 35. X M. Antonin. de Rebus suis, 1. i. ) Velleius Paterculus, an elegant writer, but servilely devoted to the imperial family, and most probably one of the judges who condemned Cremutius, can only say of Brutus, Corrupto animo ejus in diem quae illi omnes mrtutes unius facti tcmeritate abstulit. ii. 72. II Who in the year 1308 delivered their country from the Austrian yoke. See Simlerus de Republica Helvetica ; Guillimannus de Rebus Helveticis, and the great Chronicle of Tschudi. as 222 DIGRESSION ON THE as a statesman nor as a general did Brutus ever approve himself equal to the arduous task he had so rashly undertaken, of" restoring the common- wealth ; instead of restoring it, the death of a mild and generous usurper produced only a scries of civil wars, and the reign of three tyrants whose union and whose discord were alike fatal to the Roman people. The sagacious Tully often laments that he could he pleased with no- thing in the ides of March, except tlie ides themselves; that the deed was executed with a manly courage, but supported by childish counsels; that tlic tyranny survived the tyrant; as the conspirators, satisfied with fame and revenge, had neglected every measure that might have restored public liberty.* Whilst Brutus and Cassius contemplated their own he- roism with the most happy complacency. Marc Antony, who had pre- served his life, and the first magistracy of the state, by their injudicious clemency, seized the papers and treasure of the Dictator, inflamed the people and the veterans, and drove them out of Rome and Italy, without any other opposition than some grave remonstrances which the patriots vainly addressed to the Consul. f The eloquence of Cicero, and the dangerous aid of young Ca'sar, awakened in the senate a spirit of freedom and resistance. Brutus and Cassius had time to seize on Macedonia and Syria, whilst the forces of Antony were diverted and almost destroyed in the memorable siege of Modena. The legions stationed in those provinces acknowledged them as lawful proconsuls, the wealth of the east fell into their hands, and they had collected an army of one hundred thousand men,J before the triumvirs had cemented their union with the noblest blood of Rome, and were prepared to lead their veteran legions against the last defenders of the public libert}-. Cassius was of opinion, tliat they should protract their military operations into the approaching winter; but though Cassius was the older and the better soldier,§ had been the first author of the conspiracy, and was the principal support of the war, he yielded, with a * See the XlVth, XVth, and XVIth Books of the Epistles to Atticus. + See Epistol. ad Famil. xi. 2, 3. The spirit of these letters is finely tempered by the po- liteness with which Brutus and Cassius address the Consul. They respect the magistrate whilst they defy the tyrant. J Appian. 1. iv. p. 640. § Fuit autem dux Cassius raelior quaHto vir Brutus. Velleius Paterculus, ii. 72'. sigh, CHAUACTEll OF BRUTUS. 223 sigh, to the authority of Brutus, whose mind, oppressed with hd)oriou.s anxiety, wished impatiently for an immecHate division.* The deeision was unfavourable; and both the chiefs, relinquishing all their remaining hopes, and withdrawing themselves from the calamities which they had brought on their country, put an end to their lives by a hasty act of de- spair. " Brutus and Cassius (says the President Montesquieu) killed themselves with a precipitancy that cannot be excused ; and it is im- possible to read this part of their history without pitying the rejjublic, which was thus abandoned. The deatli of Cato was the catastrophe of the tragedy; but these men, in some measure, opened the tragedy by their own deaths."! The justice of the memorable ides of March has been a subject of controversy above eighteen hundred years; and will so remain, as long as the interests of the conununity shall be considered by ditierent tem- pers in different lights. Men of high and active spirits, who deem the loss of liberty, or sometimes, in other words, the loss of power, the worst of misfortunes, will approve the use of every stratagem and every wea- pon in the chace of the common foe of society. They will ask how a tyrant, who has raised himself above the laws, and usurped the forces of the state, can be punished, except by an assassination ; and whether the circumstance that most aggravates his crime, ought to secure his person and government. On the other hand, the lovers of order and modera- tion, who are swayed by the calm of reason, rather than by the impetuo- sity of passion, will never consent to establish every private citizen the judge and avenger of the public injury, or to purchase a temporary de- liverance by the severe retaliation that will surely be exercised on those, who have first violated the laws of war. The fate of Ctesar was alleged to colour the edict of proscription; J and perhaps the generous ambition of the younger Guise would have been startled at the massacre of Pa- ris, had it not satisfied his great revenge against the Admiral de Coligny, and other leaders of a party, whom not without reason he accused of his father's murder.§ We may observe that the assassination of tyrants * This anecdote was preserved by Messala, who in the court of Augustus was always proud of remembering Cassius as his general. Plutarch, in Brut. Tacit. Annal, iv. 34. t Coitsidérations sur la Grandeur des Romains, chap. xii. I Appian. iv. p. 598. ^ See the 34th Book of the History of Thuanus. has 224 DIGRESSION ON THE has been generally apjilaudcd by the ancients. The fate of a great em- pire is usually decided by the sword of war; but against the petty usurper of a Greek or Italian city, the dagger of conspiracy had been often found as efficacious an instrument. The same doctrine is as generally condemned by the picsent nations of Europe ; influenced by a milder system of manners, and impressed with a deep sense of the bloody mis- chiefs perpetrated both by the Catholics and the Calvinists during the alliance of religious and political fanaticism. Whilst the merit of Brutus's godlike stkoke (for such it has been called*) is at least doubtful, we can only allow in his favour, that by acting up to the established standard of Roman virtue he is entitled to our indulgence, and in some measure to our esteem. But in these nice cases, where the esteem is bestowed on the intention, rather than on the ACTION, we ought to be well assured that the intention was pure from any interested or passionate motive; that it was not the hasty suggestion of resentment or vanity, but the calm result of consistent and well grounded virtue, impatient of slavery, and tender of the rights of mankind. The praises of antiquity, and the noble spirit that breathes in the epistles of Brutus,! may indeed prepossess us in favour of his moral character ; but it is the uniform tenor of his life, private as well as public, which must in a great degree acquit or con- demn the conspirator. Plutarch singles out of the whole life of Brutus, one exceptionable action; his promising the plunder of Lacedœmon and Thessalonica to his troops. § But had Plutarch been better acquainted with the epistles of Atticus, he would have seen in that faithful mirror of the times, some instances of avarice and inhumanity, which the philosophic Brutus could not have excused by the sad necessity of civil war. * Tho' Cato liv'd, tlio' Tully spoke, . Tho' Brutus dealt the godlike stroke; Yet perish'd fated Rome, t He declares (Epist. l6, or 22, in Middleton's edition) that were his father alive again he would not suffer him to possess a power above the laws and the senate. " Pity it is that this whole correspondence, and particularly this celebrated epistle, should be liable to the suspicion of a forgery committed in those ages when Latin had ceased to be a living language. See Tunstal ani Markland on one side of the question, and Dr. Middleton on the other. § Plutarch, in Crut. When CHARACTER OF BRUTUS. 225 When Cicero was appointed Proconsul of Cilicia, his first object was to relieve the cities of his government, almost ruined by the heavy debts which they had been obliged to contract in order to satisfy the rapa- ciousness of his predecessors. The case of Salamis, in Cyprus, deserved peculiar compassion. One Scaptius, a Roman money broker, strongly re- commended by Brutus, claimed very large sums as due to him from that city. The deputies of Salamis acknowledged the debt, and made a tender of the money with legal interest, as it was fixed by Cicero's edict, at twelve per cent, and compound interest at the end of every year. But Scaptius de- manded forty-eight per cent, according to the condition of his usurious bond; and to enforce his demand by military execution, he had obtained from the former proconsul a troop of horse, with which he kept the se- nate house of Salamis closely besieged, till five of the most obstinate se- nators were actually starved to death. This proconsul was Appius Clau- dius, the father-in-law of Brutus; and when the province of Cilicia de- volved upon Cicero, the same Brutus recommended, with more than com- mon earnestness, the affairs of Scaptius to the favour of the ucw governoi'. Cicero was at first surprised at finding so intimate a connexion between a man of merit and an infamous usurer, but he was still more astonished, when the shameful secret was disclosed. The wretched agent disap- peared, and the virtuous Brutus, without a blush, avowed himself the creditor of the Salamians. As soon as he threw off the mask, instead of commiserating the ruin of a city under his immediate patronage, he insisted on the utmost rigour of his iniquitous demands, and requested of Cicero, in the most haughty terms, that he would send the same Scaptius into Cyprus at the head of a second troop of horse to exact the extravagant amount of the accumulated principal and interest. On this occasion the virtue of Cicero was supported by a noble firmness. " I should be desirous (he repeats it in several places) to oblige Brutus, but I cannot sacrifice to his interest, the feelings of humanity, the prin- ciples of justice, the uniformity of my character, and the approbation of all good men. I shall be concerned to lose his friendship, but I shall be still more concerned to lose the esteem I have ever entertained for him."* Tlic * " Brutus," says Cicero, " has not sent me one letter, in wliicli there was not something VOL. Til. c <; singular 226 DIGRESSION OV THK The nuineious crimes of Verres, exaggerated as they most probably have been, by the strongest powers of eloquence, scarcely furnish such an instance of unrelenting avarice as this transaction of Brutus, which is related by Cicero with tiie candid simplicity of a private correspon- dence. The money due from the city of Salamis amounted to about twenty thousand pounds ; a small part of the immense sums which Brutus appears to have lent out on similar securities.* We cannot for- bear inquiring, by what arts a private citizen, the son of a proscribed father, and who had never commanded armies, or governed ])rovinces, could accumulate so ample a fortune; the inquiry would lead to some suspicions severe but not unreasonable. In the beginning of the ci\il war we find young Brutus in the camp of Pompey, by whose order his father had been put to death about thirty years before.^ This sacrifice of fdial piety to a superior and public duty has been highly applauded. But was it in Brutus's power either to remain inactive, or to enlist in the army of Caesar? Was it in his power to refuse to follow the general of the republic, his uncle Cato, the consuls, ten consulars, the greatest part of the senate, and the flower of the ecpiestrian order?;}; The defeat of Pharsalia and the death of Pompey removed the general constraint, and displayed the genuine views and characters of the principal men of his party. There were son* very respectable senators, men of an advanced age, moderate tempers, and cool penetration, who had never entertained a favourable opinion of the hopes, or even of the designs of their own party. Cicero, Marcellus, Sulpicius, Varro had been driven by a sense of honour into scenes of war and tumult, as little suited to their talents singular and arrogant. His style gives me little uneasiness; but indeed he forgets what, and to whom he is writing." For this whole transaction see the Epistles to Alticus, 1. v. 21. vi. 1, 2, 3. * Brutus, by Cicero's interest, had received from Ariobarzanes, king of Cappadocia, a hundred talents upon account of a much larger sum that was due to him. The concerns of Brutus in Asia, which he recommended to the care of the proconsul, filled a whole volume of requests, or rather mandates, as they arc called by Cicero. t Plutarch, in Brut. The father was one of the lieutenants of the weak and wicked Lepidus, who raised a rebellion in Italy after the death of Sylla. % Decern fiiimus consiilans, &c. — Qui \evo prœturii? quorum princeps M. Cato, &C. — ut magna excusatione opus ils sit, qui in ilia castra non venerunt. Philipp. xiii. 13, 14. ■ as CHARACTEll OF BRUTUS. ~ 32? as to their inclination. They resolved to consider the decision of Phar- salia as tinal, and not to aggravate, by a vain resistance, tlie miseries of their countiy. M'hen Cicero returned to Rome, he avoided the forum and the senate, and devoted his leisure and abilities to the noble design of explaining the Grecian philosoph}' in the Latin lan- guage. Yet his retirement was sometimes invaded by his own re- proaches, and by those of the world ; by the comparison of his tame acquiescence, with the glorious struggle of Cato, Scipio, Labienus, and their followers who had anew erected the standard of liberty in Africa.* These patriots, of more active spirits and more sanguine hopes, thouglit it even yet a crime to despair of the republic. Fifteen months wasted by Cœsar in the arms of Cleopatra, the romantic campaign of Alexandria and the rapid conquest of Pontus, gave them time to assemble a new army of twelve legions, disciplined by misfortune, and deriving fresh courage from despair. Fertile Africa afforded every supply for carrying on the war. The alliance of Juba tilled the Roman camp with an innu- merable host of IMoors and Numidians. Spain was in arms, and Italy expected her deliverers with a mixture of terror and impatience."]" Ciesar again fought and triumphed ; but the unconquered soul of Cato easily escaped from life and from the usurper. Such was the constancy of that patriot, and such the lessons which he had ever inculcated to his nephew Brutus ; let us next examine what fruits they produced. After the battle of Pharsalia, Brutus lay concealed in the marshes of Thessaly. He made the first advances to the conqueroi', experienced his clemency, and was immediately admitted into his confidence. The latter was obtained by revealing, I will not call it betraying, whatever he had been able to learn of Pompey's designs. J He then left Ctesar * See the Epistles to Atticus, xi. 7; where he unbosoms himself to his friend with a very wonderful, or rather a very natural mixture of spirit and meanness, of patriotism and selfishness. t Hist, de Bello African. IS, 40. Sueton. in Caesar. 66. Dio. Cassias, 1. xlii. p. 338, Cicero ad Attic. 1. xi. p. 7- J Plutarch, in Brut. Some casuists, Spaniards and others, have attempted to justify this conduct. (See Bayle, Dictionnaire, à l'Article Brutus.) The feelings of a man of honour are ihe best confutation of such sophistry. G G 2 to 228 DIGRESSION Off THE to follow the pursuit he had pointed out, and entertained himself with an asrreeable tour tlnouoh the cities of (jrcece and Asia. In a few months he returned to Rome, resigned himself to the calm studies of history and rhetoric, and passed many of his leisure hours in the society of Cicero and Atticus. Their literary conversations were sometimes interrupted by complaints of the melancholy situation of public affairs.* At a time when Cicero was in retirement, Marcellus in voluntary €xile,t and Cato in arms, we might at least expect that the nephew of Cato would have declined any political connexion with the usurper. When Cicsar set out for the African war, Brutus accepted at his hands the government of the Cisalpine Gaul ;'l a command of infinite im- portance from its vicinity to the capital, and from the legions always stationed in that province to protect the frontiers of Italy from the un- conquered Rhaetians. The same legions gave the governor of the Cis- alpine Gaul an almost decisive weight in every civil commotion, as a march of a few days brought him to the gates of Roine.§ Experience had already acquainted Ceesar with this advantage, and by thus ap- pointing Brutus his Lieutenant during his absence, he shewed the most implicit confidence in his fidelity. Suppose that Rome had attempted to break her chains ; suppose the sons of Pompey from Spain, or Cato from Africa, had made a diversion in Italy, what could have been the conduct of the patriot Brutus? His station must have forced him into action, and by his action he must have betrayed either his trust or his country. Into this fatal dilemma had he wantonly thrown himself. When Cœsar, on his return from the conquest of Africa, visited a part of Gaul, his obsequious governor went out to meet him with the respectful attention of an experienced courtier, and attended him on his way to the triumph, in which a picture of Cato tearing out his own * See Cicero's Two Treatises De Claris Oratoribus and De Orator, both which he tledicated to Brutus about this time. The latter gave rise to a celebrated controversy between them. t He retired to Mytilene and refused to accept the victor's clemency. His letters (see ad Familiar. 1. iv.) are full of noble sentiments, and his behaviour does not appear to have disgraced them. J Plutarch, in Brut. Appian. de B. C. 1. ii. p. 477. Cicer. ad Famil. 1. xiii. p. 10, &c. § Montesquieu has already remarked the importance of that province. Considérations sur la Grandeur, &c. c. xi. bowels CHARACTER OF BRUTUS. 229 Iwwels was exposed to the eyes of the Roman people* I wish not however to conceal that about the same time, Brutus gave some proofs of regard for his uncle's memory, by marrying his cousin Portia,! and by composing a Treatise on the life and character of Cato ; an ho- nourable, rather than a dangerous undertaking; since even the prudence of Cicero permitted him to publish a work on the same subject. The dictator disdained to employ the arms of power, when those of eloquence were sufficient. He aj^pealed to the tribunal of the public, and in a severe and masterly censure of the conduct of Cato, he treated the persons of his two literary antagonists, Cicero and Brutus, with every expression of regard and esteem. :j; This polite controversy was so far from leaving any unfavourable impressions in Ctesar's mind, that a few months afterwards he named Brutus, the first of the sixteen praetors with the honourable department of the city jurisdiction, and with a promise of the consulship for one of the ensuing years.§ Could Brutus accept, could he solicit the honours of the state from a master who had abolished the freedom, and who scarcely preserved the forms of elections ? Tinget solennia campi, Et non admissïe diribet|| siiffragia plebis, Decantatqiie tribus, et vanâ versât in urnâ ; Nee cœliun servaie licet ; tonat augure surdo ; Et laetae jurantur aves, bubone sinistro.^ I have heard much of the heroic spirit of Brutus; of his glorious sacrifice of gratitude to patriotism. True patriotism would have in- structed him not to cancel, but to refuse obligations of such a nature from the declared enemy of Cato and the liberty of Rome. Nay more, by soliciting these honours, Brutus solicited a public oc- * Plutarch, in Brut. Appian, 1. ii. p. 491. f Plutarch. Cicer. ad Attic. ,\iii, 9. t Cicer. ad Attic, xii. 21. xiii. 46". Cxsar paid a compliment to these two pieces in favour of Cato ; but his compliment is obscure and equivocal. He probably meant it should be so. § Plutarch, in Biut. Velleius Paterculus, ii. 56, II The common editions read dirimit, which puzzles all the commentators. Diribere was a term peculiar to ilie coniitia and signifies to poll the votes in the regular divkions. % Lucan. Pharsal. v. 391. casion 230 Dicnr.ssioN on the casion of engaging his fidelity to the person and government of Cœsar, by a solemn and voluntary oath of allegiance.* " A few days before the execution of their fatal purpose, these patriots all swore fealty to C;vsar, and protesting to hold his person ever sacred, they touched the altar with those hands w Inch tiiey had already armed for his destruc- tion. "f Antiquity has not preserved the oath, but we niay suppose that it was not very dift'erent from the warm liut faithless professions of Cicero. " We exhort, we beseech you to guard your safety against the secret dangers, which you seem to suspect. We all promise (that I may express for (Hhers what 1 feel lor myself) not only to watch over your precious life with the most anxious vigilance, but to oppose our own bodies, our own breasts to the impending stroke.":}; Relying on these assurances the dictator dismissed his Spanish guards,^ and neglected every precaution. He could not persuade himself that those whom he had conquered would be brave enough, or those whom he had ]>ardoned base enough, to shorten a life already sufficient either for nature or for gIory.|| By those men he was tlattered and assassinated. Such solemn perjury cannot be justified except by the dangerous maxim, that no faith is to be kept with tyrants.^ It was only for usurping the power of the people that Csesar could deserve the epithet of tyrant. He used the power with more moderation and ability than the people was capable of exerting ; and the Romans already began to experience all the happiness and glory compatible with a monarchical form of government.** To this government Brutus had yielded his obedience and services during three years before he lifted his dagger against Caesar's life. What new crime had Caesar com- * Appian. 1. ii. p. 494. f Hume's Dialogue on the Principles of Morals. t Cicer. pro Marcello, c. 10. § Suelon. lu Caesar, c. 86. II Cicero pro Marcel, c. 8. f Appian. 1. ii. p. 515. This maxim is introduced in a speech of Brutus to the people ; but the speech is evidently manufactured by the historian. ** See some of Cœsar's sast and beneficial designs in SueÉonius, c. 44. The reformation of the Calendar still remains a small specimen of them. mitted, CHARACTER OF BRUTUS. 231 mitted, which so suddenly* transformed his minister into an assassin? He aspired to the tide of king, and that odious name called upon the descendant of Junius Brutus to assert the glories of his race ! Such a regard to a word, and such insensibility to the thing itself, may be excused in the populace of Rome; but to a philosopher of an enlarged mind it was surely of little moment under what appellati(m jjublic Ubeity M^as oppressed. Such are the reflections, which an accurate examination of tlie cha- racter of Brutus has suggested to an enemy of tyranny, under e\cry shape: Avho will neither be awed by the frown of powei-, nor silenced by the hoarse voice of popular applause. The monarch and the patriot arc alike amenable to the severe but candid incjuisition of truth. * Brutus took the oath of allegiance about seventy-five days before the execution of the conspiracy. ANTIQUITIES NOMINA, GENTESQUE ANTIQUiE ITALI.52. VOL. III. H H ( 235 ) INTRODUCTION. Trom the several passages in the Extracts from Mr. Gibbon's Journal of his Studies, it appears that previously to his Tour through Italy, he had endeavoured to make himself a complete master of its geographical and classical antiquities : and, with that view, had attentively perused the Italia Antiqua et Sicilia An tiqua of Cluverius. The following pages seem to contain regular minutes, made by him in this course of his reading. He begins with observations on the ancient appellations and inhabi- tants of Italy ; its divisions, air, and soil; and on the Apennines. Then, crossing the Po, into the Cisalpine Gaul, he proceeds to Liguria, its western division, and thence descends through Etruria, Rome, Latium, Campania, and Lucania, to Bruttium, the southernmost point of the part of Italy which borders on the Tuscan Sea. Then crossing into Calabria, the southernmost point on the opposite shore, he ascends through Apulia, Samnium, Picenum, Umbria, jEmilia, and Flaminia, to Istria and Ve- netia, the eastern division of the Cisalpine Gaul. That completes the literary tour : and he closes it with some general observations on the number and construction of the public roads an Italy. H H 21 NOMINA, ( 237 ) NOMINA, GENTESQUE ANTIQUE ITAUM. Sect. I. NOMINA. On sait que l'Italie s'appelloit aussi Oenotria, Saturnia, Ausonia, Hes- peria, &c. et que le nom d'une tribu particulière devenoit souvent géné- rique par les conquêtes ou le commerce. Les grammairiens anciens et les critiques modernes ont vainement tenté de percer les ténèbres de ces origines, et de trouver dans le Latin, le Grec, le Phénicien, ou le Celtique, des etymologies raisonnables pour des mots que le caprice et le hasard ont peut-être dictés à des peuples qui parloient des langues dont nous connoissons à peine les noms, l'Etrusque, l'Osque, et la Sabine. L'Hespérie seule exprime une idée connue et avérée. Les navigateurs Grecs donnoient toujours ce nom au pays le plus occidental qu'ils connoissoient ; d'abord à l'Italie, ensuite à l'Espagne, et enfui aux îles Canaries, et peut-être à l'Amérique. GENTES. J'exposerai le système du savant Freret sur la population de l'Italie. v.Hist. . l'un de l'autre, mais je doute qu'il faille prendre ses expressions à la rigueur. Nous savons que les Cimbres, ayant débouché dans la Loni- bardie par les gorges du Trentin, ont passé l'Adige, mais il ne paroît point qu'ils ayent traversé le Po. Un bourg nommé Rubio, situé entre Lomello, Novarra, et Vercelles, conviendroit assez par son nom et son emplacement aux Campi Raudii. Les Cimbres à la vérité n'auront point suivi le chemin de la capitale; mais Hannibal l'a-t-il fait? Ces barbares auront voulu subjuguer les Gaulois ; ils cherchoient à les faire soulever. Les bords du Po étoient gardés avec assez de soin pour les obliger à re- monter le fleuve pour y chercher un gué. Les délices de ce pays les araollissoient et les captivoient. Ce Rubio n'est pas trop éloigné de Pol- ■lentia pour contenir l'imagination d'un poëte qui débute par une proxi- mité réelle, et qui passe sans s'en appercevoir, à des circonstances qui supposent faussement une identité de lieux. Je pense que c'est là, la clef du passage de Claudien ; ne le seroit-elle pas aussi des Philippi de Virgile? Laus Pompeii. Cette ville, qui peut avoir reçu son nom de Cn. idem, i. i.e. s*. Pompéius Strabon, s'appelloit souvent Laus tout court ; c'est de son datif ''' " "' Laudi qu'on a formé le Lodi d'aujourd'hui. Dans le moyen age, on con" fondit tous les cas de la langue Latine, et rien n'étoit si commun sur-tout que de servir du datif au lieu du nominatif Eporedia. Elle étoit colonie Romaine, fondée sous le sixième con- VeiieiusPat.i.i. _ c. 15. Cluvier, suiat de Marius A. U. C. 653. Velleius se montre ici aussi mauvais iiai. Am. i. i. «. 13. p. 96. ■ chronologiste que géographe peu exact. 1 . Eporedia étoit dans le pays «les Salassi et non point dans celui des Vagienni. 2. Il n'y avoit que K K a dix- 252 NOMINA, GENTESQUE (lix-huit ans entre les consulats de Marcius et de Marins. Cluvier a relevé ces bévues. J'y ajoute une troisième, qui renverse la correction de ce savant. Velleius compte 153 ans depuis le consulat de Marcius à celui de Vinicius. Il n'y en avoit.que 147. Ausoniusde MeDIOLANUM. clans Urnibus. 11 comptoit Mi- Et Mediolarii mira omnia ; copia rerum ; Jan pour la six- ièjneaprès InniuTieraB cultaeque domus ; fecimda virorum Rome, Coiistan- » • »• • rn j f tinople, Aiiti- Ingénia; antiqiu mores. 1 um duplice muro oche, Carthage, Ampliticata loci specics, populique voluptas et Treves; pout- i / i r t i quoi oublier Circiis, et Inclusi moles ciineata tlieatri. AlcxBiidric ? Templa Palatiuaeque arces, opulensque Moneta; Et regio Herculei Celebris sub honore lavacri, Cunctaque marmoreis ornata peristyla signis, Mœniaque in valii formam circumdata labro. Omnia quae magnis operum velut œniula formis Exceliunt, nec juncta premit vicinia Romae. Sect. V. LIGURIA. Il paroît, par un trait conservé par Plutarque et expliqué par Freret, que les Ligures étoient d'origine Ambrone ou Ombrienne. Les anciens ont nié ou reconnu leur affinité aux Celtes, selon qu'ils ont envisagé la chose sons un point de vue prochain ou éloigné. Les anciens Grecs les nommoient Liyutç et Liyoc-ix», mais les écrivains plus récens se sont con- formés au langage de leurs maîtres. La perfidie, l'adresse, et une dureté de tempérament qui tenoit du prodige, distinguoient ce peuple barbare. On y a vu des femmes, qui travailloient dans les champs, accoucher et l'instant après retourner à leur ouvrage. On peut considérer les bornes de ce peuple sous trois états différens. 1. Les premiers Grecs, qui avoient des notions très imparfaites sur la géographie de l'occident, don- noient le nom générique de Ligures à tous les peuples maritimes entre l'Etrurie et l'embouchure du Rhône; peut-être même qu'avant l'arrivée des IMarseillois les Ligures s'étoient répandus dans la Gaule Narbon- noise, et qu'ils y avoient laissé des colonies. Si Florus étoit plus exact, on appuyeroit cette conjecture de son autorité, puisque cet historien nomme ANTIQUiE ITALIyE. 253 riomme les Salyes, les Dcceates, et les Oxybii, parmi les nations. Ligu- riennes. 2. Quand les Romains attaquèrent les Ligures, ils étoient plus redoutables par leur bravoure que par retendue de leur pays. Ils occu- poient seulement ces territoires qui sont entre l'Apennin, la mer, le Va- rus et l'Arnus, c'est à dire ceux qui composent aujourd'bui les répub- liques de Gènes et de Lucques et la principauté de Massa Carrara. 3. Les Romains subjuguèrent les Ligures; ils transportèrent les Apuani, A,"J";i'a' m' c habitans du pays, entre la Macra et l'Arnus, dans le royaume de Naples, '"■ **• '' '^''■^'• et ils ajoutèrent leur territoire à l'Etrurie. Du côté de la Gaule ils con- servèrent à peu près les anciennes limites; mais ils l'agrandirent beau- coup du côté du nord en la poussant jusqu'aux bords du Po. Telle étoit la nouvelle Ligurie, l'une des onze régions du partage d'Auguste. Stra- bon l'a confondu un peu avec l'ancienne. On peut remarquer que la Ligurie étoit comprise dans la province de la Gaule Cisalpine. MoNŒCi PoRTus. Quelques savans ont imaginé que c'étoit Villa ^""gg' 'J '^" ^' Franca; mais l'ancien nom, qui s'est presque conservé, la nature du port, qui n'étoit fait que pour les petits vaisseaux, et les distances marquées dans les Itinéraires, ont convaincu Cluvier que Monaco étoit le véritable Portiis Hercidis Monœci. Liguées. Non ego te, Ligurum ductor, fortissime bello, A'irgil.jEneid. 1. Tiansierim, Cinyra, et paucis comitate, Ciipavo, Cujus olorinae siirgunt de vertice pennœ. Crimen amor vestrum, formaeque insigne paternœ. Vane Ligiir, frustraque animis elate superbis. Idem. xi. 7ib. Nequicquam patrias tentâsti lubricus artes. Nam si procubuit qui saxa Liçrustica portât Juvenal. Satir. ■ . ',. ^ . ^ iii. 257. Axis, et eversum fudit super agmma montem. o Quid superest de corporibus? Ligures montani, duri, atciue aorestes. Docuit ag-er ipse nihil feren- cicero in Ruii. *7 ' ' 1 & ^ » r Orat. 11. 35. do, nisi multâ culturâ et magno labore quœsitum. Genua. Le meilleur vin de toute la Li"urie croissoit dans les envi- p.'™- Na*' i^"'- o xiv. 6. rons de Gènes. Dertona. Dertona (Tortone) étoit une colonie Romaine. L'époque Veii. Pater, i. l de sa fondation est incertaine. PôL- 2>H NOMINA, OENTESQUE Pollen riA. Sii. Ii«Ue.ruiiic. fuscique ferax Pollentia villi. riii. £,99. LlGURES, VaGENNI. Idem, viii. 607 , Tuiii pel nix Ligus, et sparsi per saxa Vagenni, In decus Hannibalis duros misère nepotes. strsbo. Geo. I. LlGURES. Lcs LiguFcs étoicnt un peuple pasteur qui ne vivoit que de lait, et d'une boisson tirée de l'orge. Leurs montagnes fournissoicnt beaucoup de bois de construction, et d'autres bois tachetés dont on fai- soit des tables très à la mode à Rome. On voyoit des arbres qui avoient huit pieds de diamètre. Ils portoient ces bois à Gènes avec leur bétail, des peaux et du miel, pour les échanger contre l'huile et les vins d'Italie. Sect. VI. ETRURIA. puT. Italia Ant. De toutcs Ics régions de l'Italie, celli-ci avoit le plus de rapport aux **j- anciennes limites des peuples. L'Etrurie, avant la conquête des Ro- mains, étoit bornée par l'Arnus et la mer ; le Tibre formoit sa frontière jusqu'à Tifernum Tiberinum; depuis cette ville jusqu'aux sources de l'xlrnus c'étoit l'Apennin. Auguste ajouta seulement à l'Etrurie le pays entre FArnus et la Macra, c'est à dire le canton quavoient occupé les Apuani Liguriens, et la ville de Pise avec son territoire; encore Pise étoit-elle une ancienne possession des Etrusques que les Liguriens leur avoient enlevée. La ville de Luna, à la vérité, située sur la rive Ligus- tique de la jNIacra, étoit censée dans la région d'Etrurie. Etrusci. Voici le précis de ce qu'on peut dire des Etrusques. 1. Les Grecs les apelloient Tyrrheni, et Tyrseni; les Romains les nom- moient Hetrusci, Etrusci, Thusci, et Tusci ; quoique leurs poètes se ser- vent souvent des noms Grecs. Leur pays portoit constamment parmi les Romains le nom d'Etruria; celui de Tuscia n'est point aussi ancien. L'abbréviateur Florus est le premier qui l'employé, mais dans le moyen age il devint fort usité. 2. L'origine de cette nation célèbre est très o'oscure. L'opinion d'Hérodote, qui les fait venir de la Lydie, ne peut convenir ANTIQUiE ITALIC. 2^5 convenir qu'aux poètes. Denys d'Halicainasse la combat très solide- ment. Selon ce criti(iue judicieux, le corps Etrusque a été formé par le mélange de deux nations, les Tyrrhéuiens et les Pélasges. Nous con- noissons les Pélasges: c'étoient les Grecs encore barbares et qui n'ont point fait partie du corps Hellénique, mais qui étoient les Tyrrhéniens, une nation indigène. C'est la réponse qu'on nous fait, mais elle n'est guères satisfaisante. 3. L'histoire de ce peuple seroit curieuse; on croit qu'il a inventé l'art augurale, la trompette, et les orncmens des magis- trats. Leurs artisans et leurs musiciens étoient renommés, ils ont eu l'empire de la mer, et l'on a soupçonné que l'Amérique ne leur étoit pas inconnue. Sous la fin de leur grandeur leurs mœurs se sont corrompues. Ils ont donné l'exemple d'un luxe et d'une mollesse dont on peut voir les détails dans Athénée et Diodore de Sicile. 4. Les Etrusques se sont répandus fort au-delà des bornes de leur pays, dans la Campanie et jusqu'à l'embouchure du Po, et dans la Rhétie. Il paroît même que les Grecs ont donné le nom de Tyrrhéniens à tous les peuples de la mer inférieure depuis Pise jusqu'au détroit de Messine. Je conviens qu'il en faut rabbattre quelque chose pour l'ignorance des étrangers qui ne con- noissoient sur toute cette côte que la nation principale. .5. Les Etrus- ques étoient divisés en douze cités, qui se réunissoient toujours dans une assemblée générale et quelquefois sous un dictateur commun. Voici les cités: 1. Cœre ou Agylla; '2. Veii; 3. Falerii; 4. Tarquinii; 5. Volsinii; 6. Rusellse; 7. Vetulonii; 8. Volaterra; g. Clusium; 10. Perusia; IL Cortona; 12. Arctium. Aucun ancien n'a fait ce dénom- brement. C'est Cluvier qui l'a formé sur les passages souvent équi- voques de plusieurs écrivains. LUNA. Tune quos a niveis exegit Lima metallis, Sil.Italic. Punie. T . ■ A • • 1 *'"• 482. Insignis portu; quo non spatiosior alter Innumeras cepisse rates, et claudere pontum. Advehimur céleri candentia mœiiia lapsu, CI. Ruiilii No- . . inatiani Iter. 1. Nominis est auctor sole corusca soror. ii. es. Indigenis superat candentia lilia saxis, Et levi radiât picta nitore silex. Dives marmoribus tellus ; quae luce coloris Provocat intactas luxuriosa nives. u 256 NOMINA, GENTESQUE piin. Hist. Nat. Lg yj^ jgs enviioiis de Luna étoit le meilleur de toute l'Etiurie. XIV. 6. ciiiv. ita!. Ant. . Lucus Feroni^e. Cet cudroit se trouve entre Luna et Pisa. Il y 1. iu c. 2. p. 460. _ V en avoit un autre du même nom auprès du mont Soracte, et un troi- sième dans Latium à trois milles de Tcrracine. Cette déesse étoit cer- tainement Etrusque, mais son culte s'étoit bien répandu dans les pays voisins. Pjs^, &,c. Virg. Ma. X. Tertius ille hominum divûmque interpres Asjlas, Cui pecudum fibrae, cœli cui sidéra parent, Et linguœ volucrum, et preesagi fulminis ignés, ^ Mille rapit densos acie, atque horrentibus hastis. Hos parère jubent Alpheœ ab origine Pisae, Urbs Etrusca solo Cl. Rutilii Nu- Inde Triturritam petinius; sic villa vocatur matiani Iter, y-x i i • • i r • lib. i. ô'iT. Qua; latet expulsis msula paene freUs, Nanique inanû junctis procedit in aequora saxis, Quique domum posuit, condidit ante solum. Contiguum stupui portum, quem fama fréquentât Pisarum emporio divitiisque maris. Mira loci faciès; pelago pulsatur aperto. luque omnes ventos litora nuda patent; • ^ Non uUus legitur per brachia tuta recessus .Solias possit qui prohibere minas. , ;^ Sed procera suo preetexitur alga profundo Molliter ofFensae non nocitura rati. Et tamen insauas cedendo interiigat undas, Nec sinit ex alto grande volumen agi. Id. i. 559. Puppibus ergo meis fidâ in statione relictis, Ipse-vehor Pisas, quà solet ire pedes. Id. i. 565. Alpheœ veterem contemplor originis urbem Quam cingunt geminis Arnus et Auser aquis, Conum pyramidis coeuntia flumina ducunt, lutratur modico frons patefacta solo. Sed proprium retinet communi in gurgite nomen. Et poutum solus scilicet Arnus adit, Ante diu quam Trojugena fortuna pénates Laurentinorum regibus insereret. Elide AXTiQU.E italic:. ^'Î/ Elide dcductas siiscepit Etiuiia Pisas, Nominis indicio testiiicata genus. Les Pisans offrirent des terres au sénat, pour y envoyer une colonie ru. i,iv. ..i. 43. Latine. Ils souhaitoient d'avoir une garnison contre leurs voisins, les Liguriens. Le sénat les en remercia, et nonnna des triumvirs pour cette commission, A. U. C. 572. Elle fut exécutée, puisque nous voyons dans la suite que Pise est traitée de colonie. L'Auser tomboit autrefois dans l'Arnus à Pise. On ne sait pas le ciuv. iiai. Ant. tems auquel cette rivière (Le Serchio) s'est frayé un nouveau lit qui le conduit en droiture à la mer. Le ruisseau Osari, qui coule dans le ma- rais entre l'Arno et le Serchio, conserve un peu l'ancien nom. M. De- Dan.sacarit lisle a tort de donner à l'Auser le cours moderne du Serchio. Pise est Jfjii'ie""*^""" placée à la jonction de l'Arnus et de l'Auser; le choc est si violent qu'on strabon. Geog. ne peut point voir de l'un à l'autre bord. Cependant ces rivières ne se '•^•p-^^** débordent point. Les Pyliens de Pise, sujets de Nestor, furent jettes par une tempête sur les côtes de l'Etruric à leur retour de Troye. Ils bâtirent Pise, qui devint une ville très florissante, et un grand port de mer. Du tems de Strabon elle se soutenoit encore, mais avec peine. Les Romains l'avoi- ent fort embelli ; ils avoient rempli tous ses environs d'un grand nom- bre de maisons de campagne qui ressembloient aux palais îles rois de Perse. LuNA. Le port de Luna étoit magnifique; une vaste baye, qui ren- id.p. 153. fermoit un grand nombre de petits golfes particuliers. Dans tous l'eau étoit profonde jusqu'au rivage. On employoit beaucoup de marbre de Luna dans les bâtimens de Rome à cause de sa beauté et de la facilité du transport. Il y en avoit de blanc et d'une couleur qui tiroit sur un verd foncé. Etruria. Les côtes d'Etrurie s'étendoient de Luna à Ostie, 2500 h. p.iô6. stades selon Strabon, et 1430 seulement selon Polybe. Sa largeur étoit d'environ la moitié. Elle étoit fertile selon cet auteur. Ses lacs ne contribuoient pas peu à sa richesse, par le poisson, le gibier, et le papy- rus qu'on en tiroit. Herculis Liburni Portus. C'est la Livourne d'auiouid'hui: mais ciuv. iiaUaAn. est-ce 1 endroit dont les Liburnes, petit bâtiment arme en guerre, a pris vol. III. L L son 258 NOMINA, GENTESQUE Strabon. Geog. J. v. p. 154. CI. Rutilii Nu- matiaii. Iter. J. i. p. 453. son nom? Il paroît que Cluvier se trompe, et qu'il est plutôt question des Liburnes, nation Illyrienne qui couroit la mer Adriatique. VoLATERRA. Elle cst située dans un vallon profond, mais elle est dominée par une montagne qui a quinze stades de haut, et qui est oc- cupée par une citadelle très forte. Elle servit d asyle à (luatre cohortes des partisans de Marias, qui s'y défendirent pendant deux ans, et ne se rendirent que sous la foi publique. Vada Volaterrana. In Volaterraniim, vero vada nomine, tractum Ingressus, dubii traniitis alla lego; Despectat prorîe custos, clavumque sequentem Dirigit, et puppim voce monente regit. Incertas geminâ discriminât arbore fauces Defixasque offert limes uterque sudes. Id. !.465. Vix tuti domibus saevos toleravimus imbres. Albini patuit proxima villa mei. H.i.475. Sirabon. Geog. ]. V. p. 154. Rulilij Iter, I. i. V. 401. Subjectas villae vacat adspectare salinas, Namque hoc censetur nomine salsa palus Qua mare terrenis déclive canalibus intrat, Multifidosque lacus parvula fossa rigat. Ast ubi flagrantes admovit Sirius ignés, Cum pallent lierbœ, cum sitit omnis ager, Turn cataractarum claustris excluditur aequor. Ut lixos latices horrida duret humus, Concipiunt acrem nativa coagula Phœbum, Et gravis asstivo crusta calore coit. Popui.oxiuM. Populonium fut détruit par les troupes deSylla, après avoir soutenu un siège. Du tems de Strabon il n'en restoit que des tem- ples et quelques maisons. Cette ville étoit située sur un promontoire très élevé, d'où ce géographe découvrit les îles de Sardaigne, de Corse, et d'il va. Le port des Populoniens, qui étoit au bas de la montagne, subsista toujours, et étoit fort fréquenté. Proxima securum reserat Populonia litus, Quil nafuralem ducit in arva sinum. Non illic positas extoUit in iethera moles, Lumine ANTiQu.i; Italia;. 259 Lumiiie nocturiio coiispicicnda Pharos, Sed speciilam valida; rupis sortita vetustas. Qua fluctus domitos arduus urguet apex, Castelliim geminos hominum fundavit in usus Prœsidium terris, indiciumque fretis. Adgnosci nequeuiit aevi nionumenta prioris, Grandia consumpsit mœnia tempus edax ; Sola manent interceptis vestigia minis, Riideribus latis tecta sepulta jacent. Massicus œratâ princeps secat œquora tigri, Virgil, iïn.x. Sub quo mille manus juveiumi, qui mœnia Clusî, Quique urbem liquere Cosas; quels tela, sagittae, Corytique levés humeris, et letifer arcus ; Una torvus Abas ; huic totum insignibus armis Agmen, et aurato fulgebat Apolline puppis. Sexcentos illi dederat Populonia mater Expertos belli juvenes Vetulonii. On voit encore de beaux restes de cette ville ancienne ciuv. itai. Am. 1. ii. c. 2. p. 472. entre les ruines de Populonium et la tour de St. Vincent à trois milles de la mer. Maeoniœque decus quondam Vetulonia gentis Sil. Itahc. Pun. Bis senos hœc prima dédit praecedere fasces. Et junxit totidem tacite terrore secures. Haec altas eboris decoravit honore curules, Et princeps Tyrio vestem praetexuit ostro ; > Haec eadem puguas accendere protulit œre. Umbro fl. Falesia. Tangimus Umbronem ; non est ignobile flumen, CI. Numatiani Q, ^ , , . , . . Rutilii Iter, 1. î. uod toto trépidas excipit ore rates, 337. Tarn facilis pronis semper patet alveus undis In pontum quoties sasva procella ruit. Laxatum cohibet vicina Falesia cursum w. i.i.sn. Quanquam vix medium Pheebus haberet iter. Et turn forte hilares per compita rustica pagi Mulcebant sacris pectora fessa jocis, Illo quippe die tandem renovatus Osyris Excitât iu fruges germina lasta novas. Egressi villam petimus, lucoque vagamur, L L 2 Stagna Q60 NOMINA, GENTESQUE Stagna placent septo deliciosa vado. Liideie lascivos inter vivaria pisces Gurgitis inclusi laxior unda sinit. SlrabcGeo. CoSA, PoRTUS HeKCULIS ET MoNS ArGENTARIUS. Cosa étoit situé ( luv. itai. An- g^^j. ^,j^g niontaerne : plus bas l'on voyoit le port d'Hercule à côté d'un p. 479. étang d'eau salée et peu éloigné d'un promontoire. Veil. Pater. ^es Roniaïus y envoyèrent une colonie sous le consulat de Fabius ,14. Vorso.et de Claudius Canina, A. U. C. 480. Cl. Riuliii Sic. Cernimus antiquas, nuUo custode, ruinas. Et desolatse mœnia fœda Cosae. Ridiculani cladis pudet inter séria causam Proniere, sed risum dissimulare piget ; Dicuntur cives quondam migrare coacti Muribus infestos deseruisse lares. Id.l.i. 293. Haud procul hinc petitur signatus ab Hercule portus. Id. 1. i.315. ~ . . ~ . Tenditur in médias mox Argentarius undas, Ancipitique jugo ceerula curva premit : Transversos colles bis ternis millibus artat, Circuitû ponli ter duodena patet. Vix circumvehimur sparsae dispendia rupis, Nec sinuosa gravi cura labore caret, Mutantur toties vario spiramina flexû, Quœ modo profuerant, vela repente nocent. piiii.jun. Epist. CENTUMCELLiE. Pline le jeune vit le port que Trajan y faisoit faire. Des deux grandes jettées qui dévoient le composer Tune étoit achevée. L'on travailloit à l'autre. On construisoit à l'entrée du port une île artificielle, qui commençoit déjà à paroître. Cet ouvrage de Trajan étoit très utile pour toute la côte qui étoit dépourvue de ports. Il de- voit porter le nom de son fondateur : mais il conserva toujours celui de Centumcellœ. Du tems de Procope, dans le sixième siècle^ cette ville étoit grande, florissante, et très peuplée. a-Mil- Rut. Ad Centumcellas forti defleximus austro, Tranquilla puppes in statione sedent. Molibus œquoreum concluditur ampliitheatrum, Angustosque aditus insula facta tegit. Auollit vi. 3]. Itct. 1- i. i37. ANTIQUE ITALIiE, £6l ; Attollit geminas tunes bifidoque meatû, Faucibus artatis pandit utrumque latus. Nee posuisse satis laxo navalia poitCi, Ne vaga vel tutas ventilet aura rates. Interior médias sinus invitatus in sedes Instabilem fixis aëra nescit aquis. Castrum Novum. Stringimus absumtum fluclûque et tempore castrum ; Claud. Rut. Index semiruti porta vetusta loci Prœsidet, exigui formatas imagine saxi, Qui pastorali nomina frontegerit; Multa licet jjriscum nomen deleverit aetas, Hoc Inui Castrum fama fuisse putat. Servius est du même sentiment que Rutilius. Mais il y a un autre Serv. ad ^Eneid. , . . 1- V. 775. Castrum auprès cVArdea, qui paroit aux yeux de Cluvier le véritable Cas- trum Inici. La question est obscure ; mais comme elle l'étoit un peu moins au quinzième siècle, j'aime mieux m'en rapporter à ces deux auteurs. Les vers de Virgile sur lesquels Cluvier se fonde sont très ob- scurs. On ne voit point pourquoi le poète a donné la préférence à des [^'"e^g^'pigs, lieux peu considérables et presqu'ignorés. D'ailleurs, Fidènes et No- mentum sont dans le pays des Sabins, au-delà des limites de l'ancien La- tium. Si le poète a voulu insinuer que les rois d'Albes pousseroient plus loin leurs conquêtes ; leurs armes n'auroient-elles pas pu pénétrer dans l'Etrurie? Guaviscï:. Graviscas est situé au bord de la mer. Il ne peut donc ciuv. itai. Aut p. 484. Veil. pas être Corneto. Les Romains y envoyèrent une colonie la même an- Pater. i. iô. née qu'à Aquileia A. U. C. 571. Intempesta'que Graviscee^ Virg.jEn. x.i84. Veteres misère Gravisca:\ C. Sil. Ital. ,,,.,...-,.. , • Punie, viii. 475. l'aiilisper litusfugimus .Minione vadosuni, Suspecte trepidant ostia parva .solo. Cl. Rutilii Iter. Inde Graviscaruni fastlgia rara videnuif , Quas preniit aestivae saepe paludis odor ; Sed nemorosa viret deiisis vicinia Incis, l'ineaque extremis fluctuât unda fretis. CsRE, seu Ac V ji.A. Cette ville (unedes douze cités) étoit ancienne- strr.h. Ceo. i.t. p. 15'^. ment 262 NOMINA, GENTESQUE (JI.Riitilii Iter, i. 225. Virgil. JE», viii. 478. Diodor. SJCul. I. XV. CI. Rutilii Iter, J. 223. Sil. Ital. Panic. Tiii. 476. Virgil. .Sneid. vii. 723. C. Rutil. Iter, 1. i. 325. Idem, I. i.439. Strabon. Geog. 1. V. p. 15b. ment très puissante. Elle jouissoit d'un éloge peu commun parmi les Grecs, de n'avoir point fait le métier de corsaire, quoiqu'elle eut une marine formidable. Elle accueillit les prêtres et les Vestales pendant le siège de Rome. Les Romains récompensèrent assez mal ce trait d'ami- tié. Ils accordèrent aux citoyens de Cœre une espèce de bourgeoisie ({uine leur étoit qu'à charge. Du tems de Strabon il ne restoit que les ruines de Casre, et les bains chauds du voisinage qui attiroient beaucoup de monde. Jam C*retanos demonslrat navita fines ; ^vo deposuit nomeii Agjlla vêtus. Haud procul hinc saxo incolitui- fundata vetusto Urbis Agyllinae sedes ; ubi Lydia quondam Gens bello prteclara, jugis insedit Etruscis. Pykgi, Alsium, et Frkgen^. Pyrgi étoit le port de Caere. Denys l'ancien y fit une descente et le prit sans diificulté. Virginius Rufusavoit une maison de campagne à Alsium, où ce grand homme passa les dernières années da sa vie. Alsia praelegitur tellus, Pyrgique recessunt, Nunc villae grandes, oppida parva prius. Nec non Argolico dilectum litus Aleso Alsium, et obsessae campo squalente Fregenae. La mythologie de Silius est plus exacte ici que sa géographie. Haie- sus, fils d'Agamemnon, vint en Italie: mais ce fut dans la Campanie qu'il régna et non dans l'Etrurie. Silius avoit mal lu son favori Virgile. Rien de plus clair que les paroles de ce poète. Igilium. Ëminus Igilii silvosa cacumina miror. Capraria. Processu pelagijam se Capraria tollit : Squalet lucifugis insula plena viris ; Ipsi se monachos Graio cognomine dicunt, Quod soli nullo vivere teste volunt. Ilva, scu iETHALiA. Ccttc îlc cst famcusc dans les fables des Grecs par l'abord des Argonautes, de qui le Partus Argous avoit reçu son nom. Elle est éloignée de 300 stades du promontoire de Populonium et da la Corse. ANTIQUE ITAUiE. 2()3 Corse. Elle étoit riche par ses mines de fer qui se reproduisoient à me- sure qu'on les épuisoit. Mais on travailloit toujours ce métail à Populo- uium. On ne pouvoit pas le fondre dans l'île même. Fides penes auc- torem. Occurrit chaiybiim meinorabilis Ilva metallis; Cl. Rutiliii Iter, ï. 351. Qua nihil uberius Norica gleba tulit. Non Biturix largo potior strictura camino, Nec quae Sardoo cespite massa finit. Plus confert populis ferri faecunda creatrix Qiiam Tartessiaci glarea fulva Tagi. Ast Ilva trecentos Virgil, ^neid, X. 173. Insula, inexhaustis clialybum generosa metallis. Non totidem Ilva viros, sed lectos cingere ferro pùni'c"viil' 6i6 Armarat patrio, quo nutrit bella, métallo. Florentia et F^suLiE. La conséquence la plus naturelle qu'on ciuv. itai. Am. 1 11/ /-Il • < ^ -nt /^ -j. 1. ii.c.3. p. 508. puisse tirer des passages rassembles par Lluvier, cest que I*lorence etoit déjà considérable du tems de Sylla; que pour s'être opposée au parti du dictateur elle perdit sa liberté et ses terres; que sur ses débris le vain- queur fonda sa colonie favorite de FECsulee, qui n'en étoit qu'à trois milles; mais que dans la suite, Jules César, vrai partisan de Marins, établit une colonie à Florence, qui engloutit à la fin sa rivale. AfFuit et sacris interpres fuiminis alis Si). Ital. vm. ^ 478. Fœsulœ — — Tarquinii. Ce fut dans le territoire de Tarquinii, un peu avant la Piin. Hist. Nat. ' _ ' _ viii. 52. 56. guerre civile de Pompée, que Fulvius Lippinus établit des pépinières de toutes sortes de plantes, et même d'animaux. Lacus Sabatinus. Les Romains en tiroient des revenus considérables ^J"^; ^ p^^^, par le poisson qu'on y prenoit, et par le papyrus qui croissoit sur ses bords. Plusieurs autres lacs de l'Etrurie avoient les mêmes avantages. Faleeii. Les peuples de Falerii s'appelloient i^a/wci et JEqui Falisci. ^."t'^'rii.^'p.'' Ils n'étoient point Tyrrhéniens, mais Pélasges. La ressemblance du nom l'*;;,^^;^,^ ^^ y a fait conduire l'aventurier Halesus fils d'Agamemnon. On reconnoît i'ra..5tant. nu- •^ C5 ^ misniatum Uis- que la dialecte Eolienne substituoit volontiers le F, qui leur étoit parti- sert. a. p. 59. culier, à l'aspiration des autres Grecs, et qu'elle changeoit facilement le s en r. Les «254 NOMINA, GENTESQUE i);ony>. [lai. 1. J^cs Fulisci conservèrent long-tems les usages des Pélasges, leurs bou- sirak Gcoji. 1, cliers, leurs javelots, et leur façon de déclarer la guerre. Junon étoit '' ' ' '" adorée à Falerii comme à Argos. On y voyoit pareillement des prêtresses gardiennes du temple, et des chœurs de vierges qui cliantoicnt les lou- anges tic la déesse dans la langue de la patrie. Oviii. Fast. I. iv. Veiierat Atridae fatis agitatus Halesus, p. 5(j7. Kdit. ail uiuin Dilpiiiii. A quo se diclatii terra ralisca putat. Ovid.F.ist. 1. i. Colla, rudes operum, prœbeut ferienda juvenci, ''■ " ■ Quos aluit campis herba Falisca suis. Virgil. yEueid. Hi Fesceiininas acies, œquosque Faliscos, '"■ ' ■ Hi Soractis habent arces, Flavinaque arva, Et Cimini cum monte lacum, lucosque Capenos. Sil. Italie, viii. ^ Hos juxta Nepesina coliors, œquique Falisci ; Quique tuos, Fiavina, focos, Sabatia quique Stagna tenent, Ciminique lacum ; qui Sutria tecta Haud procul, et Phœbo sacrum Soracte fréquentant. SORACTK. Vides ut alla stet nive candidum Soracte. stiab. Geog. V. H sc faisoit tous les ans un sacrifice à Apollon sur cette montagne. Hist. Natur. vii. On j voyoit des hommes qui marchoient sans se brûler sur un bûcher embrasé. Ce privilège étoit borné à un petit nombre de familles qu'on appelloit Hirpi. Le sénat les avoit exemptés de la milice et des autres charges publiques. T. Liv. xxvi. ii. Fehonia. Lc temple et le bois de Feronia, peu éloignés du mont So- racte, étoient remplis des riches offrandes de tout le pays. Il y avoit beaucoup d'or et d'argent. Hanniljal les pilla après avoir échoué dans sa tentative sur Rome. piin. Secund. Vadijionium. C'cst uu lac pcu éloio'né du Castellum Amerinum qui Epistol. vil. 20. _ _ . piin. Hi!t. Nat. est vis-à-vis d'Ameria. Il est parfaitement rond, et ses bords sont très ii. 95. lo;;. . ^ r unis. Ses eaux sont très blanches. Elles ont une odeur de souffre et des usages dans la médecine. Nul vaisseau ne souille ses eaux sacrées, mais on y voit surnager plusieurs petites îles de différente grandeur cou- vertes de verdure et qui flottent çà et là au gré des vents. Pline le jeune n'avoit jamais entendu parler de ce prodige. Il admiroit donc les ouvra- ges de son oncle plus qu'il ne les lisoit. Clusium. ANTIQUiE ITALI/K. S,bù Clusium. Antiquus Romanis mœiiibus horror Sil. Ii.ilicus, Chisinum vulgus; cum, Poisena magiic, jubebas Tm. 479. Nequicquam pulsos Romœ imperitarc superbos. Le mausolée de Porscnna avoit épuisé l'art et les trésors de Clusiuni. Pii". nist. n»i. C'étoit un labyrinthe immense fait en quarré. Au milieu et aux quatre angles de ce bâtiment s'élevoient cinq pyramides de 150 pieds de haut, dont la base avoit 75 pieds de chaque côté. Elles étoient surmontées par un vaste couvercle de bronze, qui étoit environné d'une infinité de petites clochettes, et qui soutenoit quatre autres pyramides de 100 pieds de haut. Un troisième étage placé sur celles-ci portoit encore cinq pyra- mides dont Varron n'a pas osé rapporter la hauteur. Ces labyrinthes, ces pyramides, sentent bien un gôut Egyptien, ou plutôt tout ce mausolée sent la fable, puisque du tems de Pline il n'en restoit plus de vestiges. CoRTONA. Il paroît que cett£ ville, une des plus anciennes de l'Etrurie, étoit aussi le Corythiis des poètes, nom qui désignoit quelquefois tout le pays. Lectos Cortona superbi Sil. italic, viii. Tarchontis domus VOLSINII. Positis nemorosa hitcr juga Volsiniis. juvenal. Satir. iil. ]91. Tuscr. Cette maison de Pline étoit auprès de Tifernum (Citta de Cas- Pii"- Secnnd. . , . . , Epistol. V. 6. tello), au-delà du Tibre, au pied de l'Apennin, et sur la frontière de l'Um- brie. La situation n'avoit rien'du commun avec les marais de l'Etrurie. On y trouvoit un bel amphithéâtre environné de beaux bois, et de hautes montagnes, et partagé par le Tibre déjà navigable. Il y avoit beaucoup d'eau, le sol étoit fort et riche, et le climat des plus sains. Thrasymenus Lacus. Hannibal attira les Romains dans une plaine, v. ciuv.itai. 1 \ 1. • 1 T'ii •> • Anliq. I. il. c. -'J. Située entre les montagnes à l'orient et le lac a 1 occident. Elle n avoit p. ôts.îcc. que deux débouchés, par deux défilés fort étroits, entre le lac et la mon- tagne. Il paroît, par l'inspection du local, que le premier (en venant d'Arezzo) s'appelle Ossarite, Osaia, ou Orsaia. Ce nom conserve la mé- moire du carnage. L'autre défilé est au bourg de Passiniano. Tiberis. C'est dans l'Etrurie qu'il faut parler de ce fleuve célèbre, v. ciuv. itai. _,, , . ,., , -1 1 .L • îi Anliq.l.ii.c.lO, C est dans cette province qu il prend sa source ; il la cotoye jusqu a son embouchure, et les poètes lui donnent à chaque instant l'épithète de Tus- £us amnis ou de Lydius amnis. v/OL. ni. M M Tuin q66 NOMINA, GENTESCIUE Virgil. jEiieid.l. viii. 330. Ovid. Fast, 1. v. .642. Sil. Ital. viii. 456. Virg. ^iicid. rlii. tj'^. CI. Riilil. Nu- matian. Iter, i. 151. Berg. Grands Chemins, 1. ill. c. 44, 45. p. 78d —792, et I. V. c. 4. p. 328. Pliii. Secund. Epist. viii. 17. Horat. Carmin. V. Cluvier, Ital iVnt. 1. ii. c. 10. Turn reges, asperque inimani corpore Tybris, A quo post Itali fliiviiim cognomine Tybrim Di.ximus. Ainisit vcrum vetus Albula iiomen. Et queni nunc gentes Tiberim noruntque tiinentque, Tunc etiam pecori despiciendus erani. Aicadis Evandri nomen tibi sœpe refertiir; Ille meas remis advena torsit aquas; Venit et Aleides tuibâ comitatus Acliivâ; Albula, si memiui, tunc mihi nomen erat. Sed pater ingenti medics illabitur amne Albula, et immotâ perstringit niœnia ripa. Ego sum, pleno quem flumine cernis Stringentem ripas et pinguia culta secanleni, Cieruleus Tiberis, caelo gratissimus amnis. Ipse ti'iumphali reditimus arundine Tybris Romuleis famulas classibus aptet aquas, Atque opuienta tibi piacidis commercia ripis Develiat liinc rurls, subvehat inde maris. Le Tibre commence à être navigable à Trusiaamnum dans le territoire de Perusia, et ce n'est qu'après une course de 150 milles qu'il se dé- charge dans la mer grossi de quarante-deux autres rivières. Il servoit à la navigation intérieure de l'Italie; on y amenoit même par terre des marchandises de l'Adriatique auxquelles on avoit fait remonter le Pisau- rus. Auguste avoit fait élargir et nettoyer le lit du Tibre pour arrêter les débordemens auxquels il étoit fort sujet. Malgré le fossé par lequel Trajan avoit voulu saigner le Tibre, ce fleuve se déborda aussi bien que l'Anio. Ils inondèrent tout le plat pays et causèrent des maux affreux. Vidimus flavum Tiberim, retortis Litore Etrusco violenter undis. Ire dejectum monumenta regis Templaque Vestae. Quand Pline a compté quarante-deux rivières qui se jettoient dans le Tibre, il a un peu exagéré pour justifier la supériorité de ce fleuve sur tous les autres de l'Italie ; c'est par un pareil principe qu'il a diminué le nombre de celles qui se jettent dans le Po. Au lieu de quarante-deux on auroit peine à en compter treize. Les voici : la Tinia, le Clanis, le Nar, ANTiaUA: ITALLÏ. 267 Nar, la Himella, le Farfarus, l'Allia, la Cremera, la Tuiia, l'Anio, Aqua Crabra, l'Alnio, Aqua Ferentina. Le Clitumnus se jette dans la Tinia, comme le Velinus et le Telonius dans le Nar. L'Aqua Ciabia, l'Aqua Ferentina, et la Juturna sont moins des rivières que des aqueducs et des canaux souterrains. En remontant l'Anio on trouve auprès deTibur les sources chaudes d'Albunea, et vingt milles plus haut les trois lacs Sim- brivii. Après les avoir traversé la rivière se précipite en bas une chute pour arriver à Sublaqueiim, où les empereurs avoient un beau palais. De toutes ces rivières il n'y a que le Clanis, la Cremera, et la Turia qui appartiennent à l'Etrurie. Toutes les autres parcourent l'Umbrie, le pays des Sabins ou leLatium pour se rendre au Tibre: mais il ne faut pas les séparer. Une inondation qui arriva l'an de Rome 768, fit penser sérieusement Tacit.Aiinai.i. au sénat des moyens de les empêcher, en détournant une partie de la masse des eaux qui grossissoit le Tibre au-delà de l'étendue de son lit. Mais les représentations de plusieurs villes d'Italie, animées par leurs in- térêts, et armées des superstitions populaires, firent résoudre le sénat de ne point attenter aux loix de la nature, ni aux honneurs du Tibre. On avoit proposé trois partis: 1. De détourner le cours du Clanis du Tibre dans l'Arnus. Les Florentins représentèrent que ce changement leur seroit très pernicieux. 2. De saigner le Nar par un nombre de canaux, et de laisser perdre ses eaux dans les campagnes. Les habitans d'Interamna firent sentir que ce seroit changer en marais, le canton le plus fertile de l'Italie. 3. De boucher la sortie du lac Velinus et de l'empêcher de se décharger dans le Nar. Ce lac, ainsi gêné, auroit inondé tout le v'oisi- nage ; le peuple de Réate étoit intéressé à faire valoir cette raison. lavât ingentem perfundens flumine sacro SU. n^Wc viii. Clitumnus tauruni, Narque albesceiitibus undis *^"' In Tybrini properans, Tiniœque inglorius humor, Et Clanis. Clitumnus. Le Clitumnus sort d'une petite colline couverte d'un bois de cyprès. Sa course devient bientôt assez rapide pour se creuser Piin. Secund. un ht sur un terrein sans pente, et pour porter des barques qui le des- cendent sans le secours des rames mais qui le remontent avec beaucoup de difficulté. Ses eaux claires renvoyent vivement l'image des bois qui couvrent ses bords. Un pont distingue la partie profanée d'avec les M u 2 eaux 268 XOMINA, GENTESQUE Virgil. Georg. ii. 146. Jurenal. Satir. xii. 11. Sil. Ilal. xii, 639. Virgil. .Siieid; vii. 673. Piiii. Secimd. Epist. viii. 17. eaux sacrées. Au-dessus de ce pont on j^eut naviguer, mais on ne doit pas se baigner. On voit auprès le temple du dieu du fleuve, un bain public, et un grand nombre de beaux châteaux, Hinc albi Clilumui grèges, et maxima taurus Victima, sœpe tuo perfusi Humine sacro, Romanos ad tenipla Deuni duxere triurnphos. Si rcs ampla domi similisqiie adfectibus esset ; Piiiguior Hispellâ traheretur lauriis, et ipsa Mole piger, nec iînitimâ nutritus in herbâ, Laeta sed ostendens Clitumni pascua sanguis ' Iret, et a grandi cervix ferienda ministro. Oïid. Fast. J. iï. 340. Cluïier, Ital. Antiq l.ii, c. X. J). T2Z An 10. Sulfureis gelidus quà serpit leniter undis Ad genitorem Anio labens sine murmure Tybrini. Gelidumque Anienem et roscida rivis ^ Horat. Carm. i. T, Virg.I. .lEneid, »ii. 82. Hernica saxa coluut. Anio, delicatissimus amnium, ideoque adjacentibus villis veluti invi- tatus retentusque, magnâ ex parte nemora, quibus inumbratur, et fregit et rapuit. Domus Albuneae resonantis. Et prasceps Anio, et Tiburni lucus, et uda Mobilibus pomaria ripis. lucosque sub altâ Consulit Albuueâ ; nemorum quae maxima, sacro Fonte sonat, saevamque exhalât opaca Mephitim ; Hinc Italae gentes omnisque Oenotria tellus In dubiis responsa petunt. Almo. Est locus, in Tiberim quà lubricus inlluit Almo, Et uomen magno perdit in amne minor, lllic purpurea canus cuni veste sacerdos Almonis, Dominam sacraque lavit.aquis. JuTURNA. Les anciens ont souvent confondu cette source avec le Numicus. Mais il paroît que c'étoit proprement un ruisseau qui sort du Mont Alban, qui est d'abord assez fort pour tourner des moulins, qui forme ANTIQUE ITALIC. 2^9 forme iiu petit lac, et qui sc jcttc dans Ic Tibre sept milles plus has que Rome. Ferentinum. Si te grata quies et primam somnus in lioram, Horat. ria i Delectat ; si te pulvis strepitusque rotaruni, Bpht. i. 17. Si lœdit caupona, Ferentinum ire jubebo. Voici une inscription que j'ai copiée sur une table de bronze con- servée dans la Galerie de Florence. J'y ajouterai quelques observations. J'ignore si ce monument a été publié. L. Arruntio !70 NOMINA, GENTESQUE ■|Cos.(l) L. AuRUNTio Stella] L. Julio Marino XIIII K. Nov. M. Acilius Piacidus, L. Petronius Fronto nil Vir id S. C. Ferentini (2) in Curia ^dis Mer- curi sciibundo adfuerunt (3), Q. Segiarnus Mae- cianus, T. Munnius Nomanlinus. Quod universi V. F. T. Pomponium Bassum claris- simum Virum (4) demaudatam sibi curam ab indulgentissimo Imp. Caesare Nerva Trajano Augusto Germanico, qua aeternitati Italiae suae piospexit (5) secundum liberalitatem ejus, ita oidinare, ut omnis aetas curae ejus merito gratias agere debeat, futurumque ut tantae viitutis vir auxilio sit futurus municipio nostro. Q. O. E. R. F. P. D. E. R. I. C. Placere Conscriptis (6) legatos ex hoc ordine mitti ad T. Pomponium Bassum, clarissi- mum Virum, qui ab eo impetrent in clien- telam amplissimae domus suae muni- cipium nostrum recipere dignetur. (7) Patronumque se cooptari tabula hospitali incisa hoc decreto in domo sua posita permittat, censuere. Egerunt I.egati A. Caecilius, A. F. Quirinalis et Quirinahs F (8). (1) Ces deux noms ne se trouvent point parmi les consuls ordinaires, sous le règne de Trajan ; ils n'étoient donc que sutfecti : mais il paroît que les villes d'Italie ne se servoient pas de la magistrature des consuls ordinaires pour désigner l'année entière. On peut croire que ce monument doit se placer entre l'an 97 et l'an 103 ou 104, époque o\X Trajan reçut le titre de Dacicus qui ne se trouve point ici. (2) Je ne puis rien découvrir qui indique si c'est au Ferentinura de l'Etrurie ou à celui du pays des Herniques qu'il faut rapporter ce monument. Le nôtre est appelle à la vérité Mu- ^^"f.'*.^"'^'* nicipium, et je vois que M. Deslisle donne le nom de Colonie à celui qui est en Etrurie. liqua. Mais ANTIQUE ITALIC. 2/1 Mais je sais en même terns qu'après que la loi Julia eut rendu inutiles toutes les distinctions de l'ancien droit Romain, ces termes sont devenus presque synomymes. (3) Je n'ai pas besoin de remarquer combien cet usage d'assembler le sénat dans une curia consacrée auprès d'un temple, et celui de souscrire les nçms des principaux qui étoient pré- sens à un décret, étoient tous les deux empruntés de ceux du sénat Romain. (4) Si ce Pomponius Bassus est celui de Pline, un témoignage bien plus respectable que I"''"- Secund. celui du sénat de Ferentinum m'apprend qu'il étoit vraiment un homme illustre, et qu'après avoir consacré sa jeunesse à l'état dans l'exercice des premières magistratures, et dans le commandement des armées, il a su jouir de la vieillesse dans une retraite savante et tranquille. (5) On peut demander quel étoit ce soin dont Bassus s'étoit si bien acquitté, mais qui est ici désigné si obscurément f Quelle étoit la prévoyance par laquelle Trajan avoit assuré l'éternité de l'Italie ? Je ne vois pas à quoi ce terme pourroit se rapporter, sinon à l'encou- V. Muratori ragement du mariage ou à l'éducation des enfans. L'un ou l'autre peuvent seuls éterniser !;. "7:%. . une nation. Nous savons que Trajan fut le fondateur d'un grand établissement de la dernière leia. espèce par toute l'Italie. Bassus aura été chargé du département de Ferentinum ou peut- Hre de l'Etrurie, et ce détail étoit à la fois pénible et délicat. (6) Encore une mauvaise imitation du sénat Romain, d'autant plus mauvaise même que cette épithète n'étoit fondée que sur une circonstance arbitraire. Horace, qui s'est si bien Horat. Epist. î. amusé du sot orgueil du Prêteur de Fundi, auroit été assez surpris de ces airs de grandeur ^^' dans ce petit Ferentinum, le séjour du silence et de l'oubli ; si toutefois c'est ce même Ferentinum. (7) Les relations du patron et du client sont assez connues. On sait que d'un côté elles supposoient la protection et l'appui, et qu'elles exigeoient de l'autre le respect et la recon- noissance. L'exemple de la famille Claudia, et de leurs cliens les Lacédémoniens, fait sentir gueton. in Ti- entre autres que les peuples aussi bien que les particuliers recherchoient cet appui. Mais lierio. c. 6. j'ignorois qu'ils le recherchassent encore sous les empereurs ; et quand je songe à la jalousie de ces princes, je suis surpris qu'ils ayent laissé aux grands de Rome des honneurs qui pa- roissoient leur donner un lustre et un état indépendant de leurs bienfaits. (8) Au style emporté et hyperbolique de cette inscription on la croiroit du quatrième siècle, dont la manière lui ressemble mieux que celle du premier ; mais l'adulation d'une bourgade est toujours exprimée d'une façon plus excessive que celle de la capitale. Le goût survit à la liberté, et l'on sent qu'un pareil style est ridicule autant qu'il est bas. Fescenninum. Fescennina per hune invecta licentia moreni, Horat. Eput. n. Versibus alternis opprobria rustica fudit. Sect. 27S! NOMINA, GENTESQUr, Sect. VII. URBS ROMA. Niirdiiii Roma Ambitus, Mœn'ia, ET PoiiTiE. Oil peut distiiiQ-uer trois villes . Geog. V I. 1. Lavinium. Cette ville, autrefois considérable, n étoit plua ^' qu'un petit village du tems de Strabon. Fidenœ, Antemnje, et Collatia, avoient subi le même sort. Cluyier. itai. \\ est difficile de démêler la confusion qui rèe;ne parmi les anciens au Antiq. 1. m. c. 3. . . . n & r p. 888. sujet de Lanuvium, Lavinium, et Laurentum ou Laurolavinium. Comme les noms se ressembloient, on les a quelquefois pris pour un seul endroit, et quelquefois on a attribué à l'un ce qui n'appartenoit qu'aux autres. Cluvier sue sang et eau pour les concilier. Clavier, itai. I- *• Alba LoisTGA. On uc connoît Albc quc par sa renommée ; cn- p.'9'o^o— 915.' *' core une partie de cette renommée pourroit bien être fabuleuse, puis- qu'elle fut détruite, à l'aurore des tems historiques, par Tullus Hostilius qui n'en laissa subsister que les temples, dont le principal étoit celui de Jupiter Latialis situé hors de la ville et au sommet du mont Albain, C'étoit-là qu'on oifroit tous les ans ce sacrifice commun pour toutes les cités Latines, qui y assistoient par leurs députés. Les consuls y prési- doient comme chefs de l'alliance. On conçoit sans peine qu'une pareille cérémonie, qui attiroit un monde infini, devoit faire rebâtir quelques mai- sons pour les loger. Aussi se forma-t-il bientôt autour du temple un petit bourg nommé Forum Populi. On voyoit aussi sur le mont Al- bain, et dans les environs, un grand nombre dautels, de chapelles, et de tombeaux consacrés ; aussi bien que des maisons de plaisance, telles que celles de Pompée et de Clodius. Albe étoit placée au bord orientale du lac qui baignoit ses murs sur une hauteur, entre le lac et la montagne ; elle étoit au même éloignement de Rome qu'Ardée, c'est à dire à vingt milles. ANTIQUE ITALIC. uay milles. Aucune de ces caractères ne convient à Albano à douze milles de Rome, et à deux du lac d'Albe sur la Voie Appienne. Il paroît que ce bourg a pris son origine d'un camp des soldats prétoriens fameux dans l'antiquité, et qui faisoit la garde des empereurs quand ils étoient dans le château d'Albe, l'arx Albana, si redoutable sous Domitien. Ce bourg de- vint si considérable, qu'au commencement du cinquième siècle Eutrope et Orose l'ont pris pour l'ancienne Albe. Cette tradition s'est perpé- tuée dans le pays. Les environs du mont Albain étoient channans. Ils Diony. Hai.i. produisoient des fruits exquis, et un vin qui ne cédoit qu'à celui de Fa- " ''"' ' lerne. I. 1. Aricia. Quod autem municipium non contemnit qui Aricinum cicero in Phiiii). tantopere despicit ; vetustatc antiquissimum, jure fœderatum, propinqui- '" ^' tate pasne finitimum, splendore municipium honestissimum. Aricie étoit dans un fond; cependant sa citadelle étoit fortifiée par la strabon. Geog. , V. p. 165. niuture. Diane étoit adorée à Aricie d'une façon barbare et Scythique. Les ciuvicr, itai. légendes Grecques ne conviennent point si ce fut Oreste qui apporta son p. 920— 935. culte et sa statue de la Tauride en Italie, ou si l'on en est redevable à Hip- polite, fils de Thésée, que Diane elle-même y transporta après lui avoir rendu la vie. Le temple est hors de la ville du côté gauche de la Voie Appienne pour ceux qui vont à Rome. Une chaine de collines, très escarpée et presque aussi haute que le mont Albain, renferme dans son sein un vallon où l'on voit le bois sacré, le temple au milieu du bois, et un grand lac devant le temple, dont les sources sont aussi sacrées. Le Clivus Virbius, et la fontaine avec le bois d'Egérie, n'étoient pas éloignés de ces endroits. Toute l'enceinte s'appelloit Nemus, aussi bien qu'un bourg qui s'y étoit formé, et le grand prêtre se \\ommo\t Rex Nemoretisis. Cet emploi, par sa dignité et sa richesse, étoit aussi beau que la manière de l'acquérir étoit singulière. Il y avoit dans le temple un rameau sacré; lout fugitif qui pouvoit l'enlever, avoit droit de se battre avec le grand Sueton.inCaiig. prêtre, et de le remplacer s'il le tuoit. Ce sacrifice, qui teuoit lieu des victimes humaines, m'étonne. Les ecclésiastiques qui fout les institu- tions ne sont guères d'humeur de se faire inunoler e^x-mêmes. Je pense au moins (lue le rameau sacré se gardoit a\ ec beaucoup de soin, et que le combat que Caligula fit faire n'avoit pas d'exemple depuis longtems. Vallis 288 NOMINA, GENTESQUE Ovid. Fast. 1. iii. ValHs Aiiciiiœ sylvâ piaecinctus opacâ ''■ "■ Estlacus; antiquîi religioiie sacer ; Regiia teiient inanibus fortes pedibusque fugaces, Et périt exemplo postmodo quisque suo. strab.Gco.v. p. J. ]. TuscuLUM. TusculuiTi, fondé par Tclcgonus, Ic fils ct Ic iiieui- ciuv. itai. An- tficr d'Ulyssc, étoit fort considérable du tcnis de Strabon. Il étoit placé tjq. I. iii. c. 4. p. 111, 11- ni • / • A / • '.>44. sur le dos d une colline, lous ses envuons (mais sur-tout ce cote qui re- gardoit la capitale) étoient très ornés. Tout auprès Ton voyoit une mon- tagne qui commuuiquoit à celles d'Albe. La bonté de l'air et des eaux l'avoit rempli de palais magnifiques qui formoient un amphithéâtre. La maison de Cicéron étoit au bas de la montagne entre Tusculum et Albe. Horat. Car. Nec Ut superni villa candens Tusculi ^r Epud. i. Circœa tangat mœnia. Id. iii. 9. Telegoni juga parricidse strab. Geo. V. L 1. Pu.ENESTK. Piénestc étoit unc dcs villes les plus fortes de "^^ ' l'Italie. Sa citadelle étoit placée sur un rocher escarpé qui avoit deux stades de hauteur perpendiculaire, et la ville entière étoit percée de toutes parts par des souterrains. Sa force fit enfin son malheur. La première démarche de chaque chef de parti étoit de s'emparer de Préneste ; et la ville innocente éprouva plus d'une fois toutes les horreurs des sièges et des proscriptions. Les sorts de Préneste étoient fameux parmi le petit nom- bre d'oracles qu'il y avoit en Italie. Horat. Car. iii. 4. Frigiduni Preciieste Strab. Geo. 1. V. j j. TiBUR. Ccttc villc, situéc sur les deux rives de l'Anio, étoit p. 164. . . ' fameuse pour son temple d'Hercule. L'Anio formoit une grande chute en se précipitant d'un rocher escarpé près de la ville, après quoi, il passoit auprès des carrières de Tibur, d'où l'on tiro it beaucoup de pierre pour les bâtimens de la capitale. On voyoit aussi les sources froides de l'Albula qui étoient très salutaires en bain ou en boisson. Horat. Car. iii. ^^ semper uduDi Tibur, et .^sulas 29- Déclive contempleris arvutn —^ — ., . _ Densa tenebit Idem, I. 7, Tiburis umbra tui. Idem, iu. 4. Tibur supinum. Tibur ANTIQUiE ITALIA:. £8^ Tibur Argco positum colono, Hovae. Car. ii. Sit niea; sedcs utinam seiiectae, Sit modus lasso maris ct viarum Militiaeque. Ipse Allien (miramla fides) infraque superque Statii Sjlv. i. 3. _,,..,,. . dc villa Tibuiti- Saxeiis ; heic tumulam rabiem spumosaque ponit nl Mania Vo- Murmura f'"" Heic sterna quies ; nuUis heic jura procellis, Nusquam fervor aquis. I. Q. RuTULi. Cette petite cité habitoit vm territoire enclavé clans p'"."' ^l*'' ■'^"'' ^ 1. 111. G. 0> ceux des Volsques et des Latins, qui la resserroient du côté des terres. Elle ne possédoit pas non plus une côte de mer fort étendue, puisque Lavinium et Antium étoient au-delà de ses deux extrémités. Les poètes, qui confondent les Rutuli avec les Latins, pendant que les historiens les en distinguent, me font soupçonner que cette petite cités'étoitdétachéedu corps Latin dans les tems de la fable. Je vois dans le pays des Rutulv trois villes, 1. Ardea; 2. Castrum Inui ; et 3. Aphrodisium. Qui Volusi antiquo dérivât stemmate nonien, Cl. RutUii Iter, Et reges Rutulos, teste Marone, refert. Cette généalogie de 1200 ans auroitété belle au commencement du cin- quième siècle ; mais les critiques ont déjà vu que Rutilius s'étoit trompé et que Volusus n'étoit qu'un simple trompette. I. 2. Ardea. La légende fait voyager d'Argos au pays des Rutuli, sirab^Ceog.i.x. Danaë, mère de Persée, que son père avoit jettée dans la mer enfermée ?'t- Liv. iu. n. dans un tonneau. Elle bâtit Ardée. On connoît assez ce jugement inique, oii les Romains, pris pour arbitres entre les Ardeates et les Ari- cini, se donnèrent à eux-mêmes les terres en litige. Tout peuple auroit pu faire cette injustice, mais tout peuple auroit-il eu la justice dirai-je, ou la politique, de la réparer? Le sénat le fit d'une façon très sage: il en- voya sur ces mêmes terres une colonie d'Ardeates. Les environs d'Ardée souffrirent beaucoup dans la suite des courses des Samnites. Et Turno, si prima domûs repetatur origo, Virg. JEn. vii. Inachus Acrisiusque patres, mediœque Mycenœ. Sacra manus, Rutuli, servant qui Daunia régna. Sil.Ital.Tiii.359. Quos Castrum, Phrygibusque gravis quondam Ardea misit, VOL. 111. P P Protinus 290 NOMINA, GENTESQUE Virg. iln. vii. Protiiius hinc fiiscis tristis Dea tollitur alis *"'■ . Alidads Rutiili ad muros; quam dicitur urbem Aciisionaeis Danaë fundasse coloiiis, Praecipiti delata Nolo ; locus Ardea quondam Dictus avis, et nunc magnum manet Ardea nomen. Sed fortuna fuit, ciuy. itai. Am. I. 3. Hernici. Cette cité, enclavée dans celles des Volsques, des Marscs, des iEqui, et des Latins, et placée aux sources de l'Anio, du Liris et du Trerus, occupoit un petit canton rude et rempli de montagnes. Les seules villes étoient celles de 1. Anagnia, le chef lieu de la cité; 2. Ala- trium; 3. Verulœ; et 4. Ferentinum. Sil. Italie. »iii. Heinicaque impresso raduntur voniere saxa, Queis putri pinguis sulcaris Anagnia glebâ. ' Sylla Ferentinis Piivernatumque maniplis Ducebat simul excitis M. xii. surgit suspeiisa tumenti Dorso, frugiferis Cerealis Anagnia glebis. I. 3. Ferentinum. Lorsque Silius Italiens associe ce peuple à ceux de Privernum, faut-il penser qu'il savoit que cette ville avoit appartenu aux Volsques, et que les Romains, après l'avoir prise, la donnèrent aux Tit. Liv. iv. Herniques? Il avoit lu sans doute Tite Live. Il pouvoit lui être resté une idée confuse de ce passage; mais elle étoit bien confuse, puisque ce démembrement s'est fait deux ou trois siècles avant les guerres Puniques. Le joug Romain s'appesantit beaucoup sur Ferentinum. L^n préteur V. Aui.Gei. X. 3. eut l'insolcnce de faire enlever les deux questeurs. L'un fut précipité apud.Cluv. ^ ^ ^. itai.Aniiq.iii.6. du haut d'un mur, et l'autre fut battu de verges. C. Gracchus avoit bien raison de se plaindre au peuple d'une tyrannie qui blessoit la politique autant que la justice; de pareils traits ont dû aigrir des alliés et amener la guerre sociale. ciuv. itai. An- j ^ VoLsci. Lcs Volsqucs^étoicnt d'une origine très différente des tiqua, I. lu. 7, 8. ^ o Latins, puisqu'ils ne parlèrent pas la même langue. Ils formoient une nation nombreuse et brave, mais qui mettoit dans ses guerres plus d'im- pétuosité et de légèreté que de constance. On les trouve toujours unis avec leurs voisins, mais sur-tout avec les ^qui, contre la république naissante, jusqu'au commencement du cinquième siècle de Rome. Après leur défaite totale on les comprit d'abord dans les alliés du nom Latin, dont ils embrassèrent le parti dans le soulèvement des cités Latines. Leur pays ANTiQU.€ itali;e. 291 pays étoit très étendu. La mer le bornoit depuis Antium jusqu'à Terra- cine. Ses autres voisins étoient les Rutuli, les Latins, les iEqui, les Hcr- nici, les Marsi, les Samnites, la Campanie et le Mont IVIassique, et les Ausones. La nature en a fait le partage en canton des marais Pomptins, et canton des montagnes ; le premier étoit fertile, mais mal-sain. J'y trouve, ]. Antium; 2. Astura; 3. Circeii, son promontoire, etl'Amasenus, le bois de Féronie, l'Ufens; 4. Anxur, ou Terracine, les Lautute. Voilà la côte. 5. Corioli; 6. Longula; 7. Polusca; 8. Suessa Pomctia; 9- Latri- cum entre la Voie Appienne et la mer; mais ces cinq villes paroissent avoir été détruites du tems des rois ou du. commencement de la république; 10. Ulubrœ; ll.Velitrœ; If. Ecetra; 13. Cora; 14. Norba; 15. Signia; 16. Setia; 17. Privernum entre la Voie Appienne et les montagnes sur la Voie Appienne; 18. Très Tabernas, et IQ. Forum Appii. Le pays des montagnes n'étoit qu'un grand bassin, formé par une partie de l'Apennin, le mont Massique, et une chaîne de hauteurs qui communiquoit des monts Albain et Algide au mont Massique. Ce bassin étoit fertilisé par le Liris et les branches dift'érens, le Trerus, la Cosa, le Fibrène, et le Melfes, J'y trouve, 1. Fabrateria sur le Trerus; 2. Frusino sur la Cosa; 3. Inter- amna à la jonction du Liris et du Melfes; 4. Fregellœ; et 5. Sora sur le Liris ; 6. Aquinum ; 7- Arpinum ; 8. Alina ; 9- Casinum, ville frontière du côté de la Campanie. At quos ipsius niensis seposta Lyaei SU. Italie. Tiii. Sitia, et incelebii niiserunt valle Velitm ; Quos Cora, quos spumans immiti Signia musto, Et quos pestiferâ Pomptini uligine campi : Qua Satura iiebulosa palus restagnat, et atro Liventes caeno per squalida turbidus arva Cogit aquas Ufens, atque iuficit œquora limo. Queis Circœajuga et scopulosi verticis Anxur Id. viii. 392. Soreque juventus Id. viii, 396. Addita, fulgebat talis ; hic Scaptia pubes. Hic Fabrateria vulgus ; nec monte nivoso Descendens Atina aberat, detritaque bello Suessa ; atque a duro Fnisiiio baud imbellis aratro. At qui Fibreno miscenteni flumina Lirim SulfureuiD, tacitisque vadis ad litora lapsum p p a Accolit 292 NOMINA, GENTESQUE Accolit Arpinas, accitâ pube Venafro, Et Laiinatum dextiis, socia hispidus anna Conimovet, atque viris ingens exhaiirit Aqidnum. strab. Geog. Ï. I- 4. Antiuw. Lcs Aiitiutcs oiit cu uiic marine, dont ils firent un ^' ' ' mauvais usage, cu courant toutes les mers de la Grèce du tems d'Alex- andre, qui s'en plaignit aux Romains, dont ils dépendoient déjà. Du tems de Strabon, Antium n'étoit qu'un lieu délicieux, une retraite fa- vorite des seigneurs Romains qui y avoient bâti des palais magnifiques. phiiostrat.in Hadricu préféroit le sien à toutes ses autres maisons de campagne. An- Vità Apolloiih. i . r ,. viii. 8. tium étoit si mal peuplé du tems de Néron, que ce prince, qui s'intéres- NeTon.c'.'e. soit pour une ville où il avoit vu le jour, y envoya une colonie de Iw.srt"""'' vétérans ; mais qui ne s'y fixa point. La plupart de ces nouveaux liabitans se dispersèrent dans les provinces où ils avoient servi, et les autres ne laissèrent point de postérité. Horat. Carm. i. O ^'^"^ gratum quœ regis Antium. I. 4. AsTURA. Cicéron avoit une maison de campagne dans cette petite île oi^i tout respiroit la solitude et la méditation. Il y passoit les momens sombres de sa vie. Strab. Geog. V. 1-4. CiRCEii. Cette habitation dcs enchautemens étoit un promon- ^' toire très élevé, que la mer et les marais rendoient presqu'une île. La tradition se conservoit si bien dans le pays jusqu'au tems de Strabon qu'on montroit encore la coupe d'L^lysse. Strab. Geog. T. L 4. Fregell/E. Fregcllœ avoit été conquis par les Samnites sur les p. 165.Cluvier, t t. • ",, , v v ,v v itai.Antiq.i.iu. V olsqucs. Lcs Romams 1 enlevèrent a ceux-Ia, et y envoyèrent une colonie qui devint bientôt si considérable, qu'elle étoit une des plus belles villes de l'Italie, et qu'elle avoit une juridiction très étendue, A. V. C. Tit. Uv. 628. Cette cité se souleva ; le consul Opimius la rasa de fond en comble. Epitom.ix. j)^ ^çj^-jg ^^ Strabon, ce n'étoit qu'un méchant bourg, où les peuples voisins tenoient encore leurs assemblées civiles et religieuses. I. 4. Aquinum. su. Italie, xii. \r . • • « • 528. Strabon. j'^Iox et vicinus Aquuias, Geog. V, p. 164. Et quae fumantetn texere giganta Fregellœ. C'étoit une grande ville du tems de Strabon. ciuvier.itai. I- 4. Arpinum. Cette ville n'est célèbre que pour avoir donné à p."io«. Gicéro I^ome Marins et Cicéron. Ce dernier a immortalisé la maison de cam- deLeg. i.H. pagne que ses pères lui avoient laissée dans une petite île du Fibrenus. Tout ANTIQUiE ITALIC. 29^3 Tout lui plaisoit dans cc séjour; un air sain, un beau paysage, et les vestiges de ses ancêtres. Son père avoit rebâti le château d'une façon élégante ; mais du tems de son grand-père, ce n'étoit qu'une maison rustique semblable à celles des premiers Romains. Hic noviis Arpinas ignobilis, et modo Romae Juvcnal. viii. Municipalis eqiies, galeatum ponit ubique Prassidium attonitis, et in omni gente laborat. Arpinas alius, Volscoium in monte solebat Id. viii. 215. Poscere mercedes alieno lassus aratro. Hic tamen et Cimbros et summa periciila rerum Idem, 249. Excipit, et solus tiepidanteni protegit uibem. I. 4. Castnum. Au-dessus de San Germane s'élève une haute mon- ciuvier, itai. tagne ; c'est à son sommet que St. Benoit, après avoir renversé un temple p.^ioei'varro d'Apollon, fonda, l'an 523, ce couvent célèbre qui est devenu la capitale i|f. 5.^ ^"""^' d'un grand empire religieux. L'ancien Casinum étoit sur le coteau de cette montagne. Varro avoit une maison de campagne sous la ville de Casinum, dont il a laissé une description qui montre assez combien il s'y plaisoit. I. 5. AusoNEs. Malgré la confusion qui règne dans les origines de ciuvier, itai. l'Italie, on voit assez que les Ausones, ou Aurunci, étoient une cité "^"^ '"' Opique, et un des plus anciens peuples de l'Italie. Ils occupoient un petit pays enclavé dans celui des Volsques, et borné par ce territoire, le mont Massique, et la mer. On y trouve, 1. Amyclœ, colonie des Lacédémoniens, qui ne subsista pas longtems ; les vignobles de Cecube ; 2. Caiété, avec son promontoire ; 3. Formiœ ; 4. Minturnœ et le Liris ; 5. Sinuessa. Ces villes étoient sur la côte. Il y avoit eu dans l'inté- rieur des terres, 1. Ausona; et 2. Vescia. Après la destruction de ces th. Liv.ix. 25, villes par les Romains, il paroît que Vescia seule se rétablit. T. 5. Formic. Quelques auteurs ont placé les Lestrigones en Sicile, mais la Géographie des "Voyages d'Ulysse, et la tradition constante du pays, font voir que ceux d'Homère étoient situés auprès de Formiœ. Cicéron périt dans son Formianum. Domusque Sil. Italie, vuî. Antjphatœ compressa freto — Auctore 294 NOMINA, CENTESQUE llorat. C«rn,. iii. Auctore ab iUo ducis originem !?■• Qui Forniiarum niœnia dicitur I'rinceps et innantem Marie» Litoribiis teiiuisse Liriiu Late tyrannus. llorat. Serin, i. In Mamuirarum lassi deinde urbe manemus- 5. -lura qiiœ Liiis quietû Herat. Carm. i. . 31. Moidet aqua, tacituiiius amnis. I. 5. LiKis, Fl. Sii. Italic, iv. Vitiferi sacro eeneratus vertice moiUis, (Massici scil.) 349. -r^ T ■ ■ • Jit Liris nutiitus aquis ; qui tonte quieto Dissimulât cursuin ; ac iiullo niutabilis inibre Perstiingit tacitas genimanti gurgite ripas. strab. Geog. I, I. 5. PoNTiA ET Pandataria. Ccs dcux îlcs etoiciit vis-à-v'is dc "■ **■ " ■ l'ettibouchure du Liris, à deux cens cinquante stades du continent et très proches l'une de l'autre ; elles étoieut petites mais très peuplées. Les empereurs y mettoient bon ordre par les colonies nombreuses d'exilés qu'ils y envoyoient. v.p. 165. I- ^- SiNUEssA. Elle étoit célèbre pour les sources chaudes qu'elle avoit dans ses environs. ciuvier. itai. jj CAMPANIA. Il paroît ouc les plus anciens habitans du pays Amiq.l. iv.c.l. * ■ o- 1 • ' i 1 ■ ^ straboii. Geog. étoicnt Ics Osqucs ou Opiques, nation Sicule, qui s est vue réduite a la Hist. Nat. iii. 5. fin à la seule ville d'Atella, où sa langue et ses arts se sont conservés très i. 16. " longtems. Le reste du pays passa successivement sous la puissance des Etrusques, des Samnites, et des Romains; sans compter les Grecs, qui établirent plusieurs colonies sur les côtes. La Campanie, pays heureux, méritoit bien l'expression énergique de Pline qu'on y voyoit la nature satisfaite et s'applaudissant de son ouvrage. Le climat étoit doux et sain, les côtes offroient cent ports excellens, la mer fournissoit une profusion de poissons les plus exquis. La terre voyoit renouveller deux fois tous les ans ses fruits et ses fleurs. Les vins des coteaux de Massique, de Gaurus, et de Falerne ; les bleds des campagnes fertiles de Capoue, de Stella, et de Cales ; les oliviers de Venafrum, fournissoient à la nourri- ture et au luxe de la capitale. L'art et la richesse avoient perfectionné tous ces bienfaits de la nature, et cette côte de la baye de Naples offroit» avant l'incendie du Vésuve, un spectacle unique par sa beauté. Les bornes ANTIQU^E ITALI^^ '^95 bornes de ce pays étoient la mer depuis Sinuesse jusqu'au promontoire de Minerve, les pays des Picentins et des Hirpini ; le Samnium avec le Vulturnus depuis sa source jusqu'à la rencontre du Sabbatus ; et la Cam- panie avec les hauteurs du mont Massique. Dans cette étendue, je découvre, 1. Vulturnum, et le Vulturnus; 2. Liternum et le Liternus ou Clanis ; 3. Cumes ; le lac Acherusia ; 4. Misenuui et le promontoire ; 4. Baia: ; 5. Bauli ; les lacs Lucrin et Averne ; 6. Puteoli ; 7- Naples et le Vésuve; 8. Herculaneum ; 9. Pompeii; 10. Stabite ; ll.Surren- tum; voilà la côte maritime. Je trouve en-deça du Vulturnus, 1. Ve- nafrum ; 2. Teanum Sidicium ; 3. Suessa Aurunca ; 4. Calatia ; 5. Cales; 6. Casilinum ; 7. Forum Popilii. Je vois au-delà du Vulturnus, l. Capoue ; 2. Saticula; 3. Trebula ; 4. Acerrœ; 5. Suessula; 6. Atella ; 7. Avella ; 8. Nola ; 9. Nuceria. Les principales rivières sont le Vulturnus, le Savo, le Clanis, le Sebethus et le Sarnus. Jam vero quos dives opûm, quos dives avoruin> Sil. Ital. viii. E toto dabat ad belluin Campania tractu. ^^^' Ductorum adventû vicinis sedibus Osci Servabant ; Simiessa tepens, fluctûque sonorum Fulturnum ■ Stagnisque palustre • Idcra, viii.i32. Liternum, et quondam fatoium conscia Cyme ; Illic Nuceria et Gaurtts navalibus acta, Prole Dicarcheâ, multo cum milite, Graia ; Illic Parthenope ac Pœno non pervia Nola ; Allifae, et Clanio contëmptae semper Acerrœ, Sarrastes etiam populos, totasque videres Sarni mitis opes ; illic quos sulfure pingues Phlesrei légère sinus; Miseniis et ardens Ore giganteo, sedes Iihacesia Baii ; Non Prochyte, non ardentem sortita Typhœa Inarime, non antiqui .wjosa Telonis Insula, nec parvis aberat Calatia mûris, Surrentum, et pauper sulci Cerealis yi6e//a. II, Liternum. Sénèque y possédoit la maison où Scipion l'ancien sencc.Epist.so. passa les dernières années de sa vie. Elle étoit bâtie de pierre de taille, avec une muraille et des tours dans le o-oût d'une forteresse. Elle étoit , • 1 TV Plin. Hist. située au milieu d'un bois d'oliviers et de myrtes ; on voyoït de ccux-la Natur. xvi. 44. du 296 NOMIKA, GENTESQUE du terns de Pline, qui avoient été plantés de la main de Scipion deux cens cinquante ans auparavant. On y voyoit un beau réservoir capable (i'abreuver une armée, et un petit bain étroit et ténébreux à la mode des anciens. Sirabon Geog. jj Heuculaneum. Lcxtrémité de la ville s'avancoit dans lamer. 1. V. p. 170. _ _ -> Le vent Jfricus, en la rafraîchissant, la rendoit très saine. stab. Geog. V. ii_ Monts Vesuvius. Le sommet de la montaccne, plein de fentes p. 170. . et de cavernes, montroit assez, du tems tie Strabon, qu'elle avoit autre- fois jette des flammes. On croyoit que le souffre et les cendres contri- buoient beaucoup à fertiliser les campagnes voisines. V. ciuyier, Kai. JJ Falernus. Jc vois quc Ics aiicieus confondoient souvent les Aiitiq. I. IV. c. j. 1 p. 1172. noms de Massicus, Falernus, Faustianus, Gauranus, et Amineus. Jc sens que tous ces vignobles étoient dans le voisinage les uns des autres, mais je voudrois pouvoir les distinguer. Veil. Patercui. n. Capua. Les Etrusqucs fondèrent ccttc ville vers fan 800 avant I. u e. 7. _ ^ l'ère Chrétienne. C'est le sentiment de Velleius Paterculus ; et jc pense avec lui que celui de Caton, qui ne place cette fondation qu'eu 470, resserre trop de révolutions dans des limites trop étroites. Capoue, • nommée par les Etrusques Vulturnum ou Alturnum, est à peine connue des anciens dans cette première époque, jusqvx'à celle où les Samnites Tit. Liv. iv. 37. s'en emparèrent par trahison, A. U. C. 423. Le luxe et la douceur du climat produisirent bientôt .son effet. Les petits-lils de ces montagnards féroces étoient à peine des hommes, et cela pendant que leurs compa- triotes se distinguoient par leur valeur dans le Bruttium et la Sicile. v. Clavier, itai. Lorsqu'cn 343 ils implorèrent le secours des Romains contre les cités ^"j"j; iÔ89. Samnites, ils paroissoient avoir oublié leur origine; ils ne regardoient i^xïi!!xiv"^xv ^^ peuple que comme un ennemi étranger. Cette circonstance, et le nom inconnu de Campanï qu'ils s'étoient donnés, me feroit conjecturer que la colonie Samnite étoit peu nombreuse, et que dans la formation de la nouvelle cité, on fut obligé de conserver quelques-uns des anciens Tit. Liv. vii. 30. habitans, et peut-être même dappeller les peuples voisins. Les Romains prirent la défense de Capoue, sujette de son propre aveu, alliée par la grace et la politique de la républicjue. Après la bataille de Cannes, elle v. T;t. Liv. préféra lalliance du vainqueur, qui la vit prendre sous ses yeux parles Consids, A. U. C. 543, A. C. 211. Les Romains usèrent durement de la victoire. On fit périr tout le sénat par la main du bourreau, on ré- légua XXII). XXVI. XXVll. ANTIQUE ITALIC. 297 légua les foibles restes de la nation, on détruisit la cité de Capoue. On délibéra longtems sur le sort de la ville. On la conserva enfin pour servir de retraite aux paysans qui faisoicnt valoir le domaine de la ré- publique, ces riches canipag-nes autour de la ville. Rullus le Tribun v. ciceron. de ' .... -1 • Leg.Agrar. proposa une loi agranenne pour distribuer aux citoyens ce revenu lecoQt.Ruii.it. plus assuré de l'état. Sans les lumières et l'éloquence de Cicéron il eut ~ peut-être réussi, comme César le fit pendant son consulat, A. U. C. 694. Sueton. m Jui. Il partagea les champs de Capoue et Stellatin parmi vingt mille citoyens ; à qui il donna ^\^ jugera par tête en celui-là et douze dans celui-ci. Il envoya en même tems une colonie à Capoue, qui devint assez consi- dérable, le siège du consulaire de la Campanie, et la huitième ville de l'empire. Capoue étoit située au milieu d'une belle plaine au pied ciuvier, itai. du mont Tifata, et à trois milles de la rive gauche du Vulturnus. Mais p n^r. entre 851 et 856, le comte et l'évêque, voyant que les incendies et les courses des Arabes l'avoient presque ruinée, la rebâtirent sous le même nom, et la placèrent auprès du Vulturnus et sur les masures de l'ancien Casilinum. Les auteurs qui parlent du luxe de ces anciens Campani corrompus par leur commerce, leur richesse, et la fertilité de leurs terres, font à peine mention de leur goût pour les arts. Je vois qnJlbana et Seplasia étoient deux places remplies de tous les instrumens des plaisirs ; je ne vois aucun de ces ouvrages qui immortalisent un peuple. Taren- tum remplit la capitale de ses tableaux et de ses statues, mais il ne paroît pas que Capoue rendit beaucoup, quoiqu'assurément on ne l'épargna pas. Talem dives arat Capua, et vicina Vesevo Virgil. Georg. ^ . 1. ii. 224. Orajugo In primis Capua, heu ! rebus servare serenis Sil. Italie, viii. Inconsulta modum, et pravo peritura tumore. " ' Nec Capuam pelago, cultûque penûque potentem, Auson. de clarii Deliciis, opibus, famâque priore, silebo, Fortunâ variante vices, quœ fréta secundis Nescivit servare modum ; nunc subdita Roniae, .Smula tune ■ Illa potens opibusque valons, Roma altera quondam Comere quse paribus potuit fa.stigia conis, Octavum rejecta locum vix pone tuetur. VOL. m. «i Q I-es 298 NOMINA, GESTESQUE Cicer. de Lf {;. Agar. ii. 32. ritiv. itoi. Antiq. I. iv. c. 5, p. 1178. Tit. Uv. iv .37. Sil. Italic, xii. 486. Cluvier, Il:il. Antiq. I. iv. c. 5. Strabon. Geog. T. p. 173. Les Romains pcn.soicnt (juil n'y avoit que trois villes, Carthage, Coriuthe, et Capoue, en état de soutenir dignement le fardeau d'un grand empire. Le montTifata étoit cette chaîne de collines qui s'étend du Vulturnus au-dessus des ruines de Capoue, de la ville de Caserta, et des bourgs de Matalone et d'Arvenzo. Elle dominoit Capoue ; mais il y avoit entre le pied de la montagne et la ville une plaine assez grande pour y mettre en bataille une troupe nombreuse. Sil. Italie, viii. 584. Horat. Epist. i. 1. Horat. Epist. i. 4. Horat. Epist. i. 7. IJem. i. 5. •— — ArdiHis ip.se Tifata iiivadit propior, quà inœnibus instat Collis, et e tiimulis subjectam despicit urbem. III. PICENT.INL Ce peuple étoit une colonie que les Romains avoiont tirée des Piceni de la mer Adriatique. Les Picentini ne leur demeurèrent pas attachés pendant la guerre d'Hannibal; et le sénat les en punit en détruisant leurs villes pour ne leur plus pemiettre de de- meurer que dans des bourgs ouverts. Leur pays s'étendoit du pro- montoire de Minerve au Silarus. J'y trouve, 1. Picentia, chef lieu de la cité; 2. Salernum dans les montagnes, (celui d'aujourd'hui est sur les bords de la mer ;) les Romains y envoyèrent une colonie, la septième année après la seconde guerre Punique ; 3. Marcina. Ille et pugnacis laudavit tela Salerni, Falcatos enses IL Bai^. NuUus in orbe sinus Baiis prselucet atnœnis. Si dixit Dives ; lacus et luare sensit amorem Festinantis heri locuplcs quçm ducit priva triremis. I. 1. Pedana Regio. Quid nunc te dicam facere in regione Pedanâ ? I. 1. yVlba. Quod si bruma nives Albanis illinet agris, Ad mare descendet vates tuus, et sibi parcet. I. 5. SiNUESSA. Vina bibes, iterum Tauro, diffusa palustres Inter Mintnmas Siniiessanumque petrinum. I. 4. AquI' J. 4. Aquinum. qui Sidonio contendere callidiis ostro lîorat. Eplst. Nescit Aquinatem potaiitia vellera fucuin. '■ ^'^' I. 5. Gabii et Fidkn^. Scis Lebedus quid sit; Gabiis desertior atque Horat. Fidcuis vicus . ^P"'-'- "• III. Salernum. Quœ sit hiems Velia;, quod ccelum, V«la, Salami ; Ilor. Epistoi. Quorum hominum legio, et qualis via ; '' Major utruni populurn frumenti copia pascat, Collectosue bibant imbres, puteosue perennes Dulcis aqua; : (nam viua nihil moror illius orae. Tractus uter plures lepores, uter educet apros; Utra magis pisces et echinos aequora cèlent ; Pinguis ut iude domum possim Phafaxque reverti. 1. Feronia. On ii'élevoit plus de tours entre Feronia et Terracina Piin. HUt. parcequ'elles étoient toutes frappées de la foudre. 2. PiTHECus^ Insula. Ou dit que les îles de Pithecusa et de Pro- idem. u. es. chyte étoient sorties de la mer par un tremblement de terre. 3. PuTEOLi ET SiNUEssA. Les cxlialaisons de ces endroits étoient Hem. ii.93, mortels pour les animaux, et quelquefois pour les hommes. 4. Bai^. Il y a des sources chaudes, dans la mer même. idem. a. 103. 5. Aricia. Il y a des auteurs qui disent que la terre y est si remplie idem.ii. lor. de chaleur, qu'un charbon qui tombe s'enflamme tout de suite. Cineas, ambassadeur de Pyrrhus, remarqua que les vignes s'y élevoient idem, «i». 2. à une grande hauteur, mais que le vin avoit un goût dur et désagréable. 6. Campania. Ses habitans attachoient toujours leurs vignes à des Wem.xiv, s. peupliers. 7. Sktia et C;ECUBuji. Auguste préféroit le vin de Setia à tous les idem.xiT. «. autres. Celui de Cascubum avoit auparavant la grande réputation; mais du tems de Pline il étoit tout à fait tombé, plutôt par la négligence des cultivateurs que par le canal que Néron avoit fait tirer à travers leurs marais. 8. Falebnum (Vinum). Le vin de Falernum étoit le second en idem, si».*,. dignité. Le raisin n'en étoit point agréable non plus que celui des Q Q 2 deux. 300 NOMINA, GENTKSQUE «leux autres. Le Gaurum et le Faustinuni en étoient des crus difFérens, On le gâta à la fin, à force d'en vouloir trop avoir, piin. Hist. n. Albanum (Vinu7n). Ce vin d'Alba tenoit le troisième ranc-. Il Nutur.l.iir.6. , . ^ etoit fort doux. tnde forum Appî '•^' Differtum uautis, cauponibus atque malignis. 47. Antium. Après la guerre des Latins, on envoya une nouvelle co- lonie à Antium, avec droit de bourgeoisie. Mais on emmena les ga- lères des Antiates et on leur interdit la navigation. ][îêrv've'ii''pat. ^^- Setia. On y cuvoya uuc colonic, A.U.C.372. i.i.c,i4,i5. 49. Arigia A.U.C.413. 50. Cales ' A.U.C.433. 51. Fundi A.U.C.436. 52. FoiiMi.ï. ANTIQU/i; ITALIX. 30.Î 52. FORMI/E A.U.C.436. 53. AcEUR^E A.U.C.457. 54. Tekracina A.U.C.440. 55. LucERiA. A.U.C.444. 56. SuESSA AuRUNCA '. A.U.C.447. 57. Saticula A.U.C.447. 58. SoRA. A.U.C.459. 59. MlNTURN^. A.U.C.459. 60. SiNUESSA A.U.C.459. 61. PUTEOLI. . A.U.C.575. 62. Salernum A.U.C.575. 63. Fabrateria A.U.C.630. 64. FuEGELLiÇ, A.U.C.514. Le calcul de Velleius paroît un peu embrouillé pour qui voudroit l'éplucher un peu soigneusement. Dans cette réduction je me suis par- ticulièrement attaché aux consulats qu'il a indiqués comme aux dates les mieux constatées. 65. Ostia. Le Tibre, avant que de se jetter dans la mer, se partage en deux bras qvd forment l'île sacrée. La ville dOstie est située à l'une Berg. Grands des embouchures sur le continent, et le fameux port du même nom à c. 27. !> 'ti7.' l'embouchure septentrionale aussi sur le continent. Comme le limon qui 49; \^,sn— ° remplissoit ces embouchures, empêchoit les grands vaisseaux de s'ap- ^'^ procher des côtes, Jules César conçut le dessein de ce port, mais ce fut Claude qui l'exécuta avec des dépenses prodigieuses. Il fit creuser un grand port, bâtit deux grandes levées de terre et de maçonnerie, pour en embrasser le contour, et construisit à l'entrée une île artificielle, dont on appuya les fondemens sur le fameux navire qui avoit apporté l'obélisque d'Alexandrie. Sur cette île il éleva un phare. Dans la suite Trajan ré- para cet ouvrage. Comme le chemin du port étoit très fréquenté, on l'avoit partagé en deux parties, l'une pour ceux qui alloient à Rome, l'autre pour ceux qui en revenoient. 66. Laurens. La maison de campagne de Pline étoit à dix-sept prm.Epist.i. milles de Rome. Pour y aller on suivoit le chemin de Laurentinum jus- qu'au quatorzième milliare, ou celui d'Ostic jusqu'au onzième. La route est en partie sablonneuse, et fatigante pour les voitures, mais très agréable lorsqu'on la fait à cheval. I^ variété du pays, les prés, les pâtu- voL. III. R R rages. .-^ 506 NOMINA, GENTESQUE Juvenal. Salir. 111. 70. Juvenal. Satir. xa. 75. Virg. .ïncid. vii. 10— 21. Idem. vii. 1 . BcFg. Grands rages, et les troupeaux nombreux de bœufs et de chevaux qui descen- dent des montagnes pour y jouir du soleil du printems, tout contribuoit à embellir ce canton. On y manque d'eaux courantes, mais on creuse par-tout des puits, et l'on trouve toujours très près de la surface une ex- cellente eau, que le voisina^ge de la mer n'a point corrompu. On a beau- coup de bois et de lait, mais la mer n'est pas poissonneuse. Il y a beau- coup de maisons de campagne le long de cette côte. 67. Alba. gratus Tiilo, Atquc iiovercali sedes prœlata Lavino, Coiispicitur sublimis apex: cui caiulida iiomeu Scrofa dedil, laitis Phrjgibus nilrabile sumeii. Et maïquam visis triginta claia mamillis. 68. OSTIA. Tandem intrat positas inclusa per œquora moles, Tjrihenamque Pliaron, porrectaqiie brachia rursuin Quae pelago curruiit medio, loiigeque relinquunt Itaiiam; non sic igitur mirabere portas, Quos natura dédit ; 69. ClKCEIUM. Pvoxima Circaeîe raduntur litora terrœ; Dives iuaccessos ubi Solis iilia lucos Assiduo tesoiiat cantû, tectisqiie superbis Urit odoratam uocturna in lumina cedrum, Argiito tenues percurrens pectine telas. Hinc exaudiri gcmitus, iraeqiie leonuni Vincla recusantum, et sera siib nocte rudentum : Setigerique sues, atque in praisepibus ursi Stevire, et formœ magnorum uhilaie luporum : Quos hominum ex facie Dea sœva potentibus herbis Induerat Circe in vultus et terga feraruni. 70. Cajkta. Tii quoque litoribus nostris, lEneïa nutrix, iEternam moriens famam, Cajeta, dedisti: Et nunc serval honos sedem tuus; ossaque nomen Hesperiâ in maguà (si qua est ea gloria) signant. 71. LucuLLi ViLL^. Lucnllus tira de quelques jles du Nil un beau marbre AVTIQUiE ITALIC. 307 marbre noir, dont il se servit beaucoup dans ses bâtimens. Il fut le seul J'"^™"*-'- '•'• particulier qui donna son nom à une espèce de marbre. 72. CuMiE. La ville de Cumes, la plus ancienne de toutes les colo- strab. i. v, p. nies Grecques en Italie, fut fondée par ceux de la ville de Cumes en Asie, e-t ceux de la ville de Chalcis dans l'île d'Eubée. Les comnience- mens de la colonie furent brillans. Elle étendit bientôt sa domination sur les cliamps fertiles qu'on nommoit Phlégréens; mais les Campaniens la soumirent enfin, et traitèrent ses habitans avec beaucoup de tyrannie et d'indignité. Il reste encore quelques vestiges des mœurs et des usages Grecs. Auprès de la ville il y a un assez grand bois dont le terrein est sablonneux et sans eau. Ce fut là que Sexte Pompée rassembla sa flotte de corsaires. Un endroit qui manquoit d'eau me paroît un singulier rendez-vous pour une escadre. tandem Euboïcis Cumariim acllabitur oris. Vù-g. ^aeid. i. Ti, 2. At pius iEneas arces qiiibus altus Ap.ollo Id.ti. 9. Prassidet, horrendœqiie procul sécréta Sibyllie, Antrum immane, petit; magnam cui menteni aniaiumquc Deliiis inspirât vates, aperitque futura. Jam subeunt Trivioe lucos, atque aurea tecta. Daedalus, Chalcidlcâque levis tandem super adstitit arce. Id. Ti. ir. Redditus hic prinium terris, tibi, Phœbe, sacravit Remigium alarum, posuitque immania templa. ■ vocat alta in templa sacerdos. Id. vi, il. Excisum Euboïcœ latus ingeus rupis in antrum, Quo lati ducunt aditus c-entum, ostia centum : Unde ruunt totidem voces, responsa Sibyllse. Quamvis digressû veteris confusus amici, Juvenal. Satlr. Laudo tamen vacuis quod sedem figere Cumis "'■ •'""'■ Destinet, atque unum civem donare Sibyllse. Janua Bajarum est, et gratum litus amœni Secessfis, Peu de tems après la guerre de Troie les habitans de Chalcis fondèrent veii. Patercui. la ville de Cumes. Hippocles et Megasthènes y conduisirent une flotte "^l'EdirBar- rrS dont"""' 308 NOMINA, CENTESQUE dont le cours étoit dirigé (dit-on) par une colombe qui les précédoit tou- jours ; ou selon d'autres, par des sons d'airain semblables à ceux dont on se sert dans les rits de Cerès, et qu'ils entendoient pendant la nuit. Cumes envoya bientôt une colonie qui fonda Naples. La belle situation de Cumes et sa fidélité aux Romains l'ont fait fleurir, mais le voisinage des Osci lui a fait perdre les mœurs Grecques en bonne partie. La grandeur des murailles montre quelle a dû être l'ancienne splendeur de cette ville. Selon Eusèbe, Cumes ne fut fondée que 311 ans après la guerre de Troie. Sirab, Geog. 1. Naples. Naplcs cst une colonie des Cuméens. Comme elle s'est V. p. 170. '^ . . distinguée par sa fidélité aux Romams elle a mieux conservé les mœurs Grecques. Son ancienne grandeur se prouve également par l'étendue de ses murailles. Naples, fondée originairement par les Cuméens, fut obligée de recevoir dans la suite une colonie de Campaniens, ce qui a un peu mélangé les mœurs. Celles des Grecs l'emportent cependant de beaucoup. On y voit des confrairies religieuses, des lieux d'exercice pour la jeunesse, des combats gymniques célébrés par l'ordre d'un ora- cle, auprès du tombeau de Parthenope, une des Sirènes. La beauté du lieu, les bains chauds qui sont très oniés, et les usages Grecs qui y régnent, en font une retraite charmante pour ces Romains que l'âge, les infirmités, ou le caractère ont dégoûté du tracas des affaires, et de la ca- pitale. Virg. Gecrg. I. Illo Virgilium me tempore dulcis alebat Parthenope, studiis florentem ignobilis otî. Tacit. Ann. xv. Néron la choisit conmie une ville Grecque, pour y faire le premier sucton. in Ner. essai dcs théâtres publics. Il y chanta à une assemblée très nombreuse, avec tant d'ardeur, qu'un tremblement de terre, qui ébranla le tliéâtre,. put à peine l'interrompre. A son retour des jeux de la Grèce, il suivit tous les usages des vainqueurs. Il fit son entrée dans Naples par une brèche faite exprès, et dans un char de triomphe, attelé de chevaux blancs. jiist. Civile de Elle étoit ville libre et alliée; du tems des Romains, se gouvernant Kapics parGi- . , annone, T. i. p. par SCS proprcs loix, et ne devant pour tout tribut que le secours de ses vaisseaux en tems de guerre. Elle refusa même la bourgeoisie de Rome. Enfiiii ANTIQUiE ITALIiï. 309 Enfin sous les empereurs, elle devint colonie. Parmi ses confrairies, les plus connues étoient celles d'Eumclus, d'Hebon, de Castor, et d'Aristée. MlSENUM. At plus yEneas ingenti mole sepulchrum ■ Virg. ^ueid. vi.. . 232. Imponit, suaque arma viro, remumque, tubamque, Monte sub aërio, qui nunc Misenus ab illo Dicitur, aeternumque tenet per secula nonien. Auguste fit faire un beau port à Misenum capable de recevoir un Berg. Grands 1 1 1 • fiv ï-i/ii-i/i l•/^l Chemins,!. i».c. grand nombre de vaisseaux; ce rut la qu u établit la flotte destmée a la 49. p. en. garde de la mer Toscane. Néron ayant ordonné à ses galères de revenir en Campanîe, à un jour précis ils partirent de Formies, mais ayant rencontré une tempête fu- rieuse, elles ne purent point doubler le promontoire de Misenum, mais elles échouèrent sur la côte de Cumes. PuTEOLi. Cette ville est appellee Puteoli par les Latins, et Dicasar- ciuvier.itai.An- ^ '^^ / . liq.l.ir.p.lisr. chia par les Grecs. Ce n'est pas que les poètes Romains ne se servent quelquefois du nom de Dicœarchia, et que les historiens Grecs, qui ont vécu sous lempire Romain, ne la nomment quelquefois Puteoli. Elle fut bâtie par les Samiens la quatrième année de la soixante-quatrième Olympiade, 521 ans avant Jésus Christ. Elle n'étoit dans le commencement que le port de Cumes, située sur strab. Geog. i.- ^ l ' V. p. 169. le bord du rivage. Dans la seconde guerre Punique, ses habitans la pla- cèrent là où elle est actuellement, dans un terrein rempli de soufre, de volcans, et de sources minérales. Elle est très commerçante; ses ports et ses moles sont construits avec beaucoup d'art. Un sable dont on fait un ciment qui se durcit dans l'eau, leur donne une grande facilité à faire toute sorte d'ouvrages dans la mer. Du teras de Cicéron Puteoli étoit ville libre et autonome. Gicero in Rui; de Leg. Agrar. Néron donna à l'ancienne ville de Puteoli les droits d'une colonie et Orat.ii. 31. Tacit. Ann. xiv. son propre nom. 27. Les habitans de Puteoli érigèrent à Antonin le pieux, un arc de tri- Berg. Grands ■ //i , 111 Ml TT 1 r- Chemins, I. ii.c. omphe, pour avoir réparé le port et les moles de leur ville. Un golfe 40. p.300. de trois mille six cens pas Romains de largeur sépare les villes de Pu- teoli et de Baies. Ce fut là que Caligula fit construire son fameux pont, idem, 1. iv. c. Il le composa de navires ronds, accouplés deux à deux, et arrêtés à leurs suéron. in'caii- ancres. Il les couvrit ensuite d'une levée déterre, qu'il fit paver de ^" ' *^' *^' grands 310 NOMINA, OETfTESQUE grand-* carreaux de pierre. II passa en triomphe sur ce pont deux Jour^ consécutifs. Le premier jour h cheval portant la cuirasse d'Alexandre, et le lendemain dans un char attelé de deux chevaux célèbres, toujours environné d'un grands corps de cavalerie et d'infanterie, qu'il harangua sur le pont, et à qui il fit une distribution d'argent. »<•»«! OriiKis Dans le chemin de Puteoli à Naples se trouve la montas^ne de Pausi- Tacit '-Vn^r^il^ lipus qui s'étcud jusqu'à la mer. On l'a percé à jour pour y faire un S8. vi.ïd. passage souterrain où deux voitures peuvent passer de front. Il a en- viron un mille de longueur, sur douze à quinze pieds de largeur et de hauteur. Il ne reçoit l'air et le jour que par plusieurs soupirails. Stra- bon attribue ce grand ouvrage à un certain Cocceius, (celui peut-être dont Tacite fait mention,) mais la tradition du pays le donne à Lucullus. Quoiqu'il en soit, le roi Alphonse d'Arragon le répara, et le viceroi Don Pierre de Tolède l'acheva. siiab. Gcog 1. Baj^e. Le luxe et la santé attirèrent les Romains à Baies, dont la V. p. 163—170. . . , . , , • / , V 1 • T>. situation étoit charmante, et les eaux minérales très saUitaires. Des maisons de campagne couvroient tous ses environs. Les bains sont nombreux et magnifiques, et l'on a construit autour d'eux une ville nou- velle aussi grande que Puteoli. Horat. Carm. I. Tu secanda marmora Locas sub ipsum fanas, ac sepulchri Inimemor struis doinos; Marisque Baiis obstrepentis urges Sunimovere litora, Parum locuple» continente ripa. Juv. Sat. xi. 49. Qui vertêre solum Bajas et ad Ostia curruut. Lut'RINUS ET AvEKNUS LaCUS. Virg. Geog. l.ii. An memorem portus Lucrinoque addita claustra, 161—165. . ,. "^ . .. ., Atque ludignatum magnis stridoribus œquor: Julia qua ponto longe sonat unda refuso, T^rrlienusque fretis immittitur îestus Avenus ? strab.Gcog.iv. Ce fut Agrippa qui fit tous ces ouvrages. Voici l'idée qu'on peut .scrv. adioc. s'cu faire en combinant les récits de Strabon et de Servius. L Le lac Virgil. T • • Lucriii étoit proprement un golfe long et étroit; mais comme l'idée d'en faire un port s'étoit présentée aux anciens habitans du canton. Agrippa trouva une levée de terre qui traversoit son embouchure, et qui étoit assea ANTIQUE ITALIiC. "311 assez large pour porter un cliariot; il la fit rétablir dans toute sa lon- gueur qui étoit d'un mille; y laissant une ouverture (apparemment au moyen d'un pont-levis) pour les vaisseaux. Ce port n'a jamais cepen- dant pu servir que pour les plus petits vaisseaux ; mais la pèche des huî- tres y est très considérable. 2. Il fit couper une communication entre le lac Lucrin, et celui d'Averne qui n'en étoit séparé que par une petite langue, et fit entrer la mer dans ce dernier, qui étoit situé plus dans l'in- térieur des terres. Agrippa en fit un port très magnifique et très com- mode pour la réception des vaisseaux. 3. Le lac Averne étoit dans un emplacement singulier. Des montagnes escarpées, couvertes de forêts anciennes et sombres, l'environnoient de toutes parts, et ses eaux étoient très profondes même tout près des bords. Il étoit devenu le théâtre des fables. C'étoit le lac infernal d'Homère ; on voyoit tout auprès la fon- taine de Styx ; jamais oiseau n'avoit pu traverser l' Averne sans y tomber mort. Ses rivages étoient remplies des habitations des Cimmériens ; c'étoient des mortels (dirai-je, ou des ombres) qui demeuroient dans des maisons souterraines où ils ne voyoient jamais le soleil. Agrippa fit cou- per CCS bois, les environs du lac se défrichèrent et se peuplèrent bientôt, et toutes ces fables disparurent. Prochyta et PiTHECus.iT;. Ces îles (le sepulchre fabuleux de Ty- Strabon. idem. . . , i.T-p.in. plion) paroissent assises sur des feux souterrains, qui percent très souvent par les volcans et les tremblemens de terre, et toujours par les eaux chaudes. Un tremblement de terre détacha Prochyta des autres îles. Capre^e. Il y avoit auparavant deux bourgs. Du tems de Strabon Weni.i. t. p. il n'en restoit qu'un seul. Auguste rendit les îles Pitécuses aux Napoli- tains en échange pour celle-ci, qu'il s'appropria, et où il fit beaucoup de bâtimens. Tibère goûta beaucoup cette île; la beauté de la vue, (de cette côte Tadt. Aun. !v. de Campanie si belle avant l'éruption du mont Vésuve.) la douceur du Sucton. in Tiber. ' \ . . , c. 41— 48— 72. climat, le promontoire de Surrentinum dont elle n'étoit éloignée que de trois milles; tout en faisoit une retraite délicieuse: pendant qu'une mer. orageuse, des rochers qui l'entouroient et qu'on ne pouvoit gravir que par un seul endroit, la rendoient une solitude digne du caractère sauvage et soupçonneux de ce tyran. Il y bâtit douze maisons de campagne pour les différentes saisons ; toutes dignes de la magnificence et de la débauche du maître. Les bois étoient remplis de lieux de prostitution, et des sa- tyres 312 NOMINA, GENTESQUE tyres et des nymphes ne les laissoient point oisifs. Tibère se fixa à Ca- prées A. U. C. 780, et dans dix ans, jusqu'à sa mort, il n'en sortit que deux fois. Sect. IX. LUCANIA ET BRUTTIUM. V. riiaiia Ami- LuCANiA. Le sang unissoit les Lucaniens et les Brutticns avant que qua de Delisic. "^ _ ' ciuv. I. iv. c. H. les Romains en formassent une province. L'un et l'autre peuple sortoient et Strab. Geog. ,„.,,,. . t ' , vi. p. 175. des Samnites, dont les colonies successives se poussoient peu a peu jusqu'à l'extrémité de l'Italie. On ignore l'époque où les Lucaniens se détachèrent du corps des Samnites, mais on sait que vers Tan 356 avant J. C. une grande multitude de bergers Lucaniens se jettèrent sur les dé- bris de la monarchie de Syracuse et prirent la forme d'une nation et le nom de Bruttiens. Quelques-uns ont cru que c'étoit un sobriquet injurieux d'esclaves fugitifs (jue leurs voisins leur donnoient. Cette région étoit la seule qui s'étendit aux deux mers, jusqu'au Silarus sur la mer Toscane qui la sépaioit de la Campanic, et jusqu'au Bradanus sur le golfe de Ta- rente qui la divisoit de l'Apulie. Ces deux nations demeurèrent toujours fidèles à leurs ayeux Samnites et souffrirent avec eux. Des revers per- pétuels les avoient tellement abattus que du tems de Strabon ils vivoient épars dans quelques bourgades obscures et foibles, ayant perdu leurs usages, leur langue, et tout ce qui peut distinguer un corps politique. On ne peut suivre une autre méthode, en parlant de cette province, que celle-ci, 1. La Lucanie propre, et 2. Le Bruttium. ciuvier, itai. LucANiA Propria. Lcs bomcs de la Lucanie sont faciles à marquer. Du côté des terres c'étoient celles de la région. Le Laus sur la mer Tos- cane et le Crathis sur le golfe de Tarente la séparoient du Bruttium. L'Apennin la coupoit du nord au midi, et formoit ainsi deux parties, dont celle du golfe de Tarente étoit une grande et belle plaine arrosée de vingt rivieres. J'y trouve, 1. Sybaris, ouThurium : 2. Zagarina; 3.11e- racleaentrele Sirisetl'Aciris; 4. Metapontum ; 5. Gruraentum; et6. Aca- landra. L'autre côté de l'Apennin n'offroit qu'un pays plus étroit et en gé- néral sablonneux et peu fertile. J'y vois, l.PœstumouPosodonium; 2. Elœa ou Velia; 3. Pyxus ou Buxentum. Je ne parle pas de quelques bour- gades dont nous ne connoissons cjue les noms. Sybauis. ANTIQUiE ITALIyE. 313 Sybaris. Cette ville Grecque, située entre les deux rivières Sybaris y- Ç'"''",' !'*" 1 ' •'lia Alitiq. 1. IV, et Crathis, et qui s'étendoit de l'une à l'autre dans un espace de cinquante c. m. p i263— stades, devint puissante bientôt. Elle avoit rangé sous ses loix quatre nations strab. Gcog. vi. barbares; vingt-cinq villes lui obéissoient. Elle mettoit sur pied trois cens milles hommes : il y a sûrement de l'hyperbole; quand ce nombre seroit celui de tous ses citoyens et sujets en age viril, il nous donneroit encore pour cet état près de ^00,000 âmes. On peut s'en contenter. Son luxe égaloit sa puissance. Ses festins se préparoient une année à l'avance, et lorsque les citoyens voyageoient ils efFaçoient la magnificence des plus grands rois. Les Crotoniates détruisirent Sybaris et sa puissance 5 10 ans avant J. C. Ses malheureux citoyens, dispersés par toute la Grèce, en- gagèrent les Athéniens à rétablir leur ville l'an 452. Thessalus, à la tête d'une colonie nombreuse, la rebâtit avec beaucoup de régularité, ayant tiré au cordeau trois grandes rues, coupées par quatre autres. Bientôt la discorde se mit dans l'état à l'occasion du partage des terres. Les nou- veaux citoyens exterminèrent les anciens, et demeurèrent maîtres de la ville sous le nom de Thmnimi. Elle fleurit pendant quelque tems. Ri- vale malheureuse de Tarente, elle se mit sous la protection des Romains qui lui envoyèrent une colonie. Elle prit alors le nom de Copicc, mais elle ne regagna plus son ancienne splendeur. Lagaria, colonie des Phocéens ; son vin étoit doux, et très estimé par strab. Geog. i. vi. p. 182. les medecms. piin. Hist. Nat. Heraclea, colonie des Phocéens. On y montroit un Palladium, re- s'rab. Geog. i. lique fameuse qu'on se vantoit aussi de posséder à Rome, à Lavinium, et "'' P' dans plusieurs autres endroits. Metapontum. La tradition veut qu'un capitaine Pylien, séparé par ^Î"*'jg3°^rji une tempête de Nestor son chef dans leur retour de Troie, ait fondé Me- Paterc. i. i. c. i. tapontum; mais l'histoire en fait une colonie des Achéens que les Lacé- démoniens avoient chassé de leur pays : aussi furent-ils toujours les enne- mis implacables de ceux de Tarente. La vigne est quelquefois très grande; il y en avoit des colonnes dans piin. Hist. Na- le temple de Junon à Metapontum. PjEstum. Cette ville, nommée par les Grecs Po^/Wowiwm, et qui a sirab. Geog. i. donné son nom au golfe oij elle est située, est une colonie Dorienne, qui a passé successivement aux Sybarites, aux Lucaniens, et aux Romains. Elle est située auprès du Silarus. VOL. m. s s Ou 314 NOMINA, GENTESQUE ciuv. Tiiii. All- On voit, auprès de Paestum, un étanjij salé, d'où sort une rivière de tlq.l. iv. c. 14. ' ' , , -11 p. l'iib. la même qualité, qui, après un cours de deux milles, se perd dans les ma- rais, et rend le climat de Pœstum assez mal sain. Ce fut auprès de cet étang, Stagnum Salsim, que Crassus remporta un avantage sur les gla- diateurs. Sil. Italie, viii. quem Picentia Paesto Misit, Virg. Gcorg. iv. Forsitau et pingues horlos quae cura colendi Ornaret, caiiereni, biferique rosaria Fasti. Veii.Paterc. i. Lçg Romains envoyèrent une colonie à Pœstum A U. C. 480. strab.Geog.i.v. pLuvius SiLARUs. Lc Silarus, qui reçoit le Tanagrus, a la propriété de changer en pierre le bois qu'on y jette sans lui faire perdre sa couleur ni sa figure. Virg. Geog. iii. Est lucos Silari circa, ilicibusque virentem Plurimus Alburnum volitans, oui nomeii Asilo Romanum est œstron Graii vertere vocantes : Asper, acerbà sonans : quo tota exterrita sylvis Diffiigiunt armeiita, furit mugitibus iether Concussus, sylvaeque, et sicci ripaTanagri. Sil. ItaUc viii. Nunc Silarus quos nutrit aquis, quo gurgite tradunt Duritiem lapidum mersis inolescere ramis. strab.Geog. I. Velia. Ccttc viUc, appcllée par les Grecs Elaa, est une colonie des vi.p. 174. Phociens. Ce peuple s'y retira après la prise de sa ville par les Perses. Un territoire borné et stérile l'obligea de s'attacher à la mer. Une marine puissante et de sages loix le mirent bientôt en état de se défendre avec avantage contre les Lucaniens et le peuple de Passtum quoiqu'ils lui fus- sent très supérieurs en forces. Pro. Palinurus. _ . , . tua finitiini longe lateque per urbes Virg. Aneid. VI. ° ^ ^ 378. Prodigiis acti cœlestibus ossa piabunt, Et statuent tuniulum, et tumulo solemnia mittent : .Sternumque locus Palinuri nomen habebit. His dictis curae emotEe, pulsusque parumper Corde dolor tristi : gaudet cognomine terra. strab. Geog.i. BuxENTUM. Buxcntum, OU Pyxus, est à la fois le nom du promoji- Veu. Paterc. 1. i. toirc, dc la Hvière, et de la ville. Ceux de Messana y envoyèrent une '• ^^' - colonie, ANTIQUE ITALI.E. 315 colonie, qui se dispersa bientôt. Les Romains y en établirent une l'an de Rome 558. — quae Buxentia pubes Sil. Italie, viii. Aptabat dextris irrasœ robora clavas. „ , ,■ Idecu. il. 204. seu sunt Huxentia cordi Ruia magis, centum Cereri fruticantia culmis. Comme Buxentum étoit un pays stérile, Cluvier a conjecturé qu'il faut ciuyier, itai. lire Bvzacia, la partie la plus fertile de l'Afrique. L'idée est inoénieuse; i-*- p- isei. '^ _ * ' '_ ^ Silius Italicus et depuis Cluvier, Byzacia, appuyé de l'autorité d'un MS. est entré dans publia par Dra- * ^11./ ^ kenborch à le texte de Silius Italicus. Il meparoît cependant qu' Hannibal ne peut Uuecht. guères offrir à ses soldats que le choix des campagnes Italiques, le prix de leur victoire; selon l'usage ancien d'envoyer des colonies sur les terres dont on dépouilloit des peuples vaincus. II. Bruttium. Comme il n'étoit point soudivisé par la politique il ciuvier, itai. \ 1 I T Antiq. 1. iv. c. faut suivre la méthode que nous fournit la nature. Sur la côte Toscane is. ^^ ■ t~i ■ rn Strab. Geog. 1. je trouve, 1. Cerillas ; 2. Clampetia; 3. Terma; 4. Tempsa; 5. Lamelia; vi. 6. Vibo Valentia; 7- Medamna; 8. Taurianum; 9. Scyllœum, avec son promontoire, le promontoire Cœnis, la colonne de Rhegium; 10. Rhegium, et le promontoire Leucopetra, la pointe la plus méridionale de l'Italie. Du promontoire Leucopetra à celui d'Hercule, la côte suit la direction de l'occident à l'orient. Après avoir tourné celui-ci, on se porte au nord. J'y vois le promontoire Zephyrium, 1. Locri, la Sagra ; 2. Caulonia, le promontoire Cocinthum ; 3. Scyllaceum; 4. Le Camp d'Hannibal; 5. Pé- tilla, les trois promontoires lapygiens et l'entrée du golfe de Tarente; le temple de Junon Lacinienne; 6. Croton, le Nœethus; 7- Crimisa, avec sa rivière et son promontoire ; 8. Ruscianum, et, un peu plus loin, le Cra- this. Presque toutes ces villes étoient des colonies Grecques qui s'étoient emparées des côtes en laissant aux barbares l'intérieur du pays. Celui-ci étoit sauvage et mal peuplé, couvert de montagnes qui étoient une suite de l'Apennin, et d'une forêt immense nommée Sila qui fournissoit de la poix excellente. J'y vois, l.Pandosia; 2. Consentia; 3. Volcentum; et 4. Mamertum. CeRILLjB, Et exhaustje niox Pœno Marte, Cerillœ. S''- ^'^'''=- "'''• ' 581. Tempsa. Cette ville, nommée anciennement Temesa, étoit fameuse s s 2 du 3\6 NOMINA, GEXTESQUE du tciiis d'Homèic pour ses mines de cuivre dont Strabon a vu les trace». Les marchands y venoient de la Grèce. Homcr. odyss. Qn obscrvoit à Tempsa un usage assez commun parmi les payens, d'offrir tous les ans une jeune fille pour appaiser un génie irrité qui dc- voit être Ulysse. Un jeune Grec eut la hardiesse de se battre avec le génie, qui s'enfuit et qui se jetta à la mer. La superstition finit, mais la fable continua toujours de faire partie du symbole des Tempsains. Pau- saniasy vit un ancien tableau où cette aventure étoit représentée. strab. Geog. 1. ViBO Valentia. Ccttc villc, nomméc parles Grecs Hipponium, vi. p. 176. Veil. . l'iT- Ti-i-iJi\ \ 1 Paterc.i.i.c.i4. étoit uuc coiouie dcs Locricns. Les bruttiens 1 enlevèrent a ce peuple, et les Romains y envoyèrent, A. U. C. 509, une colonie qui devint très florissante. Agathocle, roi de Syracuse, s'étant rendu maître de la ville, y construisit un port. La ville est située au milieu de riches prairies ornées de fleurs de toutes les espèces. La tradition se saisit de cette cir- constance pour y transporter la scène de l'enlèvement de Proserpine. v. ciuvier, Rhegiubi. Ccttc villc fut fondéc par ceux de Chalcis. Une colonie c! 15, p-KPô.' de Messéniens échappée à la fureur des Lacédémoniens vint s'y établir et acquit bientôt l'autorité souveraine. Elle se distingua bientôt par sa puissance, ses colonies, et par les grands hommes qu'elle a produits. Strabon. Geog. Dcnys l'ancicn la prit et la détruisit de fond en comble ; mais son fils la ' "'' '' rétablit en partie, et lui donna le nom de Phœbea qu'elle ne conserA'a pas. Elle souff"rit beaucoup par la trahison de sa garnison Campanienne qui égorgea tous les anciens habitans, et par un tremblement de terre. Appian.de Bell. Pcu avant la gucrrc sociale Rhegium étoit du nombre de ces dix-huit 596. 638. Edii. villcs mallieureuscs que la beauté de leurs édifices, et la richesse de leurs tep ail. ^gj.j.gg avoient fait choisir aux Triumvirs pour assouvir la cupidité de leurs ' vétérans. Cependant César accorda sa grace à Rhegium ; mais voyant que la ville étoit dépeuplée il y envoya une colonie de ses troupes de la marine, et lui donna le nom de JtiUum Rhegium. Sa situation avanta- Piin. Hist. Nat. geuse fa soutenu dans toutes les révolutions. C'est le lien de l'Italie et de la Sicile, dont il n'est séparé que par un détroit de douze milles de longueur, et dont la largeur, à la Colonne Rhegine, n'est que d'un mille et demi. \^r^^il. .*;neid. Haec loca, vi quondam et vastâ convulsa ruina "'■ ■ (Tantvjm aevi longinqua valet mutare vetustas) Dissiluisse ANTIQUE ITAUJE. 317 Dissiluisse femnt ; qiiiim protinus utraque tellus Una foret, veiiit medio vi pontus, et undis Hesperium Siciilo latus abscidit ; arvaque et uibes Litore diductas aiigusto iiiterluit sestû. Il paroît que Virgile n'a fait que suivre une ancienne tradition adoptée ^|'^'"i" (fpjf,, par Eschyle, Strabon et Pline le Naturaliste. Hut Nat. iu. s. LocRr EpizEPHYRir. C'est la troisième tribu des Locriens. Les ciuyier, itai. Anliq. I. iv. c. auteurs ne sont pas d'accord de laquelle des deux autres elle est sortie, is. p. 1301. , , ^ . . .. , , , Strab. Geog. 1. des Ozolte auprès de 1 Etolie ou des Epicnemedii auprès de l'île d'Eubée, vi. p. 179. mais on convient que cette migration s'est faite Olymp. xxiii. 2. avant J. C. 683. Locri, favorite de la nature, ne ressentoit jamais des horreurs de la peste, mais elle jouissoit d'un bonheur encore plus grand dans les sages loix que Zaleucus lui donna; loix formées sur l'étude réfléchie de celles de la Crète, de Sparte, et de l'Aréopage ; loix dont la clarté et la simplicité surpassoient de beaucoup les raffinemens ingénieux de celles de Thurium. Dans la bataille de la Sagra Locri avoit 100,000 combat- tans : en prenant ce nombre pour celui des citoyens en age viril la colonie entière étoit composée d'environ 300,000 âmes. Denys, roi de Syracuse et maître de Locri, le traita avec une cruauté et une insolence que ce peuple ne rendit que trop bien à la famille innocente et infortunée de ce prince. Les Locriens étoient les bons amis des Rhégiens, ils passoient librement sur les terres les uns des autres, mais leurs cigales plus ré- servées ne traversoient jamais la rivière qui faisoit la borne. De ces cigales il n'y avoit que celles de Rhegium qui chantassent. L'aridité d'un terrein sans ombre quelconque leur donnoit ce talent. cuncta malis habitantur mœnia Grajcis. Virgil. .ïneid. Hîc et Narycii posuerunt mœnia Locri. ScYLLACEUM. Ccst à Scyllaccum, colonie des Athéniens, que l'Italie est la plus étroite. La traversée d'une mer à l'autre n'est que de vingt milles. Denys de Syracuse s'étoit proposé d'y construire une muraille pour séparer ses sujets de l'isthme du commerce et des incursions des Lucaniens ; mais il ne put exécuter ce dessein. Croton. Cette ville, éloignée de Thurium de deux cens stades, étoit ciuvicr, itai. colonie des Achéens, fondée dans le même tems que Syracuse. Elle is.'p'i'sVa' se distinguoit par la bonté de l'air et la bravoure de ses citoyens qui ^i"%g|"^x! s'adonnèrent avec tant de succès à la gymnastique que sept Crotoniates L'"- ''^"'- ^- ^■ rem- 318 NOMINA, GENTESQUK remportèrent une fois les sept prix des jeux Olympiques. Milon, leur fameux athlète, commaudoit en même tems l'armée qui remporta cette victoire signalée sur les Sybarites. Mais à la journée de la Sagra, Crotone succomba à son tour sous les armes des Locriens et des Rhégiens. Ce combat, où il est question de 130,000 Crotoniates, me fait juger que la république avoit environ 400,000 citoyens. Depuis ce moment C^rotone n'éprouva que des revers. Denys s'en rendit maître, et cette ville, dont les murs avoient tlouze milles de circonférence, étoit à peine à moitié habitée du tems dHannibal. Tit.Liv.xxiv. 3. JuNONis Lacini^ Templum. A six millcs de Crotone, on voyoit ce temple respecté de toutes les nations voisines. Il étoit au milieu d'un grand bois sacré (jui renfermoit des pâturages fertiles où paissoient les troupeaux de la déesse sans craindre ni les hommes ni les animaux féroces. Le soir chaque espèce se séparoit d'elle-même des autres pour regagner tranquillement son écurie. Les troupeaux ne contribuoient pas moins aux richesses du temple que les offrandes mêmes. Les prêtres avoient employé ce revenu à faire faire une colonne d'or massif. Hannibal n'osa jamais piller ce temple. Mais le Censeur Fulvius Flaccus fit enlever la moitié des tuiles, qui étoient de marbre, pour couvrir son temple de la fortune des Chevaliers. Sa mort subite fut attribuée à la vengeance de piin. Hist. Nat. Junou ct le Sénat fit remporter les tuiles. La légende porte qu'un a,utel placé devant le temple ne voyoit jamais ses cendres ébranlées le moins du monde par les vents. strab. Geog. vi. Pandosia. Ccttc auciennc ville des Oenotriens et ensuite des Brut- ''■ ^" tiens étoit placée sur trois collines. L'Acheron couloit sous ses murs. Ce fut là que périt Alexandre, roi d'Epire. Elle étoit sur la frontière du Bruttium et de la Lucanie. Idem. vi. p. 176. CoNSEiVTiA. Elle étoit Ic chcf licu des Bruttiens. strai). Geog. Petilia. Fondéc par Philoctètc, elle demeura fidèle aux Romains, vi. p. 175. Tit. •II • -v --A TT-11T Liv. xxiii. 30. pour qui elle soutuit un siège opmuitre contre Hannibal. Je ne conçois pas comment cette ville Grecque au fond du Bruttium pouvoit être, du tems de Strabon, la capitale des Lucaniens ; elle étoit alors assez considérable. Virgil.^neid. I. Hîc illa ducis Melibœi Parva Philoctetae, subnixa Petilia muro. Magna ANTIQCyE ITALIC. È\9 Magna Gr;ecia. Lorsque les Grecs traversèrent la mer Ionienne v. ciuvier, itai. „,,,,. • / 1 • Aniiq. 1. iv.c.16. pour chercher de nouvelles terres, frappés de 1 immensité de ce continent strab. Geog.i.r. . ft vi. dont ils ignoroient les bornes, ils lui donnèrent le nom de la Grande Grèce. Dans les premiers tems on donnoit hardiment ce nom générique à tous les pays à l'occident de la Grèce où la nation àvoit des colonies, la Sicile, l'Italie, la Gaule, et l'Espagne. Semblables aux Européens en Amérique ils ne comptoient les barbares pour rien ; ils croyoient qu'un établissement sur les côtes leur donnoit des droits sur un pays immense peuplé de cent nations dont ils connoissoient à peine les noms. Dans un sens plus précis ces colonies mêmes étoient la Grande Grèce: mais dispersées sur une grande étendue de côte dont elles n'occupoient que des portions détachées, on ne peut en fixer les bornes qu'en en faisant le dénombrement. Depuis Cumes cependant jusqu'à Tarentum, toute la côte (aussi bien que celles de la Sicile) étoit couverte de colonies Grecques dont les territoires se touchoient. Cette circonstance déter- mina enfin le nom de la Grande Grèce à ces pays exclusivement. Les malheurs de la nation, plusieurs villes détruites, et d'autres qui devinrent barbares, resserrèrent encore la Grande Grèce, qui ne s'étendoit plus que de Tarentum au promontoire Leucopetra ; c'est à dire dans le caiiton qu'on appelloit le front de l'Italie. Dans cette description de la Lucanie aussi bien qvie dans les autres régions, j'ai marqué la plupart des colonies Grecques. Du tems de Strabon, Tarentum, Rhegium, et Naples étoient les seules qui conservoient encore les mœurs Grecques. Quant à l'époque de ces migrations il y a du fabuleux et de l'historique. C'est dans la première classe que je mets les Oenotriens, lesArcadiens, Evandre, Philoctète, Epée, Diomède, et tant d'autres chevaliers errans qui se sont établis en Italie avant la première Olympiade. Pesons mes deux raisons. 1. J'ose assurer que du tems d'Homère la côte occidentale de ITtalie n'avoit point reçu de colonies Grecques; et par conséquent Cumes est beaucoup moins ancienne qu'on ne l'a dit. Ce n'est pas dans un pays rempli de Grecs qui soutenoient des relations les plus étroites avec leur pays, que ce poëte auroit placé des géans, des enchantemens? et le séjour même des morts, prodiges qui ne conviennent qu'à un monde nouveau à peine découvert et qu'on ne connoissoit encore que par les hyperboles mal interprétées des voyageurs Phéniciens. 2. Il y a peu de villes de la Grande Grèce qui n'ayent une double origine. L'une qui remonte 3'20 NOMINA, GENTESQUE remonte aux dieux et aux héros de la mythologie ; l'autre plus historique et plus récente. Peut-on balancer ? Qui ne supposera pas avec raison (jiie les fondateurs réels ont voulu se donner des ayeux imaginaires pour relever l'antiquité et la noblesse de la colonie? 11 me paroît que les migrations commencèrent un peu après la première Olympiade, et qu'elles durèrent environ 300 ans. On voit (sur-tout par Strabon) que leurs discordes civiles et les courses des barbares les livrèrent enfin à la tyrannie des Syracusains, et que les guerres des Samnites, de Pyrrhus, etd'.Hannibal les ruinèrent si totalement, que la Grande Grèce paroissoit Cicero. iuLaeiio. détruitc du tcms de Cicéron. Ovid. Faster. Ncc tibl sit miruiTi Graeco rem nomine dici, !. W. p. Ô6T. ^ , M /' ■ Itala nam teUus, L/iœcia tnnjor erat. V'euerat Evander plena cum classe suorum, Venerat Alcides ; Grains uterque genus. Hospes Aventinis armentum pavit in herbis Claviger ; et tanto est Albula pota Deo. Dux quoque Nari/ciiis ; testes Liestiigones exstant. Et quod adhuc Circes nomina litus habet, Et jam Telegoni, jam mœnia Tiburis udi Stabant ; Argolicae quae posuere manus. Venerat Atridse fatis agitatus Halesus ; A quo se dictam terra Falisca putat ; Adjice Trojanae suasorem Antenora pacis, Et generuni Oeniden, Apule Daune, tuum. Seras ab Iliacis et post Antenora flammis Abstulit .SIneas in loca nostra Decs. Horat.Epist.i.8. Quidve Calabris Saltibus adjecti Lucani Sect. X. CALABRIA ET APULIA. Apulia. Cette région, qui comprenoit une des cornes de l'Italie, étoit bornée par la Lucanie, la Campanie, et le Samnium. Sur la mer Adriatique elle s'étendoit jusqu'à Frento, et sur le golfe de Tarente jusqu'à Metapontum. Le mont Vultur et le Bradanus la séparoient de la ANTIQUE ITALI^L. 3?1 la Lucauie, et le fleuve Sabbatus du Samniuni et de la Campanie. Ou peut la partager eu trois provinces, 1. Le pays des Hikpini; 2. L'Apu- X'!'^'""'^; LIE propre; et 3. La Calabre. La Dauuie paroît n'être que la se- vier.itai.AnUq. . T 'T • »/ • - / / • I. iv. cJO. coude des provuices. L lapygie n étoit (ju un nom générique et un peu vague que les Grecs donnoient à toute cette côte. On voit confusé- ment que la INIessapie et les Salentini n'étoient que lextrémité de la corne, et que les Peucetii ou Psediculi formoient une cité ancienne, d'origine lUyrienne, qui étoit placée dans les environs de Tarentum. L niRPINL Je suis surpris que les Romains ayent enlevé ce ^'^"Y"';''' M^ ^ peuple aux Samnites pour le donner aux Apuli. Il étoit d'origine Samnite, et sa liaison avec cette nation étoit si étroite que les historiens de la guerre Samnite les ont presque toujours confondus. Cette cité s'étendoit des deux côtés de l'Apennin depuis le Sabbatus jusqu'à l'Au- fidus. Je trouve en-deça des montagnes, 1. Equus Tuticus; 2. Callifa;, colonie; 3. iEculanum ; 4. Romula; 5. Taurasium ; 6. Avillinum, co- lonie. A.u-delà des montagnes, 1. Aquilonia ; 2. Herdonia ; 3. Rufœ, ou Rufrœ, ou Rufrum; 4. Compsa. Taurasium. On voyoit une nation Ligurienne dans les environs de t.lïv.xI. 33. Taurasium. Les Romains, ennuyés des courses des Apuani, prirent la résolution de les transporter dans im pays fort éloigné du leur. Les Consuls Baebius et Cornelius, les ayant poussé dans les montagnes, les obligèrent de se rendre au nombre de douze mille hommes. Cette petite armée fournit, avec les femmes et les enfans, quarante mille âmes, que le sénat fit passer dans le pays des Hirpini, où on leur distribua des terres avec un présent de 150,000 sesterces (dix mille ecus) pour les y établir. Du tems de Pline ils conservoient encore les noms de Corne- liani et de Ba^biani. Peu de tems après, le Préteur Fulvius y conduisit par mer encore sept mille hommes. Cette migration se fit A. U. C. 573- Amsancti Lacus. Ce lac rendoit des exhalaisons très dangereuses piin. Hist. pour ceux qui s'en approchoient. On avoit mêlé beaucoup de fables à la description de ce phénomène. Pline lui-même n'en est point exempt. Il n'étoit pas loin de Taurasium. Est locus Italiœ in medio, sub moiitibus allis. Virg. ^-.n. vu. .ï6.>. Nobilis, et fainâ inultis veneratus in oiis, Amsancti valles; densis liunc frondibus atiuiii Urget utrinque latus nemoris : niedioqiie fragosu' VOL. III. T T 32S5 NOMINA, GENTEStiUi; Dat sonitum saxis et toito vertice torrens. Hie specus liorreiidum saevi spiracula Ditis Monstratiir ; i uptoque ingens Aclieronte vorago Pcstiferas aperit fauces. II. APULIA PROPRIA. Cette province, qui ne paroît pas avoir jamais formé un corps politique et national, étoit la plus grande des trois. La mer, le Frento, les Hirpini, le Bradanus, et une ligne de Tarentum à Brundisiuni cn-deca de ces villes, — voilà ses bornes. Dans la Daunie propre, ou le i)ays entre le Frento et l'Aufide, je trouve, 1. Apenesta au pied du mont Garganus ; 2. Uria ; 3. Sipus ou Sipontum ; 4. Salapia avec la Palus Salapina ; ces quatre villes étoient sur les bords de la mer; 5. Teanum Apulum sur le Frento; 6. Gerion ou Ge- runium ; 7- Luceria ; et 8. Arpi, Argos Hippium, ou Argyrippa. Dans la portion de l'Apulie (jui est entre l'Aufide et le mont Vultur, portion plus longue, mais plus étroite que la première, je trouve, 1. Venusia; 2. Canusium ; 3. Cannie ; 4. Barium ; et 5. Gnatia?. Dans le petit can- ton entre le Vultur et le Bradanus, je ne vois que, \. Bantia; 2. Fo- rentum ; 3. Acherontia; et 4. Genusium, A7/°inRuijf" Sipus et Salapia. Quand Cicéron veut donner une idée des en- orat. 11. 27. droits Ics moius désirables de l'Italie, il choisit le territoire aride de Sipus, et les marais pestiférés de Salapia. ^"93*^^°^ *'■ Arpi. On voit que les colonies Grecques en Italie ont agi comme les Européens dans le nouveau mondn''o-et qu'ils ont saisi avidement les vraisemblances les moins décisives pour y trouver des traces de leurs ancêtres. C'est ainsi que Diomède doit avoir régné sur les bords de l'Adriatique. On y voit les msulcr Diomcdeœ, et les présens que ce héros offrit à Minerve dans son temple à Luccrie. Mais ces traditions sont aussi contradictoires qu'elles sont fabuleuses. Le judicieux Strabon a su remarquer qu'on racontoit les aventures de Diomède de quatre façons essentiellement différentes. Virg. /En. xi. Et Veiuilus, ditto parens, sic farier infit : Vidimus, O cives, Diomedeni Argivaque castra ; Atque iter emensi casus superavinuis omnes, Contigimusque manum quâ concidit liia tellus. Ille urbem Argi/ripam, patriœ cognomine geutis, Victor Gargani condebat Japygis agris. Non. ANTIQUiE ITALIC. 3£S Non seulement Arpi, mais encore Beneventum, et Equus Tuticus ' reconnoissoient Diomède poiir leur fondateur. MoNs Garganus, &c. Nutantique rueiis prostravit vertice silvas '!!!■ ''^^'' ""'' Garganus; fuiidoqiie imo iiiiigivit anhelans ylujidiis; et iiiagno late distantia ponto TeiTucruut pavidos accensa ceraunia nautas. Quaesivit Calaber, subducta luce repente Iinmensis tenebris, et terram et litora Sipus. Canusium. Cette ville, flimeuse par la journée de Cannes qui ar- v. ciuvier, itai. .. .... ... , ,. j"n\' XI Antiqua, 1. iv. riva dans son voisniage, etoit située au muieu des plaines de Uiomede c. u. toujours couvertes de troupeaux nombreux, dont la laine courte, et ^^'%^^°^- "'■ d une couleur foncée, servoit à faire des manteaux, et alloit de pair l'Un- Hist Nat. , C. 8. p. 48. d'avec celle de Tarentum la plus estimée de l'Italie. Ce canton, aussi bien que le reste de TApulie, avoit été très florissant ; mais la guerre d'Hannibal, et celles qui la suivirent, le réduisirent dans l'état de déso- lation où Strabon le voyoit. Peut-être que Canusium se rétablit un peu sous Adrien après qu'Hérode eut guéri le vice radical de sa situation en y faisant conduire de l'eau. ^ . . 1 •!• • Hor. Senn.i.lO. Canusmi more bilmguis. Venusia. Venusia étoit considérable du tems de Tibère. C'est à ^^^f,-^^'°^- ^■ tort que Strabon l'a placé dans le Samnium. Les Romains y envoyèrent une colonie A. U. C. 460, pendant le Veii. Pater. i.i*. plus fort de la guerre Samnite. Venusia. Sequor liunc, Lucanus an Apulus anceps : Hor. Serm. H. i- Nam Venusinus arat finem sub utruraque colonus, Missus ad hoc, pulsis (vêtus est ut fama) Sabellis, Qu6 ne per vacuum Romano incurreret hostis ; Sive quod Apula gens, seu quod Lucania bellum lucuteret violenta Gnatije, seu Egnatia. Dehinc Gnatia, lymphis Idem, i. 5. Iratis extracta, dédit risusque jocosque, Dum flammâ sine thura liquescere limine sacro Persuadere cupit : credat Judseus Apella, Non ego T T 2 Pline 324 piin. Hist. Nat. Pline assure qu'à Eonatia Ic bois placé sur une certaine pierre sacrée s'allumoit de lui-même. strab. Gcog. I. HJ. CALABRIA. Cette corne de l'Italie étoit un pays excellent. Il vi. p. i'M. . . ' '' ciuvicr, itai. manquoit d'eaux, mais le sol étoit fort riche, et ses bois et ses pâtura<;es Anliq.l.iv.c.13. , . ' ,, , t, / • ' ^ . étoientd un grand rapport. Il etoit très peuplé anciennement ; onycomptoit treize villes; mais du tems de Strabon, on n'y voyoit plus que celles de Tarentum et de Brundisium. Voici les noms des endroits principaux de la province: 1. Tarentum; 2. Callipolis, le promontoire Japygien ou Sa- lentin; 3. Leuca: 4. Castrum Minervic ; 5. Hydrus, ou Hydruntum ; 6. Lupia; 7- Valctium ; 8, Brundisium: c'étoient les villes maritimes. Dans l'intérieur des terres j'apperçois, 9. Veretum ; 10. Uxentum; 11. Neretum; 12. Manduria; 13. Rhudia, la patrie dEnnius. Je vois que l'extrémité de la corne étoit connue sous le nom de pays des Salentini, colonie Cretoise ; mais je ne découvre aucun vestige de Salente, ville d'Idoménée, ou plutôt de Fenelon. Hor. Carra. Pecusve Ciiliibris ante sidus fervidum P° '■ Lucaiia nnitet pascuis. Vct.Com. ad Lcs bcrgcrs Calabrois menoient leurs troupeaux paître dans la Lucanie au mois de Juillet pour éviter les chaleurs de la canicule. Ils les rame- noient en Calabre avant les froids de l'hiver. V. ciuvier, itai. Takentum. Lcs Lacédémouiens fondèrent Tarentum. On sait que Antiq. I. iv. c. . 13. etsirab. pendant le siège d'Ithomc, ils renvoyèrent leurs jeunes gens à Sparte et —194. leur abandonnèrent leurs femmes pour conserver la nation sans violer leur serment. N'auroit-il pas été plus naturel de faire venir leurs fenmies au camp d'Ithome? Et ces vingt ans perdus pour la génération! je con- çois à jjeine qu'un peuple ait pu se relever d'une calamité cent fois plus affreuse que la guerre ou la peste. J'avoue bien qui l'idée est très Spar- tiate, d'un peuple qui badinoit sur les adultères et qui méprisoit les doux penchans de la nature. Il eut beau les mépriser ici. Les enfans de ce commerce vague ignoroient leurs pères, ne tenoient point à l'état, et n'excitoient que des séditions pour obtenir ces héritages que les loix leur refusoient. La république fut charmée de s'en délivrer en les envoyant avec Phalanthus leur chef chercher des établissemens. Ils bâtirent Tarente environ 700 ans avant Jésus Christ. Cette république devint très puis- sante. Elle eut une marine très supérieure à tous ses voisins, avec une armée de trente mille liommes d'infanterie et trois de cavalerie, sans compter mille cavaliers d'élite qu'on nommoit Hipparques. La philosophie Pytha- ANTIQUE n'ALl/E.. 325 Pytbag-oricienne y fleurit bcaucou]i, et Tarente cut, pendant longtems, le bonheur de voir à sa tête le pbilosopbe Arcbytas. Enfin le luxe \int à la suite de l'abondance et tout fut perdu. La mollesse de Tarente ne pouvoit se comparer qu'avec celle de Capoue et de Sybaris. Leurs jours de fêtes étoient en plus grand nombre que les jours ouvriers. Ils avoient inventé une toile presque transparente qui paroit les charmes plutôt qu'elle ne les cachoit. Quand les Tarentins étoient obligés de se défentlre contre leurs voisins l)elliqueu.\, ils ne savoient qu'appeller des généraux étrangers, Alexandre contre les Lucaniens, et Pyrrhus contre les Romains, dont ils s'étoient attirés les armes par leur folle présomption. Rome les soumit. Ils se livrèrent pendant la guerre Punique aux Carthaginois. Fabius ne reprit Tarentum qu'au bout de cinq ans. On y envoya une Veii. Patercui. i. colonie l'an de Rome 629, q"i se soutint avec splendeur jusqu'à la déca- dence de l'Empire. Tarente jouissoit d'un beau port dans un golfe qui n'en avoit presqu' aucun. Le sien, qui entroit fort avant dans les terres, avoit cents stades de circonférence. L'embouchure en étoit si étroite qu'on y avoit jette un pont. Cette circonstance rendoitla citadelle bâtie à Tit. lw. xxv. 9, l'extrémité de la pointe, maîtresse absolue du port. Construite sur une pénin- sxde qui étoit environnée de rochers très hauts du côté de la mer, elle n'étoit jointe à la ville que par une petite langue de terre fortifiée d'un mur et d'un fossé très profond. La ville étoit située dans la plaine depuis l'intérieur du port jusqu'à la mer. Cet espace étoit percé en tout sens par des rues larges et droites dont Hannibal se servit pour faire sortir les vaisseaux du port, pendant que les Romains étoient maîtres de la citadelle. Du tems de Strabou, on voyoit les anciens murs de Tarentum, qui ne les remplissoit plus, mais qui s'étoit retirée du côté de la citadelle et de l'en- trée du port. Elle avoit encore un beau gymnase, et un grand forum, au milieu duquel il y avoit une statue colossale de Jupiter qui ne le cédoit qu'à celle de Rhodes. De tant d'autres monumensdes beaux arts qu'elle avoit possédés la plupart étoient passés à Carthage et à Rome. Tarentum et ses environs avoient le nom de Saturiim, ou d'abondant. Il le meri- toit bien. Dulce pellitis ovibiis, Galesi Horat. Carm. Fluinen, et regnata petam Laconi Rura PhalaïUho, Ille terraiiim niihi praeter omnes Angulus ridet, ubi non Hjmetto ii. 6. Jlella 326" NOMINA, GENTESftL'K Mella decedunt, viildique certat Bacca Venafro. Ver ubi loiiguiu, lepidasque prœbct Jupiter bruinas, ct amicus Auloii Fertili Baccho minimum Falernis Invidet uvis. Ille te mecum locus, et beatœ Postulant arces ; ibi tu calentem ^ Débita sparges lacryma favillam Vatis aniici. Horat. Epist. i. — Imbelle Tarcntum. 7. Juvenal. Satjir. Atque coronatum et petulans, madidumque Tarentum. Virgii. Géorgie. gii, amienta majris studium, vitulosque tueri, ii. 195. , . " > \ > Aut foetus ovium, aut urentes culla capellas, Saltus et saturi petito longinqua Tarenti. CasTUUM MiNERViE. 506^ ■"['"so" Prevehimur pelago vicina Ceraunia juxta, Unde iter Italiam, cursusque brevissimus undis. Jamque rubescebat stellis Aurora fugatis : Quum procul obscuros colles, liuniilemque videmus Italiam. Crebescunt optatee aurœ : portusque patescit Jam propior, templumque apparet in arce Minervae. Vela legunt socii, et proras ad litora torquent. Portus ab Eoo fluctu curvatur in arcum. Object® salsa spumant aspergine cautes. Ipselatet: gemino demittunt brachia muro Turriti scopuli, refugitque a litore templum. sirab. Geog. vi. BRUNDisiust. Lc poit dc Biundisium, très fréquenté par les Romains pour passer en Grèce, étoit excellent en lui-même. On la comparoit à une corne de cerf qui pousse beaucoup de branches différentes. Comme elle il renfermoit plusieurs ports dans un seul. Par-tout à l'abri des vents et d'une profondeur suffisante, il n avoit aucun des défauts de celui de Tarentum. Vci. Patercui. I. Lcs Romaius envoyèrent une colonie à Brundisium A. U. C. 509. 811. Ital. viii. Nec non Brundisium quà desinit Itala tellus. 676. o b.VLLENTINI. Virg. ^neid. Sallentinos obsedit milite campos iii. 400. T • T 1 Liyctius Idomeneus Tarentum. antiqu.c itali/l. 327 Tarentum. Lana Tarentino violas imitata veiieno. Hoiat. Episi. ii. 1. M. Gaeganus. Garganum mugire pûtes nemus aut mare Tuscuin. Sect. XI. SAMNIUM. Cette région, une des plus étendues de Fltalie, mais des plus reculées dans l'intérieur des terres, touchoit à cinq autres régions. Le Matrinus et l'Apennin la séparoient du Piccnum ; le Nar de l'Ombrie ; le Tibre de l'Etrurie ; l'Anio et une ligne de ses sources à Beneventum la divi- soient de la Campanie ; Telesia, Herculaneum, Larinum, et le Tifernus formoient sa frontière avec l'Apulie. Sa côte maritime ne s'étendoit que v. la Carte de depuis l'embouchure du Tifernus, jusqu'à celle du Matrinus. Elle com- lisie.etPiin. prenoit (outre les Samnites) un grand nombre de cités que les Romains mlcé. avoient réuni dans une seule province. J'en compte huit principales : 1. LesSahins; 2. Les Mansi ; 3. Les M qui ; é. Les Peiigni; 5. Les Vesthii ; 6. Les Marrucini ; 1 . Les Frcntani ; et 8. Les Samnites. I. Sabini. Ce peuple indigène de l'Italie, ou sorti des Lacédémo- v. ciu%-ier, itai. . , ..... , . , , Ant.l.ii.c.Set mens, s est toujours distnigue par son courage, par sa probité, et par des 9. . , . . . .... Cicer. ad Fa- mœurs vertueuses et grossières qui ne se sont jamais ressenties du voisinage miiiares, xy. u. de la capitale. Son pays étoit borné par le Nar, le Tibre, et les mon- tagnes du côté de l'Umbrie, de l'Etrurie, et du territoire des Marses. Il pénétroit au nord entre l'Umbrie et le Picenum, et aboutissoit en pointe au Mont Fiscellus. Une autre langue, formée par le voisinage du Tibre ■ et de l'Anio et terminée par leur jonction, l'approchoit de Rome. Il pa- roît même que dans lestems les plus reculés les Sabins s'étoient répandus au-delà de l'Anio, mais que dans la suite les Latins repassèrent cette rivière à leur tour. Voici les principales villes des Sabins dans le canton le plus voisin de Rome, c'est à dire dans la partie qui est entre le Tibre, l'Anio, le Velinus et le Nar : 1. Collatia au-delà de l'Anio ; 2. AntemuEe aux portes de Rome ; 3. FideniE ; 4. Crustumerium; 5. Ficulea; 6. Corni- culum ; 7. Nomentum sur l'AUva ; 8. Eretum ; 9. Regillum, la patrie des Claudii ; 10. Cures, la capitale de Tatius ; 11. Casperia sur l'Himella, un peu plus haut que Cures. Dans ce canton riche, qui est auprès du lac 328 NOMINA, CENTESQUE lac et du fleuve Vclinus et qu'on nous donne pour la premiere patrie des aborigines, je trouve, 1. Reate ; 2. Lista; 3. Tiora; 4. Trebula ]\Iu- tusca ; et 5. Cutilia;, avec les eaux du même nom qu'on appelloit le nom- bril ou le centre de l'Italie. Parmi les montagnes je vois, 1. Falacri- num ; 2. Amiternum ; 3. Foruli ; 4. Interocrea; 5. Forum Decii ; 6. Vespasia3 ; 7- Nursia; 8. Corsula. Entre les montagnes je remarque nommément, Severus, Tetrica et Gurgures. strab. Geog. v. j^g ])^y^ dcs Sabius cst loiig mais étroit. Il produit de l'huile et du vin, et nourrit beaucoup de bétail. Les guerres avoient détruit la jilûpart de leurs villes. Du tems d'Auguste, Cures, autrefois si considérable, n'étoit plus q\i'une bourgade, Eretum et Trebula n'étoient que de mau- vais villages. Sii. Italie. ïiii. Ecce liiter priinos Theiapnaeo a sanguine Claiisi *'■'■ Exultât rapidis Nero nou iniitabilis ausis ; Hune Amiterna coliors, et Baclris nomiua ducens Casperia ; hune Foruli, niagnœque Reate dicatum - Coelicolum niatri ; nec non habitata pruinis liursia, et a Tetrica comitantur riipe cohortes : Cunetis hasta decus, clipeusque refertur in orbem, Conique implumes, ac lœvo tegmina ciure. Ibant, et Iseti pars Saneuni voce canebant, Auctorem gentis ; pars laudes ore ferebant, Sabe, tuas, qui de proprio eognomine primus Dixisti populos magnâ ditione Sabinos. Vircil. iEneid. Ecce, Sabinorum prisco de sanguine, magnum ^'"' ^"^^ ^ Agmen agens Clausus, magnique ipse agmini instar ; Claudia nunc a quo diflfunditur et tribus et gens Per Latium, postquam in partem data Ronia Sabinis : Unà ingens Amiterna cohors, priscique Quirites, , Ereti manus omnis, oliviferœque Mutusca. : Qui Nometitum urbem, qui rosea rura Velini ; Qui Tetricœ horrentes rapes, moiitemr/iie Serertim, Casperiamque colunt, Forulosqae etjijimen Himellœ. "Qui Tiberim, Fabarimque bibunt : quos Jrigida misit Nursia, et Hortinse classes, populique Latiui : Quosque secans infaustum interluit Allia nomen. Idem, TU. 629. Quinque adeo magnas positis incudibus urbes Tela novant, Atina potens, Tiburque superbum, Ardea, Crustumerique, et turrigerae Antemnœ. / HORATII ANTIQUiE ITALIC. 3'19 Ital. 9. HoRATii Villa. Cc poëte avoit une maison nommée Ustica dans le v.cinvier, ita pays des Sabins; le nions Lucietilis, le canton de Mandela, le ruisseau p. 670,1,2. Digentia, et la fontaine Blandusia, tout en détermine la situation à Monte Libretto entre Cures et Regillum, et à vingt milles du monte Soracte que le poète appercevoit de loin. Je sais cependant qu'il y a une petite dispute sur la situation de cette maison. Scribetiir tibi forma loquaciter, et situs agri. Horat. Epist. i. Continui montes ; m dissocientur opaca Valle, sed ut veuiens dextium latus aspiciat sol, Laevum decedens currû fugiente vaporet. Temperiem laudes. Quid, si lubicuiida bénigne Corna vêpres et pruna ferunt ? si quercus et ilex Multâ fruge pecus, multâ dominum juvat umbrâ r Dicas adductum propius frondere Tarentum. Fons etiam rivo dare nomen idoneus ut nec Frigidior Thracam, nec purior ambiat Hebrus, Infirmo capiti fluit utilis, utiiis alvo. Hae latebrœ dulces, etiam (si credis) amœnae, Incolumem tibi me prœstant Septembribus horis. Reate. Le territoire de Reate étoittouten pâturages. On y voyoit varrodeRe _, , . Rustica, I. il. c. les anes de 1 Italie les plus grands et les plus beaux. Ils se vendoient 1. et 6. quelquefois de soixante à cent mille sesterces. On a donné jusqu'à trois ou quatre cens mille sesterces pour des étalons de cette race. La corne de leurs pieds s'endurcissoit si on les envoyoit à la montagne pendant l'été. Les environs de Reate et du lac Velinus s dppelloïent Rosea Ru )'{/. cunk-r.it-^i '■ '■ . Aiilin. 1. ii. c. ? L'herbe croissoit si bien et si vite dans ses beaux pâturages que si on y p.cTT.era. laissoit une perche le soir, le lendemain matin on ne la retrouvoit plus. Quelques commentateurs l'ont entendu plaisamment de la hauteur et non de l'épaisseur d'une perche ; mais la dernière étoit bien assez pour faire donner à ces champs le nom de graisse de l'Italie. Et quantum loiigis carpent armenta diebus Virgil. Ueorg. li Exiguâ tantum gelidus ros nocte reponet. '"^' IL Marsi. Ce nom leur donna d'abord une origine Phrygienne et les fit descendre, dans l'esprit des Grecs, du célèbre Marsyas. Leur paysj que les exploits de ses habitans et sur-tout la .Guerre Sociale ou Mar- sique* a rendu si fameux, étoit petit et rempli de montagnes. La grande * Mon Journal le 1 Novembre, 1763. VOL. III. i' u chaîne 330 NOMINA, GENTESQUE chaîne de l'Apennin le séparait des Piceni, des Vestini, et des Pelignî. Il ne partageoit qu'avec les Sabins tout le pays qui est entre ces mon- tagnes, le Nar, le Tibre, et l'Anio. Je n'y trouve que peu de villes V Chivier, liai, «lutour du lac Fucinus. 1. Alba Fucentia, ou Fucetia, colonie au nord Antiq.i. 11.C.15. jy ]jjç . 2. Cerfennia, à l'orient ; 3. INIarubium, au midi ; 4. Anxantia; et 5. Lucus Angitia", à l'occident. Dans les montagnes je ne vois que quelques bourgades sans nom dont la situation est mal connue. Virgil. .Eiieid. Quln et Marulùâ venit de gente sacerdos, *""• ^^' Fronde super galeam et felici complus oiivâ, Archippi regis niissd, fortissimus Umbro : Vipereo generi et graviter spirantibus hydris Spargere qui somnos cantuque manuque solebat, Mulcebatque iras, et morsus arte levabat. Sed non Dardanias medicari cuspidis ictum Evaluit ; neque eum juvêre in vuluere cantns Somniferi, et Marsis quaesitse in montibus herbœ. Te nemns Angitiœ, vitreâ te Fucinus undâ, Te liquidi flevêre lacus. Sil. Italie, vili. ^* bellare acies norant ; at Marsica pubes '19^- Et bellare manu et chelydris cantare soporem, Vipereumque herbis hebetare et carmine dentem. .Œela; prolem Angitiam mala gramina primam Montravis.se ferunt ; tactûque domare venena, Et lunam excussisse polo, stridoribus amnes Fraenantem, et silvis montes nudasse vocatis, Seu popuiis nomen posuit nietuentior hospes Cum fugeret Phrygios trans œquora Marsya Crenos Mygdoniam Phaebo superatus pectine loton. Makubium. Marruvium veteris celebratum nomine Marri, Urbibus est illis caput. Alba Fucentia. Idem, viii. 509. Interiorque per udos Alba sedet campos, pomisque rependit aristas. Caetera in obscuro famœ, et sine nomine vulgi, Sed numéro castella valent. Vïii. Pater. I. i. Les Romains y envoyèrent une colonie, l'an de Rome 459- strab. Gcog. Comme elle étoit dans l'intérieur des terres, et très bien fortifiée, le 1. V. p. 166. , . ,..,,. sénat y envoyoït souvent des prisonniers d importance. Le Idem, viii. 507. ANTIQUE ITALIC. 331 ■ Le sénat ordonna à Q. Cassius d'y conduire son captif le Roi Persée, Tit. tjv. xiv, 42. avec son fils Alexandre, de lui faire une maison, et de lui fournir de l'argent et des meubles. Le Roi Syphax avoit déjà été traité de la même manière. Après avoir demeuré quatre ans à Albe, Persée y mourut, aussi bien Vtii. Piter. i.i. c. xi. que son fils Alexandre. Lacus Fucinus. Ce lac, nommé aujourd'hui Lago de Celano, a en- viron trente milles Romains de circonférence, quand il est dans son état naturel ; mais souvent il se débordoitdans les campagnes voisines. Tout le terrein jusqu'aux montagnes étoit quelquefois sous les eaux et quel- quefois des champs fertiles et cultivés. L'an de Rome 6 16, le lacFucin Jui. obscquius ^ ... ^® ProHigiis. inonda tout le pays circonvoisin à cinq milles alentour, Strabon attribue suab. ceog. i. ^ . . V. p. 165. ces phénomènes aux sources dans le lac même et qui sont plus ou moins Sueton. in.iui. abondantes. Jules César, qui voyoit tout en grand, vouloit creuser un canal qui déchargeroit ce lac de ses eaux superflues. La mort arrêta l'exécution de ce projet qu'Auguste, plus sage ou plus timide, n'osa ja- mais entreprendre, quoiqu'il y fut souvent sollicité par les Marses. Claude Tadt. Annal. enfin eut le courage de la tenter. Il falloit creuser ce canal depuis le lac Suéton. in , T • • T »• 11'/- 1 • 'n ' Ciaud. XX, jusqu au Lins. L intervalle n étoit que de trois mules ; mais on ne pou- piin. iiist. Na- voit éviter une montagne haute et pierreuse. On la coupa dans une Di'on. Hist, partie de son étendue ; dans le reste on se contenta de la percer. Enfin Ber™er! Grands au bout de onze ans et par le travail assidu de trente mille hommes, ce 2'46"p'V9r canal se trouva achevé A. U. C, 805 et de l'ère Chrétienne 52. L'em- Jiereur, pour étaler aux yeux de la capitale la grandeur de son ouvrage, y attira tout le peuple par une superbe naumachie qu'il leur donna. Deux flottes, qui représentoient les Rhodiens et les Siciliens, y combat- tirent à toute outrance. Chaque escadre étoit composée de douze galères à trois rangs de rames, et à leur donner trois cens hommes par galère, il y auroit eu plus de sept mille combattans. Le nombre me plairoit bien mieux que les dix-neuf mille de Tacite. Un Triton d'argent s'élevoit du fond des eaux pour sonner la charge, et une flotte encore plus nombreuse environnoit ces malheureux condamnés et les obligeoit de verser leur sang pour l'amusement du peuple Romain, Après ce spectacle on ouvrit le canal, mais on s'apperçut bientôt combien l'ouvrage étoit imparfait, et que l'ignorance ou la négligence des ouvriers ne lui avoit pas donné la profondeur nécessaire. On chercha à y remédier, on crut avoir réussi, mais une inondation montra bientôt que le principe du mal subsistoit u u 2 toujours. 332 NOMINA, GENTtSQUE JEhos Spartiaii. tou'iours. Faut-il donc s'étonner si Néron et Hadrien ont été obligés de 111 Hadriali. '' ' V. ciuvier. itai. rétablir Cet ouvrag-e, et que malgré leurs travaux il n'en reste plus de Antiq. i. ii. c. . . . , . . , 15. p. 763— vestiges? Pour les faciliter et les perfectionner il falloit l'art des écluses 767. , . , . . '^ que les anciens n avoient point. cinvier, I. ii c. III. ^Equi. Lcs iEqui, qu'ou appelloit aussi les ^Equiculi, ces anciens ennemis de Rome naissante, babitoient les deux rives de l'Anio depuis Varia jusqu'à ses sources. Leur pays perçoit d'un côté entre les Sabins et les Marses ; d'un autre côté il s'étendoit jusqu'à Algidum entre Alba, Tusculum, et Preneste. Je crois que dans la suite on ajouta au Latium tout ce qu'il falloit pour le pousser jusqu'à l'Anio, mais il ne vaut pas la peine de partager les iEqui. Je trouve dans leur pays, 1. Algidum, avec sa montagne et sa forêt ; c'étoit la place forte desiEqui et leur poste avancée; 2. Corbio ; 3. Vitellia; 4. Bolœ ; en-deca de l'Anio. Au-delà de l'Anio, 1 . Varia ; 2. Sublaqueum ; et 3. Treba sur la rivière ; 4. Car- seoli dans les montagnes. Virgil. i£n. vii. Et te montosse misère inp'raelia Nursas, Ufens, insignem famâ et felicibus armis : Horrida prjecipue cui gens, assuetaque tnulto Venatû nemorum, diiris JEquiada glebis : Armati terrain exercent, semperque récentes Convectare juvat prœdas, et vivere rapto. Sil. Italie, vjii, Quique Anienis habent ripas, gelidoque rigantur ^^°' Simbrivio, rastrisque domant Mqukula rura. Algidum. Oïid. Fast. ïi. Scilicet hic oliin Voiscos JEquosque fugatos P- *^^''^- Viderai in campis Algida terra tuis. Hor.Carm. iv.4. Duris ut ilex tonsa bipennibus NigrEB feraci frondis in Algido, &c. Sil. Ital. xii. Nec amœna reteptant *^^- Algida. Carseoli. Ovid. Fast. i». Frigida Carseolls ; nec olivis apta ferendis Terra ; sed ad segetes iiigeniosus ager. On y envoya une colonie A. U. C. 461. Anif^iiu' ^^' P^i-iGNi. Cette nation, qui étoit Illyrienne d'origine, occupoit ^■*- un petit canton entre l'Apennin, le Sagrus, et l'Atemus. Il étoit tout dans p. 598. Veil. Pattr. 1. i c. 14. AXTIQU.t ITALIC. 333 dans l'intérieur des terres. Les Maruciui et les Frentani l'cmpêclioient de s'étendre jusquà la mer. Je n'y trouve que, 1. Sulmo; 2. Corfinium plus près de l'Apennin et de l'Aternus ; et 3. Super Equum. Sulmo. Sylla fit raser cette ville après sa victoire, mais il paroît qu'elle fiur»'- i^i- se rétablit bientôt après. Serus ab Iliacis et post Aotenora flamrais Ovid.Fast.n. Attulit iEneas in loca nostra Deos. Hujus erat Solymus Phrygiâ cornes unus ab Ida A quo Sulmonis mœuia nomen habent. Sulmonis gelidi patrias Germanice nostrse Me miserum Scythico quam procul illa solo est ! Me pars Sulmo tenet, Peligni tertia raris. Ovid. Amor. Parva, sed irriguis ora salubris aquis. "' ^' Coniungitur acer Sil. Italie. »iii. . 511. Pelignus, gelidoque rapit Sulmone cohortes. Corfinium. Les alliés de la ligue Italique choisirent cette ville pour Diodor. sic. i . . . xiLSTii. in Ex- leur nouvelle capitale. Ils l'embellirent beaucoup et construisirent un cerpt. Légat. forum avec une très belle Cui'ia. Toute cette grandeur tomba avec la ligue. V. Vestixi. Il est aussi difficile qu'il seroit inutile de marquer avec ciuvier, itaL précision les bornes de ces petites cités qui se confondoient les unes dans i-^"*"*' les autres. Il paroît que les Vestini étoient renfermés entre le Picenum, la mer, et la rive gauche de l'Aternus. J'y trouve, L Atemum sur les bords de cette rivière ; 2. Pinna, le chef-lieu du canton ; 3. Peltuinum ; 4. Aufiua; et 5. Avia, la plus éloignée de la mer. Elle s'appelloit aussi Aveia et Avilla. Haud illo Ie\ior bellis J estina juientus Sil. Italie, viii. Agmina densavit : venatû dura ferarum. *^'' Qiiœ, Fiscelle, tuas arces, Pinnamque virentem, Pascuaque haud tarde redeuntia tondet Avilla. VI. Marrucixi. Ce petit peuple occupoit le canton entre l'Aternus ciuv. itai. An- . , ,.,,,„ . tiq. I. ii. c. 13. et le forum. On ne trouve parmi eux que la seule ville de leate, qui pa- roît, à la vérité, avoir été très considérable. 3/arruf i'na simul Frentanis aeinula^«èe5, - Sil. Italie. Tiij, Corfini populos magnumque Teate trahebat. **■•• Silius se trompe à la vérité par rapport à Corfinium. 334 NOMINA, GENTESQUE piin. Hist. Nat. Cc flit (lu vivaTit mêiiie de Pline, la dernière année de Néron, qu'il arriva un prodige dans ce pays, et sur les terres de Vcctius Marcellus, chevalier Romain. Une vigne et un terrcin planté d'oliviers traversè- rent réciproquement le chemin public qui les séparoit et changèrent de place. Ce fut apparemment un tremblement de terre. ciuv.itai. An- VII. Frentani. Cc pcuplc, avcc moius de réputation peut-être tiq.l. iv. c. 9. . . ■ i i • • ti ^ ' i • a que ses voisms, occupoit plus de territone. 11 setendoit sur une cote maritime de (juatre-vingt milles depuis lembouchure du Forutn jusqu'à celle du Frento et au commencement du promontoire du Mont Garga- nus. Voici ses endroits principaux, 1. Ortona, le Sagrus; 2. liisto- nium ; 3. Buca, le Tifernus ; 4. Anxanum ; 5. Larinum, ville considé- rable, le chef-lieu des Larinates qui avoient un territoire étendu, et qui formoient une cité presque indépendante du corps des Frentani. Id. i.iv. C.7. VIII. Samnites. Ce peuple célèbre a donné son nom à la région Strab Geog. . . . . , . 1. y. p. 172. entière qui u'étoit remplie en eflFet que de ses alliés. Il descendoit des Sabins, (avec qui on l'a souvent confondu,) et les autres cités de la pro- vince paroissent avoir été ses colonies, ses confédérés, ou ses sujets. Les Samnites habitoient un pays assez étendu, rempli de forêts et de mon- tagnes, et renfermé entre les Frentani, les Peligni, le Latium, la Cam- panie, les Hirpini et l'Apulie, et, pour parler plus précisément, entre le Sagrus, le Vulturnus, le Sabbatus, et le Frento. Mais cette cité belli- queuse, qui mettoit sur pied 80,000 fantassins et 8,000 cavaliers, se ré- pandoit souvent au-delà de ses frontières. Elle avoit subjugué les Cam- paniens, les Marses, et plusieurs cités du Latium; ses troupes couvroieut l'Apulie et la Lucanie. Elles faisoient quelquefois des courses jusqu'à Ardea dans le pays des Rutuli. C'est une remarque qu'il faut faire quand on lit Tite Li e, que le théâtre de la guerre Samnite est rarement dans le Samnium même. Le peu que nous savons de leurs loix me paroît digne de Lycurgue. On donnoit tous les ans les dix plus belles filles T. Lîv. X 3s. aux dix jeunes guerriers qui s'étoient le plus signalés. Dans leurs dan- gers extrêmes ils offroient un sacrifice pul)lic dans un pavillon immense. Ils y faisoient entrer leurs braves les uns après les autres pour les engager à leurs drapeaux et à la bravoure par les sermens les plus atroces. Ils se choississoient ensuite mutuellement jusqu'à la concurrence de 16,000 hommes. Cette phalange redoutable se noinmoit Legio Lititeata, non pas de leurs cuirasses puiscju'elles étoient d'or et d'argent, mais des toiles qui ANTIQUiE ITALIC. 335 qui avoient couvert le pavillon sacré. Cette iiistitutioii toute belliqueuse leur avoit valu beaucoup de victoires. Elle fit longtenis balancer la for- tune entr eux et les Romains. La république ne les subjuga qu'après six guerres sanglantes, ou plutôt après une guerre continue de soixante- dix ans, oii leurs généraux méritèrent vingt-quatre triomphes, et essuy- èrent presqu' autant de revers. Les Samnites demeurèrent soumis pen- dant quelque tems qu'ils ne signalèrent leur valeur que contre les en- nemis du nom Romain ; on les regardoit avec raison comme les meilleu- res troupes de la république. Ils reprirent les armes à la fin, et on voit qu'ils étoient les chefs de la guerre sociale. Leur révolte leur coûta cher. Après quelques avantages les légions Romaines victorieuses par-tout por- tèrent le fer et le feu dans leur pays, détruisirent jusqu'aux vestiges de leurs villes, et exterminèrent leurs habitans.* Sylla les massacra par- tout ; il en fit égorger quatre ou cinq mille dans VOvile, et il défendit qu'on leur rît jamais quartier ; moins par cruauté que pour assurer le sa- lut des Romains qui étoit incompatible avec celui de ses rivaux. L'entre- prise de Pontius Telesinus ne le justifie que trop. Le peu qui restoit des Samnites se sauva de l'Italie, et le pays n'étoit qu'un désert du tems de Tibère : la plupart des villes étoient détruites. Celles qui subsistoient encore n'étoient plus que des villages. Voici les endroits principaux du Samnium, 1. .^sernia, colonie près des sources du Vulturnus ; 2. AUifae, sur la même rivière ; 3. Telesia, colonie sur le Sabbatus ; 4. Beneventum, colonie; 5. Caudium, entre Beneventum et Capoue; 6. Sspinum, colo- nie ; 7- Tifernum ; 8. Triventinum sur les frontières des Frentani ; 9- Bovianum, colonie vers la source du Tifernus et dans le centre du pays ; 10. Aufidena, colonie en-deça du Vulturnus et sur les frontières du Latium. Il y a encore beaucoup d'endroits dont on ignore la situation. Haec genus acre virûm, Marsos pubemque Sabellam Virgil. Géorgie. Extulit. 1. ii. 167. 564. Affuit et Samnis, nondum vergente favore Si). Ital. viii. Ad Pœnos ; sed nec veteri purgatus ab ira : Qui Batulum, Nucrasque metunt, Boviania quique Exagitant lustra, aut Caudinis faucibus haerent ; Et quos aut Rufrae, quos aut ^seriiia, quosve Obscura incultis Herdonia misit ab agris. * Plutarque dit 6,000, Samnites et Lucaniens. C'étoient les restes de l'armée de Telesinus, (in Sylla.) Be- 336 NOÎVriNA, GENTESQUE Beneventum. Tous les anciens ont placé Beneventum dans le Sain- niuni. Pourquoi dans la carte de l'Italie ancienne de M. Delisle le tiouve-t-on dans le pays des Hirpini et dans la région d'Apulia r Mémoires sur la On Sait qu'il s'appcUoit auparavant Maleventuin. M. de Bochat, sa- Suisse, torn. iii. c * • ^ /• /* i ■ i • • n i ■ p. 106—116. vant buisse, qui a très tort approrondi les origmes Celtiques, trouve que apud liibliothè- 1 j_ 1 A . . ,, . -^ iiue Raiso.inée, CCS clcux mots oiit la même signincation. Bene-ven-tun, tout comme j^m.^xvii.p. Mal-vend-tun, vouloit dire ville sur une colline de la campagne d'eau. Cette ville étoit en cftet sur une hauteur au milieu dune belle plaine arrosée d'un grand nombre de ruisseaux. Dans le moyen age Beneventum devint la capitale d'un grand état. L'an 571, les Lombards, l'ayant conquis, l'érigèrent en duché qui l'em- porta bientôt sur ceux de Spolète et de Frioul, et qui s'étendit sur toutes les provinces du royaume de Naples à l'exception de la Calabre et de quelques lieux maritimes. On l'appelloit l'Italie Cistiberine et la petite Lombardie. Ses ducs, en effet de gouverneurs devenus souverains héré- ditaires, étoient aussi puissans que les rois dont ils étoient feudataires. Ils s'affranchirent même de cette dépendance après la ruine des Lombards. Au lieu de reconnoitre le vainqueur François pour son seigneur suzerain, Arechis, duc de Beneventum, prit le titre de prince, s'ai-rogea tous les droits régaliens, et soutint l'effort des armes de Charlemagne. Ce fut sous ce prince et son successeur Grimoald qu'on vit fleurir cet état. Beneventum s'embellissoit ; on y avoit ajouté une nouvelle ville, les sciences y régnoient. Au commencement do neuvième siècle, on y comptoit jusqu'à trente-deux philosophes, c'est à dire professeurs des V. Histoire arts libéiaux. Cette splendeur passa bientôt. Beneventum devint tri- Civile (le Na- . • r^ r^i •»/• i pies, par Gian- butaiTe dcs l'iançois: Capoue et baleine, qui n etoient que du nombre T.vi!'vii!et viii. de ses comtés ou Castaldes, devinrent des principautés indépendantes. Les Arabes désolèrent cette souveraineté mourante, et à la fin en 891 les Grecs s'en rendirent maîtres. Sabi.m. Hor. Epist. i. 7". Impositus mannis, arvum cœlumqiie Sabinuni Non cessât laudare. HoEATii Villa. Idem, i. 10. Hœc tibi dictabam fanum post putre Vacunas — jjg^j^ ; j j Viliice, sylvarum et niihi me reddentis agelli, Qiiein tu fastidis, habitatum quiiiqiie focis, et Quinque bonos solitimi Bariain diiiiittere patres. VeloK ANTIQU/li ITALI/i:. 337 Velox ainœiiiiin sœpe Liicretilein Hor. C«rm. i. 17. Miitat Lyœo Faiinus; et igneam Défendit aestatem capellis Usque meis, pluviosque ventos. Utcunque dulci, Tyndari, fistula Vallès, et Usticœ cubantis, Lzevia personuere saxa. O fons Blandusiae, splendldior vitro, Mem, Ui. is. Dulci digne mero, non sine floribus Cras donaberis hxdo. Te flagrantis atrox hoia caniculae Nescit tangere ; tu fiigus amabile Fessis vomere tauiis Praebes et pecoii vago. Me quoties reficit gelidus Digentia rivus Hor. Epist. i, Queni Mandela bibit, rugosus frigore pagus. ^®' VIII. Samnites. Cœdimur, ac totidem plagis consuniimus hostem, Lento Samnites ad lumina prima duello. Sect. XII. PICENUM. Cette province s'étendoit sur l'Adriatique depuis l'embouchure de ciuvier, itai. l'iEsis jusqu'à celle du Matrinus. La première de ces rivières la séparoit ^""''- '■ "• *=• "'• de rUmbrie, l'autre formoit sa frontière avec le pays des Vestini. Dans l'intérieur des terres elle s'étendoit jusqu'au pied de l'Apennin qui la divisoit du pays des Sabins. On peut la partager dans deux cantons. 1. Le Picenum Propre, ou l'Ager Picenus; et, 2. le pays des Pretutii, avec le territoire d'Hadrie; le premier prenoit depuis l'yEsis jusqu'à l'Helvinus, et le second de l'Helvinus jusqu'au Matrinus. Les Piceni, descendans des Sabins, habitent un pays plutôt long que strabon. Geog. large, qui fournit abondamment toutes les choses nécessaires à la vie, mais les arbres fruitiers y viennent mieux que le bled. Cette dernière remarque me fait voir avec surprise que dans la division de l'empire par Constantin on ait donné à cette province le nom de Pice- num Anonarium. VOL. ni. XX Le 338 NOMINA, GENTESQUE piin. Hist. Nit. Le Picenum étoit très peuplé quand ils se soumirent à la république; Kiùt.'i. 19? les Romains y gagnèrent 360,000 sujets : cet événement arriva A. U. C. 485, trois ans avant la première guerre Punique. ciuvier, itai. I. Ageh Picenus. Voici Ics lieux maritimes de la province depuis xi"p.''728^743. l'-^sis : 1. Ancouc, colonie; 2. Numana; 3. Potentia, colonie; 4. Truentum, la rivière Trucntum, la Tinna; 5. Firmum, colonie; 6. Cluaua; 7. Cupra Maritima, célèbre par le temple de Cupra, la Junon des Etrusques. On voyoit dans l'intérieur des terres, 1. Auximum, qui a été la métropole du pays; 2. Cingulum; 3. Septempeda : 4. Asculum, -la capitale, colonie ; 5. Cupra Montana ; 6. Novana ; 7- PoUentia. sn. Italie. riA Quid qui Ficencz stimulât telluris alumnos 426. . .,„..„ Horndus et squamis et equina Curio crista Pars belli quain magna venit. Hic et quos pascunt scopulosse rura Numana, Et quîs litoreae fumant altaria Ciiprœ ; Quique Truenti/uis servant cum flumine turres Cernere erat : clipeata procul sub sole corusco Agmina sanguineâ vibrant in nubila luce. inclemens hirsuti signifer Ascii. strab. Geog. 1. Ancona. Cette villc doit sa fondation aux réfugiés de Syracuse qui ▼. p. 166. , , ^ avoient échappé au tyran Denys. Elle étoit située sur un promontoire qui se recourboit au nord pour former le port. Il croissoit dans ses en- virons beaucoup de bled et de vin. Berger, Grands Trajaii Rvoit construit à AncoHC un grand et magnifique port. Pour ss-'^rw-L. i^v- célébrer cet ouvrage le sénat frappa non seulement une médaille, mais c. 49. p. 812. ji j I ^j-jo-ea encore sur les lieux un arc de triomphe. Il avoit de beaux L. V. c. 14. p. O 1 883. ornemens qui ne subsistent plus, tels qu'une statue du prince dans un char à quatre chevaux, mais c'est toujours un beau monument. Il est composé du marbre blanc de Paros, dont les grands carreaux sont si bien unis qu'on apperçoit à peine les jointures. Les membres extérieurs, les chapiteaux, corniches, architraves, &c. aussi bien que les moulures, ne sont point des pièces de rapport qu'on y a apposé : l'architecte les a taillés dans le marbre même. Dans l'inscription de l'arc, Ancone est appellee l'abord de l'Italie. su. Ital. ïiii. ^^^^ fucare coins nec Sidone vilior Âncon, ^^^- Murice nec Lybico. Incidit Adriaci spatium admirabile rhombi iv. 39. ' " Ante domum Veneris, quam Dorka sustinet ^ncon. Ager ANTIQUE ITALIiE. 339 . -p. y^ • / 1 Tr T Cluvier, Ilal. Ageh Fk^tutianus. Le petit pays est traverse par Ic ^ ow««m5. J e Antiq. i. li. c ny trouve que, 1. Hadria, qui partage avec celle du Po Ihonneur de nommer la mer Adriatique ; elle étoit colonie des Syracusaiiis et ensuite des Romains; 2. Castrum Novum, colonie; 3. Interamna. Hadria. sii. ital. viii. Statque humectata Fomatio *^^' Hadria Sect XIII. UINIBRIA. -Voici les bornes de cette province sous les Romains ; le Rubicon et An^'^Vh c.4.*'' le Sapis la séparoient des Gaulois Lingones ; lA'pennin et la Tibre de p-^^'-'— ^os. l'Etrurie ; l'Jîsis du Picenum ; et le Nar, des Sabins. Un petit canton se débordoit au-delà du Nar jusqu'à Ocriculum ; et dans l'intérieur des terres une autre portion, un peu plus considérable, s'étendoit au-delà de r^sis jusqu'à Camerinum. Les Gaulois Senones leur avoient enlevé toute la côte maritime du Rubicon, ou plutôt de l'Utens jusqu'à l'iEsis, mais après la destruction de cette cité les Romains rendirent à l'Umbrie leur pays, qui porta pendant assez longtems le nom à'AgerGallicus. Il s'étoit assurément étendu dans le pays, mais comme nous ignorons ses bornes, je ne l'envisagerai que comme la côte maritime de l'Umbrie et la 1'^ division de la province. La nature fournit les deux autres. L'Apen- nin coupe cette province dans toute sa largeur depuis les sources du Tibre jusqu'à celles du Nar. La 2„^ division sera l'Umbrie au-delà de l'Apennin, et la 3""^ l'Umbrie en-deça de l'Apennin toujours par rapport à la capitale. L'Umbrie est une province fertile mais remplie de montagnes. p/iV. ^°^' ^' I. F LUMINA. „, , . .. Sil. Italie. Tiii. Sed non Ruricolee firmarunt robore castra 448. Détériore, cavis venientes montibus Umhri ; Hos jEisis Sapisque lavant, rapidasque sonanti Vertice contorquens undas per saxa Metaurus. et Rubico, et Senoniim de nomine Sena. Voici les lieux de l'Umbrie maritime dans l'ordre de leur situation. Amiq. ùi. c' s. 1. UAriminum, colonie, l'Ariminus; 'i. Pisau?'um, colonie, le Crustu- mius, ruisseau très rapide ; 3. Fanuni Fortuna, colonie et ville ancienne, le Metaurus ; 4. Sena Gallica ou Senogallia, colonie ; la Sena, l'iEsis. X X 2 Aiu- 340 NOMINA, GENTESQUE Itlein, I. iv. c. 36, p. 736. Idem, I. iv.c.49 p. 812. u.'c. m'.Ts"'' Ariminum. Lc sénat y envoya une colonie A. U. C. 487, et à Pisau- CheminsjT'^' lum A. U. C. 568. Auguste avoit fait réparer la Voie Flaminiennc. Lc c. 25. p. 93. sénat lui fit ériger deux arcs de triomphe aux deux extrémités de son ouvrage, l'un sur le pont du Tibre, l'autre à Ariminum. Le pont d'Ariminum, entrepris par Auguste, et achevé par Tibère A. U. C. 779, avoit deux cens pieds de long. Il avoit cinq arcades, les trois du milieu av'oient 25 pieds de largeur, et les deux autres 20 pieds chacune. Il étoit orné d'accoudoirs de marbre, de colonnes Doriques, et de statues des empereurs. Auguste y avoit aussi construit un beau port, de grandes pierres de mar- bre, dont Sigismond Malatesta, seigneur de Rimini, se servit dans la suite pour la superbe église de St. François. Ant. 1. i'i c.^e. II- Umbria TRANs Apenninum. Depuis la montagne jusqu'à Ari- minum on trouvoit sur la Voie Flaminienne, 1. Suillum Helvillum ; 2. Cales; 3. Petra Pertusa ; 4. Forum Sempronii. A l'orient de la voie, 1. jEsis, ou JEsium ; 2. Camerïnum, allié libre, et égal des Ro- mains ; 3. Attidium ; et 4. Busta Galloriim, fameux par la défaite des Gaulois en 459, et non point par celle de Camille comme les Grecs mo- dernes l'ont cru. A l'occident de la voie, i . Tifernum Metaurense ; 2. Urbinum Hortense ; et 3. Urbinum IVIetaurense ; on y voit l'origine du duché d'Urbin ; 4. Sassina, près du Sapis et au milieu de la tribu Sapi- nienne. Sil. Italie, viii. armis Vel rastris laudaude Carriers, his Sassina dives Lactis p. 463. ciuyier, itai. Petra Pertlsa. Uuc liautc moutaguc s'avauçoit jusqu'au Metau- p. 619. rus à six milles de Forum Sempronii. Pour y faire passer la Voie Flami- nienne, les Romains furent obligés de creuser dans le roc une ouverture qui avoit 35 pas ordinaires de longueur, 5 de largeur, et autant de hauteur. ciuvier.itai. III. Umbria CIS ApENNiNUM. En descendant le Tibre l'on aperçoit, Antiq. 1. ii. c. 7 rrr/- r^'•^ • « -ir m 1 « • 1. liternum libermum; 2. Arna ; 3. Vettona; 4. luder; 5. Amena; 6. Ocriculum. Entre l'Apennin et la Tinia, Ton voit, 1. Iguvium; 2. Assisium; 3. Ilispellum ; 4. Mevania : 5. Fulginium ; 6. Forum Sem- pronii ; 7. Nuceria Camellaria. Entre la Tinia et le Nar, ou sur cette dernière rivière, ]. Carsute ; 2. Spoletiumj 3. Interamna ; et 4. Nar- nia. Entre la Voie Flaminienne et l'Apennin je ne vois qu'un terrein désert sans vestiges d'habitations. H« ANTIQUE ITALIyE, 341 His urbes Ariia et latis Mevania pratis, «à/'"'"'^' "'''' Hispellum, etduro monti per saxa recumbens Narnia, et iiifestum nebulis luinientibus olim Iguvium, patuloqiie jacens sine iiiœnibus arvo Fulginia ; his populi fortes, Amerinus, et baud parci Martem coluisse Tudertes. Spoletium. Les Romains envoyèrent une colonie à Spoletium A. Veii. Paiercui. •' ^ l.i.c.l4. r. C. 518. Il devint sous les Lombards la capitale de l'Umbrie et du duché de v. rnisioire ' _ Civile de Na- Spolète, qui alloit toujours de pair avec ceux de Bénévente et de Frioul. p'", par oian- * ^ "^ _ . none, torn. i. liv. Ces gouverneurs amovibles, qu'on appelloit ducs, eurent l'art de se ren- 4,5,6,7,8. dre des princes héréditaires et presqu' indépendans. Charlemagne les laissa subsister, et je les vois très puissans encore au commencement du dixième siècle. Narni A. On traversoit le Nar pour entrer dans Narnia, sur un pont Berger, Grands .... 1 NI /~v • 1 Chemins, 1. iv. qui joignoit deux montagnes très hautes. Un voit encore le reste des c, se. p. 735. arcades. On n'en connoît aucunes d'aussi élevées. Interamna. a en croire l'auteur anonyme des Olympiades et une ciuvier, itai. inscription ancienne trouvée sur les heux, cette ville fut bâtie 704 ans p "gâl. '' "' "^^ '" avant la 19™° année de Tibère. C'est à dire, Olymp. xxvi. 4. A. U. C. 81, et 673 ans avant l'ère Chrétienne. Ameria. Selon Caton l'ancien Ameria fut bâtie 964 ans avant la ?''"■ ^^"'- n**- m. 14. guerre de Persée, c'est à dire 1137 ans avant Jesus-Christ, et 47 après la guerre de Troye. Sect. XIV. EMILIA ET FLAMINIA. .^MiLiA. Cette province avoit été occupée par quatre peuples Gau- ciuvier, itai. 1 • T A * • • / 1 • , T 1 , , Ant. I.i.c.27, lois. 1. Les Ananes, ou Anamani, qui possédoient le duché de Plai- 28,29. sance ; 2. Les Boii étoient répandus dans les duchés de Parme, de Mo- chemin», ut'c. dène, et de Reggio, et dans une partie du Bologne ; 3. Les Lingones ' ** " ' habitoient dans une partie du Bologne et du Ferrarois, et dans la Ro- magne ; 4. Les Senones s'emparèrent du duché d'Urbin jusqu'à An- cone, mais les Romains bouleversèrent toutes ces divisions. Ils exter- minèrent les Senones, ajoutèrent leur pays à l'Umbrie, et fixèrent le Rubico 342 NOMINA, GENTKSQUE Rubico pour la borne nouvelle de la Gaule Cisalpine. Ils chassèrent de leurs territoires les Boii ; les deux autres peuples furent épargnés; il paroît cependant qu'ils perdirent bientôt leurs loix, leurs mœurs, leurs noms, et tout ce qui peut distinguer un coips politique. Cette province, bornée par le Po, la Mer, le Rubicon, l'Apennin, et la Ligurie, fut rem- plie de colonies Romaines. Un grand chemin militaire la traversoit d'Ariminunvà Piacentia, qui étoieut éloignées l'une de l'autre de 184 milles Romains. Ce chemin, qui reçut son nom de son fondateur jEmi^ lius, le donne à cette rétïion. On v trouvoit les villes de Piacentia, Flo- rentia, Fidentia (Julia), Parma, Tanetum, Regium Lepidi, Mutina, Forum Gallorum, Bouonia {Felsina), Claterna, Forum Cornelii, Fa- ventia. Forum Livii, Forum Popilii, et Cajsena. Au nord du chemin, on ne voyoit que Brixillum, colonie Romaine, et au midi quelques bourgades Gauloises, telles que Solsona, Aquinum et Saltus Gallicus. La province n'étoit proprement que la Voie Emilienne. ciuvier, itai. FoRUM Gallohum. Cc bourg, à huit milles de Modène et à dix- Aiitiq. 1. i. c. ° jxviii. p. 286. sept de Bologne, est célèbre par une bataille qui s'y donna pendant les guerres civiles. Marc Antoine assiégeoit Modène dont Hirtius tâchoit de faire lever le siège. Pansa, l'autre consul, lui amenoit des secours de l'Italie par la Voie Emilienne. IMarc Antoine alla au devant de Pansa, l'attaqua un peu au-delà du Forum Gallorum, et l'obligea de se retirer dans son camp fortifié à la hâte, mais que les ennemis ne purent cepen- dant pas forcer. Hirtius arriva bientôt au secours de son collègue, ren- contra dans le bourg les troupes d'Antoine, qui se retiroient du côté de Modène, et les défit entièrement. idemj.i. c. Rhkni Insula. Lcs aucicus ont parlé avec beaucoup de confusion de l'île de la conférence des Triumvirs. Il faut cependant en trouver une qui réunisse les trois conditions suivantes: 1. De n'être pas éloignée de Bologne; 2. D'être formée par les deux bras d'une petite rivière qui se divise dans cet endroit; 3. D'être assez grande pour que les Trium- virs, assis à la vue des deux armées, pussent s'entretenir néanmoins en se- cret sans être entendus de leurs amis qui gardoient les ponts de chaque côté. Le Rheno forme sur la Voie Emilienne et à deux milles de Bo- logne, une petite île qui répond très bien à ces conditions. Le Lavinius, qui est pourtant nommé par Appienpour être la rivière en question, est très proche de Modène. iivîii'.p.'s!96, RuBico. On voit encore auprès de Césène une colonne d'un beau ''"^ marbre, ANTIQUE ITALIC. 343 marbre, mais dont linscription n'est pas si bien gravée. Elle porte dé- fense à tout général officier ou soldat de passer le Rubicon à main armée pour entrer en Italie ; mais elle paroît supposée. Son langage barbare et le silence de tous les ennemis de César, pour qui elle auroit été une pièce victorieuse, le prouve assez. Cependant n'a-t-elle pas pu être dressée après l'expédition de ce dictateur? Ravenna. Jusqu'au règne de Dioclétien et de ses collègues, les em- pereurs demeuroient à Rome, et ne se transportoient sur les frontières que lorsqu'une guerre étrangère les y appeloit. Mais quand les bar. bares menaçoient l'empire de tout côté, ces princes, toujours à la tête des armées, voloient de province en province, et établissoient leur quartier- général plutôt que leur cour dans les grandes villes qui étoient les plus à portée des barbares dans Trêves, Sirmio, Nicomédie, Antioche, et Milan. Cette dernière ville devint leur séjour ordinaire en Italie, et les empe- reurs Chrétiens trouvèrent dans leur haine pour Rome une nouvelle raison pour la préférer. Mais l'Italie elle-même fut bientôt ouverte aux bar- bares, et une ville immense au milieu des terres exposoit trop la personne du prince. Ravenne obtint alors la préférence. Située au milieu des eaux, elle étoit entourée d'un rempart naturel qui la rendoit presque in- accessible. Le souverain s'y trouvoit à portée de recevoir les secours cim. itai. am. , . . 1. i. c. xxviii. p. qui pouvoient lui venir de l'orient ; et la flotte, dont elle étoit la station 302—307. constante, assuroit toujours sa retraite. Depuis Honorius tous les empe- reurs y établirent leur cour; les rois G.oths suivirent cet exemple, et pendant plus d'un siècle et demi Ravenne étoit la capitale de l'Italie. On se piquoitde légaler à Rome ; Apone étoit ses Baiœ, et la province d'Is- trie, d'où elle tiroit ses bleds, lui tenoit lieu de la Campanie. Lorsque les Lombards envahirent l'Italie, cette ville, demeurée sous le pouvoir des empereurs, ne fut plus que le siège d'un gouvernement qu'on dé- membroit tous les jours. La situation de Ravenne étoit singulière: c'étoit la Venise de l'Italie ancienne. Sidonius en fait une description qui seroit jolie, si elle n'étoit point aussi remplie d'antithèses. Il y a une espèce de raisins qui se nourrit de brouillards; c'est pour- Piin. «in. Nat. quoi, elle est particulière au territoire de Ravenne. Lorsqu'Auguste stationna une partie de sa flotte à Ravenne, il y fit Berger, Gmnd» '" , Chemins, 1. iv. construire un beau port, avec un phare, et un camp pour les matelots c.49. p. 8ii. bien fortifié, entouré de hautes murailles. Mutina. Sous le consulat de L. Marcius et de Sextius Julius, on vit riin. Hi«. Nat. ii. 83. vm 344 NOMINA, GENTESaUE V'ell. Patcrcul. I. i. c. 15. Idem. Ibid. C. Sil. Italic. Punic, viii. 601 Idem, viii. 602. Idem, viii. 590. Strab. Geog. v. p. 150—151. un prodige inoui dans le territoire de Modène ; deux montagnes qui s en- trechoquoient avec violence, enjettant du feu et de la fumée. Des ani- maux, des maisons, tout ce qui se trouva cntr'elles fut écrasé. Des che- valiers Romains qui voyageoicnt sur la Voie Emilienne furent témoins de ce prodige, qui parut annoncer la guerre sociale. N"étoit-ce point un tremblement de terre ? Placentia. Cette ville fut fondée comme une colonie Romaine, peu avant la seconde guerre Punique. BoNONiA. Les Romains envoyèrent une colonie à Bologne sous le consulat de Manlius Volso et de Fulvius Nobilior, A. U. C. 565. Parvique Bononia Rheni. Ravenna. Quique gravi remo, liinosis segniter undis, Lenta paliidosae proscindunt stagna Ravennae. . Mutina, &,c. Vos etiam accisœ desolataeque virorum Eridani gentes ; nuUo attendente Deoruin Votis tune vestris, casura ruistis in arma. Certavit Mutinœ, quassata Placentia bello. Gallia Cisalpina. Il n'y avoit point de région en Italie qui l'em portât sur la Gaule Cisalpine, pour la bonté des terres, le nombre des ha- bitans, et la grandeur et la richesse des villes. Voici quelques avantages qui la distinguoient : 1. Leurs forêts, dont le gland nourrissoit des troupeaux si nombreux de cochons, que la capitale n'avoit presque pas d'autres provisions. 2. I-e pays très bien arrosé produisoit beaucoup de millet qu'on recueilloit en abondance dans les années même que les autres espèces de bled manquoient. 3. Le vin étoit excellent. On le conser- voit dans des tonneaux de bois, qu'on faisoit quelquefois plus grands qu'une maison. 4. Les laines : la plus molle et la meilleure étoit celle de Modène. Le pays des Ligures en fournissoit une espèce forte et rude, dont le peuple s'habilloit. Celle de Padoue étoit d'une qualité moyenne. On en faisoit des tapis très beaux. 5. Il y avoit même quelques mines d'or que celles de l'Espagne firent négliger. On eu trouvoit à Vercelles, et à Ictomulum dans le voisinage de Plaisance. Placentia. ANTIQUjK ITALl/T.. Û^& Placentia. p. Aufidius L. F. H-l-l Vir. |-1 Vir. Tr. Milit. Praef. Fab. sibi et L. Auficlio C. N. F. Patii ct ' Fadianae P. F. Matii ct L. Aufirlio L. F. fratri \-\-\-\ Vir ct Sal viae Cilae fratris uxori ct Liburniae L. F. Consobiinae Factum ex testamento II-S. CIO aibitratû C. Annisidi C. F. Riifi. J'ai copié cette inscription dans le couvent des Roquelins attenant à l'Eglise de St. Augustin à Plaisance le 13 Juin, I764. La pierre peut avoir cinq pieds de long sur trois et demi de largeur. Les lettres, qui sont très bien taillées, ont environ trois pouces de hauteur chacune. Sect. XV. VENETIA ET ISTRIA. Veneti. Il y a trois opinions sur Ibrigine des Veneti. I. Celle de Tite Live et des poètes qui content l'histoire d'Anteuor échappé de la prise de Troye, chef des Henetide.Paphlagonie, et fondateur de Padoue. 2. Celle de Polybe, qui en fait une colonie des lUyriens. 3. Celle de Strabon qui les tire des Veneti, peuple Gaulois. La première est une fable sans vraisemblance, mais on peut se partager entre les deux autres. J'étois fort prévenu en faveur de l'origine Gauloise, établie sur le té- moignage de Strabon, l'identité du nom, et la certitude de la migration Celtique. Mais la diftérencc reconnue du langage et la haine que ce peuple a toujours témoigné pour ses voisins les Gaulois forment des bar- rières invincibles. L'Illyrie d'ailleurs étoit si proche et le passage du mont Ocra si facile qu'il est diflicile de se refuser au sentiment de Po- lybe, qui a reçu la sanction du grand Freret. Tov koXttov KTToqscrt Tov Aîpiarixov Tc/j» ^ag^aguiv TrXrjûo; ti Trsgioixeif xt/xÂo, ExaTOV ^sCiOV fiugiacr; TrsVTijxovTa T£ Ktogav agvTiv vift-oys-evcov xcti xctgi9ifjiii)v. AiSujxoTOxeiV yag Ça(Ti xat ru ugifjifj-ara 'EvsTUJV eitri xsvTrjXOVTce its noAe;j £v axiTia hsijxsvui rrgo; tui fj-up^œ. VOL. III. Y Y VenETIA. Cluïier, Ital. Antiq. 1. i. c. 17. p. 1 85-133. Seymnus Chili'. 346 NOMINA, GENTESQUE Venetia. J^a légion qui portoit ce nom étoit composée de quatre pays ou peuples differens : 1. Celui des Veneti, qui étoient boniés d'un côté par les Garni et le Tilaveniptus, et de l'autre par les Cenomani et TAthesis. 2. On y ajouta dans la suite les Cenomani, nation Gauloise, qui s'étendoient depuis TAthesis jusqu'au Po et l'Addua; et 3. Les Garni (jui occupoient le pays entre le Tilavemptus et le Forniio ; c'étoit pro- prement le fond de la mer Adriatique. 4. Auguste enfin donna à l'Italie et à la Venetia, l'Istrie entière entre le Formio et l'Arsia. Telle étoit la Venetia dont les bornes étoient l'Arsia, les Alpes Noriques et Rhéticjues, l'Adtlua, le Po, et la mer. Les anciens, et sur-tout les poètes, se servent souvent des mots de Rhœti et d'Euganei en parlant de cette province, ïl paroît que ces peuples y avoient anciennement des établissemens, avant que les Gaulois et les Veneti les obligèrent de se retirer dans les montagnes, dans le pays des Grisons et dans le Trentin. EUCANEI. Juvenal. Satir. Euganeâ quantumvis niollior agnâ. viii. 15. Clavier itai SpiNA. Au moycu d'uuc bcllc correction dans Pline (1. iii. c. 17.) Antiq.i. i.c. 18. Cluvlcr a découvcrt que l'ancienne ville de Spina fut détruite par les Gaulois, le même jour que Camille prit celle de Veii, A. U. C. 360. Il s'agit seulement de lire olim oppidum au lieu de item Melpum, nom qui nous est totalement inconnu, id.i. i.e. i«. p. Aponum. Apone, bourg à quatre milles de Padoue, fameux parla naissance de Tite Live, l'étoit encore par ses eaux minérales. Voici les principales circonstances qu'on peut tirer de Gassiodore, Claudien, et plusieurs autres qui en ont parlé : 1. Au milieu de la plaine s'élevoit une hauteur médiocre dont le sommet étoit presque rempli par un lac d'eaux chaudes, dont la force étoit telle qu'on n'y pouvoit ni s'y baigner ni en boire. On voyoit avec surprise que ce lac toujours plein ne débordoit jamais, et que ses rivages creusés de toute part par les eaux ne s'enfon- Çoient point. 2. L^ne fumée épaisse couvroit la surface du lac. Le vent la chassoit-il pour un moment? on contemploit le fonds où l'on voyoit les oifrandes qu'on y avoit jettées : car ce lac étoit un oracle qu'on consultoit en y jettant des dés. 3. On avoit conduit ses eaux par des tuyaux jusqu'à la plaine oii l'on avoit construit des réservoirs et des Thermes de plusieurs degrés de chaleur à proportion de leur éloignement du lac. Ces eaux étoient très salutaires : elles rendoient Apona les Baias de 149—154. ANTIQUE ITALI.E. 347 de ces provinces. 4. Il y avoit auprès d'Apona un temple de Geryon. Il faut bien que ce nom soit ou moderne ou corrompu de celui de quel- que divinité Illyrienne. Aquileia. Le Natiso couloit sous ses murs; il embrassoit une partie Ç'"';!"»'- An- I tiq. I. I. c. ?(). p. de la ville, et lui servoit de fossé. Le Lontius en étoit éloigné de seize i85— isr. milles. En hiver ce n'étoit qu'un torrent; la fonte des neiges le rendoicnt une rivière considérable pendant Tété. Les empereurs y avoient fait construire un beau pont de pierres de tailles. Le pays entre ces rivières étoit très orné, rempli de maisons de campagne et planté de vignes dont les liabitans avoient fait par-tout des berceaux. Les Romains envoyèrent une colonie à Aquileia A. U. C. 573. Veii.Paterc. i. ■ ' j. c. 15. Le sénat, après avoir obligé les Gaulois de quitter le territoire d'Aqui- Tit. Liv. xxxix. ' . * ^ 1 55. et xliii. 17. leia, y envoya une colonie Latine. Peu d'années après, il augmenta cette colonie d'une nouvelle recrue de quinze cens familles. Non erat iste locus : merito tamen aucta recenti ^,"'"?"'"' "If Clans Urbibus Nona inter claras Aquileia cieberis urbes, Itala ad Illyricos objecta colonia montes, Mœnibus et portû celeberrima ; sed tamen illud Eminet ; extremo quôd te .sub tempore legit Solveret exacto cui sera piacula lustro Maximus. TiMAVUS. Antenor potuit, mediis elapsus Achivis, Virgil, ^neid, i. Illyricos penetrare sinus, atque intima tutus Régna Liburnorum, et fontem superare Timavi ; Unde per ora novem vasto cum murmure montis It mare prornptum et pelago premit arva sonanti. Tu mihi, seu magni superas jam saxa Timavi, virg. Edog. Sive çram Illyrici legis aequoris. viii. 6. Cluvier a traité ce suiet avec beaucoup de mstesse et de sout. Voici ciuv. itai. Ant. ,., ,. T 1* 1 .. r 1 , ,- • 1. i.e. 20. p. 139 ce qu il en dit. 1. La plupart des poètes ont paru contondre les lontaines —195. du Timavus et Padoue, qui étoient néanmoins séparées par une distance de plus de cent milles. Ce qui peut n'avoir été chez Virgile qu'une ex- pression négligée, ou une licence poétique un peu liardie, étoit chez les autres l'effet de leur ignorance. 9,. Dans le Frioul, auprès d'un bourg nommé St. Canzan, on voit plusieurs sources qui sortent avec violence du pied d'une montagne, qui s'enterrent un instant après pour ne repa- Y Y £ roître 348 NOMINA, GENTESQU£ roître qu'au bout de quatorze milles. Ces sources nouvelles (car il y en a plusieurs) se réunissent bientôt en une rivière assez large qui se préci- pite dans la mer à douze milles d'Aquileia. Toutes ces circonstances conviennent assez bien auTimavus des anciens. 3. Combien voyoit-on de ces sources? Polybe, Strabon, et Martial n'en ont su voir que sept, mais Virgile et Mela en ont compté jusqu'à neuf. Les uns et les autres avoient raison, mais les premiers en ont parlé plus exactement. C'est au bourg nommé St. Giovanni de Chcrso ou di Duina, qu'on voit les sept sources de ces écrivains. La première, et la plus considérable, forme aussitôt un torrent séparé. Les deux suivantes en forment un second, et les quatres dernières en font un troisième: mais ces trois torrens se réunis- sent à peu près au milieu de l'intervalle des sources à la mer. Mais ce fleuve, digne parla réunion de tant d'eaux du nom de Timavus, reçoit en- core, avant que de se jetter dans la mer, une autre rivière qui avoit elle- même été grossie par la jonction d'un autre ruisseau. Cette rivière sortoit d'un lac (Lago de la Pietra Rossa) éloigné seulement de la mer de quatre milles, auquel Tite Live donne le nom de Lacus Timavi. Voilà les neuf sources de Virgile. 4. Le terrein, entre les sources et la mer, n'est qu'un roc creusé de mille canaux souterrains qui établissent une communication entr'elles. C'est pourquoi, six de ces sources sont salées et que la septième ne l'est pas. C'est pourquoi, lorsque la marée est haute, les sources rejettent leurs eaux avec la violence d'une inondation, et que dans les autres tems elles coulent lentement et sans effort. Ces phénomènes n'ont pas été inconnus aux anciens. Ti'i"'""''^''"^' Brixia. Brixia, ex illâ nostra Italia, quae multum adhuc verecundiae, frugalitatis, atque etiam rusticitatis antiquas retinet et servat. rc-'is!'"*^"' ' Cremona. Les Romains fondèrent la colonie de Crémone d abord avant le commencement de la seconde guerre Punique. ciuv.itai.Ant. Mantua. Cette ville, située au milieu des marais que formoient les J. 1. c, 26. p. ^ ^ '^^^' inondations du Mincius, étoit une ancienne colonie des Etrusques. Virgil. Géorgie. Primiis Idumaeas referam tibi, Mantua, palraas : '"■ ■ Et viridi in canipo templuni de marmore ponam Propter aquam, tardis ingens ubi flexibus errât Mincius, et tenerâ praetexit arundine ripas. Virgil. Eclog. Mantua, vas misers nimium vicina Cremonae ! II. 28. ' ,,. ., „ Et qualem infelix amisit Mantua canipura, VirgiI. Oeorg. ^ ' ' "• 198. Pascentem niveos herboso flumine cycnos. Non AKTIUUiE ITALIC. 349 Non liquidi gregibus fontes, non graniina desunt : £t quantum longis carpent arnienta diebus, Exiguâ tantuni gelidus ros nocte leponet. Verona. UAthesis ou TyYclige partage aujourd'hui cette ville. Il i. i" c. le. p. °'' Fenvironiioit autrefois. La situation de la ville ou le cours de la rivière ^^^' a changé. Le vin Rhétique croissoit dans les environs de Vérone. Auguste Piin. Hist. Nat. l'aimoit beaucoup, et Virgile ne lui préféroit que celui de Falerne. sueton.inAug. Ixxvii. Quo te carmine dicam Virgil. Georg.ii. 96. Rhaîtica ? Ne cellis ideo contende Falernis. Les citoyens de Vérone avoient érigé un arc de triomphe à l'Empereur Berger, Grands ---,,. -r , ,, . • !•.• • • 1 • T->ii • Gliemiiis, I, il. c. Crallien. Lare est détruit, mais 1 inscription subsiste. Llle conservoit 4o. p. soo. la mémoire de la construction des murs de Vérone par l'ordre de ce prince ; ouvrage commencé le 3 Avril et dédié le 4 Décembre l'an 265. Mantua. Ille etiani patriis agmen ciet Ocnus ab oris Virgil. .Eneid. X 198 Fatidicœ Mantûs et Tusci filius aninis. Qui muros matrisque dédit tibi, Mantua, nomen : Mautua dives avis ; sed non genus omnibus unum : Gens illi triplex, populi sub gente quaterni, Ipsa caput populis : Tusco de sanguine vires. Hinc quoque quingentos in se Mezentius armât, Quos pâtre Benaco, velatus arundine glaucâ Mincius infesta ducebat in asquora pinû. Mantua mittendà certavit pube Cremonae, mi_ jj^n^. Mantua musarum domus, atque ad sidéra cantû Punie. l.viU.v. . . ^ , , . 594. Evecta Aonio, et Smyrnœis œmula plectns. Verona. Verona Athesi circumflua. Idem. viii. 597. Veneti. Turn Trojana manus, tellure antiquitus orti Idem. viii. 6O4. Euganeâ, profugique sacris Antenoris oris. Nee non cum Venetis Aquileia superfluit armis. Pat AVIUM. On comptoit, au dernier recensement d'Auguste, 500 p^''™^^*"?- citoyens de Padoue qui avoient la fortune d'un chevalier Romain, 400,000 sesterces, (80,000 livres.) On disoit qu'avitrefois cette ville pouvoit armer vingt mille hommes. C'étoit dans ses environs, ou du moins dans la 350 NOMINA, GENTESQUE la Venetia, qu'on voyoit ces races dc chevaux si fameux aux jeux de la Grèce. Denvs de Syracuse y avoit un haras. Veuona. Elle étoh très grande du tenis de Strabon. Brixia, Mantua. Regium, Conunn lui étoient fort inférieurs. 17— sj.etsu'r'l Creîiona. Pendant la guerre civile de Vespasien et de Vitellius, toutoSetai. Crémone fut ])ri.se d'assaut par les troupes du premier après leur victoire de Bedriacum. Le hasard ou la cruauté d'Antonius la livra au feu et au pillage, et cette ville, ruinée de fond en comble, périt après une incendie de quatre jours. On cria au miracle parceque le temple de Mephitis, située auprès des murs, avoit échappé seul à la fureur des flammes. La ville avoit été fondée deux cens quatre-vingt-six ans auparavant, comme une place forte (jui couvrît la frontière Romaine du côté des Alpes. Le nombre des habitans qu'on y envoya, la commodité du Po, la richesse de son territoire, et les alliances des peuples voisins qu'elle sut attirer, la rendirent bientôt très florissante. Elle se rétablit bientôt de son malheur par les secours de ses voisins, et les soins de Vespasien. On voit par divers traits qu'elle étoit très forte quoique située dans une plaine, qu'elle avoit des murailles et des tours, des temples très riches, et des foires publiques qui attiroient tout le commerce de ces provinces. Sect. XVL ITINERA. V. Berger, Itixeraria ET Tabul^. " On Dcut poscr cu fait que les hommes ne Grands Che- ' ... . . mills, i. iii. c néirlisent p'uères les choses dont l'acquisition est aussi utile qu'aisée. 6, 7, 8, 9. p. » O o i 1 354—360. et Pour la gucrrc, les voyages, et l'administration d'un état étendu, il est Wesscling prœ- *" .,,.,_.,. , , -,. fat. ad itincrar. prcsquc néccssaue davon- des Itméraires et des cartes géographiques, et rosoi. dès qu'on a construit des grands chemins il est très facile de se procurer ces secours. Je conviens qu'ils n'étoient point aussi comnums qu'à présent. Les mêmes monumens qui nous assurent de leur existence nous font sentir qu'ils étoient rares et qu'ils ne se trouvoient qu'entre les Galen. ]. i:i. ^ \ , , / simpiic. Medic, maius des généraux et des hommes détat, ou tout au plus des géo- Facult. p. 117. 1 1 f ■ Il -Il 1 Edit. Basil. graphes de proiession et de quelques curieux, dont le commun des apiid Wesscliii^;. .ii.\ iii-/-i*-t " p. 538. iiiiier. hoinmcs cmpruiitoit les lumières dans le besoin. Lroiroit-on qu un mulam c."io.° Galen n'ait appris que par l'expérience le chemin qu'il falloit tenir pour Nàtur.ili.i;. aller d'Alexandrie en Troade à l'île de Lemnos, et qu'à son retour il ait dressé antiqujE italic.. 851 dressé un itinéraire de cette route pour qu'on ne s'égarât point comme il avoit fait lui-même ? Quanti DoinitiL'u lit mourir Metius Pomposianus, il fit une action de tyran ; mais truand on compare les chefs d'accusation les uns avec les autres on sent que l'acquisition d'une mappe-moudc étoit une curiosité singulière dans ce siècle, agrippa exposa aux yeux du public un itinéraire général de la terre ; mais si chaque particulier en avoit eu de pareils chez lui, ce monument d' Agrippa auroit peu mérité l'attention de Pline. On voit cependant, sans recourir aux fables d'un JEthicus, qu'il s'étoit fait du tems d'Auguste un itinéraire de l'Empire. Il nous en reste un très curieux qu'on a attribué à Jules César, à Marc Antoine, à l'Empereur Antonin, à Ammien IMarcellin, et à /Ethicus lui- même. Sans vouloir décider une question aussi obscure qu'elle est peu intéressante, on peut dire qu'un pareil ouvrage destiné à l'utilité publique à dû subir un grand nombre de changemens dans des siècles assez éloignés. Les noms de Constantinople, &c. et l'usage d'appeller les capitales des cités Gauloises par le nom de la cité même, annonceroient assez que le fond de l'ouvrage est du quatrième siècle, et qu'il a pu être dressé sous les enfans du «rand Constantin. L'Itinéraire de Bourdeaux à Jérusalem avec le retour par un chemin diiférent, est une pièce très curieuse, et qui est à peu près du même tems. C'est dommage qu'elle soit corrompue au point que les détails ne s'accordent presque jamais avec les sommes totales. Les Tables de Peutinger, (qu'on nomme aussi Tables Théodo- siennes,) paroissent au premier coup une carte géographique ; les villes, les rivières et les mers y sont désignées : mais qu'on pense que la but d'une carte est de faire sentir la forme d'un pays, la situation de ses parties, et le rapport mutuel des lieux, et qu'on se rappelle que dans cette table il n'y a ni ordre ni proportion, on sentira qu'on a voulu peindre sur un des longs rouleaux des anciens, une table des chemins et nulle- ment une carte de l'Empire. Vi;e Militares. Je ne dirai rien ici d'une infinité de digressions v. Berger, _, ,. T • • T /-^ 1 GrandsCliemins aussi belles que savantes dont M. Berger a rempli son histou'e des Grands dei'Empire.i. Chemins de l'Empire Romain, et qui ont un rapport plus ou moins îli.'^c. 54."^ ' éloigné avec son objet principal ; les dépenses qu'ont coûté ces voies militaires, qui partoient de la capitale pour s'étendre jusqu'aux frontières les plus reculées, les milliares, les tombeaux, les maisons, les ponts, dont elles étoient ornées, et l'ordre qui s'observoit à l'égard des postes jjui n'ont jamais appartenues qu'à l'état, et dont la permission gratuite se com- 352 NOMINA, GENTESQUK communiquoit aux particuliers par les diplômes des princes et des magis- trats : je ne parlerai que de la construction des chemins. Les ouvriers conimençoient ])ar tracer au cordeau deux sillons ])rofonds. Ils creu- soient ensuite un fossé de l'un à l'autre qu'ils reniplissoicnt de sable et de bonne terre pour donner au chemin une assiette ferme. Dans un terrein uni et solide, cette levée, qu'on nommoit Agger, ne s'élevoit qu'à fleur de terre, en lui donnant toujours une pente suffisante pour l'écoulement des eaux. Mais dans la plupart des endroits on lui donnoit jusqu'à dix, quinze et môme vingt pieds de hauteur au-dessus des champs voisins, et puisqu'on n'a certainement pas voulu les dépouiller de leurs meilleures terres, il a fallu beaucoup de dépense pour les charier de loin. Sur cet agger on plaçoit quatre couches différentes de maté- riaux. 1. Le Stattimeti. C'étoient des pierres larges et plattes, couchées les unes sur les autres et assises dans un ciment de chaux nouvelle ; cette couche avoit dix pouces d'épaisseur. 2. La Ruderatia. C'étoient des pierrailles, des pots cassés, des tuiles, des briques répandues avec la pèle, et affermies à grands coups de barre. Elle avoit dix pouces d'épaisseur. 3. Le Nucleus. C'étoit qne craie grasse et gluante, qui servoit de ciment et qui unissoit tout l'ouvrage. Il avoit un pied d'épaisseur. 4. La Summa Crusta. Elle avoit six pouces d'épaisseur, et par conséquent l'ouvrage entier avoit trois pieds. Cette surface étoit ordinairement composée de pierres d'une grandeur inégale et médiocre, (Glarea) ; quelquefois, à la vérité, c'étoient de gros cailloux (Silex), et quelquefois même on y a vu des carreaux taillés d'une façon régulière. Domitien alla jusqu'à paver son chemin de carreaux de marbre. On choisissoit sur-tout ces pierres un peu raboteuses, (qu'on nommoit Fistulosœ) par- cequ'elles donnoient plus de prise aux pieds des chevaux, et on observoit de les coucher toujours tout de leur long et jamais sur les côtés. La largeur ordinaire du pavé étoit de vingt pieds, mais lorsque VAggei- s'élevoit au-dessus du niveau de la terre, chacun des côtés occupoit à peu près le même espace, et le chemin entier avoit soixante pieds de largeur. Le règlement qui défendoit de donner aux chemins plus de huit pieds ne pouvoit point regarder les voies militaires. REMARQUES ( 3,53 ) REMARQUES SUR LES OUVRAGES ET SI?R LE CARAC- TERE DE SALLUSTE, JULES CESAR, CORNELIUS NEPOS, ET TITE LIVE. Janvier le 19, de l'An 1756. J'ai pris la résolution de lire de suite tous les classiques Latins, les partageant, suivant les matières qu'ils ont traitées, en I. Les Histo- riens ; II. Les Poètes ; III. Les Orateurs ; dans laquelle classe, je renfermerai tous les autres auteurs qui ont écrit en prose sans être ni philosophes, ni historiens} IV. Les Philosophes. I. Classe. LES HISTORIENS. C. Crispi Salustii Opera quœ extant omnia, cum selectissimis variorum Observationibus. Ex accuratâ Recensione Ant. Thysii. Lugd, Batav. 1649. J'ai eu aussi sous la main C Cviisvi^iMMSTU qiiœ extant Opera. Lutet. Paris. 1744. C. Crispus Salustius, qui nous est connu sous le nom de l'historien Janvier la. Salluste, naquit à Amiternum au pays des Sabins A. U. C. 669. Après avoir rempli l'emploi de tribun du peuple, il fut chassé du sénat par les censeurs à cause de l'infamie de ses mœurs ; il y rentra par le moyen de César qui le fit questeur, préteur, et ensuite gouverneur de la Nu- midie. Ce fut dans ce dernier emploi qu'ayant amassé de grandes richesses parla concussion,, il se trouva en état d'acheter ces fameux jardins de Salluste qui ont toujours été si célèbres à Rome. Nous ne savons rien de lui depuis cette époque jusques à celle de sa mort qui VOL. ni. z z arriva 354 OUVRAGES ET CARACTERE DE SALUJSTE. ())Vio Latine amva quatre ans avant la bataille d'Actium, A. U. C. 718. (1) Ce fut de Salluste par - / • i «m / • • i M. Philippe apparemment dans cette période qu u écrivit les ouvrages que nous prémise à l'édi- , , . -.r -p,, ... * i • »•! ' i tion de Paris avons dc iui. M. riiilippe paroit en douter, puisqu u met la composi- d'indîquer".'' tioH dc la gueiTc dc Jiigurthe, et ses autres ouvrages, comme des suites immédiates de son tribunal, quoiqu'avec un air peu assuré. (2)3eii.Caiiiin. Pour ce qui est des passages de Saîluste où il dit expressément (2) qu'il avoit déjà abandonné la poursuite des honneurs publiques, et qui ne peuvent se rapporter à aucun tems antérieur à sa préture, ils ne lui paroissent pas décisifs, puisqu'il conclut en disant qu'eu il n'espéroit plus d'honneurs, ou qu'il cachoit bien finement son ambition. J'avoue que Saîluste, homme très capable de dissimuler ses véritables senti- inens ailleurs, étoit bien capable de le faire dans cet article. Mais il me paroît que dans une chose de fait aussi publique il ne l'auroit guères osé, et que ce passage se rapporte bien plus naturellement à la vie dq tranquillité qu'il menoit dans ces jardins délicieux après son retour d'Afrique. Et je crois que si on fait attention à deux chapitres (3) Idem. BcU. de ses ouvrages (3) On y verra une réfutation formelle des accusa- Jug. c. 4. . . , . tions qu'on lui intentoit sur cette vie de mollesse ; accusations qui ne sauroient convenir qu'aux dernières années de sa vie. Outre que, suivant la remarque de M. Philippe, ses histoires ne sentent point le jeune homme, mais paroissent bien plutôt le fruit de l'âge et de la maturité, j'aurai même deux raisons particulières pour le croire de chacun de ses ouvrages qui nous restent en entier : I. Si vous consi- dérez le caractère qu'il nous donne de Caton dans sa guerre Catilinaire et le parallèle qu'il en fait avec César, vous verrez qu^elle ne pourroit point avoir été écrite qu'après la mort de ce dernier. Saîluste l'auroit- il mis au niveau de César et lui donné même en quelque façon l'avan- tage, lui qui, dévoué à la fortune de César, savoit qu'on ne pouvoit pas lui déplaire davantage qu'en encensant les vertus d'un homme qu'iL haïssoit personnellement, et contre qui il composa deux invectives même après sa mort ? Qu'on prenne garde toujours que je me fonde bien plus sur le caractère de Saîluste que sur celui de César. Un (*) Voyez sur- Cicérou, qui portoit la dignité dans le sein même de l'adulation, (4) langue pour Li- pouvoit défendre Caton sans que César y répondit autrement qu'en janus. homme de lettres ; mais notre historien, le flatteur le. plus effronté, A'aur oit jamais risqué sa faveur afin de pouvoir contredire ce qu'il avoit lui-même OUVRAGES ET CARACTEHE DE SALLUSTE. 35,5 !ni-mème dit de Cafon en écrivant ;\ César ; (1) oià il ne lui donne pour (oi. Rpis. aJ tout mérite qu'un génie rusé et harangueur. II. La raison que j'ai pour croire que la guerre Jugurthine n'est point un ouvrage antérieur à sa préture est tirée de la matière que le compose. Dans quel temà peut-il avoir mieux conçu le dessein d'écrire l'histoire d'une guerre particulière qu'alors lorsqu'il étoit gouverneur de la province qui en avoit été le théâtre ? La circonstance qu'on nous a conservé de son voyage pour examiner les lieux célèbres, (2) et les citations qu'il fait (2)DeiaMoiii« , T. . ■ . .,•/ le Vayer, Juge, des livres Puniques, ne sauroient être concihées avec une autre pé- mem des His- toriens, torn. i. l'iode. p. 350,361. Quoique Salluste fut un homme des mœurs les plus déréglées, et qu'à cause de cela il avoit été (comme je l'ai déjà dit) chassé du sénat par les censeurs, il ne laisse pas de prendre le ton dans ses ouvrages d'un vieux Fabricius. Aucun des historiens Latins ne fait d'aussi fréquentes ni d'aussi vives plaintes sur la corruption de son temps. A tout propos 4e ces actions de débauche, d'avarice, de cruauté, et d'in- justice, dont les annales de ce siècle n'étoient que trop remplies, il prend occasion de les censurer en les mettant en opposition avec les mœurs des anciens. Les préfaces à ces deux histoires ne sont autre chose. Bien plus, très peu de tems après son expulsion du sénat, écrivant deux lettres publiques à César sur la manière dont on pouvoit remédier aux désordres de l'état, il ne s'en prend qu'à la corruption des Romains qu'il falloit extirper. (3) (3) u. Ep. ad • Nous n'avons aujourd'hui que deux ouvrages de Salluste " dans l'état où il les a publiés : 1 . La Conjuration de Catilina, et 2. La Guerre de Jugurthe ; deux morceaux dit-il lui-même des plus cu- rieux, et des plus intéressans de toute l'histoire Romaine. Il avoit fait outre cela une histoire de son tems depuis A. U. C. 663, jusques à A. U. C. 681. Il ne nous en reste plus que quelques harangues et un assez grand nombre de fragmens détachés, dont la plupart nous ont été conservés par les vieux grammairiens. Tout le monde sait que Salluste s'est distingué dans le genre concis, mais peut-être tous n'ont pas fait la remarque que l'usage fréquent qu'il fait des infinitifs abso- lus y contribue beaucoup. La plupart de ses lecteurs peuvent y avoir trouvé quelquefois de l'obscurité, toujours une certaine dureté ; mais malgré tout cela ce style a bien ses beautés, et me paroît même assez z z 2 propre 256 OUVRAGES ET CAIIACTERE DE SALLUSTE. propre pour l'histoire, puisqu'il cache en quelque façon les circon- stances peu intéressantes qui pèsent de tems à autre sur la plume de l'historien ; en ne laissant point reposer le lecteur, mais l'entrainant avec une rapidité égale à travers les jardins et les bruyrrcs. Il faut pourtant faire attention à une fort bonne chose que dit là-dessus Ue la (i)DeiaMothe Mothc le Vajcr : (l) Que quoiqu'on puisse dire que Salluste et Tacite des Hist! tom. i. sout tous Ics dcux dcs autcurs concis, c'est d'une façon bien différente, puisque celui-ci I est autant pour les choses que pour les mots, au lieu que l'autre écrit pour le fonds des matières d'une façon aussi diffuse que Tite Live lui-même ; quoique je ne sois pas de l'avis de ce savant, qui entend de cette façon-là le bon mot de Servilius NoHianus, que Salluste et Tite Live " Pares magis esse quain similes." Il semble que (2) Quintil. 1. s'il avoit bien comsidéré le passage de Quintilien, (2) où il se trouve, il auroit vu qu'il ne falloit point le prendre d'une façon aussi particulière, et que son auteur ne vouloit parler par là que de l'égalité de mérite de ces deux grands écrivains quoique leur talens fussent aussi différens. Pour ce qui est du fonds de l'histoire, Salluste n'est pas tout à fait exempt du reproche d'avoir fait paroître de la passion dans ce qu'il a écrit au sujet de Cicéron et de César. On l'accuse d'avoir caché plu- sieurs faits assez considérables, par haine pour l'un et par flatterie pour l'autre. Il est au moins certain que, quoiqu'il donne à ce premier le titre d'Optimus Consul et qu'il ne lui attribue rien qui en soit indigne, les nones de Décembre font une bien autre figure dans les ouvrages de Cicéron lui-même que dans la conjuration de Catilina. Comme Sal- luste avoit été tribun du peuple, et qu'il étoit créature de César qui ne Kiisoit que faire revivre le parti de Marins, il n'est point étonnant qu'il ne se montre aucunement favorable à celui du sénat, qu'il rcgardoit comme une oligarchie toute pure. Aussi quoiqu'il n'entreprenne point de justifier tous les procédés du peuple, l'on voit assez ce qu'il pensoit là-dessus. Il est charmé, par exemple, de pouvoir attribuer à Sulla, chef des Optimates, toutes ces cruautés abominables qui le rendoient si (3) Piim. Epist. odieux, (3) mais il n'a garde de dire mot des horreurs dont les deux ad Caesar. Marins, Cinna, Carbo, Damasippus, remplirent Rome pendant qu'ils avoient le dessus. Je ferai deux petites remarques sur un couple d'endroits de Salluste, qui me pavoissent en demander. 1 . Parlant de la corruption des Ro- mains, OUVRAGES ET CARACTERE DE SALLUSTE. 357 mains, il dit " Igitiir primo pecunia;, dein imperii, ciipido crevit." (l) (OBtU.Cdniiiii. Un moment après il dit " Sed j)rimo magis ambitio quara avaritia ani- mes hominum exercebat j" et il en donne une raison toute naturelle, que l'avarice n'a rien que de sordide, au lieu que la vertu et le vice se proposent les mêmes objets d'ambition, et ne diffèrent que dans les moyens qu'ils employent pour y parvenir. (2) Cette contrariété, qui (2)idcm.c. ii. paroît si marquée, n'a point arrêté les commentateurs que j'ai : ils n'en ont rien dit. Pour moi je ne saurois mieux résoudre ce nœud Gordien qu'en le coupant, et je rectifierois sans balancer le second passage sur le premier. Ce qui m'y détermine, outre le témoignage de l'histoire, c'est le raisonnement qu'il y fait, au lieu que le premier n'est qu'une simple affirmation. 2. Nous déci'ivantle caractère des compagnons de Catilina, Salluste dit, " Quiconque impudicus, adulter, ganeo, aleâ, manu, ventre, pêne, bona patria laceraverat." (3) L'expression ^^e/?e (s) idem, c u. est si forte, que bien loin de la souffrir dans une histoire grave, nous en serions choqués dans un roman ; comment donc comprendre que Sal- luste, dont les écrits ne respirent que la sévérité et la vertu, se soit servi d'une expression qui les choquoit autant que celle-là ? car y;e«/5 n'étoit point de ces mots que la bienséance permet pour nommer les choses qui lui sont contraires. Cette réponse, qui est assez naturelle, m'est d'abord venue dans l'esprit, mais un passage de Cicéron prouve qu'elle ne vaut rien, le voici : " Caudam antiqui pcnem vocabant ; ex quo est, propter similitudinem,penicilkis. At hodie penis est in obscenis. At vero Frugi-ille Pif.o in annalibus suis queritur adolescentes peni deditos esse. Quod tu in epistolâ appellas suo nomine, ille tectius penem. Sed quia multi, factum est tam obscœnum, quam id verbum quo tu usus es." (4) Vous voyez par là que le mot penis, innocent dans son (^) cicer. Epi«- origine, étoit devenu si obscène qu'il parle avec surprise de Pi-son qui ixc. ad. s'étoit servi d'un terme qui n'auroit point été permis de son tems qui étoit néanmoins celui de Salluste. Si j'osois hasarder une conjecture au sujet de cette difficulté, je dirois que peut-être Salluste étoit Stoïcien, secte qui avoit pour maxime fondamentale d'appeller un chat un chat, (ô) Nous savons que cette doctrine avoit fait beaucoup de par (5)APaiis. tisans à Rome dans ce siècle-là, et le caractère de sévérité qu'il se don- noit tant de peine pour affecter y convient fort bien. J'ai consulté quelquefois une traduction Françoise de Salluste par M. l'Abbé 3.-58 OUVRAGES ET ÛARA-CTERE DE SALLUST£. M. l'Abbé ïhyon. Ne l'ayant point lu je n'en dirois rien, si non que si elle est fidèle pour le fonds elle ne l'est point pour la forme, puisque le style concis de ses deux petits ouvrages se trouve noyé dans deux grands in-douze. Elle est accompagnée d'un assez grand nombre de notes historiques et critiques qui m'ont paru bonnes; j'en rapporterai une au sujet d'une correction du texte. Notre auteur, dans sa seconde lettre à César, en faisant une enumeration des cruautés que la faction des nobles avoient exercées après leur victoire sur leurs ennemis, à des- sein de les rendre odieux, dit, selon toutes les éditions, " At hercule nunc cura Catone L. Domitio." Quoiqu'il y ait quelque difficulté sur le prœnomen du Domitius que Pompée vainquit en Afrique pendant la dictature de Sylla, on peut pourtant croire que Salluste vouloit parler de celui-là. Mais pour le Caton on ne trouve aucun à qui on puisse le (1) Tom. ii. p. rapporter : M. Thyon voudroit (1) donc qu'on lut, " At hinc cum Car- " ^' bone, L. Domitio." Tout le monde connoît le fameux Carbon qui périt en Italie après la victoire de Sylla, et par là même notre auteur aura blâmé non seulement la cruauté de tout le parti mais encore de Pompée en particulier, lequel en eflFet est accusé d'avoir servi les san- glans sacrifices du dictateur avec un peu trop d'empressement. Au reste M. Thyon se trompe lorsqu'il nous dit que le père de Pom- (*) Idem. i>. 38. péc mourut pendant son consulat. ('2) 11 n'y a rien de plus certain que qu'il ne mourut que dans le consulat de Cinna et d'Octavius, deux ans (3)v.yeii.Pa- après le sien. (3) 20?" ' ' "' '^' On a beaucoup attaqué Salluste sur ce que, par une aflfectation blâ- mable, il vouloit toujours préférer les mots et les manières d'écrire sur- années à celles usitées de son tems. Une des choses qui choque le plus un lecteur moderne c'est de le voir préférer continuellement les ii aux i dans des mots tels que lacrymee, maximus, &c. Mais quoique la der- nière façon d'écrire gagna le dessus dans la suite, la première étoit encore fort en usage dans son siècle : car Varro assuroit, au rapport de (4)v.iesFrag. Cassiodorc, (4) que ce n'étoit que l'autorité du premier César, qui la mens de Cesar, j- rfans l'Edition rccommandoit tant par ses préceptes que par son exemple, qui donna la de ses Ouvrages, , ixii l'x par Arn. Mon- VOgUe d \y. tanus,p;881. C. JULII OUVRAGF.S ET CARACTERE DE JULES CESAR. 35'.) C. JuLTi C^SARis Opera quœ extant, ex Reeensione Jos. Scaligeri. Lugd. Batav. Ex Officim Elzeiv. 1635. VA". J'ai eu sous la main et je l'ai consulté dans quelques endroits, C. JuLii C^SARis Opei-a quœ extant, cum selectis vaiHoncm Commentariis, quorum plerique novi. Opera et Studio Arnoldi Montani. Amslclod, Ex Officinâ Elzeiv. 1 670. 8». " On parle beaucoup de la fortune de César ; mais cet homme extra- ordinaire avoit tant de grandes qualités sans pas un défaut, quoiqu'il eut bien des vices, qu'il eût été bien difficile, que quelque armée qu'il eût commandé il n'eût- été vainqueur, et qu'en quelque république qu'il fût né qu'il ne l'eût gouverné." (1) En effet on ne peut que souscrire 'i[l,^°T<^^,-^^ au jugement de M. de Montesquieu. Ses talens pour la politique ne cauLTelr demandent pas d'autre preuve que de dire que, né sujet, ses intrigues n^cadence dê^ le firent souverain. Du côté de la guerre il est reconnu de tous comme R"'"ains,p.i25. ^ Lausanne. 1750. le plus ffrand général que nous connoissons. Malgré sa courte vie, C'i) '-~\ ',' mourut •i^"^ ^ ' ^ '' age de 5l> ans. et la multitude àe ses occupations, il ne se distingu?. guères moins du côté des lettres. Sa réputation dans ce genre étoit assez bien établie dans un siècle aussi éclairé que l'étoit celui de Cicéron^ puisque Quin- tilien ne craint point de dire, (3) que la force de son génie ne se morb- (3) QuintiU i.. troit pas avec moins d'éclat par ses écrits que par ses victoires. Non seulement il s'étoit beaucoup appliqué à l'éloquence, qui lui étoit ab- solument nécessaire dans une république comme celle de Rome, mais il y eut peu de sciences, qu'il ne posséda :- — il étoit à la fois, historien, poëte, théologien, grammairien, astronome ; et les écrits qu'il laissa sur tous ces sujets sont cités avec éloge par tous les anciens qui ont eu oc- casion d'en parler. (4) (4) v. ses frag. , , . iT»,r/' .•!/•• mens à la fin de De tant d ouvrages le seul qui reste ce sont les Mémoires qu il écrivit ses ouvrages. de ses guerres avec les Gaulois, et des guerres civiles. Les premiers sont de sept livres, les autres n'en contiennent que trois. Un de ses amis (on ignore si c'étoit Hirtius ou Oppiu&) y a ajouté un huitième livre des guerres Gauloises, et a fait en entier celles d'Alexandrie, et d'Afrique : car il ne faut point lui attribuer (à Hirtius), un livre ou plutôt UTi journal qui marque,, selon l'ordre des jours, les événemens d'une paitie de cette guerre que César soutint en Espagne contre les filss 3G0 orvRAHEs r.T CARAcTr.np. nv. jri.r.s cksar,. Ills de Pompée. Les barbarismes qu'on y trouve à tout moment en sont les moindres défauts. Il y a une quantité d'endroits qu'on ne peut absolument point entendre. Par bonheur on voit qu'on n'y perd pas grande chose. Voici un échantillon de cette belle histoire. Après (1) Comment, uu loug sicge Cordouc est prise par César. (1) Vous lisez encore P^su. "'''" quelques pages, et vous êtes tout surpris (a) de voir César venir l'atta- (2) lem. p.8a6. ^^^^_ ^^^^ ^^ nouvcau, saus qu'ou ait dit un mot de sa révolte. Quelques critiques attribuent cet ouvrage à un centurion de l'armée de César qui notoit grossièrement jour par jour ce qui s'étoit passé. J'avoue que j'ai de la peine à comprendre que cette pièce soit du tems de la belle latinité ; toutefois si elle l'est, elle peut confirmer une vérité que nous ne savions déjà que trop ; que le même siècle peut produire des de Thous et des PariNah. Pour ceux qui sont de César lui-même, ils ont toujours été regardé comme des modèles en fait de mémoires. Les plus grandes choses contées avec la dernière simplicité, quoiqu'en lan- gage très elegant, — ce sont là les commentaires de César. On y admire surtout une grande modestie ; car on peut remarquer, fort à l'honneur (3) Comment. Je César, quc pendant que Hirtius l'encense en plus d'un endroit, (S), lie Kell. Gallic. ' ^ 1 1 f f \ J> 1. viii. 11.401, le héros lui-même ne se loue que par le récit de ses actions. Quelques et alia loca. , r • / personnes pourtant croyent que 1 amour-propre 1 a quelqueiois emporte sur la sincérité de l'historien, comme par exemple de sa guerre avec les Usipetes et les Tencteri, son expédition en .:Vngleterre, et le com- mencement de la guerre civile. Malheureux sort de l'histoire! les spectateurs sont trop peu instruits, et les acteurs trop intéressés, pour que nous puissions compter entièrement sur les récits des uns ou des autres ! Quoiqu'une des plus grandes beautés de César soit la clarté il ne laisse pas d'avoir bien des endroits obscurs pour les lecteurs qui ne sont pas guerriers. Je voudrois que M. le Chevalier de Folard nous eût donné un commentaire militaire sur cet auteur qui en a bien plus besoin que Polybe. S'il n'y avoit que César qui fut digne de nous donner sa propre histoire, il n'y avoit guères que M. de Folard qui eût dû commenter César. Il y a, outre cela, beaucoup d'autres passages qui ont bien donné de la torture aux critiques qui finissent pour l'ordi- naire après dix raisonnemens, et vingt conjectures, par avouer qu'ils n'y entendent rien. N'auroient-ils pas pu nous le dire au commence- ment? Ces sortes de passages se trouvent néanmoins en bien plus grand OUVRAGES ET CARACTERE DE JULES CESAR. 361 o-rand nombre dans les Guerres Civiles que dans celles des Gaules; ap- paremment parceque Cc'sar avoit eu plus de tenis pour revoir et pour corriger celles-ci. Toutefois si nous considérons que ces mémoires ne pouvoient guères être le fruit que de quelques soirées dans ses quar- tiers d'hiver nous trouverons plutôt étonnant qu'il n'y en a pas davan- tage. En effet ce qui fait un des plus grands mérites de l'écrivain de ces Mémoires c'est cette même promptitude. Tite Live fut vingt ans à écrire son histoire. (1) Isocrate en mit dix pour faire son panégy- (o Dodweii. rique, (2) mais César ne mettoit pas plus de tems à écrire ses victoires ician!s. s!?. qu'à les remporter, et c'est tout dire par rapport à César. Aussi Hir- vêi!d.u"maM'. tius remarque-t-il fort bien, Caeteri enim quam bene et emendate, nos Trau"du"sub- etiam quam facile et celeriter eos confecerit, scimus. (3) 'iva-i.'^de'Boi- J'ai dit que cette promptitude faisoit un grand mérite de l'écrivain ^,""^5 o'Ji'^Jà' «s de ces Mémoires, et non des Mémoires mêmes, et je me suis servi de î:^'- ^1'I-'!'= ' _ ' J Dresde. 1746. cette expression à dessein. Je distingue très fort d'entre le mérite d'un rt)Comni. de _ * _ ° Bell. Galliae. écrivain et celui de son livre. Le mérite de celui-ci consiste à m'ap- i ^lii- p. 3G9. prendre des choses que je ne savois pas, ou à m'en dire de celles que je savois déjà d'une façon juste et élégante. Dans cet examen il faut faire abstraction de l'auteur pour ne faire attention qu'à ce que je viens de dire. Tel livre qui étoit de peu d'utilité autrefois, peut être aujourd'- hui d'un grand prix à cause que tous les autres sur le même sujet sont perdus. Des plagiats peuvent bien faire le mérite d'un livre, quoique jamais de son auteur. Car son mérite doit être apprécié d'une toute autre façon. Comme c'est le génie de quoi il s'agit, pour pouvoir dé- cider là-dessus, il faudroit examiner tous les secours qu'il peut avoir eu, de son siècle, de son pays, de son éducation, de ses devanciers, et de mille circonstances. Souvent un rien, un mot lâché par quelqu'un qui n'en sentoit point toute l'impostance, une lecture, met quelquefois sur les voies des plus grandes découvertes. Newton conçut le système de l'attraction en voyant tomber des pommes dans son verger. Il fau- droit encore combiner tous les préjugés qu'il a eu à combattre, le tems qu'il a mis à son ouvrage, les distractions qu'il a eu, &c. de façon que si nous pouvions découvrir tous ces accessoires nous trouverions souvent que tel autre, dont nous méprisons avec raison les ouvrages, avoit un génie bien supérieur à tel autre que nous lisons avec admira- tion. Mauvaise réflexion pour l'amour-propre des auteurs ! le prix VOL. m. 3 a d« 362 OUVRAGES ET CARACTERE DE JUI.ES CESAR. de ce dont nous pouvons juger ne leur appartient quelquefois pas, et le seul mérite qui soit réellement à eux il est presque impossible que nous puissions l'apprécier avec certitude ! Mais revenons à nos chèvres. Pour suivre ce que je disois toute à l'heure de cette distinction, on peut remarquer un autre mérite de ces Mémoires, indépendamment de celui de son auteur ; c'est d'être les premières relations que nous ayons tant soit peu détaillées de notre continent ; j'entends par là l'Angleterre, la France, la Suisse, l'Allemagne, les Pay? Bas. . C'est là où il faut aller puiser le gouvernement, la religion, les mœurs, &c. de nos an- cêtres, et voir au moins en partie la façon dont ils sont passé sous le joug des Romains. Le morceau surtout où César nous décrit les mœurs (i)Cesar.Com- dcs Gaulois ct dcs Germains(l) est admirable, celui sur ceux des Bre- ment.de lîell. i, , • / n\ Gall. I. vi. tons ne 1 est pas monis. (2; oi)idem. i!v. Je ferai deux remarques sur un couple d'endroits de César. 1. Cé- ''■"'^' sar, en parlant de sa guerre avec les Usipetes et les ïencteri, paroît (3) Idem. 1. iv. déguiscr un peu les choses. Il assure (3) que quand il fit saisir les ^'' ' *■ chefs des ennemis qui étoient venus dans son camp sur la foi d'une trêve. On pensoit bien de cela à Rome, puisque Caton opinât en plein sénat pour qu'on le renvoyât lié et garotté aux Germains, comme un homme qui avoit déshonoré la foi de la république, par une perfidie insigne. En tout cas, n'auroit-il pas mieux fait de se souvenir de ce qu'il avoit dit en sénat quelques années auparavant ? " Bellis Punicis omnibus cum sagpe Carthaginienses et in pace et per inducias, multa nefanda facinora fecissent, nunquara ipsi par occasionem talia fecere, magis (i^saiiust.Beii. quod sc dignum, quam quod in illos jure fieri posset, qua?rebant." (4) Cdtiim. c. Di. jyjjjjg Qjj peut bien dire par rapport à tous les discours publics ce que Cicéron disoit de ceux du barreau. " Sed errât vehementer si qiiis in orationibus nostris auctoritates nostras consignât se habere arbitra- (5) Cicero pro tur." (5) Car, continuc-t-ii, ces harangues sont celles des causes et des ciuer3t.c. ou. tems, ct UGU pas des hommes ni des advocats. 2. La description que César donne des Druides Gaulois ressemble si parfaitement à celle du clergé catholique qu'on seroit presque tenté de croire que ceux-ci avoient formé leur conduite sur celle de leurs prédécesseurs payens. Mais comme on ne lisoit guères César dans le onzième siècle, con- tentons-nous de dire que les clergés de tous les siècles et les peuples de tous OUVRAGES ET CARACTERE DE JULES CESAR. 363 tous les siècles se ressemblent assez, *#**#* **********. Rassemblons les traits principaux de cette description des Druides.(l) 1. ^^^ ^^'^ii^gj,''; 'j'^, avoient entre leurs mains l'éducation de la jeunesse qui ne sortoit p-22-i. jamais de leurs écoles que remplis d'une profonde vénération pour leurs maîtres. 2. Ils s'étoient rendus juges de presque tous les procès civils et criminels. 3. Ils se servoient de l'excommunication envers les contravenans, laquelle inspiroit au peuple une si grande horreur pour le coupable, qu'il se voyoit séparé de tout commerce civil. 4. Ils avoient un chef qui avoit une grande autorité. A sa mort on lui choi- sissoit un successeur entre les Druides les plus distingués. 5. Ils étoi^nt exempts du service mihtaire. 6. Ils ne payoient point d'im- pôts et jouissoient de toute sorte d'immunités. Je m'étonne que le Père Hardouin n'ait point allégué cette description comme une preuve de son système. (2) Le rusé Archontius Severus (3) auroit bien pu J^X^^'J'J.f^^j fabriquer un César, pour y insérer ce passage, qui représente, d'une [^^^^''^"'^'^"^ ^"' façon bien odieuse, le système de l'hiérarchie Romaine enveloppée sous (3) L'Empereur le nom de Druides Gaulois. Ce père a bien fait d'objections qui ne valoient pas celle-là. Voici deux remarques de Lipsius. 1. Hirtius, en parlant des Bello- vaci, (4) dit qu'ils prirent leurs fascines, " ubi consederant, nam in \^l^^^ ^^!'- acie sedere Gallos consuesse, superioribus commentariis declaratum 3^^- est." La difficulté est bien forte; comment concevoir une armée rangée en ordre de bataille, chacun assis sur sa fascine ? Cela devoit être impossible aussi bien que ridicule. Lipsius voudroit donc (5) que (5) Epist. cem. par acies on n'entendit pas l'armée rangée en bataille, selon la signifi- cation usitée de ce mot, mais seulement le tems de la guerre en géné- ral, et il apporte deux passages l'un de Tacite, (6) l'autre de Strabon,(7) [f^.^^M^^j," pour prouver que c'étoit là une chose qui distinguoit les Romains des (^.)S!rabo.m barbares, ceux-ci étant presque toujours assis dans leurs camps, au lieu que les premiers s'y promenoient beaucoup. Il croit pourtant que pour in on pourroit lire ante aciem. 2. Dans ce que César dit des ma- chines qu'il employoit pour prendre Marseilles, il parle d'un musculus ou galerie destinée à protéger ceux qui dévoient sapper les murailles de la ville, laquelle devoit avoir eu, suivant la lection ordinaire, soixante pieds de longueur. (8) Lipsius trouve cela beaucoup trop, et ^^^ircwMi 3 A 2 rapporte p- 534. 364 OUVRAGES ET CARACTERE DE CORNELIUS NEPOS. rapporte plusieurs raisons tirées du nom, des proportions et de l'iisa/^e de cette pièce pour autoriser le changement qu'il a fait de LX. en (1) Cité par IX. n) César, (2) parlant de Metellus Scipio, dit qu'il prit le titre Monianus ad ^ . *■ loc. d'empereur : " Detrimentis quibusdam circa montem Amanum ac- (2) Cesar, (le / . / m /^i i /. -, Bell. civ. 1. iii. ceptis sese unperatorcm appcllaverat. Cela paroit manquer de sens, puisque les généraux ne prenoient jamais ce titre qu'après quelques avantages considérables. Ursinus voudroit qu'au lieu de deiritnetitis (3) ursinus ati OU lut cmolumentis, Ç'j) qui s'y trouve opposé en Cicéron. (4) locum. (4) Lib. iii. de Finibus. CoRNELii Nepotis Vila' Exccllentium Imperatorum, Observationibus ci Notis Commentatoriim. Luge/uni Butavorum. 1728. Nous savons très peu de chose de la personne de cet écrivain, sinon qu'il étolt de la Gaule Cisalpine, (de Vérone selon quelques uns,) et qi l'il a vécu du tems de Jules César et au commencement du règne o* d'Auguste. Il paroît que c'étoit un auteur fort fertile. Les anciens nous parlent d'un assez grand nombre de livres de sa façon qui avoient la plupart l'histoire pour objet. Mais de tout cela il ne nous reste plus que les vies de vingt fameux généraux Grecs, de deux Carthagi- nois, du premier Caton, et de T. Pomponius Atticus. Elles sont toutes très peu détaillées, quoiqu'on y trouve des particvdarités très curieuses ^ui ne se rencontrent nulle part ailleurs, et que leur auteur sache fort bien l'art de renfermer bien des choses en peu de place, de façon qu'on est quelquefois tenté de lui appliquer ce qu'il dit lui-incme des inscriptions d'Atticus : " vix credendum esse tantas res tam bre- «^^"s*"'"^ viter potuisse declarari." (1) Il excelle dans cet art, la difficulté du- quel rend les bons abrégés si peu communs, celui de saisir les traits qui peignent les hommes et les événemens, et de savoir laisser à l'écart toutes les circonstances qui ne font qu'erabarrass«r une narration et détourner l'attention du lecteur du principal sur l'accessoire. Le ca- (2) In Aicibiad. ractère d' Alcibiade (2) est réellement tel que Tite Live n'en auroit cap. 11. \ / . j, pas honte. Pour son style, sans être beau, (ce qui n'auroit pas con- venu à son ouvrage,) il ne laisse pas de marquer un écrivain du siècle de la belle latinité, et de le rendre (à n'envisager que cela) très propre à être mis entre les mains des jeunes gens. On ne peut guères décider de OUVRAGES ET CARACTERE DE CORNELIUS NEPOS. 365 (le sa fidélité, comme tout ce que nous avons de lui ne roule que sur des tems dont l'éloignement à tout égard ne lui donnoit point de pré- ' jugés, et n'ayant qu'à travailler avec un esprit de critique sur les mé- moires des auteurs plus anciens, ce qu'il paroît qu'il a assez eu soin de faire. Une chose qu'il faut dire à sa louange c'est qu'il paroît avoir été fort bien intentionné pour la république. Il prend occasion plus d'une fois de faire, à l'occasion des faits qu'il rapporte, (et c'étoit là tout ce que son sujet lui permettoit,) des réflexions qui décèlent assez clairement ses véritables sentimens. Une fois, (1) en rapportant la (i)înAge5..,i. soumission qu'Agésilaus témoigna aux ordres des Ephores Spartiates, en s'arrêtant au milieu de ses conquêtes pour revenir chez lui, il sou- haite que les généraux de son tems eussent suivi ce bel exemple. César avoit donné assez lieu à ce souhait. Dans un autre, endroit (2) il com- (2) inEumen. C 8 pare l'insolence du phalange Macédonien après la mort d'Alexandre, à celle des vétérans de son tems, qui fut, comme on sait, une des princi- pales causes de la ruine de la république. Si dans la vie d* Atticus il se trouve obligé une fois de louer Auguste, c'est en quatre mots qu'il le fait : encore y ajoute-t-il une modification qui ne devoit guères être du goût de ce prince : en parlant de sa fortune il dit qu'elle lui avoit donné tout à ce quoi un citoyen Romain pouvoit parvenir. (3) N'étoit- (3) in Attic, c. ce pas le reprocher tacitement de son ambition ? Cette vie d'Atticus, où se trouve cette louange, est beaucoup plus longue que toutes les autres, et comme avec cela il n'avoit à décrire que les événemens peu variés d'une vie privée, il pouvoit entrer dans un assez grand détail sur le caractère et les mœurs de cet homme singulier, qui à su si bien se rendre célèbr© sans le secours d'aucune action éclatante. Aussi l'a-t-ii fait jusqu'à nous apprendre la dépense journalière de sa maison. Elle montoit (4) à quatre mille cinq cens livres argent de Suisse ; (5) somme [*^)3ooVàsKî très petite, considérée en elle-même, puisque son domestique étoit fort parmou. nombreux, mais qui nous donne une bien grande idée de sa modération si nous nous souvenons qu'il étoit de la même ville et du même siècle que ce LucuUus qui mangea à un seul repas plus de cinq fois autant. (6) ^^^ii"'"^^'''^ Atticus démentit, par sa conduite, les calomnies de ceux qui accusoient les Epicuréens de placer leur souverain bonheur dans la jouissance des plaisirs sensuels. Il leur fit voir qu'un vrai philosophe de cette secte regardoit ses Oeuvres. 366 OUVRAGES ET CARACTERE DE (CORNELFUS NEPOS. regardoit une volupté délicate et un loisir studieux comme seuls capa- bles de rendre heureux un Iiommc raisonnable. Ce n'est point ici la place d'entreprendre la justification d' Atticus contre les sanglantes ac- (I) Dans son cusations dc l'Abbé de St. Real, (1) et dans lesquelles il paroît avoir eu «condw'me^dc ^'i^n dcs scctatcurs. Aussi je ne le ferai pas. Je dirai seulement (après avoir remarqué qu'il étoit bien difficile pour un honnête Jiomme de prendre un parti quand il n'y en avoit aucun qui pensa au bien pub- lic) que s'il est difficile de justifier sa conduite en tout, il ne l'est pas moins de s'empêcher d'aimer son caractère. Il en est tout autrement des Gâtons ; en lisant leur vie nous devenons plus aisément leurs admirateurs que leurs imitateurs. Le danger est plutôt de l'autre côté ici. Dans les derniers siècles notre auteur a eu un sort bien différent de celui de bien d'autres. Nous avons regardé beaucoup de fictions mo- dernes comme des pièces authentiques de l'antiquité, ici un écrivain a risqué de se voir enlever son propre ouvrage. Plusieurs critiques, trompés par les titres des anciens manuscrits, ont cru que ces vies des fameux généraux étoient, non pas de Cornelius Nepos, mais d'un cer- tain iEmilius Probus qui doit avoir vécu sous l'empire de Théodose et lui avoir présenté son livre. Mais aujourd'hui on est généralement re- venu de cette opinion, et on rend à Nepos ce qui est à Nepos. La seule latinité de son livre seroit bien assez pour nous convaincre qu'il ne pouvoit jamais être écrivain du siècle de ïhéodose. Elle suffit pour prouver l'antiquité de Quinte Curce, et avec raison, car il est très sûr qu'il y a quinze cens ans qu'on n'écrit plus comme cela en Latin. Mais nous en avons bien d'autres raisons. Supposons pour un moment qu'iEmilius Probus soit l'auteur de ce livre, que lui fait-on faire ? On le fait se vanter d'avoir été lié fort familièrement avec Atticus, qui vécut cinquante ans avant l'ère Chrétienne, dans le même ouvrage qu'il présente à l'Empereur Théodose, qui mourut près de quatre cens ans après cette ère. Certainement ou ^milius Probus ou nos critiques avoient un coup de marteau. Je ne dis rien de ces passages des vies que j'ai déjà cités par rapport aux généraux Romains, aux vétérans, à Auguste, tous très convenables au siècle de Nepos, mais ridicules dans celui de Probus. Les vers de Probus, qui se trouvent dans tous les . anciens OUVRAGES ET CARACTERE DE CORNELIUS NEPOS. 36? anciens manuscrits, aussi bien que le titre quî l'appelle auteur de l'ou- vrage, font bien voir comment il faut expliquer ce titre. Comme je ne sais point s'ils se trouvent dans toutes les éditions, les voici : Vade, liber noster, fato melioie memento. Cum leget hiec Dominus, te sciât esse meum. Ne timeas fiilvo stiictos diedemate criues, Ridentcs blaiidum vel pielate oculos; Commmiis cmictis : liomin'em se icgna tenere Sed memiiiit; vincit hiiic magis ille homines. Ornentur stériles : facilis tectura libelli Theodosio, et doctis carmina nuda placent. Si rogat auctoreni, paullatim detege nostrum Tunc domino nomen, me sciât esse Probum. Corpore in hoc manus est genetricis, avique, meaque Felices doniini qui meruere manus. Je ferai deux ou trois réflexions sur ces vers. 1. Que veut dire le *' fato raeliore memento ?" Il me paroît ne pouvoir convenir qu'à un livre qui avoit déjà vu le jour, mais qui comptoit paroîti'e alors avec un éclat que lui donnoient quelques circonstances particulières qui accom- pagnoient sa publication d'alors. Ce seroit justement le ton que prendroit un éditeur qui publieroit une édition de quelque auteur déjà connu, bien supérieure à toutes les autres, et qui la présenteroit à quelque grand prince. Je n'appuie pourtant pas trop sur cet argument, quoique je le croie bon, parceque je sais qu'on peut me répondre, qu'un homme qui auroit présenté un exemplaire de son propre ouvrage à ce prince auroit pu s'être servi des mêmes expressions, par rapport seule- ment aux autres exemplaires du même ouvrage qui n'avoient pas eu le bonheur de tomber dans des mains aussi respectables. 2. Un auteur (surtout parlant à im empereur) auroit-il loué son propre ouvraige comme il fait dans ce vers, Ornentur stériles ? 3. Mais ce qui, selon moi, est la raison la plus forte de toutes, c'est ce qu'il dit dans le onzième vers, " Corpore in hoc manus est genitricis, avique, meaque." A-t-on jamais entendu parler d'ouvrage bien écrit aux frais communs de l'auteur, de sa mère et de son grand-père ? Le ridicule de cela saute aux yeux. Concluons donc de tout cela que Cornelius Nepos est le véritable 368 OUVRAGES KT CARACTERB DK TITE LIVE. véritable auteur des vies des fameux généraux, et que Probus n'avoit fait que de faire une copie exacte de l'ouvrage, laquelle il présenta a l'Empereur Theodose. TiTi Livii Patavini Historiarum ah XJrhe Condi fâ J'omi Très. L'Edition de Groîiovius. Amslelodami. Apud D. Elzeivir. 1678. TiTE Live est un de ce petit nombre de grands hommes dont le nom seul fait le plus bel éloge qu'il est possible de faire d'eux. Son propre siècle lui a accordé la gloire d'avoir été parmi les historiens ce que Vir- gile a été pour les poëtes, et Cicéron pour les orateurs. Seize siècles la lui ont confirmé, et ce sei'oit en vain que quelqu'un penseroit à la lui ravir aujourdliui. On convient que la majesté de son histoire égaloit celle du peuple de qui elle traitoit. Soit qu'on le considère du côté des choses qu'il raconte, ou de sa façon de les raconter, de sa fidélité ou de son style, les plus grands maîtres de l'art devroient l'avoir continuelle- ment entre les mains, et tous ses lecteurs, de quelque ordre qu'ils soient, peuvent toujours trouver de quoi se plaire et s'instruire. Comme je compte que l'article de son histoire, que je vais commencer à présent, me mènera un peu plus loin que les autres, je partagerai ce que j'ai à dire dans quelques portions ; j'en ferai quatre : I. Dans la première, je dirai quelque chose de la personne et de l'ouvrage de Tite Live. IL Dans la seconde, je donnerai quelques des qualités qui dis- tinguent son histoire de la plupart des autres. III. Dans la troisième» je considérerai les objections et les accusations qu'on fait contre lui ; et IV. Dans la dernière, je ferai quelques remarques détachées sur quelques endroits dg^ cet historien. I. Tite Live naquit à Padoue, alors Patavium, l'an de Rome 694; des autres veulent qu'il ait été né à Apone, bourg dans le territoire de cette ville, qu'il n'ait été appelle de Padoue que comme Virgile a été appelle de Mântoue quoique né à Andes. Nous ignorons totalement la vie de Tite Live jusqu'au tems qu'il se mit à écrire l'histoire des affaires Romaines. Il s'y prit d'assez bonne heure. Car quoique nous ne sachions pas précisément l'année qu'il l'a entreprise, nous pouvons toujours être assurés qu'il avoit commencée le premier livre avant l'an de OUVRAOES ET CARACTERE DF. TITF, LIVE. 36<) âc Rome 730; car il dit que jusqu'A son tems le Temple de Janus n'avoit été fermé depuis le commencement de la ville que deux fois. Or nous n'ignorons que cette année-là Auguste le ferma pour la troi- sième fois. Dodwell, savant Anglois, croit que Tite Live avoit com- mencé son grand ouvrage l'an 725, et qu'il y mit la dernière main en 745. En effet, quand on considère d'un côté la grandeur de la tache et de l'autre les soins prodigieux que Tite Live a dû y avoir apportés pour le rendre aussi parfait qu'il est, on ne trouvera point vingt ans mal employés, mais au contraire on admirera presque autant l'application que le génie de cet auteur. La publication de son livre lui attira cer-" tainement une grande et bien juste réputation; quoique les livres, avant l'invention de l'imprimerie, ne se répandissent point avec la même rapidité. Néanmoins (et c'est encore ce qui ajoute à sa gloire) un citoyen de Gades, ville que les anciens regardoient comme l'extré- mité de la terre du côté de l'occident, fut si frappé de ce qu'il avoit oui dire de Tite Live, et de l'idée que la lecture de son histoire lui en avoit peut-être donnée, fit un voyage exprès à Rome pour le connoître de plus près, et aussitôt qu'il l'eut vu, il quitta la capitale comme s'il n'y avoit plus rien qui méritât l'attention d'un homme raisonnable. Il est vrai que quelques uns disent que de son vivant on faisoit plus de cas à Rome d'un historien fort méprisable que de lui. Quelques critiques se sont pourtant inscrit en faux contre ce fait, et cela à cause qu'on ne peut point l'accorder avec la chronologie, qui nous apprend, que cet historien ne vécut que du tems de l'Empereur Néron, au lieu que le nôtre mourut d;}ns la cinquième année de l'Empereur Tibère. Ils con- jecturent que c'étoit du fils de Tite Live et non de lui-même qu'il s'agit dans ce passage. Cela se peut, quoique je ne sache point que le fils de Tite Live se soit distingué du côté de l'histoire. Mais je ne trouve point admissible l'autre raison qu'ils allèguent pour détruire cette cir- constance, je veux dire le voyage de ce citoyen de Gades comme prouvant que Tite Live avoit une grande réputation de son vivant. Du tems que Montesquieu étoit le législateur des nations, on se dé- chaînoit contre lui :\ Paris. Et qu'on ne pense pas à me fermer la bouche en me vantant le goût du siècle des Cicérons et des Virgiles. Celui des Newton et des Pope le vaut bien. Quoiqu'il en soit, Tite Live survécut long-tems ;\ cette publication, et ce qui pourroit nous VOL. m. 3 b faire S7() OUVRAGES ET CARACTERE DE TJTE LIVE. faire juger favorablement de l'effet qu'elle avoit produit, c'est qu'Au- guste, qui se connoissoit admirablement en mérite, le choisit pour former l'esprit de son petit-fils Claude, celui qui parvint ensuite à l'empire, et il paroît que ce prince ne profita pas mal sous ses instruc- tions, puisqu'ctant encore fort jeune il entreprit une histoire des affaires Romaines qu'il exécuta assez bien. Aussi étoit-ce un génie plus propre à raconter les grandes actions qu'à les faire. Tite Live mourut, connne nous l'avons déjà dit, la cinquième année du règne de l'Empereur Tibère. Il doit avofr laissé un fils qui ne nous est connu que par le conseil que son père lui adressa par rapport à ses études : " de lire Cicéron et Démosthène, et ensuite les autres auteurs, à me- sure qu'ils approchoient de ces deux-là." Tous ceux qui ont rapporté ce trait l'ont loué comme sa modestie le méritoit. En effet c'étoit beaucoup de n'avoir point indiqué ses propres écrits en une semblable occasion. Il falloit là être plus que bel esprit, ou même que grand génie, il falloit être grand homme. Il eut aussi une fille qu'il maria à un nommé Lucius Magius, froid orateur, dont les déclamations n'étoient souffertes, que comme étant du fils de Tite Live. Il faut à présent, après avoir ramassé le petit nombre de traits que l'antiquité, bien peu soigneuse de nous faire connoître les hommes qui l'ont illustré, nous a fourni par rapport à sa personne, dire quelque chose de ses ouvrages. Il en a laissé plusieurs sur divers sujets; mais son histoire est tout ce qui est échappé aux ravages qui nous ont fait perdre une si bonne partie des précieux trésors des Grecs et des Ro- mains. Originairement elle contenoit cent quarante livres, et elle s'étendoit depuis la fondation de la république jusqu'à la mort de Drusus Nero, fils adoptif d'Auguste, par une suite de sept siècles et demi ; c'est à dire, qu'on y voyoit Rome naissant, s'étendant ses bras sur l'Italie, subjuguant toute la terre, et s'affaissant sous son propre poids. Je ne sais point pourquoi quelques critiques ont voulu qu'au Lieu de cent quarante livres, elle en ait contenu cent quarante-deux. Les abrégés de tous les livres, lesquels nous avons, prouvent (ce me semble) qu'il n'y avoit que le nombre indiqué d'abord. Si nous avions cette histoire en son entier nous ne pourrions pas souhaiter quelque chose de plus parfait pour les tems qu'elle embrasse, mais par un mal- lieur affreu», et peut-être à jamais irréparable, nous en avons perdu la plus Ot/VRAGE3 ET CARACTERE DE TITE LiV'E. 371 plus grande partie. Il ne nous reste encore que, I. Les dix premiers livres, dont la perte auroit été la moins considérable de toutes, tant à cause que les siècles dont ils contiennent l'Iiistoire sont ceux qui nous intéressent le moins, à cause de leur éloignement et de la petite figure les Romains faisoient alors, que parceque ces mêmes siècles ont été traités (à l'aveu de tous les critiques) d'une manière beaucoup plus détaillée et plus exacte. II. Dix autres, depuis le vingtième exclu- sivement jusqu'au trentième exclusivement, et ils contiennent seule- ment les dix-sept ans que dura la seconde guerre Punique, où Hanni- bal, après avoir fait trembler les Romains pour leurs autels et leurs foyers, fut obligé de conseiller, comme nécessaire, un traité qui fit passer l'empire du monde de Carthage à Rome. C'étoit-là un morceau digne de la plume de Tite Live, aussi paroît-il y avoir travaillé avec un goût tout particulier. III, Dix autres livres qui contiennent l'abaisse- ment de Philippe et de Antiochus, et le changement des chaînes des •Grecs, changement que ces François de l'antiquité appelloient. IV. Cinq autres livres, qui commencent où ceux-ci finissent, et qui vont jusqu'au quarante cinquième inclusivement, et qui renferment la chute de Perse, et la grandeur Romaine (si on fait attention aussi bien au dedans qu'au dehors) à son faîte. Ces derniers cinq livres n'ont point été trouvés ni publiés en même tems que le reste. Aussi, pen- dant que les trente autre livres sont sans la moindre lacune, ceux-ci sont coupés et tronqués dans cent endroits, et cela non de quelques mots ou de quelques lignes, mais souvent de pages entières que renfer- ment les événemens les plus intéressans ; et là même où il ne manque rien par rapport à la narration, le texte est fort corrupt et a souvent besoin de la main d'un bon critique. Il est facile par ce petit tableau de voir combien grande est notre perte, puisqu'on y voit que des cent quarante livres qui formoient autrefois ce beau corps d'histoire nous n'en avons plus de nonante cinq. Il me semble avoir lu quelque part dans les ouvrages de milord Bolingbroke, que ce grand homme faisoit bien plus de cas des livres de Tite Live qui sont perdu que de ceux qui nous restent encore, et que (sans faire attention à la quantité de l'un ou de l'autre) il auroit volontiers donné ce que nous avons pour recouvrer ce que nous n'avons plus. Je trouve que milord Bolingbroke avoit assez raison de le dire ; mais je crois que, quand on en viendroit à 3 B 2 l'épreuve. 372 OUVRAGES ET CARACTEUF. DE TITE LIVE. l'épreuve, lui, et tout liomme de goût, auroit bien de la peine à se détaire d'aucune partie d'un trésor aussi inestimable. On seroit dans le cas de Philippe V. lorsqu'il falloit opter entre la couronne d'Espagne, et la succession de celle de France ; le choix étoit facile, mais la diffi- c\dtc d'en laisser une d'elles. J'avoue pourtant qu'il y auroit bien des auteurs de l'antiquité que je sacrifierois pour avoir seulement les livres de Tite Live qui contiennent l'histoire des 60 ans depuis l'an de Rome 6Ô3 jusqu'à 723 ; on ne peut guércs concevoir un point de vue plus magnifique que celui-là, où toute la terre connue étoit le théâtre, et une foule de grands hommes, que la nature jjour l'ordinaire ne produit qu'à l'éloignement de quelques siècles, mais qu'elle avoit alors fait contemporains, étoient les acteurs j tels que Marins, Sylla, Metellus, Catulus, Pompée, César, Crassus, LucuUus, Cicéron, Hortensius, M. Antoine, Auguste, et tant d'autres hommes capables de faire le bon- heur des hommes ou leur malheur. Un pinceau tel que le sien, sans se jetter, comme Salluste, dans des déclamations continuelles contre les mœurs de son tems, et sans donner, comme Tacite, à l'esprit des hommes ce qui étoit à leur cœur, auroit décrit les mœurs du siècle de Lucullus avec le même sangfroid qu'il l'a fait de ceux de celui de Fabricius, voyant que les unes et les autres étoient des états difFérens de la république, et que vouloir qu'un peuple maître du monde fût animé du même esprit que les habitans de Rome naissante, étoit vouloir une république de Platon. Semblable aux observateurs de la nature il auroit reconnu que les expériences valoient mieux que les systèmes, et en conséquence de ce principe il auroit expliqué le caractère de l'homme par ses actions, (encore s'y seroit-il pris avec bien des précautions,) non point les actions suivant l'idée qu'on s'étoit formé d'avance du caractère. Il auroit vu que bien loin que le carac- tère qu'on pose à la base de la narration soit uniforme, que bien loin, dis-je, qu'il puisse nous rendre raison de la conduite d'une vie entière^, rien n'est plus dissemblable à l'homme de hier que l'homme d'aujour- d'hui. Les messieurs qui croyent pouvoir nous développer ainsi tous les motifs des actions des hommes (qui très souvent ne les connoissent pas eux-mêmes) ont à la fois bien bonne opinion et de la constance des hommes et de leur propre pénétration ; mais qu'ils se souviennent que, lu OUVRAGES ET CAHACTERE DE TJTE LIVE. 373 In vain the sage, with retrospective eye, ^ Would from the apparent what conclude the wliy, Infer llie motive from the deed, and shew Tliat what we chanced, was what we meant to do. Behold ! if Fortune or a mistress frowns. Some plunge in business, others shave their crowns: To ease the soul of one oppressive weight, This quits an empire, tliat embroils a state : The same adust complexion has impell'd Charles to the convent, Philip to the field ! En réfléchissant à cette immense perte que nous avons fait d'un si bel ©uvrage, nous ne pouvons guères pardonner à nos barbares ancêtres d'avoir si cruellement détruit ou au moins estropié presque tout ce que les anciens avoient fait de beau. Encore patience pour que dans les mille ans que leur règne a duré ils n'ayent point avancé les sciences, s'ils nous avoient au moins laissé dans le même état où se trouvoit le monde littéraire vers l'an 400, quand ils ont commencé tout de bori leurs inondations, et qu'ils n'eussent pas ruiné, s'ils ne pouvoient bâtir. Ils nous ont à la vérité conservé quelque chose de ces hasards si on peut appeller conserver, laisser quelques ouvrages à l'oubli que le hasard, bien plus que leurs soins, a amené jusqu'au rétablissement des sciences en Europe. Le sort de ce petit nombre, dont presque tous. ont été trouvés, fourniroit bien de la matière à des réflexions sur le bizarre sort que quelques uns ont subi. Mais ce ne seroit pas ici un lieu convenable de s'y livrer, de parcourir tout ce qui nous reste de tant d'ouvrages dignes de l'immortalité, et de montrer pourquoi les uns plutôt que les autres sont échappé au grand naufrage des lettres. Tout ce que je dirai ici c'est de remarquer qu'en gros les poëtes se sont beaucoup mieux conservés que les historiens. Mettons en paral- lèle Salluste, Tite Live, et Tacite, les plus illustres des derniers, avec Virgile, Horace, et Ovide, les plus célèbres d'entre les premiers, Salluste est presque entièrement perdu, à la réserve de deux petits morceaux., A peine nous reste-t-il un tiers de Tite Live. Nous n'avons pas la moitié de Tacite. Par contre, Virgile et Horace se sont conservés en leur entier, et il ne nous manque que la moitié d'un seul ouvrage, celui encore qui tient le plus de l'histoire. Si on voulort rechercher les raisons S74 OUVRAGES ET rARACTERr DE TITE LIVE. ■raisons de ce phénomène peut-être ne seroit-elles bien difliciles à trouver. I. Caéteris paribus, l'ouvrage d'un poëte doit se conserver plus naturellement que celui d'un historien, parcequ'il intéresse davan- tage tous les tems et tous les pays. Nous ne pouvons guères nous dispenser de savoir ce qui est arrivé à notre patrie pendant le siècle dans lequel nous vivons. Tout nous y rappelle. Les livres donc qu[ en traitent sont entre les mains de tout le monde. L'éloignement de • quelques siècles diminue de beaucoup la vivacité de cet intérêt. Ces ouvrages disparoissent de chez les cabinets des gens du monde, pour se réfugier dans ceux des savans. Cependant c'est toujours l'histoire de la patrie, et cette considération fait que bien des gens ne la négli- .gent pas entièrement. L'origine des familles illustres, celles de tant de coutumes anciennes, la rende encore intéressante pour l'homme >curieux, et les principes de la constitution civile et ecclésiastique la rendent souvent nécessaire pour l'homme d'état. Mais lorsqu'à l'éloignement du tems on ajoute encore celui des lieux, on trouvera .qu'ils ont perdu presque tout leur mérite, excepté celui que leur auteur a su leur donner par la manière dont il a traité son sujet. Ils ne sont ;plus guères intéressans qu'aux érudits, à qui tout plait qui est ancien, peu utile, et inconnu de presque tout le monde, et qu'à quelques phi- losophes qui aiment à considérer l'homme dans toutes ses différentes modifications. Faut-il donc s'étonner si l'on apporte beaucoup moins de soin à leur conservation qu'à celle des poètes, dont les beautés (peuvent être senties à Paris aussi bien qu'à Rome, dans le siècle de Louis XV. aussi bien que dans celui d'Auguste ? II. Quelques cir- constances particulières peuvent encore fonder si non une raison du moins une conjecture : la voici. Dans les tems où les auteurs étoient encore en leur entier, c'est à dire dans les deux ou trois premiere .siècles qui ont suivi la chute de l'empire d'occident, les pays où la langue Latine se conservoit se ti'ouvoient possédés par des nations dif- férentes entre elles mais toutes ennemis jurés du nom Ilomain. Ces peuples devoient-ils voir avec plaisir des ouvrages se multiplier et se perpétuer qui faisoient voir leurs propres ancêtres dans l'état de la 'plus grande humiliation, et ceux de leurs esclaves au comble de la grandeur ? Ne devoient-ils pas craindre que la lecture de ces mêmes ..auteurs n'inspirassent aux Romains des sentimens peu convenables à leur OUVRAGES ET CARACTERE DE TITE LIVE. 375 teur condition actuelle, et que s'ils ne les fiiisoient pas entreprendre de secouer le joug, que du moins ils ne le leur fissent supporter impatiem- ment? Je ne pense pas qu'on ait publié d'ordres sur ce sujet. Mais il faut bien peu connoître les moines (alors seuls dépositaires du savoir) pour croire qu'ils ne sentoient pas les idées de leurs maîtres ; et bien peu leur avarice si l'on s'imagine qu'ils ne se soucioient bien plus de gagner quelques arpens que leur complaisance pouvoient attirer à leur couvent, que de conserver tous les plus beaux morceaux des anciens. D'un autre côté ils ne dévoient pas être bien gracieux pour les vaincus de rappeller les triomphes de leurs ancêtres. Dégénérés comme ils étoient ils dévoient dire, avec l'affianchi de Terence, " Ista comme- moratio quasi exprobatio est." Or ces considérations n'existoient point, ou n'existoient que très foiblement par rapport aux poètes. Je n'appuyé cependant pas sur cette raison,^ elle vaudra ce qu'elle pourra. Dans les siècles depuis la renaissance des lettres on a souvent espéré de recouvrer ce qui nous manque des cent quarante livres de Tite Live. Pendant longtems on les a cru dans le sérail du Grand Seigneur ; mais toutes les tentatives infructueuses qu'on a faites pour les en re- tirer et les grandes sommes qu'on a offertes sans effet, ont à la fin con- vaincu tout le monde qu'ils ne pouvoient pas y être. Monsieur Des Gloires, un homme qui a beaucoup de connoissanccs dans tout ce qui regarde les belles lettres, et qui connoît parfaitement la Grèce pour avoir été longtems dans ces pays-là, m'a dit que si le manuscrit entier de Tite Live existoit encore il croyoit qu'il devoit se trouver dans le célèbre monastère d'Athos, où, avant la prise de Constantinople, on avoit transporté tout ce que la ville possédoit de considérable en fait d'anciens manuscrits. Il ajouta que sous le ministère du gi"and Col- bert on avoit formé le dessein d'envoyer ;\ Athos deux bonnes frégates sous pavillon Maltois pour enlever tout ce qu'on pouvoit trouver en ce genre ; mais qu'on abandonna ce projet, par la crainte de se compro- mettre avec la Porte, qui n'auroit pas manqué de découvrir la feinte ; qu'on se contenta de le faire visiter par quelques gens de lettres dé= guises en marchands, mais que leur recherche fut sans fruits ; les moines ou n'ayant rien, ou cachant soigneusement ce qu'ils avoient. Cette dernière circonstance m'a fait presque croire qu'ils n'étoient pas en 376 OUVRAGES ET CARACTERE DE TtTE LIVE. en état de le produire en manuscrit. Les Grecs modernes sont à la fois si ignorans et si pauvres, qu'on ne peut se persuader, qu'avec bien de la peine, qu'ils eussent pu faire plus de cas de quelques vieilles pape- rasses dont ils ne connoissent point le prix, que des sommes considé- rables qu'elles leur auroient valu auprès des Latins. Un auteur incertain (quelques mis croyent que c'est Floiais) a voidu suppléer en quelque façon à la perte des cent cinq livres de Tite Live que nous n'a\'ons plus, pendant qu'ils cxistoient encore. Il noug fit des sommaires de chaque livre, où dans peu de mots il fait connoître les matières qui y sont contenues. Quoiqu'on voit que ce petit ou- vrage doit avoir nécessairement toute la sécheresse d'un abrégé, cepen- dant s'il étoit encore exact et qu'on pût compter que, par rapport aux faits, c'est Tite Live lui-même, il pourroit être encore d'une certaine utilité ; mais voici deux exemples pris du même livre qui montrent combien il est éloigné de cette exactitude. 1 . Parlant du second Scipion, qu'on fit consul plusieurs années avant qu'il eut l'âge requis par les loix, le ****#*** REMARQUES ( 377 ) Lausanne, 4 Mai, 1757. REMARQUES CRITIQUES SUR UN PASSAGE DE PLAUTE. Il y a un passage du Pœnulus de Plaute, Act. III. s. 3. v. 50. que je n'entends point suivant la lection ordinaire. Les commentateurs que j'ai vus n'y trouvent cependant point de difficulté, pas môme jVI. de Saumaise. Un domestique, déguisé en soldat pour tromper un marchand d'es- claves, paroît sur le théâtre. On lui demande qui il est, une personne au fait de la fourberie répond, Hic latro in Spartâ fuit, Ut quidem ipse nobis dixit, apud regem Attalum, Inde nunc aufugit quoniam capitur oppidum. Je crois pouvoir établir comme premier principe, que, comme on vouloit tromper le marchand d'une manière plausible, la vraisemblance exigeoit qu'on prît, pour bâtir là-dessus leur invention, un événement réel, récent, et connu de tout le monde. M. l'Abbé Sevin a bien con- sidéré les choses comme moi, puisque dans ses cinieuses recherches sur l'Histoire de Pergame {V. Mémoires de rAcadc7nie des Belles Let- tres, torn. xii. p. 219.) il s'est bien servi de ce passage comme une preuve qu'Attale avoit des troupes Grecques à sa solde. Cela étant, il est question de trouver une époque où Sparte fut prise pendant qu'un roi Attale commandoit dans ses murs. Si l'histoire n'en fournit point pour expliquer ce passage, il faut avoir recours à la cri- tique pour la rétablir. On peut encore remarquer qu'il faut la trouver «ntre l'an Av. Ch. 241, première année du premier roi Attalus, et l'an 184, tems de la mort de Plaute. Sparte fut prise par Antigonus Doson en 221. V. Plutarch, in Cleo- men. p. 819. Polyh. l. ii. p. 155. Justin, l. xxviii. c. 4. Rollin, Hist, Ancienne, torn. iv. p. 239. Petav. Ration. Tempor. t. i. L iv. c. 4. p. J27. Un Attalus régnoit alors; cependant plusieurs raisons m'em- xcME m. 3 c pèchent 378 nF.MARQUES CRITIQUES SUR UN PASSAOE DE PLAUTE. pèchent de croire, qu'il ait été question de ce fait. En voici quelques ïines. I. Tous les auteurs se taisent sur cette circonstance. Cepen- dant, un secours conduit par le roi de Pergame en personne, ne devoit guères échapper à l'exactitude d'un Plutarque et d'un Polybe, qui nous ont décrit toutes les plus petites particularités de cette guerre avec un si grand détail. II. L'an 221 Attalus étoit bien loin de pouvoir sortir de ses états pour aller secourir ses alliés. Achœus, gouverneur et en- suite roi d'Asie, l'attaquoit, l'avoit déjà dépouillé d'une partie de son royaume, et le pressoit vivement dans le reste. Attalus, qui prenoit lui-même des Gaulois <\ sa solde, pouvoit-il se dessaisir de ses propres troupes en une telle conjoncture, et surtout pouvoit-il aller en personne en Grèce ? Environ le tems dont nous parlons, les Byzantins, ses an- ciens amis, lui demandèrent du secours contre les Rhodiens ; il ne put Jeur en donner, V. ubi supra, Sevin. p. 217. III. Quand même rien d'autre ne s'y opposeroit, la seule circonstance d'un Antiochus alors sur le trône suffiroit pour faire voir que nous n'y sommes pas encore. Pœn. Act. III. S.3. V. 3\. L'an 22.'5 Seleucus Callinicus étoit assis sur le trône des Seleucides. V. Prideaux Hist, des Juifs à Van 223. La réponse que je connois à cette preuve c'est de dire que c'étoit un des traits que l'imitateur Latin avoit conservé de son modèle Grec, du tems de qui un Antiochus régnoit peut-être. Mais suivant toutes les appa- rences. Plante prit son Pœnulus du Xaj^'j^wof de Ménandre. V. Me- vand. et Philers. Jieliq. Anistel. 1 709. p. 96. Or Ménandie mourut l'an A. C. 292, douze ans avant le premier Antiochus. Petav. Ration* l^emp. p, 1.1. iù. c. 1 8. p. 11 4. Sparte fut assiégée en 195 par les Romains et leurs alliés, (^i/V» /. .iy'jvruiv Ss us aîixoivro vvù ruiv Movapxm) subsistoit déjà ; mais effrayés apparemment du bruit de ses expoloits ils renvoyèrent leur entreprise à des tems plus favorables. Il n'y a rien de pareil dans le cas des Indiens. Jamais ils n'ont eu de démêlé avec les Romains. Ils envoyèrent à la vérité une ambassade ;\ ce prince, mais ce fut uniquement pour demander sa protection et ren- dre hommage à ses vertus, (SlraL Geog. L rv. 495. Flori Histor. Roman. L iv. c, 12.) circonstance qui me confirme dans l'idée qu'il n'est point question ici des Indiens orientaux, ni de leur ambassade. Vir- gile, habile adulateur, auroit-il jamais exposé des lecteurs à confondre un événement aussi unique, aussi flatteur pour son héros, que celui d'un peuple libre qui vient de l'extrémité de la terre rendre hommage à ses vertus, à le confondre, dis-je, avec ces avantages qu'on obtenoit si souvent sur les barbares limitrophes de l'empire? Une autre raison, qui ne me permet pas d'adopter le système du Père Catrou, c'est le phrase Asiœ extremis in oris. Quelque tour que le Kev. Père tache de lui donner, on ne peut pas se dispenser d'avouer, que la seconde ligne de celles que j'ai rapportées n'indique l'endroit où César étoit lorsqu'il s'occupoit à ce qui est décrit dans la troisième. Or César reçut l'ambassade des Indiens à Samos. V. Diofi. Hist. Ro- man, l. Iv. 2). 626. Quelque licence que les anciens se soient donnés dans l'application du mot d'Asie aussi bien que ceux d'Inde, de Syrie, de Scythie, hc. on ne me persuadera jamais qu'ils ayent appelle les frontières les plus reculées de l'Asie une île qui en forme l'entrée. Au lieu que l'Egypte, où César étoit, séparoit en effet l'Asie des pays loin- tains et inconnus de l'Afrique, suivant un système fort reçu du tems de Virgile, qui donnoit l'Egypte à l'Asie. V. Notit. Orb. Ant. Cellar. torn. a. I. iv. p. 3. et Sallust. in Jvgurth. c. 18. "\^oIlii les raisons qui m'engagent à rejetter le système du Père Catrou, et à croire que notre poète ne vouloit parler dans cet endroit que des jEthio})iens. Il ne reste qu'à examiner deux de ses objections .contre mon upinion, lesquelles me paroissent assez foibles. I"*"'- Les /Ethiopiens, remarquk; critiques sur un passage de VIRGHF,. 3So jEUiiopiens, dit-il, étoient-ils assez considérables dans la bataille d'Ac- tium pour ne la représenter que par la ? torn. 2. p. 249 ; peut-être que non. En tout cas c'est à ceux qui le croyent à le soutenir. Cette ob- jection ne me regarde pas, moi qui ne parle point des ^Ethiopiens auxi- liaires d'Antoine, mais comme voulant faire la guerre en leur propre nom. II. Virgile devoit avoir fini son second livre avant la bataille d'Actium: soit, quoique Donat n'ait beaucoup de poids dans mon esprit. Mais il ne publia les Georgiques que l'année après, et je crois bien qu'il les retouchoit jusqu'au jour de leur publication. A Lauscmne, 13 Mai, 1757. REMARQUES CRITIQUES SUR UN PASSAGE DE VIRGILE. Nam qua Pella;i gens fortunata Canopi Accolit effuso stagnantem flumine Nilum, Et eircum pictis veliitur sua lura phaselis; Quàque Pharetiatœ vicinia Persidis urget, Et viridem iEgyptum nigrâ fecundat arena. Et diversa ruens septem discuirit in ora Usque coloratis amnis devexus ab Indis. Oninis in hac certam regio jacit arte salutem. ViRG. Georg. iv. v. 287. . Ce passage a bi,en coûté des veilles aux savans. C'est proprement la quatrième ligne qui en fliit toute la difficulté. Le voisinage du Nil et de la Perse choque les premiers principes de la géographie et paroît inconcevable, sur tout se trouvant dans Virgile qui réunissoit les con- noissances du savant aux talens du bel-esprit. On s'est pris diverse- ment pour s'en tirer. Les uns ont cru le texte corrompu ; les autres ont voulu l'expliquer. Encore ceux-ci ont-ils suivi des routes diffé- rentes; on a rapproché la Perse du Nil; on a reculé le Nil jusqu'à la Perse. Voyons quel sentiment il nous convient le mieux d'embrasser. VOL. ni. 3 û Je 386 REMARQUES CRITIQUES SUR UN PASSAGE DE VIRGILE. Je ne fais qu'indiquer la correction de M. de Segrais qui transposoit réciproquement les vers Quàqiie Pharetralœ, ^r. Et viridem, ^r. de manière que les quatre premières lignes se rapportoient au Nil et à l'Egypte, et les quatre dernières à l'Indus, fleuve limitrophe de la (i;v Recueil l'erse. (l) M. Huet a si bien réfuté cette emendation ('2) qu'à moins «le Ui^scrlaiions . ii.- -i.i • • kti de Philologie, d avoir perdu 1 esprit on ne sauroit 1 admettre : aussi quoique M. de &C. publ. par .,>a vii • /■ \ •^ t • • ^ i i • •u/t- lAbbéTiiiadei; Scgrais itit tiTs bcl-csprit (3) Il n avoit ni la pénétration ni 1 erudition M^ln' Segrais et néccssalrc pour faire un bon critique. (4) sont au vol. ii. L'opiniou qui trouve des Perses sur les bords du Nil est celle du CJ) 11^). p. 54. Père Catrou. Il la propose avec sa confiance ordinaire, et il faut cou- i.ou'i'rxiv^ venir que son système est joli. Il fait venir un passage de .Salluste (THueii^joIn- pour uous apprendre que les Perses passèrent en Afrique après la mort ment. p. 'io+. ^^ j^^^, g^j^^.j.gi Hcicule, qu'ils y prirent le nom de Nomades ou Nu- mides, et qu'ils s'étendirent dans la plus grande partie de l'Afrique in- térieure. " Voici donc un grand empire établi en Afrique par les Per- sans qui bordent l'Egypte, et qui la seiTcnt du côté occidental, mais sur oun'''^''* '"^ ■ t ij t /• • • nous variorutn, leçon. Interior, par rapport a 1 Afrique, ne sauroit signifier que la i'^""e 'le Phi- partie située fort avant dans les terres. Mais, sans nous arrêter au nil' "'"'' sentiment de Soldus qui y donne un sens, dont on ne pourroit trouver d'exemple, Glareanus (2) en offre deux pour le mot «Vz/tr/or. Il peut ("^ '" '''''• _ ^ ^ . ^ ' Thysii ail c. signifier la partie de l'Afrique la plus près de la mer et de l'embou- is. Bdi. Ju- chure des rivières, ou bien la partie occidentale de cette région. Sans m'arrêter à examiner ces différentes explications, puisqu'elles me sont également favorables, je ne dirai qu'un mot sur la hardiesse du Père Catrou, qui ose ainsi falsifier un auteur entre les mains de tout le monde pour le plier à ses systèmes. Etoit-ce excès d'inattention ? Etoit-ce manque de bonne foi ? Je n'ai garde de décider : mais le caractère de confrère du Père Hardouin est bien loin de fournir un préjugé en sa faveur. Je lui nie aussi sa conséquence. Admettons son interior, donnons-lui toute l'étendue possible, n'y mettons d'autres bornes que la longitude de Catabaltomus, borne de l'Afrique même .suivant Salluste, (3) il restera toujours une immense étendue de pays (3)Saiiusni avant que d arriver en Egypte, les Garamantes, les Blemmyes, et les '"■ ceiiar ubi déserts de la Lybie. Sans compter que Vurget de Virgile indique ce qui est, non ce qui étoit, un poëte de nos jours diroit-il qui la Toscane toucha à la Sicile parceque les Toscans d'autrefois possédoient toute l'Italie jusqu'au détroit de Messine ? (4) (4) t. u\. i, i. Les Persans de l'autre côté du Nil ne sont pas plus réels. Sénèque o)"q. cun. nous parle bien d'ime nation vers les cataractes qui avoit été placée là Aiex/i vn^î".' s. par les Persans, mais il ne nous dit point qu'elle étoit Persanne elle- cyrf^pœd'.'Î!"'!! même. Au contraire, à en juger par les coutumes de la nation des Hen'^stepl!!' Perses, c'étoit une de ces nations sujettes à son empire, mais différente sert.^de m'^''" d'elle-même, qu'elle transportoit hors de son pays par diverses raisons des'M!:n°"'c''^' de politique, comme elle avoit fait à l'égard des Branchides, (5) des g^^j'^Le^e Egyptiens, (6) des Hyrcaniens, (7) des Eretriens, (8) des Barcœens, (9) p-^^s. &c. Il n'est pas même naturel de croire que les Persans s'éloigna.^.sent ï^'^'- '^^ ^"^• ^ ± o pereurs, toiii. volontiers de leurs pays ; eux qui y jouissoient de si grands privilèges "i'- p- 234. (10) et qui raéprisoient ou estimoient les autres peuples à proportion iv.p. 129. ,•1 / • /f • / • • 1 , -n. X 00) V. passim. qu lis etoient éloignés ou voisins de la Perse. (11) XenophonCy r- • • "" 1 V 1 T / • Ti ropœd. sed piœ- Jbn voici assez, et peut-être trop, sur le système du Jésuite, ii nous cipue, i. .. ^ "^ , (11) Herudol.l. reste i. p. et, 390 UEMARQUEt CRITIQUES StrR UN PASSAGE DK VIRCn.E. reste ;\ examiner celui de M. Huet, nom cher aux savans, et qui con- servera h jamais sa place dans les fastes de la littérature à côte de ceux de ses amis les Sirmonds, les Petaiis, et les Bochards. Il a fait une dissertation sur cette question, mais je crains qu'elle ne soit de ces pro- ductions qui ])euvent nuire à une réputation naissante, sans pouvoir ajouter à une réputation établie. Il y verse l'érudition à pleines mains, mais ce n'est pas ce que j'y trouve à rédire. Son sujet la comportoit, il la demandoit mt'me. Mais j'y aurois voulu plus de choix dans ses citations, ])lus de netteté dans ses idées, plus de méthode dans son plan ; j'y cherchois l'esprit philosophique qui rassemble, je n'y ai trouve que l'esprit compilateur qui ramasse. Le fonds de son système revient à ceci. Les anciens, petits géo- graphes, croyoient que la mer Indienne et Persanne n'étoit qu'un grand lac derrière lequel étoit une grande étendue de terre qui joignoit l'Inde à l'yEthiopie, pays que les anciens confondoient souvent ; que le Nil, dont la source étoit en Asie, traversoit ces terres par un grand détour pour arriver en Ethiopie ; et qu'ainsi, comme il traversoit l'Inde et que l'Inde touche à la Perse, on pouvoit l'appeller voisin de la Perse. Quarante à cinquante citations viennent prouver tout ceci. Il me seroit ennuyeux de les éplucher toutes les unes après les autres qua-nd même j'aurois tous les auteurs allégués. Trois remarques géné- rales que je ferai en retrancheront la plus grande partie ; quatre ou cinq qui vont plus au fait que les autres me resteront, lesquelles j'exa- minerai à part. jmrnt. Unc bonuc partie des autorités de M. Huet tombent d'elles- mêmes comme trop vagues ou trop obscures. Je ne fais point de dif- ficulté d'avouer que je n'entends point Vibius Sequester, quand il dit que le Gange est la seule rivière qui coule vers le levant avec le midi, non plus que Solin (malgré l'explication de M. Huet) lorsqu'il veut que le Nil et l'Euphrate soient situés " ad modum ejusdem perpendiculi ;' ni Héliodore, qui prétend que le Nil a sa source là où le climat de l'orient finit et celui du midi commence. Lorsque l'Egyptien Nonnus me dit que la mer Arabique retentit des coups des combats de Bac- chus je le regarde comme la ridicule amplification d'un poëte oriental, et je ne pense pas à l'appliquer à la géographie. Quand l'agréable Ovide rassemble à la cour de Cepheus tant de différentes nations, je n'y REMARQUES CRITIQUES SUR UN PASSAGE DE VIPGILE. 391 n'y fais pas attention, puisqii'ontre que les poëtcs, aussi bien que les romanciers, ont coutume de faiie trouver à la cour de leurs rois les gens des pays les plus éloignés, il n'est pas plus favorable (à l'examiner à la rigueur) à M. Huet qu'à moi. Il n'est pas plus naturel de trouver des Nabothœans et des liabitans de la Palestine à la cour du roi des Indes, qu'il ne l'est de faire venir des Bactriens et des Indiens en Ethiopie. Je fais le même jugement des passages d'^Eschyle et de Stace. L'yEthiopie étoit en effet orientale pour des Grecs et des Ro- mains qui ne faisoient attention qu'aux points cardinaux. jjmeni. jj y gj^ jj bcaucoup qui rapprochent à la vérité l'Inde et l'iîithiopie; mais quand on considère la chose de plus près on voit que ce n'est uniquement qu'une méprise et une confusion de nom. On connoissoit bien l'^î^thiopie mais ou l'appelloit l'Inde ; l'on ne se nié- prenoit point sur la situation de l'Inde mais on lui donnoit le nom d'-^thiopie. Ainsi on pouvoit dire que le Nil avoit sa source dans l'Inde, non dans l'Inde Asiatique mais dans l'Africaine, et l'on pouvoit assurer qu'un tel faisoit un voyage aux Indes lorsqu'en effet il n'alloit qu'en Ethiopie. Parmi d'autres causes voici la principale raison de cette réciprocité de nom. Les éthiopiens (dtjà nommés ainsi) ha- bitoient sur les bords de 1* Indus, d'où ils allèrent dans le pays au dessus de l'.iEgypte conservant leur ancien nom, en même tems qu'ils donnèrent celui d'Inde à leur nouvelle patrie. (1) Une telle explica- (i)v. udis- tion débrouille bien la difficulté, mais fait tomber les armes à M. Huet. Frerct. Mé- Une erreur de nom ne lui suiiisoit pouit, il lui en lalloit un de fait qui dém dtsBciies ,,,Ai«. 1 • • ■. •)' 1*1 -1 Lettres, toni. établit 1 existence de son continent imaginaire, qui s etendoit depuis le v. p. .'iss. Mu- pays des Garamantes jusqu'à celui des Seres, et auquel les anciens don- chr?'nK-.''D.'33j. noient indifféremment le nom d'Inde et celui d'^52thiopie. M. Huet sent ihYciutœ?"^' combien cette différence lui est essentielle, puisqu'après avoir avoué tout st"ab.'i.''^ H. p. un. Phlostiat. c. tî. ce que je viens de dire(2) sur les ^ïlthiopiens dans le Levant et les In- j ^{ diens dans le midi il se contredit quelques pages après, (.3) et s'échauffe, i?iLem"k.nsr beaucoup contre les critiques qui veulent que l'-'Ethiopie se soit [Tldem p"48. appellee autrefois l'Inde. Après cette explication on voit à quoi ser- vent ses citations d'Hérodote, d'Agalarchide, d'Hygin, de Sénèque, de St. Chrysostome, de Nonnus, de Théophylacte, d'Euménius, de Sidonius Apollinaris, et de Procope. jjj.neut, ]r).^ns quelques autres autorités, plus pressantes peut-être, M. Huet 392 RKJlAUaUE^. CRITIQUES SUP. UN PASSAGE DE VIRGILE. lïuet n'observe point une précaution très nécessaire à prendre. Il cite indifféremment tous ceux qui paroissent contenir quelque chose de fa- vorable ;\ sa cause, sans faire attention au tems où ils ont vécu, comme si c'étoit rendre vraisemblable l'erreur de A'irgile en déterrant quelque chose de pareil dans un écrivain qui a vécu six cens ans avant ou après lui. Les conrioissances géographiques encore plus qu'aucunes autres -sont dans un flux et reflux continuel. Les voyages, les conquêtes, le commerce, les étendent : les transmigrations, le partage des états, la barbarie, les rétrécissent. Les occidentaux ont eu là-dessus leur aurore, leur midi, et leur couchant. Du tems des premiers Grecs on se bor- (I) Joseph. 1. 1. noit à la Grèce et à l'Asie mineure. L'occident n'étoit pas connu, (I) contr. Appioa. . ■ p. 1U38. l'orient ne l'étoit que par des fables. Les voyages de leurs sages et les conquêtes de leurs héros leur ouvrirent celui-ci. Ils connurent et de- vinrent esclaves des Romains presqu'en même tems. Pendant quelques , siècles ces deux peuples connoissoient la terre beaucoup moins que nous, mais beaucoup plus que leurs ancêtres. Pendant cette période les Stra- bons et les Plines écrivirent ; c'étoit le grand jour des connoissances. Les Arabes vmrent, subjuguèrent tout, et obscurcirent tout. L'orient se referma aux occidentaux et la nuit fut longue. M. Huet, voulant ex- pliquer les opinions et les connoissances du siècle d'Auguste, (et Vir- gile étoit plutôt au-dessus qu'au-dessous de son siècle,) n'auroit dû citer que des auteurs de la seconde période. Il me dispensera donc d'examiner les témoignages de Pindare, d'-^schyle, de Cedi'enus, de Benjamin de Tudèle, d'Aben Ezra, de Vincent, de Beauvais, de Marc Paule, et de Cocceius Sabellicus. Exécutons à présent notre promesse et examinons un peu plus parti- culièrement quelques autorités qui méritent d'être tirées de la foule. jmeot Polybe nous dit, à ce que M. Huet assure, que l'Asie et l'Afrique se toucnoient par l'^Ethiopie, d'où il conclut pour l'existence de son continent derrière la mer Indienne. Mais quoique ce passage paroisse plausible au premier abord il se réduit presqu'à rien. 1. Polybe ne nous le dit point de la manière que M. Huet suppose. Il ne le donne point comme sa propre opinion, ni comme celle des gens de lettres de son tems ; il raconte seulement, à propos de Fignorance de ses contem- porains sur la géographie, qu'on ignoroit presque tout ce qui étoit au septentrion de Narbonne, et qu'on ne savoit pas bien si l'Asie et l'Afrique nEMARQUES CRITIQUES SUR UN PASSAGE DE VIRGILE. 393 l'Afrique étoieut contigues, ou si elles étoient séparées par la mer, tout comme Varron a traité de fabuleux toute l'histoire Grecque avant les Olympiades, 0) sans que ni l'un ni l'autre ayent voulu traiter de faux (i) censorin.de tout ce qu on rapportoit et qui étoit antérieur à leurs époques ou au- 21. delà de leurs bornes. 2. Polybe, quand même il diroit tout ce qu'on lui fait dire, n'affirme rien du tout de l'origine du Nil, article non moins essentiel que la jonction des deux continens. 3. Depuis le tems de Polybe à celui de Virgile on avoit acquis de nouvelles lumières sur cette matière. Eudoxe, fuyant Ptolémée Lathyrus, avoit fait le tour de l'Afrique. (2) Des Indiens avoient été jettes par les tempêtes sur (2)pim. Hiet. les côtes d'Allemagne, (i) Le Roi des Suèves les donna au proconsul Cornei.'Nepol!' Metellus Celer. (4) Strabon, à la vérité, (5) révoque en doute le f3fpTn''ubf'' voyage d'Eudoxus, mais lorsque Virgile écrivit il passoit pour sûre- Nepo;.^p%''32. ment vrai, et Strabon lui-même, quoiqu'il rejette cette preuve, regar- savofr ' uréwi"' doit bien l'Afrique comme une péninsule. (6) ijft'o^cicer ^' jjment. Alexandrc s'imagina, sur quelques ressemblances qu'il trouva ^^J^-^'^^Tnl' de l'Inde au Nil, que c'étoit une seule et même rivière. J'en conviens, ^''^"^- 0'« ^ ' pro Caîlio. c. 24. et j'avoue même que, comme " 7-^075 ad exemplum totus componitur «Epist.ad orbis," ce pouvoit bien être l'opinion favorite de la cour pendant cicéron étoit . ^ . . ami de Metellus quelque tems ; mais par la même raison comme il découvrit son erreur aussi bien que de Ncpos* V. bientôt après, (7) elle devoit avoir perdu tout son crédit, d'autant plus sueton. in Ju'- que l'intervalle n'étoit pas assez grand pour qu'elle eût pu prendre de kistor .Latin! racine dans les esprits. Après une telle expérience on devoit même (5) strab.'i. ii. être devenu plus réservé à admettre les relations et les conjectures qui (6)idera,i.xv. joignoient les deux continens, et qui trouvoient le Nil dans quelque f?) Irrian. Ex- rivière des Indes. r"36?''' Ijiment. josepHc (dlt-ou) place la source du Nil, qu'il appelle Geon, à l'orient. Cela est vrai dans un certain sens. Mais en même tems il est facile de voir qu'il parloit de ce qu'étoit ce fleuve du tems qu'il arrosoit le Paradis terrestre, et non de ce qu'il étoit de son tems, étant apparemment dans l'idée de ceux qui croyent que la chute d'Adam et ensuite le déluge avoient apporté un grand changement à la terre pri- mitive. Je ne demande d'autres preuves de ce que j'avance que les paroles mêmes de Josephe. Il dit que le jardin d'Eden étoit arrosé par un fleuve qui environnoit toute la terre, et qui se partageoit dans quatre branches, le Ganges, l'Euphrate, le Tigris, et le Nil. " A^-ffr*» VOL. m. 3 e ^« 39é REMARQUES CRITIQUES SUR X'N PASSAGE DE VIRGILE. (1) losepb. An- tiq. Jud. I.i.c.2. (2)Virg. ^ncid. i. V. 755. et alios. (S)Strab. l.xvii. P- (4) On peut voir cette ma- tière assez déve- loppée daiks \a ^Mythologie de l'Abbé Baiiier, torn, iii.p. 496. (5)Strab. l.xvii. p. 561. Tacil Annal ii. c. 61. (6) Marshim. Canon C'hroni- cus. p. 4i4, &c. Perizonzius, Reincroius, &c. (7) Died. Sicul. l. i.p. 106. Traduct. Rho- doraan. (8) La Mytho- logie de l'Abbé Kanier. torn. iii. ;p.5,00. Se ero; o arjiros viro evo; ifofocjji,» ■na.tra.v iv xuxXou rijv yi)y TTefffpeovT'of, o; £i; tt^a.fv. fj^s^i) X^lifai- ( l) Il fiiut être soi-mûme de la plus crasse ignorance pour ignorer que tout ceci n'est point vrai de l'CÎtat présent des choses, et imaginer que Josephe l'a été pour supposer qu'il l'ait cru tel, IV"""'- La fable de Memnon, fils de Tithone et d'Aurore, est toute fondée sur la supposition que 1' -(Ethiopie étoit en oriejit. Voilà (je m'imagine) pourquoi. Il étoit supposé fils de l'Aurore, c'est à dire qu'il étoit né en orient ; (2) mais d'un autre côté on le supposoit jEthiopien ou au moins Haut .égyptien ; on trouvoit de ses monumens dans la Thébaïde, (3) comment arranger tout cela sans le système de M. Huet ? très facilement. Il y avoit ici deux traditions différentes qu'il ne faut point songer à concilier ensemble, d'autant plus que, suivant toutes les apparences, il étoit question de deux hommes très différens. (4) Il y avoit un roi ^Egyptien nommé Memnon, ou plutôt Amenophis, autrement dit Ismandas ou Osymandas. (5) Les savans se sont donné bien des peines pour fixer l'époque de son règne. (6) Il y avoit encore le fils de Tithone, son père alla en Perse fort à l'orient de Troye. Le roi d'Assyrie lui donna le gouvernement de Suse, et lors du siège de Troye il envoya Memnon avec une armée au secours de son parent Priam. (7) U y vint, mais fut tué d'abord par Achille. (8) ymcnt. jg yiejis à présent à la preuve qu'on tire de quelques lignes de Lucain et que j'avoue être très plausible. Lepoëte y fait connoître la soucce du Nil ; voici ce qu'il en dit : Tua flumina prodani (9) Lucan. Pharsal. I. X. v. 285. Quà Deus undarum regnator, Nile, tuarum Te mihi nosse dédit ; muiidi nam surgit ab axe, Ausus in ardeutem ripas attoUere Caiicriim : In Borean is rectus aquis, mediuuique Booten, Cursus in occasum flexu torquetur et ortum. Nunc Arabum populis, Lybicis nunc aequus arenis, Teque vident primi, quœrunt tamen hi quoque Seres .£thiopumque feris alienogurgite carapos. (9) U paroît que le poëte dit expressément que le Nil commence au-delà •du pays des Seres. Or tout le monde sait que les Seres étoient les Chi- nois REMAUftUES CKITiaUES SUR UN PASSAGE DE VIRGILE. 395 nois septentrionaux. (1). La consequence est facile à tirer. Il faut ^)J^^'^*^*'°'''- avouer de bonne foi que Lucain a fait ici une bévue; à la vérité je crois to'B-'i-543. que M. Huet se trompe sur le genre de la bévue, quoique ce soit de ce genre que dépend la force ou la foiblesse de son argument. Je crois que Lucain se trompe non sur la source du Nil, mais sur la situation des Seres, (ce qui ne me fait rien,) qu'il place ceux-ci en Afrique et non celle-là en Asie. Ma thèse est aisée à prouver par le reste de ce même passage. 1. Le Nil (suivant Lucain) s'élève sous le tropique de Can- cer. La seule inspection de la carte peut faire voir que cela est très vrai de l'^Ethiopie, mais qu'il ne sauroit point l'être d'une région au- delà du pays des Seres. 2. Lucain dit que, quoiqu'il se courbe quelque- fois un jîeu à droite et à gauche, cependant sa course est toujours con- stamment au Nord, In Borean is rectus aquis. Je ne suis point obligé de rendre raison de cette méprise de Lucain dès qu'elle n'aflfecte plus mon sentiment ; cependant je crois qu'il ne seroit pas difficile si non de le justifier au moins de l'excuser. On pourroit dire que comme les anciens appelloient les Seres primi hominum,(9) Lucain vouloit seule- (2) Piin.Hht. ment faire connoitre par la que le Nil venoit des extrémités du monde c. n. sans avoir en vue la situation particulière des Seres Asiatiques. Ou bien on pourroit conjecturer, non sans vraisemblance, que comme les Indiens donnèrent leur nom à l'Ethiopie pour se rappeller toujours le souvenir de leur pays, de même ils s'étoient fait un Hydaspe et des Seres. Cette pratique, fondée sur la nature, étoit fort commune aux anciens. (3) ' ^l-^^i'^î- ^ ' A-neid. m. Je crois avoir assez fait voir que ce vaste amas d'érudition que M. ^- ^w. Huet nous présente ne n'éclaircit point la question. Mais j'aurois pu m'épargner cette peine ; j'avois une voie plus courte, c'étoit de prouver que le système du savant Prélat, quand même il seroit vrai, ne lève point les difficultés. Accordons-lui pour un moment que le Nil coule dans les Indes, par où y passe-t-il ? ce n'est sûrement pas en deçà de PIndus, puisque les anciens depuis Alexandre connoissoient toute la mer jusqu'à l'embouchure de ce fleuve. Par la même raison ce ne pouvoit pas être non plus en-deça du Ganges. Il faut que les anciens ayent cru que la jonction des deux continens se faisoit à la Chine ou .aux extrémités des Indes. Mais depuis les frontières de la Perse jusqu'à cette contrée il y a encore plus loin que depuis cette même Perse 3 E 2 jusqu'à 396 REMARQUES CRITIQUES SUR UN PASSAGE DE VIRGILE. jusqu'à l'Egypte: et cette distance devient encore bien plus grande si, avec M. Huet, vous entendez par la Perse, la Persis proprement 0) Recaeiide dite. (" 1) Valoit-ll la peine de faire faire tant de courses au Nil pour le p- 6'' laisser en plus piteux état qu'auparavant ? Mais n'y a-t-il donc aucun moyen d'expliquer ce passage ? ou faut-il se condamner pour jamais à l'ignorance ? J'en ai un, que je propo- serai, non avec la présomption du Père Catrou, mais avec la timidité d'un critique qui sait quels obstacles les ténèbres de l'antiquité, le dé- faut des monuniens, et surtout sa propre insuffisance, ne peuvent qu'ap- porter dans la recherche de la vérité. Le mot urget signifie bien presse, avoishie, mais il veut dire aussi in- cammode, comme les significations figurées urgeri fame et tant d'autres montrent suffisamment. Je pose aussi en fait que le quàque indique une région distinguée de celle où étoit située Canope mais comprise dans l'Egypte, dont le P. Catrou a bien fait voir qu'il est uniquement ques- [t) Virgile de tion dans ce passage. (2) Si donc on peut trouver une contrée de Catrou. tom. li. , , _, • / • ■ ^^\ • ■ ■ i t> p. 489. 1 Egypte qui étoit particulièrement sujette aux incursions des Perses nous pouvons espérer d'avoir saisi le sens de Virgile. La partie orientale de l'Egypte, le long de la branche Bubastique du Nil, où étoit situé Pelusium, la clef du pays, étoit toujours la plus ex- posée aux incursions de tous les peuples qui étoient pui.ssans en orient. Comme les déserts de l'Arabie n'étoient proprement à personne, vu le genre de vie peu stable de leurs habitans, ils étoient un excellent canal pour toutes les nations guerrières de harceler l'Egypte. Les Assyriens, les Syriens, les Juifs, les Iduméens, les Chaldéens, les Perses en pro- fitèrent tour à tour. Les rois pasteurs, dès qu'ils étoient maîtres de l'Egypte, sentirent cet inconvénient de sa situation, et laissant des gar- nisons dans les lieux convenables, ils firent fortifier surtout la partie orientale, prévoyant qu'il prendroit en envie aux Assyriens de l'atta- ( 3) Joseph, cbn- qucr dc CB CÔté-là: (.'J) " ipepav £/ rm; £Tfi TTjSiiaraToi; xaraXeiituiv roitois, ij.a\isra Ss ira Anion. 1. i. . t ^ p 1039. xaiTa Tfpos rrjv AvaroXvjy yj 'se. Jusiin. -^ •' '^ ' ubi supra. après avoir ravagé la Palestine, C7) " Emanabat latius malum," dit Flo- C') Joseph. '■ ^ ' \ ■' ^ Antiq. Jud. i. >iv. c 24. p. 494. * Jam bis Monseses, et Pacori matius Non auspicates contudit impetus Nostros, et adjecisse praedam Torqitibus exiguis renidet. lloRAT. Od. 1. iii. Od. 6. c. 9. rus. 395^ REMARQUES SUR QUELQUES PRODIGES. (i)Hor. I. iv. rus. (1) L'Egypte devoit assez se ressentir de ces maux pour que la désignation du poëte ne renfermât point d'obscurité. Voici mon idée sur ce passage, peut-être est-elle aussi défectueuse qu'aucune de celles que j'ai examinés. Mais dans ces sortes de re- cherches ce n'est qa'ea tout tentant, qu'on parvient à quelque chose d'un peu assuré. Lausanne, 10 Novembre, 1757. REMARQUES SUR QUELQUES PRODIGES. Le philosophe ouvre les yeux. Il considère la terre et ses habitans. Il eroit voir un palais bâti par les mains des fées. Partout il ne voit que des prodiges, les histoires en sont pleines, ***** ********. Tantôt c'est un dogme obscur prouvé par un miracle puérile ; tantôt c'est le ciel qui ordonne le massacre desmécréans, ou qui prône avec éclat les vertus d'un tyran. Le philosophe dépouille ces prodiges de ce qu'ils peuvent avoir d'im- posant pour les considéi'er en eux-mêmes. Aussitôt les fantômes s'éva- nouissent. Il n'apperçoit plus que de tristes vestiges de la politique des grands, de la crédulité des petits, de l'adulation des historiens, et de l'imposture des prêtres. L'examen de deux événemens miraculeux tirés d'un historien aussi exact que peu élégant, servira de preuve à ces réflexions. Nous ver- rons que de pareilles recherches produiront l'incrédulité, mais une in- crédulité sage et éclairée, dont plus d'un saint et plus d'un père de l'église auroit souvent eu besoin. I. Un iour qu'on agitoit en sénat l'affaire de la coniuration de Cati- (1) Cicero, pro ■ y k ■ .... suiiâ, c. 14. lina, Octavius, père d'Auguste, y arriva un peu tard. Nigidius Figulus, Epist. ad Fam. • -, ^. , •. i-t- , \ i • i I. iv. Ep. 13. ami de Cicéron, (1) et comme lui politique et savant, (2; lui demanda Virgil i! X. la raison de son délai. Octave allégua sa femme qui venoit dans ce V. 175. .... A / moment d'accoucher. Sur quoi Nigidius, ayant rêve un moment, lui (') ^uet. i. ii. répondit: Votre femme vient de mettre au jour le maître de la terre. (3) On REMARQUES SUR QUELQUES PRODIGES. 399 On sajt de quelle façon Auguste remplit sa destinée. Voilà un édifice pompeux, faisons-le dis})aroître. Nous y réussirons précisément à l'aide de ces circonstances de tems et de lieu qui sembloient en assurer la durée. Lorsqu'Octave vint en sénat le jour de la naissance de son fils, on y traitoit de l'affaire de Catilina. Or Auguste naquit le vingt-trois de Septembre sous le consulat de M. Tullius Cicero et de C. Antonius, A. U. C. Varron, 691. C'est une vérité si connue que je pourrois me dispenser de la prouver. (1) Cicéron prononça sa première Catilinaire (i) suet. i.ii. en sénat, le 8 Novembre de la même année. (2) Il y dit que c'étoit le (à) Mirtdieton's vingtième jour depuis que le sénat eût armé les mains des consuls par le voU^p.Tgs? fameux décret, " Darent operam consules, ne quid Respublica capiat pJrFabric.'ad detrementi." (3) On leur conféra donc ce pouvoir le 20 Octobre. Çerbugg.^p.'ie. Mais nous apprenons de Salluste, écrivain contemporain, que ce décret ^^j,^il^"°2'." se passa immédiatement après la première indication que Cicéron fit de la conjuration au sénat. " Rem ad senatum refert jam antea volgi ru- moribus exagitatam. Itaque quod plerumque in atroci negotio solet senatus decrevit, &c." ("4) Comment dont le sénat pouvoit-il délibérer (4)Saiiust. ' ^ ^ ^ Hist. Catil. de la conjuration de Catilina le i^3 Septembre de l'an 691, puisqu'il Beii.czy. l'ignora lui-même jusqu'au 20 Octobre de la même année ? II. Q. Lutatius Catulus, (magnae spes altera Romse), (5) que Sulla (5) cic^™ p'» appelloit le meilleur citoyen de la République, et qui justiÊa ce titre c. 20. en repoussant les desseins séditieux de Lepidus,(6) après avoir dédié (6)Saiiust. le temple de Jupiter Capitolin eut deux songes remarquables. Il crut 1. i. fioh Bre- , , . ,^. . • 1 I • j» • ïiar. l.iii. c. 23. von- dans le premier ce Dieu qui remettoit dans le sein d un jeune gar- l. Ampei. lu. çon " signum reipublicae," * et dans le second, voulant ôter ce même p. 322. ad'cak. garçon des bras de Jupiter, il reçut ordre de l'y laisser parceque la di- vinité l'élevoit pour être un jour le protecteur de la république. (7) Le (7) sueton. i.ii. lendemain il vit Auguste alors enfant, et qui ne lui étoit pas connu. Il '^' le reconnut pour être celui qu'il avoit vu en songe. Suivant d'autres relations, il avoit vu une troupe d'enfans qui demandoit à Jupiter un de leur bande pour la gouverner. Il leur indiqua le jeune Auguste. Cette fable, encore plus éblouissante que la première, ne soutiendra pas mieux l'épreuve de l'examen. * Je né le traduis pas, parcequ'on ne sait pas bien ce que c'est. Torrentius etCasawbon sont d'un a^is différent là-dessus. Lorsque 400 REMARQUES SUR QUELQUES PRODIG*S. Lorsque Suétone nous dit que Catulus eut ses songes " post dedica- tum Capitolium," la bonne critique veut qu'on l'entende d'abord après cette consécration, le soir même qui la suivit, ou du moins les premiers jours après, pendant que la mémoire de cet événement étoit encore fraiche. Sans cela rien de plus vague et de moins déterminé que cette désignation du tems. Or Catulus consacra le Capitole A. U. C. Varr. (i)Ciceroin 684,(1)* Sept aus avaut la naissance d'Aueuste. Mais prenons ces Verrem. I.iv.c '\ / i o i 31. T. Livii pai'oles daus le sens le plus favorable, et supposons que Suétone n'a Epitom. 1. ^ ^ xcviii. songé parler qu'à désigner le Catulus dont il vouloit parler pour être celui qui dédia le Capitole ; en ce cas même nous ne manquerons pas de moyens pour réfuter cette fable. Catulus étoit déjà fort vieux (2)sanust.Beii. l'aunéc de la naissance d'Auguste, " extremâ œtate," dit Salluste. (2) Catilin. c. 49. , \ , r ■,■ • Il étoit mort quand Cicéron défendit Sextms : car cet orateur, faisant le tableau d'un vrai citoyen, après avoir parlé de quelques autres, il dit, " Neve eorum aliquem qui vivunt nominem qualis nuper fxiit Q. seluo'^c'°47'° Catulus." (3) Or Cicérou prononça cette harangue A. U. C. Varron, (4) Fabr. cice- ggg^ (4) D'uH autre côté quand Catulus rencontra Auguste il avoit ron. Hist. p. 22. ^ ' ^ " (5) sueton. loc. (j^jà pris la prœtexta. (ô) Anciennement les jeunes gens ne la portoient (6) y. Pitisc. que depuis l'âge de quatorze ans. (6) Cependant je veux bien supposer iii. p. 163. sub que l'on avance cette prise à proportion de celle de la robe virile ; an- voc. Prïetexta. ^ i v Macrob. Saturn, ciennemcnt on la prenoit à l'âge de dix-sept ans. (7) Auguste la prit (7) Mid'duton's à cclui dc seizc (8) ou bien de quatorze ans. (9) Ainsi il prit la Life cf Cicero, / / i i • torn. i. p. 13. praetexta étant âgé de onze ou de treize ans, savoir en 702, ou en (8) Sueton. I.ii. <-v • i • r-\ i / • i -i • c. 3. 704. On vient de voir que Catulus étoit mort plus de six ans (9) V. Notas Graviiiniocum auparavant. supra au atum. Puisqu'on détruit si facilement des événemens miraculeux supposés être arrivés dans un tems éclairé, rapportés par un historien très exact * J'ai rencontré depuis un endroit de Suétone qui pourroit faire croire que le Capitole n'étoit pas encore achevé du tems de la préture de César A. U.C. 691. Le voici: " Primo prxturae die, Q. Catulum de refectione Capitolii ad disquisitionem populi (10) Sueton. in vocavit, rogatione promulgatâ quâ curationem earn in alium transferebat." ( 10) Que le lecteur pèse l'évidence qui résulte de ce passage avec celle qui nait du témoignage com- biné de Cicéron et de Tite Live. Son choix ne sera pas difficile, mais quel qu'il soit il m'intéresse peu. Je fais voir dans un moment que Catulus n'étoit plus quand ce songe a dû avoir lieu. et REMARQUES SUR QUELQUES PRODIGES. 40i et voisin de ce tems-h\,* qu'en doit-on conclure do mille de leurs pareils nés au milieu de l'ignorance, enveloppés dans i'éloignemeut des tems, et adoptés par des légendaires ? J'avouerois franchement que je ne saurois venir à bout avec la même facilité d'une prophétie qui avoit cours parmi les Véliternes, conci- toyens d'Auguste. Je souhaite que quelqu'autre puisse être pins heureux que moi. Le mur de leur ville avoit été touché de la foudre. Ils consultent les augures. On leur répond qu'il est annoncé par là, qu'ils doivent un jour donner un maître au monde. En conséquent de cette espérance ils soutiiu-ent la guerre contre les Romains avec opi- niâtreté, jusqu'à en être presque exterminés. Ils virent à la fin que la prédiction avoit regardé Auguste. (1) Je n'aurois point fait attention (i)^S"cton.i. ii, à cette prophétie, et je l'aurois rangé sur le champ parmi mille autres fables que la flatterie inventa pour relever la naissance et les vertus d'Auguste, si un passage singulier de Tite Live n'avoit pas frappé ma mémoire. Le voici : les Romains, après avoir subjugué les diverses cités de Latium, en agirent envers eux avec assez de douceur. Ils accordè- rent même la bourgeoisie de leur ville à plusieurs d'entr'elles ; mais ils distinguèrent ceux de Velitrœ par une sévérité toute particulière. Ils divisèrent les terres des sénateurs à une colonie qu'ils y envoyèrent. Ils bannirent tous les citoyens de Velitrœ de l'autre côté du Tibre, leur ordonnant d'y rester sous peine d'une grande amende, ou de la prison, pour quiconque contreviendroit à leurs ordres. t (2) Ce passage (':;) Tit. Uv. ■ en lui-même est singulier, et le devient bien davantage en le combinant avec celui de Suétone. 1. Cette obstination des Véliternes est tout à iàit surprenante. Pourquoi cette petite ville de Latium s'est-elle dis- tinguée à vouloir lutter contre les Romains plutôt que plusieurs autres de ses voisines plus puissantes qu'elle ? L'étourderie d'une populace effrénée auroit bien pu produire une seule rebellion, mais pour rendre raison de si fréquentes récidives, on a besoin d'un principe répandu * C. Suetonius étoit contemporain de Tacite, puisque Pline le jeune étoit ami de tous les deux. Or Tacite avoit vu des vieillards qui avoient assisté au jugement de Pison et qui par conséquent avoient vécu avec bien des personnes du siècle raêiue d'Auguste. F. Tacit. Annal, iii. c. 16. t Tite Live ajouta qu'on les traita avec cette sévérité, " quod toties rebellassent," jusqu'à massacrer une colonie Romaine qu'on avoit envoyée chez eux. VOL. m. 3 F parmi 402 REMAnQUES SUIl QUELQUES PROTJIGES. parmi le peuple qui leur donnoit l'espérance de pouvoir réussir. Sué- tone nous le fournit, ce principe. Et en effet je ne connois qu'un motif de religion capable de réchauffer tout un peuple, et de le faire persister dans le mépris des plus grands dangers. 2. Cette conduite sé\érc des Romains est aussi singulière. Leur politique et peut-être aussi leur orgueil les engageoit à traiter les vaincus avec bonté quelque opiniâtre qu'eût été leur résistance : " parcere subjectis et debellare superbos." Parmi tous les autres peuples de l'Italie je ne connois guères que ceux de Capoue qu'ils ayent traité avec une pareille (nTit. Liv. rigueur. (1) Or les Capouens étoient encore pour eux non seulement (fj't c.'ceVo dé un objet de haine mais de crainte. (2) Ainsi il est presque nécessaire ^™;k ^KuVium. de supposer quelque chose de pareil au sujet des Véliternes. Mais on "■ " ^^' ne conçoit guères comment ce petit peuple pouvoit leur inspirer de l'effroi qu'à l'aide de leur propre fanatisme, et de la superstition des Romains, qui craignoient cette prédiction, et qui cherchoient à en empêcher fciccomplissement. Cependant elle s'est accomplie. Velitraî a donné au monde un maître dans la personne d'Auguste dont la famille étoit de cette (3) sueioB. ville. (3) Quelle conséquence faut-il en tirer ? Nous pouvons y puiser une leçon non moins utile que les précédentes.* Bien des peuples ont eu leurs prédictions d'un roi qui devoit gouverner le monde. Le hasard ou quelquefois l'envie qu'on a eu de les accomplir en a fait réussir, sans quune puissance surnaturelle s'en soit mêlé (car personne jiC crois ne la fera intervenir dans celle d'Auguste.) Apprenons par-là à peser long tems les prophéties avant que d'en conclure quelque chose, et souvenons que plusieurs toutes humaines ont pu réussir quoique très peu vraisemblables dans le tems qu'on les a faites. * Bien des prédictions ont fait espérer à bien des peuples de donner un roi à la terre. Parmi un nombre infini d'événemens possibles, il y en a qui n'arriveront pas moins pour avoir été prédits, surtout lorsque les hommes, après s'être laissés subjuguer par les pré- jugés, règlent leurs actions par ces mêmes préjugés et deviennent les ministres d'un destin dont ils avoient été les auteurs. Souvenons-nous surtout, c'est ici qu'on ne peut trop souvent inculquer cette leçon de la réponse de Diagoras au superstitieux de son tems : il \u\ montroit les monumens de la reconnoissance de ceux que Neptune avoit conservé des tempêtes: Que te faut-il encore, impie, lui disoit-il, pour te convaincre de la providence des Dieux? Rien, répliqua-t-il, si ce n'est de me faire voir les portraits des ceux qui ont invoqué Neptune, et qui sont péris en l'invoquant. RE- 1. xi. c. 1. ( 403 ) REMARQUES CRITIQUES SUR LES DIGNITES S ACER- DOTALES DE JULES CESAR. Assez d'historiens et de critiques ont considéré César à la tête des armées. Envisageons-le un moment au pied des autels, et discutons, en peu de mots, ce que les anciens nous ont laissé au sujet de ses dignités sacerdotales. César perdit son père, dit Suétone (l) à l'âge de seize ans. Dans sa (i)Sjeton. l.i. première jeunesse il avoit épousé une certaine Cossutia, fille des plus HUt. Rom.""''' riches, mais dont la famille n'étoit que de Tordre des chevaliers. ^' "" "^^ "*"' Cinna, alors maître et seul maître depuis la mort de Marius, voyant que la naissance attachoit César à son parti,* et qu'il étoit capable d'en être un jour le soutien, résolut de l'y attacher encore davantage en lui donnant sa fille Cornelia en mariage : il falloit pour cela répudier Cossutia : César le fit, et la dignité de flamen Dialis, la troisième de l'hiérarchie Romaine, fut le prix de sa complaisance. Sylla revient en Italie ; son caractère lui inspiroit des désirs ardens de vengeance, sa victoire le mettoit en état de les assouvir. Soit amour, soit fierté, César ne voulut jamais abandonner sa Cornelia ; son refus lui coûta son pontificat, ses biens de famille, et risqua de lui coûter la vie. Dans ce petit récit je n'ai point fait attention à Plutarque, qui veut que César ne briguât le flaminiat qu'après le retour de Sylla, qui le fit échouer •pour se venger. (2) L'autorité de Plutarque, surtout dans l'histoire C^) Piutarq. Romaine, n'est pas faite pour balancer un moment celle de Suétone et inustr. traduct. 1 ^r ,1 • T1 1 deDacier.Tom. de Velleius raterculus. vi. p. i84. J'ai dégagé ce récit d'une petite difficulté de chronologie. Il faut y revenir un moment. Velleius prétend que César fut nommé au flami- niat, " creatus," par Marius et Cinna. Or il est clair par le passage de Suétone que César n'eut l'assurance de cette dignité que dans le qua- trième consulat de Cinna, savoir, A. U. C. Varr. 670. Fort bien. Mais malheureusement il se trouve que Marius étoit mort au com- * Maiiur. avoit épousé Julia, la tante de César. 3 F 2 mencement 404 Sl'k LES DIGNITES SACERDOTALES DE JULES CKSAU. mencemcnt de A. U. C. 668. On pourroit affecter de mépriser la difficulté eu disant qu'elle se trouve dans un passage manifestement corrompu. Mais il n'y auroit pas là de l'équité. On pourroit avoir recours au système du Cardinal Norris que César fut fait flamen avant la première victoire de Sylla, à l'âge de douze ans; mais le célèbre Burman a fait voir son peu d'accord avec les anciens raonumens. En voici un autre : Marins s'empara de Rome en 667, et le flamen Merula se donna la mort. La place de flamen ne devoit pas rester longtems vuide, vu le grand besoin qu'on en avoit toujours. Marins et Cinna le remplacèrent aussitôt par le jeune César; mais comme il n'avoit pas encore pris la toge virile, on fit faire ses fonctions à quelque autre. César enfin la prit à la fin de sa seizième année, savoir au commence- ment de l'an 670, et du quatrième consulat de Cinna. On prit aussitôt de nouvelles mesures pour lui assurer cette dignité, mais la mort de Cinna, qui fut tué cette même année, dans une sédition de ses soldats, les rompit toutes avant sa consécration, et la guerre civile qui survint l'année suivante en fit perdre toute espérance. Peut-être si nous étions plus au fait du droit pontifical des Romains sentirions-nous une diffé- rence entre le creatus de Velleius et le destinatus de Suétone, qui con- firmeroit ce que je viens de dire ; peut-être se détruiroit-elle. Aussi l'ai-je donné moins comme un système que je m'engage de défendre que comme une hypothèse qui résout assez naturellement la difficulté. On peut voir assez par l'exemple de César qu'il n'y avoit point d'âge fixe pour la dignité de flamen Dialis, puisqu'il ne nous en tenir qu'à ce que nous savons bien sûrement César la posséda avant l'âge de dix-sept ans. Je ci'ois que cette réflexion pïut s'étendre à toutes les autres dignités sacerdotales chez les Romains. Four le pontificat, nous croyons que le jeune Octavien étoit pontife avant vingt ans, et nous savons d ailleurs qu'il fut nommé à cet emploi à la place de Cn. Domi- tius tué à la bataille de Pharsale A. U. C. 706 ; et qu'il en prit posses- sion le jour même qu'il quitta la prœtexta pour la toge virile à l'entrée de sa seizième année. On auroit même mauvaise grace de dire que le pouvoir absolu du dictateur son oncle le dispensa des loix. César n'étoit pas encore absolu, et dans ce tems-là le petit-fils de sa sœur lui étoit peu cher. Quant aux augures, Cicéron pria Brutus de laisser venir à Rome son fils alors à l'armée, afin qu'il pût prétendre à l'augurât. Ce SUR LES DIGNITES SACERDOTALES DE JULES CtSAK, 40,3 Ce fils couroit alors sa vingt-unième année ; et cet exemple est d'aiitarit plus considérable que l'on voit par le reste de la lettre l'attention et le soin qu'avoit Cicéron de ne point manquer aux loix. J'avoue natu- rellement ma surprise que Numa n'ait pas songé à fixer un age j)]us convenable pour les ministres de la religion. Encore en Egypte ou dans la Judée, où les prêtres faisoient un corps dont tous les membres succoient l'esprit de leur état avec le lait, les abus n'auroient pas été aussi grands ; mais à Rome, où leur état ne les engageoit à rien, l'âge en auroit tenu la place. Mais quel frein avoient les jeunes gens.'' On a dit que depuis la mort de Merula, (car César ne fut point con- sacré,) la place de flamen Dialis resta vuide pendant soixante et douze ans. Est-il vrai ? On me cite les autorités accablantes de Suétone, de Dion, de Tacite. La première est la plus considérable, puisque le nom de Suétone réveille l'idée d'un historien assez hardi pour ne pas taire les plus grandes vérités, assez instruit pour n'en pas oublier les plus petites. Mais Suétone se contente de dire qu'Auguste rétablit plusieurs anciennes cérémonies, et enti'autres l'emploi de flamen Dialis. Dion et Tacite disent positivement qu'il n'y eut point de flamen Dialis entre Merula et celui qu'Auguste fit élire. Mais on peut leur opposer le témoignage positif de Cicéron qui parloit d'un fait qu'il ne pouvoit ignorer. " Est ergo flamen," dit-il au sénat assemblé, " ut Jovi, ut Marti, ut Quirino, sic divo Julio M. Antonius." On voit qu'il parle d'un flamen actuel et non point d'une dignité presque tombée dans l'oubli. On auroit tort d'opposer Cicéron à lui-même, et dire que Cicéron, dans le dénombrement qu'il fait du collège des pontifes, ne parle point du flamen Dialis. On auroit tort de fixer une cause parti- culière à une omission qui pouvoit en avoir cent autres. Pli IN- I 40G ) PRINCIPES DES POIDS, DES MONNOIES, ET DES MESURES DES ANCIENS, AVEC DES TABLES CONSTRUITES SUR CES PRINCIPES. i. Il est des études qui n'augmentent point les connoissances, ou du moins ne les augmentent, qu'en écartant ces obstacles dont la bizarrerie des homnres en a hérissés la route de toutes parts. Telle est l'étude des langues, utile si on la méprise, dangereuse si on l'admire. La dif- férence des poids et des mesures est un nouveau langage, aussi barbare et plus ridicule que les autres. Les idées décident des mots. Mais pour ces signes d'institution les idées sont ou seroient facilement les mêmes. Cependant puisqu'il est établi, apprenons-la (cette langue) en murmurant. Elle nous servira d'interprète dans la géographie, le commerce, et l'économique des anciens, objets intéressans dont la con- noissance nous empêchera de voir dans les anciens des sauvages ou des demi-dieux. V J'écris en François, parcequ'on y a assez besoin de quelque chose sur ce sujet, pour ne pas me chicaner sur sa bonté. Je me sers sans façon des idées qui m'ont plues chez mes devanciers. Je les ai en- châssées dans les miennes. On n'aura pas de peine à les reconnoitre. Voici les principaux auteurs chez qui j'ai puisé. ï>iste des au- M. Greoves sur le Pied et Denier Romain, en Anglais. Petit livre gbeÀves. mais excellent. M. Greaves possédoit les talens d'un bon faiseur d'expériences. Exact jusqu'à la superstition, patient, laborieux, ha- bile, et sincère, il croyoit n'avoir rien vu dans un objet qu'il n'y eut tout vu. On peut cependant faire plus de fonds sur son témoignage que sur sa critique. EisENscHiDT. M. Eisemchidt de Ponderibus et Merisuris Veterwn. La première partie DES POrDS, DES MONNOIES, ET DES MESURES DES ANCIENS. 407 partie est fort bonne. Les poids y sont trait(:'S avec une exactitude qui ne laissent rien à désirer. Mais l'auteur s'y est épuisé. Il a cro- qué les mesures en apprenti. Rien de plus abrégé et de plus vague que ce qu'il en dit. L'ouvrage est pourtant estimable par la comparaison de toutes les mesures et les poids de nos jours. M. Freret, Essai sur les Mesures longues des Anciens. Voici un nom frebet qu'on ne doit proférer qu'avec respect. M. Freret ne dément point sa réputation par cet ouvrage. On y voit une érudition sûre qui em- brasse toute l'antiquité, une sagacité qui sait concilier les apparences les plus contradictoires, et un esprit systématique qui réunit tant de particules éparses dans un corps bien lié et bien soutenu. M. de la Barre, sur la Livre Romaine, et sur les Mesures ancien7ies.* d^ i-* R*rre. Le rival et le contre-part de M. Freret. Il avoit plus d'affectation que d'art, et plus d'obscurité que de profondeur. Son grand défaut est une méthode des plus embarrassées ; son grand mérite consiste en quelques idées neuves et hardies. M. Arbuthnot, Table des Poids, des Mesures, et des Monnaies des ahbuthnot. Anciens, en Anglois.f Auteur sans prétensions mais non sans mérite. Il ne veut point donner les principes, mais son livre peut fournir des détails fort utiles. M. VEvêque Hooper. Inquiry into the State of the Ancient Measures, hooper. particularly the Jewish, en Anglais. L'ouvrage de cet habile homme répand de grandes lumières sur le sujet qu'il traite. Quelquefois trop subtil dans ses recherches il prête aux anciens sa propre exactitude. De la cube d'une mesure longue mal définie, il déduit, souvent sans au- torités et par les calculs les plus délicats, leurs poids et leurs mesures creuses. Je lui reprocherois aussi d'avoir corrigé ses auteurs pour se fonder sur ses changemens comme sur leurs propres paroles. Il est singulier que les esprits du premier ordre ayent paru ignorer cette règle fondamentale de la critique. * Mém. de l'Académie des Belles-Lettres, tom. viii. p. 3/2, et tom. xix. p. 512. t In 4to. London, 17 27. IL 408 DDS POIDS, DES MONNOIES, ET DES MESURES DES ANCIENS. II. Nous avons trois choses à rechercher afin de fixer nos idées. ]. Le ^-apport (les mesures anciennes avec celles de nob'e pays; 2. La proportion de celles de chaque peuple de l'antiquité entr elles ; et J. Leurs parties ali- quotles. Il n'y a que nos yeux et nos instrumens qui puissent nous in- struire du premier rapport. Il leur faut des objets sensibles qui por- tent encore l'empreinte des poids ou des mesures anciennes. Alors le parallèle devient facile et assuré. Si ces monumens étoient assez nom- breux pour nous faire connoître toutes ces mesures et tous ces poids, leur proportion réciproque en découleroit d'elle-même. Ce n'est que notre disette qui nous oblige de recourir aux auteurs, et en parlant de quelque monument ancien, comme d'un point fixe, de calculer leur va- leur positive par leurs rapports mutuels. En suivant cette méthode nous n'avons point à craindre des erreurs grossières, mais il faut aussi re- noncer à une exactitude bien poussée. Ces proportions étoient rare- ment l'ouvrage d'une recherche attentive et éclairée. Etablies par les besoins de la vie, adoptées par l'ignorance, consacrées par le tems, elle: se ressentoient de la grossièreté de leur origine. D'ailleurs les anciens (disons-le sans façon) étoient moins exacts que nous. Peu rompus dans le calcul, gênés parla forme incommode de leurs caractères numéraux, ils négligeoient les fractions, et ne rendoient que les nombres entiers. On ne doit pas cependant les confondre dans une même classe. L'ima- gination enflammée du poëte se refroidera-t-elle par une attention à des objets bas, stériles, et pour elle inutiles. Elle n'en parle jamais, ou si elle en parle, les idées populaires sont les siennes. Les orateurs, et les historiens (plus orateurs que les nôtres) méritent un peu plus d'égard. Leur but les a souvent engagés à s'instruire plus à fond dans ces sujets sans lesquels les affaires publiques et l'histoire ne sont qu'un chaos. Mais ce sont ceux, à qui leur intérêt ou leur curiosité ont rendu néces- saires des idées plus approfondies : les arpenteurs, les architectes, les médecins, les mathématiciens, qui ont les droits les plus décidées sur notre confiance. Cependant ceux-ci mêmes doivent s'évanouir à l'ap- proche d'un monument original. Ces auteurs n'avoient que des yeux, lious en avons aussi, et il vaut mieux nous fier aux nôtres qu'aux leurs. Les s DES POIDS, DES MONNOIES, ET DES MESURES DES ANCIENS. 409 Les parties aliquottes ne peuvent guères souffrir de difficulté. L'au- torité les établit, la nation les connoît, et les écrivains ne sauroient va- rier à leur égard. On ne les verra ordinairement que dans les tables. IIL Il semble qu'on devroit fixer sans peine les poids des Grecs et des Romains, Ces poids étoient les monnoies. C'étoient autant de divi- sions exactes de la mhie et de Vonce. M. Greaves, qui avoit examiné plusieurs centaines des deniers qui sont encore conservés dans les cabinets d'Italie, les trouvoit générale- ment du poids de 67 grains Anglois (74|). Le Père Bouteroue en pesa depuis qui alloient à 75 grains, et puisque le teras et la cupidité des hommes diminue le poids des monnoies plutôt qu'ils n'y ajoutent, on doit toujours s'en tenir à la plus forte évaluation comme à celle qui nous est parvenue avec la moindre altération. L'once Romaine étoit composée de sept deniers. Les Romains les plus éclairés, Celse, qui vivoit du tems de Tibère,* Pline, pour qui l'anti- quité Romaine n'avoit rien d'inconnue, sont ceux qui nous en assurent. L'once doit donc peser 5'25 grains. On a voulu conjecturer que le premier denier Consulaire n'étoit que la sixième partie de l'once. Lorsqu'on m'en produira de nouvelles preuves, l'on m'y trouv^era docile ; car les passages dont on a voulu s'appuyer me paroissent des plus vagues et des plus équivoques. Mais quoiqu'il en soit de ce grand denier, il est constant qu'il y en a eu de plus légers que le septième de l'once. Pline nous apprend qu'on commençoit à diminuer ce poids.t On s'y prenoit insensiblement et comme à la dérobée. Peu-à-peu le denier n'étoit plus que la huitième partie de l'once. Le consentement des anciens ne permet pas d'en douter. On a conclu avec beaucoup de vraisemblance que les Romains, à l'imitation des Grecs, avoient fait leur monnoie d'or, leur aureus, le * Sed et antea sciri volo in uaciâ pondus denariorum esse septem. Cels. 1. xv. c. 1". ■\ Miscuit denario triumvir Antonius ferruin ; atii e pondère substrahunt tiim sit justum ootogfinta quatuor e libris signari. — Plin, Ilisl. Natur. 1. jexxiiî. c. g. VOL. m. 3 G double 410 DES POIDS, DES MONNOIES, ET DES MESURES DES ANClENSr double du denier quant ;\ son poids. Comme il s'est conservé beaucoup de ce» aurei, nous en tirerons des inductions fort utiles. Le premier éta- blissement des aurei étoit de quarante à la livre. Les plus pesans que nous connoissons sont de 124^ grains Anglois (147tO On prévient ma conclu- sion ; ces aurei étoient le double des deniers les septièmes de l'once. Du tems de Vespasien et de ses successeurs, nous trouvons des azirei de 108, 110, et 114 grains Anglois. Les deniers doivent être alors de 54, 55, et 57 grains. Le premier de ces nombres nous donne le huitième de l'once. Depuis le règne de Gordien, les empereurs, ou plutôt les tyrans ses successeurs, avilirent de plus en plus la gloire et les monnoies des Romains. Probus, qui paroît comme restaurateur de l'empire dans les historiens aussi bien que sur les médailles, voulut les relever. Elles retombèrent après sa mort. Si nous prenons le poids moyen des mirei depuis G alius à Heraclius nous aurons 68 grains Anglois. Celui du denier seroit de 34 (400 un peu plus de la moitié de l'ancien denier, et pas la troizième partie de l'once. J'ai peine à croire cependant que le denier, comme poids, ait suivi toute la bizarrerie de ces révolutions. Les ■auteurs paroissent n'en avoir connu que deux. Il étoit le septième de l'once. II en fut ensuite le huitième. Il perdit peu après son égalité avec le denier monnaie, demeurant fixe pendant que celui-ci changeoit d'un jour h l'autre. Il en a été ainsi dans tous les pays de l'Europe. Du tems de Charlemagne une livre de compte valoit une livre pesante d'argent, aujourd'hui elle n'en vaut pas la centième partie. Douze onces faisoient la livre Romaine. La belle occasion d'étaler de l'érudition, puisque la chose est des plus claires et des mieux con- nues. Un savant du siècle passé ne l'eût pas négligée. Je me con- tenterai de dire qu'une telle livre seroit de 6300 grains, ou de iO onces . 540 grains. Le talent étoit composé de soixante mines. Tous les talens, très dif- férens les uns des autres, gardoient cependant la même proportion entr'eux. Le talent pèsera cinquante-deux livres et 528 grains. Les historiens nous ont conservé ce traité orgueilleux que les Ro- mains firent signer à Antiochus. On lui impose un grand tribut qu'il doit payer en talens Attiques. On stipule que le talent pèsera 80 livres Romaines. Nous aurons un talent de 54 livres onze onces. La dif- férence est d'Mwe livre et environ dix onces. Je conçois que les Romains, aussi DBS POIDS, DE-S MONNOIES, ET DES MKSURES DES ANCIENS. 41 [ aussi éclairés sur leurs intérêts que les Germains, préférèrent les vieilles espèces comme les plus pesantes, mais la hauteur,^ la franchise de leur conduite envers Antiochus n'auroit jamais pu descendre à une super- cherie de banquier. Il a donc dû exister un talent Attique du poids de quatre-vingt livres Romaines. Sa drachme de 84 grains me paroit même la drachme de Solon, quoiqu'elle perdit un peu de son poids dans les tems les plus reculés. Le commerce et l'empire d'Athènes donna un grand cours à ses poids et monnoies, et l'on convient que lorsqu'il est parlé de talens ou de drachmes, sans autre désignation exprimée ou impliquée, c'est tou- jours de celles de l'Attique qu'il faut l'entendre. Elles n'étoient ce- pendant pas les plus anciennes. Trois cens ans avant Solon, Phidon, tyran d'Egine et d'Argos, de la postérité d'Hercule, régla les poids du Péloponnèse et le premier fit battre de la monnoie.* Comme elle étoit unique alors, elle eut beaucoup de réputation. Les Athéniens mêmes s'en servoient en la méprisant. La drachme d'Egine étoit la paye qu'on donnoit par jour à un cavalier. Elle valoit dix de ces oboles dont la drachme Attique contenoit six. Le talmt d'Egine pesoit quatre-vingt cinq livres, onze onces e^ 304 grains, et sa drachme 13 It grains. Le poids des tetradrachmes qu'on frappoit dans cette île sera de 526'. Voici pourquoi j'ai rapporté cette dernière valeur. Il n'est guères pos- sible de s'amuser beaucoup à ces discussions, sans sacrifier quelquefois à ce goût de conjecture, la plus douce récompense de ses travaux. En considérant les poids Romains, leur état isolé me surprit ; est-il possible, me dis-je à moi-même, que ce peuple, ramas de cent autres peuples, n'ait emprunté les mesures d'aucun que nous connoissons ? Les nations dont le sang toujours pur a coulé sans mélange étranger n'ont pas dé- daigné ce commerce, si propre à fixer leurs idées chancelantes qui ne savoient où s'arrêter. La connoissance de la tetradrachme d'Egine me * ^eiSujvo; rs Apyeiujv rupccws, r« r« ^j,srpx ifoiyjo-ayros HeXoTtovv^a-tOKn xai v^picravtcis (leyis-a, irj EWrjvuiy airavTuiv, os é^avas-i)ora,; ra; nxnm ayuivoSeTas, avros r' sv OAu/aotij a-yava, £5))>c£, Herodot. l. vi. c. 12/. ietSiuv Apyai Kparwy jj^srpx [i.a,t raâjxa itpotoc ifiupiv. Euseb. n. 1217, iiiSiuv Apyeio; vs/Aitr/xa apyvpav iv ri; Aiyivij svoirjO-iy, Marmora Arundel, Mensuras et pondéra Phidon Argivus, aut Palamedes, ut raaluit Gellius. Plin. l.vii. «.56. 3 G 2 les 412 DES POn)S,T)ES MONNOIES, ET DES MESURES DES ANCIENS. les rappela ces r^^-flcxions i)lus vivement. Son égalité avec Vonce Ro- maine i un trois centième jrrès, me parut trop précise pour la rejetter sur le hasard. .Terne confirmerois dans cette idée, en examinant les canaux par lesquels ce poids a pu pénétrer jusqu'à Rome, Ils sont tout ou- verts. Quelques années a])rés que Pliidon eut réglé les poids du Pélo- ponnèse, une colonie de Lacedémoniens passa dansle pays des Sabins. llien ne relève autant nos idées de la discipline de Lycurgue que cette migration. Ces exilés aimèrent mieux s'expatrier que de s'y soumettre, et cependant s'il parut des Sybarites ;\ Sparta ils semblèrent des Spar- tiates à Cures. Les mœurs dures et austères qu'ils communiquèrent aux Sabins furent longtems l'admiration des Romains. L'union de ces deux derniers peuples fut étroite dès le commencement. Tatius et ses Sabins s'encorporèrent aux Romains de Romulus. Si l'on trouve ce règne trop guerrier pour des arrangemens de police, Numa, son succes- seur, prince pacifique et Sabin, doit avoir réglé les poids, et s'il l'a fait,, quel modèle a-t-il pu suivre que celui de sa patrie ? Passons à la Palestine, petit pays, mais plus connu que les vastes con- trées de la Tartaric. Cette course paroît un écart, mais il ne l'est point. Le premier peuple que nous trouvons sur ces côtes, ce sont les Phéniciens, dont le commerce et les colonies remplissoient toutes les mers depuis les Indes jusqu'au delà des colonnes d'Hercule, et ren- doient Tyr et Sidon les entrepôts de l'univers. Nous devons nous at- tendre à trouver partout les vestiges de leurs poids. Un peuple de guerriers peut mépriser ces détails, mais une nation de commerçans en sentira le prix, et travaillera à les établir partout. Le talent Tyrien étoit ou double ou simple, celui-là composé de 1 2,000 drachmes, celui-ci de 6000. Hiéron, auteur estimé, et qui mérite de l'être, égale le talent Attique à celui de Tyr, et nous donne à connoître que c'étoit au simple \ la drachme de la Phénicie aura le même poids que celui d'Athènes. Il est assez vraisemblable que Solon, lui-même négociant, avoit cherché dans sa réforme des poids la plus grande facilité du commerce. Il n'y a point de difficulté à supposer que Solon reçut ses poids des Phéniciens, dont il voyoit les vaisseaux tous les jours dans le port d'Athènes. Mais si l'on trouve ce trajet encore trop long, on peut croire qu'il les reçut en droiture de l'île d'Eubée, voisine de l'Attique, et dont elle tiroit beaucoup de bled. Tout au moins nous engage à croire DES POIDS, DES MONNOIES, ET DES MESURES Df.S ANCIENS. à) 3 croire que le talent d'Athènes, celui de V Euhée, et le talent simple de Tyr, étoient tous les trois égaux. Car premièrement, lorsque Darius changea les dons gratuits de ses sujets en tributs réglés^ il statua qu'ils payeroient l'argent en talens Babyloniens, et l'or en talens de l'île d'Eu- bée* Pourquoi ce choix singulier ? Un roi de France a-t-il jamais fait payer la taille en argent de Suisse ? L'Eubée étoit peu connue dans le monde; bien loin d'être sujette à Darius, elle lui étoit ennemie. En- core une fois, pourquoi ce choix ? Ce ne peut être que le talent de quelque province de l'empire de Darius, talent célèbre, mais qu'Héro- dote a mieux aimé exprimer par un talent Grec qui lui étoit égal. Cette province ne pouvoit être la Babylone. L'Egypte commerçoit trop peu avec l'étranger pour qu'on préférât ses poids. La Lydie au- roit de grandes prétensions. Le Pactole rendoit son or célèbre ; c'étoit même l'or du darique. Mais Hérodote avoit trop bien fait connoitre la Lydie pour craindre l'obscurité en la nommant ici. D'ailleurs qu'elle liaison entre la Lydie et l'Eubée ? Il y en avoit beaucoup entre cette île et la Phénicie. Cadmus l'avoit côtoyé et s'étoit établi dans son voisinage. Palamède, dont les inventions valurent plus à la Grèce, que la valeur de cet écervelé Achille, étoit natif de cette île. Il em- prunta ses lettres de la Phénicie, pourquoi pas ses poids ? II™"- Les anciens ne frappoient de monnoies, surtout celles d'or, qui ne fussent quelque partie aliquotte de la livre du talent. Le dorique, égal à Vau- reus d'Athènes, étoit la trois millième partie d'un talent d'or Attique. Cependant les rois de Perse n'ont jamais emprunté leur monnoie favo- rite d'une petite république. Si le talent d'Athènes étoit celui de Tyr, il n'y a plus de difficulté. Ce n'est pas une preuve, mais c'est au moins un préjugé favorable. III"'^"'- Le talent d'Athènes étoit égal à celui de Tyr. Nous venons de le voir chez Hiéron. Soixante-dix mines At- tiques fiiisoient le talent Babylonien. Pollux nous l'apprend. Soixante- di.v mines Euboïques faisoient le même talent Babylonien suivant Héro- dote; la conséquence est toute simple. On seroit surpris que les Juifs eussent d'autres poids que ceux de leurs voisins, ceux de la Phénicie surtout. Grossiers et ignorans ils dévoient tout aux autres peuples, et ne leur rendoient qu'un vrai mépris * Htfodot. 1. iii, c. 95. 414 DES POIDS, DES MONNOIES, ET DES MEStlRES DES ANCIENS. de barbares. Josèphe, Pliilon, et les Septante, tous instruits dans les^ usages de leur nation, et plus en état que leurs concitoyens d'en faire la comparaison avec ceux des étrangers, égalent tous le shekel des Hébreux à la tetradrachme Attique, ou ;\ la didrachme d' Ale^tandrie . Trois mille shekels faisoient le talent Juif ^ qui ainsi étoit égal à 1 '2,000 drachmes Attiques ou Tyriennes, c'est à dire au talent double de Tyr. M. Hooper, toujours profond, a voulu examiner l'évaluation de Mai- monides, il l'a trouvée n'être pas fort éloignée de celle de Josèphe ; et même il est parvenu à rendre raison de cette différence. Mais il faut voir tout ce morceau, qui est un chef-d'œuvre de la critique, dans l'ouvrage du savant évèque. Ces poids ont-ils toujours été les mêmes ? Les rabbins prétendent que pendant la captivité, ils empruntèrent ceux des Babyloniens plus pesans que les leurs d'un sixième. Cette adoption paroît naturelle, nous verrons qu'elle a eu lieu pour les mesures. Mais comme Josèphe, Philon et les Septante, ne l'ont point connue, le témoignage de quelques rabbins postérieurs de cinq ou six cens ans, et justement décriés pour leurs critiques, ne peut point leur être opposé. Tout ce qu'on peut alléguer en faveur du sentiment des rabbins, ce sont quelques shekels conservés, dont le poids est égal à 219 grains Anglais (25 8è), un peu moins d'une demie-once Romaine. Mais ces pièces sont renvoyées par les savans aux derniers tems de la nation Juive. Alors comme leur tribut aux Romains se payoit en shekels, il étoit de leur intérêt d'en baisser le poids, et rien ne seroit autant la pillule aux yeux de leurs maîtres, que de leur faire croire qu'ils réta- blissoient le shekel de leurs anciens rois, shekel dont le poids étoit pré- cisément la demie-once Romaine. Il n'en falloit pas davantage à un antiquaire pour faire sortir les deux nations d'une même souche. Telle est la conjecture de M. Hooper. Elle est ingénieuse. Mais je doute que les Romains se fussent si fort enorgueillis de cette parenté. * * Ecoutons Cicéron ; que cet orateur nous instruise des sentiraens des Romains à l'égard de ce peuple choisi. " Stantibus Hierosolymis, pacatisque Judaeis, tamen istorum leligio sacrorum a splendore hujus imperii, gravitate nominis nostri, majorum institutis, abhorrebat. Nunc vero hoc magis, quod illa gens, quid de imperio nostro sentiret, ostendit armis: quam cara Diis imraortalibus esset ostendit armis, quôd est victa, quôd elocata, quôd servata.'' Ciccio yro Flaccu, t. 28. Lorsqu' DES POIDS, DES MONNOIES, ET DES MESUUES DtS ANCIENS. 415 Lorsqu' Alexandre jetta les fondemens d'Alexandrie il se proposoit d'y transporter tout le commerce du monde. Il vouloit la mettre ;\ la place de Tyr qu'il venoit de détruire. Pour que les nations ne s'ap- perçussent d'autre changement que de celui du lieu, il étoit naturel qu'il n'altérât point les poids de l'ancien entrepôt. Il ne le fit point. Le talent d'Alexandrie contenoit deux fois celui d'Athènes et étoit égal au double talent de Tyr. On verra dans les tables quelques autres talens moins connus, jç Corinthien, le Rhodien, le Syrien, &c. Je ne parlerai pas encore des talens d'Homère. Peut-être ne seroit-il pas difficile d'étendre ses conquêtes, et en ras- semblant les passages épars des voyageurs et des missionnaires, de fixer les poids des Turcs, des Arabes, des Persans, des Indiens, des Chinois, des Japponois, &c. mais à quoi aboutiroit cette connoissance ? Atten- dons que les travaux de nos savans ayent enrichi la littérature des écrits de ces peuples. Alors cette connoissance deviendra nécessaire. ' Aujourd'hui elle seroit pénible et sans fruit. Arrêtons-nous un moment. Quelques centaines de monumens, et deux proportions des plus simples, nous ont conduits à la connoissance de la livre Romaine. Comparons-la avec quelques livres de fer qui nous sont demeurées. La plupart sont fort endommagées. Des deux les plus entières on déduiroit une livre de 10 07iccs 408 grains. La différence est de 132 grains. Elle ne m'étonne point. Ces livres, quoique les moins rongées, dévoient néanmoins avoir perdu de leiu" poids. Le congé Farnèse est célèbre parmi les antiquaires. Je ne le suis point assez pour croire qu'une providence toute particulière a veillé à sa conservation ; je sais seulement qu'il existe à Rome dans le palais des Ducs de Parme. Une inscription gravée sur le dehors nous apprend qu'il contenoit le poids de dix livres, et les anciens sont d'accord que e'étoit dix livres d'eau ou de vin pur. M. Auzout de l'Académie des Sciences l'ayant rempli d'eau de fontaine, trouva pour le poids de sa capacité, 62,760 grains. La livre Romaine en aura 6276 et l'once 523. Cet accord, t|,j à près, avec la livre trouvée par les deniers, doit faire évanouir le moindre soupçon. S'il valoit la peine de choisir entre les deux 416 DES POIDS, DKS MONNOrRS, ET DES MESURES DES ANCFENS. deux livres, je préféreiois celle des deniers. L'opération est plus simple. On vient de voir un système clair et suivi. Il n'est fondé que sur les monumens, combinés avec les écrivains du bon tems. Ceux du Bas Empire, Fannius, Dioscorides, Galien, &c. nous égareroient, si nous les prenions pour nos guides. Ils établissent pour fondement de leurs hypothèses, l'égalité du denier non-seulement avec la drachme de leurs jours mais encore avec celle du tems de Solon. Il est de fait que ces deux poids difteroient au moins d'un treizième. D'ailleurs ces auteurs, moitié Grecs moitié Romains, altèrent les coutumes des deux nations en tachant de les concilier, et se plaignent alors des ténèbres dont ils se sont enveloppées. * A tout moment ils se répètent, ils se contre- disent les uns les autres, et eux-mêmes ; et vous sentez à chaque ligné qu'ils n'ont jamais consulté les meilleurs de tous les livres, les' étalons des poids. On a été assez bon pour chercher les raisons de leur égare- ment, et pour leur prêter des interprétations qu'ils ne méritent point, et dont ils sont assez peu susceptibles.! IV. Les Grecs furent longtems un peuple sans commerce et sans police ; occupés de leurs guerres, ou plutôt de leurs brigandages, ils négU- geoient tous les arts. Un tel peuple devoit se soucier assez peu de précision dans les poids qui ne sont que les moyens du commerce. Aussi seroit-il difficile de les apprécier au juste. Solon, le premier des législateurs en grand, car Lycurgue ne fit attention qu'à un seul objet, la discipline militaire ; ce Solon, dis-je, * Dioscorides dit que le congé pesoit sept cens vingt drachmes. Nous savons qu'il tenoit au moins huit cens quarante deniers; cependant un moment auparavant il avoit égalé la drachme au denier. f M. Hooper adopte une idée de M. Greaves qui pense que lorsque ces écrivains par- lent de la drachme comme le huitième de l'once, ils n'entendent point l'once Romaine, mais une once que les Athéniens composèrent à l'imitation de leurs maîtres. Mais ce système ne les sauve point. Si la drachme suivit les révolutions du denier, pourquoi l'ont-ils ignorée ? Si elle ne les a pas suivies, pourquoi les égaler? trouvant DES POIDS, DES MONNOIES, ET DES MESURES DES ANCIENS. 417 trouvant l'état d'Athènes obéré de dettes, baissa les poids et les espèces d'un quart. Cette raison a pu l'y engager ; mais je ferai voir dans la suite qu'elle n'a pas du être la seule. Il n'existe qu'une seule drachme^ le poids de la Grèce sur laquelle tous les autres se régloient ; M. Greaves l'avoit trouvée dans la Mer Noir : elle pesoit 66 grains Anglais (783). Nos principes cependant seroient mal-appuyés, si nous n'avions qu'une seule ressource. Dans la critique comme dans la physique, une seule expérience ne doit jamais suffire. Mille causes étrangères peu- vent s'y mêler, dont la moindre, en corrompant sa pureté, nous égare- roit dans notre recherche. Heureusement pour nous les Grecs frappoient des tetradrachmes, ou des pièces de quatre drachmes. M. Greaves en vit beaucoup dans son voyage de l'orient. Il s'attachoit sur-tout à ceux qu'il déterroit dans dea lieux écartés où la curiosité des Européens n'avoit pas encore enseigné la mauvaise foi et l'imposture. * Ceux qui paroissoiënt les plus parfaits s'accordoient à lui donner 268 grains Anglais (316). Nous avons donc une drachme de 67 grains Anglais (79). Une demie- drachme et un obole ne font qu'appuyer ce résultat. Nous avons soupçonné que la monnoie d'or des Romains pesoit deux de leurs deniers. Nous savons que chez les Grecs elles pesoient deux drachmes Attiques. Pollux t et Hesychius X en sont mes garans. Je ne dis rien des daiiques. M. Greaves n'en avoit jamais vu, et quoique M. l'Abbé Barthelemi m'apprend le titre d'une de ces monnoies con- servée dans le cabinet du roi, il ne dit rien du poids. Une mannoie d'or de Philippe pèse, suivant Snellius, I24è grains Anglois, (1.79) et une autre d' Alexa7idre 133è grai?is Anglois (1.58.) La drachme de celle-ci est de 79 grains, de celle-là d'environ 79è. Qu'un Anglois donc se tienne assuré que la drachme de Salon étoit de 67 grains; qu'un Fran- çois l'appreçie à 73 grains.^ * Greaves's Miscellanies. Tom. i. p. 2fll. f ô Se %ft)(r»f raTijf Suo u-xf îfa%(jiœf Arlixaf. L. iv. c. 24. % IloXf^af j(;of Çïjtri Svva(r9a.t tov Xf uo-sv iraja roi; Arrix.ot{ Jjaj^fxay Suo, r))y 06 ta Xf uci ^è^XM^' ^'>y-i ses 420 DES POIDS, DES MONNOIES, ET DES MESURES DES ANCIEVS. ses concitoyens. Une société s'est comparée à ses voisins, et dans les conjonctures où leurs intérêts réciproques les unissent ou les divisent, les trésors tiendront souvent lieu de forces. Ils soudoyeront les troupes des nations plus belliqueuses et plus pauvres. Leurs possesseurs s'en serviront dans leurs guerres et dans leurs négociations. Ces dépenses, il est vrai, feront sortir cet argent de leur pays, et les réduiront bientôt au niveau de leurs voisins : mais aussi s'ils ont su profiter du moment de leur supériorité ils sont devenus leurs maîtres. Je ne connois que la Chine qui ait fermée ses mines d'argent. La raison en est sensible, et fait l'éloge de ce peuple de législateurs. Isolée dans l'univers, la Chine ignore la richesse relative et le commerce étranger. L'augmen- tation ou la diminution des métaux n'intéressent nullement le com- merce intérieur et les arts. On compare l'or et l'argent avec les objets de sa dépense. On les compare encore entr'eux, pour fixer leur valeur proportionnelle. En Angleterre et en Espagne, cette proportion est d'un d quinze. En France et dans le reste de l'Europe (Tun à quatorze et demi. Parmi les anciens la proportion la plus commune étoit celle d'un à un. Ces variations arrêtent, dès le premier pas, quiconque veut fixer les mon- noies des anciens d'une manière raisonnée. Nous exprimons le prix de toutes les marchandises par une quantité déterminée d'or ou d'ar- gent. Comment exprimerons-nous la valeur de ces minéraux ? La déduire de leur proportion, n'est qu'un cercle vicieux qui n'instruit point. Prendrons-nous l'expression de cette valeur comme elle est fixée parmi nous ? Ce seront au moins des idées connues. Mais alors de quel point doit-on partir .? Si nous prenons l'or, l'argent calculé en proportion décimale vaudra plus que chez nous. Si c'est l'argent, l'or vaudra moins. En un mot l'argent étoit-il plus rare chez les anciens, ou l'or étoit-il plus commun que chez nous } Dans l'incertitude il fau- droit se déterminer pour l'argent j et le compter au taux qui a lieu parmi nous. Ce métal a toujours entré dans le commerce comme moyen principal, pendant que l'or n'a souvent été considéré que comme une marchandise précieuse. Mais j'aimerois encore mieux embrasser ce parti par raison que par nécessité. Le champ est vaste, nos con- noissances légères ; la comparaison ne peut être que vague ; cepen- dant, je ne crains pas de l'ébaucher. 1. L'Afrique doit renfermer dans son DES poms, DES MONNOIES, ET DF.S MESURES DES ANCIENS. -t'il son sein des trésors immenses. Le pays le plus fécond en or que nous connoissons, c'est la Guinée. Mais enfin la jalousie des natifs nous a interdit l'approche des mines ; nous recueillons dans les rivières et sur le bord de la mer les paillettes d'or que les torrens des montagnes ont entraînées dans leur course. Nous y puisons des richesses innnenses. Les anciens ignoroient cette côte, mais sur celle de Sofala ;\ l'orient de l'Afrique, ils avoient des mines aujourd'hui perdues ou épuisées. Salo- mon, roi des Juifs, en tira dans une seule année 666 talens d'or. Un poëte eût dit de l'ancienne Arabie qu'elle n etoit qu'un morceau d'or massif. Un historien exact nous apprend que l'or y étoit commun à un tel point, qu'il étoit à l'argent comme deux à un, et comme trois i\ un au fer. Mais l'Amérique — ne devons-nous pas nos vices et nos richesses à Colomb ? Il est vrai : tous les autres pays doivent le céder au nouveau monde pour les mines d'argent ; mais pour celles dor TAfrique l'emporte de beaucoup. Tel est au moins le sentiment d'Acoste, observateur savant et laborieux. Acoste vécut avant la dé- couverte des mines du Brésil, mais celles-ci l'ont été depuis trop peu de tems, pour avoir encore changé le système des espèces en Europe. Si nous arrêtons la vue sur les extrémités de l'orient nous verrons que rinde enrichissoit les anciens, autant qu'elle nous appauvrit. Les Per- sans et les Grecs de la Bactriane, par les conquêtes et par le com- merce, s'attiroient les trésors que la nature avoit prodigués à ses foibles habitans. Ces nations voisines avoient des besoins mutuels, et les espèces passoient chez la plus industrieuse. Ce commerce maritime si lucratif à quelques uns, mais si fatal à nos richesses, n'a commencé que sous les Ptolémées ; les Romains en ont senti les effets ; mais les poi- sons lents ne détruisent le tempérament que peu-à-peu ; le nôtre le seroit déjà, si le midi et l'occident ne réparoient pas en partie ce que l'orient engloutit. A juger sur cet exposé, les avantages paroissent balancés ; on déci- deroit volontiers que nous recevons plus d'or et que les anciens dépen- soient moins. Mais nous avons oublié une circonstance qui fait pencher la balance de leur côté. Dans le travail ingrat et difficile des mines, ce n'est point la même chose de les aller chercher sous un ciel étranger ou chez un peuple barbare, et de les posséder au cœur de sa patrie. i^Z'i DES POI»>;, DIS MONNOIES, ET DES MESURES DES ANCIENS, patrie. Nos climats étoient autrefois remplis d'or. La terre, les rivières nous en prodiguoient à pleines mains. A présent nous n'en avons point. Le Tage n'est plus un fleuve d'or que pour les poètes. Nous chercherions vainement en Espagne et en France ces mines dont les Lusitaniens et les Astures tiroient chaque année vingt mille livres d'or, et qui remplirent le trésor sacré de Thoulouse de cent mille li\Tes d'or. Une seule mine dans la Dalmatie rendoit jour par jour cinquante livres d'or, ou par année dix-huit mille deux cens cinquante. Le seul travail de quelques mines en Lydie avoit valu à Pythias quatre millions de dariques. La magnificence des anciens en ouvrages d'or est encore une preuve de leur richesse. Je n'en donnerai qu'un exemple ; je le puise chez Diodore de Sicile, dont on n'a jamais soupçonné ni le juge- ment ni la fidélité. Dans une tour du temple de Belus à Babylone, l'on voyoit les statues de Jupiter, de Junon, et de Rhéé avec un grand attirail, le tout d'or massif", et du poids de 6360 talens Babyloniens, ou de trois cens quatre-vingt-un mille six cens livres pesantes.* Ces tré- sors, et tant d'autres enfouis depuis dans ce temple depuis bien des siècles, sortirent enfin pour animer la circulation. Xerxes, à son retour de la Grèce, enleva toutes ces offrandes, et par un revers moins étrange chez les anciens que chez nous* la société s'enrichit au dépens de la superstition : car les anciens, peu conséquens dans leurs dévotions, tie voient des temples d'une main et les pilloient de l'autre. Plus d'un riche dans l'antiquité eût pu répondre avec le vétéran d'Auguste, " Seigneur, vous voyez ma fortune, elle étoit autrefois la jambe de la Déesse Anaitis." IL Envisageons les richesses des anciens sous un autre point de vue, nous nous affermirons dans nos premiers sentimens. Si la différence de la proportion venoit de la rareté d'argent parmi eux, nous somrpes plus riches d'or d'un tiers ; si la grande quantité d'or y donnoit lieu, les anciens l'étoient d'autant. Un homme instruit dans l'antiquité adop- tera sans balancer la dernière des alternatives, et c'est avec plaisir que * Voyez la Jescription détaillée de ces trésors chez Diodore de Sicile, 1. ii. c. 9. Les 6o60. talens d'or font, suivant la proportion ancienne, l6,204,900/. raonnoie d'Angleterre, ou 381,600,000/. argent de France. Siiivant les proportions modernes ce seroit J-i,o07,.JôO.'^ de cclie-lj, et 553,320,000/. de celui-ci. je DES POIDS, DES MONNOIES, ET DES MESURES DES ANCJLNS. 453 ^e vois les id^cs du savant Piideaiix si conformes aux miennes.* Par- courons quelques exemples qui nous fassent sentir combien il avoit raison. Les richesses que Kouli-Khan trouva dans les I)ides, ce gouffre de notre argent, n'approclioient point de celles que Cyrus, vainqueur de l'Asie et le prince le plus généreux de son tems, emporta des pays conquis ; celles-ci montoient à trente-trois mille livres d'or et à cinq cens mille talens d'argent, sans compter des pierreries et des meubles précieux d'une valeur immense. Ses successeurs imitèrent sa . magnificence mieux que ses vertus. Alexandre trouva dans les trésors •. de la Perse cent quatre-vingt mille talens. Son père avoit joui d'un revenu de mille talens ; lui, à sa mort, en tiroit de son empire trois cens mille. Avant les conquêtes de Pompée, il y avoit dans le trésor de Rome, un million neuf cens vingt mille huit cens vingt-neuf livres pesantes d'or. Antoine tira dans une seule année deux cens mille talens de cette Asie déjà épuisée par les exactions de Brutus et de Cassius. Je ne m'arrêterois point aux fortunes des particuliers. L'argent peut être plus rassemblé sans être plus commun. Mais le ])rix des marchandises est plus décisif. Les instrumens du luxe étoient fort chers. Les Rhodiens acjietèrcnt d'Appelle un portrait d'Alexan- dre peint en Jupiter pour vingt talens d'or. Un autre peintre refusa soixante talens pour un de ses tableaux. Le cheval Encéphale en coûta treize à Philippe, et Daphnis le grammairien fut vendu pour sept cens mille sesterces. Mais il vaut mieux aller droit à la plus sûre épreuve, au prix du bled, denrée également nécessaire à tous les hommes. M. Arbuthnot, par une induction claire mais ingénieuse, l'a trouvé considérablement plus cher à Rome du tems de Pline qu'il n'est aujourd'hui à Londres. * Peut-être qitf quelqu'un, frappt des sommes ilont je vais parler, croira que sans choix ► ot sans critique, j'ai ramassé tout ce qui pouvoit rélever les richesses de l'antiquité: il se tromperoit. Lorsque dans les grands empires, dans les pa3*s riches par le commerce ou par les mines, je vois des trésors immenses, j'aime mieux expliquer mes auteurs que de les contredire. Mais le trésorier même de David ne me persuaderoit jamais que son maître enleva des villages des Philistins et des Moabites ceat mille talens d'or et un million de talens d'argent (870,000,000 livrrs sterling); et l'aintoritc d'un Zonare, Grec du Bas Empire, ne m'engageioil jamais A croire que le trt'sor de Constantinople renfermoit '.^00,000 talens d'or (502,600,000 livres sterling.) ' III. Pc 42i DES POIDS, DF.S MONNOIES, ET DES MKSURES DES ANCIEXS. Ilï. Posons un rapport établi. Les deux membres de la proportion s'approcbent quanti le plus baut descend ou que le plus bas monte ; ils sV'loiguent quand le plus baut monte ou que le plus bas descend. Rendez l'or plus commun ou l'argent |)ius rare, vous diminuez leur ])roportion ; multipliez l'argent, ou rendez l'or plus rare, vous l'aug- mentez cette proportion. La proportion étoit changée sous le règne de Justinien au cinquième siècle après Jésus Cbrist. Son époque nous dévoilera le motif qui la produisit, et la raison de cette révolution nous instruira de la constitution primitive. Le rapport de deux métaux passa d'un à dix à un à quatorze et deux-tiers, rapport qui subsista jusqu'à notre tems avec peu de variation. Ce ciiangement n'a point découlé de l'augmentation d'argent dans l'empire. Les barbares du nord et de l'orient, depuis un siècle, désoloient les provinces, éteig- noient le commerce et l'industrie, et laissoient perdre les mines. Celles d'Espagne, les plus riches de toutes, disparurent à la conquête des Visio- oths. Nous découvi'ons donc que la disette d'or a dû faire naître ce changement. Il n'y a point de troisième parti. L'or étoit donc plus commun avant l'établissement de ce rapport, qui subsiste encore, qu'il ne l'est aujourd'hui. Nos recherches sont assez exactes ; cependant toutes, mais surtout la dernière, n'excluent point Ihypothèse. L'or étoit plus commun autre- fois, mais l'étoit-il précisément d'un tiers ? Les causes délicates qui peuvent agir à notre insçu m'empêchent de répondre. VL Nous venons de voir des métaux tirés du sein de la terre, pour ac- quérir une valeur qu'ils n'avoient point auparavant. Les combinaisons de cette valeur avec leurs proportions mutuelles sont des idées trop déliées pour ne pas souvent nous échapper. Des arrangemens ordonnés pour le bien de la société viennent encore épais ser le nuage. On a craint que dans ce commerce difficile la bonne-foi ne fût à tout mo- ment la dupe de la supercherie. C'est pourquoi dans tous les pays on a confié aux chefs de la société le soin des monnoies. Frappées par * leur DES POIDS, DFS MONNOIES, ET DES MESURES DES ANCIENS. 425 leur ordre, et portant l'empreinte de leur autorité, la communauté se rend garant de leur valeur, et le plus ignorant les reçoit sans scrupule et sans examen. Le travail des mines dégage l'or et l'argent de tout mélange étran- ger : celui de la monnoie leur en rend. On a vu que ces métaux, dans leur pureté, étoient trop maniables et trop foibles pour résister long, tems aux injures auxquelles leur destination les exposoit. Mais quoique cette réflexion ait agi sur tous les peuples qui ont battu de la monnoie, elle n'a pas cependant agi d'une manière semblable. Le titre des espèces (c'est ainsi qu'on appelle le degré de leur pureté) varie à chaque souveraineté. Ce n'est point donc assez de connoître le poids d'une monnoie ancienne. Si l'on ignore son titre on n'aura que des idées bien imparfaites de sa valeur. C'est aussi à quoi il faut se borner pour les espèces des anciens. Les auteurs nous instruisent peu, et soit disette de monumens soit faute de s'en servir, les antiquaires de notre siècle ne nous donnent pas assez de lumières pouf nous empêcher de regretter ce silence. On sait en général que les monnoies d'or étoient d'une plus grande pureté que les nôtres, et les monnoies d'ar- gent d'un plus bas titre. Les médailles Grecques d'Alexandre sont de vingt-trois carats seize grains, les dariques de vingt-trois carats. Dans un aureus de l'empereur Vespasien les orfèvres de Paris n'ont trouvé qu'un 788"°° d'alloi. Les affineurs préfèrent cet or à l'or du ducat, et pensent que c'est le moindre alliage avec lequel on puisse battre la monnoie. Sous le Bas Empire les médailles d'or se ressentent de leur siècle. Les Romains ont quelquefois fait frapper des espèces d'argent assez fines. Le Père Bouteroue examina un denier d'un si haut titre que le marc n'auroit eu que 5 grains ou un 921"'' d'alloi. Mais aussi nous savons que le tribun Drusus, ce charlatan politique qui perdit la république et lui-même parcequ'il promettoit tout et ne pouvoit rien tenir, que ce Drusus mêla un huitième d'alloi avec l'argent. Ce sont deux extrêmes, mais où trouver le milieu ? et quand nous le trouverions, comment régler les monnoies d'argent des Grecs et des Orientaux ? Nous ignorons entièrement leur titre. Dans cette incertitude, nous ne pouvons que supposer les monnoies des anciens du même titre quç les nôtres. Mais cette supposition, toute nécessaire qu'elle est, peut êtrç éloignée de la vérité. Tout ce que nous pouvons faire c'est de calculer VOL. m, 3 1 au 426 DES POIDS, DES MONNOIES, ET DE3 MESURES DES ANCIF.NS. au moins les monnoies d'or suivant leur titre. J'en ai fait deux tables, l'une où je suis autant qu'il m'est possible cette méthode. Les curieux m'en sauront gré. J'en ai construites autres suivant le premier principe. Une petite erreur vaut mieux qu'une totale ignorance. Le sceau de l'autorité publique, qui détermine le prix d'une monnoie, ne peut jamais s'étendre plus loin que cette autorité elle-même. En deçà de la frontière, on l'échange sans difficulté pour des marchandises ou pour d'autres monnoies avec lesquelles on connoît sa proportion. Au delà de la frontière, elle n'est plus qu'une pièce d'or ou d'argent, dont il faut éprouver le poids et le titre pour déterminer sa proportion avec les monnoies courantes de cet autre état, et la rai.son veut que, dans un pays où, destituée du sceau de l'autorité, il est libre à chacun de la rejetter, elle soit appréciée un peu plus bas que sa valeur réelle. Les banquiers, qui se sont appropriés ce genre de commerce, ont senti combien il leur importoit de baisser la valeur des monnoies étrangères, et cette règle, poussée jusqu'aux finesses les plus recherchées, les con- duit à de gros profits. Le langage de l'échange a pu donc égaler des espèces que les monnoyeurs avoient frappé très inégales, et ce langage, vrai pour les auteurs qui s'en sont servis, mais trompeur pour nous, nous tend un piège dont il est difficile de se démêler. Eclairé cepen- dant par un foible rayon de lumière, j'entrevois que dans les pays éloignés l'un de l'autre, qui n'ont que peu de communication, tout est permis aux banquiers. L'éloignement annéantit ce reste de confiance, que l'empreinte du prince ne peut qu'inspirer, et les peuplés s'in- quiètent peu d'une perte sensible mais rare. Le shekel, égal à l'an-^ cienne tétradrachme de Solon, pesoit 316 grains; cependant du tems de Josèphe, il ne valoit que la tétradrachme nouvelle de 300 grains. Mais c'est avec regret que je vois expliquer l'égalité de la drachme et du denier de la même manière. Les tributs portoierit tous les ans à Rome des sommes immenses. Des chev'aliers affermissoient ces tri- buts, et leurs oppressions faisoient détester aux nations l'empire des Romains.* S'ils égaloient la drachme au denier, ils y gagnoient un seizième. * Pompée comptoit que l'A&ie propre, ou celle que les Romains possédoient avant ses conquêtes, rendoit toutes les années à la république, cinq mille myriades de drachmes (1,708,333 tiv, st. I3s. 4(/.). Les partisan; ravoi'?ut aft'crrai à ce prix. Mais ces peuples, tVjlts DES POIDS, DES MONNOIF.S, ET DES MESURES DES ANCIENS. 42? seizième. Les banquiers de Rome, dont le négoce étoit lié intimement avec le leur, en s'unissant aux fermiers, travailloient à la fois pour eux- mêmes et pour l'ordre.* Il est donc très possible que les Grecs ayent pu gémir quelque peu de tems sous ce fardeau ; mais plus il étoit oné- reux, moins il put subsister. Les Grecs avoient entre les mains un remède sûr et aisé : parmi quelques autres vestiges de leur antique liberté, ils possédoient encore le droit de battre la monnoie, privilège dont les anciens n'étoient pas aussi jaloux que nous. Les cabinets des curieux sont remplis de médailles d'Athènes, de Sparte, &c. frappées sous les empereurs. Il faudroit supposer à ces peuples spirituels une stupidité sans exemple, si nous ne pensions pas qu'ils réduisirent alors le poids de leur drachme et la rendirent en effet égale au denier qu'ils n'abandonnèrent pas, même quand les princes n'en battoient plus que des huitièmes de l'once Romaine.f Voilà des difficultés qui nous embarrassent, mais dont nous aurions tort de nous plaindre. L'intérêt de la société doit l'emporter sur celui de notre curiosité. Mais l'usage de donner aux monnoies des noms différens de leur poids, produit un embarras racheté par nulle utilité. Pourquoi ne pas dire tant d'onces d'or ou d'argent, au lieu de tant de guinées ou d'écus ? La difficulté de ces noms se fait surtout sentir dans les réductions des monnoies anciennes aux nôtres. Comme celles-ci varient continuellement, la plus grande attention suffit à peine foulés par leurs exactions, demandèrent à Jules César la grace de pouvoir payer un tribut réglé de vingt-mille talens (4,100,000 liv. slerL). Cependant, sans parler de la différcDce énorme des deux sommes, un tribut réglé qu'il faut payer à tout événement est toujours plus onéreux que des dîmes sur le bled et les pâturages, de» droits d'entrée et de sortie, qui ne peuvent croître qu'avec les richesses du peuple. Tout un plaidoyer de Ciccron ne concluroit pas autant contre les maltôtiers Romains que ce petit fait. V, Lips, de Magni- tud. Roman. L. ii. c. 2. p. 42, 43, 44. * Haec fides atque haec ratio pecuniarum, qua Romae, quae in foro versatur, implicita est cum illis pecuniis Asiaticis, et cohaeret. Ruere illa non possunt, ut haec non eodem labefactatu motù concidant. Cicero, pro Lege Manilla, c. 9. t Je m'en tiendrois volontiers à cette explication. Cependant si quelqu'un me diroit que ce ne fut Dai les Grecs qui imitèrent les Romains, mais ceux-ci qui suivirent l'ex- emple des Grecs, je n'aurois rien à lui répliquer. Les Romains empruntèrent tmnt de» Grecs, que si la drachme Attique avoit perdu de son poids dès la mort d'.^lexandre, il étoit très naturel de battre le» deniers après ce modèle. 3 1 2 pour 428 DES POIDS, DKS MONNOIES, ET DES MESURES DES ANCIENS. pour nous garantir de l'erreur. Un savant du siècle passé me dit (jue le talent vaut trois mille livres ; si je ne me rappelle pas en quelle année il a écrit, et que par une recherche très difficile je ne m'instruise pas combien la livre valoit alors, je risquerai de la confondre avec celle d'aujourd'hui. C'est aussi ce qu'on a souvent fait. M. de Voltaire reproche avec raison à quelques auteurs d'avoir par cette bévue di- minué les espèces anciennes de la moitié. Je ne m'en étonne pas beaucoup. C'étoient des savans, qui connoissoient à fonds les usages de tous les pays, hormis les leurs. Mais que M. l'Abbé d'Olivet, pré- cepteur d'un grand prince, dans un ouvrage destiné pour les gens du inonde, ait ignoré que les espèces avoient haussé de valeur depuis le tems de Gassendi ! — il me paroît vraiment singulier. Dans un pays aussi inconstant que la France, il faudroit réformer ses calculs huit ou dix fois dans un siècle. C'est un avantage des gouvernemens moins despotiques, de n'être pas aussi sujets à ces changemens, toujours pernicieux quand ils ne sont pas absolument nécessaires. La Reine Elizabeth fixa la livre d'argent à soixante-deuix chelins ; ce fut au com- mencement de son règne.* Vers ce tems le marc valoit en France quinze livres. La livre Angloise n'a point changé de valeur numéraire. Le marc vaut aujourd'hui cinquante livres de compte. Dans les tables qu'on verra à la fin, on a calculé les monnoies sui- vant ces principes. On connoît leurs poids, on sait ce que vaut parmi nous un tel poids d'or ou d'argent. Dès lors l'opération ne souffre plus de difficulté. Mais on auroit tort de regarder les deux derniers chapitres comme un hors-d'oeuvre, parcequ'on les chercheroit vaine- ment dans les autres traités sur ce sujet. Ce n'a été qu'à l'aide des ces principes que nous sommes parvenus à des connoissances raisonnées, les iïeules dignes de ceux qui ne pensent pas que l'étude de l'antiquité ne consiste qu'à entasser des citations sans bornes et sans critique. * V. Hume's History of England, torn. ii. 'Sous Edouard I. la livre d'argent étcit égale à la livre de compte et valoit 20 chelins ; sous Edouard III. elle en valoit 2-2-} et ensuite 25 ; sous Henri V. 30; sous Henri VI. 37 ; sous Richard IH. et Henri VII. 37 f ; soiis Henri VlH. 45 et ensuite 48 ; sous Edouard VI. 72 ; sous la Reine Marie 60 ; sous Eliza- "beth 60 et peu après 6i, V, le Chronicon Prtiiosum de Fleetwood, en Angloii, p. 41, 42, 43. VIL DES POIDS, DES MONNOIES, ET DES MESUKES DES ANCIENS. 429 VII. Dans la plupart des pays, nous n'avons besoin de faire attention qu'à l'or et à l'argent. Ces deux métaux constituent seuls le revenu des états et la fortune des particuliers. Si le cuivre est quelquefois em- ployé, c'est dans ces détails nécessaires mais méprisables, dont on doit s'occuper dans le moment, et les oublier pour toujours. Ce n'est que dans l'enfance de. la république Romaine, que ces espèces méritent quelques égards. Elle n'en connoissoit point d'autres ; et comme toutes les dépenses publiques se calculoient en monnoie de cuivre, il nous importe de la connoître. A l'an de Rome 485, lorsqu'on frappa sa première monnoie d'argent, le denier valoit dix as. On a vu que le denier pesoit un septième d'once ou un quatre-vingt-quatrième de la livre Romaine. L'as étoit alors la livre Romaine elle-même. L'argent étoit au cuivre comme 840 à un. Cette proportion, huit fois aussi^ grande que celle qui a été établie depuis plusieurs siècles, nous fait renouveller notre question, D'où venoit-elle ? L'argent étoit-il huit fois plus rare ou le cuivre huit fois plus commun que de notre tems ? Du- quel ferons-nous la base de nos calculs ? La plupart des auteurs out préféré l'argent. Cependant le plus léger examen nous fera sentir que cette singulière proportion découloit de la disette de l'argent, plutôt que de l'abondance du cuivre. Quels vestiges de ces mines de cuivre qui rendoient l'Italie huit fois plus riche en ce métal que ne le sont l'Allemagne ou la Suède ? Leur mémoire seroit-elle périe avec elles ? Mais si même on le supposoit assez commun en Italie, une petite partie passoit à la monnoie. Le cuivre servoit alors à mille usages, auxquels on a depuis employé le fer et l'acier. Les armes étoient de cuivre dans les premiers siècles, et quoique les Dactyles eussent trouvé d'assez bonne-heure l'ai-t de travailler le fer, tous les héros d'Homère combat- tent revêtus de cuivre ; les instrumens d'agricultui-e, les ornemens des temples n'étoient que de ce métal. De l'autre côté, la seule circon- stance que les Romains n'ont pas frappé de l'argent pendant près de cinq siècles, ,pj-ou\'e assez qu'ils en avoient fort peu. En effet leurs bons auteurs nous apprennent que l'or et l'argent n'étoient pour ces premiers Romains que des mai-cliandises étrangères que le luxe naissant achetoit 430 nr.s poids, df.s monnoies, r.T des MEstrRr.s des avcieks, aclietoit :\ un liaut prix. C'est pourquoi quand nous trouvons chez ce peuple une livre de cuivre évitons l'écueil commun de l'évaluer comme la 840"'" partie d'une livre d'argent, mais apprécions cette livre d'ar- gent comme huit cens quarante livres de cui\re. Quand l'argent des provinces commençoit à eftacer dans Rome tous les vestiges de l'an- cienne pauvreté, le denier valoit seize onces de cuivre. La proportion étoit de cent douze à un, proportion peu différente de la nôtre. Cal- culons donc la livre de cuivre comme égale en valeur aux trois quarts d'un denier ou à 56t grains d'argent. Dans le cens qu'établit Servius Tullius, cent mille livres de cuivre donnoient au citoyen qui les possé- doit une place parmi les premiers de la république. Ces cent mille livres de cuivre font, suivant l'évaluation ordinaire, huit mille cent quarante livres Tournoises, mais suivant la nôtre soixante-un mille cinquante. Je crains ici que la conclusion ne fasse rejetter le principe par ceux qui ne connoissent l'histoire Romaine que dans les abrégés. Ils ne croiront point sans doute qu'il y eut alors à Rome des particuliers aussi riches. Mais j'ai toujours pensé qu'on abaissoit trop les premiers siècles de Rome, pour rehausser l'éclat des derniers. Mon soupçon est appuyé par les monumens publics, les plus sûrs indices de la richesse d'une nation. Dans le siècle d'Auguste on contemploit avec plaisir tous les ouvrages de ce règne glorieux, mais c'étoient vers les cloaques de Servius Tullius, vers l'aqueduc et le chemin du censeur Aj)pius, que les yeux se tournoient qui cherchoient à connoître la puissance et l'industrie des Romains. Quoiqu'il en soit, il faut réformer nos idées sur les faits et non point les faits sur nos idées. Un exemple nous fera sentir la nécessité de sortir du sentier battu. Supposons l'Angle- terre riche en argent, comme elle est adjourd'hui, mais épuisée de la plus grande partie de son or, le peu de celui-ci qui y restât ou qu'on transportât des autres pays, hausseroit aussitôt de prix, et au lieu de quinze à un, deviendroit peut-être cent à un. Qu'un François dans ces circonstances dise, l'or dans mon pays vaut tant, l'argent en Angle- terre vaut cent fois moins que l'or, donc je dois compter tout cet argent à raison d'un centième de l'or; qu'il le dise, et il dira mal. L'argent des Anglois porté hors de leur pays conservera son égalité avec la même quantité d'argent chez un autre peuple. Sa valeur pro- portionnelle disparoîtra ; les Anglois ne sentiront leur infériorité que par le DES POIDS, DES MONNOIES, ET DES MESURES DES ANCIENS. 431 le commerce de l'or qu'on leur apporte, ou la balance ne sera pas pour eux. Cet exemple conclut plus que la plupart, parceque les objets qu'on a comparés sont précisément semblables. En luttant avec les nations pauvres qui les entouroient, les Romains se préparoient à des triomphes plus brillans. Les Grecs, les Gaulois, les Carthaginois apportoient leurs trésors aux pieds du sénat. L'an- cienne proportion de l'argent au cuivre devenoit vicieuse, mais au lieu de baisser la valeur de l'argent on haussa celle du cuivre. La néces- sité avoit plus de part ù cette démarche que la raison. La première guerre Punique, où il falloit entretenir des armées hors de l'Italie, avoit endetté l'état. On respectoit la foi publique, dont il falloit rem- plir les obligations, mais l'on respectoit aussi les droits d'un peuple épuisé, qu'on ne pouvoit pas accabler d'impôts. Le sénat aima mieux diminuer le poids de la monnoie. Uas étoit la livre de cuivre. Il le réduisit ù deux onces; et par cette opération violente mais nécessaire, les créanciers de la république perdirent cinq parties sur six de l'argent qu'ils lui avoient prêté ; mais bien différens de leurs neveux, dont Ho- race célèbre l'arithmétique, ces vieux guerriers ne s'apperçurent pas peut-être du changement. Ils avoient reçu leur dette en as ; comment examiner si la valeur étoit la même l Quarante-sept ans après, Hannibal fît sentir aux Romains qu'il n'y avoit plus d'Alpes. Soudoyer à la fois cent mille hommes en Italie, en Sicile, et en Espagne, c'étoit un effort que le zèle des citoyens rendoit plus facile, mais qui entraîna bientôt une nouvelle réduction de l'as. On ne le frappa plus que du poids d'une once. Mais le denier, qui ne valoit que dix as, tomboit alors trop bas, et l'augmentation de l'argent toute gi'ande qu'elle étoit n'y suffisoit plus. En réduisant donc l'as à une once de cuivre, on augmenta la valeur numéraire du denier à seize as. Ce denier valoit seize once de cuivre au lieu de vingt, et pendant qu'on diminuoit de la moitié la monnoie de cuivre, celle d'argent ne perdit qu'un cinquième de sa valeur. Un grand nom m'arrête ici. Quand M. de Montesquieu me dépeint cette double opération, comme rétablissant la fortune de l'état, sans bouleverser celle des citoyens, il m'est aussi impossible de souscrire à son sentiment, qu'il m'est doux d'admirer ses talens. Toute réduction des monnoies est un soulagement pour les débi:i.;urs et une perte pour les 439 DES POinS, DES MONNOIF.R, ET DES MESURES DES ANCIKNS, les créanciers. Dans celle-ci, ceux (jui prctoient du cuivre pour en recevoir, perdoient la moitié, ceux qui dévoient recevoir l'argent pour du cuivre ne perdoient qu'un cinquième. Mais rien ne les eût pu faire penser i\ cette stipulation que la connoissance du changement qu'on alloit faire. De tels secrets ne se confient pas au corps d'un peuple. L'an de Rome 587, on réduisit l'as au poids d'une demie-once. Le motif et le détail de cette opération nous sont inconnus. Ce ne fut point la nécessité. Paul Emile venoit de conquérir la Macédoine, et les richesses qu'il y trouva avoient affranchi les Romains de la capita- tion. Mais le poids d'un monnoie dès lors reléguée aux plus bas dé- tails paroissoit encore incommode, et on le méprisa trop pour changer sa proportion avec le denier qui valoit toujours seize as. J'imiterai l'exemple des Romains ; et quoique la valcHr de l'as tomboit avec son poids, je calculerai ceux d'une demie-once sur le même pied que ceux d'une once. Nous craindrions de faire des opérations aussi brusques que celles dont j'ai parlé, mais aussi dans la situation de la république tout l'invitoit aux entreprises les plus hardies. Ce peuple-roi vouloit régner ou périr. Point de milieu. Si Carthage succomboit, l'or et l'argent faisoient disparoître le cuivre. Il importoit peu qu'on eût di- minué cette monnoie. Si les Africains l'emportoient ; privés d'empire et de liberté tout devenoit indifférent aux Romains, la plupart n'au- roient pas survécu à leur humiliation, ou auroient couru la cacher dans quelque pays encore libre. Je ne saurois finir sans remarquer l'esprit citoyen des sénateurs Ro- mains. Ils se prêtèrent sans difficulté à ces arrangemens si destructeurs à leurs intérêts. Presque les seuls créanciers, ils subissoient toute la perte de ces réductions. D'ailleurs elles détruisoient peu à peu la con- stitution aristocratique des comices. Comme la fortune requise pour la première classe demeuroit toujours fixée à cent mille as, on dut y voir parvenir un grand nombre, qui, si les espèces s'étoient soutenus sur l'ancien pied, auroient encore rampé au dernier rang des derniers •citoyens. VIIL DES POIDS, DES MONNOIES, ET DES MESURES DES ANCIENS. 433 VIII. Le poids et le titre d'une monnoie en constituent la valeur : mais oes empreintes . _ . . sur les mon- jc'est l'empreinte que le magistrat y fait graver qui fait connoître aux noies. jîeuples cette valeur, qui en est la preuve et le gage. Les rois y ont mis leurs têtes, les républiques ont choisi les têtes des divinités qu'elles -honoroient plus particulièrement, ou quelque symbole relatif à leur situation et à leurs exploits. La science des médailles ne s'occupe que de cette connoissance. Là, c'est l'objet principal et remplit des vo- lumes entiers ; ici, elle n'est qu'un accessoire qui mérite cependant que j'en dise quelques mots. Les Persans gravoient sur leurs dariques un archer ; ce peuple guer- Le» Persauj. rier, qui dut ses conquêtes à sa simplicité, et son luxe à ses conquêtes, n'apprenoit dans sa jeunesse que trois choses, à monter à cheval, à tirer jde l'arc, et à dire la vérité. Les rhéteurs Grecs se sont fort égayés de cette empreinte, et dans le tems que le grand roi achetoit les répul> liques qu'il ne pouvoit vaincre, ils nous ont décrit ces archers comme le corps le plus redoutable de l'armée Persanne. Minerve, avec tous ses attributs, l'égide, l'olivier, et la chouette, or- Les Athéniens. noit les médailles Athéniennes. La chouette surtout en faisoit la marque distinctive. Jupiter y étoit quelquefois associé avec Minerve ; et le bœuf, vestige des richesses primitives, n'en disparut que fort tard. Les Athéniens perdirent leur liberté longtems avant leur fierté. Ils étoient les esclaves les plus soumis des Romains, cependant ils ne vou- lurent jamais graver sur leurs raonnoies la tête de l'empereur. Les Spartiates témoignèrent sur les médailles combien ils se croyoient Les Lacédémo- r & •> mens. honorés d'avoir eu pour citoyens, Castor et Pollux. Alcide, le père de leurs rois, armé de sa massue et revêtu de sa peau de lion, nous épou- vante encore sur le bronze. Comme la vertu étoit plus considérée à Sparte que les titres, nous trouvons sur leurs monnoies Lycurgue, mais pas un de leurs rois. Les Béotiens mirent sur leurs monnoies la coui)e de Bacchus; les Isabitans de Chios la tête d'Homère; les Corcyriens une galère à trois maugs de rames dont ils étoient les inventeurs. Les Carthaginois y VOL. .111. 3 K gia- 434 SES POIDi, DS3 MONNOIES, ET DES MESURES DES ANCIENS.? frravèrent la tcte de Didon, et ce cheval dont la tête déterrée dans les fondemens de Carthage annonçoit sa grandeur futiuc. Philippe Alexandre choisirent pour l'empreinte de leurs monnoics, un char à quatre chevaux, et pour le revers eux-mêmes assis sur le trône et tenant un oiseau à la main. Les habitans de l'île de Ténédos y gravèrent deux têtes accolées, et sur le revers une hache. En voici l'origine. Té- nès, roi de l'île, avoit permis à ses sujets de tuer les adultères à coups de hache. On vint lui annoncer qu'on avoit surpris son fils coupable de ce crime: Qu'on exécute ma sentence, répondit-il; pendant que j'ai des sujets il me reste assez d'enfans. Son peuple sur les monnoies, et dans ses temples, immortalisèrent ce père qui avoit fait céder la na* ture à la justice. Sous la république Romaine la tête de Janus paroissoit sur la mon- noie de cuivre: l'on avoit peut-être choisi cette divinité comme inven* leur reconnu de la monnoie, peut-être aussi ne devoit-il ce titre qu'à l'ancienne coutume de frapper la momioie à son empreinte. La proue d'un vaisseau distinguoit le revers de l'as. Les deniers étoient chargés d'un char à deux pu à quatre chevaux; les plus anciens avoient les bords dentelés: les demi-deniers d'une victoire, d'où ils tiroient leurs noms de victoriati. Les particuliers n'osoient jamais graver leurs têtes sur la monnoie ; mais on ne défendoit pas aux monnoyeurs, jeunes gens de famille, d'y insérer les exploits de leurs ancêtres. Le mérite des vivans est odieux dans les républiques. Elles ne savent chérir la vertu que lorsqu'elle n'est plus à craindre. On pourroit appliquer la même réflexion aux princes, s'il est vrai qu'Auguste fit graver sur ses mon- noies de cuivre la tête de ce Cicéron dont la mort le couvre d'un op- probre éternel. Le trait est singulier, mais pas plus que ces consécra- tions de princes que leurs assassins mettoient du nombre des dieux ^.près les avoir ôtés de celui des hommes. Les empereurs Romains jouissoient de tous les droits régaliens. Leurs monnoies étoient chargées de leurs têtes couronnées de lauriers, et ceintes de tous leurs titres, d'empereur, de consul, de pontife, de père de la patrie, de revêtu de la puissance tribunitienne, de vainqueur d^s Germains, des Parthes, &c. Le revers et l'inscription représentoit quelque action brillante du prince j des nations subjuguées, des villes fondées, DES rOIDfî, DES MONNOIES, ET DES MESURES DES ANCIENS. 435 fondées, des édifices construits, des impôts remis. Ces médailles, dis- persées par toute la terre, annonçoient aux peuples les vertus de l'em- pereur, ou l'adulation du sénat. IX. Ce n'étoit pas assez d'imposer aux monnoies des noms difFérens des poids et difFérens les uns des autres : on a inventé des monnoies de compte qui n'existoient que dans l'imagination de ceux qui s'en sont servis et l'on a employé ces combinaisons arbitraires presqu'à l'exclu* sion des espèces réelles. Rien de plus simple que la manière de compter des Grecs. Leurs mines de cent drachmes, et leurs talens de soixante mines la forment presque toute entière. Ils avoient, il est vrai, leur calcul de myriades qui n'étoient point des multiples du talent ; c'étoient des sommes de dix mille drachmes. Ainsi mille myriades étoient équivalentes à dix millions de drachmes. Les anciens nous parlent d'un talent d'or en usage dans les siècles héroïques, mais qui ne paroît avoir aucun rapport avec les autres talens. îl ne valoit que trois pièces d'or, et au lieu de peser au moins treize Uyres, poids du moindre des talens, il ne pesoit guères plus d'une de- mie-once. Je serois tenté de croire que ce talent n'étoit que le talent de cuivre exprimé en or. Il valoit trois aurai ou six drachmes d'or, soixante drachmes d'argent suivant la proportion reconnue des anciens, et six mille drachmes de cuivre, comme l'argent a été assez générale- ment à ce dernier métal en raison de cent à un. Trouvons-nous des vestiges de ce talent dans les écrits d'Homère. Tous les antiquaires s'offenseront de ce doute ; ils les ont "déjà vus. Je crois les avoir vus aussi bien qu'eux, mais j'ai vu aussi le vrai talent d'or. De petits esprits critiqueront Homère d'avoir employé le même mot pour rendre deux idées aussi différentes, mais je les renvoyé sax commentateurs qui ont déjà fait sentir la beauté de cette harangue de Nestor que ses soldats pouvoient prendre de quatre manières op- posées. I. Quand Achille propose des récompenses aux vainqueurs dans ses 3 K 2 jeux s 436 DF.S POIDS, DES MONNOIKS, ET DES MESUUKS DES' AXCIEN'S.": jeux, il étale un chaudron luisant, comme un prix sujx'iieiw à tïeux^ talons d'or, et ne met un demi-talent d*or qu'après un bœuf gras : un' bœuf qui vaut plus de mille livres sterling! Il est clair qu'Achille, parle du petit talent dont la moitié est environ une guinée. Ici le rai- sonnement seroit déplacé, il seroit ridicule. II. Mais quand les ambassadeurs d' Agamemnon cherchent à appaiser le courroux du fils de Pelée, qu'ils lui offrent des esclaves, de beaux che- vaux, &c. ils y ajoutent dix talens d'or. Eustathius aura peine à me faire croire que ce beau présent du roi des roLs consistoit en vingt-deux, livres sterling. Achille se plaignoit qu'on lui avoit enlevé les dépouilles' de vin^-t-trois villes qu'avoit soumi son bras. Ces villes étoient riches, car on voit que le luxe régnoit déjà en Asie. Avec quel mépris, avec' quelle indignation n'eût il pas rejette ce dédommagement ! Il est vrai qu'il le rejette, mais c'est en faisant céder son avarice à sa colère. Si" le présent étoit de vingt-un mille sept cens cinquante livres sterling,, la victoire eu effet devoit lui coûter. -• Les sesterces, des Romains embarrassent toujours un commerçant. Effrayés de ce calcul où les quantités les plus éloignées ne sont distin- guées que par la suppression d'un mot,, ou par la légère différence d'une terminaison, il n'y voit que des paroles vuides de sens. Je sais que cette manière de compter est un peu composée, mais je crois qu'on ne doit pas im^puter la plupart de ses épines à ceux qui s'en sont servis mais à ceux qui l'ont expliqué. Quelques principes simples le met- tront à la portée de tout le monde. De tant de secours que le juge- ment emprunte de la mémoire, il peut et il dwt lui en rendre quelques uns. On se souvient toujours bien de ce qu'on a connu nettement. I. Les Grecs, sans êl;re algébristes, employoient un langage peu dif- lérent de celui de l'algèbre. Au lieu de deux talens et demi, ils di- soient trois talens moins un demi, ù£\jTtpi>Y HjAiraXavrov ; au Heu de six ta- lens et demi, sept talens moins un demi, et ainsi de suite. Les Ro- mains adoptèrent cette coutume de bonne-heure, mais la bornèrent à un seul cas. Leur trois moins un dehai s'exprimoit par tertius semis ou- semis te7-tius^ dont on fit bientôt par abbreviation sestertius. Ce sester- tius se disoit de tout. Libra scstcriia signifioit deux livres et demie, pes sestertius deux pieds et demi. . II. Dans le commencement de la république Romaine nous avons vu que DES POIDSj DES MONNOIES, ET DES MESURES DES ANCIENS. 4-37 que le denier valoit dix as. Le quart du denier étoit donc de deux as et demi ou deux livres et demie de cuivre, voilà pourquoi on l'appelloit sestertius, ou sestertius nnmmus, ou simplement nummus. W valut dans la suite quatre as, mais le nom subsista comme à l'ordinaire, plus long- tems que la raison du nom. L'abus fut moins grand, comme c'étoit l'as qu'on avoit diminué et non le sesterce. On exprimoit un nombre de ces sesterces par le pluriel sestertii, ou bien par seslertiim en sous- entendant corpora ou capita. III. Outre la livre pondérale des Romains, ils avoient une livre de- compte qu'ils appelloient jw7ido. Pour n'avoir pas fait cette distinction Budéé s'est imaginé que la livre Romaine contenoit cent deniers. Le pondo les contenoit en effet, et son égalité avec la mine nous fait croire que les Romains l'avoient composé pour rendre avec facilité les mon^ noies étrangères. Quand Plutarque parle du cartel établi dans la seconde guerre Punique, il fixe la rançon des prisonniers à deux cens cinquante drachmes ou deniers. Tite Live lui avoit appris qu'elle étoit deux pondo et demi d'argent. Ces deux pondo et demi faisoient en argent la libra sestertia, ou par excellence le sestertium. Comme il contenoit deux cens cinquante deniers, il étoit équivalent à mille sestertii, ou deux mille cinq cens livres de cuivre. Les Romains comptoient indifféremment par livres sesterces de cuivre et livres sesterces d'argent. Celle-ci valoit mille de celle-là. Le genre masculin distingue la première, nous reconnoissons la seconde au neutre. • IV. Les mots sont relatifs aux idées, et les idées aux besoins. On a connu des sauvages qui ne pouvoient compter que jusqu'à vingt. Leur langue ne leur fournissoit point d'expressions pour les nombres plus grands, mais c'étoit parceque celui-là suffiroit pour la chasse, la pèche, et leur manière de faire la guerre. La première classe des Romains ne possédoit que cent mille as : aussi les idées et les expressions de ce peuple se bornoient à ce nombre. Lorsque devenu plus riche il parvint à connoître et à pos5;éder des sommes bien au delà, il ne savoit les ex- primer qu'en multipliant des cens mille par un autre nombre, auquel il donnoit une terminaison adverbiale ; decies centena milUa sestertium signifioit un million de- sesterces. 11 438 DES POIDS, DES MONNOIF.S, ET DES MESUDES DES ANCIENS. Il ne me reste que d'expliquer quelques marques et quelques abbr^t- viations trop arbitraires pour se lier facilement avec ces principes. I. LLS. II. HS H-S. sont les marques auxquelles nous reconnoisson* le sestertius. Le sestertium est distingué dans les bons manuscrits par une ligne transversale, HS. Quand vous trouvez un nombre quel- conque avec cette ligne, sousentendez cent mille : DC. HS. font sex- ce?ities centena mîllia sestei^tiûm. Quand les nombres sont distingués dans plusieurs divisions, celle à la main droite signifie des nombres simples, la suivante des milliers, et la troisième autant de cent milles. II. Notre langue, qui veut la clarté, condamne les suppressions de mots que les Romains, qui cherchoient la brièveté, adraettoient sans scrupule. Ici il y en avoit deux. On omettoit le mot sestertii^ parce - qu'ils ne comptoient presque que de cette manière. Ils supprimoient ce7itena millia, dont les nombres excédens n'étoient que les multiplica- tions. Cherchons un exemple un peu compliqué: LXII. LXXV. CCCC. est équivalent à bis et sexagies centena millia, septuaginta et quinque millia, quadringcnti sestertium, ou à six millions deux cens soixante-quinze mille quatre cens sesterces. X. Le prodigue dissipe ses richesses, l'avare les enfouit, l'économe vit sans excéder le revenu de ses biens. C'est ce revenu que je veux exa- miner. Celui qui met son argent au six pour cent, est une fois plus riche que celui qui n'en tire que le trois. Cependant le fonds de tous les deux est le même. Voyons donc quel pouvoit être le revenu et la dépense d'un Romain, car je me bornerai à ce peuple, qui possédoit une telle somme. Ce n'est pas que nous puissions jamais apprécier au juste leur capital. Nous voyons parmi nous qu'il n'y a rien de plus vague que ces évaluations. En gros celles de la république me parois- sent plus forts que la vérité, celles du tems des empereurs, plus foibles. Tout chef de parti doit être riche : mais souvent l'opinion de sa richesse lui suffit. Quelques largesses et des promesses immenses éblouissent ses partisans, et parmi les hommes corrompus l'espoir agit plus DES POIDS, DES SIONNOIES, ET DES MESURES DES ANCIENS. 43^ plus puissamment que la reconnoissance. Mais sous les meilleurs princes les richesses étoient un motif de soupçon, sous les tyrans un arrêt de mort. On s'en cachoit alors comme d'un crime. L'intérêt se payoit, parmi les Romains, tous les mois. Un pour cent par mois, ou douze pour cent par année étoient l'intérêt qu'ils appel- loient centesima. Cet un par mois se divisoit en fractions. Au lieu de dire six pour cent, on disoit un demi pour cent, usurœ semisses, &c. Les tribuns Duillius et Menenius déterminèrent l'intérêt légitime à douze pour cent ; c'étoit à l'an 398 : mais on le réduisit bientôt à la moitié, et l'an 413 on l'abolit entièrement. Depuis ce tems l'usure demeuroit condamnée et pratiquée à Rome ; et comme les mœurs sup- pléent quelquefois aux loix l'intérêt de six pour cent passoit pour hon- nête et modique, pendant qu'on prodiguoit le nom odieux d'usuriers, a ceux qui, ne se contentant pas de ce profit, bravoient l'infamie pour le gain. Cette défense du prêt sur usure ne s'étendoit })oint toutefois aux. provinces. Cicéron et Pline m'apprennent que dans la Bithynie et la. Cilicie l'intérêt au douze pour cent étoit permis par les arrêts des pro- consuls et des empereurs. Cependant cette usure, toute forte qu'elle étoit, n'assouvissoit pas l'avarice Romaine. Brutus avoit prêté deux. millions cinq cens mille sesterces à la ville de Salamine en Cypre à. quarante-huit pour cent; et cette malheureuse cité se trouvant dans l'impuissance de les payer, Scaptius, son fidèle émissaire, environna l'hôtel de ville d'un corps de cavalerie, et le tint assiégé jusqu'à faire périr de faim cinq de leurs sénateurs. Ce Stoïcien Brutus, qui assassina son bienfaiteur, le meilleur des maîtres, pour avoir osé gouverner une république qui ne pouvoit plus se gouverner elle-même, exerçoit sur les peuples le despotisme le plus dur et le plus injuste. La grandeur de l'usure à Rome ne peut surprendre que ceux qui ne connoissent ni les hommes, ni les Romains. L'argent étoit englouti dans un petit nombre de mains. Ce peuple méprisoit le coiDmerce, les revenus étoient affermis par des compagnies qui avoient un commun intérêt. Les dépouilles des provinces enrichissoient quelques familles consulaires. Les esclaves des tyrans, monstres plus méprisables que les maltôtiers, et plus destructeurs que les conquérans, ne pouvoient souffrir des rivaux. Ainsi il y avoit peu de prêteurs à Rome. De-là, ceux qui avoient le monopole de ce commerce, étoient les maîtres de le 440 DES POIDS, DES MONNOr.IS, ET DES MESURES DES ANCIBN3. le faire aussi lucratif qu'ils vouloient. Les loix mêmes les engageoient à se dédommager, par le plus gros gain, du danger et de l'infamie qu'elles y attachoient. Le danger étoit grand, surtout dans les pre- miers tems, où leurs créanciers, c'est à dire le peuple, par un seul décret pouvoit rayer à jamais et l'intérêt et le principal. L'intérêt de l'argent et le prix des terres gardent toujours un certain équilibre. Si l'intérêt est bas, il est plus avantageux d'acheter de$ fonds ; ceux-ci haussent de valeur. Si l'intérêt est fort, il est plus commode d'avoir des rentes ; on réalise peu et les terres se donnent à vil prix. L'intérêt commun à Rome étoit de six pour cent ; * un passage de Pline me fait voir que le prix d'achat pour les terres étoit au revenu comme cent à six. Ce bienfaiteur éclairé autant que géné- reux, voulant donner cinq cens mille sesterces à la ville de Como, aima mieux charger une de ses terres d'une rente perpétuelle de trente miUe sesterces. Cependant sur ces six pour cent, j'aimerois assez diminuer un sixième ; les palais, les meubles, les esclaves emportoient aux grands des sommes immenses qui ne rendoient rien. XL Une carrière toute différente nous attend, et nous pourrions encore une fois simplifier nos idées. La connoissance des mesures a pour objet, aussi bien que la géométrie, les lignes droites. Mais dans la géométrie leurs propriétés abstraites nous intéressent. Ici la seule considération est celle de leur longueur. Cette longueur n'est point arbitraire comme les poids. Les hommes sont assez généralement convenus de former leur mesures longues çur quelque division naturelle du corps humain. Quelques uns ont choisi le pied; d'autres ont préféré la coudée, et l'on ne doit imputer les légères différences des poids et des coudées respectives qu'à la manière dont -on les a prises ; ici on a cherché des hommes d'une taille deme- * Quelquefois l'on en tiroit beaucoup plus ; mais aussi comme il n'y avoit point à Rome de fonds publics, il n'étoit jias toujours possible de faire travailler tout son argent. Il faut compeuser l'un par l'aulre, surée, DES POIDS, DES MONNOIES, ET DES MESURES DES ANCIENS. 441 surée, là on s'est attaché plutôt à la grandeur commune de l'espèce hu- maine. D'ailleurs la nature, en dispensant ses dons, n'a point accordé à tous les peuples la même taille. Le climat et les alimens agissent d'une manière lente mais puissante. Que les peuples du nord sur- passent en grandeur ceux du midi, est une maxime mieux fondée que la plupart des maximes générales. Les nations Celtiques ont toujours paru des géans aux peuples de la Grèce et de l'Italie, et nous, les descendans de ces Celtes, citons avec admiration les Suèdes et les Norvégiens. En recherchant les mesures des anciens je distinguerai avec soin les preuves dont la certitude n'est point égale. J'éviterai de confondre les démonstrations et les conjectures. Deux monumens précieux, échappés au naufrage des tems, serviront d'appui à mes raisonnement. Les inductions, les proportions qui peuvent nous aider à découvrir les autres mesures paroîtront à leur place» » n 1 DIS- VOL, m. ^ '- ( 442 ) DISSERTATION SUR LES POIDS, LES MONNOIES, ET LES MESURES DES ANCIENS, &c. AVANT-PROrOS. Depuis qu'on étudie l'histoire des hommes plutôt que celle des rois, on s'est attaché avec raison à la connoissance de leur économie politique et domestique. Dans cette étude on se trouve chaque moment arrêté par l'ignorance de ces signes arbitraires dont chaque peuple s'est servi pour exprimer les diff'érens rapports de nombre, d'étendue, et de quan- tité, je veux parler des mesures, des poids et des monnoies. Ce seroit un ouvrage utile, mais immense, qu'un dictionnaire complet de cette langue économique, et un recueil étendu de tous les faits inté- ressans auxquels il nous serviroit d'interprète, c'est à dire, en d'autres mots, une histoire de l'industrie et du luxe. Un pareil ouvrage de- manderoit les soins attentifs et soutenus d'une société de savans dis- persée dans les différentes parties de l'Europe. Je voudrois qu elle se formât ; mais en attendant un événement aussi peu vraisemblable, je rassemblerai dans ce recueil tout ce que mes lectures historiques me fourniront sur un objet aussi curieux qu'utile. Cet ouvrage se grossira sans dessein et sans effort, et s'enrichira insensiblement du fruit de toutes mes études. Je m'attacherai surtout, 1. Aux revenus publics et aux impôts j 2. Au prix du bled et à celui des autres denrées nécessaires à la viej 3. Au prix du travail militaire, civil ou domestique, et par une liaison naturelle au nombre de ceux de qui l'on exigeoit ou de qui l'on pouvoit exiger un semblable service ; 4. Au prix de l'argent, c'est à dire au revenu annuel, et au taux d'intérêt d'une somme quelconque ; 5. A l'emploi de l'argent, et par conséquent aux inœurs, au luxe et aux arts. J'écrirai DES POIDS, DES MONNOTES, ET DÉS MESURES DES ANCIENS, &C. 443 J'écrirai en François, mais je ferai mes réductions ;\ l'Angloise. Commençons par établir le rapport de l'argent des deux pays. L'once Angloise d'argent monnoyé vaut cinq chelins et deux sous sterling. Depuis l'an 1726 on taille au marc d'argent de huit onces de Paris, huit ecus 1 chacun de .six livres j ce marc vaut par conséquent 50/. 5s. Tournois. En supposant l'identité précise du poids et du titre, ce marc vaudroit 41 chelins 4 sous; mais si nous rabattons -^oZZ-lu: pour le premier et ttt=4t pour le second, il nous restera 40 chelins 4. sous pour la valeur du marc : la livre Tournois voudroit 9f sous ster- ling, et la livre sterling sera égale à peu près de 25 livres Tournois. Cependant si nous consultons l'échange ordinaire entre Londres et Paris nous trouverons la livre sterling à 22è livres Tournois chacune de lof. On s'est plaint depuis longtems de ce mal dont on connoît la source et le remède. L'or du Brésil a changé, depuis quelques années, la proportion établie entre les deux métaux précieux. La monnoie de France a suivi très sagement les révolutions du commerce. Elle a fixé la proportion comme 14 à 1 ; chez nous elle est comme 15 à 1: l'once d'argent ne vaut que 5c. 9s. à la monnoie ; son prix chez les orfèvres est souvent 5c. 1s. On devine sans peine les suites de cette inégalité chez une nation qui calcule. Elle diminue le prix courant de nos espèces d'argent, pour augmenter celui des monnoies étrangères. Personne ne veut porter son argent à la monnoie à des conditions aussi dures. La source est tarie, et ce fleuve rapide dans son cours appauvrit sans cesse l'Angleterre pour enrichir ses voisins. Le banquier ne peut que suivre le torrent ; mais dans ce recueil je dois oublier ces propor- tions accidentelles et injustes pour n'envisager que la valeur intrinsèque des espèces, c'est à dire leur poids et leur titre. J'aurai souvent occasion d'apprécier des monnoies dont j'ignore le titre. J'y substituerai toujours celui de ce pays. C'est une vérité hypothétique dont il faut se contenter à la place de la vérité absolue. Lorsqu'il m'arrive de ne point connoître la proportion établie entre l'or et l'argent, je la supposerai toujours comme 10 à 1 jusqu'au tems d'Auguste, comme 12 à I jusqu'à la découverte de l'.Vmérique, et comme 15 à 1 jusqu'à nos jours. Je sais que cette progression n'est pas sans exceptions, mais elles sont en petit nombre, et j'aurai soin de les indiquer. 3 l2 Je 444 DES POIDS, DES MONNOIES, ET DES MESURES DES ANCIENS, &C. Je partage mon recueil en sept colonnes qui s'accompagneront tou- jours. I. Mes notices générales de livres extraits, observations, &c. qui appartiennent à plusieurs classes à la fois ; IL L'antiquité : cette partie renfermera encore le Bas Empire jusqu'à la prise de Constantinople par les Turcs ; IIL La Grande Bretagne avec l'Irlande ; IV. La France et les Pays Bas ; V. L'Allemagne, la Suisse et les Pays du Nord ; VI. L'Italie et l'Espagne ; VIL L'Orient, les Indes, et l'Afrique j en un mot, tout ce qui est hors de l'Europe, I. NOTICES GENERALES. 1. An Inquiry into the State of the Ancient Measures; the Attic, the Roman, and particularly the Jewish ; by Dr. John Hooper, Bishop of Bath and Wells, livre vraiment admirable dans son genre. L'esprit le plus systématique éclaire partout la plus profonde érudition. On peut perfectionner quelques détails, mais je crois qu'il faudra toujours bâtir sur les principes de ce savant évêque. C'est pourquoi je vais en donner une idée abrégée. .-T^r On ne peut s'arrêter qu'à ces poids qui existent encore et qui peuvent se comparer avec les nôtres. La drachme Attique bien connue nous donnera par ses rapports tous les autres poids de l'anti- quité. On sait que lorsqu'il est question de poids et surtout de mon- noies il en faut toujours choisir les plus pesantes. Le tems, la rouille, l'avidité des hommes leur ôtent toujours une partie de leur volume que rien ne peut augmenter. L'exact Greaves, le père des expériences de ce genre, avoit pesé beaucoup de tétradiachmes Attiques. Les mieux conservées lui donnoient un poids de 268 grains ou de 67 pour la drachme. Deux didrachmes d'or de Philippe et d'Alexandre lui indiquoient une drachme de 67,25 grains. M. Eisenschmidt avoit dans sa possession une tétradrachme de 4x831 grains de Paris; 68,36 des nôtres. La mine Attique de 100 de ces dernières drachmes aura pesé 6836 grains. Les hommes se conduisent rarement par cette liberté d'indifférence qu'ils DES POIDS, DES MONNOIES, ET DES MESURES DES ANCIENS, &C. 445 qu'ils s'arrogent si souvent : dans les institutions les plus arbitraires il leur faut quelque motif. C'est ainsi qu'ils ont fixé les mesures longues sur les parties du corps humain, la coudée, le pied, la palme, ou le doigt ; qu'ils en ont employé les cubes pour des mesures de capacité, et qu'ils ont déterminé leurs poids par celui d'une de ces cubes remplie de eau ou de vin. Parmi ces mesures la cube palmique, (terme moyen entre les autres,) a pu paroitre la plus généralement utile. On sait par expérience qu'une cube d'eau de ISJ pouces doit peser 76 livres, la cube de la palme nous donnera par conséquent 6840 grains. Un rapport aussi précis (car le pied Grec ne différoit presque point du nôtre) nous persuade que nous avons trouvé la mine Attique construite sur les mêmes principes hydrostatiques que cette livre palme que nous venons de supposer. Les Grecs reconnoissent, malgré leur vanité, qu'ils doivent à la colonie Phénicienne de Cadmus leurs poids et leurs mesures dont ce peuple à été l'inventeur. Une nation commerçante et industrieuse a dû trouver de bonne heure des proportions réfléchies qui méritent seules à cet égard le nom d'invention. L'esprit humain fait des progrès rapides lorsque l'intérêt se joint à la curiosité. Le commerce des Phéniciens a porté leurs arts sur toutes les côtes de la Méditerran- née. On leur attribueroit avec plaisir la construction de la livre palme, et l'égalité du talent Attique avec celui de Tyr, formellement énoncée par un des anciens, nous permet de le faire. Si nous balançons à admettre cette égalité sur la foi de Heron, nous pouvons nous en assurer par légalité qui a toujours subsisté à cet égard entre deux peuples très éloignés qui se connoissoient à peine l'une l'autre, mais qui ont toujours eu des liaisons très intimes avec les Phé- niciens, je veux parler des Juifs et des Athéniens. Josèphe, Philon, les Septante ont égalisé le shekel de Jerusalem et la tétradrachme d'Athènes, et l'on ne doit pas seulement écouter les rabbins * lorsqu'ils sont opposés à des écrivains aussi anciens et aussi instruits. Qu'on me rende raison d'un accord aussi singulier sans supposer que les deux nations ont eu un modèle commun j et quel modèle oseroit le disputer avec celui de Tyr ? * M, Hooper les écoute ud peu longuemtnt. On 446 DES POIDS, DES MOMNOIES, ET DES MESURES DES ANCIENS, &C, On ne doit pas oublier que les Phéniciens, après avoir formé leur livre palme ou mine, et leur talent, qui en contenoit 60, ont compté, je ne sais par quelle raison, un autre talent le double du premier, mais qu'en conservant toujours les mûmes divisions, sa mine n'étoit plus la livre palme. Les Juifs ont adopté tous les deux ; le premier est leur talent profane ; celui-ci leur talent sacré mais le plus usité, parceque les prêtres ont toujours rédigé leurs annales. Les Athéniens n'ont connu que le premier. Le second à passé enfin en Egypte sous le nom de talent d'Alexandrie. Cette mine Attique ou livre palme a toujours été la livre pondérale des Athéniens. Au commencement elle en déterminoit aussi la mon- noie. Mais enfin on a frappé des drachmes plus légères, et la distinc- tion d'une livre de poids et d'une livre de compte s'est introduite dans la Grèce comme chez nous. Sous les empereurs Romains, la drachme monnoie ne pesoit que 54,75 grains ou la huitième partie de l'once Romaine. Comme poids elle étoit toujours de 68,40 grains. Cette distinction, autorisée par l'analogie et prouvée par les faits, répand un nouveau jour sur les endroits les plus obscurs de l'antiquité numis- matique. Les systèmes les mieux construits ont toujours leur endroit foible. M. Hooper l'a senti. Après avoir vu un poids formé sur des principes hydrostatiques on s'attendroit du moins à voir que sa mesure étoit une des mesures creuses des Athéniens. Point du tout. La cotyle (mesure du creux des deux mains jointes ensemble) pesoit 60 drachmes, et le dicotylon, au lieu de peser une mine, pesoit 1,2 mine. On se sauve pourtant par k distinction reconnue chez les Juifs et supposée chez les Athéniens, d'une mine pondérale plus grosse d'un cinquième que la mine ordinaire, et dont le dicotylon étoit la cube. On se servoit (dit-on) de cette mine pour peser les corps d'un grand volume et de peu de valeur. Il y a effectivement peu de nations chez qui l'on ne trouve ces livres différentes. Cependant j'aimerois mieux remonter à la formation de la cotyle, et supposer que les Athéniens l'ont détermi- née par le seul modèle d'une mesure creuse que la nature leur ofiroit. J'ai dit les Athéniens ; mais il faudroit dire plutôt les Phéniciens qui ont transmis aux Juifs et aux Grecs leurs mesures, aussi bien que leurs poids. Les DES POIDS, DES WONNOIES, ET DES BÎESURES DES ANCIENS, &C. 447 Les Romains se sont conduits avec beaucoup plus d'art. L'amphore étoit la cube de leur pied et pesoit 80 livres d'eau ou de vin. Le congé étoit la cube du demi-pied et pesoit 10 livres. M. Hooper est néan- moins peu disposé à faire honneur aux pâtres de Romulus d'une inven- tion aussi subtile. Il pense que les Romains, qui tenoient leurs loix des Athéniens, en avoient aussi reçu les élémens de leurs mesures ; et qu'après avoir formé une livre, les trois quarts de la mine, et un pied, les deux tiers de la coudée, ils ont choisi le poids de dix livres pour obtenir une certaine égalité de leur congé avec le chous d'Athènes. Les cubes qui en ont résulté n'ont été qu'un effet singulier du hasard. Du tems de Platon les Grecs eux-mêmes entendoient :\ peine la dupli- catiM'e de la cube. Ce poids du congé ou de 10 livres s'appelloit detiarius. Lorsqu'on frappa la première monnoie d'argent, le denier d'argent, qui valoit 10 livres de cuivre, ne pesoit que la septième partie de l'once. Les deniers les plus forts- qui nous restent sont de 62; grains ; ils nous donneroient une once de 4y7è grains. Cette once répond avec une justice singulière à celle que Vilialpandus et Gassendi ont trouvé par leur expérience sur le congé Farnèse. Elle est encore l'once Romaine de nos jours. Sous les empereurs le denier n'étoit plus que la huitième partie de lonce j la livre et l'once étoient toujours les mêmes, pendant que leurs divisions devenoient moins fortes et plus nombreuses. Lorsque les Romains avoient soumis la Grèce, la drachme Attique tomba de 68,40 grains à 62,50 et devint égale au denier Romain. C'est cette égalité, clairement annoncée dans tous les auteurs depuis Polybe jusqu'à Plutarque, et qui ne peut s'expliquer que dans le sys- tème de M. Hooper. Chaque nation inventa bientôt des expédiens pour applanir toutes les difficultés du commerce. Les Romains inven- tèrent une livre de compte (pondo auri vel argenti) de 100 deniers, égale par conséquent à la mine Attique ; et d'un autre côté la drachme monnoie accompagna le denier dans toutes ses variations, et devint, comme lui, la huitième partie de l'once Romaine, 54,75 grains. Les vaincus poussèrent encore plus loin leur complaisance. Avant le tems de i Constantin les Athéniens s'étoient formé une livre pondérale partagée, comme celle de leurs maîtres, en 12 onces et 96 drachmes. La drachme étoit la drachme de poids de 68,40 grains, et cette livre, qu'ils 4-48 DES POIDS, DES MONNOIES, F,T DES MESURER DE,S ANCIENS, &C. qu'ils nommèrent litra, étoit à la mine comme 24 à 25. On se souvient que la mine étoit à la livre Romaine en raison de 4 à S. Cette livre Attique, qui n'a point pu se dérober aux yeux penetrans de M. Hooper, explique sans peine les fragmens obscurs et corrumpus de Fannrus, de Cleopatras, de Dioscorides, et de St. Epiphane. On comprend sans peine qu'il se forma dans l'orient plusieurs de ces litres dont le poids étoit différent selon leur drachme primitive. Le ratel de Cairo est connu dans tout l'orient. Les Arabes l'ont toujours regardé comme la mine Attique. Son poids les justifie. Il est de 6886 grains, divisé en 12 onces, 144 dirhems, et 1728 kirats, ou ca- rats. Nous y reconnoissons une litra dont les auteurs ont quitté la drachme pour continuer la progression Romaine. Cette drachme est cependant la huitième partie de leur once, sous le nom de drachma At- tica, ou de darchemy. On peut observer une légère différence entre la litra d'Athènes et le ratel de Cairo. Les uns ont multiplié la drachme, les autres ont partagé la mine. Mais les Egyptiens ont rendu té- moignage au procédé Attique par le poids étranger de 68,32 grains qu'ils ont conservé sous le nom de raitheale. Le ratel de Cairo s'est répandu dans l'occident avec les conquêtes et le commerce des Arabes. Ce ratel se retrouve avec peu de change- ment dans la livi'e d'Espagne, et dans celle que nous nommons avoir' dupoids. Nous avons adopté, aussi bien que les François, un ratel de 1 dirhems, qui différoit moins de la livre Romaine. Les Arabes (en un mot) sont les fameux Esterlins, qui ont fixé le poids sterling de ces pays. IL L'ANTIQUITE. Section I. J'aime beaucoup les tatles décimales. Elles ont le double mérite de la précision et de la faciUté. J'en donnerai ici quatre sur les principes de M. Hooper calculées pour les quatre différens états que nous con- noissons de la drachme Attique. 1. Le premier commence au règle- ment DBS POIDS, DES MONKOIES, KT DF.S MESURES DES ANCIENS, kc. 4 i9 ment de Solon vers l'an 600 avant Jc'sus Christ, et pourroit sYtcndrc jusqu'à la mort d'Alexandre. La drachme égale à celle de poids ctoit toujours à 68,40 grains. 2. Depuis la mort d'Alexandre jusqu'à la con- quête de la Grèce par les Romains, elle étoit à 65,5 grains. 3. Elle devint égale au denier Romain de 62,57 grains. 4. Cette égalité sub- sistoit encore sous Tibère et sous Vespasien. Celse et Pline l'ancien en sont nos garans : mais Galien, qui vivoit sous les Antonins, recon- noît que le denier et la drachme n'étoient plus que le huiticme de l'once Romaine, c'est à dire 54,75 grains. On pourroit fixer ce change- ment au règne d'Adrien. Corn. Cds. 1. v. r. n. l'Im. Hist Nat. xxxîii. 0. (jaleii. l'tl. liasil.(;r. toiii. 11. p. 380. I. Table des DracJnnes Atliques de 68,40 Grains en Parties Décimales de la Livre Sterlmg. 1 1 00368 1 24998 2 1 00736249996 3 01104374!)94 4 01472499992 5| 01840624990 6 02208749988 7 02576874986 8 02944999984 9 03313124982 VOL. III. 3 M II. 450 DES POIDS, DES MONNOIES, ET DES MESURES DES ANCIENS, &C. II. Table des Drachmes Altiqucs de 65,5 Grains. N. B. J'ai copié la table de M. Hooper; mais elle me parolt assez peu utile. L'expé- rience nous assure qu'il y a beaucoup de drachmes de ce poids. Les succes- seurs d'Alexandre commencèrent de bonne heure à altérer, mais on voit par le traité d'Antiochus que l'ancienne drachme de 75 à la livre Romaine ctoit toujours considérée comme le poids légitime. 1 OOJ.';25 17360 2 0O7O5O347iiiO 3 ( 010,57.5.52080 4 014 10009440 5 01762.586800 6 1 02 115104160 7 1 0246762 I5i!0 8 1 02820138880 9 0317-^656240 III. J'dl corrigé quelques trrcurs Je la labkiieHorptr. Table des Drachmes Jiliqties et des Deniers Romains de 62,57 Grains. 1 1 00336755952 2 1 OO673.'51l904 3 1 01010267856 4 01347023808 5 1 01683779770 6 1 02020535712 7 1 02357291664 8 1 02694047616 9 03030S03568 IV. i)ES POIDS, DES MONNOIES, ET DES MliSURES DES ANCIENS, &C. 4.> I IV. Table des Drachmes Attiques et des Deniers Romains de 54,75 Grains. Cette table n'e.t point dans Hooper. 1 002*j4t)til45b 2 1 00.58932^2912 a 1 ()088Jy84Jd.S 4 1 01178645824 5 1 01473307280 6 1 Ol767yti8736 7 Oi!062630I92 8 1 Oiy572!Jl648 9 1 02651953104 Lorsque les Romains frappèrent les premiers deniers d'argent, ces deniers valoient dix as, ou livres de cuivre. Ils le partagèrent en moitiés et en quarts de deniers. La moitié s'appelloit quinarius, ou cinq livres de cuivre. Le quart du denier valoit deux livres et demie de cuivre, et s'appelloit sestertius, mot corrompu de semistertius trois moins un demi. Cette façon de compter étoit fort utile parmi les an. ciens. Le sestertius, sestertius nummus, ou par abbreviation mimmus, devint la racine du calcul mystérieux des Romains dont je vais éclaircir les difficultés. 1. De 1 à 1000, les Romains comptoient simplement duo^ très, S^-c. ducenti, trecenti, Sçc. sestertii. 2. Parvenus à lOOO, ils changeoient de méthode pour compter dés- ormais au génitif au lieu du nominatif dt(o millia sestertiwn, en sousen- tendant corpora ; ou bien rassemblant 1000 sestertii sous le nom col- lectif de sestertium, ils parloient ainsi, duo, tria, ^c. sestertia. Une raison particulière les engageoit de s'arrêter au nombre de 1000. Nous avons vu qu'à l'imitation de la mine Attique, ils s'étoient fait une livre d'argent de compte de 100 deniers. Le sestertium (250 deniers) étoit par conséquent la livre sesterce d'argent, comme le sestertius Vétoit de cuivre. 3 M 2 3. L'arith- ■ 452 DES POIDS, DES MONNOIES, ET DES MESURES DES ANCIENS, &C. 3. L'arithmétique Romaine ne ])assoit point les centaines de mille. Ils ne pouvoient exprimer un million de sestertii qu'en disant dix cent mille. Pour rendre la distinction encore plus nette ils commençoient alors à se servir de l'adverbe decks, centies, milUes, supprunaiit centena viilim qu'ils se contentoient de supposer. M. Hooper pense que ce million de sestertii étoit la livre sesterce d'or. Dans la pauvreté de Rome naissante l'or pouvoit bien être à l'argent comme 100 à 1. Le sesterce, toujours le quart du denier, s'est vu réduit de ^V 'i rr de l'once Romaine. I. Table des Sesterces de 28 à l'Once en Parties Décimales de la Livre Sterling. 1 00084 188988 •i 00168377976 3 00252566964 4 33675595 2 ô O042O9 44y4O 6 5 5 13 5 9 '■■i 8 7 5 8 9 3 2 2 9 16 8 9 006735 11904 007577008 9 2 - O O ir. œ !ji rv tt n tr^ X X en a^ 5 ? XI n' 3 = ft 2 k § § II. DES POIDS, DES MONNOIES, ET DES MESURES DES ANCIENS, &C. Aô3 IL Table des Sesterces de 32 à l'Ot^ce. 1 OU07366Ô364 a 1 0(>147.J:^072S ô 1 00aiJU996Oy'^ 4 1 ()()294(J6l4.56 5 1 0U.J683'i!68^20 6 1 00441993184 7 1 U0515t)57ô48 S 1 005893îi2"2912 9 1 00b6'i9S8'ii7t3 M. Hooper veut dérober aux Romains la construction artificieuse de Hooper, p. iii, leurs mesures creuses pour ne faire d'eux que des imitateurs serviles m!*'"'^^" des Athéniens. Je ne saurois être de son avis. 1. La correspondance ancienne de ces deux peuples célèbres est assez mal prouvée. 2. Tout est différent dans les mesures des deux peuples, la valeur, les noms, et les proportions respectives. Le rapport même qu'on veut nous y faire voir est trop imparfait pour me persuader que les inventeurs l'ont connu. 3. L'amphore, cube d'un pied, et le congé sa huitième partie, cube du demi-pied, sont construits avec une précision peu connue dans les effets du hasard. 4. Je conviens sans peine qire les Romains ii>'no- roient la duplicature de la cube dans le tems que les Grecs la connois- soient assez confusément, mais les Romains tenoient leurs arts des Etrusques ; et nous ignorons jusqu'à quel point cette nation ingénieuse avoit pu porter ses connoissances géométriques. Si les Romains ont suivi sans réflexion des institutions dont ils n'entendoient point les principes, nous comprenons encore pourquoi le fameux décret du peuple a réglé les mesures par leur poids plutôt que les poids par leurs mesures. Cyrus et son fils Cambyse ne levoient point d'impôts sur leurs sujets, Herodot. Hist. Darius, fils d'Hystaspc, partagea son vaste empire en vingt grands 'ÈliitVfTrônov. gouvernemens ou satrapies. Il fixa le tribut que chaque province "S'^'^^'"^'^- devoit payer au trésor royal. Les Perses, qui comparoient la bonté de 4'>4 DES POIDS, DES MONNOIES, ET DRS MESURES DES ANCIENS, &C. de Cyrus et la sévérité de Cambyse avec IMiumeiir avare de Darius, donnèrent au premier le nom de père, au second celui de maître, et au troisième celui de marchand, K!nrr,\e. par p. 305—309. 456 DES POIDS, DES MONXOIES, ET DES MESURES DES ANCIENS, &C. par le talent Attique, la monnoie reçue dans la ville qui méiitoit ;\ tant dYgards le nom de capitale de la Grèce, et de fondatrice de ses plus belles colonies ? 3. Darius permcttoit aux tributaires le choix de l'or ou de l'argent. 11 exigeoit le talent d'argent Babylonien, mais il se contentoit du talent d'or Euboïque qui pesoit un septième de moins. Cet avantage accordé à l'or produisit la proportion assez singulière de V. Hooper, 1 à ]3, suivaut laquelle Hérodote calcule à 468U talens Euboïques d'argent les 360 talens Euboïques d'or que les Indiens payoient au roi. Mais elle est purement hypothétique. En supposant celle de 1 1 à 1 les Indiens auroient dû payer 39G0 talens d'argent, mais des talens Babyloniens égaux à 4G20 talens Euboïciues. Ce fleuve d'or, qui couloit sans cesse de l'orient en occident, avoit déjà établi la proportion décuple du tems de la bataille de Cunaxe. 4. Si nous réduisons en talens Euboïques les 7740 talens Babyloniens, nous en aurons 9030 de ceux-là. Hérodote a calculé ce total à 9,340 talens, mais il nous avertit lui-même qu'il a passé sous silence plusieurs petits articles. Cette explication, qui justifie à la fois ses détails et son arithmétique, me persuade qu'il a eu sous les yeux un tableau des revenus Persans bien plus étendu que celui qu'il nous a laissé. Mais lorsqu'il nous donne 14,560 talens d'argent Euboïques pour le grand total, au lieu de 14,2lsiO, on ne sauroit excuser la faute de l'historien ou de son copiste. 5. Ces 14,'J20 talens Euboïque.,, le véritable résultat du calcul, nous donnoit 3,246,859/. s. Un pareil revenu paroît mal assorti avec la magnificence des rois de Perse, et avec la grandeur d'un empire qui s'étendoit de 1' Hellespont jusqu'au fond des Indes, et du Mont Caucase aux frontières de l'Ethiopie. Cependant tout modique qu'il étoit, les Perses regrettoient encore les règnes heureux de Cyrus et de Cambyse qui ne soutenoient leur grandeur que par les dons gratuits de leurs sujets. Mais se persuadera-t-on qu'un grand prince, qu'un légis- lateur, qu'un Cyrus n'ait pas compris, que les besoins d'un grand royaume demandoient des secours généraux, et que toutes les nations étoient accoutumées à remplir ce devoir légitime envers l'autorité qui les protégeoit? Veut-on qu'il ait réalisé une idée qui n'éblouit qu'un Néron dans l'accès passager d'une folle bonté ? Ces difficultés redou- blent notre embarr;is, mais elles pourroient l'éclaircir. Xénophon, qui dans son roman «philosophique a conservé beaucoup de mœurs vraies et de DES POIDS, DES MONNOIES, ET DES MESUIVES DES ANdiENS, kc. 457 tie faits curieux, pourroit adoucir la rigueur de cette expression d'Hérodote. Cyrus se contentoit d'exiger les tributs nécessaires pour soutenir les charges publiques. Bien loin d'amasser des trésors, il pro- ^""l^"":,!^^' diguoit à ses soldats ceux de Sardis et de Babylone ; et lorsqu'un ^83. 638—642, besoin imprévu demandoit des secours extraordinaires, Crésus apprit de lui que la bourse de nos amis est le coffre fort le plus assuré, Darius diangea de méthode. Il eut peut-être raison. Cette indul- gence de Cyrus devenoit un nouveau moyen d'oppression dans un état despotique trop accoutumé déjà à ne voir que des volontés particulières à la place des loix générales. Ce revenu d'Hérodote n'est que l'excé- dent de la dépense publique, une somme destinée à former le trésor royal qui ne s'ouvroit que pour les besoins extraordinaires de la monarchie. Avant que de l'envoyer à Suse les satrapes avoient déjà pourvu aux appointemens des officiers, à l'entretien des troupes, et à tous les travaux publics. 6. Un autre endroit de notre historien m'a Herodot. K i. , . . c. 192. permis de conjecturer à combien la masse entière des revenus pouvoit se monter. Il s'étend avec complaisance sur les richesses du grand gouvernement de Babylone qui rendoit chaque jour à son satrape tcm artabe d'argent. Il s'explique. Une artabe étoit une mesure creuse de ce pays-là égale au medimnus Athénien et à trois chenices t\ du medimnus. Nous savons que le medimnus contenoit 72 grosses mines. L'artabe contenoit 76j grosses mines égales à 91,8 mines de Solon. Dans la construction du poids on n'a rempli cette mesure que d'eau pure. L'argent pèse dix fois et demie autant que le même volume d*eau. L'artabe de Babylone remplie d'argent valoit 16 talens 3 mines et 90 drachmes. Si nous multiplions ce revenu journalier par 360, nous aurons un résultat de 5783 talens Attiques, =4957 talens Baby- loniens, par an. Tel étoit le tribut que la province de Babylone payoit à son satrape; mais le roi n'en retiroit que 1000 talens, c'est à dire la cinquième partie. Si nous établissons cette proportion dans tout l'empire nous lui donnerons un revenu de plus de seize millions de livres sterling. Je crois que Babylone nous offre un terme moyen assez heureux. Au centre de l'empire, mais habité par un peuple toujours porté à la révolte, les dépenses publiques y auront été bien supérieure à celles de quelques cantons riches et pacifiques, mais très inférieures à l'entretien de ces armées nombreuses qui défendoient les VOL. in, 3 N provirjces p. 90.112, 97. 458 DES POIDS, DES MONNOIES, ET DES MESURES DES ANCIENS, &C. provinces frontières. 7. Tel étoit le revenu que ces monarques rece- voient en argent, mais ils jouissoient encore de plusieurs droits très lucratifs. Chaque province étoit obligée de leur envoyer tous les ans ce qu'elle produisoit de plus précieux. Leur maison nombreuse, femmes, eunuques, et gardes, vivoient aux frais du pays où ils faisoient leur résidence. La satrapie de Babylone avoit l'honneur d'entretenir le roi pendant quatre mois de l'année, et de lui nourrir un haras de huit cens chevaux, de seize mille jumens, aussi bien qu'un très grand nombre de ses chiens Indiens. Quatre villages a'étoient chargés que de leur entretien. Section IIL La province de Babylone donnoit aussi .500 beaux eunuques tous Herodot. 1. iii. les aus. La Cilicie lui eiivoyoit 360 chevaux blaucs. Les Ethiopiens apportoient à ses pieds de l'or, de l'ivoire et de l'ébène : les Arabes lui envoyoient de l'encens. Le tribut de ceux de Colchos consistoit en 100 garçons et 100 filles qu'ils amenoient tous les cinq ans au sérail du gi-and roi. Les beautés Circassiennes ont toujours été renommées dans l'orient. Je passe sous silence toutes les corvées des peuples, le ser- vice militaire, les chevaux, les vaisseaux, &c. qu'ils dévoient au rbi. îdcra. 97. v. ^ Lgg Perses eux-mêmes n'étoient point tributaires. Il semble que psd 1. i.p. 7— Cyrus avoit employé les armes d'une nation libre pour subjuguer JS. edit. Hut- ■^ '•' .. /.Il • 1 chirs. oxon. l'Asic ; mais qu'il n'osa jamais confondre les vaincus avec les vain- queurs. Ce phénomène, si rare dans l'orient, s'accorde très bien avec cette république Persanne que Xénophon nous a décrite. 9. Les Herodot. 1. iii. Egyptiens donnoient pour l'entretien des 120,000 Persans qui étoient en garnison à Memphis, 700 talens de bled. J'ignore pourquoi on a voulu apprécier le bled plutôt que le mesurer. Mais assurément c'étoit le prix commun. Si nous donnons à chaque soldat un quartier et demi par an,* nous aurons 180,000 quartiers de bled et ]80,3c<0 livres ster- ling. Le quartier étoit au prix d'une livre sterling. C'est la moitié du prix actuel. * Les Grecs ne donnoient qu'un chœnix par jour ; les Roiu^jns quatre modii par mois. Dans DES POIDS, DES MONNOIES, ET DES MESURES DES ANCIENS, &C. 4î9 Dans le commencement les Romains tailloient 40 pièces d'or à la Greaves, tom. i. ' p. 132.313. livre. Comme il ne nous en reste aucune qui approche de ce poids, l'iin. nist. Nat. j'approuverois assez la conjecture de Snellius et d'Agricola qui lisent 4*2 au lieu de quarante : peu à peu les princes en diminuoient le poids jusqu'à 48 à la livre. Telle est la leçon d'un excellent MS. du Collège de Baliol, au lieu de 48. Les Romains avoient adopté la proportion élégante des Grecs. L'aureus pesoit 2 drachmes, et flottoit entre 42 et 48, comme la drachme ou denier flottoit entre 84 et 96. Il nous Greaves.wm.i. reste effectivement des aurei de Jules César de 124| grains, et d'autres ^' ' ' ' de Néron de 108^ grains. Dans le siècle suivant le denier prit un état plus assuré de 8 à l'once, mais l'aureus se soutenoit un peu mieux et différoit peu de celui des premiers empereurs. Galliène et les tyrans id. p. 329, 330. ses contemporains le réduisirent à 75 grains. Il ne s'en est jamais relevé. Il semble qu'on a toujours compté 25 deniers à la didrachme d'or. La proportion de l'or ;\ l'argent étoit de 121 à 1. On ne risque pas beaucoup en appréciant cet aureus du Haut Empire à 0,9 d'une livre sterling, c'est à dire 18 chelins. Constantin voulut fonder un nouvel empire. Partout il changea les choses et jusqu'aux noms. Au mois de Juillet de l'an 325, il établit v. lesMfm. de \ 11 • /~\ ^l^ • • \ 1 !• M.Dupuisdans un nouveau système dans les monnoies. On tailloit 72 aurei a la livre le xxviii">etome d'or, 60 milliaresions à la livre d'argent, et douze Jbllis à la livre de de» Beiua cuivre. L'aureus ou solidus valoit douze milliaresions, et le milliare- sion 24 follis. L'or étoit par conséquent à l'argent comme 1 à 144, et l'argent au cuivre comme 1 à 120. Le follis de cuivre se partageoit en quatre petites pièces, nommées assarion, lepton, et quadrans ; c'étoit le fameux as qui ne valoit plus quç le quart de l'once de cuivre. s. cl. L'aureus, ou sous d'or = 73 grains = 0.55487 =11 1 Le milliaresion d'argent = 88 grains r= 00466 ::= 1 1 Le follis de cuivre = 438 grains = OOOI93 = O 0^^ L'assarion de cuivre = lOgi- grains = 000038 = OH La livre d'or étoit une monnoie de compte fort usitée sous les suc- cesseurs de Constantin : on peut l'apprécier à 40 Hv. sterling. Le période qui s'est écoulé depuis les Gordiens jusqu'à Constantin est v. Hooper, p. rempli de difficultés. On voit en général que le denier, qui remonta Mérà. de l'Acad. tom. iiviii. p. 3 N 2 au 704. ^l Lun- 460 DES POIDS, DES MONNOIES, ET DES MESURES DES ANCIENS, &C. pid. in Alex, au poids de l'ancienne drachme Attique (68 grains), avoit reçu le nom ïi! vopis"c!'in de lepton ou de minutus, par contradistinction avec le denier encore «"commemar. plus pesant qu'on donnoit aux soldats, et qui pesoit les | du milliare- sairaasii. ^j^^^ j^ Constantin, c'est à dire 77 grains. On s'est beaucoup disputé sur les leptons de cuivre. Je pense que depuis le commencement du huitième siècle ce nom général a toujours désigné l'as ou assarion. Je ne fais qu'indiquer deux autres sens du mot follis. Il désignoit, 1. Un poids de 250 deniers, c'est à dire la nouvelle libre sesterce ou deux argyres et demi. 2. Une bourse de 125 milliaresions ; c'étoit la dona- tive ordinaire des soldats. 11 a même un troisième sens ; 3. ce qu'on nommoit aussi gleba senatoria ; la capitation de chaque sénateur. Les plus riches payoient huit livres d'or par an (320 /. s.), les moins aisés quatre (160 /. s.), et les plus pauvres deux (80 /. s.') L'établissement de Constantin se soutint (du moins de l'Orient) pendant plus de six siècles et demi : et lorsque Nicéphore Phocas monta sur le trône, l'aureus pesoit encore une sextule ou la sixième partie de l'once. Ce prince avare fit frapper des «rafriifov, quartarii, d'un poids plus léger et dont il se servoit pour payer ses troupes, &c. pendant que dans les tributs il exigeoit toujours l'aureus de Constantin. Ce récit de Zonare est un peu obscur. On a pris le mot de Tsra^ij^ty en trois sens différens : 1 . Que Nicéphore ne changea rien au poids, mais que ces quatre aurei en valoient autant que six, c'est à dire d'une once d'or. 2. Que l'aureus de Nicéphore ne pesoit que le quart de celui de Constantin, 18| grains. 3. Que Nicéphore ne diminua que d'un quart V. Sïimas. l'ancien aureus qui pesoit 73 grains. Le sien n'en pesoit que ÔAL ou la Comment, in,, .ii, -r. • ^ i • • * • Hist. August, huitième partie de ronce Komaine. Ce dernier sentiment, qui est an. ■ " ■ ' celui de Saumaise, me paroît le seul vraisemblable. Il semble que l'aureus de Nicéphore (connu par les Latins sous le nom du bezant d'or, c'est à dire aureus Byzantinus) a subsisté sans beaucoup d'altéra- tion jusqu'à la chute de l'empire de Constantinople. Lips.deMagnit. Zouare nous apprend que l'empereur Basile (dans le neuvième siècle) p. 63. Edit, avoit rassemblé un trésor immense, puis qu'on y comptoit 200,000 talens d'or, sans compter des richesses incroyables en argent et en pierreries. Cet endroit est trop favorable à la grandeur Romaine pour ne pas plaire à Juste Lipse. Mais voyons de quoi il est question. A n'em- ployer que le plus petit talent, et la proportion la moins forte, nous trouverons Pi<>nt. Ii98. DES POIDS, DES MONNOIES, ET DES MESURES DES ANCIENS, &C. 46 1 trouverons en or seulement, 352,000,000 /. s. Plutôt que de récuser l'autorité de Zonare, pensons que (par un purisme de rhéteur et qui rehaussoit encore son pays aux yeux des étrangers) il a employé le mot de talent, au lieu de ce terme à demi barbare de litra, livre d'or. Les 200,000 livres d'or sont égales à 8,000,000 l. s. Ce trésor est grand sans être incroyable. Benjamin de Tudèle, qui visita Constantinople vers la fin du dou- Lips.d«Magnit. zième siècle, parle avec étonnement des trésors qui la rendoient la ville ■?°p.Ti. mi"' la plus riche de l'univers. Le seul revenu que le prince en tiroit se '^"'" '^^*' montoit h 20,000 aurei par jour, environ 3,000,000 /. s. par an. Je méprise, comme je le dois, l'autorité de Benjamin, mais je croirois sans peine qu'il y a un grand fond de vérité dans ces exagérations. Lorsque Julien parut dans les Gaules en qualité de César il trouva vie de luiien, cette grande province ruinée par les barbares et encore plus par les Weterie,àVris, traitans. La capitation se montoit à 25 aurei par tête, et quoiqu'elle Yw,' ^' ^^^~ suffit pour tous les besoins de la guerre, les officiers de l'empereur vouloient encore l'augmenter. Ce dernrie coup, que Julien sut parer, eût accablé ce malheureux peuple. Julien, devenu empereur, réduisit la capitation de 25 aurei par tête (13 /. s. \7s.) à sept aurei (3 /. s. 1 7*. 7d.) Cet impôt, sur le pied même de la réduction, nous paroît énorme. Il Annal* Poiu n'y avoit que les chefs de familles qui le payassent. De ceux-ci il y en a s^ pîerre, tom! 4,000,000 dans la France moderne, beaucoup plus petite que la Gaule ^'^'^ ' ancienne. Ce dénombrement nous donneroit une somme impossible (100,000,000 aurei, 55,400,000 /. s.). Mais lorsqu'on excluoit tous ceux qui en étoient exempts, et surtout cette nation d'esclaves bien plus nombreuse que celle des hommes libres, il ne restoit peut-être pas 500,000 contribuables. Je me sers de ce calcul de l'Abbé du Bos. Il ne peut pêcher que par sa foiblesse, et je me ménage volontiers une oc- casion de céder quelque chose sur la popidation peut-être excessive qu'on attribue à ce pays dans le quatrième siècle. L'impôt de Constance nous donnera 12,500,000 aurei, près de 7,000,000 /. s. celui de Jidien 3,500,000 aurei, près de 2,000,000 /. s. Ajoutons à ce calcid quelques réflexions. 1. Depuis les conquêtes des Romains jusqu'au règne de Caracalla. v. Burman.de 1. . . 7 . r. • , . . Vectigal. Pop. on distmguoit entre les citoyens Komams et les provmciaux. Ceux-ci, R°mani. Leyd. , .... .... _ . 1734. passim: qu on nommoit tributaires, payoïent la capitation. Le citoyen en étoit euust. Lips. de Magniiud. exempt, v.om. i. ii. c 462 DES POIDS, DES MONNOIES, ET DES MESURES DES ANCIENS, &C. 1—7. Burman. excmpt, lïiais cctte même qiialit(f' l'assujettissoit à quelques impositions ca^.'Ë'xcêî" dont le provincial étoit d(jchargé, et surtout aux deux vingtièmes, l'un urman.p.i74. ^^^ j^^ héritages et l'autre sur l'affranchissement des esclaves. Les douanes étoient communes à Rome et aux provinces. 2. Caracalla étendit la bourgeoisie Romaine dans le dessein d'augmenter ses re- venus ; mais par une injustice digne de ce tyran et de ses successeurs, la capitation passa en Italie, les deux vingtièmes dans les provinces, et chaque sujet soutcnoit le fardeau redoublé de provincial et de Romain. 3. La capitation devint bientôt l'impôt favori des empereurs. Le des- potisme se complaît dans un genre d'imposition qui ne connoît de Philosophical bornes que celles de l'impuissance absolue. Mais M. Hume se trompe lorsqu'il dit que Constantin supprima la plupart des impôts pour établir à leur place une capitation universelle. Les douanes, les deux ving- tièmes, la gabelle, &c. subsistoient encore. 4. Il paroît que dans le commencement on fixoit une capitation inégale par son égalité appa- rente. Les Juifs payoient deux drachmes par tète. Les pères et les maîtres payoient pour leur famille entière. Dans la suite on chercha à apprécier la naissance, le rang, et la fortune, surtout en fonds de terre: ce qui rendoit la taille à la fois réelle et personnelle. Je crois entrevoir la méthode qu'on suivoit. Les ministres avoient sous les yeux le re- censement de tous les contribuables d'une province. Ils imposoient cette capitation générale et hypothèque de tant d'aurei par tête. Les officiers de l'empereur, ou les décurions des villes, en faisoient la répar- V. TiUemoirt, tîtiou daus la proportion qu'exigeoient les facultés de chacun. Lors- Hist. des Em- . ^ . • ,, . n -, , i -i i per. torn. iv.p. que Constautui remit aux citoyens d Autun 6000 contribuables il leur remit effectivement près du quart de la capitation. Si l'on ajoute aux sept millions de Constance les autres charges dont j'ai supprimé la moitié on sera peu surpris de ces fréquentes remises de tribut. ,p. 187. It DES POIDS, DES MONNOIES, &C. DE LA FRANCE ET LES PAYS BAS. 463 It appears from the Author* s arrangement of the subject, that he pro- posed to have given a statistic account of the several countries in the fol' Iffwing order : La Grande B7xtagne, La France et les Pays Bas, L* Allemagne, la Suisse et le No)'d, L'Italie et l'Espagne, L'Orient, les Indes, ^'C. Sfc. The first article, viz. Great Britain, Mr. Gibbon seems to have postponed, and only a few notes respecting it have been found among his papers. In- deed the remainder of this division appears incomplete j and the accounts of the respective counti'ies seem to have been kept open for the insertion of any information or observations that might occur. IV. LA FRANCE ET LES PAYS BAS. Je suis fâché de ne pouvoir pas donner une table chronologique des "variations de la livre Tournois depuis Charlemagne jusqu'au Régent. Je n'attendrai qu'à la première occasion. Je sais cependant que pen- dant la dernière moitié du quinzième siècle le marc, qui vaut cinquante livres, n'en valoit que dix. Aujourd'hui le change varie, mais en général on peut évaluer la livre sterling à 22/. \Qs. Tournois, et en gros 100/. Tournois à 4/. 105. sterling. Charles VII. n'a jamais levé sur ses peuples que 1,800,000/. de tailles Ph.deCom, (9,000,000 /. T. 405,000 l.s.) Louis XI. à la fin de son règne enlevoit '°"'-^p''-'- 4,700,000 sans compter lartillerie et choses semblables (23,500,000 /. T. 1,045,000 /. s.). Après sa mort les états les réduisirent à 2,500,000 livres (12,500,000 /. T. 562,500 /. s.). C'étoit encore beaucoup et plu- tôt trop que trop peu. On ne les augmenta point sous Charles VIII. id. Tiii.25. Ce prince avoit même formé le dessein de les réduire à 1,200,000/. pour la défense du royaume (6,000,000 /. T. 270,000 /. s.) et de vivre, à l'exemple de ses prédécesseurs, de son domaine. Ce domaine bien admi- 464 DES POIDS, DES MONNOIES, &C. DE LA FRANCE ET LES PAYS BAI. administré (y compris la gabelle et quelques aides) pouvoit rendre nist.Gen. t.ii. jusques 1,000,000/. (5,000,000 /. T. 225,000 /. s.). Sur cet exposé on *"' ' * voit combien Voltaire s'est trompé lorsqu'il voulut donner cet effort tyrannique et passager de Louis XI. comme la règle constante des re- venus de France à la fin du quinzième siècle. ' En canons, munitions de guerre, &c. - - - Total Arbuthnot, Dans l'Hindostan le seer de bled pèse environ deux livres et demie ; '' ^" on compte que notre qxiartier en pèse 544. Frazer, p. 168. Pendant l'expédition de Nadir Sli^h, la disette regnoit à un tel point dans le camp des Indiens qu'un seer ou 1 1 seer se vendoient pour une rupee ; c'est à raison de 18/. ou 27/. par quartier. Les Persarjs se pro- curoient l'abondance par les fourrages qu'ils faisoient dans le pays. Le froment se vendoit chez eux à raison de 12 seers 30 livres par rupee ; c'est 2/. 5s. par quartier. Un prix très commun en Angle- terre. Il y a deux cosses en Hindostan. La première réglée par l'autorité publique, et dont on se sert pour mesurer les chemins du royaume, est de 4000 verges Angloises (1875 toises). L'espèce de cosse usitée dans Crores. Livres Sterling. 25 31,250,000 9 11,250,000 25 31,250,000 5 6,250,000 5 6,250,000 1 1,250,000 • 70 87,500,000 DES POIDS, DES MONNOIES, &C. DE l'oRIENT, LES xNDES, &C. 475 dans plusieurs provinces varie de 2000 à 2500 verges, c'est à dire 937î à 117 H toises. Nadir Shah s'empara de toutes les terres d'église en Perse. Elles se Frayer, p. 122. " mais voyeK montoient à 1,000,000 tomans par an, 2,500,000/. s. aussi, p. 202. Nadir Sliah avoit une armée de 'iOO,000 hommes, la plupart Tartares; """".^y' '■ '• ^11 'p. 250, 8cc. elle lui coûtoit cinq millions de livres sterling par an, ;\ raison de 100 ecus par soldat ; chacun étoit lui-même obligé de se pourvoir d'armes et d'habits. Pour soudoyer cette armée le tyran ruinoit la Perse sans vouloir touclier à son trésor Indien qu'il regardoit comme sa dernière ressource ; mais qui a été dispersé après sa mort. On peut prendre une idée très exacte des mesures Chinoises dans un Mém. de u». '- ■ ' tDm.xxviii. Mémoire de M. d'Anville : en voici le résultat: p.487— i02. 10 grains de mil ~ r: 1 fuen 10 fiiens = 1 créun ou doigt 10 créuns ou doigts = 1 ché ou pied 6 pieds = 1 pun ou toise 10 pieds = 1 chan ou canne 1800 pieds = 1 li ou mille Chinois. Comme les voyageurs ne sont point d'accord sur la mesure du pied Chinois M. d'Anville consulta le P. Gaubil, missionnaire à Pékin. Ce Père s'assura que le pied impérial étoit au pied de roi connue 500 à 508, c'est à dire onze pouces neuf lignes et sept dixièmes de lignes, et par conséquent douze pouces sept lignes et deux dixièmes de lignes du pied Anglois. T.F. P. Poa. Verg.Angl. P. Pouc. Le li, mesure itinéraire = 295 13 = 629 2 4 193 li sont égaux à un degré du grand cercle ; cependant les mathé- maticiens Chinois y comptent unanimement 200 li. On pourroit attri- buer cette différence à leur peu d'habileté, ou au désir de n'employer qu'un nombre rond ; si l'on ne savoit que telle fut la décision de l'em- pereur Cam-hi et que personne n'osa y contredire ni la rectifier. Telle est la mesure des li actuels ; mais M. D'Anville croit en avoir trouvé de plus petits dans les siècles reculés. Un rapport des para- sanges au li dans le quinzième siècle lui en donne de ceux-ci de 27ii au degré. La mensuration même d'un degré dans le huitième lui en ^ P 2 fournit 476 DES POIDS, DES MONNOIES, &C. DE l'oRIENT, LES INDES, &C. Voyage to the K. I. p. 316— 321. fournit de 338 ; et la distance de Pékin h une ville Tartare lui en fait, du troisième siècle avant J. C. de 405 au degré. Tout cela est fort ingénieux et paroît même assez vraisemblable. Je voudrois avoir eu les mêmes secours sur les poids qui sont en même tems la seule mon- noie d'or ou d'argent que connoissent les Chinois. Les réponses vagues et obscures des missionnaires m'ont engagé à consulter les voyages d'un négociant qui a passé six mois à Canton. 11 n'a pu connoitre que les objets du commerce, mais il doit être assez instruit là-dessus. Selon lui, 10 li, (les Européens les appellent cash) = ] canduriii 10 foan ou candarins = 1 mace 10 tsean ou maces = 1 tael. Les Chinois le nomment leaiig f = 12 oz. 2 dwt. 4 gi". poids Angloi» 1^=: 12 onces environ de Paris l6 taels = 1 cattie ou livre Chinoise. lOleang ou taels Mémoires, p. 249, &c. Description Oen. t. ii.p. 21. L'écu d'Angleterre (.5 chelins) 5 l. T. l^hs. passe à la Chine pour 8 maces ; par conséquent, un tael =10 maces = 6s. 3d. = en gros 7 /. T. Os. Le Père le Comte me paroît le mieux instruit, sur les revenus de la Chine. Ce que la cour reçoit en argent ne passe pas 22 millions de taels, t>,8755000 /. s. Mais il faut ajouter une somme bien plus consi- dérable pour toutes les denrées que les provinces sont obligées de fournir en ris, en bled, en draps, en soies, en sel, en vernis, &c. &c. qu'on peut évaluer à cinquante de taels 15,625,000/. s. Le total du revenu peut monter à 72 millions de taels 22,500,000 /. s. LHindostan, moins peuplé et moins commerçant, a rendu bien davantage à son prince ; mais le commerce des Lides engloutit les trésors de l'Amé- rique, et l'avarice tyrannique des Mogols ne laisse au commerçant que les richesses qu'il peut leur cacher. Le P. du Halde avoit évalué ce revenu à 200,000,000 taels, 62,500,000/. s. après une exagération pareille j'ai peine à le croire. Il dit cependant que l'empereur entre- tient 1 60,000 hommes auprès de sa personne, et plus de 770,000 pour la défense de la grande muraille et des provinces, en tout 930,000 hommes; avec 565,000 chevaux pour remonter sa cavalerie. La Chine, dans un dénombrement fait au commencement du règne de Cam- MEMOIRES POSTHUMES DE M, DE CHESEAUX. 477 Cam-hi, contenoit 11,052,872 familles, et 59,788,364 hommes en état de poiter les armes, sans y comprendre les lettrés, les bonze, les mari- niers, &c. Un pareil calcul nous donneroit pour le moins 200,000,000 d'habitans. Les détails qu'il donne sur les denrées que les provinces envoyoient en cour ont un air d'authenticité. Entr'autres j'y trouve en bled et ris 40,155,490 sacs, chaque sac du poids de 120 livres. Cette quantité énorme reviendroit à 15,494,7'i2 quartiers d'Angleterre, et vaudroit ici plus de 30,000,000 livres sterling-. Je sais que les denrées sont à meilleur marché à la Chine, mais cette somme me paroît aussi incroy- able que peu nécessaire. Vanité Chinoise ! -Lausajme, 10 Décembre, 1756. MEMOIRES POSTHUMES DE M. DE CHESEAUX. Je n'ai lu qu'une très petite partie de cet ouvrage. Les calculs dont il est rempli, en interdisent l'entrée à quiconque n'est pas ma- thématicien achevé. Cependant la partie chronologique que j'ai lu m'a fait bien du plaisir. Un grand astronome est en état d'y répandre bien de la lumière, mais il n'y a guères que M. Newton et M. de Cheseaux qui l'ayent tenté. Il fait une remarque assez curieuse sur le verset 12. ch. vii. de Daniel, oi^i il est dit que la domination fut enlevée aux autres bêtes après que leur vie eut été prolongée à un tems et un tems. II le para- phrase de cette manière. La domination (app. des Babyloniens J des Perses et des Grecs fut aussi détruite après qu'elle eut durée 720 ans, entendant par ces deux tems, deux années prophétiques de 3oO ans chacune ; et en effet ces trois empires durèrent 720 ans, depuis ^c- com- mencement de Nabonassar en 747 A. C. jusqu'au tems qu'Octavien reçut le 478 MEMOIRES POSTHUMES ni, M. DK CIIKSEAL'X'. le nom d'Auguste du sénat Romain, et qu'il devint le premier empereur en 27 A. C. Quoiqu'on pourroit faire quelques objections contre ce sentiment, cependant on doit au moins avouer que si non vero e ben trovato. On pourroit dire par exemple que si Daniel avoit voulu parler de l'empire Babylonien il n'auroit dû commencer qu'à Nabu- chodonosor, ou tout au plus ù Nabopolassar son père, ce qui ne fait que 598 ans, les rois précédens de Babylone ne faisant pas plus à l'empire Babylonien que les rois de Macédoine depuis Caranus jusqu'à Alexan- dre ne faisoient à l'empire Macédonien.* Et si pour obvier à cet in- convénient on dit que la première domination, dont parle Daniel, n'étoit point celle des Babyloniens, mais celle des Assyriens, ce sera bien pis ; le sentiment d'Hérodote, le plus modéré sur la durée de leur empire, plaçant son commencement dans un tems éloigné de 1240 ans de celui d'Auguste. Voy. Herodot. lib. i. p. G6. Edit. Henr. Steph. Usser. ad A. M. 2737. Il croit aussi avoir fait une découverte sur la vision du huitième chapitre : il prétend que les 2300 soirs et matins, dont il est parlé au v. 14, signifient les sacrifices du soir et du matin du temple : 2300 de ces sacrifices font 1150 jours; mais il croit que ces 1150 jours de sacrifices se rapportoient seulement aux trois grandes fêtes des Juifs ; ainsi 1 150 faisoient 383 ans et une fête de l'année suivante. Il établit ensuite que le dernier sacrifice avant la persécution d'Antiochus fut celui de Pâques 168 ans avant notre Seigneur. De la fête de Pâques d'l68 inclusivement jusqu'à celle des Tabernacles de 53% exclusivement, se trouvent justement 383 ans plus une fête. Il s'agit donc de prouver que Daniel eut cette vision dans le tems marqué. Il nous dit lui-même qu'il l'eut dans la troisième année du règne du roi Balsatsar. On sup- * Les princes de Perse depuis Achœmenes jusqu'à Cyrus le Persan, ou les rois et les consuls depuis Romulus jusqu'à Auguste à celui de Rome. Il ne s'agit point ici de leur existence comme petit état, mais comme monarchie assez puissante pour l'emporter de beaucoup sur toutes les autres, et pour mériter les noms des quatre grands empires. Pour ce qui regarde la foiblesse du royaume de Babylone jusqu'à Nabopolassar, voici ce qu'en dit le Père Pétau : " Quod regnum ( Babylonicum, scilicet) vietis tenue et Assyriis obnoxium ab Nabopolassaro ejusque filio Nabuchodonosoro amplificatum est, ut etMedos ipsos et Assyrios sibi subjiceret." Petarii Ration. Temp. p. ii. 3. c. 3. p. 80 ; sans compter qu'il seroit pour le moins aussi naturel de placer la fin de l'empire de Macédoine à la destruction du royaume de Macédoine qu'à celle du royaume d'Egypte. pose ■MEMOIRES POSTHUMES DE M. DE CHESEAUX. 479 poie avec Prideaux que ce Balsatsar est le Nabonadius de Ptolémée. Nabonadiiis commença à régner 555 ans avant notre Seigneur. La question est, ilans quel tems de l'année. Si c'étoit dans l'automne, l'époque que nous cherchons tombe dans la troisième année du règne de Balsatsar, et le système de M. de Cheseaux est bien lié ; mais s'il commença plutôt, cette même époque se trouve dans son quatrième an. M. de Cheseaux allègue quelques argumens en faveur du premier sentiment. Mais une seule observation suffit pour les détruire, c'est qu'il ne faut point aller chercher en Ptolémée, la durée précise du règne de chaque roi. M. de Cheseaux en convient lui-même. Ainsi quand même on auroit prouvé que Cyrus prit Babylone en automne on n'auroit point prouvé, que Nabonadius monta sur le trône dans la même saison, et quand vous auriez fait voir qu'Evil-Mérodach monta sur le trône au commencement de l'année vous n'auriez encore point fixé le com- mencement quant au mois du règne de Nabonadius. Le règne de Tibère dura 23 ans suivant le canon. Or Tibère mourut au mois de Mars de l'an 37. Vous croyez pouvoir inférer de-là que Tibère com- mença à régner au mois de Mars de l'an 15. Point du tout: il avoit commencé au mois d'Août de l'an 14. Mais Ptolémée ne comptoit que les années révolues qui n'étoient en effet que 22. M. de Cheseaux apporte encore un argument en faveur de son hy- pothèse. " C'est le règne de Laborosoarchod de neuf mois qu'il pré- tend que Ptolémée avoit renfermé dans celui de Nabonadius. Evil- Mérodach, dit-il, commença à régner à peu près avec l'année 561; ôtez-en 23 ans et neuf mois (comptant apart les neuf mois de Laboro- soarchod) vous allez à l'automne de 638, dans laquelle Babylone aura été pris par Cyrus. Mais sans parler de ma première remarque, ce calcul me semble fondé sur une supposition qu'on aura peine à admettre, que Ptolémée avoit renfermé les neiif mois de Laborosoarchod dans le règne de Balsatsar, et qu'alors, pour ôter à Balsatsar ce qu'il lui avoit donné de trop, il avoit ajouté au règne de Cyrus, neuf mois de celui de son prédécesseur. Sans cette supposition on voit clairement que le commencement d'Evil-Mérodach, bien loin d'être avantageux à Mons. L>a. "With this guide, wlio had soon learned the Egyptian tongue, Eudoxus sailed to India on his first voyage of discovery, but the cargo of spices and precious stones with which he returned exposed him to the avarice of the tyrant. After his death, under the regency of his widow Cleopatra, Eudoxus was again employed. In his second voyage he was driven on the coast of Ethiopia ; among the hospitable natives he distributed the unknown blessings of corn, wine, and dry figs, wliile his own curiosity was gratified with a catalogue of their barbarous words ; and the prow of a foreign ship, inscribed with horses, which had been cast on their shore by the western winds.* In the port of Alexandria this fragment was recognized by the merchants of Cadiz, who even named the ship, a fishing vessel, which some years before was supposed to be lost beyond the river Lixus, on the western coast of Africa. Eudoxus now held the thread of discovery, but fear or indignation urged him to leave the unworthy court of Ptolemy Lathy- rus, the son of Cleopatra. I slightly mention his return home, the sale of his estate, his visit to Italy and Marseilles, and his final departure from Cadiz with a great ship and two brigantines to explore the Atlan- tic ocean. Fired with the hope of reaching India, he supported the murmurs of his crew, and the loss of his vessels, built a small galley of fifty oars, and continued his route till he heard on the western, the same language Avhich he had found on the eastern, side of the conti- nent of Africa. On his return to the river Lixus he offered himself and his discoveries to the Moorish king, but the timid Bogud was apprehensive of opening his dominions to unknown enemies, and had not Eudoxus escaped to the Roman province of Spain, the dangerous secret might have been extinguished with his life. His second voyage from Cadiz was prepared with more prudence and skill : the form of * According to Pliny a similar wreck was found by Caius Caesar, the grandson of Au- gustus, in the Red Sea. Such stories could not have been entertained had the ancients formed any just idea of the size of Africa; of the Cape which advances near thirty-five degrees into the southern hemisphere. his ON THE POSITION OF THE MERIDIONAL LINE, &C. 487 \ns vessels was adapted to tlie seas and shores ; and instead of an use- less train of singing-girls and physicians, he enlisted a laborious com- pany of husbandmen and artificers, resolving to winter on a verdant island wliich he had discovered in the ocean. It is here, at this critical moment, that Posidonius disappoints our curiosity, referring his readers to the Spaniards of Cadiz, as the most likely to be informed of the feilure or success of the voyage of Eudoxus, against the reality of wîiich the geographer Strabo has raised some idle and envious objections. Of the four circumnavigations of Africa, three have been disproved, and the overthrow of Sataspes, Hanno, and Eudoxus, must disturb the easy and early triumph of the Phœnicians of Nechus. Nor are these doubtful or fiibulous expeditions attested by the consent of ages. The spirit and perhaps the records of naval enterprise were lost in the destruction of Tyre and Carthage ; and their conquerors were ini- willing to believe even the real achievements, which they were unable to imitate. The world of the Greeks, the Romans, and the Arabians was circumscribed within a narrow outline. Some geographers, acci- dentally stumbling on the truth, affirm or rather suspect that Africa, except in the isthmus of Suez, is encompassed by an open and naviga- ble sea. But a large majority, in weight as well as in number, repre- sent the climates beyond the equator as unknown or impervious ; a torrid zone in which no mortals can breathe, a shallow and muddy ocean, in which no vessels can move, or an interposing tract of land, which joins in a southern latitude the continents of /Ethiopia and India. By all who raised such insuperable barriers, the possibility of a circumnavigation was denied ; but the few who admitted that it was possible might doubt or disbelieve that it had ever been actually performed. Arrian,* or the nameless author who under the reign of Adrian has composed a description of the Red Sea, embraces, according to the style of antiquity, the Persian and Arabian Gulphs with a part of the ocean between India and Africa. He runs the African coast to the inty and promontory of Rhapta, which is placed by Ptolemy in the * Arriaiij Periplus Maris Erythrasi, p. 150. EJit. Blaiicard. eighth 488 ox THE POSITION OF TUE MERIDIONAL LINE, &C. eighth degree of southern latitude. From tlience, continues Arrian, the land turns to the west, and the surrounding ocean, which has NEVER BEEN EXPLORED, at length Hiinglcs with the waters of the Atlan- tic. Under a Roman emperor the task of discovery miglit have been shortened, if his subjects had sailed in friendly correspondence from his ports of Egypt and Spain. But Adrian was not ambitious of con- quest, his curiosity did not grasp the knowledge of the globe ; and the endless promontory of the south would have soon exhausted the skill and patience of his mariners. Above the crowd of vulgar geographers, Eratosthenes and Ptolemy exalt their heads, as the great masters of celestial and terrestrial science. Eratosthenes* was the first who dared to measure and deli- neate the earth : but in his erroneous system, a burning and desolate zone extends twelve degrees on either side of the equinoctial line. The land of cinnamon, on the eastern coast of Africa, is situate within the twelfth degree : it might be superfluous to add that none had ever penetrated beyond this term of our habitable world ; but the sentence is of damning weight, from an universal scholar to whom Herodotus was familiar, and who commanded the treasures of the Alexandrian library. f The geographical sphere of Ptolemy J was enlarged by the Roman discoveries, and his own propensity to magnify space and dis- tance beyond their real proportions. His promontory of Prasura, a Cape Verd on the eastern coast of Africa, is forced as low as the fifteenth degree of southern latitude : but he drawp, from the neigh- bourhood of this cape, the line of an unknown continent, which is finally united with the country of the Asiatic Sinae. Ptolemy reigned near fourteen centuries on earth, as well as in heaven ; nor was the Greek oracle ever confuted by the experience of the Arabians. * Eratosthenes Geographiconim Fragmenta, lib. ii. p. 63, &c. 1. iii. p. IQS. Getting. 1789. t It is generally agreed among scholars that Eratosthenes was styled ^ijra, not from being the second in every science, but as the second keeper {'J39— 194 years before Christ) of the Alexandrian library. Fabricius, Bibliot. Graec. toin. ii. p. 471. X Claud. Ptoleniseus, 1. iv. c, 9, 1. vii. c. 4, in Bertii Theatriun Geographiae Veteris, torn. i. p. 131—312. In ON THE POSITION OF THE MERIDIONAL LINE, &C. 489 In the sublime fiction of Camocns,* the spirit of the Cape, arising from his stormy waves, at once accuses and applauds the Portuguese, the first of men who had explored their way round the southern promontory of Africa. Nor Roman prow, nor daring Tyrian oar, E'er dashed the white wave foaming to my shore : Nor Greece, nor Cartilage, ever spread the sail On these my seas to catcli the trading gale. You, you alone, have dared to plough my main, And with the human voice disturb my lonesome reign. I WILL TAKE THE GhOST's WORD FOR A THOUSAND PoUNDS ! Nechus, King or Pharaoh of Egypt, who reigned six hundred years before the Christian era, is mentioned in the Hebrew Chronicles, t as well as by the father of Grecian history, t The mind of Nechus was susceptible of every kind of ambition : the Jews and Syrians fell before his arms ; he entered Jerusalem in triumph ; his empire was bounded by the Euphrates j and the ships of war which he built commanded the Mediterranean and the Red Sea. The execution of his canal from the Nile to the last mentioned sea might have changed the commerce of the world, but after expending the lives of an hundred and twenty thousand of his subjects, the King of Egypt was alarmed by an oracle, and turned his thoughts to the fame and ad\'antage of naval disco- veries. At his command, and in his vessels, a chosen band of Phoeni- cians penetrated from the Arabian gulf into the southern ocean, returned in the third year by the Straits of Gibraltar, and proved for * Mickle's Lusiad, p. 211, 212. An Englishman must praise the versification ; the Portuguese acknowledge the fidelity of this elegant translation. t These Chronicles, the reign of Pharaoh-Necho, and the contemporary history of the east, are illustrated in the learned writings of the Christian chroQologists, in the Animad- versions of Scaliger, in the Annals of Archbishop Usher, in Prideaux's Connections, in Sir John Marshara's Canon Chronicus, in an Essai sur l'Histoire Orientale, in the Monde Primitif of M. Court de Gebelin. By these, and by many more, the Phoenician voyage round Africa is reported without a shadow of suspicion. X Herodot. 1. ii. c. 158, 159, P- 181. 182, 1. iv. c. 42, p. 298. In every quotation of Herodotus I use the Greek edition of Wesseling, with his learned notes, and those of M. .Larcher, the French translator, a scholar and a critic, VOL. III. 3 II the 490 ON THE POSITION OF THE MERIDIONAL LINE, &C. the first time, that, except in the isthmus of Suez, the continent of Africa is on all sides encompassed by the sea. In the autumn of the first and second year, these bold navigators landed on some convenient spot, committed their seeds to the ground, patiently waited the returns of the next harvest, and resumed their voyage with a fresh supply of provisions. The Phœnicians reported that, in sailing round Africa, they had seen the sun on their right hand, " a ])henomeuon (says Herodotus) which to some may seem less incredible than it does to me." Since the modern discoveries of the Portuguese, we kiiow the possi- hiliii/, and w'e suppose the reality of an ancient circumnavigation of Africa. The reign of Nechus is accurately fixed in the last and most authentic period of the history of Egypt : his father Psammetichus had opened the country to the Greeks, and his death did not happen more than one hundred and sixty years before the travels of Herodotus, An inquisitive spirit forms the character of the historian whose authority has been fortified by the improvement of criticism and science : he had visited Egypt before the chain of tradition was buried in the ruins of the temples and sacerdotal colleges : he investigated the remains of the docks or arsenals which Nechus had built; and the Pharaoh, after the example of Solomon, might reasonably entrust his vessels to the most skilful navigators of the east. The ignorance of the Greek might tempt him to deny, but his impartiality forbade him to dissem- ble, the astronomical fact, which, in our eyes, is the surest pledge of his veracity. As soon as tiiey had passed the line, the sun -would appear on the right hand of the Phoenicians. I have allowed full weight to these specious probabilities, but I must object, with equal fairness, that Herodotus was a stranger in Egypt, who saw with his own eyes, but who heard with the ears of his careless or credulous interpreters. The priests were- ambitious of impressing the minds of strangers with a splendid idea of their celestial and terres- trial science ; and in the observatories of Thebes and Heliopolis, the astronomers could safely calculate the motions and aspects of the pla- nets. A journal of the voyage of the Phoenicians, which Herodotus had never seen, must have demonstrated its truth or falsehood : their adventures would be measured by the standard of probability, and the seas ON THE POSITION OF THE MERIDIONAL LINE, &C. 491 seas and lands, the winds and seasons, tlie plants and animals, would be compared with the genuine and unalterable face of nature. But a southern communication between the Indian and Atlantic ocean might be affirmed or denied : the chance was equal ; and a lucky guess may have usurped the honours of actual discovery. My surprise and sus- picion are excited by the successful agriculture of the strangers in un- known climates and new soils ; by the seeds of the temperate zone which yield their increase between the tropics : nor can I persuade myself that these infant navigators sailed round Africa in three sum- mers to amuse the curiosity of a king of Egypt. The compass was in the hands of the Portuguese ; they were stimulated by the spirit of chi- valry, fanaticism, and avarice j yet, after seventy years of laboiu" and danger, their fruitless efforts were still repelled by the Cape of Tempests. By the command of the Senate of Carthage, two admirals, Himilco and Hanno, were sent at the same time to navigate the northern and southern parts of the Atlantic ocean. Hanno sailed from Carthage with a fleet of sixty large ships, carrying a multitude of men, women, and children, which has been magnified to the incredible number of thirty thousand persons. In twelve days from the Straits of Gibraltar he reached the small island of Cerne or Arguin : planted seven cities or colonies for the benefit of trade, and fixed his last station at Cerne itself, which has since been occupied, disputed, and abandoned by the modern powers. As he advanced, he discovered a large river, most probably the Senegal, well-peopled witli hippopotami and crocodiles ; and his course was directed first to the south and afterwards to the east along the coast of Guinea. A chain of mountains, the Sierra-Leone, overlooked the ocean^ and burning volcanoes poured into its waves their torrents of liquid fire. In the heat of day all was silent ; but the fo- rests blazed with nocturnal lights, and re-echoed with the joyous sound of flutes, cimbals, and drums. In some slight encounters, the arms of the Carthaginians must prevail over the wandering natives, who spoke a language unknown to the Moorish interpreters. By their speed of foot the savages escaped ; but the hairy skins of three female captives were exhibited as trophies at Carthage j and though Hanno mistook for women these mute aad perverse animals, it is more probable that they 3 R 2 were 492 ON THE POSITION OF THE 3IEU1D10NAL LINE, &C. were Po7igos, the large monkey of luiman shape. The cape of Ires Fimtas in Guinea, five degrees north of the equator, appears to have been the term of this whole Atlantic navigation of thirty-eight days : the scarcity of provisions compelled Hanno to return ; nor does he seem to have detached any light vessels to prosecute the line of southern discovery. The date of his voyage rests, or rather floats on a period of four centuries (700 to 300 years before Christ ;) but, for various reasons, I am inclined to sink it as low as the prosperity of the republic of Carthage will permit. The journal or Periplus of Hanno * is still extant in a Greek version, nor can I agree with the idle suspicions of Dodwell that it has been changed or corrupted since its first appearance soon after the age of Aristotle.t This concise narrative was translated or abstracted from a Punic inscription on a plate of brass or marble in the temple of Saturn at Carthage : the practice of these ancient records is acknowledged ; and most of the proper names may be reasonably derived from the He- brew or Phœnician idiom. J The Libye books, the wanderings of Hanno, were indeed exposed on the Athenian stage as notorious fables; but the Greeks were at once credulous and sceptical ; and even the ridicule attests the existence of the books and the fame of the voyage. § The trade and colonies of Carthage along the shores of the Atlantic and the Libyan deserts are firmly established : yet it must be allowed that one of our best witnesses, the geographer Scylax, denies the possibility of navigating beyond Cerne in a shallow and muddy ocean. || * See the Periplus of Hanno in the first volume of Hudson's Geographi Minores, with Dodwell's Dissertation. Mariana. Hist. Hispan. torn. i. 1. i. c. 22. p. 32, 33. Poraponius Mela, 1. iii. c. g. p. 401. cum Observât. Isaac Vossii. Bougainville sur le Voyage d'Han- non in Mémoires de l'Académie des Inscriptions, torn. xxvi. p. 10—46. torn, xxviii. p. 260 — 318. f Aristot. itspt SaufAatriwy axatrixuruiv. c. xxxv. p. yy. Edit. Beckman. Getting. I786: This collection of wonderful stories is drawn from the writings of Aristotle, and may be ascribed to one of his first disciples. :j: Bochart, Canaan. 1. i, c. 37. in 0pp. tom. i. p. 630 — 644. § Athen. Deipnosophist. 1. iii. c. 7. p. 83. Aristides in Oratione ..Egyptiaca, in 0pp. tom. ii, p. 356. Edit. Jebb. II Scylacis Caryandensis Periplus, p. 53. in Geograph. Min. tom. i. A much ON THE POSITION OF THE MERIDIONAL LINE, &C. 493 A much longer voyage of Hanno, the entire circumnavigation of Africa from the Straits of Gibraltar to the Red Sea, will not be sup- ported by the single and hasty assertion of the elder Pliny. In the course of a work as extensive and various as Nature itself, his critical attention is often bewildered ; and while he believes the most sin- gular, he rejects the most simple circumstances of the Periplus of Hanno.* While the liberality of Gelo and his brother Hiero attracted every stranger who could amuse or instruct the court of Syracuse, a Persian Mage related to the former of those princes that he himself had circum- navigated the whole continent of Africa, t An event of such magni- tude cannot be lightly received on the single credit of a wandering priest, whose religion and country afford the fairest grounds of sus- picion. The Magi abhorred the art of navigation, which tended to sully the purity of one of the sacred elements; J the Persians never aspired to the fame of a maritime people, and a voyage of distant dis- covery, though not incredible, must be deemed in their character a very singular adventure. It is certain however that in the time of Gelo and Xerxes, § they once attempted the circumnavigation of Africa, and the exaggerated tale of the Mage of Syracuse must be tried and reduced by the authentic relation of Herodotus, who derived his intel- ligence from the report of the Carthaginians. || Under the reign, and in the court of Xerxes, his kinsman Sataspes was condemned to be impalerl for the crime of ravishing a noble virgin. But a .mother, the sister of Darius, interceded for the guilty youth, on * Plin. Hist. Natur. ii, 67. v. 1. vi. 30. ■\ This Mage had been introduced in one of the Dialogues of Heraclides Ponticus, a disciple of Plato and Aristotle, (Vossius de Historicis Grœcis, 1. i. c. 8, 9.) But his vo. luminous writings are now lost, as well as those of Posidonius, by whom this passage had been quoted, and we are now reduced to the testimony of Strabo. (Geograph. 1. ii. p. 155, 158.) X Plin. Hist. Natur. xxx. 7. §. This synchronism lasted seven years, 485 — 4/8, before Christ : but the Egyptian re- bellion will not permit us to (jlace the voyage of Sataspes before the third year (482) of the reign of Xerxes. (Herodot. 1. vii. Diodor. Sicul. 1. xi.) [| See Herodot. 1. iv. c. 48. p. 308, 299. Edit. Wesseling, and the excellent French ver- sion of M. Larcher, with his learned actes, torn. iii. p. 156, 40,5. whom 494 ON THE POSITION OF THE MERIDIONAL LINE, 3iC. wliom she promised to inflict a punishment not less terrible than death itself; and he accepted as the condition of his pardon the task of sail- ing round Libya, and returning home by the Red Sea. After pre- paring his ship and mariners in Egypt, Sataspes sailed beyond the co» lumns of Hercules, and coasted along the African shore to the promon- tory of Soloe, (Cape Boyador,) from whence he steered his southern course in the Atlantic ocean. The natives whom he saw were of a di- minutive stature : their garments were composed of the leaves of the palm tree : they were affrighted by the aspect of a naval monster, and wlieresoever he landed, they fled into tlie country, abandoning their villages and cattle to the rapacious strangers. But Sataspes, who was not endowed with the spirit of discovery, beheld with anxious despair the prospect of an endless sea, and his complaint that his ship was stop- ped, that it would advance no farther, may be imputed to the dead calms that prevail in the neighbourhood of the line. The dangers and fatigues of his expedition and return might have expiated the crime of love : but the justice or revenge of Xerxes was inexorable : Sataspes was impaled according to the rigour of his flrst sentence ; and his mis- fortunes, though not his character, may afford a faint similitude of our countryman Sir Walter Raleigh. After the death of Sataspes, one of his eunuchs escaped to the isle of Samos with a large sum of money, of which lie was defrauded by the perfldy of a Samian, whose name is for- gotten by the tendei'uess of the father of history. The Asiatic Greeks maintained a free and frequent intercourse with Sicily : and a Mage, who had served as chaplain in the Libyan voyage, might accompany the eunuch's flight, and abuse the privilege of a traveller. Before the arrival of the Portuguese, before the age of Mahomet» under the reign of Adrian,* the commerce and even the dominion of the Arabs was spread along the eastern shores of Africa on either side of the Equinoctial line. After a long and lucrative traffic, the Maho- metans of Arabia were tempted by the nakedness of the people and the richness of the land ; but in the ninth century, Zanguebar, the coast of the Zenghis, was still savage and idolatrous. The northern position * Arrian, in his Peiiplus of the Red Sea, is illustrated by D'Auville. Mémoires de l'Acadéaiie, torn. xxx. p. 88, &c. of ON THE POSITION OF THE MERIDIONAL LINE, &C. 495 of Magadoxo and Brava points them out as the most ancient settle- ments (A. H. 320, A. D. 932) ; the kingdom of Qiiiloa was founded (A. H. 400, A. D. 1009) by a Persian prince of the race of the Sultans of Shiraz ; Melinda, Monbaza, and Sofala flourished in the twelfth century ; these maritime colonies were in creased by vagrant Bedoweens and Negro proselytes, and the reign of Islam extended to the isle of Madagascar and the tropic of Capricorn.* The contrast of the savage Africans may have embellished the por- trait of the Arabians of Zanguebar, but the features of a rich and ci- vilized people are not easily mistaken. According to the heat of the climate, and the fashion of the east, they were clothed in loose gar- ments of silk or cotton ; their turbans were of fine linen ; nor did they neglect the elegant luxury of gold and gems. These ornaments might be brought from a distance, but the state of the colonies marked an high degree of wealth and improvement. The cities were populous and regular, the public and private buildings were of hewn stone or painted wood, the gardens wei'e filled with the plants of India, the ad- jacent lands were cultivated with skill and care, and the inhabitants possessed great numbers of cattle and domestic animals. The iron- works of Melinda, the gold mines of Sofala were at once the monuments of their art, and the sources of their opulence. In war they employed the arms of antiquity, bows and arrows, scimetars and lances; the horsemen of Monbaza, and the archers of Melinda were renowned: but they were ignorant of the invention of gunpowder and the use of can- non. These maritime colonies could not forget the art of navigation : they traded with Aden and Ormuz, with Cambaye and Calicut, but their course was directed by the monsoons, and they never ventured beyond the Cape of Currents in the twenty-fourth degree of southern latitude. The government of their petty states was loosely balanced by the Royal and Aristocratical powers : the Koran was the bond of union, but the rival sects of Omar and Ali excommunicated each other on this lonesome coast. The Arabians had introduced their language, * See the Arabians (Geogruph. Nub'iensis, p. 27, 28, Abulfeda, Geograph. Tab. xxvii. p. 355, 356, and Yakouti in the Notices des MSS. de la Bibliothèque du Roi, torn. il. p. 395.) whose knowledge seems to have decayed with time. The Abbé Renaudot (.an- ciennes Relations des Indes, p. 303—308) is most instructive. and 496 ON THE POSITION OF THE MERIDIOXAL LINE, &C. and tlie rudiments of letters ; but they were ill-provided with books, and it is only in the Lusiad, that a King of Melinda could be fami- liarized to the names of Homer and Ulysses.* From the Senegal to the Cape of Currents, Vasco de Gama had seen no vessels on the ocean except his own. After passing that cape, the canoes of the negroes, their artificial trinkets, and their vague reports denounced his approach to a civilized, perhaps to an Indian world. The first interview of the two nations was in the isle of Mozambique; the thundering arms of the Portuguese astonished the Arabians, and applauded the hero who had emerged from the storms and darkness of the south. But Gama could not long dissemble that he was a Chris- tian, the enemy of their faith, and the invader of their commerce : he abhorred the Moors, and the belief that all Mahometans were Moors has propagated the African name to the extremities of Asia. The open or secret enmity which laboured to destroy his ships, and inter- cept his return, is more easily explained than the hospitable welcome, and important aid which he received from the Princes of Melinda. In twenty-three days he traversed, without care or danger, an ocean of seven hundred leagues, from Melinda to Calicut. His trusty pilot, an Indian of Guzarat, steered the well-known course by a compass, a qua- drant, and a marine chart, and his experience or prejudice despised the astronomical instruments of Europe. According to the most liberal computation, Vasco de Gama dis- covered no more than twenty degrees of southern latitude from the Cape of Good Hope to Mozambique. But a thin veil separated Lisbon and India, and the last adventurer, by whom it was removed, has usurped the sole honours of the circumnavigation of Africa. Yet Gama might boast that by him alone the equinoctial line had been crossed four times, and that he had achieved in two years the longest voyage which had been performed by the sons of men. t The African trade of the Portuguese, as it is described by Mosto, may afford some glimpses into the inland geography of that vast conti- * The English translator of Camoens justifies this impropriety by an old Syriac version . of Homer; but the fact is doubtful, and the inference ridiculous. (Mickle's Introduction.) f Osorius de Rebus Lusitanicis, 1. i. Mariana, Hist. Hispan. l.xxvi. c. 17 — 20. torn. iii. p. 217^228. Hist. Générale des Voyages, totii. 1, nent. ON THE POSITION OF TUP. MERIDIONAL LINE, &.C. 497 nent, an obscure scene which has been less invisible to the Arabian Moors* than to any other nation of tlie ancient or modern world. By the care of Prince Henry the little island of Arguin, near Cape Blanco, was settled and fortified : but he gave a monopoly of ten years to his own exclusive company. After some hostilities against the Azc- naghis, the last shade between the whites and blacks, their alliance was found to be more conducive to the interest of trade, and even of re- ligion. They pitched their tents from Mount Atlas to the Senegal : their hard and wandering life qualified them to be the carriers of the desert ; and Hoden, a station in their country, was in the road of the Moorish caravans. Six days journey from Hoden, Teggazza possessed a mine of rock-salt, which was greedily purchased and used by the na- tives of the torrid zone to preserve, as they believed, their blood from putrefaction. The camels laden with salt travelled in forty days from Teggazza to Tombuto, in thirty more from Tombuto to Melli, a city and kingdom whose place our ignorance cannot ascertain :t but such were the difficulties of the way, that of an hundred camels not more than twenty-five were expected to return. Melli was frequented by the Mahometans of Egypt and Barbary ; and the silk of Grenada was often exchanged for the gold and slaves of the most inward Africa. Tliis valuable cargo was distributed in Lhree different channels. The Eastern caravan, the merchants of Grand Cairo, repassed an unknown desert from the Niger to the Nile. The western caravan, after moving in a body from Melli to Tombuto, was separated in the two streams of Tunis and Morocco. The latter approached the sea coast of Arguin : the manufactures of Europe intercepted some portion of the gold dust, and seven or eight hundred blacks were annually exported for the use of the Portuguese. Ramusio, whose views of commerce are just and * I have before me the Latin version of the Sherif al Edrisi, so foolishly styled the Geo- gtophia Nubiensis, by the Maronites (Paris, \61Q, in 4to.), and the Italian original of Leo Africanus, first published by Ramusio (torn. 1. fol. I — 104). The English translations from these writers, in Moore's Travels into Africa (Appendix, p. 1 — 79)> ^''^ e.xecuted by no vulgar hand. f D'Anville's Great Map of Africa affords not any traces of Melli, which is however described by Leo (P. vii. fol. 84.), and which seems to be the Malel of Edrisi. (Geo- graph. Nubien». Ctira. i, P. ji. p. 10.). VOL. Jii. 3 S cjilarged, 498 ON THE POSITION OF THE MERIDIONAL LINE, &C. enlarged, exhorts the nations to invade the monopoly of salt ; to lade their ships at the islands of Cape Verd, and to penetrate by the Sene- gal, and the Gambia, into the golden regions of Africa. But the negli- gence of the Europeans, or the invincible obstacles of nature, have hitherto prevented the execution of this splendid design. But the exchange, with an invisible people, of salt for gold is de* scribed by Cadamosta on the faith of the itinerant Arabs. From Melli the salt was transported on men's shoulders to a great lake or river of fresh water where it was left without a guard on the shore. The mer- chants of Melli, and some unknown strangers who arrived in large boats, had their respective hours for visiting this solitary market : tlie heaps of gold dust which the purchasers deposited were proportioned to the value of the salt ; and as soon as the scales were equal, the price was accepted, the merchandize was removed, and the whole transaction was concluded without seeing each other's faces, but without a sus- picion of fraud or violence. It is added that a King of Melli indulged liis curiosity to know these mysterious traders : but that a captive who had been surprised in an ambuscade, obstinately rejected all food, and died on the fourth day without having shewn the power or inclination to speak. The singularity of the transaction, some circumstances of gross fable, and the silence of Leo Africanus * may provoke a legitimate doubt : but this mode of invisible traffic is reported by Herodotus,t whom the Venetian had never read, and by the Moo^s of Barbary who had never heard of the Venetian. J A question naturally arises whether Prince Henry explored the Atlantic, the sea of darkness as it was styled by the Arabs, in search of à southern passage to the spicy regions of India. The views of Cada- mosta do not seem to reach beyond the fame and profit of his immediate discoveries: but the views of a soldier are not those of his general, and the largest designs are most worthy of a hero who was deeply skilled in * Yet we may prove from Leo or Edrisi the scarcity of salt, the plenty of gold, and the fresh-water lakes in the midst of Africa. f Herodot. 1. iv. c. 196. He gives, indeed, this trade to the Carthaginians, and places the invisibles on the .sea-coast. J Shaw's Travels, p. 239. This learned traveller appears himself unacquainted with the original passage of Herodotus, or the narrative of Cadamosta. the ON THE POSITION OF THE MERIDIONAL LINE, &C. 499 the cosmography of the age. I can admit that he cherished a secret and distant hope of circumnavigating Africa : nor shall I arraign the gratitude of posterity, which has placed on his head the naval crowns of his successful disciples. Their ardour was chilled, about twenty years, under the reign of his nephew Alphonso V. a reign of foreign and domestic war ; but tlie African voyage was prosecuted by the in- dustry of John II. and finally achieved by the fortune of Emanuel. Their royal efforts directly pointed to India and the spicy trade ; the spirit of the court encouraged the Portuguese to press forwards on the ocean, with a brave disdain of prejudice at home and danger abroad. The genius of Columbus tormented Europe, and awakened Spain : but Vasco de Gama was a chosen servant who executed with prudence and resolution the commands of his sovereign. The thirty-seven years (1460 — 1497) between the decease of Henry, and the voyage of Gama, had opened a more extensive sphere of theory and practice. The study of the ancients had been revived : the copies of their writings were multiplied ; and before the accession of John II. (1481), the original text of Pliny, and the Latin versions of Herodotus and Strabo had been repeatedly printed at Rome and Venice.* The circumnavigation of Africa by the Phœnicians and Persians, by Hanno and Eudoxus, became the favourite theme of discourse ; and the fabulous or doubtful tales of antiquity rekindled the courage and pro- moted the discoveries of the modern Argonauts. A planisphere, or map of the world,! was delineated in the Convent of Murano at Venice: the kings of Portugal employed and rewarded the ingenious monk ; and the most perfect edition of his work was long exhibited in a Bene- dictine Abbey in the neighbourhood of Lisbon. Marine charts, such as may be still extant in our libraries, were drawn by Italian artists and distributed to Portuguese commanders ; and the outline of old know- ledge, and recent conquest, announced the subject or, at least, the field * See the Greek and Latin BibliotheccB of Fabricius and the Annales Typographic! of Mattaire. t Tiraboschi, Istoria della Letteratura Italiana, torn, vi, P, i. 2l6, Modena, 1790. For the planisphere of Murano he quotes the Annales Carnal, (of the Camaldoli) torn. vii. p. 252. Mr. Senebier, p. 211, describes some maps of the 15th century in the library of Geneva. 3 S 2 of 500 ON THE POSITION OF THE MERIDIONAL LINE, &C. of inquiry. The mathematicians of John II., two physicians of Jewish names, and a German cosmographer, the famous Martin Behaim of Nuremberg, invented the astrolabe and calculated tables of declina- tion * : the art of navigation was improved, and instead of creeping along the shore, the mariners of Europe gave themselves to the deep. The eastern direction of the coast of Guinea seemed to open a speedy prospect of India : but when the African continent again pointed to the south, the hopes of the Portuguese were blasted ; they viewed witli astonishment the stars of a new hemisphere, and long hesitated on the verge of the equator. The thirty-five degrees of southern latitude from the line to the southern promontory were discovered in two suc- cessive voyages by the captains of John II. : the promontory was tHrned ; and a just confidence in the powers of man imposed on the Cape of Tempests the more auspicious name of Cape of Good Hope. I am told, but I do not believe, that the King of Portugal received from Congo the first intelligence of the Christian Empire of Abyssinia : the unknown space between the Nile and the Zayre is occupied by deserts and savages ; and a more easy mode of intercourse may be found in the common pilgrimage of Jerusalem. The curiosity of John II, was imperfectly gratified : his first messengers returned after a feeble and fi'uitless effort: his second ambassadors were more worthy of their trust, but Pay va died in Abyssinia, and his associate Covigliam was detained a perpetual exile in that solitary land. Yet, before his captivity, the intrepid Covigliam had transmitted home an account of bis first labours. From the Red Sea, he had visited the coasts of the ocean as far as Calicut on the Indian and Sofala on the African side. At Calicut he had seen the great market of oriental spices ; at Sofala le had learned from the Arabian mariners, that the southern ocean is boundless and navigable ; and he justly concluded that the Caravels which traded to Guinea might explore their way to the isle of Mada- gascar and the shores of Malabart. Columbus plunged into the sea of * Geddes's Church History of ^Ethiopia, p. 3g. t Covigliam himself related his adventures to Francesco Alvares, who was found in A'>yssinia (1520), after an exile of thirty years. Viaggio della Ethiopia, c. 103. in Hamusio, tom. i. io]^254. darkness : ON THE POSITION OF THE MERIDIONAL LINE, &C. ZJOl darkness : but the merit of Gama is somewhat abated by the previous inspiration of hope and knowledge. From the designs of Prince Henry to their final accomplishment by Vasco de Gama, the Portuguese discoveries of Africa and India have been the theme of many historians: but the copious stream which uni- formly flows in the same channel is derived from a muddy and penuri- ous source. The inquisitive Raniusio (15.50) deplores the negligence of the kings of Portugal, who sliould have required and preserved tlie fresh memorials of each successful expedition. That no more than four persons had survived to commemorate the acts of their countrymen is the complaint of Castaneda {\553), a laborious historian, who might converse with Gama himself, and who had exhausted the original arcliives of Lisbon and Goa. The narrative of the two African voyages of Cada- mosta the Venetian is the only composition of the fifteenth century which has reached my knowledge * : that curious navigator describes the scenes in which he was personally engaged ; his fancy was not in- flamed by patriotism ; nor could his judgment be affected by any sub- sequent events. From this contemporary monument, I shall extract t!ie purest idea of the primitive designs and discoveries of Prince Henry and his associates. From his castle on the shores of the Atlantic, near Cape Lagos in Portugal, Prince Henry encouraged and improved the art of navigation, without trusting his person to the ocean. The trade between Italy and Flanders passed before him, and Cadamosta himself is an example how liberally he engaged the service of the most skilful seamen, and the bravest spirit of the age. His original motives were religion and chivalry : the master of the order of Christ was bound by the injunction of a dying father to pursue the Moors on the sea as well as on the land: but his zeal was soon directed by curiosity, and his curiosity was re- warded with the first fruits of commerce. His Caravels, which annually * See the Italian original of thes narrative of M. Aluise da Cadamosta in the Collection of Ramusio, torn. i. foho 104—121 ; a Latin version in the Novus Orbis of Grynaeus, and a French abstract in the Histoire Générale des Voyages, torn. ii. p. 285—321. Cadamosta left Venice August the 8lh, A. U. 1454, at the age of twenty-two; he performed his two voyages in the years 1455 and 1456, and he finally quitted Portugal the 1st of February, 1463. infested .502 OÎJ THE PQSITIQN OF THF- MERinHONAL LINE, &C. infested the eoast of Azafi and Messa, were urged by his powerful voice beyond the tremendous capes o*f Non and Boyador ; they slowly moved along a sandy desert of a thousand miles, which drinks the waters of the Atlantic, and explored the Senegal and the Gambia, that separate the countries of the whites and the blacks. From the fertile and populous banks of these rivers they still advanced to the south ; but the Sierra Leone appears to be the most remote discovery of Prince Henry, who in the labour of forty years did not attain the term of the navigation of Hanno. But the Canaries, or Fortunate Islands, had emerged from the darkness of the middle age, and the vessels of Portugal were driven by tl'.e winds, or guided by the compass, to the more distant isles of Madeira and Cape Verd. The commercial profits of Prince Henry and liis associates, which sometimes exceeded one thousand per cent, were derived from various sources. The settlement of Madeira had been rapid and useful ; and the four colonies of the island consisted of eight hundred Christians, of whom one hundred were qualified to serve on horseback. A large quantity of cedar and rose-wood was annually ex- ported, the sugar-canes which Prince Henry introduced surpassed in their produce those of Cyprus and Sicily, and the vines of Candia derived a new flavour from the soil and climate. A plentiful fishery atoned in some degree for the barrenness of the desert. Arguin was enriched by the inland trade ; and the land of the Negroes afforded a fair promise of gold-dust, ivory and slaves. It is curious to observe how strongly in this first interview the superiority of the whites was felt and acknowledged by the blacks. The Portuguese sails as they swelled to the wind were mistaken by the Azenaghis for enormous birds : when the ships lay at anchor near the shore they assumed the form of sea-monsters, and in their rapid motions tliey were likened to the spirits of the air and deep. The Negroes trembled at the sound and effect of the muskets and cannon, one of which, as it was said, could destroy an hundred enemies at a single blast. They admired the dress and music, the arts, the luxury, the riches of the Europeans, who enjoyed their paradise in this world, and who surpassed in power and knowledge the magicians and perhaps the deities of Africa. But an opinion prevailed on the banks of the Gambia, that the black slaves, who were embarked in the foreign vessels, sup. plied ON THE POSITION OF THE MERIDIONAL UNE, &C. 503 plied with ii grateAil food the polite cannibals of Europe. If we follow the fate of these unhappy men, tin's ialse suspicion is ratlier favourable than injurious to Christian humanity. Of the maritime nations of Europe the French have had the smallest share in the fame and benefits of the great naval discoveries. Yet their authors pretend, that they were the first', after the fall of the Roman empire, who sailed along the coast of Africa beyond the southern limit of the world. Before the year 1364, the ships of Normandy had pene- trated as far as Cape Verd, the river Senegal, and the mountains of Sierra Leone; and in the month of September, 136.5, an act of associa- tion was signed between the merchant adventurers of Dieppe and Rouen. The joint efforts of this trading company produced a rapid increase of wealth and knowledge : the domestic names of Paris and Dieppe were applied to the new factories on the coast of Guinea ; and a French title is maintained to the original foundation (1383 — 138G) of the well known fort and settlement of St. George de la Mina. But the civil confusions of France were soon renewed by the insanity of Charles VI. (1392) ; the spirit of commerce and navigation evaporated ; the sons of opulent traders aspired to the rank of gentlemen and soldiers ; their African colonies were deserted or destroyed, and this French discovery vanished like a dream from the coast of Guinea and the memory of men *. , ' It is indeed a dream. — I will not deny that the Normans of the four- teenth century frequented the Atlantic Ocean, that their ships, return- ing with a cargo of Spanish wines, might be driven far away to the southward, and that the conquest of the Canary islands was first under- taken by a private gentleman of Normandy. But this offspring of national vanity, this fable of a Senegal and Guinea Company may be annihilated by some short and simple reflections. 1. Less than thirty years (1334 — 1^64) cannot decently be assigned for the first and most laborious steps of the Atlantic navigation, and these years must fall on the calamitous reigns of Philip of Valois and his son John. The military strength of the kingdom was lost in the fields of Crecy and Poitiers : * See two works of Père Labat, L'Afrique Occidentale, torn. i. p. 6" — 16. and Voyage en Guinée, torn. i. p. 133. 23S, &c, and likewise l'Histoire Générale des Voyages, torn. ii. p. 424. toiu. iv. p. 2, &c. two 504 OV THE POSITION OF THE MERIDIONAL LINE, &C. two hundred and thirty sliips and thirty thousand seamen were destroyed in a naval engagement: Normandy was invaded by the English, Caen was pillaged ; the miseries of war and faction aggravated each other ; the wealth of France was drained for a king's ransom j and the great plague swept away tiie third part of the human race. And was this a time ? 2. The writers of the age are ignorant (and they could not have been ignorant) of these African discoveries. Such exploits would have been enrolled by the historians of Charles V. among the peaceful triumphs of his reign. Would not the archives of France and England afford some acts of regulation or favour to the Norman Company? Must not the new commodities of Guinea, gold-dust, ivory, and Negroes, have been soon noticed in the market of Bruges ? Could the curious and vagrant Froissard never meet a talkative mariner who had sailed beyond the tropic ? The fourteenth century might be inattentive to the benefits of trade ; the genuine or specious miracles of an Atlantic voyage would have been transcribed and read as eagerly as a romance of chivalry or the legend of a saint. 3. The Portuguese may assert the faith of their own historians, but the Venetian Cadamosta was a con- temporary and a stranger : and Cadamosta affirms that their discoveries were long checked by the supposed impossibility of passing Cape Boyador. Could such an impossibility have been supposed, if the French vessels had been seen within the memory of man steering an annual course to their Guinea settlements above twenty degrees south- ward of the impassable cape ? 4. This pile of improbabilities is raised on an airy basis. I might peruse with attention the original act of association in the archives of Dieppe : but, alas ! these archives have been consumed by fire (1694). I uill smile at the reference to some anonymous manuscripts in the library of a town lawyer, whose name is discreetly suppressed. Nor shall I deign to examine the collateral proofs, a vague appellation, a broken date, and the old attachment of the Negroes for the French nation. 5. The motive of this idle fiction may be easily detected. In the beginning of the seventeenth century, the Senegal and Guinea trade was actually exercised by the African Company of Dieppe and Rouen. These merchant adventurers were prompted by interest as well as pride to magnify the antiquity of their liouse, to claim the inheritance of the golden coast, and to urge, against the Portuguese, a prior right of discovery and possession. ( 505 ) APPENDIX TO THE TREATISE ON THE POSITION OF THE MERIDIONAL LINE, INQUIRY INTO THE SUPPOSED CIRCUMNAVIGATION OF AFRICA BY THE ANCIENTS. Dr. Vincent, Deaii of Westminster^ to Lord Sheffield. My Lord, Deanry, Westminster, Nov. Gth, 181J. ilAD proof been wanting of Mr. Gibbon's indefatigable spirit of research, his Dissertation, which you have put into my hands, would have shewn that he was as highly qualified for the great work which he accomplished, by patient industry, as by his learning, penetration, and discernment. I have sometimes, by way of amusement, traced Mr. Gibbon through his authorities in several detached portions of his History, and on every subject but one I have found the extent of his acquisitions, the adjust- ment of his evidences, the accuracy of his deductions, and the com- prehensive view of his subject, such as to place him in the very first rank of historians. It is evident that in the earlier part of his life, before his pursuits were concentred in one great object of his ambition, he had exercised his talents in various speculations of curious inquiry, as his inclination, or perhaps accident directed. Of these your lordship has given an ample specimen already in the two volumes of his miscellaneous re- search ; but his dissertation on Geography, Navigation and Commerce, which you now propose to communicate to the public, as it is in itself of a superior cast, so it is to me, individually, of greater interest, as it VOL. iJi. 3 T embraces .506 APPENDIX. — IN^QUIEY INTO THE embraces a subject upon which the labour of my life has been em- ployed, and fortunately ratifies my decision of the question by deducing the same conclusions from the same premises. Our mutual correspondence on this subject is so similar, that, unless plagiarism were demonstrably impracticable, it might be imputed to cither party with every appearance of probability to support the charge. The proof, however, to the contrary, is unequivocal, for Mr. Gibbon died in January, I79i, and my first edition of the Periplûs of the Ery- thrêan Sea was not published till 1800. Neither was it possible for me to have seen Mr. Gibbon's memoir, as it was in your lordship's custody till October, 1814. If, then, we have both used the same materials, and applied them to the same purpose, without communication, it is but reasonable to allow that the sole object of both must have been the investigation of truth. That I am proud of this coincidence of opinion, may naturally be supposed, for it will appear from the Dissertation itself that Mr. Gib- bon had examined this subject with the utmost attention, and formed his judgment upon mature deliberation. My own arguments, and the conclusions deduced from them, are stated at large in the Periplûs, at p. 186, Part the first; and at p. 661, Part the second, there is an express dissertation on the Venetian planisphere of Fra Mauro, which exhibits a southern termination of Africa, thirty-nine years previous to the voyage of Garaa. My work has probably not come under your lordship's contemplation, but I recommend you to consult the second edition as far more correct than the former one. It was published in 1807, comprising the voyage of Nearchus and the Periplûs, under the general title of the Navigation of the Ancients in the Indian Ocean, and completed in 1 809, with a translation of the two original voyages, and the Greek text. I am sensible that I had given offence to many eminent persons in the republic of letters, by questioning the authority of Herodotus in regard to the Phenician voyage round Africa in the reign of Neko ; and it must be confessed, that it stands on very different grounds from similar voyages imputed to Hanno, Eudoxus, and Antipater ; but by comparing it with the voyage of Nearchus it was easy to shew what ancient navigators could, or could not do ; and by contemplating the reiterated CIRCUMNAVIGATION OF AFRICA, &C. 507 reiterated attempts of the Portuguese for almost a century before thev succeeded, it was natural to conclude that the Phenician voyage per- formed in three years, must be a fiction of the Egyptian priests, without impeaching the veracity of Herodotus. The Phenicians directed their course by the stars without instru- ments, and the navigators in the Indian ocean, as late as the time of Ptolemy, sailed by the Canubus, as the southern polar star. But that star is in latitude 37° from the pole, by which we may judge of the danger of adopting it for the direction of a course in the southern hemisphere. The currents, it is true, round the Cape, favour an attempt from the east, but again the currents for twenty degrees in the neighbourhood of Cape Verd, are as directly adverse. Could they double such a Cape by rorcing near the coast ? or durst they stand out to sea to double it as modern navigators do ? These are my grand objections to the Phenician voyage, and with all the respect I bear to the Father of History, the authority of his Eg}ptian priests is directly contradicted by Polybius, Strabo, Ptoleni}', and Scylax ; and equally rejected by Purchas, D'Anville, Gossellin, and Robertson, among the moderns ; to this list let me add the name of Horsley, who personally expressed to me his conviction, and the testimony of Gibbon, whose evidence I value as highly as any that has been given by the ancients or the moderns. Very happy should I have been, if I could have included the illustrious names of Larcher and Rennell in the number ; but I respect them both too much, to give offence by entering into a, consideration of their arguments. I conclude, my lord, that there are several other Tracts to be inserted in the volume which you are now publishing, that will be equally acceptable to the learned v/orld ; but this immediate disqui- sition is more interesting to me, as it corroborates all the arguments which I have advanced, and all the opinions I had formed ; and give me leave to add, that if my judgment is of weight, a more masterly treatise than this never came from the pen of Gibbon, I have the honour to subscribe myself, Your lordship's most obedient and faithful servant, W. Vincent. 3 T 2 NOTES ( 508 ) NOTES ON MR. GIBBON'S TREATISE THE POSITION OF THE MERIDIONAL LINE, AND INQUIRY INTO THE SUPPOSED CIRCUMNAVIGATION OF AFRICA BY THE ANCIENTS, By THE REV. DR. VINCENT, DEAN OF WESTMINSTER. P. 482. Note. " The ignorance of Ptolemy."^ The inaccuracy of Ptolemy in placing all islands, except those of the Alediterra- jiean, is universally conspicuous. V. P. 483. " A multitude of dogs and goats." Ptolemy and Pliny give the name of Canaria to one of these islands, from the mul- titude of dogs, and Ptolemy places them on the coast of Mauritania. The number and position of the isles when again visited by navigators, whether Spanish, French, or Genoese, made them readily cognizable as the Canaries of tlie ancieuts. As the pike of Tenerifie is visible from the continent, these islands, when re-disco- vered, were found to be inhabited. Madeira, which is not visible, was found without inhabitants. V. P. 487. " Arrian, or the nameless author who under the reign of Adrian has com- " posed a description of the Red Sea." Ptolemy wrote in tlie reign of Adrian, but it is clear from internal evidence that the Periplus is prior to Ptolemy, and to Marinus, cited by Ptolemy. The latter part of the reign of Claudius, or beginning of Nero's, suits best with the date of the Peri~ plus. V. P. 4S9. INQUIRY INTO THE CIRCUMNAVIGATION OF AFRICA, &C. 50g P. 489. " The ships of war wliich he (Nechus, or Neko) built coiiiniandcc] tlie " Mediterranean and the Red Sea." Psammitichus, the predecessor of Neko, was the first sovereign of Egypt wlio permitted the Greeks to trade in his ports, and why Neko shoukl on a sudden wish to become a maritime power, it is not very evident; for, according to Jal>- lonski, the Egyptians held the sea and seafaring men in abomniation, neither do Egyptian fleets nor ships appear in history till Egypt became subject to Persia. It is true that Herodotus assigns a fleet on the Mediterranean to Neko, but I do not recollect any expedition of the Egyptians in the Mediterranean, e\eD in a latei period, except the conquest of Cyprus by Aniasis. And if Neko employed Phenicians on the Ked Sea, it is a proof that the Egyptians were not navigators in his reign. V. P. 490. " The Phenici.ins reported that, in sailing round Africa, they had seen " the sun on their right hand." If the great triangle of Africa were cut off, as it appears in tlie map of Berlins, and this continent bounded by a va^t line running north and south, this phenomenon would be verified for a great part of the voyage; but vVfrica ending iu a point, as it does strictly speaking, it would be visible only at the apex of the triangle It seems probable that in the conteuipUition. of Herodotus, Africa was suni'ar in form to the Africa of Berlins, and this is correspondent to the opimoii of Juba, Manilius, Pom- ponius Mela, Macrobius, and Virgil. See the Map of Bertius in Vincent's Ancient Commerce, vol. ii. p. 562. Second Edition, v.. P. 491. " But a southern communication between the Indian and Atlantic ocean " might be affirmed or denied." The two circumstances mentioned by Herodotus afford ground for arguinent; but the voyages of Scylax, Eudoxus, Antipater, &c. contain no particulars ; they announce the'fact, but never consider huiv it was accomplished. In the voyage of Neurchus- and the Periplûs we have the full detail; and by considering the difficulties which occurred, it is easy to determine what ancient navigators could or could not do. V. lb. " My surprise and suspicion are excited by the successful agriculture of the " strangers iu unknown climates and new soils; by the seeds ofthe temperate " zone which yield their increase between th<- tropics." Gossellin contends that the seasons of the southern hemisphere do not answer to the harvests of the northern, or the seed time ; and Larcher, forced to concede this, supposes that on this point Herodotus gives only his own misconceived opiniou, M'itliout reference to the Egyptian records. V. P. 4yii. 510 APPENDIX. — INQUIRY INTO THE P. 491. " 111 twelve days from the Straits of Gibiahui lie (Hanno) reached the " small island of Cerné or Arguin." The voyage of Hanno, brief as it is, contains circumstances and particulars suffi- cient to establish its veracity ; and the assumption of Arguin for Cerné is the more probable from its offering convenience for a Portuguese settlement, as it had done to a t^arlhaginian colony. It answers likewise to the local circumstances given by Hanno. Campomaues has wildly earned Cerné to St. Thomas's, under the equator, while Arguin lies in latitude 21° north. See Major Rennell's Dissertation, Geography of Herodotus, p. 719. V, P. 492. " The geographer Scylax denies tlie possibility of navigating beyond " Cerné in a shallow and muddy ocean." Scylax agrees widi Aristotle in supposing that the Atlantic communicates with the Indian Ocean, but says the navigation to the south was impracticable on account of the weedy sea, through which a ship could not make her way. This is an illustrious truth, for the weed calltd salgasso does occur about Cape Blanco for many degrees, tliough moveable in bulk ; and this proves that the ancients did navigate the Atlantic as low or lower than 20° north latitude. V. P. 493. " The single and hasty assertion of the elder Pliny." It is strange that Mickle should have been misled by the authority of Pliny. But he asserts, in contradiction to his own genius of the Cape, " It is certain that Hanno doubled the Cape of Good Hope." Lusiad, p. 2. V. P. 496. Note. " The English translator of Camoens justifies this impropriety ■" by an old Syriac version of Homer." Asserted by Abulpharage. V. lb. " According to the most liberal computation, Vasco de Gama discovered " no more than twenty degrees of southern latitude from the Cape of Good " Hope to Mozambique." Gama went as high as Melinda. V. ~ lb. " The African trade of the Portuguese, as it is described by Mosto." The voyage of Cadamosto in Ramusio gives the particulars of Prince Henry's contracts with the navigators he employed, and is equally honourable to his integrity and his wisdom. He drew much of his inforaiation from Venice, and was rejoiced to tempt a Venetian mariner into his service. Cadamosto is a Venetian abbreviation of Casa di Mosto : this man was of the house, or family, of Mosto. V. P. 498. CIRCUMNAVIGATION OF AFIÎICA, &(!. 511 P. 498. " But the excliange, with an invisible people, of salt for gold is described " by Cadamosto on the faith of the itinerant Arabs." Gold was first met witli by Henry's navigators at Rio d'Ouro, under the tropic of Cancer; and the sight of a few ounces brought home by them was the immédiat» cause of estabhshing an African Company at Imagos. The spirit of adventure was roused, and the prosecution of discovery ensued, whicli never ceased till tlie circum- navigation of Africa and the voyage to India were accomplished. V. lb. " But tlic views of a soldier are not those of his general." That the views of Prince Henry were directed to India, is evident from his exer- tions to procure maps and information from Venice, at tiiat time the great mart of oriental commerce. V. P. 499. " A planisphere, or map of the world, was delineated in the Convent of " Murano at Venice." A fac simile copy of this map is now placed in the British Museum, procured from Venice at the suggestion of W. V. and obtained by a subscription of 0^200 and upwards. The subscribers «ere the India Company, The Bishop of Durham, Earl of Buckinghamshire, Mr. Strahan, Earl Spencer, W. Vincent. Eail Macartney, It is a splendid performance, and contains a termination of Africa in 1459, thirty- nine years previous to the voyage of Gama. V. P. 501. " Castaneda (1553), a laborious historian, wha might converse with Gama " himself." It may be justly supposed that Castaneda wrote from the Journal of Gama, for the narrative often adopts the first person. It has nothing of the marvellous of Osorio. V. SELECTIONS ( -512 ) SELECTIONS FROM MR. GIBBON'S COMMON-PLACE BOOKS, iMEMORANDA, &c. N. B. Tlve earliest of these common-place h<>ok3 is entitled " Recut'il dans lequel je me propose d'écrire ce que je trouverai de remarquable dans mes Lectures His- toriques."* Commencé à Lausanne, I9 de Mars, 1755. Nthil legit quod non excerperet, dicere enim solebat nullum esse librum tam malum u'c non aliq lâ parte prodesset. Plinius junior ita loquitur de avunculo suo. '* Pliny Junior. — Le traducteur François des Lettres de Pline a fait quelques méprises que je relèverai II dit dans sa vie de Pline " que le royaume de Bithynie avoit été légué aux Romains par Attalus fils de 0) Lettres de Prusias, un de ses rois, et qui se disoit affranchi du peuple Romain. ''(1) pl'41'deTàvie !"""'• Le prince qui légua la Bithynie aux Romains ne s'appela point deVAut.ur. Attalus; sou nom étoit Nicomède. Il'"™'- Il n'étoit point le fils de (2)Appian. m Riusias. (2) lll'^'=" Faut-il cutcndre les mots " Qui se disoit affranchi Sell. Mnhrid. ^ ' ^ ^ p. 175 15 (Ju peuple Romain" de cet Attale, ou de Prusias? c'étoit seulement du £dit. Hrn. I r stcph. Vil. dernier qu'on pouvoit le dire avec vérité. Ce même traducteur dans un Paler, hb. li. p. 4. 39 autre endroit (3) traduit le m it Forojulii par celui de Frioul. Mais il lib y: " est certain que l'endroit en question étoit une ville en Provence, près Epi,t. iib."v. de Marseilles. (4) On l'appelé à présent Fréjus. Ep. 19. (4) cellar. Notit. Orbis .^^^^^ Antiquis, toni r. (•. 150. serTir:. i Mis- Cromwell. — L'Europc avoit accordé le titre de grand alors à trois dcnbourg, priuces *. à Louis Quatorze, a Cromwell, et a Frédéric Guillaume. A Croniwei! pour avoir sacrifié tous les devoirs d'un bon citoyen à la gloire de régi! 'r sur l'Angleterre ; pour avoir perverti ses talens, qui, au lieu de devenir utiles à sa patrie, ne servirent qu'à son ambition ; pour * Only the few extracts in French are taken from'this Recueil, avoir EXTRACTS FROM MR. GIBBON's COMMON-PLACE BOOKS, &C. 51.'] avoir caché ses impostures sons le masque du fanatisme; assujetti sa nation à sa tyrannie en combattant pour ses libertés ; pour être devenu le meurtrier de son roi, qu'il immola à ses fureurs; pour être hardi, ar- tificieux, passionné, violent, injuste, et non vertueux ; pour avoir des grandes qualités, et manquer des bonnes. BocHART. — Je relèverai deux petites méprises dans lesquelles M. de Bochart est tombé. !"""'• Il cite, pour prouver que l'empereur Conrad II. n'avoit jamais pris le titre de Roi de Bourgogne, une charte de l'empereur Henri III. son fils et successeur, qui finit ainsi; Signum Domini Henrici Regis Invic. Teutonicom Tertii, Secundi Romano- rum Imperatoris Invictissimi, et Burgundionum Primi. Se seroit-il dit le premier (dit M. de Bochart), si Conrad son père avoit porté en quelque façon le titre de Roi de Bourgogne? Mais comment ne voyoit- il pas lui-même que le Primus ne disoit rien, sinon que ce prince étoit le premier Roi de Bourgogne du nom de Henri? Pouvoit-il s'appeler le troisième Roi des Teutones, ou le second empereur? Au lieu qu'il (i^M.de étoit bien Henri II. comme empereur, et III. comme Roi d'Aile- moireV sur la magne; Henri l'Orseleur n'étant considéré que comme Roi d'Aile- cien"e,tom.ii. magne, parcequ'il n'avoit point reçu la couronne impériale des mains fo) idém du Pape. (1) ^t^^-^t II""="'- Il dit que les Tigurini étoient les seuls, excepté Hannibal et les 'Z\!!'tu°'^ Samnites, qui eussent fait passer les Romains sous le joug. (2) Sans Grace'ho^'''' rechercher des exemples bien loin, les Numantines (3) et Jugurtha(4) ^^iif jù^^c'as firent subir cette ignominie à des armées Romaines dans le même siècle '■^J ^^-J^^.^"' *-* chart, Me- que les Tigurini. Je ne blâme point M. de Bochart d'avoir traduit le «>o""suru '-' ^ Suisse An- mot Interpres(5) d'un passage de Cicéron (6) par celui d'interprète, tienne, tom.L Je sais bien que Interpres le signifie, mais il me semble qu'il auroit été C^) cicer. in 1 P ^ Vat. c. 15. plus conforme atix fonctions des légats dont Cicéron parle s'il l'avoit O virgii. 1 1-1, , . , , jEneid. lib. iv. rendu par celui d entremetteur ; d une personne qui est employée dans v. co8. la médiation de quelque affaire. C'est dans ce sens que les meilleurs Famii. ub. ». , '■ Ep. 15. n. auteurs s en servent, (y) v aussi lei Re. marques de M. Ross, l'éditeur Anglois, là- dessus Tit. Liv. Hist. lib. ii. C.33. VOL. m. 3 ti Ambrones. 514 EXTRACTS FROM MR. CIDBOn's COMMON-PLACE BOOKS, &C. ci)M.deBo- Ambrones. — M. (le Bocliart (1) croit ne devoir pas admettre les Am- rhait, Me- ^ ' moires sur l'An- brones entre les quatre peuples qui formoient la cité Helvétienne du cicnne Suisse, * i x x tnin. ii. p. i8(i, temps de César. Sa meilleure raison pour cela est le témoignage de Cé- sar lui-môme, qui dit que les Tigurini furent les seuls des cantons Hel- vétiens qui joignoient l'armée des Cimbres et des Teutons dans leur (2^c.-esarde gucrre coutrc les Romains. (2) Or il est certain que les Ambrones lib. i.e. 12. furent de cette expédition. 11 acquiesce assez dans l'idée du P. Ou- (3) V. la Dis- din, (3) qui les plaçoit dans le pays qu'occupoient depuis les Sébusiens, din dans le qui étoicut rcsscrrés entre les confins des Séquanois, le Rlione, et l'A ins. Recueil de . • i \ i Pièces d'Hist. Aussi trouvc-t-on dans ces quartiers-là beaucoup de noms qui ressem- et de Littéral. ,,^ , ,i ••hit. n ti lom. iv. p. 1. blent fort au leur, comme Ambournay, petite vilJe de Isugey, &c. 11 faut convenir qu'Ambro, qui signifioit en Celtique pays d'eau, convient assez bien à celui-ci. Car les terres du bord du Rhone depuis l'Ecluse jusqu'à Lyon étoient pour la plupart des marais. C'est ce qui fit dire à AmiTîien Marcellin que le Rhone, en sortant du Lac Léman, passe par de vastes marais, par immensa paludum, dans le pays des Séqua- nois, le Bugey. Il croit néanmoins que le P. Oudin à trop resserré les limites, et tant à cause de la ressemblance du nom, que parceque cette nation paroit avoir été fort nombreuse, il veut qu'elle s'étendoit jusqu'à Anibrun, en Dauphiné. Vie de Cor- CiD. — Après l'IUusion Comique, M. Corneille se releva plus grand neille, p. 72. ,i/^ • • niz-^-i t .-v ii/» t mise devant ct plus fort quc jamais, et fit le Cid. Jamais piece de théâtre n eut un l'édition de ses • i \ t • i« • • i ^ ouvrages de la SI grand succos. Je me souviens d avoir vu en ma vie un homme de ^^*' ■ guerre et un mathématicien qui, de toutes les comédies du monde, ne connoissoient que le Cid. L'horrible barbarie où ils vivoient n'avoit pu empêcher le nom du Cid d'aller jusqu'à eux. M. Corneille avoit dans son cabinet cette pièce traduite dans toutes les langues de l'Europe, hors l'Esclavonne, et la Turque. Elle étoit en Allemand, en Anglois, en Flamand, et par une exactitude Flamande on l'avoit rendue vers pour vers. Elle étoit en Italien, et, ce qui est plus étonnant, en Es- pagnol. Les Espagnols avoient bien voulu copier eux-mêmes une pièce dont l'original leur appartenoit. M. Pehsson dit dans son His- toire de l'Académie qu'en plusieurs provinces de France il étoit passé en proverbe de dire, " Cela est beau comme le Cid." Si ce proverbe a péri EXTRACTS FROM WU. GIBBON's COMMON-PLACE BOOKS, &C. 5\'> a péri il faut s'en prendre aux auteurs, qui ne le goûtoient pas j et à la Cour, où c'eût été très mal parler, que de s'en servir dans le ministère du Cardinal Richelieu. Berne. — M. de Bochart n'est point dans l'idée générale au sujet du Bothart, m^. r o ^ moires sut U nom de la ville de Berne. On croit que Berchtold, Duc de Zaringue, suisse An- '■ _ _ ' cienne, torn. m. son fondateur, le lui donna à l'occasion dun ours qu'on avoit pris dans p. 118-127. l'endroit où est à présent la ville, Bar signifiant en Allemand un Ours. M. de Bochart veut le tirer de Bern, qui dans la langue Celtique veut dire une Colline ; nom assez fréquent dans les pays Celtiques, et qui convient fort bien à la situation de Berne. Voici les remarques qu'il fait sur le sentiment commun. jmeut. Q^g quoiqu'il y eût quelque conformité entre Bar et Bern, ces deux mots ne se confondoient point, et n'étoient point synonymes dans l'idiome Allemand en usage au douzième siècle. Ce n'est que dans l'ancienne langue de Scanie qu'on voit une dans le nom de l'Ours. jjment. Pmcgque ccttc histoire suppose que Berchtold étoit dans le pays au printems de l'an 11 91. Or il est certain que ce prince étoit à la Terre Sainte avec l'empereur Frédéric I. l'automne de 11 90, et il est vraisemblable qu'il n'en revint que l'an 1 1 93. jjjment. jj reiiiarque que de toutes les chroniques qui en parlent il n'y en a aucune plus ancienne que 1420, près de 230 ans après la fon- dation de la ville. jyment. Qjjg ^.^^g j^g monumeus qu'on cite sont postérieurs à la pre- mière des chroniques, et que par conséquence, ils ne prouvent rien, sinon que cette tradition étoit répandue alors. yment. Qyg jgg amics de Berne, qui sont un Ours, ne décident de rien, mille autres raisons pouvant y avoir donné lieu aussi bien que la prétendue chasse de l'ours. Si j'osois combattre une opinion si généralement reçue (l'étymologie m. dewatte- et l'origine du nom de Berne) je hasarderois bien de dire que je crois confédér. iiei- l'histoire de cette dénomination une pure tradition, qu'on peut pardon- B«ne™m4.' * ner au siècle qui vit paroître la première histoire de Berne. Ce ne fut qu'en l'an 1420 que le Chancelier Conrad Justinger reçut l'ordre d'y travailler. V. Kettler, torn. i. p. 122. Je n'ai qu'une conjecture à 3 u 2 opposer .516 EXTRACTS FROM MR. GIBBON's COMMON-PLACE BOOKS, &C. opposer ;\ cette tradition. Elle est fondée sur la signification Celtique du mot Bern, qui vouloit dire l'endroit où l'on s'assembloit pour rendre la justice. V. Wacliter, Glossar. German. Voce Bar. Le château de Nideck, prtis duquel la ville à été bâtie, étoit vraisemblablement un de ces lieux de justice, dont le Duc aura voulu renouveller et conserver la mémoire ; c'est pourquoi il aura donné le nom de Berne à sa nouvelle ville. tes césars de Satubnales. — L'oniniou commune est, que durant cette fête, les l'empereur '■ Julien, traduits valcts changcoicnt non seulement d'équipage, mais de condition avec heim, p. 3, 6. leurs maîtrcs, et en étoient servis à table. Je trouve néanmoins sur ce sterdam, 1128. dernier article, que Sénèque, (1) Stace, (2) Plutarque, (3) Justin, (4) Epi5t. 47. ' Lucien, (5) et Macrobe, (6) parlant de cette fête, se contentoient de (2) Suce, in ,, . , a i»-i syivis Kai. dire que les valets mangeoient avec leurs maîtres, et des mêmes viandes, (3) Plut, in et là-dessus rapportent l'origine de cette coutume à l'égalité qui étoit (4) Just. sous le règne de Saturne sans aucune distinction de maîtres ou de va- c's) Lucien, in lets. Servius en parle aussi. (7) Athénée en parle un peu autrement, (8) (ôj'Macrob. in et commc les Romains ne traitoient pas seulement leurs valets, mais (7^'serv. ad' ^' Iss servoieut, ne laisse pas de reconnoitre que c'étoit une coutume ^"llhen. Grecque. Lucius Accius, ancien poëte Latin, dit que les Romains lib. xiv. avoient reçu cette fête des Grecs, et surtout des Athéniens, qui l'ai- co) Macrob. in moicnt bcaucoup. (9) On voit des traces de cette institution parmi les OoVBo'ch.V' Egyptiens, les Babyloniens, et les Perses. M. Bochart(lO) en attribue phai. 1.1. c. 1. poi-igine à la malice des descendans de Chara, qui vouloient tourner en ridicule la prophétie de Noé contr'eux ; M. Huet au Jubilé des Hé- <'!)"""• breux, où on voyoit quelques-uns des mêmes usages. (11) p. 136. Mëra. de Giants. — Monsieur l'Abbé Banier nous donne le précis de ce qu'on l'Académie des i . / »-yii t > Belles Lettres, a dit pour ct coutrc l'existcncc des Géans. M. l'Abbé ZiUadet pretend Tostatusin qu'il y a cu des villes et des peuples tous entiers de Géans. M. Hen- Theod. i^•yckius riou Va encore plus loin, et nous donne une espèce d'échelle chrono- Kumbe's.'lii'i!' logiquc sur la différence de la taille des hommes jusques Jésus Christ. vers 576. ^^^ '' AdaiTi sclou lui avoit 123 pieds 9 pouces de haut, et Eve 1 18 pieds 9 fTan.hb. i"**' pouces } d'où il établit une règle de proportion entre les hommes et les *■ '^" femmes no. Plin. Hi,t. l.iii. 16. EXTRACTS FROM MR. GICBOn's COMMON-PLACE BOOKS, &C. 517 femmes à raison de 25 à 24. Jl donne 20 pieds de moins à Noé qu'à l'i.irp.i, de Adam, 28 à Abraham, 13 à Moïse, 10 ù Hercule, et ainsi des autres. Mirac.ch. 14. . n- 1/-^/ i'ii Tment Pausanlas ifi Ceux qui soutiennent lexistence des Ueans, se tondent, 1 ' sur Attic, c. -.^3, et l'autorité de l'Ecriture qui parle des Géans, des fils d'Enac, et du lit Ph.i^trat^. in d'Og, roi de Basan ; II"""' sur le témoignage des auteurs prophanes ; /n'sclm','!,"'""'* et III°'""- sur les os monstrueux qu'on a trouvés dans plusieurs endroits, l Leurs adversaires leur ont répondu que les Géans de l'Ecriture étoient des gens remarquables plutôt par lénormité de leur conduite, que par celle de leur taille ; et que d'ailleurs leur taille, quoique au-dessus de l'ordinaire, n'approchoit pas à la grandeur que ces messieurs leur attri- buent. A l'égard des os énormes une grande partie de ces histoires sont fabuleuses, ou du moins exagérées ; et le reste des os sont sup- posés d'avoir été les os des éléphans, ou de quelques autres bêtes fort grandes. Au reste, selon eux, à juger de l'exacte proportion de la nature, il paroît que des hommes de notre taille ont été faits pour cul- tiver cette terre. GiANNONE. — Je marquerai quelques erreurs dont l'exactitude de M. Giannone dans son Histoire de Naples ne l'a point garanti. I" (1) Il fait une faute d'omission en prouvant que Naples étoit (i) Giannone, 1 T< • 1 XT) • •! Hi«t. (lu Roy- une Ville Grecque par un passage de lacite seulement. N avoit-il aune le Naples, jamais lu Velleius Paterculus, qui dit formellement, (2) que Naples a (2) vdi. pâterc. été bâti par les Cuméens ; que Cumes étoit une colonie des Chalcidiens ; et que ceux-ci descendoient des Athéniens? II"" L'empereur Frédéric L, Barberousse, n'étoit point le fils (3), (3) Giannone, . ^ ' ^ Hist. de Naples, mais bien le neveu de l'empereur Conrad II (III). lom. ii. p. 440. Ill'"""' Il dit (4) que la France est le seul état Chrétien où le clergé (4) Mem, tom. fait un ordre du royaume ; en Suède et en Danemarc le clergé en '"' ^' ''' fait un. IV """ Robert, Cardinal de Genève, n'étoit point Allemand, (ô) Il (5) idem, tom. étoit, comme notre auteur dit lui-même, de la famille des comtes du Genevois. Or je n'ai jamais entendu compter le Genevois pour une partie de l'Allemagne. CUR.^TORS. .'îlS EXTRACTS FROM MR. CIBBOn's COMMON-PLACE BOOKS, &C. M He Bochart, CuRATORS. — Lcs Curatcurs (Ù prendre l'idée que M. de Bochart nous I'AndenuV"' doniie suF cc sujct) étoicut les magistrats des villes miuiicipales du 'p^oii-l'sïù." tems de l'empire Romain. Il est difficile de prononcer d'une façon bien exacte sur leurs fonctions, et leur pouvoir ; celle varioit selon la consti- tution des endroits diôcrens. Dans quelques villes ils avoient de la juridiction, dans des autres ils n'en avoient point. Ici, c'etoient les magistrats principaux ; là, ils n'étoient que subordonnés. Les décu- rions, ou les conseillers des municipes, les élirent, aussi bien que tous leurs autres magistrats. Pour que l'élection fût dans les règles, il fal- loit deux tiers des voix du conseil, et la confirmation du gouverneur de la province. Quelquefois le peuple demandoit au conseil les ma- gistrats qu'il souhaitoit, mais c'étoit sans effet de droit, si le conseil n'approuvoit cette réquisition par un décret. L'emploi de curateur étoit pour une année. Comme ceux qui en étoient revêtus étoient obligés à donner des spectacles au peuple, et à plusieurs autres dé- penses considérables, on se soucioit assez peu de s'en charger. Aussi les empereurs furent-ils obligés de faire des loix fort sévères là-dessus. Ils n'étoient obligés pourtant d'entrer en charge que trois mois après leur élection, afin qu'ils eussent le tems de porter leur appel devant les gouverneurs des provinces au cas qu'ils voulussent en faire. On ne pouvoit point les obliger de l'avoir plus d'une année ; et les citoyens qui l'avoient accepté plus d'une fois avoient grand soin de le mettre (i)Gtuier. parmi leurs titres sur les monumens publics. (1) Quelques savans ont cu'vi^iu."^^' ^^"'^^ qu'il falloit être citoyen Romain pour y parvenir; mais M. de Bochart rend fort vraisemblable, tant par des autorités que par des raisonnemens, que les provinciaux en jouissoient également. vigneuiMar- Selden. — Lc petit traité de Selden de Diis Syriis est un chef- d''Hi'st!'e!"de d'œuvre d'érudition. Tout ce que les recherches les plus singulières Lut^ torn. 111. pgyygnt fournir de curieux sur cette matière, ce savant homme l'a mis en œuvre. S. Bochart, excellent juge en cette matière, l'appelé Ubellum aureum ; et le célèbre Vossius l'a presqu'entièrement copié dans son traité de l'idolâtrie, qui est aussi dans son genre ce que nous avons de plus achevé. Sccedius, à l'imitation de Selden, a fait aussi un traité des divinités Germaines. Mais excepté ce qu'il puise dans l'auteur Anglois, il n'a rien de fort curieux ; ce sont des recherches vagues, des conjectures EXTRACTS FROM MR. CIBBON's COMMON-PLACE BOOKS, &C. 619 conjectures souvent sans fondement, et qui apprennent peu de chose. On a fait plusieurs éditions du traité de Seldeu. Je me suis cependant toujours servi de celle de Leyde, 1 629, qui est assez correcte. Bayle. — Je marquerai une petite faute de cet illustre savant. Il dit (l)que Charles II. roi de Naples, de la maison d'Anjou, n'eut que (i) Bayie.nirt. quatre fils : — Charles Martel, qui fut roi d'Hongrie ; Robert, qui suc- Anidedé "'"'^' céda à son père dans celui de Naples; Jean, fondateur de la branche Naples! Rem. a'. des ducs de Duraz ; et Philippe, fondateur de celle des princes d'Achaie. Or il est certain qu'outre ces quatre fils il en eut encore •* ^ (2) Ciannonc, quatre dont 1 un nommé Louis fut canonisé par Pape Jean XXII. (2) Hist. civ. da Royaume de Naples, torn. iii. p. 195. Velleius Paterculus. — G. Vossius, dans cette vie de Velleius Pa- biës GT"éa4'i. terculus qu'il a tiré de son grand ouvrage de Historicis Latinis, et qu'il "■i'-^^'- a mis devant l'Elzivir édition de cet auteur de l'an 1639, rapporte (1) (i) Gerard vos- n 1 Ti--/-^i- n ir\ sius in illa Vila, un iragnient de son Histoue Gauloise que Wolfgangius Lazius ditps. •i', 5. / Yi • 7 1 • • 1. / > Wolfganciius avoir trouvé. 11 contient la description d une grande défaite des Ro- La/.ius, i \. mains par les peuples de la Norique, et de la Rhaetie. Gerard Vossius rum'Rei"p.^Ro- ^ijoute que Marcus Velserus avoit prouvé avec un grand soin qu'il étoit c s. &e. m. ' supposé. N'ayant jamais vu les ouvrages de Velserus, je ne sais pas de Angust'an."vin- quels argumens il s'est servi, mais en voici quatre qui en démontrent la fausseté. I""^"'- On y fait lés Macédoniens alliés des Romains; ils avoient été leurs sujets dejiuis que la Macédoine eut été conquise par Paule Emilie, l'an de Rome 535. H'"*^"' On y dit que C. Verres étoit tribun dans cette guerre, et qu'il n'évita la mort, qu'en se cachant dans les marais. Si cela étoit, est-il croyable que Cicéron, qui dans ses plaidoyers contre Verres nous trace une espèce de tableau de toute sa vie infâme, (2) qu'il eût (dis-je) passé en silence un trait qui ouvroit (2) cîcero in un si beau champ a ses invectives? nr"*^'»- H n est point vrai que passim. Verres étoit proconsul de la Sicile ; il n'y a qu'ouvrir les Verrines de Cicéron pour voir qu'il n'en étoit que le Préteur. IV"""'- Il est faux que Verres étoit puni de mort pour son administration de la Sicile ; il étoit banni, et sa mort n'arriva que près de trente ans après, Marc Antoine l'ayant fait mourir pour avoir ses statues, et sa vaisselle Co- rinthienne. (3) Peut-on s'imaginer que Veil. Paterculus eût fliit des (3) pi;» N^t- bévues c. 'i. 5'JO EXTRACTS FROM MR. CIBBON's COMMON-PLACE BOOKS, &r. (4) De 100 an. b6vues si giossièics sur des événeniens qui touchoient de si près à son seulement. Car Verres fut jugé teiTlS ? (4) l'an 683. Veil. Pater, écrivit son Hist, l'an — ^i—— — 183 de Rome. Vertot (Abbé de.) — Je relèverai deux ou trois bévues de ce célèbre historien. I"'*"'' Il dit que dans la Guerre Sociale C. Marius, Q. Ca- tulus, Cn. Pompeius, et L. Sylla ne se firent point de peine de servir sous les consuls en qualité de lieutenans, quoiqu'ils eussent tous com- (0 Vertot, mandé des armées auparavant comme consuls, et généraux. C 1 ) Je Revol. de la Re- _ \ / publique Ro- l'avouc bien de Marius et de Catulus, mais non pas des autres. Je ne niainc, torn. iii. p. 32. La Haye, comprends pas comment M. de Vertot ait pu laisser passer une faute si frappante. Sans parler du témoignage exprès de Velleius Paterculus, Pi^i y''i5!''du (2) (son auteur favori,) ni de Cicéron, (3) il n'avoit qu'à jetter les sîilia^ P°"' yeux sur les Fastes Consulaires pour voir que la Guerre Sociale éclata (3)Cicer.pro SOUS le consulat de Julius César et de P. Rutilius Lupus A. U. C. 663 : Fonteio, c. 13. * ' du moins aussi gy ^jgy qyg c^. Pompéc ne fut consul que A. U. C. 664, et L. Sylla (i) Vertot. Rév. que l'aiméc suivante. Il""'- Il dit (4) que le Pompée, qui se ménaorea Rom. tom. iii. ^ • \ t • i c< 11 61. si adroitement entre les deux partis de Marius et de Sylla pendant le siège de Rome, s'appeloit Quintus, et avoit été consul avec Sylla. Il se trompe ; celui-ci s'appeloit Cn. Pompeius Strabon, et avoit été consul (3) v. tes Fastes l'année auparavant. (5) IH"^'" M. de Vertot dit que Cicéron pro- Consulaires sur * ^ '■ _ ^ cette année Fa- nonça sa secoudc Philippique contre Marc Antoine en plein sénat, bricius de Vita * iix .i/^i/-^-!. cicer. ad eund. (g) que voyant Antoine prêt d'envahir la Gaule Cisalpine il persuada veiitius Pater- au sénat dc lui opposer les troupes du jeune César. Voilà deux, ou cuius. Hist. • r- rr< / i- i • • /->• ' Rnm i.ii.c. 21). plutôt trois fautes. ]. lout écolier doit savoir que Ciceron ne pro- (6) Révolut. , , .j^. .... . •-.\ Ti 1» Romaines, tom. nouça poiut sa sccondc Philippique en sénat. (y) 11 la composa en (7) Voyez Ma- réponse à une invective que Marc Antoine avoit prononcé contre lui gunient.'ï>hiîïp. daus ccttc assemblée, le 19 de Septembre A. U. C. 709, mais que, ne pouvant pas y venir sans danger, il se contenta de la publier. 2. Cicé- ron lie craignoit pas qu'Antoine ne se jettât dans la Gaule Cisalpine. Il n'y a qu'à lire sa troisième Philippique pour voir que ce consul assiégeoit déjà D. Brutus dans Modène avant que Cicéron eut fait cette proposition au sénat. 3. Il paroît que M. de Vertot croyoit que ce fiit dans la seconde Philippique qu'il l'a fit. II se trompe : ce ne fut que (3) Voyez toute dans la troisième. (8) IV'"'"'- Il dit que les consuls Hirtius et Pansa M troisième ^ ' * Philippique. ne joignirent Decimus Brutus qu'après le retour des ambassadeurs du sénat. EXÏIlAGTS FROM MR. GIEBOn's COMMON-PLACE BOOKS, &C. 521 sénat. (9) Je sais bien que Pansa ne s'approclioit de Biutus qu'environ («) Rév. Rom. le 15 d'Avril, (10) mais pour Hirtius il y étoit avant môme que les ("i'o)'Kpi.f. ad députés fussent revenus de Modène, (11) ce qu'ils ne firent qu'au corn- 32."Ë'dit^i^fsl*^ mencement de Février. V"'"'- Il rapporte d'une façon tout à fait con- i]\\ ''''''*''■ "• traire à la vérité. Il dit (12) que Marc Antoine répondit aux députés, (12) Révoi, ro. que puisque le sénat voulut lui arracher une province que les soutirages iii. p. 36i. du peuple lui avoit donnée, il n'auroit plus d'égard à l'amnestie qu'il «voit accordée aux conjurateurs, mais qu'il les poursuivroit sans en épargner aucun. Bien loin de répondre ainsi, il dit (13) qu'il vouloit (i3)Phiiipp. viii. c. 8 y. bien abandomier la Gaule Cisalpine, pourvu qu'en échange on lui donnât la Gaule Transalpine pour cinq ans; qu'on confirmât tous ses actes ; qu'on rappellât tous ses partisans, et quelques autres conditions semblables. Depuis que j'avois écrit ces remarques, on m'a attaqué sur la pre- mière d'entr'elles, se fondant pour cela sur une équivoque dans le texte de M. de Vertot. Il dit que tous les chefs dont il s'agit, avoient com- mandé des armées en qualité de consuls, et généraux. On conclut de là que s'ils avoient commandé des armées en qualité de généraux, bien qu'ils n'eussent pas encore été consuls, que j'avois tort de le blâmer. Je pour- rois dire, que pour rendre cette excuse de beaucoup de force, il auroit fallu s'être servi d'un ou au lieu d'un et. Mais venons à l'essentiel. Il est sûr que, pour parler à la Romaine, on ne pouvoit donner le titre de général qu'à ceux qui combattoient sous leurs propres auspices, ce qui au tems de la république n'étoit accordé qu'aux consuls, proconsuls, et aux préteurs lorsqu'ils recevoient une province au sortir de leur emploi. Il faudroit donc rechercher l'époque de la préture de Sulla, et de Cn. Pompée. Celle du premier tomba sur l'année avant la Guerre Sociale ; c'est à dire, A. U. C. 662. Il n'y avoit donc point de place entre deux pour sa province, ni pour son commandement militaire. Pour ce qui est de Pompée, le cas (je l'avoue) n'est point le même. Outre un mot de Cicéron sur sa quaîsture, aucun ancien ne nous a rien dit sur ces honneurs antérieurs au consulat. Je conviens même que comme Pompé^e précéda Sulla dans le consulat il est assez vraisemblable qu'ils suivirent le même ordre dans leur préture. Mais de la vraisemblance d'une chose à son existence il y a du chemin, et je ne saurois pardon- ner à M. de Vertot d'avoir avancé ce fait sans témoignage, puisque VOL. m. 3 X ouveut 52:2 EXTllACTS FROM MR. GIBBOn's COMMON-PLACE COOKS, &C. ouvent des circonstances faisoient qu'on ne prit point de province après sa préture. La réflexion là-dessus n'a guère plus de fondement, viz. que l'amour de la patrie leur avoit fait consentir à prendre ces em- plois, puisque, selon son propre aveu, ces lieutenans commandoient des armées à part, et avoient le titre de proconsul. Vraiment le grand effort pour ceux qui ne faisoient que sortir de la préture pour accepter un titre qui ne se donnoit qua ceux qui avoient été consuls ? Giannone, Hist. Naples. — M. Giannonc asscrts that Naples did not become a Roman «unie de Naples, colony before the reign of Vespasian, or at most before that of Au- ci'cer'o in ôrat. gustus *. a passage of Cicero well considered will convince us that Agrar. contra Naplcs lost the State of an allied city before the consulate of Cicero, or um.c. 31. ^u Q_ gyQ^ Ciccro, speakiug against the Agrarian law of Rullus, says that " Lege permitti (to the decemvirs of that law) ut quœ velint municipia, quas velint veteres colonias, suis colonis occupent. Cale- num municipium complebunt : Theanum oppriment ; Atellam, Cumas, Neapolin, Pompeios, Nuceriam suis praesidiis devincient. Puteolos vero, qui nunc in sua potestate sunt, suo jure libertateque utuntur. Totos novo populo et adventitiis copiis occupabunt." By this passage we see that as that power was only granted to the decemvirs over the municipal towns, and the colonies, that Naples was one of the two ; but we know that Naples was never a municipal city j she must then have been a colony at that time. Scholiast (on Cicero.)— Le vieux Scholîaste, qui nous a donné quelques commentaires sur diverses harangues de Cicéron, fait quelques fautes que je ne laisserai pas passer en silence. 1°"^"'' Cicéron, en énumérant toutes les fériés qui pouvoient renvoyer le jugement de Verres jusques vitKra'Aaio '^1'^""^^ ^^ Rome 684, parle de quelques jeux votifs de Pompée. (1) ''ti'T' • d ^^*^°"''"^ ^^^^ apprend dans une note, (2) que c'étoient des jeux que Pom- €ura locum. péc avoit voué pendant la guerre avec Sertoire, en cas qu'il y remportât la victoire. Si le Scholiaste s'étoit contenté de nous dire la même chose tout simplement, tout alloit bien ; mais il ajoute une doute si c'étoit dans cette guerre,_dans celle contre les pirates, ou dans celle de Mithri- date EXTRACTS FROM MR. GIBBOn's COMMON-PLACE BOOKS, &C. 523 date que Pompée les voua. (3) Pouvoit-il ignorer que des loix Gabinia (3; vet. schoi. et Manilla (qui lui confièrent successivement la conduite de ces deux guerres) la première ne fut faite que A, U. C. 686, et l'autre que l'année suivante ? H'"''"'- Il dit (4) que le royaume de Bithynie parvint au C+) "em, ad peuple Romain par la mort de Nicomède qui mourut intestat. Il est wanii. c. 2. faux. Nicomède fit un testament par lequel il fit le peuple Romain son héritier. (5) IIÎ"'=»<- Il n'est pas vrai qu'Ariobarzanes fut envoyé par ^Bd\!mlh"ii^' les Romains en Bithynie. Il ne fut jamais roi de Bithynie, mais bien ^(,['8,^'^. de la Cappadoce. (6) IV"™'- Il parle d'un consul Milienus (7) qui fut (6) v. eundem, ,-,... 1 . T > j j p. 209. aliosque fait prisonnier par les pirates. Je n en trouve aucun de ce nom dans scriptores ^m les Fastes Consulaires. S'il m'étoit permis de hasarder une conjecture, narrTerum. je dirois que le Milienus du Scholiaste pourroit bien être le C. Bilienus ^J^^^^- ^'^^"' de Cicéron. Il en parle avec éloge, et dit qu'il auroit sûrement obtenu Lege Manii. le consulat, si sa prétension n'eût pas tombé justement dans les tems turbulens de Marins. (8) Le Scholiaste auroit bien pu croire qu'il avoit (8) cicero in , , o . 1 ci> Bruto, sive d« été tait consul en eriet. ciar. orawr. c.4'7. Rapin (Thoyras.) — M. Rapin de Thoyras se trompe quand il dit que l'empereur Frédéric II, laissa par son testament le royaume de Sicile à son fils Henri, (l) On voit par le testament de ce prince qu'il ne dé- (i) Rapin.Hist. membra pas ses états en Italie. Il les laissa tous entiers à son aine tom" li^p. *4i. Conrad ; léguant seulement à Henri ou le royaume d'Arles, ou celui de Jérusalem, à l'option du même Conrad. M. Giannone a corrigé Inveges pour la même fluite. (2) (J?) Giannone, ^ \ ■> ' Hist. Civ. du A^. B. Je me sers de la copie du testament de Frédéric qu'a inséré Royaume de '^ ^ Naples, torn, ii, M. Giannone, et laquelle il assure, après d'Afflitto, être conforme à pcio. celle qu'on conservoit ci-devant dans les archives royales. (3) L'auteur (s) idem, , Ml 1 1- • '\ n 1 • • £• p. 617 — 6'20. du recueil des actes publics jusqu a ran 1700 le rapporte aussi, mais lort en abrégé; et omet même une circonstance fort essentielle, puisque omettant l'option de Conrad, il fait léguer à Henri par son père le royaume de Jérusalem purement et simplement. (4) Acte^Pubiicsr tom. i, p. fis. I.a Haye, l'UO. FiiESNOY (Lenglot de.)— Monsieur l'Abbé Lenglot de Fresnoy se [.o^^^jf^d^^Hist. trompe lorsqu'il nous dit, (t) que Maximilien L reçut de sa femme p^i^'Y^'à'sf'' 3 X 'Jl Marie 524 EXTRACTS FROM MR. CIBBON's COMMON-PLACE BOOKS, SiC. Marie les provinces de Groningue, d'Overissel, et de Frize. Il ne le& posséda jamais non plus que son fils Philippe. Ce fut son petit-fib Roy»rG"ne"io- Cliailcs Quint qui sen rendit maître par des achats. (2) picul Tables, p. 603. Les Césars de Habits. — Lcs luibits à fleurs passolent chez les anciens non seule- Julien, par M. r 276"277— ''' "l'^'^t pour un habillement de femme mais même de courtisanes, qui Rem. 947. sculcs avoicnt droit d'en porter à Sparte, à Athènes, à S}Tacuse, et chez les Locriens ; ou en tout cas c'étoit la parure des gens de plaisir, ou efféminés, comme des eunuques, des maqueraux, des bacchantes, des gens qui montent sur le théâtre — ou tout au plus c'étoit l'équipage des prêtres, ou des femmes en des processions publiques ; ou, enfin, celui des épouses. Par la loi Oppia ces habits à fleurs, ou de diverses couleurs, furent défendus aux dames Romaines, et elles n'eurent la per- mission d'en porter que depuis qu'on leur ôta les habits de pourpre. , Cet habillement passoit encore chez les Grecs pour celui des Barbares, comme, entre autres, des rois de Perse. Ces habillemens de femmes, et particulièrement à fleurs, étoient défendus aux hommes par les anciens canons de l'église, comme aux femmes les habits d'homme. TertuUien remarque qu'il ne trouve point d'habillement maudit par Dieu que celui de femme en homme. " Nullum denique cultum a Deo interdictum invenio nisi muliebris in viro." D'où vient aussi que Maimonides dans son traité de l'idolâtrie, défend que l'homme ne se pare des ornemens de femme, et surtout de ces habits de diverses couleurs, et bigarrés ? Après tout il y a quelques pères de l'église (pour le dire en passant) qui prétendent que la robe du Seigneur sans couture étoit versicolor. Clé- ment Alexandrin tache de rendre raison de cela. Cependant il y auroit un passage de Donat qui feroit croire que ces habits de diverses couleurs étoient en usage parmi les jeunes gens. Ea parlant de la manière dont les acteurs doivent être habillés convenable- ment aux différens originaux qu'ils représentent, il dit — FrlfmeT'qnod " Adolescentibus discolor attribuitur." ( 1 ) * incapitaComed. • The Addplii of Terence was acted by the sons and daughters of Hercules II. before Paul III. and the Roman court, at Fewara. Cynthii J. Baptist. Gyraldi, in Thesaur. Auti- quitat. Italiœ. torn. vii. p. 62. AvENTICUM. EXTRACTS FROM MR. GIBBONS COMMON'PLACE BOOKS, &C. 525 AvENTicuM. — Aussitôt que j'ai compris qu'il falloit chercher les m. de Boci ^rt, fondateurs d'Aventicum dans les parties méridionales des Gaules, je me cicmê sJisst, suis rappelé quil y avoit un peuple dont Pline appelé une des villes '""" 'P' '■ ' Maritima Avaticorum, et que dans le même chapitre cet auteur dit que les Avantici furent joints par l'empereur Galba au département de la Gaule Narbonnoise. M. de Bochart, qui est dans l'idée que THelvétie fut peuplée par de colonies des Gaulois méridionaux, croit que les Avantici (car selon lui il faut corriger le premier passage de Pline par le second) furent les fondateurs d'Aventicum. Il dérive ce nom d'Arvent, qui signifie en Celte, eau dont le cours est rapide. Cicéron, dans sa harangue pour Cornelius Balbus, après avoir allégué les exemples de plusieurs illustres Romains, qui avoit donné la bour- geoisie de Rome à des particuliers des villes alliées de la république, termine cette enumeration par celui de M. Crassus qui conféra ce droit à un allié Aventicien. (l) Il est vrai que toutes les éditions de Cicéron (i)cicer. pro font ce particulier bourgeois d'Alatre. Mais comme les manuscrits con- '* °''^' tredisent cette leçon, Cluvier et Gronovius en doutoient de la bonté. Ce dernier (2) vouloit qu'on lût Aventicensem, au lieu d'Alatrinensem, (s) Gronovius parceque les noms qu on trouve dans les manuscrits n'en sont pas tort F.mt. cic éloignés, et qu'Alatri, ville fort près de Rome, n'auroit guère été mise ^"''"s- par Cicéron dans la même classe que les autres dont il venoit de parler, qui en étoient très éloignées. Mais cette remarque est plus spécieuse que solide. Il n'y a qu'avoir lu ce même plaidoyer de Cicéron avec quelque attention pour sentir qu'un exemple, tiré d'Aventicum, seroit allé directement contre le but de l'orateur. Il veut prouver que les généraux Romains pour pouvoir donner la bourgeoisie de Rome à des particuliers des villes alliées n'avoient pas le soin du consentement des villes mêmes, à moins que la nécessité de ce consentement ne fût stipulée par leurs alliances. Auroit-il apporté, pour justifier sa thèse, un exemple tiré d'une ville des Helvétiens après nous avoir dit un moment aupara- vant (3) que les Helvétiens étoient du nombre de ces peuples dont les (3)Cicer. pro alliances le portoient ? Auroit-il accusé M. Crassus présent d'avoir violé de la sorte une alliance des plus sacrées ? Cette remarque est de (•*) m. de Bo- chart, Mémoires M. de Bachart (4), mais j'en avois fait la première partie avant d'avoir sur la suisse lu son ouvrage. tom. i. p.' 469. HOLOM- 52G EXTRACTS FROM MR. GIBBONS COMMON-PLACE BOOKS, &C. (1) Cicero in S'errem, I. iii. c. 25. (■2) Diodor. Siculus in Eclog. lib. xxxvi> HoLOMMANUs. — Jc relèverai une petite faute de ce savant. Cicéron dit (l) qu'un certain Q. LoUius, qui avoit quitté la Sicile pour éviter la tyrannie du Préteur Verres, fut tué en chemin, et qu'on le fit passer pour avoir été tué par les fugitifs. Holommanus, dans sa note à cet endroit, explique le mot fugitif, par ceux " qui in Siciliâ Atbenione duce grassa- bantur :" s'il eut dit " in Italia Spartaco duce vel aliquo Spartacano," il auroit parlé plus juste. La rebellion des esclaves en Sicile sous la conduite d' Athénien et de Tryphon, fut finie par la mort de leurs chefs, par M. Aquillius, alors collègue de Marins dans son cinquième con- sulat. (2) Or ces personnages furent consuls A. U. C. 652. Mais ce meurtre n'auroit pas pu arriver avant A. U. C. 680 : la première année du gouvernement de Verres. M. de Bochart, Mémoires sur la Suisse An- cienne, torn. ii. p. 18. (1)V. la Pré- face du seul Dictionnaire Ir- landois que nous avons. Pari?, 173.', chez Guerin. (2) Brerewood Scrutin. Lin- guar. c. i. ( 3) Plin. Hist. Nai.l.x.c. 57, Irish Language. — On croit que l'Irlandois étoit l'ancien langage des Scythes. C'est ce qu'affirment les auteurs même du pays, (l) Brere- wood étoit apparemment dans cette idée, puisqu'il met cette langue au nombre des quatorze langues mères, que lui et d'autres ont comptées, qui subsistent en Europe sans la Latine. (2) Il faut convenir que l'Irlandois dift'ère fort du Gallois, du Bas Breton, et du Basque ; mais il n'est pas moins certain qu'on y trouve quantité de mots, qui, s'ils ne sont pas tirés du Latin, viennent de la même source, c'est-à-dire, du Celtique. J'ai rencontré dans l'Irlandois plusieurs termes du langage du peuple du Pays de Vaud ; lesquels je n'ai pas trouvé dans les dictionnaires des trois autres dialectes, ni du Germanique. Une preuve de l'antiquité de l'Irlandois est que ses caractères sont purement des lettres Grecques ; et que n'en ayant que dix-sept il faut qu'il les ait reçu avant la guerre de Troye, puisqu'il ne fut que pendant ce fameux siège que Palamède ajouta à l'alphabet Grec les quatre lettres qu'on lui attribue ; et que de ces quatre l'alphabet Irlandois n'en a aucune, non plus que des quatre dont Simonide fut l'auteur. De sorte que c'est l'alphabet de Cadmus que recurent les habitans de l'Irlande, et non pas l'alphabet Ionien adopté par toute la Grèce. (3) Les Irlandois n'y ont ajouté que FF, et comme ils l'écrivent à la Latine et non par P, il est probable qu'ils rie s'en sont servis que depuis que l'empereur Claude l'eut fait ajouter à l'alphabet Latin, Une langue où ne paroît que celle de Cadmus est assurément de la plus haute antiquité, et s'est conservée plus entière qu'aucune EXTRACTS FROM MR. GIBCON's COMMON-rLACE BOOKS, &C. 5^7 qu'aucune autre qu'on connoisse. A l'égard de son abondance l'auteur du Dictionnaire pose en fliit dans sa préface, que de toutes les langues mortes, ou vivantes, aucune n'est plus riche en mots, ni plus élégante en expressions que l'Irlandoise. CoucY (Enguerrand de.) — Le Duc Leopold d'Autriche, mort en oe watteviiu-, 1326, avoit laissé une fille unique, qui fut mariée au sire de Coucy, un des co'.'fldéri^iln plus gros seigneurs de France. La dot de cette dame avoit été assurée "'''log!!'^,^; sur plusieurs villes et châteaux del' Alsace et de l'Argeu. Le sire de Coucy ne se mit jamais en possession de ces domaines. Son fils Enguerrand, qui s'étoit marié à une princesse d'Angleterre,les réclama. Les ducs d'Au- triche, ayant refusé de les lui remettre. De Coucy profita de la trêve qui venoit de se conclure entre la France et l'Angleterre, et se fit suivre de 40,000 hommes de cette nation, résolu de maintenir ses droits par les armes. Leopold se fortifia de l'alliance des Suisses, et se prépara à opposer ses forces à celles de ses ennemis. Ceux-ci s'approchèrent des frontières de l'Helvétie environ la St. Martin de l'année liJ75. Ils firent d'horri- bles dégâts dans les parties septentrionales de la Suisse, prirent Walen- bourg, Balstal, Buren, Altreu, Aarwargen, Fridau, &c. Une partie de leur armée passa la Reus, et la Limmat, et mit tout le pays jusqu'à Wettinger à feu et à sang. Mais un corps considérable de ces troupes fut surpris et défait par les Bernois dans le couvent de Fraubennen, entre Berne et Soleure, la nuit du 26 ou 27 de Décembre, avec la perte de 800 hommes. Le sire de Coucy, voyant que son armée étoit affoiblie, et qu'elle ne pouvoit subsister dans un pays ruiné, prit le parti de se rfetirer par l'Alsace. On appelé en Suisse cette armée étrangère du nom de Guglers, à cause des petits chapeaux qu'ils portoient : eugelhut signifiant un chapeau en Allemand. On voit encore de nos jours (1) une colonne de pierre, monument (i)jg le vis (érigé si je m'en souviens en 1648) de cette mémorable action près de ^"■^^> ''^^• Fraubennen. D'un côté il y a une inscription Allemande, et de l'autre ces vers Latins. Uxoris dotem repetens Cussinus amatae Dux Anglus, fiater quam dabat Austriacusj Per mare trajecit validarum signa cohortum, Miles ubique premens arva aliéna jugo. Hoc 528 EXTRACTS FROM MR. GIBBON's COMMON-PLACE BOOKS, &C. Hoc riipore loco Bernâtes hostica castra, Multos et cum justo Marte dedêre neci. .g. . Sic Deus Omnipotens ab apertis protegat Ursum, (2) de Berne sont Pfotegat occultis hostis ab insidiis. un Ou^s. Néanmoins, si l'on s'en rapporte à M. de Watteville, il y a deux méprises dans cette courte inscription. I""""' Cussinus, ou le sire de Coucy, n'étoit point un général Anglois ; il avoit épousé, à la vérité, une princesse d'Angleterre, et son armée étoit principalement composée de troupes non autorisées de cette nation; mais pour Cussinus lui- même, il étoit seigneur François. Sa famille, une des plus illustres de la Picardie, s'éteignit au quinzième siècle. H"'"'- La femme de ce de Coucy n'étoit point Autrichienne ; je viens de dire qu'elle étoit An- gloise. La femme de son père étoit Autrichienne, et c'étoit sa dot qu'il redemandoit. J'omets la petite faute de parler d'un duc d'Autriche son frère quoiqu'elle fut fille unique de Leopold archiduc d'Autriche*. There is some philosophical amusement in tracing the birth and progress of error. Till the beginning of the ninth century, the two Dionysii of Atliens, and of Paris, however adorned with imaginary trophies, were carefully distinguished from each other in the Greek and in the Latin churches. Under the reign of Lewis, the son of Charlemagne, about the year 824, Hilduia, abbot of St. Denys, resolved to confound them, and to dignify the Gallican church, by assigning its origin, not to an obscure bishop of the thiid century, but to a cele- brated philosopher of Athens, who received his mission from the Apostles themselves. As the genuine writers of antiquity refused to countenance this opinion, Hilduia, though he sometimes quoted and corrupted them, found it necessary to create the works of Aristarchus, of Visbius, &c. which existed only in his fancy, or, at the most, in the suspicious archives of his convent. The zeal and correspondence of tbe Benedictine monks spread the tale as far as Rome and Constanti- nople. It was published by Anastasius in the Latin, and by Methodius * The Common-place Book from which the preceding articles are taken is dated March, 1/55. in EXTRACTS FROM MR, OIBBON's COMMON-PLACE BOOKS, &C. 529 in the Greek tongue. From the east, it was reverberated back into France with such an increase of sound, it was so grateful to the ear of national vanity, that as early as the year 876, the famous Hincmar, Archbishop of Rheims, could scarcely persuade himself that there still existed any remains of incredulity. In the seventeenth century, Sjr- mond the Jesuit, and the indefatigable Launoy, ventured to restore the long-lost distinction of the two Dionysii ; and the bigots, after some struggle, were reduced to silence. See Varia de duobus Dionysiis Opuscula, in 8vo. Paris, 1660. The two extraordinary circumstances in the legend of George of Cappadocia are his gradual transformations from a heretic to a saint, and from a saint to a knight-errant. 1 . It clearly appears from Epi- phanius (Hasres. Ixxvi.) that some persons revered George as a martyr, because he had been massacred by the fury of the Pagans. But as Epi- phanius observes, with truth, that his vices, not his faith, had been the cause of his death ; the Arians disguised the object of their veneration by changing the time and place of his martyrdom, stigmatised his adver- sary Athanasius under the title of Athanasius the Magician, and when they returned to the Catholic church, they brought with them a new saint of whose real character they had insensibly lost the remembrance. At first, he was received with coldness and distrust ; and in the year 494, the Council of Rome, held under Pope Gelasius, mentions his acts as composed by the heretics, and his person as better known to God than to men. But in the succeeding century his glory broke out with .sudden lustre, both in the east and in the west. See the contemporary testimonies of Procopius (de Edificiis, 1. iii) ; of Venantius Fortunatus (1. ii. carm. 13) ; of Gregory of Tours (de Gloria Martyrum, 1. i. c. lOl); and of Gregory of Rome (in Libro Sacrament.) New legends were in- vented by the lively fancy of the Greeks, which described the stupend- ous miracles and suiferings of the great martyr: and from Lydda in Palestine, (see Glaber, 1. iii. c. 7. Wilhelm. Tyr. 1. 8. (22),) the sup- posed place of his burial, devout pilgrinis transported the suspicious relics which adorned the temples erected to his honour in all the countries of Europe and Asia. 2. The genius of chivalry and romance mistook the symbolical representations which were common to St. VOL. in.^ 3 y George .v.OO EXTRACTS FROM MH. CIBBOn's COMMON-PLACE BOOKS, &C. George of Cappadocia, and to several other saints, the dragon painted under tlieir feet was designed for the devil, whom the martyr trans- pierced with the spiritual lance of faith, and thus delivered the church, described under the %are of a woman. But in the time of the crusades the dragon, so common in eastern romance, was considered as a real monster slain near the city of Silena, in Libya, by the Christian hero, wlio (like another Perseus) delivered from his fury a beautiful and royal damsel, named St. Margaret. In the great battle of Antioch, St. George i'ought on the side of the Christians, at the head of an innumerable host, whose shields, banners, &c. were perfectly white : and the truth of this prodigy, so analogous to his character, is attested by contemporaries and eye-witnesses. (Robert. Hist. Hierosolym. I. v. et vii. Petrus ïudebrod. ap. Duchesne, torn. iv.). The name of St. George, who on other occasions, in Spain and Italy, is said to have lent a similar aid, was invoked by princes and warriors as that of their peculiar patron. Cities and kingdoms, Malta, Genoa, Barcelona, Valencia, Arragon, England, &c. adopted him as their tutelary saint; and even the Turks have vied with the Christians in celebrating the martial prowess of their celestial enemy, whom they style the knight of the white horse. (Cotobii. in Itinerar. Cantacuzen in Apol. iii. contra Mahametanos.) An ample collection of whatever relates to St. George maybe found in the Bollandists. Acta Sanctorum, mens. April, iii. 100 — 1.53. The iirst who discovered the Arian persecutor under the mask of sanctity was Isaac Pontanus de Rebus Amstelod. 1. ii. c. 4. and although Father Papebroch (Acta S. S. Boll. p. 115.) is extremely angry with him, the more candid Abbé de Longuerne (Longuewand) embraces the opinion of Pontanus with pleasure, and assurance. Perhaps our knights of tlie garter would be somewhat astonished at reading this short history of their patron. It would be absurd to quote, or even to refute the recent forgeries of Flavius Dexter, Marcus Maximus, Julian Peter, or Liutprand, by which the Spaniards have endeavoured to support their favourite tra- dition, that they received the Gospel from the Apostle St. James, in the fifteen years which elapsed between the death of Christ and his own martyrdom. EXTRACTS FROM MR. GIBEON's rOMMON-PI.ACE BOOKS, &C. .531 luurtyrdom. If we except the ambiguous passage of St. Jerome, (Com- ment, ad Isaiam, c. 3S. 42.) the earliest testimonies which can be pio- tliiced are those of two Spanish bishops, Isidore of Seville and Julian of Toledo, who both flourished in the seventh century. In the ancient liturgy, which after the conquest of the Arabs acquired the title of Mozarabic, St. James is celebrated as the Apostle of Spain. His pre- tensions were peaceably admitted into the offices of most of the Latin churches, and when with the other arts, the art of criticism was restored, he could already boast an uninterrupted possession of 900 years. When the Roman Breviary was corrected under Clement VIII. a serious attention was paid to the doubts of Cardinal Baronius, and the positive assertion of the mission of St. James into Spain was exchanged for the qualified expression of " mos Hispaniam adiisse, et aliquos discipulos ad fidem convertisse ecclesiarum illius provinciae t?-aditio er,t." This national disgrace was obliterated in the year 1635, after forty years négociation ; but by the anxious policy of the court of Rome the new form was composed in such a manner as to guard the pre-eminence of St. Peter from the interference of any other Apostle in the West. From that time the Spaniards have triumphed; the French critics Noël, Alexandre, and Tillemont, have been obliged to offer their difficulties with diffidence and respect; and it is pleasant enough to see them stigmatised as free-thinkers by the BoUandists. Acta Sanctorum, mens. Julii, torn. vi. p. 69 — 114. About the year 814, one hundred years after the conquest of Spain by the Arabs, Theodeorier, Bishop of Iria Flavia, in Gallicia, guided by some nocturnal and prseternatural lights, had the good fortune to dis- cover in the adjacent forest of Compostella, an ancient tomb overgrown with brambles, which contained the body of the patron and Apostle of Spain. A rude and hasty chapel, suitable to the poverty of the Chris- tians, was immediately built by Alphonso the Chaste, King of Leon ; and in the year 876, his successor Alphonso the Third erected on that spot a temple more worthy of the majesty of the saint. By the verses of Walafridus Strabo, (Caenis. Antiq. Lecteon. torn. vi. p. 661.) who died in 849, and by the martyrologies of Ado and Usward, it is evident 3 Y 2 that .532 EXTRACTS FROM MR. GIBBON's COMMON-PLACE BOOKS, &C. tliat before tlie end of the ninth century, the tomb of St. James wus celebrated throughout Europe ; nor was it difficult to frame a legend which accounted for the conveyance of his body from the country where he had suffered martyrdom to the countiy where he had preached the Gospel. The solitude of Compostella was insensibly changed into a flourishing city, which acquired the episcopal and even the metropolitan honours of the deserted sees of Iria Flavia, and Merida. During the tenth and the succeeding centuries, the Spaniards, the French, the Germans, and the Flemings, resorted in pilgrimage to the shrine of St. James of Compostella ; and such was the ardour of their zeal, that quarrels, and even murders, very frequently happened while the several nations contended for the privilege of watching before the altar. (Inno- cent. III. Epistol. Edit. Baluz. 1. x. p. 43.) On this new theatre the Apostle of Spain soon displayed his miraculous powers for the relief of his friends and the punishment of his enemies. The former experienced his aid in the most imminent dangers and the most desperate diseases ; and the Arabian general Almanzar, who had dared to violate the sanctuary of Compostella, lost the greatest part of his army by the ■effects of the dysentery (Sampirus Asturicensisjin Edit. Sandoonl. p. 70. Roderic Toletan. 1. v. e. 16.) In the wars between the Christians and the Moors, it was impossible that St. James could remain an indifferent spectator ; and the Spanish soldiers, particularly the military order which under his patronage was founded in the 12th century, devoutly invoked his aid as that of a good and valiant knight ; strange as that title might appear for a Saint who had probably never been on horse- back in his life, (see Monachus Siliensis apud Francise, de Berganza Antiquit. Hispan. p. 543.) it was soon justified by nocturnal visions, which prepared the minds of the Spaniards for the belief of a more public and visible apparition. At first it seems probable that they con- tented themseh^es with celebrating the miraculous aid which he had given to their ancestors, and we may observe that his exploits in the battle of Clavigium so pompously described by Mariana (1. vii. c. 13) and Roderic of Toledo (1. iv. c. 13) are unnoticed by the more ancient writers. But as the habits of faith were insensibly confirmed by time, and by repeated acts of credibility, the warriors of the twelfth and thirteenth centuries could persuade themselves and their contemporaries that. EXTRACTS FKOJX MR. GIBBON's CO-MMON-PLACE BOOKS, SiC. Ô33 tliat, with their own eyes, they had seen their heroic apostle, mounted on a white horse, leading them to battle and to victory. (See Lucas Tudensis ad Ann. 1230, tom. iv. Hispania Illustrât, p. 114.) In suc- ceeding ages St. James displayed his prowess in Italy, Flanders, India, and America, (see a curious circumstance in Robertsan's History of America, vol. ii. p. 448.) and his influence was felt, even when his pre- sence was invisible. The day of his festival was auspicious to the arms of Spain, according to the admirable observation of Grotius, " Diem quem Hispani felicem sibi credunt, et credendo sgepe faciunt." Charles the Fifth chose for the invasion of Provence that holy day which in the preceding year had been crowned by the conquest of Tunis ; but on this occasion St. James and the Emperor were obliged to retire with disgrace. (See a fine passage in the Mémoires de du Bellay, quoted by the Abbé d'Artigny, Mélanges d'Histoire, &c. torn. ii. p. 290.) The Bollandists, by whom I have been guided, have laboured the article of St. James with indefatigable diligence. Act. Sanctor. Mensis Jul. tom, vi. p. 1 — 124. Tacitus describes the site of Jerusalem with his accustomed brevity and precision ; " duos colles immensum editos claudebant muri per artem obliqui" (Hist. v. ii. See likewise Josephus de B. J. 1. vi. c. 6.) The hill situated to the south was called Sion, and originally constituted the ancient o-r upper city. The northern hill called Acra was gradually covered by the Temple, by the buildings of the new or lower city, and in modern times by those which surround the modern sepulchre. Je- rusalem has insensibly moved toward the north, and the hill of Sion is long since deserted. By the comparison of tjie measures taken on the spot by Des Haies and Maundrell, it appears that the actual circumference of Jerusalem amounts to 2000 or 1960 French toises. According to the measurement of a Syrian engineer (Euseb. Prep. Evangel. 1. ix. c. 36.) the circumference of ancieut Jerusalem was twenty-seven stadia, which gives us 25.50 toises, and agrees perfectly with the nature of the ground as represented in Des Haies's plan. It results from the best authorities, and the most accurate measures, that the enclosure of the great Mosque of Jerusalem (supposed to con- tain r>Si EXTRACTS FROM ^^nx. CIEBOn's COMMON-PLACE BOOKS, kc. tain the whole ground of the ancient temple) is about 215 toises in length and 172 in breadth, and consequently about one Roman mile, or eight stadia in circumference. But if we deduct the waste ground allotted for the court of the Gentiles, the temple itself formed a square, each side of which was equal to .500 Hebrew cubits, or 14'2 French toises. (A curious dissertation of M. d'Anville Sur l'Ancienne Jerusalem. Paris 1747. pp. 75. It is now out of print, and was lent me by that geographer himself.) Primum Westmonasteriensi postmodum Oxonlensi studio traditus eram. Ingulphi Historia, p. 73. in torn. 1. Rerum Anglicarum Script. a Fell et Gale. Oxon. 1684. Some have doubted, but the editors have found this passage in all MSS. (Gibson's Cambden, Vol. I. p. 305.) Ingulphus boasts of his proficiency in Aristotle and Tully s Rhetoric, yet in 1048 Aristotle was unknown j Oxford lay in ruins, had neither cathedral nor monastery to which the studies were confined. The Di- vinity Lectures of Robert Pulein in the abbey of Oseney (1 129 — 1 135) I consider as the punctum saliens of the University. Cambden, ubi supra. Nicholson, (English Library, p. 150 — 152.) is free, learned,and lively. Matthew Paris, Hist. Major, Lond. 1 684, gives the first historic titles of the Oxford studies. In 1201) the clerks applied to artes libérales; they lodged three or four together in hospitia hired. Provoked by an act of injustice re- cesserunt ab Oxoniâ ad tria miliia clericorum, quam magistri, quam discipuli, ita quod nee unus ex otnni Universitate remansit. Some went to Cambridge, others to Reading : villani Oxoniae vacuam reliquerunt, p. 191. In 1252, convocatâ scholarium universitate qu2e de diversis mundi partibus illic studuit, &c. p. 740. In 1257, statuta Universitatis antiqua et approbata. Oxon. Univers, schola secund. Ecclesise. p. 811. The series of Chancellors of the University begins in 1233. Ayliffe's Hist, of Oxford. Vol. II. p. 278. The first charter of Henry III. is in 1244, (Appendix, p. 6,) but it supposes the previous state of the Universiti/. In liXÏRACTS FROM MR. QIBBON's COMMON-PLACE BOOKS, &C. 50o In 1 109 Joffrid, Abbot of Croyland, sent a colony of Monks, who opened public schools at Cambridge of Grammar, Logic, Rhetoric, and Theology after the manner studii Aurelianensis. Ex isto fonte videmus totam Angliam factam frugiferam per plurimos magistros et doctores de Cantabrigiâ exeuntes. (Petri Blesenis Continuatio Ingul- phi in Script. Rerum Anglicar. torn. i. p. 114, 115. He died circa 1200.) Curious but spurious: Frater Terriens (frater is probably a mendicant friar) acutissimus sophista, logicam Aristotelis juxta Por- phyrii et Averoiz isagogas et commenta, adolescentioribus tradidil. But Averroes was not born till 11 31. He interpreted Aristotle 1187 — 1192, and died after liOO. D'Herbelot, p. 715. Bayle, torn. i. p. 384—91. Saxius places him at 1 198. Eirt^rjreT'os h tivos ftva Set fiavflaveiv tous vaiSa.; tavr^ (soTcv) oi; is ay^e; yevoij.tyoi yj-io-ovTai. Agesilaus, Apothegmata Graec. Hen. Steph. 1568. p. 306. Henry, a Protestant, an Anabaptist, an apostate Monk, a wandering preacher, speciem pietatis habens cujus virtutem penitus abnegavit. His gains were spent ludendo aleis, aut in usus turpiores. Frequenter siquidem post diurnum populi plausum, nocte insecutâ cum meretrici- bus inventus est, et interdum etiara cum conjugatis. Inquire, si placet, vir nobilis quomodo de Lausanâ civitate exierit, &c. St. Bernard. Epist. 242, torn. i. p. 239. Edit. Mabiilon. Venet. 1750. Juxta lacum etiam Lausanensem totius diei itinere pergens penitus non attendit aut se videre non videt. Cum enim vespere facto de codem lacû socii colloquerentur, interrogabat eos, ubi lacus ille esset, et mirati sunt universi. S. Bernardi Vita secunda, Auctore Alano (a Monk and Bishop of Auxerre. He died at Clairvaux A. D. 1383) c. 16, No. 45. Opera, torn. vi. p. 1383. 1'"° Vet. iii. torn. i. p. 1232. Demetrius Soter. — Excerpta qucedam (ex antiquissimo MS. codice r nuper 536 EXTUACTS FROM MR. GIBBOn's COMMON-PLACE BOOKS, kc. nuper in Ambrosiana Bibliothecâ reperto) nunc primum in lucem édita, Mediolani (c'est à dire à Rome) MDCCXLIV. vidus Januarias. Horis antilucanis, superiorum permissu. Argume7itum. — Demetrius, Seleuci filius, Soter postea dictas, clam ex urbe ad patriam liberandam proficiscitur, Heroum soboles, sceptri Demetrius hxres Autiqui, RomsE lentos inglorius annos Degebat, non spontc suâ, tiistemque juventani Mulcebat, sylvis captus studiisque Dianœ. Longa sed interea patrium trans sequoia regnum Vastabat, populis et Dis invisa, potestas, Captivique Laies Dominuni clamore ciebant; Haud paucis cultus, sed pluriinus observatus, Quid faceret juvenis? Venatum ad littora Circes Fingit iter de more, canes, solitamque coliortem Prœniittit comituni, vigilem sic decipit urbem, Ignotasque vias, ignotus et ipse, capessit. Demetrius ante discessum amicis mentem aperit. Sit satis ; audivi : jam me nec vester, amici, Falllt amor, pietasque meae studiosa juventEP, Nec generosa fides ; et qua sapientia nullam Horret inire viam, qua ducit ad ardua virtus, Hac capienda mihi est. Hanc olini numina legem Nascenti posuere, lubens mea fata capessam. Non me dégénérera, non pulchriB laudis egentem Arguât aut prœsens, aut postera nesciat œtas, Nec proavis quae terra meis regnata superbum Nomen et iniperium late diffundit in oras Sordeat ulterius, dominis calcata protervis, Sed servatorem ndrint in principe cives. Le Cardinal Monti fit ces vers à l'occasion du voyage du jeune Che- valier de St. George en France^ qui partit de Rome, le .5 des Ides, ou le 9 de Janvier, 1744, Since the year 1756 Russia has been engaged almost without inter- ruption EXTRACTS FROM MR. GIBBON's C0MM0N-1>LACE HOOKS, See 537 ruption in the Prussian, the Polisli, and the Turkish wars. During the last mentioned war tlie Empress at the same time employed seven armies, (on the Danube, in Crim Tartary, in Georgia, in Greece, in Poland, in Ingria, and against the rebel PugascheffJ and four Meets, on the Baltic, the Archipehigo, the Black Sea, and the Danube. Whilst she was making these extraordinary efforts she supported the splendour of her court, encouraged the arts of England, France, and Italy, by her expensive orders, which were most punctually paid ; and increased one third the salaries of almost all her officers. As soon as the war was at an end she suppressed some taxes (about seven or eiglit millions of French livres) ; and she is now paying off about ten millions which she borrowed in Holland, and which forms the whole national debt of Russia. The army at present consists of four regiments of Guards, one cavalry and three infantry, that compose the formidable body of about 10,000 men which has so often disposed of the throne ; of one hundred and five regiments of infantry (1600 men each) making about 170,000 men. To these we must add the artillery between 20 and 30,000, and the cavalry, dragoons, &c. between 40 and 50,000. Upon the whole we may compute the establishment of regular forces at about 250,000; and had the Turkish war continued, both men and money were pro- vided for an augmentation of 50,000 more. To this establishment we must add the stationary garrisons of the remote provinces, and the numerous bodies of irregulars, Cossacks, Calmucks, &c. which are always ready to obey the commands of the Russian monarch. There is not any direct land-tax in Russia, and the revenue arises from the capitation, the consumption, and the customs. 1. The clergy and nobility are exempt from the capitation, which is assessed chiefly on the peasants ; but as these are all villains the tax ultimately falls on their masters, and must be tolerably proportioned to their landed pro- perty. The master, who enjoys the fruit of his slave's labour, is obliged to give him a piece of land to cultivate, sufficient not only for his own subsistence, but likewise for the payment of the tax which is estimated at about four livres on the head of every male, from the moment of his birth to the age of sixty. Not less than ten millions of VOL. in. 3 z person^ ûJ8 EXTRACTS FROM MK. GIBUON's COMMON-PLACE BOOKS, &C. persons are rated to the capitation, which consequently must amouirt to about forty millions. 2. The nobles have the exclusive privilege of making salt, and distilling spirituous liquors, on their estates, but they can dispose of them only to the empress. On the other hand the licensed venders of those necessary articles can purchase them only in the imperial magazines. By this double monopoly the crown gains two or three hundred per cent, and raises an indirect excise, ù. The customs, both on exports and imports, are excessively high ; but they are exacted only on the frontiers of the empire, and the interior com-, merce is entirely free. To these great articles we must add the mines, the tribute of furs, &c., which in the whole form a revenue of one hundred and fifty millions of French livres. The population of Russia, without including the savages of the north, or the umidering Tartars, whose allegiance is voluntary and precarious, has been computed at twenty-two millions. From the Prince 13ariatinski, Minister from Russia, at Paris. Peter III, was poisoned in a glass of brandy. On his refusing a second glass he was forcibly thrown down and strangled with a hand- kerchief by Orlof le Balafré, Teplow, Potemkin, and the youngest of the Princes Baratinski. When the body was exposed the marks of violence on the neck, &c. were evident. Orlof instantly returned to Petersburg and appeared at the Empress's dinner in the disorder of a murderer. She caught his eye, rose from table, called him into her closet, sent for Count Panin, to whom she imparted the news, and returned to dinner with her usual ease and cheerfulness. These particulars are taken from a history of the Revolution in 1762 composed by M. Rulhière, a French officer, who was an attentive spectator, and who afterwards conversed with the principal actors. Prudence prevents him from publishing, but he reads his Narrative to large companies, and I have already heard it twice. It is an enter- taining spirited piece of historical composition not unworthy of being compared with Vertot's Conspiracy of Portugal. But I find that Rul- hière's fidelity is impeached by persons perhaps partial, but certainly well. EXTRACTS FROM Mil. CIBBOn's COMMON-PtACE BOOKS, &C. 539 well-informed; by the Baron de Goltz the Prussian minister, by the Count de Swaloff, Elizabeth's favourite, and by the Princess d'Askoft" herself. The deaths of religious persons of both sexes is about 1800 per annum ; and as there is some reason to believe that about one out of thirty die every year, the whole number of persons in France, engaged in the monastic life, is about 54,000, of whom we may reckon 24,000 men and 30,000 women. M. Gamier^ and the originals of the Contrôle Général. Mexico. — The ancient empire was said to contain ten millions of (i) Hist, philo- sophique lies souls ; at present about one. ( 1 ) deux indes, The city once 200,000, now 50,000, — afflicted by inundation. Los îd!"p."îi7; Angelos, near Tlascala, has gained by its loss. From the mines 65,000,000 (of livres) are annually coined at id. p. los, lo». Mexico. The kir^g has a fifth on the silver, a tenth on the gold, as those mines are more casual. The gold coined is about a fifth of the silver. Mexico is highly taxed, yet the net revenue returned to Europe is id. p. ii4. only 6,300,800/. Las Casas persuaded the Court of Spain to restore liberty, but not property, to the Mexican Indians. They are no where so happy, noble, and ingenious as in his diocese of Chiapa. 1. Immortality of the soul rejected only by the barbarous Otomites, believed by the Mexicans. Clavigero, Storia Antica del Messico, torn, ii. p. 4. — 2. Mictlanteuchlti, God of Hell, and his wife — a subterra- neous dwelling, black priests, nocturnal sacrifices, &c. p. 17. — 3. The Hades in the centre of the earth ; gate of Paradise, perilous journey, pleasant abode with the God of Waters — the Supreme Heaven in the sun, p. 4, 5, 6 — 94. — 4. The souls of those who died in war or child- bearing held the first place ; the second for the drowned, the dropsical, the thunderstruck, infants, &c. ; vulgar deaths in the third, p. 5.— 5. Noble Tlascalans.--6. A similar life and body ? Utensils, arms, gold 3 z 2 deposited 5^0 EXTRACTS FROM MR. GlBIÎON'iS COMMON-PLACE BOOKS, &C. ilepositocl in sepulchres. Their Techichi slain to accompany them (,,, 94_9(;). The same as the Alco, a mute melancholy sort of dog, now extinct. (Tom. i^ p. 73.) False criticism on Pope. (Warton, vol. ii. p. I2y.)— 7. Transmigration of plebeian souls into vile animals, of noble into the humming bird. (p. 5) Beautiful image— Buffbn's fine description of 43 species of Oiseaux-Mouches and Colibris, (lorn. xxi. p. 1 — (J4, in 4to.) Hist, rhiioso- Spain contained thirteen or fourteen millions before the discovery of Indes, torn. iii. America. L.T418. In the year 1747 only 7,423,590 souls, including 180,046 head of clergy. Id. p. 388. Her manufactures flourished till the expulsion of the Moors. Sego- id.p.4oi. via cloths the best in Europe. 60,000 silk looms at Seville. About fifty millions (French) of merchandizes are sent annually from Cadiz to America. About an eighth part is Spanish property. Id. p. 431. About seventeen millions of piasters (89,250,000/.) arrive annually at Cadiz from America in gold and silver. The account seems parti- cular and exact. Id. Portugal. — The number of its inhabitants has sunk from 3,000,000 to 1,800,000. ij.p, J2S. Brasil. — Its gold mines (under the tropic of Capricorn) were disco- vered about the year 1730." The Portuguese content themselves with the quantity which the torrents wash down into the vailles. It amounts annually to about 45,000,000/. The king has one fifth. The importa- tion diminishes the proportion of gold to silver. Id. p. s3i. The mine of diamonds was discovered about the year 1730 — given to an exclusive company, and the country round it dispeopled — the go- vernment — who is the agent in Europe — under articles to sell no more annually than 1,250,000/. — bought and cut by the Dutch and English, chiefly EXTRACTS FKO.\i MR. GIBBOn'« COMMON-PLACE BOOKS, &C. J4 1 elucfly sold in France— are 10 per cent inferior to East India dia- monds. Carats. Great Mogul's . . . 2'9~\ The Great Duke's . . 139 The Sancy . . . loG The Pitt .... 136 The King of Portugal's . 1280 (inestimable if not a topaz.) Russia. — To what causes may we ascribe the abject slavery of the Russians, the brethren of those hardy Poles and Bohemians, who so long asserted and abused the right of freedom ? Perhaps to the follow- ing causes. 1. The Russians derived the knowledge of Christianity and the rudiments of a civil education from a servile and superstitious ]ieople, the Greeks of Constantinople. 2. The Tartar conquerors broke and degraded the spirit of the Russian nation. 3. After the Russians had lost all communication with the Euxine and the Baltic, they Avere wholly separated and in a great measure secluded froui the rest of Europe, and the civilized part of the human race. 4. The accidental advantage of fire-arms enabled the Czars to e.xtend their empire over the north of Asia ; and the power of prejudice was enforced by that of the sword. Hercules. . Qualcmque'i'agae post crimiiia noctis Thestius obstupuit toties socer. Statins in Sylv. 1. iii. Ep. i. v. 42: The question is therefore qiiot'ies, and according to the three dif- ferent tales which prevailed among the Greeks, the amorous prowess of Hercules will excite the idea of a many of a hero, or of a god. I. When young Herctdes was six feet high and only eighteen years of age, he hunted the lion on Mount Cithaeron in Bœotia, and was hospitably entertained by Thestius, prince of Thespian. Every night, by 542 EXTRACTS FROM MR. CIRHON's COMMON-PLACE KOOTCS, kc. (1) Hist. Poet. 1. ii. c. 4. p. 96 (2) Deipnoso phist. 1. xiii. p. 556. (3)Id. I.ix. p. 410. by the command of their fatlier, one of tlie fifty daughters of Thestius shared the bed of Hercules ; and the young hero embraced all these virgins with such undistinguishing and irresistible vigour, that at the expiration of fifty prolific nights he was still persuaded of the identity of his companion. Such is the modest and perhaps the original account of the first of the labours of Hercules, as it is given by Apollodorus. ( 1 ) H. According to another relation the conversion of the fifty virgins into wives and mothers was effected by the indefatigable Hercules within the space of seven days. Athenseus (a) has extracted this anecdote from the writings of Herodotus, or rather Herodotus the Lycian, who, as it appears by another quotation, (3) had composed at least seventeen books on the actions of Hercules. HI. But the popular opinion which at length prevailed ascribed to Hercules the singular honour of consummating in one and the same night his fifty, or at least his forty-nine marriages. This miracle, which seems to be insinuated by Uiodorus Siculus, (-i) is positively affirmed by Pausanias, (5) and that diligent traveller has recorded the virtue of one of the daughters of Thestius, who refusing to submit to the common fate of her sisters, was invested by Hercules with the sacerdotal dignity, and condemned to a life of perpetual celibacy. The Christian apologists have adopted this third account, which according to their ideas of merit, was the least honourable to the son of Jupiter. " Hercules, sanctus deus, natas quinquaginta de Thestio, nocte una perdocuit, et nomen virginitatis exponere et genetricum (6) Amobius pondéra sustinere." (6) HiTcommVnta- Tlic vigour of a dcmigod can be matched only by that of a prophet p°.\44!'quotc5'' In the space of a single hour each of the eleven waves of Mahomet fatheî!onthis succcssivcly acknowledged him as a tender and active husband. This interctingtopic. jj^^gp^^^^g ^g related by Belon on the faith of an Arabic book entitled (7)Observatiors " Dcs Bonncs Coutumes de Mahomet." (7) dans ses Voyages l.iii.c.x.p.l'jy. (4) Id. 1. iv. p. 274. Edit. Wess. (5) Id. 1. in. p. 763. Edit. Xuhr. See Le Clerc Severus (Cornelius). — The pocm of iEtna, though its author is tion''" Am««- praised by Ovid and Quintilian, discovers very little taste or invention, dam, 1703. .^j^^ philosophy is narrow, and probably erroneous (see the long descant on EXTllACTS FROM MR, GIBBOn's COMMON-PtACJJ BOOKS, &C. 54cJ on the virtues of the millstone) ; the style languid, harsh, and per- plexcd. Instead of the ornaments of nature and propriety, the barren writer consumes a fourth of his poem in mythological stories which he affects to despise. The prettiest passages are the complaint of the preference given to the lucrative over the curious arts (v. 250 — 283), and the power of fire (533 — 561). naiSepxrtoi,. — Herodotus observes with the most placid indifference that the Persians were fond of adopting new customs and new plea- sures. From the Medes they borrowed their dress, from the Egyptians their breast plates. By the Greeks they were taught to forget the distinction of sexes, «tt' EWtjyuiv ii.oi.^ovfts itaiiri [Kurywrai. ( l) (1) L, i.e. 125. Noue (de la). — The situation and behaviour of de la Noue at the siege of La Rochelle is perhaps without parallel in history. 1. Such was his established reputation for honour and virtue, that in the heat of the civil wars of France immediately after the massacre of St. Bar- tholomew, Catherine of Medicis and her son entrusted this zealous Protestant to negociate with the Rochellois. 2. By the election of the people, and with the consent of the court, he accepted the military command in the revolted city. 3. During the siege of La Rochelle, lie performed with admirable courage and conduct all the duties of a soldier and a mediator. 4. When the fanaticism of the Rochellois had rejected equitable conditions of peace, he obeyed the summons of the Duke of Anjou, repaired to the royal standard, and afterwards retired to his own house, with the esteem and confidence of both parties. Such wonders require much stronger evidence than the partial: authority of a biographer : and it is almost as singular that they are attested in all the material circumstances, by D'Aubigny, a violent (i)H;st. uni- protestant, (l) by Thuanus, a moderate philosopher, (2) and by Davila, ^f.'fl—AsT'"' a bigotted catholic. (3) The testimony of Davila is the more valuable ximporis^iiii. as he betrays some inclination to suspect the intentions of de la Noue, l^^ \^ia,\3. deiie in his return to the royal camp. FrancfafJom't! p. 326—330. Edit. Loud. Shoes. 5'I4 EXTHACTS FROM MR, CIBBON's COMMON-PLACE BOOKS, &C. (0 <;:esner, 'SiioEs. — The practice of nailing sliocs to the hoofs of horses, &c. was Lcnicon art , . , • ii ■ i i Script, de Kc uiiknown to the ancients ; who occasionally tied them with strings Rustica, p. 132, , i r . r i • i / \ 133. round the leet or those animals. ( I ) AuGERii GisLENii BusBEQuii OMNIA Q.VM EXTANT. Lugd. Batavoruni-, ex OJficinû Elzcvcrianâ in 163.3, in ]2mo. The Travels of Busbequius consist of four epistles, and contain the narrative of his two embassies from Ferdinand, king of the Romans, and afterwards emperor, to the Ottoman Porte. (November 1554 — November 1562.) In the first, he describes his journey from Vienna to Amasia ; the second includes the events and observations of a seven years' residence, or rather imprisonment, at C. P. It was his duty and his amusement to study the characters of Soliman II. and his ministers, the policy of the government, the discipline of the camp, and the vir- tues and vices of the most formidable enemies of Christendom. The tragic adventures of Mustapha and Bajazet are told with the spirit and dignity of an historian. His ears, or those of his interpreters, were always open to the reports of foreign countries, of Crim Tartary, Min- grelia, and Carthay. We are indebted to his curiosity for the first copy of the marbles of Ancyra, and the most ancient MS. of Diosco- rides ; and he viewed, with the eyes of a naturalist, the numerous col- lection of animals that enlivened his sohtude. Busbequius is my old and familiar acquaintance ; a frequent companion in my post-chaise. His latinitj is eloquent, his manner is lively, his remarks are judicious. HINTS. ( 54.1 ) HINTS Historians, friends to virtue ? Yes, — with exceptions. 1. Allow great latitude in the means. 2. Incline more to personal than to social virtues. Difference of the civil wars in France and England. 1. The English caused by riches and long peace. The French by long wars and impatience of ease. Union of the House of Commons. Power and discords of the Guises, Bourbons, &c. 2. The English chiefly used the axe ; the French tlie dagger. — Con- trast, Mary Queen of Scots beheaded, — the Marshal d'Ancre murdered. Cause of this difference, — the superior corruption of the French ? — Equity of the English ? Fanaticism ? Independence of the French nobles ? — The custom borrowed from the Italians and communicated to the Scotch. 3. The English left to themselves. The Pope, Spain, England, &c. took part in the French wars. The Duke of Mayenne preferred to the Admiral de Coligny. Davila's general Errors. 1. The election and even existence of Pharamund doubtful. The assembly and resolution of the Franks chimerical. VOL. in. 4 a 2. The 546 HIMTS. 2. The [stability of their government i-idiculous. It varied every age.* 3. The Salic Law not fundamental : established by accidents in the 14th century. 4. The first prince had no inherent right to the, Regency. The point is yet undetermined. Henry III. studied politics with an Italian abbé. Vanity of that science. Ignorance why we have acted — how rve shall act — how otiiers will act. Our sense, eloquence, secrecy, &c. the only principles assisted by the confidence of others. — Example of Henry III. his in- activity, his violence. Of Henry IV. The proper time for changing his religion ; how very nice. If too soon the Catholics would be sus- picious ; if too late grown desperate. The effect of civil wars on the minds of men. A general ferment of fanaticism, discord, and faction. Two singular exceptions. Mon- taigne in his retirement. Henry IV. on the throne. He loved and trusted mankind. — How different from Charles II. ! France little altered by 40 years civil war. The same limits. The succession attacked but preserved. The regal authority unimpaired. Violent principles detested and forgotten. Power of the governors of provincess direct and absolute over the military. Their levies, expeditions, disposal of offices, strong places, gentlemen and guards — indirect over the finances and justice ; only checked by the Parliaments. The Duke of Mayenne, &c. wanted to make them hereditary. — The followers of Henry IV. made the same demand ; had he consented, the feudal system was again established. 1. French cavalry famous in the l6th century — All noblesse, 5000 gentlement at once in the army of Henry IV. Brave but impatient of * See Mably's Observation» sur l'Histoire de France, &e, labour HINTS. 547 labour and fatigue. Laid aside their lances, and fought with pistols and carbines. The custom blamed but at last adopted. 2. The Spanish infantry well disciplined. Walloons, Italians. The Duke of Parma. Retreat from before Amiens. Saying of Henry IV. 3. Swiss phalanx. March from Meaux. 4. English and Germans, brave but undisciplined. Religious wars. 1. Persecution inspires union, obstinacy, and at last resentment. — A sect becomes a party. Why Christianity suffered so long. — Greeks and Asiatics — Objection from martyrs — Difference of active and pas- sive courage. — Chinese. 2. Connexion of religion and politics. The leaders seldom free from enthusiasm, or the followers from ambition. 3. Other passions mix with these. Massacre of Paris owing to re- venge — of Charles IX. — of Guise — of the Parisians. The ruling passion ? very rare. Most passions confined to times, place, persons, circumstances. — Love, hatred, revenge, jealousy, vanity, &c. — Patriotism seldom even a passion. — Ambition generally mixed with other passions, — often subservient to them — when pure, as in Cassar, Richelieu, must succeed or perish — Avarice perhaps the only ruling permanent passion. " Search then die ruling passion, there alone " The fools are constant, and the wise are known," &c. Pope. Bobinet in the Comptesse d'Escarbagnes, and Sir Hugh in the Merry Wives of Windsor — ridiculous resemblance without probability of imitation. The Popish worship like the Pagan? Certainly. Huetius's Ode will serve for either Mary or Diana — But this resemblance probably with- 4 A 2 out 548 HINTS. out imitation — Reasons. 1. Images, ornaments, garlands, lights, odours, music, affect the senses of all men — are found in the worship of the Indians, Chinese, Americans, &c. 2. Images opposed whilst the Pagans subsisted, received as soon as they were extinct. 3. The jubilee invented by Priests who had scarcely heard of the secular games. 4. Monks and relics of Martyrs, the favourite superstitions of the 4th century, detested by the Pagans. Middleton, elegant and just (in facts), carries his parallel too flu- — the sacerdotal order on quite different principles from that of old Rome — ■ Warburton dogmatic, just in his inference, weak in his argument. See Huetii Commentarius, p. 258 — 262. Freedom of Thought. 1. Infallible authority allows not the faculties of the mind fair play — May be just and happy, but is a yoke — Faith of the Pagan light and easy, — of the Christian binding and comprehensive — of the Papist variable — Plutarch, Tillotson, and Bellarmin. 2. Authority of Doctors, — a voluntary slavery vmder the name of reason — how common ! — the ancient sects — professed philosophers how bigotted — Romans, &c. more liberal, heard several before they chose — obstinate in their choice, yet sometimes changed. 3. Authority of our own systems. Men of imagination dogmatic. — Bolingbroke. — True freedom and scepticism — ease and pleasantry-— Bayle and a student of Salamanca. A free-thinker may be rational or wild, superficial or profound — how- ever, the road is open before him and his sight clear. Freedom of individual relative to general slavery — an Englishman may reject with contempt what an Italian examines with caution — ^yet the ItaUan the free-thinker — il voto sanguinario of Muratori — the tenets of Atterbury and Courayer nearly the same, their manner of thinking how different — the one tended to slavery, the other to liberty. Maxim of La Bruyère of governments ; when quiet how ever dis- turbed ! when disturbed how ever quiet ! v^ry just.— Supported by the interest HINTS. 549 interest of a few, courtiers, priests, soldiers — i-eal power of the latter — honour and attachment — despotic government more secure in large states — indolence, prejudices, &c. of the multitude — chain of imita- tion—power of habit — necessity of order — every conspiracy a new society — danger of each individual — extreme danger of strong passions and great talents — when the charm is once broken, every man feels his real strength, and despises the idol — hopes succeed to fears — the bond of faction grows stronger, that of government weaker — vicissi- tude. Character and conduct of Brutus — obstinate patriotism of Scipio and Cato after the battle of Pharsalia — collect a formidable force in Africa (1) — second civil war — Brutus the nephew and disciple of Cato — re- mained quiet in Italy — studied eloquence with Cicero— their panegyrics on Cato ('2) — attended with no danger. The more moderate patriots had submitted to Caesar — Cicero, Varro, Marcellus, &c. — their motives, horror of civil war, despair of success, cruelty of the Pompeian party, Caesar's mildness, hopes that he would restore the Republic — their private life, melancholy complaints. Cicero's boldness (3). Brutus submitted immediately after the battle — made the first ad- vances — revealed Pompey's designs, (4) was admitted into friendship and confidence — Proconsul of the Cisalpine Gaul (5) — his equity and mildness (6) — importance of the province, military force (7) — had the (1) Lucan. Pharsal. ix. 18, &c. — — Magni post funera, partes Libertatis erunt. Hist, de Bello Afric. c. 1,2, &c. &c. — M. Guichardt's Military Comment. (2) Cic. Orator, c. 10. — Ad Attic, xiii. 46; xii. 21. (3) See Cicero to Atticus, Varro, Papirius, Paetus, Cecinna, &c. — Pro Mariell. 8, Q. pro Ligario 3, et passim. (4 ) Plut, in Brut. Bayle au mot Brutus. (5) Plut. Aurel. Victor de V. J. C. 82. Cic. ad Fam. vi. 6. xiii. 10, &c. (6) Cic. Orator, c. 10.— Plut. (7) Montesquieu, Grandeur des Romains, c. xi. Ac. Philippic, iii. c, 5. war 550 HINTS. war been transferred to Italy, Brutus must have betrayed Caesar oi th* republic. His further honours, first prœtor and consul elect (1) — preferred to Cassius— no freedom of election (2)— voluntary engagements — to obey the decree (3)— to defend the person of Cœsar (4) — no faith with tyrants (5) — excuse rather than motive. Respect for Brutus (6) — tyrannicide, hatred of kings — greatness of Rome — fame of Cœsar, humanity of Brutus. In scelus it Pharium, Romani pœna tj'ranni ; Exemplumque peril. (7) L'exemple, que tu dois, périroit avec toi. (8) Fine imitation — ^the sentiment itself truly Roman — great in Lucan's mouth — far greater in Pompey's widow — has a sublime effect in the tragedy, as it engages Cornelia to discover the conspiracy, and save the life of her enemy. Thucydides and Guicciardini in the true station for historians of their own times — mistake of Mr. Wharton as to the latter (9) — both acquainted with the business of peace and war— their characters pro- cured them every information — had studied the greatest men of their times — better acquainted with them all, than each of them was with the others — personal knowledge of great men, the chief advantage of their personal memoirs — Disappointed in those of Cœsar — we perceive (1) Veil. Pat. 1. ii. c. 56. 58. Plut. (2) Sueton. in Csesar. c. 41. 76. — Lucan. v. 381, &c. ■ Finget solemuia campi Et non admissae dirimit sufFragia plebis. Leg. diribet, meo periculo. (3) Appiaii de Bell. Cit. 1. ii. p. 494. (4) Cic. pro Marcell. c. 10. {5) Appian de B. C. 1. ii. p. 515. (6) Veil. Pat. 1. ii. c. 72. M. Auton. et August, apud Plut. in Brut. (7) Lucan. x. 343. (8) Le Pompée de Corneille, acte iv. scèn. é. (9) Adventurer, No. 123. the HINTS. . 551 the scholar and the soldier, we lose the man — except in the simplicity with which he relates his greatest actions — the memoh's of Xenophon much more characteristic — those of De Retz still more so— pity the events are so little interesting. Campi near Winchester, 2Qth July, 1 76 1 . HINTS OF SOME SUBJECTS FOR HISTORY. I WOULD despise an author regardless of the benefit of his readers : I would admire him who, solely attentive to this benefit, should be totally indifferent to his own fame. I stand in neither of these pre- dicaments. My own inclination, as well as the taste of the present age, have made me decide in favour of history. Convinced of its merit, my reason cannot blush at the choice. But this is not all. Am I worthy of pursuing a walk of literature, which Tacitus thought worthy of him, and of which Pliny doubted whether he was himself worthy ?* The part of an historian is as honourable as that of a mere chronicler or compiler of gazettes is contemptible. For which task I am fit, it is impossible to know, until I have tried my strength; and to make the experiment, I ought soon to choose some subject of history, which may do me credit, if well treated ; and whose importance, even though my work should be unsuccessful, may console me for employ- ing too much time in a species of composition for which I was not well qualified. I proceed, therefore, to review some subjects for history; to indicate their advantages and defects ; and to point out that subject which I may think fit to prefer. The history of Richard I. of England, and his crusade against the Rl'/f,!^/^'"'^^"' Saracens, is alluring by the marvellous. A king of England fighting f^j^'g"^;^^"'],"^ Saracens. * Vide Plin, Secund. Epist. Lib, v. Ep. viii. at 552 HIMTS, &C. at the head of an allied army of English and French under the walls of Ascalon ! There are good materials for executing such an undertaking. "Without speaking of the general chronicles, we know two contempo- rary and accurate historians ; and what is of great importance to a lover of the truth, the one a Christian, and the other a Mahomedan ; I mean William of Tyre, and the Arabian, whose history of Saladin is translated by Mr. Schultens. Two monkish authors, at least, have left particular descriptions of this crusade ; and two other monks have celebrated it in historical poems. But, on the other hand, this Richard was a fit hero only for monks. With the ferocity of a gladiator, he united the cruelty of a tyrant ; and both were unsuccessfully employed in a cause where superstition silenced religion, justice, and policy ; and against one of the most accomplished princes in history. How little are we interested in the exploits of Richard ! Besides, this transaction is too remote, and too deeply buried in the darkness of the middle ages, to attract much notice at present. INDEX ( .5.53 ) INDEX EXPURGATORIUS 1. Mr. Hurd (English Commentary on Horace, torn. ii. p. 38, &c.) represents himself as the first discoverer of the Allegory in the third Géorgie ; and as such receives the compliments of his friend War- burton. (Divine Legation, vol. i. p. 295.) The Jesuit Catrou had how- ever explained it upon the same principle many years before. (Virgile de Catrou, torn. ii. p. 4.52, &c.) 2. M. Dacier (V. Horace de Dacier, sur le v. 67 de la première Satire du 1. ii.) is doubly mistaken in supposing that the Metellus of Lucilius was the Metellus Numidicus ; between whom and Scipio Afin- canus, some jealousy had arisen from their several African exploits. 1. The sense of Horace supposes that Scipio was an impartial judge ; consequently no adversary of Metellus. % Scipio had never an oppor- tunity of being jealous of the other's African glory. Scipio died in the consulship of M. Aquilius and C. Sempronius. (Veil. Patercul. 1. ii. c. 4.) A. U.C. 624. (V. Pigh. Annal, ad ann.) Metellus was consul with the province of Numidia in 644. (Pigh. ad ann.) M. Dacier might also have considered that the intimacy which the satirist enjoyed with Scipio, supposes him much older than twenty when that hero died, and consequently that Eusebius brings his birth too low (to the 158th Olympiad.) M. Bayle (Dictionnaire au mot Lucilius, Not. G.) drew the same conclusion, though from less decisive circumstances. 3. Mr. Hume would infer from the list of the Belgic army in Caesar, (de Bell. Gallico, I. ii. c. 4.) the number of inhabitants in all Gaul. VOL, III. 4 B He 554 INDEX EXPURGATORIUS. He justly enough considers Belgium (more properly the Belgic Gaul) as one fourth of the whole ; at least with regard to population : but he forgot that not abov^e half the Belgic nations entered into the alliance ; which circumstance must double the calculation. (V. Hume's Essays, in 4to. 1758. p. 247.) It is wonderful that Mr. AVallace (Numbers of Mankind, p. 71, &c. Appendix, p. 312, &c.) should rather choose to refute him by the most improbable conjectures, than by so plain a fact. In the same place Mr. Hume observes, that the numbers in Caesar are to be depended upon; as the Greek translation checks the original. Mr. Hume must know that this version (which is a very indifferent one) is attributed by the learned to Gaza or Planudes ; and consequently not older than our most recent MSS. 4. In the Notitia of the Western Empire, we meet among the officers of the city of Rome with the Consularis Aquarum. I believe that this employ no longer subsisted in the Theodosian age. 1. Because it appears here out of its rank, and amongst the subalterns. 2. Because we find no commission for it among the formuliB of Cassiodorus. 3. Because the functions of this place are exactly the same with the Comes Formarum, who is very well known in those times. I therefore suspect that the Consularis Aquarum was lost in tlie Comes Formarum about the age of Constantine. 5. Abbé Mongault had decided, that the Nice, where Brutus pleaded before Caesar for King Dejotarus, was the Italian and not the Bithynian city of that name. (Epitres de Cicéron à Atticus, 1. xiv. 1.) Dr. Middleton (Life of Cicero, v. ii. p. 407.) has echoed it from him, with a severe censure upon the Jesuits Catrou and Rouillé. Both leader and follower are mistaken. 1. Nice in Italy was a wretched town among the Alps, where Caesar upon his return from Spain would never have stopped to try a cause which he could so easily try a few days afterwards at Rome. Nice in Bithynia was a great city, (in the neigh- bourhood of Galatia,) through which Csesar must have passed in his progress, when " Jura in tetrarchas, reges, civitates distribuit j'" (Hist. de INDEX EXPURGATORIUS. .55.5 de Bell. Alex. c. 78.) nay, we are told in the same chapter that he actually decided a cause against Dejotarus. Brutus appears to have been in Asia about that time. 2. Cicero's Dialogue dc Claris Oratoribus was written after Brutus's oration for Dejotarus. (V. c. 3.) It was like- wise written before the death of Marcellus, (c. 71.) who was killed A. U, C. 707. (V. Fabric, in Vit. Ciceron. ad arm.) Therefore the oration was in 706, when Cfcsar was in Asia, not in 708 when he was returning from Spain. Although the dialogue of Cicero may be feigned, yet we know how very attentive the ancients were in preserving the chronology of these kind of fictions. (C. 60.) The onl}' foundation of Mongault's opinion seems to be some obscure places (Epist. ad Attic. 1. xiii. 39, 40.) where Cicero hints at a journey Brutus made to meet Cœsar, but without any relation either to Nice or Dejotarus, 6. Cicero (pro Lege Manilla, c' 4) speaks of Ecbatana, as the royal seat of Mithridates. I suppose it is not necessary to prove that Ec- batana was the capital of Media, or that Media was never a part of that prince's empire. Tully was probably but an indifferent geographer, and the celebrated name of Ecbatana sounded extremely well. A lesson for critics ! 7. Mr. Guthrie (English Translation of Cicero's Letters to Atticus, 1. ix. 10.) translates Getœ by Goths ; a barbarous name which was first heard of 250 vears after Cicero's death. V. Cluverii German. 1. iii. 8. Hirtius must be mistaken when he says (De Bell. Gall. 1. viii. c. 46,) that Q. Cicero was sent into winter quarters in Belgium, when it appears that he was serving under his brother in Cilicia tlie 13th of October (Cicer, ad Attic, 1. v. 20.) of the same year, A. U. C. 702. (V, Figh, ad annum.) 9. M. Guichardt (Mémoires Militaires sur les Grecs et les Romains, lom, il. p. 220.) attributes the stay of Cœsar in Egypt not to Cleopatra, 4 B 2 but '356 INDEX EXPURGATORIUS. tmt to the Etesian winds, which Hirtius seems to confirm. But this reason or pretence could only relate to a very inconsiderable part of the nine months (Appian de Bell. Civil. 1. ii. p. 484.) which he spent there ; since the season of the Etesian winds is over some time before the autumnal equinox (V. Plin. Hist. Natur. 1. ii. c. 47) and Ca?sar did not land in Egypt before the middle of August. The proof oi this depends upon an accurate survey of the then irregular Roman Calendar. I adopt the system of M. de la Nauze (V. Mémoires de Littérature, torn, xxvi.) as it appears to me far more probable than that of Archbishop Usher. In general some light may be thrown upon Cœsar's transactions in Egypt. 10. Sallust is no very correct historian. I blame, 1. His Chronology. Let any one consider the context of his history from the siege of Nu- mantia to the Consulship of Calphurnius Bestia. (V. Bell. Jugurth. c. 5 — 29.) A fair reader can never imagine a space of more than five or six years. There were really twenty-two. (V. Pigh. ad ann. U. C. 620 et 642.) 2. His Geography. Notwithstanding his laboured descrip- tion of Africa, nothing can be more confused than his Geograpliy, with- out either division of provinces or fixing of towns. AVe scarce perceive any distance between Capsa and the river Mulucha (Bell. Jugurthin. c. 94 — 97, &c.) situated at the two extremities of Numidia, perhaps 500 miles from each other. 3. Having undertaken a particular history of the Jugurthine war, he neither informs us of the fall of the conquered province nor of the captive king. 11. M. de Montesquieu quotes the famous inscription of the Rubicon as ancient and authentic. (Considérations sur la Grandeur des Romains, c. xi. p. 123.) We may excuse Blondus, and Leander Alberti, for having been deceived by so very gross an imposition, wJiich carries its own condemnation along with it j has been regularly confuted by Cluverius (Ital. Antiq. 1. i. c. 28. p. 297.) and must be rejected by e^^ery scholar in Europe. 12. M. Muratori is grossly mistaken in the interpretation of a pass- age I TNDEX EXPURGATORIUS. ' 357 age of Olympiotlonis preserved by Photiiis, (V. Annali d'ltalia, torn, iv. p. 82.) The historian speaks of several rich senators who enjoyed an annual income of forty centenaries of gold, others of fifteen, others often, &c. The annalist understands by a centenary of gold 100,000 pieces of gold, which he supposes nearly equivalent to the crowns or ducats of our time. But the real signification of centenary, xevr-^va^tcy, means only one hundred pounds weight of gold (which was the general and legal computation under the lower empire.) I oweSalmasius the justice of observing, that he has given the true explanation of this word. (V. Comment, ad Script. Hist. August, p. 418.) Muratori's erroneous reckoning would increase the fortunes of these wealthy senators in the enormous proportion of at least seven to one. 13. M. Freret justifies tlie common reading of Pliny tlie Naturalist (1. iii. 5) which allows 13,200 paces for the circuit of Rome 5 by an ingenious calculation drawn from the measure of the surfaces of the fourteen regions as set down in the Notitia. The circumference de- duced from them is 13,549 paces. This seeming agreement is a real, contradiction. Pliny only speaks of the narrower boundaries of Servius Tullius. The Rome of the Notitia (tlie fourteen regions) com])rizedi all that was contained within the more extensive walls of the Emperor Aurelian. (V. Mem, de Littérature, torn. xxiv. p. 53 1, &c.) 14. Sir William Temple (V. his Works in folio, torn. i. p. 223) lias discovered a fundamental law in the Mamluk empire, which the Mamluks themselves were totally unacquainted with. " The son of a Sultan might inherit his father's private fortune, but he was for ever excluded from the succession. The throne was elective, and the election confined to tlie native Circassians, who had been brought slaves into Egypt, and had served as private soldiers in the Mamluk bands." The throne was indeed elective like the Roman empire in the third century ; but the army elected, deposed, or murdered their sove- reigns according to their own wild caprices, which were unrestrained by either law or principle. As prosperity is seldom the school of manly virtue- 55'i INDEX EXPURGATOIUUS. virtue it is not surprising, that a soldier of fortune \yas often preferred by his fellow soldiers to the son of a monarch, or a hardy Scythian to the native of that effeminate country, where every race of animals is observed to degenerate. (V. Maillet, Description de l'Egypte, torn. ii. p. 222.) Sir William Temple's notion is as contrary to fact as to reason. The sceptre of the Mamluks was above a century in the hands of the same family. Kelaoun was elected Sultan of Egypt in the year 1279, and was succeeded (with only two or three temporary usurpations) by fourteen of his descendants, two in the first generation, eight in the second, two in the third, and two in the fourth. (V. Pocock, Supplem. ad Abulpharag. dynast, p. 6 — 32. Hist. Générale des Huns, &c. par M. de Guignes, torn. i. p. 266, 267, torn. v. p. 155 — 246.) It is unfor- tunate for letters that the knowledge of facts, and the art of making use of them, are very seldom united. I pass over several other mistakes of Sir William Temple's that I may not seem to treat a polite scholar with the critical severity which he justly enough complained of (tom. i. p. 299) ; but I can scarce refrain from smiling at his Almanzor, tlie most accomplished of the western Caliphs, who reigned over Arabia, Egypt, Africa, and Spain ; but in fact an imaginary hero of an imaginary empire. Sir William Temple was deceived by some Spanish romances, which he took for Arabian history. (V. Ockley's Preface to the Second Volume of his History of the Saracens, p. xxiii.) 15. M. Maillet (author of the Description de l'Egypte, in 2 vol. 12mo. A la Haye, 1740) seems to have been a curious and accurate ob- server of whatever fell within his reach during a sixteen years consul- ship in that country. His account of the physical, moral, commercial and political state of Egypt is clear, copious, and entertaining. But his book has some considerable defects. 1. Though a sensible man the consul was no scholar ; he affects to despise the ancients ; seldom quotes them, and often mistakes them. This ignorance betrays him into many very gross errors and deprives us of all the lights which he might have extracted from, or reflected upon tlie writings of those ingenious nations who were so long masters of Egypt. It would be icndless to enumerate particulars. Let any one compare his sixth letter with INDEX EXPURGATORIUS. 559 with the Pyramidographia of the learned Mr. Greaves. (V. his Works, vol. i. p. 1 — 164.) 2. He was well versed in Arabian literature, and follows as his oracles those writers, even in respect to those earlier ages, which were to them (as they truly styled it) the time of ignor- ance, and upon which indeed they can offer us nothing better than traditions, tables, or conjectures. He is even far from accurate in his use of them. His considering the Mamluk princes till the conquest of the Turks as so many descendants of the great Saladin (V. torn. ii. p. 287, and elsewhere) may serve as a specimen. 3. The consul entrusted his materials to a French Abbé (Mascrier) to be revised and fitted for the press. The editor (who, though an affected, is no con- temptible writer) seems to have considered amusement as the only end ©f wjiting, and idle tales and ambitions ornaments as the only source of amusement. Nay, I am well assured that he has improved, or rather spoiled, the honest consul's memoirs by many additions drawn from his own imagination ; and what is unfortunate for us, that it is impossible to clear the native soil from these noxious weeds. 16. M. de Voltaire accuses the author of the Lettres Provinciales or having imputed to the Jesuits " un dessein formé de corrompre les mœurs des hommes." Compare this accusation with the fifth letter and you will be astonished that any man could advance it. " Sachez donc que leur objet n'est pas de corrompre les mœurs; ce n'est pas. leur dessein." (Vol. ii. p. 5.) When I meet Voltaire upon Grecian, Roman, or Asiatic ground, I treat him with the indulgence he has so much occasion for ; but we might have expected to have found him, better acquainted with one of the finest writers of his own country. (V. Oeuvres de Voltaire, torn. xvi. p. 322, ct Lettres Provinciales, tom. ii. p. 1 — 36, in 12mo. à Leyde, I767.) 17. M. de Voltaire, speaking of the many instances which seemed to justify Mademoiselle's marriage with a private gentleman, alleges the examples of the daughters of the Roman emperors, and those of the sovereigns of Asia. (Oeuvres de Voltaire, tom, xvi. p. 124.) Both are very ,-500 INDEX EXPURGATORIUS. very unhappily cliosen, as the cuxumstances are totally different. The only kings in the time of the Roman empire were vassals or enemies to it; all barbarians, and all considered with reason aS very inferior to a Roman senator. The eastern maxims of domestic government make those unequal alliances the most suitable and the most eligible for a sultan's daughter. She must marry a slave to avoid the being one. hersetf. 18. The example of Quadratus may give us an idea of the blind or perhaps artful credulity with which Mr. Addison composed his admired little treatise of the Christian Religion. He describes this apologist as a famous philosopher, a convert, and a martyr. (Addison's Works, vol. iii. p. 290.) Dr. Cave was not half so well acquainted with him. (V. Hist. Litterar. p. 32, 33.) I do not find the least trace of his con- version ; his martyrdom is founded only upon the modern martyrology of the Greeks, and I see no other proof of his philosophy than his being an Athenian, and that Mr. Addison might suppose that every Athenian was of course a famous philosopher. There is scarce a prejudice or a legend, that this popular writer has not condescended to adopt as the strongest argument. 19. Pope's verses to Addison upon his Treatise of Medals have certainly great beauties ; but I think I discover two faults in them. 1. I scarce know a more complete piece of tautology than the verses 6, 7, and 8. There cannot be any the most minute difference between hostile fury, barbarian blindness and Gothic jire ; religious rage. Christian zeal, and Papal piety, express one and the same idea. 2. I hardly know a stronger impropriety than complimenting the author of a didactic work by transgressing one of his principal rules. If Mr. Pope had considered how severely his friend condemned all inscriptions in verse, especially when they run into any length, he would never have given a legend of six heroic verses for Mr. Cragg's medal. (V. Addison's Works, vol. in. p. 155, 156.) And round die orb in lasting notes he read Statesman, yet friend to truth, &c. £0. Mr. INDEX KXPURGATORIUS. .aG 1 . QO. Mr. Addison boldly asserts that there never was a single martyr amongst the primitive heretics ; and even draws inferences from this undoubted fact, in favour of tiie truth of pure, orthodox Christianity. (Vol. III. p. 301.) To connect difïerent degrees of persuasion with different modes of opinion, appeared to me highly unphilosophical ; however, I consulted my ingenious friend Dr. Middleton who (I recollected) had placed the Christian martyrs in a very new and curious light. (See Free Inquiry, &c. in his works, Vol, I. p. 162 — \73.) He immediately informed me from the authority of all history, and par- ticularly that of Eusebius, (Hist. Ecclesiast. v. 16) that the heretics had their martyrs, as well as the orthodox : upon verifying the quota- tion, I even found that the sectaries boasted of the great number of their martyrs, and that tlieir antagonists did not pretend to deny the fact. 21. Dr. Lardner (Jewish and Heathen Testimonies, Vol. II. p. 18. 28. 63.) and the celebrated Mosheim, (Ecclesiastical History, translated by Maclaine, Vol. I. p. 76) have both imagined, that as all Domiti n's laws had been repealed by the senate, Pliny the younger was at loss what rule of conduct to observe in respect to the Christians. (V. Epist. X. 97.) It may be allowed from the authority of Suetonius (in Domit. c. 23) and Lactantius (de Mortib. Persec. c. 2) that the senate in the first fury of a just revenge, attempted to abolish every memorial of the tyrant ; but it should have been recollected, from a still better au- thority, (Plin. Epist. X. 66,) that his prudent successor soon settled the general administration of the empire, by restoring the constitutions and rescripts of Domitian to their former validity : " Epistolis etiam Do- iTiitiani standum est." It is evident from thence, that Domitian enacted no laws relative to the Christians ; and that till Pliny thought it ne- cessary to consult the emperor upon a case which grew daily more important, the governors of the provinces had no rule of conduct but their own discretion. This observation might lead to some import- ant consequences in regard to the history of the first age of Chris- tianity. VOL. III. 4 c 22. M. 563 INDEX EXPURGATORIUS. 22. M. de Voltaire has given us, among many other ingenious trifles, a dialogue between Marcus Aurelius and a Uccolet triar. The latter accuses the former of having {Persecuted the Christians to whom he had such obligations. The emperor assures him, that he never persecuted an}' one. (V. Oeuvres de Voltaire, tom. iv. p. 381. i The poet forgot the characters of his speakers. 1. It is very natural that the friar, a frienil to miracles and legends, should adopt the story of the Thunder- ing Legion ; but he would likewise have adopted the catastroplie of the fable, which exalts to the highest degree the gratitude of Marcus to- wards his benefactors. (Tertull. Apolog. c. '>. Lardner's Jewish and Heathen Testimonies. Vol. II. p. 226, &c.) 2. The emperor was too sincere to deny that many martyrs sutiered during his reign, and that he himself adde'l to the severity of the laws already in force against the Christians. (V. Lardner, vol. ii. p. 179 — 2il ; and JVIosheim's Eccle- siastical History, vol. i. p. 7B.) 23. M. de Voltaire I'ejects with a magisterial haughtiness the famous Chinese inscription, which relates the origin of Christianity in that country, and asserts with as decisive a confidence that Christianity was absolutely unknown in China in the time of Charlemagne. If he will take the trouble of reading a very curious dissertation in the Estratto della Letteratura Europea, per I'anno, 1761, p 1, 2, 4, and which is perfectly agreeable to the principles of M. de Guignes, (V. Mém. de l'Acad. tom. 30.) he may see the two following positions established upon the most convincing proofs. 1. It is certain from the Chinese historians, the Nestorian writers, and the Arabian and European tra- vellers, that a ver)'^ considerable Christian church subsisted in China from the 7th to the 14th century, which at first flourished very much under the peculiar protection of the emperors. 2. That the inscrip- tion carries every mark of authenticity, and is perfectly agreeable to the history of those times and even to the character and doctrines of the Nestorian sect. I am not insensible that before this question was so accurately examined, some learned men have had doubts concerning the INDEX EXPURGATORIUS. 563 * the inscription ; but where they doubted. Voltaire decided. Though his objections are very contemptible, yet I am still more offended at the haughtiness of his unbelief, than at his unbelief itself. 24. M. de Fontenelle, in that elegant piece of history and philo- sophy which he has extracted from the learned rubbish of Vandale, discovers many ingenious reasons which account for Porphyry's pro- ducing or even inventing oracles that were favourable to the Christians. (Oeuvres de Fontenelle, tom. ii. p. 2J9, &c.) Perhaps if he had at- tended to the well grounded suspicions of his own author, he might have concluded with still more reason, that Porphyry never did pro- duce them ; and that the work in question is spurious. Is not this a little too like the story of the golden tooth ? 25. M. de Fontenelle (tom. ii. p. 383) is mistaken when he thinks the Romans prohibited the Carthaginians by treaty, from offering any more human sacrifices. The original treaties between those powerful republics are still extant in Polybius and Livy. I need only relier to them. Gelon, tyrant of Syracuse, is indeed reported (though not upon the very best authority) to have imposed that humane condition after the battle of Himera. (V. Diodor. Sicul. 1. xi. 'il ; et Wesseling ad loc.) M. de Fontenelle is pleased to accuse the Romans of contradict- ing their own practice ; since they sacrificed a man every year to Ju- piter Latiates. But I shall not believe upon the words only of Por- phyry, Lactantius, and Prudentius, that human sacrifices were ever a regular part of the Roman worship. 26. I think M. de Fontenelle has very injudiciously called Homer and Hesiod the first Grecian philosophers. Reason and inspiration are widely different. The first poets were the prophets and theologians of their time ; not the philosophers. Several great sects of philosophy, who, from either inclination or policy, chose to connect their system 4 c 2 with 5(54 INDEX EXPURGATORIUS. with the established theology, were obliged to consult the most ap- proved interpreters of it; which scheme of conciliation has often betrayed them into absurdities. Thus in more modern ages the great Descartes has attempted to explain transubstantiation ; and the greater Newton to expound the Revelations. Fo itenelle might have spared his satirical exclamation, " Voilà les raisonnemens de cette antiquité si vantée," (Oeuvres de Fontenelle, torn. ii. p. 251.) 27. Lord Shaftesbury has observed that after despotism was fully established at Rome, not a statue, picture, or medal, not a tokMable piece of architecture afterwards appeared. Mr. Addison adopted this remark with great complacency, and Mr. Warton received it too easily. (Essay on the Genius and Writings of Pope, p. 176.) However, if we take the period of the reigns of Vespasian and Commodus, which is certainly a very fair one, we must confine this observation to painting alone. For the state of architecture, I need only appeal to the Coli- seum and Trajan's column ; the statues of Antinous and Marcus Aure- lius will give us an idea of the taste of sculpture. Every connoisseur knows that the highest perfection of the Roman medals is to be sought for in the times of Trajan and Hadrian. 28. The Epistles of Phalaris have been pronounced spurious after a much fuller hearing than they deserved. (See the Controversy be- tween Boyle and Bentley ) Let me however discover another mark of their being so. Phalaris enlarges very much (see Epistle Ixx. &c.) upon the glory, the honours, and the rewards that awaited the mui'- derers of tyrants. This was, I acknowledge, a general law of nations amongst the Grecian republics ; but I think it highly improbable that it could have been so ancient as the age of Phalaris, who (if he was not, as Pliny reports, the first tyrant in the world) may be proved to have flourished about 600 years before Christ. (Bentley against Boyle, p. 29 — 91.) Such a custom supposes many revolutions of freedom and servitude in the several Grecian republics j who were willing to intimi- date INDEX EXPURGATOniUS. ÔOJ date future tyrants, by armino; and encouraginj^j every private citizen to destroy them. Such was the conduct of tlic y\thenians when they re- covered their liberty in .512: and the honoius which were paid to the memory of Harmodius and Aristogiton became a model for tlie rest of Greece. 29. I am surprised that during that long and sharp controversy con- cerning the Epistles of Phalaris, neither party should have paid the least attention to the time of the foundation of Agrigentum ; since the tyrant could have no existence before his city. This last was built, according to the authentic accounts of Thucydides, (lib. vi. sub init.) 153 years later than Syracuse, founded, according to the Chronicle of Eusebius, in the second year of the XlVth Olympiad, (Ant. Ch. 735,) or, according to the more accurate computation, which Sir John Marsham has formed upon the Arundel marbles, A. C. 769. (Canon. Chron. p. 490. 495.) These two epochas will give us 582, or 616: either of them is sufficient to refute the earlier date, which Eusebius himself has given us for the age of Phalaris; and to reduce that con. troversy within narrower bounds. SO. The author of the Adventurer, No. 127, (Mr. Joseph Warton, concealed under the signature of Z.) concludes his ingenious parallel of the ancients and moderns by the following remark : " That age Mill never again return ; when a Pericles, after walking with Plato in a por- tico built by Phidias, and painted by Apelles, might repair to hear a pleading of Demosthenes, or a tragedy "of Sophocles." It will never return, because it never existed. Pericles (who died in the fourth year of the LXXXIXth Olympiad, Ant. Ch. 4^29. Dio. Sic. 1. xii. 46.) was confessedly the patron of Phidias, and the contemporary of Sophocles ; but he could enjoy no very great pleasure in the conversation of Plato, who was born the same year that he himself died. (Diogenes Laertius in Platone, v. Stanley's History of Philosophy, p. 154.) The error is still more extraordinary with regard to Apelles and Demosthenes, since both the painter and the orator survived Alexander the Great, whose 56G INDEX RXPUnCATORIUS. whose death is above a century posterior to that of Pericles, (in 323.) And indeed though Athens was the seat of every liberal art, from the days of Themistocles to those of Demetrius Phalareus, yet no particular era will afford Mr. Warton the complete synchronism he seems to wish for ; as tragedy was deprived of her famous triumvirate, before the arts of philosophy and eloquence had attained the perfection which they soon after received from the hands of Plato, Aristotle, and De- mosthenes. 31. Dr. Mosheim supposes that the Koran, collected by the succes- sors of Mahomet, and which is now extant, was different from the law, which the Prophet gave the Arabians during his life-time, because in the former he appeals to and extols the latter. This fact, or rather conjecture, is founded only on a reason evidently groundless. The 114 chapters which compose that extraordinary book were brought down by the angel Gabriel upon as many different occasions ; and it is no ways absurd that in his later revelations, Mahomet should appeal to those he had already received. Mr. Sale, whom Dr. Mosheim in the same place (Ecclesiastical History, v. i. p. 314) celebrates with reason as the ablest expositor of the Koran, would have informed him of that particularity. (See Preliminary Discourse to the English translation of the Koran, p. 63, 64.) 32. Dr. Mosheim represents the Norman pirates as absolutely devoid of any religion whatsoever. (Ecclesiastical History, vol. i. p. 432.) It is however certain that these pirates, who were the bravest and the noblest adventurers of the Scandinavian nations, worshipped the gods of their fathers, believed in the immortality of the soul, and received with religious faith the system of doctrine laid down in their Edda, which book M. Mallet (see Introduction à l'Histoire du Danemarc) has since introduced to the general acquaintance of the public, but which was even then accessible to the curiosity of a German scholar. Dr. Mosheim's proposition is at once groundless and dangerous. 33. Mr. INDEX EXPURGATORIUS. 567 33. Mr. Christopher S.nart, a new and very indifferent translator of Horace, (see IVLmthly Review, August, I7Ô7,) conjectures, that the first lines of the Art of Poetry not only condemn an affected and vitiated taste in writing, but are particularly levelled against the Metamor- phoses of Ovid, which are so often infected by it. The conjecture is ingenious and supported by some appearances ; but it is totally repug- nant to Ovid's own chronology of his works. Horace died A. U. C. Cap. 745; Ovid was banished A. U. C. 7()1. At that very time, he was writing the Metamorphoses, and as he was leaving Rome he at- tempted to commit them to the Hames as a rude and imperfect work : paternal love prevailed: Ovid finished the poem at Tomi and sent it to a fjiend at Rome with a short elegy which may be considered as a pre- face to it. (Ti'ist. 1. i. Eleg. 7.) It is therefore impossible that Horace could satirize a work which still remained unfiuislied and in the autlior's hands sixteen years after Horace's death. Even in the Augustan age there was more than one poet who had occasion for the critic's advice, and the satirist's correction. 34. M. de Buffon speaks of complete vessels being found in the heait of mountains at a great distance from the sea. A fact, indeed, of a very extraordinary nature, which shews us a lively glimpse of a former world, and of arts cultivated by men who inhabited some country now overwhelmed bv the sea, in ages when the modern ' Ips were buried under the waters; it ought therefore to be supported by some better authority than Gordon's Geographical Grammar, or an obscure com- mentator of Ovid's Metamorphoses. It is often to be lamented that natural philosophers are too little acquainted with history or the laws of historical evidence. Their ignorance of them sometimes deprives them of the knowledge of facts highly essential to their systems, and at other times deceives them by fables in the dress of truth. Facts either moral or natural are related by men. The value of the evidence must be determined by the character of the witness, and yet all M. de Buf- fFon's witnesses appear levelled by an undiscriminated equality. (Bufibiia Histoire Naturelle, tom. i. p. oQJ-) 35. An- r)GA INDEX EXPURGATORIUS. 35. Angora is famous for the long, beautiful, and silky hair of se- veral sorts of animals, and particularly of its goats. M. de Bufïoii, as the general historian of all those animals, has often occasion to speak of so curious a distinction ; but he as constantly supposes y\ngora to be a city of Syria, and even deduces consequences after his method, from the happy climate of that country, so congenial to those animals. (V. Histoire Naturelle aux Articles de la Chèvre, du Chat, et du Lapin, torn. V. et vi.) This supposed Syrian city is, however, in reality one of the most considerable towns of Asia Minor, which at present con- tains 100,000 souls, and is the seat of a Turkish pasha, and which was formerly, under tlie name of Ancyra, the capital of the province of Galatia. This breed of goats is even confined to about thirty miles round Ancyra, and easily degenerates when carried to any distance. (V. Pococke's Description of the East, vol. ii. p. ii. p. 86 — 90.) M. de Buftbn was not betrayed into this error by any preconceived system. On the contrary, the latitude of Spain agrees still more strictly with Asia Minor than with Syria. 36. M. de Voltaire (V. le Corneille de Voltaire, torn. ix. p. 153.) praises Racine and Corneille for having, both of them, very judiciously avoided shewing the contempt which the Romans and indeed all man- kind entertained for the Jewish nation. Berenice was the heroine of their tragedy, and the reader might possibly have thought too much like a Roman. Voltaire might have added, that those poets were equally in the right in representing her as a young princess, although at the time of her separation from Titus she was above fifty. History 7uust receive and can only explain the most improbable facts when they are properly averred. Poetry ought always to prefer agreeable proba- bilities to harsh and unlikely truths. The proof of Berenice's age is clear and easy. Her father Agrippa died A. C. 44. She was then sixteen, and already married to her uncle Herod, King of Chalcis. Titus succeeded his father Vespasian in the year 79, S3 years after the death of Agrippa. (V. Tillemont, Histoire, des Empereurs, torn. i. p. 839, de l'édit. in l2mo. et toutes les autorités qu'il cite.) 37. That INDEX EXPURGATORIUS. 5Çg 37- That ingenious trifler, Mr. Horace Walpole, has given us (Royal and Noble Authors, vol. i. p. 67 — 81.) a very curious article of the brave and learned Earl Rivers. He is, however, inaccurate in the ac- count of a tournament in Smithfield between the Earl and the great Bastard of Burgundy. 1. The tournament which was held just before the death of Philip, Duke of Burgundy, that is to say in the beginning of the summer I467 (V. Mémoires d'Olivier de la Marche, p. 489, Sec. in 4to. à Gand, 1566, et Chronique de Bourgogne dans le second vo- lume de Philippe de Comines, p. I89.) could have no relation with the nuptials of Duke Charles and the Pi'incess of England, which were ce- lebrated in July, 1468. From this mistaken date Mr. Walpole extracts a very puerile reflexion. The hero and the virago might think the combat of their near relation a proper compliment to their union ; but the brother of Edward the Fourth's wife can scarcely be deemed a near relation of Edward's sister, a. Mr. Walpole draws his account of the combat from an Englishman who thought that when the champions were parted the superiority was clearly on Earl Rivers's side. Olivier de la Marche was of a different opinion ; but he viewed the whole af- fair with the partial eyes of a subject of Burgundy. Mr. Walpole shews at least an equal partiality to the English knight, when he ex- tols Earl Rivers's generosity, for disdaining the first day to make use of the advantage he had gained by killing the Bastard's horse. The advantage itself was a contravention of the laws of chivalry ; the Earl was forced to excuse himself both to the king, who expressed great anger, and to his adversary, who readily accepted his excuses and his assurances that the blow was purely accidental. (V. Oliv. de la Marche, p. 91. Mémoires sur la Chevalerie par M. de St. Palaye, &c.) I am sorry Mr. Walpole never met with Olivier de la Marche. He might have added to his article of Earl Rivers a multitude of those little anec- dotes he is so fond of. 38. M. de Buffon often sacrifices truth to eloquence, and consistency to variety. In the fourth volume of his Natural History, (V. Discours sur la Nature des Animaux, p. 13 — 34.) the brain is the general sen- sorium of the animal; and the centre of the whole nervous system* VOL. III. 4 D '»vith 570 INDEX EXPUnCATORIUS. with which it communicates by an universal action and reaction ; in a word the seat of sentiment and the spring of action in every creature destitute of an intellectual soul. Such is the basis of M. de Buffon's profound though obscure metaphysics. But in the seventh volume (Discours sur les Animaux Carnassiers, p. 13, 16, &c.) tliis basis is en- tirely overturned. The brain is degraded into dead matter, insensible, and scarcely organized, which serves only to transmit to the nerves the nourishment it had received from the arteries. The diaphragma succeeds to all the former powers of the brain, at least to many of them ; for M. de Buffon disdains to acquaint us either with the defects he discovered in his old system, or with the parts of it he still chooses to retain, and tlie manner he connects them with his new principles. Instead of a candid confession that he had been seduced by a delusive though bril- liant hypothesis, he endeavours to make the world forget it, by observ- ing a profound silence on that head, in the copious and curious index he has drawn up himself for his great work. 39. M. de Buffon seems to be a very poor classical scholar. He always cites Aristotle in Latin, and most of his quotations from the an- cients appear borrowed from Gesner and Aldrovandus. It is a great pity, as this ignorance has deprived him of rnany curious materials. His admirable history of the elephant (Histoire Naturelle, torn. xii. p. 1 — 93.) might have been still more curious and equally authentic ; since I think the testimony of a Pliny, &c. who appeal to the whole Roman people as to what they saw in the amphitheatre, deserves as much credit as the stories a traveller brings back from Congo or Siam. M, de Buffon might perhaps have determined with less confidence that the climate of Europe is too cold for elephants. (V. p. 30 — 47.) I am sensible that there are no examples of that animal's multiplying or even subsisting in a state of nature beyond the limits of Asia and Africa. But there are many of the elephant's being employed in war in Spain, Sicily, and the southern parts of Italy, of then- going thi'ough all the fatigues of a campaign, &c. Those of Hannibal perished indeed in the severe winter marches that general made over the Alps and Apennines. A curious passage of Juvenal (Sat. xii. 102.) informs us that droves of elephants INDEX EXPURGATORIUS. f,7 y elephants belonging to the emperor were kept in the fields round Ardeu. They were probably anaintained for the public shews ; and it is to other droves of the same nature that we are to refer the elephant's bones fbund in Tuscany and other parts of Italy. (V. Dissertazioni del Cava- lier Guazzeri, p. 68, &c.) 40. Father Pagi, to whom good letters have many obligations, shews (in his Dissertatio Hypatica, p. 368.) that he read history like a monk. A writer or two of his own complexion had made use of the words con- sulatus, fasces, S^-c. in speaking of the Saracen kings oï Corduba, (the khalifs of Spain of the house of Ommiyah.) Now as the kings of France, Italy, &c. of those ages, really took the title of consul, Father Pagi very sagaciously concludes that the Arab khalifs imitated their example, without ever reflecting on the enormous diiference there was between them. The northern chiefs had adopted the religion and manners of the conquered nations, and still revered the power they had overturned. The Musulmans detested that religion, were strangers to those manners, and despised that power. The successors of the Prophet would have disdained a title which levelled them with the ser- vants of the Christian dog. In them the imitation of the Roman style would have been absurd ; in the authors of those times it was easy and natural. Sallust was a more correct writer than Eulogius or the Abbot Samson of Cordova; yet Sallust (Bell. Jugurth. c. 12.) speaks of the Lictor proxumus OÎ a Numidian prince, who had guards and officers, but who certainly had no lictors. This translation of ideas is common in all languages. 41. Olearius, as quoted by M. de Buffon, (Histoire Naturelle, tom. xi. p. 241.) rejects with scorn the antipathy which the ancients have supposed between the horse and the camel, and of which they have related such celebrated instances. Every caravan, and every stable in . Persia is, according to Olearius, a proof of the contrary. But this reasoning is very fallacious. The instances mentioned by the ancients suppose those animals unacquainted with each other, meeting for the 4 D 2 first 572 INDEX EXPURCATOIUUS. first time, and left entirely to their natural impressions. But it is not the least proof of the empire of man over the animals, that hy habit and education he can subdue those imjjressions, and can establish a degree of harmony and even of famiharity between the most discordant natures. The dose and the cat are domestic evidences of this assertion. 1-2. Plinv, speaking of an animal, (Machlis,) supposed to be the rein- doer, says the creature vk'as only to be found in Scandinavia. Caesar describes the same animal as a native of the Hercynian forest in Ger- many. M. dc Buftbn is struck with this contradiction, (Histoire Naturelle, torn. xii. p. 8'2.) which is indeed only apparent. .Our author, who is a better naturalist than an antiquarian, did not know that the vast island or peninsula of Scandinavia was considered by most of the ancients as a part of Germany ; (V. Cluver. German. Antiq. 1. iii. p. 159, &c.) that the ocean was the northern boundary of Ger- many j (Tacit, de Morib. German, c. 1, &c.) that the Hercynian forest lost itself in the most remote parts of that unknown country. (Cagsar dc Bell. Gallic. 1. vi. c. 25.) 43. M. de Buffon asserts (Hist. Natur. torn. xi. p. 229.) that the camel has been so completely subdued by man, that there remains no individuals of the species in a state of nature and freedom. This may be true enough in our times, but it was not so in those of Diodorus Siculus. That curious traveller says there were wild camels in Arabia. (Bibliot. 1. iii. c. 44. Edit. Wesseling.) The fact seems probable in itself, and it confirms M. de Buffbn's opinion, that the camel was originally a native of Arabia, for whose sandy deserts he and he alone seems formed. 44. M. Marmontel has made a singular mistake in his elegant trans- lation of Lucan. That poet had said of the Gallic Druids, (Lucan. Pharsal. I. i. v. 452.) Solis nosse Deos, et coeli numina vobis Aut solis nescire datum. ^ In iNDEX EXPURGATORIUS. o73 In the French version of the Pharsalia, this exclamation is turned into a panegyric of the doctrine of the GaUican church : " Vous seuls avez le privilège de choisir entre tous les dieux, ceux qu'on doit adorer, ceux qu'on doit méconnoître." But the poet was admiring not the truth but the singularity of the Druidical system of theology. Observing how much it disagreed with that of other nations, he cries out, " The knowledge of the Gods has been granted or has been refused t,o you alone." (V, le Lucan de Marmontel, torn. i. p. 32.) 45. The King of Prussia appears throughout his writings an enemy to the English. His description of the battle of Blenheim is a glaring instance of his partiality. (V. l'Art de la Guerre, chant vi.) Ainsi le grand Eugène, à ce fameux village Où Tallard et Marsin s'étoient très mal postés. D'un effort général donna de tous côtés, Sac. The history contained in these lines is as erroneous as the poetry of them is indifferent. The great Eugene, to whom the sole glory of the day is ascribed, commanded the right wing of the allied army, and was so well opposed by Marsin and the Elector of Bavaria, that his repeated attacks made no impression on them. It was his colleague, the Duke of Marlborough, who improved the many blunders of Tallard, passed the rivulet, broke the centre of the French army, took the flower of their troops in the village of Blenheim, and, in a word, obtained a complete victory. (V. Mémoires de Feuquières, torn. iii. p. 357 — 387. Kane's Campaigns, p. 37 — 6l. Histoire Générale par Voltaire, torn. V. p. 277.) 46. The translator of M. de Haller's poems has inserted a note which is to me incomprehensible. The poet (p. 112.) had exclaimed with in- dignation, *' Où coule aujourd'hui le sang des Muhleren et des Buben- berg ?" Bubenberg, (adds the translator,) " famille d'une ancienne no- blesse à Berne Muhleren, un ofiicier de cette famille, qui étoit aussi d'une ancienne noblesse, fit paroître son courage dans la défense de Morat .574 INDEX EtPURGATORIUS. Morat coiilic Charles le Hardi en 1476." 1. If the family was noble, as it certainly was, it seems superfluous to add that each individual of it was so likewise. S. I am perfectly well acquainted with the Buben- berg who defended Morat so gallantly against Charles the Hardy. His name was Adrian ; and neither Schilling, a contemporary historian, nor that indefatigable collector, M. Leu, (in his Helvetic Dictionary,) makes the least mention of that extraordinary name of Muhleren, which I never heard of, but which M. de Haller himself seems clearly to separate from that of Bubenberg. This passage is more singular, HS I have some reason to believe that the translator is M. de Tscharner, of one of the best families of Berne ; and who has written with applause a history of his own country in the German language. (V. Choix des Poesies Allemandes, par M. Huber. torn. iii. p. 242.) ALPHA- ( 575 ) ALPHABETICAL LIST. Nos. 1. Addison - - - .18,30. 2. Boyle and Bentley - - - 28. 3. BuflFon - ' - - - 34,35,33,39,42,43. 4. Cicero ... - 6. 5. Corneille and Racine - - 30. 6. Dacier _ . . - 2. 7. Fontenelle - - - 24,25,26, S. Freret - - - " ^ ^• g. Guichardt - - - - 9- 10. Guthrie . . - • 7- 11. Hirtius _ . - - 8. 12. Hume . _ - - 3, 13. Huid . - - - 1. Ji. Lardner and Mosheim - - 21. 15. Maillet - - - " ^^• 3 6. Marmontel - - - - 44. 17. Mongault andMiddleton . - 5. 18. Montesquieu _ - - 19. Mosheim ... - 31,32. 20. Muratori .--■;. 12. 21. Notilia W. 1. ... 4. 22. Olearius .... 41. 23. Pagi - - - - 4a 24. Phalaris . - - - 29. 25. Pope . _ . - 19. 26. Prussia (King of) - - - 45. 27. Sallust .... 10. 28. Shaftesbury, &c. „ - - 27. 29. Smart _ . _. - 33. 30. Temple original Genius and Writings of Homer, by Robert Wood, Esq. London, 1775, in 4to. Pompous and superficial, the scholar, the traveller, and politician ! Yet not without taste and merit. The Iliad and Odyssey of Homer, by Alexander Pope. London, 1771, 9 volumes in crown 8vo. The most splendid poetical version that any language has produced. An Essay on Pope's Odyssey, by Spence. London, 1747, in 12mo. Pleased Pope, and can please none else ; dry and narrow ! Ilias et Odyssea, by Barnes, 2 vols. 4to. 2/. 2*. Cantab. 1711. When Barnes's Homer appeared at Cambridge, Dr. Bentley ex- pressed his contempt for the edition and the editor, who understood (he said) as much Greek as a Greek cobbler. Barnes is indeed a vul- gar critic, and surely much inferior to Lucian's Micyllus. Ilias et Odyssea, Gr. 2 vols. fol. Glasg. 1758. As the eye is the organ of fancy, I read Homer with more pleasure in the Glasgow folio. Through that fine medium the poet's sense ap- pears more beautiful and transparent. Bishop Louth has said that he could discover only one error in that accurate edition, the omission of an iota subscribed to a dative. Yet how could a man of taste read Homer with such literal attention ? Homeri Opera, a Berglero. 2 vols. l2mo. 5s. Amst. 1707. Dr. Clarke's Edition, 2 vols. 4to. Ilias, London, 1729; Odyssey, 1740. Though not a Bentley, Dr. Clarke was a scholar and a critic. Even his metaphysical genius was usefully employed on the nice distinctions 4 E 2 of .580 NOTES ON THE VARIOUS EDITIONS of grammar and language. His edition of Homer desei'ves much esteem. Ernesti's Edition of Homer. 5 vols. 8vo. Lips. 1759. Ernesti's Homer is a republication of Clarke's edition, with some improvements of his own. But the more original labours of Heyne of Gottingen have raised, and will doubtless answer the public ex- pectation. A Hymn to Ceres, attributed to Homer, has very lately been disco- vered by a German, in a Library at Moscorc, and published by Rhun- kenius in Holland. Litgd. Bat. 1780, in 8t'o. I am by no means ungrateful for the discovery of this mythological hymn ; yet I should be far more delighted with the resurrection of the Margites of Homer, the picture of private life, and the model of an- cient comedy. What an universal genius i We may think indeed of Shakspeare and Voltaire. Hesiod, B. C. 870. If Hesiod, according to Velleius Paterculus, lived about the first Olympiad, 120 years after Homer, his rustic simplicity will only mark the different state of Bœotian and Ionic civilization. Hesiodi Opera et Dies inter Poetas Gnomicos, Brunck, His only genuine work (without the Invocation to the Muses) according te his countrymen near Mount Helicon. (Pausanias, 1. ix. p. 771, Edit. Kuhn.) In the Theogony I can discern a more recent age ; yet it passed for Hesiod's in the time of Herodotus. The Gnomica, or Moral Poems of Theognis, Phocylides and Solon in the Poetœ Heroici of Henry Stephetis, and the Analecta and Pueke Gnomici of Brunck. Pindar, inter Poetas Grœcos Lectii. The Odes of Pindar, transited into English Verse, with a Disser- tation OF THE GREEK AST) ROMAN CLASSICS. 581 tation on the Olympic Games, &c. by Gilbert West. London, 1750. 2 \'ols. in iSmo. West has learning, good sense, and a tolerable style of versification ; but Gray and Dryden alone should have translated the Odes of Pindar, and they did much better than translate. In the Greek Poets of Henry Stephens a7id Lectius, and in the Analecta and Poetœ Gnomici of Brunei ., we may read the fragments yet extant of Calltnus, Archilochus, Alcman, Melanippides, Ibycus, Teles- TEs, MiMNERMus, AlceuS, Sappho, Ehinna, Stesichouus, Simonides, Panyasis, Bacchylides. The shipwreck of lyric poetry is the heaviest loss the Grecian literature has sustained. How delightful would it be to glow with the free-born ardour of Alcœits, and to melt with the amo- rous passion of Sappho ! Yet Pindar still survives, the last, but, ac- cording to the ancients, the greatest of the lyric choir. The dearest objects of my regret are the better Iambics of Archilochus, (whose in- ventive genius has been compared with that of Homer himself,) and the pathetic elegies of Simonides, of which such an exquisite specimen has escaped the injuries of time. The fragments of the martial Tyrtaeus, (and they are indeed martial), which are contained in the Analecta et Poetœ Gnomici of Brunck, have been published in separate editions. Spartan Lessons, or the praise of valour, by Tyrt^us, in Greek. Glasgow, 1759, in 8vo. Tyrt^us, Greek and Latin j a Christian. Adolpho Klotzio. Alten- burg, 1767, in 8vo. Le Theatre des Grecs, par le Père Brumoy ; Amsterdam, 1732, 6 vols, in l2mo. and the last improved edition, Paris, 1785 — 89. 12 vols, in 8vo. Like most of the Jesuits, Brumoy was a literary bigot, and a su- perficial scholar. Instead of studying the origirval, he uses and abuses the Latin version {jj.vpm, sexcenti, six cent.). Yet on the faith of this worthy interpreter, many a French critic has talked about the Greek theatre. L'Œdipe 582 NOTES ON THE VARIOUS EDITIONS L'Œdipe de Sophocle, et les Oiseaux d'Aristophane, traduites par Boivin le Cadet : one of the best scholars that Fiance ever produced. Paris, 1729. Histoire d'Houodote traduite du Grec par M. Larchkr, avec des Notes, &c. Paris, 1786, 7 vols, in 8vo. The version is clear and correct; the notes are learned and judicious ; and a scholar will only regret that Larcher has not published an im- proved edition of the Greek text. Yet this is the man whom Voltaire made the object of his ridicule. Recherches kï Dissertations sub Hérodote, par le Préside7it Bouhier. Dijon, 1746, in 4to. The Speeches of Is;eus, translated, with notes by William Jones. London, 1778, in 4to. Xn'ophonpis Memorabilia Socratis, ab Ernesti, Gr. Lipsiœ, 1 755, in 1 2mo. Xenophon's Expedition of Cyrus, by Ed'mard Spelman. London, 1/47, 2 vols. 8vo. One of the most accurate and elegant prose translations that any language has produced. It is enriched with many notes, and Forster's Geographical dissertation. L'Expédition de Cyrus, traduite par Larcher. Paris, 1778, 2 vols, in 12mo. Histoire des Animaux, par Aristote, en Grec et en François, par Camus. Paris, 1783, 2 vols, in 4to. Camus is a scholar and a natural- ist. The first volume contains a pure text ; the second is an elaborate parallel between Aristotle's knowledge and the discoveries of the moderns. Aristoteles OF THE GREEK AND KOMAN CLASSICS. 583 Aristoteles de Mirabilibus Auscultationibus, Gr. et Lat. Gotting. 1786, in 4to. This collection of strange stones, which may be drawn from Aristotle's works, is illustrated by the copious and curious notes of John Beckman, the editor. ApoLLODORi Atheniensis Bibliothcca, Greek et Lat. cum notis Chr. G. Heyne. Gotting. 1782, 1783, 4 vols, in ]2mo. The text is comprised in the first volume : the three last are a mine of mythological erudition. PoLYBii Megalopolitani Historiarum quicquid superest, Gr. ct Lat. recensuit, digessit, illustravit Johannes Schleighseuser. Lipsise, 1789 — 1793, 6 vols, (yet unfinished) in 8vo. This accomplished edi- tion, both for the text and notes, will soon extinguish the preceding ones. The fragments are disposed in such lucid order, that we seem to have recovered the forty books of the history of Polybius. The General History of Polybius, translated from the Greek, by Hampton. London, 1772, 1773, 4 vols, in 8vo. The English translator has preserved the admirable sense, and improved the coarse style of his Arcadian original. A grammarian, like Dionysius, might despise Polybius for not understanding the structure of words ; and Lord Mon- boddo might wish for a version into Attic Greek. L'Histoire de Polybe traduite du Grec par le Père Vince7it Thullier, avec un Commentaire Militaire par le Chevalier de Folard, Amsterdam, 1753 — 1759, 7 vols, in 4to. The mixed offspring of a monk ignorant of tactics, and a soldier ignorant of Greek. Language and history are tortured to support the column ; but in his modern anecdotes and ob- servations, Folard is lively, interesting, and authentic. DiODORUs SrcuLUs. — Histoire Universelle de DiocoRp de Sicile, traduite par l'Abbé Terasson, Paris, 1756, 7 vols, in 12mo. The execu- tion S,Hi NOTES ON THE VARIOUS EDITIONS, &C. tio» is tolerable, but the design was singular for a mathematician, who despised history and the ancients. Apollonii Sophistae Lexicon, Iliad et Odyss. ab Hieronym. Tollio, Ludg. Bat. 1788, 2 vols. 8vo. • " Novum Lexicon Gr.'ecum in Pindarum et Homerum a Christ. Ï0B1A Damm. Berolini, 1774, 4to. If we compare these two Lexicons, the Greek in his long language must veil his bonnet to the' German, a most useful interpreter of Homer. LETTERS ( 565 ) LETTERS TO AND FROM EDWARD GIBBON, ESQ. No. I. Edward Gibbon, Esquire, to George Lewis Scott, Esquire. Dear Sir, As I know the value of your time, and as I have already borrowed some of it, I will not increase the debt by an idle preamble. When I was in Switzerland, I contracted an intimate friendship with Mr. Deyverdun, a young gentleman of one of the best families of that country. Misfortunes have since that time ruined his fortune, and he is at present in a situation very inadequate to his birth and merit, a clerk in one of our Secretaries of State's offices. As the dull mechanic labour of his post still leaves him many leisure hours, he has formed a design of filling them by a work of which he is very capable, and which will perhaps do him some honour. Observing that since the time Dr. Maty discontinued his Journal Britannique, foreigners have often complained they had no tolerable account of English literature, he purposes supplying that deficiency. His understanding (I think I do not indulge a friend's partiality) is an exceeding good one, his taste is delicate, his knowledge extensive ; he is critically acquainted with our language, and writes very well his own. I have promised him all the little assistance in my power, and cannot help thinking that the union of two friends of different nations, whose genius, lan- guage, and even prejudices are so very opposite, may give a peculiar advantage to our works. Besides the extracts which form the basis of every journal, Mr. Deyverdun proposes to introduce two other branches, VOL. ]Ji. 4 F which. 5SG LETTERS TO AND FROM EDWARD GIBBON, ESQ. which, tlioiifçh equally interesting, have been much more neglected, the History oi'the Theatre and of the Polite Arts; and, 2, The Manners of Nations, at least as much of them as a foreigner can describe or strangers luulerstand ; characterizing anecdotes, occasional memoirs of singular juen or things, &c. will serve to illustrate this part. The plan of the first volume is already formed, and the execution is in great forwardness. This volume will comprize a General Review of the present year ; (success, time, and the advice of our booksellers must determine the periods of our future publications.) It will contain the following articles : — L'Histoire de Henri H. par my Lord Lyttleton. 2. Le Nouveau Guide de Bath. 3. Histoire de la Société Civile, par Fergu- son. 4. Conclusion des Mémoires de Miss Sydney Biddulph. 3. Témoignages Juifs et Payens en fliveur du Christianisme, tome 4% par le Docteur Lardner. 6. Lettres de my Lady Wortiey Montague. Tome 7' De La Physique. 8. La Théologie. 9. Le Théâtre et Beaux Arts. 10. Les Mœurs. 1 1. Nouvelles Littéraires. You see, Sir, what a medley we have thrown together, but various stomachs, we think, require various food. Some can support nothing but novels, others can digest even divinity, and here we have provided accordingly a tlierogia who will serve them in their own way. We were however both very conscious that though we were masters of no part of learning, yet there was one of the principal walks Avhich we were peculiarly strangers to, that of the physical and mathematical sciences. This great obstacle was very near destroying our rising scheme, till at last despair gave me a kind of courage, I believe I might as well call it temerity ; at last, dear Sir, I determined to apply to you. It would be impertinent in me to say that you are able to oblige us ; I shall only say, that from my knowledge of your private character, I had some reason to hope that your inclination woidd be equal to your ability. What we desire are three or four abstracts every year of the best philosophical works that appear during that interval. To you, dear Sir, the task could not be a difficult one. For your own amusement you will probably peruse those works, and ideas so familiar to you will be vei'y easily thrown upon paper. You will determine much better than we can pretend to do what book would be the properest, if you should condescend to grace our first volume with so great an ornament ; LETTEKS TO AND I'BOM EDWARD GIBBON, ESQ. 5S7 ornament ; but I could wish you would introduce a short Tableau of the present State of the Physical and Mathematical Sciences in this country, as it is the method we have agreed to follow in most of our first extracts. Though I know, dear Sir, that you perfectly understand the French language, yet as you may not be accustomed to write in it, every piece you honour us with shall be carefully translated, and if you desire it, submitted to your correction. Such, dear Sir, is our plan. I flatter myself it will in some degree interest you, and that you will assist us with your advice as well as your pen. At least I will venture to say, that if you are ashamed of the authors, you never will be ashamed of the men. My friend's undertaking is founded upon the most liberal principles. He is well apprized of the small profit to be made from his labour, and resolved to avoid equally flattery and abuse. If your present occupations should not allow you to assist us, I beg, dear Sir, that you would keep our secret, and that you would believe me. With great respect. Your most obedient humble servant, Edward Gibbon, Junior. Beriton, Oct. \9th, 1767. No. II. Mr. Whitaker to Edward Gibbon, Esq. Dear Sir, I thank you very cordially for your letter of criticisms upon Fingal and myself. It is such an one as a friend should write and I wish to receive. And I cannot but observe, that our acquaintance, so sensibly and properly begun, seems for that reason to promise a much longer continuance than the customary intimacies of the world. Your remark upon the dramatic poem of Comala struck me very strongly upon my first reading it. It is quite new, and equally acute and ingenious. The elder son of Severus was not denominated Cara- calla, at the time of his father's or his own expedition into Caledonia. 4 F 2 And 588 LETTF.llS TO AND FIIOM EDV/ARD GIBBON, f.SQ. And yet, perhaps, in llic fond credulity of a man that admires the poems of Ossian, and has built too much upon them to allow them materially aftected by any interpolations, I see the objection, as I re- flect more upon it, losing gradually its force, and at last resolving into nothing. It proceeds upon a supposition, that, if not true itself, makes the otlier useless. This is, That the poems in general, and Comala in par- ticular, were eitlier written at the time of the transactions recorded in them ; or with a sacred regard to the names then borne by the agents. And this I apprehend not to be really the case. At least, it cannot be proved. And, till it is, the objection (I think) has nothing to rest upon. That the poems in general were not written at the time, is plain from a variety of circumstances, in which the author, like our Milton, full of his own feelings in the blindness and solitude of age, frequently leaves his subject, and comes home, as it were, to his own business and bosom. And that this of Comala was not, is demonstrable, because the author was not then born perhaps, and was certainly in his infoncy only. This ])oem, therefore, like all the rest, was written many years after the fact, and probably, like them, in the later stages of Ossians life ; certainly not till the middle period of it, when the fervours of the youthful warrior were tempered by years into the steadier glow of manhood and poetry. He tJmi appears as a renowned bard, the well- known voice of Cona. And then, employing the hours of peaceful in- activity in composing his poems, he would naturally, I suppose, make use of the names, whatever the actors might have borne at the time, that were most familiar to his countrymen when he wrote. This would certainly be his mode of acting, I think ; and, if the name of Antoninus had been sunk for years in that of Caracalla, the poet would be obliged indeed to make a sort of poetical anachronism, and use the latter ap- pellation instead of the former. That the name of Caracalla was the general one attributed to the son of Severus in the empire, and consequently by the nations bordering upon it, is plain, I think, from its transmission to the present times, and the popular use of it over all Europe. The concurrence of all mo- dern writers in tlie name must have resulted from some common prin- ciple of agreement, the popularity and familiarity of it among them. And accordingly LETTERS TO AND FROM EDWARD GIBBON, ESQ. -jSP accordingly Bede, who mentions the emperor by the title of Bassianiis and Antoninus in one place, speaks of him in another under the name of Antoninus cognomento Caracalla (p. 20. Smith). This therefore being his popular title, when Ossian wrote, he would naturally use it in his poems. The name of Bassianus was never known probably among the Caledonians. That of Antoninus would be too indistinct, and not point out the person intended with sufficient particularity. But that of Caracalla would answer every difficulty : it was at once po- pular and specific; and the anticipation was of little moment in itself, and in the eye of poetry, especially, of none at all. This seems to me a just and fair account of that little anachronism, if it can be so called, which your eye, my friend, has first found out in the poems of Ossian. And this comes directly to the point, I think, and without any acknowledgment of interpolations in them. Could such be proved, we must give up the authenticity of the poems as to every historical purpose. Had such been made, they must have de- tected themselves : and we have sufficient authority to say, that no such were made. " On Mr. Macpherson's return from the Highlands with the poems in their original state," says Dr. Blair, " he set himself to translate under the eye of some who were acquainted with the Galic language, and looked into his manuscripts; and by a large publication, afterwards, made an appeal to all the natives of the Highlands and islands of Scotland, whether he had been faithful to his charge, and done justice to their well-known and favourite poems." The Doctor accordingly informs us, that he had applied by letters himself to se- veral persons of credit and honour, who were natives of the Highlands and Isles, and well acquainted with the poems and the language, de-^ siring to know their real opinion of the translation ; and that not one of them " insinuates the most remote suspicion, that Mr. Macpherson has either forged or adulterated m\y one of the poems he has published." The Doctor then enters into a detail of testimonies, which, I think, carry the highest conviction with them, concerning a point which, at other times, I have been a little inclined to doubt, the real accuracy and strict fidelity of the translator. And the cursory reading of these evidences, now, has had such an effect upon my mind, that I am fully persuaded they must have a great one upon an understanding like yours. 590 LETTERS TO AND FROM EDWARD GIBUOVl, ESQ. yours, sceptical perhaps, but argumentative, hesitating in its assent, but not from wild surmises, or airy suspicions, but from doubts, rea- sonable though perhaps not just, and objections grounded though not sufficient. This subject has taken up more of my letter than I originally in. tended it should, and I hasten from Ossian to myself. Your judgment concerning my attempt to rescue the character and actions of Arthur from the accumulated shade of 1200 years, as it is the result of a care- ful and attentive perusal, has gratified the spirit of authorship about me very much. As you have shewn by pointing out some of the faults in the work, that you are superior to the usual mode of treating authors, I lay the greater stress irpon it ; and, as you had taken a different route in your own work, I lay still greater. You think, however, that I too peremptorily censured Dr. Hurd with regard to his asserted ori- gin of chivalry, and that indeed my origin of it is not so just as his. As to the former, I am ready to own, and I do voluntarily acknow-' ledge, that there is a vein of presumptuousness and decisiveness run- ning thoughout the whole of the first as well as the second volume, which (after I had published the first) I stood amazed at on a review ; and can only account for my being betrayed into it, by the natural sanguineness of my temper, heightened by the real or supposed disco- veries that I had made, and venting itself uncorrected in the solitude of a study. And I corrected it in my second edition of the 1st volume, that I published last winter, and have also corrected it some weeks ago in that copy of the second which I am re-preparing for the press. But the censure itself (if it may be called a censure) seems to me to be just.. You think that the whole argument for my placing the origin of chivalry in the age of Arthur, rests upon this, that his warriors shared with him the dangers of battle and the feast of victory : but I appre- hend that it does not. I have noted, that a military order appears to have existed among Arthur's knights, from the continuance of it near 100 years after his death (p. 533 and 536); and this, I think, entirely precludes your objection and Dr. Kurd's hypothesis. What you observe concerning the enthusiasm of my style and senti- ments in the religious part of the work, is more just, I think. That of the style is the natural operation of my over-vivacity when I wrote it, near LETTKRS TO AND FROM I-DWARD GIBBON, ESQ. .^91 near five years ago, raised and coloured by what (I hope) I shall ever retain, my unbounded admiration of the Christian system. But I had mellowed and softened both in my corrected copy,before I received yours, and have thrown in some additional softenings since. I wish to write like a man mIio is deeply impressed with the sensibilities of religion; and I ha\ e even the fond desire of speaking usefully to the heart, when I am generally writing only to the head. But I do not want to coun- teract my own purposes. I know the philosophic air of coldness with which the present age affects to receive any notices of religion : and some prudential deference must be paid to the irreligious humour. You think that I have not paid enough; — and so I think. The monkish bigotry of the Saxon kings, which you note to be touched with too gentle an hand, and which, I think, was not touched at all, I have now, in consequence of your letter, animadverted upon in that sort of transi- tory manner, however, which alone was suited to the design of the paragraph, and the turn of the sentiments. My " rough treatment of Plutarch," though tolerably gentle, I think, I have softened still more, on the credit of your hint : and my rougher of Mr. Hume will be dis- carded, not perhaps for less severity, but for greater genteelness. All that relates to him will be thrown together into the Appendix, be greatly enlarged, and so form a regular criticism for the Saxon period. And the remarks will be written in a more critical and historical man- ner. My treatment of Socrates, which you think harsh, seems to me highly complimentai. Complimentai it certainly is, with regard to his general character. And the only supposable harshness is, that he is said to have lived and died a polytheist. The avarice and ambition of the Saxon clergy, you think, I have also touched too gently ; and I did not mean to touch it at all. All that I have said relates merely to the emoluments and honours conferred upon them : and do those necessarily imply avarice, or these ambition, in the receivers ? I own that my work would have been better adapted to the taste of many in tlie present time, if I had, with one of Mr. Hume's superior airs, treated the clergy very freely; inveighed against ambition in them, and yet considered it as the great stimulus to virtuous actions in the laity, and branded them for an avarice which was founded only in the surmises of an ungenerous suspicion. But surely it does not become 592 LETTERS TO AND FllOM EDWARD GIBBON, ESQ. become any man of sentiment and spirit to write in tiie strain of popular prejudice, and to sacrifice the praises of future generations to the ap- plause of the present. The time will soon come, when this momentary vapour will give way to others, be lost and forgotten in the common mass, or be remembered only for a while, because of the odd and fan- tastic shapes that it assumed. And this will serve equally as my apology for the assertion which seems so striking to you, that of the divine in- stitution of tythes. They appear to me to be as divine now, as they are acknowledged to have been at first : and I see not how the argu- ment that is urged in the text for their divinity, can possibly be over- thrown.* In condescension however to the world, I have struck out the whole paragraph in the notes upon Mr. Hume, in which the subject was gone over more formally again ; and I leave the whole to stand upon what is said in p. 790, 791. I have thus repUed more largely than I at first intended, to your very obliging letter. Sir 5 and I should sooner have acknowledged the favour, had I not been deeply engaged in revising, correcting, and enlarging my second volume for the press. This has fully employed me since my arrival in the country, and will take up all my time, I suppose, till my return. In the mean while, I hope you are engaged in the usefuller business of preparing your history for the public : no time, I think, should be lost, in justice to yourself as well as the public ; and I should have been glad, if I could have been of half the service to you ia it, that you have been of to me. When your fiivour arrived, I had been three or four days wishing to have some opportunity of writing to you, but could not think of any but our old subjects. Your letter happily delivered me from the em- barrassment : and I hope to hear speedily from you again. I should be very sorry to have our acquaintance, and (I hope I may add) our friend- ship, even suspended for the long interval of my absence from London : * It is no small reproach to the human understanding-, that a man of Mr. Whitaker's abilities should maintain such opinions. It was supposed, to the credit of the English clergy, that scarcely one of them in this enlightened age believed in, or insisted on, the divinity of tythes. Their divinity is surely nove no more acknowledged than that of all those laws of Moses contained in the Levitic Code, which were abolished on the introduc- tion of Christianity, S. and XETTERS TO AND FROM EDWARD GIBBON, ESQ. ,593 and we shall meet there, I trust, on my return, as old friends that know, and therefore value each other. In that confidence I remain, dear Sir, Your favoured and obedient Friend and Servant, J. Whitaker. P. S. Salmasius's derivation of our clerical cassocks from the Gaulish caracallae, I think is one of those wild vagaries of etymology that have so greatly discredited the science. Cassock is casul in Armorick, a priest's cope, and casul and casog in Welsh and Irish, a cassock. Manchester, July 20, 1773. No. HI. Mr. Gibbon to Mr. Holroyd. Bentinck -street, Dec. \6th, 1773. To the vulgar eye of an idle man, London is empty; but I find many pleasant companions, both dead and alive. Two or three days ago I dined at Atwood's with a very select party. Lord G. Germaine was of it, and we communed a long time. You know Lord Holland is paying Charles's debts. They amount to 140,000/. At a meeting of the cre- ditors, his agent declared, that after deducting 6000/. a-year settled on Ste,* and a decent provision for his old age, the residue of his wealth amounted to no more than 90,000/. The creditors stared, till Mr. Powell declared that he owed every thing to the noble Lord ; that he happened to have 50,000/. in long annuities, and begged that he might be permitted to supply the deficiency. How generous ! Yet there are people who say the money only stood in his name. My brother Ste's son is a second Messiah, said Charles the other day. How so ? Because born for the destruction of the Jews. * The Hon. Stephen Fox, eldest son of Lord Holland. VOL. III. 4 G No. f>94 LETTERS TO AND FROM EDWAHD GIBBON, ESO. No. IV. William Strahan, Esq. to Edw. Gibbon, Esq. Sir, New-street, Sunday morning, Oct. Sth, 1775. T WAS desirous of taking an early opportunity of paying my respects to you, to return you my best thanks for the pleasure I have received from the perusal of your work, which I have read almost as far as it is advanced. My opinion of it, I shall beg leave, with all submission, to lay before you in a few words. The language is the most correct, most elegant, and most expressive I have ever read ; but that, in my mind, is its least praise. The work abounds with the justest maxims of sound policy, which, while they shew you to be a perfect master of your subject, discover your intimate knowledge of human nature, and the liberality of your sentiments. Your characters, in particular, are drawn in a masterly manner, with the utmost accuracy and precision ; and, as far as I am able to judge, in strict conformity to historic truth. In short, so able and so finished a performance hath hardly ever before come under my inspection : and though I will not take upon me abso- lutely to pronounce in what manner it will be received at first by a capricious and giddy public, I will venture to say, it will ere long make a distinguished figure among the many valuable works that do honour to the present age ; will be translated into most of the modern languages, and will remain a lasting monument of the genius and ability of the writer. I am, with the greatest esteem and respect, Sir, Your most obedient and faithful servant, Will. Strahan. No. I.KTTEHS TO AXD FRO^f EUWARU GIEUON, l.SCJ. .).9.-> No. V. Mr. VViiiTAKER to Edward Gibbon, Esg. Dear Sir, Saturday, Feb. 24th, 1776. I «AVE just now received the favour of your History, and I would not delay the acknowledgment. I expect equal information and enter- tainment from it. In that expectation I shall sit down to it next week; and, when I have gone over the whole, you shall hear from me again, without flattery, though not perhaps without partiality. In the mean- time, if I thought [ might trouble you so soon after my late tax upon you, I would send you a dozen of covers, and beg you to take the trouble of addressing them to Miss Holme, of Brownhill, Rochdale, Lancashire. She is not a mere goddess in Platonic vision. And, if you knew what an elegant, sensible, and spirited correspondence betwixt her and a Welsh lady you would promote by the flourish of your pen, you would run it over a few half-sheets with pleasure. But I think I have no right to ask for the one, and shall therefore decline sending the others. Your History found me engaged in another History, a work long designed by me, but now executing on a new plan, and therefore with a new title. It is to be called The Military History of the Romans in Britain, and will consequently take in all their military transactions here» and endeavour to place them in new points of view. I have already finished two chapters upon this model, and have gone through the two expeditions of Caesar in them. But I find one inconvenience attending my departure from the common line of relation with regard to these invasions, which I do not like and yet know not how to avoid. I am obliged to defend my own accounts in some formal dissertations at the end. And, if I go on as I have begun, my Appendix will be half as large as my History. I hope your anti-American spirits, Sir, are in a higher flow than they were when I had last the pleasure of hearing from you. Manchester has taken a decided part against the Americans. And, having beaten 4 G 2 the 5f)6 LETTERS TO AND FROM EDWARD GIUJJON, ESQ. the petitioners out of the field in action, we are now attacking them in the London papers, and driving them from tlieir last refuge there. I remain, Dear Sir, Your most devoted and very humble Triend and Servant, J. Whitaker. No. VI. Mi: WiiiTAKEU to Edward Gibbon, Esq. Siii, No. 29, Fetter-lane, March 26th. It was not till yesterday, that I knew to whom I was indebted for your obliging communication of last week. It was, before, a sort of" lairy favour. And I supposed, with regret, that it was in vain to in- quire after the invisible band which had reached it out to me. But yesterday, casting a casual look upon the outer cover, I there saw what I had not observed before, a note from Mr. White, the bookseller. This naturally led me to inquire of him. And from him I had the satis- faction to learn, that my unknown and friendly correspondent was Mr. Gibbon. To Mr. Gibbon therefore I return my cordial thanks for the obliging manner in which he speaks of the History of Manchester, and my more cordial for his two remarks upon it. These have pointed out a track of thinking, with which I was but little acquainted before. And I should be glad to enter upon it in company with such a guide, and pursue it to its termination. Cannot Mr. Gibbon and I, therefore, con- trive to spend an hour together upon the subject .'' I shall be very happy in waiting upon Mr. Gibbon at his own appointment, and either in Bentinck- street, Fetter-lane, or a coffee-house. And I shall be glad to cultivate the acquaintance of a gentleman, who seems to be, what few even of our professed scholars are, very conversant with the earlier history of our country. In the meantime I have the pleasure to subscribe myself Mr. Gibbon's obliged and most devoted humble Servant, J. Whitaker. ^ No. LETTERS TO AND FBOM EDWARD GIBBON, ESQ. 507 No. VII. ilfr. Whitaker to Edward Gibbon, Esq. Dear Sir, f 3Iancfiesteri April 2lsf, 1776. I HAVE just finished your History: and I sit down to thank you for it a second time. You have laid open the interior principles of tlie Roman Constitution with great learning, and shewn their operation on the general body of the Empire with great judgment. Your work therefore will do you high honour. You never speak feebly, except when you come upon Britisli ground, and never weakly, except when you attack Christianity. In the former case, you seem to me to want information. And, in the latter, you plainly want the common candour of a citizen of the world for the religious system of your country. Pardon me. Sir, but, much as I admire your abilities, greatly as I respect your friendship, I cannot bear without indignation your sarcastic slyness upon Christianity, and cannot see without pity your determined hostility to the Gospel. But I leave the subject to beg a favour of you. After so open a declaration, I pay a great compliment to the friendliness of your spirit, to solicit from you any favour. I have inclosed you a printed paper, written by myself, and relating to a Bill for this town, which is now in the House. It was drawn up with the utmost plainness, in order to be level to the comprehensions of the persons to whom it was addressed. And I take the liberty of send- ing it to you, to inform you of the nature and complexion of the Bill. You may depend upon all the facts in it. And if you think the argu- ments convincing in themselves, and the cause for my sake worthy of your interposition, you will perhaps think it requisite, either by appli- cation to the Committee or by an overture to the House, to get a couple of restraining paragraphs inserted in the Bill ; that shall make every subscriber to the improvements a commissioner under the Act, and oblige the commissioners to fiftish all the improvements in a limited time. In doing this, you will check a spirit of tyranny, that has shewn itself very powerfully in this region of mercantile equality, and confine ÎÎ.Oi? LETTERS TO AND FROM EDWARD CICBON, ESQ. it within proper bounds. And you will particularly oblige your friend, who, with a great promptness to submit to the authority of his legal superiors, feels a greater reluctance to truckle to the assumed dominion of his equals. I write to Sir Thomas Egerton by this post, and upon this occasion. But, as his friends here are divided upon the matter, I am doubtful whether he will choose to interpose in it. I shall write also to one or two other friends of mine in the House. But as I have not the same claim of friendship upon them, which you allow me to have upon you, I rely principally upon your interposition. And if you can serve tlie thinking part of this town, if you can oblige me, you will (I am con- vinced) do both. Let me add to this favour, which is merely a public and political one, another of a more private and tender nature. Will you make some of your servants fold me up a dozen covers, and inscribe them yourself to Miss Holme, Brownhill, Rochdale, Lancashire? If you will, you will heighten the former favour, and make me still more Your affectionate Friend and Servant, J. Whitakek. No. VllL Mr. Whitaker to Edward Gibbon, Esq. D£AR Sir, Manchester, May Wth, 1776. I THANK you for your franks. And I thank you still more for your friendly return to my last. You received my application to you about the business in parliament, with your usual kindness. I wrote to others of my friends in the House at the same time. And I carried the great point which I aimed at. You also received mj' animadversions upon your History with candour. I was particularly pointed, I believe, in what I said concerning the religious part of it. I wrote from my feel- ings at the time ; and was perhaps the less inclined to suppress those feelings from friendliness, because I had two favours to beg of you. I hope, I shall ever be attached, with every power of my judgment and my LETTERS TO AND FROM EDWAUD GIBBON, ESQ. 5.99- my affection, to that glorious system of truth, which is the vital principle of happiness to my soul in time and in eternity. And in this I act not from any " restraints of profession." I should despise myself, if I did. I act from the fullest conviction of a mind, that has been a good deal exercised in inquiries into truth, and that has shewn (I fancy) a strong spirit of rational scepticism in rejecting and refuting a variety of opinions, which have passed current for ages in our national history. With regard to what I said concerning your British accounts, I meant not to blame you, either for not saying all that you knew concerning our island, or for not bringing in the intimations of Richard on Ossian. I blamed you only for not noticing some particulars, that made a neces- sary part of your narration, and are mentioned by the best authoritie'!. And I remember particularly, that in your description of the Empire about the time of Severus, and in your short intimations concerning the state of the towns within it, you specify only Loudon and York as re- markable towns in Britain, though Tacitus and Dio give us such an account of Camulodunum, and though Chester appears from an in- scription and a coin to have been then a colony. And in the description of those two which you mention you take no notice, I think, of the sweet and pleasant situation of London, so strikingly marked by Tacitus, and of the Temple of Bellona, and of the Palatium or Domus Palatina, in York, so expressly specified by Spartian. You omit also the fine baths of Britain, so plainly pointed out in the Thermaa of Ptolemy, and the Aquœ Solis of Antoninus's Itinerary, and so celebrated by Solinus. You equally omit the latter's Temple of Apollo and Minerva, at the same colony of Bath. And you also omit the colony of Gloucester, though demonstrated to be one by an inscription ; and the colony of Caer Gwent, in Monmouthshire, though particularized by Antoninus's Itinerary, and exhibiting such remains in Giraldus Cambrensis.* These were some of the remarks that forced themselves upon my mind, as I read your v/ork. Others also arose of a different nature and inferior importance, as that the native language of Gaul and Britain was driven * Mr. Whitakei's eagerness to display his erudition as a British Antiquarian, seems to have occasioned a forgelfnliiess tliat Mr. Gibbon did not affect that character; that .ts llie historian of Rome his subject could not be supposed to embrace the details of Britisli antiquities. S. ' by £00 . LETTEUS TO AND FROM EDWARD CIBBOX, ESQ. by the Romans to the hills and mountains; that the Druids borrowed money upon bonds payable in the other world, &c. The former is undoubtedly a mistake in the island, and I believe, is equally so on the continent. And the latter, I apprehend, has only the frivolous authority f Cluverius or some such writer for its ground-work. From these and cher particulars it was, that I received the impression which I ventured to declare in my last. And I am ready to acknowledge my mistake, if 1 am wrong. These, however, if never so true, are but trifles light as air in my es- timation, when they are compared with what I think the great blot of your work. You have there exhibited Deism in a new shape, and in one that is more likely to affect the uninstructed million, than the reasoning form which she has usually worn. You seem to me like another Ta- citus, revived with all his animosity against Christianity, his strong phi- losophical spirit of sentiment, and more tlian his superiority to the absurdities of heathenism. And you will have the dishonour (pardon me, Sir) of being ranked by the folly of scepticism, that is working so powerftdly at present, among the most distinguished deists of the age. I have long suspected the tendency of your opinions. I once took the liberty of hinting my suspicions. But I did not think the poison had spread so universally through your frame. And I can only deplore the misfortune, and a very great one I consider it, to the highest and dear- est interests of man among all your readers.* These must be very numerous. I see you are getting a second edi- tion already. I give you joy of it. And I remain, with an equal mix- ture of regret and regard. Your obliged Friend and Servant, J. Whitaker. * If the letters of Mr. Whitaker had been perused previously to the publication of the former edition, this manly and spirited declaration in favour of the principle;^ of the Established Church, and against the perversion of those opinions which constitute the greatest comfort and consolation of the Christian world, would not have been then with- held from the public, S. No. I.ETTERS TO AND FROM EDWARD GIBBON, ESQ. 601 No. IX. Rev. Dr. Joseph Warton to Mr. Gibbon. Dear Sir, Winchester, March Wth, 1776. I CANNOT forbear expressing my thanks to you, for the very great pleasure and instruction I have met with in your excellent work. I protest to you I know of no history in our language written with equal purity, precision, and elegance of style. I presume you have heard that offence is taken at some passages that are thought unfavourable to the truth of Christianity. I hope you will proceed to finish your plan, and gratify the eager wishes of the public to see the whole of your work. May I ever hope for the honour of seeing you at this place ? It would give me the most real pleasure. I am, dear Sir, With the truest regard, your much obliged and very faithful humble Servant, Jos. Warton. No. X. David Garrick, Esq. to Mr. Gibbon. Dear Sir, Adelphi, March 9th, 1776. Whenever I am truly pleased I must communicate my joy : Lord Camden called upon me this morning, and, before Cumberland, de- clared that he never read a more admirable performance than Mr. Gib- bon's History, &c. He was in transport, and so was I — the author is the only man to write history of the age — such depth — such perspicuity — sucli language, force, variety, and what not! I am so delighted with him, continues he, that I must write to tiiank him — I should be happy to know him. My Lord, I have that lio- nour, and will contrive, if possible, to bring you together. Said I too much ? My coach is at the door — my wife bawling for me, and every VOL. in. 4 H thing O02 LEÏTEUS TO AN» FROM KUWAKU GIBBON, ESQ. thing impatient — so hey for Hampton till Monday, and in the mean time, as I am always, most truly, Your most obedient and obliged, D. Gaurick. I have not a moment to read over this scrawl. No. XI. Tlie Hon. Horace Walpole to Edwaiîd Gibbon, Esq. Mr. Walpole cannot express how much he is obliged to Mr. Gib- bon for the valuable present he has received ; nor how great a comfort it is to him, in his present situation, in which he little expected to re- ceive singular pleasure. Mr. Walpole does not say this at random, nor from mere confidence in the author's abilities, for he has already (all his weakness would permit) read the first chapter, and is in the greatest admiration of the style, manner, method, clearness, and intel- ligence. Mr. Walpole's impatience to proceed will struggle with his disorder, and give him such spirits, that he flatters himself he shall owe part of his recovery to Mr. Gibbon, whom, as soon as that is a little effected, he shall beg the honour of seeing. No. XH. The Hon. Horace Walpole to Edward Gibbon, Esq. Februari/ l4tJi, 1776. After the singular pleasure of reading you. Sir, the next satis- faction is to declare my admiration. I have read great part of your volume, and cannot decide to which of its various merits I give the pre- ference, though I have no doubt of assigning my partiality to one vir- tue of the author, which, seldom as I meet with it, always strikes me superiorly. Its quality will naturally prevent your guessing which I mean. It is your amiable modesty. How can you know so much, judge so well, possess your subject and your knowledge, and your power LETTERS TO AND FROM EDWARD GIBBON, ESQ. 603 power of judicious reflection so thoroughly, and yet command yourself and betray no dictatorial arrogance of decision ? How unlike very an- cient and very modern authors ! You have unexpectedly given the world a classic history. The fame it must acquire will tend every day to acquit this panegyric of flattery. The impressions it has made on me are very numerous. The strongest is the thirst of being better ac- quainted with you — but I reflect that I have been a trifling author, and am in no light profound enough to deserve your intimacy, except by confessing your superiority so frankly, that I assure you honestly, I al- ready feel no envy, though I did for a moment. The best proof I can give you of my sincerity, is to exhort you, warmly and earnestly, to go on with your noble work — the strongest, though a presumptuous mark of my friendship, is to warn you never to let your charming modesty be corrupted, by the acclamations your talents will receive. The na- tive qualities of the man should never be sacrificed to those of the author, however shining. I take this liberty as an older man, which reminds me how little I dare promise myself that I shall see your work completed ! But I love posterity enougli to contribute, if I can, to give them pleasure through you. I am too weak to say more, though I could talk for hours on your history. But one feeling I cannot suppress, though it is a sensation of vanity. I think, nay, I am sure I perceive, that your sentiments on government agree with my own. It is the only point on which I sus- pect myself of any partiality in my admiration. It is a reflection of a far inferior vanity that pleases me in your speaking with so much dis- tinction of that, alas ! wonderful period, in which the world saw five good monarchs succeed each other. I have often thought of treating that Elysian era. Happily it has fallen into better hands ! I have been able to rise to-day, for the first time, and flatter myself that if I have no relapse, you will in two or three days more give me leave, Sir, to ask the honour of seeing you. In the mean time, be just ; and do not suspect me of flattering you. You will always hear that I say the same of you to every body. I am, with the greatest regard, Sir, Your most obedient humble Servant, Hon. Walpole. 4 H 2 No. 604 LETTERS TO AND FROM EDWARD GIBBON, ESQ. No. XIII. The Hon. Horace Walpole to Edward Gibbon, Esq. Dear Sir, I HAVE gone through your Inquisitor's attack, and am far from being clear that it deserves your giving yourself the trouble of an answer, as neither the detail nor the result affects your argument. So far from it, many of his reproofs are levelled at your having quoted a wrong page, he confessing often that what you have cited is in the author referred to, but not precisely in the individual spot. If St. Peter is attended by a corrector of the press, you will certainly never be admitted where he is porter. I send you my copy, because I scribbled my remarks. I do not send them with the impertinent presumption of suggesting a hint to you, but to prove I did not grudge the trouble of going through such a book, when you desired it; and to shew how little struck me as of any weight. I have set down nothing on your imputed plagiarisms, for if they are so, no argument that has ever been employed, must be used again, even where the passage necessary is applied to a different purpose. An au- thor is not allowed to be master of his own works, but by Davis's new law, the first person that cites him, wovdd be so. You probably looked into Middleton, Dodwell, &,c. had tlie same reflections on the same cir, cumstances, or conceived them, so as to recollect them, without remem- bering what suggested them. Is this plagiarism ? If it is, Davis and such cavillers might go a short step farther, and insist that an author should peruse every work antecedently written, on every subject at all collateral to his own, — not to assist him, but to be sure to avoid every material touched by his predecessors. I will make but one remark on such divine champions. Davis and his prototypes tell you Middleton, &c. have used the same objections, and they have been confuted; answermg^ in the Théologie Dictionary, sig- nifying confuting, no matter whether there is sense, argument, truth, in the answer or not. Upon the whole, I think ridicule is the only answer such a work is intitled LETTERS TO AND FROM EDWAUD GIBBON, ESQ. 605 iiititled to. The ablest answer which you can make (which would be the ablest answer that could be made) would never have any authority with the cabal, yet would allow a sort of dignity to the author. His patrons will always maintain that he vanquished you, unless you make him too ridiculous for them to dare to revive his name. You miijlit divert yourself too with alma mater, the church, employing a goujat to defend the citadel, while the generals repose in their tents. If Irenaeus, St. Augustine, &c. did not set apprentices and proselytes to combat Celsus and the adversaries of the new religion but early bishops had not five or six thousand pounds a year. In short, dear Sir, I wish you not to lose your time ; that is, either not reply, or set ijour mark on your answer, that it may always be read with the rest of your works. No. XIV. The Hon. Horace Walpole to Edward Gibbon, I^sq. The peneti'ation, solidity, and taste, that made you the first of his- torians, dear Sir, prevent my being surprised at your being the best writer of controversial pamplilets too. I have read you with more pre- cipitation than such a work deserved, but I could not disobey you and detain it. Yet even in that hurry I could discern, besides a thousand beauties and strokes of wit, the inimitable eighty-third page, and the conscious dignity that you maintain throughout, over your monkish antagonists. When you are so superior in argument, it would look like insensibility to the power of your reasoning, to select transient passages for commendation ; and yet I must mention one that pleased me par- ticularly, from the delicacy of the severity, and from its novelty too ; it is, hold is not the word. This is the feathered arrow of Cupid that is more formidable than the club of Hercules. I need not specify thanks, when I prove how much I have been pleased. Your most obliged, H. Walpoee. No. 606 LETTERS TO AND FROM EDWARD GIBBON, ESQ. No. XV. Madame Necker d Monsieur Gibbox. Paris, 29 Juillet. Je me reprocherois vivement, Monsieur, d'avoir laissé si long temps sans réponse la plus touchante et la plus aimable des lettres, si je l'avois fait par paresse ou par négligence ; mais j'ai malheureusement une trop bonne excuse, M. Necker a été long temps malade non du regret d'avoir donné sa démission, mais du chagrin d'avoir été obligé de la donner; car il est pour les honnêtes gens une nécessité morale plus invincible que la nécessité physique: les inquiétudes, que la santé de Mons. Necker m'a fait éprouver, m'ont appris plus que jamais à compter pour rien les peines qui n'affectent pas la sensibilité : quand Monsieur Necker se chargea d'une grande place, je crus le prêter à l'honneur, et non aux honneurs, et quand on a voulu lui conserver les uns au dépens de l'autre, j'ai repris avec transport le bien dont je m'étois privée, et j'ai l'ame trop tendre pour craindre de ne pouvoir pas seule suffire au bonheur d'une personne qui m'est chère : la retraite de Monsieur Necker a été accompagné des regrets et de l'étonnement de toute la France, et nous même en descendant au fond de nos cœurs nous ne pouvons encore comprendre qu'on nous ait contraint à abandonner une administration, oiï le succès avoit toujours suivi la pureté des intentions : nous sommes à St. Ouen ; mais loin d'y éprouver le sort ordinaire, et auquel la morale commune m'avoit préparé, nous avons été suivis non seulement des gens, que nous croyons attachés à nous par les seules circonstances, mais encore d'une foule inombrable de citoyens de tous les ordres, qui ne tiennent aux grandes places, que par la relation du bien public. M. Necker a été baigné de larmes et comblé d'éloges et de bénédictions, et tout ce qui s'est fait à cette occasion pourroit être raconté par un his- torien, mais ne peut être hasardé dans une lettre : mon estime pour la voix publique en est augmentée : il semble que la vérité jaillit du milieu de cette agitation de toutes les âmes, et que le mensonge, qui se ré- fugie quelquefois dans les opinions particulières, en est bientôt chassé par cette voix générale, comme les démons l'étoient jadis parle nom de la LETTERS TO AND FROM EDWAUD GIBBON, ESQ. 607 la divinité : pardon si je vous parle de Monsieur Necker avec cette franchise. Vous scavez par l'histoire de tous les siècles, et peut-ôtre par la vôtre, que les petits défauts non seulement ne concluent rien contre le génie, mais môme l'annoncent souvent; ces défauts des grands hommes sont un présent, que la nature bienfaisante fait à leurs femmes, ou- à leurs amis: un homme parfait se suffiroit à lui-même: il faut avoir des torts et des foiblesses pour sentir les jouissances, les besoins, et les consolations, que le cœur peut donner. C'est à cette circonstance, que je dois l'article du Compte Rendu, dont vous me parlez avec tant de graces. Je ne sçaurois m'enipêcher d'être sensible à ce que vous m'en dites, et cependant je puis vous assurer qu'il a paru malgré moi : j'ai joui long tems en silence du plaisir de rendre Monsieur Necker heureux, et l'opinion ne pouvoit rien ajouter à ce sentiment ; car il est une con- science pour le cœur comme pour la vertu, à qui les regards des hommes sont indifférents, mais ceux de l'affection ne peuvent l'être : ils ajoutent à tous les biens ; et d'ailleurs votre amitié m'est tro]) chère pour ne pas désirer votre estime. Nous n'avons pas encore eu le temps d'éprouver le vuide que laisse l'absence des grandes affaires : nous n'avons senti que la crainte qu'elles ne prisent une route difiérente de celle que nous leur avions tracée : car la passion du bien public comme toutes les passions abstraites, doit être constante, puisque l'objet en est inaltérable. Votre tendresse paternelle me paroit si bien placée, que je ne puis m'empêcher de la partager ; vos enfans ont quelques défauts dans le caractère, mais ils nous enchantent, et vous m'avez appris à aimer l'histoire, qui m'avoit toujours paru jusques à présent un miroir exagéré de nos deformités, parceque les grands traits parvenoient seuls jusques à nous : à présent je la lis avec délices, cette histoire, où je crois voir à la fois l'esprit de tant de siècles concentré dans une seule tête, et les jugemens de toutes les nations aboutis à un seul jugement, qui les "^ éclaire, et qui nous les rend avec toutes les graces de la nouveauté sans leur rien faire perdre, cependant, de leur air noble et antique. Vous ne devez pas douter du plaisir que vos succès m'ont fait goûter ; car depuis long temps, je ne suis avertie de mon amour-propre que par ma sensibilité: je ne vous donnei'ai pas de conseils: je ne pourrois critiquer que vos opinions ou vos sentimens, et ce n'est pas de conseils qui peu- vent (Î08 'LETTERS TO AND I'ROM EDWARD CIBRON, ESQ. vent les changer : vous avez d'ailleurs une manière d'écrire qui n'ap- partient qu'à vous : il faut que vous suiviez l'impulsion de votre génie, et quiconque hasarderoit d'autres avis que celui de vous livrer hardiment à vous même, ne seroit pas digne de vous admirer n'y de sentir le prix inestimable d'une sublime singularité. Nous formons le projet de passer l'été prochaine en Suisse, mais je n'ose encore m'en flatter, car Monsieur Necker est très indécis dans les petites choses : où que j'aille, vos livres me suivront et me feront goûter ;\ la fois le plaisir et le bonheur par le double intérêt de l'auteur et de l'ouvrage : si vous y joignez quelques lettres, elles seront bien accueillies et bien senties : -si vous n'écrivez point . . . mais je ne veux pas m'arrêter sur le douloureux soupçon ; je finis ces longs discours que la seule amitié peut pardonner : j'ai cru que vous me permettriez de dicter cette lettre : les sentimens divers auxquels j'ai été en proye, ont diminué mes forces ; mais si mes doigts ne sçauroient tenir la plume sans fatigue, mon cœur et ma pensée peuvent, en revanche, s'élancer au delà des * mers, et ne se lassent jamais de le faire. C. N. Mon addresse est actuellement à Paris, Rue Bergère. No. XVI. Madame Necker à M. Gibbok. 30 Septembre, 1776. A WON retour de Londres, Monsieur, toutes les marques d'amiiié que vous m'avez données m'ont été sans cesse présentes ; mais je voulois vous lire, et j'espérois de vous voir ; vous ne venez point, je vais donc exprimer bien foiblement l'impression que j'ai ressentie. Vous avez répandu sur une immense érudition la plus profonde et la plus fine con- noissance des hommes et de l'humanité, des nations et des individus de tous les rangs ; vous avez réuni le philosophe et l'homme sensible ; et cette histoire ignorée pendant plusieurs siècles deviendra, je n'en doute point, la plus connue et la plus citée. Carinus vous devra la célébrité de Néron, et Decie ou Gordien celle du vertueux Titus. Vous avez montré LETTERS TO AND FllOM EDWARD GIBBON, ESQ. ()0,9 montré que les hommes extraordinaires ont existé dans tous les tems, et que la nature, qui n'avoit d'abord refusé qu'un Tacite à Aurélien ou Zénobie, n'a pu se résoudre à laisser son ouvrage imparfait; si vous ave« moins de précision que cet historien, en revanche vous avez cent fois plus d'idées, et de variétés dans les idées. On voit qu'il a été le modèle et peut-être la source de votre ouvrage, mais c'est une source qui s'est grossie de tous les torrents de pensées qui ont coulé dans tous les siècles, et vous avez montré ce qu'une imagination féconde et sensible peut encore ajouter à la profondeur et à l'étendue de l'esprit. Les seuls philosophes lisent Tacite, vous serez lu de tout le monde ; nous aji- prendrons à penser en croyant ne nous exercer qu'à voir et à sentir, et malgré vous. Monsieur, dans le nombre de vos lecteurs, vous compterez autant de femmes que d'hommes : j'ai dit malgré vous, car vous les avez maltraitées ; à vous entendre toutes leurs vertus sont factices ; étoit-ce vous. Monsieur, qui deviez en parler ainsi ? Vous désirez et vous méritez la plus grande célébrité, l'élan de votre ouvrage le prouve : mais l'aigle ne dédaigne pas de prendre un point d'appui sur la terre pour s'élever dans les airs ; ce point d'appui ce n'est pas à Londres qu'il faut le chercher ; vous êtes trop occupés de vos affaires ; les femmes n'y parlent point, et dans tous les pays où elles ne sont pas le centre de la conversation la renommée n'a qu'une voix et qu'une oreille. C'est à Paris qu'il est agréable d'être un grand homme, car c'est là seulement qu'on cherche à plaire par la vivacité de la con- versation et qu'on fait passer ses sentimens dans l'ame des autres par l'art perfectionné de l'exagération. Si nous n'avions fait- usage de cet art rendriez vous justice même à Voltaire ? et depuis que nous appre- nons l'anglois nous avons augmenté jusques chez vous la célébrité de vos propres auteurs, et cet éclat de Shakespear à qui le doit-il ? à la puissance d'un acteur sublime qui s'emparoit tous les jours pendant trois heures du cœur et des oreilles des Anglois, et qui faisoit sur eux l'effet de la conversation chez nous. Je sçais que votre ouvrage a fait un bruit prodigieux, et cependant je ne vous donne pas encore trois ans de guerre en Amérique pour que ce bruit ne se fasse plus entendre que dans le lointain. Votre politique, cette -montagne qui écrase tout, étouffe même les géants et ne laisse paroître de tems en temg que ceux qui, comme vous, soulèvent ce poids immense par des torrents de VOL. jn. 4 I flammes : I) 10 LETTl.KS TO ANU FROM EJJWAUU GIBBON, tSQ. flammes : livrer: nous donc votre ouvrage, mais point de germanismes. Monsieur Deyverdun a beaucoup d'esprit et vous verrez malgré cela qu'il fera plusieurs plis aux feuilles de rose. Vous qui avez transporte •• dans l'anglois toute la délicatesse, toute la finesse, et en même tems toute la clarté de notre langue, vous transporterez dans le françois lu richesse et l'énergie de la vôtre, et vous les écrirez toutes deux avec cette plume harmonieuse qui semble ne placer un mot que pour flatter l'oreille comme une main habile choisit les touches d'un clavecin. Au reste j'ose refuser toujours mon enthousiasme à vos trois dernierf chapitres. Pourquoi l'homme de génie qui fait son dieu de la gloire et qui croit vivre éternellement dans son sein, veut-il ôter la même espé- rance ù ceux qui mettent leur vertu à la place de cette gloire ? Je me rappelle la franchise de nos entretiens de Londres, et je crois vous devoir un mot sur vos compatriotes, toujours sous le sceau du secret. J'ai vu plus souvent Milord et Milady Lucan que Madame de Montagu, d'abord par le désir que j'avois de vous plaire, à présent l'attrait qu'ont toujours les bonnes gens sans prétentions et d'une société facile et douce. D'ailleurs les propos à bâtons rompus ne font pas mal dans un pays où la conversation est un esclavage dès qu'elle n'est pas un plaisir. Il semble ici que les longues phrases et les longues pensées vous jettent au col un nœud coulant pour vous empêcher de vous enfuir. Madame Montagu est venue à Paris comme à la suite de Shakespear, dans un moment où \'^oltaire et ses partisans accablent cet auteur de mauvaises plaisanteries, et vous sentez qu'il en tombe quelques unes à droite et à gauche sur son adoratrice. Malgré cela tout le monde rend justice à l'esprit, aux lumières, et à l'honnêteté de Madame de Montagu. Elle fait des efforts inouis pour s'exprimer en françois : en l'écoutant, je me rappelle les tourmens que j'éprou vois en Angleterre oii je n'entendois personne et où personne ne m'entendoit. Qui ne sçait compatir aux maux qu'on a soufferts ? Cependant je ris et ne compatis point. Mais quand viendrez vous donc. Monsieur ? fixez nous l'époque précise afin que nous soyons heureux d'avance. Nous vous présentons. Monsieur Necker et moi, l'assurance des sentimens distingués que nous vous avons voués pour la vie. Pardon, Monsieur ; une légère incommodité ne m'a pas permis d'écrire de ma main cette énorme lettre. No. LETTEUS TO AND FROM EDWARD GIBBON, ESQ. 6l 1 No. XVII. M. SuARD à M. Gibbon. MoNSiiiUR, Paris, le 25 Novembre, 1 776. Je ne connois qu'un homme digne de faire passer dans notre langue votre excellente histoire de la Décadence de l'Empire Romain, et cet homme c'est vous. Puisque vous attachez quelque prix à l'opinion du public François, je suis étonné que vous n'ayez pas voulu prendre cette peine. Vous écrivez notre langue non seulement avec une correction et vme pureté rare, mais encore avec une élégance et un choix de tours et d'expressions que peu de nos gens de lettres possèdent. Je vous ai rendu cet hommage avant que d'avoir l'honneur de vous connoître per- sonnellement. Vous savez, Monsieur, combien j'ai goûté votre Essai sur la Littérature, — ouvrage où je trouvois réuni ce qui se rencontre , rarement ensemble, l'esprit, le goût, et l'érudition. J'ai lu votre nouvel ouvrage, et j'y ai trouvé ces mêmes qualités avec le degré de maturité, avec les vues et la philosophie que l'étude et le tems ont dû ajouter à un talent supérieur. J'aime peu l'histoire, parceque je n'ai jamais pu retenir ni dates ni faits ; mais je passerois ma vie à l'étudier si elle étoit écrite comme le morceau que vous nous en avez donné. C'est un tableau complet et parfait. Vous y avez embrassé l'histoire des mœurs et des faits et celle de tout l'univers connu. Vous avez porté la lumière dans le cahos, et vous avez suivi le fil caché des évènemens les plus bizarres dans ce laby- rinthe obscur où tous les liens qui unissent les hommes en société et toutes les règles qui les dirigent étant rompues, les plus grandes révolu- tions paroissent ne tenir qu'au caprice d'une multitude ivre, aux pas- sions extravagantes de quelques individus, ou à des combinaisons for- tuites de circonstances. Vos chapitres préliminaires sur l'état de l'Em- pire, sont des chefs-d'œuvre ; les folies atroces de Commode ; la cou- ronne à l'enchère après la mort de Pertinax ; la grande révolution opérée par Constantin, sont des morceaux achevés. Les deux derniers chapi- tres, dont je te vis très scandalisé aussi si j'étois Docteur de Sorbonne ou Pape, m'expliquent parfaitement ce que je n'ai encore trouvé nulle 4 I '2 part, 612 LETTERS TO AND FROM EDWARD GIBBON, ESQ. part, l'ensemble des causes qui ont favorisé l'établissement et les pro- grès de notre vraiment merveilleuse religion. Tout cela est relevé par un stile toujours animé, toujours varié, noble et piquant. Voilà, Mon- sieur, sans aucune exagération ce que je pense de votre ouvrage. Jugez si j'aurois eu du plaisir à répondre à la confiance que vous me témoignez, et à essayer de le traduire. Il y a long tems que je me suis engagé à traduire l'histoire de l'Amérique que Monsieur Robertson fait imprimer actuellement, et dont on me remet les feuilles. Je me suis promis que ce seroit la dernière tâche de ce genre que je m'imposerois : si j'étois tenté de manquer à mon vœu ce seroit certainement pour vous, mais il n'y faut pas penser. Je sais avec certitude que la traduction de la première partie de votre ouvrage est actuellement sous presse à Paris, et qu'elle est faite par M. de Septchênes, jeune homme qui a vécu assez long tems en Angleterre et qui étoit fort lié avec Monsieur Garnier. Je ne connois point ses talens ; c'est le premier ouvrage qu'il compose ; mais je sais qu'il est fort studieux, fort zélé, et estimé de gens de beaucoup de mérite. Si vous désirez de plus grands éclaircissemens, faites moi l'honneur de me le mander. Au reste, quelque médiocre que soit la traduction, je réponds du succès ; mais il seroit complet si elle étoit écrite du stile de la lettre que vous m'avez adressée. Je l'ai communiquée à Madame Necker, qui a été fort étonnée que vous n'en ayez pas reçu une qu'elle vous a écrite, il y a trois à quatre mois. Vous ne doutez pas du plaisir que vos amis ont éprouvé en voyant Monsieur Necker à portée d'exercer pour le bien de ce pays-ci les talens et les vertus que nous lui connoissons. Je fais bien des vœux avec vous pour que ses efforts ne soient point contrariés par un horrible fléau qui nous menace, et qu'il redoute autant que nous. Il n'y a certaine- ment que l'habitude d'entendre parler de guerre et d'en voir qui puisse déterminer les princes à les entreprendre et les peuples à y consentir ; car il n'y a jamais eu de fureur plus insensée. On m'a dit qu'on alloit publier à Londres une petite vie de Monsieur Hume écrite par lui-même. Pourrois-je attendre de votre bonté. Monsieur, que vous voudrez bien vous le procurer pour moi dès qu'elle paroîtra, et l'adresser, sans aucun avis ni seconde enveloppe, d Monsieur De Vaines, Premier Commis des Finances, d Paris. Si je pouvois vous être de quelqu^ utilité ici, disposez de moi avec liberté et comptez, je vous LETTEIIS TO AND FROM KDWAIID GIBBON, ESQ. 6'13 VOUS prie, sur les scntimens très distingués avec lesquels j'ai l'honneur d'être, Monsieur, Votre très humble et très obéissant Serviteur, SuARD. No. XVI IL Edward GiBBOK, Esq. à Madame Necker. A Londres, ce 26 Novembre, 1 77 G. Que vous avez bien raison. Madame, de célébrer l'art perfectionné de l'exagération ! Vous le faites briller dans chaque ligne de cette lettre charmante que j'ai relue cent fois avec la plus vive satisfaction. Par le magique de cet art séducteur vous avez su placer un écrivain inconnu à côté de Tacite et des plus grands hommes. J'embrasse avec ardeur l'illusion flatteuse que vous avez substituée à la triste vérité, et je me persuade sans peine que tous vos arrêts seront confirmés par le public, et par la postérité. Ne croyez cependant pas que par une affectation orgueilleuse et déplacée je veuille rejetter tous ces lauriers dont vous m'avez couronnés. Je sais que le séjour de Paris, en faisant éclater sur un plus grand théâtre votre goût et vos talens, n'a pas étouffé votre franchise Helvétique. Le fonds de ce que vous dites de plus obligeant vous le, pensez véritablement ; et quand votre partialité pour l'auteur vous auroit trompé sur le prix de son ouvrage, je ne perdrois rien au change. Votre amitié vaut bien la réputation la mieux méritée. Vous me refusez cependant les qualités d'un preux chevalier toujours prêt à rompre une lance pour l'honneur de Dieu et des dames. Je pour- rois me justifier par l'austère devoir qui ne permet pas à un historien de dissimuler les défauts des objets les plus sacrés ou les plus chéris. Mais étoit-ce à moi de maltraiter les femmes et de représenter toutes leurs vertus comme factices ? Il me semble que ce n'est que sur leur courage que j'ai osé jetter ce soupçon. Votre sexe est destiné à consoler le genre humain, à lui plaire toujours, quelquefois à l'instruire, jamais à le faire trembler. Vous connoissez d'ailleurs le pays où je vis : quand 614 LETTERS TO AND FKOM EDWARD GIBBON, ESQ. quand on veut peindre les siècles les plus reculés on les dessine, saii> s'en appercevoir, d'après les modèles qu'on a devant les yeux. Nos Angloises ne savent étaler que leurs désordres et leurs ridicules ; les graces, les talens, les vertus même sont ensevelies sous des glaces éternelles. Daignez vous rappeller que depuis douze ans je n'ai passé que six semaines dans la société de Madame Necker. En réitérant une invitation dont je sens tout le prix, vohs augmentez mon regret de ne pouvoir pas en profiter sitôt que je le voudrois. Mon voyage étoit dé- cidé : cependant l'année va s'écouler sans que j'aie pu exécuter ce dessein, et je me trouve dans la nécessité de renvoyer mes espérances à l'été prochain. Vous ne désapprouverez pas les motifs de mon délai. Je sacrifie le plaisir au devoir. Un ami intime m'avoit nommé son exécuteur testamentaire. Il a laissé des affaires à débrouiller, un procès très important à suivre dans les tribunaux, et des fonctions essentielles à remplir qui ne seroient que trop négligées si je m'éloignois de Londres. Mon cœur anticipe avec la plus vive impatience le moment où je pourrois me dégager de mes liens, me rendre auprès de vous et vous contempler dans la situation élevée et brillante où vous êtes placée. Autrefois j'ai étudié votre ame dans l'humble simplicité de la vie la plus domestique. Vous avez soutenue l'adversité. La modération de votre <;aractère n'a point été corrompue par le luxe et les applaudissemens de Paris. La fortune vous prépare une autre épreuve; et par la justice qu'elle vient de rendre au mérite de Monsieur Necker, elle vous fournit une nouvelle occasion de l'apprécier et de la mépriser. J'espère que votre ami trouvera les moyens de concilier l'intérêt général de l'humanité avec les intérêts exclusifs de la monarchie dont il admi- nistre les finances. C'est peut-être le problême le plus difficile de la politique, mais dont la difficulté ne se fait sentir aux hommes d'états qui tont en même tems des philosophes vertueux. Si je n'avois pas craint de le détourner de ses occupations importantes, je l'aurois re- mercié de ses bontés. J'ignore cependant si c'est une lettre de felici- tation ou de condoléance qu'on doit addresser à un nouveau ministre. Je sais seulement qu'on s'empresse toujours à leur demander des grâces ; et pour me conformer à l'usage j'aurois presque envie de le solliciter en faveur du pauvre le Texier qui m*en a conjuré les, larmes iiux yeux. Mais on peut se reposer sur M. Necker et sur vous même du J.iil'TliKS TO AND FUUM EDWARD CICBON, l.bQ. (j' 1 ,7 du soin d'encourager les talcus et de relever les malheureux. Vous êtes d'ailleurs bien plus à portée de connoître les véritables détails de sa conduite à Lyons, et déjuger jusqu'à quel point l'honnêteté et la prudence vous permettent de vous intéresser pour lui. Je me conten- terai donc de vous assurer que malgré l'acharnement de ses ennemis les procédés de le Texier depuis son arrivée en Angleterre lui ont acquis l'estime et l'amitié des personnes les plus respectables; qu'il fait paroitre des sentimens et môme de la sagesse, et qu'il s'est appliqué avec succès à l'étude de langlois, au travail et à la traduction. Sa situation devient tous les jours plus triste, et s'il n'a commis que des indiscrétions il me semble qu'il en a été puni suffisament. A propos de traduction, la paresse de mon ami Deyverdun nous a sauvé, à mon grand regret, de ses germanismes. Il a renoncé à l'entreprise, et un mot de votre part pourroit déterminer M. Suard à -se prêter à mes vues que j'ai déjà pris la liberté de lui proposer. Malgré votre prévention favorable je ne saurois jamais me résoudre à mettre moi-même mon ouvrage en Anglo- François. On ne sait jamais qu'une langue à la fois, et même en vous écrivant, je sens combien ma pensée se courbe sous le poids de ces entraves étrangères. La composition du second volume m'offre une occupation plus intéressante pour moi, je n'ose pas ajouter, et pour le public. Ne seroit-il pas tems. Madame, de nous renvoyer nos bonnes gens Milord et Milady Lucan ? Etes vous contente de M. Fox ? Daignez m'écrire avec une confiance dont je n'abuserai jamais et soyez persuadée de mon dévouement le plus inaltérable. No. XIX. M. Leclerc de Septchenes à M. Gibbon. Monsieur, Rue de Grammont, ce 28 Décembre, \776, Je suis pénétré de tout ce que vous me marquez d'obligeant. Vous avez la bonté de m'encourager ; que ne ferois-je point pour mériter votre approbation? Votre ouvrage a ici le plus grand succès j et quoiqu'il ait perdu un grand nombre de ses beautés, on n'en est pas moins (i]() LETTERS TO AND FROM EDWARD GIBBON, ESQ. moins frappé de la grandeur et de la majesté du plan. Le public semble désirer que je continue ; je suis occupé maintenant A la seconde partie; et je crois pouvoir vous assurer qu'elle ne tardera pas beau- coup à paroitre. Depuis trois semaines j'ai traduitjusqu'au paragraphe de la page 267 qui a pour titre Second Expedition of the Golhs. Je me croirois trop heureux, si vous vouliez'avoir la complaisance d'examiner mon travail au lieu de vous envoyer les feuilles au sortir de la presse, comme vous me le demandez. Je vous ferai tenir mon manuscrit, si vous voulez me le permettre, avant de le livrer à l'impression ; vous serez bien plus libre de faire les changemens qui vous paraîtront néces- saires. J'ai déjà reçu les observations que vous m'aviez annoncées : elles m'ont éclairé sur une infinité de fautes considérables. Vous ne devez pas douter qu'elles ne me soient fort utiles par la suite. Je vois avec la plus grande peine combien mon premier volume a été mal ex- écuté. Obligé d'aller à Fontainebleau pendant qu'on l'imprimoit, il ne m'a pas été possible de corriger moi-même les épreuves ; et fallut-il sacrifier tous les exemplaires qui ont été tirés, je donnerai certainement une autre édition, où je profiterai de vos remarques. Soyez bien per- suadé. Monsieur, que je ne négligerai rien de ce qui peut vous intéresser. J'aurois dû commencer par vous demander excuse de mon étourderie ; je m'étois figuré que comme membre du parlement vous ne payez aucun port. Mon intention n'étoit sûrement pas de vous occasioner des frais si considérables. Je ne prévois pas pouvoir retourner de sitôt à Lon- dres. D'ailleurs votre ouvrage me retient dans ce moment-ci à Paris. Dois-je espérer que vous exécuterez le projet que vous m'annoncez ? Je serois bien flatté d'avoir l'honneur de vous connoître, et de pouvoir vous assurer des sentimens d'estime et de considération avec lesquels je suis. Monsieur, Votre très humble et très obéissant Serviteur, Leclerc de Septchenes. M. de Foncemagne de l'Académie Française m'a chargé de le rap- peUer à votre souvenir, et de vous dire qu'il n'a point oublié le présent que vous lui avez fait il y a quelques années de votre ouvrage sur l'Etude de la Littérature. No. LETTERS TO AND FUOM EDWARD GIBBON, ESQ. 6 1 7 No. XX. Mr. Gibbon to Mr. Holroyd. PariSyJultj Uth^ 1777. Though amusement is my principal object, I do not entirely lose sight of the Decline and Fall, which will derive some advantages from the books that I have either purchased or consulted. You will not be sorry to hear that Mr. D'Anville has undertaken four Maps of Roman Geography of a size and nature suited to the History.* No. XXI. M. BuFFON à M. Gibbon. Ce 25 Oct. 1777. Je reçois. Monsieur, comme une marque précieuse de votre estime et de votre amitié cet excellent ouvrage que je ne connoissois que par la traduction ; je le lirai avec tout l'empressement que me donnent les sentimens que vous m'avez inspiré. J'ai souvent admiré dans la con- versation les traits de génie que j'aurai le plaisir de voir dans tout son développement. Recevez mes remercîmens, Monsieur, et les tendres adieux d'un homme qui vous respecte et vous aime autant et plus qu'il ne peut vous l'exprimer. BuFFON. No. XXII. ^ Madame Du Deffand d AI. Gibbon. Paris y ce 12 Novembre, 1777. J'attendois que M. Walpole vous eût vu. Monsieur, pour répondre • It is much to be regretted that Mr. D'Anville did not perform this engagement. S. VOL. III. 4 K à votre 618 LETTERS TO AND FROM EDWARD GIBBON, ESQ. à votre très aimable lettre de Calais. J'apprends aujourd'huy par lui que vous avez la goutte, qu'il vous a été rendre visite et que vous avez bien voulu lui parler beaucoup de moi. Il ne me mande point ce que vous lui en avez dit, mais votre bonté naturelle, et votre excessive in- dulgence ne me laissent aucune inquiétude. Il pourra vous dire à son tour combien je vous regrette ; rien ne peut vous remplacer ; je pense sans cesse aux momens agréables que j'ai passés avec vous ; jamais je n'ai trouvé personne qui eut une conversation aussi facile, aussi char- mante. Je paye bien cher le plaisir qu'elle m'a fait, elle m'a rendue bien plus difficile que je n'étois. J'ai fort peu vu M. et Mad. Necker dépuis votre départ. J'ai soupe une fois en tiers avec eux et eu une fois Mad. Necker chez moi. Nous avons parlé de M. Gibbon, et de quoi encore ? de M. Gibbon, tou- jours de M. Gibbon. J'ai accablée Mad. de Cambis de reproches et d'injures, elle m'a paru l'être de remords et de regrets. La Comtesse de Boufflers me scaura très bon gré si je vous parle d'elle ; enfin tout ce qui vous connoit, vous estime, vous aime, et désire de vous revoir, et moi plus que personne au monde, je vous prie de le croire. Le terme de 1779 est bien long, mais cependant j'ose me flatter de le voir arriver : je ne renonce point encore au plaisir de vous entendre, et pour me l'assurer j'ai eu recours à l'Abbé de St. Julien ; il a visité mes oreilles, il entreprend ma guérison, il ne veux pas que je perde toute espérance; mais cette vertu théologale doit être précédée de celle de la foi, et l'on prétend que celle-ci ne m'est pas familière. Ne dites point à M. Walpole la crainte que j'ai de devenir sourde ; si ce malheur m'arrive, il n'est pas prochain, et je serai encore long tems, à ce que j'espère, en état d'entendre la lecture de vos lettres. Je ne me flatte pas qu'elles soient fréquentes, mais je vous prie de répondre à celle-ci et de m'apprendre des nouvelles de votre govitte ; elle a grand tort de vous attaquer, vous qui sçavez si bien employer tous vos mo- mens ; elle ne devroit se placer que sur les désœuvrés. J'attends avec impatience les deux volumes que me promet M. de Septchênes ; j'ai été parfaitement contente du premier, je l'ai été aussi infiniment de votre lettre à Mad. de Cambis. Toutes les louanges que vous lui donnez sont vraies et d'un discernement exquis j c'est à vous. Monsieur, à qui il appartient de peindre. No. LETTERS TO AND FROM EDWARD GIBBON, ESQ. 619 No. XXIII. Edwahd Gibbon, Esq. to the JRev. Dr. Chelsum. Sir, Bentmck-street, Feb. 9.0th, 1778. The officious readiness of offering any printed criticism to the no- tice of a stranger, who is himself the object of it, must be received either as a compliment or an insult. When Dr. Watson, the Divinity Professor of Cambridge, was so obliging as to send me his candid and ingenious apology, I thought it incumbent on me to acknowledge his politeness, and, with suitable expressions of regard, to solicit the pleasure of his acquaintance. A different mode of controversy calls for a different behaviour; and I should deem myself wanting in a just sense of my own honour, if I did not immediately return into the hands of Mr. Batt your most extraordinary present of a book, of which almost every page is stained with the epithets, I shall take leave to say the unde- served epithets, of ungenerous, unmanly, indecent, illiberal, j^artial, and m which your adversary is repeatedly charged with being dejicient in common candoiir; with studiously concealing the truth, violating the faith of history, &c. This consideration will not however prevent me from procuring a copy of your Remarks, with the intention of correct- ing any involuntary mistakes, (and I cannot be conscious of any other,) which in so large a subject your industiy, or that of your colleagues, may very possibly have observed. But I must not suffer myself to be diverted from the prosecution of an important work, by the invidious task of controversy and recrimination. Whatever faults in your per- formance I might fairly impute to want of attention, or excess of zeal, be assured. Sir, that they sliall sleep in peace ; and you may safely in- form your readers, that Suidas was a heathen four centuries after the heathenism of the Greeks had ceased to exist in the world. I am. Sir, Your obedient humble servant, E. Gibbon. 4 K 2 No. "620 LETTERS TO AND FROM EDWARD GIBBON, ESQ. No. XXIV. Tlie Rev. Dr. Chelsum to Edward Gibbon, Esq. Sir, Oxford, March 6th, 1773- Permit me to assure you, with the utmost sincerity, that no insult, sueh as, I collect from your letter, you attribute to me, was ever in- tended by me I had reason to think, from several circumstances, that my not hav- ing sent my Remarks to you in their first form, had been considered by you as a want of attention, and I was very ready to pay what others gave me reason to expect, would be received as a mark of civility. I do not mean here to refer to Mr. Batt. My determination was the result of a deference to the opinions of others ; and it arose in no degree from an " officious readiness,^' to which you attribute it. I may be accused of an error in judgment, but 1 cannot justly be accused of any greater offence. Concerned as I am at my mistake, I am most of all concerned that so esteettied a friend as Mr. Batt should have been employed in a very impleasant mediation between us. As it is the sole object of this letter to give you every possible assurance of my having intended a compliment in what has unfor- tunately been received as an insult, I should have concluded here, but that I am anxious to do myself the justice of pointing out to you, that you have unwarily imputed to me one expression (as I appi eliend) wholly without foundation. On the most diligent recollection I cannot remember that I have any where said (and I am sure I never intended to say) that you have " studiously" concealed the truth. I am. Sir, Your obedient humble servant, J. Chelsum. No. LETTERS TO AND FROM EDWARD GIBBON, ESQ. 6Q1 r No. XXV. Mad. la Comtesse de Genlis à M. Gibbon. De Paris, ce 15 Octolrre, 1779- Je trouve une occasion sûre, pour TAngleterre, et je ne puis nie refuser. Monsieur, au plaisir de nie rappeller à votre souvenir, et devons envoyer un ouvrage qui a réussi ici au delà de toutes mes espérances, et sans doute de son mérite. Je l'ai fait imprimer pour le vendre au profit de trois malheureux militaires, tous trois frères, et qu'un procès a réduit dans l'état le plus déplorable ; et le bonheur de leur être utile me fait bien mieux jouir du succès de cet ouvrage que la vanité assez ordinaire à un auteur. Ce 1" vol. sera suivi de trois au- tres qui paroîtront dans trois semaines ; le S"* encore pour les jeunes personnes, le 3™° pour l'éducation des hommes, et le 4'=""' pour les en- fans des négocians, artisans et marchands, classe jusqu'ici injustement oubliée par tous ceux qui ont écrit sur leducation. Je suis bien fâchée de ne pouvoir vous envoyer les autres volumes, d'autant mieux que \'ous y auriez vu un éloge de la bienfaisance et de la générosité de^ Anglois, qui naissoit naturellement du récit d une histoire que j'ai vu arriver à Spa, et qui étoit véritablement bien intéressante. J'ai déjà eu l'honneur de vous écrire. Monsieur, il y a un an, et une très longue lettre, dans laquelle je vous remerciois de la bonté que vous aviez eue de vous charger de m'arrêter un logement à Londres, et je vous annon- çois que le malheur des tems me privoit du plaisir de voir un païs que j'ai toujours si ardemment désiré connoître. Je m'en suis dédom- magé en quelque sorte en faisant connoissance avec une partie des grands hommes qui ont illustré l'Angleterre. Je sais enfin parfaite- ment l'anglois, et pour vous en donner l'idée je lis Shakespear avec la plus grande facilité; mais mon poète favori c'est Milton, et je l'aime au point que je sais une très considérable partie de son admirable Paradis Perdu, par cœur. Je sais aussi beaucoup de vers de Pope ; je crois que je vous ferois rire si vous me les entendiez déclamer, cepen- dant les Anglois m'entendent, et c'est tout ce que je veux. J'étois même bien tentée de vous écrire en anglois, mais j'ai pensé que vous we trouveriez trop de présomption, et c'est bien assez d'avoir celle d'envoyer 6'i^ LETTEnS TO AND FUOM EDWARD GIBBON, ESQ. d'envoyev à l'auteur d'un des plus beaux ouvrages d'histoire que nous ayons, un ouvrage fait pour des enfans. J'en fais un présentement qui sans doute est bien au-dessus de mes forces, mais il est toujours noble de vivre ;\ un but élevé, avec une foible espérance d'y atteindre. C'est un ouvrage sur l'histoire, dont les quatre premiers volumes paroîtront vers le mois de Juin prochain. Le plan en es]t si vaste que je n'ose vous le détailler; quelques personnes que j'ai consultées m'ont encou- ragée dans cette entreprise, et je puis me flatter du moins qu'on éprou- vera quelque surprise en songeant qu'un semblable travail est sorti des mains d'une femme de trente ans. Adieu, Monsieur, pardonnez moi la longueur de cette lettre ;, donnez moi de vos nouvelles, je vous en conjure. Je désire vivement savoir si ces petites pièces ne vous ont point ennuyées ; votre suffrage seroit d'un bien grand prix pour moi. J'ai le plaisir de voir jouir ici de tous les côtés en société et même sur des théâtres publics ces drames dont la seule morale fait toute le mérite ; on les traduit même en italien à Gènes, et en allemand à Ham- bourg : mais j'avoue que je serois bien plus flattée qu'elles le fussent en anglois, car si je n'étois pas françoise, et si après la France on me don- noit le choix d'une patrie, bien certainement je voudrois être angloise. Je ne connois que deux nations sur la terre, la mienne et la vôtre, pour- quoi faut-il .... je ne veux pas m'arrêter à de si tristes réflexions, j'aime mieux espérer qu'une heureuse paix comblera bientôt tous les désirs des bons citoyens des deux nations. Si vous avez la bonté de donner votre réponse à l'homme qui vous portera ce paquet, il me le rendra sûrement : et si vpus voulez bien par la suite m'écrire par une autre voie il faut addresser vos lettres à Madame la Comtesse de Genlis, Gouvernante de leurs Altesses Sérénissimes Mademoiselles d'Orléans, au Couvent de Bellechasse à Paris. Je viens d'être nommée gouvernante de ces princesses, et je m'enferme avec elles le 28 de ce mois pour douze ou quinze ans. C'est un grand sacrifice à mon age, mais l'attachement rend tout facile, et j'ose croire que je justifierai une preuve de confianee qui m'honore et me touche également. J'ai l'honneur d'être, Monsieur, votre très humble et très obéissante Servante, DuEREST, Comtesse de Genlis. Du Palais Royal. No. LETTERS TO AND FROM EDWARD GIBBON, ESQ. ' 623 No. XXVI. Mr. Gibbon to Mrs. Holroyd, at Sheffield-Place. Bentinck-stî'eet, Aug. 3lst, 1780. The Colonel left town about seven o'clock. Could he have held a pen with each finger, and each toe, at the same time, he would have found employment for them all. He therefore named me his Secretary to sig- nify to Sheffield-Place his health, duty, impatience, &c. The Intrigue du Cabinet shall not be neglected. But the Intrigue du Parlement is now the universal pursuit. It will be dissolved to-morrow, the writs will be out Saturday night, and a few days will terminate the business. You probably received my last frank. I have found reason to believe that I shall never rise again, and I submit to my fate with philosophic composure. If any parcels or letters directed to me should arrive at Sheffield, you will be so good as to return them by the coach. Adieu. E. G. No. XXVII. Mr. Gibbon to Mrs. Holroyd, Sheffield-Place, announcing tliat Mr. Holroyd was created Lord Sheffield. Be7itmck-street, Nov. 27th, 1780. Mr. Gibbon presents his respectfid compliments to Lady Shef- field, and hopes her Ladyship is in perfect health, as well as the Hon. Miss Holroyd, and the Hon. Miss Louisa Holroyd. Mr. Gib- bon has not had the honour of hearing from Lord Sheffield since his Lordship reached Coventry, but supposes that the Election begins this day. Be honest. How does this read ? Do you not feel sorfte titillations f vanity.? Yet I will do you the justice to believe that they are as faint 624 LKTTKHS TO AND moM EDWAKD GIBBON, ESQ. faint as can find place in a female (you will retort, or a male) heart, on such an auspicious event. When it is revealed to the Hon. Miss, I should recommend the loss of some ounces of noble blood. You may expect every post a formal notification, which I shall instantly dispatch. The birds, as well as I now recollect their taste, were excellent. 1 hope the Voyages still amuse. I had almost forgot to say that my seat in Parliament is deferred. Stronger and more impatient rivals have step- ped before me, and I can wait, with cheerful resignation, till another opportunity. I wish the Baron's situation was as placid as mine.* No news. We are very dull. Adieu. I shall go to Bath about the \.'A\\ of next month. But — silence. No. XXVIII. Madame Necker d M. Gibbon. Paris, ce 21 Avril, 1781. C'est assez bouder. Monsieur ; je me livre enfin entièrement au plaisir de vous écrire et de vous lire, sans examiner si l'auteur de ce bel ouvrage, si le génie sublime, qui a parcouru les annales de l'univers, et qui semble n'avoir extrait de toutes les contrées du monde que les par- fums les plus purs, afin de les porter jusqu'à nos sens; si, dis-je, cet homme étonnant, méconnoit, comme tous les autres amants de la gloire, les charmes et les devoirs de l'amitié, si son imagination vive et ardente est unie à un caractère froid et paresseux, si ses goûts varient avec les objets, et s'il ne prend la couleur que des rayons qu'il décompose ; enfin si ses affections sont pour lui comme ses livres qui l'interressent et l'amusent pendant qu'il les lit et qui feront place à d'autres, bientôt remplacés à leur tour; je ne veux rien sçavoir de tout cela, et cepen- dant je m'écrie encore quelquefois, Quoi ! même en amitié ! Mais ne croyez pas que vous en soyez quitte à présent pour être abandonné à votre indifférence. Quoique je sois concentrée dans les objets de mon * Lord Sheffield was at that time engaged in a violently contebted election for Co- ventry. plus LKTTF.RS TO AND FRO:\r HOWARD (7inB0N, ESQ. 62.5 phis tondre attachement, la sensibilité que j'ai reçue de la nature suffit à d'autres liens. Mon ame n'existe que quand elle aime et clierche encore au dehors de son centre de nouveaux moyens d'exister ; je veux donc que vous me rendiez les sentimens que vous m'avez promis ; je les ai comptés dans le calcul de mon bonheur, et, je vous connois, vous au- rez de l'affection pour moi quand vous me reverrez, et vous ne serez pénétré de vos torts que quand vous n'en aurez plus. Je vous rends grace d'avoir rempli un intervalle immense dans l'histoire et d'avoir jette sur le cahos ce pont qui lie le monde ancien au monde moderne. Vous avez mis dans ma tête cinq cens ans de belles et d'agréables idées, et pour moi, dont la vie douce et réfléchie ressemble plutôt à une suite de pensées qu'à une suite de jouissances, le passé est une sorte d'exist- ence, et c'est presque cinq cens ans que vous avez ajoutés à mon être. Je crois, je vous l'avoue, que vos derniers quatre volumes sont encore supérieurs au premier. Vous avez traité avec beaucoup de sagesse les vaines disputes du quatrième siècle. Je vous ai lu sans scandale. Car f. St. Leu, ce 3 Juillet, 1783. QuoiûUE je doive craindre, Monsieur, que vous ne m'ayez absolument oubliée, je ne puis refuser à mon frère une lettre pour une personne si justement célèbre ; il a le plus grand désir de faire connoissance avec vous. Monsieur. Il sait que j'ai eu l'avantage de vous voir dans le court espace de tems que vous avez passé à Paris il y a sept ou huit ans. . J'ai eu l'honneur depuis de vous écrire deux fois et de vous envoyer Le Théâtre d^ Education. Je n'ai point reçu de réponse, ainsi je trouve moi même qu'il y a bien de la présomption à vous importuner encore par une nouvelle lettre, mais j'ai saisi avec plus d'empressement que de confiance une occasion de me rappeller à votre souvenir et de vous re- nouveller l'assurance des sentimens qu'il est impossible de ne pas vous conserver quand on a eu l'avantage de vous connoître de le plaisir de lire vos ouvrages. J'ai l'honneur d'être. Monsieur, votre très humble et très obéissante Servante, DuEREST, Comtesse de Genlis. No. XXXII. Edward Gibbon, Esq. to ***** *. Mï Lord, - I AM ignorant (as I ought to be) of the present state of our négocia- tions of peace ; I am likewise ignorant how far I may appear qualified to co-operate in this important and salutary work. If, from any ad- vantages of language or local connections, your lordship should think that LETTERS TO AND FROM EDWARD GIBBON, ESQ. 6'29 that my services might be usefully employed, particularly in any future intercourse with the Court of France, permit me to say, that my love of ease and literary leisure shall never stand in competition with the obligations of duty and gratitude which I owe to his Majesty's govern- ment- I am, with the highest respect. My Lord, Sec. No. XXXIII. Lord Loughborough to Edward Gibbon, Esq. My Dear Sir, Bedford-square, Sept. Wth, 178.9. This is not literally but not far from it, the first time since I have attempted to write ; when you did me the favour to call, I was less able to speak. My disorder, which, in substance, I believe, was gout, assumed so different a form that it misled my medical friends ; and in the puzzle I have suffered more, and been more seriously in danger than I ever was. At present I recover sensibly, but very slowly ; and I am to try about the middle of the week, a very slow journey to Buxton. Your letter was a real addition to my complaints at the time I received it, and I cannot yet bring myself to look at it with a healthy eye. Many selfish considerations mingle themselves with my judgment upon it, and, no doubt, bias my opinion. I extremely regret the loss of your society, which in a more settled state than the late times have afforded, I hoped to have enjoyed more frequently. I am confident that not only Lord North, but some other friends of yours, who, if any thing is per- manent, would have found their consequence increase, never would have lost sight of your object. Absence delays and slackens the most active pursuits of one's friends, and though some of us will miss you too often to forget, we shall want to conjure you back again to remind others. I shall beg the favour of Lord Sheffield to do nothing about your seat without appiizing me. My state of health drives me as fast as I can G:J() LKTTERS TO AND rUOM EDWARD CTBEON, ESQ. can to Buxton, and the moment I feel myself re-established, a thousand cares will bring me back to London. I do not propose^to be gone abo\c a month, and I trust you will not have taken your departure belbre the 10th of next month, when I hope to see you. I ever am, my dear Sir, Your's most sincerely, Loughborough. No. XXXIV. 3/. Gibbon d Madame de Severy. Lausanne, le 19 Octobre, 1784. Je vous remercie mille fois, Madame, de votre obligeant souvenir, et de l'intérêt que vous voulez bien conserver pour notre voyage, auquel, hélas ! il faudra renoncer dans ce moment. En général le climat de Lausanne a été aussi favorable à ma santé que sa société l'a été à mon cœur et à mon esprit. Cependant la goutte, mon ancien tyran, ne me per- met pas d'oublier que j'ai été son esclave. Sans se montrer à découvert elle voltige autour de moi et me fait éprouver des ressentimens, des soupçons et surtout la crainte de me trouver arrêté sous son joug de fer, éloigné de ma maison et dans un mauvais cabaret de Genève. Je vous permets de soupçonner que l'amour de mon cabinet et dune vie sédentaire ont influé sur ma résolution, pourvu que vous me rendiez la justice de croire que ce motif seul n auroit point résisté à l'envie de vous accompagner et de cultiver une liaison qui me sera toujours chère et précieuse. Dès mon arrivée à Lausanne j'ai vivement senti vos bontés et celles de Monsieur de Severy, et j'aspire à mériter l'honneur de votre amitié. La dissipation de la ville, quoiqu'un peu affoiblie par les vendanges, va toujours son train ; l'on joue, l'on soupe, et l'on attend avec impatience le retour des campagnards que le froid chassera bientôt de leurs bois et de leurs champs, pendant que ce même froid disperse les colonies an- gloises, qui vont avec les hirondelles et les grues chercher vers le midi un climat plus doux. Hier nous suivimes à la cité le convoi funèbre de Monsieur le Banneret de Saussure ^ la république est divisée,la politique a travaillé. LETTERS TO AND FROM EDWARD GJBBON, ESQ. (>:> J travaillé, dans rot instant le sénat s'assemble pour lui donner un suc- cesseur. J^i l'honneur d'être avec un parfait dévouement, Madame, votre très humble et très obéissant serviteur. (Signé) Gibbon. No. XXXV. M. Gibbon d Madame de Severy. Sheffield- Place, ce 1 Septembre, 1787. Notre ami Deyverdun vous aura déjà communiqué, Madame, les premières nouvelles de mon voyage, et de mon an ivée. En quittant Lausanne j'éprouvois les sentimens d'un homme qui s'arrache à sa patrie. Depuis quatre ans j'y goutois les douceurs d'une vie tranquille et sédentaire : le bruit, le mouvement, les fatigues du voyage m'effrayoient d'avance; j'étois content et heureux dans ma petite enceinte, et en franchissant les premières montagnes je voyois avec une sorte de sur- prise et d'épouvante le monde qui s'agrandissoit devant moi. Ces craintes puériles étoient fortifiées par des regrets plus dignes d'un homme raisonnable. Je perdois de vue cette position unique sur la terre, ce lac, ces montagnes, ces riants coteaux ; ce tableau charmant qui paroît toujours nouveau aux yeux mêmes accoutumés dès leur enfance à le voir. Je laissois ma bibliothèque, la terrasse, mon berceau, une maison riante et tous ces petits objets de commodité journalière que l'habitude nous rend si nécessaires, et dont l'absence nous fait à tous momens sentir la privation. Sur tous les pays de l'Europe, j'avois choisi pour ma retraite, le Pays de Vaud, et jamais je ne me suis repenti un seul instant de ce choix. La tranquillité du gouvernement, qui vaut mieux peut-être que notre liberté orageuse, un peuple aimable, une société douce et facile, la, politesse réunie avec la simplicité des mœurs, voilà les objets que j'ai cherchés à Lausanne, que j'y ai trou\ es, et que j'aurois difficilement trouvés ailleurs^ Je comptois avec raison siu- un a i Je trente ans qui ne me L.isse rien à désirer, qu'une santé mieux affermie, et parmi une foi)te de connoissances agréables, je me flatte d'avoir acquis, et je ne crains 6:]Q i,F.Trrns to and riiOM Edward cinnoM, nsQ. crains pas de perdre, l'amitif!; d'une famille entière dont chaque individu (je parle en simple historien) possède le caractère, le genre de mérite, et les talens qui conviennent à son age, et à sa position : voi];\ mes richesses. Je me rappelle souvent avec reconnoissance, et avec plaisir, le bonheur que j'ai goûté, et l'accueil que j'ai reçu à Lausanne, et je ne poiirrois me consoler de notre séparation, si je ne conservois pas l'espér- ance, disons mieux le dessein ferme et inébranlable, de revoir au prnitems prochain ma patrie d'adoption. Mon voyage s'est passé sans événemens. Enfermé seul dans une boëte roulante, je jouïssois doucement d'un tableau mouvant qui se varioit à chaque instant, et au milieu de mes idées et de mes livres, les journées s'écouloient sans ennui. Un seul trait intéressant que j'ai recueilli en traversant la Bourgogne pourra grossir le volume des causes célèbres de ces méprises fatales que les tribunaux de France nous ont si souvent fournies. En changeant de chevaux je prétois l'oreille à l'entretien du maître de poste et d'un abbé qui raisonnoient sur une affaire laquelle occupoit dans ce moment-là tous les esprits : une justice présidiale avoit condamné deux accusés, l'un à la potence, l'autre aux galères : ils en appellèrent au parlement de Dijon j et ce tribunal suprême afin de ne pas copier trop servilement l'arrêt d'une cour in- férieure, s'avisa de laisser toujours subsister les deux jugemens mais de faire changer de rôle aux deux acteurs : le pendu mourut comme vous le sentez bien, le forçat aussi : il s'est trouvé depuis, que tous les deux étoient innocens. Des amis de l'humanité se sont pourvus devant le conseil, qui vient de renvoyer l'affaire au même parlement de Dijon, et cette assemblée délibère actuellement s'il convient à sa gloire de réhabiliter la mémoire de ces deux infortunés qu'elle a assassinés du glaive de la justice. J'ai traversé la mer par un calme assez ennuyeux, et à Londres, dans cette saison, je n'ai trouvé qu'une vaste solitude. Après avoir expédié les affaires les plus pressantes qui m'appelloient dans cette capitale, je me suis rendu au Château de mon ami Lord Sheffield, séjour du repos, et de l'amitié. Depuis trois ou quatre semaines j'y mène une vie des plus tranquilles : mon goût et mes forces ne s'accordent guères avec les exercices champêtres. Je souffre quelques visites du voisinage, sans les rendre ti'op exactement, et je ne me suis permis qu'une seule course aux LETTERS TO AND FllOM EDWARD GIBBON, ESQ. 633 aux eaux de Tunbiidge à six lieues d'ici : l'endroit, très agréable par lui même, étoit rempli de fort boiuie compagnie : Madame Trevor et Lady Clargcs venoient de le quitter. Chemin faisant j'y ai renouvelle beaucoup de connoissances, mais l'objet de cette course étoit mon ancien ami Lord North, avec qui j'ai passé la journée entière : je 1-ai trouvé aveugle mais gai, et assez consolé de son malheur au milieu de sa famille. Le public, quoique partagé sur le mérite de ce ministre, se réunit pour aimer, et pour plaindre l'homme honnête et intéressant. Je pourrois vous parler. Madame, de nos affaires politiques et de la résolution unanime du ministère et de la nation de soutenir le Stat- Iwuder par les négociations ou par les armes : mais j'aime mieux vous entretenir d'un jeune homme qui nous intéresse bien plus que toutes les puissances de l'Europe. J'espère que vous conservez toujours. Monsieur de Severy et vous, l'intention favorable de m'envoyer notre fils (si vous voulez bien me permettre de lui donner ce nom.) Plus j'y pense, (et j'y ai beaucoup pensé,) et plus je suis convaincu que ce voyage sera utile pour lui et sans danger, qu'il sera charmé d'avoir appris la langue et d'avoir vu le pays, qu'il se développera en tout sens, qu'il formera des liaisons, et qu'il retournera à Lausanne plus propre aux grandes aventures, ou plus content de vivre tranquille au sein de son pays. Je me repens déjà de ne l'avoir pas emmené avec moi, et lorsque je songe au tems qu'il lui faudra pour acquérir une nouvelle langue, il me. semble qu'il vaudroit mieux le faire partir sans délai, et lui accorder trois ou quatre mois de retraite à la campagne avant soiv début dans la capitale. En raisonnant avec Lord Sheffield sur le choix d'un endroit convenable, il s'en est présenté un tel que nous pourrions le désirer, à deux lieues seulement de son château : je pourrai voir très souvent notre élève, il y sera reçu avec plaisir par Lord Sheiiield : je lui promets la chasse au renard, au lièvre et au fusil ; s'il peut se passer de domestique en route il lui sera beaucoup ' plus avantageux de prendre un Anglois sur les lieux. Le grand chemin de Pontarlier à Calais -^st assez frayé, et les occasions en poste ou avec un voiturier doivent se présenter très souvent, mais le pas d'un voitu- riér seroit bien lent pour notre impatience. A son arrivée à Londres Wilhelm s'adressera à Ehnsleij libraire, opposite to SoicthamjJtoti-street in the Strand, qui dirige/a ses premières démarches, et le fera partir (si VOL. IIL 4 M je 634 LETTERS TO AND FROM EDWAKD GIBBOX, ESQ. je ne suis pas en ville) pour le château de Sheffield, où tout est dcjà prévenu en sa faveur. Mais je suis presque tenté de vous proposer une autre route qui n'a d'autre inconvénient qu'une plus longue tra- versée de mer, ce seroit de suivre par les voitures publiques le grand chemin de Genève, Lyon, Paris, (sans s'y arrêter,) et Dieppe, de passer dans le paquebot de Die{)pe à Brighthelmstone, où il s'adresseroit à Monsieur S , marchand très connu, qui le fera conduire tout de suite à Sheffield distant de six lieues seulement de ce port. Quelque parti que vous preniez, j'ose vous supplier de vouloir bien me le com- muniquer sur le champ : il me semble que nous n'avons point de tems à perdre ; je ferai une petite course à Londres le mois prochain, mais je pourrai l'avancer ou la retarder de quelques jours suivant vos arrange- mens. Rappeliez moi au souvenir du petit troupeau de Lausanne : j'attends avec impatience des nouvelles de Deyverdun. J'embrasse Monsieur de Severy et Wilhelm, sans oser prendre cette liberté avec Angletine. Adieu, Madame, le papier me manque pour les formules, mais je les crois assez superflues. No. XXXVL M, Gibbon à M. de Severy. Sheffield- Place, ce 4 Novembre, 1787. Je ne saurois. Monsieur, laisser partir les dépêches de notre fils sans vous dire avec combien de plaisir je l'ai embrassé et quelle joye j ai ressentie à voir réaliser des projets que nous avions formés dans mon petit pavillon à Lausanne. Il est arrivé en parfaite santé, très content ce me semble des premiers pas qu'il a faits dans cette grande entre- prise, et je me persuade de plus en plus qu'elle lui réussira à tous égards. Son début dans le petit cercle de Sheffield-Place a été très heureux. 11 plait déjà à tout le monde, depuis Milord, jusqu'au petit chien de Milady ; et si les premières politesses sont pour mon compte, les suivantes à l'infini seront pour lui : nous allons bientôt l'établir dans son village. Milord Sheffield le garderoit volontiers au château, mais s'il re&toit avec nous il n'apprendi-oit jamais l'anglois, et il faut savoir ^ sacrifier LtTl'EKS TO AND FKOM EDWARD GIBBON, ESQ. 6"35 sacrifier l'agréable à l'utile. Je lui annonce quelques semaines dennui et qu'il n'est pas possible de lui sauver : nous tâcherons de les adoucir par les petites ressources de la musique et de la chasse, mais il ne faut pas que le clavecin ni le chien parlent françois — il m'a montré la lettre que vous lui avez donnée pour votre banquier, lettre très bonne assuré- ment, mais très inutile : permettez-moi de me charger uniquement de ce petit détail, et à mon rétour à Lausanne les deux pères compteront ensemble. Il sera bon cependant, qu'il vous indique de tems en tems l'argent qu'il me demande, afin que vous puissiez rallentir son allure si elle se trouve un peu trop vive : je lui vois les dispositions les plus sages, et les plus modestes, mais dans la navigation périlleuse des grandes villes il y a bien des écueils. Jusqu'à présent j'ai mené la vie la plus tranquille, mais dans une quinzaine de jours, à la rentrée du parlement, j'irai passer quelques jours à Londres, et ensuite à Bath ; je reviendrai ici avant les fêtes, et nous ne sei'ons solidement établis en ville que vers le milieu du mois de Janvier. Soyez persuadé que non seulement dans les bois de Sheffield, mais au milieu de la dissipation de Londres je penserai toujours à Lausanne, et à mon retour. Pour vous, après avoir couru le bal et la comédie à R vous retournerez à Lau- sanne au mois de Décembre, très fiers d'avoir passé l'automne à la campagne. Adieu, Monsieur, je n'ajoute rien pour Madame et Mademoiselle de Severy : elles connoissent mes sentimens, et toute votre maison n'a qu'une ame et un esprit. No. XXXVIL M. Gibbon ci Mad. de Severy. Sheffield-Place, ce 17 Janvier, 1788. Sans me piquer d'être de tous les correspondants le plus exact, j'aurois répondu plutôt à la lettre aimable, et vraiment amicale, que vous. Ma- dame et Monsieur de Severy, me fites l'honneur de m'écrire, si je n'avois pas été retardé par des embarras pénibles et fâcheux lorsqu'elle me parvint, j'avois déjà quitté Sheffield-Place pour faire un voyage à Lon- 4 M 2 dres 636 LETTi:ris to and from edward gibbon, esq. dres et à Bath : à Louches pour des affaires, et à Bath pour donner quelques jours à ma belle-mère, une dame âgée que j'aime, et que je respecte, A peine avois-je passé quatre jours dans la capitale lorsque ma vieille ennemie la goutte, que je croyois avoir noyée en Suisse au fond d'une jatte de lait, ma su retrouver. L'atteinte a été longue et douloureuse ; elle m'a accompagné à Buth, elle m'a ramené ici, et ce n'est que depuis deux jours que j'ai jette mes béquilles pour m'appuyer sur un bâton. Mon voyage, auquel j'avois destiné quatre semaines, s'est tristement prolongé à près de deux mois; aulieu de toutes les petites douceurs qu'on rassemble dans sa maison autour de soi j'ai doublement souffert, dans les hôtels garnis, dans des auberges, sur les grands chemins, et plus d'une fois il m'a fallu monter en chaise de poste dans ces momens où j'avois le plus besoin de repos. Tranquille ici au milieu de mes amis jusqu'à notre établissement à Londres la semaine prochaine, je profite de mon loisir pour m'entretenir avec vous de l'objet sur tout qui nous in- téresse le plus. — Votre amitié se plait à exagérer non pas iTies sentimens pour notre jeune ami, mais les services que jusqu'à présent j'ai pu lui rendre. Mes sentimens sont déjà payés d'un retour tel que je puis le désirer, par les procédés, la confiance, et l'attachement de mon élève, dont le caractère vrai, honnête, et intéressant, se développe tous les jours plus clairement à mes yeux. Pour ce qui est de mes soins, il ne me doit encore qu'un peu de tristesse, et beaucoup d'ennui. Après avoir donné quelques jours au plaisir de nous revoir en Angleterre, il a fallu le mener à l'école, et il a senti bien vivement les premiers momens de notre séparation : sa santé en a même été altérée : mais au plus fort de son abattement, lorsque, pour dernière consolation, je lui ai proposé de retourner à Lausanne, il m'a répondu du ton le plus fier. Plutôt mourir. — Il est resté, il n'est point mort et sa santé s'est raffermie : je vous dirai avec la plus exacte vérité qu'il démentira ses amis, et ses envieux, qui ont soutenu qu'il n'apprendroit jamais l'anglois : déjà il entend presque tout ce qui se dit : il a vaincu les difficultés de la pro- nonciation, il lit très bien, et toutes les fois qu'il en a le courage, il fait des efforts très heureux pour s'exprimer dans notre langue. Notre dé- part prochain ne lui laissera que trop de loisir, et lorsqu'il viendra au commencement du mois de Mars nous retrouver à Londres, je suis per- sviadé que nous serons encore plus étonnés de ses progrès : il sème à cette LETTKUS TO AND FROM EDWARD GIBBON, ESQ. 637 cette heure, c'est alors qu'il moissonnera, et les trois mois qu'il pourra passer avec moi et mes amis, lui laisseront bien des souvenirs agri^ables utiles. Permettez à présent que je descende pour un moment de votre salon à la cuisine. Je vous remercie raille fois des soins que vous avez bien voulu vous donner, pour me trouver une gouvernante, et je sens tout le prix de votre obligeante intention de la prendre chez vous dès le mois d'Avril : pour peu qu'elle ait de dispositions, elle ne peut que se per- fectionner à une si bonne école; vous aurez sans doute la bonté de communiquer cet arrangement à Monsieur Deyverdun. J'apprends avec une véritable satisfaction qu'il se porte mieux, et qu'il passe bien des soirées dans une maison, où je me retrouve souvent par la foi, et l'espérance. Vous voudrez bien lui annoncer une lettre de ma part, peu après mon arrivée à Londres ; mais je ne lui fais point d'excuses, puisque nous sommes également coupables. Adieu, Madame, le papier me manque : mes sentimens sont iné- puisables. No. XXXVIII. Lord North to Edward Gibbon, Esq. Dear Sir, Grosvenor-street, May \st, 1788. Upon the receipt of your books and the perusal of your preface, * my heart was too full to give you an immediate answer : so kind and * Alluding to the following beautiful and just encomium in the Preface to the last three volumes of Mr. Gibbon's History of the Decline and Fall of the Roman Empire: " Were I ambitious of any other patron than the public, I would inscribe this work to a Statesman, who, in a long, a stormy, and at length an unfortunate administration, had many political opponents, almost without a personal enemy ; who has retained in his fall from power many faithful and disinterested friends, and who, under the pressure of severe infirmity, enjoys the lively vigour of his mind, and the felicity of his incomparable temper. Lord North will permit me to express the feelings of friendship in the language of truth, but even truth and friendship should be silent if he still dispensed the favours of the Crown.*' S. honourable 638 LKÏfJiRS TO AxNU IÇOM EDWARD GIBBON, ESQ. lionourable a testimony of your friendship and esteem would have afforded me the greatest pleasure in the moment of my highest health and political prosperity ; judge then what I must feel upon receiving it in my retirement, while labouring under a calamity which would be severe, were it not for the goodness of my friends. I Jiave it, thank God, in my power to return your kindness in the manner which will be roost agreeable to you, by assuring you sincerely that nothing could have given me more real comfort and satisfaction than the notice that )0u have taken of me, I am, dear Sir, Most gratefully yours, NORTU. No. XXXIX. M. Gibbon d M. de Severy. Sheffield-Place, ce 30 Juin, 1788. Lorsque la réputation est une fois perdue on n'a plus rien à ménager. Nous connoissons des femmes qui ont sçu tirer parti d'un principe aussi commode, et il me sert dans ce moment vis à vis de Mr. W***. Je devois lui donner à dîner le V de Juin. Je lui ai manqué de parole, il ne compte plus sur mon exactitude pour le r Juillet, et il n'en pensera pas plus mal en le renvoyant comme je fais à présent au V Août. Le jour de mon départ du château de Sheffield est enfin fixé au 15 Juillet, et la mer dans cette saison est si traitable que je serai moi même étonné ?i je ne me trouve pas à Lausanne le 25 ou 26 du même mois. N'attri- buez cependant pas. Monsieur, ce retard, qui s'est prolongé de semaine en semaine, uniquement à la légèreté de mon caractère. Le départ des Sheffield pour la province a été retardé par le procès de Hastings, et je >j^.*ai pu leur refuser mes derniers instans j quinze jours ou trois semaines à la campagne ; un arrangement assez avantageux au sujet d'une petite terre détachée que j'ai vendue m'a occupé vers la fin de mon séjour ; et vous ne me ferez pas un crime d'avoir accordé quelques jours de plus aux dernières courses de notre enfant qui ipe rejoint bientôt ici. LETTERS TO AND FROM EDWARD CIPT^ON', ESQ. 6P>!) ici. A propos de cet enfant, je saisis le moment de son absence pour vous dire du fond de mon cœur combien j'en suis content. Si j'ai pu lui être de quelque utilité j'en suis bien recompensé par l'attachement qu'il me témoigne, et par les plaisirs de père qu'il me fait éprouver : jus- qu'à ce jour sa conduite ne m'a pas donné un instant de regret, ou d'inquiétude : nous parlerons de lui à notre aise sur ma terrasse, ou auprès de votre feu. Adieu, Monsieur, Madame, et Mademoiselle : car j'écris en même tems à tous les trois : je ne puis me résoudre ;'i mêler un objet aussi intéressant avec mes détails de maison : cependant je prie Madame de Severy de donner à ma gouvernante les ordres nécessaires pour la renaissance du ménage : voilà un billet pour Mon- sieur Deyverdun. P. S. Milady Sheffield dit qu'elle ne sera heureuse qu'en faisant lu connoissance de Madame de Severy. Il est vrai que nous sommes peintres, et que nous attrapons assez bien la ressemblance. No. XL. Major Rennell to Edward Gibbon, Esq. Dear Sir, London, August 2lst, 1788. If I had the ability to express how much pleasure and information I have derived from onlt/ a hasty perusal of youf late work, I would en- deavour to express it. Much of the pleasure, perhaps, arose from the consciousness that it affords such I'ich materials for the geography of the eastern countries ; and that I may be enabled to keep alive the opinion which you have been pleased to express concerning my former labours. But this is too selfish. I am no less conscious of the obliga- tions I have to your works for enlarging my ideas on the great subject of the history of mankind, for storing my mind with historic facts, and for enabling me to arrange them. As I informed you before, my next task is the Geography of Pers-ia, together with the rest of the countries situated between the east end of the 640 LETTERS TO AND FROM EDWAUD GIBBON, ESQ. the Mediterranean and the Indus, and between the parallels of the north end of the Caspian, and the Arabian Sea. Tlie scale one inch to a degree. It will be contained in one sheet of grand eagle. The construction of the parallels and meridians (many days work !) is com- pleted, but the investigation of latitudes, and particularly the longi- tudes of the fundamental points, will prevent me from making any progress in the construction for some time. I am possessed of a cu- rious Arabic map of the tract in question. It was engraved at Constan- tinople, A. H. 1 142, and the names (according to Mr. Wilkins) are very correctly engraved. It contains more of Transoa'iatia than any map I ever saw. We have been promised a map of the Euphrates and Tigris, from (I think) M. Beauchamp. I am certain that D'Anville has mis- taken the relative courses of those rivers ; Ives and Ranwolf tell me as much ; and D'Anville's Euphrates is also faulty in the part between Zeugma and Babylon, and is placed too far from the Mediterranean ; how to correct it is the point. All the 7iatural geography of the tract, in question must be effected by means of modern documents, for the ancient are too vague, generally speaking. I hope you continue to enjoy youi' health. I am, with great truth. Dear Sir, Your obliged and faithful humble Servant, T. Rennell. No. XLI. M. Gibbon à S. E. M. I'Avoyer De Sinner. Monsieur, Des ma plus tendre jeunesse j'ai connu la sagesse et lequité du gou- vernement Bernois, et dans ma retraite à Lausanne je partage depuis cinq ans le bonheur commun des sujets de la république. Mais je viens d'éprouver dans une contravention involontaire aux loix, la bien- veillance particulière du somerain. L'objet sans doute est peu impor- tant LETTERS TO AND FROM EDWARD GIBBON, ESQ. 641 tant par lui-môme, mais je sens très vivement les procédés flatteurs et distingués de leurs Excellences à mon égard, en me restituant le vin de Madère que j'avois fait entrer sans patente, et en me dispensarjt géné- reusement de la confiscation et de l'amende. Je prends la liberté, Monsieur, de m'adresser à votre Excellence pour faire parvenir l'ex- pression de ma reconnoissance au conseil suprême qu'elle préside. Qu'il daigne agréer l'hommage d'un homme libre qui n'a jamais su flat- ter ni les peuples ni les princes. J'ai l'honneur d'être, avec respect, Monsieur, de V. E. Sec. No. XLII. S. E. M. l'AvoYER De Sinner d M. Gibbon. Monsieur, Berne, ce 28 7bre, 1788. Nous devons être sensibles aux sentimens qu'un homme de votre ré- putation et de vos lumières voue à notre gouvernement. Je ne man- querai pas de mettre sous les yeux de LL. EE. la lettre qui nous prouve ces sentimens. C'est en eflfet à l'estime générale que vos savans ouvrages vous ont acquise, que nous n'avons pas hésité de vous donner la petite preuve de notre considération, dont vous voulez bien. Monsieur, m'adresser des remercîmens si obligeans. Je souhaite que l'ultérieur séjour que vous voudrez encore faire dans ce canton, nous fournisse des occasions plus essentielles de vous con- vaincre de notre estime. Je joins à ces assurances celles de la consi- dération distinguée avec laquelle j'ai l'honneur d'être, Monsieur, Votre très humble et très obéissant serviteur, L'AvoYER De Sinner, VOL. m. 4 N No. ()42 LETTliUS TO AND l-ROM EDWARD GIBBON, ESQ. No. XLIII. M. de Saussure d M. Gibbon. MoxNsiEUR, Genève, ce 3\ Mars, \79^. J'entendis hier avec bien de Tintérêt la lecture que M. de Germani fit à notre société de la lettre que vous lui avez adressée. Mais j'y vis avec peine que vous paroissiez croire que j'avois cherché à établir que le sentiment de la reconnoissance étoit inconnu aux anciens Grecs. Je parlai du mot, du remerciment, qui en est l'expression, mais j'étois bien éloio-né de douter du sentiment. Je le dis expressément ; j'ajoutai que ce sentiment se manifestant même chez les animaux, il étoit impossible de supposer que Thomme en eût jamais été destitué ; j'employai enfin, pour prouver l'existence du sentiment et du devoir de la reconnois- sance, l'argument que vous employez vous môme. Monsieur; je dis que quelqu'un qui demandoit un service à un autre commenceroit tou- jours par lui rappeller les services qu'il lui avoit lui-même rendus. Je citai Thétis, qui, lorsqu'elle va demander un service d'abord à Jupiter, puis à Vulcain, commence par rappeller à l'un qu'elle l'a délié lorsque les dieux l'avoient garotté, et à l'autre qu'elle l'a recueilli lorsque Junon l'avoit précipité du haut des cieux. J'avois donc pris toutes les précautions possibles pour qu'on ne crût pas que je niois l'existence de ce sentiment chez les Grecs. Sans doute. Monsieur, vous fûtes distrait pendant cette partie de mon rapport, et lorsqu'on a comme vous la tête remplie de grandes et belles idées, il est permis de les suivre et de laisser courir celles des autres. Mais comme l'idée que vous m'avez attribuée est tout à la fois infiniment absi^rde et immorale, il m'est impossible de vous laisser croire que je l'ai eue. Quant au mot, je ne crois pas qu'Hésiode ni Homère ayent jamais employé %af(y et ses dérivés autrement que comme les substantifs de gracieua: et d'agréable. Les vœux d'Ulysse pour les Phéaciens et pour Nausicaé sont heureusement choisis pour défendre cette thèse ; ils ne contiennent cependant point ce qui fait l'essence du remercîment, savoir l'idée de l'obligation proprement dite, et du désir de rendre la pareille. LETTERS TO AND FBOM KDWARD OIBDON, ESQ. G43 pareille. D'ailleurs cet exemple est presque unique; dans les dix neuf vingtièmes des services rendus on les met en poche et tout est dit. Enfin ce qui m'avoit paru absolument décisif dans cette question c'est que les sacrifices innombrables dont Homère donne la description sont tous d'invocation, sans qu'il y en ait un seul d'actions de graces; que le mot de x«'?'!'W'^i qui exprime les sacrifices, ne se trouve ni dans Hésiode ni dans Homère, et que Xénophon est le premier auteur qui l'a employé; et qu'encore une fois la chose même ne se trouve point ; que, par ex- emple, Achille, après sa grande victoire, Ulysse après la sienne sur les galans de sa femme, n'en rendent pas graces à Minerve qui n'a pas cessé de combattre à côté d'eux et de leur rendre ostensiblement les plus signalés services. Je n'insisterai pas davantage sur la partie littéraire de cette question, et si vous persistez à croire que les anciens Grecs remerciaient et ea^pri- moient la reconnoissance comme l'ont fait ensuite les Grecs modernes, et les Latins et nous, je n'aurai point honte de m'être trompé vis à vis de vous ; mais ce donc je rougirois éternellement, ce seroit d'avoir pu croire que le sentiment de la reconnoissance est une invention moderne, et presqu'une affaire de mode ; c'est cela qui seroit d'un tigre ou d'un Jacobin, pour me servir, Monsieur, de cet ingénieux rapprochement que vous employez dans votre lettre. J'ai saisi avec empressement cette occasion de vous prouv^er, Mon- sieur, combien je mets de prix à votre estime, combien et moi et ma famille nous avons été charmés de lier avec vous une connoissance plus particulière, et combien nous désirerions tous d'être plus à portée de la cultiver. J'ai l'honneur d'être avec la considération la plus distinguée. Monsieur, Votre très humble et très obéissant serviteur. De Saussure. Mi '2 No. 644 LETTERS TO AND FROM EDWARD GIBBON, ESQ. No. XLIV. M. le Professeur Heyne à M. Gibbon. Monsieur, Gotti?igen, ce 4^ J out, 1192. Ce n'est pas une prérogative à laquelle on puisse être insensible, davoir l'honneur d'être connu d'un savant du premier ordre, et d'être informé des sentimens favorables de sa part. Ainsi permettez. Mon- sieur, que j'ose cultiver cette bonne disposition qu'on me dit que vous avez marqué sur mon sujet, et que je vous fasse l'hommage comme à un de ce petit nombre de nos contemporains qui ayent fixé mon admi- ration. Monsieur le Professeur "Volkel, qui a été un de mes disciples, pourra attester la vérité et sincérité de mes sentimens. En même tems c'est à sa prière, que j'ose vous intéresser pour son sort ; il n'est pas à sa place où il est à présent, et il pourroit être plus utile dans une autre situation. En cas donc que quelque occasion se présentera, que l'on chercheroit un gouverneur ou compagnon de voyage pour un jeune seigneur, il pourroit être proposé et recommandé avec toute apparence d'un bon succès. 'Vous êtes trop bon juge de ce qu'on doit à un jeune homme, qui a mérité par ses progrès dans les études et par sa bonne conduite, qu'on s'intéresse à sa fortune, pour être offensé de la liberté que je prends. Je m'y ai laissé entraîner d'autant plus, parcequ'elle me fournissoit l'oc- casion si désirée pour vous faire connoître les sentimens de la plus par- faite considération avec laquelle je suis, Monsieur, Votre très humble et très obéissant Serviteur, Heyne. No. LETTERS TO AND FROM EDWARD GIBBON, ESQ. 645 ; No. XLV. M. Necker d M. Gibbon. Ce dimanche maùn. Les Magistrats de Genève ont souscrit aux modifications proposées par Monsieur de Montesquiouj elles ne paroissent pas changer le fonds. On a expédié un courier extraordinaire pour porter à Paris cette nou- velle convention, et si l'on ne suggère pas de nouvelles difficultés, ou espère que la ratification reviendra dans huit jours. Un assez grand nombre de gardes nationales entrent journellement dans Genève, et l'on ne sçait comment les refuser. On dit que Monsieur de Watteville, le commandant des troupes Suisses, se plaint de leurs relations avec ses soldats. En général la situation de Genève est bien changée. Nous n'avons pris aucun parti pour notre retour à Genève. Nous attendons, ou la nouvelle de la ratification, ou une plus grande certitude qu'elle n'éprouvera aucune difficulté. C'est comme nouvelliste que j'ai pris la liberté d'écrire à Monsieur Gibbon. Je lui rendrai son correspondant ordinaire, qui lui même ne trouveroit pas bon que l'on prît sa place. Mon seul mérite auprès de> Monsieur Gibbon, c'est de le dispenser de répondre, mais je le prie instamment d'accepter avec intérêt et bonté, l'hommage de mon invio-. lable attachement. NcXLVL Madame Necker d M. Gibbon. Copet, 13 Octobre, 1791» Je vous prie, Monsieur, d'observer que les époques sont sacrées pour un historien j les vendanges s'approchent, vous sçavez l'engagement que vous avez pris, et d'ailleurs nous voudrions nous conformer un peu au costume de nos chers compatriotes, et nous enivrer au moins des; agrémens de votre conversation. J'ai prié Monsieur Levade de vous accompagner. 0"46 LETTERS TO AND FROM EDWARD GIBBON, ESQ. iiccompagncr. Je voudrois que vous déterminassiez Monsieur le Chevalier de Boufflers à se réunir avec vous, et Madame de Biron, si i'osois m'en flatter, ainsi que toutes les personnes qui pourroient vous plaire, et leur être agréables. Vous jugez du prix que je mettrois à une société si rare et si chérie ; mais enfin, seul ou environné de tant d'éclat, vous serez toujours en grand nombre, puisque vous me rap- peliez constamment, lorsque vous parlez, ces esprits connus des Hébreux, qui n'entrent jamais qu'en légion dans le corps d'un homme; grace pour la comparaison, elle m'auroit paru plus juste, si les anges alloient ainsi par troupe, et je m'en serois servie plus volontiers. Mon- sieur Necker, Monsieur, joint ses instances aux miennes. Agréez l'as- surance de tous nos sentimens. No. XLVII. Madame Necker d M. GiBBorr. A Genève, ce 30 Mars. Je fat vu et je ne le crois pas, disoit Fontenelle d'un avare devenu libéral un moment ; ne pourrois-je pas m'exprimer de même en rece- vant cette jolie, cette touchante lettre ? Mais elle ne m'a pas disposée à la plaisanterie ; c'est une preuve d'absence, et la douce habitude que j'avois formée ne peut se rompre sans tristesse. Vous avez fait. Mon- sieur, à toute notre société la même impression qu'à nous, mais pour- quoi dii'ois-je la même ? tout est reçu, selon l'axiome, à la manière de celui qui reçoit : et les âmes les plus sensibles seront toujours celles qui vous admireront le plus. Je défie donc, môme les deux belles veuves, de vous chérir comme nous ; l'on vous juge en dehors ; nous vous avons jugé dans le fond de notre cœur et nous vous y gardons. Nous avons reçu en effet des nouvelles touchantes de l'infortunée victime dont les regards nous cherchent au moment du sacrifice ; mais nous aurions voulu pouvoir vous en entretenir, car les yeux d'un ami sont le vrai télescope de la pensée j ils nous aident à traverser les plus grands espaces. Je vous rends graces de m'avoir rassurée sur la santé de Monsieur de Severy ; LETTERS TO AND I'ROM EDWARD GIBBON, ESQ. 647 Severy ; toute cette charmante famille m'intéresse, sous différents rap- ports; le mérite augmente bien de prix dans notre siècle; c'est une eau salutaire au milieu d'un aride désert. Si les nouvelles sont vraies, l'Assemblée fait à présent du ministère, le repas de l'évangile; mais il faut se taire, car s'irriter de ce qu'on fait, c'est souffrir, et s'en moquer, c'est ressembler aux barbares qui dansent et chantent autour des victimes. La lettre de Berne a eu ici un plein succès ; je vous rends grace de nous l'avoir envoyée. Les Allemans sont à présent beaucoup plus François que nous, et par leurs sentimens et même par leur langage. .Td finis, Monsieur, en vous rappellant trois promesses ; la lecture des Opinions Religieuses, car si elle ne change pas les vôtres, vous vivrez du^moins encore plus intimement avec nous; vous jugerez du génie, de l'éloquence, et des sentimens de Monsieur Necker; et vous jugerez aussi de l'impression que j'en recevois. Je connois trop la supériorité et l'universalité de votre esprit, pour vous croire étranger aux plus grandes questions que les hommes se soient jamais proposées ; ce n'est pas vous qui traiterez légèrement les profondeurs de nos destinées; ce n'est pas vous qui traiterez légèrement les affections les plus douces, les plus propres à consoler deux âmes étroitement unies, qui ne peuvent plus retenir le tems prêt à s'échapper pour elles, et qui le suivent, et se suivent jusques dans les abîmes de l'éternité, et vous donnerez quelques larmes au passage qui exprime ce sentiment avec des couleurs inimi- tables. Je vous rappelle un autre projet qui me tient fort à cœur, et que je ne veux pas même désigner. Enfin votre troisième promesse est pour nous un bonJieur présent; nous vous attendrons à Copet, et les charmes de votre société nous feront oublier encore une fois les peines de la vie. Nous nous réunissons, Monsieur Necker et moi, pour vous offrir l'hommage d'une tendre amitié, et il me semble qu'en me doublant ainsi, je répare auprès de vous tout ce \pe le tems m'a fait perdre. Nç» {( 648 LETTERS TO AVD FROM EDWARD CIBBOK, ESQ. No. XLVIII. Madame Necker à M. Gibbon. A Copet, ce Samedi matin. J'allois vous écrire, Monsieur, quand j'ai reçu par M. Favre une marque de souvenir que je désirois vivefnent, et que mon impatience ne me permettoit plus d'attendre : malgré votre silence volontaire, malgré le silence involontaire que j'ai gardé avec vous, vous n'avez jamais cessé un instant d'être l'objet de mon admiration, et de cette tendre et pure affection sur laquelle le tems ne peut avoir d'empire. Vos ouvrages ont fait mes délassemens les plus doux ; je ne vous ai pas peint l'impres- sion, que j'en avois reçue ; car dans les deux ans du ministère orageux de M. Necker, je n'ai pas eu une heure de calme, ou de liberté : d'ail- leurs l'on n aime pas toujours entretenir un muet, sûre de l'importuner, ne fut-ce que par les remords. A présent. Monsieur, vous nous ôtez la crainte d'être indiscrets, et nous vous demandons avec instances, M. Necker et moi, de nous faire l'honneur de passer quelques jours à Copet. Adieu, Monsieur, vous me répondrez à Copet, et vous ferez un bien grand plaisir à d'anciens et fidèles amis, qui malgré tous les discours sont plus que jamais dignes de votre intérêt, et de votre estime. No. XLIX. Madame Necker n M. Gibbon. A Rolle, k 3 AvriL Je réponds à votre silence, Monsieur ; c'est toujours du moins une manière de me rapprocher de vous. J'en cherchois une aujourd'hui, car mon cœur se serre un peu en quittant un lieu plus voisin de celui que. vous habitez, et où nous avons reçu des marques ineffaçables de votre amitié, de cette amitié dirigée par l'esprit le plus délicat, et par un instinct de bonté qui donneroit même du charme à l'indifférence. Voulez- LETTERS TO AND FROM EDWARD GIliBOiV, ESQ. 6'49 Voulez-vous bien, Monsieur, témoigner à Madame de Severy toute notre reconnoissance ? J'avois le désir de lui écrire ; j'ai craint de me rendre importune. Mademoiselle Geffroy m'assure que M. Monad est content de l'état où nous laissons la maison. Ce M. Monad me paroît fort honnête liomme, et fort utile à ceux dont il a la confiance. Je pré- sume que je ne tarderai pas à profiter de votre aimable invitation. Nous irons passer quelques jours dans votre palais des fées, ou plutôt de génies, par une exception inouie pour moi; et que j'oiFre à celui qui fait aussi une exception dans notre cœur à tant d'autres égards; mais les nouvelles nous empêchent de céder encore à notre impatience par l'in- certitude où elles nous jettent ; les Q^oisés semblent avoir Tavantage ; et le résultat de cette combinaison, ou de toute autre, fait aussi de notre fortune un problême insoluble pour le présent ; cependant avan-., de voir des maisons, il fauckoit que nos plans furent arrêtés. Vous jugez, Mon- sieur, par ma comparaison, que j'écris à présent de Jérusalem; vos pa- roles sont pour moi ces fleuves de lait et de miel de la terre promise ; et je crois entendre leur doux murmure; cependant je regrette encore le plaisir que j'avois à vous entretenir pendant le jour, de mes pensées de la veille. Je vivois ainsi deux fois avec vous, dans le temps passé et dans le temps présent ; et ces temps s'embellissoient l'un par l'autre ; puis-je me flatter de retrouver ce bonheur dans nos allées de Copet? Prévenez-nous cependant, quand vous aurez l'intention de nous voir. Nous tâcherons de réunir quelques personnes qui Veulent venir à Copet, et nous vous devrons leurs plaisirs et les nôtres. Mille tendres amitiés. No. L. Madame Necker d M. Gibbon. Je voyois arriver, Monsieur, avec un sentiment délicieux, le jour que je devois passer avec vous ; le spectacle d'une habitation qui vous rend heureux auroit certainement ajouté à mon bonheur, ou diminué mes peines, pour employer un langage convenable aux circonstances. Je sens que j'aurois réuni à vous pour toujours, dans ma pensée, l'image VOL. III. 4 o de 650 LETTERS TO AND FROM EDWARD GIBBON, ESQ. de votre jardin, de votre bibliothèque, de tous ces sages qui vous envi- ronnent, et qui seroient restés dans la poussière des siècle», si votre bel ouvrage ne les avoit fait revivre. C'est donc absolument contre mon vœu, que j'ai différé une visite dont je me faisois une véritable fête. Vous m avez toujours été cher ; mais l'amitié que vous montrez à M. Necker ajoute encore à celle que vous m'inspiriez à tant de titres ; et je vous aime à présent d'une double affection. Cependant je suis très en colère contre M. Necker, il a cédé à quelques raisons dont il vous rendra compte. Il n'appartient pas à tout le monde d'avoir, comme M. Gibbon, les avantages du génie, sans en avoir les inconvéniens. Les projets de M. Necker sont toujours environnés d'un cortège de troupes légères, qui ne cessent de se battre sur la route ; et l'on ne sçait jamais quel sera le résultat du combat : cette fois il a fallu con- sentir à un délai, et M. Necker, qui s'en afïiigeoit lui-même, a voulu vous écrire le premier ; mais il ne vous a point dit assez à mon gré, avec quel attendrissement, avec quelle reconnoissance nous avons reçu vos soins incomparables dans cette terrible époque de notre vie. Je ne tarderai pas, j'espère, à vaincre les obstacles qui contrarient un projet cher à mon cœur. Dans ce moment le danger eminent de M. Tron- chin ne nous auroit pas permis de nous éloigner. M. Cramer doit être transporté à Genève. Mille et mille tendres hommages, Monsieur, No.LI. Madame Necker à M. Gibbon. Rolle, ce Jeudi. Monsieur de Châteauneuf, Monsieur, a envoyé une addresse aux citoyens de Genève, dans laquelle, avec beaucoup de protestations pour la sûreté des propriétés et des personnes, il assure qu'on se restreindra seulement à la punition des magistrats, qui ont osé solliciter le secours des Suisses. L'indignation a été à son comble, comme vous devez bien le penser ; et mon cœur en est encore agité. Les magistrats, par une conduite aussi noble que celle du résident étoit basse et odieuse, ont rassemblé en armes trois mille Genevois, et leur ont lu cette addresse LETTERS TO AND FROM EDWARD GIBBON, ESQ. G51 addresse et une courageuse réponse. Ils ont demandé que ceux qui n'approuvoient pas la conduite des magistrats, eussent à se retirer ; trois seulement sont sortis des rangs. M. le Sindic Michely a parlé comme Dcmosthène ; et un citoyen nommé M. Chambrier, a répondu au nom du peuple avec tant de vertu et de sensibilité, que cette scène touchante peut être comparée aux plus belles de l'histoire. L'on ne nous mande pas d'ailleurs que les troupes soient augmentées. Dieu seul scait à présent quel sera le résultat de toutes ces démarches extraordinaires. Nous attendons incessamment Monsieur Gibbon, et nous l'aimons, eu attendant, de tout notre cœur, et pour jamais. C. N. No. LU. Madame Necker à M. Gibbon. A Copet, ce 15 Juhi, ]70'2. Ne craignez rien. Monsieur ; ce n'est pas un reproche que je viens vous faire : je sçais depuis Alcibiade, que les hommes distingués doivent toujours avoir quelques légères bisarreries : M. de Severy m'écrit in- génieusement que vous me tenez compte en amitié du silence que vous gardez avec moi; car vos affections ne sont pas comme votre génie, une corne d'abondance, qui s'accroit en se répandant. Penseriez-vous, Monsieur, que ce préambule tend à vous demander une lettre .'' M. Pictet m'apprend que M. de Severy recevra chez lui pendant quinze jours le Prince de Hesse, et ses deux gouverneurs. Nous avions dé- terminé M. et Madame Pictet à admettre ces étrangers dans leur inté- rieur, si l'on le désiroit ; et rien ne paroissoit plus convenable pour le jeune prince que le spectacle 4e cette vie pure et simple, dont l'esprit et le sentiment font la seule élégance : et d'ailleurs nous croyons voir dans cet arrangement, des avantages réciproques. Cependant une in- troduction de confiance demande l'exception entière de certains dé- fauts ; par exemple, si vous apperceviez de légers Germanismes, comme des libations libérales à Bacchus, je vous demanderois d'avoir la bonté de me l'insinuer sans craindre aucunes tracasseries. Il seroit aisé de trouver des prétextes pour revenir à l'ancien plan de simple locataire. 4 o 2 Nous GfiQ. l-ETTERS TO AXD mOM EDWARD GIB-nON, ESQ» Nous pensons souvent, Monsieur, aux jours pleins de charmes que nous avons pass<^'s avec vous à Genève. J'ai éprouvé pendant cette époque un sentiment nouveau pour moi, et peut-être pour beaucoup de jicns. Je réunissois dans un même lieu, et par une faveur bien rare de la Providence, une des douces et pures affections de ma jeunesse, avec telle qui fait mon sort sur la terre, et qui le rend si digne d'envi©. Cette singularité, jointe aux agréniens d'une conversation sans modèle, composoit pour moi une sorte d'enchantement ; et la connection du passé et du présent rendoit mes jours semblables à un songe sorti par la porte d'ivoire pour consoler les mortels. Ne voudriez-vous pas nous le faire continuer encore? Copet est dans toute sa beauté; mais je ne sçais, si je dois trop insister, car nous y menons lUie vie assez solitaire ; les circonstances retiennent les Genevois dans leurs foyers, et leurs campagnes sont désertes; M. de Germani même a jugé à-propos de se remarier ; et il a bien fallu céder une grande part de ses soins. Gar- dez-vous, Monsieur, de former un de ces liens tardifs : le mariage qui rend heureux dans lage mûr, c'est celui qui fut contracté dans la jeu- nesse. Alors seulement la réunion esX parfaite, les goûts se commu- niquent, les sentimens se répandent, les idées deviennent communes, les facultés intellectuelles se modèlent mutuellement. Toute la vie est double, et toute la vie est une prolongation de la jeunesse ; car les im- pressions de l'ame commandent aux yeux, et la beauté qui n'est plus conserve encore son empire ; mais pour vous, Monsieur, dans toute la vigueur de la pensée, lorsque toute l'existence est décidée, l'on ne pour- roit sans un miracle trouver une femme digne de vous ; et une asso- ciation d'un genre imparfait rappelle toujours la statue d'Horace, qui joint à une belle tête le corps d'un stupide poisson. Vous êtes marié avec la gloire ; et vos amis qui vous chérissent, ne sont pas jaloux de ce lien, dont l'éclat même rejaillit sur eux. J'ai pensé cent fois à la con- fidence que vous m'avez faite ; j'en attends l'exécution avec un intérêt inexprimable ; votre genre d'esprit en fera un genre nouveau ; vous déroberez toutes les richesses de votre siècle ; et vous aveii trouvé le véritable aimant qui retient dans son atmosphère tout ce qui s'en ap- proche, et qui est digne d'y être attiré. Adieu, Monsieur ; personne au monde n'a mieux senti que vous le prix de cette association unique de l'esprit le phis brillant et le plus varié au plus doux et au plus égal "de LETTERS TO AND FROM KDWAJJD GIBBON, ESQ. 633 de tons les caractères ; et l'on peut bien dire de vous ce que Cicëron disoit des lettres, également délicieuses dans la retraite et dans le grand monde, àiJBiiris et à Copet. Recevez, Monsieur, l'assurance de tous les sentimens que vous nous avez inspirés. Je vous prie. Monsieur, de remercier M««Lle Severy de son obligeante lettre, et de faire agréer nos hommages à toute sa famille. No. LUI. Madame Necker d M. Gibbon. A Copet, ce 5 Juillet, 1 792. Je n'aurois pas répondu sitôt. Monsieur, à votre charmante lettre, et j'aurois fait ce sacrifice de mon goût à votre douce paresse, si je navois eu à vous entretenir du nouvel ouvrage que M. Necker vous envoyé. Son ame, infatigable en pensées comme en sentimens, est continuelle- ment tourmentée par les malheurs de la France. Il a cru en trouver la cause et il a regardé comme un devoir de la lui révéler, et de lui mon- trer en même temps le modèle qu'elle auroit dû suivre. Quand vous n'auriez pas eu. Monsieur, des droits à jamais chéris sur tous les mouve- mens de notre ame, M. Necker auroit dû également vous faire hom- mage de son travail : comment penser à la gloire et au bonheur de l'Angleterre sans que votre idée se présente à nous ? comment remar- quer les lumières répandues dans le travail de M. Necker sans se rap- peller des conversations intéressantes, qui ont charmé mes douleurs l'hiver dernier, en me faisant jouir à la fois de toue mes goûts, et de tous mes sentimens ? Le sujet de ce livre me paroit entièrement neuf, quoiqu'il ait été approché mille fois par nos orateurs, par ces navigateurs qui rament sans cesse et qui n'abordent jamais, parcequ'ils n'ont au- cune boussole. Je ne veux pas anticiper sur votre jugement ; l'amour propre n'a plus la hardiesse de se montrer aujourd'hui ; les circon- stances sont trop graves pour ne pas étouffer toutes les petites passions des hommes ; il pleut du sang, comme dit la Fontaine, et les colombes ne doivent plus penser qu'à chercher à faire la paix entre les vautours, dussent- r 654 ■ LETTERS TO AND FROM EDWARD GIBBON, ESQ. dussent-elles être victimes de leur bonté, comme dans cette fable. Seulement nous prenons de vous le présage, comme les Romains le ti- roient du vol d'un aigle pour augurer favorablement de quelque grande entreprise. M. Necker lit actuellement votre histoire avec délices ; il se délasse en se promenant dans cet Elisée ^ il me répétoit hier ce que vous disiez du gouvernement établie par Auguste : une monarchie déguisée en république, et nous faisons, ajoutoit-il, une république déguisée en mo- narchie. Voilà, pensai-je, ma chatte changée en femme. M. Necker admire sans cesse la beauté de vos récits, mais cependant, il se saisit avec transport de la première idée analogue aux siennes. Venez à Copet, Monsieur, si vous voulez qu'on bêche, et qu'on joue au wisk, car vous savez donner aux goûts innocens l'éclat du génie, comme aux travaux du génie la douceur qui les rapproche de l'inno- cence. Venez à Copet, pourvu que notre bonheur ne coûte rien au vôtre ; mais si l'habitude nous est contraire, elle peut aussi nous être favorable, car le rapport des âmes et des esprits ressemble bien à l'ha- bitude, et c'est du moins un de ses effets les plux doux ; et une liaison, qui a commencé presque avec la pensée, est préférable à celle qu'on forme avec ses meubles et ses appartemens. Mais vous a^•ez de meil- leures excuses ; je l'eçois avec reconnoissance celle des eaux de Pyr- monti Quel prix mon cœur n'attache-t-il point à votre santé, à l'inté- rêt que votre amitié répand sur notre retraite 1 En arrivant ici, en n'y retrouvant que les tombeaux de ceux que j'ai tant aimé, vous avez été pour moi comme un arbre solitaire, dont l'ombre couvre encore le dé- sert qui me sépare des premières années de ma vie. Je ne voudrois pas non plus vous ravir aux agrémens d'une société à laquelle la France de Louis quatorze auroit porté envie ! Enffaffez ces dames à lire le Tableau de l'Etat Moral où nous a re- duit la Constitution Françoise ; et si la modestie des femmes pour leur mari n'étoit pas un hommage à l'intimité du nœud conjugal, je dirois que dans ce chapitre, l'auteur met son esprit au niveau du génie, qui a conçu l'ensemble de l'ouvrage. Vous m'aviez promis de lire Les Opinions Religieuses ; et quelles que soyent vos opinions métaphysiques, je suis sûre que vous aurez été frappé LETTERS TO AND FROM EDWARD GIBBON, ESQ. 655 frappé du chapitre sur le bonheur, le mot si touchant qui finit votre lettre me le persuade ; je veux y joindre ces vers de Zaïre. Généreux, bienfaisant, juste, plein de vertus, S'il étoit né Chrétien, que seroit-il de plus? No. LIV: Madaine Necker à M, Gibbon. A Copet, le 10 Août, 1792. Je ne puis. Monsieur, laisser sans remercîmens, non seulement une lettre incomparable, mais beaucoup plus qu'une lettre pour moi, car c'est un véritable bienfait de l'amitié. Le plaisir qu'elle a causé à M. Necker ne s'effacera point de mon souvenir. Votre voix peut ranimer toutes les espérances : et quand vos écrits, votre réputation, ne nous auroient pas appris depuis long tems quel juge vous êtes, la manière dont vous énoncez votre suffrage feroit également votre titre et le nôtre ; et le goût exquis qui démêle le mérite d'un ouvrage, et qui le met à sa place, peut bien être comparé à la sagacité d'un juge civil, qui liroit au fond des cœurs pour prononcer guilty, ou not guilty, mor- tel ou immortel. Aussi M. Necker après avoir entendu cette douce lettre, me dit avec sa bonne foi ordinaire, A présent me voilà sûr de mon succès ; je n'ai plus besoin d'aucun autre éloge. Il sentoit que son vaisseau alloit voguer à pleines voiles, comme celui d'Enée, quand il fut poussé par cette nymphe que Virgile nomme faiidi doctissinia Cymodocea Dixerat, et dextrâ discedens impulit altam (Haud ignara modi) puppim : fugit illa per undas Ocior et jaculo. J'aurois voulu oser faire imprimer cette lettre ; l'opinion de celui qui a démêlé à dix huit cens ans de distance les causes de la décadence de l'empire Romain auroit été la sanction du livre de M. Necker. C'est sur tout à vous. Monsieur, qu'il faut reprocher l'enthousiasme de M. Necker pour votre nation ; c'est sur l'échantillon qu'il a jugé de l'en- semble, et non seulement vous, mais aussi vos réponses à toutes ses questions (5.56 LETTERS TO AND FROM EDWARD GIBBON, ESQ. questions ont fait son erreur; ces questions ont dû vous prouver que M. Neckcr ne cherclioit point à vous cacher son travail ; mais l'on peut bien s'aider des lumières de son ami, et lui épargner par rcsi^ect pour son génie le spectacle dont parle Boileau, Enfant au premier acte, et barbon au dernier. Il faut, comme v^ous l'observez avec beaucoup de grace et de finesse, que les pensées ingénieuses rendues clairement, puissent obtenir place au milieu des simples vérités ; et M. Necker a fait, je l'avoue, le contraire des gens d'esprit, dont parle M. de Buffon ; il a réuni toutes ces feuilles d'or pour en faire des lingots, ces lingots sont, dites-vous, d'airain de Corinthe ; il faut donc toujours une incen- die pour en produire de pareils. Hélas ! il n'est que trop vrai ; l'ame de M. Necker est embrasée par la douleur des événemens, et j'ai besoin de toutes les ressources de l'amitié la plus tendre pour faire diversion aux tourmens qu'il endure. Votre conversation me donnera des moyens en ce genre, auxquels il est impossible de résister ; cependant votre bonheur m'est trop cher jjour que je voulusse vous faire perdre aucun des instans de la société dont vous jouissez. Revenez à nous quand vous serez rendu à vous-même ; c'est le moment qui doit tou- jours appartenir à votre première et à votre dernière amie, je ne saurois découvrir encore lequel de ces deux titres est le plus doux et le plus cher à mon cœur. No. LV. Madame Necker à M. Gibbon. A Copetf ce 21 Septembre, 1792. Jamais, Monsieur, les marques de votre intérêt ne nous furent ni plus chères ni plus nécessaires. Les lettres qu'on reçoit de Paris font horreur, même avant de les ouvrir. Les mots les plus indifferens de nos amis absens paroissent des augures funestes. M. de Lenart écrivoit dernièrement à Mr. Necker, quel que soit riio7i sort, je vivrai, ou je mourrai votre ami : ces paroles si simples nous firent tressaillir, et le plus cruel des événemens n'a pas tardé à les suivre. M. de Montmorin a péri malgré les efforts de Bazire lui-même., car dans cet enfer il faut avoir recours à la protec- tion LETTERS TO AND FROJI EDWARD GIBBON, ESQ. 6ô7 tioii ties (lemons. Les barbares ont tué M. de Clermont Tonneire, exemplaire vivant du génie et des talens des François avant leur effrayante métamorphose. Ils ont assassiné le Duc de Rochefoucault, cet homme rare, victime de ses vertus même dans ses erreurs, qui guidé par une seule lumière, ne put balancer un grand caractère par un grand génie. Il n'avoit vu dans un système exagéré que le sacrifice de ses avantages personnels, et il s'étoit crû obligé de l'embrasser ; aussi avoit- il conservé presque seul l'amour et le respect des deux partis. Tous ces hommes distingués étoient nos amis, ou nos connoissances; ils contri- buoient tous à la douceur de notre vie, et nous ne pouvons plus jouir môme d'un souvenir si cher, sans traverser dans notre imagination le fleuve de sang qui nous en sépare. Au milieu de ces malheurs, l'arrivée de l'ambassadrice nous a soulagé d'un poids terrible ; le sentiment de ses dangers, nous fait oublier la déraison qui les avoit fait naître ; mais malgré sa grossesse et ses allarmes précédentes, le repos auquel nous la contraignons, n'a pas pour elle tout l'attrait que vous imaginez. Elle ressemble à ces papillons éphémères, si bien décrits par votre poëte Gray, qui ne comptent jamais leur vie que par le lever et le coucher du soleil. Je suis douloureusement affectée de la maladie de M. de Sévéry ; je desire la conservation de cet excellent homme, pour le bonheur d'une femme digne de tous les genres de bonheur, pour sa famille, pour tous ceux qui le connoissent, et pour vous. Monsieur, dont les peines pénè- trent jusques au fond de mon cœur. Je n'espère pas de vous voir ici dans ce moment ; mais souvenez-vous, que nous vous avons réservé deux appartemens sous votre nom, l'un à Copet, l'autre à Genève ; souvenez-vous que votre société répand mille charmes sur la nôtre, et qu'elle ne change d'ailleurs en rien notre genre de vie ; c'est un bien précieux sans aucune soustraction. VOL. III. 4 p No. 658 LETTERS TO AND FROM EDWAHD GIBBON, KSQ, No. LVI. Madame Necker d M. Gibbon. A Rolle, ce 8 Octobre, 1/92. Nous sommes à peu près, Monsieur, dans la position où vous nous avez laissés ; pleins de reconnoissance pour vos bontés, et d'inquiétude pour nos deux patries. Monsieur de Montesquiou est toujours à Carouge, mais avec les trois Commissaires. Ce général, quoiqu'on ait pu vous dire, est un homme accessible à tous les sentimens doux et à tous les pencbans aimables ; mais ce Dubois de Crancé lui fera la loi, et je ne vois plus en Monsieur de Montesquiou qu'une ombre avec Cerbère à ses côtés. L'on dit que Spire est pris par Monsieur de Custine ; l'on dit aussi que la réponse de Monsieur de Montesquiou aux Genevois est une injonction positive d'éloigner les troupes Suisses, et une menace de se consulter avec le général la Fevrières. Pour moi, si la Providence nous conduit à Zurich, je ne redouterai ni l'Allemagne ni les frimats, pourvu que je jouisse en repos, auprès d'un bon feu, de l'attachement de Monsieur Necker, et du charme inexprimable de votre société. Employez, Monsieur, toute votre éloquence à rendre graces à vos excellens amis, qui nous ont accordé un si bon asile, et donnez-moi, je vous conjure, des nouvelles de Monsieur de Sévéry. Il paroit que la Convention Nationale se mêle malheureusement de nos affaires, et qu'elle a passé un décret pour ordonner à Monsieur de Montesquiou de s'emparer de toutes les villes et de toutes les contrées qui pourroient servir à la conservation de la Savoye. No. LVII. Madame Necker à M. Gibbon. A Rolle, ce 1 1 Novembre, 1792. Nous sommes encore à Rolle, Monsieur ; les affaires de Genève traînent en longueur ; il semble qu'on crée les obstacles, car toute la discussion LETTERS TO AND FROM EDWARD GIBBON, ESQ. 6-59 iliscussioii se borne en demandes de la Convention Nationale, et en consentement de notre part; cependant les couriers se succèdent, et l'on ne sçait quand la ratification arrivera. Mais la négociation avec les Bernois paroit prendre une tournure très favorable, et nous sommes presque déterminés à retourner à Copet, en conservant encore cepen- dant la jouissance de la maison de Madame de Sévéry, si elle veut bien le permettre ; car je voudrois avoir la possibilité de revenir ici à la moindre inquiétude ; en attendant c'est Cabanis qui nous force à nous rapprocher. Dans ces vacillations je n'ose vous proposer indiscrète- ment un nouveau voyage ; j'attendrai que nous ayons un lieu pour nous reposer. C'est donc de vous que nous tiendrons la branche d'olivier, ou c'est avec vous que nous fuirons les lauriers de Mars. Je sens vivement le prix des soins que vous avez daigné nous rendre, et c'est à regret que j'ai laissé dernièrement à Monsieur Necker celui de vous apprendre les événemens ; nouveau Diogène, il fuit ordinairement tous les rapports directs, et il me laisse le soin de les soutenir. Vous êtes la seule ex- ception que je lui ai vu faire, et je n'en suis pas surprise; aux charmes, à la douceur féconde de votre conversation, il vous a pris pour un rayon de soleil qu'il n'a pas voulu que je lui interceptasse. Adieu, Monsieur, nous nous trouvons heureux d'habiter le même pays que vous. Je m'acquitterai avec Madame de Sévéry à la première occasion ; puis-je vous demander des nouvelles de votre excellent ami ? No. LVIII. Madame Necker d M. Gibbon. Rolle,Q9 Novembre, 1792. Monsieur Necker est si reconnoissant de la charmante lettre de Monsieur Gibbon et si effrayé en prenant la plume par le souvenir du passé, qu'elle tombe de ses mains; elles sont en effet plus habiles à manier la foudre que des armes légères ; il veut donc q[ue je dise pour lui à Monsieur Gibbon combien il a été ravi de la plus ingénieuse des allusions, car je me suis hâtée de traduire les vers dans la crainte qu'il ne lut trompette blessée comme le soldat du déserteur. Cette citation 4 p 2 d'Ovide 6G0 LETTERS TO AND FROM EDWARD GIBBON, ERtl. d'Ovide me feroit trembler si j'étois superstitieuse ; le sort de Sémélé seroit d'un mauvaise augure, mais heureusement le génie de Monsieur (jibbon, qui embrasse si bien le passé, n'est pas encore initié dans les mystères de l'avenir : cet avenir et la postérité sont pour lui ce qu'est à un grand roi les contrées éloignées d'un vaste empire ; il y domine en maître, mais il ne les connoît pas. Le succès de Monsieur Necker n'est pas encore complet, puisqu'il lui f'audroit avec votre suffrage, le changement du cœur des François ; mais il est impossible cependant de ne pas concevoir quelque espérance: la quantité des contrefaçons remplies de fautes, met Vaideur au sup- plice ; car Messieurs, quoiqu'on fasse, ce caractère d'auteur est indélé- bile, et l'emblème du lit de roses vous convient mieux qu'à l'amour même. Nous sommes plus tranquilles, ou peut-être nous sommes fatfgués d'avoir peur ; il paroît cependant que le Lion dédaigne d'écraser la Souris. Nous attendrons des nouvelles plus positives avant de retourner à Genève. Vous me rendriez bien heureuse si vous vous contentiez d'une chambre à la Couronne, et vous pourriez donner un rendezvous à MonsicHr d'Erlach, qui doit venir dîner avec nous. L'Ambassadrice vous a écrit, mais jVIonsieur Necker a craint qu'elle ne vous eut pas assez parlé de lui ; il a raison peut-être ; à l'âge de ma fille l'on court pour soi dans la carrière de la vie ; au mien, l'on se plait comme les guides dont parle Homère à s'asseoir sur le char du héros, à courir les mêmes dangers, sans avoir part à sa gloire. Adieu, Monsieur, chacun vous aime ici, et chacun vous regrette et vous souhaite. Supposé que nous restassions encore quelque tems à RoUe, Monsieur de Sévéry nous permettroit-il de mettre nos chevaux dans son écurie ? Ils ont été à l'auberge jusques à présent. Nous prions tous Monsieur Gibbon de nous donner des nouvelles de Monsieur de Sévéry. No. LETTERS TO AND FROM EDWARD GIBBON, ESQ. 661 No. LIX. Madmne Necker d M. Gibbon. A RoUe, ce 2 Janvier, 1793. Les défauts les plus enracinés souffrent quelques exceptions ; je vous conjure. Monsieur, d'en faire une en notre faveur par deux lignes seule- ment. Je pense continuellement, et avec une douloureuse inquiétude, ou que vous avez la goutte, ou que vous êtes plongé dans la tristesse par la continuité d'un spectacle qui tourmente votre excellent cœur. Si le temps ne vous effrayoit pas, je vous proposerois de mettre un peu d'intervalle à ces soins de l'amitié en venant partager d'autres peines sur lesquelles le charme de votre conversation versera un beaume incomparable. Votre chambre n'est plus occupée ; après avoir essayé inutilement toutes les ressources de l'esprit et de la raison, pour détourner ma fille d'un projet insensé, nous crûmes qu'un petit séjour à Genève pourroit la rendre plus docile par l'influence de l'opinion. Elle a profité de cette liberté, et s'est mise en route plutôt qu'elle ne nous l'avoit fait craindre ; et c'est sous de si fâcheux auspices qu'elle a com- mencé l'année, et qu'elle nous la fait commencer. Je n'ajoute rien de plus ; il ne m'appartient pas d'être juge de cette conduite ; j'aurois besoin d'un intermédiaire et même d'un interprète entre le siècle et moi : car je n'entends plus sa langue, et malgré tout le dédain avec lequel on rejette les opinions qui ont guidé et embelli ma vie, je m'ap- perçois souvent qu'elles répandent encore quelques fleurs, même sur mes cheveux blancs. Le procès du roi nous laisse toujours dans une triste suspension ; M. Necker n'ose se livrer à l'espérance. Louis Seize n'est pas pour lui ce qu'il est pour les autres hommes, et toutes les idées qu'il a conçues pendant vingt ans l'attachent à ce centre, peut être comme la vigne à un arbre stérile. Mais il ne fait pas celte dernière observation. Venez, Monsieur, et croyez que vous êtes plus aimé ici que dans aucun pays du monde. No. (3(72 LETTERS TO AND FROM EDWARD GIBBON, ESQ. No. LX. Madame Neckee à AI. Gibbon. A Copct, ce 12 Juillet, 1793. Vous m'annonciez de Douvres, Monsieur, une lettre par le courier prochain ; je l'attends encore et chaque jour avec plus d'angoisse. Je me consume en conjectures inquiétantes. Il faut être juste ; vous ne pouvez penser à nous aussi souvent, que nous vous rapprochons de notre cœur. A Londres tout vous ramène aux idées de ce monde, tandis que tout nous en éloigne ici ; près de vous les souvenirs que vous me rappelliez m'étoient doux, et les idées présentes que vous faisiez naître s'y réunissoient sans peine ; l'enchaînement d'un grand nombre d'années sembloit faire toucher tous les tems l'un à l'autre, avec une rapidité électrique ; vous étiez à la fois pour moi à vingt ans, et à cin- quante : loin de vous, les difïérens lieux que j'ai habités ne sont plus que les pierres itinéraires de ma vie : ils m'avertissent de tous les milles que j'ai déjà parcourus. M. Necker, plus raisonnable, s'est fait taupe, ne pouvant plus être lynx. Il s'occupe d'agriculture, il étend ou il resserre son compas, et mesure successivement l'espace qui nous sépare du ciel, et l'arpent de terre de son parc. Voilà du moins comment il conduit son esprit ; on l'amuse comme un enfant, ou comme un ange, parcequ'il tient de tous les deux ; mais rien ne le distrait cependant des sentimens douloureux qu'on renouvelle sans cesse dans son ame tendre ; il faut avoir aimé pour sentir tous les déchiremens que cause l'ingrati- tude. Nous sommes occupés à présent à réclamer nos deux millions confiés depuis quinze ans à la France par les motifs les plus délicats, et engagés pendant un tems pour lui fournir des subsistances. L'on nous en a refusé l'intérêt quoiqu'en assignats. Ah, c'est bien aussi en France, qu'on entend les hiboux cJumter des hymnes à la nuit, et à la mort ; et qu'on voit les arraignées couvrir les monumens des beaux arts; aussi M. Necker en sa qualité de Colombe doit être banni de tous les cœurs françois : il doit céder la place aux 'Vautours. Vous voyez que l'affaire de M. d'Apples ne vous auroit pas convenu dans cette circon- stance j mais nous n'avions rien chez lui, et j aurois désiré que vous m'eussiez LETTEnS TO AND FROM EDWARD GIBBON, ESQ. 663 m'eussiez dit prt'cisément votre perte. Quant à la maison, la cause que nous plaidons nous oblige à suspendre tous nos arrangemens : notre vie est comme flottante au gré de tous les vents : mais ils ne me feront jamais perdre de vue l'étoile polaire de la place St. François, qui nous indique le port, et tous les biens dont il est embelli. Vous souviendrez- vous à Londres du projet que vous aviez formé à Genève ? C'étoit un centre auquel tous les événemens du siècle pouvoient aboutir, comme dans Lucien toutes les prières aboutirent à l'oreille de Jupiter ; jamais on n'eut plus que vous le talent de peindre vivement sans exagérer. Le fond de votre sujet auroit aussi un avantage unique : vous traceriez le Tableau de la Nature Humaine comme Montagne, mais dans un point de vue et avec un modèle différent ; ainsi vous en ferez apperce- voir toute l'harmonie, quand il en faisoit entendre toutes les discor- dances ; et vous puiseriez dans cette corne d'abondance que vous avez déjà fait reparoître, et qu'on n'ose plus reléguer dans les fables ; enfin vous vous garantiriez de ses mains mal habiles, plus funestes que la faux du tems, qui retranche quelquefois, mais ne défigure jamais. J'espère, Monsieur, que vous aurez trouvé Milord Sheffield dans une situation d'ame plus calme, et votre amitié par les sentimens les plus doux achèvera l'ouvrage de ses réflexions. Combien de fois nous avons senti cette influence, M. Necker et moi ! et qu'il est délicieux pour mon cœur de doubler ainsi mon attachement pour vous par celui que vous inspirez à M. Necker! Adieu, Monsieur, j'espère que cette lettre y croisera la vôtre : il est essentiel pour nos arrangemens d'apprendre bientôt de vous. Si vous passez l'hiver en Angleterre, dites, je vous prie, à votre hôte excellent et distingué, toute la part que nous avons prise à sa douleur. Puis-je vous demander sans indiscrétion de vous informer s'il existe une traduction du Pouvoir Exécutif j et, en ce cas, auriez-vous la bonté de n.e la faire parvenir ? La mère des Gracques est ici avec ses jolis enfans, et son mari, pour lequel j'ai beaucoup d'affection: cette moderne Cornélie ajouteroit volontiers, pour plaire à M. Gibbon, quelque chose de plus à sa parure que le mérite de ses deux fils,^ No. 664 LETTERS TO AND FROM EDWARD GIBBON, ESQ- No. LXI. Madame Necker à M. Gibbon. A Lausanne, ce 9 Dccemb^-e, 1793. Je ne puis vous exprimer, Monsieur, quel a été mon saisissement aux nouvelles si imprévues que nous avons reçues de vous ; en vain M. de Sévéry les a-t-il environnées de toutes les moralités, qui pouvoient donner le change à nos tristes pensées ; votre courage, votre gaieté, votre aménité ; toutes ces qualités si aimables dans d'autres temps pèsent sur mon cœur avec les autres motifs que j'ai de vous chérir. Le ci-épuscule de notre vie est bien couvert de nuages, puisque l'amitié même, la douce amitié, auprès de laquelle nous trouvions un asile, nous présente actuellement un centre de douleur, qui retentit dans toutes les parties de mon être. Je ne vous dirai rien de plus, Monsieur ; ma foiblesse s'accorde mal avec votre héroïsme, et c'est seulement en vous parlant de vous, que nous pouvons cesser de nous entendre. Nous sommes à Lausanne ; nous vous y regrettons au lever de l'aurore, et sur tout au coucher du soleil : car c'est alors que nous étions habitués à vous voir rentrer dans notre ruche solitaire, chargé du miel que vous aviez recueilli au dehors, mais plus riche encore de celui qui couloit de vos lèvres. Cependant je m'applaudis d'être ici à portée d'avoir de vos nouvelles ; j'ai vu votre dernier bulletin, et j'espère que vous continue- rez avec la même exactitude, car vous savez combien vos amis souffrent, et vous n'avez rien de cette nature de tigre, qui nous est devenue si familière. Nous avons renoncé à Genève ; cette petite ville marche en tout sur les traces de la France, et les pigmées n'inspirent que le mépris, quand ils imitent les gestes épouvantables des géans briarées. Cette coupable parodie perd, pour jamais peut-être, une ville autrefois si florissante ; l'on y égalise les fortunes par des collectes perpétuelles, comme on le fait en France par des confiscations ; d'ailleurs, l'on ne dira plus, je ne décide point entre Genève et Rome, mais entre Hobbes et Spinosa j l'auteur des Opinions Religieuses avoit trop prévu cette funeste révolu- tion plus terrible que toutes les autres, en ce qu'elle donne le même mauvais LETTERS TO AND FROM EDWARD GIBBON, ESQ. 665 mauvais esprit aux deux partis opposés. Vous le voyez, Monsieur : je viens de faire un effort pour me détourner du sujet qui dans ce moment me captive toute entière ; mais cette espèce de dissimulation coûte à ma plume, et je l'abandonne de nouveau aux tendres vœux, que nous faisons en votre faveur, et au sentiment qui attache pour jamais mon ame à la vôtre. No. LXII. Sir John Macpherson, Bart. to Edward Gibbon, Esq. Dear Sir, Munich, Dec. 4th, 1792. I TOLD my friend Levade that I would give you some idea of my tour through Spain. It was interesting in a high degree. I landed at Malaga, where I found excellent grapes on the SOthofJune: Ille terrarum wigulus ridet : hills at a distance covered with snow ; rich and unequal grounds, and the neighbourhood of the sea, without its offences, give the country every advantage: indeed it may be called a favoured land. You know that the Court of Spain are now employing antiquaries to examine the scenes of Roman and Carthaginian events in that neigh- bourhood, and with some classic care. From Malaga I went by sea to Gibraltar, where I passed some very agreeable days with Governor Boyd. He is in perfect possession of his faculties, as of the fortress, at ninety-six ; and means to take his final repose in a tomb which he has secured in one of the Greek bastions, and which he visits and has kept clean with Chinese caution. The excavations and batteries formed within the solid rock of Gibraltar are so very grand that they vie with the caves of Staffa and my native island.* I saw the Duke of Crillon afterwards at Madrid. Nature has not formed a stronger contrast than that of the rock of Hercules and its besieger. I went by land from Gibraltar to Cadiz, having been favoured with a particular passport for the purpose. Doctor Johnson and his friend Boswell could not have had a rougher path in the Hebrides, nor worse accommodations. But • The Isle of Sky. VOL. III. 4 Q ^* ()66' LETTERS TO AND FKOM EDWARD GIBBON, ESQ. if tli£ ground is rough, the sky is surely kinder in Spain j from the day of my arrival there to that of my departure I had but two showers of rain, one at San-il-Defonso, and the other at Madrid, Cadiz is full of excellent houses, foreign merchants, and every species of wealth. The Governor of Cadiz told me that the last year's revenue of the custom-house was about four millions of hard dollars. You have got Townsends Travels through Spain : they are very cor- rect as far as I have followed him' ; and if you can get through his o-ypsum, ploughs, and poor-houses, you will not be displeased in their perusal. I had formed the highest opinion of Mr. Townsend's miner- alogist-knowledge, till I met the celebrated Mr. Foster at Madrid. He was disposing of his famous collection to the King of Spain ; and when I told him that I did not understand Mr. Townsend's details about the mineral composition of the hills and roads of Spain, he added that he should have been surprised if I had. Xeres, Seville, Cordova, &c. &c. in the road from Cadiz to Madrid ; —all very ancient and interesting cities, and full of their ancient Ro- man and Moorish inhabitants. "When one enters on the scene of Cer- vantes' romance, it is impossible not to be pleased. Both he and Le Sage have followed the exact geography of the country; and I confess I was almost as glad to see the present Del Toboso and Segovia as some parts of ancient Rome. Madrid is a very respectable city. All our ministers complain of the sharpness of its air. The late King of Spain used to say that its climate was Nueve meses de invernOy y très de inferno. The Spanish language is so like the Italian, that I could, with very little aid, understand it as it is written by their classic authors. The progress in literature and the fine arts is very active at present in Spain. The court have permitted an extract of Adam Smith's Wealth of Nations to be published, though the original is condemned by the Inquisition. The reasons of the Inquisition are curious : " The low- ness of its style and the looseness of the morals which it inculcates." The sentence of the Inquisition is always pasted up upon the church doors. LETTERS TO AND FROM EDWARD GIliBON, ESQ. 6T)7 doors. I sought for your name without success j but you exist in Spain in many secret and select retreats. I have the pleasure to tell you that Spain is regulating all her an- cient documents of American and Arabic knowledge. A copy of ii letter which Andrew Stuart, at the instigation of the Trustees of the British Museum, wrote to the Pope on the subject of the papers in the Vatican, was sent to me at Madrid. I gave it to our Minister and the Archbishop of Toledo, and we shall in time have a catalogue of the Spanish papers. I can also inform you that the Arabian Code is no fiction, as can be now perfectly established. The malice of a rival monk has, with that of some good Christian zealots at Rome, attacked the authenticity of the work. Sir William Hamilton and I have had proofs of its being a genuine work. The details are too long for a letter. The Court is not splendid. The King has a great deal of the look and character of his brother of Naples. The etiquette of his palace forbids him to associate with almost any one familiarly. The Queen, you know, is all powerful ; with strong traits of character, and go- verned by one passion, she has found the secret of governing all around her ; — her husband through religion and love, and the rest througli fear, hope, and the Inquisition. The Conde de Aranda you have I suppose seen. He was very hos- pitable and civil to me ; the King too was gracious. It would have made you smile to have seen your giant * surrounded by the little grandees of Spain. They are indeed a little race ; but the great body of the na- tion have won my attachment and esteem. They are a decent, sincere, and dignified people. Except the bankers and lawyers in Madrid, and the commercial people in the sea-ports, the people have not yet a taint of revolution-ideas. With the Countess de Aranda you would be in love. She is very like your nut-brown Sylva. There is a singular privilege in the house of her father ; it is that he has a right to create a grandee of Spain of the first order. He generally makes his son. Poor Florida Blanca is in prison on the frontiers of France, and nearly in the same strict custody with that which our friend Gil Bias t^uffered at Segovia. He had great views, was an active minister, and 1^ * Mr. Gibbon used to call the writer the Gentle Giant, 4 Q 2 îias 668 LETTERS TO AND TROM EDWARD GIBBON, ESQ. has done much good to his country. He had managed the last famous meeting of the Cortes, which secured to the Queen certain powers, and he then fell the victim of his own management. The person who has won most of my esteem and regard in Spain is the Cardinal Archbishop of Toledo. He was Archbishop of Mexico; wrote a history of Cortez's expedition, which the Inquisition thought too free. He gave me a copy of it, being, he said, the only one re- maining. He made me visit Toledo, and was really friendly to me. Speaking of religion, he said there was but one, and the word explained itself, religo ; it kept society together. His revenues are about 100,000/. a-year, and he has opened his purse as far as it can go, to the unfortunate French clergy. From Madrid I took my route to Valencia, where I passed some pleasant and instructive hours with the Count O'Keilly. I found him remarkably well informed, with great activity of mind, and a good deal of the genius of your friend Burke, tempered by long experience in affairs. The day I left Valencia for Barcelona, I visited the ancient Saguntum. Nature could not have formed a nobler place for defence, nor a more noble conquest for Hannibal to start from his transalpine journey. From Barcelona, resembling one of our best trading ports, I embarked for Genoa. No. LXHL M. Necker à M. Gibbon. Eolle, Mars 19, 1793. Nous comptons, Monsieur, quitter RoUe vers la fin du mois. La santé de Madame Necker la rend impatiente de changer d'air, et nous irons plus ou moins long tems nous établir à Copet. Nous avons toujours en perspective d'aller passer quelques jours avec vous, et nous prendrons le moment où nos idées sur l'avenir seront plus arrêtées. Peut-être aurions-nous le plaisir de vous recevoir auparavant ; il y auroit bien de la grace à vous à en user ainsi. On a toujours plus besoin d'un ami tel que vous. Il nous en coûte véritablement de renvoyer à un autre moment LETTERS TO AND FROM EDWARD GIBBON, ESQ. 669 moment le plaisir que nous nous proposions, mais nous l'aurons sans cesse en perspective, et je laisserai alors à Madame Necker la satisfac- tion de vous l'annoncer. Je lui ai promis, foi de votre raison, de votre indulgence, et de votre amitié, que vous approuverez ce petit dérange- ment, et que vous ne serez pas moins disposé à nous recevoir avec bonté dans un autre moment. L'addresse de ma fille est à Juniper Hall, vid Lo?idon. Je vous ai addressé, il y a trois jours, une lettre de cette dame, qui ne sçait en- core ce qu'elle fera. Son mari est à Paris, mais sans caractère diplo- matique : il nous laisse ignorer s'il a dessein de venir ici, et il n'a écrit qu'une lettre fort courte à Madame Necker. No. LXIV. Dr. Vincent to Mr. Gibbon. Sir, Dean s-yard, July 9.0 tli, 1793. I AM happy that any accidental circumstance should have intro- duced me to a correspondence with Mr. Gibbon, and I trust you will excuse me a delay of one moment, which I wish to employ in express- ing my respect for j^our works. With all the prejudices that men of my profession have, and ought to have, against particular parts, I confess with the highest satisfaction the pleasure and instruction I have received from every thing that is critical and historical ; out of the numerous body of authors you have made use of, I have always followed your narration with such as I could procure : your fidelity, accuracy, and the happy use you have made of them, has taught me an attention I was not master of before, out of many instances I mention Ammianus as the first. And now. Sir, permit me to inform you that from Dr. Nichol's book, which is in my possession, you were entered at Westminster School, in the second form, in January 1748, the precise day is not no- ticed, but probably from the 10th to the 16th, it was the same year I was entered myself in the September following. The time of your quitting the school cannot appear from this book, but by calculating the 670 LETTERS TO AND FROM EDWARD GIBBON, ESQ. the removes, I should think you might fix it accurately yourself. Your age is noticed, as is that of all the others in Dr. N.'s book, which makes you 9 years old in 1748. If there is any other inquiry that I can promote, I shall be happy to receive your commands. I remain with great respect. Your most faithful and obedient servant, W. Vincent. No. LXY. Dr. Vincent to Mr, Gibbon. Dean's-yard, July 22rf, 1793- Dr. Vincent is able to assure Mr. Gibbon, from his own entrance in the same year, that the year of Dr. Nichol is certainly 1748, and he thinks he can bring to Mr. Gibbon's remembrance, facts that will fully satisfy his own mind. Boyle, afterwards Earl of Orrery, was one of the principal actors in Ignoramus, represented in December, 1 747, and would of course continue Captain till Whitsuntide 1748. Fury succeeded him. These are such remarkable epochs in the chronology of boys, that few forget them. Dr. Vincent is sure of his own me- mory likewise, when he asserts that he remembers Mr. Gibbon in the 2d form, and at Mrs. Porten's house in 1748, as he lived next door with Hutton the nonjuror. If Mr. Gibbon should still have any doubts, Dr. V. will not think any thing a trouble, which may contribute to remove them. No. LXVI. Mr. PiN-KERTON to Mr, Gibbon. SrR, London, 23d July, 1793. 1 HOPE you will pardon this intrusion, after our appointment at Mr. Nicol's, which I was very sorry the extreme heat of the day con- strained you to defer, as it would have given me the greatest of plea- sures LETTEKS TO AND FROM EUWAUU GIBBON, ESQ. 0/1 tiuies to have been known to you. Indeed I have expressed upon many occasions, that I regarded you as the first of living authors ; and perhaps the only one in the world who has united genius, erudition, philosopliy, eloquence, all in the most consummate degree. After this you may judge how severe the disappointment was to me; and as I hear that you will not be in town for some time, I hope you will for- give my impatience in writing to you. It gave me extreme satisfaction to learn the proposed scheme of publishing our ancient historians, under the auspices of the greatest of modern historians, and whose name alone would ensure success to the work, and occasion the revival of an important study, too much and too long neglected in this otherwise scientific country. Your favour- able mention of me as reviser flattered me much, for magnum laudari a Imidatis. I shoidd not only exert all my industry in collating MSS. revising the press, &c. but should execute my labours con amore, as on the favourite object of long pursuit : but all this woidd be nothing without your name, which is a tower of strength ; and as Mr. Nicol expressed his hope that you would consent to give your advice, as to the authors employed, and other important points, so he and I warmly join (and I hear the literary voice of present and future natioiss accord with ours) in the request that you will allow your name to appear as superintending the work, or as the Latin, I believe, would express it, curante, &c. It is also hoped that you will spare a few hours to clothe the Prospectus, upon which much depends, with your powerful elo- quence, which, like a coat of mail, unites the greatest splendour with the greatest strength. If you consent to this, as Mr. Nicol wishes that no time may be lost, I shall begin to prepare materials for the Prospectus, and send them to you when your convenience suits. This will be the more easy as, in the year 1788, I published in the Gentleman's Magazine twelve " Letters to the people of Great Britain, on the cultivation of their national history," pointing out the deficiencies in this line of study. Among others I mentioned that in the Saxon Chronicle not less than fifty pages may be found in MSS. in the Museum, v/hich are Av'anting in Gibson's edition, a book consisting of only 244 pages. But I must repeat that all our hopes of success depend on your name 672 , LETTERS TO AND FROM EDWARD GIBBON, ESQ. name alone. I humbly request that you will let me know your senti- ments on tlie occasion at your convenience ; and have the honour to be with infinite respect, Sir, your most obedient and fo'ithful servant, John Pinkerton. "1 No. LXVII. Mr. Gibbon to Mr. Pinkerton. Dear Sir, Sheffield F lace., 25th July, \793- On the principal subject of your letter I shall explain myself with the frankness becoming your character and my own. Above twelve' years ago, in a note to the third volume of my history, I expressed the surprise and shame, which I had long entertained, that, after the ex- ample and success of the other countries of Europe, England alone, with such superior materials, should not have yet formed a collection of her original historians. I still persevere in the same sentiments, that the work would be acceptable to the public, and honourable to all the persons at whose expense, or by whose labour, it should be exe- cuted I might doubt whether any single editor, however learned or laborious, could perform a task of such magnitude and variety with sufficient dispatch to satisfy the impatience of the world: yet I am not much a friend to republics of any kind ; nor, in the choice of a sole or chief artist, do I know of any one so well qualified as yourself, by your previous studies, your love of historic truth, your Herculean industry, and the vigorous energies of your mind and character. Thinking as I do, and called upon in so pressing and particular a manner, by yourself and Mr. Nicol, it is incumbent on me to explain for how much I can undertake. I will embrace every opportunity, both public and private, of declaring my approbation of the work, and my esteem for the editor. I shall be always ready to assist at your secret committee ; to oflfer my advice with regard to the choice and arrangement of your materials ; and to join with you in forming a ge- neral LETTERS TO AND FROM EDWARD GIBBON, ESQ. 673 neral outline of the plan. If you proceed in drawing up a prospectus, I shall consider it with my best attention ; nor shall I be averse to the crowning your solid edifice with something of an ornamental frieze. When the subscription is proposed, I shall underwrite my name for, at least, six copies : and I trust that a large contribution from a moderate for- tune will be received as a sincere and imequivocal mark of approba- tion. But you seem to wish for somewhat more, the public use of my name as Curator, or superintendent, of the work ; and on this delicate and ambiguous point you must allow me to pause. My name (quale- cunque sit) I could not lend with fairness to the public, or credit to myself, without engaging much farther than I am either able or will- ing to do. Our old English historians have never been the professed object of my studies ; my literary occupations, or rather amusements, lead me into a very distant path, and my speedy return to the Conti- nent (next spring at the latest) will preclude all opportunities of re- gular inspection, or frequent correspondence. I am, dear Sir, with the most sincere i-egard. Your faithful humble servant, E. Gibbon. It was Mr. Pinkeiton's Inquiry into the History of Scotland, a book always mentioned by Mr. Gibbon with applause, which induced him to apply to its author to undertake the publication of this great national design, first formed by our eminent historian. Some of the objections in this letter were overcome: it was agreed that Mr. Cadell, if he chose, should be nominated publisher, &c. The final arrangement was, that Mr, Pinkerton's name should appear in the title-page as sole editor; but that Mr. Gibbon should write a general preface to the work, and a particular preface to each volume, containing a review of the history, and historians of each epoch ; for which purpose, on his return to Lausanne, he was to peruse all the ancient English historians in a chronological course, a labour which he mentioned with pleasure, as the last and most favourite occupation of his life. So vain are human hopes ! Mr. Gibbon also agreed to write the Prospectus, and to allow it to appear with his name ; but he died on the day appointed for its publication, and with him all views of success in a design of such magnitude, which it was doubtful if even his name and co-operation could have carried into effect. VOL. 111. 4 R No, ()'7'4 LETJEllS TO AND FROM EDWARD GIBBON, ESQ. No. LXVIII. Edward Gibbon, Esq. to Lord Auckland. My DEAtt Lord, St. James* s-street. No. 76, Nov. 27th, 1793. I should reproach myself witli neglecting one of the best comforts of life, the enjoyment of instructive and agreeable society, did I not seek to visit lîeckenham in my way to Sheffield-place. I must there- fore ask whether it will suit with your other arrangements to receive me at dinner either Tuesday, Wednesday, or Thursday next week, to keep me the next day, and to dismiss me the following morning after breakfast. I shall expect your commands, and in the mean while re- quest that you would present my compliments to Lady Auckland, whom I revere as a second Eve, the mother of nations,* though I am persuaded that she would not, like Eve, have eaten the apple. My dear Lord, Most sincerely yours, E. Gibbon. No. LXIX. Moîisieur Necker à Mo7istenr Gibbon. Lausanne, Novembre, 1 793. t Quelle courage. Monsieur, quelle sérénié à côté de tant d'esprit, et d'imagination ! C'est donc à vos amis seuls à éprouver vos maux, et à s'en inquiéter. Ah ! ils rempliront trop bien cette fonc- tion. Notre intérêt, nos vœux, vous environnent, et de notre terrasse nous voyons, nous regardons votre maison, et nous irons en ouvrir les portes et les fenêtres dès qu'on nous apprendra que vous revenez Iha- * The allusion is to the births of her children in England, America, Ireland, France, Spain, and Holland. + This letter was written imnnediately after Mr. Necker had received the account of Mr. Gibbon's having undergone the operation of tapping. biter. LETTERS TO AND FROM EDWARD Cir.BON, ESQ. 6/5 biter. Vous avez rendu cet asile trop célèbre pour l'oublier, et le vif sentiment avec lequel nous entendons parler de vous, nous est un garant de votre retour. Nous sommes à Lausanne depuis quelques jours, et nous avons de- puis reçu plusieurs visites de la cité. La rue du Bourg, ainsi que de raison, attend qu'on la prévienne ; mais moi, revenu des grandeurs de la terre, après avoir fait une visite de devoir au »Seigneur Bailly, et au Seigneur Bourguemestre, et une de goût, et de reconnoissance à Ma- dame de Sévéry, je me tiendrai clos dans mon manoir. Adieu, Mon- sieur, agréez, je vous prie, les assurances de mon inviolable attache- ment. No. LXX. Sev. Dr. Cooke, Dean of Ely, and Provost of Kings College, Cambridge, to Lord Sheffield. King's College, April Uth, 1796. And so even nobles, it seems, can condescend to make their visits, after the mode of the good parsons in the West, with their waves behind tliem. I take leave to kiss both hands with all due respect and venera- tion, as proof of that perfect harmony and union, of which every friend must be happy to have the assurance, which must ever result from equal good sense, good humour, and virtue, and be rather more close, more tender and delicate, than the most intimate connexion between author and editor. In making my acknowledgments, my most dear Lord, for your late very kind notice of me, you will suffer me to remark something of error : it was not to be supposed, that any thing should appear under your sanction which I should not eageily possess myself of the first moment I could obtain it. Amidst all my interruptions, I have advanced considerably into the Extraits du Journal, and I admire him even more in them than in his History : such variety of reading, such justness of reflexions, such neatness and precision of expression, are not to be found in any of the Anas with which I am acquainted ; nor am I aware of any publication that does equal honour to both the 4 R 2 parties 676 LETTERS TO AND FROM EDWARD GIBBON, ESQ. parties concerned in it. I have no doubt of your just title to the merit of the observation, that Poets lose half the praise they would have got, Did we but know what they discreetly blot. It is indeed matter of sincere pleasure to me, as well on your Lord- ship's account as your friend's, that so little appears that can give offence. The great desideratum is, and a most wonderful one, that a pi'ofessed historian, whose province it is to be guided by evidence, should not submit to the glaring evidences of our religion,— evidences, even at this day, of our senses, — and if examined, irresistible : the mis- fortune is, that they are not examined and considered : — but this world cheats us of our immortal hopes. I beg pardon ; I will not, and I trust I need not, preach. Your Lordship will kindly forgive my zeal, and be assured of my anxious wishes of every happiness to yourself and all who are dear to you both now and for ever. My heart has been so full, as to have forgotten, I find, to express how highly honoured and gratified we shall be by the present you have so obligingly intimated. I am ever, my dear Lord, Under the strongest impression of all your favours, Youi' most sincere, obliged, and faithful and affectionate Servant, Wm. Cooke. No. LXXL Rev. Dr. Cooke, Demi of Ely, and Provost of King's College^ Cambridge, to Lord Sheffield. My Dear Good Lord, April 9.6th, 1796. The precious volumes have safely reached us, and shall be deposited pari jugo, or cheek by jole, with the six of which we have long been possessed, and to which they make so very valuable an Appendix. I am LETTERS TO AND FROM EDWARD GIBBON, ESQ. 677 am at a loss indeed to say, whether the great historian of empires and of the changes and chances of the world in general, maybe of more use and consequence than the faithful narrator, as he appears in your Lord- ship's representation, of the humbler incidents of private life, of the occasional reflexions that arise upon them, and the happiness of a sincere, long-continued, and uninterrupted friendship. The last I am sure come much more closely home to our personal businesses and bosoms, and must have a greater influence on our own immediate con- duct ; nor can I hesitate to affirm, in an allusion which Mr. Gibbon himself, if he could have known the posthumous care and attention to his fame and character, would have applied, Fortunati ambo ! Nulla dies unquam memori vos eximet aevo — You will go down together to late posterity with as much just distinc- tion as any of the memorable duets of antiquity. While I congratulate your Lordship on the close of your meritorious labour for one friend, let me intreat your intercession with Lady Sheffield for my not having particularly expressed the high sense I have of the honour of her Lady- ship's late notice with which she so obligingly favoured me : nor will it be a slight gratification, if Miss Holroyd may retain any memory of a former admirer, or Miss Louisa, of the happiness she communicated by a few transient interviews at Bath. May every blessing attend your Lordship, and all who are dear to you ! so prayeth most heartily Your ever most truly obliged and most faithful humble Servant, William Cooke, No. LXXIL The Rev. Norton Nioholls to Lord Sheffield. Blwideston, June 2d, 1 796. I have delayed so long to write to you, my dear Lord, not certainly from indiiference to you or to the posthumous fame of Gibbon which owes 678 LETTERS TO AND FROM EDWARD GIBBON, ESQ. owes SO much to your friendly and judicious exertions — The work more than answers my expectation ; such a faithful, interesting, and agree- able portrait of a human mind endowed with the most extraordinary powers, enriched with all the treasures of learning, embellished witii all the graces that good taste and polished society can bestow; impelled by an insatiable desire of knowledge to an activity in the pursuit of it, the eagerness and constancy of which has seldom been equalled ; such a portrait has scarcely ever been given to the world, and never with such a curious and happy detail. As for his moral character, you have exhibited it in a new point of view even to me; till that admirable letter preceding his last departure from Switzerland I had no idea of the warmth and energy of his friendship ; but the incomparable letters which you have published teem with proofs, most honourable to the heart and sentiments of their author. The account of his studies is as useful as it is singular, and may serve to point out to others the path to literature which so few pursue. Nothing 7-an through his mind ; every subject worthy of attention was sifted, examined, and dissected. The ideas of others produced a new train in him which he generally carried far beyond the original. The style of his letters is perfect, — equally easy, elegant, accurate, pleasant, and even playful. The outlines of the History of the World (which I had not seen) is masterly. It was impossible for him to be superficial. I cannot help congratulating you on having produced a work as honourable to you, as to your friend ; and I am convinced that its popiUarity will be equal to its merit. Adieu, my dear Lord, believe me to be ever most faithfully yours, N. NiCHOLLS. No. LXXIII. Extract of a Letter from Gregory Lewis Way, Esq. to Lord Sheffield. Spencer Farm, August 2Sth, 1796. I HAVE finished the first volume of the Gibboniana. With parts of it I was delighted and interested extremely. Of his satire on Oxford I can LETTERS TO AND FROM EDWARD GIBBON, ESQ. 679 Can hardly be deemed an impartial reader. His opinions on public affairs and public men, I swallowed with avidity and approbation. But his French letters of courtship to Deyvcrdun are delicious indeed : and in the minute incidents connected with his Work, I stand invisible behind him ; I steal along his grove of Acacias, and my mind partici- pates in his exultation and in his gloom. Shall I add, that in his honest and manly retirement from public life, and in his estimate of the com- parative charms of politics and philosophy, he has also a powerful echo in my bosom ? I trust that, like him, I should iiave been able, in spite of " mes amis, qui ne veulent pas me permettre d'être heureux suivant mon goût, et mes lumières," to have persisted in a like line of conduct ; since I have his authority for flattering myself that I " possess a dispo- sition somewhat similar to his own." The names of Chelsum and Ran- doljjh I have not forgotten, though I suspect myself of never having read their books. No. LXXIV. Samuel Rose, Esq. to Lord Sheffield. My Dear Lord, Denham Lodge, Sept. 7th, 1796. I HAVE been in Oxfordshire, and am now in Norfolk, visiting my valuable but unhappy friend Cowper, who, though certainly better than he has been, still continues a victim to melancholy and despair. It is a dreadful sight ! — such talents so laid waste by so merciless a disorder claim our pity now, as much as, in a different state, they before excited our admiration. But it is not the object of this letter to communicate to your Lordship those painful sensations which must necessarily be felt by every benevolent mind at hearing of the continued misery this gentleman suft'ers. It is rather the object of this letter to give you pleasure, who are ever so active in creating and promoting the enjoy- ment of others. I lately heard from my friend Mr. Mackenzie of Edinburgh, who has distinguished himself in the literary world by his Man of Feeling, and other ingenious publications. He speaks in the following just and appropriate 680 LETTERS TO AND FROM EDWARD GIBBON", ESQ. appropriate terms of your Lordship's last work, which I transcribe with great satisfaction, as they express my sentiments upon the subject, and as they come with weight from so distinguished a character as Mr. Mackenzie : " With Mr. Gibbon's volumes, particularly the first, I was much entertained and gratified. To see so much of the life and manners of a celebrated man, is always gratifying ; in this case it was peculiarly so, from the increased esteem which it excited for that man, by exhibiting him in so amiable a view as a relation and a friend. Lord Sheffield and his family formed a very interesting group in the picture. Among authors and public men it is not very common, and it is very pleasing, to find such continued and warm affection and attachment ; and the man of taste, as well as of virtue, is deeply indebted to the editor, who can thus unfold to him such sources of moral as well as literary pleasure." This is one, among many honourable testimonies, you have received of the value and importance of your very entertaining publication ; a publication which will increase in the good opinion of the public, in proportion as they become better acquainted with its contents. Your Lordship's obliged and affectionate, Samuel Rose. INDEX The Remains of Mr. Gibbon were deposited in Lord Sheffield's Family Burial-Place, in Flelching, Sussex ; whereon is inscribed the following Epitaph, written at his Lordship's request by a distinguished scholar, the Rev. Dr. Parr : — EDV ARDUS GIBBON CRITICUS ACRI INGENIO ET MULTIPLICI DOCTRINA ORNATUS IDEMQUE HISTORICORUM QUI FORTUNAM IMPERII ROMANI VEL LABENTIS ET INCLINATI VEL EVERSI ET FUNDITUS DELETI LITTERIS MANDAVERINT OMNIUM FACILE PRINCEPS CUJUS IN MORIBUS ERAT MODERATIO ANIMI CUM LIBERALI QUADAM SPECIE CONJUNCTA IN SERMONE MULTA GRAVITATI COMITAS SUAVITER ADSPERSA IN SCRIPTIS COPIOSUM SPLENDIDUM CONCINNUM ORBE VERBORUM ET SUMMO ARTIFICIO DISTINCTUM ORATIONIS GENUS RECONDITiE EXQUISIT^EQUE SENTENTI^ ET IN MONUMENTIS RERUM POLITICARUM OBSERVANDIS ACUTA ET PERSPICAX PRUDENTIA VIXIT ANNOS LVI MENS. VII DIES XXVIII DECESSIT XVII CAL. FEB. ANNO SACRO MDCCLXXXXIV ET IN HOC MAUSOLEO SEPULTUS EST EX VOLUNTATE JOHANNIS DOMINI SHEFFIELD QUI AMICO BENE MERENTI ET CONVICTORI HUMANISSIMO H. TAB. P. C. AN INDEX TO THE THIRD VOLUME. ABRADATES, account of, 58. Adiirson, his credulity ia composing liis Treatise of the Christian Religion, 560 — Mistaken in asserting that there never was a martyr among the primi- tive heretics, 56 1. ilimilia, S+l. ^qui, 332. Africa, inquiry into the supposed circum- navigation of, by the ancients, 482 — Its four supposed circumnavigations un- founded, 487 — The Portuguese the first who explored their way round its southern promontory, 489 — The cir- cumnavigation by the Phenicians ex- amined, 490 — Notes by Dr. Vincent on the supposed circumnavigation, 508. Agnes, daughter of Albert the First, in- stance of her cruelty and sanctity, 1 17 — Made umpire between her brother and the Swiss, liQ. Alba Fucentia, 330. Alba Longa, 286. Albert the First, puts his brother Adolphus to death, 102 — His conduct towards the Swiss, 107 — Assassinated by his ne- phew, 1 16 — Cruel executions in re- venge of his death, I17. Albert, son of the preceding, declares against Zurich, 144 — Defeated, 145 — Loses Zug by his haughtiness, 148— Breaks his treaty with the Swiss, 14-9 — Excites tlie emperor Charles the Fourth against them, 150 — Yields the reins of government to his sons, 152. Alexander, his wealth, 423. Algidum, 332. VOL. III. Alps described, 246. Alsium, place of residence of Virginius Rufus, 262. Ambrones, question of their country, 514. Ameria, 34 1. Ammon, inquiry as to the age in which he lived, 69. Amphora, Roman measure, 447. Amsancti Lacus, exhalations of, danger- ous, 321. Anabaptists, horrors committed by, in Germany, 125, note. Ancona, account of, 338. Anio, river, 268. Antium, 292. Appennine Mountain, described, 243. Apherasiab, account of, 42. Aponum, famous for its mineral waters, and as the birth-place of Livy, 346. Appian Road, 300. Apulia, account of, 320, 322. Aquileia, 347- Aquinum, 292. Arabs, subjugate Persia, 13. Araspes, account of, 58. Arbaces, account of, 6, 11. Arbuthnot, Mr., his table of the weights, money and measuresof the ancients, 407. Ardea, 289. Arguin, island of, settled and fortified by prince Henry of Portugal, 497. Aricia, 287 — Its land said to be so hot, that a coal thrown on it would instantly take fire, 299. Ariminum, 340. Aristomenes, account of, 38. 4 S 6Se, INDEX TO TUE THIRD VOLUME. Arpi, 322. Arpinum, 2()2. Arrian, ancient geographer, 487. Arteus, sixth king of the Medes, 23. As, I{oiii:in weight aiul c:)in, fluctuations in the vakie of, 429, 431, 432. Aspadas, his reign, 3 i. Assassination of tyrants, different opi- nions respecting, 22.i. Assyria, extent of its empire, 5— Effemi- nacy of its kings, ti-=-Period of its over- throw, 10 — Its religion, i5 — Question, if known to Homer, imestigated, 20 — Herodotus's account of, 34. Astibaras, his reign, 32. Astrolalie, who invented by, 500. Astura, 292. Astyages, 42, 54. Atlantic, or Fortunate Islands, historical account of, 483. Auckland, lord, letter to, G74. Aventicum, inquiry respecting, 525. Avernus Lacus, 310. Augustus, meaning of the title, 79- Aureus, ancient coin, weight of, 409 — Fluctuations of, 459. Ausones, 293. Austria, duchy of, 100. Azenaghis, African people, account of, 497 — Their terror at the ships and guns of the Portuguese, 502. Azo, fanciful etymology of the name, 171 — Pedigree of, as connected with the house of Guelph, 183. B. Babylon, becomes an independent king- dom, 30 — Flourishing state of the arts and sciences there, ibid. Bacon, lord, considered Perkin Warbeck as an impostor, 164. Baiae, 298, 299, 310. Barre, Mr. de la, character of his work on the ancient measures, 407. Basil, emperor, immense revenue of, 4(50. Bayle, mistake by, respecting the number of children of Charles the Second of Naples, 519. Belesus, concerned in the revolt of Ar- baces, 6 — Rewarded with the place of Satrap of Babylon, 11. Belus, temple of, its immense golden trea- sures, 422. Beneventum, account of, 336. Berchtold the Fifth, duke of Zeringen, 105. Berne, state of, in the fourteenth century, 130 — Us contest with the emperor of Germany and house of Austria, J31 — Its alliance with the Swiss confedera- tion, 13J — Manner in which it relieved itself from di bts, 467 — I'* sumptuous reception of Sigismond, ibid, — Etymo- logy of the word, 515. Billing, race of, 160. Blacksmith, Persian, heads an insurrec- tion, and frees his country from the yoke of the Arabs, 19. Blackstone's Commentaries, remarks on, 576. Blcterie, abbé de, his memoirs on the suc- cession of the Roman Emperors, and Prenomen of Augustus, 74. Bochart, mistake by, on the subject of Conrad the Second, 513 — Further mis- take, on the nations who had made the Romans pass under the yoke, iùid. Bononia, 344. Bougainville, his researches into Assyrian history, 2. Boumgarten, Swiss peasant, beheads a young nobleman with an axe, for at- tempting to seduce his wife, ill. Brazil, its gold and diamond mines, 540. Bribe, Persian, immense value of one, 26. Brixia, 348. Brun, Rodolphus, his heroic conduct in the revolution of Zurich, 13(5 — Made burgomaster of that town, 137 — His self-possession on discovering the con- spiracy of the exiles, 141 — His contrary conduct when surprised by the Aus- trians, 145. Brundisium, 326. Brunswick, genealogical tree of the house of, 170 — Supposed descent of, from one of the companions of Romulus, 171 — Further supposed descent of, from the race of the Trojan kings, 175 — Five Saxon kings belonging to the old house of, ISl — Connections between the old and new house of, ibid. — Prospect of obtaining the throne of Germany, how^ lost to the house of, 197 — Lineal de- scent of the dukes of, 2l6 — Account of the descent of, from Henry the Black to the British monarch, 218. Bruttium, 315. Brutus, digression on the character cf, 221 — Veneration of his memory by pos- terity considered, ibid. — His assassina- tion of Caesar productive of no benefit to the commonwealth, 222 — Accused of avarice, 22-1— Of revealing the de- INDEX TO THE TtllKD VOLUME. 683 signs of Pompcy, 227 — Of obsequious- ness to Caesar, 228 — Of engaging Iiis fidelity to Csssar by a voluntary oath, 230 — Farther statement of his character and conduct, 549. Buffon, his account of complete vessels found in the heart of mountains, not supported by good authority, 507 — Mistakes the geography of Angora, fa- mous for the silky hair of animals, 568 — Contradicts himself respecting the brain, 56g — His history of the elephant might have been better written, if he had been a better classical scholar, 570 — His surprise at the rein-deer of Scan- dinavia being found bj' Cœsar in Ger- many, the result of his ignorance as an antiquarian, 572 — Letter by, 61 7. Burgundy, Charles, duke of, particulars of his marriage with the sister of Ed- ward the Fourth, 95. Busbequius's Travels, account of, 544. Buxentum, 314. Gadaniosta, Venetian, his voyages, 498. Caere, or Agylla, account of, 261. Caesar, Julius, remarks on his assassina- tion, 221 — On his character and writ- ings, 359 — On his sacerdotal dignities, 403 — His detention in Egypt ascribed to the Etesian winds, 555. Calabria, 324. Cambridge, schools at, in the twelfth cen- tury, 535. Campania, account of, 204 — Its vines, 2y9- Camus, his translation of Aristotle's His- tory of Animals, 583. Canaries, the Fortunate Islands of Plu- tarch, 483 — Conquest of, by William de Bethancourt, 484. Canusium, 323. Capet, Hugo, state of the feudal govern- ment under, 93. Capreœ, licentious seat of Tiberius, 311, Capua, 296. Casinuni, 293. Caslrum Minervfe, 32(5. Castrum Novum, ancient town of Italy, doubts respecting, 26I. CiECubum and Setia, famous for their wines, 299- Celtic colonies, account of, 239. Centenary of gold, true meaning of, 557. Centumcellae, 260. Charles the Bald, state of the feudal go- vernment under, 9I. Charles the Fourth besieges Zurich, 151 — Result of this proceeding, ibid. Charles the Simple, 92. Charlemagne, character of, 90. Chelsu.iTi, Dr., correspondence of, with Mr. Gibbon, 619, 620. Chéseaux, Mr. dte, remarks by, on tiit- dominion of the beasts in Daniel, 477 — On Daniel's vision, 478. China, policy of, in not working its silver mines, 420. Chronology, new, of Sir Isaac Newton, compared, as to the Greek and Egyp- tian history, with the common chrono- logy, 61 — Critical remarks on this new chronology, 63. Cicero, his country houses, 288, 292 — Mistaken in making Ecbatana the royal seat of Mithridates, 555. Cid, of Corneille, account of, 514. Circeii, 292. Civil wars in France and England, differ- ence of, 545. Clitumnus, river, described, 2Ç7. Clusium, 265. Comala of Ossian, 5S7. Conrad, St., character of, I95. Consentia, 3 1 8. Constantinople, wealth of, in the twelfth century, 46l. Consularis Aquarum, when this office ceas- ed to exist in Rome, 554. Cooke, Dr., letters by, 675, 676. Copper, originally the only money of the Komans, 429 — I's abundance with the Romans compared with silver and gold, ibid. — Instances of the reduction, in weight and value, of this money, 43 1 . Corfinium, 333. Cornelius Nepos, remarks on the character and writings of, 564. Cortes of Spain, when and of what person."? composed, 469. Cortona, 265. Cosa, ancient town, 26O. Couci, Enguerrand de, his wars with the dukes of Austria for the recovery of his maternal estates, 527» Covigliam, his voyages, 500. Creniona, 348, 350. Cromwell, his claim to the title of great, examined, 512. Croton, ancient town of Italy, account of, 317. Ctesias, his character as a writer, 3— In- stance of his inaccuracy, lo. 4 S '2 684 INDEX TO THE THIRD VOLUME. CumoE, 307- Curators, question of their functions and power, 318. Cyaxares, account of, 39. Cyrus, Xcnophon's account of, 43 — Real character of, 49 — Examined in his con- duct towards his enemies, 50 — Towards Cyaxares and the Medes, 52 — Towards his subjects, 56 — Nature of his death, 57 — Further particulars of his charac- ter, '58 — Immense treasures which he brought from Asia, 423. D. Dacier, Mr., mistaken in supposing the Mctellus of Lucilius was the Metellus Numidicus, 553. Damaidenus, Theodore, account of his MS. entitled, Augusta Decora Romano. Brunswicensia, 171. D'Anville, engages to construct four maps for Mr, Gibbon's History, but fails in his engagement, 6l7' Darius, name of Merchant given him by the Persians, 45-1 — Table of the pro- vinces of his empire, and tribute paid by them, ibid. Death, number of deaths of religious per- sons in France, annually, 539. DeiFaud, Madame de, letter by, 61". Dejoces, king of the Medes, account of,34. Demetrius Soter, 535. Denier, copper coin, weight of, 409 — Sil- ver denier, 447. Dertona, 253. Diodorus Siculus, abbé Terrason's trans- lation of, 583. Dictionary of human Economy, desirable, 442. Dionysius of Athens, and Dionysius of Paris, confusion respecting, 529. Domitian, road made by him, 300 — The supposition of his having enacted laws against the christians, a mistake, 56 1. Drachm, or Drachma, Attic, value of, 411, 417, 4-J4, 446, 447— Decimal tables of, 449- Dress, particoloured, of the Greeks and Romans, account of, 524. E. Egypt, principal epochs of its history, 61. Eisenschidt, Mr., character of his book on • ancient weights and measures, 406. Electoral college, first rudiments of, 194. Eporedia, Roman colony, geographical and chronological mistake respecting, 251. Eratosthenes, first who measured the earth, geographical errors of, 488 — Why btyled Beta, ibid. note. Ethico, resentful conduct of, towards his son, for abdicating the Guelphic name, 1 87. Etruria, its extent, 254, 257 — ^ts inhabit- ants, ibid. 254'. Etruscan Colonies, account of, 240. Evander, account of, 70. Eudoxus, ancient circumnavigator, ac- count of, 4s6. Ezo, obtained the daughter of the empe- ror Otho by a game at dice, 182. F. Falerii, account of its inhabitants, 263, Falernus, 296. F^ealty and homage, nature of, in the feu- dal system, 84. Ferdoussi, Persian poet, account of, 13. Ferentinum, curious inscription in which this word occurs, 269 — Town of, griev- ously oppressed, 290. Feronia, temple and grove of, 264. Feudal government. See Government. Florence, ancient state of, 263. Fontenelle, mistaken in supposing Por- phyry to have produced oracles favour- able to the Christians, 563. Mistaken in supposing the Romans to have pro- hibited the Carthaginians from offering human sacrifices, ibid. Mistaken in calling Homer and Hesiod the first Gre- cian philosophers, 564. Formiae, 293,_ Fortunate Islands. See Atlantic. Fox, Mr., his debts, 593. Witticism by, ib. Forum Gallorum, battle of, between Marc Antony and Pansa, 342. France, state of, under the feudal govern- ment, 83 — Statistic account of, in the fifteenth century, 463 — Abridged table of the money of, from Charlemagne to Lewis the Fourteenth, 46-5. Frederic, duke of Austria, contends for the imperial crown, 118 — Renounces his claim, 126. Freedom of thought, hints respecting, 548. Fregellae, 292. French, have had the smallest share in l\jc INDEX TO THE THIRD VOLUME. 685 fnmc and benefits of great naval disco- veries, 503 — Their Senegal and Guinea company, a fiction, ibid. French noblesse, origin of, 85. Frentani, 334. Freret, his character as a writer, ] — His essay on the ancient measures, 407 — His Dissertation on the passage in Pliny re- specting the circuit of Rome, 557. Fresnoy, mistaken in supposing Maximi- lian the First to have possessed Gronin- gen, Overyssel, and Frize, 523. Gama, Vasco do, his voyages, 4g6. Garganus Mons, 323. Garrick, David, letters by, to Mr. Gibbon, 601. Generation, number of years that consti- tute one, 217. Genlis, countess de, letters by, 621, 628. Genua, 153. George of Cappadocia, particulars of, 529. Germans, ancient, manners of, 64. Germany, statistic account of, particu- larly its money, 466. Gianoni's History of Naples, errors in, 517. Giants, authorities for and against the existence of, aid. Claris, account of, I4ff — Allies itself to the Swiss confederation, 147 Gnatix, or Egnatia, wood placed upon a certain stone there is said to kindle of itself, 324. Gold and silver. Effect of gold and silver as the medium of commerce, 413 — Va- lue of gold and silver to a state, 420 — Gold and silver mines of the old and new world compared, 421 — Ancient gold of coins superior to modern, ancient silver inferior, 425 — Difficulty of ascertaining the value of gold and silver mone)', 426 — Impressions made on money by different nations, to determine its value, 433 — Price of silver in England and France, 443 — Proportionate price of silver to gold in England and France, ihid. — First silver money of the Romans, 451. Gospel, tradition of the Spaniards respect- ing, refuted, 530. Government,feiidal, particularly in France, essay on, 83 — Fealty and homage re- quired by it, 84 — Its military service, 86— Its hierarchy, 89 — Slavery of the people under it, 93 — Its termination, 05 — Maxim of La Bruyère respecting governments, 548. Graviscœ, ancient town of Italy, 261. Greaves, character of his work on the foot and denier of the Romans, 406. Grecia Magna, 319. Greece, elucidations of its history, 20 — Principal epochs of its history, 61. Greeks, simplicity of their method of reckoning, 435 — Their weightsand mea- sures derived from the Phenicians, 445. Guelph, family of, difficulties as to its ori- gin, 178— Continuation of the Guelphic line after six generations, 179 — GueJph the First, 184 ■^Guelphic possessions, 187— Guelph »he Third, 190— The Fourth, ibitL—lhe Fifth, ibid. —The Sixth, 191— The Seventh, 192— The Eighth, 1U5, 202 — The Ninth and last, 206 — Rights of, the Guelphs surrender- ed to a Ghibelline heir, 207. Guelphs and Ghibellines, some account of the, 178-^Nanies of, how first occasion- ed, 202. Guthrie, in his Cicero's Letters, errone- ously translates Getae by Goths, 55S. H. Habits. See Dress. Habsburg, Rodolph, count of, character of his reign, 99 — Killed in the battle of Grynau, 140. Habsburg, son of the preceding, heads a conspiracy against Zurich, 141 — Taken prisoner, 142 — Set at liberty, 149. Haller, speech by, doubting the authen- ticity of the story of Tell, 154, note. Unintelligible note by the translator of his poems respecting the family of Muhleren and Bubenberg, 573. Hanno, account of his voyage, 491 — Jour- nal of it in Greek still extant, 492 — Pliny's opinion of his voyage, 4Ç)3. Harwood's Classics, notes written on a blank leaf of, 578. Henry, an apostate monk, 535. Henry the Black, by his influence fixed the right of inheritance in the German aristocracy, 194 — His superstitious end, 195. Henry the Fourth of France, character of, 49— Five thousand gentlemen in his army, 546. Henry the Fowler, account of, ISO. Henry of the Golden Chariot, renounces the Guelphic name, I87. 666 INDEX TO TfiE THIRD VOLUME. Henry tlie Lion, liis pedigree as allied to the house of Brunswick, 1/9 — Illus- trious exploits of, 201 — His pilgrimage to the Holy Land, 213 — His marriagej, 215. Henry the Proud, account of, 136. Henr)', prince of Portugal, voyages patro- nized b}' him, 497 — Improvement in the art of navigation effected by him, 501. Henry the Seventh, of Germany, said to have been poisoned, 1J8. Henry, son of Rodolph the Second, ac- count of, 190. Heraclea, 313. Hercules, his matrimonial prowess, 541 — Mahomet compared with him in this re- spect, 542. Herculis Liburni Portus, ancient name of Leghorn, 257. Herculaneum, 296. Herodotus, his account of the circumna- vigation of the Phenicians, 48f) — Trans- lation of his history by Larcher, 582. Hesiod, age in which he lived, 580. Heyne, professor, letter by, 644. Hints, miscellaneous, 545. Hints, of some subjects for history, 551. Hernici, 2g0. Herpini, 321. Historian, is apt to infuse the character of his own mind into his work, 45 — Will choose such facts as agree best with his principles and views, 46— Are historians friends to virtue ? 545. History of England, four persons holding the highest offices of magistracy con- tributors to it, 164. Holland, lord, statement of his property, 593. Holommanus, mistake by, respecting the murder of Q. Lollius, corrected, 526. Holroyd, Mr., letters to, 593, 617— See farther, Sheffield. Holroyd, Mrs., letters to, 623. Homer, chronology of his birth, 70 — Various editions of, and works relating to him, 573. Hooper, bishop, his inquiry into the state of the ancient measures, 444. Horse and Camel, supposed antipathy between, considered, 571. Horatii Villa, 329, 336. Hume, mistaken in his estimate of the number of inhabitants in all Gaul, 554. Hurd, mistaken in supposing himself the first discoverer of the allegory in the third Géorgie, 553. I. Iberian colonies, account of, 238. Illyrian colonies, 238. Ilva, or jEthalia, island of Italj', 262. Impcrator, meaning of the title, yy. Index Expurgatorius, 553 — List of persons mentioned in it, 575, Indians, ancient, 382. Indies, and the East, statistic account of, particularly its money, 472. Interamna, 341. Irish language, inquiry respecting, 526. Italy, ancient names of, 237 — People of, ibid. — Regions, atmosphere, and soil of, 241 — Its itineraries and tables, 350 — Its military roads, 351 — Statistic account of, particularly its weights and measures, 471. James, apostle of Spain, particulars re- specting, 531. Jerusalem, city and temple of, 533. Judith, empress, account of, 185. Junonis Laciniae Templum, 318. Juturna, rivtr, 268. Lacus Fucinus, 331. Lacus Sabatinus, 263. Lagaria, 313. Larius, lake, 249. Latins, chronology of their history, 71, Latium, towns of, 284. Lavinium, 286. Lauppan, battle of, 132. Laurens, beautiful villa of Pliny, 305. Laus Pompeii, town of, 251. Leopold, brother of Frederic of Austria, his character, 118 — Defeated by the Swiss, 3 22, Lewis the Débonnaire, state of the feudal system under, 92. Lewis, duke of Bavaria, contends for the empire, 118 — Favourable conduct of, to the Swiss, 124 — Chosen emperor against the anathema of the pope, 126. Life, that of the ancients longer than that of the moderns, 67 — Life of princes shorter than that of literary men, 68. Ligures, ancien». people of Italy, account of, 252. Liturnum, house of Seneca at, described, 295. Livy, remarks on his character and writ- ings, 068. INDEX TO THE THIRD VOlJJiME. 687 I-ocn Epizephyrii, account of, 317. Lothaire tlic second, 182. Loughborough, lord, letter by, 626. Love, political events, and the destiny of great men in the east, seldom influenced by, 33. Low Countries, statistic account of, par- ticularly its monies, 463. Lucania, connection of the inhabitants of, and the Bruttians, 312 — Towns of, ibid. Lucerne, joins the confederation of the Swiss, 128 — Conspiracy of its discon- tented inhabitants, 129. Lucrinus Lacus, 310. Lucullus and Scœvola, villas of, 300 — Marble bearing the name of Lucullus, 307. Ludolph, character of himself and his ancestors, 181. Lucus Peronias, 256. Luna, town of, famous for its wines, 254. Luna, bay of, famous for its marble, 257. M. Macpherson, sir John, letter by, 655. Madyes, account of, 42. Mage, Persian, supposed circumnavigation by, 493. Mallet, Mr. his description of Egypt ex- amined, 558. Mannes, Roger de, happy manœuvre of, in the war between Zurich and Austria, 145, Mantua, 348. Marius, his villa, 300. Marmontel, mistakes a passage in Lucan respecting the Gallic Druids, 572. Marrusini, singular effect of an earth- quake in the country of, 333. Mars, inquiry respecting the time in which he lived, 6i). Marsi, 32.Q. Martel, Charles, account of, 88, 8y. Matilda, countess of Tuscany, account of, 193. Matilda, daughter of Henry the Second, her marriage, 2l6 — All the princes of Brunswick lineally descended from one of her sons, ibid. Measures, ancient, taken from parts of the human body, 440 — Particulars respect- ing, 445. Medes, dissertation on the monarchy of, 1 —First kings of, but little known, 12— Reign of Arteus, sixth king, 23 — State of, under Astibaras, 32 — Under As- padas, 33 — Herodotus's account of, 34 — Difficulties respecting, elucidated, 35 — Chronology of, 37- Melli, city and kingdom, mysterious traders of, 498. Memnon, fable of, 21. Merchants, mysterious description of, 498. Meridional Line, on the position of, 462, 505. Metapontum, 313. Mexico, population, mines, revenues, and religion of, 530. Military service, nature of, under the feudal system, 86. Mincius, river, 2ig. Minerva, question respecting the time in which she lived, 69. Minervœ castrum, 320. Misenum, 309. Monaeci Portus, 253. Money, usurious interest charged on, by the Romans, 439 — Rate of interest of, and the price of land compared, 440 — New system of, established by Constan- tine,459 — See farther, CopperandGold. More, his history of the reign of Edward the Fifth censured by Horace Walpole, 157 — Vindicated by Mr. Gibbon, 158. Morgarten, battle of, 122. Mosheim, erroneously supposes the present Koran different from the laws given by the prophet in his lifetime, 560 — Mis- taken in representing the Norman pirates as devoid of all religion, ibid, IMutina, singular prodigy at, of two burn- ing mountains contending with each other, 343. N. Nabonassar, account of, 29. Nanybrus, story of, as connected with that of Parsondas, 23. Naples, ancient, account of, 303 — Question when it became a Roman colony, 522. Narnia, 341. Nebuchadonosor, conquers Babylon, 30, 42. Nechus, king of Egypt, his character and exploits, 4$. Necker, Madame, letters by, to Mr.Gibbon, 606, eos, 624, 645, 6i6, et seq. Mr. Gibbon to, 613. Necker, Mr., letters by, 645, 668. Neptune, inquiry as to tlie time in which he lived, 69. Newton, sir Isaac, mistaken respecting the dynasty of the Piscadians, 14 — Mistaken in a point of ancient history, 38 — His 68B INDEX TO THE THIRD VOLUME chronology of tlie Greeks and Egyptians compared with the common chronology, 61 — Critical remarks on his new system of chronology, 03. Nice, Italian city of that name mistaken by the abbé Mongault and Dr. Middle- ton for the Bythinian city, 554. NichoUs, rev. Norton, letter by, 677. Nineveh, mistakes as to its situation recti- fied, g — Its rising greatness, 30. Ninus, doubts as to the period in which he lived, 5. North, lord, letter by, 637- Noue, de la, situation and conduct of, at the siege of Rochelle, 5J3. O. Oguz Khan, account of, 41. Ossian's poems, remarks on, 587. Ostia, 305. Otho the Great, 180. Ounce, Roman, weight of, 409. Oxford, early state of, 534. Padus, river, account of, 247. Paestum,313. Pagi, father, mistake of, respecting the Arab kalifs, 571. Pandataria, island, 294. Pandosia, 318. Panthea, story of, 58. Parsondas, his character and history, 23— Overturns the throne of Arteus, 28. Patavium, 34>). Patriots, list of, who have deserved well of mankind, 221. Pelasgian colonies, account of, 239. Peligni, 333. Perkin Warbeck, reasons for believing him to be the duke of York, l6l — Reasons for believing him to be an impostor, 163. Persepolis, critical inquiries respecting, 15. Persia, elucidations of its history, 12 — Virtuous custom of its kings, I9. Persian cycle, 18 — Revenue, 456. Persians, fondness of, for new customs and new pleasures, 543. Peter the Third, Rulhiere's account of his death by poison, 538. Pétilla, 318. Petra Pertusa, 340. Phalaris's Epistles, new reasons for pro- nouncing them spurious, 564, 565. Phraortes, account of, 38. Picentini, 298. Picenum, 337- Pinkerton, Mr., letter by, 670— Letter to, 671. Pisa;, town of, 256. Piscadians, dynasty of, 14. Pithecusa; Insulae, said to have been formed out of the sea by an earthquake, 299. Placentia, 344 — Inscription on a convent at, 345. Planisphere, or map of the world, delineated by a monk, 499. Plautus, critical remarks on a passage of, 377. Pliny, the younger, mistakes in the French translation respecting him, 512. Polybius, editions and translations of, 583. Pondo, pound weight, of the Romans, 410, 415,437, 447. Pontia, island, 294. Populonium, ancient town, 258. Porsenna, his stupendous mausoleum de- scribed, 265. Portugal, reduced state of its population, 54a Portuguese, African trade of, 496. Pound, ancient. See Pondo. Praeneste, 288 — Its Mosaic pavements, 301. Praetutianus, Ager, 339. Privernum, by the bold answer of a citizen, obtained the privileges of Rome, 304. Prochyta, ancient island, subject to earth- quakes, 311. Prodigies, remarks on several, relating to Augustus, 39s, 399, 401. Prussia, Frederic kingof, appears through- out his writings the enemy of the En- glish, 573 — Instance of this in his de- scription of the battle of Blenheim, ibid. Ptolemy, character of, as a geographer, 488. Puteoli, 300, 309. R. Rapin, falsely supposes that FrederJc the Second bequeathed Sicily to his son Henry, 523. Ratel, Persian weight, 443. Raudius Campus, 251. Ravenna, wliy the chosen residence of the emperors, 343. Reate, famous for its asses and the quick growth of its herbage, 329. Religious wars, etfects of, 547. Rennell, major, letter by, 6àg. Rhegium, account of, 3 J 6. INDEX TO THE THIRD VOLUME, 089 Rlicni Insula, described, 342. Richard tlie First, fit subject for an histo- rian, 551. Ricliard tlie Third, Mr. Walpole's justifi- cation of, 157. liodolph. See Habsburgli. Rodolph of Reding, exploit of, against the Austrian?, 122. Rollo, 92. Roman Empire, proof of its being neither patrimonial nor hereditary, 74 — Slowest in its rise and longest in its duration, why, 90. Romans, chronology of their history, 71 — Their money, weights, and measures, 409 — Their method of computation, 436, 451 — Usury practised by, 43() — Their first silver money, 451 — Their hollow measures not derived from the Athe- nians, 453. Romans in Great Britain, projected work on the military history of, 5g5. Rome, ancient city of, its boundaries, walls, and gates, 272 — Its wonders, 274 — Its four ages, 280 — Its goddess, 283. Rose, Samuel, letter by, 679- Rotzberg, fortress of, manoeuvre by which it was surprised and taken, 115. Rubicon, prohibitory statue erected on the banks of, 340 — Supposed by Montes- quieu authentic, 556. Ruling passion, 547- Russia, account of, 536. Russians, causes to which their abject State of slavery is to be ascribed, Sél. Rutuli, 289. S. Sabini, account of, 327, Saiapia, 322. Salassi, ancient people of Italy, account of, 249. Sallust, remarks on his character and writ- ings, 353 — Thj'on's translation of, 358 — Blamed both as a chronologist and geo- gi'apher, 556. Samnites, account of, 334. Samnium, 327. Sardanapalus, inherits the effeminacy of his predecessors, 6 — his courageous de- fence of his empire, 7 — Burns himself in his palace with his eunuchs, con- cubines, and treasure, 8 — Supposed fate of his children, 10, note. Sarnen, fortress of, manœuvre by which it was surprized and taken, 1 15. Sataspes, story of, 493. VOL. III. Saturnalia, observations respecting the fes- tivals of that name, 516. Saussure, Mr. de, letter by, 642. ■Scholiast, mistakes pointed out, of one who wrote commentaries on Cicero, 522. Scott, Mr. George, letter to, inviting him to contribute to a periodical publication, 585. Scyllaceum, situated in the narrowest part of Italy, 317. Scythians, their courage, 40, Selden, his work de DiisSyriis commended, 518, Septchénes, Mr, Leclerc de, letter by, to Mr. Gibbon, 6l5. Sestertium, nature and value of, 436— Decimal tables of, 452. Severy, Madame de, letters to, 630, 631, 634, 635, 638. Sexes, respective value of, 1/6. Shaftsbury, mistaken as to the state of the arts in Rome, after despotism was esta- blished, 565. Sheffield, lord, letter to, on Mr. Gibbon's Treatise on the Meridional Line, &c, 505 — Letters to, on the publication of Mr, Gibbon's miscellaneous works, 675, et seq. Shekel of the Hebrews, value of, 414. Shoes, nailing them to the feet of horses not known to the ancients, 544. Silarus, river, had the property of changing wood into stone, 314. Sinner, I'Avoyer de, letter to, 6 10 — Letter of, in reply, 641. Sinuessa, 294 — Its exhalations fatal to animals, and sometimes to men, 299, Sipus, territory of, the worst of ancient Italy, 322, Smart, Christopher, mistaken in supposing the first lines of Horace's Art of Poetry levelled at Ovid, 567. Social contract, ties of, never dissolved by revolutions, 35 — Happy instance of this contract in the Swiss confederation, 123, Soracte, ancient mountain, 264. Spain, account of a tour through, 665 — Statistic account of, particularly its weights and money, 467— Its population and manufactures, 540. Spina, admirable correction of Pliny by Ciuvier. respecting, 346. Spoletium, 341. Strahan, William, esq-, letter to, 595. Suard, Mr., letter by, to Mr. Gibbon, (|13. Superstition, sources of, inexhaustible, 7. Susa, state of, before it became the capilid of an empire, 22, 4 T ago INDEX TO THE THIRD VOLUME. Swiss and Switzcrlnml. General liistory ot'tlie Swiss lUpublic, Ç)8 — Ocojiiapliicnl ilesciiption of Switzerlaml, ibid. — Ac- coiint ol' Swilzorlaiul while a province of ("lernumv, l);) — Arbitrary conduct of Albert tiie First towards the Swiss, 10/ — Despotism of the governors which he placed over tlieni, lOp — Particulars of a conspiracy, tlie result ot that despo- tism, 111 — Number of Swiss nobility sacriliced to avenge the death of Albert, who was assassinated by his nephew, 117 — Conduct of the Swiss to his suc- cessor, 118 — riieir coura{;eous opposi- tion to, and defeat of, Leopold, 121 — ConfediM-ation of the Swiss states, 12 J — Discpiieled in their liberty by the house of Austria, I'iC — Their confederation augniCMied by the alliance of Lucerne, 128 — l?v that of Berne, 133 — By that of Zurich, 143 — By that of Glaris, 1+7 — By that of Zug, 147 — F.nter into a treaty with Rodolphus and Leopold, sons of Albert, 152 — Farther particulars of the alliance of Berne to the confede- ration, i5.> — Statistic account of Switzer- land, particularly its money, 4(50. Sybaris, critical remarks on the number of its inhabitants, 80 — Account of ancient Sybaris, 313. Talent, Roman, weight and value of, 410 — Attic talent, 411 — lyrian, 412 — Ba- bylonian, 413 — .Tewish, 414 — Alexan- drian, 415 — One in use in the heroic ages, 435- Tamerhuie, his policy in conquests com- mended, 55. Tarentum, account of, 324, Tarquinii, nursery there for all sorts of plants and animals, 263. Tatwyl, battle of, 145. Taurasium, 321. Taurisci, ancient people of Italy, C50. Tell, N\ dliam, Swiss revolution unjustly ascribed to him, 114 — .Vuthenticity of the story of, examined, 154. Temple, su- >\ illiaiu, mistaken as to the law of succession in the empire of the IMamluks, any — Mistakes Amanzor, an imaginary hero, for one of the Western caliphs, 55S. Tenipsa, singiUar Pagan custom observed at, 315. Tetradrachma, value of, 4X\. Theatre, Greek, by Bruraoy, 581. Thrasynuiius Lacus, 2o5. Thurlow, lord, letter to, 62G — Letter by, 027. Tiber, river, described, 265. Tibur, town of, 288 — Nature of its stone, 301 — Singular house of Adrian there, 302. Timavus, account of its streams and foun» tains, 347. Toggenbourg, his generous conduct to the Swiss, 120 — Taken prisoner, and cut afterwards into a thousand pieces, 140. Transpadana, province of, 250. Tree, genealogical, from Adalbert to George the Third, 169. Tusci, villa of Pliny, described, 2Ô5. Tusculuni, 283 — Proceedings of the in- habitants of, to Camillus, 302. Tyrtteus, fragments of, 581. Vadinionium, lake, 264. Vassal, duties of, under the feudal system, 88. Velia, ancient Greek town, account of, 314. Velleius PatercuUis, mistake in Vossius's Life of, respecting a defeat of the Ro- mans, oil). Veneti, their origin, 345, Venetia, ,'540. Venusia, 3-3. Verona, 34;), ?>50. \'ertot, historical errors committed by him pointed out, SVÎO. Vestini, 3 i3. Vesuvius Mons, 296. Vctulonii, 259. Vibo Valentia, 316. Vincent, Dr., letter by, to lord Sheffield, on the circumnavigation of Africa by the ancients, 503 — Letters by, to Mr. Gib- bon, 661), 670. Virgil, chronology of his .Eneid, 71 — Re- marks on several passages of his Georgics, 382, 385. Volaterra, 258. Volsei, 2t)l. \'oltaire, his defence of the marriage of Mademoiselle, from the examples of Roman emperors, refuted, 55;»— His Dialogue between Marcus Aurelius, and a Recolet friar, 562 — Erroneous in re- jecting the famous inscription respecting the iLuc of Christiiuiity in China, ibid. INDEX TO THE THIRD VOLUME. 6gi — Commends Racine and Corneille for not sliouing contempt for the Jewish nation, 559— Falsely ascribes immoral views to the author of the Provincial Letters, ibid. U. Unibria, province of, 33Q. Umbria cis Apenninum, 340. Umbria trans Apenninum, 3-10. W. Walpole, Horace, his Historical Doubts respecting Richard the Third examined, 15S — Hume's reply to his doubts, 162 — Inaccurate in his account of the tour- nament between earl Rivers and the great Bastard of Burgundy, 569, — Letters by, to Mr. Gibbon, 602, 604. War, has its rights as well as peace, 50. Warton, Dr., errors of, pointed out, as to the time in which Pericles and Apelles lived, 565 — Letter by, to Mr. Gibbon, 601. Way, Gregory Lewis, letter by, 678. Werner, young Swiss, his heroic conduct in a conspiracy to obtain freedom for his country, II 2. Weingarten, monk of, his chronicle of the lords of Altdorf, 178. Weights, measures, and money of the an- cients, dissertation oi>, 405, 442. Whitaker, letters by, to Mr, Gibbon, ôsy, 595, 596, 597, 598, Wines, ancient, of Italy, 299. Witikind, alliance of the Este Guelphs with, 183. Wolfenscheissen, his attempt on the chas- tity of the wife of a Swiss peasant, 1 10. Worship, Pagan and Catholic, conformity between, 547. X. Xenophon, account of, 43 — HisCyropœdia, considered, 41 — Translation of his Cy- ropaedia by Spelnian, 582. Y. Yezdegerd, era of his reign, 17. Zarina, queen of the Saques, account of, 32. Zug, joins the Swiss confederation, 148. Zurich, its origin, 133 — Revolutions in its government, 136 — Conspiracy of its exiles, 140 — Joins the Swiss confedera- tion, 143 — Wars with Austria, 144. THE EÎJD, T. DAVISON, Lciinbaid-street, \Vhitefriai>, London. yRY(?/r, ^,>^MIRRARY-9/'^ _<^^W^UNIVERî/^, ^vlOSANCttfj-;^_ •j.jo-^ ■%ojnvjjo'^ ^JïiaDNVSoi^^ ^/^ajMNHîftV^' iFn%, ^.OF'fAllfn/;;^^ ^\V([UNIVtR%. ^v.VlOS'ANCElfj-^ 3nî^ 'Jjfii'jw^ori" '^/siii\mi\- Y', :ji vAavaaiiiv.' ^6 ^^lllBRARYQc. ^.^ILIBRARYQc .^'rtE■UNIVfRî/^, vylOSANC %ojnvjjo>^ '-^wjnvj'jo-^-"' ^jji^dnvsqv'^ "^ahîm ■ iN^^ ^xjijDNvsov^^ '<'/ja3AiNii]ftv' ■^OAavaaiH^'^ '- ^ 6^: cV-Of' ,^ME•IJNIVERÎ/A .s'sWy '[ nc . 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