, > 'i.Yfc , v :> . > J> > :> ag*;>i>3 s > ;^ -^> j ->->S ^ , ^ -^ '-.-OK*>x = j j> > > > > > > ' > > > LES POISSONS DBS EAUX DOUCES DE LA PRANCE DU MEME AUTEUR : L'ORGAMSATION DU REGNE ANIMAL. Paris, 1852-1864. Livrai- sons I a 38, gr. in-4. Prix de chaque livraison. 6 fr. Se publie par livraisons contenant 2 pi. gravees et une feuille et demie de texte. La l re livraison a paru en de"cembre 1851. Les 38 livraisons en vente comprennent : a Mollusques ace'phales (livr. 1, 9, 15). b. Arachnides (livr. 2, 4,6,7, 10, 12, 13, 16, 18,21,22, 25, 27, 29,32,34,36, 37). c. Reptiles (livr. 3, 5, 8, 11, 14, 17, 19, 26, 31, 33). d. Oiseaux (livr. 20, 23, 24, 28). e. Mammiferes (livr. 30, 35, 38). Doivent paraitre prochainement les livr. 39 I5 e des Oiseaux) et 40 (19 e des Arachnides). CORDIAL, typ. et ster. de CK^TE. LES P I S S N S ANATOMIE PHYSIOLOGIE DESCRIPTION DBS ESPECES MCEURS - - INSTINCTS - INDUSTRIE COMMERCE RESSOURCES ALIMENTAIRES PISCICULTURE LEGISLATION CONCERNANT LA PECHE EMILE flLANCHARI) MEMBRE DE L'lNSTITUT, PROFESSEUR AU MUSEUM D'HISTOIRE NATURELLE, ETC. Deuxieme tirage A\E<: ."2 PLANCHES. IIORS TI:XTI: Et 115 figures dessinees d'apres nature PARIS LIHRAIRIE J.-B. BAILLIKRE ET FII.S 19, rue Hautefeuille, pres du boulevard Saint-Germain 1880 , Tous droits reserves F 8 PREFACE. De nos jours, il n'est guere d'esprits cultive~s qui ne s'a- bandonnent volontiers aux seductions des conqutes de la science, qui ne reconnaissent un inte"ret d'une grandeur singuliere et un charme particulier, dans les Etudes des moeurs souvent si curieuses, des instincts si merveilleux, dont les animaux offrent des exemples varies a 1'infini et toujours saisissants; car c'est le spectacle de la creation anim^e , le plus grand spectacle que 1'homme puisse contempler sur la terre; S'agit-il des animaux de son pays ? combien alors s'ac- croit 1'attrait pour toute connaissance qui les concerne ; combien 1'int^ret devient g6ne>al, si ces animaux out un role dans l'e~conomie sociale ! C'est le cas, assure"- ment, pour les Poissons qui peuplent les eaux inte~rieures de la France. Nul ouvrage general n'existait sur un pareil sujet. Oil trouver a acqu^rir des notions sur les habitudes de ces etres encore trop peu 6tudie"s, oil apprendre a les distin- guer les uns des autres?En partie seulement, dans des livres traitant indiff^remment des Poissons de toutes les 86582 vi PREFACE. iners et des eaux de tous les continents ; ensuite, dans des publications e"trangeres. L'Angleterre possede des ouvrages sur la faune de ses terres et de ses eaux, et les habitants de la Grande-Bre- tagne saluent toujours avec joie, I'^tude apportant une connaissance qui se rattache a la patrie. L'Allemagne a aussi des livres pour apprendre par quels animaux est peuple"e chacune de ses regions. Et la France, la patrie de Reaumur et de Buffbn, de Vicq d'Azyr et de Cuvier; la France, privile'gie'e parmi les autres contre"es de 1'Europe, par la varied de son climat, ayant ainsi une faune remar- quable par sa diversity ; la France n'a pas encore fourni a ses habitants les moyens d'instruction qui existent pour 1'Angleterre et pour 1'Allemagne. Cette situation regrettable a fait naitre ici, le de"sir de remplir un espace dans le cercle encore vide. Presenter avec une entiere exactitude 1'histoire de tous les Poissons des eaux douces de la France, de ces animaux interessants sous les rapports les plus divers, devint une pense'e pour atteindre un but offrant un caractere d'utilite" generate. C'est le but dece livre. Pour accomplir la tache, il a paru indispensable de se reporter aux Merits de la foule des auteurs auxquels on doitde"jabien des connaissances acquises, mais il a^t6 jug6 particulierement essentiel d'eludier a nouveau la plupart des faits et de chercher le plus possible a e"clairer les de"- PREFACE. vir tails restes obscurs ; il a ete surtout arrete de ne rien dire sans 1'observation constante de la nature elle-me"me. Quatre annees ont ete employees a cette observation. Pre"ciser les caracteres des especes ; enoncer tout ce que Ton a pu recueillir touchant les moeurs, les instincts, les conditions d'existence de chacune d'elles, devaient etre 1'objet de la premiere preoccupation. Cette preoccupation cependant ne pouvait etre la seule. A cote de Vhistoire particuliere des especes, il fallait montrer comment s'est constitgee, atravers les siecles, la partiedela science qui est V Ichthyologie ou la connaissance des Poissons ; il fallait exposer les particularity's d'organi- sation essentielles d'animaux des plus remarquables par leur conformation : c'etait V Histoire generate. Depuis 1'origine du monde, tres-certainement, les hommes estiment les Poissons, parce que les Poissons sont bons a manger. Un semblable point de vue me"ritait d'etre pris en serieuse consideration, dans une histoire des Pois- sons des rivieres, des etangs et des lacs de la France. La valeur comestible, 1'importance industrielle et commer- ciale des especes, les moyens de propagation, ce que Ton appelle aujourd'huila/Yseecw/tare ou V Aquiculture , e"taient autant de sujets dignes de la plus grande attention. Us composent dans ce livre V Histoire economique des Poissons. Depuis des siecles, les pouvoirs publics ont eu la juste preoccupation de conserver au pays les ressources alimen- viii PREFACE. taires que fournissent les eaux ; 11 y a profit a suivre, aux diverses epoques, les prescriptions le"gales, e"dicte"es en vue d'empecher la destruction des Poissons ou d'en organiser la vente. L'Histoire de la legislation relative a la peche et a la vente de ses produits, a paru le complement ne~cessaire d'un ouvrage oil Ton traite spcialement des Poissons des eaux douces de la France. Un ouvrage sur nos animaux indigenes s'adressant d'une maniere indiffe>ente a toutes les classes de la societe" , 1'auteur a pris soin dans ses re"cits et dans ses descriptions de n'employer aucune forme, aucune expression peu intel- 1 igibles pour les personnes elrangeres a la science. Toutes les especes sont de"signe"es par leurs noms frangais ; les appellations vulgaires dans chaque contre~e, sont men- tionne~es pour faciliter les recherches du grand nombre. Les denominations scientifiques se cachent sous les noms f ranQais ; les citations des livres ou les especes out e"t6 pr6cedemment d^crites, indications utiles pour quelques- uns, sont plac^esdans des notes, de fagon a ne point gener les lecteurs auxquels elles sont inutiles. Les figures qui accompagnent les descriptions ont 6t6 dessine"es d'apres nature, le plus souvent d'apres des su- jets vivants. II n'y a pas d' exception pour une seule. Rien n'a 6te emprunte" a autrui. Pour rassembler les mate~riaux n^cessaires a son etude, pour recueillir des renseignements locaux, malgr6 de Ion- PREFACE. 1X guesrecherches, malgre" des explorations nombreuses,dans la plupart de nos d^partements, 1'auteur eiit 6te" faible en- core dans ce vaste champ deludes, s'il n'avait regu aucun secours Stranger. Des amities personnelles, des sentiments inspires par I'inttfret scientifique ou par uri inte~ret plus ge"ne"ral, sont venus a son aide. Nommer ici tous ceuxqui ont apport6 a 1'auteur le tribut de leur cooperation, est justice, mais c'est dire aussi, combien ont e"te" conside>a- bles les mat^riaux re^inis, combien ont pu etre multi- plie~es les comparaisons pour cette 6tude des Poissons de la France. M. Lereboullet, le doyen de la Faculte" des sciences de Strasbourg, dont nous de"plorons la perte re"cente, a recueilli les especes qui vivent dans Till, dans le Rhin, dans les (Hangs des environs de Strasbourg. M. Godron, le doyen de la Faculty des sciences de Nancy, 1'auteur d'une Zooloyie de la Lorraine, a bien voulu prendre la peine de re"unir les especes de la Meurthe et des petits cours d'eau des environs de Nancy. Un entomologiste distingu6 de la ville de Metz, M. Ge"hin, a fourni un gros con- tingent; il a procur6 les Poissons de la Moselle et de ses affluents, de la Meuse, des lacs des Vosges, ainsi que des remarques personnelles et des renseignements obtenus aupres despecheurs. M. le docteur Baudelot s'est occup^ des especes que Ton peche dans les eaux des Ardennes; M. Charles Bouchard, a Gisors, decelles qui vivent dans les rivieres du d^partement de FEure. M. Grenier, le profes- x PREFACE. seur d'histoire naturelle de la Faculte des sciences de Be- sangon, a form 6 en vue de ce livre une collection tres- completedes Poissons du Doubs, de la Loue, de 1'Ognon. A Dijon, le doyen de la Facult6 des sciences, M. Brull6, et M. Lespes,alors professeur a lameme Facult6, ont bien voulu rechercher les especes des eaux d'une portion de la Bourgogne. M. le professeur H. Lecoq, de Clermont-Ferranad, mis a la disposition del'auteur, une collection des Poissons re- cueillis dans les rivieres et les lacs de 1'Auvergne. Pour le midi de la France, M. Fabre, professeur au Lyc6e d 1 Avignon, a prete" un concours qui a 6te" pr^cieux, les Poissons des eaux de nos dpartements me>idionaux ayant 6t6 peu observes jusqu' a present par les naturalistes. M. Fabre a 'recueilli les especes qui vivent dans le cours infe>ieur du Rhone, et il a explor6 la Sorgue et la Durance. M. ledocteurDufoss6, a Marseille, s'est occup6 des Poissons qui remontent le Rhone a certaines 6poques de Fannie. D'unautrec6te\M. Lacaze-Duthiers, aujourd'hui profes- seur au Museum d'histoire naturelle, qui s'^tait charg6 pen- dant son sejour a Lille de re"unir les especes que Ton peche dans les eauxdu d^partement du Nord, a ensuite recueilli avec un grand soin les Poissons du Lot, dela Dordogne, etc. , et M. Dreme, avocat g6ne>ala Agen, a complex la collec- tion des especes dela meme contr^e. M. le docteur Tho- mas s'est occupe" en particulier des eaux du Tarn. M. Joly, le professeur de la Faculty des sciences de Toulouse, a PREFACE. xi rduni les Poissons de la haute Garonne et du canal du Midi. M. le capitaine Duvoisin, a Biarritz, a pris la peine d'en- voyer les especes peu nombreuses que Ton prend dans le petit lac Mariscot. M. Aug. Dume>il, le professeur du Mus6um d'histoire naturelle, charge" des collections des reptiles et des pois- sons, a fourni a 1'auteur les moyens de comparer les indi- vidus 6tudi6s par Cuvier et Valenciennes. Ce n'est pas tout encore; M. Ch. Millet, iaspecteur des forets, quidepuis quinze ans s'occupe de la maniere la plus se>ieuse de I'e'tude des Poissons, principalement sous le rapport 6conomique, et qui a rassembl6 une multitude d' observations et de renseignements d'un grand int6ret, a tout mis a la disposition de 1'auteur. Ainsi, ce sont des elements deja fort considerables qui out servi a la composition de ce livre. Cependant on est bien loin encore d'avoir tout vu, tout exploit, tout ob- serv6 pour les Poissons de nos rivieres ; peut-etre cet ou- vrage donnera-t-il a plusieurs le gout de poursuivre des observations, la facility de les faire connaitre, 1'envie de contribuer a rendre plus parfaite 1'histoire des Poissons des eaux douces de la France, le d6sir de s'occuper de la multiplication des especes utiles en suivant les indications fournies par la meHhode scientifique. C'est la seule ambi- tion que 1'auteur puisse concevoir. TABLE DES MATIERES. PREFACE , TABLE DES MATIERES xn HISTOFRE GENERALE DES POISSONS i 1. L'abondance des Poissons dans les eaux douces dc la France id. 2. De quelle manure les Poissons ont ete observes dans 1'an- tiquite et au moyen age <* 3. Des etudes sur les Poissons depuis le commencement de la Renaissance jusqu'a la fin du xvm e siecle 14'* 4. Des 6tudes sur les Poissons depuis le commencement du xix e siecle jusqu'a la mort de Cuvier en 1832 "26 5. Des etudes sur les Poissons depuis la mort de Cuvier jus- qu'au moment actuel 40 6. Des caracteres qui distinguent les Poissons des autres groupes du Regne animal. 52 7. Des teguments o4 8. De la charpente solide des Poissons 37 y. Des muscles et des mouvements ...... 72 10. Du systeme nerveux 74 11. Des organes des sens 82 12. De la respiration et des organes respiratoires 87 Jj 13. De la vessie natatoire 94 14. De la circulation du sang 96 15. Des fonctions digestives et des organes de la digestion. . . 102 16. Des organes de la secretion urinaire 109 17. De la reproduction HO 18. Du developpement 116 19. De la classification des Poissons H9 HISTOIRE PARTICUL1ERE DKS POISSONS 125 Les POISSONS OSSEUX id. L'ORDRE DES ACANTHOPTERYGIENS id. LA FAM1LLK DES PERCIDES (Percidai) 126 LE GENRE PERCHE (PerCO) 129 La Perche de riviere (Perca fluviatili)) 1 30 La Perche des Vosges 1 40 LE GENRE APRON (Ai * ANTIQUITE ET MOYEN AGE. 7 peuvent etre consommees cle suite ; les Poissons seront seches on sales, et formeront des provisions pour les temps improduc- tifs, ils serviront meme a un commerce. Ges pfiches ont 6te pra- tiquees annuellement vers rembouchure des fleuves a toutes les epoques, comme elles le sont encore aujourd'hui dans Fan- cien et le nouveau monde. Les hardis aventuriers de FAme- rique du Nord, qui les premiers s'avancerent dans le far-west, trouverent par dela les montagnes Rocheuses les Indiens des rrves du Columbia et de FOregon, occupes a la peche des Sau- mons de Focean Pacifique, qui viennent an printemps deposer leurs ceufs dans les eaux courantes des rivieres. Gertaines observations ont 6t6 ainsi faites partout des Fori- gine, sur les habitudes de quelques Poissons. Parmi ces ani- maux, tous n'ayant pas la meme valeur comme aliment, ils ont du necessairement 6tre i'objet de remarques sur les particula- rites pouvant conduire a distinguer au moins les especes les plus vulgaires. On se tromperait cependant, si Ton pensait que les Poissons si utiles a Fhomme, lui arrivant comme unc manne pour sub- venir a sa subsistance, ont ete de bonne heure bien observes, si Ton s'imaginait que leurs especes, sans cesse sous les yeux de tous, ont dti etre parfaitement distinguees. II n'en est rien. Les hommes, en general, ne s'inquietent git ere d'acquerir des con- naissances, lorsqu'ils n'aperc,oivcnt pas, dans la possession de ces connaissances, un avantage direct et immediat. Les lumieres de 1'antiquite touchant 1'histoire naturelle des Poissons lie furent done pas tres-etcndues. Les Hebreux nenous ont rien transmis. La peche, du reste, ne pouvait a\oir une importance cohsiderable dans la Jud6e, pays eloigne de la mer, arros6 par un seul*fleuve assez me*- S HISTOIRE GEXERALE DES POISSONS. diocre, et n'ayant que deux petits lacs d'eau douce. Neanmoins les eaux poissonneuses du Jourdain et du lac de Tiberiade per- mettaient encore, a certains jours, de faire de belles captures. Lorsqu'on jette im regard sur 1'Egypte, parsem^e de lacs et traversee par son immense fleuve, il vient a la pensee qu'au sein de 1'antique civilisation de ce.pays, les Poissons out du 6tre beaucoup recherches et assez bien observes. Cependant, sur cette terre, ou s'elevaient les plus vastes monuments du monde, les pr&res s'etaient attaches a inspirer a la nation une sorte d'horreur pour la mer, et 1'usage de se nourrir de Poissons avait etc proscrit. Les peuples ichthyophages, comme il s'en trouvait sur les cdtes de la mer Rouge et de la mer des Indes, ne posse- dant aucune autre industrie que celle de la pfiche, etaient re- putes les plus grossiers parmi les hommes. L'idee de defendre aux Egyptiens de manger du poisson, avait ete congue sans doute dans le but de les forcer a s'adonner davantage a I'agriculture. Mais comment obliger une nation a repousser des biens qu'il est facile de se procurer. L'interdiction n'etait evidemment pas destined a avoir un effet general. Aussivoit-on les Egyptiens so livrer activement a la peche, et en consommer le produit sous toutes les formes. Des peintures en ont retrace des scenes, oil les especes de Poissons se trouvent representees d'une fagon assez exacte pour qu'on puisse les reconnaitre l . Les adorateurs de tous les animaux- ne pouvaient guere manquer de tenir en haute consideration certains Poissons, et Strabon apprend, en efTet, qu'une grande espece de Gyprinides 2 , 1 Description de VEgypte. Antiquites, t. II, pi. LXXXVII. Caillaud, Voyage au Mtroe, Paris, 1823, t. II, pi. LXXV. * On donne le nom de Cyprinides a une famille de Poissons dont la Carpe peut 6tre conside'rSe commo le type. ANTIQUITE ET MOVEN AGE. 9 le Lepidote on Binny, ct 1'Oxyrrhynque, sorte de Brocket du Nil, etaient reveres par toute 1'Egypte. En outre, dans plusieurs re- gions, dans cliffe rentes villes, une espece particuliere etait sp- cialement en honneur. Des momies conservees de ces animaux sont encore aujourd'hui les t^moins de ce culte etrange. L'habitude de voir et de contempler les especes sacrees, la ne- cessite de les ouvrir apres leur raort pour les embaumer, avaient du inevitablement conduire a constater des particularites relati- ves a leur organisation, ceux qui avaient mission de s'occuper de ces animaux. Rien de ce qui nous est parvenu de 1'histoire des Egyptiens n'autorisea aller an dela de cette supposition. L'lchthyologie, ainsi qu'on appellera plus tard la science ayant pour objet les Poissons, ne commence que chez les Grecs a pren- drele caractere d'un ensemble de connaissances. Get ensemble se trouve a pen pres tout entier dans les ecrits du grand natura- liste de 1'antiquite. G'est Aristote, en cffet, qui semble resumer en lui presque tout le savoir sur 1'histoire naturelle des animaux , non-seule- ment pour les anciens, mais encore pour toute la longue -periode du moyen age. Les Grecs se sont moins occupes des Poissons d'eau douce que des especes marines, et on le congoit : les rivieres de leur pays etant le plus souvent a sec, pendant la saison chaude, et la mer, avec ses notes innombrables, etant partout a leur portee. Chez cette nation, les Poissons frais ou sales etaient de grande importance comme denree alimentaire. Byzance et Sinope trou- verent dans ce commerce lucratif une prosperite qui eut la duree de plusieurs siecles. Bans la patrie d'Homere , certains personnages avaient pour le poissonun goutassez prononce et assez connu de leurs com- 10 HISTOIRE GENERALE DES POISSONS. patriotes, pour les avoir exposes aux plaisanteries et aux sarcas- mes des poe'tes. Ge qui, an reste, denote le mieux des observa- tions poussees assez loin et des distinctions fort nombreuses entre les diffe rentes especes de Poissons, de la part des Grecs, c'est la grande quantite de noms attribues dans leur langue a ces animaux, ainsi que Buffon et Guvier en ont fait la remarque. Athenee, d'ailleurs, cite une foule d'ouvrages sur ce sujet, dont 11 ne nous est rien parvenu. Aristote nous apparait, seul entre tous ses compatriotes, comme le veritable savant. Nous ne devons, ni rappeler les ser- vices immenses que ce grand homme a rendus a 1'histoire natu- relle, ni retracerl'etendue de sa science, ni faire ressortir la haute portee de ses vues generates, mais constater simplement ce qu'il fit pour 1'Ichthyologie. Le fondateur de 1'ecole peripateticienne precise avec une admirable nettete les caracteres communs a tous les Poissons, ainsi que les particularites les plus essentielles de leur organisation qui les separent des autres animaux : il si- gnale avec la meme justesse les principales modifications de leurs organes, la vari6te de leurs instruments de locomotion, de leur genre de vie, de leurs habitudes. On va jusqu'a s'etonner del'exactituded'une foule d'observations dues aim homme dont la vie s'est trouv6e partag6e entre tant de sujets divers. A la verite, tout n'est pas absolument exempt d'erreurs'ou de suppositions mal fondees, et les animaux dont parle 1'auteur sont souvent designes d'une maniere bien vague. II a nomm6 cent dix-sept Poissons, et, en presence de cette longue nomen- clature , les naturalistes modernes ont vu leurs efforts echouer en maintes circonstances quand ils se sont efforces de recon- naitre un grand nombre d'especes signalees par le philosophe de Stagire. ANTIQUITY ET MO YEN AGE. II L'impulsion donnee aux etudes d'histoire naturelle par Aris- tote s'affaiblit apres sa mort, sans cependant s'eteindre de suite. II nous serait permis de citer de scs disciples, des observations relatives a notre sujet , et en particulier celles de Theophraste. Mais 1'interet de ces observations est mediocre; nous ne jugeons pas necessaire de nous y arreter. La science , on le sait , n'est pour rien dans la grandeur de Rome. II fut une epoque ou, parmi les principaux personnages de 1'antique capitale du monde, on s'occupa prodigieusement des Poissons ; mais, dans cette occupation, personne ne songea a acquerir des notions exactes sur les etres recherches comme objets d'amusement ou de gourmandise. G'est 1'amour de tons les genres de spectacle, c'est la passion du luxe, qui pousserent les riches a se livrer aux plus folles depenses pour faire con- struire des viviers et y entretenir une multitude de Poissons. Les piscines d'eau douce etaient deja fort repandues au temps de Cesar et d'Auguste, comme 1'apprennent Varon et Columelle. On ne devait pas s'en contenter. Des viviers etablis pres de la c6te et souvent construits dans des proportions immenses , fu- rent alimentes par 1'eau de la mer. Lucullus depassa tous les au- tres dansses fastueuses depenses ; aux environs de Naples, il fit creuser une montagne dans le seul but de faire arriver 1'eau de la mer dans 1'un de ses bassins. Dans les habitations somptueuses, des rigoles etaient mena- gees pour alimenter des reservoirs dans lesquels nageaient des Mulles ; on se plaisait a voir le spectacle des changements de couleur, des degradations de nuance, que pre"sentent ces ani- maux sur le point d'expirer. G'etait peu encore pour les Romains d'avoir les especes de leurs cotes. On allait en p6cher au dela des colonnes d'Hercule, * %. >?J? / * ^'^ 'fe* :M 12 HISTOIRE GENERALE DES I'OISSONS. et un amiral, Optatus Elipertius, commandant de la flotte sous 1'empereur Claude, fut employe a repandre dans la mer depuis Ostie jusqu'aux rives de la Gampanie, le Scare, qui ne se trou- vait que dans la mer de Grece. Toutes ces magnificences qui procuraient tant de sujets digues d'etude, 6taient condamnees a demeurer steriles. II n'y avait pas a Rome d'Aristote pour faire profiter 1'esprit humain de la presence de ces nombreuses richesses de la nature. Pline s'est contente de puiserdans 1'auteurgrec, de recueillir quelques as- sertions, et il parait surtout avoir pris plaisir a faire le recit des folles depenses auxquelles se livraient les vainqueurs du monde pour deployer un faste inou'i. Les naturalistes, pousses par le desir.de retrouver toutes les lumieres de 1'antiquite, ont fouille et commente les ecrits des Latins posterieurs a Pline, lorsqu'il y avait esperance de saisir un fait concernant 1'histoire des animaux. On ne peut dire que leurs recherches aient ete fecondes; elles ont montre neanmoins qu'a 1'epoque de la decadence romaine, beaucoup de notions vagues ou incompletes existaient sur une infinite de sujets. Un poete qui vivait au commencement du troisieme siecle, Oppien, 1'auteur des Halieutiques, semble s'etre efforce de re- cueillir tous les faits connus avant lui. Dans son poe'me sur la peche, il ne cite pas moins de cent vingt-cinq Poissons, parmi les- quels on en compte environ le cinquieme dont il n'est fait au- cune mention dans les ecrits precedents. Athenee, supposant dans une assemblce d'erudits assis au m6me festin une conversation sur les mets *, a donne aussi Toccasion de rechercher des traces des connaissances en his- 1 Deipnosophistce. * A t A.NT1QUITE ET MO YEN AGE. 13 toirc naturelle que possedaient les anciens. Lc profit de ces re- cherchcs a etc tres-faible. Void encore Claude Elien, qui a laisse un ouvrage en dix-sept livres sur les proprietes des ani- maux. On s'attendrait a rencontrer dans un traite, des rensei- gnements ne figurant pas ailleurs ; mais le gout et le talent de 1'observation manquaient a peu pres universellement. L'oe-uvre d'filienest une miserable compilation. Cependant, au quatrieme siecle, survient un poete qui est en meme temps un veritable naturaliste , un observateur parlant de ce qu'il a vu lui-meme. C'est Ausone 4 , un Gallo-Romain ne a Bordeaux, precepteur de 1'empereur Gratien, puis consul, et enfin, auteur d'un poeme de la Moselle. II decrit d'une maniere reconnaissable quatorze especes de Poissons qui etaient dcmeu- rees, pour le plus grand nombre, inconnues des Grecs et des Romains. Pour la premiere fois, il est question des Truites et du Barbeau. Les ecrivains postcrieurs sont pour nous absolument denues d'interet. Les connaissances de 1'antiquite etaient perdues pour la plupart. L'esprit humain etait endormi pour la durce d'une suite de sieeles. D'apres une comparaison attentive des ouvrages des Grecs et des Romains, Guvier a compte que les anciens avaient distingue environ cent cinquante especes de Poissons. Us les avaient nom- mees sans jamais chercher a en fixer les caracteres ; aussi bien des fois, suivant toute probabilitc, des noms diffcrents s'appli- quent-ils a la designation de la me'me espece. L'organisation de ces animaux n'avait ete, depuis Aristote, 1'objet d'aucune etude. . 1 Dccius Magnus Ausonius, mort en 394. II HISTOIRE GENERALE DES POISSOXS. Au treizieme siecle, lorsque le dcsir de reconquerir le savoir do 1'antiquite commence a se manifester, de nobles aspirations s'elevent. Albert le Grand congoit un large plan pour un traite sur les animaux ; mais 1'oeuvre etait immense , les materiaux etaient rares , les copies ou les traductions des vieux auteurs etaient fautives. II devenait difficile, dans de semblables condi- tions, de bien remplir un aussi vaste programme. Neanmoins , Albert le Grand , dans son livre consacre aux Poissons, cite plusieurs especes d'apr&s ses observations parti- culieres. Les memes remarques s'appliquent aux travaux d'un autre frere precheur de la meme epoque, Vincent de Beauvais, qui a cgalement ecrit sur les Poissons, avec plus d'etendue qu' Albert le Grand, d'apr^s des textes plus corrects et aussi d'apres quel- ques investigations personnelles. Rien,ailleurs, de cette longue periode du moyen age ne merite d'6tre mentionne. Nous com- prenons a peine aujourd'hui jusqu'a quel point on a pu demeu- rer ignorant des choses les plus vulgaires. Mais 1'epoque de la Renaissance arrive , les oeuvres de 1'anti- quite se repandent, le gout des lettres, la passion des decouver- tes, 1'amour des recherches scientifiques se propagent, et bien- tot les etres animes serontle sujet des etudes les plus serieuses. J5 3. Des etudes sur les Poissons, depuis le commencement de la Renaissance jusqu'a la fin du dix-huitieme siecle. Avec le seizieme siecle s'ouvre cette grande periode, magni fique pour les sciences naturelles. L'Ichthyologie ne tarde pas a a recevoir les avantages du nouveau mouvement intellectuel dont toutes les branches des connaissances humaines vont profiter. *---- ^^ w i ^B> *% Avant de s'engager dans 1'etude directe de la creation, on parait DE LA RENAISSANCE AU XVIII" SIECLE. 15 sentir qu'un point de depart est necessaire ; ce point de depart sera fourni par les ecrrvains de 1'antiquite. II s'agit d'abord de les bien entendre, d'etre fixe sur la nature des etres dont ils ont parle. Alors on voit Paul Jove *, 1'historien illustre, s'adonnant a la recherche des noms attribu^s aux Poissons par les anciens Romains ; Massaria 2 , commentant de la meme manierele neu- vieme livre de Pline ; Gilles, interpretant Elien et comparant les noms latins et francjais des Poissons de Marseille 3 , d'autres en- core s'engagcant dans les me'mes voies. A certains moments, des questions auxquelles personne n'a- vait songe, des besoins que mil n'avait reconnus, \iennenttout a coup, comme par une sorte d'enchantement, occuper a la fois 1'esprit de plusieurs hommes qui s'imaginent chacun etre seul en possession de son idee. Le seizi6me siecle avait accompli la moitie de son cours, et il n'etait venu dans la pensee d'aucun savant de rassembler les especes d'animaux de 1'une ou 1'autre des principales formes zoologiques, et d'en donner des descriptions et des figures pro- pres a faire connaitre leurs caracteres les plus remarquables, ^Lleurs particularit^s les plus curieuses. Voila que presque en meme temps , de 1553 a 1555 , paraissent des travaux sur les Poissons con^us d'apr&s ces yues, par trois naturalistes dont les noms sont restes dans la science en grand honneur. 1 Paolo Giovio, n6 ft Come en 1483, mort a Florence en 1552. De romanis piscibus Libellus ad Ludovicum Borbonium cardinalem. Rome, fol. 1524. 8, 1527. 2 Francisci Massarii In nonurn Plinii de Naturali Historia librum Casti- gationes et annotaliones. Bale, 1537, et Paris, 1542. Le neuvieme ivre de Pline est celui qui traite des Poissons. Pierre Gilles ou Gyllius, ne a Albi en 1490, morl en lojjp. Le nominibua gallicis et latinis Massiliensium, 1535. 10 H1STOIRE GENERALE DES POISSONS. Ges Irois naturalistes, c'est Pierre Belon, ne vers 1518, qui se livre avec ardeur a l'e"tude des animaux, qui voyage en Grece, dans 1'Asie Mineure, en Egypte et qui est assassine dans le bois de Boulogne en 1564 ; c'est Salviani, de Citta di Castello, dans les Etats pontificaux, ne en 1513, medecin des papes Marcel II et Jules III, mort en 1572; c'est enfin Rondelet, ne en 1507 a Montpellier, qui devient professeur dans cette ville, qui voyage en France, en Italic, dans les Pays-Bas, avec le cardinal de Tour- non ; qui trouve un collaborateur dans 1'eveque de Montpellier, Guillaume Pellicier, et qui meurt en 1566. Belon, Salviani, Rondelet, ne sont plus des compilateurs, comme tons ceux qui les avaient precedes depuis Aristote. Us out vu et examine les Poissons dont ils parlent; sous leurs yeux, ils en ont fait tracer des representations qui, sans 6tre d'une verite parfaite, permettent de reconnaitre les especes qu'ils ont observers. Ces naturalistes, il est vrai, sont loin de s'etreappli- qu6s a decrire avec toute la rigueur desirable les sujets dont ils s'occupaient. Ils subissaient 1'influence de leur epoque , en croyant qu'il importait surtout de determiner les noms que les differents animaux portaient chez les anciens, en jugeant que leur histoire devait acquerir de la valeur par des fragments em- I)runtes aux vieux auteurs, plutot, que par le simple recit de leurs observations. Mais Belon, Salviani, Rondelet, ont donne de nombreuses figures qui ont beaucoup contribu^ aux progres de 1'Ichthyologie. Sous ce rapport, Rondelet a conserve un avan- tage tres-marque sur ses deux contemporains. On penserait volontiers que le champ prepare par ces natu- ralistes va etre bientot cultive avec plus de soin, que de nou- velles etudes vont perfectionner une histoire encore a 1'etat d'ebauche. II n'en fut rien cependant. De vastes compiktions DE LA RENAISSANCE AU XVIII 6 SIECLE. 17 qui n'ont pas ete inutiles, corame celles de Conrad Gesner et d'Ulysse Aldrovande, des recherches particulieres entreprises la plupart sur des anirnaux des pays lointains, sont pour une longue periode les seuls ouvrages dont on trouve a faire mention. D'un autre cote, vers le milieu du seizieme siecle, on commenc,a a s'occuper serieusement de la conformation interieure de I'homme et des animaux. Le celebre professeur de Padoue, Fabrizio d'Aquapendente, entreprend des recher- ches anatomiques sur les Poissons, etudie leur mode de repro- duction, leurs ecailles, etc. Son eleve, son successeur dans sa chaire, Casserio, porte ses investigations sur les organes des sens de ces animaux. Un professeur de Naples, Severino, exa- mine differentes parties de leur organisation et s'attache a prou- vcr que les Poissons respirent 1'air dans 1'eau, tout en se me- prenant neanmoins d'une maniere complete a 1'egard de leur organe respiratoire. Borelli de Naples, successivement profes- seur a Pise et a Florence, s'attache a determiner le mecanisme de la natation et indique 1'usage de la vessie natatoire. Plusieurs autres anatomistes constatent des faitsisoles. Un pen plus tard, un savant frangais reste celebre, Joseph Duverney, membre de I'Acadernie des sciences, professeur au Jardin du roi, de 1679 a 1730, eut le merite de faire connaitre le premier, les organes et le mecanisme de la respiration des Poissons, ainsi que le cours du sang dans leurs branchies. Vers le meme temps, divers auteurs enrichissaient la science d 'ob- servations particulieres sur certaines especes. On ne savait en- core presque rien sur les formes du cerveau de ces etres aqua- tiques dont 1'intelligence et les instincts paraissent si faibles ; un medecin anglais, Samuel Collins, combla cette lacune par .' BI.ANCHAHD. 2 18 HISTOIRE GENERALE DES POISSONS. une publication accompagn6e de planches bien executees *. Une foule de materiaux dissemines, de connaissances epar- ses, s'etait formee pendant le seizieme et le dix-septieme sieclc. Beaucoup d'ecrits auraient pu facilement rester inconnus aux nouveaux scrutateurs de la nature ; mais, par bonheur, survien- nent le plus souvent des hommes animes du desir de satisfaire au besom qui domine. Des recueils ou se troirvaient rassembles la plupart des memoires relatifs a I'organisation des animaux furent mis au jour 2 . Les animaux avaient toujours 6t6 decrits presque sans ordre ; 1'idee de les grouper d'apres des caracteres communs s'etait a peine manifested depuis Aristote ; les avantages d'une \eritable methode n'avaient frappe 1'esprit de personne, lorsque parut 1'un des plus grands naturalistes du dix-septieme siecle. G'etait Rai, un th^ologien anglais, qui fut le premier a concevoir la pensee des classifications zoologiques. II poursuivit son ceuvre de concert avec son eleve et son ami, Willughby, et en 1686, ce dernier fit paraitre une histoire des Poissons, qui marque une epoque pour 1'Ichthyologie 3 . Pour la premiere fois, les Poissons sont .decrits d'apres nature et avec une certaine precision ; ils sont classes d'apres des caracteres tires deleur conformation. Si les faits ne sont pas toujours en 1 A System of Anatomy treating of the body of man, beasts, birds, fishes, etc., 2 vol. in-fol. Lond., 168b. 2 Blasius, Analome animalium terrestrium, volatilium, aquatilium, etc., structuram naturalem, ex veterum recentiorumque propriis observationibus exponens, in-4. Amsterdam, 1681. Valentin, Amphitheatrum zootomi- cum, in-fol. Francfort, 1^20. . 3 Francisci Willughbeii, armigeri, De Historia Piscium libri IV, jussu et sumptibus Socictatis regies Londinensis editi, etc., totum opus recognovit, coaptavit, supplevit, libntm etiam primwn et secundum adjecit Joh. Raius; Oxford, fol. 1686. DE LA RENAISSANCE AU XVIII 6 S1ECLE. 19 accord avec la methode, si les genres ne sont pas encore nette- mentdefinis,rheureuse inspiration qui a conduit 1'auteur, n'en est pas moins appelee a porter ses fruits. Apres la publication de Rai et Willughby, un demi-siecle s'ecoule sans que Fhistoire naturelle des Poissons se perfectionne d'une maniere eclatante. Un certain nombre d'ecrits et de figures viennent accroitre le domaine des connaissances, sans porter le cachet d'aucune vue g6nerale, le signe d'aucune veri- table decouverte. II faut arriver \ers le tiers du dix-huitieme siecle pour voir la zoologie rev^tir definitivement sa forme etprendre le caractere d'une vaste science ; c'est 1'epoque de Linne et de Buffon : d'un cote la precision, Fordre, la methode ; de 1'autre, 1'observation des details caracteristiques et des particularites biologiques, reve'tue de toutes les magnificences et de tons les charmes de la pensee. Un contemporain de ces hommes illustres, un jeune Sue"dois plein de genie, Pierre Artedi, passionne pour Fetude des Pois- sons, va accomplir une t^che brillante. II prend pour guide et 'pour point de depart l'ou\rage de Willughby; il en saisit les defauts et se donne pour mission de combler une lacune de la science. II formule des regies pour les divisions zoologiques, pour la nomenclature des genres et des especes, et rdpartit tous les Poissons dans quatre ordres, s ! appuyant pour sa classifica- tion sur la consistance du squelette, surla forme des opercules et des branchies, sur la nature des rayons des nageoires, sans tenir compte des conditions de sejour qui avaient conduit les anciens liaturalistes aux rassemblements les plus etranges. Artedi imagine pour designer les ordres, ces noms de Malaco- pterygiens, d'Acanthopterygiens, de Ghondropterygiens, si gene- * 20 HISTOIRE GENERALS DES POISSONS. ralement employes depuis, qu'ils sont presque devenus des mots de la langue franchise. II caracterise les genres d'apres le riombre des rayons de la membrane des oui'es, d'apres le nombre et la position des nageoires, d'apres les dents, la con- formation des ecailles et meme les parties internes, comme 1'estomac et les appendices pyloriques. On voit par ces details quel'auteur comprenait son sujet tout autrementque ses devan- ciers. Artedi, mort par accident, a 1'age de trente ans, laissa ses travaux inedits *. Ge fut Linne, qui, apres avoir rachete ses. ma- nuscrits, les mit en ordre, les completa et fit paraitrc 1'oirvrage a Leyde, en 1738 2 . Avec Linne, il est inutile de le rappeler tant le fait est connu, la zoologie descriptive revet une forme toute nouvelle, elle acquiert un caractere de precision ignore jusqu'alors, le systeme de nomenclature est de"sormais fixe" d'une fac,on si heureuse, qu'on ne trouve rien d'aussi parfait a lui comparer. Les natu- ralistes avaient, sous un nom commun, constitue des reunions d'especes, c'est-a-dire des genres, et, afin de distinguer les especes entre elles, ils n'avaient rien trouve de mieux que de les designer par une phrase plus ou moinslongue, exprimant leurs particularites les plus manifestes. Linne imagine d'appliquer aux especes un nom simple, qualificatif, qui s'ajoute an nom du genre. De la, cette nomenclature binaire, bientot universelle- ment adoptee, ayant 1'avantage d'offrir pour tous les etres une designation etroite et toujours claire, et de fournir en me'me temps a 1'esprit un apergu plus large par le nom gene- rique. 1 N6 dans la paroisse d'Anunds, en Angcrmanic, en 170o ; il se noya dans un des canaux d'Amsterdam, le 5 septembre 1735. 2 Ichthyologia sive opera omnia de Piscibus, 8. Leyde, 1738. ~ ' l DE LA RENAISSANCE AU XVIII e SIECLE. 21 Linne adopte dans ses premiers ouvrages la classification d'Artedi, n'ajoutant d'abord que fort peu de chose a I'ceuvre de celui qui avail ete son mattre pour 1'Ichthyologie. Cependant, le grand naturaliste de la Suede, destine a exercer une immense influence sur les sciences naturelles et a etre un jour 1'une des plus rayonnantes gloires de son pays, etait sans cesse anime du desir de perfectionner toutes les parties de I'ceuvre gigantesque dont il avait congii le plan des sa jeunesse. II s'apergoit bientot de l'utilite,dansla caracterisation des especes, de 1'indication du nombre de rayons composant les nageoires, dont on ne s'etait pas occupe avant lui. Plus tard, il rejette de la classe des Pois- sons, pour les placer dans la classe des Mammiferes, les Baleines et les Dauphins ; car, par suite de la tendance ordinaire des naturalistes anterieurs au dix-huitieme siecle, a se preoccuper moins de la conformation des 6tres que de leur sejour ou de certaines ressemblances grossieres, on s'etait obstine a associer les Getaces avec les Poissons, malgreles faits precis signales par Aristote, relativement a 1'organisation de ces animaux *. Linne en vint a restreindre singulierement la circonscription de la classe des Poissons 2 . II en s6para les Lamproies, les Raies, les Squales,les Esturgeons, les Baudroies, lesGoffres, qui n'ont pas 1'apparence des Poissons ordinaires 3 . Gette separation a fourni matiere a de \ives critiques, mais on verra par la suite que tout ici ne doit pas etre impute h erreur. Le naturaliste scandinave n'avait pas seulement apportS dans son inventaire de la nature, la rigueur scientifique et des vues 1 Brissonfutle premier qui, en i756, spara lesC^taces des Poissons, mais il en forma une classe particuliere. 1 Systema naturce, 12 e 6dit., 1766. 8 Ces types forment pour 1'auteur du Systema naturce, la division des . ^^HA * . ' Amphibia nantes. 22 HISTOIRE GENERALE DES POISSONS. nouvelles. sur la classification des animaux, il avail fait connaitre et caracterise une foule d'especes. ' A partir de ce moment, la voie est bien tracee ; les natura- listes devenus plus nombreux recueillent avec plus d'ardeur les productions naturelles, les voyageurs rapportent celles des con- trees lointaines, les expeditions maritimes ordonnees par les souverains contribuent pour une large part a enrichir les musees. Tous ces materiaux donnent lieu a des publications plus on moins sp6ciales qui agrandissent chaque jour davantage le domaine de la zoologie. Peu de temps apres la mortdeLinne, le nombre des especes animales de toutes les classes s'etait ainsi prodigieusement accrudansles collections. Un auteurallemand, Bloch, entreprit, a partir de 1'annee 1780, un travail general sur les Poissons l . Get ouvrage divise en deux parties : VHistoire economique des Poissons de V Allemagne et VHistoire des Poissons etrangers, est devenu presque classique. Presentant des descriptions tra- cees pour les especes europeennes d'apres des sujets vivants ou encore frais, des figures en general bien ex6cutees, des obser- vations interessantes et exactes, il a ete" jusqu'a present d'une utility extreme pour tous ceux qui se sont adonne"s a 1'Ichthyo- logie. Pour ne pas scinder cet apercu sur les travaux concernant la description et la classification des Poissons, il faut maintenant nous transporter a la derniere limite du dix-huitieme siecle et atteindre m6me les premieres annees du dix-neuvieme. L'au- teur dont nous avons a parler est d'ailleurs si bien du dix- huitieme siecle et si peu du siecle actuel, qu'on lui ferait vrai- 1 Bloch, chirurgien Israelite de Berlin, ne a Anspach en 1723. raort en 1790. DE LA RENAISSANCE AU XVIII e S1ECLE. 23 ment tort, en ne le laissant pas tout entier dans la pe"riode de sa plus grande activite. Get auteur, c'est de Lacepede qui eut la fortune dejouir d'une reputation et d'honneurs bien supe- rieurs a ses talents. 'De Lac6pede, garde du Cabinet du Roi en 1785, professeur du Museum d'histoire naturelle en 1795, merabre de 1'Institut en 1796, senateur en 1800, grand- chancelierde la Legion d'honneur en 1802 l , avait la noble ambition d'etre un nouveau Buffon. Malheureusement, le d6sir ne devait pas suffire chez lui pour atteindre le but. Son habilete d'observation, son elegance de style etaient condamnees a de- meurer, a bien des degres, inferieures au modele. Apres avoir ecrit line Eistoire des Reptiles, qu'il nommait les Quadrupedes ovipareSjpuisune Histoire des Serpents, Lacepede composa une volumineuse Histoire des Poissons 2 , dont le plan, comme le remarque Cuvier, etait con^u d'une maniere large et 61ev6e ; mais 1'auteur n'etait ni dou6 du tact qui conduit a apprecier jus- tement les ressemblances et les differences des etres entre eux, ni pourvu de cette patience soutenue pour 1'investigation qui produit encore de meilleurs resultats. On etait a une epoque ou les relations de la France Etaient presque entierement inter- rompues avec le reste du monde ; il etait fort difficile de se pro- curer les sujets d'etude, de connaitre et d'obtenir les livres pu- bli6s a 1'etranger. Dans ces conditions deplorables, Lacepede emprunta, sans examen, des descriptions a ses devanciers, il en trac,a d'apres des notes et des figures souvent imparfaites qui lui avaient ete communiquees. Alors, il lui arriva "d'assigner des noms nouveaux a des especes qui avaient ete qualifiees prece- 1 Bernard-Germain-Etipnne de la Yille, comte de Lac6pede, -n6 a Agen en 1756, mort a Paris en 1826. 3 vol. in-4, publics de 1798 a 1803-. 24 HISTOIRE GENERALE DES POISSONS. demment, et que lui-meme avait deja enregistrees dans son livre sous leur premier nom. En resume, on serait ports a juger d'une maniere bien severe I'ouvrage de Lacepede, si Ton ne tenait largement compte des circonstances defavorables dans lesquelles il a ete compose. Guvier, en signalant les erreurs du naturaliste dont il avait ete longtemps le collegue, a insiste en termes eloquents sur ces circonstances vraiment de nature a imposer une grande reserve dans 1' appreciation. II est d'ailleurs equitable de con stater que des qualites de style ont amene beau- coup de lecteurs a V Histoire des Poissons , et qu'ainsi la vulga- risation de faits interessants y a trouve profit. En meme temps que so poursuivaient sur les Poissons les etudes des caracteres generiques et spccifiques, des recherches d'une autre nature se multipliaient. Des investigations anato- miques conduisaient a la connaissance des faits les plus remar- quables de 1'organisation de ces animaux. Plusieurs anatomistcs &tudiaient specialement certains points. Reaumur, 1'admirable historien des insectes, s'occupa de 1'appareil electrique des Tor- pilles et de la matiere qui colore les ecailles des Ablettes et dont on fait usage pour la confection des fausses'perles 4 . Le grand Haller 2 , le savant presque universel, s'efforca de reconnaitre dansl'encephale des Poissons les parties correspondantes a celles du cerveau de Thomme, et il examina surtout avec soin la con- formation des yeux. Pierre Camper 3 , dont on compte toujours les services rendus a 1'anatomie comparee, fournit aussi plu- sieurs observations interessantes. 1 Rene-Antoine Ferchaud de R6aumur, 116 a la Rochelle en 1683, mort a Paris en 1757. Memoires de I' Academic des Sciences, 1714 et 1716. ! Albert de Haller, n6 a Berne en 1708, mort en 1777. 3 Ne" a Leyde en 1722, mort a La Haye, en 1789. '. , rwf- > i ^ : , ; DE LA RENAISSANCE AU XVIII 6 SIECLE. So Jusque-la, les anatomistcs restaient toujours Strangers au\ e"tudes de ceux qui se proposaient d'ecrire 1'histoire des ani- maux, et ces derniers ne portaient aucune attention aux decou- vertes des anatomistes. Le premier, qui tenta de relier les deux ordres de recherches appartenant en realite a une science uni- * V J jJUkf que, fut Vicq-d'Azyr, dont la vie a ete trop courte pour la gloirc des sciences naturelles *. Mais 1'auteur, qui a en le merite de devoiler une grande partic des principaux faits de 1'organisation interne des Poissons, est Alexandre Monro, professeur de 1'Universite d'Edimbourg. Les travaux de ce savant, sur 1'appareil digestif, sur 1'appareil de la circulation du sang, surle systeme nerveux, sur les organes des sens des Poissons, ont une importance telle, qu'aujourd'hui en- core, les naturalistes sont obliges de les consulter, malgr6 les nombreuses recherches anatomiques dont les Poissons ont ete 1'objet 2 . Des observations plus restreintes sont venues aussi, d'autre part, ajouter bicn des renseignements precieux sur la structure de ces etres aquatiques qui represented dans le Regne animal un type parfaitement caracterise. Les organes des sens de ces animaux exciterent a un haut degr6 I'interfit des physiciens et des physiologistes. Antoine Scarpa, le dernier des grands ana- ' tomistes de 1'Italie, livra les resultats de ses belles etudes sur le sens de 1'odorat et sur le sens de 1'ouie. Un professeur de Pa- doue, Gomparetti, s'occupa 6galement de 1'appareil auditif. En France, Broussonnet traita de la respiration des Poissons, 1 F61ix Vicq-d'Azyr, n6 i Valognes en 1748, mort en 1794, secretaire perpetuel de 1' Academic frangaise, membre de I'Acad^mie des sciences. 8 Observations on the structure and functions of the nervous system, fol. Edinburgh, 1783. The structure and physiology of fishes explained and compared with those of man and other animals, fol. Edinburgh, 1785. ' 26 H1ST01RE GENERALE DES POISSONS. et en Italic, 1'habile naturaliste, Spallanzani, fit a ce sujet des experiences des plus remarquables. Si nous voulions enumerer absoluraent tons les ecrits se rap- portant a notre sujet, qui furent mis au jour pendant le dix- huitieme siecle, il faudrait accumuler encore bien des citations. Aussi nous pensons devoir nous arreter apres avoir signale ce qui se produisit de plus important. Mais un ouvrage d'une valeur scientifique tres-mediocre, re- dige dans un esprit fort different de ceux dont il a ete ici ques- tion, ayant eu une popularite assez grande, ne peut etre pass6 sous silence, a cause de son caractere special. G'est le Traite des peches par Duhamel, ou Ton trouve des figures assez exac- tes, et parfois des renseignements curieux sur les Poissons. Ainsi, quand le dix-huitieme siecle fut acheve, les connais- sances de toute nature, relatives a 1'Ichthyologie, formaient deja un ensemble imposant. 4. Des etudes sur les Poissons, depuis le commencement du dix-neuvieme siecle jusqu'ft, la mort de Guvier en 1832. Des 1'origine du dix-neuvieme siecle, la zoologie apparait sous un jour presque entierementnouveau. La scene s'agrandit. Des recherch.es sur 1'organisation de la plupart des grands types du Regne animal sont entreprises ; poursuivies avec ardeur, elles donnent a la science de magnifiques resultats. Les etudes ana- tomiques, entre les mains de plusieurs naturalistes habiles, prennent un caractere d'exactitude, de precision, inconnu aux epoques anterieures. II est surtout un signe du temps, essentiel a rappeler; c'est 1'idee de la comparaison qui commence a do- miner, et qui sera desormais le guide des investigateurs. Doja, il est vrai, Vicq-d'Azyr avait montre la voie ; 1'honneur d'une COMMENCEMENT DU XIX e SINGLE. 27 conception pleinc de profondeur revient pour urie part impor- tante a ce brillant observateur. Mais c'etait la un fait isoie, qui ne devait 6tre compris que plus tard. Des 1'instant ou 1'on sen- tit la necessite de determiner d'une fagon rigoureuse les res- semblances et les differences de toutes les parties de 1'organisme des animaux, et d'apprecier ainsi les affinites naturelles, les classifications etaient destinees a acquerir une signification que les premiers methodistes n'avaientpas meme soup^onnee. Quand Linne et ses successeurs s'efforgaient de caracteriser les genres et les groupes d'uri rang plus eleve, leur but principal etait de fournir un moyen rapide et commode pour arriver surement a la determination du genre et de 1'espece. G'etait deja un grand but, car, avant Linne, precede" par les premieres tentatives de Rai, la zoologie descriptive etait une sorte de chaos rempli de tenebres. Le jour ou un esprit puissant s'est dit : Une classifica- tion zoologique doit etre le tableau de toutes les connaissances acquises sur les animaux, et, dans 1'avenir, elle sera 1'expression fidele de 1'ensemble des rapports naturels existant entre les re- presentants des divers types, une nouvelle lumiere a conduit d'un travail presque mecanique a une operation de la plus haute philosophic. Cuvier a une part bien large dans ce mouvemerit scientifique qui se dessine sur la limite du dix-huitieme et du dix-neuvicmc siecle. Georges Guvier : tout le monde connait ce nom, qui re- tentit aux oreilles comme 1'une des plus nobles gloires de la France. Guvier, devenu professeur au Museum d'histoire naturclle *, entreprit de faire, sous le titre alors nouveau i Georges Cuvier, lie" 4 Montbeliard, le 23 aout 1769, d'une. famille pauvre, pritle gout de 1'histoire naturelle des 1'age de douze a treize ans, en copiant les figures d'animaux jointes aux ceuvres de Buffon, que 2S HISTOIRE GENERATE DES POISSONS. de Cours d' anatomic comparee, une exposition des parti- cularites de conformation de tons les appareils organiques chez tous les principaux types du Regne animal. C 'etait alor^ possedait un de scs parents, ministre protestant dans une campagne. Devenu le protege du due Charles de Wurtemberg, il alia terminer' ses Etudes a 1'Academie de Stuttgart, et se familiariser avec cette langue allemande, qui devait plus tard lui donner tant de facilite pour con- naitre les Merits de 1'Allemagne, pendant longtemps beaucoup trop negliges en France. Dans cette situation, le jeune homme auquel etait reserve" le plus brillant avenir, ne manqua pas de se distinguer dans toutes les branches de 1'instruction, tout en continuant a cultiver 1'his- toire naturelle. Sur le point d'obtenir un emploi en Allemagne, la posi- tion de sa famille le determina a revenir en France, et bientot a 7 entrer comme precepteur dans une maison particuliere. II arriva ainsi a Caen au mois de juillet 1788, n'ayant pas encore accompli sa dix-neuvieme annee. Tous ses moments de loisir furent consacres a des 6tudes zoologiques, et en 1791, il adressa au celebre entomologiste Oli- vier, un m6moire sur les Cloportes. Neanmoins, sans quelques circon- stances fortuites, un talent destine a s'elever au plus haut degre, pou- vait rester a jamais dans 1'ombre. Heureusement que la fortune lui procura pour le conduire a la lumiere, la rencontre de bons apprecia- teurs. L'abb6 Tessier, fuyant la terreur, etait venu a Fecamp prendre 1'emploi dem6deein en chef de I'h6pital de cette ville ; ileutl'occasion de connaitre le jeune Cuvier, au moment ou celui-ci traitait pour une place analogue a celle qu'il remplissait depuis 1788, se croyant con- damne pour longtemps a 1'existence pr6caire et subordonne'e a laquelle il e"tait attache, L'abb6 Teissier 1'engagea a faire un cours de botanique aux eleves de son hOpital, et bientOt il parla du jeune professeur dans ses lettres, a de Jussieu et a Geoffroy Saint-Hilaire. Cuvier envoya alors quelques m^moires dont Geoffroy fut enthousiasmg, et 1'espoir lui ayanl 6t6 donne d'fitre choisi comme suppliant du professeur d' Anatomic au Museum d'histoire naturelle, il se rendit a Paris. Les premiers temps furent p6nibles, mais nomme le 2 juillet 1793 au poste qui lui avait et6 promis et loge au Jardin des plantes, sa brillante carriere commenga. Sestravaux le grandirent de suite auxyeux de ses contemporains, d'une fagon qui n'est pas ordinaire. Cuvier fut 61u membre de 1'Institut le 17 d6cembre 1793, professeur a 1'Ecole centrale du Pantheon le 2 Jan- vier 1796, professeur au College de France le 8 Janvier 1800, professeur titulaire au Museum en 1802, secretaire perpe"tuel de 1'Academie des COMMENCEMENT DU XIX 5 SIECLE. ^ 2!) une maniere absolument neuve d'envisager 1'etude des ani- maux. Les legons du maitre sur les organes du mouvement et sur le systeme nerveux, recueillies par Dumeril, furent pu- bliees en 1800. Duvernoy prit des notes pour les autres sujets ct les trois derniers volumes de 1'oirvrage, re\us par Guvier lui- meme, oil il est traite des organes de la digestion, des appareils respiratoire et circulatoire, des organes de la generation, ont ete mis an jour en 1805 *. Les Lecons d'anatomie comparee, qui ont ete le point de depart des recherches ulterieures, resu- maient avec une admirable clarte, au grand profit de la marche dela science, a pen pres tons les faits connus au commencement du siecle actuel touchant 1'organisation des Poissons. On avait a cette epoque fort pen etudie le squelette des Pois- sons, mais 1'idee des comparaisons, qui commenc.ait a penetrer dans 1'esprit des naturalistes, allait conduire a un genre d'in- vestigations inconnu auparavant. Un professeur de Tubingue, plus tard chancelier de FUniversite de cette yille, Autenrieth, congut la pensee de retrouver dans la charpente osseuse des Poissons les parties correspondantes a celles du squelette des Mammiferes 2 . Geoffroy Saint-Hilaire 3 poussa plus loin les re- sciences le 31 Janvier 1803,membre du conseil de 1'Instruction publi- que en 1808, maitre des requfites en 1813, vice-recteur de 1'Acade'mic de Paris en 181S, conseiller d'Etat, membre de 1'Academie frangaise en 1819, president du comite de I'lnt^rieur, chancelier de 1'Instruction publique, membre libre de 1'Academie des inscriptions et belles lettres le 24 decembre 1830, pairde France en 1831. Cuvier est mort le 13 mai 1 Lecons d'anatomie comparee, t. I etU, an VIII (1800), t. Ill, IV etV, 1805. 2 Autenrieth, n6 en 4772, mort en 1835. Bemerkungen fiber den Bau der Scholle (Pleuwnectes platessa). In Wiedemann's Archiv. Bd. I. s. 17 (1800). 3 Etienne-Geoffroy Saint-Hilaire, ne a Etampes le 15 avril 1772, uomm6 professeur de zoologie au Muse'um d'histoire par decret de la 30 HIST01RE GENERALE DES POISSONS. cherches dans cette direction, et, a partir de 1'annee 1807, il donna une suite de memoires sur les os des Poissons compares a ceux des Vertebres superieurs. On ne saurait dire que 1'inge- nieux professeur du Museum ait toujours et6 heureux dans ses determinations, mais on doit constater qu'il contribua puissam- ment aux progres de la zoologie, en insistant sur des rapports de conformation tres-reels, dont les naturalistes s'etaient a peine occupes avant lui *. Une observation neuve, vraie dans sa generalite, une concep- tion hardie, avaient revele que la t6te est un assemblage de plu- sieurs vertebres ayant subi un developpement extreme et des modifications tres-prononcees. Ge fait gen6ralement admis de nos jours, dont la demonstration toutefois n'est pas encore four- nie d'une maniere suffisante pour ecarter les discussions, a ete 1'origine de travaux d'un grand interet, qui ont contribue aussi a rendre plus exactes les connaissances relatives aux pieces os- seuses des Poissons. Dumeril avait reconnu que 1'occipital est constitue a pen pres comme une vertebre ordinaire chez les Reptiles 2 . Un philosophe allemand, naturaliste plein d'imagi- nation, prenantle plus souvent des reveries pour des realites, ayant parfois des vues qui n'etaient pas sans justesse, des id6es qui avaient leur grandeur, Oken 3 , qui eut ses admirateurs et conyention le 10 juin 1793, membre de la commission des sciences de I'exp6dition d'Egypte en 1798, membre de 1'Institut en 1807, pro- fesseur a la Facult6 des sciences en 1809, mort le 19 juin 1844. 1 Voir les Annales du Museum d'kistoire nalurelle, t* IX, p. 3o7 et 413 ; f! X, p. 85 et 345, etc. * Constant Dum6ril, n6 a Amiens, le l er Janvier 1774, professeur au Museum d'histoire naturelle et a la Faculte de m6decine, membre de 1'Institut en 1816, mort le 14 octobre 1860. 3 Lorenz Oken, n6 le l cr aout 1779, professeur a Zurich, mort le 11 aout 1851. COMMENCEMENT DU XIX e SIECLE. 31 ses detracteurs, avait etc frapp6 de la ressemblance de certaines zones du crane avec les vertebres, en considerant une tete de chevreuil, depouillee de ses chairs et parfaitement blanchic, qu'il avait rencontree a ses pieds en errant dans la fore't de Hartz. N'est-on pas touche au souvenir de ce penseur qui, dans sa promenade solitaire, ramasse le debris le plus me- prisable en apparence, et sent son esprit saisi d'un trait de lumiere, apres avoir jete les yeux sur 1'objet echappe a la destruction *. D'autre part, on poursuivait des recherches sur les parties profondes de 1'organisme des Poissons. Biot, notre illustre physicien 2 , Configliacchi, de Pavie 3 , Humboldt et Provencal *, faisaient des experiences sur les gaz contenus dans la vessie natatoire. Tiedemann, Fun des premiers zoologistes de 1'Alle- magne 5 , se livrait a des investigations comparatives sur le coaur d'especes assez nombreuses. Des aperc.us generaux sur le me" me organe etaient fournis par Dollinger 6 . Dans la plupart des classes du Regne animal, il y a des es- peces qui, s'eloignant beaucoup des formes ordinaires, devien- nent pour les naturalistes des sujets de predilection. L 'attention s'e.st trouvee appelee de la sorte sur lesLamproies jqui. consti- tuent un type ichthyologique remarquablement degrade. Du- 1 Ueber die Bedeutung der Schcedelknorhen, 4, 1807. s Ne en 1774, membre de 1'Instilut le 11 avril 1803, professeur au College de France, etc., mort le 3 f6vrier 1862. Memoires.de la Sociele d'Arcueil, t. I, p. 252, 1807, et t. II, p. 487. 3 Sull' analisedeir aria contenutanella vesica natatoria, 4. Pavie, 1809. 4 Memoires de la Societe d'Arcueil, t. II, p. 359, 1809. 5 Friedrich Tiedemann, n6 en 1781, successivement professeur a Landshut et a Heidelberg, mort a Munich, en 1860. 6 Annalen der Weieravisch-Gesellschaft, Bd. II, s. 311, 1811. 32 HISTOIRE GE.NERALE DES POISSONS. meril a examine 1'organisation de la grande Lamproie *, etquel- ques anne"es plus tard, un savant zoologiste de 1'Allemagne, Rathke, a repris la ra6me etude sur la petite Lamproie de ri- viere 2 . Le cerveau des Poissons n'avait encore ete observe que d'une maniere assez superficielle, lorsqu'en 1813, un medecin grec, Arsaky, donnant des descriptions et des figures exactes de 1'en- ce"phale de plusieurs especes, emit des vues neuves sur les ana- logies des parties qui le composent, avec celles du cerveau des Vert6br6s sup6rieurs 3 . Du premier coup, Arsaky se montra heureux dans ses determinations des lobes de 1'encephale des Poissons. Get auteur a 6te discute , critique par une foule d'ana- tomistes, et apres les nombreuses contradictions venues de tous cot6s, on en est arrive a penser qu'il avait plus approche de la ve'rite' que ses contradicteurs. Cependant la conformation si curieuse du squelette coriti- nuait surtout a exciter au plus haut degre 1'intere't des anato- mistes. Un auteur allemand, Rosenthal *, chercha d'abord a ' faire connaltre cxactement les os de la te"te, et donna plus tard un atlas contenant la representation du systeme osseux tout entier de beaucoup d'especes chez lesquelles on ne 1'avait pas encore examine" . Depuis que 1'existence d'une sorte d'uriite de plan fondamental, dans la constitution de la charpente osseuse de tous les animaux vert6bre"s avait etc constate"e, chacun s'ef- for^ait de retrouver chez les Poissons les pieces de la tete hu- maine; mais les divisions multipli^es de plusieurs os, des de"\e- 1 Dissertation sur les Poissons qui se rapprochent le plus des animaux sans rertebres, 4. Paris, 1812. 2 Meckel's Archiv fur physiologic, Bd. V1I1, s. 45, 1823. 3 De Piscium cerebro et medulla spinali, Halle, 1813. k Mort en 1829. Reil's Archiv fitr physiologic, Bd. X, s. 340, 181 1. COMMENCEMENT DU XIX.' SIECLE. 33 loppements particuliers, des changements considerables dans les formes et parfois dans les rapports de certaines pieces, dus a des adaptations biologiques spdciales, rendant bcaucoup de determinations fort difficiles, des opinions Granges et absolu- ment contradictoires surgissaient en foule. Geoffroy Saint-Hi- laire, qui le premier s'etait vaillamment engage" dans cette voie, poursuivait son ceuvre sans relache, sous 1'empire de son idee precongue, et s'enthousiasmait lorsqu'il etonnait le monde sa- vant par les assertions les plus aventureuses, comme si la lu- miere d'en haut 1'avait p6n6tre" 4 . II s'inquietait, en effet, assez mddiocrement de justifier ses opinions, m6me lorsqu'il annon- c.ait, par exemple, que les opercules des Poissons, ces lames destinies h la protection de 1'appareil branchial, sontles osse- lets de Foreille des Vert6br6s superieurs, estrangement mo- difies et detournes de leurs usages, de leurs relations ordinaires. |]n presence d'assertions dont la hardiesse 6tait extreme, puis- qu'dles ne s'appuyaient en aucune fagon sur des d6couvertes resultant d'observations patientes et bien suivies, les anato- mistes reprenaient les questions presque avec acharnement. Q'etait Cuvier, c'e"tait, en Allemagne, Bojanus, Spix, d'autres encore, qui, par la diversity des resultats de leurs recherches, montraient ce que le sujet pr^sentait de difficultes. On ne s'en tenait pas heureusement a ces seules considera- tions relatives a 1'osteologie. Un auteur anglais, auquel on aurait reconnu davantage quelque merite, si son honorabilit6 person- ndle avait e~t6 irr^prochable, sir Everard Home, a donne", de 1814 a 1828, une suite de me"moires sur differentes parties de 1'organisation des animaux, entre autres des descriptions et des 1 Philosophic anatomique, 1818. Memoires du Museum, t. IX et X. Annales des Sciences naturelles, 1824, etc. BLANCHARD. 3 34 HISTOIRE GENERALE DES POISSONS. figures de 1'appareil alimentaire d'un assez grand nombre de Poissons, et des observations plus ou moins etendues sur leurs autres visceres 4 . Mais c'est surtout a Henri Rathke que la science est redevable des recherches les plus importantes sur 1'appareil digestif et les organes de la reproduction des princi- paux representants de cette classe du Regne animal, ainsi que sur le foie, I'oreillette du co3ur, etc. 2 . Des observations sur quelques points du systeme nerveux par le professeur Weber 3 ; des recherches sur le meme appareil organique, eten particulier sur 1'encephale, dues a M. Serres *, a Magendie et Desmoulins 5 ; une etude comparative de I'ceil par Sommering 6 ; d'autres investigations encore, portant sur des points speciaux de 1'organisme des Poissons, enrichissaient richthyologie de la connaissance de faits precis. Dans le meme temps, de nouvelles etudes osteologiques etaient mises au jour par deux savants hollandais, Van der Hoeven 7 et Bakker 8 . M. Garus, de Dresde, publiait un atlas remarquable contenant des figures des principaux organes des Poissons 9 . <4 1 Everard Home, n6 en 1756, mort en 1832. Lectures on comparative Anatomy. 8 Martin Heinrich Rathke, n6 en 1793, professeur a Koenigsberg, morl en 1860. Mtmoires de la Socie'te des naturalistes de Dantzig, t. I, 1824. Meckel's Archiv fur Anatomic und Physiologic, 1826, et Annales des Sciences naturelles, t. IX, 1826. 3 Anatomia comparata nervi sympathici, in-8. Leipzig, 1817. 4 Anatomic compare du cerveau dans les quatre classes d'animaux verte- bres, t. I, 1824. 5 Anatomie du systeme nerveux des animaux a vertebres, 1825. 6 De oculorum hominis animaliumque seclione horizontali Commentatio, in-fol. Gottingen, 1818. 7 Dissertaliophilosophicainavguralisde see /e/oFjsczum,in-8.Leyde, 1822. 8 Osteographia Piscium, in-8. Groningue, 1822. 9 Tabulce anatomiam comparatam illustrantes, 1828-1813. COMMENCEMENT DU XlX e SlfiCLE. 33 D'un autre cote , de 1821 5, 1828 , un anatomiste celebre de 1'Allemagne, Meckel, dont 1'ouvrage a ete- traduit en fran- c,ais, s'attachait a resumer dans un traite d'anatomie comparee ce qui etait acquis a la science relativement a 1'organisation des animaux par tons les travaux executes depuis la publication de 1'ouvrage de Guvier, qu'il avait pris pour modele, sans manquer d'yjoindre ce qu'il devaita sespropres observations 1 . Les premiers qui abordent un sujet se contentent en general de 1'examen des choses les plus apparentes ; mais lorsque le sujet a ete etudie dans le plus grand nombre de ses parties, ce que 1'on a neglige d'explorera cause d'une difficulte exceptionnelle, seduit par 1'espoir de decouvertes importantes ceux qui viennent les derniers. On etait arrive a connaltre deja d'une maniere assez satisfaisante les differents appareils organiques des Pois- sons, et 1'on ne savait presque rien touchant leurs vaisseaux lymphatiques. Un habile anatomiste, Fohmann, combla cette lacune en homme de talent 2 . La theorie de la constitution du squelette, contre laquelle ve- naient se briser tant d'efforts, ne pouvait cesser d'inqui^ter les naturalistes. En 1828, le professeur Garus exposait a cet 6gard ses vues particulieres, vues assez eloignees de celles de ses pre- d^cesseurs 3 . Bien d'autres tentatives du meme genre se pro- duiront dans la suite, et la question restera neanmoins toujours susceptible d'etre discutee. Une foule de notions importantes sur 1'organisation des Pois- J. F. Meckel, professeur 4 Halle, mort en 1833. Traite gtntral d'anatomie compare, 1828-1838. 2 Fohmann, n6 en 1794, mort en 1837. Systems lymphatique dans les animaux vertebres, in-fol. Leipzig et Heidelberg, 1827. 3 Ueber die Urtheilen des Knochen-und Schalengerustes, in-fol. Leipzig, 1828. 36 HISTOIRE GENERALE DES POISSONS. sons avaient 6te* ainsi acquises successivement, et ces notions allaient permettre aux zoologistes de mieux apprecier les formes typiques et les rapports naturels d'etres dont la divcrsite est extreme. On en e"tait Tenu a envisager 1'etude des animaux sous les points de yue les plus Sieves. Les classifications, les descriptions des formes exterieures des especes, les details sur leursejour habituel, n'etaient plus desormais 1'histoire des ani- maux, si les caracteres organiques n'etaient particulierement pris en consideration. Pendant la premiere periode du siecle actuel, pendant que les anatomistes exe"cutaient ces laborieuses recherches qui dans un tres-court espace de temps avaient change la face d'une science ; des voyageurs exploraient la plupart des regions du monde, enrichissant les musees de leurs abondantes recoltes et e"tendant de la sorte, dans des proportions enormes, le dc- maine de 1'Ichthyologie. Mais les resultats de ces lointaines ex- plorations n'6tant pas de ceux qui ont profile an sujet restreint dont nous avons k nous occuper dans ce livre, nous devons re- noncer a en faire Enumeration. Durant une suite d'annees assez longue, les observations sur les Poissons d'Europe, et en particulier sur ceux des eaux douces, devinrent assez rares. N6anmoins, en Angleterre, Donovan avait public une histoire des Poissons de la Grande-Bretagne, un naturaliste de Geneve, Jurine, une histoire des Poissons du lac Leman,madame Bow- dich, un ouvrage sur les Poissons d'eau douce de 1'Angleterre. Les travaux qui avaient revele de nombreux faits touchant la conformation int^rieure des Poissons, permettant de mieux sai- sir les rapports naturels, les degres de parente" existant entre ces ^tres, le d6sir de presenter de meilleures classifications que celles des auteurs du dix-huitieme siecle, ne pouvait manquer COMMENCEMENT DU XIX e SIECLE. 37 de se produire. On ne tira pas cependant, de suite, tout le parti possible de cet avantage. Dumeril avait surtout tente de donner la clart6 a la classification de Lacepede et avait imagine, pour les ordres et les families, line nomenclature dont il est reste le possesseur. Unzoologiste, Franc.ais d'origine, devenu Sicilien, Rafinesque 4 , avait modifie a certains 6gards et sans trop de * ;-..X bonheur, les groupements de Lacepede. De Blainville, souvent heureux appreciateur des affinit^s zoologiques, avait propose aussi une classification des Poissons, mais ce n'est pas dans ce travail qu'il eut le plus de succes. L'idee principale consistait dans la caracterisation d'apres le mode d 'implantation des dents, des deux grandes divisions primaires qui correspondent aux osseux et aux cartilagineux des precedents auteurs. Guvier connaissait deja beaucoup mieux son sujet que ses contempo- rains, lorsqueen 1817, il publia son Regne animal ; aussi, per- fectionna-t-il d'une maniere tres-sensible les circonscriptions et les caracterisations des differents groupes. Enfin, de nou- veaux essais, entrepris dans le meme but, par Goldfuss 2 , par Risso de Nice 3 , furent sans influence sur la marche de la science, parce que ces auteurs n'6taient pas suffisamment eclai- r6s sur tous les points de la structure des etres qu'ils s'effor- c.aient de classer, parce que, tres-pr6occupes d'introduire des noms nouveaux, en general fort inutiles, ils n'etaient pas guides par des vues d'un ordre bien elev6. Une phase nouvelle se dessine pour llchthyologie ; phase marquee par 1'apparition en 1828, des premiers volumes d'une 1 Mort aux Etats-Unis, en 1840. * Ne en 1782, professeur A 1'Universite de Bonn, mort en 1848. Handbuch der Zoologie, Bd. II, 1820. 3 N6 en 1777, mort en 1845. 38 HISTOIRE GENERALE DES POISSO.NS. histoire generate des Poissons de Cuvier qui, pour 1'execution d'une CBtwre aussi vaste, s'est adjoint comme collaborates un savant zoologiste, M. Valenciennes. Le plan de 1'ouvrage est trwc6 a'une maniere large, digne de 1'homme eminent qui 1'a conc,u. II s'agissait de faire connaitre avec la plus rigoureuse precision tous les Poissons recueillis, deja ei cette 6poque, en nombre immense par le monde entier. Les auteurs se proposaient ainsi de donner des descriptions de- taillees de 1'ensemble des caracteres ext^rieurs des especes, des indications sur les particularites les plus remarquables de leurs organes internes, des apergus sur leurs habitudes, sur leur dis- tribution geographique, sur les ressources qu'elles fournissent aux populations comme denree alimentaire, enfin, des rensei- gnements sur les ecrits concernant les Poissons qui avaientdeja 6t6 enregistres dans les inventaires de la nature. Girvier, cet esprit toujours attache ei la poursuite de la verite et de la clarte dans 1'exposition, regardait comme particulierement essentiel, la definition nette des genres, des families, des ordres, par des caracteres veritablement communs k tous leurs representants. C'etait la une preoccupation bien serieuse quant h ses resul- tats ; car trop souvent, la caracteristique des groupes avait ete donn6e d'apres quelques especes, parfois d'apres une seule, et Ton pouvait ensuite s'etonner de Yoir placees dans le me'me groupe des especes auxquelles la caracteristique assignee ne convenait en aucune fa^on. Ge plan eut aussitot un tres-beau commencement de reali- sation. Cuvier n'avait pas entendu traiter d'une classe d'ani- maux, sans avoir fait une etude appro fondie de 1'organisation de ces memes animaux ; aussi, le premier volume del'ouvrage qui debute par une histoire de I'lchthyologie est-il en grande partie COMMENCEMENT DU XIX e SIECLE. 39 consacre a une exposition des caracteres anatomiques des Pois- sons oil la Perche fluviatile est choisie comme exemple. Deux parties d'une m6me science, la zoologie descriptive et 1'anato- mie, ayant aux epoques precedentes suivi leur voie particu- liere, presque sans se toucher, etaient "venues se confondre. On ne cessera jamais d 'admirer Guvier pour la part immense qu'il a prise dans ce mouvement. UHistoire nature! le des Poissons de MM. Guvier et Valen- ciennes etait parvenue au huitieme volume, lorsquenotre grand naturaliste mourut en 1832. Son collaborateur continua le tra- vail qui etait en pleine voie d'execution. Pendant dix-sept an- nees, il employa tons ses efforts a le conduire a bonne fin ; malheureusement des circonstances vinrent 1'arreteren 1849, de sorte que 1'ouvrage est demeure inacheve 4 . Le progres que Guvier a fait faire a 1'Ichthyologie ; 1'influence que ses travaux relatifs a cette partie de la science ont exercee sur la direction des etudes ulterieures, sont immenses. Sa classifi- cation, son apergu general de 1'organisation des Poissons, ont 6te le point de depart des recherches qui se sont produites en si grand nombre depuis trente-cinq ans. Sa classification est loin d'etre parfaite; personnen'en etait mieux persuade que lui-meme, mais elle marque une ameliora- tion .prodigieuse sur celles qui 1'avaient precedee, car on y trouve, pour la premiere fois, une definition precise desgrou- pes. Ses investigations anatomiques ne s'etendent pas sans doute a tous les details, mais elles forment deja un ensemble fort remarquable, ou Ton admire, encore ce caractere de pr6- cision, de clarte, qui se montre a un si haut degre dans toutes 1 Vingt-deux volumes de cet ouvrage ont ainsi et6 publics de 1828 a 1849. 40 HISTOIRE GENERALE DES POISSONS. les oeuvres du grand naturaliste. Dans Fimpossibilite d'etudier tout 1'organisme chez beaucoup d'especes ; pour atteindre plus surement son but, il avait choisi un type en particulier (la Per- che de riviere), afin de pouvoir decrire tous les organes dans le me'me animal et employer ses observations moins completes sur les autres repre"sentants de la classe, a fournir des termes de comparaison. A ce tableau, il faut aj outer que les descriptions exactes de VHistoire naturelle des Poissons, avancerent considerable- ment la connaissance des especes de toutes les regions du monde. La part de Cuvier dans le developpement de cette science qu'on appelle 1'Ichthyologie, a done en realite une im- portance hors ligne. 5. Des etudes sur les Poissons depuis la mort de Guvier jusqu'au moment actuel. . - Les travaux sur les Poissons se sont singulierement multi- plies durant la periode qui s'etend .de l'e"poque de la mort de Guvier au moment actuel. Nous n'entreprendrons pas d'en faire remuneration complete ; un grand nombre de ces travaux portant sur des points tres-speciaux peuvent etre negliges dans un simple aperc.u historique. II nous suffira de donner une idee des recherches qui ont eu pour resultats, soit des vues particu- lieres d'une certaine portee, soit la connaissance de faits nou- veaux. Depuis un temps qui n'est pas encore fort eloigne, on a fait de grands efforts pour decouvrir, & 1'aide du microscope, la structure intime de la plupart des tissus organiques. Les tegu- ments des Poissons et particulierement leurs ecailles, sont ainsi SECONDE PERIODE DU XIX e SIECLE. 41 devenus le sujet des investigations de MM. Agassiz *, Mandl 2 , Peters 3 , etc. ' De nouvelles recherches sur 1'osteologie des Poissons ont ete entreprises ; de nouvelles appreciations relatives a la constitu- tion du squelette de ces animaux ont et6 produites, par Hall- mann 4 , Reichert 5 , Kostlin 6 , en Allemagne ; Jacobson 7 , en Suede ; M. Hollard 8 , en France. Le plus eminent zoologiste de 1'Angleterre, M. Richard Owen, a contribue d'une maniere bien sensible auxprogres de I'lchthyologie. Par ses grands travaux sur la composition fon- damentale du squelette des animaux vertebres, ce savant a r6ussi alaire apprecier exJctemnt la nature de certaines pieces de la charpente solide des Poissons, et a 1'egard du mode de cons- titution des vertebres de la te"te osseuse, il nous parait avoir plus approche de la verite que les autres naturalistes qui ont traite le me* me sujet 9 . Par de belles recherches sur la struc- ture des dents, M. Owen a mis en lumiere line foule de faits 1 Recherches sur les Poissons fossiles et Annalcs des Sciences natu: elks, 2 e s^rie, t. XIII, p. 58, et t. XIV, p. 97. 1840. 2 Annales des Sciences naturelles, 2 e s6rie, t. XII, p. 337; t. XII, p. 62. 1839-1840. 3 Miiller's Archiv fur Anatomic und Physiologic, p. 119. 1841. 4 Vergleichende Osteologie des Schlcefenbeines . Hanovre, 1837. 5 Vergleich. Entwickelungsgeschichte des Kopfes der nachten Reptilien. Konigsberg, 1838. 6 Der Ban des Knochernen Kopfes in den vier Klassen der Wirbelthiere. Stuttgart, 1844. 7 Forhandlingar vidde Skandinaviske Naturforskarnes, 1842-, et Miiller's Archiv, 1844, p. 36. 8 Annales des Sciences naturelles, t. XX, p. 71, 1853; t. VII, p. 121, 1857; t. VIII, p. 275, 1857; t. XIII, p. 1, 1860; t. II, p. 5 et 242, 1864. 9 Voir surtout Principes d'anatomie comparee ou Recherches sur /' Arche- type. Paris, 1 855. 42 HISTOIRE GENERALE DES POISSOXS. precieux pour la science, car ils revelent, pour les especes de chaque groupe, des particularites utiles, soit pour les distinc- tions entre les divisions zoologiques, soit pour la determination des especes fossiles *. L'etude du systeme nerveux des Poissons n'a pas cesse d'etre poursuivie, sans cependant avoir encore a beaucoup pres fourni tous les resultats les plus desirables sur ce point. On pent citer plus specialement des observations importantes sur le cerveau, dues a un naturaliste danois, M. Gottsche 2 , des recherches assez considerables de M. Stannius, le professeur de 1'univer- sit6 de Rostock 3 , des investigations sur la structure de la moelle epiniere par M. Owsjannikow 4 . Les organes des sens ont aussi ete examines sous certains rapports avec plus de spin qu'on ne 1'avait fait anterieurement, par Breschet, Krieger, Steifensand, Gottsche, etc. De nombreux details sur 1'appareil alimentaire ont ete con- signes par M. Valenciennes, par MM. Brandt et Ratzeburg 5 , sur les differentes glandes par Rathke 6 , par Steenstra Tous- saint 7 , parM. Hyrtl 8 . L'appareil respiratoire des Poissons, si remarquable par sa structure, si interessant dans ses modifications suivant les types, 1 Odontography . London, 1840. * Muller's Archiv, 1835, p. 244 et 433. 3 Das peripherisc lie Nervensy stem der Fisclie. Rostock, 1849. 4 Disquisitiones anatomicce de medullce spinalit textura imprimis in Pis- cib.us. Dorpat, 1854. 8 J. F. Brandt et Ratzeburg, Medizinische Zoologie. Berlin, 1829-33, 2 vol. in-4. 6 Muller's A rchiv, 1837. 7 Descriplio anatomica organorum urinam secernentium in Piscibus. Groningue, 1834. 8 Memoiresde V Academic de Vienne, t. I, 1850, t. II, 1852; t. VIII, 1854. SECONDE P^RIODE DU XIX e SIECLE. 43 a donne lieu a divers travaux importants, parmi lesquels se dis- tinguent ceux de Rathke *, de M. Lereboullet 2 , (jl'Alessan- drini 3 , de M. Williams 4 . Surla vessie natatoire, on a acquis beaucoup de notions nou- velles depuis une trentaine d'annees. Au point de vue de la con- formation organique, on pourrait citer des observations nom- breuses 5 ; an point de vue physiologique, les resultats des exp6- riences de M. Arm and Moreau 6 . Pour 1'appareil de la circulation du sang, des investigations en general limitees a certaines parties ont et6 faites chez differents types de la classe des Poissons 7 . Les recherches sur 1'ensemble de 1'organisation d'un type, reclamantim labeur immense, se produisent toujours en nom- bre beaucoup plus restreint que les etudes ayant pour objet soit un seul organe, soit un seul appareil organique ; cependant nous avons a mentionner comme exemple de ces investigations generates, 1'anatomie des Salmones par MM. Vogt et Agassiz 8 . Ge n'est pas tout encore. II est un magnifique faisceau de connaissances sur 1'organisation des Poissons que Ton doit & un 1 Anatomisch-philosophische Untersuchungen uberdenKiemenapparatund Jas zungenbein der Wirbelthiere. Riga, 1832. 2 Anatomic de V appareil respiratoire dans les animaux verttbres. 1838. 3 Commentationes Academice scientiarum Institute Bononiensis, t. Ill, p. 363. 1839. * Todd's Cyclopaedia of Anatomy and Physiology. Supplement, p. 286. 5 Voir Jacobi, Dissertatio de vesica aerea Piscium. Berolini, 1840. 6 Comptes rendus de I'Academie des Sciences, t. LVI, p. 629^ 1863. 7 Duvernoy, Annales des Sciences naturelles, 2 e s6rie, t. VIII; p. 35. 1837. Hyrtl, Medicinische Jarhbucher des ostreischischen Staates, t. XV. 1838. Brucke, Denkschriften der Akademie der Wissenschaften zu Wien, t. III. 1852, etc. 8 Memoir -es de la Societe des Sciences nalurelles de Neitfchdtel, t. III. 1845. 44 HIST01RE GENERALE DES P01SSO.NS. auteur moderne, Jean Miiller, le celebre professeur de Berlin l . Les "travaux de ce naturaliste, executes avec une perfection pen ordinaire, portent 1'empreinte d'une haute conception. On y remarque dans 1'exposition, une clart6 et une precision qu'on trouve rarement dans les ceuvres des savants de I'Allemagne. J. Miiller, ne a Goblentz, parait avoir senti de pres le souffle qui vient d'Occident. On le voit a differentes epoques de sa vie mo- difier la direction de ses etudes, appr6ciant avec une rare saga- cit6 de quel cote il est le plus utile de se porter [pour realiser un ^rogres. Adonne" plus specialement & la physiologic de 1'homme, pendant ses jeunes annees, J. Miiller mettra au jour un Traite de physiologie qui compte parmi les livres les plus rc- commandables 2 . Le champ restreint oul'on peut experimenter pour reconnaltre directement les fonctions des organes, en agis- sant sur un petit nombre d'especes, semble lui avoir bientot paru etroit. II ne tarde pas a se consacrerentierement a des inves- tigations approfondies sur 1'organisation des animaux les plus curieux, sur le developpement de certains types remarquable- ment caracterises. Mais nous n'avons pas a, examiner ici le brillant ensemble des travaux de 1'eminent naturaliste ; nous devons indiquer seulement la part considerable qu'il a prise aux progres del'Ichthyologie. Pour cette partie de la Zoologie, J. Miiller a enrichi la science de 1'une des plus belles monographies.qui aient jamais -et6 exe- cut6es. Le type choisi est un animal marin (le Myxine gluti- 1 Jean Miiller, n6 4 Coblentz, le 14 juillet 180J, professeur d'ana- tomie et de physiologie a l'Universit6 de Berlin, membre de 1'Acade- mie royale des Sciences de cette ville, correspondant de 1'Institut de France, etc., mort a Berlin, le 28 avril 1858. 2 Miiller, Manuel de physiologie, traduit de 1'allemand, par A. J. L. Jourdan, 2 e Edition. Paris, 1851. SECONDE PERIODE DU XIX e SIECLE. 4,'i nosd) appartcnant a la m6me grande division naturelle que les Lamproies, et 1'etude de ce type est accompagnee de nom- breuses observations destinies a fournir des termes de compa- raison qui ont eclaire plusieurs points de la structure des prin- cipaux representants de la classe des Poissons, en me" me temps qu'ils ont donne a 1'auteur le moyen de s'elever a des conside- rations generales *. Les recherches de J. Miiller se sont elendues, en outre, aux reseaux admirables, arteriels et veineux, de 1'organe hepatique duThon 2 , a 1'organisation et aux fonctions des fausses bran- chies 3 , a la vessie natatoire *, aux organes sexuels des Plagio- stomes 5 , a 1'organisation des GanoTdes 6 , a la voix des Pois- sons 7 , etc. Nous avons deja eu 1'occasion de voir que des 6tres d'une organisation tres-speciale excitentd'ordinaire an plus haut degre 1'interet des investigateurs qui esperent a bon droit y troirver un champ de decouvertes. De nouveaux exemples sont aciter. II y a de \ingt a vingt-cinq ans, un type ayant a la fois des bran- chies comme un Poisson, et des poumons comme un Batracien, etablissant ainsi un lien veritable entre deux classes d'animaux 1 Anatomic der Myxinoiden, etc., in Physikalische Abhandlungen der Koniglichen Akademie der Wissenschaften zu Berlin (Mem. de I' Academic ties Sciences de Berlin), pour 1834, 1836, 1837, 1838, 1839, 1843 et 1845. * Memoires de I' Academic de Berlin pour 1835 et 1837 , en commun avec Eschricht. s Comptes rendus de I' Academic des Sciences, t. X, p. 422, 1840, et Mul- ler's Arrhiv, 1841, p. 263. * Miiller's Archiv, 1842, p. 307. 5 J6zd.,p. 414. 6 Memoires de I' Academic de Berlin pour 1844, p. 117. 1846. 7 Miiller's Archiv, 1857, p. 219. 46 HISTOIRE GENERALE DES POISSOXS. vertebres, le genre Lepidosiren 4 , devint le sujet d'etudes par- ticulieres de la part de M. Owen de Londres 2 , de M. Bischoff de Munich 3 , de M. Peters de Berlin *, de M. Hyrtl de Vienne 5 . D'autre part, un Poisson d'une organisation relativement si imparfaite, que Pallas, 1'im des plus savants zoologistes du siecle dernier, 1'avait pris pour une limace, avait ete recemment observe, apres etre rest6 longtemps completement oublie des naturalistes. Get animal, connu sous le nom d'Amphioxus, a ete 1'objet des recherches successives de M. Costa a Naples, de Yarrell et de M. Goodsir en Angleterre, de M. Retzius en Suede, de Rathke, de JeanMiiller, de Kollikeren Allemagne, de M. de Quatrefages en France 6 , d'autres encore. Une des voies les plus profitables a la science dans lesquelles se soient engages les naturalistes du dix-neuvieme siecle est 1'etude du developpement embryonnaire. Ges etudes, toujours fort longues et souvent fort difficiles, ont donne des resultats d'une haute importance an point de vue de la physiologic gene- rale comme au point de vue de la philosophic de la science. Elles ont deja fourni sur les relations naturelles des animaux, des lu- mieres qui n'avaient pas ete obtenues par les recherches sur les 1 Les L6pidosirens regards comme appartenant a la classe des Batra- ciens, par plusieurs naturalistes, sont aujourd'hui consid6r6s comme fles Poissons par le plus grand nombre des zoologistes. 2 Transactions of the Linnean Society. 1839. 3 Lepidosiren paradoxa, Anatomisch untersucht und beschrieben, in-4. Leipzig, 1840. * Miiller's Archiv, p. i, 1845. 5 Lepidosiren paradoxa, Monographic, in-4. Prague, 1843. 6 Voir le Memoire de M. de Quatrefages qui contient une e'nume'ra- tion des travaux anterieurs. Annales des Sciences naturelles, 2 e s6rie, t. IV, p. 197. 1845, SECONDE PERIODE DU XIX" SIECLE. 47 adultes. Par suite de la constatation de ce grand fait, que les etres se ressemblent d'autant plus que leur developpement est moins avance, on a pu saisir des rapports 6vidents entre des types que Ton pensait etre extremement eloignes par les ca- racteres de leur organisation. Gette voie d'investigation dejh si feconde, qui sans aucun doute deviendra bien plus feconde encore dans 1'avenir, com- menc,a h etre ouverte, de la maniere la plus brillante, par un professeur depuis longtemps celebre de 1'Universite de Saint- Petersbourg, M. Baer, et suivie aussitot avec un grand succes par Rathke, 1'habile naturaliste de Konigsberg dont le nom a deja ete cite dans cet aperc.ii historique. Les travaux particuliers sur le developpement embryonnaire des Poissons se sont succede rapidement depuis trente-cinq ans, de sorte qu'ils sont aujourd'hui assez nombreux. Nous mentionnerons ceux de Rathke *, de Baer 2 , de Rusconi 3 , de M. de Filippi 4 , de M. Vogt 5 , de Valentin 6 , de M. Lereboullet 7 . i Eniwickelungsgeschichte der Haifische und Bochen. Schriften der natur- forschenden Gesellschaft, in Danzig. Bd. II, i827. * Untersuchungen uber die Entwickelungsgeschichte der Fische, in-4. Leipzig, 1833. "Mutter's Archiv, 1836, p. 278. 4 Memoria sullo sviluppo del Ghiozzo d'acqua dolce. Milano, 1840. Giornale del Istituto lombardo, t. VI, 1845. Annales des Sciences natu- relles, 3 e serie, t. VIII, p. 117, 1847, etc. 5 Embryologie des Salmones, in Histoire naturelle des Poissons d'eau douce de I' Europe centrale, par Agassiz. Neufchatel, 1842. 6 Siebold und Kolliker's Zeitschrift fur Wissenschaftliche Zoologie, Bd. II, s. 257. 1850. 7 Recherches d'embryologie comparee sur le developpement du Brocket, de la Perche et de I'Ecrevisse, in-4, 1862 (Mem. des Savants Grangers a I'Aca- demie des Sciences, \ 862), et Recherches sur le developpement de la Truite, du Lizard et duLimnee, in-8, 1863. Annales des Sciences naturelles. '*> 48 HISTOIRE GENERALE DES POISSONS. Ne pouvant faire ici Enumeration complete de tons les tra- vaux plus ou moins importants qui, depuis trente annees, ont amene la connaissance d'une* foule de details relatifs a 1'organi- sation des Poissons, nous indiquerons enfin les ouvrages ou Ton trouveles citations toujours si necessairespour ceux qui, \milant s'engager dans la voie des recherches, ontbesoin de savoirde la faQon la plus exacte ce qui est deja acquis a la science. Pour ce qui concerne seulementla conformation des organes, le Manuel d'anatomie comparee de M. Stannius est fort utile a consulter pour les renseignements bibliographiques *. Mais au-dessus de tout, il y a le grand ouvrage de notre illustre zoo- logiste, M. Milne Edwards, qui sera pendant longtemps bien precieux pour les hommes d'etude 2 . M. Milne Edwards, re"su- mant avec 1'habilete consommee et la justesse d' appreciation d'un veritable maitre de la science, ce que Ton possede actuel- lement de connaissances sur les organes des etres et sur les fonctions de ces organes, a pris soin de citer en detail, avec la plus scrupuleuse exactitude, absolument tous les ecrits ou Ton rencontre quelque observation originale, quelque opinion d'une certaine portee. A c6te des travaux relatifs a 1'organisation et au developpe- ment des Poissons vivants, il s'en est produit d'autres sur les Poissons des epoques geologiques. Une des conquetes les plus brillantes pour les sciences natu- relles, accomplie pendant la premiere periode du dix-neuvieme 1 Stannius und Siebold, Lehrbuch der vergleichenden Anatomic. Ber- lin, 1846-48. Manuel d' anatomic comparee, traduit de 1'allemand, par MM. Spring et Lacordaire. 3 vol. Handbuch der Zootomie. Berlin, 1854. 2 Milne Edwards, Leyons sur la physiologic el I'anatomie comparee de I'lwmme et des animaux. Paris, 1857-65. T. I a VIII. SECONDE PfiRIODE DU XlX e SlfiCLE. 49 siecle, est celle qui a procure cet admirable faisceau de connais- .sances sur les etres qui vivaient aux epoques anterieures a cclle du monde actuel. Cuvier, ce fondateur de,,la paleontologie, avait, par ses savantes etudes, fait revivre en quelque sorte, une foule des especes appartenant aux premiers ages de la Jerre ; mais, dans cet immense travail, nofcre grand zoologiste n'avait ** pu parcourir en entierla carriere qu'il avait mesuree du regard, en trac,ant le plan d'une ceuvre gigantesque. II s'etait arrete, apres avoir execute une serie magnifique de mcmoires sur les Mammiferes et sur les Reptiles. Les Poissons restaient a etudier, et Ton savait que leurs debris etaient en nombre fort considerable dans diverses couches de la terre. Un naturaliste, qui s'est acquis a juste titre une haute reputation, M. Agassiz, conc,ut la pensee de completer 1'oeuvre de Cuvier par 1'etude des Poissons fos- jjes. Les travaux de M. Agassiz, avec 1'interet attache a la nstatation des formes ichthyologiques qui avaient exist6 aux differentes periodes geologiques, devaient conduireaperfection- ner la science ehtiere al'egarddes Poissons. Ge qui a echappe a la destruction, ce sont des os ou leurs empreintes, des dents, des ecailles ou des pieces cutanees ossifiees. La comparaison de ces parties ne pouvait manquer dejeter dujour sur les rela- tions naturelles des types et d'amener la connaissance de formes particulieres n'ayant plus de representants dans le monde ac- tuel, capables ainsi de fournir des elements propres a 6clairer sur la nature de certaines modifications dans les caracteres de plusicurs groupes de Poissons. G'estde la sorte que les recher- ches de.JM. Agassiz ont revele 1'existence , aux epoques geolo- giques, do nombreux Poissons (les Ganoi'des) seulement reprc- sentes dans nos faunes actuelles par quelques especes isolee?. C'est dela sorte que M. Agassiz, ayant recours, pour la deter- Bl.ANCHARD. 4 80 HISTOIRE GfiNERALE DES POISSOXS. mination des especes fossiles, aux ecailles, fut conduit a exami- ner ces pieces dont on s'etait trop pen occupe avant lui, a montrer le parti avantageux que la Zoologie et la Paleontologie pouvaient en tirer, en exagerant neanmoins 1'importance des caract&res fournis par ces organes *. Des travaux particuliers ont ete publics d'autre part sur les Poissons fossiles, par M. Pictet, de Geneve, M. Troschel, lepro- fesseur de 1'Universite de Bonn, Heckel de Vienne, M. Leidy de PhiladelfHrie, Andreas Wagner de Munich, etc. Tant de recherches sur 1'organisation des aniraaux d'une classe entiere ; tant d'etudes sur les especes eteintes appartenant a cette meme classe, devaient faire surgir bien des vues nouvelles sur la classification. Les vues les plus importantes a cet egard, produites dans la science deptiis la mort de Guvier, sont dues encore a M. Agassiz 2 et a Jean Miiller :} . Pendant la periode comprenant les trente dernieres annees ecoulees, de nombreux zoologistes se sont attaches avec predi- lection a decrire exactement les Poissons des differentes regions du globe. La liste des travaux de ce genre est immense etne sauraitici trouver sa place. Nous devons nous borneramen- tionner les ecrits ayant pour but de faire connaitre la faune de diverses regions de la France et les faunes de certaines parties de 1'Europe qui rcssemblent trop a cclle de notre pays pour qu'on puisse s'occuper de 1'une sans s'occuper des autres. Dans nos departements, plusieurs naturalistes ont dresso 1'inventaire des animaux de leur contree. It " 1 Recherches sur les Poissons fossiles. NeufcMtel, 1833-45, 5vol. in-4 ct Atlas de 394 pi. 2 TheEdinburg'snewphilosophicalJournal, vol. XVIII, p. 176. 1834-3o. 3 Annales des Sciences naturelles, 3 e s6rie, t. IV, p. i. 1845. SECONDE PERIODE DU XIX" SIECLE. * -ii Vallot, de Dijon, s'est occupe des Poissons de la Gote-d'Or ' l ; Fournel et Holandre ont decrit ceux de la Moselle 2 ; M. Mau- duyt, ceux de la Vienne 3 ; M. Ernest Laporte, ceux de la Gi- ronde 4 ; M. Anjubault, ceuxdu departement de la Sarthe 5 ; , M. Godron a enumere les especes de la Lorraine 6 . Parmi les publications dues a des naturalistes Grangers qui sont d'un interet general pour la connaissance des Poissons des differentes parties de 1'Europe , nous avons des etudes de M. Agassiz sur les Gyprins 7 ; V Iconographie de la faune ita- lienne 8 , et le Catalogue des Poissons d 'Europe, par le prince Charles Bonaparte 9 ; un ouvrage d'une fort belle execution sur les Poissons de la Grande-Bretagne, par Yarrell 10 ; des observa- tions sur les Poissons de la Russie meridionale , par M. Nord- mann u ; une etude de la faune de Belgique, par M. de Selys- Longchamps 12 ; des travaux, de MM. Fries et Ekstrom sur les Poissons de la Scandinavie 13 ; de M. de Filippi sur les Poissons I Ichthyologie fran$ aise. (Memoires de I'Academie de Dijon, 1836 et 1850). 2 Fournel, Faune de la Moselle, 1836. Holandre, Faune de la Moselle, JB36. 3 Tableau mcthodique et descriptif des Poissons de la Vienne, 1853. 4 Histoire naturelle des Poissons qui se trouvent dans le departement de la Gironde. 1856. 5 Revue des Poissons qui habitent le departement de la Sarthe. Mem. de la Soc. d'Agric. sciences et arts de la Sarthe. T. I, 1855. 6 Godron, Zoologie de la Lorraine. Nancy, 1863. ''Memoires de la Societe des Sciences naturelles de Neufc/idtel, t. I, p. 33, 1835, etc. 8 Iconografta della fauna d'ltalia. 1834-1842. 9 Catalogo metodico dei Pesci di Europa. Napoli, 1848. 10 History of the Fishes of the Great- Britain. 1836. II voyage dans la Russie meridionale, sous la direction de M. le comte Demidoff. 1839. 12 Faune de Belgique. 1842. 13 SkandinaviensFiskar. Stockholm, 1836-1840. 52 H1STOIRK GEXERALE DES POISSONS. d'eau douce de la Lombardie 1 ; de M. Kroyer sur les especes de la Scandinavie 2 ; sur les Poissons du Bodensee , en Baviere, parM. Rapp 3 ; sur les Poissons du Neckar, par M. Giinther * ; divers memoires de Heckel, et surtout la faune des Poissons d'eau douce de 1'empire d'Autriche, par Heckel et Kner 5 ; une monographic des Gyprinides de la Livonie, par M. Dybowski 6 ; un bel ouvrage sur les Poissons de 1'Europe centrale, par M. de Siebold 7 , etc. A ce tableau, il faut aj outer que, depuis une quinzaine d'an- nees, une foule" e de publications ont ete mises au jour, sur les moyens de propager les Poissons, d'empoissonner les rivieres et les etangs, en un mot, sur cette application de la science a 1'in- dustrie qu'on appelle aujourd'hui la pisciculture. On le voit, c'est la un magnifique ensemble de recherches. Nous aliens maintenant en resumer les resultats les plus impor- tants. On comprendra alors combien les investigations doivent etre nombreuses encore avant que la science soit pres d'etre jugee a peu pres complete. 6. Des caracteres qui distinguent les Poissons des autres groupes du Regiie animal. Aujourd'hui, par suite de la diffusio^des connaissances scientifiques el^mentaires, il est peu de pffsonnes qui ne sa- chent distinguer un Poisson de tout animal d'une autre classe. 1 Pesci di acqua dolce. Milano, 1844. s Danmarks Fiske. Kjobenhavin, 1838-185^. 3 Fische aus dem Bodensee. 1854. * Fische des Neckars. 1853. 5 Die Sfisswasserfische der Oestreichischen Monarchic. Vienne, 1858. 6 Versucheiner Monographic der Cyprinoiden Livlands. 1862. 7 Die Sussu-asscrfische der Mittel-Enropa. 1863. CARACTERES DISTINCT1FS. 53 Les caracteres generaux que presentent les Poissons, sont en effet assez remarquables pour etre reconnus sans un grand effort. Les Poissons sont les animaux vertebras a sang froid, orga- nises pour vivre dans 1'eau et pour respirer par 1'intermediaire de ce liquide. Us ont des formes extremement \ariees. II y en aqui sont arrondis ; d'autres qui sont allonges et presque cylindriques comme des Serpents (les Anguilles, par exemple). Mais parmi eux, la forme oblongue, comprimee lateralement, attenuee aux deux extremites et surtout a rextremite posterieure, est la plus ordinaire. Chez- tous neanmoins, quelle que soit leur forme generate, la t6te est en continuite avec le tronc; il n'y a aucun retrecissement semblable au cou des Mammiferes, des Oiseaux ou des Reptiles. Un caractere tres-ordinaire chez ces animaux, mais qui est loin cependant d'etre commun a toutes les especes, consiste dans la presence d'ecailles sur le corps. Les Poissons conformes essentiellement pour la natation, plonges dans un liquide presque aussi lourd qu'eux-memes, ont des organes de locomotion reduits a des proportions tres- mediocres. Les parties correspondantes .--^iix membres ante- rieurs et posterieurs des Vertebres a sang chaud, sont pen d6- veloppees et plus ou moinaj, comp!6tement cachees sous les teguments ; les mains et les pieds sont representes par des tiges *fiftL i greles, habituellement assignees sous le nom de rayons, qui soutiennent une membrane; ce sont les nageoires. Celles qui > repondent aux membres anteneurs portent le nom de pecto- rales ; celles qui repondent aux membres posterieurs, le nom de ventrales. En outre, des rayons fixes a des os particuliers, o4 H1STOIRE GJ-:: NERALE DES POISSONS. places tantot sur les apophyses des vertebres, tantot entre ces vertebres soutiennent des nageoires verticales. II y en a qui s'elevent sur le dos et qu'on appelle les nageoires dorsales ; il y en a une autre, attachee a la face inferieure du corps, en ar- riere de I'orifice anal, qu'on nomme la nageoire anale; une enfin, situee au bout de la queue, qui est la nageoire caudale. Dans un grand nombre d'exemples, on observe 1'absence d'un on de plusieurs de ces organes locomoteurs. Mais les caracteres les plus importants des Poissons sont fournis par 1'appareil respiratoire et par 1'appareil de la cir- culation du.sang. L'appareil respiratoire est constitue par des branchies placees sur les cote^de la partie posterieure de la tete. Ces branchies formees de lamelles traversees par d'innombrables vaisseaux sanguins et attachees a des arceaux fixes a 1'os hyo'ide et quel- quefois simplement adherentes a la peau, recoivent 1'eau qui est introduite par la bouche e|jejetee au dehors par des orifices que 1'on appelle les owes. L'appareil circulatoire est egalement tres-caracteristique. Le cceur presente un seul ventricule et une seule oreillette re- pondant au ventricule droit et a 1'oreillette droite des Mammi- feres et des Oiseaux. Le sang, apres avoir respire dans les branchies, est ramene dans un tronc arteriel regnant sous la colonne vertebrale,*pour etre de la distribue h toutes les parties du corps, d'oii il revient au cceur en passant par les veines. 7. Des teguments. Les teguments presentent une extreme fariete dans la classe des Poissons. La peau est tou jours un tissu forme de fibres entre-croisees, les unesetantlongitudinales, les autres transver- TEGUMENTS. 55 sales, tissu tantot assez mince, tantot fort epais suivant les diffcrents types et meme suivant les differentes parties du corps, et tapisse inferieurement par une couche gelatineuse. L'epiderme est toujours une delicate membrane formee de cellules juxtaposees. Mais chez les Poissons, la peau est le plus souvent revetue d'ecailles ou de plaques osseuses. Ges ecailles que nous yoyons chez une infinite d'especes, superposees a la maniere des tuiles d'un toit, sont en partie renfermees dans des capsules, consti- tuees par des prolongements de la peau ; chacune d'elles etant en outre envelopp6e d'une tunique on membrane extremement mince, quelquefois garnie d'une substance d'un blanc d'a*rgent, comme nous aurons 1'occasion d'en voir des exemples. L'fes ecailles, quiont en general une assez grande resistance, offrent assez frequemment des 'corpuscules osseux dans leur epaisseur. Chez beaucoup de Poissons, la peau est protegee par des pla- ques completement ossifi^es. Les ecailles affectant des caracteres tres-varies suivant les types, les zoologistes n'ont pas manque de s'attacher euces ca- racteres pour 6tablir des distinctions entre des groupes plus ou moins etendus. Neanmoins le developpement et la structure intime de ces productions cutan6es n'ont pas encore ete etu- dies d'une maniere aussi parfaite qu'on pourrait le souhaiter. Les ecailles presentant des stries circulaires tres-nettes, 9 M. Agassiz apens6 que leur accroisseni|nt avait lieu par 1'ad- dition successive de nouvelles lames se deposant a 1'exterieur ; mais comme en compayant les ecailles des plus petits et des plus grands individus d'une m6me espece de Poisson, on s'a- perc.oit bien vite que le nombre des stries n'est pas moins considerable dans les premiers que dans les derniers , il 56 HISTOIRE GENERALE DES POISSONS. semble difficile de s'arreter a 1'opinion du celebre naturaliste. Les ecailles remplissent evidemment un role dans la fonction respiratoire ; role dont 1'importance doit varier dans ime assez large mesure suivant les types : il reste, a cet egard, des recherches a entreprendre. Le tissu des ecailles est tres-permeable a 1'eau ; c'est ce que nous avons constate, en plongeant suCcessivement de ces pieces protectrices de la, peau, dans deux dissolutions, de fac,on a obtenir^ un precipite d'une couleur vive. D'un autre cote, on remarque, notamment chez les Cyprinides, des ecailles tra\er- sces par des canaux dans lesquels 1'eau peut pcnetrer ; indice certain d'une respiration cutanee chez les Poissons. * Dans' ces animaux, on observe de chaque cote du corps, une file entiere d'ecailles portant une eminence allongee qui n'est autre chose que la paroi d'un tuyau. Cette rangee de petites saillies est toujours designee sous le nom de ligne laterals, et il en est question d'une maniere a peu pres constante dans les descriptions d'especes. Le tuyau ou canal de chaque ecaille de la ligne laterale, renferme un petit appareil, consistant en une sorte de glande secretant le mucus qui se r6pand a la surface du corps de 1'a- nimal. Dans les especes dont les ecailles sont tres-petites, les %4 glandes mucipares sont logees dans la peau ou elles se trouvent sou vent plus ou moins ramifiees. II en est de meme pour les Poissons dont la peau est completement nue, ou les conduits excreteurs des glandes forment egalement une ligne laterale indiquee par une suite de petits godets^.comme nous en trouverons chez quelques-uns de nos Poissons des eaux donees de la France. II n'est pas rare que de semblables orifices pour 1'evacuation du mucus destine^ a proteger la CHARPENTE SOLIDE. 57 pcau de 1'animal, ne se montrent aussi sur diffe rentes par- ties de la tete. 8. De la charpente solide des Poissons. Le squelette de ces animaux varie d'une mariiere remarqua- ble sousle rapport de la consistance. II est osseux chez les uns, cartilagineux chez lesautres, et 1'on salt quecette difference de texture a motive, pour un grand nombre de naturalistes, la sepa- ration des representants de la classe des Poissons en deux grou- pes principaux. An point de vue zoologique le caractere n'etait pourtant pas heureusement choisi, comme il est facile de s'en convaincre en s'arretant a la consideration de 1'ensemble des autres caracteres organiques. D'ailleurs, entre le tissu osseux et le tissu cartilagineux il existe beaucoup d'intermediaires. Lc tissu de la charpente du corps de l'animal pent etre fibro- cartilagineux. Parfois, la plus grande partie du squelette res- tant cartilagineuse, certaines pieces s'ossifient, et dans 1'etat plus ou moins avanc6 de 1'ossification, les divers types de la classe des Poissons pr6sentent tousles degres. On a vu prec6demment, combien avaient ete nombreux, com- bien avaient ete ardents, les efforts des zoologistes, pour par- venir a identifier les pieces du squelette des Poissons avec celles qui constituent la charpente solide des Vertebres supe>ieurs. A cet egard, des vues ingenieuses, des apergus pleins de justesse ont profite k la science, mais en me"me temps, des assertions lancees presque an hasard, bientot reconnues en contradiction avec les faits, ont contribue plus d'une fois a repandre des doutes sur la possibility d'arriver a des rcsultats susceptibles d'une complete demonstration, des doutes meme sur 1'existence 58 I1ISTOIRE GENERALE DES POISSOXS. A reelle de cette unite de plan fondamental, objet de taut de preoccupations. Tandis que la recherche des homologies * du squelette des Oiseaux et des Reptiles avec celui des Mammiferes n'amenait que des divergences d'opinion assez restreintes, il en 6tait au- j trement des qu il s'agissait des Poissons. II y a en effet pour ces derniers des difficultes infiniment plus considerables ; car ony troirve une modification immense de tout 1'organisme, destine a un genre de vie special ; des adaptations a des fonctions qui n'existent pas dans les autres classes du Regne animal ; une division extreme des pieces osseases de la tete, dont on n'a pu jt& se former une idee qu'en portant la comparaison sur les em- bryons des Vertebres superieurs ; enfin, la presence de pieces particulieres constitutes par une ossification de certaines par- ties du systeme cutane. Le guide des zoologistes dans cet ordre d'investigations a ete fourni essentiellement par les rapports des parties entre elles, ce qu'on a appelele principe des connexions; guide precieux, auquel on a ete redevable de resultats d'une grande portee, guide neanmoins insuffisant, et capable dans une foule de circonstances de conduire a 1'erreur. .vortement ou 1'amoindrissement de certaines pieces dont bnction perd de son importance on se modie ; le develop- pement excessif d'autres parties ayant rcgu de Ja nature une destination qu'elles n'ont pas dans les autres types du Regne 1 On emploie le nom d'homologie et de partie homologue pour designer I'ldentite" fondamentale d'un organe dans differents animaux dans toutes ses formes et dans toutes ses fonctions possibles, par opposition aux mots analogic et anctlogue qui s'appliquent au role, a la fonc- tion a pea pros semblable que peuvent presenter des organes diff^- rents. CHARPENTE SOLIDE. :>9 animal, changent fatalement les rapports, les connexions, si nous voulons employer le terme aujourd'hui consacre dans la science. De la, les embarras pour les investigateurs ; de la, les opinions contradictoires ; de la, les discussions interminables, parce que de chaque cote" on s'appuie sur un fait en negligeant les autres. Gependant, a force de multiplier les comparaisons, a force de suivre dans les differents genres les modifications de chaque piece, on est parvenu a fournir assez de preirves en faveur de la determination de beaucoup de parties du squelette des Poissons, pour que 1'accord se soit etabli sur plusieurs points. II n'en est pas ainsi pour toutes les pieces, et a 1'egard de quelques-unes d'entre elles particulierement, on voudrait, pour etre assure de leur veritable nature, acquerir des connaissances qui aujour- d'hui font encore defaut. On est heureusement en droit d'attendre de 1' observation, de nouveaux faits assez concluants, pour esperer la solution defi- nitive de ces" questions d'osteologie qui depuis soixante ans sont le sujet de tant d 'etudes et de tant de debats. Ge ne sont plus seulement les rapports des os entre eux qu'il s'agirait d'examiner. Les muscles qui prennent leurs attaches aux pieces solides devraient etre compares a ceux des Vertebres superieurs. Mais les modifications du systeme musculaire o tant encore fort imparfaitement appreciees, me'me dans la classe des Mammiferes, des recherches immenses sont necessaires, avant qu'on arrive a entrevoir un r6sultat applicable a la determina- tion -des< pieces du squelette. Ge n'est sans doute pas, au reste, a 1'aide de la consideration des muscles que Ton pan iendra le mieux a atteindre le but ; le mode de distribution des nerfs a une tout autre importance. Le systeme nerveux etant, de tous 60 HISTOIRE GENERALE DES POISSONS. les appareils organiques, celui qui dans chacune des grandes divisions zoologiques conserve partout au plus haut degre ses caracteres essentiels, le jour ou Ton aura constate rigoureuse- ment les origines et le trajet des nerfs dans quelques types de Poissons, ou Ton aura dans toutes les circonstances mieux re- connu par quelles ouvertures pratiquees dans les os du crane a lieu leur passage, on trouvera, dans les connexions des nerfs avec les os, un element de coraparaison qui dans 1'etat actuel est trop imparfait pour e"tre d'un grand secours. D'autre part, il s'agirait d'examiner le squelette des Poissons lorsqu'il est en voie de formation. Selon toute apparence, 1'e- tude des pieces osseuses pendant les diverses phases de leur de- veloppement conduira souvent a mettre en lumiere ce qui est reste incertain quand 1'observation a porte uniquement sur des animaux adultes. L'ideede cette recherche s'est deja manifested dans la science, mais c'est a peine s'il y a eu un commencement d' execution. Nous ne pouvons ici que donner une idee tres-generale du squelette des Poissons. Une description detaillee de toutes les pieces qui le composent, entrainant avec elle une discussion approfondie des opinions Smises au sujetde ces. pieces, aurait une etendue que ne comporte pas 1'objet de ce livre. Le squelette des Poissons offrant des differences fort consi- derables entre les principaux types, il est n6cessaire, pour ne ^M^k pas nuire a la clarte, de proceder par division. Les Poissons les plus importants par le nombre, ceux doat la charpente est oss&ise, seront ainsi pris cfcLbord pour exemple. On distingue dans le squelette de ces animaux : la tete, la charpente solide qui constitue la chambre respiratoire, le tronc se composant du corps et de la queue a\ee les na^eoires verti- m CHARPENTE SOLIDE. 01 cales du dos et de 1'anus ainsi que celle de la queue, les mem- bres qui sont les nageoires pectorales et \entrales. La tete offrant plus de parties mobiles que chez les autres Ver- tebra 1 s, elle semble se partager naturellement en plusieurs re- gions. Le crane, ou la boite cerebrale, apparait ainsi plus separe de la face que partout ailleurs. II est compose de pieces dont les rapports a\ec celles qui constituent le crane des Reptiles et des Oiseaux sont d'une entiere evidence. En dirigeant son examen de la tete osseuse, d'arriere en : avant, on reconnait a la base du crane une premiere zone ; 'est 1'occipital forme de quatre pieces principales ; 1'une basi- ire (basioccipital} ayant en arriere une facette articulaire correspondante a celle de la premiere vertebre, deux laterales (paroccipitatix) pourvues chacune d'une apophyse, et une su- perieure (suroccipital] completant le cercle. A ces pieces s'en ajoutent souvent deux accessoires (exoccipitaux] intercalees entre 1'occipital sup6rieur et les occipitaux lateraux dont elles sont un demembrement. En avant de 1'occipital se dessine, avec moins de nettete que la premiere, une seconde zone. Cellc-ci est constitute par un os impair et par trois os pairs. Le premier (basispheno'ide), fort etroit, insere au-devant du basioccipital, figure une sorte de pont & la partie inferieure du crane. De chaque cote, s'etend une piece (alispheno'ide^ aile temporale de Guvier),repondant a ce que Ton nomme en ana- tomic humaine, la granclc aile du sphenoi'de, et une autre piece contribuant avec le frontal posterieur a fournir la face articu- laire de 1'appareil palatin et tympanique. La voute de cette zone est formee par deux ou trois pieces (parietaux et interpa- rie'tal) intercalees entre les bords superieurs des deux price- 62 HISTOIRE GENERALE DES POISSONS. denies. Mais 1'os basilaire, en general fort etroit, de meme que sa portion anterieure (presphenoide) dependant de la zone or- bitaire situee en avant, ne forme pas le plancher de la ca\ite cranienne comme chez les autres Vertebres ; ce sont les os d'enveloppe des organes de I'audition (rockers on petrosaux), qui ordinairement ferment le crane en dessous et contribuent ainsi a en former les parois laterales. Une troisieme zone, la zone orbitaire et frontale, est con- formee a peu pres de la m6me maniere que la precedente. II y a une partie basilaire etroitc (presphenoide) completement sou- dee avec le sphSnoi'de basilaire, de cliaque cote une piece late- rale (orbitospheno'ide ou aile orbitaire) formant le fond de 1'orbite, et une piece dependante du frontal (post frontal ou frontal posterieur) qui constitue la paroi superieure de 1'orbite ; enfin, la voute, composee de deux larges pieces engrenees sur la ligne mediane de la tete, qui repondent a 1'os frontal des Mammiferes. Une quatrieme zone, qui forme le'museau, se montre com- e de quatre pieces ; une basilaire (vomer), inseree au-de- at du sphenoi'de et garnie de^ dents chezgbeaucoup de Pois- sons, une de chague cote (prefrontal ou frontal anterieur) et une superieure (nasal) souvent double, qui est 1'os du nez. / Ges quatre zones de la tete osseuse, regardees par plusieurs - naturalistes comme mutant de vertebres cephaliques, sont com- posees de pieces ve'ritablement homologues de cellos qui entrent dans la constitution du crane des Vertebres superieurs ; il ne pent guere subsister de doutc aujourd'liui sur leur determination. II n'en est pas absolument dc meme pour toutes les autres parties de la tete, considerees par M. Owen comme des dependances ou des accessuires des quatre zones ou vertebres cephaliques. UJ vant CHARPEXTE SOLIDE. Examinons ces parties. Au-devant du museau, sc voient les pieces maxillaircs, donees d'une mobilite tres-grandc chez les Poissons osseux, ou elles peuvent s'avancer plus ou moms pour la prehension des aliments. Ge sontlcs intermaxillaircs (premaxilloires Owen) et les maxillaires, c'est-a-dire les os propres de la machoire supe- rieure. Les premiers, rarement soudes, mais d'ordinaire unis 1'un a Fautre par des ligaments, se recourbent en arc et fournis- sent chacun une branche ascendante fixee d'une maniere variable a la partie anterieure du museau. Le maxillaire est formd de deux branches paralleles, faiblement maintenues entre elles sur la ligne mediane, situ6es en dehors des intermaxillaires et articulees avec les pi6ces environnantes, (intermaxillaires, vomer, palatins). A cette zone nasale, appartiennent encore des plaques osseuses constituant la voute du palais ; ce sont, en avant a la base du museau, les palatins, souvent pourvus de dents, et en arriere, des pieces qui paraissent representer les os pterygo'ides des autres Vertebres (pterygo'ides et transverses, de Guvier, entopterygo'ides ^i pterygo'ides d'Ow-en). Si les interpretations deM. R. Owen sont justes, la machoire superieure et les os qui lui servent de support, seraient des depcndances de la zone orbitaire (arc prosencephalique, Owen) ainsi que les pieces operculaires. ta machoire inferieure est composee de deux branches i unies en ayant et suspendues en arriere par une sorte de tige attachee a la base du crane. Cctte tige est en general formee de trois pieces, quelquefois decinq. La piece superieure (temporal i Chacune de ces branches est ordinairement formee de quatre pieces : le den t air e, qui souvent porte des dents; I'articulaire, Yamju- laire et Yoperculaire. 64 HISTOIRE GENERALE DES POISSONS. de Cuvier, epitympanique d'Chven) est articulee avec une ca- vite situ6e sur la paroi laterale du crane ; la piece inferieure (fugalde Guvier, hypotympanique^Q^Qn) avec la machoire l . En arriere de 1'insertion du suspenseur de la machoire, s'ar- ticule le preopercule, piece servant de support a 1'appareil oper- culaire, dirigee en has et unpeu incurvee en avant, de maniere a rejoindre 1'os qui fournit 1'articulation de la machoire infe- rieure. Le preopercule considere par certains anatomistes. comme correspondant rigoureusement a 1'os (os carre, ou tympaniqite] qui chez les Oiseaux et les Reptiles porte la ma- choire inferieure, offre ordinairement a sa surface une rigole dans laquelle passe une tranche des canaux de la peau qui secretent la mucosite. Plusieurs pieces osseuses destinees a la protection de 1'ap- pareil respiratoire, demeurent libres par leur cote exterieur, de fac.on a constituer cette fente sur la partie posterieure et laterale de la tete quo tout le monde connait sous le nom de owe. Ce sont les pieces operculaires que Ton appelle, opercule, suboper- cule et interopercule. Tres-variables dans leurs formes suivant les types, elles sont habituellement employees ainsi que le preopercule a la caracterisation des genres et des especes. La piece principale est 1'opercule, situ6 en arriere du preopercule auquel il est attache par des ligaments et articule par son an- gle antero-superieur avec une saillie du suspenseur de la^fna- choire inferieure (temporal de Guvier). II demeure libre en arriere et en dessous de faon a pouvoir se soulever et s'abaisser comme un battant de porte. A son bord posterieur est fixe le 1 La pi6ce interm6diaire, souvent en partie cach^e a la face interne de 1'os qui fournit 1'articulation de la machoire, est le symj/lectique de Cuvier ou le mesohjmpanique d'Owen. * CHARPENTE SOLIDE. 65 subopercule, ordinairement long et etroit; au bord inferieur des deux premieres pieces, se trouve 1'interopercule qui se Fig. 1 . Tete de Carpe commune montrant les pieces operculaires l . prolongeant vers la machoire inferieure s'attache a celle-ci par des ligaments. Les naturalistes ont fait des efforts inoui's pour reconnaitre la veritable nature des pieces operculaires sans qu'aucun d'eux ait reussi a apporter un resultat desormais hors de contestation. Pour Guvier, ces parties sont des os particuliers aux Poissons ; pourM. Agassiz, ce sont des productions, cutanees comparables aux ecailles, ce qui est peut-etre la verite; pour M. Owen, ce sont des dependances de la zone orbitaire du crane, sans compter bien d'autres interpretations moins serieuses. 1 On a repr6sent6 trfes-dislinctement les 05 sous-orbitaires, formant une ceinture a la partie inferieure de 1'ceil; on reconnait le pr^oper- cule qui se dirige vers la machoire inferieure au-dessous de la joue ; Yopercule, dont les dimensions sont e"normes; au-dessous, le suboper- cule; dans 1'inlervalle des precedents et du preopercule, Vinteropercule; en arriere des pieces operculaires, la ceinture des os de l'6paule; enfin, au-dessous de ces pieces, une portion de la membrane branchiostege. BLANC HARD. 5 06 HISTOIRE GENERALE DES POISSONS. La t6te des Poissons presente encore d'autres pieces regar- d6es par les auteurs modernes comme des os accessoires. Plu- sieurs anatomistes ont cherche a retrouver dans ces pieces, des parties correspondantes a celles de la tete des Vertebres supe- rieurs, mais ils ont 6choue dans leur tentative et aujourd'hui on admet d'une maniere assez generate que ces pieces appartien- nent au systeme cutane. Elles donnent presque toujours pas- sage a des canaux dans lesquels se produit la mucosite qui suinte a la surface de la te"te de la meme fac,on que la mucosite qui sort de la ligne laterale et se repand a la surface du corps. Ges pieces sont les sous-orbitaires, qu'il est souvent utile de remarquer pour la caracterisation des especes. Ces sous-orbi- taires forment une chaine qui limite les orbites inferieure- ment, se soudent parfois non-seulement entre eux, mais en- core avec le pr6opercule et en yiennent a constituer un bouclier qui couvre toute la joue. Des os analogues (surtemporaux de Guvier) se montrent chez certaines especes sur la region poste- rieure de la tete, s'avanc,ant quelquefois jusqu'au point ou la ceinture des os de 1'epaule s'attache au crane. D'autres pieces accessoires de meme nature (os nasaux) peuvent encore exis- ter sur le museau et au fond des fosses nasales. Dans les Poissons cartilagineux comme les Raies et les Squa- les, toutes les parties du crane demeurent presque molles et en general composers d'un tissu uniforme ; les pieces operculaires sont a 1'etat rudimentaire, mais celles-ci, chez les Lamproies, constituent une charpente cartilagineuse assez compliquee. Chez les Vertebres superieurs, 1'os de la langue, os hyo'ide, suivant la denomination scientifique, est peu developp6 et d'une conformation fort simple. Chez les Poissons, au contraire, cet os acquiert un d^veloppement enorme et devient un appareil CHARPENTE SOLIDE. 67 extrSmement complique, qui prend un role important dans la constitution de la chambre respiratoire et dans 1'acte de la res- piration. line portion anterieure et moyenne (os lingual) est le support de la langue ; une suite de pieces osseuses placees en arriere, egalement sur la ligne moyenne, constitue le corps de 1'hyoide ; deux branches formees d'une chaine de pieces osseuses et reunies un peu en arriere de 1'os propre de la langue, remon- tant sur les cdtes de la te"te pour s'attacher sur les parties late- rales du crane (a 1'os temporal de Guvier ou epitympanique d'Owen) par une tige ordinairement assez gr61e (osselet stylo'ide de Gu\ier), sont les suspenseurs de tout 1'appareil ; un os im- pair (queue de Fos hyo'ide), insere dans Tangle forme par la reunion de deux branches et situe ainsi au-dessous des bran- chies, etablit inferieurement la separation entre les deux ou- vertures des oui'es. De la portion moyenne de 1'os hyoi'de, en arriere des branches de suspension, naissent les arcs branchiaux, an nombre de quatre paires, qui, contournant le fond del'arriere-bouche, re- montent jusque sous la base du crflne pour aller s'appuyer sur d'autres pieces osseuses dependantes de 1'appareil hyoi'dien, les 05 pharynqiens superieurs. Enfin, en arriere des arcs bran- chiaux, se trouvent encore deux tiges ou plutot deux plaques, designees sous le nom Rospharyngiens inferieurs, qui, chez beaucoup de Poissons, portent des dents, aussi bien que les os pharyngiens superieurs. Des rayons sont tantot articules, tantot fixes par des liga- ments aux deux pieces principales de chaque branche de 1'os hyoi'de ; ce sont les rayons branchiosteges, dont le nombre, va- riable dans les differents groupes de Poissons, est habituelle- 68 HISTOIRE GENERALE DES POISSO.NS. ment mentionne dans les descriptions generiques et specifiques. Une membrane soutenue par ces rayons, la membrane bran- chiostege, complete la fermeture de la chambre respiratoire *. L'appareil hyoi'dien pouvant s'elever et s'abaisser, retrecit on agrandit de la sorte la chambre banchiale, en entralnant les branchies dans ses mouvements. Les rayons branchiosteges ayant leurs mouvements particuliers, etendent ou plissent la membrane qu'ils soutiennent. Dans les Poissons cartilagineux, 1'appareil hyoidien est cons- truitsurle meme plan general quechez les Poissons osseux, mais dans les Lamproies, il est d'une structure tres-compliquee et tres-sp6ciale. La colonne vertebrale est en general composee, comme dans les animaux superieurs, d'une suite de vertebres s'eten- dant de la base du crane a 1'extremite du corps. Les vertebres des Poissons sont tres-reconnaissables a la presence d'une fosse conique creusee tant a leur face anterieure qu'a leur face post6- rieure. Ges cavites sont remplies par une substance molle qui passe par un trou pratiqu6 au centre de chaque vertebr.e ; en sorte qu'il existe un -veritable cordon de substance fibro-gelati- neuse. G'est la corde dorsale qui dans la plupart des Poissons cartilagineux s'avance jusque dans Tinterieur du crane, et qui, dans les Lamproies, constitue presque toute la colonne verte- brale. 1 Toutes les parties de 1'appareil hyoidien onl regu des noms parlicu- liers, et, comme chaque auteur qui s'est occup6 du sujet a tenu a pro- poser une nomenclature, il en est rsult6 une multitude de denomina- tions. On trouvera a cet 6gard un excellent resume dans : Milne Edwards, Lecons de Physiologic et d'Anatomie comparee, t. II, p. 219, note 2. L'appareil hyoidien est consider^ par M. Owen comme une d6pendance de la zone ou vertebre parietale du crfine. CHARPEME SOLIDE. 69 Au-dessus du corps de la vertebre ainsi evid6e en avant et en arriere, s'elevent deux arcs reunis a leur sommet ; c'est une sorte d'anneau formant le canal de la moe'lle epiniere, sur- monte d'une lame verticale (apophyse epineuse}. A la base de ces memes arcs se montrent chez la plupart des Poissons os- seux de petites apophyses (apophyses articulaires) et sur les corps des vertebres, il existe souvent des apophyses transverses qui peuvent m6me devenir assez longues pour se r6unir infe- rieurement, de fagon a constituer un anneau, pourvu d'une lame descendante (apophyse epineuse). G'estce quel'on observe ordinairement pour les vertebres de la partie posterieure de 1 'abdomen. II y a dans le nombre des vertebres, dans leurs for- mes, des modifications infinies, deja tres-bien d^crites, mais dont on n'a pas encore reconnu la valeur veritable pour 1'ap- preciation des affinites naturelles. Dans les Poissons cartilagi- neux, Raies, Squales, etc., les vertebres ne sont pas toujours nettement separees les unes des autres et chez les Poissons in- ferieurs (Lamproies), la colonne vertebrale est reduite a une corde dorsale pourvue d'une enveloppe fibro-membraneuse qui, en s'etendant vers la partie superieure, circonscrit le tube que traverse la moe'lle Epiniere. Les cotes qui manquent chez certains Poissons, existent chez le plus grand nombre de ces animaux. Ordinairement ins6r6es sur les apophyses transverses, quelquefois attachees au corps des vertebres, mais toujours par une seule t6te, elles ont peu de mo- bilite. Dans beaucoup d'especes, les cotes portent des appen- dices greles, sortes de stylets, comme on en voit aussi, qui adherent au corps des vertebres et traversent les chairs. Ge sont la ces aretes si fines qui rendent plusieurs Poissons fort desagr6ables a manger. 70 HISTOIRE GENERALE DES POISSOXS. Dans ces animaux, ou ily a absence de sternum, les os qui supportent les membres anterieurs forment en arriere de I'o- rifice des oui'es, une ceinture qui limite posterieurement la chambre respiratoire. Les deux portions de cette ceinture se rapprochent et s'attachent au sommet du crane chez la plupart des Pofssons osseux et chez les Esturgeons pour se reunir au- dessous de la gorge. On les trouve ordinairement composees de trois os qui represented l'6paule ; le plus eleve des trois, est le surscapulaire, fixe auxparois laterales du crane, le second ou 1'in- termediaire, est le scapulaire, correspondant a 1'omoplate, le troisieme, le plus grand, a ete determine de toutes les manieres imaginables, c'est Yhumeral selon Cuvier, le coracoi'de selon Owen, la clavicule selon d'autres auteurs. En general, ces pieces se montrent a 1'exterieur. Chez certains Poissons (les Anguilles, etc.), la ceinture des os de 1'epaule est rudimentaire et libre d'adherence a sa partie superieure. II en est ainsi chez la plupart des Cartilagineux, mais dans les Raies, elle est en rapport avec la portion ante- rieure de la colonne vertebrale. Au bord interne de la troisieme piece de la ceinture, sont attaches deux os places Fun au-dessus de 1'autre, representant 1'avant-bras (cubitus et radius de Guvier, radius et cubitus d'Owen) et dans plusieurs types, il en existe un troisieme, Vhumerus selon Owen, appuye egalement au bord interne de la piece inferieure de la ceinture. En outre, une sorte de stylet adherent aussi a cette derniere, correspondrait au coracoi'de selon Gu\ier , a la clavicule selon d'autres au- teurs. A la suite de 1'avant-bras, se trouve une rangee de pe- tits os (les representants du carpe) qui supportent les CHARPENTE SOL1DE. 71 rayons de la nageoire pectorale, veritablcs representants des doigts * . Les os des membrcs posterieurs, qui manquent souvent chez les Poissons, sont toujours rudimentaires lorsqu'ils existent. G'est ordinairement ime seule piece, en general triangulaire, plus ou moins pourvire de lames saillantes, sans rapport direct avec la colonne \ertebrale, tantot libre dans les chairs, tantot attachee par son extremite anterieure au troisieme os de la ceinture thoracique et portant a son extremite posterieure les rayons des nageoires ventrales. Chez la plupart des Cartilagi- neux, le bassin se compose de deux pieces reunies sur la HT gne m^diane et pourvues chacune d'un arc servant de support aux rayons de la nageoire. Les nageoires verticales des Poissons sont de veritables aretes, que rien ne represente dans la charpente des Vertebres superieurs. Ges nageoires qui se montrent al'exterieur, comme une file de tiges ou de rayons soutenant une membrane, ont une partie interieure pour chaque rayon. Gette partie consiste en une piece osseuse (os interepineux), en forme de poignard a quatre tranchants, dont la base est au.rirveau de la peau et la pointe engagee dans les apophyses des \ertebres. Quelquefois ces os sont entierement detaches des yertebres et Ton en trouve qui ne portent pas de rayons. Dans les Poissons Plagiostomes, ils sont cartilagineux, et dans les Raies en particulier, ils sont for- mes d'une suite d'articles. Chez les Poissons osseux, les rayons de la nageoire caudale sont fixes a la derniere vertebre qui est comprimee lateralement et fort etendue dans le sens de la hauteur. 1 On verra par 1'examen particulier de nos Poissons des eaux douces, de nombreux exemples des caracteres varies, qu'affectent les rayons. 72 HISTOIRE GENERALE DES POISSONS. 9. Des muscles et des mouvements. Les muscles des Poissons sont en general pen colores. Beau- coup de ces animaux ont la chair presque blanche, et si elle est rougeatre chez un grand nombre d'especes, elle reste toujours pale comparativement a la couleur de la chair des Mammiferes et des Oiseaux. Une grande masse musculaire occupe chaque cote du corps, offrant a sa surface des stries tendineuses qui ne sont autre chose que des ligaments, s6parant les muscles en autant de parties qu'il y a de vertebres. Ce muscle lateral, ainsi fixe au corps des vertebres, s'attache d'autre part a 1'extremite poste- rieure de la tete et tout le long de la ceinture des os de 1'epaule. Cette grande masse musculaire est en outre partagee dans le sens de la longueur du corps par un sillon trac,ant la separation entre une partie dorsale et une partie ventrale. C'est par les contrac- tions de ces muscles lateraux, que le corps peut se courber d'un cote ou de 1'autre ; c'est ainsi qu'il se flechit alternativement a droite et a gauche pour determiner la progression. Les nageoires dorsale et anale sont mises en jeu par de pe- tits muscles superficiels, formant plusieurs couches, embras- sant d'une part les os interepineux et d'autre part les rayons. Dirigs en sens divers de fac,on a agir comme antagonistes, les uns servent a dresser les rayons des nageoires, les autres a les abaisser. La nageoire caudale, dont les mouvements sont des plus energiques, a des muscles plus puissants que les autres na- geoires verticales ; il y en a deux couches superposees, et de plus petits muscles etendus d'un rayon a 1'autre. Les nageoires pectorales ont aussi pour moteurs des cou- MUSCLES ET MOUVEMENTS. 73 ches musculaires superposees, qui s'attachent a la ceinture des os de 1'epaule ; les couches anterieures determinant 1'extension ou 1'ecartement de la nageoire, les couches posterieures son abaissement. La m6me disposition se repete pour les nageoires \entrales dont les muscles sont fixes au bassin. Les miichoires, dont les mouvements ont une puissance extreme, sont mises en jeu par une grosse masse musculaire divis6e en plusieurs portions, qui s'insere par deux tendons aux deux machoires, et s'attache en arriere a 1'appareil palatin, et aux pieces supportant la machoire inferieure. Les deux branches de celle-ci peuvent 6tre rapprochees au moyen d'un muscle place en travers. L'arcade palatine est elevee ou abaissee par des muscles presque toujours volumineux. L'opercule est pourvu d'un ele- vateur decompose en plusieurs parties et d'un abaisseur. Les muscles de 1'appareil hyoi'dien ont une assez grande complication, mais le principal d'entre eux est 6tendu de la face interne de la machoire inferieure a la branche de 1'os hyoi'de. Des muscles situ6s entre les rayons de la membrane branchiostege ont pour usage de resserrer la cavite branchiale. Les mouvements de 1'appareil branchial sont executes par un ensemble de muscles tres-compliqu6. Des elevateurs des arcs branchiaux fixes a chacun de ces arcs, s'attachent a la base du crAne. Un elevateur plus puissant part en outre de chaque arc et prend son point fixe a la face inferieure de la colonne verte- brale. Lesmouvementscontraires, oud'abaissementde 1'appareil branchial, sont produits par des muscles etendus des os'pharyn- giens a 1'os hyoi'de et a la ceinture de 1'epaule. Cette disposition des principaux muscles que nous ne pouvons 74 H1STOIRE GENERALE DES POISSONS. qu'indiquer, s'applique aux Poissons osseux, en general, mais elle differe a beaucoup d'egards chez les Poissons carti- lagineux. 10. Du systeme nerveux. La consideration du systeme nerveux, 1'appareil, qui met 1'etre en relation avec le monde exterieur, 1'agent de la sensibilite et des mouvements, est, dans tous les groupes du Regne animal, d'un interet hors ligne. L'etat de deve- loppement des parties centrales du systeme nerveux donne de suite une idee relative d'un degre de perfection organique plus ou moins grand; les fonctions de ces differentes parties, lorsqu'elles peuvent etre surement constatees, apportent les no- tions les plus curieuses sur les facultes des animaux, et donnent lieu aux comparaisons de 1'ordre le plus eleve. Les caracteres, la disposition du systeme nerveux, fournissent, mieux que tous les autres caracteres, la mesure des affinites naturelles qui existent entre les representants des divers groupes zoologiques. Chez les Poissons, les parties centrales du systeme nerveux se composent, de meme que chez tous les animaux vertebres, de 1'encephale et de la moe'lle epiniere : 1'encephale Iog6 dans la bolte cranienne, la moe'lle occupant le canal vertebral qu'elle remplit d'ordinaire dans presque toute sa longueur. II n'y a, a cet egard, qu'un petit nombre d'exceptions *. Relativement a la grosseur de la t6te de la plupart des Pois- sons, relativement a la capacite de leur boite cerebrale, les pro- portions de 1'encephale se montrent extr6mement reduites. Gomme il existe un accord a peu pres general entre 1'etendue 1 Comme la Baudroie (Lophius piscatorius), comme le Poisson lune Orthragoriscus mola), ou la moelle epinifere est extrfimement courte. SYSTEME NERVEUX. To des manifestations intellectuelles etle volume du cerveau, on se trouve assez fond6 & voir dans les Poissons des creatures tres- imparfaitement donees sous le rapport de 1'intelligence et m&me de 1'instinct. Gependant on s'est fort exagere cette imperfec- tion ; des faits, aujourd'hui Men connus, en sont la preuve e"vidente. L'encephale, au lieu d'etre moule sur les parois de la boite cranienne, ainsi que cela se voit chez tons les Vertebras supe"- rieurs, n'occupe ordinairement qu'un espace assez limite dans cette boite. Une secousse un peu violente suffirait done pour le deplacer, si une abondante matiere huileuse ne comblait le vide entre la pie-mere, la delicate membrane dont 1'encephale est re- ve'tu, et la dure-mere, 1'epaisse tunique qui tapisse les parois de la boite cerebrale. Les differences considerables que pr6sentent les appareils organiques entre les principaux types de la classe des Poissons, oblige k examiner se"pare"ment 1'encephale dans chacune des grandes divisions de ce vaste groupe zoologique. Chez les Poissons osseux, le cerveau parait fort etrange a la premiere inspection. On y reconnait difficilement d'abord les parties qui constituent le cerveau des Mammiferes et des Oiseaux. G 'est une suite de lobes se succedantde fac,on a figurer une sorte de double chapelet. Ges lobes, le plus souvent d'un beau blanc nacre a la surface, ont leur contour exterieur parfaitement ar- rondi. Pour se rendrecompte, toutalafois, de 1'aspect general de 1'encephale et de la position qu'il occupe dans la tete, il est un moyen simple a la disposition de chacun. II suffit de choisir un de ces Poissons, le Merlan, par exemple, dont les os offrent presque la transparence du verre. Apres avoir enleve la peau qui couvre le erctne, et detache les tissus qui peuvent y ad he- 76 HISTOIRE GENERALE DES POISSONS. rer, on distingue le cerveau dans toute sa longueur, et avec une admirable nettete, au travers des parois diaphanes de la boite cranienne. La determination des differents lobes qui composent ce cer- veau n'a pas ete sans causer beaucoup d'embarras aux natura- listes de notre siede. Les naturalistes anterieurs n'avaierit guere songe qu'il fut possible de reconnaitre dans ces lobes des parties exactement correspondantes a celles de Fencepliale des Verte- bres superieurs. G'est Arsaky, ce medecin grec que nous avons cite, qui, le premier, en a fait ressortir les rapports les plus manifestes. Chez un grand nombre de Poissons, les lobes de 1'encephale, situes tout a fait en avant, sont les tubercules olfactifs. II n'y en a le plus souvent qu'une seule paire, mais il est des especes ou Ton en voit deux paires. Dans quelques cas, ces tubercules se trouvent a 1'extremite des nerfs de 1'odorat. Aux tubercules olfactifs succedent les hemispheres, le cerveau proprement dit. Geux-ci sont pleins, et leur dimension, toujours peu consid6- rable, est souvent inferieure a celle des lobes qui \iennent a la suite. Gette double circonstance avait emp6che plusieurs zoolo- gistes, et Guvier en particulier, de \ouloir les regarder comme les organes correspondants aux hemispheres du cerveau des Ver- t^br^s superieurs, mais la consideration de leurs relations avec les autres parties del'encephale, ne laisse presque aucundoute sur lajustesse de 1'appreciation aujourd'hui generalement accepted. Exactement en arriere des hemispheres, se montrent les lobes optiques, dont le volume depasse tres-ordinairement celui des hemispheres. Us fournissent la plupart des fibres des nerfs optiques, et leur grosseur est d'autant plus considerable que les yeux de 1'animal sont plus grands. Ges lobes sont creux et leur SYSTfeME NERVEUX. 77 cavite est spacieusc, ce qui leur donne un caractere tres-diffe- rent de celui des tubercules optiques des autres animaux verte- bre"s. An fond de la cavite, il existe des organes nombreux, et notamment de petits tubercules qui ont et6 decrits avec soin et mme assez bien representes. Mais malgr6 les efforts tentespour en determiner la nature, on est loin encore, a cet egard, d'etre arrive a une certitude. Sur la ligne moyenne, entre les hemispheres et les lobes optiques, s'eleve une petite glande vasculaire plus ou moins apparente ; c : est la glande pinale, unie aux hemispheres par deux petits cordons. A la suite des lobes optiques vient le cervelet, place en tra- vers sur la portion anterieure de la moe'lle allonge^. Tres-va- riable dans ses proportions relatives, le cervelet presente ordi- nairement une surface lisse avec une faible ligne longitudinale ; dans quelques types seulement il a des sillons transversaux. II offre toujours une cavit6 interieure en communication avec le ventricule qui precede. Apres le cervelet etsur un plan inferieur, se voit la moe'lle allonge^, qui est tres-frequemment accompa- gn6e de renflements ou de petits tubercules designe's par Cuvier sous le nom de lobes post6rieurs. Les parties de 1'encephale d'un Poisson osseux que Ton pent observer sans dissection et m6me sans deplacer aucun organe, sont done : les tubercules olfactifs, les hemispheres, les lobes optiques, le cervelet et la moe'lle allonge^ ; mais si Ton examine le cerveau par sa face inferieure, on decouvre encore, au-des- sous des lobes optiques, deux protuberances (lobes inferieurs de Guvier) offrant des cavites qui communiquent avec celles de ces derniers, et, en avant, un petit corps impair, g6neralement regard^ comme la glande pituitaire . 78 HISTOIRE GENERALE DES P01SSONS. D'apres la maniere dont se succedent les lobes supe>ieurs, d'apres les caracteres les plus importants de ces organes, il pa- rait certain que Ton est dans la verite en ce qui concerne leur de- termination. Iln'en est pas de me"me pour les parties profondes. Les comparaisons que Ton en a faites avec les differents organes qui composent le cerveau des Mammiferes n'ont rien fourni d'assez concluant pour qu'il soit possible d'en tirer un argument propre a etablir un fait. De nouvelles recherches sont necessaires; une etude de la structure, une investigation minutieuse des origines des nerfs crniens, une observation approfondie du cerveau a toutes les phases de son developpement, conduiront sans doute a la solu- tion cherch6e en vain par I'exanien seul de la configuration et de la situation des parties. Le cerveau des Poissons osseuxa 6t6l'objet de quelques expe- riences physiologiques. Magendie et Desmoulins, M. Flourens, ont tente, en pratiquant des lesions ou 1'ablation de certains lobes, de reconnaitre le role particulier, la veritable fonction de ces organes. Tout recemment, un jeune naturaliste, M. E. Bau- delot, a repris ce sujet. Les r6sultats constates dans ces expe- riences pen vent etre rapidement ^nonces. Aucun trouble bien appreciable n'apparait chez le Poisson apres la destruction des hemispheres ou lobes cerebraux. L'ani- mal semble avoir conserve toutes ses facultes ; on le voit se diriger avec la me"me agilite 1 et lameme surete qu'auparavant. G'est un resultat tres-different de celui qui se produit, soit chez les Mam- miferes, soit chez les Oiseaux ou 1'ablation des hemispheres amene une profonde stupeur et un aneantissement total des facultes intellectuelles. Une lesion qui interesse seulement la voute des lobes opti- SYSTEME NERVEUX. 79 ques cause un desordre plus apparent ; le Poisson parait avoir perdu le sens de la vue ; il reste souvent immobile, se heurte centre les obstacles et ne se derobe aux attouchements qu'on lui fait subir, qu'avec lenteur et en fuyant au hasard. Mais si le plancher des lobes optiques a ete atteint, me'me par une tr&s- legere piqure, un trouble des plus curieux se manifeste aussitol. L'animal se courbe et demerit en nageant un mouvement de rotation autour de son axe, qui s'effectue toujours du c6t6 oppose a la lesion. Ge mouvement s 'execute parfois avec une telle rapidite, que les tours de 1'animal sur lui-me'me peuvent aller jusqu'a cent ou cent vingt dans 1'espace d'une minute. Neanmoins, dans beaucoup de circonstances,ils sont moinspr^- cipites. Lorsque le crane a 6te ouvert pour pratiquer la lesion, la substance cerebrate devenant bientot diffluente par suite du contact de 1'eau, 1'animal perit en moins de quelques heures. Au contraire, si les experiences sont faites sur de petits Pois- sons, tels que des Epinoches, auxquels M. Baudelot a eu recours, comme on reussit a 1'aide d'une aiguille fine a piquer le plan- cher des lobes optiques en traversant le crane, sans 1'endomma- ger d'une maniere sensible, le Poisson peut vivre douze ou quinze jours, en executant presque sans cesse le meme mouve- ment giratoire auquel il obeit fatalement. Rien n'est plus sin- gulier, que de voir dans un vase, des Epinoches executant ainsi le perp^tuel manege, sans qu'aucune blessure apparente ait chang^ leur physionomie habituelle. C'est un phenomene semblable a celui qui se manifeste chez les Mammiferes et les Oiseaux apres une 16sion des pedoncules cerebraux ou des pedoncules c^rebelleux moyens ; phenomene tres-bien decrit par M. Flourens, par M. Longet, par d'autres physiologistes encore, mais inexplique d'Une fagon satisfaisante. SO HISTOIRE GEISERALE DES POISSONS. 11 est certain seulement que le moirvement giratoire n'est pas du a une paralysie, soit d'une partie du corps, soit des membres d'un cote. L 'ablation du cervelet n'influe pas chez les Poissons comme chez les Mammiferes sur la regularite, sur la coordination des mouvements. II faut atteindre les fibres profondes en commu- nication directe avec la moelle allongee, pour voir apparaltre a cet egard des desordres qui se prononcent davantage quand la moelle elle-meme a rec.u une lesion. L'encephale des Poissons, compare a celui des Vertebres su- perieurs, se fait remarquer par la faible centralisation des par- ties qui le composent; c'est une degradation organique. Les fonctions des centres nerveux paraissent 6tre moins localisees que chez ces m6mes Vertbr6s sup^rieurs ; c'est une degrada- tion physiologique. L'une ne manque jamais de comcider avec 1'autre. Nous nous sommes jusqu'ici occupe exclusivement du cer- veau des Poissons osseux, il est necessaire de lui comparer maintenant 1'encephale des Poissons cartilagineux. Dans les Ganoi'des (Esturgeons), on observe, a la suite des hemispheres, un petit lobe simplement ferme en dessus par les membranes du cerveau; celles-ci enlevees, la cavite du petit lobe reste ouverte. Le cervelet est volumineux et pre- sente des traces de circonvolutions. La moelle allongee, remar- quablement 6largie, offre un large sinus rhomboi'dal et sur les cotes des lobes greles et allonges *. Chez les Poissons plagiostomes (Raies, Squales, etc.), le 1 On trouve une description de'taille'e et des figures du cerveau de 1'Esturgeon dans un m6moire de M. Stannius. Miiller's Archiv. 1843, p. 36, tab. 1 4. SYSTEME NERVEUX. 81 cerveau ressemble bien davantagc a celui des Vertebres supe- rieurs. On ne distingue plus de tubercules olfactifs, les hemi- spheres sonttres-volumineux, surtoutfortlarges, et ils ontune covite". II y a deux lobes inferieurs, des lobes optiques creux, assez comixes a 1'exterieur, un cervelet tr6s-developpe, recou- vrant en grande partie les lobes optiques. Nous ne poiiYons decrire ici en particulier, chaque nerf pro- Yenant soit de I'encephale, soit de la moelle epiniere. Gonten- tons-nous d'un simple aperc,u. Los nerfs cerebraux ont presente aux anatomistes beaucoup d'uniformite dans leur mode de distribution. Les nerfs olfactifs naissent des lobes anterieurs ou des hemispheres eux-memes (Poissons Plagiostomes ) ; les nerfs optiques toujours entre-croises, tres-volumineux, a 1'exception de ceux des Lamproies, proYiennent des lobes optiques et paraissent receYoir des fibres d'autres parties du cerveau. A leur suite Yiennent les nerfs oculo-moteurs, les nerfs pathe- tiques se distribuant exclusivement au muscle oblique su- perieur du bulbe oculaire, les nerfs trijumeaux, toujours tres- gros, se ramifiant dans les diverses parties de la t6te , puis les nerfs acoustiques naissant des parties laterales de la moelle allongee par trois, quatre ou cinq racines molles, en arriere les nerfs glosso-pharyngiens se ramifiant dans la langue, a la Youte palatine , a 1'appareil respiratoire, les pneumogastri- ques toujours Yolumineux , ayant leur origine pres de celle des precedents et se distribuant & 1'appareil branchial , au pharynx, a 1'cescphage, a 1'estomac, au cceur, k la vessie nata- toire. Un nerf provenant de la moe'lle 6piniere et donnant sa bran- che principale a des muscles de 1'os hyoi'de (sterno-hyoi'dien) a BLANCHARD. 82 HIST01HE GENERALE DES POISSONS. ete regarde comme representant le nerf hypoglosse des Verte- bras superieurs. Un nerf grand sympathique offrant do nombreux ganglions et de norabreuses anastomoses avec les nerfs craniens et les nerfs spinaux regne de chaque c6te de la colonne vertebrate. Les nerfs spinaux naissent ordinairement, comrae dans les Yertebres superieurs, pardeux racines, Tune anterieure simple, 1'autre posterieure pourvue d'un renflement ganglionnaire, et ils sortent par les intervalles des arcs vertebraux et parfois en traversant ces arcs eux-me'ines. Les racines se confondent bientdt en un seul tronc, mais dans certaines especes an moins, 1'union de leurs fibres (mo- trices et sensibles) est assez faible pour qu'on ait reussi a les separer par la dissection *. Ces nerfs se distribuent a toutes les parties du corps. 11. Des organes des sens. Les Poissons ne semblent pas tr&s-mal partages sous le rap- port des organes des sens. Selon toute apparence, la vision est tres-nette et capable de porter a des distances assez considerables chez ces animaux; la surete avec laquelle ils se jettent sur un appAt en temoi- gne manifestement. Les yeux des Poissons, chacun en a fait la remarque, sont d'ordinaire tres-grands, relativement an volume de la tte; parfois meme, ils sont enormes. Dans quelques t}pes, cepen- dant, les Anguilles par exemple, leur dimension est petite. Presque toujours, ils occupent reguli^rement les c6t6s de la t^te ; c'est d'une maniere exceptionnelle, comme dans les Pleu- 1 Armand Moreau, Annalesdes sciences naturelles, 4* s&r., t. XIII, p. 380. ORGANES DES SENS. 83 roncctes (la Pile, le Turbot, la Sole, le Flct, etc.) qu'ils sont 1 1 mi-lies dim rneme cot6 de la t6te. Le bulbe oculaire assez aplati en avant, globuleux en arriere, est entoure d'une matiere graisseuse on gelatineuse sur tous les points en contact avec 1'orbite. Les mouvements de ce bulbc, toujours pen etendus, sont produits en general par Faction de quatre muscles droits et de deux muscles obliques. II n'y a point de veritables paupieres chez les Poissons ; le plus ordinairement, la peau passe au-devant de I'ceil, ou elle acquiert assez de transparence pour permettre aux rayons lu- mineux de la traverser. Dans certains types cependant, elle forme deux replis libres, 1'un superieur, 1'autre inferieur, et dans quclques cas (les Pleuronectes, les Plagiostomes), elle se renfle en maniere de bourrelet. II n'existe ni glandes lacrymales, ni points lacrymaux, et Ton comprend sans peine, combien aurait 6t6 inutile a des animaux \ivant dans 1'eau, un liquide particulier destine" laver et a lubrefier 1'organe de la \ision. La tunique exterieure de Tceil, la sclerotique, est epaisse, fibreuse et soutenue chez la plupart des especes par deux la- melles cartilagineuses, souvent ossifi^es et constituant alors line capsule solide, ouverte en avant pour 1'insertion de la cornee, en arriere pour le passage du nerf optique. La cornee transparente, plus mince dans son milieu qu'asa circonference, est toujous pen convexe. Interieurement, I'ceil est tapiss6 par la choroi'de ; celle-ci, s6- paree de la sc!6rotique par un tissu cellulaire graisseux, est composee de trois feuillets : un feuillet externe fort mince, en- veloppant toutes les parties profondes et offrant, par suite de la presence d'innombrables cristaux microscopiques, 1'aspect d'un 84 HISTOIRE GENERALE DES POISSONS. enduitde couleur argentee ou doree, qui en avant forme 1'iris et lui donne le magnifique eclat si ordinaire aux yeux des Poissons, un feuillet moyen vasculaire et un feuillet interne noiratre (la ruyschienne] couvert de cellules pigmentaires hexa- gonales. L'iris parait etre toujours fort pen mobile et dans plusieurs Poissons (Pleuronectes, Raies, etc.), son bord superieur se prolongeant en une sorte de voile decoupe, la pupille pent etre fermee a la volonte de 1'animal. Souvent la membrane interne (ruyschienne) presente des plis rayonnants tres-fins, t[ui paraissent representer lesproces ciliaires des yeux des Mammiferes, mais ces plis n'arrivent jus- qu'a la capsule du cristallin que dans un petit nombre de types. Le cristallin est volumineux et de forme parfaitement sphc- rique. C'est un veritable globule diaphane, loge dans une cap- sule mince, faisant saillie a travers la pupille et remplissant presque en entier la chambre anterieure de I'ceil. Le corps vitre, entoure de sa membrane hyaloi'de, occupe tr^s-peu d'espace. Le nerf optique traverse les membranes de 1'ceil en suivant, dans la plupart des cas, une direction oblique. II offre 1'aspect d'une membrane plissee dont les bords sont interrompus ; ses fibres rayonnant en maniere d'eventail, constituent la retine, ou 1'on apergoit tres-distinctement les corpuscules. en b^,- tonnet. Une particularite singuliere de l'o&il des Poissons consiste dans la presence d'un ligament en forme de faux (processus fal- ciformc) qui passe dans une fissure de la retine, traverse le corps vitre et s'attache a la capsule du cristallin par une sorte de tubercule (campamde de Ealler). ORGAN ES DES SENS. 85 Comme les yeux dont nous venons d'indiquer la structure generale, ne semblent pas presenter toute la perfection des yeux des Vertebres stip^rieurs, Guvier apense que les Poissons ne devaient recevoir que des impressions confuses des objets ; supposition pen fondee, car les Poissons se dirigent par le sens dc la \ue dans I'accomplissement de la plupart de leurs actes. Notre illustre naturaliste lui-me'me rappelle ce fait si connu, que ces animatix, trompes par 1'apparence, se jettent sur des appats artificiels *..Au reste, le temps est proche, peut-6tre, ou un naturaliste saura montrer la veritable nature de la vision chez les differents types du Regne animal. Les manifestations du sens de 1'ouie sont continuelles chez les Poissons. II est facile, en toute occasion, de reconnaitre com- bien ces animaux sont affectes par les bruits. Les pecheurs doi- vent demeurer silencieux pour ne pas les effrayer. On sait que les Romains, se plaisant a donner des noms particuliers aux h6tes de leurs viviers, reussissaient a faire venir chacun d'eux a 1'appel de son nom. L'observation simple porte done a croire que le sens del'ouie n'est pas tres-imparfait chez les Poissons, et cependant leur appareil auditif, d'une structure fort degradse, si on le compare a celui des Mammiferes et des Oiseaux, donne a penser que la perception des sons doit etre assez vague chez ces animaux. II n'y a jamais d'oreille exterieure, et 1'oreille interne, logee dans une cavite du crane, circonscrite chez les Poissons osseux par le rocher et 1'occipital, est depourvuede limagon, de tympan et de tromped'Eustache. Elle se trouve ainsi reduite a un laby- rinthe membraneux en rapport, chez certaines especes, avec la 1 Hisloire naturelle des Poissons, t. 1, p. 658* . . 86 HISTOIRE GtiiNERALE DES POISSONS. vessie natatoire. Ce labyrinthe est entoure d'une liqueur huileuse etform6 d'un premier sac (vestibule) de proportions variables, attache a la paroi interne du crane, d'une seconde petite poche separee de la premiere par un etranglement et de canaux semi- circulaires pourvus chacun d'une ampoule. Unehumeurgela- tineuse d'une complete transparence remplit et distend toutes les parties du labyrinthe ; des osselets, des pierres, commeon les a appeles (otolithes), d'une forme determinee, existent toujours a 1'interieur du vestibule et du petit sac qui lui succede. En gene- ral, on en trouve un dans le premier, deux dans le second. Chez les Poissons cartilagineux (Rates, etc.), outre le labyrin- the membraneux, il y a un labyrinthe cartilagineux ; les canaux semi-circulaires offrant une disposition speciale, aboutissent a un vestibule en forme de tube, adherant par son extremite supe- rieurea une fene"tre ovale, donton ne trouve pas de trace dans les Poissons osseux. Ghacun constate aisement 1'existence du sens de 1'odorat dans les Poissons ordinaires a la presence des narines qui sont per- ches de chaque cote du museau. Ges narines ont le plus sou- vent deux ouvertures, placets 1'une derriere 1'autre. La pre- miere, presque toujours' munie d'une petite saillie de la peau, d'une sorte de valvule, est quelquefois supportee par un prolon- gement tubuleux et contractile. Ges ouvertures exterieures communiquent avec une fosse na- sale, tapissee par une membrane muqueuse, plusou moinsplis- see et soutenue par des rayons convergeant vers le centre ou disposes des deux cdtes d'un axe. Gette membrane pituitaire est revenue d'un epithelium ciliaire. Dans les Poissons cartilagineux, comme les Raies, les fosses nasales situees au voisinage de la bouche, sont fermees par des RESPIRATION ET ORGANES RESPIRATOIR ES. 87 valvules contenant des cartilages dans leur epaisseur (cartilages desailes dunez). Dans les Lamproies et dans toutes les 'especes du m6me groupe, 1'organe olfactif est impair ; c'est un simple tube, par- fois garni de cercles cartilagineux, ouvertsurle sommet du mu- seau et etendu en arriere, jusqu'au travers de la voute pa- latine. Selon toute apparence, le gout est fort peu prononce chez les Poissons ; car la plupart de ces animaux avalent leur proie sans la macher; leur langue a peu pres immobile, lorsqu'elle existe, n'est pas charnue, leur bouche n'est point humectee par de la salive. Gependant, chez des especes herbivores privees de lan- gue (Cyprinides), la presence d'une substance molleetepaisse, a 1'entree du gosier oil s'effectue une trituration des aliments, semble indiquer une faculte gustative. Sousle rapport du tact, les Poissons ne sont certainement pas tres-favorises, et les mieux doues a cet egard, sont ceux dont la bouche est garnie de ces appendices charnus si connus sous le nom debarbillons 1 . 12. De la respiration et des organes respiratoires. L'introduction continuelle de Fair dans 1'organisme, per- sonne ne 1'ignore aujourd'hui, est pour tous les 6tres une condition essentielle a 1'entretien de la vie. G'est la respira- tion ; phenomene mal compris, et d'ailleurs inexplicable, avant 1 Apr6s 1'examen du systeme nerveux et des organes des sens des Poissons, il serait naturel de jeter un coup d'oeilsur les faculty's instinc- tives de ces animaux ; mais dans le cours de ce livre, les exemples d'ins- tinct les mieux connus devant fitre rapportes, il n'est pas n6cessaire de nous y arrfiter en ce moment. 88 H1ST01RE GENERALE DES POISSONS. la decouverte de la composition de 1'air atmospherique et de la nature du gaz acide carbonique. Dans 1'opinion des anciens, 1'air introduit dans les poumons est simplement destine a ra- fraichir le sang, et chez les animaux aquatiques, c'est 1'eau qui, en baignant leurs branchies, doit determiner un effet analogue. Au dix-septieme siecle, 1'observation du changement de couleur qu'eprouve le sang veineux en presence de 1'atmosphere, les recherches des chimistes, les experiences des physiologistes, commencent a jeter quelques lueurs et a faire pressentir de nouvelles lumieres sur le phenomene de la respiration. Jean Bernoulli, 1'illustre geometre, constate que les bulles qui se degagent de 1'eau exposee a la chaleur sont de 1'air qui etait ti^ssous dans le liquide, etil s'assure que les Poissons ne peuvent vivre dans 1'eau dont 1'air a ete expulse par 1'ebullition. Mais il fallait les decouvertes de Lavoisier pour etablir que 1'oxygene de 1'atmosphere absorbe par la respiration, se combine avec le carbone fourni par 1'organisme pour produire, par une veritable combustion, du gaz acide carbonique qui est rejete an de- hors. Chez les animaux aquatiques, 1'eau etant amenee d'une ma- niere incessante au contact des surfaces respiratoires, le sang qui afflue vers ces surfaces s'empare de 1'oxygene de 1'air qu'elle tient en dissolution. On donne le nom de branchies aux organes conformes pour la respiration aquatique. Dans les Poissons osseux et les Pois- sons Ganoi'des, les branchies sont logees dans une cavit6, ou chambre respiratoire, situee de chaque cote de la region cervi- cale, ou elle a pour paroi exterieure les pieces operculaires, et pour limite en arriere les os de 1'epaule qui supportent les nageoires pectorales. Ges branchies sont constituees par des RESPIRATION ET ORGANES RESPIRATOIRES. 89 lamelles ctroites , longues et aplaties, rendues constamment rouges par le sang qu'elles contiennent. Disposees en series Fig. 2. Appareil branchial du Brochet. paralleles a la maniere de dents de peigne sur les tiges osseuses designees sous le nom d'arcs branchiaux, elles flottent, leur extremite libre dirigec en arriere, dans 1'eau qui remplit la chambre respiratoire. Ges organes fragiles, d'une si grande im- portance pour la vie de 1'animal, avaient besoin d'etre proteges contre toutes les chances d'accidents. Rien ne leur manque sous ce rapport. Un prolongemcnt de la membrane muqueuse de la bouche, voile d'une admirable delicatesse, vient en une multitude de replis leur fournir un abri. Malgre cettc protec- tion, les lamelles branchiales devaient encore etre maintenues de fac,on a ne jamais s'affaisser les unes sur les autres. Une tige osseuse ou cartilagineuse garnie de dents assez semblables a celles d'un rateau, maintient chacune d'elles par son bord interne. Les formes de ces lamelles, ordinairement independantes les unes des autres, mais reunies dans quelques especes par de petites traverses, les particularites des tiges qui les soutiennent, variees a 1'infini, suivant les especes de Poissons, offrent des !>0 H1ST01RE GENERALE DES POISSONS. sujets d'observations comparatives des plus curieux, et cette ' infinie variet6 dans les caracteres des instruments permet de prevoir un avenir, ou des modifications dans la fonction physio- logique qui nous echappent encore, seront revelees. Le nombre des lamelles de 1'appareil respiratoire d'un Pois- son est tres-considerable. On en a compte, sur une seule ran- gee, 55 chez le Goujon, 96 chez la Tanche, 106 chez le Barbeau, 135 chez la Garpe. II y en a deux rangees a chaque branchie, et il existe quatre branchies des deux c6tes. L'appareil respi- ratoire du Goujon presente done, en totalite, environ 880 la- melles, celui de la Tanche pres de i 500, celui du Barbeau 1 700, celui dela Carpe 2 160. Malgre la petitesse de ces lamelles, con- verties en filaments chez certains Poissons (Syngnathes, Hippo- campes), il y a ainsi en contact continuel avec 1'eau une surface respiratoire immense, comparativement a I'espace occup6 par 1'appareil branchial. Dans la plupart des Poissons osseux, il existe, comme dans les especes qui viennent d'etre citees, deux rangees de lamelles sur chacun des arcs branchiaux, mais, chez beaucoup de ces ani- maux, le dernier arc, celui qui est exterieur, n'en porte qu'une seule rangee. Le Ghabot, dont nous aurons a faire 1'histoire, en est un exemple, et Ton en trouve d'autres parmi les Poissons de mer. Enfin, dans plusieurs genres, on ne voit plus que trois branchies de chaque c6t6, et, dans quelques types, deux seu- lement. Certains Poissons meurent a peine hors de leur element ; chez d'autres, la vie persiste pendant quelques heures. II en est qui prouvent le besoin de sortir de 1'eau a des intervalles plus ou moins eloignes, et qui accomplissent des voyages sur terre sans en eprouver d'inconvenient. Personne n'ignore que des RESPIRATION ET ORGANES RESPIRATOIRES. 91 Anguillcs se prominent frequemment dans les prairies humides et se portent parfois a de grandes distances, soit des rivieres, soit des 6tangs ou elles vivaient. On se rend parfaitement compte de cette faculte' . Ge qui en- traine rapfdement la mort de I'animal aquatique, c'est 1'affais- sement et la dessiccation de ses branchies, qui cessent de fonc- tionner des que leur tissu perd de sa mollesse. Or, si la chambre branchiale, comme chez les Harengs, par exemple, est assez largement ouverte pour laisser 6chapper toute 1'eau au mo- ment ou le Poisson est amene a Fair, 1'organe respiratoire etant mis a sec, I'animal expirera presque aussitot. Au contraire, si la chambre branchiale est conformed pour retenir 1'eau, tout en permettant a 1'air exterieur d'y penetrer, I'animal pourra con- tinuer a vivre. C'est ainsi que les Anguilles, ay ant 1'orifice des ouies tres-etroit, ne souffrent point d'un sejour a terre, meme pendant un temps assez prolonged Mais il y a des Poissons bien mieux organises pour entre- prendre sans danger des voyages sur terre. Chez ceux-ci, il existe un reservoir constitue par des prolongements lamelli- formes des os pharyngiens superieurs. Ges lames irregulieres, contournees en divers sens, circonscrivent des cellules. G'estune masse spongieuse qui retient 1'eau, la laisse e"couler lentement, et humecte les branchies lorsque le Poisson est a sec . Admirable pre- voyance de la nature ; les especes qui presentent cette conforma- tion au plus haut degre *, habitent des contrees chaudes, ou les 1 L'Anabas testudineus, Cuvier, des Indes orientales, qui, d'apres une assertion du reste dementie, aurait la faculte de monter sur les arbres. Le Gourami (Osphromenus olfax, Commerson), de la Chine, introduit de- puis le dernier siecle dans 1'ile de France, aujourd'hui ile Maurice, et plus r6cemment a la Guyane. Les Ophic6phales de 1'Inde et de la Chine, etc. 92 HISTOIRE GENERALE DES POISSONS. rivieres, les mares, les etangs sontsouvent desseches. Une autre disposition tout aussi favorable pour le sejour hors de 1'eau, se rencontre chez des Poissons du Nil, de la Senegambie et du Gangc 4 . Dans ces derniers, les arcs branchiaux portent a leur extremite superieure, de grosses touffes d'appendices arbores- cents tres-propres a retenir 1'humidite ; ces appendices, loges dans une cavite au-dessus des branchies, agissent egalement a la maniere d'ime eponge impregnee d'eau. Dans ces exemples, tout s'explique a. merveille ; il n'en est pas de ra6me pour d'autres conditions d'existence qui dependent de 1'activite de la respiration. II est facile de se convaincre qu'il y a dans les besoins respi- ratoires des Poissons des differences fort remarquables. Des especes perissent asphyxiees dans une eau ou d'autres especes peuvent parfaitement viyre. Des Gyprinides troirvent, pendant plusieurs jours, assez d'air dans 1'eau d'un bassin ou des Truites, meme d'un tres-petit volume, succomberaient dans 1'espace de quelques minutes, par le d6faut d'une suffisante quantite d'oxy- gene. Tout le monde sait que des Poissons habitent des eaux stagnantes souvent tres-impures, tandis que beaucoup d'es- peces n'existent qu'a la condition d'avoir des eaux claires, lim- pides, roulant sur un fond de pierres et de gravier, ou des chocs multiplies favorisent leur aeration. Le fait est constant, 1'expli- cation satisfaisante est encore aujourd'hui impossible a donner. La respiration est unie de la maniere la plus intime au ph6- nomene de la circulation du sang, et, dans 1'etat actuel de la science, on est. loin de pouvoir preciser tout ce qu'il y a de 1 Les H6t6robranches de la famille des Silurides. RESPIRATION ET ORGANES RESPIRATOIRES. 93 semblable ettout cequ'il y a de dissemblable dans les appareils circulatoire et respiratoire de deux Poissons destines a vivre, I'un dans 1'eau claire d'un torrent, 1'autre dans une mare bour- beuse. Ge qui nous manque de connaissances intimes sur les organes, nous empeche de comprendre des manifestations bio- logigues, sensibles pour 1'observateur le plus superficiel. Exem- ple entre mille, de cette n6cessite d'acquerir les notions les plus certaines sur la forme, sur la disposition, sur la structure des instruments, pour parvenir a expliquer le role de ces me"mes instruments, pour arriver a se rendre compte des modifications dans les grandes fonctions, entre les divers types du Regne ani- mal, et souvent entre les especes appartenant a la meme division zoologique. L'experience physiologique seule, dans sa simpli- cite, ne saurait conduire au but, sans le secours de ces etudes fondamentales. Chez presque tous les Poissons osseux, il y a quatre paires de brancliies,mais, deja nous 1'avons vu, la derniere est quelquefois incomplete ; elle manque meme entierement dans certains ty- pes et il est des especes ou il n'existe que deux paires de bran- chies. D'un autre cote, chez les Ganoi'des(Esturgeons), il existe une branchie accessoire adherente a la face interne de 1'opercule et composee d'une seule rangee de lamelles. Chez les Poissons cartilagineux, les branchies sont fixes; la chambre branchiale est partagee par des cloisons qui limitent ainsi, d'ordinaire, cinq poches respiratoires, quelquefois six ou sept, ayant chacune un orifice ext^rieur particulier. Tout le mondea observe^ surles Raies, ces fentesbranchiales situeesau- dessous des nageoires pectorales. Dans ces Poissons, les lamelles branchiales, du reste tres-semblables a celles des Poissons 9i HISTOIRE GENERALE DES POISSONS. osseux, sont disposees en deux series, al'exceptionde celles de la dernierebranchie, sur les arcs immobiles d'ou s'eleve la cloison, le diaphragme qui limite chacune des poches rcspiratoires. Dans les Poissons suceurs (Lamproie, etc.), la conformation de 1'appareil respiratoire est differente. Ge sont des sacs bran- chiauxn'ayant pas de communication directe avec le tube diges- tif, mais recevant 1'eau par un conduit impair dont 1'orifice est au fond de la cavite buccale et s'ouvrant au dehors par des troiis. 13. De la vessie natatoire. Quand un organe joue un role considerable dans I'economie de beaucoup d'etres, s'il arrive que des conditions d'existence particulieres le rendent inutile a d'autres animaux mediocre- ment eloignes des premiers par Fensemble de leur conforma- tion, 1'organe se retrouve ordinairement, soit a 1'etat de vestige, soit sous la forme d'un instrument destin6 a une fonction speciale. Les Poissons fournissent un exemple remarquable de cette tendance habituelle de la nature. Chez le plus grand nombre des Poissons, il existe a la partie superieure de la cavite viscerale, une grosse vessie que Ton de- signe sous le nom de vessie natatoire par suite de 1'opinion ge- neralement acceptee que cet organe sert a Fanimal, d'appareil hydrostatique en lui permettant d'augmenter ou de diminuer lepoids specifique de son corps. On a pense depuis longtemps que la vessie natatoire n'etait autre chose qu'un poumon tres- degrad6, n'ayant pas de role dans la fonction respiratoire ou n'ayant qu'un role de tres-minime importance, puisque cer- tains Poissons sont entierement prives de eel organe. Des obser- vations assez recentes, faites sur des especes peu etudi6es jus- qu'alors (le Lepidosiren, le Polyptere du Nil, le Lepidostee, le VESS1E NATATOIRE. 95 Gymmarche du Nil, etc.), out montre qu'il existait des inter- mediaries entre les poumons et la vessie natatoire de nos Pois- sons ordinaires. Chez ces derniers, la vessie natatoire est extre'mement modi- fiee dans ses formes, suivant les types, mais toujours elle est for- m6e d'une membrane muqueuse interne et d'une tunique fi- breuse exterieure, luisante et d'un blanc eclatant. Le plus souvent, un tube partant de sa portion inferieure debouche dans 1'cesophage, pres du pharynx, et etablit ainsi une communica- tion exterieure (Malacopterygiens). Mais il est des especes ou cette communication qui existedansle jeune age, s'oblitere ra- pidement et chez un tres-grand nombre de Poissons la vessie natatoire n'a jamais aucune communication exterieure, de sorte que les gaz qui la remplissent doivent etre necessairement le produitd'un travail secr3toire. Tout recemment des etudes sur la vessie natatoire ont mis en lumiere quelques faits fort int6ressants. On savait par d'an- ciennes experiences que les gaz contenus dans la vessie nata- toire sont un melange d'oxygene, d'azote etd'acide carbonique en proportions variables, suivant les especes et meme suivant les individus. M. Armand Moreaua constate chez des Poissons dont la vessie natatoire est close (Perches), que cet organe con- tient toujours une forte partie d'oxygene si Tanimal est dans sa condition normale, que cet oxygene disparait pen a pen si 1'a- nimal ne pent plus en emprunter au milieu ambiant, s'il p6rit asphyxie 1 . A 1'egard de la vessie natatoire, nous devons encore rappeler ici le resultat fortremarquable d'urfe experience due egalement 1 Comptes rendus de I' Academic des sciences, i. LVII, p. 37, 1863, ct t. LVIII, p. -219, 1864. !(5 HISTOIRE GENERALE DCS POISSONS. a M. Moreau. On saitquc des Poissons font entendre des bruits particuliers, qu'ils emettent des sons, et, que Ton a designe cette production de sons sous le nom de voix des Poissons. Plusieurs especes sontconnues sous ce rapport, notamment les Triglesou Grondins. Jean Miiller a traite de la voix des Poissons dans un memoire special 1 . M. le docteur Dufosse en a fait le sujet de nouvelles recherches 2 , mais le fait le plus curieux est celui qui a ete obtenu par M. Moreau sur des individus du genre des Tri- gles ou Grondins, il a reussi par 1'excitation d'un nerf spinal se rendant a la vessie natatoire a reproduire le bruit, le gronde- ment que ces Poissons font entendre pendant la vie 3 . La vessie natatoire est un organe qui joue peut-e"tre dans I'economie de certains Poissons un role plus important qu'on ne 1'a suppose ; cependant il est a remarquer que cet organe man- que entierement chez plusieurs especes, dont le genre de vie parfois ne semble guere differer de celui des especes pourvues de cet organe. 13. De 1'appareil de la circulation du sang. Le sang des Poissons, tout le monde a eu 1'occasion d'en faire la remarque, presente les memes caracteres physiques que ce- lui des Vertebres supcrieurs, bien qu'il soit beaucoup moins ri- che en materiaux organiques. La quantite de ce fluide relative- ment au volume du corps est aussi moins considerable chez les Poissons que chez les Oiseaux et les Mammiferes. Les globules rouges que le sang tient en suspension sont plus petits que ceux des Batraciens et plus gros que ceux des Vertebres superieurs. 1 Ueber die Fische, wdche Tone von sick geben Archiv. i857, p. 249. * Comptes rendus de V Academic des sciences, t. XLVI, p. 352. 1858. 8 Comptes rendus de I' Academic des sciences, t. L1X, p. 436. 1864. CIRCULATION DU SANG. 97 C'cst un fait a ajoutcr a beaucoup d'autres, justifiant cette opi- nion des naturalistes : que les globules sanguins sont d'autant plus gros que la respiration est moins active. Les instruments dont la fonction est de conduire le sang a tons les organes, et de rapporter cc fluide nourricier an coeur pour etre chasse a 1'etat de sang veineux dans les organes respi- ratoires, d'ou il sortira, ayant repris ses proprietes vivifiantes, c'est-a-dire a 1'etat de sang arteriel, fournissent de magnifiques sujcts d'ctude chez les Poissons. Nous avons constate dejacom- bien leurs particularites les plus essentielles sont caracteris- tiques des animaux de cette classe. Voyons done comment sont conformes ces instruments. Le co3iir ne presente que deux ppches contractiles : im ven- tricule et une oreillette, mais, dans presque tous les represen- tants de la classe, il existe, au-devant du ventricule, un elargis- sement, une sorte de reservoir, connu sous le nom de bulbe arteriel. Gestrois parties, oreillette, ventricule et bulbe arteriel, sont enveloppees dans un pericarde et logees ordinairement sous les os pharyngiens entre les parties inferieures des arcs bran- chiaux et protegees souvent sur les cotes par les os de 1'epaule. Dans quelques especes, 1'oreillette est situee exactement en arrierc du ventricule, comme cela se voit chez tous les em- bryons, mais, en general, elle remonte plus ou moins sur le ven- tricule. Gette oreillette, plus volumineuse que le ventricule, a des parois minces, garnies a la face interne de faisceaux muscu- laires entrelaces. Son orifice auriculo-ventriculaire est pour vu de valvules destinees a empecher tout mouvement retrograde du sang. Le ventricule, tres-variable dans sa forme suivant les ty- pes, offrele plus ordinairement la figure d'une pyramide dont la base est en avant. Ses parois, charnues et fort epaisses, presen- BLANCHARD. 7 98 HISTOIRE GENERALE DES POISSOXS. tent deux couches de fibres musculaires, presque toujours sepa- rees 1'une de 1'autre et constituant des colonnes charnues plus on moins puissantes. Le volume du coeur est loin d'etre chez tous les Poissons, dans le meme rapport avec la dimension du corps. La capacitede cetorgane parait etre d'autant plusgrande, que les mouvements de 1'animal sont plus encrgiques, la res- piration plus active. Des observations bien precises et bien com- paratives sur ce sujet auraient un grand interest. Le bulbe n'est qu'un simple elargissement de 1'artere. D'apres des recherches qui meritent confiance, ses parois seraient le plus souvent de- pourvues de fibres de nature a lui donner une contractilite pro- pre, fibres dont 1'existence chez certains Poissons (par exemple les Esturgeons) est incontestable. A son origine, le bulbe est garni de valvules qui empechent le sang de retomber dans le ventricule, et, a son extremite, il offre un nombre plus ou moins considerable de ces replis chez la plupart des Poissons cartila- gineux. Un tronc arteriel, en continuite avec le bulbe, Yartere bran- chiate, suivant la designation adoptee, se porte en avarit et so partage bientot chez les Poissons osseux en quatre branches, se distribuant aux arcs branchiaux qui sont en nombre egal. Dans les Gartilagineux, comme les Raies etles Squales, il y a cinqpaires de ces arteres branchiales, sept chez les Lamproies et six chez d'autres Poissons appartenant a la meme division quc ces dernieres. A Fegard de la longueur du tronc arteriel com- mun,par consequent a 1'egard du point d'origine des arteres propres des branchies, des differences extremes ont ete consta- tees, maisjusqu'a present, on n'est point parvenu a apprecicr 1'importance de ces modifications sous le rapport physiologique. Les arteres des branchies rampent d'ordinairc dans une gout- CIRCULATION 1)U SANG. 9'J tiere pratiquee an bord inferieur dcs arcs branchiaux, fournis- sant, sur tout leur trajct, une double serie d'arterioles qui sedis- tribuent dans les lamcllcs branchiales, formant a la surface de ces feuillets si delicats, un reseau capillaire d'une merveillcuse richesse. Le sang- conduit dans ce reseau vasculaire passe en- suite dans un vaisseau qui regnc au bord externe de chaque la- melle, d'ou il est verse dans un systeme de vaisseaux efferents diriges vers Faorte dorsale. Ccs vaisseaux, veritables racines du systeme arteriel, recevant comme les veines pulmonaires de 1'homme, le sang qui a respire, c'est-a-dire le sang arteriel, sont habituellcment designes sous le nom de veines branchiales, terme vicieux, comme 1'a fait remarquer M. Milne Edwards, qui propose de les appeler arteres epibranchiales. Ces vaisseaux efferents des branchies courent parallelement aux arteres, mais en sens inverse, fournissant, sur leur trajet, les arterioles nourricieres des branchies, 1'artere coronaire du cffiur, les arteres de 1'appareil hyo'ide, des parties inferieures dc la tete et des parois abdominales et formant les organes vas- culaires connus sous le nom de pseudo- branchies, d'ou nait dc leurs innombrables ramifications, un tronc destine a porter le sang aux yeux. Parvenus a la base du crane, les vaisseaux efferents s'anastomosent entre eux pour constituer les troncs d'origine dc 1'aorte, mais a leur sortie de 1'appareil respiratoire, ils emettent une branche (ariere cephalique], qui va se distri- bucr dans la region anterieure et superieure de la t6te. L'aorte dorsale regne dans toute la longueur du corps, sous la colonne vertebrale, exactement sur la ligne mediane, en- voyant au niveau de chaque cspace intervertebral une paire d'arteres qui se ramifient dans tous les muscles du tronc et de la queue, ct, en outre, un vaisseau d'un volume considerable qui 100 H1ST01RE GENERALE DES POISSOXS. conduit le sang a tous les visceres par des branches nombreuses ramifiees al'infini. Le sang ainsi porte par les arteres sur tous les points de 1'economie, est repris par les veines que Ton distingue en trois groupes : le systeme veineux rachidien, devolu aux muscles et aux differentes parties de la charpente solide ; le systeme vei- neux visceral ', qui ramene le sang des visceres de Fabdomen, et enfin le systeme veineux bronchique, qui est, limite a 1'apparcil hyoi'dien. Ges trois groupes, difleremment unis entre eux sui- vant les types, versent leur contcnu dans un \aste reservoir en communication avec 1'oreillette, reservoir designe habituel- lement'sous le nom de sinus de Cuvier. Les veines du premier systeme remontent en suivant le tra- jet des arteres intercostales, pour atteindre de chaqtie cote de la ligne mediane au-dessous de 1'aorte, un vaisseau longitudi- nal (veincs cardinales) qui conduit le sang dans le sinus de Cuvier f , apres avoir recu deux vaisseaux (veines juyulaires\ charges de ramener le sang de la tete. II faut ajouter qu'une portion de sang veineux retournant des parties posterieurcs du corps, principalement par la veine caudale (resultant de la fusion en arriere des deux veines cardinales) est d'abord porte dans les reins par une veine (veine porte renale) qui se ramifie dans ces orgaries de la me" me maniere que celle du foie. Les ramifications se rejoignent ensuite, deviennent les veines re- nales qui se jettent dans les veines cardinales. Le systeme veineux visceral est plus complique ; les petites veines qui naissent sur les parois des visceres abdominaux, s'a- bouchent successivement pour former un tronc (veine porte hepatique\ qui traverse le foie, distribuant des branches et d'i nnombrables rameaux dans cet organe a la fac.on d'une ar- CIRCULATION DU SANG. 101 tere. Les dernieres ramifications, se reunissantensuite, consti- tuent une \eine (veins hepatique] qui se rend, comme les autres, dansle grand sinus. Chez certains Poissons, des veines viscerales presentent des divisions nombreuses, avec d'infmies ramifications qui consti- tuent des reseaux admirables comme les anatomistes les appel- lent. Particulierement chez les Cartilagineux , il y a des dila- tations des veines et parfois -des communications entre elles ainsi que des sinus caverneux situes a la partie supe"rieure de la cavite viscerale. Les veines qui ramenent le sang de toutes les parties de 1'ap- pareil hyoi'dien se deversent directement aussi dans le grand sinus commun a son entree dans 1'oreillette. Le sinus de Guvier, qui regoit la totalite du sang noir on sang veineux revenant de toutes les parties du corps, est un grand reservoir, une vaste poche a parois minces. Ge reser- voir situe en arriere du pericarde chez les Poissons osseux, est loge avec le co3ur dans le pericarde lui-me'me chez les Gartilagineux, comme les Raies et les Squales. 11 s'ouvre tou- jours dans 1'oreillette, dont il est souvent separe a 1'interieur par deux valvules. Tel est, dans sa plus gfande generalitc, 1'appareil de la circulation du sang dans les Poissons ; mais il est a peine besoin dele dire, il existe, suivant les types, une foule de modifications secondaires qui acquierent parfois une importance conside- rable! Des particularites pleines d'interet, dans la disposition des vaisseaux, ont ete constatees chez certain es especes. Les recherchcs de Miiller de Berlin et de M.-Hyrtl de Vlenne ont ete a cet egard des plus fructueuses. Le sujet est si vaste ce- pendant, d'une etude si longue et si difficile, que nous sommes 102 HIST01RE GENERALE DBS POISSONS. _ eloignes encore du temps ou la connaissance parfaite de tons les details de 1'appareil circulatoire chez les types principaux de la classe des Poissons, permettra de s'elever a 1'exacte genera- lisation de tons les faits et de comprendre quelles sont les modifications physiologiques qui coincident avec ces disposi- tions anatomiques *. 15. Des fonctions digestives et des organes de la digestion. De tons les animaux, il n'en est guere qui paraissent aussi occup^s d'une maniere incessanle de la recherche de letir nour- riture que les Poissons. A 1'epoque de la reproduction seulc- ment et pour un espace de temps plus ou moins limite, leurs habitudes, d'ordinaire si uniformes, se modifient sous ce rap- port. Ges animaux doues d'une puissance digestive remarquablo, avalent presque indistinctement tout ce qui est a leur portce. La voracite de beaucoup d'entre eux est pour ainsi dire pro ver- biale. On les voit engloutir des proies enormes relativemeht a leur propre volume, et apres un repas qui semble prodigieux, on les trouve disposes a le renouveler sil'occasion est favorable, circonstance stiffisante pour denoter la singuliere activite de leurs fonctions digestives. Cette voracite, on le comprend, se manifesto en raison de la dimension de leur bouche* et de la 1 11 existe chez les Poissons, un systeme lymphalique, mais ne pou- vant entrer ici dans tous les details que comporterait une description mCme assez succincte des principaux vaisseaux chyliferes et lymphati- ques, nous engagerons ceux qui voudraient acquerir les notions que Ton possede acluellement sur ce sujet a recourir aux Lecons sur laPhy- siologie et I' Anatomic comparee de M. Milne Edwards (t. IV, p. 471). 11s y trouveront un resum6 precis des faits les mieux constates. FONCTIONS DIGESTIVES. 103 puissance de son armature. Les Poissons sont carnassiers pour la plupart, mais parmi les especes dont la bouche est depour- \ T ue de dents, il en est beaucoup dont le regime est vegetal ; ces derniercs neanmoins a\alent encore des insectes, des vers, des mollusques, du frai, etc. L'accroissement des Poissons se fait avec lenteur ou avec ra- pidite, selon Fabondance de la nourriture. Ges animaux en general peuvent subir un jeune extremement prolonge sans perir ; les personnes qui conservent des Poissons rouges dans des vases, manquent rarement d'en faire une nai've expe- rience, en oubliant de prendre la peine de les nourrir. Lors- que les Poissons sont ainsi soumis a un jeune absolu, ils diminuent de volume jusqu'a ce que I'epuisement determine la mort. S'ils ont pen de nourriture, leur accroissement mar- che avec une extreme lenteur, mais si les subsistances abon- dent, ils grossissent avec une merveilleuse rapidite. Les personnes qui se proposent d'empoissonner des lacs ou des rivieres, doivent done se preoccuper avant tout de savoir si les eaux sont suffisamment peuplees d'animaux et de vegetaux pour que les Poissons sur lesquels reposent leurs esperances y trouvent une alimentation suffisante. ; condition essentielle pour que 1'accroissement des nouveaux habitants . ne \ienne pas a languir. Chez les Poissons osseux particulierement, la machoire su- perieure a presque toujours une grande mobilite,. ce qui per- met a la bouche d'offrir un vaste orifice. Les formes et le developpement des pieces qui constituent la charpente buc- cale sont tellement varies qu'on ne saurait en donner une idee complete-sans entrer dans une infinite deddtails. Rien de plus variable aussi que 1'appareil dentaire dans cette io4 HISTOIRE GENERALE DES POISSONS. classe d'animaux. II y a des Poissons dont la bouche est dt 1 - pourvue de dents; il y en a d'autres qui en ont sur toutes les parties de la cavite buccale et pharyngienne, c'est-a-dire aux deux machoires, au vomer, aux palatins, au sphenoi'de, a la langue, aux os pharyngiens, et m6me aux arcs branchiaux. Sous le rapport du mode d 'implantation et des formes, les dents offrent 6galement la plus grande diversite. Elles sont simplement engagees dans des parties molles chez les Poissons cartilagineux. Dans les Poissons osseux, ou le plus souvent elles sont inserees dans des alveoles, on les trouve frequem- ment soudees ou meme confondues avec 1'os qui les porte; dans quelques exemples, elles sont mobiles dans une direction determinee. Les dents qui garnissent les machoires, le vomer, les pala- tins de certains Poissons, sont souvent en nombre immense et si petites et si serrees les unes contre les autres (chez la Per- che par exemple), qu'il faut les examiner de pres pour les bien distinguer. Ges dents tres-sensibles .au toucher presentent dans leur ensemble, 1'apparence d'un velours; de la le nom, de dents en velours, introduit par Guvier. Lorsque les dents, dis- posees d'une maniere analogue, deviennent plus longues, ce sont des dents en rdpe (par exemple, les dents du vomer chez le Brochet) ; plus effilees encore et recourbees vers le bout, ce sont des dents en carde. Chez divers Poissons, les dents ont 1'aspect des canines des Mammiferes ; chez d'autres, elles sont en forme de tubercules ronds ou ovales, en forme de cones, en forme de lamelles avec tous les intermediaires, toutes les modi- fications imaginables, II est un groupe ichthyologique (les Lamproies), ou la bou- che est conformed d'une maniere bien differente de celle des FONCT10NS DIGESTIVES. 103 autres representants de la classe, raais il est inutile de nous en occuper ici ; les remarquables caracteres de cette bouche se trouveront exposes dans un chapitre special. La langue existe chez le plus grand nombre de Poissons. Get organe, toujours dur, peu mobile, port6 par 1'os hyoi'de qui cst plus on moiiis avance entre les deux branches de la ma- choire inferieure, ne se deplace guere que par les mouvements de 1'appareil hyoi'dien. La langue etant ainsi incapable de se projeter au dehors ne sert en aucune maniere a. la prehension des aliments. Dans la cavite buccale, un voile membraneux qui se fait ordinairement remarquer en dedans de chaque machoire,parait avoir pour usage d'empecher les aliments et 1'eau avalee pour les besoins de la respiration, d'etre rejetes par la bouche. Les dentelures des arcs branchiaux servent a leur tour, lorsque les aliments sont portes plus loin, a les empecher de tomber entrc les fentes branchiales. On connait le double role de la salive chez 1'homme et les animaux superieurs; la salive, agent mecanique, facilite la prehension des aliments et la deglutition, agent chimique, elle estle dissolvant de certaines substances. Pour des animaux qui avalent dans 1'eau et qui ne machent point, ce liquide etait inutile; les glandes salivaires manquent chez la plupart des Poissons, et s'il en existe, elles sont extremement rudimentaires. Les Gyprinides et plusieurs autres Poissons, ont le palais re- convert d'un tissu mou, epais, renfermant des cryptes que Ton considere comme de petites glandes salivaires, et sous la membrane muqueuse du palais, il y a egalement de petites glandes chez les Raies. Mais dans les Lamproies, qui pendant la deglutition nelaissent pas penetrer 1'eau dans leur bouche, il 106 HISTOIRE GENERALE DES POISSONS. existe une paire de glandes ayant des conduits excreteurs qui s'ouvrent dans la cavite buccale. Le pharynx est soutenu chez les Poissons par Ics os pharyn- giens qui sont souvent garnis de dents puissantes, de sorte quo les aliments subissent une trituration avant de passer dans 1'cesophage ; leur sejour un pen prolonge dans cette portion du tube digestif, 6tant sans danger pour des animaux a respiration branchiale. On a meme observe que des especes herbivores, apres avoir gorge leur estomac, avaient la faculte d'en faire remonter le contenu pour le broyer entre les dents pharyn- giennes. Le canal intestinal est presque toujours contenu en entier dans la cavite abdominale. D'ordinaire,l'oesophage est un tube large qui se confond insensiblement avec 1'estomac. L'estomac lui-meme, dans une infinite de Poissons (par exemple les Cy- prinides) n'offre point en arriere de limite nette, aucune val- \ule ne le separant de 1'intestin. Dans d'autres, il est plus on moins renfle ou meme globuleux et chez beaucoup d'especes carnassieres, il forme un sac parfois tres-vaste, rejete de cote, en sorte quo 1'orifice pylorique se trouve a 1'extremite d'une portion etroite et a pen pres cylindrique. On s'explique parfai- tement cette conformation pour des animaux qui doivent re- tenir une proie souvent volumineuse dans leur estomac afin qu'elle soit digeree en entier. Des Poissons de plusieurs groupes ont un estomac dont la portion pylorique renflee on pourvue de parois musculeuses fort epaisses, devient un organe tritu- rant, a la fagon du gesicr des Oiseaux (les Muges, les Alo- ses, etc.). L'intestin varie extrSmement sous le rapport de la longueur. Toujours un peu plus long que le corps chez les especes car_ FONCTIONS DIGESTIVES. 107 nassieres, il presente quelques courbures. On ne connait guere que les Lamproies, ou le tube alimentaire se porte absolument en ligne droite de la bouche a 1'orifice anal. II en est pour les Poissons comme pour les animaux des autres classes; ce sont les herbivores dont 1'intestin fort long, se trouve necessairement tres-replie sur Iui-m6me. Dans les Garpes, le tube digestif n'a pas moins de deux fois la longueur du corps. Les parois de 1'intestin des Poissons sont constitutes, de meme que chez les animaux superieurs, par une membrane externc musculeuse, et par une membrane interne dite mu- queuse. Seulement cette derniere n'offre pas, le plus souvent, de villosites analogues a celles qu'on rencontre dans les Mammi- feres et les Oiseaux. La surface de la muqueuse intestinale, presque lisse chez certaines especes, presente simplement dans les autres circonstances des cellules ou areoles polygonales, comme la Perche et I'Anguille en fournissent des exemples des plus caracteristiques. L'entree du gros intestin est aussi pour- vue d'un gros bourrelet fonctionnant a la facon d'une valvule pour empecher le retour des matieres descendues jusqu'a 1'ex- tremite du tube alimentaire. Une disposition bien curieuse, destinee a allonger le trajet que doivent suivre les matieres alimentaires, existe chez la plu- part des Poissons cartilagineux. Gette disposition est fournie par une large bandelctte contournee en spirale et adherente par son bord externe a la muqueuse, dans presque toute la portion moyenne du canal. Les anatomistes ont donn6 a cette sorte de rampe le nom de valvule spirale. Comme chez les Vertebres superieurs, le tube digestif est ac- compagne de glandes particulieres, . les appendices pyloriques, le foie, le pancreas. iOS HISTOIRE GENERALE DES POISSONS. Les appendices pyloriques, tubes aveugles s'ouvrant dans 1'intestin au voisinage du pylore, paraissent avoir un role ana- logue a celui de petites glandes que Ton trouve chez les Mam- miferes logees dans les parois memes de 1'intestin (glandes de Lieberkiihn). II est des Poissons ou les appendices pyloriques sont en nombrc enorme, comme les Truites et les Saumons ; d'autres, ou il n'y en a que deux ou trois, d'autres un seul. Cos organ es secreteurs, aussi varies dans leurs proportions que dans leur nombre, debouchent en general isolement dans 1'in- testin, mais chez diverses especes, ils se reunissent plusieurs ensemble pour s'ouvrir par un conduit commun. Le foie est toujours assez volumineux. Tantot ramasse, tan- tot plus ou moins allonge, il peut constituer une seule masse (Saumon, Brocket, etc.), ou presenter un lobe (Perche), ouoffrir des divisions assez nomb reuses. Le canal qui verse la bile dans 1'intestin (canal clioledoque), s'ouvre en arriere du pylore. Lave- sicule du fiel a etc observee d'une maniere presque constante. Le pancreas manque chez beaucoup de Poissons osseux, et dans les especes ou cette glandc existe, elle est toujours tres- petite. Ses canaux se reunissent pour former un seul conduit qui va deboucher dans 1'intestin, pres de I'orifice du canal de la bile. Dans les Poissons cartilagineux, il est en general assez vo- lumineux. La rate,sorte de glande sanguine, dont le role dansl'economie est encore tres-imparfaitemcnt connu,se trouve, chez la plupart des Poissons, accolee a 1'estomac ou a la portion anterieure de 1'intcstin. La rate est beaucoup plus volumineuse chez les Poissons cartilagineux que chez les Poissons ordinaires, et dans les Esturgeons, elle est multiple. Les intestins et les glandes sont enveloppes, comme chez les SECRETION URINAIRE. 109 autres Vertebres, par le peritoine et separes ainsi de la cavite qui contient les reins. 16. Des organes de la secretion urinaire. Les organes urinaires ou les reins ont un volume tres-consi- derable chez la plupart des Poissons. En general, ils occupent toute la longueur de la cavite abdominale, s'etendent memo chez certaines especes entre la base du crane et 1'appareil bran- chial ou jusque dans la region caudale. Dans tons les cas, ils sont fixes au-dessus des autres visceres de 1'abdomen, de chaque cote de la colonne vertebrale, se montrant le plus souvent reunis 1'un a 1'autre, soit dans quelques parties de leur longueur, soit dans toute leur etendue. Ges glandes sontcomposees,comme chez les autres Vertebres, de tubes ou de canalicules uriniferes coramuniquant entre eux et termines chacun par une ampoule designee sous le nom de corpuscule de Malpiyhi, du nom de Fanatomiste qui le premier en reconnut 1'existence. Le canal collecteur du produit urinaire verse par les canali- cules, 1'uretere, regne pres de la face inferieure du rein, s'en separe en arriere et s'unit a celui du cote oppose pour former un seul conduit. Gelui-ci debouche directement au dehors par l'orifice des organes de la reproduction, ou par un orifice parti- culier situe un peli en arriere de ce dernier, apres avoir forme une dilatation, une vessie, diversement conformee suiyant les especes *. Chez les Poissons cartilagineux (Raies, Squales, etc.), les 1 Pour plus dc details, \oir Milne Edwards, Lemons sur la Physiologic et r Anatomic comparce, t. "VIF, p. 321 et suivantes. no HISTOIRE GENERALE DES POISSONS. reins sont mediocrement developpes et tres-ordinairement par- tages en vine suite de petits lobes. On n'a jusqu'a present que peu de donnees sur la composition chimique de 1'urine des Poissons. Cependant, on a constate dansce liquide, la presence de 1'acide urique et de plusieurs sels alcalins. Nous ne pouvons qu'indiquer ici la presence de glandes dont le role est encore completement obscur et que Ton npmme, a raison de leur situation par rapport aux reins, les glandes surre- nales. Elles consistent chez les Poissons osseux en corpuscules blanchatres, arrondis et enveloppes d'une tunique. Dans plu- sieurs Poissons cartilagineux, elles ont 1'apparence d'une ban- delette d'un jaune \if. 17. De la reproduction. On est sans doute trop persuade que les Poissons sont des creatures, non-seulement denuees detout vestige d'intelligence, mais encore privees de la plupart des instincts dont une foule d'autres animaux fournissent des exemples. Gette opinion a ete reproduite sous mille formes, surtout avant 1'epoquc ou des observations precises sur I'industrie de quelques especes ont pu donnerapenser que beaucoup de Poissons etaient mieux parta- ges qu'on nel'avait suppose. Les Poissons, chez lesquels, pour la plupart, aucun rapproche- ment intime ne s'opere entre les individus des deux sexes, nous semblent rester fort indifferents les uns pour les autres ; mais 1'opinion congue a cet egard est peut-etre fort erronee. Pour ces animaux, dont la \ie s'ecoule hors de la portee de notre vue, les habitudes, les mosurs echappent a 1'attention, sil'ohn'a recours a certains moyens, toujours assez difficiles a mettre en pratique, REPRODUCTION. Ill pour bien observer. On se trompe souvent lorsqu'on croit qu'il ne se passe rien, la oil 1'on n'a rien su voir. Avec les idees generalement acceptees touchant la notion quo les Poissons peuvent prendre des objets extericurs, comment s'expliquer les changements qui se manifestent chaque annce chez ces animaux quand arrive 1'epoque de leur reproduction ? Tout a coup, certaincs especes dont les couleurs etaient ternes se parent des plus vives, des plus eclatantes nuances; comme les Oiseaux, elles revetent leur parurc de-noce. Qui n'a remarque ail printemps ce clietif Poisson si commun dans les ruisseaux, et que tout le monde appcllc le Vairon. II est splendide alors : son dos brille de teintes metalliques bleucs on vertes ; ses levres, ses joues, son ventre, ses nageoires, d'un magnifique rouge 6carlate, le rendent eblouissant. A peine a-t-il satisfait a cette grande loi de la nature qui assure la perpetuite des etrcs, que ses brillantes couleurs s'effacent, les tons metalliques disparais- sent, le beau rouge des parties inferieures du corps s'affaiblit jusqu'a ce qu'il n'en reste plus de trace. L'animal a repris sa modeste livree. Des^transformations analogues, tout aussi saisissantes, chez les Epinoches, ont ete decrites avec un soin et une elegance dignes du sujet. La Perche, qui charme les yeux par la beaute et la va- riete de s"a coloration, ne se montre dans tout son eclat qu'a 1'e- poque du frai. G'est alors surtout que ses nuances vertes don- nent le mieux leurs reflets dores , que le rouge de ses nageoires est dans toute sa vivacite. Un pareil changement a lieu chez une infinite de Gyprinides, comme les Roches, les Rotengles, etc. Parmi les Salmonides, la parure de noce est encore bien sensi- ble. L'Ombre-chevalier, d'ordinaire d'un gris de perle pale, avec la partie inferieure du corps blanchatre , se colore sur 112 HIST01RE GENERAL^ DES POISSONS. Ic dos d'une teinte bleuatre, sur le ventre d'un ton orange. Dans le monde des Poissons, il est certain qu'a 1'epoque de la reproduction un irresistible instinct pousse les individus des deux sexes a se rapprocher et a \ivre en compagnie, an moins pendant un certain temps. On a doute de 1'attrait que les indi- vidus d'un sexe pouvaient exercer sur les individus de 1'autre sexe, parce que, chez le plus grand nombre de ces animaux, il n'y a jamais de rapprochement intime entre les males et les femelles ; mais ces parures de noce dont il vient d'etre ques- tion, ne temoignent-elles pas bien evidemment de sensations dont les etres d'un ordre plus eleve eprouvent le charmc? Parmi les especes qui construisent des nids plus on moins parfaits et le nombre semble aujourd'hui en etre assez consi- derable 4 , les males se portent avec ardeur a la recherche des femelles et reussissent a les attirer jusqu'a 1'endroit prepare pour recevoir le depot des ceufs. Des Poissons vivant isoles pen- dant presque toute 1'annee, se montrent par troupes a 1'epoque du frai, les males poursuivant les femelles et nageant pres d'el- les sans les quitter d'un moment. Instinct indispensable pour assurer la propagation de 1'espece, ainsi qu'on en a acquis la preuve par une suite d'observations et d'experiences. Les ceufs que deposent les femelles seraient perdus, s'ils n'etaient fecon- d6s aussitot apres la ponte. Spallanzani, ce naturaliste plein d'idees ingenieuses, avail constate que les ceufs des Greriouilles perdaient avec une etonnante rapidite la faculte d'etre fecon- des 2 . MM. Prevost et Dumas se sont assures de 1'exactitude 1 On peut consulter 4 cct 6gard de nouvelles observations sur des Poissons marins, dues a M. Gerbe. Revue ct Magasin de Zoologie, p. 273 et 337, 1864. 2 Spallanzani, Experiences pour servir a I'histoire de la generation, tra- duction franchise, p. 137. Geneve, 1785. REPRODUCTION. H3 de 1'observation de 1'auteur italien, tout en admettant encore une vitalite des oeufs plus grande peut-6tre qu'elle ne Test en realite dans la plupart des circonstances *. M. Gosteavu, chez les monies animaux, que tres-peu d'oaufs restaient infeconds, si 1'impregnation avait lieu imm^diatement ; que plus de la moi- tie" etaient perdus au bout de cinq minutes, le tiers apres dix minutes. Dans une experience, sur 140 03iifs, 5 seulement furent feconds apres une demi-heure et pas un seul apres une heure 2 . Pour les Poissons nous n'avons pas de chiffre aussi precis a citer, mais nous savons neanmoins que les reufs peri- raient egalement s'ils n'6taient impregnes de la laitance, au moment me* me de leur emission, surtout lorsque la tempera- ture est un pen elevee. Sans 1'attachement des males pour les femelles, pendant une periode de I'ann6e, la propagation des especes cesserait d'etre assuree. D'un autre cote, lorsque la laitance est repandue, la vitalite des corpuscules fecondateurs ne persiste dans 1'eau, leur Yehi- cule nature!, que durant quelques minutes. D 'apres les expe- riences deM. Goste, les corpuscules fecondateurs perdent leur motilite et en m6me temps leur propriete, au bout, de deux a trois minutes pour le Barbeau, la Garpe, le Garden, six a huit minutes pour le Brochet, la Truite, le Saumon. D 'apres les ex- periences de M. Millet, la vie de ces corpuscules fecondateurs a une duree moindre encore, lorsque la laitance est complete- ment delayee dans 1'eau. Chez les Poissons osseux, les organes de la reproduction sont 1 Deuxieme memuire sur la generation. Annalts des sciences naturelles, t. II, p. 134. 1824. * Coste, Histoire generals et particuliere du developpement des corps or- ganises, t. II, p. 44. 1859. BI.ANCUARD. 8 H4 HISTOIRE GENERALE DES POISSONS. d'une extreme simplicite. On les trouve presque toujours loges en entier dans la cavite abdominale, ou ils sont maintenus en place par des replis du peritoine. Les ovaires consistent ordi- nairement en deux sacs ayant des parois constitutes par deux tuniques, Tune musculeuse, 1'autre membraneuse, et pounues a I'int6rieur de replis variables dans leur direction comme dans leur nombre. Chez beaucoup d'especes, les ovaires sont en con- tinuite avec des oviductes qui se reunissent bientot en un ca- nal commun s'ouvrant par un pore situe au voisinage de 1'ori- fice anal ; tels sont les Epinoches, les Gyprinides, les Brochets, les Harengs, etc. II y a divers Poissons dontl'un des ovaires est atrophie, c'est le cas pour la Perche. II est des especes, comme les Truites et les Saumons, ou ily a absence d'oviductes, de sorte que les ceufs tombent dans la cavite abdominale, d'ou ils sont expulses par deux ouvertures placees un peu en arriere de 1'anus, au moyen des contractions des muscles abdominaux. Chez les Ganoi'des, les Esturgeons en particulier, il y a dis- continuite entre les oviductes et les ovaires. Lorsque les ceufs abandonnent les ovaires, ils descendent ainsi dans la cavite ab- dominale pour passer ensuite dans les oviductes; ceux-ci, erases dans leur portion superieure, se confondent dans leur portion inferieure avec les conduits des reins (ureteres). Dans les Gartilagineux, tels que les Raies et les Squales, il y a toujours solution de continuite entre les ovaires etles oviductes, comme chez les precedents et comme chez tous les Vertebras superieurs, de sorte que les ceufs doivent traverser une partie de la cavite limitee par le peritoine avant d'atteindre 1'embou- chure des oviductes, qui est en forme de trompe evas6e. Parmi les Plagiostomes (Requins, Squales, Raies, etc.), ily a REPRODUCTION. illi des especes ovipares et d'autres vivipares. Chez les premieres, la coque de 1'ceuf parait 6tre produitc par un organe special, sorte de glande formee de canalicules presses les uns centre les autres et situee au sommet de 1'oviducte. Chez les especes vivi- pares, les jeunes se developpent dans une dilatation de 1'ovi- ducte (uterus) et sortent libres de toute enveloppe. Les organes males des Poissons osseux ont la meme simpli- cit6 que les organes femelles. Ge sont deux sacs ayant la me"mr apparence generale que les ovaires, pouvant comme ces der- niers presenter des lobules ou des divisions. Parfois il n'existe qu'un sac ; lorsqu'il y en a deux, leurs canaux deferents se reu- nissent en un seul conduit qui se jette dans le canal de 1'uretre et s'ouvre au dehors, pour donner passage a lalaitance, soit dans une petite papille, soit dans une fossette placee en arriere de 1'orifice anal. Dans les Poissons cartilagineux les plus parfaits (Raies, Squales, etc.), les organes males sont deux corps larges et apla- tis divises par loges contenant chacune une vesicule remplie de cellules. Ces organes en communication par des vaisseaux avec un 6pididyme compose de canaux flexueux, se terminent par un conduit deferent qui debouchedans la portion elargie des ureteres (vessie). Chez les especes ou s'effectue un rapproche- ment intime entre les individusdes deux sexes, on remarque au bord de 1'orifice, des organes en forme de tenaille 4 . 1 Nous n'avons pas parle dans cet apergu de 1'organisation des Pois- sons, des organes electriques des Torpilles, des Gymnotes, etc. Une description de ces organes dont il n'y a pas d'exemple chez nos Pois- sons d'eau douce, nous aurait oblige a entrer dansdetrop longs d6velop- pements, mais ceux qui voudraient en faire une etude, pourront con- suiter : Matteucci etSavi, Traite des phenomenes electrizes, Paris, 1844, et surtout le beau travail de Max Schultze, Ueber die electrischen Organs H6 HISTOIRE GENERALE DES POISSONS. 18. Du D6veloppement. Au moment de la ponte, 1'ceuf des Poissons osseux se com- pose du vitellus (le jaune), de gouttelettes d'huile, de la vesi- cule et des taches germinatives, de la membrane vitelline et de la coque qui est percee de petits trous que Ton designe aujour- d'hui sousle nom de micropyles *. G'est par ces ouvertures microscopiques que les corpuscules fecondateurs de la laitance penetrent dans 1'interieur de I'o3uf. Peu d'heures apres la fe- condation, la membrane vitelline, par suite de la penetration de 1'eau, s'isole de la coque, de sorte que le vitellus tourne libre- ment dans 1'oeuf. Le vitellus n'offre ni vesicules ni cellules, mais il a des globules libres en nombre moins considerable que dans 1'oeuf des autres animaux, a cause de 1'abondance du liquide albumineux et des particules huileuses qui se ramas- sent pour former de grosses gouttes. Bientot les globules vitel- lins se portent vers un point de la surface et le germe apparait sous la forme d'une ampoule. Peu apres, le germe prend 1'ap- parence d'une v6sicule diaphane, composee de cellules globn- leuses ; un fractionnement se produit, et la phase de sillonnement accomplie, le germe embryonnaire affecte une forme hemisphe- rique etpresente un aspect grenu. L'embryon s'isole de plus en plus de la vesicule vitelline, par suite du de"veloppement de la membrane (blastoderme)qui vient envelopper le vitellus. A par- tirde ce moment, les principales regions du corps commencent a 6tre distinctes ; un sillon dorsal se montre sur toute la lori- der Fische, i858, et Annales des sciences naturellcs, 4* s6r., t. XI, p. 37S. 1859. 1 On trouve des observations nombreuses sur le micropyle des Poissons dans un memoire de M. Reichert. Muller's Archiv, 1S56, p. 8J. DEVELOPPKMENT. 117 gueur de 1'embryon, la tete se renfle ct semble e"tre une v6sicule vide. Un peu plus tard, le sillon dorsal se limite en avant, les divisions vertebrales deviennent sensibles, trois divisions se dessinent avecune nettete croissante dans la region cephalique. Ensuite, la corde dorsale devient distincte, les divisions verte- brales se prononcent davantage, lesvesicules oculaires s'isolent sur les cot6s de la region moyenne de la t6te, et celle-ci se rem- plit de cellules nerveuses. Apres ces formations, le coeur se montre sous 1'apparence d'un petit c6ne solide, appuye sur le vitellus ; sa cavite se forme bientot et Ton y aperc.oit des glo- bules sanguins ; les vaisseaux apparaissent ; la circulation du sang est etablie ; 1'intestin se constitue et prend sa forme tu- buleuse ; la t6te se degage peu a peu du vitellus ; un pig- 4... Fig. 3. OEuf de saumon apres la fecondation, de grandeur naturelle. Fig. 4. Le meme grossi. Fig. 5. OEuf de saumon dont 1'embryon est distinct en entier, au travers de la coque. Fig. 6. Saumon venant d'e- clore, grossi. Fig. 6 a . Sa grandeur naturelle. ment commence a se manifester sur les parties laterales du corps et sur la t6te. L'embryon tout entier est alors tres-distinct au travers de la coque de 1'oeuf. II est arrive a terme ; le jeune poisson eclot, H8 H1STOIRE GENERALE DES P01SSOXS. portant appendue a son ventre la vesicule vitelline contenant des gouttes d'huile souvent fort grosses, et des vaisseaux sanguins el6gamment ramifies. Pen a pen cette vesicule se resorbe. Toutes les parties du corps, pieces operculairesj nageoires, se developpent, et lorsque la vesicule a entierement disparu, 1'a- nimal doit commencer a chercher sa nourriture. Rien de plus joli que les jeunes Poissons an sortir de 1'oeuf ; au travers de leurs tissus delicats et diaphanes, on pent voir et compter les battements de leur coeur, suivre tout le trajet de leurs arteres et de leurs veines et observer ainsi la circulation entiere du sang l . La rapidite de la marche du developpement est extremement \ariable pour les differentes.especes de' Poissons ; chez beaucoup d'entre elles, huit a dix jours seulement s'ecoulent entre la ponte et 1'eclosion (Perche, Ghabot, Epinoches, etc.) ; chez d'autros, environ deux mois (Sajmonides). Dans 1'oBiif des Poissons cartilagineux, le vitellus, bien dif- ferent de celui de 1'ceuf des Poissons osseux, estconstituc par des i cellules analogues a celles du jaune de 1'oeuf des Oiseaux ; seulement ces cellules, aulieu d'etre remplies de granules, ren- ferment des corpuscules quadrangulaires d 'aspect cristallin. La vesicule germinative est d'une elasticite telle qu'elle se rompt si 1'on vient a la comprimer. II est des Poissons qui naissent et grandissent sous une forme particuliere et subissent une transformation, une veritable me- tamorphose, apfes 6tre arrives plus ou moins pres du terme de leur croissance. Les Lamproies nous en fourniront un exemple. 1 M. Millet a observe le nombre des battements du coeur chez les Truites et les Saumons nouveau-nes sous les diflerents degres de tem- perature. Voir Revue des Societes savanten, t. VI, p. 507. 1864. CLASSIFICATION. 119 19. De la classification des Poissons. Les classifications proposees pour les Poissons ont vari6, na- turellement, selon les vues de leurs auteurs et surtout suivant 1'etendue des connaissances sclentifiques. L'historique de ces variations offrirait ici un interet assez mediocre. Nous nous bornerons a signaler ce qui a reellement une importance dans 1'etat actuel de 1'Ichthyologie. La comparaison des caracteres tires de 1'ensemble des orga- nes, on 1'a vu, fait ressortir des dissemblances enormes entre les principaux types de la classe des Poissons , et en meme temps des rapports de conformation, des affinites naturelles entre tons ces animaux, vraiment impossibles a meconnaitre. D'apres cela, on congoit sans peine combien les appreciations purent etre di- verses. Le zoologiste suedois Pierre Artedi avait commence a definir les ordres et les genres de la classe des Poissons avec une habi- lete quilui a valu une juste renommee. Tres-frappe des diffe- rences qui existent entre les principaux types , Linne modifia bientot la classification proposee par son compatriote , sans se montrer toutefois bien heureusement inspire. Les Poissons os- seux, di vises en quatre ordres d'apres la consideration de 1'ab- sence ou de la situation des nageoires 4 , composerent seulsla classe des Poissons; les cartilagineux, auxquels furent adjoints de la maniere la plus arbitraire des especes qui s'en eloignenta 1 Les Apodes, sans nageoires ventrales ; les Juyulaires, avec les nageoi- res ventrales plus en avant que les pectorales ; les Tkoraciqiies, avec les nageoires ventrales sous les pectorales; les Abdominaux, avec les na- geoires ventrales plus en arriere que les pectorales. Sy sterna naturce, I2 e 6dit., t.I, p. 422(1766). 120 H1ST01RE GENERALE DES POISSONS. tous egards, prirent place avec les Reptiles et les Batraciens dans la classe des Amphibies sous le nom d' 'Amphibia nantes *. Ges groupements zoologiques parurent & bon droit fort etran- ges, et nous aurions juge inutile d'en rappeler le souvenir, si 1'idee de separer les Poissons cartilagineux des autres types ich- thyologiques ne s'atait reproduite de nos jours , en s'appuyant sur des faits scientifiques d'une incontestable valeur. Apre&cette indication, il nous est permis de passer de suite a 1'examen de la classification de Cuvier, d'abord gene>alement adoptee et maintenant encore suivie par une foule d'auteurs. Pour Guvier, les Poissons forment deux series distinctes : les Poissons proprement dits (osseux) etjles Chondropterygiens on Cartilagineux. Les premiers sont partages en Acanthopterygiens et en Malacopterygiens, suivant que les premiers rayons des na- geoires dorsale et anale sont durs et osseux, ou flexibles et ar- ticules, comme si de petits tronc,ons etaient places a la suite les uns des autres. Les Acanthopterygiens sont ensuite distingues par families, et dans cette classification on en compte quinze. Les Malacopterygiens sont repartis dans trois ordres : les Malacopterygiens abdominaux, ayant les nageoires ventrales suspenduesen arriere des pectorales ; \esMalacopterygiens\sub- brachienS) ayant les nageoires ventrales plac^es exactement au- dessous des pectorales, et les Malacopterygiens apodes, priv6s de nageoires ventrales 2 . 1 Les Lamproies, les Raies et les Squales, les Eslurgeons avec les Baudroies, les Coffres, les Syngnathes, etc. 1 Si nous indiquons encore dans notre livre, les deux divisions des Acanthopterygiens et des Malacopterygiens, c'est faule d'avoir jusqu'ici un meilleur moyen de grouper les Poissons osseux, car M. Agassiz vient CLASSIFICATION. 121 Viennent ensuite deux autres ordres separes des prece- dentes divisions : les Lophobranches (Syngnathes, Hippo- campes), remarquables par leurs branchies constitutes en ma- niere depetites houppes disposees par paires le long des arcs branchiaux, et les Plectognathes (Poisson-lune, Ostracions, Diodons, etc.), surtout caracterises par 1'immobilite de leur ma- choire superieure, 1'os maxillaire etant soud6 ou fixe solidement a 1'intermaxillaire et 1'arcade palatine engrenee avec le crane. La seconde serie, les Chondropterygiens ou Cartilagineux, est drvisee en trois ordres : les Chondropterygiens a branchies libres (Esturgeons), les Chondropterygiens a branchies fixes (Requins, Squales, Raies, Torpilles, etc.), etles Suceurs (Lam- proies) 4 . Les defauts de cette classification, dejk entrevus par Guvier Iui-m6me, furent bientdt mis plus en Evidence, au moins en partie, par de nouvelles recherches sur la conformation des Poissons. II devenait certain pour les naturalistes^que la nature des rayons des nageoires, que ^position des \entrales, que la disparition m6me de ces nageoires, n'etaientpas des caracteres d'une haute importance. Sous 1'empire d'id6es con^ues par suite d'etudes sur les Fos- siles, M. Agassiz eut recours essentiellement aux caracteres fournis par les teguments, et s'appuyant sur ces caracteres d'une maniere trop exclusive, il proposa une repartition de la classe entiere des Poissons en quatre ordres. de montrer par des recherches re"centes que certaines especes, ayant, lorsqu'ils sont adultes, les caracteres des Acanthoptirygiens, sont des Malacopterygiens pendant leur jeune 3ge.' Agassiz, Observations sur les metamorphoses des Poissons, Annales des sciences naturellts, 5 e s6rie, t. HI, p. 55. 1865. 1 Regne animal, t. II (1829). 122 HISTOIRE GENERALE DES POISSONS. Ges quatre ordressont : 1 \esPlacoidiens, correspondant aux Chondropterygiens de Cuvier, a 1'exception du premier ordre ; 2 les Ganoidiens on Ganoides, comprenant ce premier ordre des Ghondropterygiens (Esturgeons), quelques types dont les veritables affinites naturelles avaient ete jusqu'alors mecon- nues (Lepidostee, Polyptere, etc.), puis un grand nombre de formes appartenant aux periodes geologiques, et enfin les Plectognathes et les Lophobranches de Gu\ier ; 3 les Cteno'i- diens, a ecailles denticulees sur leurs bords, c'est-a-dire les Acanthopterygiens d'Artedi etde Guvier, h. 1'exception de ceux qui ont des ecailles a bord imi et avecl'addition des Pleuronectes (Turbot, Sole, etc.) ; et 4 les Cyclo'idiens, ci ecailles lisses sur leurs bords, comprenant tons les Malacopterygiens de Guvier, et de plus quelques families d' Acanthopterygiens *. Un beau resultat des recherches de M. Agassiz, c'etait la se- paration pleinement justifiee des Ganoi'des des autres types de la classe des Poissons ; un resultat mediocre, c'6tait la ca- racterisation des deux ordres auxquels serattachent tous les Pois- sons ordinaires, d'apres une particularite unique, particularito offerte par les ecailles, qui sont atrophiees chez beaucoup d'es- peces, qui manqiient absolument chez beaucoup d'autres. Jean Miiller, eclaire sur bien des points par ses magnifiques travaux sur 1 'organisation des Poissons, devait aussi presenter ses vues touchant la classification. S'appuyant sur des carac- teres tires de la structure des valvules du coaur, de la confor- mation de 1'appareil branchial, de la vessie natatoire, il com- menQa par diviser la classe des Poissons en six sous-classes : lles Teleostiens (Poissons osseux), qui ont deux valvules a 1'en- 1 The Edinburgh new Philosophical Journal, vol. XVIII, p. 176 (1834- 1835), et Recherches sur les Poissons fossiles. CLASSIFICATION. 123 tree du bulbe aortique ; 2 les Dipnoiens, ayant a la fois des branchies, des poumons et des valvules aortiques en spirale (le seul genre Lepidosireri)\ 3 les Gano'idiens, pourvusde nom- breuses \alvules aortiques ; 4 les E I asmo branches (Raies, Squales), caracterises par leur crane sans division et par la nature deleurs teguments; Siles Marsipobranches* on Cy- clostomes (Lamproies, Myxines), distingues par 1'absence d'arcs branchiaux et par plusieurs autres caracteres ; et 6 les Leptocardiens, comprenant un seul type (Amphioxus), remar- quable au plus haut degre par 1'absence d'un veritable co3ur, comme par 1'absence de distinction entre la moelle epiniere et le cerveau. Les Poissons osseux-ou Teleostiens sont ensuite repartis dans sixordres : \.\v&Acanthopteriens, dontlesos pharyngiens sont doubles (la plus grande partie des Acanthopterygiens de Girvier) ; 2 les Anacanthiens (Gades et Pleuronectes) ; 3 les Pharyngognathes, dont les os pharyngiens inferieurs sont minis (Labres, Sombresox) ; 4 les Physostomes, ayant lavessie natatoire pourvue d'un canal a6rien (Gyprins, Brochets, Sal- mones, etc.) ; 5 les Plectoynathes; et 6 les Lophobranches* . Les autres sous-classes sont suffisamment indiquees par les types que nous avons cites. Les premieres divisions, telles qu'elles sont presentees par Jean Miiller, reposent toutes sur des caracteres d'une importance incontestable ; elles offrent un tableau des principales formes de la classe des Poissons, plus 1 Ce nom, ainsi que le pre"c6dent, est emprunte aU prince Charles Bonaparte. s Muller, Beitrage zur Kenntniss der naturlichen Familien der Fische. Erichson's Archiv. 1843, s. 292. Memoire sur les Ganoides et sur la classification naturelle des Poissons, Annales des sciences naturelles, 5 e s6rie, t. IV, p. 5. 1845. 124 HISTOIRE GENERALE DES POISSONS. parfait, a certains egards, que les tableaux des auteurs prec6- dents. Les divisions etablies parmi les Poissons osseux (Teleos- liens) peuvent au contraire soulever de nombreuses objections. Enfin, il y a peu d'annees, M. Agassiz, considerant les diffe- rences considerables qui existent entre les principaux types de Poissons, a ete conduit a regarder ces differences comme aussi importantes que les differences qui separent les Reptiles des Oiseaux, les Oiseaux des Mammiferes. II proposa alors la dis- tinction en quatre classes des animaux reunis par tous les Zoologistes, a 1'exception de Linne, dans la seule classe des Poissons. Ces quatre classes de M. Agassiz sont : 1 les Myzon- tes, repondant h 1'ordre des Marsipobranches de Gh. Bonaparte et de Miiller ; 2 les Poissons, reduits a ceux que nous appelons les Poissons osseux ou les Poissons ordinaires ; 3 les Ga- noides * ; et 4 les Selaciens (Squales, Raies, etc.) 2 . Ges vues, nous pouvons le dire avec assurance, meritent consideration, mais ce n'est pas ici le lieu de les discuter. En exposant brie\ement les classifications modernes ayant les Poissons pour objet, le but a ete de montrer comment se resument des connaissances recemment acquises, et de fournir h chacun le moyen de reconnaitre la part que les especes de nos eaux douces occupent parmi tons les representants de cette grande classe des Poissons. Get expose nous permettra d'ailleurs de passer sous silence, dans notre Hisloireparticuliere, la plus grande partiedes noms qui \iennent d'etre mentionnes. 1 En y comprenant avec doute les Silures , les Plcctognathes et les Lophobranches. * Agassiz, Contributions to the Natural History of the United-States. Vol. i, pars i, p. 137-187. HISTOIRE PARTICULIERE LES POISSONS OSSEUX L'ORDRE DBS ACANTHOPTERYGIENS G'est la presence de rayons 6pineux aux nageoires qui carac- terise,qui distingue le plus nettement les Acanthopterygiens des autres Poissons. La premiere portion de leur nageoire dorsale ou leur pre- miere dorsale tout entiere, lorsqu'il y en a deux, est soutenue par des rayons de cette nature. II y en a egalement quelques- uns, a la nageoire ventrale et au moins un aux ventrales. Chez les Acanthopterygiens, les 6cailles sont ordinairement pectinees a leur bord, mais ce caractere n'est pas aussi exclusif que le premier, et il n'a pas la meme generalite, car les ecailles rnanquent compl6tement chez beaucoup d'especes. Get ordre est celui de la classe des Poissons qui a le plus grand nombre de represeritants ; seulement les especes qui \i- vent dans les eaux douces sont en quantite beaucoup plus petite que dans 1'ordre des Malacopterygiens. 126 HISTOIRE PARTICULIERE DBS POISSONS. LA FAMILLE DES PERGIDES (PERCIDJE) Quelques Poissons repandus dansles eauxdoucesde 1'Europe et diflerentes especes de nos cotes maritimes, sont designes par les pecheurs et connus de tout le monde sous le nom de Perches. Ges Poissons, assez varies dans leurs formes, constituent pour les naturalistes, la famille des PERCIDES *. Les representants de la famille des Percides ont, en gene- ral, des formes assez sveltes , des proportions elegantes, des mouvements faciles. Us sont reconnaissables , du reste , a un grand nombre de caracteres. Leur corps oblong , sou vent un peu comprime lateralement , est convert d'ecailles dures bien remarquables. Ges ecailles , dont la face exterieure est apre au toucher, ont leur bord libre pourvu de dents ou d'epines parfai- tement distinctes a la vue simple, si Ton y porte un peu d'atten- tion, qui apparaissent sous un grossissement meme assez faible, comme des chefs-d'ceuvre de ciselure. Les ecailles des Percides sont implantees dans la peau par un bord decoupe en festons correspondant a des sillons longitudinaux qui convergent plus on moins vers le centre. Des stries circulaires, egalement espa- cees, toujours d'une admirable nettet6, ayant de legeres ondu- lations, les parcourent sur toute 1'etendue recouverte par les ecailles inserees plus en avant, tandis que la portion qui est a 1 Cuvier, et cl son exemple la plupart des auteurs ont 6crit Percoldes. Celte forme est peut-fitre plus euphonique, mais elle a le defaut assez grave d'etre irr6guliere. Nous pensons qu'il y a tout avantage A adopter exactement la mfime desinence pour tous les noms de families. Yarrell et les zoologistes anglais, en ge"ne~ral, ont employ^ le mot Percides (Percid). GREMILLE. 149 beaucoup plus tot, si Ton doit s'en rapporter a certaines asser- tions. II se tient habituellemcnt, parait-il, an fond de 1'eau et ne nage guere en pleine riviere que par les mauvais temps, lorsque soufflent les vents du nord et de Fouest, alors que les autres poissons se retirent dans les profondeurs. Gette circon- stance a amene les pecheurs de plusieurs localites a regarder 1'Apron comme le poisson maudit et ils s'en sont vengcs en 1'ap- pelant le Sorrier. Les pecheurs de la partie de la Saone qui tra- verse le departement de la Cote-d'Or, rapporte un naturaliste bourguignon 4 , ont acquis la certitude que la peche sera mau- vaise s'ils ramenent un Apron dans leurs filets, et fort m6con- tents de la capture, ils la rejetaient autrefois avec depit, mais a present, comme ils connaissent le bon gout de la chair de ce poisson, tres-analogue a celle de la Perche, ils preferent le man- ger. D'autrepart, M. Gharvet, professeur dela Faculte des scien- ces de Grenoble, nous dit aussi 2 , que les pecheurs de 1'Isere regardent la presence de 1'Apron dans leurs filets comme un mauvais presage, croyant avoir remarque qu'ils font rarement bonne p6che quand ils prennent des Aprons. LE GENRE GREMILLE (ACEUINA, Cuvier 3 ) Par les formes, par Faspect seul, les Gremilles se rapprochent beaucoup des Perches. Elles leur ressemblent plus meme que 1 Vallot, Ichthyologie francaise, p. 71. Dijon, 1837. 2 Statistique generate du departement de I' here, L II, p. 248. Grenoble, 1846. 3 Acerina, Cuvier, Regne animal. 150 HISTOIRE PARTICULIERE DES POISSONS. les Aprons; cependant, lorsqu'on examine attentivement les di- verses parties de leur corps, on ne tarde pas a reconnaitre des caracteres qui les en eloignent dans une certaine mesure. Les Gremilles ont le corps ovalaire et un peu comprime, mais ce qui les fait distinguer aussitot des genres precedents, c'est la reunion des deux nageoires dorsales en une seule. Tousles au- teurs commencent par caracteriser ces Poissons, comme des Percides a dorsale unique. La definition est mediocrement heu- reuse; elle donne 1'idee de 1'absence d'une nageoire qui existe- rait chezles Perches etles Aprons ; or, chez les Gremilles, il y a en realite deux nageoires analogues a celles des especes appar- tenant aux genres precedents ; seulement, ces deux nageoires, aulieu d'etre plus ou moins 6cartees 1'une de 1'autre, sont rap- prochees et en parfaite continuite. La nature des rayons, epi- neux a la premiere dorsale, flexibles, al'exception d'un seul, a la seconde, quand il y a separation, suffit a montrer a quoi se reduit la difference. Les Gremilles se font remarquer par une singularite de la con- formation de leurjtete, ou, comme dans les Perches, il n'y a point d'ecailles. Des cavites, des fossettes tres-prononcees, sont creusees sur les joues, sur le museau, sur les machoires, don- nant a 1'animal une physionomie etrange. Chez ces Poissons, le preopercule a son bord posterieur armede fortes dents et 1'oper- cule termine en pointe, est denticule k son bord inferieur. De m^me que chez les Perches, il y a des dents en \elours aux ma- choires, a la partie anterieure du vomer, aux palatins, et il y a sept rayons a la membrane branchiostege. Une seule espece du genre se trouve en France ; une autre (Acerina Schraitzer, Cuvier; Perca Schraitzer, Linne), habite le Danube et ses affluents, une autre encore ( Acerina rossica, GREMILLE. 151 Cirvier; Perca acerina, Giildenstaedt), les rivieres de la Russie meridionale. LA GREMILLE COMMUNE (ACERINA CERNUA *) Voila un Poisson fort r6pandu dans plusieurs regions de la France, que les pecheurs ne dedaignent pas absolument. Le Fig. 18. La Gremille commune. nom de Gremille, dont nous ne connaissons pas 1'origine, lui a et6 applique, assure-t-bn, par les riverains de la Moselle ; pour- tant en Lorraine, le mot de Gremille est devenu presque par- tout Gremeuille. Dans beaucoup de localites, sur la Seine, par exemple, c'est la Perche goujonniere on Perche goujonnee, oii encore, comme dans les Ardennes, sur la Meuse, dans le de"partement de 1'Aube, et sans doute ailleurs, le Goujon- perchat, ce qui exprime la m6me idee. L'idee est des plus i Perca cernua. Linn6, Fauna suecica, p. 335, et Syslema naturae, t. I, p. 487 (1766). Acerina vulgaris. Cuvier et Valenciennes, Histoire na- turelle des Poissons, t. Ill, p. 4, pi. XLI (1828). Yarrell , British Fishes, t., p. 18 (1836). Acerina cernua. Siebold, Susswasserfische von mitteleuropa, p. 58 (1863). 152 HISTOIRE PARTICULIERE DES POISSOXS. etranges; les pecheurs ont saisi la ressemhlance de la Gre- mille avec la Perche, ils ont vu ensuite une certain e analogic dans sa coloration avec celle du Goujon, et une explication est sortie de leur naive simplicite. Ils se sont persuade que la Gremille etaitle produit, le metis de la Perche et du Goujon, et 1'explication a bien mieux fait son chemin qu'une bonne verite. Elle a ete acceptee par les pecheurs del'Angleterre, de 1'AQema- gne, et je crois de la Scandinavie, aussi facilement que par les notres. Les noms vulgaires de chaque Poisson, aquelques excep- tions pres, sont fort norabreux, et varient souvent d'un village al'autre. Ainsi,la Gremille est encore appelee le Chagrin en cer- tains endroits des departements de 1'Aube et de 1'Yonne, a cause de la rudesse de ses ecailles, VEntrecri a Arcis-sur-Aube, YOgi ou YOgier, sur la Meuse, dans les environs de Mezieres ; le Kutt a Strasbourg, ou nous n'avons pas entendu parler des denomina- tions de Kaulbarsch (Perche ronde), et de Schroll, usitees en Allemagne. La Gremille ne fait pas une tres-brillante figure a cote de la Perche ; on la reconnait pour etre de la me'me famille, mais Tune a ete richement dotee par la nature, 1'autre 1'a ete avec parcimonie. Gependant, si on eloigne la comparaison, la Gre- mille est encore un joli poisson. Sa forme est presque aussi ele- gante que celle de la Perche ; sa couleur fauve, tirant au brun olivatre sur le dos, au vert d'aigue-marine sur la tete et le preo- percule, passant a des tons dores sur les flancs, prenant une teinte rosee sous la gorge et la poitrine, a des reflets cha- toyants du plus agreable effet. Un pointille noir sur la tete et les opercules, des taches brunes sur la nageoire dorsale, sur le dos et la region superieure des flancs, completent sa pa- rure. GRCMILLE. 153 Ce Poisson n'atteint jamais une grande dimension ; les plus gros individus nc depassent guere une longueur deO m ,15 a O m ,18. Son corps moins comprime et plus oblong que celui de la Perche, presente, vu de profil, une courbe reguliere. II est revetu ordinairement, a 1'exception de la region pecto- rale, d'ecailles assez grandes, aussi n'en compte-t-on guere qu'une cinquantaine disposers sur une \ingtaine de files. Ges ecailles ressemblent par leur caractere general a celles de la Perche et de 1' Apron, en presentant des particularites dignes d'attention. Leur forme est plus ovalaire. Les festons qui de- Fig. 19. Ecaille de la ligne late'rale. Fig. 20. Ecaille des flancs. coupent le bord basilaire sont beaucoup plus faibles encore que dans les ecailles de 1'Apron et en general moins nombreux. Quelques-uns de ces festons off rent une ou deux petites divi- sions marquees par un " tres-court sillon longitudinal. Les epines qui garnissent le bord libre sont coniques, tres-aigues, plus nombreuses et moins fortes que chez la Perche, moins lon- gues que chez 1' Apron. Les saillies formant des files regulieres a la suite des epines sont tres-saillantes. La ligne laterale, mediocrement eloignee du dos et presque 154 HISTOIRE PARTICULIERE DES POISSONS. droite, est tres-apparente a cause de la grosseur des canaux de la mucosite. Les ecailles de cette ligne, toujoursun peu deformees, sont d'ordinaire arrondies a leur base avec les festons du bord tres-faibles et peu nombreux. Elles ont le canal de la muco- site d'une tres-grande largeur, s'evasant encore a son embou- chure, de sorte que le bord epineux de 1'ecaille se trouve fort reduit. La tete de la Gremille, tres-massive compara^ement a celle de la Perche, s'abaisse legerement depuis la nuque jusqu'a 1'ex- tremite du front et se renfle ensuite en un museau epais. Elle Fig. 21. Tete et portion anterieure du corps de la Gremille commune. est entierement depourvue d'ecailles, mais fort remarquable par la presence de fossettes larges et profondes. II y en a trois entre les yeux, uneen arriere, deux en avant, deux grandes, de forme arrondie, entre les narines, une autre ovalaire en dehors des narines, sans compter quelques depressions plus legeres. On en voit ensuite une rangee regnant sur toute la longueur de lajoue; celles-ci, creusees dans les sous-orbitaires, ont leur contour superieuren forme d'arc plus ou moins regulier. EnlEin, a la face inferieure de la t brasse exactement. Les Epinoehes ont encore le dos garni de plaques osseuses, mais ces pieces sont loin d'etre a peu pres semblables chez tou- tes les especes du genre. On le verra plus loin , les differences qu'elles presentent servent a caracteriser deux divisions natu- relles qu'il convient d'etablir parmi les Epinoches; ces deux di- visions sont : les Epinoches proprement dites et les Epinochettes. G'est sur les plaques osseuses du dos que s'articulent les epines libres, qui remplacent la premiere nageoire dorsaledes Perches et des Ghabots ; mais ces epines sont en nombre variable ; ce nombre , ordinairement de trois chez les Epinoches proprement dites, est de huit a onze chez les Epinochettes. Dans tous les cas, les epines qui se couchent completement sur le dos , lorsque le Poisson est calme, se dressent avec une extreme facilite des qu'il menace ou se croit menace. Ghaque epine etant pourvue en ar- riere d'une membrane, celle-ci , dans 1'etat d'extension, prend I'apparence d'une petite voile attachee a son mat. Apres les epines libres s'eleve la nageoire dorsale , dont le nombre de rayons varie de neuf a douze on treize. Ges rayons sont flexibles et implantes chacun sur une tres-petite plaque os- seuse ; le premier, qui est le plus long, est simple; les autres se EPINOCHES. i83 bifurquent, et vont en decroissant de longueur jusqu'au der- nier. La nageoire pectorale, assez petite, formee de dix rayons et attachee a peu pres a egale distance de 1'oui'e et de la branche montante du bassin, a des mouvements tres-libres, car en avant comme en arriere la peau est lisse et comple"tement nue. La nageoire anale commence un peu au dela de Fanus, qui Bst situe vers les deux tiers environ de la longueur du corps. Cette nageoire, composee ordinairement de neuf rayons bifur- ques et implantes dans de petites plaques dures et rugueuses, est precedee d'une epine libre et arquee. La nageoire caudale, pleine de regularite et d'elegance,a une mediocre 6tendue. Elle est composee de douze rayons dont les articulations sont en general bien distinctes. Le rayon superieur et le rayon inferieur, qui decrivent chacun en sens oppose une legere courbe donnant a la nageoire une forme gracieusement arrondie, demeurent simples jusqu'a 1'extremite, tandis que les dix autres sont bifurqu6s. Outre ces douze rayons, on en remar- que en dessus et en dessous, quatre ou cinq tres-petits ; de la sorte, 1'extremite du corps se trouve embrassee en totalite par la portion basilaire de la nageoire. Nous distinguerons parmi les Epinoches les especes dont les cotes du corps sont garnis sur une plus ou moins grande eten- due de plaques osseuses finement striees, et les especes dont les cotes du corps sont nus. Mais tous ces Poissons ayant a peu pres les m6mes habitudes, il convient de ne pas insister sur ces dif- ferences avant d'avoir retract ce que nous savons de leur com- mune histoire. Les Epinoches , extremement abondantes dans nos departe- ments duNord, neparaissentpas egalement repandues sur tous i84 HIST01RE PART1CULIERE DES POISSONS. les points dela France. II y a peu de temps encore, divers na- turalistes nous affirmaient que ces Poissons ne se rencontraient pas dans le midi de la France. Pendant une tournee entreprise en 1862, dansle but d'etudier les especes de chaque contree, je tins a m'assurer si les Epinoches manquaient reellement dans nos departements meridionaux. Arrive a Avignon, sachant que la campagne environnante etait traversee par des ruisseaux, je priai M. Fabre, professeur auLycee,de nf accompagner dans une exploration a la recherche des Epinoches. ,Un filet a insectes de- vait e"tre notre seul engin de peche, mais il pouvait suffire dans des eaux pen profondes. Ayant bientot atteint les rives d'un ruisseau tout verdoyant, tant il etait bien garni d'herbes, le filet fut traine au fond de 1'eau. Retire une premiere fois, a ma grande satisfaction, quel- ques Epinoches se trouvaient prises. Un peu plus loin, nous fimes la rencontre de gentils petits enfants qui se livraient au plaisir de la peche ; ils avaient deja des bouteilles remplies d'Elpinoches qu'ils emportaientpour s'en amuser. Ges Poissons n'eiaientdonc pas rares dans le departement de Vaucluse. Dans les autres parties de la Provence, je n'ai pas re"ussi a m'en procurer. A Toulouse, M. le professeur Joly, m'assurant que les Epinoches n'etaient pas communes dans les environs de la ville, en avait neanmoins recueilli quelquesindividusquifurent mis obligeamment a ma disposition. Depuis, M. Paul Lacazc- Duthiers en a obtenu du departement dela Gironde. M. Gervais, le doyen de la Faculte des sciences de Montpellier,m'adit n'e"tre point panenu a en decouvrir dans le de"partement de 1'Herault, ajoutant qu'a sa connaissance on en voyait dans les environs de Nimes. Les Epinoches sont done repandues en France d'une maniere beaucoup plus generale qu'on ne le supposait; et si elles HIP INCOMES. 185 sont plus rares dans t le Midi que dans le Nord, ce fait doit 6tre attribue sans doute a 1'abondance moins grande des eaux qui conviennent a ces Poissons. Des savants de Grenoble, le professeur de zoologie de la Fa- culte des sciences, M. Charvet; le conservateurdu Musee d'his- toire naturelle de la ville, M. Bouteille, m'ont certifie qu'on ne trouvait point d'Epinoches dans la region que traverse 1'Isere, et devant 1'expression de mes doutes, ces naturalistes m'objecte- rent que ces animaux auraient ete infailliblement remarques, s'il en existait dans ce pays qui a donne lieu a de frequentes re- cherches scientifiques , et cela d'autant mieux , poursuivait M. Gharvet , que les Epinoches ne sont jamais rares ou elles se trouvent; elles sont comme les mouches : il n'y en a pas ou il y en a beaucoup. N'ayant pu explorer moi-me'me tons les ruisseaux, toutes les raares, tousles etangs de la France, on le comprendra sans peine, j 'incline tres-fort a penser que plusieurs especes d'Epino- ches doivent m'avoir encore echappe. Aujourd'hui qu'il va etre demontre de la maniere la plus evidente que ces Poissons n'ap- partiennent pas seulement a une ou deux especes, leur recher- che, partout ou cette recherche n'a pas ete complete, offrira un interel reel. G'est un avis bon a porter a la connaissance des zoologistes et des nombreux amis de la nature qui habitent les departements. Si les Epinoches peuvent compter parmi les animaux les plus communs dans diverses localites du nord de la France, leur abondance, parait-il, est tout autrement considerable sur quel- ques autres points de 1'Europe. D'apres une assertion repetee dans une foule d'ouvrages, ces Poissons pourraient 6tre recueil- lis dans certains comtes de 1'Angleterre en quantites tellemenl 186 HIST01HE PARTICUUEKb: DES POISSONS. prodigieuses, qu'on les emploierait comme engrais. Ge serait sans doute un tort , neanmoins, de prendre 1 'assertion absolu- ment a la lettre. Pennant , un zoologiste anglais du dernier siecle, a rapporte qu'un habitant du Lincolnshire avait trouve grand profit, du- rant une periode de temps assez longue, a recolter des Epino- ches pour en fertiliser les terres. Get homme ne les \endait qu'a raison d'un sou (un demi-penny) le boisseau, et, a ce prix assu- rement bien modique, il gagnait encore cinqfrancs (quatre shil- lings) par jour. Le brave homme avait eu une ide"e lumineuse ; il meritait, en verite, de faire fortune. Toujours d'apres le r6cit de Pennant, les Epinoches, une fois tous les sopt ou huit ans, ap- paraltraient en colonnes immenses dans la riviere de Welland, ou les riverains les prendraient par charretees , se procurant ainsi, a peu de frais, un engrais d'excellente qualite. D'apres cela, depuis quatre- vingt-huit ans, chacun repete que les Epino- ches sont employees en Angleterre comme engrais, sans se preoc- cuper davantage de savoir si 1'usage a persiste, si cetemploi est un peu general ou memo seulement habituel de la part de quel- ques agriculteurs. D'un autre cot6, ces Poissons, paratt-il, sont recueillis sur quelques-uns des points des cotes de la Baltique pour etredon- n6s en pdture aux pourceaux. On en prend, dit-ori, en Angle- terre pour nourrir les volailles, qui s'en montrent tres-friandes et qui, avec cette nourriture, engraissent d'une fagon merveil- leuse. Des pe"cheurs a la ligne estiment que les Epinoches dont on a eu soin d'arracher les epines constituent un excellent appat pour la Perche. Ges chetifs Poissons ne semblent pas avoir 6te jamais recher- ches en France comme aliment , meme par les plus pauvres. EPINOCHES. 1H7 L'exigui'te de leur taille devait deja porter a les faire dedaigner ; la presence de leurs epines et de leurs plaques osseuses devait porter a les faire absolument repousser. Cependant, d'apres le temoignage deBelon, les Epinoches ne seraient pas aussi mepri- sees dans tous les pays. Ge naturaliste rapporte qu'on en p6che en quantite dans la Nera,un affluent du Tibre, et qu'on lesporte sur les marches de Narni, 1'une des villes des Etats romains. Belon ecrivait cela en 1553 ; Rondelet, son contemporain, a cer- tifiele meme fait; mais, depuis, personne n'en a ditmot. Rien done ne nous assure que le gout des habitants de Narni ne soit pas devenu plus delicat. En quelques endroits, par suite de la famine, les Epinoches ont pu encore devenir une ressource aliment-aire. A Dantzig, il a ete raconte" a M. de Siebold , qu'au temps du dernier sie"ge de cette ville, ces Poissons s'etaient multiplies en si incroyable quantite dans les fosses de la forteresse , que les plus pauvres habitants de la- grande cite maritime de la Prusse orientale, manquant de nourriture, y avaient eu recours pour apaiser leur t'aim. Les Epinoches qui appartiennent essentiellement a la catego- rie des Poissons d'eau douce, frequentent aussi les eaux sau- matres et quelquefois les rivages de la mer; mais ces diffe- rences de sejour n'ont pas lieu en general pour les memes especes ; c'est du moins ce qui resulte de no.s observations. Les Epinoches qui habitent le voisinage des cotes maritimes, ne se rencontrent pas dans 1'interieur des terres. Qes Poissons nagent souvent par troupes, et dans les eaux oil ils se'trouvent en abondance, il n'est pas rare deles \oir former de longues colonnes. Des individus isoles errent aussi 1'aven- ture. Les Epinoches vivent des insectes, des vers, des mollusques 188 HISTOIRE PARTICUL1ERE DES POISSONS. qui fourmillent dans les mares et les ruisseaux ; elles en con- somment des quantites prodigieuses et avalent egalement une infinite de poissons nouvellement eclos et me'me du frai, ce quileur vaut tine antipathic prononeee dela part des pecheurs. Les fipinoches ont la reputation bien etablie d'avoir une hiimeur irascible et d'etre d'une etonnante voracite. Des ama- teurs se sont souvent fort amuses a observer de ces Poissons qu'ils mettaient dans des vases, dans le but d'epier teurs mou- vements vifs et gracieux, d'exciter leur colere, d'assister a leurs k combats, de les voir s'emparer avidement de leur proie. Les recits sur ces sujets sont nombreux. Ici, 1'auteur a contemple une lutte entre deux individus acharnes, il d^crit I'imp^tuosite de leur poursuite, la maniere dont les coups d'aiguillon etaient port6s, comment il y eut un vainqueur et un vaincu, comment le vainqueur furieux et sans pitie, a fini par eventrer son adver- saire; la, 1'observateur a vu parmi les Epinoches, s'agitant dans un bassin devenu leur demeure, un individu qui, apres avoir pris possession d'un coin particulier, poursuivait avec fureur ses pareils, s'ils s'avisaient de 1'approcher. Ailleurs, on a vu une Epinoche d^vorer, dans 1'espace de cinq heures de temps, soixante-quatorze poissons naissants de 1'espece connue sous le nom vulgaire de Vandoise ; on en a remarque une, qui avait avale entierement une sangsue d'assez forte taille. II est en effet tres-curieux de voir ces Poissons changer in- stantan6ment d'attitude suivant les circonstances. Nagent-ils paisiblement, leurs epines dorsales sont couchees et a peine visibles ; leurs Opines ventrales sont ramenees sur les cdt6s du corps. Survient-il un danger, quelque chose de nature a exciter leur colere, soudain, les pointes du dos se dressent menac,antes, les pointes du ventre s'6cartent, pr6tes a entamer 1'ennemi. Ges tiPINOCHES. 18U terribles aiguillons inspirent la crainte, m6me a d'assez gros poissons. II arrive malheur aux imprudents, Des Perches, de jeunes Brochets voraces, malgre Farmature de leur palais, ont quelquefois la bouche ou le gosier embroche par 1'Epinoche qu'ils ont saisie et dont ils ne parviennent pas toujours a se d6- barrasser sans grave accident. On assure que la dur6e de 1'existence des Epinoches ne se prolonge pas au dela de trois annees. Bloch, le celebre ichthyo- logiste allemand 1'a dit ; d'autres 1'ont repete. L'assertion n'a pas ete dementie ; ainsi que Guvier le fait remarquer, elle ne saurait 6tre presentee neanmoins corame ayant le caractere'de la certitude. Pendant une grande partie de 1'anriee, il n'y a rien de plus a observer parmi les populations d'fipinoches, que leurs ebats, leurs chasses, leurs combats entre elles, leurs luttes avec d'autres animaux. Viennent les mois de juin et de juillet, la scene change completement ; on est alors dans la saison ou les Pois- sons de nos ruisseaux vont se reproduire. C'est l'6poque ou 1'observation sera d'un inter6t saisissant. Les changements de plumage qui surviennent chez les Oi- seaux, au moment ou les individus vont se rechercher, ont ete decrits en termes eloquents. Dans un langage poetique, on re- pete depuis des siecles que les Oiseaux prennent leur parure de noce. L'habilete que deploient ces creatures a6riennes pour construire leur nid moelleux, la tendresse des epoux de ce monde aile, les soins du male pour sa compagne, Tamour ma- ternel dans toutes ses ravissantes manifestations ont ete cele- bres, comme ils le meritaient, par tons les peuples, II devait y avoir toujours dans ces actes des Oiseaux, un amusement au moins, une curiosite, un sujet d'etonnement pour les esprits les 190 HISTOIRE PARTICULIERE DES POISSONS. raoins cultives, et un admirable et delicieux spectacle pour les esprits d'elite. Tandis que Ton contemplait avec ra\issement les beautes des Oiseaux, les merveilleux instincts de ces jolies creatures, les expressions de leurs sentiments, on restait fort indifferent aux actes de la \ie des Poissons, actes presque absolument ignores ou a peine entrevus. Les Poissons etaient regardes, sans dis- tinction, comme infiniment mal partages sous- le rapport des instincts. On supposait de leur part, en toute circonstance, Fin* souciance la plus complete pour les individus de leur espece et meme pour leur progeniture. Des observations sont venues ap- prendre que certaines especes etaient beaucoup mieux donees que les naturalistes ne se le figuraient. Les Epinoches, ces 6tres chetifs et dedaignes, ont fourni 1'exemple le plus remarquable qui nous soit encore bien connu, d'ime Industrie parmi les Poissons, d'une etonnante sollicitude des parents pour leur posterite. Des la fin de mai, les Epinoches apparaissent avec un eclat qu'elles ne presentaient pas auparavant. Dans 1'espace de quel- ques jours un grand changement s'opere chez ces Poissons. Leur dos prend des teintes bleudtres, les parties inferieures de leur corps, leurs levres, leurs joues, la base de leurs nageoires, qui etaient blanches on d'un blanc jaundtre, commencent a s'empourprer, et bientot deviennent d'une couleur rouge cra- moisie, des plus \ives. G'est, comme chez les Oiseaux, la pa- rure de noce. Les Poissons eux-m6mes, ces 6tres qui semblent toujours preoccupes du seul be,soin d'engloutir une proie, seraient-ils sensibles a la beaute? On ne voudrait pas Taffirmer, et, d'un autre cote, comment se refuser a le croire, en voyant cette tPINOCHES. 191 beaute se manifester an moment oil les individus des deux sexes vont entrer en relation ? Vers les premiers jours de juin, dans les circonstances les plus ordinaires, I'Epin'oche male semble rechercher un endroit a sa convenance ; il s'agite longtemps a la me'me place, s'il quitte cette place, il y revient frequemment. De sa part, il y a une pre- occupation evidente. Mais avant d'aller plus loin dans notre recit, une declaration est necessaire pour que notre exposition ne comporte rien de vague. Dans 1'enonce des caracteres generiques des fipinoches, des differences ont ete indiquees entre les especes du genre, diffe- rences devant conduire a distinguer parmi ces Poissons, deux divisions secondaires : les lilpinoches proprement dites, et les Epinochettes dont la caraet6risation precise sera donnee plus loin. Les habitudes des Epinoches proprement dites et des Epi- nochettes, se resscmblent sous les rapports les plus essentiels; la disjonction ne saurait done ici 6tre permise a 1'historien. D'un autre cote, il y a dans les habitudes des Epinoches et des Epinochettes des particularites trop notables, pour rendre pos- sible une narration, s'appliquant a la fois entierement aux deux categories d'especes, Pour plus de clart^, il comient) pensons-nous, de nous occu- per d'abord des Epinoches, et d'examiner ensuite ce qu'il y a de particulier aux Epinochettes. Pour les premieres, disons de suite, que notre recit se rapporte surtout a 1'espece la plus commune dansnotre pays> al'Epinoche kqueue lisse (Gasterosteusleiurus) qui sera decrite dans les pages suivantes. Selon toute apparence, 1'histoire doit se rapporter avec la memo verite aux especes voisines, mais encore une fois, la precision la plus rigoureuse est indispensable lorsqu'il s'agit des faits scientifiques. I9'2 HISTOIRE PAHT1CULIERE DES POlSSOiNS. L'Epinoche male, apres s'e"tre arrete a un endroit determine fouille avec son rauseau la vase qui se trouve au fond de 1'eau il fig. 24. L'Epinoche a queue lisse (Gusterosteus leiurus] et son nid. finit. par s'y enfoncer tout entier. S'agitant avec violence, tour- PINOCHl-:S. 193 nant avec rapidite sur Iui-m6me, il forme bientdt une cavite, qui se trouve circonscrite par les parties terreuses rejetees sur les bords. Ge premier travail execute, le Poisson s'eloigne sans paraitre toujours suivre une direction bien arretee ; il regarde de divers cotes, il est evidemment en que"te de quelque chose. Un pen de patience encore, et vous le verrez saisir avec ses dents un brin d'herbe, on un filament de racine. Alors, tenant ce frag- ment dans sa bouche, il retourne directement et sans hesitation an petit fosse qu'il a creus6. II y place le brin, le fixe a 1'aide de son museau, en apportant an besoin des grains de sable pour le maintenir et en frottant son ventre sur le fond. Des qu'il est assure que le fragile filament ne pourra 6tre entraine par le cou- rant, il va en chercher un nouveau pour 1'apporter et 1'ajuster comme il a fait du premier. Le meme manage devra 6tre recom- mence bien des fois avant que le fond du foss6 ne soit garni d'une couche suffisante de brindilles. Le moment arrive cepen- dant ou le tapis est devenu epais ; toutes les parties sont bien enchevetrees et parfaitement adherentes les unes aux autres, car 1'Epinoche, par le frottement de son corps,- les a aggluti- nees avec le mucus qui suinte des orifices perces le long de ses flancs. Ce qui ravit 1'obs.ervateur attentif a suivre ce travail, c'est de voir 1'intelligence qui paralt presider aux moindres details de 1' operation. En plac,ant ses materiaux, le Poisson semble d'abord chercher simplementa les entasser, mais une fois le premier lit tabli, il les dispose avec plus de soin, se preoccupant deleur lonner la direction qui sera celle de 1'ouverture a la sortie du nid. Si 1'ouvrage n'est pas parfait, 1'habile constructeurarrache les pieces defectueuses, les fa^onne, et recommence jusqu'a ce qu'il ait reussi au gre de son desir. Parmi les materiaux appor- Bi.ANCiur.D. 13 194 HISTOIRE PARTICULIERK DES POISSONS. tes, s'en trouve-t-il que leur dimension on lenr forme ne per- met pas d 'employer convenablement, il les rejette et les abari- donne apres les avoir essayes. Ce n'est pas tout encore ; comme s'il voulait s'assurer que la base de Tedifice est bien consolidee, il agite avec force ses nageoires de fac.on a produire des courants <>nergiques, capables de montrer que rien ne sera entraine. L'industrieux Epinoche, dans I'accomplissement de son la- beur, deploie une activite infatigable. II veille a ce que mil n'ap- proche et s'elance avec ardeur sur les poissons on les insectes qui osent se montrer dans son voisinage. Les fondations du nid seules sont etablies ; pour completer I 'edifice, notre architecte doit travailler beaucoup encore, mais sa persistance ne faiblit pas un seul instant. II continue a se procurer des materiaux, et bient6t les cotes du fosse dont le fond est tapisse se garnissent de brindilles qui sont pressees et tassees les unes contre les autres. L'Epinoche les englue toujours avec le m6me soin. II s'introduit entre celles qui s'elevent des 7 deux cotes, de fac,on a menager une cavite assez vaste pour que le "corps de la femelle y passe sans difficulte. II s'agit enfin de con- struire la toiture ; de nouvellcs pieces sont encore apportees, et pour former la voute, elles prennent place sur les miirailles deja etabliesets'enchevetrentparleursextremites.LePoissonpoursuit toujours son travail de la meme maniere ; il fixe et contourne les brindilles avec son museau, il lisse les parois de 1'edifice en les impregnant de mucosit6 par les frottements repetes de son corps. La cavite est particulierement 1'objet de ses soins, il s'y n-tourne a maintes reprises, jusqu'a ce que les parois du tube soient devenues bien unies. Parfois, le nid demeure ferme a 1'une de ses extremites ; le plus souvent, au contraire, il est ou- vert aux deux bouts, seulement, 1'ouverture opposee a eelle par tiPLNOCHES. 19,'J laquelle F animal est entre si frequemment, pour accomplir son travail, resto tres-potite. La premiere est surtout construite avec un soin extreme ; pas imhrin nedepasse 1'autre, le bord est en- gine, poli avec les plus minuticuses precautions pour rendre le passage facile. N'est-ce pas un saisissant et merveilleux spectacle donne par la nature, que celui de 1'mdustrie de 1'Epinoche male. Ge Pois- son si petit, si chetif, executant avec perseverance un travail penible, long, difficile, montrant line incroyable vigilance pour mettre son ouvrage a 1'abri des accidents, deployant an besoiu un courage prodigieux pour repousser 1'ennemi. Et ce male est seul, il ne tire secours de mil autre. Tant qu'il est a 1'execution de son travail, aucune femelle nele preoccupe ; cette preoccupa- tion ne se manifestera qu'apres 1'entier achievement de son edi- fice. ' - ^ ' Les nids d'Epinoches se trouvent en grande partie enfouis dans la vase, et quand on les apergoit aplate-terre, au fond d'un ruisseau clair, ou il y en a parfois des quantites enormes , ils apparaissent comme autant de petits monticules, dont la dimen- sion est d'une dizaine de centimetres. Pour rendre distinctes les formes de celui qui a eie represente sur notre dessin, il a ete indispensable de le faire paraitre un peu isole, en un mot, de le montrer degage sur les cotes des parties terreuses qui 1'entou- rent dans 1'etat ordinaire. Les differcntes especes d'Epinoches, proprement dites, pa- raissent se comporter dans tons leurs actes, exactement de la me'me maniere. II n'en est pas tout a fait ainsi pour les especes do la division des Epinochettes. Le male est toujours le seul architecte et il ne se montre ni moins habile, ni moins vigilant que 1'Epinoche. Gelui-la etablit son nid a une certaine hauteur 196 HIST01RE PAR.T1CULIERE I)ES POISSONS. du sol, parmi les plantes qui croissent dans les eaux, entre les tiges ou centre les feuilles. II fait choix des materiaux les plus delicats; ce sont surtout des conferves, des brins d'herbes tres- delies. Hen apporte jusqu'a ce qii'il y en ait un paquet suffi- sant pour construire.le petit edifice, en prenant des soins inces- sants pour leur faire contractor adherence avec les vegetaux sur lesquels ils sont appuyes, et les empecher d'etre entraine's par le courant. II emploie, dans ce but, le meme moyen que 1'Epi- noche ; il englue de mucus toutes les parties, a 1'aide de frot- tements de son corps. Lorsque la masse des brins d'herbes et des conferves est devenue assez considerable, il s'efforce de pe- n6trer dans le milieu en poussant avec son museau. Des qu'il a reussi a s'enfoncer un pen dans cette masse, il se retourne a di- verses reprises, et avance de mieux en mieux en faisant agir ses nombreuses epines dorsales qui contournent et enchevetrent tous les brins les uns avec les autres. Parvenu an bout, il sort par 1'extremite oppos6e a celle par laquelle il a penetrc. A ce moment, le nid a pris sa forme definitive. On a compare assez heureusement ce nid a un petit manchon. Le Poisson a encore peut-6tre quelques precautions a prendre pour que le petit 6di- fice soit acheve, les parois du tube bien lissees, 1'orifice d'entree bien unie. Tout cela s'executera a Paide des procedes que nous , avons vus employes par I'Epinoche. Le nid de 1'Epinochette est encore plus gracieux que celui de d'fipinoche. D'abord, il est suspendu aux feuilles et aux tiges comme le nid des petits oiseaux; easuite, n'ayant point de con- tact avec la terre, avec la vase, il conserve ordinairement une jolie teinte verte. On ne decouvre pas aussi facilement les nids des Epinochettes que ceux des Epinoches; caches entre les herbes, entre les ro- EPhNOCHES. 197 seaux, ils demeurent derobes aux regards les plus attentifs. Une recherche speciale devient necessaire pour les apercevoir. Fig. 25. L'Epinochette lisse (Gasierosteus Icevis) et son nid. Leur construction terminee et pr^tea recevoir le depdt des 198 H1STOIRE PARTICUUul DES POISSONS. ceufs, 1'Epinoche et 1'Epinochelte males vont se montrer ani- mes des memes desirs. Le Poisson, ace moment, est dans tout 1'eclat de sa parurc de noce; ses couleurs ont une vivacile surprenanle, son dos est diapre des plus jolies nuances. Ainsi pare, il s'elance an milieu d'un groupe de femelles, s'attache a celle qui semble elre la mieux en situation de pondre, tournant, s'agilanl aupres d'elle, paraissant 1'engagera le suivre. Gellc-ci s'empresse a son tour; on supposerait volontiers dela coquellerie de sa part. Alors, le male, comme s'il avail saisi u#e intention manifestee de le suivre, se precipite vers son nid, en elargil 1'ouverture de fagon a ce que Faeces en soit rendu plus facile. La femelle qui ne 1'a pas quille, ne tarde pas h s'enfoncer dans Tintcrieur du tube, ou elle disparaft en entier, ne rnontrant plus an dehors que 1'ex- tremite de sa. queue. Elle y demeurc deux ou trois minutes, temoignant par ses mouvements saccades qu'elle fait des efforts pour pondre. A|>res avoir depose quclques ceufs, elle s'echappe par 1'ouvertur^ opposee acellc qui lui a servi d'entree, prati- quant quelquefois elle-meme cctte ouverture par un effort vio- lent, si 1'extremito du nid est restee fermee. Alors, pale, decoloree, elle semble avoir eprouve un(; souffrance ou un affai- blissement qui reclame- un repos. Pendant que la femelle occupe 1'interieur du nid, le male pa- rait plus agite, plus anime que jamais, il remue, il fretille, il louche frequemment sa femelle avec son museau, el a npine eelle-ci esl-elle parlie, qu'il entce precipilammenl a son tour et se met a frotter comme avec delices son ventre surles ceufs. Maisle nid, objet de tant de soins el de faligues, n'a pas ele conslruil pour recevoir une seule ponle. Le male s'efforce sans relache d'y allirer successivemenl d'aulres femelles. II recom- KPINOCHES. 199 raence pres d'elles les mSmes agaceries, et continue le m6me manege plusieurs jours de suite ; la m6me femelle est guelque- . fois ramenee au nid a diverses reprises. Les pontes s'accumulent a-insi dans la petite construction, formant une quantite plus ou moins considerable de tas, qui, reunis, de\'iennent une masse considerable. Ges habitudes de polygamie de 1'Epinoche male suffiraient a montrer que parmi ces Poissons, les femelles sent beaucoup plus abondantes que les males, si 1'inspection d'un grand nombre d'individus pris dans une foule de localites, n'a-v vait fait con stater a cet egard une disproportion tres-marquee. Lorsque lesnids sont remplis d'reufs, lorsque les pontes sont achev6es, la mission du male n'est pas arrivee a son terme. O male va avoir pour premier soin de fermer 1'ouverture du nid qui a 6t6 le passage de sortie pour les femelles ; ensuite, il veil- lera sur le berceau de sa posterite, avec une perseverance et une sollicitude dontles Oiseaux n'offrent pas d'exemple plus parfait 1 . Ne voulant rien laisser approcher de son nid, il donne la chasse et poursuit avec fureur les insectes et les poissons attires par la presence de ces magasins d'ceufs, si seduisants pour les voraces habitants des eaux. S'il a affaire a des ennemis trop nombreux ou trop puissants, il doit naturellement succomber malgre sa vaillance; mais en pareille cireonstance, avec le sentiment de sa faiblesse relative, il sait avoir recours a la ruse. II s'eloigne de son. nid, il fuit pour detourner 1'attention de L'ennemi, sans toujours y parvenir. Les osufs sont quelquefois manges, redifire bouleverse et tout est a recommencer pour 1'Epinoehe qui ne se d^courage pas si la saison est pen avancee. Pendant dix a douze jours, s'ecoulant entre le moment de la ponte et celui de 1'eclosion des jeunes, on voit frequemment ce mftle venir, le museau place vers 1'en tree de son nid, agiter seg 200 HISTOIRE PARTICUUERE DBS POISSONS. nageoires avec force, pour determiner des courants surles oeufs. G'est le moyen de les bien laver et d'empecher qu'aucune vege- tation ne puisse se developper a la surface. Le moment de 1'eclosion arrive, et les jeunes Epinoches com- mencent a s'agiter, portant, comme tous les Poissons nouvea li- nes, leur enorme vesicule ombilicale appendue a leur ventre. Jusqu'au temps qu ils auront a pourvoir a leur subsistance, ou ils seront devenus assez agiles pourse soustraire a la poursuite jdes especes carnassieres, le male ne les perd pas de vue, il ne leur permet point de s'ecarter, il les protege toujours avec 1'ardeur qu'on lui a vu deployer dans les autres phases de son existence laborieuse. G'est en general depuis les derniers jours du mois de mai jusqu'a la fin de juillet, que les Epinoches se livrent a leurs tra- vaux ou s'occupent des soins de la reproduction de leur espece. L'e mois de juin surtout est 1'epoque ou tout ce petit monde des ruisseaux est en pleine activite, mais il y a quelquefois des in- dividus precoces, d'autres retardataires. Que la temperature soit chaude de bonne heure ou qu'elle demeure longtemps froide, on pourra remarquer des differences assez sensibles , mj dans 1'epoque ou les Epinoches se preparent a frayer. Guvier a v * rencontre au mois d'aout des femelles encore remplies d'oeufs ; ce qui n'est pas ordinaire, ear toutes les femelles que j'ai exa- minees dans cette saison avaient leurs ovaires vides. . Ges Poissons ont, relativement a leur taille, des oaufs d'une grosseur remarquable ; j'ai compte, d'ordinaire, de cent a cent vingt cBufs murs chez les femelles qui, allourdies par cette 6norme masse, avaient les flancs le plus distendus. Les personnes qui veulent observer les mceurs si merveil- leuses des Epinoches, ne sont pas obligees de se condamner EPlNOfHES. 201 a passer des journees entieres an bord d'un ruisseau. Malgre le charme qu'elles trouveraient dans 15 contemplation d'un ravis- sant spectacle, la fatigue causee par la necessite de demeurer trop longtemps dans une meme situation enleverait bientdt une partie du plaisir. II est un precede facile pour suivre sans peine, & son aise, les manoeuvres si citrieuses des habitants de nos ruisseaux. On transporte a domicile un certain nombre-de ces Poissons industrieux et on les place dans un bassin ayant au fond une couehe de limon, garni d'herbes et de conferves ct approvisionne de petits animaux aquatiques. Avec une con- fiance entiere, les Epinoches se mettront au travail dansl'etroite prison et sous les regards des curieux. Si des plantes vegetent dans le bassin, Feau restera pure et Ton n 'aura pas trop a se preoccuper de son renouvellement ; dans le cas contraire , il sera indispensable d'etablir un courant pour que la decompo- sition des matieres organiques n'amene pas tres-rapidement la corruption de 1'eau. A la campagne , un simple baquet en bois dans le jardin permettra de suivre tousles details de 1'industrie des Epinoches, toutes les particularites de leurs instincts. Dans le vestibule, dans Fantichambre, un modeste bassin remplira le meme but. Dans le salon du chateau un el6gant Aquarium, nouvel orne- ment, pourra devenir le theatre d'exploits que le proprietaire^et ses invites se plairont a admirer. Aujourd'hui , les habitudes, les moeurs, les instincts des Epi- noches sont parfaitement connus des naturalistes, mais la con- naissance complete des faits que nous 'avons exposes, est d'une date encore recente. Desconnaissances in completes, sur ce sujet, etaient acquises anterieurement, et, chose incroyable, elles ne _ s'etaient pas repandues. II y a un inter6t si grand a voir com- 202 HISTOIRE PARTICULlfiRE DES POISSONS. ment se sont succede les observations sur les Epinoches, quo c'est ici une obligation d'eif presenter 1'historique. Depuis 1'antiquite, on avait parle vaguement de Poissons industrieux comme les Oiseaux, de Poissons construisant des nids pour y deposer leurs ceufs et mettre ainsi leur progeniturp a 1'abri des dangers. Parmi les Poissons de nos eaux douces, les Epinoches etaient parfois citees en exemple de 1'industrie des habitants des rivieres et des ruisseaux. Gependant, a cet egard, aucun fait bien precis n'etait garde dans la memoire des hommes de science. Les auteurs qui s'etaient specialement oc- cupes de 1'histoire des Poissons, n'avaient rien recueilli sur ce sujet ; ils avaient compulse a peu pres tons les ecrits relatifs a 1'Ichthyologie et les observations consignees dans certains livres leur avaient echappe. Dans un volume de 1'ouvragede MM. Guvier et Valenciennes, il est traite avec beaucoup de soin et avec beaucoup de talent des Epinoches, sous le rapport de leurs caracteres zoologiques et sous le rapport de leur repartition geographique, mais il n'est, en aucune raaniere, question de leurs habitudes. Un livre bien souvent cite a juste titre, YBistoire des Pois- sons de la Grande- Bretagne, par William Yarrell, publiee en 1836, contient quelques details interessants sur les Epi- noches, mais 1'auteur ne sait absolument rien de leur nidili- cation. G'est peut-etre cependant en Angleterre que les construc- tions des Epinoches furent signalees pour la premiere fois ; c'est du moins dans 1'ouvrage d'un membre de la Societe royale de Londres, de Richard Bradley, que nous avons hi le recit le plus ancien que nous connaissions concernant la nidification des Epinoches. Une figure d'une espece appartenant a la divi- EP1NOCHES. 203 sion des Epinochettes, accompagne le texte de 1'auteur *.' G'est en 1721, que parut le livre ou se trouve consign^ un fait, que plusieurs naturalistes croyaient decouvrir il n'y a pas vingt ans. Les oeirvres du membre de la Societe royale d'Angleterre etaient tombees dans 1'oubli. II est curieux de voir comment 1'art des Epinoches et des Epi- nochettes fut annonce il y apres d'un siecle et demi. Apres avoir appele 1'attention sur les epines dont plusieurs poissons sont pourvus, Bradley poursuit en ces termes : Mais ce n'est pas seulement par ces armes que les Poissons trou- vent une protection, soit pour eux-memes, soil pour leur (( ponte. Us ont aussi un instinct naturel qui les pousse a con- struire des nids ou des places de refuge pour eux et leur ponte. G'est 10, un fait dont j'ai ete instruit dernierement d'une maniere fort agreable par le chevalier Hall, qui m'a M fait present d'un nid d'Epinoche dont il avait observe la con- struction depuis 1'origine jusqu'au moment ou il fut amene a sa derniere perfection, tel qu'on le voit dans la figure 2 . Go nid est compose de fibres de racines, de maniere a laisser un tube creux a 1'interieur, que je suppose forme, plutot pour recevoir la ponte que pour servir de logement au M poisspn lui-meme ; car les Epinoches ont dans leur nageoire dorsale une epine aigue, que je suppose suffisante pour les defendre contre les poissons de proie ; mais comme elles vi- a vent toujours dans les plus basses eaux, leur ponte serait trop exposee aux hirondelles et aux autres oiseaux qui se plaisent . / i A Philosophical Account of the Works of Nature, p. 61. London, in-4 (1721). 2 L'auteur donne en effet une figure tres-reconnaissable d'un nid d'fipinochette. 204 HISTOIRE 1>A R TICULlfiRE DES POISSONS. * dans le voisinage des eaux, si elle n'etait protegee par quel- que chose, comme une couverture. Vers la fin de mai on le <( commencement de juin, ces petits constructeurs se mettent a 1'ouvrage, comme j 'en ai ete informe par 1'observateur quo j'ai cite. Maintenant que nous avons un exemple de 1'adresse d'une espece de poisson pour sa conservation ou pour la pro- tection de ses jeunes contre les ennemis, nous pouvons rai- sonnablement conjecturer que d'autres sortes de poissons ont leur methode particuliere de b&tir des nids ou des abris pour leur securite, ce qui n'est pas autre chose que ce que font les oiseaux, quoique par des procedes differents. La nidification-des Epinoches, on le voit, avait ete passable- ment etudiee a une epoque assez eloignee de la notre. L'obser- vateur, M. Hall, n'avait eu garde de manquer de suivre les petits Poissons dans leur travail, et 1'historien des 03uvres de la nature, Bradley, n'avait oublie, ni les explications, ni les conjectures que le fait inattendu pouvait suggerer. D'autres observateurs d'un temps plus recule etaient-ils aussi bien instruits des habitudes des Epinoches, c'est ce que nousignororis. Surce sujet, nous n'avons rien trouve de plus ancien dans les annales de la science que la narration de Bra- dley demeuree ignoree des naturalistes, jusqu'a present. En France, des remarques a la verite bien incompletes avaient ete faites sur 1'industrie des Epinoches des le siecle der- nier. Ecoutons comment s'exprime sur le compte du petit Poisson de nos ruisseaux un personnage encyclopedique bien v connu, un type d'erudit, ayant peu vu, beaucoup lu et beau- coup entendu, Valmont de Bomare, 1'auteur du premier Dic- tionnaire d'Histoire naturelle. On observe que 1'fipinoche est un poisson - leste et agile et tiPLNOCHES. 205 (( tres-frequent dans les petites rivieres. Son naturel est si pen farouche, qu'il vientj usque sur les pieds de ceux qui se bai- gnent ; communement il etablit son domicile sous les algues et autres plantes;aquatiques, mange des vers de terre, qui (( servent m6me d' amorce pour le prendre. II parait que le se- ct leil lui fait plaisir. Mais un precede^ singulier et qui merit e (( d'etre etudie, c'est que ce petit poisson va chercher des brins d'herbes ou debris de vegetaux, les apporle dans sa bouche, (( les depose sur la vase, les y fixe a coups de tele, veille avec la plus grande attention a ses travaux. Est-ce un nid? est-ce un magasin de vivres? Si d'autres epinoches approchent de cet endroit, bientotil leur donne la chasse etles poursuit au loin avec une vivacite etonnante 4 . Ge qui vient d'etre rapporte etait bien suffisant pour guider au moins les nouveaux scrutateurs de la nature dans les re- cherches qu'il convenait de poursuivre pour apprendre a con- naitre toutes les particularites des habitudes des Poissons r6pan- dus en abondance dans la plus grdnde partie de 1'Europe. Malheureusement, on n'est pas toujours parfaitement informe de ce qui a ete dit ou ecrit sur le sujet ou 1'attention vient 3'6tre appelee par une circonstance fortuite. G'est ainsi que pendant une suite d'annees, cinq ou six observateurs eurentla joie de decouvrir que les Epinoches etaient donees de ce mer- veilleux instinct dont les oiseaux offrent les exemples les plus saisissants et les plus admires. G'est ainsi, que Ton vit tel de ces observateurs, reclamant pour lui-me'me 1'honneur d'une decouverte datant de plus d'un siecle. Pendant une periode de soixante ans, c'est-a-dire de 1775 1 Dictionnaire raisonne universel d'Histoire naturelle, par Valmont de Bomare, t. Ill, p. 383 (1775). 206 H1STOIRK PARTICULARS DES POISSONS. a 1834, nous ne \oyons pas que personne ait songe a etudier les mceurs de nos Poissons indigenes, mais, a partir de 1834, les investigations se portent de ce cote et se succedent assez rapi- dement. Gettc m6me annee, on auteur allemand publie une petite note pourservir a Vhistoire de rEpinoche... G'etait, pa- rait-il, un amateur fort modeste, car il n'a pas dit son nom. II raconte simplement que le beau soleil du printemps de 1'annee 1832, le conduisant souvent hors des murs de Wurz- bourg, il s'arretait des heures entieres a contempler les chasses sauvagcs des insectes, sur 1'eau tranquille d'un petit, etang voisin de la ville. Au mois de mai, quelques Epinoches attirentson attention, les petits Poissons se montrent d'abord assez craintifs et 1'ami de la nature a peine a reconnaltre le but de leurs manoeuvres ; mais bientot les Epinoches viennent vo- lontiers s'ebattre pres du rivage, sans paraitre effarouch^es par la presence de 1'homme a\ide de surprendre les secrets de leur vie intime. En ua&ne temps que la couleur des parties inf6- rieures de leur corps se *manifestait avec plus d'intensite, ces Poissons changeaient d'allure ; ils se partageaient ; chaque cou- ple paraissant ensuite fuirla societe des autres ; leur familiarite du reste ne laissait plus rien a desirer aux yeux de 1'aimable habitant de Wurzbourg. Leur contenance, poursuit notre au- teur, avec une verve toute poetique, etait bien en opposition avec le jugement formule par Cuvier a 1'egard du sentiment des Poissons, car ceux-ci semblaient tout transformed par lefeu de 1'amour. L'observateur continue son recit, en decrivant d'une ma- niere assez incomplete, les procedes employes par 1'Epinoche dans la construction ^Je son nid. Tl demeure persuade que 1'ha- 1 his von Often, 1834, p. 227. EPINOCHES. 207 bile architecte est une femelle ; il n'a vu, ni la ponte, ni la le- condation des ceufs. En enlevant un nid il 1'a trouve rempli d'oeufs, il a assiste a 1'eclosion des jeunes Evidemment, 1'histoire des Epinoches n'etait pas encore achev6e. L'ecrit de 1'auteur allemand passe inaperc,u comme les ecrits precedents ; les zoologistes de 1'Angleterre assurent encore au- jourd'hui que les habitudes si curieuses des Epinoches d'eau douce orit ete signalees pour la premiere fois par un amateur anglais, M. Grookenden. Get amateur a consigne ses observa- tions en 1834, dans une publication periodique destinee a 1 'in- struction de la jeunesse i ; un de ces recueils oii personne ne s'avise d'aller chercher des renseignements scientifiques qui n'auraient pas paru ailleurs. Mais plusieurs naturalistes anglais, jaloux de montrer que I'interessante decouverte de la nidification des Epinoches, ap- partenait a 1'Angleterre, ont pris soin de reproduire la notice de M. Grookenden. Ces naturalistes a\aient pourtant mieux a f'aire pour rehausser la gloire Rationale ; ils pouvaient citer la Narration philosophique des oeuvres de la nature, publiee en 1721. Par malheur, John Hall et Richard Bradley etaient morts depuis trop longtemps, ils etaient oublies de leurs compatriotes. Quoi qu'il en soit a-cet egard, M. Grookenden s'etait amuse a considerer les Epinoches en un certain endroit de la Tamise, ou il y en avait des milliers. La, tandis que les.unes se rejouis- saient pres du rivage, a la chaleur du soleil, d'autres s'oc- 1 The Youth's Instructor. * Voy. Edinburgh new philosophical Journal, 1829, p. 398. Annals of natural History , vol. V, 1840, p. 148. The Naturalist's Librairy by Jar- dine, vol. XXXVI, 1843. The Zoologist, vol. II, 1844, p. 793. The Zoologist, vol. Ill, 1845, p. 885. Fishes of the British Islands by Jonathan Couch, vol. I, p. 180 (1861), etc., etc. 208 HISTOIRE PARTICULARS DES POISSONS. cupaient de faire leur nid, si on pent appeler cela un nid, re- marque 1'auteur , qui decrit en quelques traits les petites constructions. Plusieurs fois, il a enlev6 et jete les 03iifs qu'ils contenaient a la multitude des Epinoches, qui, aussitot, de"vo- raient ces 03ufs avec la derniere voracite. L'observateur paratt croire ^.gue la femelle est 1'architecte, mais il a vu le male oc- cupe a diriger des courants sur les oeufs qu'il avait fecond^s. * A D'un autre c6te, depuis 1'annee 1829, la grande espece ma- rine dela famille des Gasterosteides (Gastreus spinachia) devint, en Angleterre, 1'objet de remarques analogues de la part de MM. David Milne, Duncan, Turnbull, Maclaren, Johnston, R. Q. Couch l . Toutes ces notices passaient ; et chaque auteur croyait toujours reveler un fait ignore avant lui. Mais revenons a nos Epinoches d'eau douce. En 1844, M. Fr. Lecoq, aujourd'hui inspecteur general des ficole ve"te"rinaires de France, se rappelle avoir remarque dans sa jeunesse, peut-6tre m6me dans son enfance, des details cu- rieux sur des Epinoches qui vivaient dans un ruisseau d'eau vive, aux environs d'Avesnes (Nord). M. Lecoq pense que les seuls faits indiques, relativement a la nidification des Poissons, se bornent a ce qui a 6te dit sur le Phycis par Aristote, et a ce qui a ete mentionne a 1'^gard des Gobies par Duges, de Mont- pellier; alors, avec 1'intention la plus louable, rappelant a lui d'anciens souvenirs, il consigne, dans une notice qui a 6te" lue a la Soci^te" d'agriculture de Lyon, les observations qu'il avait faites autrefois sur les fipinoches *. Dans cette notice, 1'auteur donne une description des nids 1 Voy. Annales des sciences physiques et naturelles, cT agriculture et d'in- dustrie de Lyon, t. VII, p. 202 (1844). Note sur les-mceurs de quelques animaur. EPINOCHES. 209 remplis d'ceufs, comme il en a plusieurs fois rencontre. II avait vu, a differentes reprises, le Poisson penetrer dans 1'interieur de ces petits edifices ; il ne pouvait conserver le moindre doute sur la nature de ces constructions. Gependant, pour constater le fait plus exactement, il etablit un petit pare sur un point du ruis- seau, et placa dans ce reduit un certain nombre d'Epinoches. An bout de quelque temps, dit M. Lecoq, un manage se forma, et un nid fut commence dans le coin le plus tranquille (( du reservoir. Le male et la femelle apportaient et mettaient en ffiuvre les materiaux. Je vis a plusieurs reprises la femelle entrer et sejourner dans le nid, dont les abords furent gardes avec la plus scrupuleuse attention par les deux proprietaires, a qui, leurs aiguilles eiendues, 6cartaient violemment tous les autres poissons qui tentaient de s'en approcher. Ges details ne sont pas exacts. Ge n'est pas la feinelle, on le sait, qui con- struit le nid ; les Epinoches ne font pas menage a la fagon qui vient d'etre rapportee, etc. Du reste, la notice de M. Uecoq, malgre 1'interet qu'elle pre- sentait, passa inapergue, et, le 18 mai 1846, M. Goste venait lire a 1' Academic des sciences une etude sur les mcBurs des Epi- noches, comme si rien encore n 'avait ete ecrit sur le sujet. A la verite, c'etait une etude autrement bien faite que toutes celles dont nous avons parle. M. Costc avait des Epinoches et des Epinochettes dans ses bassins du College de France. II avait suivi leurs manoeuvres, sans laisser echapper aucun detail; il s'etait assure qu'un male seul batit le nid, que la femelle n'y prend aucune part, que le male est polygame, que les Epinoches et les Epinochettes n'etablissent pas leur construction de la meme maniere; toutes choses que les precedents observateurs n'a- vaient pas su voir. BLANC HARD. 14 210 HIST01RE PARTICULIERE DES POISSONS. Dans le memoire de M. Coste, ecrit avec une sorte d'enthou- siasme, les instincts si curieux, les lueurs d'intelligence si re- marquables des Poissons de'nos ruisseaux, etaient exposes avee art. Le memoire eut un succes; 1'Academie des sciences decida que ce memoire serait imprime dans son Recueil des savants etrangers 1 . Quelques naturalistes cependant croyaient se rap- peler que le fait principal avait ete signale, que 1'on avait parle deja de la nidification des Epinoches. Neanmoins, rien en ce moment ne fut precise. Le silence sur ce point est rompu par M. Lecoq. Apres la lec- ture d'un resume du travail de M. Goste, insere dans les Comptes rendus de I' Academic des sciences, il adresse sans retard une reclamation de priorite 2 . M. Goste repond qu'il a ajout6 a son memoire la note tout entiere de M. Lecoq, et donn6 ainsi la prewe de la Ioyaut6 la plus grande 3 . Mais, M. de Siebold en a fait la remarque, le nom de M. Lecoq n'est pas meme prononce dans le memoire de M. Goste, imprime en 1844. A l'6poque a laquelle 1'honneur d'avoir fait le premier une observation curieuse sur les instincts des Poissons, etait reven- dique a\ec chaleur, des articles de journaux d6fendaient avec 1 Comptes rendus de I' Academic des sciences, anne 1846, et le Me- moire de M. Coste ; Nidification des fipinoches et des fipinochettes (accom- pagne" d'une planche). Memo-ires pre'sentes par divers savants a I'Aca- demie des sciences, t. X, p. 575 (1848). L'espece d'Epinoche etudi6e est 1'Epinoche a queue lisse (Gusterosteus leiurus) et 1'espece d'Epinochette, 1'Epinochette lisse (Gasterosteus Icevis). La figure donne au nid de 1'Epi- nochetteunecouleur verte d'une fraicheur qui n'est pas ordinaire, cette figure ayant du tre faite d'apres des nids batis dans les bassins du College de France, dont le fond etait sans doute fort propre. 2 Comptes rendus de I' Academic des sciences, t. XXIII, p. 1084 (1846). 3 Comptes rendus de I'Academiedes sciences, t. XXIII, p. 1117 (1846). * Die Susswasserfische von Mitteleuropa, p. 69 (1863). PINOCHES. 2H animation, les uns, pour M. Lecoq, 1'avantage de la priorlte; les autres, pour M. Coste, 1'avantage d'une etude achevee. Personne ne songeait a renvoyer la reclamation de priority aux auteurs du temps passe. On est toujours fonde a reprocher a un auteur de n'avoir pas connu les recherches anterieures aux siennes, mais, historien exact, nous devons .le dire, les premieres observations sur les mo3urs des Epinoches n'apprenaient qu'un fait, le plus remar- quable a la verite, la construction de nids par les Poissons de nos ruisseaux; les observations de M. Goste ont fait connattre 1'histoire entiere de ces Poissons. Apres tant de publications sur le me"me sujet, apres la publi- cite si large donnee par 1'Institut de France aux recherches de M. Goste, on aurait volontiers presume que desormais aucun naturaliste ne viendrait de nouveau decrire les manoBiivres des Epinoches, comme s'il les decrivait pour la premiere fois. On se serait cependant trompe. Ainsi, en 1852, un zoologiste distin- gue de 1'Angleterre, M. Albany Hancock, publie des observa- tions sur la nidification des Epinoches *, sans paraitre se douter de 1'existence du memoire de M. Goste, etil en reste apenser q\iQ,probablement,c'est le male qui constmit le nid et garde les oeufs. Pendant le cours de la meme annee, un observateur ir- landais, M. Kinahan, publie egalement une notice sur le me" me sujet 2 . Mais tout finit par s'ebruiter. On commence a s'apercevoir, meme en Angleterre, que la decouverte de la nidification des 1 Observations on the nidificalion of Gasterosteus aculeatus and Gasteros- teus spinachia. Annals and Magazine of Natural History, vol. X, p. 241 (1852). 2 The Zoologist, July, 1852. 212 H1STOIRE PARTICULIERE DES POISSONS. Epinoches n'estplus a faire; M. Warington, sachant qu'il \ient apres d'autres, raconte simplement les scenes charmantes on terribles dont il a 6te temoin en contemplant les Epinoches lo- gees dans un de ses bassins *, et, reyoyant les memes scenes trois ans plus tard, il fait alors une nouvelle narration destinee a completer la premiere 2 . G'est fini aujourd'hui; on e"crira souvent encore 1'histoire des fipinoches, on voudra peut-etre faire cette histoire mieux que ne Font faite les devanciers; en la retrac.ant, on ne croira plus apporter au monde une revelation. L'espece observee en France est la plus commune dans notre pays, 1'Epinoche a queue lisse (Gasterosteus leiurus)\ 1'espece plus sou\ent etudiee en Angleterre est 1'Epinoche aiguillonnee (Gasterosteus aculeatus] ; les habitudes, les instincts de ces deux Poissons sont les memes ; s'il y a quelques differences dans les precedes de construction, ces differences sont apeine sensibles. Les Epinoches sont beaucoup plus nombreuses en especes, en France m6me, qu'onne Fa suppose jusqu'a present. Ges especes, que nous allons decrire chacune s^parement, appartiennent a deux types que nous avons deja indiqu6s, les Epinoches et les gpinochettes. Les deux types etant nettement caracterises, on pourrait sans doute les declarer deux genres distincts. Gepen- dant, comme on n'y trouverait aucun avantage, pour qu'on ne perde pas de \ue les affinites etroites existant entre tous les re- presentants d'un groupe fort naturel, nous croyons preferables d'adopter simplement deux divisions : celle des Epinoches pro- prement dites, et celle des Epinochettes. 1 Annals and Magazine of Natural History, vol. X, p. 273-276 (1852). 4 Ibid., vol. XVI, p. 330 (1855). fiPINOCHES. 213 LES EPINOCHES PROPREMENT DITES Les Epinoches ont la moitie anterieure du dos cuirassee par six plaques osseuses placees en se>ie ; deux petites en arriere de la tete; deux autres grandes, rabattues sur les cotes, sillonnees dans leur milieu, et supportant toutes les deux une epine dorsale ; une cinquieme, assez petite, ordinaircraent sans epine, et enfin une sixieme, aussi petite que la precedente, et portant toujours la troisieme epine dorsale 4 . Chez ces Poissons,les 6pines du dos sont done au nombre de trois; les deux premieres sont fortes, larges a leur base, grenues et sillonnees a leur surface, dente- I6es en scie sur leurs bords, et creusees en arriere d'un sillon dans lequel s'attache une petite membrane en forme de \ ! oile, qui, d'autre part, est fixee dans le sillon de la plaque dorsale. La troisieme epine est relativement fort petite. Dans quelques cas assez rares, une autre^epine vient a se developper sur la cin- quieme plaque dorsale. Les deux epines ventrales, articulees au bassin, sont tres- fortes, elargies a leur insertion, tres-denticulees sur leurs bords, et surtout au bord superieur. Les Epinoches se font encore remarquer par leur armure thoracique. Gette armure est formee par des bandes osseuses dispos6es \erticalement de chaque cote. II y en a d'ordinaire deux petite sen avant,puis au moins trois ou quatre fortlongues, qui s'articulent en haut avec les deux grandes plaques dorsales, et qui, inferieurement, passent plus ou moins sous la branche 1 Cuvier a pejise que les liipinoches n'avaient que cinq plaques dorsa- les, la separation qui existe entre la deuxieme et la troisieme lui ayanl 6chapp6. I 214 H1STOIRE PARTICULIERE DES POISSONS. montante du bassin. Quelquefois ces plaques osseuses sont tres- multipliees, couvrent une grande partie des flancs, ou s'etendent meme sur toute la longueur du corps. Chez lesEpinoches proprement dites, il y a, d'une maniere a peu pres constante, dix rayons a la nageoire pectorale, douze a la nageoire dorsale, et huit a la nageoire anale. Gette indication generate suffira; car, si parfois il se developpe tin treizieme rayon rudimentaireala nageoire dorsale, ou un neuvieme rayon toujours tres-petit a la nageoire anale; ou si, en quelques cir- constances, il y a avortement de 1'un des rayons ordinaires, c'est une particularite individuelle dont il n'y a pas lieu de s'oc- cuper dans la caracterisation des especes. Pendant longtemps, on a cru que toutes les Epinoches trou- vees en Europe etaient dela m6me espece. G'etait une erreur; 1'erreur fut rectifiee par Guvier, et cependant la rectification n'a pas ete admise par tous les zoologistes : nouvelle erreur. On a imagine que ces Poissons pouvaient en certains temps se de- pouiller en partie de leurs plaques osseuses, et Ton a pu croire ainsi a d'incroyables varietes. L'observation montre que rien de semblable ne se produit. II y a diverses especes d'Epinoches bien caracterisees, et ces especes, ne variant guere que sous le rap- port des eouleurs , ont leurs localites, leurs stations particu- lieres. L'tPINOCHE AIGUILLONNEE (GASTEROSTEUS ACULEATUS ') Guvier, s'6tant assure que plusieurs especes distinctes avaient 6te confondues sous une seule appellation, crut devoir abandon- 1 Linn6, Syst. natures (12 e Edition), t. I, p. 489 (1766). Artedi, Species, p. 96. Bloch, pi. LlII, fig. 3. Gasterosteus trackuru*, Cuvier el EPIiNOCHES. 215 ner cette appellation et en proposer une nouvelle pour le Pois- son dont nous allons nous occuper. Deux motifs, qui sont loin d'etre sans valeur, poussaient sans doute notre grand natura- Fig. 2C. L'Epinoche aiguillonnee, de grandeur naturelle . liste vers cette resolution. D'abord, le nom d'Epinoche aiguil- lonnee 2 s'applique d'une maniere aussi heureuse a toutes les especes du genre ; ensuite, pouvait-on 6tre Men stir de rap- porter ce nom au Poisson que le premier auteur avait eu sous les yeux? Sur le premier point, aucune objection n'est possible, toutes les Epinoches connues sont parfaitement aiguillonriees. Relati- vement an second, si la certitude absolue manque, il semble du moins fort peu douteux que Linn6 ait surtout connu Fespece abondante dans le voisinage de la mer, celle dont nous allons esquisser le portrait. II y a un si grave inconvenient a ne plus ap- pelerun animal comme il est appele dans une foule d'ouvrages, Valenciennes, Hisloire naturelle des Poissons, t. IV, p. 481, pi. XCVIII, fig. 1 (1829). Yarrell, British Fishes, \ol. I, p. 76 (1836). Gasteros- teus aculeatus, Heckel und Kner, Susswasserfische der ostreichischcn Monar- chic, p. 38 (1808). 1 Dans cette figure comme dans les suivantes, on a teinte seulement les parties osseuses, afin que les caracteres apparaissent avec toule la net- tete possible. * Gasturosteas aculeatus. 216 HISTOIRE PART1CULIERE DES POISSONS. que je n'hesiterais pas a conserver le nom donne par Linne, meme dans le cas ou il me serait demontre une confusion de plusieurs especes de la part de I'illustre Suedois. Je pense qu'il n'a pas eu lieu de faire cette confusion, alors toute hesitation me parait superflue. Les diflerentes Epinoches ont les memes formes elegantes ; elles.ont toutes des couleurs vives plus ou moins variees et agreablement nuancees ; mais celle qui a 6te particulierement signalee par les anciens auteurs, 1'emporte sur ses voisines. Sa m taille est un pen plus grande et la brillante armure dont elle est revenue dcpuis la tete jusqu'a 1'origine de la queue, lui donne un eclat presque incomparable. Si I'Epinoche aiguillonnee avait la dimension d'une Perche, ce serait aux yeux de tout le monde un des plus beaux Poissons; elle est petite, personne ne la regarde. Notre Epinoche aiguillonnee, dans ses plus magnifiques pro- portions, ne depasse guere une longueur de O ra ,07, mesu- r6e de la bouche a I'extremit6 de la queue. Les males me'mes n'atteignent jamais beaucoup plus de O m ,05 a O m ,06, et leur corps est toujours un pen plus effi!6 que celui des femelles. II faut, du reste, attacher pen d'importance a la forme plus ou moins elargie de 1'animal, car cet elargissement varie suivant 1'age et suivant le volume des|laitances et des ovaires. Ge Poisson brille d'un vif eclat pendant la vie ; sa te"te et toute la region dorsale sont d'une couleur vert de mer avec des mar- brures plus foncees; les plaques qui constituent l'armure par- ticipent de cette nuance dans leur portion superieure, mais, dans le reste de leur etendue, elles ont le brillant metallique de 1'argent. Des stries qui les parcourent produisent de char- mants effets de lumiere, et ce joli miroitage est encore rehausse tiPINOCHES. 217 par la presence de tout petits points noirs. La partie inferieure du corps est d'un blanc d'argent pur avec le bassin et 1'origine des nageoires passant au rouge vif, comme chez les autres fipi- noches a I'e'poque du frai. La coloration est d'importance secondaire ; c'est sur des ca- racteres plus essentiels qu'il convient de s'arr6ter. L'Epinoche aiguillonnee est du reste facile a reconnaitre entre toutes les especes de la France, a la cuirasse qui s'etend sur toute la lon- gueur de son corps ; cuirasse formee d'une suite de plaques osseuses, ay ant chacune son bord anterieur reconvert par le bord posterieur de la precedente, et offrant en arriere, pour la plupart, une saillie triangulaire plus ou moins prononc6e a 1'endroit de la ligne late rale. On corapte trente ou trente et une de ces plaques, depuis 1'epaule jusqu'a 1'origine de la queue ; la premiere tres-petite, la seconde ovalaire, la troisieme ei pen pres de la meme lon- gueur, unie a la plaque dorsale qui supporte la premiere epine, les suivantes couvrant entierement les cotes. Les quatrieme, cinquieme et sixieme sont retrecies vers leur extremite infe- rieure, qui se trouve en partie cachee sous la branche montante du bassin. La septieme est articulee comme la precedente avec la plaque dorsale qui porte la seconde epine; les autres, jus- qu'a la dix-huitieme ou dix-neirvieme, encore tr&s-longues, laissent a nu le bord superieur du corps, au-dessous de la na- geoire dorsale, et la partie inferieure du ventre, au-dessus du bassin et de la nageoire anale. Les survantes de\iennent de plus en plus petites, et les cinq dernieres, qui sont fort etroites, constituent sur la region caudale une carene tres-saillante. II serait sans utilite d'entrer dans plus de details sur les projfortions des differentes pieces dont est formee 1'armure de 2)8 HISTOIRE PARTICULifiRE DES POISSONS. notre grande Epinoche ; la figure en donne une idee plus exacte que ne le ferait une description trop minutieuse. Dans la determination de toutes les especes du genre, il importe de considerer attentivement les particularites offertes par les epines'du dos etdu ventre. Chez 1'Epinoche aiguillon- nee, les deux grandes epines dorsales, assez longues et remar- quablement effilees, sont garnies sur leurs bords, de dentelures aigues, nombreuses et presque regulieres. La premiere, plus elargie que la seconde a sa base, affecte seule la forme coni- que, qui est, en g6n6ral, plus prononcee encore dans les especes voisines. Pointe ventrale du cote droit. Fig. 27. Les epines de 1'fipinoche aiguillonne'e. Le prolongement posterieur du bassin est souvent aussi tres-caracteristique. Chez 1'Epinoche aiguillonnee, cette portion de la cuirasse ventrale se retrecit bien graduellement jusqu'a 1'extremite, qui est obtuse, et figure de la sorte un cone tres- allonge. Les epines ventrales longues et fort aigues presentent un elargissement considerable a leur point d 'insertion avec le bas- sin. Finement crenelees tout le long de leur bord inferieur, EPINOCHES. 210 elles offrent, sur le bord superieur, des dentelures a pointe ace- re" e, tres-rapprochees les unes des autres. Plusietirs naturalistes ne croyant pas devoir attacher d'im- portance au nombre des plaques osseuses des Epinoches, out pu croire que la presence ou 1'absence de ces pieces dependait soit de 1'age, soit de la saison. II etait done essentiel de s'assu- rer si les caracteres de 1'espece ne variaient pas, suivant les pe- riodes ou suivant les conditions de la vie de 1'animal. L'examen comparatif de beaucoup d'individus d'age different n'a pu lais- sersubsister le moindre doute a cet egard. Chez de fort jeunes individus, n'ayant pas la moitie de la taille des adultes, nous avons trouve la serie des plaques constituant 1'aramre, tout a fait complete. Seulement ces plaques, un peu plus courtes sur la region abdominale, avaient leur bord posterieur un peu plus sinueux. D'un autrecdte, les epines du dos et du ventre de ces petits individus etaient deja semblables a celles des plus grands. II est certain ainsi que tous les caracteres de 1'espece apparais- sent longtemps avant que la croissance de 1'animal soit achevee. L'Epinoche aiguillonnee habite les ruisseaux, les etangs, les mares peu eloignees de la mer. En France, on n'a rencon- tre" jusqu'a present ce Poisson, quepres des c6tes de la Norman- die et dela Picardie. Les plus beaux individus que j'ai obtenus ont ete pris par M. de L'Hopital, professeur au Lycee de Caen, a peu de distance de cette ville, dans les ruisseaux de Bonne- ville en face du Marcsquet. G'est egalement de cette partie de la France que M. Eudes Deslongchamps, actuellement doyen de la Faculte des sciences de Caen, en adressa, il y a an moins trente-cinq ans, a M. Guvier, de nombreux individus qui figu- rent encore aujourd'hui dans les collections du Museum d'his- 220 HISTOIRE PARTICULIERE DES POISSONS. toire naturelle de Paris. M. Baillon, d'Abbeville, avait recueilli aussi cette espece, pres du Treport, dans un lac saumatre, nomine le Hable d'Ault, situe a 1'embouchure de la Somme. De mon cote, je 1'ai prise a quelques kilometres du Havre, aux environs de Harfleur, dans la riviere de Gournay et dans les ruisseaux qui tombent dans la Lezarde. L'Epinoche aiguillonnee est commune dans le nord de 1'Alle- magne, elle abonde dans les etangs des environs de Berlin et pres des cotes de la Prusse orientale. Suivant toute apparence, elle n'existe pas sur la plus grande etendue de I'Allemagne. D'apres le t^moignage de MM. Heckel et Kner, il n'y a pas d'Epinoches dans la region que traverse le Danube ; mais notre espece entierement cuirass6e se rencontre dans le voisinage de la mer Noire. Elle se trouve egalement en Angleterre, dans la Scandinavie et m6me au Groenland. L'EPINOCHE NEUSTRIENNE (GASTEROSTEUS NEUSTRIANUS) Tons les individus que nous avons obtenus de cette espece etaient petits comparativement a la plupart de ceux de 1'Epino- Fig. 28. L'fipinoche neustrienne. che aiguillonnee. Les formes generales et la coloration sont du tiPINOCHES. 221 reste a pen pres semblables chez les deux especes, et pour les distinguer il est indispensable d'examiner quelques caracteres, du reste tres-precis. Chez I'Epinoche neustrienne, 1'armure Iat6rale ne s'etend pas absolument sur toute la longueur du corps ; elle s'arrete a pen pres au niveau du quatrieme ou cinquieme rayon de la nageoire dorsale, pour reparaitre, sous forme de carene, vers la hauteur du neuvieme rayon, laissant ainsi un espace entierement nu. On compte, d'une part, dix-sept plaques osseuses, et onze on douze d'autre part, dont les premieres seules sont d^pourvues de carene. II y a done dans I'armure laterale une difference bien nette avec ce que Ton observe chez I'Epinoche aiguillonnee. Si cette difference etait unique, on pourrait croire peut-e"tre a un arret de developpement de quelques-unes des plaques osseuses ; mais I'Epinoche neustrienne presente d'autres particularites tr6s-ca- racteristiques. Les epines dorsales sont fort larges aleur base, par consequent Pointe ventrale du cote droit. Fiy, 29. Les epines de I'tfpinoche neustrienne. tres-coniques, et sur leurs bords, elles ne sont garnies que de 222 HISTOIRE PARTICULIERE DBS POISSONS. tres-faibles dentelures obtuses. Le prolongement posterieur du bassin, tres-etroit des son origine, parait ainsi, extremement grele et tout effile, comparativement a celui de 1'Epinoche ai- guillonnee. En outre, sa surface a des sillons plus 6cartes et plus profonds. Les epines ventrales, egalement tres-longues et fortaigues, sont moins elargies a leur insertion que dans la pre- miere espece ; leur bord superieur a des dentelures moins nom- breuses, plus grosses et plus ecartees, et leur bord inferieur est loin d'etre aussi regulierement crene!6. Un tel ensemble de caracteres ne saurait laisser prise a aucune confusion, et encore serait-il facile d'y ajouter plusieurs autres details. Parexemple, dans 1'Epinoche neustrienne, 1'opercule a moins de longueur que chez 1'Epinoche aiguillonnee, et cette piece moins retrecie verslebas, a sa surface plus fortement striee. J'ai rencontre 1'Epinoche neustrienne dans les ruisseaux de Harfleur et de Gournay dans le departement de la Seine-Infe- rieure, a une assez faible distance de la mer. G'est toujours dans le voisinage des cotes que se trouvent les especes dont la cui- rasse prend un grand developpement. L'EPINOCHE DEMI-CUIRASSEE (GASTEROSTEUS SEMILORICATUS ) L'Epinoche demi-cuirassee est plus allongee que les especes precedentes. Son opercule est long et tres-droit, en un mot, d'une forme particuliere. Son armure laterale ne d^passe pas le niveau du troisieme ou du quatrieme rayon de la nageoire dor- sale, et se compose seulement de treize plaque sosseuses, toutes 1 Cuvier et Valenciennes, Histoire naturelle des Poissons, t. IV, p. 194. fiPINOCHES. 223 allonges, a 1'exception des premieres ; ime assez grande partie du corps reste nu, et 1'extremite presente une carene formee de six ou sept 6cailles tres-petites. Fig. 30. L'Epinoche demi-cuirassee de grandeur naturelle. Les deux premieres epines dorsales sont tres-longues, tres- aigues, mediocrement larges a leur base et garnies sur leurs bords'de dentelures acerees, tres-fortes et assez espacees. Le prolongement posterieur du bassin est beaucoup plus etroit que chez 1'Epinoche aiguillonnee, mais il est loin d'etre effile comme dans 1'Epinoche neustrienne. Les pointesventrales atteignent au moins 1'extremite de ce prolongement, ce qui n'a pas lieu chez les especes precedentes. Ges pointes ou 6pines se font encore remarquer par les dentelures de leur bord superieur, qui sont tres-prononcees et assez ecartees les unes des autres. On observe encore que toutes les parties osseuses de 1'Epi- noche demi-cuirassee portent un semis tres-serre de points noirs, mais c'est la un detail sur lequel on ne saurait insister. Cette espece a ete prise aux environs du Havre. 224 HISTOIRE PARTICULIERE DES POISSONS. L'EPINOCHE DEMI-ARMEE. (GASTEROSTEUS SEMIARMATUS *) Cette espece a une forme au moins aussi massive que 1'Epi- noche aiguillonnee et unetaille soirvent presqueegale. Sonoper- cule est plus court et d'une forme qui s'eloigne peu de celle de 1'opercule del'Epinoche neustrienne. Son armure laterale, com- posee de treize ou quatorza plaques osseuses, ne s'etend pas au deladu niveau du troisieme on du quatrieme rayonde la nageoire Fig. 31. L'Epinoche demi-armee de grandeur naturelle. dorsale, h peu pres comme sur 1'espece precedente, mais la carene posterieure est beaucoup plus grande que chez celle-ci, et elle est precedee de trois ecailles ou petites plaques non care- nees. Les deux premieres 6pines dorsales sont tres-caracteristi- ques ; d'une longueur mediocre, relativement au volume du corps, elles sont larges a leur base et pourvues sur les bords de dentelures fortes etirregulieres. Le prolongementpostcrieurdu bassin est d'une forme tres-semblable a celui de I'fipinoche aiguillonnee. Lespointes ventrales, tres-elargies a leur origine, 1 Cuvier et Valenciennes, Histoire naturelle des Poissons, t. IV, p. 493 (1829). EPINOCHES. 225 ont leur bord superieur pourvu dc dentelures fort aigues. L'Epinoche demi-armee reunit un ensemble de caracteres qui ne permet de la confondre a\ec aucime de ses cong6neres. i Elle se trouve aux environs du Havre; elle habite egale- raent le voisinage des cotes du departement de la Somme, ou M. Baillon en a pris dans la petite riviere de Braie, a pen de distance d' Abbeville, des individus qu'il envoya a Cuvier, et. qui sont aujourd'hui conserves dans les collections du Muse'iim d'histoire naturelle de Paris. * L'EPINOCHE A QUEUE L1SSE (GASTEROSTEUS LEIURUS *) L'Epinoche a queue lisse est la seule espece du genre.observee jusqu'a present aux environs de Paris. On la prend dans la Seine, et elle est assez commune dans les ruisseaux et dans les mares t Fig. 32. L'pinoche a queue lisse, de grandeur naturelle. qui existent encore dans les alentours de la capitale, ou ruis- seaux et mares sont devenus fort rares. Cette fipinoche est facile a distinguer de celles qui \iennent d'etre decrites. En 1'examinant, on s'etonne que les zoologistes 1 Cuvier et Valenciennes, Histoire naturelle des Poissons, t. IV, p. 48i- 487 0829). BLANCHARD. 15 22fi HISTOIRE PARTICULIERE DES P01SSONS. aientpu la confondre habituellement avec 1'Epinoche aiguillon- n6e. II en a pourtant ete ainsi de la part de presque tons les auteurs. Guvier, le premier, a indique ses caracteres, et apres Guvier encore, les ims n'ontpas su voir, les autres ne 1'ont pas voulu, et la confusion a persiste dans la plupart des ouvrages. L'Epinoche ei queue lisse, dont Farmure est fort reduite com- parathement a celle des especes precedentes et surtout a celle de 1'Epinoche aiguillonnee, n'a pas tout a fait le meme eclat, et d'or- dinaire, elle a des proportions plus modestes, sa taille ne depas- sant guere O m ,04 a O ra ,05. Ses plaques lat^rales, limitees a la region thoracique, sont seulement au nombre de six, et comme Tavortement de la derniere est assez frequent, chez beaucoup d'individus, il n'existe que cinq de ces plaques ; une premiere, toujours petite, situee en arriere de 1'epaule et completement de- tachee ; une seconde, ovalaire, unie comme la suivante a la pla- que dorsale qui porte la premiere epine; puis, trois autres, lon- gues, ayant leur portion inferieure cachee par la branche montante du bassin ; enfin, apres celles-ci,une derniere sou\ent aussi developpee que les precedentes, mais pouvant etre rudi- mentaire ou meme manquer en totalite. S'il s'agissait simplement de fournir le moyen de ne jamais confondre 1'Epinoche a queue lisse avec les especes dont Far- mure couvre le corps en entier ou au moins en grande partie, il ne serait pas d'une utilite absolue d'examiner minutieusement d'autres details caracteristiques, mais il en est autrement. Plu- sieursEpinoches ont une arm lire presque semblable a celle dont il est question en ce moment, et neanmoins, comme elles offrent des particularitesconstantes, elles doivent en 6tre distin- guees. Les deux premieres epines dorsales et Fepine ventrale servi- fiPINOCHKS. 227 ront souvent de la manure la plus heureuse pour cette distinc- tion. Ces epines presentent en effet sur chaque espece des caracteres propres dont la persistance et par suite la valeur ca- racteristique ont ete appreciees par la comparaisoade centaines d'individus de tons les ages. Les epines dorsales de 1'Epinoche a queue lisse, mediocrement larges a leur base, sont re"gulierement amincies jusqu'au bout, } Epine dorsale. Fig. 33. fipines de 1'fipinoche a queue lisse. > qui forme une pointe aceree. Elles sont pourvues des deux c6tes de dentelures aigue's, assez fortes, au nombre de sept ou huit, raais vers 1'extremite, leurs bords lateraux deviennent lisses. Les pointes ou epines ventrales, assez longues, sont fmement et regulierement crenelees sur leur bord externe, tandis que sur leur bord interne, elles ont quelques dentelures irregulieres bien prononcees. II est encore une infinite d'autrcs details concern ant la te"te, 1'opercule, le bassin, qui pourraient etre signales ; seulement, il s'agirait de preciser des nuances dans les formes; on par- viendrait difficilement a le faire, a 1'avantage du lecteur. C'est un motif pour y renoncer. L'Epinoche a queue lisse, d'une couleur \erdatre avec des 228 HISTOIRE PARTICULIERE DES POISSONS. teintes tres-sombres, figurant des bandes transversales, detcr- rainees d'une fac.on tres-vague, et d'ailleurs assez variables, est pointillee de noir, a 1'exception des parties inferieures de son corps, qui oril le brillant de 1'argent. Ge n'est pas seulement dans la Seine etdans les ruisseaux des environs de Paris que se rencontre cette espece ; elle est com- mune egalement dans les regions du nord, de Test et du centre de la France. Elle est fort abondante dans le departement de la Seine-Infe- rieure; j'en ai pris en grand nombre a Monti villiers et dans les ruisseaux de Gournay. M. Bouchard a recueilli et m'a envoye des masses considera- bles de 1'Epinoche qui vit dansl'Epte et dans tous les ruisseaux des environs de Gisors. Tons les individus provenant de cette localite. avaient une nuance plus jaune que ceux qui avaient 6te p6ches aux environs de Paris. Gette circonstance me portait deja a les examiner avec la plus serieuse attention ; et, comme, chez quelques-uns d'entre eux, les dentelures laterales des epines dorsales m'avaient paru un pen plus nombreuses, et les der- nieres plus fortes, je supposai d'abord avoir sous les yeux une espece particuliere ; mais une observation minutieuse m'a con- duit a ne voir dans ces legeres differences que des variations in- dividuelles. La coloration, en effet, est pen de chose ; on sait qu'elle devient plus vive a l'e"poque du frai; et, quant aux den- telures des epines, des comparaisons multipliees suffirent a me convaincre que leur developpement etait, dans certains cas, un peu plus considerable qu'a 1'ordinaire. L'Epinoche a queue lisse est extre" moment abondante dans les ruisseaux des departements du Nord. M. le professeur Lacaze- Duthiers en a recueilli a mon intention des centaines d'indivi- tiPINOCHES. 22 > dus aux alentours de Lille. Leur coloration tres-vive, leur ponc- tuation tr6s-prononcee j usque vers la region ventrale du corps, devaient engager a bien constater si Ton observait des particu- larites dans les formes. Apres 1'examen le plus scrupuleux, il devait rester la certitude que ces Epinoehes du departement du Nord appartenaient a 1'espece k queue lisse, que leur aspect un peu particulier etait du simplement a des details de coloration sans importance. L'Epinoche a queue lisse se trouve seule dans les ruisseaux des Ardennes, ou j'en ai peche de prodigieuscs quantites, a quelques lieues de Mezieres, en compagnie du docteur Baudelot. Des individus, pris aux environs de Metz, etaient remarqua- bles par leurs marbrures noires tres-prononc6es, sans offrir, du reste, aucune difference avec ceux dont la coloration est plus claire. M. Gehin, 1'habile entomologiste, bien connu par diverscs publications interessantes, en a recueilli au commencement de novembre, a Gharmes, dans les Vosges, ou ce Poisson est connu sous le nom de Pingue. Tous ces individus etaient fort petits ; c'etaient des jeunes de I'annee, qui presentaient egalement tons les caracteres de 1'Epinocbe a queue lisse. Le meme naturaliste eri a recolte encore dans un affluent de la Nied, pres Bouzonville. Geux-ci 6taient en general couverts de points noirs tros-serres et assez gros pour ressembler a de petites taches. C'est la seule parti cularite qu'ils aient offerte. M. Godron, le doyen de la Faculty des sciences de Nancy, m'a fait parvenir, en grand nombre, des Epinoches a queue lisse, pechees dans la Meurthe ou dans les ruisseaux qui se jettent dans cette riviere. Elles ne presentaient aucune difference avec celles des environs de Paris. A la verite, des individus de petite 230 HIST01RE PAHTlCULlfeRli DES POISSONS. taille, avaient les dentelures des epines dorsales tres-faibles. A defaut d'autres caracteres , ' il n'etait pas possible d'attacher d'importance h cette particularite. Des individus recueillis aux environs de Strasbourg par le savant M. Lereboullet, avaient en general les dentelures de leurs epines dorsales plusprononcees etplus aigues que chezles individus des environs de Paris.. Mais on a deja vu qu'il pouvait y avoir a cet egard de legeres variations. J'ai compare^ a nos Epiuoches de la Seine, et a celles du nord et de 1'cst de la France, des individus de I'Auvergne pris dans la Scoule a Ponjibaud. Ces derniers ne rn'ont rien offert qui merite d'etre mentionne\ L'Epinoche a queue lisse est done repandue dans une tres- grande partie de la France, comme le prouvent les faits qui viennent d'etre rapportes. Nous savons que cette espece existe aussi de 1'autre cot6du Rhin, specialement dans la region arro- see par le Neckar et qu'elle n'est pas rare en Angleterre ; mais jusqu'a present, il y a lieu de croire qu'elle manque dans nos departements meridionaux. L'Epinoche a queue lisse peut offrir quelques varietes dans les nuances, ce qui depend sansdoute, a la fois, del'eige, de la saison, de la nature des eaux. Elle peut pre- senter quelques differences dans les dentelures des epines, sans que le caraetere general de ces epines elles-me'mes soit nean- moins vraiment altere. C'est a cela que se reduisent a peu pr&s, les variations de 1'Epinoche la plus repandue en France. EPINOCHES. 231 L'EPINOCHE DE BAILLON (GASTEROSTEUS BAH.LONI) Voici une espece qui, etant tres-voisine de 1'Epinoche a queue lisse, nous semble, cependant, en etre tres-distincte. Nous 1'a- vons etudiee sur des individus recueillis aux environs d'Abbe- ville par M. Baillon, et qui depuis longtemps sont classes dans la collection du Museum d'histoire naturelle de Paris. II n'en esl fait aucune mention dans 1'owrage de MM. Cuvier et Valen- ciennes. GesPoissons ont une taille que nous n'avons jamais vue atteinte par 1'Epinoche a queue lisse ; leur taille est celle de 1'Epinoche aiguillonnee , O m ,06 a O m ,07. Tres-colores sur le dos et meme sur les regions laterales, avec de nombreux points noirs assez regulierement distribues, ils ont les parties infe- rieures du corps tout a fait argentees. L'Epinoche de Baillon est pourvue d'une armure tres-sem- blable a celle de 1'espece precedente, mais les epines du dos et du ventre different d'une maniere bien notable. Les premieres, aussi petites que dans 1'Epinoche a queue lisse, malgr6 la taille beaucoup plus grande des indhidus, sont bien graduellement amincies de la base au sommet, et au lieu d'etre pourvties de dentelures laterales aigue's et plus ou moins irregulieres, elles sont, au contraire, finement denticulees surleurs bords. Lapointe ventrale est egalement caracteristi que; plus longue, plus epaisse proportionnellement que nous ne 1'avons jamais vue chez aucun indhidu de 1'Epinoche a queue lisse, elle se fait remarquer par les dents fortes, coniques et tres-regulieres qui garnissent son bord interne. Diverses particularites dans les formes de 1'opercule, du bas- 232 HISTOIRE PARTICULIERE DES POISSONS. sin, etc. pourraient encore etre indiquees, mais il serait difficile de les faire ressortir d'une maniere assez precise dans la des- lr* epine 2 epine ilnrsile. dorsale. Fig. 34. fipines de I'fipinochede Baillon. criptionpour que ces details contribuent surement amieux faire reconnaitre 1'espece. Nous ignorons la nature des eaux dans lesquelles a ete prise 1'Epinoche de Baillon. II y aurait pourtant inter^t a 6tre ren- seigne sur ce point, ce qui nous engage a appeler de ce cote 1 'attention des observateurs qui habitent le departement de k Somme. II y a certaine probability que cette grande Epinoche habite les eaux saumatres. Geci expliquerait comment elle pent ne se trouver que dans des localitesrestreintes. L'EPINOCHE ARGFJNTEE (GASTEROSTEUS ARGENTATISSIMUS) L'Epinoche argentee est commune sur quelques points du midi de la France. G'est dans les ruisseaux herbus qui parcou- rent la campagne d' Avignon que je 1'ai vue en grande abon- dance. EPINOCHES. 233 a Ayant les memes proportions que 1'espece de nos departo ments du Centre et du Nord, elle offre neanmoins an premier coup d'ceil un aspect pai tieulier. La couleur d'argent, dont son Fig. 35. L'fipinoche argentee de grandeur naturelle. revetues gene"ralement ces Epinoches sur les parties inferieures de leur corps s'etendici davantage sur ]es cotes. Ensuite, le ton verdatredu dos estplus nuance de g'ris, et des points noiratres, disposes par groupes, descendent plus ou moins sur les flancs, se dessinant, sous 1'apparence de bandes ou detaches, avec une admirable nettete sur le fond blanc dont 1'eclat est celui du me- tal poli. Sans attacher trop d'importance a ce systeme de coloration, on doit en tenir compte, car il a e"te observe presque sans va- riation sur des centaines d'individus p6ches a diverses 6poques. Du reste, 1'examen de caracteres plus certains doit nous arreter. L'armure thoracique constitute par cinq pieces comme chez les especes prec6dentes n'offre rien deplus remarquable a men- tionner ; jamais aucune apparence de la sixieme plaque signa- lee comme variable ou susceptible d'avortement chez 1'fipinoche a queue lisse, ne s'est montrc sur nos Epinoches argentees. Ce sont les epines dorsales et ventrales qui meritent surtout notre attention. Les premiereb demeurent toujours petites, si on les compare a celles des a litres especes. Aussi larges a leur base par 234 HIST01RE PARTICULIE RE DES POISSONS. suite de leur brievete, elles deviennent plus coniques ; tres- aigues vers le bout, elles ont aussi des dentelures acerees etpas- sablement regulieres sur leurs bords lateraux. Les pointes ven- 1 epine 2 epine Pointe ventrale du dorsale. dorsale. cote droit. Fig. 36. fipines de 1'Epinoche argentee. trales ne sont pas moins caracteristiques. Elles sont galement plus courtes et plus larges que chez les esp&ces precedentes, avec leurs dentelures plus norabreuses et plus pointues, principale- ment celles du bord externe. On remarquera en outre que le bassin compart a. celui des autres Epinoches se prolonge moins en arriere et qu'il a un peu plus de largeur pres de 1'insertion desepines. L'PINO.CHE (GASTEROSTEUS ELEGANS) Cette Epinoche, comme la pr^cedente, paralt plus oblongue que celles du nord de la France. Par la comparaison, cette diffe- rence sur laquelle on ne saurait beaucoup insister, devient sen- EPINOCHES. 235 sible. Gette forme contribue encore a dormer an Poisson de plus heureuses proportions. Si les varietes dans les couleurs, dans les nuances, ne se pre- sentaient assez frequemment, parmi les Poissons du genre qui nous occupe, on regarderait volontiers la coloration des indrvi- dus que nous avons sous les yeux comme suffisante pour faire distinguer 1'fipinoche elegante des especes voisines. Ges indi- vidus sontpresque entierement d'unblanc d'argent pur. Seule, la region dorsale st d'un gris verdatre clair, rehausse par un sdmis de points noirs qui ne descendent pas sur les parties late- rales ; mais il faut repeter que cette coloration au moins jusqu'a un certain point, peut dependre de circonstances particulieres, du reste parfaitement indeterminees. L'armure thoracique est a pen pres semblable a celle del'E- pinoche argentee. Au contraire, les epines dorsales ont une autre forme ; plus greles, plus longues, elles n'ont sur leurs 1 epine 2 epine docsale. doi-sale. Pointe \entrale du cote Jroit. Fiy. 37 . Epines de I'tfpinoche elegante. bords que -des dentelures tres-faibles. Lespointes ventrales sont aussi remarquablement minces, comparativement a celles de 236 HISTOIRE PARTICULIERE DES POISSONS. 1'fipinoche argentee ou de 1'Epinoche a queue lisse. Elles n'of- frent a leur origine qu'un clargissement tres-court et leur bortl superieur est garni dedentelures fort esp:.cees et tres-petites. L'Epinoche elegante se troirve dans les provinces du sud- ouest de la France. J'en dois la connaissance , M. Lacaze-Duthiers, qui, non content de rechercher lui-meme les Poissons qui pouvaient etre utiles pour mon travail, a engage plusieurs de ses parents a me preter leur concours. C'est M. Joseph Lacaze, le frere du savant zoologiste, qui a pris 1'Epinoche elegante entre Cadillac et Lan- gon, dans le departement de la Gironde. Deux Epinoches recueillies aux environs de Toulouse par M. le ^rofesseur Joly, appartlennent sans aucun doute a cette espece, mais leur etat de conservation se trouvant defectueux, il est difficile de savoir si leur coloration etait semblable a des animaux qui ont 6te les sujets de notre description. On recon- riait pourtant que les points sont plus dissemines sur les parties laterales du corps. LES EPINOCHETTES Les Epinochettes ont les formes generales des Epinoches pro- prement dites ; mais elles sont encore plus petites et surtout plus efiilees. Elles portent tout le long de leur dos, jusqu'a l ! origine de la nageoire dorsale, une serie de tres-petites plaques osseu- ses, qui, a 1'exception de la premiere, donnent insertion aux 6pines dorsales ; aucune de ces plaques ne depasse la dimension des autres, aucune ne se rabat sur les cotes. Les epines sont au nombre de huit, de neuf, de dix ou de onze, toutes egales, sans dentelures sur leurs bords, et munies en arriere, comme chez les vraies Epinoches, d'u-ne petite membrane. K1MXOCHES. 237 Les epines \entrales sont aussi beaucoup moins fortes que chez les \ raies Epinoches ; elles sont tres-peu elargies a leur ori- gine, et leurs bords.n'offrent pas de dentelures. Les Epinochettes manquent entierement d'armure thoraci- que ; leur peau est nue sur les cotes du corps. Leurs nageoires sont un peii plus variables que chez les Epi- noches -proprement dites. On compte dix on onze rayons a la nageoire pectorale, dix ou onze a la nageoire dorsale, neuf on dix a la nageoire anale. Les Epinochettes* sont quelquefois aussi communes que les Epinoches dans nos departements du Nord, de 1'Estet du Centre ; mais jusqu'ici nous n'avons pu en rencontrer dans nos d6par- tements meridionaux, et personne n'a reussi a nous en procu- rer de cette region de la France. Tous les auteurs qui ont ecrit sur les Poissons d'Europe, a une exception pres, n'ont reconnu qu'une seule espece d'fipino- chettes. L'exception est fournie par Cuvier. Ce naturaliste, avec son tact habituel, a distingu6 deux especes parmi les Epino- chettes de notre pays : il a indique le caractere infaillible pour ne jamais les confondre, et neanmoins il n'a pas ete compris. Aujourd'hui, nous connaissons en France, ou il y en a sans doute d'autres encore, cinq especes d'Epinochettes, parfaite- ment caracteris6es ; il suffira d'un pen d'attention pour que la confusion devienne desormais impossible. 238 HISTOIRE PARTICULIERE DES POISSONS. L'EPINOCHETTE PIQUANTE (GASTERO-TEUS PUNGITICS l ) Le nom d'Epinochette piquante convient tres-indifferemment a toutes les especes de cette division; toutes, en effet, sont aussi fig. 38. L'Epinochette piquante de grandeur naturelle. parfaitement armees les unes que les autres ; mais Linne et la plupart des autewrs jusqu!ici, n'ayant distingue qu'une seule espece d'Epinochettes, n'ont pas eu a s'occuper de savoir si la qualification speciale pouvait devenir generale. Au reste, dans la circonstance actuelle comme dans beaucoup d'autres, il con- vient de prendre le nom, comme une appellation, sans trop s'inquieter, ou de son origine ou de sa signification primi- tive. L'Epinochette a laquelle nous attribuons le nom impost par Linne, est-elle vraiment 1'espece signalee en quelques traits par ce naturaliste? II est difficile d'en avoir la certitude absolue ; la plus grande probabilite est tout ce que nous avons a offrir. Gette probability se fonde sur le nombre des cpines dorsales indique par 1'auteur scandinave et sur la presence ordinaire dans le Nord, de 1'espece pour laquelle nous reservonsle nom de Gasterosteus pungitius. =. 1 Lian6, Systvma naturae, 12 edit., 1. 1, p. 49i. 6PLNOCHES. 23!) L'Epinochette piquante est 1'une des plus grandes especes do cette division composed des plus petits Poissons connus. Cer- tains individus atteignent O m ,06 a O m ,07. La couleur generate est d'un vert assez sombre, plus on moins lave'e de noiratre et parsemee sur tout le corps de points noirs, qui se convertissent en petites taches sur les parties inferieures. Ges details de coloration n'ont certainement qu'une importance fort secondaire ; cependant ils ont line persistance assez gene- rale pour qu'on ne les neglige pas absolument. Ils donnent a 1'espece une physionomie souvent suffisante pour la faire distin- guer de ses congeneres avant 1'examen des particularites plus caracteristiques. Pendant la plus grande portion de l'anne"e, la region ventrale est d'un blanc jaunatre plus ou moins ar- gent6; mais a 1'epoque de la nidification et du frai, comme cela est ordinaire chez toutes les especes d'Epinoches, les joues, les levres, les opercules, 1'origine des nageoires et le bassin se co- lorent de vives teintes rouges. L'Epinochette piquante peut etre distinguee de la plupart des especes que nous connaissons actuellement, par un caractere des plus faciles a constater. L'extr6mit6 postericure de son corps, sa partie retrecie, offre une carene formee d'une file de petites ecailles, elles-me'mes carenees. Chez cette espece, 1'opercule a un peu plus de largeur que cliez les autres Epinochettes, la nageoire pector.ale a dix rayons, les nageoires dorsale et anale en ont 6galement dix. Les epines dorsales sont presque toujours aussi an nombre de dix, comme je m'en suis assure, en examinant une tres-grande quantite d'individus, recueillis aux environs de Lille par M. Lacaze-Du- thiers. Gependant quelques individus portaient onze 6pines, et dans un cas, je n'en ai compte que neuf. Alors, il est vrai.on 240 HISTOIRE PARTTCULlfcRE DES POISSONS. remarquait qu'il y avait eu avortement d'une epine entre la seconde et la troisieme. La forme du bassin est encore tresrcaracteristique. La portion ventrale est large et se retrecit faiblement jusqu'a 1'extremite Fig. 39. Sternum de 1'lSpinoehette piquante vu en dessous. qui est en pointe obtuse. La branche montante est grele et tron- quee obliquement au sommet. L'Epinochette piquante est fort commune dans nos departe- ments du Nord, mais je nel'ai jamais vue aux environs de Paris. L'EPINOCHETTE BOURGUIGNONNE (GASTEROSTEUS BURGUXDIAXCS) L'Lpinochette bourguignonne offre, comme 1'espece prec6- dente, une carene laterale s'etendant de 1'extremite des na- geoires dorsale et anale a 1'origine de la queue ; et cette carene est formee egalement de cinq petites plaques ou e"cailles tres- etroites^. Malgr6 ce caractere commun aux deux especes, apres I'examen attentif de toutes les parties, il devient impossible de les confondre. EIMNOCHES. 241 L'Epinochette bourguignonne est d'une taille notablement inferieure ; nous avons constat^ le fait, en comparant un nom- bre fort considerable d'individus, les plus grands n'atteignant pas en totalite la longueur de O m ,045. La forme generate du corps est differente aussi, elle est moins allonge" e, plus ovoi'de. La te"te est plus mince, plus effitee et plus projete"e en avant. La forme de 1'opercule est a peu pres la me"me. Les Opines dor- sales sont egalement au nombre de dix, seulement un peu plus faibles ; mais, comme chez 1'fipinochette piquante, on observe parfois des individus ou 1'une de ces epines est avortee ; d'au- tres chez lesquels il s'en est developpe une onzieme ; il ne faut prendre ce caractere en serieuse consideration qu'apre-sl'avoir verified sur beaucoup d'individus. La nageoire pectorale a dix rayons, et la dorsale, comme 1'anale, en a neuf an lieu de dix, quel'on trouve presque constamment chez 1'espece precedente. Gependant, ainsi qu'on le voit frequemment chez les Poissons en general, le nombre des rayons des nageoires pent varier, par suite d'arreM; ou d'exces de developpement, et chez une de nos Epinochettes bourguignonnes, un dixieme rayon, tres-petit a la verite, existe a la dorsale. Le caractere le plus net et par consequent le plus stir pour ne jamais confondre TEpitiochette bourguignonne avec 1'Epino- chette piquante, est fourni par le bassin. Dans Ja premiere, la branche montante est beaucoup plus large, tandis que les lames qui constituent 1'armure \entrale forment une plaque longue, tres-etroite, effilee graduellement vers le bout, sans difference sensible entre les individus des deux sexes. La seule inspection de cette partie permet de ne jamais hesiter a reconnaitre 1'es- pece. En outre, les pointes ventrales un peu denticulees sur leurs BLANCHARD. 16 242 HISTOIRE PARTICULIERE DES POISSONS. bords, dans 1'Epinochette piquante, sont lisses chez 1'Epino- chotte bourguignonne. 'Fig. 40. Sternum de 1'Epinochette bourguignonne vu en dessous. La coloration des deux especes n'est pas identique. L'Epino- chette bourguignonne a d'ordinaire des tons verdatres plus vifs; elle est presque partout pointillee de noir, excepte sur la region ventrale, presentant aussi des bandes transversales noires, assez irre"gulieres et plus ou moins marquees. Gette espece nous est venue surtout du departement de la Gote-d'Or. M. Brulle en a recueilli un certain nombre d'indivi- dus aux environs de Dijon. L'EPINOCHETTE LISSE (GASTEROSTEUS LJEVIS *) L'Epinochette lisse a presque exactement les memes formes que 1'Epinochette piquante, mais un examen facile doit empe- cher toute confusion. L'extremite posterieure du corps est lisse ; elle n'a point de carene laterale, aucune trace d'ecailles et plutot un legersillon. 1 Regne animal, 2 e 6dit., t. II (1829). EPINOCHES. 243 Guvier avait eu 1'occasion d'etudier particulierement cette espece ; il avait constate que cette Epinochette etait la seule qu'on rencontrat dans les eaux des environs de Paris. Fig. 4 1 . L'Epinochette lisse, de grandeur naturelle. Sa tete est sensiblement plus effilee que celle de TEpinochette piquante et ainsi plus semblable a celle de 1'Epinochette bour- guignonne. On saisit parfaitement cette difference, lorsque les individus ont ete dessech6s. Les epines dorsales sont au nombre de neuf, un peu plus faibles que dans les especes precedentes. La nageoire pectorale presente onze rayons ; la nageoire dor- sale, le meme nombre ; 1'anale, seulement neuf. Lebassiri forme en arriere une plaque triangulaire, pointue a I'extremite; sa branche inontante est notablement elargie vers .le sommet La coloration generale est presque loujours d'un vert assez vif avec des marbrures plus fonoees, et bien que tout le corps soit charge de points nairatres, ces points ne se groupent pas sur les regions pectorale et ventrale, de fagon a presenter 1'as- pect de petites taches, comrae cela se voit sur 1'Epinochette piquante. Ges details de coloration n'ont pas une fixite suffisante pour qu'on s'y arr^te beaucoup, mais ils appellent 1'attention qu'il est utile ensuite de porter sur des caracteres plus certains. L'Epinochette lisse est fort repandue aux environs de Paris, c'est d'elle en .particulier qu'il a ete question dans I'etude des 244 HISTOIRE PARTICULIERE DES POISSONS. moeurs des fipinochettes. Elle abonde dans tous les ruisseaux aux alentours de Gisors. L'EPINOCHETTE LORRAINE (GASTEROSTEDS LOTHARINGUS) Gette petite espece, a queue lisse, comme la prec6dente, offre une physionoraie particuliere. Elle est moins arrondie que les Fig. 42. L'Epinochette lorraine. autres Epinochettes; sa te"te est plus mince, moins effilee ; les epines qu'elle porte sur le dos, seulement au nombre de huit, sont moins longues et plus courbees que chez 1'espece prece- dente, etleur membrane etenduejusqu'a lapointe, figure ainsi une petite \pile fort ample. L'operciile est moins allonge que eelui de 1'Epinochette lisse. La nageoire pectorale a dix rayons ; la nageoire dorsale, neuf, et la nageoire anale seulement huit. Le bassin presente aussi plusieurs particularites caracteristi- ques ; la branche montante est tres-large vers le sommet ; 1'ar- mure \entrale est plus effilee que dans 1'Epinochette lisse et moins triangulaire, etant plus etroite a son origine. Les epines sont proportionnellement un peu plus fortes et legerement denticulees. La couleur de ce petit Poisson est d'un gris jaune verdatre, avec la region ventrale orange et sans doute rouge, au printemps. EPINOCHES. 24J Des bandes transversales irregulieres, dues, non-seulement a une teinte plus obscure, mais surtout a des points noiratres, rassembles en grand nombre, parcourentle dos ot une partie des flancs. Gette Epinochette a et6 prise dans la Meuse ou dans les ruis- seaux adjacents,aux environs de Saint-Mihiel. G'est M. Godron, le doyen de la Faculty des sciences de Nancy, qui me 1'a envoy6e. Tous les Individ us observes avaient a peu pres les m6mes di- mensions, la meme coloration et absolument tons les m6mes caracteres. L'EPINOCHETTE A TETE COURTE (GASTEROSTEUS BREVICEPS) Voici encore une espece a queue lisse, mais malgr6 ce carac- tere qui lui est commun avecles deux pr6cedentes, on la distin- guera toujours sans peine en y portant un peu d'attention. D'or- Fig. S3. L'Epinochette A tote courte de grandeur naturelle. dinaire, assez elargie j usque dans le voisinage de la queue, elle est mediocrement allongee et sa tete se fait remarquer par sa brievete. Gette t6te tres-bombee en dessus, se projette fort peu en avant, et les levres sont epaisses. L'opercule est aussi court que dans 1'Epinochette lorraine, avec le bord superieur un peu plus echancre. Les epines qui gar- 24C H1STOIRE PARTICULIERE DES POISSONS. nissent le dos, au nombre de neuf, quelquefois de dix, sont assez grles et leur membrane large relativement, se montre parse- mee de points noirs. La nageoire pectorale a onze rayons, la dorsale egalement onze, 1'anale neuf et parfois dix, tous delica- tement pointilles de noir. Le bassin est fort etroit et se prolonge en arriereen une palette triangulaire plus grle encore que dans 1'fipinochette bourguignonne. Les Opines ventrales sont tres- petites. La coloration gene'rale de 1'animal est cette nuance olivatre, plus ou moins variee de teintes obscures, que Ton observe chez 1'fipinochette lisse. Dans 1'Epinochette a tete courte, cette colo- ration est[de me" me rehaussee par un semis de points noiratres, mais ici les points sont tres-petits, presque egaux et presque egalement repartis sur tout le corps. J'ai etudie cette espece sur des indrvidus pris dans les fosses des environs de Caen, par M. deL'Hopital, professeur auLycee de cette \ille, LA FAMILLE DES MUGILIDES (MUGILIDJE) Les Mugilides sont de veritables Poissons de mer ; aussi , beaucoup d'auteurs occupes exclusrvement des especes d'eau douce, ont-ils cru pouvoir les n6gliger. N6anmoins, comme les Muges entrent periodiquement dans les cours d'eau, comme on les p6che chaque annee dans les fleuves et les rivieres de France a des distances assez considerables de la mer, il nous a paru indis- pensable de decrire ici an moins les deux especes que Ton prend habituellement dans les eaux donees en certaines saisons. MUGILIDES. 247 La familie des Mugilides, composee essentiellement du genre Huge, est des mieux caracterise"es. Le corps de ces Poissons, d'une forme allongee, et couvert de grandes ecailles finement denticulees sur leur bord, porte deux nageoires dorsales fort ecartees 1'une de 1'autre, la premiere formee seulement de quatre rayons osseux l . Les Muges ont des nageoires ventrales attachees un peu en arriere des pectorales, une bouche trans- versale d'un aspect tres-singulier ; la machoire inferieure offrant dans son milieu une preeminence qui s'engage dans une echan- crure de la machoire superieure, des maxillaires extremement petits, une tete couverte d'ecailles, un museau court et obtus, la membrane branchiostege pourvue de six rayons. Apres 1'enonce de ces caracteres exterieurs faciles a aperce- voir, il faut ajouter que les Mugilides sont remarquables encore par leurs os pharyngiens tres-developpes, retrecissant 1'entree de I'o3sophage et lui donnant une forme anguleuse, de maniere a ne livrer passage qu'a des matieres tres-tenues ; qu'ils ont un estomac termin6 par une sorte de gesier, des appendices pylo- riques pen nombreux, un intestin long et replie. LE GENRE MUGE (MUGIL, Linne] Les Muges sont surtout caracterises par la forme de leur bouche, qui ne ressemble a celle d'aucun autre Poisson, par leur os sous-orbitaire denticule, masquant plus oumoins com- pletement le maxillaire qui est toujours fort grele ; par leurs opercules larges et bombes. 1 On trouve parfois des individus presentarit a la premiere dorsal e un petit rayon supplementaire, mais le cas est assez rare. 248 HIST01RE PARTICULIERE DBS POISSONS. Ges Poissons, estimes pour la table et fort abondants dans la Mediterranee, etaient bien connus dans 1'antiquite. II est ques- tion de leurs habitudes, non-seulement dans 1'ouvrage d'Aris- tote, mais encore dans les Merits de divers auteurs de la Grece et de Rome, ou le vrai et le faux sont sou vent fort entremeles *. Les Muges, d'une agilite remarquable, executent continuel- lementde grands sauts au-dessus de 1'eau et reussissent souvent ainsi a s'echapper des filets. Ges Poissons n'ayant d'autre arrae defensive que leur nageoire dorsale deviennent souvent la proie des especes voraces ; et c'est seulement a leurs mouvements rapides, qu'ils doivent de se soustraire parfois a la poursuite de leurs ennemis. Us cherchent leur nourriture an fond de 1'eau, dans le sable ou dans la vase, mais on n'a pas encore d'observa- tions bien completes sur leur regime. Plusieurs des especes de Muges de nos cotes se ressemblent beaucoup par leur aspect general ; Linne et la plupart des auteurs en avaient fait une extreme confusion. G'est Guvier qui le premier a precise leurs caracteres specifiques. I.E MUGE CAPITON (MUGIL CAPITO *) Parmi les Muges, le Gapiton est 1'espece commune dans 'Ocean et dans la Manche aussi bien que dans la Mediterranee, qui a certaines epoques entre en grandes troupes dans nos cours 1 Les Muges 6taient appe!6s par les Grecs, KeTrpeu; et * Cuvier, Regne animal, t. II, p. 230, 1829. Yarrell, History of British Fishes, vol. I er , p. 234; 1836. Valenciennes, Histoire naturelle des Poissons, t. XI, p. 36; 1836. J. Couch, History of Fishes of the Hritish hlands, t. Ill, p. 6, pi. 123. MliGES. 249 d'eau, la Gironde, la Loire, la Seine, la Somme et beaucoup d'autres rivieres. G'est un Poisson d'une forme oblongue, d'une couleur gris- bleuatre sombre sur le dos, plus claire sur les cotes, d'un blanc d'argent sur la region ventrale, avec sept on huit lignes longitu- Fig. 44. Le Muge Capiton. dinales verdatres sur les flancs plus ou moius marquees, suivant les individus, des nuances jaunes sur la t6te et sur quelques par- ties du corps. Des ecailles grandes et minces couvrent non-seulement tout le corps, mais encore la t6te. II y en a surle sommet jusqu'au mu- seau dans 1'espace compris entre les narines, et la joue en est entierement garnie. Les ecailles des flancs ont leur bord libre un peu anguleux et leur bord basilaire coupe presque droit. Toute leur portion libre, vue sous un grossissement, presente un reseau celluleux ; au centre, une sorte de petit canal, et au bord, de tres-petites epines irregulieres. La portion engagee dans la peau ou recou verte par les autres ecailles, offre des stries regu- lieres d'une extreme finesse et six ou sept greiles canaux paral- leles. Les ecailles du sommet de la tete et des joues de\iennent plus petites et subissent certaines deformations, mais par la 250 HISTOIRE PARTICULlfiHE DES POISSONS. nature deleurs stries et de leurs epines, elles ressemblent entie- rement a celles dont le corps est revetu. La tele du Gapiton, arrondie sur les cotes et presque conique, forme a pen pres le quart de la longueur totale du Poisson ; la machoire superieure est garnie d'une ran gee de dents extreme- ment fines et serrees, tandis que la machoire inferieure en est depourvue. L'ceil, assez grand, a 1'iris jaunatre. Le sous-orbi- taire, muni de dents nombreuses, fines et aigues, ne cache pas entierement le maxillaire lorsque la bouche est fermee, La premiere nageoire dorsale a trois rayons fort epais et ace- res et un quatriemetres-faible. La seconde dorsale a un premier rayon osseux assez court et huit articules , les premiers simples, les autres rameux ; quelquefois les deux derniers rayons etant confondus, on n'en compte plus que sept au lieu de huit. Les nageoires pectorales, de forme ovalaire, composees de dix-sept rayons et surmontees d'une ecaille courte et obtuse, offrent dans 1'aisselle une tache noire plus ou moins prolongee en s'affaiblis^ sant sous forme de bande, et sou vent aussi une tache bleuatre situee vers les deux tiers de leur longueur. Les ventrales, ordinairement d'une teinte orangee a leur base, ont un rayon osseux assez court et cinq articules et rameux. L'anale, placee exactement au-dessous de la seconde ventrale, a trois rayons osseux et huit ou neuf articules et branchus. Enfin la caudale en a quinze et un ou deux petits en dessus comme en dessous, Le Huge Gapiton atteint une assez grande taille, environ 0"',50 a O m ,60 de longueur; commun dans la Mediterranee, il n'est pas moins abondant dans 1'Ocean. II se trouve sur toutes les cotes de France, sur les cotes d'Angleterre et jusque sur les cotes de la peninsule scandina\e. Au printemps, il penetre sou" vent en nombre considerable dans la Gironde et dans la Loire. MIJGES. 231 Autrefois, il entrait clans la Somme au mois de mai en legions si nombreuses, que la riviere en etait couverte pendant quelques jours, mais, dit M. F. Marcotte, I'anteur d'un Catalogue des animaux vertebres de F arrondissement d' Abbeville, on ne 1'y voit plus, depuis 1'etablissement du canal d'Abbeville a la mer l . LE MUGE CEPHALE (MUGIL CEPBALUS 2 ) Le Cephale est la grande espece mediterran6enne du genre Muge ; c'est 1'espece particulierement observee par les anciens, et la plus estimee comme aliment. Elle entre dans le Rhone an printemps et remonte souvent jusqu'a Avignon. Sa forme general e differe pen de celle du Gapiton, mais le corps est plus epais, les ecailles sont proportionnellement plus grandes encore, un peu plus allongees, avec leur bord libre taille davantage en ogive, et leur canal median tres-petit; la tete, plus forte et plus longue relativement a la longueur totale de 1'ani- mal, a des ecailles qui ne s'etendent pas aussi loin sur le mu- seau. line particularite singuliere permet de distinguer aisement le Gephale des autres Muges, c'est la presence d'un repli de la peau entourant 1'orbite et retombant comme un wile, "de fac,on h cou- vrir une partie de Tcsil, et a ne laisser a decouvert qu'un espace vertical assez etroit. 1 Memoires de la Socicte imperiale d' emulation d'Abbeville, 1857-1860, p. 437; 1861. 2 Cuvier, Regne animal, t. II, p. 231, 2 e edit. 1829. Valenciennes, ffistoire nalurelle des Poissons, t. XI, p. 19; 1839. 252 HISTOIRE PARTICLLIERE DES P01SSONS. On remarque aussi dans le Cephale, que la bouclie etant fer- m6e, le maxillaire se trouvc enticement cache sous le sous- orhitaire dont le .bord est tres-denticule, que les deux ori- fices de la narine sont fort^cartes, les dents d'une extreme finesse. Les nageoires du Gephale ressemblent a celles du Gapiton, mais a la premiere dorsale, le quatrieme rayon est moins faible et a la base des pectorales il y a une ecaille triangulaire fort longue et caren^e. Le G6phale est pare de belles nuances. D'un bleu grisatre sur le dos, affaibli graduellement sur les cotes, et d'un blanc d'ar- gent sur toutes les parties inferieures du corps, il est orne sur les flancs de sept lignes longitudinales etroites, tres-rapprochees les lines des autres, de couleur bleuatrc avec des reflets dores. L'ceil de cePoisson est argente avecl'iris dore ; les nageoires dor- sales ont une teinte grise, rehauss6e sur la seconde par des taches noires ; les pectorales, d'un brun assez sombre, ont une tache bleue a leur base ; 1'anale, de couleur pale, est bordee de noir. Ce Poisson atteint, dans ses plus grandes dimensions, une longueur de O m ,45 a O m ,50, et le poids de 3 a 4- kilogrammes. Abondant sur toutes les cotes de la Mediterranee. il figure frequemment sur les tables dans les \illes d'ltalie. On le voit communement sur le marche de Marseille. II fraye au mois de mai, et c'est alors qu'on le peche a 1'embouchure du Var et dans le cours inferieur du Rhone. D'apres un renseignement qui m'a et6 transmis par M. Fab re, les pecheurs d' Avignon le prennent surtout vers le mois de septembre, lorsque les eaux du fleuve sont limpides. Des que les premiers froids se font sen- tir, les Muges retournent a la mer *. 1 On trouve encore sur nos cOtes quelques autres esp^ces de Muges BLKNiMlDES. 253 Tons les representants connus de cette famille sont des Pois- sons de petite taille, remarquables par leur corps assez allonge ; le plus souvent aussi par leur peau molle et sans ecailles, mais quelquefois garnie de petites ecailles arrondies ; par la presence d'une seule nageoire dorsale, occupant toute la longueur du dos, composee entierement de rayons simples on fourchus qui demeurent assez flexibles ; par des nageoires ventrales placees sous la gorge, n'ayant que deux ou trois rayons. A ces caracteres, il faut ajouter que la membrane branchio- stege presente six rayons, qu'il y a absence chez ces Poissons de vessie natatoire et de ccecums intestinaux. La famille des Blenniides comprend plusieurs genres, et quel- ques-uns de ces genres renferment une assez longue suite d'es- peces, mais la plupart de ces especessont marines; il n'y a d'ex- ception que dans un seul, le genre Blennie. On a assure^ que parmi ces Poissons, il y en avait de \i\ipares; les especes d'eau qui paraissent enlrer moius frequemment dans les rivieres que le Ca- piton et le Cephale. C'est : le Muge dore (Mugil auratus, Risso), tres-voisin du Capiton, mais facile a distinguer par ses dents plus fortes, son maxillaire entierement cache sous le sous-orbitaire; ses nageoires pectorales plus longues, sans tache noire ; Le Muge sauteur (Mugil saliens, Risso), plus efflle que les precedents, avec le sous-orbitaire echancre, les lignes des flancs azurees, ete.; Le Muge a grosses levres (Mugil chela, Cuvier), remarquable par ses levres fort 6paisses, etc. Voir Valenciennes, His toire nature lie des Poissons, t. XI. 254 H1ST01RE PARTICULIERE DES POISSONS. douce ne le sont certainement pas, et il est fort douteux que 1'as- sertion soit exacte, meme pour certaines especes marines. D'apres quelques indications encore assez vagues, on croit que les Blenniides construisent des nids pour y op6rer le depot de leurs oeufs, mais j usqu'a present, toute observation suivie manque acetegard 1 . LE GENRE BLENNIE (BLENNIUS) Les Blennies proprement dites ont la peau entierement nue, sans aucun vestige d'ecailles ; la tete tres-inclinee en avant, avec la bouche petite, les deux machoires egales, des tentacules au-dessus des yeux, des dents aux machoires disposees sur une seule serie ; la membrane branchiostege pourvuede six rayons. Ge genre, qui comprend une assez longue suite d'esp6ces ma- rines, a aussi quelques especes particulieres aux eaux douces ; ces dernieres, repandues seulement dans 1'Europe meridionale. Deux d'entre elles se trouvent en France. i On classe pr6s de la famille des Blenniides, une autre famille de Poissons, qui a des repr6sentants parmi les especes des eaux douces de 1'Europe. C'est la famille des Gobiides (Gobiidce) caract6ris6e par la pr6- sence de deux nageoires dorsales, par des ventrales reunies dans toute leur longueur, et formant ainsi un disque concave comme une sorte d'en- tonnoir. Dans cette famille composee essentiellement d'especes marines de petite taille, on compte le genre Gobie (Gobius, Linn6), dont on con- nai t quelques especes d'eau douce observees dans les rivieres et les lacs de 1'Europe m6ridionale et orientale.Le Gobie fluviatile {Gobius fluvialilis, Bonelli) nolamment, petit poisson de O m ,07 aO' n ,08 de long, se trouve assez commun6ment dans les lacs et les petites rivieres d'une grande partie de 1'Italie, mais il n'a jamais ete rencontr6 en France. BLfiNNIES. 255 LA BLENME CAGNETTE (BLENNIUS SUJEFIANUS *) La Blennie, qui porte en Italie les noms vulgaires de Cagnetto et de Cagnota, et en quelques endroits de la France le nora de Baveuse, parait avoir completement echapp6 a 1'attention des Fig. 45. La Blennie cagnette. observateurs jusqu'a une epoque encore bien recente. Suivant toute apparence, c'est Risso de Nice qui, le premier, en 1810, a 1 Risso, Ichlhyoloyie de Nice, p. 131 ; 1810. Blennius vulgaris, Pollini, 256 HISTOIRE PARTICULARS DES POISSONS. signale ce Poisson comme habitant les eaux du Var. Quelques annees plus tard, un explorateur du lac de Garda et des monta- gnes du pays de Ve" rone, en a donne une description comme d'un objet nouveau. Pendant longtemps, on a cru que la Blennie etait propre aux eaux douces de 1'Italie, et qu'elle ne depassait pas, au nord, la region des Alpes maritimes. Gependant, comme depuis pen, les recherches des naturalistes se sont multipliees, on a ob- serve la Blennie dans plusieurs de nos departements meridio- naux. Ge Poisson, qui semble 6tre partout assez rare dans notre pays, e"tant d'une taille fort exigue, devait echapper a 1'atten- tion des pecheurs. Si quelques-uns d'entre eux 1'avaient parfois remarque, ils 1'avaient sans doute rejete loin d'eux a cause de ses petites dimensions, et a cause aussi peut-e'tre de la mucosite" abondante qui recouvre son corps. La Blennie est pourtant un animal d'une physionomie Strange, dont 1'aspect n'a rien que d'agreable. Une peau luisante e"legam- ment bariolee de taches obscures sur un fond d'une couleur assez vive et toute sablee de points plus ou moins gros, une crte sur Iat6te, un O3il a iris vert et a prunelle noire, sui'monte" d'un appendice frange comme un petit panache, donnent a ce Poisson un caractere special et un aspect attrayant, de nature a exciter I'lnterSt et la curiosite d'un observateur meme assez superficiel. La Blennie ou la Gagnette, dans ses plus belles proportions, ne depasse guere la longueur d'une dizaine de centimetres, et Ton en prend beaucoup d'individus qui n'en ont pas plus de six a sept. Le corps est arrondi sur les flancs et graduellement atte- Viagyio al Lngo di G'trda. Salarias varus, Risso, Hist. nat. de I' Europe meridionale, t. Ill, p. '237; 1827. Blennius cagnota, Valenciennes, His- toire naturelle des Poissons, t. XI, p. 249; 1836. Heckel et Kner, Die Susswasserfisc/ie der oslreicfrisclten Monarchic, p. 44; 1858. BLENNIES. 257 nue versla partie posterieure; en general d'une couleur fame assez vive, il porte des bandes transversales brunes, plus ou moins nombreuses suivant les individus ; ces bandes, toujours irregulieres, sont plus prononcees et mieux delimiters chez les jeunes que chez les vieux individus. Des bandes de la me'me Fig. iG. Te'te et portion anterieure du corps de la Blennie cagnette. couleur existent souvent aussi sur le sommet de la t6te et celle-ci, comme toute la region superieure du corps et la base des nageoires pectorales, est couverte de gros points noiratres qui deviennent plus petits et plus serres sur la joue. La tete est massive, assez brusquement abaissee en avant, avec le front de mediocre largeur, la crete occipitale etroite et attenuee vers le front, le museau obtus, les levres charnues, la machoire superieure un pen plus avanc6e que la m^choire inf6- rieure. Mais ce qu'il y a de bien remarquable chez la Blennie, c'est 1'appareil dentaire. A la machoire superieure, il existe de chaque cote une serie de onze dents, allant en decroissant de longueur de la premiere a la derniere ; ces dents un pen apla- ties, terminees carrement et serrees les unes centre les autres a 1'exception des trois dernieres ont 1'apparence d'incisives et BLANCHARD. 17 258 HISTOIRE PARTICUL1ERE DES POISSOKS. c'est par ce nom que plusieurs auteurs les ont designers, bien que les dents des Poissons ne puissent guere en general etre Machoire superieure. Machoire inferieure. Fig. 47. Appareil dentaire dela Blennie cagnette. La figure montre les dents engage'es dans les os maxillaires; toutes les parties molles ont etc enleve'es. distingu6es en groupes bien caracteris^s comme celles des Mammiferes. En arriere des incisives, on trouve de chaque c6te une tres-forte dent recourbee qui rappelle beaucoup la forme des canines de certains Mammiferes carnassiers. A la machoire inferieure, on compte de chaque cote huit incisives, allant en decroissant de longueur de la premiere a la derniere et une ca- nine plus forte encore que celle de la machoire superieure. C'est done, a la machoire superieure, vingt-deux dents corn- parables a des incisives et deux canines ; a la machoire inferieure, seize incisives et deux canines. Get appareil dentaire est 1'indice d'habitudes particulieres chez la Blennie ; il semble que 1'animal doive saisir sa proie avec ses dents incisives et la dechireravec ses canines, malheureusement I'observation directe fait defaut, la Blennie est rare en France et nous ne savons rien relativement a son regime ; 1'inspection de ULENNIES. 2o9 1'estomac de plusieurs individus ne nous a pas suffisamment (jclaire acet egard. La narine a deux orifices assez eloign6s 1'un de 1'autre, le premier pourvu d'un petit prolongement lanceole. L'oeil est de mediocre grandeur et situe tres-peu au-dessous de la ligne frontale; 1'appendice dont ilest surmonte est d'une extreme de- licatesse et termine en pointe. Autour de 1'oeil, ainsiqu'ala partie inferieure de la joue, on remarque une serie de petits globules presentant un trou au centre ; ce sont des conduits de la mucosite semblables a ceux de la ligne laterale. Celle-ci com- mence au-dessus de 1'opercule ; elle se contourne un pen en s'a- baissant, se continue ensuite presque en droite ligne, jusqu'a la hauteur du septieme ou huitieme rayon de la nageoire dor- sale, puis descend assez brusquement pour suivre la ligne moyenne des flancs. Sur la partie posterieure du corps, il n'existe plus qu'un leger sillon, les derriiers orifices de la muco- site, cmi sont d'une petitesse extreme, ne depassam pas la hau- Fig 48. ~ Fragment de la peau de la Blennie cagnette, tres-grossie, montrant deux des globules dans lesqnels s'ouvrent les conduits de la mucosite. tour du vingt on vingt-deuxieme rayon dela nageoire dorsale. Ges orifices de la secretion servant a lubrefier la peau del'animal, 260 HISTOIRE PARTICULIERE DES P01SSONS. sont perces dans de petits globules parfaitement arrondis, tres-saillants et rendus tres-visibles par leur couleur blan- chatre. La nageoire dorsale occupe presque toute la longueur du corps ; elle commence au-dessus des ouws et atteint la base de la nageoire caudale; elle se compose de trente rayons simples, mais il n'est pas rare d'en trouver tantdt un de plus, tantot un de moins. Cette nageoire pleine d'elegance s'eleve notablement a partir du quinzieme ou seizieme rayon et decrit ainsi line courbe reguliere de sa portion moyenne a son extremity. Elle est ordinairement orn6e sur chaque rayon d'une suite de taches brunes, tres-\ives chez les individus encore jeunes, affaiblies et plus vagues chez les individus de la plus grande taille. Les nageoires pecto rales de forme ovalaire, pointillees de noir a leur base, quelquefois tachetees de brun, sont formees de qua- torze rayons. Les ventrales placees sous la gorge et tres-rappro- chees a leur base, sont fort etroites, n 'ay ant que trois rayons et parfois deux seulement, car il n'est pas rare qu'un de ces rayons soit avorte. L'anale commence a pen pres au niveau du dou- zieme rayon de la dorsale et se termine tres-pres de 1'origine de la nageoire caudale, formant une elegante bordure a la partie inferieure du corps, surtout chez les individus ou elle est bien tachet6e de brun ; elleadix-huitou dix-neuf rayons. La caudale, qui presente toujours le m6me systeme de coloration que la dorsaie, est coupee presque carrement a son extremite. On lui compte seize rayons, le premier en dessus et le premier en dessous plus courts que les autres et si bien enveloppes par la peau qu'uVsont pen apparents. L'orifice anal est situe au niveau du neuvieme rayon de la nageoire dorsale, et c'est a une petite distance en arrierequ'on BLENNIES. 261 observe Torifice urogenital entoure d'une papille souvent tres- saillante. La Blennie Cagnette vit dans le Var et ses affluents, comme Risso 1'a appris depuis longtemps ; elle a 6te decouverte dans le Tarn par M. le docteur Thomas qui m'en a procure plusieurs individus, en m'assurant que chaque ann6e, versle mois de mai, on prenait ce Poisson dans les mSmes localites, mais toujours en petit nombre. M. Joly, le professeur de zoologie de la Fa- culte des sciences de Toulouse, 1'a observe dans le canal du Midi et il m'a adresse plusieurs des individus qu'il avait recueillis. Enfin M. P. Gervais, le doyen de la Faculte des sciences de Montpellier, a constate que ce Poisson vivait dans le Lez dans le departement de 1'Herault. La Cagnette recherche les eaux dont le fond est pierreux ; elle a des mouvements rapides, et elle fraye, dit-on, pendant les mois d'ete ; les femelles que Ton prend en cette saison ont sou- vent en effet, les parois de leur ventre distendues par leurs OBiifs, dontle volume est assez considerable. Ge Poisson, beau coup plus abondant dans les lacs de 1'Italie et de la Dalmatie que dans les rivieres de nos departements meridionaux, vit en petites troupes, rapportent MM. Heckel et Kner, et sa chair blanche et de bon gout serait fort estimee dans quelques localites. LA BLENNIE ALPESTRE (BLENNIUS ALPESTRJS) Nous avons d^couvert cette espece dans une petite riviere tombant dans le lac du Bourget en Savoie. Nous en avons re- 262 HISTOIRE PARTICULIERE DES POfSSOiNS. cueilli un assez grand nombre d'individus, les plus grands ayant O m ,065 de longueur; la plupart d'une taille fort inferieure. Cette espece ressemble beaucoup a la precedente, mais elle a Fig. 49. La Blennie alpestre, de grandeur naturelle. des formes plus sveites, le corps plus comprime lateralement, la te"te plus courteet plus mince, une coloration particuliere. Rien de plus joli et de plus delicat que ce petit Poisson pen- dant la vie. Sa peau luisante est d'une teinte marron vif fine- ment sablee de noir et relevee par de gros points, comme de petites taches de la m6me couleur, dissemines sur la tete et sur tout le corps a 1'exception de la region ventrale qui est d'un blanc jaunatre uniforme. Sur les cotes de la te"te et sur le dos de grandes taches irregulieres d'un brim noiratre contribuent a rehausser la fraicheur dela nuance generale du corps, ainsi que de courtes bandes transversales tr6s-rapprochees les unes des autres, regnant sur les flancs dans toute la longueur du corps. Les nageoires rendues d'une teinte assez sombre par un semis de points noiratres tres-serres, sont aussi marquees de taches d'un brun fonce, particulierement la caudale et les rayons pos- t^rieurs de la dorsale. La tete est plus brusquement abaissee encore que chez la Ca- gnette, a\ec la cre*te occipitale a peine sensible, 1'appendice frange qui surmonte 1'oeil assez long et tres-grele. L'appareil dentaire est conforme comme dans 1'espece precc- G W M ^ w W BLANCHAHD, Les Poissons. PI. HI, p. 263. Pans, J.-B. Bailliere et Fils, edit. LA PECI1E A LA SEINE Coibeil, O6te imp. UNE EXPLORATION DE LA RIVIERE, POUR Y PRENDRE LES PETITS POISSONS CACHES PARMI LES P1ERRES. BLENNIES. 263 dente, mais il n'y a que seize incisives a la machoire supe- rieure et quatorze a la machoire inferieure. La forme et la disposition des globules dans lesquels s'ou- vrent les conduits de la mucosite sur la tete et sur les c6tes du corps se ressemblent trop dans nos deux especes de Blennies pour qu'il y ait quelque chose d'utile a mentionner ici. Les nageoires de la Blennie alpestre n'offrent rien non plus de tres-particulier sous le rapport de leurs proportions et du nombre de leurs rayons. A la dorsale, je n'ai jamais trouv6plus de vingt-six a vingt-neuf rayons, mais on le sail, il est difficile d'attacher beaucoup d'importance a ce caractere, toujours va- riable dans une certaine mesure. Les pectorales n'ont presente que douze rayons, 1'anale dix-sept ou dix-huit. Le 27 septembre 1862, j'avais passe plusieurs heures surle lac du Bourget avec des pecheurs qui prenaient le poisson avec 1'immense filet que Ton traine a 1'aide de deux embarcations, celui auquel on donne le nom de Seine. J'avais ainsi recueilli differentes especes et j'avais pu reconnaitre celles qui etaient particulierement abondantes dans le lac. La journee des pe- cheurs etantfinie, nous avionsjatteint la cote pres du village du Bourget a un endroit ou une petite riviere torrentueuse venait verser ses eaux dansle lac. Je temoignai aux hommes qui mon- taient les bateaux de peche, le desir qu'on fit en ma presence une exploration de la riviere pour y prendre les petits Poissons caches parmi les pierres. Deux hommes etant entres dans le petit cours d'eau qui avait pen de profondeur, y trainerent un filet en remontant le courant, tandis qu'un troisieme, muni d'un baton et marchant en avant, remuait les pierres en les poussant du cote du filet. Pendant une exploration qui dura pres de deux heures, j'obtins ainsi une vingtaine de Blennies 264 HISTOJRE PARTICULIERE DES POISSONS. alpestres et quelques Ghabots. Les pecheurs n'avaient jamais remarque les Blennies et les confondaient parfaitement avec les Ghabots, donnant aux uns et aux autres le nom de Sassot. Le court sejour que j'ai fait dans la localite, riem'a pas permisd'etu- dier les habitudes des curieux Poissons que je venais de decou- vrir dans un pays oul'on ignorait la presence des Blennies. L'ORDRE DES MALACOPTERYGIENS G'est la presence de rayons flexibles a toutes les nageoires qui caract6rise et qui permet de distinguer le plus souvent ces Poissons des Acanthopterygiens. Chez les Malacopterygiens tons les rayons des nageoires peuvent 6tre flexibles, mais souvent aussi les premiers de la dorsale, des pectorales et de 1'anale sont osseux, ce qui revient a dire, que la distinction etablie entre les Poissons Acanthoptery- giens et Malacopterygiens est de peu de valeur. Les Malacopterygiens out et6 partages en trois groupes, d'apres la position des nageoires \entrales 4 , mais ce caractere n'est pas de nature a donner une idee juste des affinites natu- relles qui peuvent exister entre ces animaux. Les ecailles des Malacopterygiens ont generalement leur bord sans dentelures et sont ainsi parfaitement unies sur leur bord. Ges Poissons sont repr6sentes dans les eaux douces par un tres-grand nombre d'cspeces. (I) Voyez page 120. PLEURONECTIDES. 265 LA FAMILLE DES PLEURONEGTIDES (PLEURONECTID^;) Les Pleuronectides forment une grande famillc de Poissons de mer ; plusieurs d'entre eux, comme la Sole, la Pile, le Turbot, la Barbue, figurant continuellement sur les tables, se trouvent ainsie'tre parfaitementconnus de toutlemonde, an moins sous le rapport de leur forme gene"rale. Ce sont les Poissons plats, sui- vant 1'expression commune. Us ont, ainsi queCuvierl'a dit, un caractere unique parmi les animaux vertebres, le defaut de symetrie de leur tete, les deux yeux situes sur le me'me e6te" , le c6te du corps et de la t6te ou sont places les yeux demeurant superieur quand 1'aninal nage, toujours fortementcolore, tandis que le cote oppose est blanchatre. Le corps des Pleuronectides, tres-comprime lateralement, participe unpeudel'irregularite de la tete. Les pectorales situ6es sous la gorge sont souvent inegales ; les deux cotes de la bouche manquent e"galement de symetrie. La nageoire dorsale occupe toute la longueur du dos ; et la nageoire anale presque toute 1'etendue du bord inferieur du corps, 1'orifice anal etant situe treseri avant. Ges Poissons prives de \essie natatoire, se tiennent presque constamment au fond de 1'eau. Les Pleuronectides ont une forme reguliere lorsqu'ils sortent de 1'ceuf, mais apres la naissanee leur tete ne tarde pas a se contourner, de sorte que des individus tres-jeunes ont deja 1'aspect des adultes. On doit a deux savants professeurs, M. Van Beneden de Loirvain etM. Steenstrup de Gopenhague, des ob- 266 HISTOIRE PARTICLLIERE DES POISSOXS. servations pleines d'intere't sur les premieres formes de ces Poissons. Bien que les Pleuronectides soient essentiellement marins, il devait en etre fait mention dans cet ouvrage ; plusieurs de leurs especes entrent assez avant quelquefois dans les rivieres ct Tune d'elles y sejourne. LE GENRE PLEURONECTE (PLEURON'ECTES ! ) Le genre Pleuronecte de Linne correspond exactement a la famille des Pleuronectides des auteurs modernes. En elevant au rang de famille le genre linneen et en le divisant en plusieurs genres, Cirvier a fait disparaitre le genre Pleuronecte. Des dis- paritions de cette nature sont pleines d'inconvenients ; aussi pensons-nous que le nom generique de Pleuronecte doit rester pour designer les especes les plus communes de la famille, celles dont Guvier a forme le genre Platessa. Les Pleuronectes sont caracterises par leurs dents tranchantes, disposers sur ime seule rangee a chaque machoire, par leur nageoire dorsale commengant au-dessus de I'o3il superieur, par la queue separee de la dorsale et de 1'anale par un certain in- tervalle. Ce genre se compose de plusieurs espeees communes sur nos cotes, notamment la Plie ou Carrelet (Pleuronectes platessa^ Linne), la Limande (Pleuronectes limanda, Linne), etc. Nous ne croyons pas avoir a nous occuper ici de ces especes qui n'en- trent que par hasard dans les eaux douces ; il n'en est pas de me'me pour le Flet. 1 Linne, Systema natures. Platessa, Cuvier, Regne animal. 26 LE PLEURONECTE FLET (PLFURONECTES FLESUS 1 ) Le Flet, on Flondre ou Picaud, car on lui donne ces divers Fig. i>0. Le Flet (Pleuronectes flesus^ . 1 Linne, Syslema natures^ edit. XII, 1. 1, p. 457; 176H. Platessaflesus, Cuvier, Regne animal, t. II. Yarrell, History of British Fishe?, t. II, 268 H1STOIRE PARTICULIERE DES P01SSONS. noms vulgaires, est par excellence le Poisson de 1'embouchure des cours d'eau qui se jettent dans 1'Ocean, la Manche, la mer du Nord. II remonte habituellement dans les rivieres jusqu'a une distance de 30 a 40 kilometres de la mer, mais il n'est pas rare, surtout dans les grands fleuves, de le trouver fort loin des cotes. Le Flet ressemble par sa forme generate comme par son as- pect, a la Plie ou Carrelet, bien qu'il soit un peu plus oblong et que sa taille ne depasse pas O m ,20 a O m ,25. Sa couleur du cote ou sont tournes les yeux est comme chez cette derniere espece que Ton voit constamment sur les marches, d'un brim vert-olivatre avec des nuances plus brunes et des taches oran- gees ou rougeatres plus pales que celles de la Plie. Ges taches souvent assez vives au printemps disparaissent du reste tres- souvent a certaines epoques de 1'annee. La peau du Flet est couverte d'ecailles fort petites, d'une minceur extreme, et de la sorte tres-difficiles a detacher ; mais il y a, en outre, au-dessus et au-dessous de la ligne laterale, une serie de petites plaques pourvues de tubercules tres-saillants. A la base de chaque rayon des nageoires dorsale et anale, il existe une plaque semblable et Ton en yoit encore sur la joue et 1'opercule, mais ces dernieres ne sont bien apparentes que chez les \ieux individus. La ligne laterale formee d'une suite de petits tuyaux cylin- driques, s'etend en ligne droite de la t6te a 1'origine de la queue. La tete est tournee tantot du cote droit, tant6t du c6te gauche ; plusieurs naturalistes ont cru que cette difference tout p. 215; 1836. Siebold, Die Sfusiv isserfisrhe von Mitteleuropa, p. 77; 1863. HLAN'CIIARD, LeS PoiSSOHS . PI. IV, p. 208. Paris, J.-B. Bailliere et Fils, edit. Corbeil, O6te, imp. LA PECHE DU FLET LE FLET EST PAU EXCELLENCE LE POISSON n E I/ E M HO U C II 11 R E DES COURS D ? EAU QUI SE JETTENT DANS L'OCEAN. PLEUROiNECTE. 269 individuelle indiquait le sexe, rnais 1'observation a montre 1'inexactitude de cette opinion. Dans tous les cas, la tete porte entre les yeux une carene faiblement tuberculee, qui s'etend en arriere jusqu'au-dessus de 1'opercule. La nageoire dorsale, mediocrement elevee, decrit une le- gere courbe ; elle commence au-dessus des yeux et finit a une mediocre distance de la queue. Elle se compose de cinquante- sept a cinquante-huit rayons ; les pectorales en ont dix ; les ven- trales, six seulement ; 1'anale, quise prolonge en arriere aussi loin que la dorsale, formant une large bordure a la partie in- ferieure du corps, a de trente-huit a quarante-deux rayons ; la caudale en a dix-huit, les premiers en dessus et en dessous, simples, les douze moyens egaux et branchus. Le Flet s'attaque seulement a des animaux de petite dimen- sion; ilsenourritapeupres exclusivement de vers,d'insectes et de molliisques, et il fraye au mois de mai dans le cours inferieur des rivieres ou le flux de la mer se fait encore sentir. II se tient dans les endroits pierreux et sou vent dans la vase, car il pent vivre dans les eaux les plus impures. On le prend ainsi, en abondance, dans les petits cours d'eau de la Normandie, sur les- quels se sont etablies des usines pour le lavage des laines im- portees de 1'Amerique. Autrefois, on pechait dans ces rivieres, beaucoup d'especes de Poissons, meme des Truites ; tout a dis- paru aujourd'hui de leurs eaux, incessamment -chargees des dejections des usines, seul le Flet a continue a vivre et a se multiplier ou les autres Poissons devaient perir et il est reste la ressource des amateurs de peche dans plusieurs localites du departement de la Seine-Inferieure. Le Flet remonte parfois fort loin dans les rivieres et les fleuves, mais ce n'estpas d'une maniere constante. M. Lacaze- 270 HIST01RE PARTlClLlfiRE DCS POISSONS. Duthiers m'en a procure plusieurs individus pris dans la Dor- dogne a sa traversee dans le departement du Lot. Onlepe"che journellement dans la Tamise a plusieurs milles au-dessus de Londres, et Yarrell rapporte qu'on le prend dans 1'Avon a une certaine distance au-dessus de Bath. M. de Selys- Longchamps nous dit, qu'il remonte dans 1'Ourthe, par le Maas, jusqu'a Liege, et dans la Nethe par la Schelde jusqu'a Waterloo. Holandre, 1'auteur de la Faunedu departement de la Moselle, a consigne ce fait, qu'au mois d'aout 1818, un Flet fut peche a Metz dans la Moselle. Un autre naturaliste cite une capture de ce Poisson dans la Moselle au dela de Treves. Au mois d'octobre 1842, on en vit sur le marche de cette ville, p deux individus vi- vants qui venaient d'etre pris dans la Moselle. Un p6cheur de Mayence a assure a M. de Siebold, avoir peche le Flet dans le Rhin a Mayence meme. Les observateurs du seizieme siecle ayant deja reconnu chez ce Poisson 1'habitude de remonter ac- cidentellement les cours d'eau, lui avaient donne le nom si- gnificatif de Passereau de riviere (Passer fluviatilis). Bien que la chair du Flet soit tenue en mediocre estime, les pecheurs a la ligne de la Normandie comme ceux d'Angle- terre sont loin de dedaigner ce Poisson, d'abord parce qu'il abonde en plusieurs endroits, ensuite parce qu'il mord tres- facilement a Thamegon auquel s'agite un ver. LA FAMILLE DES GADIDES (GADID.E) Les Gadides, plus habituellement designes sous le nom de Ga- doides, forment une famille naturellc essentiellement composeo LOTE. 27i du grand genre Gade (Gadus] de Linne, dont les especes les plus conn ues sont la Morue et le Merlan. Gette famille si interessante au point de vue des grandes p6ches maritimes, n'a qu'un seal representant dans les eaux douces de 1'Europe. Les Gadides se distinguent des autres Poissons, par un corps allonge, convert de tres-petites ecailles molles de la categoric des cyclo'ides, c'est-a-dire de celles dont lebord est parfaitement uni, par des nageoires dorsales dont le nombre est de deux ou de trois, composees exclusivement de rayons mous on flexibles, les ventrales situ6es au-dessous des pectorales, c'est-a-dire, sous la gorge, par des dents en carde, aux machoires et a la partie an- terieure du vomer. Ges Poissons sont tous d'une extreme voracite ; aussi ont-ils un vaste estomac, capable de contenir de volumineuses proies. Leur vessie natatoire est depourvue de communication ex- terieure. Le representant fluviatile de cette famille forme le genre suivant. LE GENRE LOTE (LOTA) L'histoire du genre Lote est pour nous, 1'histoire d'une seule espece, cequinous dispense d'entrericidansbeaucoupdedetails. Le genre Lote est caracterise par la presence de deux na- geoires dorsales, 1'une petite, 1'autre tres-longue, s'etendant jusqu'a i'origine de la caudale ; paries ventrales placees sous la gorge, en avant des pectorales, par la nageoire anale extreme- * merit longue, par 1'extremite du corps terminee en pointe et entouree par la nageoire caudale qui est arrondie ; enfin par la 272 HISTOIRE PARTICULIERE DES POISSOiNS. presence d'un long barbillon appendu au menton ou sym- physe de la machoire inferieure. Les Lotes ont la bouche fort large, avec les machoires gar- nies de plusieurs rangs de dents en carde, un peu plus fortes que celles des Perches, mais en realite assez semblables a celles de ces dernieres. LA LOTE COMMUNE (LOTA VULGARIS ') La Lote est de tons les Poissons de nos eaux douces, 1'un des plus etranges par son aspect. Son corps fort allonge est presque cylindrique dans toute sa portion anterieure ; il ne devient corn- prime lateralement que dans sa moitie posterieure. Ge corps toujours impregne de mucilage pendant la vie, est entiere- ment convert de tres-petites ecailles arrondies et contigues, a peine distinctes a la vue simple. II est en general d'un vert olivatre clair, avec des taches ou des ondes irregulieres d'un brun verdatre fonce, repandues sur toute sa surface a 1'exception de la region ventrale. La coloration de la Lote est du reste tres-variable, suivant 1'age et suivant les localites. Dans les eaux transparentes des lacs, ce Poisson affecte des teintes claires et assez vives ; il prend au contraire des teintes sombres dans les 1 Gadus Lota, Linne, Sy sterna natures, 6dit. XII, p. 440; 1766. Ju- rine, Histoire des Poissons du lacLeman. in Memoirex de la Socie'le de phy- sique et d'lmtoire naturelle, t. Ill, i re partie, p. 148, pi. 2. Lota vulgaris, Cuvier, Regne animal, t. II, p. 215; 1829. Yarrell, British Fishes, t. II, p. 267; 1836. Heckel et Kner, Die Sussivasserfisclie der oslreichischen Monarchic, p. 313; 1858. Siebold, Die Siisswasserfische von Milteleu- ropa, p. 73; 1863. LOTE. 273 rivieres dont 1'eau est limoneuse. Si Ton doit s'en rapporter a une assertion de Jurine, 1'historien des Poissons du lac Leraan, les individus pech6s ade grandes profondeurs, seraient toujours plus pales que les autres. Dans tons les cas, les tres-petits in- dividus sont a pen pres constamment plus colores que les vieux. La Lote est bien connue des pecheurs de la plupart de nos departements, qui la designent presque partout sous le nom aujourd'hui adopte dans la science. En quelques endroits ce- pendant, on 1'appelle des noms de Mustele et de Barbotte. A Strasbourg, on la nomme Ruffolk, denomination fort diflerente de celles de Ruttc et de Quappe, usitees en Allemagne. La ligne laterale, cheiz la Lote, partage pour ainsi dire chaque cote du corps en deux moiti^s ; elle semble courir dans une depression qui est souvent assez marquee. Elle est formee d'une suite depetits tuyaux membraneux. La tete de ce Poisson est deprimee et fort large en dessus, en grande partie couverte de tres-petites ecailles, avec les machoires egales et arrondies, les yeux ronds, tres-saillants, places au niveau du front. L'iris est d'un vert dore. Lorsqu'on examine cette tete en dessus, il est presque impossible de ne pas lui trouver quelque chose de la physionomie du chat ou de laloutre, cequi provient de sa forme large, et surtout de 1'as- pect des yeux. L'unique appendice charnu tombant de la machoire inferieure contribue encore a donner a la tete de la Lote une physionomie etrange. Vers le tiers anterieur du corps s'eleve la premiere nageoire dorsale formee de douze a quatorze rayons ; celle-ci, fort petite, est suivie de la seconde dorsale qui n'a pas moins de soixante- dix a soixante-quinze rayons. Ges nageoires d'une hauteur tres- mediocre et presque egale dans toute leur etendue, participentde 18 '274 H1ST01RE PARTICULIERE DES POISSONS. la teinte generate du corps et presentent 6galement des laches brunes bien marquees. Les nageoires pectorales, de forme arrondie, ont de dix-huit a vingt ou vingt et un rayons ; les ventrales n'en ont que sept, ct LOTE. 275 commc 1'un d'eux, le troisieme, est beaucoup plus long que les autres, elles ont 1'apparence de languettes, surtout lorsque le Poisson est tir6 hors de Feau. < La nageoire anale est remarquable par son extreme longueur ; elle commence exactement en arriere de 1'orifice anal qui est situe au-dessous de 1'origine de la seconde dorsale, et elle s'6- tend jusqu'a la base de la queue, formant ainsi une bordure inferieure comme la dorsale figure une bordure superieure au corps du singulier Poisson. Gette nageoire un pen moins haute que la dorsale n'a pas moins de soixante-six a soixante-douze rayons et le plus souvent soixante-dix. Les nageoires inferieures ont des mouchetures plus ou moins nombreuses, mais en general plus petites que celles des ria- geoires du dos. La nageoire caudale, formee d'une quarantaine de rayons, entoure rextremite du corps et presente un contour remar- quablement arrondi. Elle est aussi plus ou moins tachetee de brim. La conformation interieure de la Lote offre beaucoup de par- ticular! tes. Les vertebres sont tres-epaisses ; on en compte vingt et une au tronc, portant de longues apophyses transverses qui remplacent les cotes et trente-huit a la queue. L'o3sophage et 1'estomac sont fort larges et pourvus de plis longitudinaux. L'intestin forme deux replis et il y a environ trente appendices pyloriques. La \essie est grande et munie de parois epaisses. Le foie est volumineux et trilobe. La Lote est repandue dans la plus grande partie de la France ; nous ignorons, cependant, si elle existe dans tous nos depar- tements meridionaux. On la trouve dans tous nos cours d'eau de lEst, mais nous ne croyons pas qu'on la peche jamais en tres- 276 HISTOIRE PARTICULIERE DES POISSONS. grande abondance dans aucune riviere de France. Elle est extr^mernent multipliee au contraire dans les lacs de la Savoie, le lac du Bourget, le lac Leman, etc. D'apres une tradition toujours vivante a Geneve, la Lote n'aurait pas toujours existe dans le lac Leman, elle y aurait ete introduite il y a quelques siecles. Si le fait est vrai, il y a la un magnifique exemple d'acclimatation, car ce Poisson pullule au- jourd'hui dans les eaux du lac. Pendant un sejour a Thonon, j'accompagnai souvent des pScheurs qui le matin allaient re- lever des centaines de lignes de fond tendues la veille au soir. Souvent on tirait sans interruption trente ou quarante lignes auxquelles 6tait accrochee une Lote. On p6che ce Poisson a peu pres dans toutes les rivieres comme dans tous les lacs, en Allemagne, en Danemark, en Suede, en Russie, en Siberie. II existe aussi, sans etre abondant, dans beaucoup de rivieres de 1'Angleterre ; mais les naturalistes de ce pays assurent qu'on ne letrouve ni en Ecosse, ni enlrlande. La Lote atteint parfois une assez grande taille et un poids con- siderable ; la plupart des individus, neanmoins, ne depassent guere 0",30 a O m ,50. On assure pourtant qu'on en voit ayant un metre de long et un poids de 3 kil ,5 a 4 kilogrammes et meme bien davantage; il est ecrit en plusieurs endroits qu'on en peche dansle Rhin du poids de 12 a 15 kilogrammes; un in- dividu pesant 21 kilogrammes aurait 6te vendu a la ville de Strasbourg, moyennant la somme enorme de 600 francs pour un dejeuner que la capitale de 1'Alsace offrait au roi Char- les X. Mais ce sont la des exemples bien rares, en admettant que Vexageration n'ait point eu sa part dans cesdiverses assertions. La Lote est un de nos Poissons les plus voraces ; elle con- somme en grande quantite des vers, des insectes, des mollus- LOTE. 277 ques, des cent's, mais elle s'attaque aussi a des animaux d'assez grande taille que sa vaste bouche lui permet d'engloutir. Se te- nant habituellement aufond del'eau,elleseblottitdans des trous et attire de petits animaux en agitant son barbillon. Elle reste cachee pendant le jour, aussi les pecheurs assurent-ils qu'on ne la prend presque jamais que la nuit. Elle fraye pendant 1'hiver, c'est-a-dire en decembre et en Janvier, deposant ses 03ufs sur les graviers a peu de distance du rivage ; du reste, nous ne sa- vons a peu pres rien des circonstances au milieu desquelles a lieu la reproduction. La duree de 1'incubation des oeufs est d'environ six semaines ; les jeunes Poissons croissent lente- ment, car on assure que la Lote ne commence a frayer qu'a sa quatrieme annee. La Lote est fort estimee pour la table. On la trouve partout vantee pour la qualite, pour le gout fin de sa chair. Son foie tres-volumineux est repute un objet de delices pour les gour- mands. i LA FAMILLE DES GYPRINIDES (CYPRINULE) Les Gyprinides forment la foule de nos Poissons d'eau douce, foule qui n'a cesse d'offrir les plus graves difficultes pour les naturalistes. II y a dans cette famille des series d'especes si \oi- sines les unes des autres, qu'on n'est pas toujours parvenu jus- qu'ici a les caracteriser d'une maniere precise. On a eu recours aux proportions du corps, et ces proportions sont variables dans chaque espece. On a pense avoir trouve un moyen infaillible de distinguer les especes par Fobservation des dents pharyngien- 278 HISTOIRE PARTICULIERE DES POISSONS. nes. Pour observer ces dents, il faut soulever 1'opercule et les detacher avec dexterite ; de la, une petite difficult^, etla ressem- blance des dents pharyngiennes chez des especes differentes, leur variabilite suivantl'age dans lameme espece, peuvent de- venir encore des sujets d'incertitude ; cependant elles fournis- sent des caracteres d'une certaine valeur. Les Gyprinides, etudies dans toutes leurs parties exterieures, peuvent etre certainement distingues, si Ton ne neglige aucune de leurs particularity specifiques. Examinons d'abord leurs caracteres communs. Ges Poissons ont toutes les parties de la bouche privees de dents, tandis que les os pharyngiens en sont constamment pour- vus ; ils ont le bord de la machoire superieure forme par les os intermaxillaires, une seule nageoire dorsale, les nageoires ventrales attaches en arriere des pectorales, un corps ecail- leux, la membrane branchiostege avec trois rayons aplatis. La famille des Gyprinides se partage d'une maniere tres-na- turelle en deux tribus : les GOBITINES (Cobitinee), caracteris6es par la tete petite, les omes peu fendues, les dents pharyngiennes nombreuses, en pointeaigue, etles GYpRiNmEs(Cyjormmoe), dont la t6te est relativement assez forte, les oui'es plus largement ouvertes, les dents pharyngiennes fortes et peu nombreuses. A la premiere tribu se rattache seul, parmi les Poissons d'Europe, le genre des Loches; a la seconde tribu appartien- nent tous les autres Gyprinides. Ges derniers, qui le plus sou- vent ont le corps convert de grandes ecailles, ont ete divis6s en un grand nombre de genres; ceux dont nous traitons en premier lieu se distinguent par des caracteres exterieurs fa- ciles a saisir ; ceux qui suivent, appeles vulgairement les Pois- sons blancs, se ressemblent au contraire d'une maniere ex- LOCHES. 279 treme par leurs formes exterieures, et Ton a eu recours a leurs dents pharyngiennes pour etablir des distinctions. Apres un mur examen, nous avons reconnu qu'il etait avantageux d'a- dopter la plupart des genres etablis sur les seuls caractere? tires du nombre et de la forme des dents pharyngiennes; au- trement on arriverait a une confusion generate des especes. LE GENRE LOCHE (COBITIS, Linne) Les Loches ont le corps allonge, cowert d'ecailles tres-petites, souvent presque imperceptibles a la vue simple; les levres epais- ses, entourees d'appendices charnus on barbillons ; des dents pharyngiennes nombreuses, disposees de chaque cote sur une seule serie ; 1'ouverture des omes pen fendue, ouverte seulement, jusqu'a la nageoire pectorale. Ges Poissons ont une vessie na- tatoire logee dans une capsule osseuse formee aux depens de la premiere vertebre. Nous avons en France trois especes de ce genre. Les Loches presentent un fait physiologique des plus remar- quables. Chez ces animaux, la respiration branchiale parait etre insuffisante et le canal intestinal doit remplir la fonction d'un second organe respiratoire. Les Loches, venant a la sur- face del'eau, avalent de 1'air par la bouche, et cetair, expulse ensuite par 1'orifice anal, se trouve converti en gaz acide car- bonique. Des experiences a ce sujet, qui datent de 1808, avaient ete faites sur la Loche d'etang parErman, de Berlin * ; elles ont 6te reprises ensuite par G. Bischoff, et M. de Siebold * Gilbert's Annalen der Phyii/c, t. XXX, p. 140; 1808. 280 HISTOIRE PARTICUL1ERE DES POISSONS. s'est assure que le m&ne phenomene a lieu chez les trois es- peces du genre *. On salt aussi que les Loches, et surtout le Cobitis fossilis, emettent un bruit, une sorte de sifflement, raais jusqu'ici le mecanisme de cette emission n'a pu etre bien t-tudie. LA LOCHE TRANCHE (COBITIS BARBATULA 2 ) LaLoche Tranche est, en Europe, 1'espece la plus commune du genre. C'est elle, 1'espece aux formes arrondies, que prennent pour terme de comparaison ceux qui, en parlant d'une jeune fille d'un certain embonpoint, disent qu'elle est grasse comme une loche. La Loche franche est le petit Poisson qui abonde presque toujours dans les ruisseaux ou vivent les Ghabots et les Fig. 52. La Loche franche (Cobitis barbatula). Epinoches, dans les etangs et les parties peu profondes et plus ou moins pierreuses des rivieres et des lacs ou s'etalent les plantes aquatiques. G'est le petit Poisson que des amateurs 1 Die Susswasserfische von Mitteleuropa, p. 340; 1863. 2 Cobitis barbalula, Linn6, Systema naturce, 6dit. XII, 1. 1, p. 499 ; 1766. Valenciennes, Histoire naturelle des Puissons, t. XVIII, p. 14, pi. 520; 1844. Heckel et Kner, Die Siisswasserfisclieder Ostreischischcn M)narc/u>,p.301 ; 1858. Siebold, Die Susswassvrfische von Mitteleuropa, p. 337; 1863. LOCHES. 281 se plaisent a entretenir dans des vases ou des bocaux de cristal, pour le plaisir d'epier ses mouvements gracieux et agiles, de voir son corps si bien tachete, si agreablement mouchete, sifi- nement pointille, miroitant de reflets dores lorsque la lumiere joue a sa surface, ou encore, de posseder un barometre vivant. Dans 1'opinion populaire, la Loche est tres-habile a marquer les changements de 1'atmosphere. Ellemonte, en effet, vers la sur- face del'eau, si 1'orage se fait sentir. La cause de cette mano3u- vre, ignoree de beaucoup de personnes, est simple et temoigne, de la part du petit animal, d'un curieux instinct, peut-e"tre d'une lueur d'intelligence. Dans les temps chauds et orageux, les insectes ailcs volent, on le sait, en rasant la surface des etangs et des rivieres, le petit Poisson se tenant a fleur d'eau, se trouve alors admirablement place pour les happer au passage. G'est du reste un instinct qui existe chez beaucoup d'especes. La Loche francheest certainement connue de tout le monde; mais comme, dans le langage vulgaire de differentes contrees, elle porte souvent un nom particulier, il ne sera pas inutile ici de rappeler des denominations qui aurontl'avantage de designer de suite a tons les habitants de la France le Poisson dont il s'agit en ce moment d'ecrire 1'histoire. En Provence, le mot Loche est a peine change, on dit la Lo- chou ou la Lotcho. Aux environs de Paris et dans plusieurs de nos departements, la Loche franche est appelee Barbotte, designation expressive, peignant amerveille 1'une des habitudes de 1'animal qui semble barbotter dans la vase. Barbotte devient parfois Barbette ou Petit Barbot, la signification reste toujours la meme. Dans le departement de Saone-et-Loire et dans quelques autres regions, c'estla Moustache, a cause des appendices qui 282 HISTOIRE PARTICCLIERE DES POISSONS. pendent autour de la bouche. De Moustache est derive Mustelle usiteen divers endroits, puis Moutelle qui est le nom ordinaire de la Loche en Bourgogne et en Champagne, modifie en Emou- telle et Amoutelle dans certaines localites du departement de 1'Aube. En Lorraine, par une autre modification, on dit la Mo- teulle ou la Moteuille. Sur les rives du lac Leman et dans une grande partie de la Savoie, la Loche porte le nom de Dor mil le qui devient Endor- mille on Endromille dans plusieurs cantons. Dans le departe- ment du Doubs, c'est la Linotte, appellation que les peeheurs peu soucieux de la precision appliquent egalement au Gha- bot. Dans les departement de 1'Isere, c'est le Lanceron. En Al- sace, c'est le Grundling, qui est aussi le nom du Goujon, et dans la Lorraine allemande le Grundel. Les Allemands disent Bartgrundel, ce qui signifie Goujon barbu. La Loche franche n'a pas en general plus de O m ,08 a O m ,10 de long. Quelques individus cependant, places, sans doute, dans les conditions les plus favorables a leur existence et a leur accroissement, atteignentla taillede O m ,12 aO m ,15. Chez cette espece,le corps fort long, relativement a la hauteur, est presque cylindrique ; c'est seulement vers la region poste- rieure qu'il demeure toujours un peu comprim6 sur les cotes. La peau molle, qui semble entierement nue a la vue simple, est d'une couleur grise tirant plus ou moins sur le brun ou le verdatre suivant les individus, et parsemee de taches d'un brun noir, se confondant les unes avec les autres sur la region dorsale, et for- mant ainsi sur le dos et la partie superieure des flancs une teinte sombre plus ou moins nuancee, plus ou moins marbree. Rien d'ailleurs de plus variable que ces taches, tantdt confon- dues, tantot separ6es, figurant les ondes ou les treillis les plus LOCHES. 283 capricieusementdessines. Versles parties inferieures du corps, les laches sont plus isolees et forment des dessins irreguliers qui finissent par se perdre dans la couleur generate du fond, car ces taches sont constitutes par des points noirs plus on moins 6car- tes. A la vue simple, lapeau de la Loche, toujoursplus ou moins enduite de mucosite, parait entierement nue, mais a\ec le secours d'une forte loupe on apenjoit des ecailles d'une extreme peti- tesse implantees sur toute la region dorsale et les ilancs ; la poi- trine et lapartie ventrale, seules, en sont depourvues. Ges ecailles Fig. 53. Portion de la peau de la Loche Tranche, montrantune partie de la ligne late'rale et quelques ecailles. sont de petites lames d'une extreme minceur et dont les stries ne sont pas fort nombreuses. La ligne laterale presque droite, depuis la tete jusqu'a 1'originp de la queue, est form6e d'une suite de petits tuyaux membraneux tres-apparenls sur les indi- \idus d'une taille un peu forte. r La tete est masshe et en general obtuse a 1'extremite ; il existe neanmoins a cet egard quelques legeres differences indi- viduelles. La bouche situee en dessous par suite de la brievete de la le\re inferieure est trans\ersale etassez petite. Gette bou- che est accompagnee de six barbillons ou appendices charnus : 284 HISTOIRE PARTICULIERE DBS POISSONS. quatre au-dessus de la levre superieure, ranges en une seule serie, dont les internes moins longs que les externes et un peu plus grands que les autres a. chaque angle de la bouche. Ges ap- pendices servent a 1'animal a fouiller dans la vase et a saisir les insectes et les Ters dont il fait sa nourriture. L'ceil, tres- petit, place a peu pres a egale distance de 1'extremite du mu- seau et du bord posterieur de 1'appareil operculaire, a 1'iris bleuatre. Les nageoires sont petites et arrondies ; la dorsale s'eleve au milieu dudos, offrant une couleur grise oujaunatre etdes ta- ches brunes bien marquees, disposees le long des rayons ; elle a dix rayons, les deux premiers simples, les autres rameux. Les pectorales, de forme ovalaire, tachete"es a la face interne, ont quatorze rayons ; les ventrales, fort petites, en ont huit. La Loche franche est commune dans toutes les parties de la France. Nous en avons reuni un nombre d'individus immense, provenant de la plupart de nos departements, dans le but de reconnaitre s'il n'y avait pas des especes-particulieres a certaines regions. Entre les individus des plaines et des montagnes, du Nord et du Midi, aucune difference essentielle" n'a pu 6tre constatee. Du reste, la Loche franche abonde egalement en Angleterre, en Allemagne et parait etre repandue dans une tres-grande partie de FEurope. Gette espece se plait particulierement dans les ruisseaux; on la trouve aussi dans les grandes rivieres et dans les lacs, mais alors elle se tient pres des rivages ou les eaux sont peu profondes. Tres-craintive, elle se r^fugie habituellement sous les pierres ou entre les roches. Sa nourriture consiste surtout en insectes, en vers, en petits mollusques, qu'elle attire a 1'aide de ses barbillons. Elle fraye pendant les mois de mars et BLANCHARD, Les Poissons. PI. V, p. 285. Pans, J.-B. Bailliere et tils, 6dit. LA PECHE A LA NASSE Corben, Lrete, imp. LES P^CUEURS PUOFITENT SOUVENT DE L'OCCASION POUR LA PRENDRE V LA LOCHE' A V E C DES NASSES. LOCHES. 285 d'avril ; la Loche se montrant alors plus volontiers qu'a 1'ordi- naire , les pe'cheurs profitent souvent de 1'occasion pour la prendre avec dcs nasses. Ce Poisson dont les oeufs sont tres-petits est d'une remar- quable fecondite. Sa chair grasse, delicate, est fort estimee ; aussi, en certaines contrees, on engraisse les Loches dans les canaux avec du sang cail!6, et en quelques endroits, des fosses ou des vrviers sont 6tablis pour les conserver. LA LOCHE DE RIVIERE (COBITIS T^ENIA *) Plus encore que la Loche franche, la Loche de riviere est ele- gante par ses formes, par ses couleurs, par ses mouvements : /'" on le cone, oit,n'a plus aucune peine a en venir au mot franc,ais Carpe, au mot italien Carpione, au mot anglais Carp, au mot allemand Karpfen. Ges Etudes portant uniquement sur des r.AHPES. 325 mots, n'offrent nul interet, si elles ne conduisent pas a mettre en lumiere un fait scientifique et dans la circonstance presente I'histoire particuliere des Poissons ne s'enrichirait d'aucun de- tail utile par de plus nombreux exemples des denominations qui ont pu etre appliquees suivant les lieux ou suivant les epoques an Poisson le plus connu aujourd'hui dans FEurope entiere. De tons les Poissons de nos eaux douces, la Garpe estcelui qui offre le plus de variations, non-seulement dans les couleurs, mais aussi dans les formes. G'est un animal qui, depuis des siecles, a ete soumis par 1'homme a des conditions fort diverses. II est devenu presque domestique et il a subi ainsi des modi- fications de 1'ordre de celles que subissent les animaux domesti- ques, suivant les lieux ou ils habitent, suivant les circonstances dans lesquelles ils naissentet se developpent. Ges modifications n'affectent pas neanmoins les caracteres Jessentiels de 1'espece ; les varie"t6s les plus considerables, que presentent certaines Garpes, ont pu 6tre citees et decrites par plusieurs auteurs commedes especes distinctes, ces varietes ont bientot ete appre- ciees exactement par d'autres naturalistes qui avaient su re- connaitre des particularites, dues soit a des causes accidentelles, soit a des influences locales. Ainsi qu'il arrive parmi les animaux domestiques, les cas teratologiques ou ce qu'on appelle vulgai- rement les monstres, si rares chez les animaux sauvages, sont assez frequents chez la Garpe. Ce Poisson est si bien connu qu'une longue description serait superfine . La Garpe consideree de profil a le corps large, comprime late- ralement avec le dos plus ou moins vout6 vers la partie ante- rieure et abaisse" ensuite vers la tete, qui est elle-meme sensi- blement inclin^e de la nuque a 1'extremite du museau. Les prc- 326 HISTOIKE PARTICULIERE DES POISSONS. portions du corps sont au reste variables suivant les individus. II est dit dans la plupart des descriptions que la hauteur du corps est repetee trois fois et demie dans sa longueur ; c'est la une moyenne, car soirvent la hauteur est relativement plus ou moins considerable. L'opercule est toujours assez fortement strie. Les ecailles grandes, ordinairement au nombre de trente-six a trente-huit dans la plus grande longueur du corps, forment cinq ou six rangees au-dessus de la ligne laterale et autant en dessous. Ges ecailles, notablement plus longues que larges, ont leur bord exterieur pourvu de nombreux festons limites par des sillons, leur bord basilaire sinueux, leurs stries concentriques tres- serrees. La bouche de la Carpe est assez petite et accompagne"e de chaque c6te de deux appendices charnus. La nageoire dor- sale presente le plus souvent, apres legros rayon osseux dentele en scie, dix-neuf rayons rameux ; mais quelquefois ce nombre ne depasse pas dix-sept ou dix-huit, tandis que chez certains individus il est de vingt a vingt-deux. Les nageoires ventrales ont dix ou onze rayons dont les deux premiers simples ; I'anale a deuxpetits rayons simples, en avant du gros rayon dentele en scie et cinq rameux a la suite. La couleur generate de la Garpe est d'un vert brunatre assez clair chez les individus qui ont vecu dans les eaux limpides, et assez sombre chez ceux dont 1'existence s'est passe" e dans les eaux stagnantes. Des reflets bleuatres se manifestent ordinairement sur la region dorsale et une teinte doree plus ou moins vive s'Stend sur les cot6s. Chez la Garpe, 1'appareil digestif a un de"veloppement plus considerable que chez beaucoup d'autres Gyprinides, indice du regime essentiellement herbivore de 1'animal. CARPES. 327 La Carpe en effet se nourrit de conferves, de debris de v6ge- taux, de vase chargee de substances organiques. Elle paralt preferer les eaux troubles et stagnantes aux eaux courantes, et cette circonstance permet de 1'elever sans difficulte et avec profit dans des etangs naturels ou artificiels. La fecondite de ce Pois- son est devenue proverbiale ; on peut compter cinq ou six cent mille oeufs chez un individu d'assez forte taille. La ponte a lieu pendant les mois de mai et de juin et quelquefois de nouveau an mois d'aout. Les ceufs sont deposes sur les plantes, et comme leur incubation est rapide , surtout si la temperature est un peu elevee, on voit eclore les jeunes an bout de sept a huit jours. Dans de bonnes conditions, 1'accroissement se fait avec une assez grande rapidite ; neanmoins, entre les faits cites a cet egard, il y a de grandes divergences, ce qui s'explique par la diversite des conditions d'existence pour lePoisson, dans leslieux ou les observations ont ete faites. Dans les eaux ou elles trouvent une nourriture abondante, les Garpes peuvent atteindre au bout de trois ans le poids de 2 a 3 kilogrammes. D'apres des renseignements que je dois a 1'obligeance de M. Millet, un proprietaire au Port-aux-Dames, commune d'Au- ger-^Saint-Vincent (Oise), eleve des Garpes qui atteignent le poids enorme de 9 kilogrammes, et il a vendu de ces magnifiques Poissons a la maison Ghevet de Paris, au prix de 24 francs. On arrive assez facilement a leur faire acquerir le poids de 3 a 4 kilogrammes dans 1'espace de cinq a six ans, mais ensuite, il faut encore une quinzaine d'ann6es pour qu'elles parviennent au poids de 9 kilogrammes. M. Millet m'a dit aussi, qu'on a p6ch6 il y a quelques annees dans FAveyron, a Bruniquel (Tarn-et-Garonne), une Garpe qui pesait 1.7 kilogrammes et demi ; que dans la Seine, a Triel, un 328 HISTOIRE PARTICULIERE DES POISSONS. pScheur a la ligne en a pris une, au mois d'aout 1864, du poids de 8 kilogrammes etdemi. D'apres les observations d'un auteur allemand, les Carpes arriventen general an poids de 5 a 6 kilo- grammes en France, de 20 en Prusse, jusqu'a 3o dans 1'Oder, a Francfort,et enfin jusqu'a 45 en Suisse, dans le lac de Zug *. L'idee de la longevite de la Garpe a penetre partout. Si Ton devait s'en rapporter a 1'opinion commune, ce Poisson vivrait des centaines d'annees. Ne cite-t-on pas les Garpes de Fontai- nebleau comme se livrant a leurs ebats dans les etangs de la re- sidence royale depuis le regne de Francois I"? Ne parle-t-on pas des Garpes de Ghantilly dont la naissance remonterait au temps du grand Gonde, de celles des etangs de Pontchartrain, vieilles de plus de deux siecles. Aux yeux de 1'homme, il y a quelque chose de merveilleux dans une existence infiniment prolongee, fut-ce m6mel'existence d'un animal dont la vie parait bien monotone. G'est une chose enviable pour ceux qui deplorent la brievete de la vie humaine. Aussi la credulite est facile. Mais il vaut toujours mieux exa- miner que de croire aveuglement. A-t-on oublie entierement qu'a rhaque revolution, les residences royales ont ete saccagees par les maitres du moment. Les belles Garpes des etangs de *Fon- tainebleau, de Ghantilly, etc., ont 6t6 mangles par le peuple souverain en 1789, en 1830, en 1848, et certainement dans une foule d'autres circonstances. II faut s'en consoler, il n'y a point en France de Carpes seculaires. Les Garpes de Gharlottenbourg ont aussi une reputation de haute antiquite ; nous ignorons si elles ont ete plus respectees que celles de nos etangs, mais la date de leur naissance n'en est pas moins fort douteuse. 1 Raphael Molin, Die Rationale Zucht dcr Susswasserfische, Wien, 1864. BLANCHARD. Les Poissons. PI. XIII, p. 328. Paris, J.-B. Bailliere et Fils, 6dit. LES CARRES DE FONTAINEBLEAU NE CITE-T-ON PAS LES CARPES DE FONT AIN EBLE A U COMME SE LIVRANT A LEURS EBATS DANS LES ETANGS DE LA RESIDENCE ROYALE. CARPES. 329 Tout le monde sail combien la vie est persistante chez la Garpe longtemps apres qu'elle a 6t6 tiree de 1'eau. La presence d'une membrane couvrant en partie les branchies et conservant 1'humidite sur ses organes, permet a la respiration de s'effectuer encore a 1'air libre pendant de longues heures. Gette circon- stance est mise a profit, parait-il, en Hollande, pour engraisser des Garpes. On loge ces animaux dans des reseaux remplis de mousses humides que Ton suspend dans des caves. La, durant trois ou quatre semaines, ils sont nourris avec un melange de pain et de lait qu'on leur introduit dans la bouche avec une cuiller. II suffit de rafraichir les Poissons en aspergeant d'eau la mousse dont ils sont. entoures pour les empe"cher de perir. On a eu de nombreuses occasions d'observer combien etait remarquable chez les Poissons la faculte d'entendre. Les Garpes ont 6te" sou vent citees comme exemple. Je ne rapporterai pas toutes les anecdotes repandues a ce sujet, une seule deja fort ancienne suffira a donner 1'idee d'un fait curieux a beaucoup d'egards. A Rotterdam, dit un observateur anglais du commen- cement du dix-huitieme siecle, Richard Bradley, que nous avons deja cite, j'ai eu le plaisir de voir quelques Garpes dans un vaste e~tang appartenant a M. Eden, qui m'ont fourni 1'occasion d'apprecier jusqu'ou allait la faculte d'entendre chez ces creatures. Le proprietaire ayant rempli sa poche de graine d'epinard, me conduisit au bord de 1'etang. Nous restames muets quelques minutes, ce qui etait indispensable pour me convaincre que les Poissons ne viendraient pas tant qu'on ne les appellerait pas. Bientdt le proprietaire les appela a sa maniere habituelle, et soudain les Garpes arriverent ensemble de toutes les parties de 1'etang en tel nombre qu'elles avaient peine a se tenirles unes pres des autres. 330 H1ST01HE PARTICULIERE DES P01SSONS. Plusieurs varietes de la Carpe doivent etre mention nees d'une manure speciale, ces \arietes ayant ete considerees par un grand nombre d'auteurs comme autant d'especes particulieres. La Carpe a miroir (Cyprinus Rex Cyprinorum, Bloch , Cypri- nus spccularis, Lac., Cyprinus macrolepidotus, Meid.) est une varietequi consiste dans une remarquable alteration des ecailles. Les ecailles sont pen nombreuses et d'une dimension enorme ; malgre" cette curieuse modification, leurs caracteres essentiels ne sont pas notablement alteres, les decoupures du bord basilaire, les stries concentriques demeurent semblables a celles des ecailles normales. La Carpe a cuir (Cyprimis nudus, Bloch, Cyprinus coria- ceus, Cyprinus alepidotus) est une varietechezlaquelle les ecailles sont atrophiees et ou la peau epaisse a pris 1'aspect d'une sub- stance coriace, 1'apparence du cuir. La Carpe bossue (Cyprinus elatus, Bonaparte) est une variete qui consiste dans la grande hauteur du corps. La Carpe reine (Cyprinus regina, Bonaparte) est une varie'te qui se distingue seulement de nos Carpes ordinaires par le dos tin peu moms elev6, et de la sorte, par le corps plus allong6 rela- tivement a son epaisseur. La Carpe de Hongrie (Cyprinus hunyaricus, Heckel) est une autre variete dont le corps est plus mince encore que chez la prec^dente. Parmi les monstruosites de la Carpe, une des plus frequentes, consiste dans une deformation de la tete, un aplatissement con- siderable du museau. Les'individus qui presentent cet etattera- tologique sont connus sous le nom de Carpes dauphins, ou plutot, de Carpes a tete de dauphin. CARPES. 331 LA CARPE DE KOLLAR EOLLARil ') La Garpe de Kollar ne se trouve en France que dans un petit nombre de localites ou presque certainement elle a ete intro- duite. A quelle date faut-il reporter cette introduction? dans quelles circonstances a-t-elle eu lieu? On 1'ignore absolument. La Garpe de Kollar vit dans les fosses de Metz, dans 1'etang de Belletanche. Holandre assure qu 'on la peche quelquefois dans la Moselle, et que les p^cheurs de Metz 1'appellent Carousche blanche a cause de sa coloration pale, pour la distinguer du Ga- rassin, la Carousche noire. Elle se trouve aussi pres de Paris, avec la Garpe ordinaire dans 1'etang de Saint-Gratien, de la vallee de Montmorency, ou elle est designee par les pecheurs sous le nom de Carreau, qui fait allusion a la forme dargie et de la sorte un peu carree de ce Poisson. Avec 1'aspect general de la Garpe commune, la Garpe de Kol- lar ayant le corps plus eleve et comprime lateralement offre quelque chose de la physionomie du Garassin et de la Gibele. Son dos s'eleve beaucoup depuis la nuque jusqu'a 1'origine de la nageoire caudale ; sa tete, proportionnellement un peu moins forte que cellede la Garpe commune, ale front plus bombe, la niclchoire superieure un peu proeminente sur 1'inferieure et 1 Heckel, Ue her einige nine Cyprinen, in Annalendes Wiener Museums, t. I, p. 213, pi. XIX, fig. 2; d836. Valenciennes, Histoire naturdle des Poissons, t. XVI, p. 76, pi. 458 ; 1842. Carpio Kollarii, Heckel et Kner, Die Suswasserfische der cestreichischen Monarchie, p. 64; 1858. Siebold, Die Susswasserfische von Mitleleuropa, p. 91; 1853. Cyprinus striatus, Holandre, Faune du departement de la Moselle, p. 242 ; 1836. De Selys- Longchamps, Faune beige, p. 198, pt. IX; 1848. 332 HISTOIUE PARTICULlfiRE DES POISSONS. pourvue de quatre barbillons places cornme chez la Garpe ordi- naire, mais tres-petits et fort greles. L'opercule presente des stries profondes, bien marquees et Fig. 66. Te'te et portion anterieure du corps de la Carpe de Kollar. assez regulieres, et le sous-opercule est lui-meme comme cisele. Les ecailles, sensiblement plus grandes que chez la Carpe, en different a peine par quelques details. Leur bord libre est uri tant soit pen inegal comme dans cette derniere, mais leur bord basilaire est plus festonne et les canalicules de la portion de- couverte sont plus rapproches et plus reguliers, de facon que les ecailles, observees a la vue simple, presentent de nombreuses stries longitudinales *. La ligne laterale, d'abord inflechie, se continue ensuite en ligne droite jusqu'a 1'extremite du corps. Les nageoires sont a peu pres semblables a celles de la Garpe commune. Chez la Garpe de Kollar, la coloration est variable dans une certaine mesure comme les proportions du corps; cependant 1 La description des Ecailles de la Carpe de Kollar donn^e par M. Va- lenciennes, Hist, naturelle des Poissons, t. XVI, p. 78, est de tous points inexacte. CARPE. 333 elle est en general assez claire ; de la les noms, a Metz, de Ca- rousche blanche, en Belgique, de Carpe blanche. Tout le corps est habituellement d'un gris argente on jaunatre avec le dos d'un brim plus ou moins verdatre, les ecailles moins pointillees de noir que chez la Carpe, les nageoires d'un gris bleuatre ou noi- ratre, souvent teinte de rouge, surtoutchez les jeunes individus. Cette espece ne semble pas depasser la taille de O m ,30 a O m ,40, mais la plupart des indi\idus que Ton peche sont d'une beau- coup plus petite dimension. La Garpe de Kollar a ete observee en Belgique, dans presque toutes les parties de I'Allemagne et en Hongrie, mais elle n'a jamais 6te signalee en Angleterre. G'est seulement en 1836, qu'elle a ete enregistree au nombre des especes europeennes par Heckel, le celebre Ichthyologiste de Vienne, et en me"me temps par Holandre, 1'auteur de la faune du departement de la Mo- selle. II y a lieu de s'en etonner, puisqu'il s'agit'd'un Poisson de forte taille r repandu dans une grande partie de 1'Europe cen- trale. On trouve aisement, neanmoins, une explication du si- lence des anciens auteurs a 1'egard de la Garpe de Kollar. Ge Poisson n'a pas toujours ete distingue de la Garpe commune, et d'apres 1'avis des pecheurs, elle a ete prise souvent pour le m6tis de la Garpe et du Garassin, d'ou les noms vulgaires de Garpe-Garassin (Karauschen-Karpf], de Garpe batarde (Bas- tard-Karpf], de demi-Garpe [Halbkarpf], qui lui sont ordi- nairement appliques en Allemagne. Apres avoir 6te regardee par plusieurs zoologistes comme une espece bien caracterisee ; apres avoir meme ete consideree comme le type d'un genre (le genre Carpio) par Heckel, la Garpe de Kollar est prise egalement aujourd'hui pour un sim- ple metis par divers auteurs portes a accepter 1'opinion des 334 HISTOIRE PARTICULIERE DES POISSONS. p6chetirs comme 1'expression de la .verite. G ! est ainsi que M. Dybowski , auquel on doit un ouvrage sur les Gyprini- des de la Livonie, voyant, dans la Garpe de Kollar, le pro- duit de deux especes differentes, s'attache a montrer que ce Poisson est sous tous les rapports intermediate entre la Garpe et le Carassin ; par les dents pharyngiennes, par le nombre des vertebres qui est de 37 chez la Garpe commune, de 35 chez la Garpe de Kollar, de 34 chez le Garassin, par les rayons des na- geoires, par la forme du corps l . G'est ainsi que M. de Siebold, croyant egalement trouver un hybride dans la Garpe de Kollar, estime 1'avis des pecheurs comme bon a prendre en considera- tion. Get avis nous semble cependant de peu de valeur, les pe- cheurs etant en general peu soucieux de 1'observation et tres- enclins a adopter lesidees les plus fausses. Doit-on oublier que, dans presque toute 1'Europe, ces braves geris voient dans la Gremille le metis de la Perche et du Goujon ? En opposition avec le sentiment qui vient d'etre rapporte, car toute preuve directe manque, plusieurs faits d'une cer- taine importance sont a noter. La Garpe de Kollar est loin de presenter un partage des caracteres de la Garpe commune et du Garassin ou de la Gibele ; elle ressemble beaucoup plus a la Garpe qu'au Garassin, par la forme generale du corps, par la presence des barbillons et surtout par les ecailles presque sem- blables a celles de la Garpe et ainsi assez differentes de celles du Carassin ou de la Gibele. La comparaison rigoureuse des ecailles entre les especes, toujours negligee par les auteurs et cependant indispensable quand il s'agitde la distinction des especes, con- duit arepousser 1'opinion que la Garpe de Kollar est un hybride. 1 Dybowski, Versuch einer Monographic der Cyprinoiden Livlands, p. 60. Dorpat, 1862. CYPRINOPS1S. 335 Un fait d'un autre ordre porte aussi a conclure dans le meme sens. M. Valenciennes nous dit : Le Cyprinus Kollarii est tres-abondant dans le lac de Saint-Gratien, ou je n'ai jamais (( vu le Cyprinus carassius, et ou la Gibele (Cyprinus gibelio] ne me parait se rencontrer que par hasard, car je n'en ai ja- mais vu prendre qu'un seul individu pendant le long espace de temps que j'ai suivi avec soin la peche de cet etang. Je suis done dispose a croire que la Garpe de Kollar est veri- tablement ime espece particuliere ; neanmoins, il serait fort a desirer que la question se trouvett resolue par 1'experience. Les pisciculteurs qui celebrent les avantages des fecondations arti- ficielles auraient a faire ici, au point de vue de.la connaissance exacte des especes, ^un excellent emploi de leur precede tant vante pour la multiplication des Poissons. f *. LE GENRE CYPRINOPSIS (CYPRINOPSIS, Fitzinger ') Les Gyprinopsis ressemblent a un tres-haut degre aux veri- tables Garpes par la configuration de leur corps , par leurs nageoires, la dorsale et 1'anale ayant egalement un gros rayon osseux dentele en scie. Us s'en distinguent par 1'absence d'ap- pendices charnus ou barbillons aux cotes de la bouche et par les dents pharyngiennes au nombre de quatre seulement dis- posees sur un seul rang, les trois dernieres en forme de spatule a\ec la couronne sillonnee dans son milieu. Nous ne connaissons que quelques especes de ce genre. 1 Carassius, Nilsson. 336 HIST01RE PARTICUUERE DES P01SSONS. LE CYPRINOPSIS CARASSIN (CYPRINOPSfS CARASSIUS l ) Ce Poisson pen connu en France, pour la raison qu'il ne se trouve que dans certaines localites de nos departements de 1'Est ou il ne parait pas encore tres-abondant, est commun an contraire dans toute 1'Allemagnc, en Suede, dans les provinces meridionales de la Rtissie. On 1'appelle vulgairement le Caras- \\ \\ Fig. 67. Le Carassiu (Cyprinopsis carassius.) sin en plusieurs endroits ; a Metz, la Carousche ou Carousche noire ; dans la Lorraine allemande, Carasche; en Alsace, Ka- 1 Cyprinus carassius, Linn6,Sy sterna natura>,&AH. XII e , t. J,p.K26; 17G6. Bloch, part. \, p. 69, pi. II. Valenciennes, Histoire naturelle des Poissons, t. XVI, p. 82; 1842. Carassius vulgaris, Heckel et Kner, Die Susswasserfische der cestreichischen Monarchic, p. 63 ; 1858. Siebold, Die Susswasserfische von Mitleleuropa, p. 98 ; 1S63. CYPR1NOPSIS. 337 rausche, le nom sous lequel on le designe dans presque toute 1'Allemagne, on Biirratschel, corame a Strasbourg. Le Garassin a 1'aspect d'une Garpe demesurement elargie dans le sens de la hauteur et comprimee lateralement, avec la t.6te petite et courte, une coloration generate d'un vert bouteille assez sombre, ayant des reflets dores sur les parties inferieures et passant a des teintes rougeatres sur la poitrine, le milieu du ventre et les nageoires, plus ou moins vives suivant les saisons et les localites. Quelquefois, chez le Garassin, la hauteur du corps est 6gale a la moitie de sa longueur totale ; mais cette proportion n'est pas constante. II y a des individus chez lesquels le dos est beaucoup moins eleve quechez les autres; toujours, n6anmoins, il s'eleve par une courbe tres-arqu6e et plus ou moins arrondie. La t6te est plus courte et moins obtuse que chez la Garpe. La region frontale est inegale. Une rangee de six petits os sous-orbitaires formant saillie est tres-apparente. Le museau est tr&s-court, avec la bouche petite et les levres peu saillantes. L'ceil de gran- deur mediocre a 1'iris argente avec le bord cuivreux ou dor6. L'opercule est finement et irregulierement stri6, presentant comme la joue des tons argentes, relev6s par un pointille noir. Le corps est convert d'6cailles assez grandes, disposees sur quatorze, quinze ou seize files longitudinales ; ces ecailles, or- dinairement an nombre de trente a trente-cinq sur les rangers qui s'etendent de 1'ouie jusqu'a 1'origine de la queue, parais- sent, a la vue simple, 16gerement rugueuses et pourvues de stries longitudinales dues a des rangees assez regulieres de pe- tits points noircttres. Ges ecailles doivent 6tre examinees avec attention, car, tres-caract6ristiques chez le Garassin, elles per- mettent, mieux que tout autre caractere, de distinguer avec cer- BLANCHARD. 22 338 HISTOIRE PARTICULIERE DES POISSONS. titude, croyons-nous, 1'espece de ses congeneres. Detachees du corps, elles montrent leur e!6gante structure. Elles sont seu- lement un peu plus longues que larges, avec leurs bords su- Fiy. 68. ficaille du Cyprinopsis Carassin, prise sur les flancs. perieur et inferieur coupes presque droit, leur bord libre re- gulierement circulaire, leur portion basilaire tres-nettement d6coupee en cinq ou six festons. Des echancrures des festons partent des sillons convergeant vers un point central, d'ou naissent sept ou huit canaux qui se portent en general jusqu'au bord de 1'ecaille et dont la direction se trouve indiquee exacte- ment par la figure. Les stries circulaires sont partout rappro- ch6es les unes des autres et regulieres. Les lignes et les points qui se font remarquer sur la partie libre de 1'ecaille, appartien- nent a la membrane dont elle est rev6tue. J'ai obsen'e de ces 6cailles sur des Garassins de di verses provenances, sur des in- dividus de grande taille et sur de tres-petits, et je les ai trouvees semblables dans tous les cas. La ligne lat^rale regne sur le milieu des flancs ; les tuyaux de Iamucosit6 sont cylindriques et d'un diametre tres-m6diocre. Les nageoires n'ont rien de fort remarquable ; la dorsale assez haute commence a peu pres exactement sur un point cor- CYPRINOPSIS. 339 respondant an milieu du corps, mesure du bout du museau a 1'origine dela queue; elle se compose d'un petit tubercule, d'un rayon osseux tres-court, d'un rayon osseux grand et fort epais, garni, toutle long de son bord posterieur, de dents assez fines, et de seize a dix-huit rayons rameux, les deux derniers plus ou moins separes suivant les individus ; les pectorales ont un rayon simple et ordinairement treize rayons flexibles ; les ventrales, beaucoup plus grandes que les pectorales, et etroites a leur ori- gine, ont un premier rayon tuberculiforme, un second simple, tres-epais et huit rameux ; 1'anale a deux rayons tuberculifor- mes, un epais rayon dentele et six ou sept rameux, et enfin la caudale a dix-neuf ou vingt rayons et quelques-uns tres-petits en dessus et en dessous. Les membranes des nageoires ont une teinte sombre ; elles sont sablees de noir surtout a leur extre- mite. L'appareil alimentaire du Garassin ressemble a celui de la Garpe,seulementl'mtestin, contenu dans unecavite plus courte, est aussi un peu moins long. Le Garassin n'atteint jamais, suivant toute apparence, les enormes dimensions dont la Garpe offre de nombreux exem- ples ; les plus grands individus ne depassent guere la taille de O m ,30. Ge Poisson habite surtout les etangs, et ce n'est, pen- sons-nous, que dans des circonstances assez rares qu'on le prend dans les rivieres; il se nourrit de substances vegetales et animales, et Ton assure meme qu'il avale de la vase dans la- quelle se trouvent des vers et des insectes. Ne s'eloignant guere de 1'endroit ou il est ne, il se tient habituellement dans les eaux profondes. Au rapport des p6cheurs, il ne se montre a la sur- face que dans les chaudes journees de l'6te, et probablement a 1'epoque du frai qui a lieu au mois de juin. 340 HISTOIRE PARTICULIEKE DES P01SSONS. Le Garassin se voit sur les marches de Metz, de Strasbourg et sans doute sur ceux des autres \illes de la Lorraine et del'Al- sace, mais il n'est presque jamais apporte sur les marches de Paris. On assure qu'il a et6 introduit en Lorraine par les soins du roi Stanislas. Ce Poisson est rare aussi en Angleterre, ou il a sans doute ete importe ; Yarrell declarait qu'a sa connaissance il n^ait et6 peche nulle part ailleurs que dans la Tamise, entre Hammersmith et Windsor, mais on le prend egalement, disent d'autres naturalistes, dans quelques etangs du comte de Surrey. En Allemagne, il est au contraire commun ; et dans quelques parties de la Russie et en Siberie, il est en assez grande abon- dance pour constituer une part notable de 1'alimentation des habitants de certains districts. Sa chair est, du reste, reputee d'un gout fade. , LE CYPRINOPSIS GIBELE (CYPRINOPSIS GIBELIO J ) La Gibele habite seulement en France, la Lorraine et 1'Alsace, et peut-etre ailleurs, quelques etangs ou elle a ete introduite- Ge Poisson ressemble a beaucoup d'egards au Garassin, mais il a le corps beaucoup moms elev6, plus 6pais, et ainsi moins comprime lateralement. La tieure du dos pr6sente, le plus souvent, une e"troite ligne mediane depourvue d'^cailles, bordee de chaque cote par une serie d'ecailles plus petites que les autres. Parrai les Bremes, il y a des differences tres-notables dans les dents pharyngiennes entre des especes qui se ressemblent BREMES. 351 extremement par les autres caracteres. Des ichthyologistes mo- dernes n'ont pas hesit6 a prendreces differences pour des carac- teres generiques, et alors les Bremes se sont trouvees r6parties dans quatre genres. Nous pensons qu'il y aura avantage a con- server le grand genre en indiquant toutefois sous de simples divisions , les caracteres sur lesquels on s'est appuye pour operer une separation complete d'especes tres-voisines par 1'ensemble de leur organisation. Les Bremes ne sont pas nombreuses en France. Plusieurs especes europeennes n'ont jamais 6te rencontrees dans notre pays. LES BREMES PROPREMENT DITES Ge sont les especes dont les dents pharyngiennes, au nom- bre de cinq, sont disposees sur un seul rang, et presentent une troncature en arriere de leur pointe terminale. LA BREME COMMUNE (A BRA MIS BRA MA l ) La Breme habite une tres-grande partie de 1'Europe et, abon- dante dans beaucoup de localites, elle devient en divers pays, une ressource alimentaire assez importante. Ce Poisson atteint une forte taille, et si sa chair est depourvue des qualites suffi- santes pour lui meriter les honneurs des grandes tables, i Cyprinus brarna, Linn6, Systema natura', 6dit.XII,t. I, p. 531 ; 1766. Blocli, part. 1, p. 75, pi. XIII. Abramis brama, Valenciennes, Histoire naturelle des Poissons, t. XVII, p. 9; 1844. Heckel et Kner, Die Suss- wasserfische der ostreichischen Monarchic, p. 104; 1858. Siebold, Die Susswasserfische von Mitteleuropa, p. 121 ; 1863. 352 HISTOIRE PARTICULIERE DES POISSONS. comme elle n'a habituellement aucun gout desagreable, la Br6me, qui multiplie rapidement et qui se vend sur les mar- ches a un prix modique, ne doit pas 6tre dedaignee.Un ancien Pig. 73. La lireme commune (Abramis brama). proverbe disait : Quiconque a une Br6me dans son etang, peut convier son ami. Aujourd'hui, on accorde a ce Poisson moins d'estime qu'on ne lui en accordait autrefois. Geci est surtout manifesto en Angleterre. Pour les gens d'un gout delicat, une Breme ne vaut pas la peine d'etre cuite, tandis qu'au commen- cement du quinzieme siecle, avant I'introduction de la Garpe, elle figurait souvent dans les repas somptueux. Le nom de Breme est en usage parmi nos pecheurs, mais dans certaines localites, il devient Brame ou Bramme ; en Alsace c'est le mot Bresem qui est employe ; expression assez diff6- rente du nom allemand le plus ordinaire, Brachsen. La Br6me a le corps comprime lateralement et tres-large par rapport a la longueur 6tant consid^re de profil. D'un blanc d'argent tres-finement pointil!6 de noir sur les cot6s et les regions inferieures, toutes les parties superieures sont d'un gris bleuatre ou verdatre plus on moins intense, les nageoires BRfiMES. 353 d'un gris bleuatre sable de noir et 1'iris d'un jaime d'or avec une tache noire. Un espace long et etroit sur la portion ante- rieure du dos, est, comme chez la plupart des especes du genre, depourvu d'ecailles. Les ecailles grandes, beaucoup plus larges que longues, ont leur bord basilaire faiblement et irregulierement festonn6, leur bord libre peu arque et sensiblement anguleux, leurs stries circulaires partout tres-rapprochees d'une maniere 6gale ; elles offrent dans leur partie libre des rayons au nombre d'une dizaine convergeant vers le centre et quelques rayons allant du centre au bord basilaire, formant ainsi une sorte d'6ventail. La ligne laterale decrit une courbe assez prononcee ; les con- duits de la mucosite sont greles, cylindriques et de mediocre longueur. La tete de la Br6me, assez petite relativement au volume du corps, avec le museau obtus, la bpuche peu fendue, la machoire inf^rieure plus courte que la superieure, presente de nombreux pores disposes sur une file passant sur le front pour venir con- tourner la narine, descendre au-dessous de 1'ceil et remonter en arriere pour se continuer au-dessus de 1'opercule vers la ligne laterale. On voit ainsi que la tete du Poisson doit etre continuellement impr6gnee de mucosite. L'osil est assez grand, son diametre etant souvent sup6rieur au quart de la longueur de la tete. La nageoire dorsale etroite a sa base, situee au dela de la portion moyenne du dos, a douze rayons, trois simples, neuf rameux allant en diminuant beaucoup de longueur ; le premier des rayons simples est tres-petit, le second a un peu plus de la moitie de la longueur du suivant. Les nageoires pecto rales ont seize rayons ; les ventrales dix, dont les deux premiers simples ; BLANCH ARD. 23 354 HISTOIRE PARTICULIERE DES POISSONS. 1'anale en a trois simples dont le premier tres-petit, et vingt- deux a vingt-huit rameux. La Bre"me peut atteindre dans ses plus belles proportions la longueur d'environ O m ,60 et le poids de 3 a 4 kilogrammes lorsqu'elle est placee dans de bonnes conditions, c'est-a-dire dans des eaux ou elle trouve une nourriture abondante. Ge Poisson, comme tous ceux qui vivent indifferemment dans les rivieres, les lacs et les etangs, offre d'assez nombreuses varie- t6s ; vari6te"s n'ayant pas, au reste, de caracteres bien definis. G'est de la sorte que j'ai hesit6 longtemps a rapporter soit a 1'es- pece de la Bre'me commune, soit a une espece particuliere des individus de la Garonne et de la Dordogne, ayant le corps unpeu plus comprime, la te"te 16gerement plus effil^e que nos Bremes ordinaires , mais cependant dont 1'ensemble des caracteres apres une etude comparative, n'a pu donner lieu a aucune dis- tinction certaine. On sait d'ailleurs que, chez la Breme, le corps est proportionnellement plus mince chez les jeunes que chez les vieux individus. II a et6 reconnu ainsi qu'une espece d^crite par Linn6 n'avait et6 6tablie que sur la consideration de jeunes individus de la Br6me commune 1 . Sous les noms de Abramis microlepidotus, Abramis argyreus, Abramis vetula, MM. Agassiz et Valenciennes ont cru pouvoir admettre trois especes. De legeres differences dans la dimension des 6cailles, dans la hauteur ou les proportions generales du corps, signalees comme des caracteres sp6cifiques, sont en realit6 sans valeur. Telle est 1'opinion de M. de Siebold, et telle est aussi celle que je me suis formee d'apres la comparaison d'un tres- grand nombre d 'individus de Iocalit6s fort di verses. Tous les intermSdiaires, toutes les nuances ont pu 6tre observes. 1 Cyprinus farenus, Linn6, Sy sterna naturce, t. I, p. 532; H66. BREMES. 355 La Br6me, fort commune dans le centre, le nord et 1'est de la France, nous est venue 6galement de nos d6partements meri- dionaux, de la Garonne, dela Dordogne, du Rh6ne a Avignon, etc. Elle n'existe ni dans le lac Leman, ni dans le lac du Bourget, ni dans leslacs de Laffraye et de Paladru, dansle departement de 1'Isere. Ce Poisson se nourrit & la fois de substances vegetales et d'animaux aquatiques, principalement d'insectes et de mol- lusques. Les Bremes se reunissent tres-ordinairement par troupes, ce qui permet d'en faire des p6ches considerables dans certaines localites, par exemple dans plusieurs des lacs de 1'Irlande et de la Baviere. Elles frayent pendant les mois de mai et de juin au milieu des plantes qui croissent pres du rivage. LA BREME DE GEHIN (ABRAMIS GEBINI) Gette espece, que les pScheurs de Metz designent sous le nom de Haute-Brme, est tres-voisine de la Breme commune, offrant neanmoins un aspect particulier. La forme de son corps observe de profil est oblongue, son dos etant peu eleve et de- crivant une legere courbe r6guliere. Toutes les parties sup6- rieures sont d'un gris bleuatre ardoise et le reste du corps d'un blanc argente avec les 6cailles tres-finement sab!6es de noir, ainsi que les joues et 1'opercule. La t6te est courte comme chez la BrSme commune, avec le museau un peu moins epais, 1'opercule plus large vers son sommet, n'ayant presque pas d'echancrure au bord posterieur. 356 HIST01RE PARTlCULlfiRE DBS POISSONS. Les ecailles au nombre de cinquante-deux sur la ligne late- rale, sont encore plus courtes que chez la Breme commune, avec leurs canalicules en eventail en general moins nombreux. Fig. 74. La Breme de Gehin. La nageoire dorsale est extr&nement haute, elle a neuf rayons rameux a la suite des rayons simples, la nageoire anale est aussi remarquablement haute, si nous la comparons a celle de la Br6me commune; nous lui avons trouve habituellement vingt-quatre rayons ; les pectorales^ les ventrales et surtout la caudale sont fort longues et cette grande dimension de toutes les nageoires est ce qui contribue da\antage a donner a la Br&ne de Gehin son aspect propre. Les dents pharyngiennes different aussi de celles de 1'espece prec6dente 6tant moins 6paisses et terminees par un crochet recourbe bien plus prononc^. Les os pharyngiens eux-memes sont plus longs et plus gr&les. Gette Br6me vit dans la Moselle. Nous ne 1'avons vue j[us- qu'a present d'aucune autre riviere. Des individus d'une lon- gueur de O m ,13 a O m ,15 sont regardes par les pScheurs de Metz comme devant 6tre ag6s de deux a trois ans. Ge Poisson, m'ecrit M. G6hin, commence a redevenir commun dans la Moselle d'ou BREMES. 357 il avait dispani, 11 y a trente ans, a la suite d'une grande inon- dation, on en pfichait autrefois qui pesaient de 2 a 3 kilo- grammes ; tres-bon poisson, ajoute M. Gehin 4 . LA BREME DE BUGGENHAGEN (ABRAMIS BUGGENHAGII 2 ) Gette Br&ne, qu'on n'a encore observee en France que dans quelques rivieres de nos departements du Nord et de 1'Est, a le corps d'une mediocre hauteur sans aucun espace de"pourvu d'ecailles sur le dos, et la t6te plus inclinee et plus amincie vers le museau que chez les especes pre"c6dentes. Elle a le dos d'une teinte brunatre a reflets d'un bleu d'acier, les parties inferieures argentees, la t6te et presque tout le corps sables de brun, les nageoires noiriUres. Les 6cailles de la Br6me de Buggenhagen ressemblent a celles 1 II existe en Europe,' et notamment en Allemagne, plusieurs especes de la division des Brumes proprement dites, qui n'ont jamais e"te" obser- v6es en France; quelques-unes sont remarquables par leur nageoire anale ou assez courte ou extre*mement longue, et, dans ce dernier cas, composee d'un tres grand nombre de rayons : la Br6me zerte (Abramis vimba, Lin.); la Br6me aux yeux noirs (Abramis melonops, Heckel); la Brfime sope (Abramis ballerus, Lin.); la Brfime clavetza (Abramis sopa Pallas). D'autres se trouvent dans la Russie. 8 Cyprinus Euggenhagii, Bloch, pi. 95 . Leuciscus JBuggenhagii, Va- lenciennes, Hist. nat. des Poissons, t. XVII, p. 53; 1844. Abramis Heckelii, Se"lys-Longchamps, Faune beige, p. 217, pi. 8; 1842. Abra- midopsis Leuckartii, Siebold, Die Siisswasserfische von Mitleleuropa, p. 134; 1863. M. de Siebold a cru pouvoir conside"rer cette espece comme le type d'un genre particulier (Abramidopsis), en se fondant essentiellement sur 1'absence chez cette Br6me de tout espace .depourvu d'e"cailles sur la portion anterieure du dos. 338 HISTOIRE PARTICULIERE DES POISSONS. des especes precedentes, par la nature de leurs stries, mais elles en different beau coup par leur forme qui a infmiment de rapports avec eelle des ecailjes des Ghevaines. Gomme ces dernieres, en Fig. 75. Tete de la Breme de Buggenhagen. effet, elles sont un peu plus longues quelarges, avec leur contour exte>ieur Men arrondi. La nageoiredorsale, moins haute que chez les especes pr6ce- dentes, a neuf ou dix rayons branchus, 1'anale en a de quatorze a dix-huit, le plus souvent quinze ou seize. Les dents pharyngiennes de cette espece, au nombre de cinq de chaque cote, rarement de six, sont moins crochues que celles de la BrSme commune. La Br6me de Buggenhagen ne parait guere depasser la taille de O m ,20 a O m ,30 ; elle fraye pendant les mois d'avril et de mai. Elle est tres-rare en France. Elle a ete p6chee plu- sieurs fois dans la Somme , tres-rarement dans la Moselle, dans la Meuse, dans le Rhin. On la prend en Angleterre seu- lement dans quelques localites restreintes, et en Allemagne, ou on la trouve plus frequemment, croyons-nous, dans un assez grand nombre de cours d'eau, elle ne se montre jamais en abon- dance. BREMES. 359 LES BLICKES (BLICCA, Heckel) Ge sont les Bremes dont les dents pharyngiennes, crochues ci I'extremite comme chez les especes de la di vision precedente, sont dispos6es sur deux rangs ; une rangee interne formee de deux dents, une rangee externe composed de cinq dents. LA BREME BORDELIERE (ABRAMIS BJCERKNA >) La Bordeliere, connue 6galement des p6cheurs sous les noms de Blicke et de petite Bre'me ressemble beaucoup par sa forme Fig. 76. T6te de la Br&ne bordeltere. g6nerale a la Breme commune. On Ten distingue cependant a 1 Cyprinus bjcerkna, Linn6, Systema naturae, p. 532; 1766. Cyprinus blicca, Bloch, part. 1, p. 65, tab. X. Leuciscus blicca, Valenciennes, Histoire naturelle des Poissons, t. XVII, p. 31 ; 1844. Yarrell, British Fishes, t. I, p. 287; 1836. Blicca argyroleuca et Blicca laskyr, Heckel et Kner, Die Susswasserfische, etc., p. 120 et 123 ; 1858. Blicca bjcerkna, Siebold, Die Susswasserfische von Mitteleuropa, p. 138; 1863. 360 HISTOIRE PARTICUL1ERE DES POISSONS. la premiere inspection par 1'oeil plus grand relativement au volume de la tfite, par la nageoire anale sensiblemcnt plus courte, n'ayant que dix-huit a vingt-deux rayons rameux a la suite des rayons simples , tres-rarement leur nombre s'61eve a vingt-trois, vingt-quatre ou vingt-cinq, par la nageoire dorsale n'ayant que huit rayons branchus. Le nom vulgaire de Bordeliere, g6n6ralement adoptd pour designer cette Br6me, serait venu, s'il fauten croire Rondelet, de 1'habitude qu'aurait le Poisson de se tenir pres des rives. Une observation inexacte serait ainsi 1'origine du nom, car la Borde- liere ne paralt pas moins vagabonde que la plupart des autres Cyprinides. La Bordeliere, verdatre en dessus, argent6e sur les c6t6s et en dessous avec la nageoire dorsale d'un gris sombre, les na- geoires inf6rieures rougeatres, surtout au printemps, a le dos toujours tres-61ev6, mais la hauteur du corps est assez variable suivant les individus. La t6te est moins massive que chez la Brftme commune, avec le museau plus saillant, la machoire su- p6rieure de"passant un peu la mAchoire infe"rieure. Les 6cailles dont on ne compte pas plus de quarante a qua- rante-huit dans la plus grande longueur du corps, sont sensi- blement plus longues quo celles de la Br6me commune et elles ont surtout leur bord ext6rieur plus arrondi, leur bord basilaire plus festonn6. II y a absence d'6cailles sur la partie anterieure de la car6ne dorsale et sur la carene ventrale entre la base des nageoires ventrales et la fossette anale. La nageoire dorsale a huit rayons rameux a la suite des trois rayons simples; les pectorales quinze, les ventrales huit, outre les deux premiers qui sont toujours simples. La Bordeliere offre, comme tons les Gyprinides, quelques BREMES. 361 \ariatlons(.,4ArflWHS micropteryx et erythropterus, Agassiz, Va- lenciennes) dans le nombre des rayons des nageoires dorsale et anale sur lesquelles on s'est appuye pouretatyir des distinctions sp6cifiques. Ce Poisson est rgpandu dans les m6mes contr^es que la Br6me commune ; il vit dans les m6mes eaux, il fraye a pen pres aux mmes epoques, mais il n'acquiert jamais une taille aussi considerable. Les plus beaux individus de la Borde- liere que Ton p&che dans nos (.Hangs et dans nos rivieres nt> depassent guere la longueur de O m ,30. LA BREME ROSSE (ABRAMIS ABRAHO-RUTIUTS ') Gette espece a 6te pour la premiere fois d6crite en 1836 par Holandre, qui 1'avait observ^e dans la Moselle. Les pficheurs de Metz la d^signent sous le nom de Brhne rosse, voulant indiquer un melange des caracteres de la BrGme commune et de la Rosse ou Garden. La Br6me rosse repr^sente dans la division des especes du genre a deux rang6es de dents pharyngiennes, la Br6mc de Buggenhagen de la division des especes a une seule rang^e de dents. Gomme chez cette derniere, sa nageoire anale est assez courte et composed seulement outre les trois premiers rayons 1 A.brami$ abramo-rutiliis, Holandro, Faune du dtpartement de la Moselle, p. 24G; 183l). Abramis Buggenhagii, S61ys-Longchamps, Faune beige, p. 2ifi; i842. Sliccopsis abramo-rutilus, Siebold, Die Stissivasserfische von Mittclenropa, p. 142; ^^fi3. M. dc Siebold a dtabli avcc ccttc esp^cc le genre Bliccopsis, en so fon- dant pour le distinguer du genre Blicca, sur la pr6sence d'6caillcs sur les care ties dorsale et ventrale. 362 HISTOIRE PART1CULIERE DES POISSONS. simples, de quatorze a seize rayons rameux, les carenes dorsale et anale sont entierement couvertes d'ecailles. Le corps est comprime lateralement, d'une hauteur mediocre, d'une forme generate assez semblable ei celle du Garden. Tout le dos, qui est eleve, a une couleur vert olivMre et quelquefois bleucUre ; les c6tes ont des reflets cuivreux ; les parties infe- rieures sontd'un blancd'argent ; les nageoires dorsale, pectorales et anale d'un rouge orange, au moins a leur base. La t6te est tres-courte, avec le museau fort epais, comme gonfle, saillant au-dessus de la bouche, 1'cEil assez grand. Les ecailles, dont on compte huit rangees au-dessus dela ligne Iat6rale et quatre au-dessous, sont de dimension mediocre, avec leur bord libre, bien arrondi. II y en a de quarante-deux a quarante-six sur la ligne laterale. La nageoire dorsale ne presente pas ordinairement plus de huit rayons rameux et 1'anale de quatorze & seize. La Breme rosse ne parait pas depasser la taille de O m ,15 ci O m ,18; elle semble 6tre fort rare en France, ou Ton sait qu'elle existe non-seulement dans la Moselle, mais encore dans la Meuse et dans le Rhin. En Allemagne, ou elle a ete pechee dans la plupart des grands cours d'eau, on ne la voit aussi que tres-rarement. Ge Poisson fraye pendant les mois d'avril et de mai. LE GENRE ABLETTE (ALBURNUS, Rondelet) Un corps long et mince, des ecailles eclatantes comme 1'ar- gent, d'une remarquable delicatesse ; une nageoire dorsale ABLETTES. 363 courte, s'elevant fort en arriere de 1'insertion des ventrales, une nageoire analetres-longue, naissant au-dessous ou en arriere de 1' extremit6 de la dorsale ; une mchoire inferieure saillante, sont les caracteres extSrieurs qui distinguent les Ablettes des autres Gyprinides. A ces caracteres, il faut ajouter que les os pharyngiens sont longs et assez greles, les dents pharyngiennes sur deux rangs ; Fig. 77. Dents pharyngiennes de I'Ablette commune. une rangee interne formee de deux tres-petites dents, une ranged externe composed de cinq dents plus ou moins crochues a 1'extremite et plus ou moins finement denticul^es sur leur bord posterieur. Les Ablettes sont des Poissons de petite taille qui abondent dans toutes les eaux de 1'Europe. Jusqu'ici, nous n'en avons rencontre^ que cinq especes en France, mais on en connalt quelques autres (Alburnus mento^ Agassiz; Aiburnus arbo- relld), qui habitent les lacs et les rivieres de 1'Italie, de la Baviere, de 1'Autriche, de la Turquie *. 1 Plusieurs genres de Cyprinides voisins des Ablettes qui existent en Europe n'ont pas 6t6 trouves en France : le genre Pelecus, ayant une seule espece connue, le Rasoir (Pelecus cultralus, Lin.), habite le Danube et les eaux de la Prusse orientale; le genre Aspius, etabli sur 364 HISTOIRE PARTICULIERE DES POISSONS. L'ABLETTE COMMUNE (ALBDRNUS LUCID us J ) L'Ablette est bien 1'un des Poissons les plus vulgaires et les mieux connus dans toute 1'Europe centrale. Parfaitement de- daignee des gastronomes a cause du gout fade de sa chair, Fig. 78. L'Ablette commune. 1'Ablette devient une consolation pour le pecheur a, la ligne auquel la fortune n'a point souri pendant de longues heures, et puis, elle seduit les regards par l'6clat metallique de ses ecailles, plus encore que par sa forme 616gante, Le magnifique vehement d'argent qui est sa parure a si bien attir6 1'attention qu'il a pris un role dans Findustrie. une grande espece de 1'Allemagne meridionale et orientale (Aspius rapax, Agassiz ; Cyprinus atpius, Lin.) ; le genre Leucaspius (Heckel et Kner), comprenant une petite espece de 1'Europe orientale et meridionale (L. delinealus, Heck.; Leuciscus stymphalicus, Valenciennes). 1 Cyprinus alburnus, Linn6, Systema naturae; 6dit. XII, 1. 1, p. 531 ; 1766. Yarrell, History of British Fishes, t. 1, p. 368; 1836. Leuciscus al- burnus, Valenciennes, Histoire naturelle des Poissons, t. XVII, p. 272; 1844. Alburnus lucidus, Heckel et Kner, Lie Susswasserfische der dslreichis- chen Monarchic, p. 131 ; 1838. Siebold, Die Susswasserfische von Mit- teleuropa, p. 1JJ4; 1863. ABLETTES. 365 L'Ablette, appelee en BouYgogmSeu/fle; Abbe, Blanchet ou Blanchaille, dan& diverses localites; Lauge ou Lauch, en Al- sace ; Nablo, dans le departement de Vaucluse, d6passe rare- ment la longueur de O m ,15 ; la plupart des individus n'en ont guere au dela de 12 ci 14. Le corps de ce petit Poisson tres-variable dans sa forme, est en general assez effile', comprim6 lateralement, avec la ligne dor sale presque droite chez les males, tres-16geremeut arqu6e chez les femelles, et le ventre plus ou moms arrondi. Une couleur verte metallique passant quelquefois au bleu d'acier s'etend sur toute la region dorsale, s'affaiblit graduellement sur les cotes pour se confondre avec le blanc d'argent qui do- mine chez 1' animal. L'iris est 6galement argent6. Les nageoires du dos et de la queue ont une teinte gris^tre ; les autres sont entierement diaphanes ; quelquefois, avec la base des ventrales et de 1'anale un peu lavee de jaune orang6. Tout le corps est couvert d'ecailles fort minces, de moyenne dimension, se detachant avec la plus grande facilite et n'of- Fig. 79. Ecaille de la ligne laterale de PAblette commune. frant pas dans leur disposition la parfaite regularite qui est or- dinaire dans les 6cailles de la plupart des Cyprinides. Les ecailles suffiraient a faire reconnaitre 1'Ablette ; leur texture est 366 HISTOIRE PARTiCULlERE DES P01SSONS. des plus delicates elleur contour des plus caracteristiques. G'est une forme ovalaire dans le sens de la largeur. Le bord basilaire se montre legerement bilobe ; le bord libre offre de larges festons, liraites par des sillons qui convergent vers le centre ; les stries circulates sont assez espacees sur presque toute la surface de l'6caille ; elles ne se trouvent tres- rapprochees que sur la portion basilaire. Les ecailles de la ligne laterale, au nombre de vingt-huit a vingt-neuf, ont le conduit de la mucosite cylindrique etechancre en dessus. La bouche est grande relativement a la dimension de la tete, avec la machoire inferieure plus ou moins ascendante. La nageoiredorsale, situ6e beaucoupen arriere des ventrales, a, d'une maniere presque constante, huit rayons branchus a la suite des trois rayons simples, et 1'anale en a de dix-sept a vingt- deux, le plus souvent de dix-huit a vingt. L'Ablette commune varie assez dans les proportions pour qu'on ait pu croire a 1'existence dans notre (pays de plusieurs especes voisines, comme 1'Ablette alburnoi'de (Leuciscus alburno'ides, Selys-Longch., Valenc.),dont le corps est plus long que chez les Ablettes ordinaires, comme les Ablettes du departement de la Sarthe signalees par M. Anjubault (Soc. de la Sarthe, 1860). L'Ablette commune abonde dans la plupart des rivieres de France, mais il nous a paru qu'elle devenait plus rare dans les departements me" ridionaux ; du reste, elle existe presque partout en Europe. Ge Poisson, qui [vit souvent en grandes troupes, nageantpres dela surface de 1'eau, est fort dedaigne pour la table, mais les pecheurs 1'emploient volontiers comme appat pour le Brochet, les grosses Truites, etc. L'Ablette est tres-vorace et se nourrit plus encore de petits animaux que de substances vege"- tales; elle fraye pendant le mois de mai. ABLETTES. 367 L'Ablette donne lieu, en France, a une Industrie aujourd'hui particulierement exerce"e a Paris, qui est loin d'etre sans impor- tance. Tout le monde sait que les brillantes ecailles de ce Poisson fournissent le produit connu sous le nom & essence d 1 Orient, employe a la fabrication des fausses perles. Les ecailles du ventre sont detachees a 1'aide d'un couteau, puis lavees et tri- tur6es pour en detacher leur pigment d'aspect m6tallique qui precipite au fond du vase sous la forme de particules microsco- piques 1 . On traite ensuite cette matiere pulv^rulente par 1'ammo- niaque pour 1'isoler de tout ce qui pourrait rester de substances organiques. Alors, avec de la colle de poisson, on forme de cette poudre une sorte de pate facile a 6tendre sur le verre. Les Chinois, s'il faut s'en rapporter a certaines assertions, connaitraient de temps immemorial le parti que Ton peut tirer de la couche argentee qui rev6t les Ecailles de certains Poissons. D'un autre c6t6, on assure que, des le seizieme siecle, les V6nitiensconc,urent 1'idee d'enduire aFint^rieiir de petits globes d'une couche d'essence d'Orient et reussirent a imiter si parfai- tement lesveritables perles, que des gouvernements en vinrent a prohiber ce nouveau produit qui plusieurs fois avaitetel'occasion de fraudesiniques. Reaumur fixe la date de 1'emploi de 1'essence d'Orient en France a I'arin^e 1656, d'autres la font remonter au regne de Henri IV. On fabriquait alors des globules de platre on d'une matiere analogue, que Ton recouvrait ensuite d'une couche de la substance qui imite si bien les perles. 1 Reaumur le premier a fait, en 1716, une 6tude de cette substance Depuiselle a 6t etudi^e par divers mituralistes et chimistes : Ehrenberg Briicke, Barreswill, Voit, etc. 368 HIST01RE PARTICULIERE DBS POISSONS. D'abord, on s'emerveilla a la vue de ces joyaux, mais bientot quelle fut la desillusion ! La chaleur, la moiteur de la peau des belles dames pendant les soirees determinaient un changement d'adherence de la matiere nacree ; cette matiere abandonnait le platre et s'attachait au cou, aux blanches epaules, en formant les dessins les plus incoherents. Les fausses perles etaient condam- nees. Mais tout etaitsans doute apeupres oubli6 a cetegard, lorsque, en 1680, un industriel de Paris, du nom de Jacquin, fabricant de chapelets ou Patendtrier, suivant 1'expression du temps, ayant observe de nouveau que les Ablettes lavees dans un vase faisaient deposer au fond des particules argentees ayant 1'eclat des plus belles perles, eut la bonne pensee d'enduire avec 1'essence d'Orient de petites boules de verre, c'est-a-dire de confectionner les fausses perles a peu pres comme on les confectionne encore aujourd'hui. G'etait une Industrie veritablement creee. Des fabriques s'etablirent sur les rives de la Seine, de la Loire, de la Saone et du Rhdne. Apres avoir bien decline, cette Industrie a repris faveur; elle occupe a Paris bon nombre d'ouvriers et surtout d'ouvrieres, etelle exporte annuellement pour plus d'un million de francs de ses produits. On a cite des fausses perles figurant h 1'Exposition de 18SS, d'une beaute si parfaite qu'il eut ete im- possible deles distinguer des veritables perles, sans un examen tres-attentif. Dans plusieurs de nos departements duNord et de 1'Est et en Allemagne, on fait la peche des Ablettes pour en arracher les ecailles. Gomme on compte qu'il faut environ quatre mille Ablettes pour fournir un demi-kilogramme d'ecailles, donnant a peine le quart de son poids d'essence d'Orient, les fabricants de fausses perles doivent etre reconnaissants envers la Provi- ABLETTES. 369 dence qui a fait les Ablettes d'une merveilleuse fecondite. La valeur des ecailles, m'assure-t-on, varie de 20 a 24 francs le kilogramme. Un pScheur de Metz estime que les Ablettes, prises dans la Moselle, en 1860, ontproduit 5,000 francs. L'ABLETTE MIRANDELLE (ALBURNUS MIRANDELLA) On trouve au lac Leman et au lac du Bourget, une Ablette voisine de la precedente, mais vraiment bien distincte, que Ton Fig. 80. L'Ablette mirandelle. connait en Sa\oie sous les noms de Sardine et de Mirandelle. La Mirandelle se fait remarquer par son corps beaucoup plus allonge que celui de 1'Ablette commune, avec le dos et le sommet de la tete formant one ligne presque completement droite, par sa machoire inferieure tout a fait ascendante, du reste a peine plus longue que la machoire superieure. Son opercule est plus large que chez 1'Ablette commune ; ses ecailles au nombre de cinquante-sept ou cinquante-huit sur la ligne laterale, d'une texture sensiblement moins delicate que celles de 1'espece precedente, ont leurs rayons ou canalicules plus OLANCIIARD. 24 370 HISTOIRE PARTICULIERE DES POISSONS. saillants et de la sorte tres-distincts meme a la vue simple. La nageoire dorsale plus ample que celle de 1'Ablette com- mune a e"galement huit rayons rameux, 1'anale en a quinze ou seize. La Mirandelle d'un blanc d'argent eclatant a toute la region dorsale, d'un bleu fonce chatoyant, du plus agreable effet, qui rappelle beaucoup la coloration de la Sardine. J'ai observe des quantites considerables d'individus de cette espece ; je les ai compares a des Ablettes communes de toutes les provenances et j'ai pu me convaincre que la Mirandelle n'en est pas une simple variete, ce qui est rendu evident par la seule comparaison des ecailles. L'ABLETTE DE FABRE (AI.BURNUS FABRJEI) L'Ablette de Fabre, dont le corps est assez mediocrement allonge et le dos arrondi comme chez le Spirlin, la tete assez courte, la bouche un peu ascendante, les machoires egales, 1'opercule plus court que chez 1'Ablette commune. Les 6cailles assez grandes, au nombre d'une cinquantaine dans la plus grande longueur du corps, sont un peu plus longues que chez 1'Ablette commune, plus arrondies, d'une texture un peu moins delicate avec leurs canalicules plus saillants et ainsi, beaucoup plus distincts a la vue simple. La nageoire dorsale mediocrement 61evee est extremement reculSe en arriere ; elle a huit rayons rameux a la suite des rayons simples, 1'anale, chez tons les individus observes, a pre- sents dix-sept ou dix-huit rayons branehus. ABLETTES. 371 Gette espece, d'un aspect bien different de celui de nos autres Ablettes, a la me'me coloration que 1'Ablette commune. Ses Fig. 81. Ecaille de la ligne laterale de 1'Ablette de Fabre. dents pharyngiennes ont une forme particuliere ; elles sont plus courtes et plus faiblement dentelees. L'Ablette de Fabre se pe"che dans le Rhdne aux environs d' Avignon. Le savant auquel elle est d6di6e m'en a fait par- venir plusieurs individus d'une identite parfaite, les plus grands individus ayant une longueur de O m ,10 a O m ,12. Les p6cheurs du departement de Vaucluse appellent ce Poisson ainsi que 1'Ablette commune la Nablo. L'ABLETTE SPIRL1N (ALBURNUS BIPDNCTATUS J ) Gette espece est 1'une des plus faciles a reconnaitre parmi tous les Poissons habituellement designed par le terme de i Cyprinus bipunctalus, Bloch, part. 1, p. 50, pi. VIII, fig. 1. Leu- ciscus bipunctatus, Valenciennes, Hisloire naturelle des Poissons, t. XVII, p. 259; 1844. Alburnus bipunctatus, Heckel et Kner, Die Siisswasser- fische der ostreichischen Monarchic, p. 135; 1858. Siebold, Die Sftss- wasserfische von Mitteleuropa, p. Ifi3; 1863. 372 HISTOIRE PARTICULIERE DES POISSONS. Blanchaille. Aussi trouve-t-on peu d'erreurs relathement a sa determination specifique dans les oiivrages d'Ichthyologie. Les p^cheurs savent la distinguer. Dans plusieurs localites, ils 1'ap- Fig. 82. Le Spirlin (Alburnus bipunclatus). pellent Spirlin ; aux environs de Paris, c'est VEperlan de Seme, bien que ce Poisson n'ait aucun rapport avec FEperlan, qui appartient a la faraille des Salmonides. Dans le departement de 1' Aube, les noms de Lorette ou de Lurette sont en usage ; dans la Lorraine, ce sont ceux de Mesaigne et de Meseine ; dans le departement de la Cote-d'Or, ceux de Lugnotteou de Lignotte, faisant allusion ei la double raie noire qui court sur les flancs du Poisson. Au lac Leman on donne au Spirlin les noms de Platet ou de Boroche. Le Spirlin, dont la plus belle taillene depasse guere O m ,10 a O m ,12, est une charmante Ablette d'une physionomie toute particuliere. Moins effile , plus ovalaire que 1' Ablette com- mune , le Spirlin avec sa longue nageoire anale et ses ecailles minces, dedicates, eclatantes, qui le designent comme une veritable Ablette , presente certains details de colora- tion tres-fixes et tres-caracteristiques. Le plus remarquable de ces details de coloration, consiste dans la presence sur les ABLETTES. 373 ecailles de la ligne laterale de deux points, on plutot de deux petites lignes noires situees aux deux cot6s du conduit de la mucosit6, et formant ainsi deux raies interrompues qui regnent sur toute la longueur du corps. Le dos et la partie superieure de la t6te sont d'un brim verdatre metallique, tandis que les cotes et la region inferieure du corps sont d'un magnifique blanc d'argent passant au jaunatre sur les opercules. Sur ce blanc eclatant, de petites taches noiratres plus ou moins nom- breuses sont dissemiriees au-dessus de la ligne laterale. L'oeil dont 1'iris est brunatre en haut, argente en bas avec la pupille jaune, contribue encore a rehausser la beaute du Spirlin. Les nageoires, principalement les nageoires inferieures, ont une coloration jaune-orange a leur base. A 1'epoque du frai, les couleurs de ce petit Poisson prennent encore plus d'eclat ; le dos devient d'un vert plus vif, le vert descend davantage vers la ligne laterale, et se dessine sur la teinte verte une bande bleuatre ou violette ; en meme temps la base des nageoires d'un jaune intense passe quelquefois au rouge. Le Spirlin dans sa parure de noce a ete pris pour une espece particuliere par quel- ques naturalistes *. La tete de ce Poisson est assez courte et semble un peu coni- que lorsqu'on la considere de profil. La bouche est grande rela- tivement a la taille de 1'animal avec les deux machoires egales. Les 6cailles, dont nous comptons neuf rangees au-dessus de la ligne laterale et quatre au-dessous, sont au nombre de qua- rante-cinq a cinquante dans la plus grande longueur du corps. Un peu plus longues et plus arrondies que chez 1'Ablette com- mune, elles ont aussi leurs stries concentriques plus regulieres. 1 M. Valenciennes, Hist, nature lie des Poissons, t. XVII, p. 162, 1'a de" - crit sous le nom d'Ablede Baldner (Leuciscus Baldneri}. 374 HISTOIRE PARTICULIERE DBS POISSONS. La nageoire dorsale du Spirlin, qui s'eleve en arriere des ven- trales, est remarquable par sa grande hauteur, presque double de sa longueur. Elle a trois rayons simples dont le premier tres- petit, et huit rayons rameux. L'anale, egalement tres-haute, a le plus ordinairement qua- torze rayons branchus a la suite des rayons simples, mais par- fois ce nombre est diminu6 de deux ou trois, ou porte jusqu'a quinze, seize ou dix-sept. Les dents pharyngiennes, terminees en crochet, sont tres- finement dentelees comme chez les especes precedentes. Le Spirlin est connu pour un Poisson tres-vorace, consom- mant peu de nourriture vegetale, mais prenant avec beaucoup d'avidit6 des insectes, des vers, de petits mollusques, ainsi que desceufsdes differents animauxaquatiques. II fraye pendant les mois de mai et de juin. Le Spirlin est commun dans les rivieres de nos departements de 1'Est, la Meuse, la Moselle, la Meurthe et leurs affluents, le Rhin, I'lll, etc. On le trouve aussi dans la Somme et dans la Seine, dans tout le centre de la France, et mesme vers le cours inferieur du Rhone. M. Fab re m'en a envoye quelques individus peches dans la Sorgue, pres d' Avignon. Ges individus, d'assez petite taille, d'une couleur fauve doree, m'avaient semble d'abord pouvoir 6tre d'une espece particuliere, mais un examen minutieux n'a pu laisser de doute sur leur identite speficique avec nos indi- vidus du nord et du centre de la France. Ge Poisson est aussi fort repandu en Angleterre, en Belgique, dans la plus grande partie de 1'Allemagne, mais il parait ne point se trouver dans le nord de 1'Europe. Le Spirlin est, comme 1'Ablette commune, recherche^ pour ABLETTES. 375 ses e"cailles egalement employees a la fabrication de 1'essence d'Orient. L'ABLETTE HACHETTE (ALBURNCS DOLABRATUS *) A la texture delicate de ses ecailles, a sa forme generate, a l'6clat argente de sa tete et de son corps, a sa nageoire anale encore assez longue, on reconnait de suite cette espece pour une Ablette, et cependant son corps moins effile que chez 1'Ablette commune, sa t6te beaucoup plus massive, son dos un peu courbe, lui donnent en meme temps une certaine ressem- blance ayec nos Ghevaines et nos Vandoises. La Hachette, d'un gris bleuatre ou verdatre sur les parties superieures, est du reste entierement argentee avec quelques points noirs sur les Ecailles, 1'opercule et la joue, et les na- geoires inferieures jaunatres. Ge Poisson a I'ceil grand, la bouche ascendante, rappelant la forme de celle de la Rotengle, les deux machoires presque 6gales, la machoire superieure depassant a peine 1'inferieure. Les 6cailles de la Hachette au nombre de quarante-cinq a cinquante dans la plus grande longueur du corps, disposers sur sept a huit rangees au-dessus de la ligne laterale et quatre au- dessous, sont tres-caracterisques. A la vue simple, leurs stries circulaires assez espacees 'entre 1 Leuciscus dolabratus, Holandre, Faune du departement de la Moselle, p. 250; 1836. De Selys-Longchamps, Faune beige, p. 207, pi. V, fig. 5. Valenciennes, Hist, naturelle des Poissons, t. XVII, p. 248; 1844. Abramis dolabratus, Giinther, Fische des Neckars } \p. 70 ; 1853. Albur- nus dolabratus, Siebold, Die Siisswasserfische von Mitteleuropa, p. 164; 1863. 376 H1STOIRE PARTICULIERE DES POISSONS. clles sontbien apparentes et leurs canaliculeslongitudinaux sont nombreux et tres-visibles. Ges ecailles detache'es et comparers a celles de 1'Ablette commune : leur longueur plus grande, leur contour exterieur arrondi , constituent des differences frappantes. La nageoire dorsale, qui s'eleve un peu en arriere de 1'inser- tion des ventrales, a huit a neuf rayons rameux a la suite des trois rayons simples ; 1'anale, beaucoup plus courte que chez les autres Ablettes, n'en a ordinairement que dix a douze, mais il est cependant des individus ou ce nombre s'eleve a quatorze, quinze, et m6me seize. Les dents pharyngiennes different peu de celles de 1'Ablette commune ; termin6es davantage en crochet recourbe, elles res- semblent davantage a celles des Vandoises. Je n'ai eu la Hachette que de la Moselle ou elle a ete" decou- verte il y a trente ans par Holandre. Depuis, elle a e"te" prise en Belgique, dans la Meuse, par M. de Selys-Longchamps ; etles naturalistes allemands 1'ont observee dans les regions du Rhin et du Danube. Ge Poisson, que Ton p6che au printemps avec les Ablettes, est toujours en petite quantite dans la Moselle. II fraye, assure-t-on, pendant le mois de mai. LE GENRE ROTENGLE (SCARDINIUS, Bonaparte) Les Rotengles ont generalement le corps haut et comprime lateralement, les nageoires dorsale et anale courtes, la dorsale ordinairement tres en arriere. Ge sont des caracteres qui n'ont pas cependant la nettete de- ROTENGLE. 377 sirable, et il est ne"cessaire d'avoir recours aux dents pharyn- giennes pour acquerir la certitude qu'un Poisson est vefitable- ment du genre Rotengle(&>WmzMs).Les dents pharyngiennes, par exemple, sont bien caract^ristiques. Fig. 83. Dents pharyngiennes grossies de la Rotengle commune. Disposees sur deux rangs, 1'un forme de trois dents, I'autre de cinq, ces dents se font remarquer par leur forme comprimee et surtout par lee dentelures tres-prononcees qui garnissent leur bord. Nous n'avons trouv6 en France qu'une seule espece de ce genre, offrant a la \erite de nombreuses varietes. Mais on a de"crit d'autres especes qui n'ont encore e"te" observers qu'en Italie, en Dalmatie, etc. LA ROTENGLE COMMUNE (SCARDINIUS ERYTHROPHTHALMUS 1 ) '.*' La Rotengle est un Poisson fort commun dans une grande partie de 1'Europe, que Ton reconnalt an premier abord a la 1 Cyprinuserythrophthalmus, Linn&,Systcma na/ur(p,6dit.XII, 1. 1, p. 530; 1766. Leuciscus erylhrophthalmiis, Yarrell, Hist, of British Fishes, t. I, p. 412; 1836. Valenciennes, Hist, naturelle des Poissons, t. XVII, 378 HFSTOIRE PARTICULARS DES POISSONS. magnifique couleur rouge des yeux. De cette particularity est venu son nom de Rothauge, ceil rouge, employ^ en Allemagne, 6galement en usage en Alsace, et d'ou est derive, sans aucun Fig. 84. La Rotengle (Scardinius erythrophthalmus). D'aprs un individu de la Dordogne. doute, le nom vulgaire frangais de Rotengle. Les pficheurs ce- pendant appellent plus ordinairement ce Poisson la Roche, la Rosse ou la Rousse, et la Rossette s'il est petit, sans le distin- guer toujoursdu Garden, qu'ils designentde lamememaniere. Dans diverses localites neanmoins la confusion n'existe pas et la Rotengle est nominee Gardon rouge ou Gardon a ailerons rouges. Dans les Basses-Pyrenees c'est le Sergent ; dans le de- partement de la Gote-d'Or, on le nomme encore, paratt-il, Che'rin ou Charin. La Rotengle, dont le corps peut etre plus ou moins eleve, etant consideree de profil, affecte une forme ovalaire tres-regu- liere, la ligne dorsale s'elevant sans aucune saillie brusque en arriere de la nuque. p. 107 ; 1844. Scnrdinius erylhrophthalmus, Heckel et Kner, Die Susswas- serfische der osireichischen Monarchip, p. 153; 1858. Siebold, Die Suss- wasserfische von Mittelevropa, p. 180; 1863. ROTENGLE. 379 Ses couleurs varient dans une assez large mesure. Le plus souvent, le corps est dans sa plus grande partie d'un blanc d'argent eclatant, a\ec le dos et la region superieure de la t6te d'un brun verdatre ou bleucitre melallique, la nageoire dorsale de la m6me nuance et les nageoires inferieures d'un splendide rouge vermilion, surtout vers leur extremite" ; mais chez beau- coup d'individus, la teinte generate du corps est rembrunie et Ton voit a la base des ecailles des taches obscures formees de points tres-rapproches. Souvent, aussi, les nageoires inferieures deviennent tres-pales et quelquefois elles sont entierement decolore'es. On sait du reste les changements qui seproduisent a cet egard, chez une infinite de Poissons suivant les e"poques de I'anne'e, sans compter les influences dues a la nature des eaux. La t6te, haute a sa base et amincie vers le museau, est ainsi presque conique avec 1'ceil fort grand. La bouche assez large est fendue tres-obliquement, de sorte que la nictchoire infe- rieure se trouve 6tre tr6s-ascendante. Ce caractere contribue encore a donner a la Rotengle une physionomie particuliere a cote des autres poissons blancs. Fig. 85. Ecaille de la Rotengle commune. Les ecailles sont grandes, mais, comme leur portion d6cou- verte est fort e~troite, elles figurent des losanges tres-allonge^. 380 HISTOIRE PARTICULIERE DES POISSONS. On en compte quarante a quarante-deux dans la longueur du corps, sept rangees au-dessus de la ligne laterale, trois a quatre au-dessous. Ces ecailles detachees, on volt qu'elles sont un peu plus longues que larges, avec leur bord basilaire tres- sinueux, leur bord libre arrondi et tres-legerement festonne, leurs stries circulaires sinueuses et irregulieres sur la portion libre, de tres-faibles sillons longitudinaux, deux, trois ou quatre canaux convergeant \ers le centre, qui apparaissent a la vue simple comme autant de petites lignes saillantes. La ligne laterale, medioerement courbee a son origine, court ensuite parallelement au bord ventral jusqu'a 1'extremite du corps. A la position tres-reculee de la nageoire dorsale, on distin- gue encore aisement la Rotengle parmi les autres Poissons blancs. Gette nageoire, assez courte, s'elevebeaucoup enarriere de 1'insertion des ventrales ; elle est composee de trois rayons simples dont un rudimentaire et de huit rayons rameux, quel- quefois neuf, dans le cas ou le dernier se trouve partage jusqu'a la base. Aux nageoires pectorales, on compte seize ou dix-sept rayons dont un simple ; aux ventrales, deux simples et huit rameux, et a 1'anale, trois simples et dix a douze rameux, onze chez le plus grand nombre des individus. Un moment, j'avais cru voir des differences specifiques en- tre les Rotengles de nos departements meridionaux et celles du nord et de Test de la France. En general, les individus que j'ai obtenus de la Normandie, de la Lorraine et de 1' Alsace, meine des lacs de la Savoie, ont le corps tres-eleve etles ecailles pointiltees de brun a la base et au bord exterieur. Des indivi- dus de la Dordogne ont le corps moins haut, les regions supe- rieures d'une couleur bleue plus fraiche et la ponctuation des GARDONS. 38i ecailles rare. Mais j'aitrouve" tous les intermediates et jen'ai rencontre aucun caractere distinctif precis. Dela sorte, onpeut dire que jusqu'a present, il n'a et6 observe" en France qu'une seule espece de Rotengle 4 . L'Azurine (Leuciscus ccerulescens] que Ton p6che aux environs de Knowsley, en Angleterre, et qui a 6t6 de"crite par Yarrell, est vraisemblablement une simple variete de la Rotengle commune, remarquable par sa belle cou- leur bleue. La Rotengle, le plus joli peut-etre de nos Poissons blancs, n'atteint guere une longueur de plus de O m ,30 et le poids d'un kilogramme. Encore est-il rare d'en trouver des indi- vidus d'une aussi belle dimension. Ge Poisson se plait ega- lement dans les eaux courantes et stagnantes, ou il vit de sub- stances vegetales et animales. II est tres-vorace et la facilite avec laquelle il se jette sur les appats lui donne un certain attrait aux yeux des pecheurs ci la ligne. La Rotengle fraye habituellement a la fin d'avril et an commencement de mai. LE GENRE GARDON (LEUCISCUS, Rondelef] Les Gardens ont en ge'ne'raHe corps d'une assez grande hau- teur, ce qu'on appelle large en le considerant de profil, et ils ontlanageoire dorsale d'une longueur plus considerable que les autres poissons blancs. Ge sont les dents pharyngiennesseules cependant qui permet- tent d'affirmerquetel Poisson est du genre Gardon (Leuciscus}. 1 11 existe en Italie, en Dalmalie, en Bosnie, quelques especes par- ticulieres tres-voisines de notre Rotengle commune. Voir Heckel et Kner, Die Slisswvsserfische der oslreichischen Monarchic. 32 H1STOIRE PARTICULIERE DES POISSONS. Ces dents sont disposes sur un seul rang, le plus souvent au nombre de six du cot6 gauche et de cinq du cote droit, mais Fig. 86. Dents pharyngiennes grossies du Garden commun. le nombre peut neanmoins etre de cinq ou de six des deux cotes. Les dents anterieures affectent une forme conique, tandis que les posterieures sont comprimees, crochues aubout, et tres-fine- ment entaillees sur leur bord. Les especes de Gardons avaient ete tres-multipli6es dans ces derniers temps par divers natural! stes, mais aujourd'hui, on a reconnu que beaucoup de ces especes etaient de simples varietes du Gardon le plus commun dans toute 1'Europe. LE GARDON COMMUN (LEUCISCUS RUTILUS ') Le Gardon commun, habitant des lacs aussi bien que des ri- vieres, est un desPoissons les plus repandus dans les eaux de la 1 Cyprinusrutilus, Linne, Systema natures, edit. XII, 1. 1, p. 539 ; 1766. Leuciscus rutilus , Yarrell , British Fishes, t. I, p. 399; 1836. Valen- ciennes, Hist, naturelle des Poissons, t. XVII, p. 130; 1844. Heckel et Kner, Die Susswasserfische der oslreichischcn Monarchic, p. 169; 1858. Siebold, Die Siisswasserfische von Mitteleuropa, p. 184; 1863. GARDONS. 383 plus grande partie de 1'Europe. Tres-variable tout a la fois sous le rapport des formes et des couleurs, plusieurs naturalistes ont considere ses principals varietes comme autant d'especes dis- tinctes. L'examen minutieux et comparatif d'un nombre tres-consi- derable d'individus de tous les ges, provenant de toutes les regions de la France et plusieurs de differentes parties de 1'Allemagne nous a conduit a acquerir la conviction que des especes nominates decrites par les ichthyologistes modernes, etaienten realite de 1'espece du Gardon commun. Deja M. de Siebold, 1'auteur de YBistoire des Poissons del' Europe centrale, etait arrive a un resultat semblable qui d'abord m'avait surpris, mais 1'etude approfondie du sujet a du bientot faire considerer ce resultat comme 1'expression de la v6rite. Le nom de Gardon ou de Gardon blanc, est tres en usage parmi nos p6cheurs ; cependant les noms de Roche, de Rosse on de Rousse et de Rossette pour les jeunes individus, appliques egalement a la Rotengle, sont aussi d'un emploi vulgaire tres- habituel, pour designer le Gardon commun ; en Alsace, c'est le Rottel. Ge Poisson dans sa forme la plus ordinaire a le dos assez for- tement eleve et d'une courbe a peu pres reguliere. Consider^ de profil, il est en ovale plus ou moins allonge, car, suivant 1'age, suivantle sexe et le developpement des laitances ou des ovaires, la hauteur totale du corps varie d'une maniere tres-notable. Les couleurs du Gardon sont souvent tres-vives. En general, le dos est d'un vert fonce, a reflets dores ou irises, quelquefois d'un bleu magnifique, les cotes sont argentes avec des reflets bleuatres et souvent des taches brunes ei la base des ecailles et des points de la m6me couleur dissemines en plus ou moins 384 H1STOIRE PARTICULARS DES POISSONS. grand nombre, le ventre d'un blanc d'argent, 1'iris d'un rouge dor6, les nageoires dorsale et caudale d'une teinte sombre, par- fois lavee de rougeatre, les pectorales pales, les ventrales et 1'anale d'un rouge plus ou moins eclatant, suivant les epoques de Fanned, suivant les conditions d'existence. Des individus de la Seine, d'une teinte generale bleue assez claire, sont designes par nos pecheurs sous le nom de Gar dons bleus. Chez ce Poisson, la t6te est assez forte, avec lemuseau arrondi, la bouche assez petite, relativement au volume de I'animal, la levre superieure un peu saillante sur 1'inferieure, 1'ceil grand, mais n^anmoins un peu variable dans ses proportions. Les ecailles sont bien caracteristiques. Assez courtes, tra- vers6es par quelques canalicules disposes en 6ventail, elles ont leur bord libre festonne, leurs stries concentriques assez ecartees Fig.&l. Ecaille du Gardon commun. les unes des autres sur la portion decouverte, decrivant les me'mes festons que le contour exterieuret se mont.rant d'espace enes- pace plus larges et plus serrees. La ligne laterale assez brus- quement descendante a son origine, suit la courbe ventrale en se dirigeant vers 1'extremite du corps. Elle offre quarante-deux a quarante-cinq ecailles dans sa longueur. On compte huit ran- CARBONS, gees d'ecailles au-dessus de la ligne laterale et quatre au-dessous. La nageoire dorsale s'eleve exactement au-dessus des ven- trales, ayant, d'une maniere presque constante, trois rayons simples et dix rayons rameux, rarement onze. Les dents pharyngiennes du Gardon sont presque toujours an nombre de cinq de chaque cote, mais il n'est pas tres-rare de rencontrer des individus qui en ont cinq d'un cote et six de 1'autre. Le Gardon, 1'im de nos poissons blancs les plus communs dans les lacs et les rivieres, Tun aussi des moins estim6s pour la table, a cause du gout fade de sa chair, n'atteint pas d'ordinaire plus de 23 a 30 centimetres de longueur. II se nourrit princi- palement de substances v6g6tales, ce qui ne 1'empe'che pas de consommer beaucoup encore, de vers, d'insectes et sans doute de petits poissons. II fraye des le mois d'avril et pendant tout le mois de mai. La duree de 1'incubation des ceufs d6pos6s sur les rives pierreuses, est de dix a quatorze jours. Les Gardens nagent souvent par troupes, surtout & Fepoque du frai, dans des eaux peu profondes, dont le courant n'est pas tres-rapide. LES VARIETES DU GARDON COMMUN. Les principales vari6tes du Gardon commun ayant ete d^crites par plusieurs naturalistes comme autant d'especes distinctes, nouscroyons devoir faire une mention speciale de chacune d'elles. Ges varietes sont : le GARDON RUTILOIDE (Leuciscus rutilo'ides, Selys-Longchamps), qui a les nageoires inferieures jaunatres et auquel on a cru voir la t6te un peu plus petite que chez le Gardon commun; BLANCUARD. 25 .136 HISTOIHH PARTICULIERE DBS POISSONS. Le GARDON JESSE (Leuciscus jeses, Selys-Longchamps 1 ) pres- que semblable au precedent et decrit d'apres des individus peches dans la Meuse ; LeVENGERON(Lewmcs prasinus, Agassiz),dontle dos estpeu eleve' et toutes les parties superieures du corps d'un beau vert pomme, variete observee dans les lacs de la Suisse et de la Savoie ; Le GARDON DE SELYS (Leuciscus Selysii, Heckel), remarquable par la belle couleur bleue des parties superieures du corps, va- riet6 quel'on trouve frequemment dans nos rivieres de 1'Est, la Meuse, la Meurthe, la Moselle, 1111, le Rhin. A cette liste de varietes du Garden commun, il faudra certai- nement en ajouter d'autres encore, signalees en Italic et en Allemagne (notammentles Leuciscus decipiens, Agass. ; Leucis- cus Pausingeri, Heckel etKner). LE GARDON PALE (LEUCISCUS FALLENS) Gette espece, voisine du Garden commun, s'en distingue aise- ment par plusieurs caracteres. Gonsideree de profil, sa forme est plus oblongue, meme que chez les individus de la variet6 Selysii, le dos etant tres-peu eleve apartir dela nuque. La consideration des ecailles suffirait a empficher toute confusion entre ce Poisson etle precedent. Chez le Gardon p&le, les ecailles, proportionnellement plus grandes que cclles du Gardon commun et au nombre de quarante-deux 1 Rapport6 4 tort au Cyprinus jeses, de Linn6 et de Bloch, qui est le mdme que le Cyprinus idus (Idas melanotus). GARDONS. 387 dans la longueur du corps, forment en avant un angle plus saillant. Le Gardon p&le a le corps argente, tirant quelquefois sur le jaunatre, avec le dos etla region superieure de la tete d'un gris Fig 88. Le Gardon pale (Leuciscus pollens). clair, legerement ardoise ; la nageoire dorsale d'un gris jaune avec les bords des rayons sables de noir, la nageoire caudale de la meme nuance, les nageoires inferieures d'un jaune pale. II y a neuf ou dix rayons rameux h la nageoire dorsale ; onze et quelquefois dix seulement, si les deux derniers sont tres- reunis, a la nageoire anale ; huit aux ventrales, sans compter les premiers rayons simples qui sont en nombre pareil chez toutes les especes. Enfin le Gardon pale a des dents pharyngiennes au nombre de six de chaque cote, et ce dernier caractere paraitra le plus important aux yeux de la plupart des zoologistes. J'ai observe ces dents sur beaucoup d'individus et je n'ai trouve aucune difference entre eux. Le Gardon pale atteint la taille de O m ,3o a O n ',40; on le peche abondamment dans les petites rivieres des environs 388 HISTOIRE PARTICULIERE DES POISSONS. d'Annecy ; aussi le \oit-on journellement sur le marche de cette ville, ou il est designe sous le nom de Vairon. LE GENRE IDE (IDUS, Heckel] Par leurs principaux caracteres, les Ides sont tres-voisins des Chevaines (genre Squalius], mais, par la forme generate de leur corps, ils ressemblent davantage aux Gardons etauxRotengles. Leurs nageoires dorsale et anale sont assez courtes & leur base ; leurs ecailles, moins longues que celles des Ghevaines, en different tres-peu par leur structure. Ici encore, ce sont les dents pharyngiennes qui seule.s permettent d'etablir une dis- Fig. 89. Dents pharyngiennes de 1'Ide me'lanote. tinction precise. Ces pieces sont disposees sur deux series, I'line forme'e de trois dents, Fautre de cinq, comme.chez les Rotengles; raais les dents pharyngiennes des Ides ne presentent point de dentelures ; elles sont comprimees lateralement et terminees en crochet recourbe" , comme dans les Ghevaines. A la rangee in- terne, il y a une dent de plus que chez ces derniers ; c'est a cela que se reduit la difference. Nous n'avons en France qu'une seule espece de ce genre. IDE. 389 MM. Heckcl et Kner enont decrit une seconde espece europeenne (Ictus miniatus) qui vit dans les bassins du jardin imperial de Vienne, ou elle aurait ete apportee du Tyrol. G'est presque cer- tainement une simple variete de la premiere. L'IDE MELANOTE (iDUS MELANOTUS J ) Ce Poisson, assez abondant en Allemagne et dans le nord de 1'Europe, est fort rare en France ; aussi ne lui connaissons-nous dans notre pays aucun nom vulgaire. En Allemagne on 1'appelle Nerfling. L'Ide melanote a en partie 1'aspect de la Rotengle, avec le corps plus oblong, la courbe du dos reguliere et mediocre- ment elev6e. La coloration de ce Gyprinide change avec l'age de la ma- niere la plus femarquable. Chez les individus parvenus a un degre de developpement avance, toutes les parties superieures du corps sont d'un noir bleuatre, les cot6s et les regions infe- rieures, d'une teinte blanche argentee, ontdes reflets bleuatres, et les nageoires rougeatres semblent aussi etre couvertes d'une vapeur bleue. Chez les jeunes individus, consideres naguere comme appartenant a une espece bien distincte (Cyprinus orfus, Linne),toutle dosestd'un beaurougedore etce rouge s'etendsur les cotes jusqu'au-dessous de la ligne laterale, en s'affaiblissant pour se fondre avec le blanc d'argent des regions inferieures 1 Cyprinus idus et Cyprinus jeses, Linn6, Systemu nat,, t. I, p. 529 et 530 ; 1766. Leuciscus jeses, Valenciennes, Hist. nat. des Poissons, t. XVII, p. i60 ; 1844. Jeune Age, Cyprinus orfas, Linn., p. 530. Leuciscus orphus, Valenciennes, p. 2^4. Idus we/ano/MS,HeckeletKner, Die Siinivasserfische, etc., p. 135; 1858. Siebold, Die Susswasserfische von Mttleleuropa, p. 176; 1863. 390 H1STOIRE PARTICULlfiRE DES P01SSONS. du corps. Les nageoires sont d'un rouge vermilion, passant an jaune a leur extremite. La t6te de 1'Ide est courte, inclinee d'arriere en avant, avec 1 1 bouche petite, les mdchoires egales, I'inferieure un pen ascen- dante, Frail petit, 1'opercule large. Les ecailles sont moins grandes que chez les Gardons et les Rotengles ; aussi on en compte de cinquante-six a cinquante- huit sur la ligne Iat6rale, huit A neuf rangees au-dessus, cinq a six au-dessous. Ges ecailles, beaucoup moins longues quelarges, ont leur bord tres-legerement festonne, leurs stries concentri- ques plus larges, plus series et plus regulieres que chez la Ghevaineetquatre, cinq ousix canalicules disposes en eventail. La nageoire dorsale, qui s'eleve presque au-dessus des ven- trales, a huit rayons rameux, rarement neuf; I'anale en a neuf on dix. L'Ide melanote atteint la taille de O m ,30 a O m ,40 ; on 1'a p6che dans la Moselle, dans la Meuse, dans I'lll, dans le Rhin et, assure M. Valenciennes, dans la Somme. Jamais il n'a ete pris dans la Seine. Ge Poisson fraye pendant les moisd'avriletdemai. LE GENRE CHEVAINE (SQUALIUS, Bonaparte) Les especes de ce genre se distinguent au premier abord de celles des genres precedents, par un corps moins haut, plus olanc6 ; mais c'est la neanmoins un caractere de faible valeur. Tl faut done remarquer ensuite la brievet6 des nageoires dorsale et anale, la position de la dorsale exactement au-dessus des ven- trales et s'attacher par-dessus tout,ala consideration des dents [>haryngiennes. Ges pieces, un peu comprimees et terminees en CHEVAINES. 391 crochet recourbe, sont disposees sur deux rangs, Tun compose de deux dents, 1'autre de cinq. Dans ce genre, on reconnait aisement trois formes principales : celle des Chevaines proprement dites, ou la tete est fort epaisse, la nageoire dorsale avec huit rayons rameux, les ecailles d'une apparence im peu mate, les dents pharyngiennes relativement minces ; celle des Vandoises, ou la tete est plus effi!6e, la na- Fig. 90. Dents pharyngiennes de la Vandoise commune (Squalius leuciscux] . geoire dorsale avec sept rayons rameux, les Ecailles tres-bril- lantes, les dents pharyngiennes plus epaisses ; celle des Blageons (genre Telestes, Bonaparte), ou la tete est con rteet obtuse; la nageoire dorsale & huit rayons rameux, les ecailles dedicates, avec les rayons en 6ventail plus nombreux que chez les Che- vaines et les Vandoises, les dents pharyngiennes tres-semblables a celles de ces dernieres 1 . 1 Cette division correspond au genre Telestes etabli par le prince Charles Bonaparte et adopte par Heckel et Kner et.de Siebold, ces au- tcurs se fondant sur les dents pharyngiennes, qui ne seraient,d'un cOte\ qu'au nombre de quatre ci la range externe. Cette caracteristique ne s'appuie que sur de fausses determinations occasionn^es par la chute d'une dent. Chez une foule de Telestes que nous avons examines, les dents se sont toujours trouvees semblables des deux cotes et au nom- bre de cinq ct la ranged externe. 392 HISTOIRE PARTICULIERE DES POISSONS. Ge genre, tel que nous 1'adoptons, estle plus nombreux en es- peces de la famille des G yprinides ; on en trouve plusieurs en Ita- Ue, en Illyrie, en Dalmatie, etc., qui n'ont jamais ete observees en France. LA CHEVAINE COMMUNE (SQUAUtIS CEPHALUS *) La Ghevaine est 1'un des Poissons blancs qui atteignent les plus fortes dimensions. Abondante dans les rivieres d'une tres- Fig. 01. La Chevaine (Squalius 'cephalus). grande partie de FEurope, malgre le peu d'estime qui lui est accorde, elle peut compter pour une part sensible dans les ressources alimentaires de certaines localites. Le nom de Ghevaine ou Ghevanne est tres en usage parmi 1 Cyprinus cephalus, Linne, Systema nature, 6dit. XII, p. 527; 1766. Cyprinus idus, Bloch, part. J, p. 2o3, pi. XXXVI. Leuciscus dobula, Valenciennes, Hist, naturdle des Poissons, t. XVII, p. 172 ; 1844. Giin- ther, Die Fischedes Nee/cars, p. 69; 1853. Squalius dobula, Heckel et Kner, Die Susswasserfische der ostreichischen Monarchic, p. 180; 1858. Squalius cephalus, Siebold, Die Sumvasserfische von Mitteleuropa, p. 200 ; 1863. HLANCHARD, Lcs Poisson.t. PI. XIV, p. 303. Paris, J.-B. Bailliere et Fils, edit. Corbeil, C.T&6, imp. LA PECIIE DE L.\ CIIEVAINE COMMUNE ON LA Pl^CHE DANS LE VOIS1NAGE DES MOULINS OU ELLE RECHERCHE LES CHUTES D'EAU. CHEVA1NES. 393 les pecheurs, raais celui de Meunier n'est pas applique a ce Poisson d'une maniere moins generale. On 1'appelle Meunier, disent les uns, parce qu'on le pe"che dans le voisinage de? moulins ou il recherche les chutes d'eau, parce que, disent les autres, sa robe blanche le fait comparer au meunier qui est habituellement tout enfarine. Cette derniere explication est sans dotite 1'expression de la verite. La Ghevaine porte du reste en- core bien d'autres noms vulgaires. Ainsi, c'est la Juene pour les pecheurs parisiens, le Cheneveau ou Cheneviot a Nogent- sur-Seine, le Chabuisseau sur la Loire, le Charasson a Lyon, le Chabot et le Cabot dans les departements du Lot, de Lot- et-Garonne, de la Haute-Garonne, etc. ; le Chouan dans le de- partement de Maine-et-Loire, le Vilain dans differentes loca- lites, le Vilna ou Vilnachon a Troyes, sans compter les autres appellations qui ne sont point parvenues a notre connaissance. La Ghevaine se fait remarquer a la premiere inspection par sa forme oblongue, pleine d'elegance, annongant un Poisson dont les mouvements doivent etre faciles, la natation rapide, par sesgrandes ecailles qui setrouventsi exactement appliquees les unes sur les autres, qu'elles figurent comme une sorte de dessin trace sur une surface lisse ; apparence rendue plus ma- nifeste par une bordure coloree, formee par un cercle de points noiratres tres-serres sur chaque ecaille. La Ghevaine appelle egalement 1'attention par sa t6te massive, avec le front large et aplati, le museau court et epais, la bouche grande, Toeil de mediocre dimension dont Viris est bronze sur le haut, argente vers le bas et la pupille entour6e d'un cercle jaune-citron. Sous le rapport de la delicatesse de la coloration, la Ghevaine est un des Poissons les mieux partages. En grande partie resplendis- sante comme l'argent,parfois un pen jaunatre, maistoujours d'un 3S>4 HISTOIRE PART1CUL1ERE DES POISSOiNS. eclat metallique, elle a les parties superieures du corps et de la tele d'une brillante couleur bronzee a reflets metalliques verts on bleiiettres et sur chaque 6caille une bordure reguliere d'une teinte plus ou raoins sombre. Ses nageoires du dos et de la queue, noirtres vers le sommet, participent de la coloration de la partie superieure du corps, tandis que ses nageoires pecto- rales, ventrales et anale, plus ou moins rouges suivant 1'age des individus comme suivant la saison,etquelquefois de la teinte rose la plus delicate, forment un charmant contraste. Les ecailles sont au nombre de quarante-quatre a quarante- six dans la longueur, depuis la fente de 1'ouie jusqu'arorigine de la nageoire de la queue. Dans la portion la plus haute du corps, on en compte sept rangees au-dessus de la ligne laterale et quatre au-dessous. Ces ecailles considerees isolement sont bien caracteristiques de 1'espece.Un peu plus longues que larges, Fig. 92. Ecaille de la ligne laterale de la Chevaine commune. avec leur bord arrondi et tr&s-legerement festonne, elles ont leurs stries circulaires assez espacdes, sinueuses et un peu irr- gulieres, cinq ou six canaux paraissant a la \ue simple comme autant de lignes brillantes, la portion basilaire avec dix a douze sillons disposes en eventail et le bord sinueux. La ligne laterale descend de I'epaule vers la partie ventrale CHGVAINES. 395 en decrivant une courbe assez prononcee et se continue ensuitc directement jusqu'a la queue, au-dessous de la portion moyenne du corps ; les conduits de la mucosite sont cylindriques et echancres en dessus. La nageoire dorsale qui s'eleve presque exactement an milieu du dos, un pen en arriere de 1'insertion des ventrales, est plus haute que longue et formee de onze rayons, trois simples dont un tres-petit et huit rameux. Aux nageoires pectoralcs, on compte dix-sept on dix-huit rayons dont un simple ; aux ven- trales, deux simples ethuit rameux; a 1'anale, trois simples et huit branchus, bien rarement neuf ou seulement sept. Les dents pharyngiennes de la Ghevaine sont longues, com- primees et terminees en un crochet courbe en dessus. Le canal intestinal est replie et d'un quart environ plus long que tout le corps. La Ghevaine commune pent atteindre d'assez fortes dimen- sions ; on en prend des individus d'une longueur de O m .50 a O m ,60 et du poids de 3 a 4 kilogrammes, quelquefois davantage, mais elle n'arrive a un developpement aussi con- siderable que dans les meilleures conditions. G'est au lac Leman et an lac du Bourget que j'ai vu p6cher les plus grands individus parmi tons ceux que j'ai recueillis en France. C'est unPoisson d'une grande voracite, et, comme il n'est pas fort estime pour la table, on ne pent guere desirer le voir se multiplier en trop grande abondance. De meme que tons les Cyprinides, ii consomme des substances v^getales, mais plus que beaucoup d'a litres, il est extremement avide d'animaux de toutes sortes ; il avale en foule des vers, des insectes, des mollusques, et meme il s'empare, assure-t-on, de rats d'eau ; il detruit en quantite du frai et de jeunes poissons. 396 HISTOIRE PART1CULIERE DES POISSOXS. La Ghe\ : aine commune, tres-repandue dans le centre et le nord de 1'Europe, se trouve aussi a peu pres par toute la France, rivieres, lacs etetangs des plaines et des montagnes. On laprend dans les rivieres de nos departements meridionaux, le Tarn, la Garonne, 1'Aude, etc., le cours inferieur du Rhone et ses affluents, ou il existe des especes voisines que nous ne voyons jamais au nord. Elle fraye pendant les mois de mai et de juin, un pen plus tot ou un peu plus tard, suivant les localites et surtout suivant ledegrede la temperature. Quittant les eaux profondes qu'elle affectionne, elle vient deposer ses ceufs sur les pierres et les graviers, dansle voisinage des rives. On voit alors les Chevaines se reunir en troupes nombreuses et venir effectuer leur ponte au m6me moment. Un habile pisciculteur, M. Pierre Garbon- nier, rapporte avoir vu, un soir a Paris, pres du Pont-Neuf, une quantite innombrable de Ghevaines rassemblees pour la ponte et la fecondation des ceufs. Pendant deux heures, ces individus agglomeres se pressaient et se frottaient les uns centre les autres et ex6cutaient des bonds saccades a la surface de 1'eau. Le len- demain, tous les poissons avaient abandonne la place. Les jeunes Ghevaines , n'ayant pas plus de O m ,04 a O m ,05 de longueur, ont deja tous les caracteres des adultes ; leurs couleurs seulement sont un peu plus pales. LA CHEVAINE MERIDIONALS (SQUALIUS MERIDIONALIS) Gette espece tres-voisine de la Ghevaine commune a un as- pect particulier qui la fait aisement reconnaltre. CHEVAlN'ES. 397 Le corps est un pen moins allonge, avec la ligne du dos sen- siblement plus arquee, la tete proportionnellement plus longue, plus inclinee en avant et un pen moins obtuse a 1'extremite. Gette t6te mesuree du bout du museau au bord posterieur de Popercule, forme plus du quart de la longueur del'animal entier, en ne comptant point la nageoire caudale, tandis que chez la Ghevaine commune, la longueur de la tete est loin encore d'en- trer pour le quart dans la dimension totale du corps. L'opercule plus large a son sommet que celui de la Ghevaine commune, se rapproche davantage de la forme carree. La ligne laterale, moins courbee dans sa portion anterieure, se trouve etre ainsi presque droite. Les ecailles, en general, dont on ne compte pas plus de qua- rante-quatre dans la longueur du corps, semblent, observers & la vue simple, n'avoir pas le meme poli que chez 1'espece pr6ce- dente. Elles sont fortement pointillees, sablees de brun noira- Fig. 93. Ecaille de la ligne laterale de la Chevaine me'ridionale. tre a leur base et sur leur pourtour. Gonsidereesisolement, elles se montrent tres-caracteristiques ; toujours plus courtes que celles de la Ghevaine commune, elles ont les stries de la portion libre notablement moins espacees, moins sinueuses et de la sorte beaucoup plus regulieres. 398 H1ST01RE PARTICIJLIEHE DES POISSONS. Les nageoires presentent le meme nombre de rayons que chez la Chevaine commune. La Ghevaine meridionale a ete rencontree dans le departc- ment de Lot-et-Garonne. M. Dreme m'en a envoye plusieurs individus qui avaient ete peches dans la Save. Ouclqiies indivi- dus pris dans la Sorgue a quelques kilometres d' Avignon, m'ont paru appartenir a cette espece ; je n'ai trouve d'autre difference avec les premiers quela ponctuation des ecailles unpeu plus forte. LA CHEVAINE TREILLAGEE (SQUALIUS CLATHRATUS) Gette Ghevaine, qui habite nos departements meridionaux et que nous avons reygoi'des pourvus d'une longue rangee de dents plus petites. Les ecailles de TEperlan, d'une extreme minceur, figurent des losanges sur la peau de 1'animal ; lorsqu'elles sont detachees, elles se montrent larges, courtes, ovalaires, n'ayant que cinq on six stries circulates regnant pres des bords. La ligne Iat6- rale ne se prolonge pas au dela de la huitieme ou dixieme ecaille. SAUMONS. 443 La nageoire dorsale, qui est courte et haute, n'a que dix ou onze rayons dont les trois premiers simples ; 1'anale en a 6ga- lement trois simples, etonze, douze outreize rameux; la can- dale est tres-fourchue. L'Eperlan estd'un vert clair, plusou moins poiritill6 de noir sur les parties superieures, d'lin blanc d'argent sur la machoire inferieure, les opercules, IGS cotes et la region ventrale. La couche argentee pouvant se detacher a\ec une grande facilite, les ecailles deviennent alors transparentes. Mais la teinte g6- nerale des parties superieures de ce Poisson est tres-\ariable, elle est tantot plus claire, tantot plus foncee, tantot bleuatre. L'Eperlan ale plus ordinairement une longueur de O m ,15 a O^jlS, mais on en \oit des individus qui arrivent a la taille de O m ,25. Ge Poisson se nourrit de petits animaux et vient frayer dans les eaux saumMres, pendant les mois de mars et d'avril, mais, jusqu'ici, personne n'a observe son developpe- ment. Les Eperlans entrent dans les fleuves en grandes masses au printemps et paraissent y faire un sejour tres-prolong6 ; n6an- moins, ils ne remontent jamais an dela de 1'endroit ou se fait sentir la maree. II remonte la Seine jusqu'a Rouen. On enpfiche beaucoup aussi vers rembouchure de 1'Orne, de la Loire, etc. LE GENRE SAUMON (SALMO, Li nne) La plupart des auteurs modernes ont admis la distinction generique des Saumons et des Truites. Quelques-uns meme ont ete plus loin en admettant un partage des Truites. Pour les au- teurs qui ont adopte le genre Saumon et le genre Truite, la 4i4 HISTOIRE PARTICULlfiRE DES POISSONS. circonscription de ces deux genres est differente. Pour les uns, certaines especes appartiennent an genre Truite ; pour les au- tres, au genre Saumon. Le Saumon commun a ete pris par la plupart des ichthyologistes modernes comme le type du genre Saumon, mais M. de Siebold, qui admet le genre Saumon etle genre Truite, place le Saumon commun dans le genre Truite. Ges divergences dans les vues d'habiles naturalistes suffisent pour montrer que la distinction entre les Saumons et les Trui- tes ne repose pas sur des caracteres bien importants. Aussi n'aurions-nous pas hsite a revenir a la grande division des Saumons, telle qu'elleetait accepteeparGuvier et les zoologistes de son temps, si 1'habitude de distinguer les Saumons et les Truites n'etait en quelque sorte devenue vulgaire. Les Saumons, commc les Truites, ont des dents fortes et pointues aux deux machoires, aux palatins, a la langue. Us en ont aussi au vomer, mais chez plusieurs especes, la piece prin- cipaleen est depourvue 4 , tandis que chez les autres, elle n'en est privee que lorsque 1'age a amene leur chute 2 . Tons les Saumons ont les ecailles petites et en ovale allonge. Leurs pie- ces operculaires sont tres-unies et forment en arriere une courbe tres-prononcee. Gette particularite permet surtout de distinguer assez aisement les Saumons des Truites. L'OMBLE-CHEVALItR (SALMO SALVEUNCS 3 ) L'Omble-Ghevalier est un habitant sedentaire des lacs del'Eu- 1 Les seules que M. de Siebold conserve dans le genre Saumon, chez lesquelles la piece principale du vomer est tros-courte. 1 Comme chez le Saumon commun. 3 Salmo salvelinus, Linne", Syst. not. t. 1, p. 511 ; 1766. Salmo umbla, Agassiz, Poissons de I' Europe central?, pi. IX, X, X a et XI. Salmo sal- SAUMOiNS. 445 rope centrale; jamais il n'entre dans les rivieres; c'est tout a fait accidentellement qu'on a pris ce Poisson dans le Rhone, ou sansdoute ilpeut parfois se trouver entraine parle courant. L'Omble-Ghevalier, tres-variable dans ses proportions, sui- vant l'age, le sexe, les conditions d'existence qu'il a subies, a toujours le corps comprime lateralement et plus ou moins elance. Ses ecailles, de la mtaie forme que celles des Truites, sont si petites, qu'a la vue simple, elles sont peu distinctes et donnent settlement a la peau line apparence de gaufrage. Ge Poisson offre des teintes claires et fraiches d'tm aspect fort agreable. Le plus souvent il est d'un gris de perle ou d'un gris bleuatre sur totites les parties superieures, et cette nuance s'affaiblit sur les cotes pour se fondre d'une maniere insensi- ble avec la teinte argentee des regions inferieures ou la couleur orangee rougeatre qui se manifesto sur le ventre et la gorge pendant la saison d'hiver, c'est -a-dire a 1'e- poque du frai. Tr6s-ordinairement, il existe des taches rondes blanchatres ou d'un rouge pale, disseminees sur les cotes du corps. Quelquefois ces taches se montrent presque exclusive- ment au-dessus de la ligne laterale ; chez beaucoup d'individus on en voit en plus ou moins grand nombre au-dessous de cette ligne. La nageoire dorsale, de meme que la caudale, est habi- tuellement d'un gris fonce, et les nageoires inferieures, d'un jaune plus ou moins vif, sont souvent sab!6es de noir et orn^es au bord anterieur d'un lisere blanc. L'Omble-Ghevalier a la tete forte, abaissee en avant, avec le velinus et S. umbla, Valenciennes, Hist. nat. des Poissons'l. XXI, p. 233 et 24f> ; 1818. Heckel et Kner, Die Sussivasserfiwhe der dstreichischen Monarchic, p. 280 et 283 ; 185$. Salmo salvelinus, Siebold, Die wasserfische von Mi'teleuropa, p. 280; 1863. 446 HISTOIRE PART1CULI fcRli DES POISSONS. museau large, un peu deprime ; la ma'choire superieure lege- rement en saillie sur 1'inferieure ; le vomer garni a sa partie anterieurc de dents crochues, en general an nombre de cinq, quelquefois de six ou de sept; Tceil grand; 1'opercule large, ayant son bord libre legerement arque et quelques stries transversales en arriere. SATIMONS. 447 Chez cetteespece, la nageoire dorsalea neuf rayons rameux, plus rarement dix et 1'anale huit on neuf a la suite des trois rayons simples ; les nageoires pectorales et ventrales sont tou- jours plus long-lies chez les males que chez les femelles. G'est la une difference dont on voit pen d'exemples parmi nos Poissons d'eau douce. L'Omble-Chevalier atteint habituellement'la longueur de O m ,30 aO m ,40; il arrive quelquefois aune-taillebiensuperieure, mais les individus de grande dimension paraissent rares, c'est, du moins, ce que je dois croire d'apres les pe'ches effectuees en ma presence-mi lac du Bourget etau lac Leman. Ce Poisson est repandu dans la plupart des lacs de la Suisse, de la Baviere, del'Autriche. Des individus de I'Allemagne me- ridionale ayant le corps moins haul quecelui des individus de nos lacs de la Savoie, avaient etc considered autrefois commo e"tant d'une autre espece. Gettc difference a ete reconnue, depuis, tout individuelle 4 . L'Omble -Chevalier se nourrit particulierement d'insectes et de petits crustaces ; il fraye pendant les mois d'octobre et de novembre. Ses oeufs assez gros sont d'un jaune clair et d'une certaine transparence. 1 On trouve, dans les lacs du nord de 1'Angleterre et de 1'lilcosse, des Poissons, tret-vuisins de 1'Omble-Chevalier, qui sont designes par les au- teurs de la Grande-Bretagne sous le nom vulgaire de Charrs. II n'a pas encore etc" 6tabli si quelques-uns de ces Charrs sont de veritables especes ou seulement des variet.es locales de rOmble-Chevalier. Le docteur Giinther, a(lacli6 au British Museum, ponse qu'il n'y a pas moins de cinq especes de Saumons apparteriant a la division des Charrs, propre* a la Grande-Bretagne. Rien ne nous parait plus douteux. 4i8 H1STOIRE PARTICULIERE DES POISSONS. LE SAUMON COMMUN (SALMO SALAR *) Si nous etions au dix-huitieme siecle, ou Ton appelait encore avec une certaine emphase le Lion, le roi des animaux, il fau- drait appeler le Saumon le roi des Poissons d'eau douce. A la verite, le Saumon est plus un Poisson de mer qu'un Poisson d'eau douce, mais il vient chaque annee deposer ses ceufs dans Fig. lie. Tete et portion anterieure du corps du Saumon commun (Salmo Salar). les fleuves et les rivieres a d'enormes distances des cotes; il nait ainsi dans les eaux douces, il y passe au moins la premiere annee de son existence, souvent davantage et, apres avoir ete 1 Linne, Systema naturae, 6dit. XII, t. I, p. 509 ; 1766. Yarrell, British fishes, t. II, p. \ ; 1836. Agassiz, Poissons de C Europe centrale, pi. I, I", I b , II. Salmo Salmo (femelle) et Salmo hamalm (mSle), Valen- ciennes, Hist. nat. des Poissons, t. XXI, p. 169 et 212, pi. 014 et 615 ; 1848. Salmo sular (femelle) et Salmo hamatus (male), Heckel et Kner, Die Susstvasserfische der oslrdchischen Monarchic, p. 273 et 276 (1858). Truttasalar, Siebold, DieSttsswasserfischevonMittelewopa, p. 293 ; 1863. SAUMONS. 449 faire un voyage a la mer, il revient bientot aux lieux ou il est ne. La presence du Saumon dans nos coursd'eau, plus que 1'a- bondance de la plupart des autres Poissons, devient une source d'industrie, de commerce, de bien-etre pour les populations ; source malheureusement fort amoindrie , meme depuis une epoque assez recente. Le Saumon presente done un haut inter^t sous le rapport economique. Au point de \ r ue de 1'histoire des etres, il offre egalement un interet considerable. G'est une histoire pleine de faits curieux et instructifs que celle d'un Poisson voyageur, tour a tour fluviatile et marin, marin et fluviatile, d'un Poisson qui subit a chaque age des changements assez remarquables pour n 'avoir et6 reconnus qu'apres 1'observation suivie des memes individus aux diverses periodes de leur existence. L 'histoire du Saumon est aujourd'hui assez avancee,etelle datepourtant d'une epoque peu 61oignee. Nous la devons presque entierement a des natu- ralistes et a de simples observateurs de la Grande-Bretagne. On a souvent repete que les Grecs n'avaient point parle du Saumon ; rien de plus facile a comprendre : ce Poisson n'existe pas dans la Mcditerranee ; il n'a done jamais ete vu dans les fleuves qui viennent se decharger dans cette mer. Seul parmi les Latins, Pline a eu connaissance du Saumon ; il 1'a men- tionne comme appartenant a 1'Aquitaine, c'est-a-dire, au pays arrosepar la Gironde, la Garonne, la Dordogne, ou il etait prefere a tous les autres Poissons de mer. G'est Ausone * qui, ensuite, 1'a particulierement signale en indiquantpar des epithetes, soit les 1 Nee te puniceo rutilantem viscere, Salmo, Transierim Teque inter geminas species neutrumque et utrumque, Qui needum Salmo nee jam Salar, ambiguusque Amborum, medio Fario interceptesub aevo. BLANCHARD. 29 4bO HISTOIRE PARTICULIERE DES POISSONS. differents Ages de Fespece, soit le Saumon et les Truites con- fondus dans une me'me designation generate. Le Saumon dans son 6tat adulte a une forme allongee, son corps, d'une epaisseurremarquable vers Iat6te, apeu de hauteur, ce qui le fait paraitre, considere de profil, assez grele et meme fusiforme. G'est du reste un bel animal, tout argente sur les cotes, d'un blanc de nacre sur les parties inferieures, d'un gris bleuatre ou verdatre sur les regions sup6rieures,avec des taches noires plus ou moins arrondies, disseminees sur la tete et sur 1'opercule, souvent aussi avec de petites taches egalement noires, eparses sur la nageoire dorsale et, en general, des ta- ches plus ou moins obscures, variables sous le rapport du nombre et dela forme, repandues sur les cotes du corps. Mais la coloration des Saumons est sujette a de grands changements selon les circonstances. Lorsque 'ces Poissons arrivent de la mer, dans les fleuves, au moment de frayer, on voit leurs teintes, particulierement chez les males, prendre une nouvelle vivacite, des taches rouges apparaitre dans le voisinage d3 la ligne late- rale et me'me sur les opercules, le venire s'empourprer, ainsi que la base de la nageoire anale, le bord anterieur des ventra- les,lesbords superieur et inferieur de la caudale. Apres avoir fraye, ces animaux affaiblis perdent leurs riches couleurs et reviennent a leur premiere condition. Ge n'est pas tout encore ; Jardine, 1'auteur d'un grand ouvrage sur les Salmonides de la Grande-Bretagne 4 , nous a appris que chez le Saumon male dans sa parure de noce, se produisait un remarquable epaissis- sement de la peau du dos et des nageoires, qui disparait bientot apres 1'epoque du frai. 1 British Salmonidce. SAUMONS. 451 Chez ce Poisson a la forme elance"e, la dimension de la tele represente apeu pres un sixiemedela longueur totale du corps. Le museau est arrondi, mais chez les males il est beaucoup plus long que chez les femelles, avec la machoire superieure pourvue d'une fossette dans laquelle s'engage la pointe de la mchoire inferieure. Gelle-ci e"tant plus ou moins courbee et releve"e au bout en manierede crochet, il arrive, surtout chez les vieux in- dividus, que la bouche reste b6ante sur les cotes. Guvier et ensuite plusieurs autres naturalistes, avaient admis 1'existence d'une espece de Saumon a bee crochu (Salmo hamatus] a la- quelle le nom de Becard a ete applique" . Aujourd'hui, on est assure" que la courbure, parfois tres- prononcee, de la nietchoire inferieure des niciles n'est pas un caractere specifique, mais une simple particularity sexuelle et jiisqu'a un certain point individuelle. L'oeil du Saumon est petit ; son diametre represente a peine le neu\ieme de la lon- gueur de la tete. Chez ce Poisson parvenu a un age un pen avanc6, la plaque ante rieure du vomer, de forme pentagonale, est privee de dents ; la piece principale offre une seule rangee de dents, et il est rare qu'il en reste plus de quelques-unes en avant ; ces dents tombent ordinairement de bonne heure, surtout celles qui sont situees en arriere. L'opercule, intimement uni a 1'interopercule et au suboper- cule, forme avec ces derniers une grande lame garnie de stries bien prononcees, ayant son bord posterieur arrondi. Ces ca- racteres des pieces operculaires permettent de ne jamais he"- siter a distinguer d'une Truite, un Saumon m6me d'un dge pen avance. Les ecailles du Saumon sont tres-petites ; elles ressemblent 452 HISTOIRE PARTICULIERE DES POISSONS. beaucoup a celles des Truites, mais leur largeur est un pen plus considerable surtout vers la base. On en compte de cent \ingt k cent trente sur la ligne laterale, vingt-cinq ou vingt-six ran- gees au-dessus de cette ligne, dix-huitau-dessous. Fig. 117. Ecaille du Saumon commun prise sur les flancs. La nageoire dorsale situee plus pres de la t6te que de la queue, et plus longue que haute, offre douze ou quinze rayons, les trois ou quatre premiers simples, les autres branchus. Les riageoires pectorales ont quatorze rayons, les ventrales neuf ou dix, 1'anale dix ou onze dont les trois premiers simples. Tel est le Saumon qui, apres avoir fait plusieurs sejours a la mer, remonte les fleuves et s'engage dans les rivieres ou doit s'operer laponte ; mais, avant de prendreles caracteres que nous venons de rapporter, le Saumon a traverse plusieurs ages mar- ques chacun par des particularity assez notables pour n'avoir 6t6 reconnues comme des phases de la vie d'une meme espece qu'apres des observations eflectuees a diverses reprises sur les memes individus. Ges ages sont distingues par des noms particuliers chez les habitants de la Grande-Bretagne. Les noms de Parr, de Smolt et de Grilse sont aujourd'hui generalcment adoptes en ce pays, et en 1'absence des termes correspondants dans notre langue, nous pensons devoir n'en pas chercher d'autres. SAUMONS. 453 Lorsque, chez le jeime Saumon, la vesicule vitelline esten- tierement resorbee,le petit animal, long de O m ,03, a encore une tete tres-grosse relativement au volume de son corps, mais, peu de jours apres avoir commence a prendre de la Fig. 118. Jeune Saumon apres la re'sorption de la ve'sicule ombilicale, grossi. a, sa grandeur naturelle. nourriture, la teite tend a s'abaisser, le museau a s'allonger, le dos a s'arrondir, et alors le petit Poisson prend 1'aspect des Truites. Le jeune Saumon est d'une teinte grisatre terne sur les regions supe"rieures etil offre de quinze a dix-huit bandes transversales noiratres qui descendent du dos jusqu'a la re- gion ventrale. Pendant an moins une anne"e, quelquefois davantage, le Saumon a conserve^ les ternes couleurs particulieres a son jeune age, 1'etat de Parr, mais, a un moment determine, un brusque changement se produit. Tout le corps prend un magnifique eclat me'tallique, il devient le Smolt, ainsi que les Anglais nom- ment le Saumon parvenu a son second age. Les parties superieures sont d'un bleu d'acier 6tincelant. Huit ou..dix grandes taches du m6me bleu brillant, comme voilees par un manteau d'argent, occupent les flancs et des- cendent au-dessous de la ligne laterale. Entre ces taches regne une teinte rougeatre on ferrugineuse tres-vive. Une tache noire 454 HISTOIRE PARTICULIERE UES POISSONS. se voit ordinairement au milieu de 1'opercule. Le ventre est d'un beau blanc de nacre. La nageoire dorsale est grise avec sa portion basilaire brune et une rangee transversale de taches de la m6me couleur; les nageoires pectorales ont un ton gris uniforme; les ventrales et 1'anale sont presque iricolores. Fig. 119. Jeune Saumon ou Saumonneau (Smolt). Le Saumon, a 1'etat de Smolt, a 1'apparence d'une petite Truite ; il a,comme ces dernieres,le vomerbien garni de dents sur toute sa longueur, mais il est facile deja de reconnaitre que 1'opercule est celui du Saumon. Un peu moins arrondi que chez les adultes, il a cependant son bord posterieur sensiblement courbe et les stries sont tres-faciles a voir. J'ai observ6 de ces jeunes Saumons si brillants, qui pro\e- naient de 1111 et du Rhin et dont la longueur etait O m ,10 a O m ,12 ; d'autres des rivieres des Vosges ayant O m ,15 aO m ,18 delong. Us sont designes dans le pays sous le nom de Renay. Un peu plus d'une annee s'ecoule, avons-nous vu, depuis le moment de l'6closion jusqu'a 1'epoque a laquelle le jeune Sau- mon, le Parr, commence & prendre sa livree du second age, celle de Smolt. Du mois d'avril au mois de juin, les ecailles prennent leur v6tement argente, et les bandes, alors plus ou moins confondues, s'affaiblissent, comme voilees, quelquefois SAUMONS. 455 presque complctement. Elles redeviennent plus distinctes par une immersion dans 1'alcool. Tant que les jeunes Poissons sont a l'6tat de Parrs, ils vivent isolement, ne cherchant jamais a se r^unir, mais, devenus Smolts, c'est-a-dire, ayant pris leur costume de voyage, selon 1'expression de quelques auteurs anglais, ils se rapprochent, se forment en troupes. G'est dans cette circonstance que les pficheurs en ont fait souvent , sans difficulte , une deplorable destruction. Un fait digne de remarque, qui parait avoir 6te bien observe, notamment a Stortmontfield, sur la Tay en ficosse, c'est que les Parrs ne se changent point tous en Smolts au bout d'une ann6e ; il y en a la moiti6 environ qui conservent la livree du premier age, sejournant deux et me'me trois ans dans les eaux douces. Pendant tout le printemps, se succedent les bandes de Sau- monneaux descendant les rivieres pour gagner 1'Ocean. Dans le trajet d'un parcours assez long, si des courants tres-rapides se manifestent en certains endroits, les Smolts s'en montrent parfois effray6s. La troupe, peut-etre , rebroussera chemin, mais revenant bient6t a sa premiere direction, quelques indi- vidus se laissent entratner resolument, et la cohorte entiere se decide a les suivre. Arrives a la pariie inferieure du fleuve ou remonte la mar6e, les Saumonneaux, avant de gagner la mer, s'arretent deux ou trois jours dans 1'eau saumatre comme pour se preparer k leur changement de sejour. Que deviennent-ils alors? Nul ne le sait d'une maniere precise ; ils disparaissent dans les profondeurs de I'Oc^an ou ne peuvent les atteindre les filets des pe'cheurs. Mais sept ou huit semaines sont a peine ecoulees, que nos 456 HISTOIRE PARTICULIERE DES POISSONS. Saumonneaux reparaissent dans les me"mes rivieres, remontant jusqu'aux endroits ou ils sont n6s. Ges Poissons ne sont plus reconnaissables ; ce ne sont plus des Smolts , ce sont des Grilses; aussi ne les reconnaissait-on pas, avant d'avoir pris le seul moyen possible de constater surement leur identite , c'est- a-dire d'attacher une marque a un certain nombre d'individus. Gette idee si simple semble n'avoir rec,u un commencement d'ex^cution qu'il y a environ trente-cinq ans. Auparavant, et encore un peu apres , les naturalistes , sans etre en mesure d'arriver a une solution, dissertaient sur la question de savoir si le Saumonneau des Franc, ais, Samlet ou Parr et Smolt des Anglais, Sdlmling des Allemands, etait d'une espece particu- liere ou le jeune du Saumon, tandis que la plus naive des ex- periences devait trancher la question. II est vrai de dire que les naturalistes n'ont pas, en general, sous la main une riviere bien peuplee de Saumons. Par une note publiee en 1830, nous voyons qu'un pecheur de la Severn en Ecosse, s'etant avise de passer un fil de metal a la queue d'un Samlet ou Smolt , reprit plus tard 1'animal devenu Saumon 1 . Les experiences ne tarderent pas a se multiplier dans ce pays d'Ecosse tout particulierement favorable aux etudes sur le Saumon. Ainsi , rapporte sir William Jardine, pendant les deux annees que les pecheries du Sutherland ont ete en .la posses- sion du due, une suite d'experiences a ete entreprise par ses agents... Le printemps dernier, plusieurs milliers de Saumon- neaux ont 6te marques dans les differentes rivieres. Dans le 1 Loudon's Magazine of natural History, vol. Ill, p. 94 ; 1830. SAUMONS. 457 Laxford, les Saumonneaux marques en avril revinrent au 25 juin. Us pesaient alors 3 livres, et pendant la saison ils arri- verent au poids de 6 livres et demie *. John Shaw, dont les observations ont beaucoup contribue a faire connaitre 1'histoire naturelle du Saumon, a signale e"gale- raent les resultats d'experiences analogues, mettant hors de doute que le Parr est le jeune age du Saumon 2 . Gitons encore les recherches de M. Andrew Young. Nous avons marque" des Smolts dans un double but, dit cet observa- teur , d'abord pour nous assurer s'ils revenaient dans les memes rivieres, ensuite pour constater le temps qu'ils reste- raient dans la mer. Ils reviennent avec la plus grande ponc- tualite aux lieux ou ils sont nes, dit encore M. Andrew Young ; la nature les a doues d'un si merveilleux instinct, que pas un seul d'entre eux ne depasse sa propre demeure ou ne s'arre'te a une station voisine. Nous avons verifi6 tous ces faits, ajoute 1'au- teur, de telle sorte qu'une ombre de doute ne pent desormais subsister 3 . Un fait des plus remarquables, sujet d'etonnement de la part des observateurs, c'est la rapidite" de croissance du Saumon ei tous les dges pendant le temps qu'il passe a la mer. Le Sau- monneau ou Smolt qui a vecu dans les rivieres, une, deux et jusqu'a trois annees pour atteindre la longueur de O m ,12 a O m ,20, devenu Grilse au bout de moins de deux mois de sejour dans 1'Ocean, est un Poisson d'un kilogramme et demi a deux kilogrammes. Les Grilses, apreslaponte, demeurent en- core quelque temps dans les eaux douces, puis, se rendant a la 1 The Edinburgh new Philosophical Journal, vol. XVIII, p. 46; 1834-1835. 2 TheEdinb. Philosoph. Journ., vol. XXI, p. 99 ; 1836. 3 The natural History and Habits of the Salmon. Wick, 1848. 458 HIST01RE PARTICULIERE DES POISSONS. mer oil ils ne sejournent souvent pas plus de deux mois, ils reviennent a l'6tat de veritables Saumons, ayant atteint un poids variable de 3 a 6 kilogrammes ; la rapidite de leur accroissement est toujours en rapport avec la dur6e de leur voyage a la mer. Pour le Saumon qui en est a son second on a son troisieme voyage, 1'accroissement n'est pas moins prodi- gieux pendant un tres-court sejour a la mer. Tons les auteurs de la Grande-Bretagne citent avec admiration 1'exemple de ce Saumon de la Tay, pris apres la ponte et marque d'une eti- quette parle due d'Atholl au mois de mars 1845. Le Poisson pesait dix livres (anglaises) ; repeche, muni de son etiquette, cinq semaines et trois jours plus tard, par consequent apres une bien courte excursion h la mer, il pesait vingt et une livres et un quart. Chez le Grilse il n'y a plus aucune trace des bandes du Parr, visibles encore chez le Smolt. La t6te est plus effilee, la queue n'est plus que faiblement echancr6e. A beaucoup d'6gards, ce sont les formes et la coloration du Saumon completement adulte ; mais le corps est proportionnellement plus mince, et la teinte generate, plus pale, plus uniforme, n'est pas encoie re- haussee par des taches. Les Grilses des deux sexes sont habiles a la reproduction aussi bien que les Saumons adultes ; mais, chose singuliere et pourtant affirmee par ceux qui ont le mieux etudie les habi- tudes du Saumon, le Parr male, le jeune Poisson qifi n'a pas encore et6 a la mer, est apte a feconder les ceufs des Grilses et des Saumons, tandis que la femelle ne possede en aucun cas la faculte de pondre. Dans la plupart des circonstances, les Saumons de divers ages, ayant sejourn6 une ou plusieurs fois a la mer, c'est-a-dire SAUMONS. 459 les Grilses et les Saumons adultes et des individus en quelque sorte intermediaires, dont le premier sejour a la mer a pu etre de huit a dix mois, remontent ensemble les cours d'eau dans un ordre qui ne vane guere. Les vieux individus forment la tete de la colonne, les jeunes les suivent. Lorsque le temps de la ponte est arrive pour le Saumon, un male et unefemelle se reunissent. Deux males se trouvent-ils pres de la meme femelle, une lutte s'engage entreeux, et le combat dure tant que 1'un des deux champions n'a pas quitte la place. Plusieurs historiens du Saumon nous ont trac6 le recit de ces exploits chevaleresques. Ghaque femelle a son male, mariage d'un jour ou meme d'une heure, il estvrai, car de part et d'autre une nouvelle association ne tarde pas a se former. Dans le moment ou ils sont reunis, les deux individus semblent choisir d'un commun accord 1'endroit destin6 a recevoir la ponte ; le male et la femelle a la fois, se mettent a creuser dans le gravier un lit d'une profondeur qui pent varier de O m ,15 a O m ,25 ; la femelle y depose ses ceufs, le male les impregne imme- diatement de sa laitance. Un observateur attentif, nous dit M. Andrew Young, peut voir aisement la chute successive des ceufs et de la laitance dans la cavite preparee par les deux Saumons qui, en dernier lieu, travaillent encore en commun pour abriter leur precieux depot sous une couche de gravier. La fecondite de cette espece est tres-grande; on estime que chaque femelle donne, a tres-peu de chose pres, autant de mil- liers d'oeufs qu'elle pese de livres (livre anglaise = 453 gr ,5). Une eau bien courante est absolument necessaire au d6ve- loppement des ceufs de Saumon. Us n'eclosent jamais dans une eau tranquille ; 1'experience souvent repetee a mis ceci hors de doute. L'eau de mer fait perir non-seulement les osufs, mais 460 HISTOIRE PARTICULIERE DES POISSONS. encore les alevins et les Parrs, c'est-a-dire tous les jeunes Saumons, tant qu'ils ne sont pas parvenus a 1'etat de Smolts. D'un autre c6t6, 1'impossibilite de faire \ivre d'ime maniere continue des Saumons dans 1'eau douce est bien etablie. Des alevins place's dans des e"tangs artificiels, nous dit M. Andrew Young, ont grand! avec la meme rapidite que ceux des rivieres, mais il est tout a faitindispensable que le Saumonabandonne, a certaines saisons, les eaux douces pour se rendre a la mer. Re- tenu dans les eaux douces, il ne deviendrait jamais un veritable Saumon * ; retenu continuellement a la mer, il ne pourrait se reproduire. L'eau douce bien courante lui est indispensable pour sa reproduction ; les eaux salees, indispensables pour lui fournir une nourriture abondante : sans ces deux conditions reunies, la race s'6teindrait. G'est la un fait des mieux demon- tr6s par les observations et par les experiences des savants et des hommes pratiques de 1'Ecosse. Le Saumonneau emprisonne dans un etang ou meme dans un vaste lac, grossit a peine a partir du moment ou son instinct le pousse a aller se plonger dans les profondeurs de la mer ; sa chair se decolore et n'acquiert aucune des qualites comestibles si recherchees du Saumon . Longtemps on a pense que les Saumons n'entraient dans les rivieres que pour frayer. Aujourd'hui il est reconnu que c'etait la une erreur. Ges animaux, ayant pris un considerable accroissement, pendant un s6jour a la mer de quelques se- maines, se montrent tres-empresses de revenir dans les eaux douces, a une 6poque encore bien eloign6e de celle du frai. On a souvent parle de 1'ardeur que mettent les Saumons a remon- ter les fleuves et les rivieres, bravant les obstacles, franchissant (I) Clean Salmon des Anglais. SAUMONS. 461 parfois des chutes d'eau considerables en executant des sauts d'une remarquable hauteur. G'est un spectacle qui, en certains endroits, attire la foule des curieux. La montee des Saumons, aux chutes de Kilmorac sur le Beauly, dans 1'Inverness-Shire, an nord de 1'Ecosse, et a la cataracte de Liffey en Irlande, est citee au touriste de la Grande-Bretagne comme Fun des plus curieux spectacles de la nature. La renomraee de cette merveille est devenue europeenne. Tout le raonde sait aujourd'hui que le Saumon fraye habi- tueliement pendant les premiers mois d'hiver, c'est-a-dire en novembre et en decembre. Cependant, les observateurs ecossais auxquels nous devons le plus grand nombre de faits acquis re- lativement a 1'histoire du Saumon, affirment que des individus commencent a pondre des le mois de septembre, que d'autres produisent encore dans les mois de Janvier, de fevrier et meme de mars. La temperature ordinaire de 1'eau des rivieres dans lesquelles vivent les Poissons exerce & cet egard une influence bien notable. La ponte se fait plus tot dans les rivieres qui sor- tent des lacs, plus tard dans celles qui descendent directement des montagnes. La rigueur on la douceur des hivers est une autre cause de variation. Les 03ufs du Saumon, d'une assez grande transparence, d'un blanc opalin dans les jours qui suivent la ponte, d'une agreable couleur rose"e ou mieux saumonnee, quand le vitellus (le jaune) s'est colore, ont le volume d'un gros pois. Geux des Grilses sont toujours sensiblement plus petits que ceux des Saumons adultes. La duree de 1'incubation des oeufs est tres-longue, mais elle varie dans des limites fort larges, selon le degre de la tempera- ture; aussi l'e"closion des jeunes, provenant d'ceufs pondus en 462 HISTOIRE PARTICULIERE DES POISSONS. automne a lieu ordinairement au bout de quatre-vingt-dix jours, tandis que 1'incubation des oeufs pondus en novembre ou decembre, pent durer de cent a cent quarante jours. Les petits Poissons nouvellement eclos s'agitent avec vivacite, portant leur enorme v^sicule l qui servira a les nourrir pendant a pen pres cinq semaines. La vesicule entierement resorbee, les alevins doivent prendre de la nourriture, et c'est la une epoque de transition assez critique dans la vie de ces animaux. Beau- coup d'individus perissent a ce moment. Pendant son premier age, le Saumon se nourrit a la maniere des jeunes Truites d'une foule d'insectes, de frai, et certainement aussi de petits poissons, des qu'il est parvenu a une certaine grosseur. Pendant son sejour dans les eaux douces, a 1'etat adulte ou a 1'etat de Grilse, il est evident qu'il devore une foule de poissons. Mais on est peu fixe encore sur la nature de 1'objet de ses preferences dans le temps ou il vit a la mer. Tous les naturalistes de 1'Elcosse , attentifs observateurs des habitudes du Saumon, en ont ete reduits jusqu'k present a de simples conjectures sur 1'alimentation si profitable a nos Pois- sons migrateurs dans les eaux salees. Suivant les uns. les Saumons auraient une predilection spe"ciale pour les ceufs des Oursins, des Etoiles de mer, des Grabes, des Homards. Selon les autres, ils rechercheraient des eaux dans lesquelles four- millent des masses de petits etres, et ils n 'auraient qu'a ouvrir la bouche pour engloutir d'enormes quantites d'aliments. D'autres assurent cependant qu'ils consomment surtout des poissons; qu'on en a trouve dans 1'estomac de plusieurs indi- vidus. Le cas neanmoins s'est montre assez rarement; la di- gestion s'opererait avec une telle rapidite chez le Saumon, (I) Voir, p 117. SAUMONS. 463 que 1'estomac serait habituellement trouve a peu pres vide. Par suite de cette circonstance, on s'est demande encore s'il n'arriverait pas au Saumon, saisi de frayeur au moment ou il est pris, de degorger sa nourriture. Les qualites comestibles du Saumon sont assez connues et trop bien appreciees pour qu'il soit utile d'entrer dans aucime description a leur sujet. Remarquons seulement que des con- naisseurs accordent une preference aux Saumons de certaines rivieres sur ceux d'autres rivieres, aux femelles sur les males, etc. Les individus pris peu de temps apres la ponte, les Kelts, comme on les appelle en Angleterre, sont reputes detestables ; la loi britannique en interdit la peche. Les Saumons places dans de bonnes conditions croissent, on Fa vu, avec une merveilleuse rapidite. Us atteignent assez frequemment le poids de 10 a 12 kilogrammes; maisoncite des captures d'individus de tres-forte taille, dont le poids s'ele- vait jusqu'a 25 ou 30 kilogrammes, ou meme davantage. Le Saumon appartient en propre a la mer du Nord et a I'Ocean, et a presque tons les cours d'eau qui se dechargent dans ces mers. Son abondance parait diminuer graduellement du nord au sud , a partir du 5S e degre de latitude. II ne descend guere au dela du 42" degre, ce qui explique son absence dans les eaux mediterraneennes, le detroit de Gibraltar etant situe par le 36 parallele 4 . 1 Le Danube nourrit une espece particuliere de Saumon, a quelques egards intermediaire par ses caracteres entre 1'Omble-Chevalier et le Saumon commun . C'est le Saumon du Danube ou le IJuch (Salmo Hucho Linne) qui atteint de tres-grandes dimensions. Depuis une quinzaine d'ann6eson a fait denombreuses tentatives pour 1'introduire dans les eaux de la France. Rien encore cependant n'indique qu'il doiveprendre prochainement sa place dans la faune ichthyologique de notre pays. 46* HISTOIRE PARTICULltiRE DES POISSONS. LE GENRE TRUITE (TRUTTA, Nilsson) Qui fera comparaison des Truittes avec des Saumons, qui regardera aussi leurs parties tant du dedans que du dehors, leurs meurs 6 fac,on de viure, il verra clerement que Truittes sont Saumons de riuiere e de lac. Ainsi disait encore, en 1 558, Rondelet dans son Histoire entiere des Poissons, auec leurs pourtraits au naif. Apres ce qui a ete exprime relalivement aux caracteres ge- neriques des Saumons, on peut voir combien etaient justes les remarques faites par notre vieil ichthyologiste, il y a plus de trois siecles. Les Truites en effet, dont la bouche est aussi puissamment armee que celle des Saumons, ont la piece principale du vomer garnie d'une ou deux longues files de dents, qui persistent pour la plupart chez les vieux individus ; mais ce caractere a bien pen de valeur, carle Saumon commun dans son jeune Age a sur le vomer des dents disposees comme chez les Truites. II faut remarquer chez ces dernieres 1'opercule qui est depourvu de stries et coupe droit en arriere. Les Truites se trouvent a peu pres partout ou il y a des eaux limpides, et, selon les localites, selon 1'age des individus, ces animaux presentent des differences frappantes ; on a eie porte ainsi a croire a 1'existence d'esp6ces tres-nombreuses dans ce genre. Les etudes r^centes de plusieurs naturalistes ont conduit a faire reconnaitre beaucoup de ces especes pour de simples varietes. L'observation a amene la connaissance d'un fait impor- TRUITES. 465 taut pour 1'histoire des Truites. II a ete constate, que des indi- vidus places dans certaines conditions, encore imparfaitement determiners, demeurent steriles. Ges individus steriles dif- ferent assez par leur aspect des individus feconds, pour avoir ete consideres comme appartenant a des especesdistinctes. LA TRUITE DES LACS (TRUTTA LACUSTRIS l ) Dans plusieurs des grands lacs de 1'Europe, vit une belle espece de Truite qui acquiert souvent une forte taille, une Truite reputee excellente entre toutes ses congeneres. On 1'ap- pelle en France, en Suisse, comme en Allemagne, la Truite des lacs, et sur les marches de Paris et de Lyon, on la designe d'apr&s sa provenance ordinaire, sous le nom de Truite du lac de Geneve. Le corps de la Truite des lacs, plus long proportionnellement que chez la Truite commune, erst d'une 6paisseur remarquable et parait de la sorte presque cylindrique. Toujours d'une cou- leur assez claire chez cette espece, le dos a une teinte gris de perle plus ou moins foncee, passant legerement au bleuatre ou au verdatre ; les cotes sont d'une nuance grise fort pale, et i Salmo lacustris, Linne", Systema naturae, t. I, p. 510 ; 1766. Jurine, Hist, des Poissons du lacLeman, p. 158, pi. IV; 1825. Salmo Trutta et Salmo lemanus, Agassiz, Poissons de I' Europe centrale, pi. VII, VII" et VIII. Fario lemanus, Valenciennes, Hist. nat. des Poissons, t. XXI, p. 300 ; 1848. Fario Marsiylii, Heckel et Kner, Die Sfisswasserfisc/ie, etc., p. 267 ; 1858. Individus steriles. Sulmo Schiffermulleri, Bloch, part. Ill, p. 157, pi. 103. i Salar Schiffermiilleri, Valenciennes, p. 344. Salar Schiffermulleri et Salar lacustris, Heckel et Kner, p. 261 et 265. Individus feconds et individus steriles. Trutta lacustris, Siebold, Suss- wasserfische, p. 301 ; 1863. BLANCIIAKD. 30 466 HISTOIRE PARTICULIERE DES POISSONS. toutes les parties inferieures d'un blanc d'argent. De petites laches noires, tantot rondes, tantot anguleuses, sont dissemi- n6es sur 1'opercule et sur les cotes dans toute la longueur de 1 'animal. G'est seulement chez de jeunes individus, qu'on apenjoit de rares tacheseparsesd'unjaune orange. La nageoire dorsale d'une hauteur mediocre est grisatre et ornee de tres- petites marques noiratres. Les ecailles de la Truite des lacs, plus longues que celles de la Truite commune, ont leurs stries concentriques plus rap- prochees et plus re"gulieres. La t6te, chez cette espece, qui est a la t longueur du corps comme 1 est a 4,5, a le museau court et obtus, une petite fossette a la machoire sup6rieure dans laquelle s'engage le tubercule de la machoire inferieure, qui, m6me chez les males, n'offre jamais une courbe bien prononcee. La disposition des dents vomeriennes fournit un des caracteres les plus certains pour reconnaitre la Truite des Fig. 120. Dents vomeriennes de la Truite des lacs *. lacs, malgre quelques variations individuelles. Sur la piece an- te>ieure, ilyaquatre dents formant une rangee trans versale. Sur la piece principale, les dents sont disposers sur une seule 1 Le vomer, formant la voiite du palais, est represente garni de ses dents, tel qu'il se montre lorsqu'on ouvre la bouche de 1'animal. TRUITES. 467 serie en avant, et sur deux series plus on moins confuses en arriere. L'opercule, qui est assez large, a son bord posterieur coupe presque droit. La nageoire caudale est profondement divis6e chez les jeunes individus ; mats plus tot, a-t-on remarque, que chez la Truite commune, la division disparalt et la queue est alors terminee carr6ment. Chez la Truite des lacs, les individus steriles different beau- coup des individus feconds ; ils ont le corps plus comprim^ la- teralement, le museau plus effile, la bouche plus largement fendue, les couleurs de leur dos sont plus pales, les taches en general moins nombreuses et d'une teinte moins fonc6e. Les dimensions de la Truite des lacs sont souvent consi- derables ; on en prend quelquefois, dans le lacL6man, du poids de 15 a 18 kilogrammes. Mais ce sont des cas assez rares. Au moment de mes excursions sur le lac en 1862, il en^fut pris une qu'on me declara, constatation faite, 6tre du poids de22 ki- logrammes. Jurine en avait vu deux individus p6ches a des epoques differentes, 1'un pesant 17 kil ,622 et 1'autre 15 kil ,663. Si Ton pouvait s'en rapporter a des remits anciens, on aurait eu autrefois des Truites de 50 a 60 livres (24 kil ,475 a29 hil ,370). Les individus steriles n'atteignent jamais, beaucoup pres, la taille des individus feconds. Quand s'approche le temps de frayer, les Truites qui ont deja acquis un certain volume abandonnent les eaux des lacs et s'engagent dans les rivieres, qu'elles parais- sent remonter souvent jusqu'ade tres-grandes distances. G'est a partirde la fin de septembre que commence leur migration. Dans les derniers jours de septembre et au commencement d'octobre j'ai vu pe'cher des Truites des lacs en assez grand nombre dans la Draisse, petite riviere qui se dcharge dans le 468 HISTOIRE PARTICULIERE DES POISSONS. Leman, pres de Thonon. A Geneve, ou des nasses sont tendues a la sortie du Rhone, on observe aisement le moment des pas- sages qui sont connus sous les noms de descente et de remonte. A 1'epoque du frai, les Truites des lacs se parent de vives cou- leurs, et ces couleurs se modifient selon les cours d'eau dans lesquels penetrent ces Poissons, selon les hauteurs auxquelles ils parviennent dans les rivieres des montagnes. A leur retour dans les lacs, ils sont decolores et amaigris ; mais ils revien- nent bient6t a une meilleure condition, dans les eaux ou ils trouvent une nourriture abondante. LA TRUITE DE MER (TRUTTA ARGENTEA *) La Truite de mer, que Ton appelle aussi la Truite sau- mon6e, est un Poisson fort estime, vivant, comme le Saumon, d'une maniere alternative dans les eaux salees et dans les eaux douces. La Truite saumon6e a le corps long, arrondi sur les cotes, rappelant la forme du Saumon plus que celle de la Truite commune, surtout dans un ge avance. Un des caracteres de cette espece, c'est d'avoir la tete petite, proportionnellement a la longueur du corps. Quelques autres particularites faciles a saisir permettent encore de la distinguer assez surement de ses cong6neres : ainsi 1'opercule, dont le bord posterieur est coupe bien droit, a moins de largeur que chez la Truite commune, les 1 Salmo Trutta, Linn6, SysL naturce, t. I, p. 509 ; 1766. Yarrell, British Fishes, t. II, p. 36; 1836. Jardine, British Salmonida;, pi. XI, fig. { et 2 (jeune age); 1839. Fario argenteus, Valenciennes, Hist. not. dfs Poissons, t. XXI, p. 294, pi. tH6; 1848. Trutta Trutta, Siebold, Die Stiswasserfische von Mitteleuropa, p. 314 ; 18fi3. TRUITES. 469 ecailles sont plus grandes et les nageoires sont moins longues. On remarque surtout la brievete de la dorsale. Gependant lorsque la Truite de mer est jeune, il serait parfois ais6 de la confondre avec la Truite commune, si Ton ne portait atten- tion a 1'arrangement des dents du vomer ; sur la piece ante- rieure il y a ordinairement quatre dents, trois seulement dans Fig. 121. Dents vomeriennes de la Truite de mer. quelques cas ; sur la piece principale, on observe, en avant, les dents sur une rangee, en arriere sur deux rangees souvent assez irr^gulieres et pouvant se confondre plus ou moins en une seule. La Truite de mer est argentee sur les c6tes et ornee de pe- tites taches noires eparses et en nombre plus ou moins res- treint ; elle a le dos d'un gris bleuatre, les parties inferieures d'un blanc eclatant, ce qui la distingue an premier- coup d'ceil de la Truite commune. Sa nageoire dorsale, d'une teinte gri- satre comme la caudale, est mouchetee de noir. Vers 1'epoque du frai, la couleur bleue du dos devient plus vive. Mais la Truite de mer subit des changements comparables a ceux qui ont ete observes chez le Saumon. Avant d'avoir et6 a la mer, elles presentent des taches orangees sur les flancs ; de sorte 470 HISTOIRE PARTICULIERE DES POISSONS. que sa coloration se rapproche beaucoup de celle de la Truite commune, exeepte cependant surles parties inferieures. Obser- vee ainsi dans son jeune age , la Truite de mer a ete prise par plusieurs naturalistes comme une especeparticuliere (Salmo Gcedenii, Bloch). M. Lereboullet, le savant doyen dela Faculte TRUITES. 471 de Strasbourg, m'enafait parvenir des individus longs deO m ,15 aO m ,20, p6ches dansun petit affluent du Rhin, qui etaientre- marquables par la beaute de leurs couleurs. Le dos, d'un noir magnifique, presentait des reflets 6clatants d'un bleu d'acier. Une ponctuation noire s'etendait jusque sur le ventre ; des ta- ches d'un noir intense se deiachaient sur la teinte fonc6e des parties laterales superieures, et deux ou trois rangees fort irre- gulieres de taches orangees parfaitement rondes couraient au- dessus et au-dessous de la ligne laterale ; les nageoires inf6- rieures etaient sablees de noir. La Truite de mer ou Truite saumonee, moins bien etu- diee que le Saumon , parait avoir des habitudes tres-analogues a celles de ce dernier. Elle nait dans les rivieres ; parvenue a une certaine taille, elle descend a la mer et remonte ensuite les eaux donees pour yfrayer. Quelquesauteursl'ontdonnee comme habi- tant aussi des lacs sans communication avec la mer, mais, selon toute apparence, il y a eu de leur part une confusion d'especes. La Truite saumonee, assure-t-on, sejourne dans les eaux douces plus longtemps que le Saumon : elle fraye du mois de septembre a la fin de novembre. Ge Poisson, 1'un des plus estimes pour la table, dont la chair a une teinte rose, la couleur saumonee, atteint une assez forte taille. On en voit frequemment des individus, sur les marches, du poids de 4 a 5 kilogrammes, et il s'en trouve qui arrivent au poids de 12 a 15 kilogrammes. La Truite saumonee se p6che principalement dans les eaux de nos departements de 1'Est, le Rhin, I'lll, la Moselle, la Meuse et leurs affluents, etd'autre part dans la Loire etsestributaires l . 1 M. Valenciennes (Histoire naturdle des Poissons, t. XXf, p. 338) a rap- 472 HISTOIRE PARTICULIERE DES POISSONS. LA TRUITE COMMUNE (TRCTTA FARIO ') La Truite ordinaire, repandue en Europe d'une maniere an moins aussi generale que la Perche, se trouve dans presque toutes les parties de la France ; elle est la grande tentation des pe"cheurs a la ligne, qui ont facilement acces pres de ces rivieres aux eaux courantes et limpides ou se plait le Poisson pare de Fig. 123. La Truite commune (Trutta fario} . taches rouges et noires bien connu de tout le monde. La belle capture, en effet, qu'une Truite de forte taille qui, servie sur la port6 au Salmo ferox de Jardinc, qui est une Truite des lacs du Sutherland, peut-6tre une simple variete de notre Traite des lacs, des Truites du Fo- rez, dont la mtichoire inferieure est courbee comme chez les Saurnons becards. Je n'ai pu trouver aucun caractere particulier a ces Truites. A mes yeux, ce sont e"videmment des males de la Truite de mer, dont la conformation des mAchoires est tres-analogue a celle des machoires de beaucoup de Saumons mAles. 1 Salmo fario, Linne, Systema natarw, I. I, p. 509 ; 1766. Agassiz, Poissons de I'Europe centrale, pi. 3 a 5. Salar Ausonii, Valenciennes, Hist. not. des Poissons, t. XXI, p. 319, pi. 618 ; 1848. Heckel et Kner, Die Susswasserfische, etc., p. '248 ; 1858. Trulta fario, Siebold, DieSuss- wasserfische von Milteleuropa, p. 319 ; 18H3. BLANC HARD, Les Poissons. PI. XV, p. 472. Paris, J.-B. Bailliere ct Fils, <5dit. PECHE DE LA TRUITE GPA?IDE'TENTATION DBS PECHEURS A LA LIGNE. Corbeil, Cr6W, imp. Les Poissons. PI. XVI, p. 472. Paris, J.-B. Bailliere et Fils, edit. LA PECHE DE LA TRUIT,ET' . . LA BELLE -CAP TURK K N EFFET QU'UNE TRUtTE DE FOIITI TAILLE... TRUITES. 473 table, fera les delices des convives. II n'est personne, sans doute, qui n'ait vu quelque amateur de p6che bien joyeux a la pensee de 1'apparition prochaine de la mouche de mai, 1'appat, par excellence, pour la Truite. La Truite commune est m6diocrement allonge"e et com- primee lateralement. Une certaine hauteur et 1'aplatissement des flancs permettent m6me de distinguer, a la premiere ins- pection, 1'espece parmi ses conge" neres. II est utile n6anmoins de consid^rer avec attention des caracteres plus precis pour etre certain de ne pas se meprendre. La Truite commune a une coloration d'un aspect toujours agreable, coloration qui varie infiniment sous le rapport de 1'in- tensite, sous le rapport des nuances, sous le rapport, aussi, du nombre et de la vivacite destaches. En general, une teinte d'un vert olivatre s'etendsur toutes les regions superieures, etcette teinte affaiblie et plus jaunatre regne sur les cotes, tandis que les parties inferieures sont d'un jaune clair brillant commele laiton. Des taches noires, plus ou moins arrondies, se trouvent diss6minees sur la region dorsale, sur les opercules, sur la na- geoire du dos, et, d'autre part, des taches rondes d'un rouge orange^ souvent circonscrites par un cercle pale on bleuatre, or- nentles flancs au-dessus et au-dessous de la ligne laterale. Les nageoires infe"rieures etla nageoirecaudale sont ordinairement jaunsitres, plusou moins sablees de noir, etbordees.d'une ligne de la m6me couleur. Mais, nous le r6pe"tons, ces couleurs, ces taches, sont infiniment variables selon I'age et beaucoup plus encore selon les localites. Les individus des ruisseaux des Al- pes se font habituellement remarquer par leur teinte noire re- pandued'une maniereg6nerale. Chez lesTruites qui habitentles lacs et les ruisseaux des hautes Vosges, le .plus souvent, le dos 474 H1ST01RE PARTICULIERE UES POISSONS. est d'un bleu d'acier, les taches noires rondes sont eparses sur les cot6s, de larges taches transversales bleuatres occupent le milieu des flancs, traversees par la ligne laterale, et entre ces taches sombres on remarque une ou plusieurs taches rouges. Dans plusieurs localites on trouve les Truites tres-pales. La plupart des individus de nos departements meridionaux que j'ai eu 1'occasion d'examiner, ceux, par exemple, de la Durance et de la Sorgue, des affluents du Lot et de la haute Garonne, avedent le dos gris bleuatre ou verdatre assez clair, les taches noires tres-petites, les taches rouges laterales ayant souvent 1'apparence de gros points, parfois manquant absolument. L'ab- sence de taches rouges se manifeste du reste sur les Truites dans une foule de circonstances. Tout le corps, chez la Truite commune, est couvert de petites 6cailles qui, observers a la vue simple, ne different pas sensi- blement de celles des autres Truites, mais detachees, on con- Fig. 124. Ecaille de la Truite commune, tres-grossie. state, a 1'aide d'un grossissement, que leur forme est plus oblongue que chez les autres especes, leurs stries plus espacees sur la portion d6couverte. La t6te est epaisse, a\ec le museau large et obtus, 1'ceil grand ; les dents vomeriennes formant d'ordinaire, an nbmbre de trois, quelquefois au nombre de quatre, une petite rangee transver- sale sur la piece anterieure, et disposees sur deux series dans TRLITES. 475 toute la longueur du corps de 1'os. Ges dents varienta quelques egards sous le rapport du n ombre et surtout du rapprochement des deux series, mais, comme leurs variations sont d'un ordre Fig. 125. Dents vome'runnes de la Truite commune. tres-secondaire, elles fournissent peut-etre le caractere le plus certain pour distinguer, en toute occasion, la Truite commune de ses congeneres. L'opercule estlong et habituellement assez etroit, surtout asa partie sup6rieure ; cependant il y a, a cet egard, des differences individuellesremarquables. DesTruites p6cheesdans les petites rivieres du departement de la Seine-Inferieure, la Lezarde, la Gournay, que j'ai eu 1'occasion d'observeren assez grand nom- bre, avaient 1'opercule beaucoup plus large que presque tous les individus que j'avais examines sur divers points de la France ; la probabilite d'une difference specifique s'etait presentee a mon esprit; mais il fut impossible de trouver, chez les Truites k opercule large, aucun autre caractere propre a les distinguer des Truites ci opercule etroit et, en comparant des individus de toutes provenances, toutes les nuances dans la largeur de 1'o- percule se sont offertes. Ge n'etait done qu'une particularite sans importance. Sous le nom de Truite de Baillon (Salar Bail- loni), M. Valenciennes a demerit une Truite pe"chee dans la 476 HISTOIRK PARTICULlfeRK DES POISSONS. Somme *, qu'il a regardee comme etant d'ime espece distincte pouvant 6tre venue des mers du Nord. Nous avons examine avec le plus grand soin les individus etiquetes par M. Valen- ciennes, sans pouvoir y reconnaitre autre chose que des Truites ordinaires. II n'est pasde Poisson, peut-etre, qui semodifie avec plusde facilite que la Truite commune, selon la nature du milieu dans lequel il se trouve. Les eaux, les herbages, le fond,l'alimentation, exercent une influence marquee, non-seulement sur la colora- tion, mais aussi sur la taille, a quelques egards sur les formes, beaucoup sur la teinte de la chair. On ne saurait conserver au- cun doute sur ce point, car des Truites de certaines rivieres, offrant un aspect bien particulier, ne.tardent pas a se modifier lorsqu'elles sont introduces dans d'autres rivieres. L'effet est facile a constater, les causes encore impossibles a preciser. Per- sonne jusqu'a present n'a reussi a_ 6tablir d'une maniere satis- faisante par quelle cause les Truites ont dans telles localites, la chair blanche, ailleurs, de la couleur dite saumonee. M. Goste seulement a observe que cette teinte se transmettait des femelles a leurs 03ufs 2 . Nous considerons des Truites du poids d'un kilogramme comme d'assez beaux Poissons ; ce qui est bien peu de chose pour des Truites ; mais les individus de cinq, six, dix kilogram- mes sont fort rares aujourd'hui. Gependant un meunier du departement de 1'Eure, M. Prunier, habitant de Lorey, aurait pris dans 1'Eure, en octobre!862, m'assure-t-on, deux Truites vraiment magnifiques, pesant 1'une plus de 12 kilogrammes, 1 Hist. not. des Poissons, t. XXI, p. 342. 4 Comptes rendus de I' Academic des sciences, t. L, p. 101 1-1012 ; 1860 TRUITES. 477 1'autre 9 kilogrammes. La plus belle a figure avec eclat sur la table de 1'un de nos riches financiers 4 . La Truite est d'une extreme vorticite, elle est partieulierement avide de vers et d'insectes; mais elle s'attaque egalement a line infinite de Poissons et surtout a leur frai. On affirme que dans les rivieres ou viennent pondre les Saumons les Truites de- truisent une grande quantite d'oeufs de ces Poissons. Dans les petits ruisseaux pierreux., clairs et rapides, ou Ton voit des lar- ves d'insectes ou de ces vers que Ton nomme des Planaires, une recherche attentive y fait presque toil jours decouvrir de jeunes Truites. Les Truites commencent a frayer des le mois d'octobre. En novembre et d6cembre est leur plus grande activite qui ne s'ar- r6te pas, du reste, avant le mois de fevrier. Ges Poissons creu- sent des cavites a la maniere des Saumons, et y cachent leur ponte dans les graviers. Leurs ceufs sont assez gros, comme ceux de la plupart des Salrnonides. La duree de I'incubation varie de quarante a soixante jours. La vesicule vitelline des nou- veau-nes est resorbee dans 1'espace de trois a cinq semaines, et les alevins grandissent ensuite avec plus ou moins de rapidite, selon les conditions qui leur sontoffertes. A cet egard, une expe- rience assez curieuse d'un amateur anglais, M. Stoddart, merite d'etre rapportee. De jeunes Truites furent placees dans trojs bas- sins diflerents ; 1'un fut approvisionne uniquement avec des vers, Tautre avec des vairons, le troisieme avec des mouches. Les Truites nourries exclusivement avec des insectes ailes devinrent dans le meme temps deux fois plus grosses que les autres; les individus nourris avec des vairons eurent 1'avantage sur ceux 1 D'aprs les notes de M. Millet. 478 HIST01RE PARTlCULltiRE DBS P01SSONS. qui avaient ete alimentes avec des vers ou des larves. Tons les amateurs de p6che savent, au reste, combien les Truites se montrent avides des insectes qui volent pres de la surface de 1'eau. Dans la belle saison, c'est plaisir de voir ces Poissons sauter pour happer au passage les insectes ailes. Pendant la premiere ann6e, les Truites- comme les jeunes Saumons ou les Parrs ont des bandes transversales bien mar- qu6es. Gette livree du premier ftge se modifie dans le cours de la seconde ann6e. La presence d'individus st6riles de la Truite commune a 6t6 assez fr6quemment constat6e, surtout par les naturalistes de 1'Allemagne. Les organes de la reproduction chez ces individus semblent etre atrophies ; les oeufs y demeurent a pen pres de la grosseur de grains de millet. LA FAMILLE DES CLUPEIDES (CLUPEIDJE) Les Glupeides sont tous des Poissons de mer. Quelques es- peces, appartenant a un m6me genre, sont les seuls repr^sen- tants de cette famille de Poissons, qui entrent periodiquement dans les fleuves comme les Saumons. Les principaux types de la famille des Glupeides, les Sardines, les Anchois, et surtout les Harengs, ont, comme chacun le sait, une importance enorme au point de vue des p6ches maritimes. Les Aloses, les seuls Glupeides qui remontent les fleuves et les rivieres, ont donne lieu autrefois a des p6ches considerables, mais la diminution qui a atteint tons les Poissons migrateurs n'a pas 6pargne les Aloses. Les Glupeides ont des ressemblances de conformation g6ne- rale avec les Salmonides, pourtant il n'arrive a personne de faire BLANCHARD, Les Poissom. PI. XVIII, p. 478. Paris, J.-B. Bailliere et Fils, gdit. Corbeil, Cr6t6, imp. LA PECHE DE LA TRUITE TOUS LES AMATEURS DE PECHE SAVENT All RESTE COMBIEN LES TRUITES SE MONTRENT AVIDES DES INSECTES. ALOSES. 479 une confusion entre ces animaux. Les Glupeides n'ont pas de nageoire adipeuse en arriere de la nageoire dorsale. Leur corps est couvert de grandes ecailles minces; le bord de leur mcl- choire superieure est constitue, au milieu par les intermaxillai- res, sur les cotes par les maxillaires ; leurs ou'ies sont tres-large- mentoirvertes. Chez ces Poissons, 1'intestin est pourvu de nombreux ap- pendices pyloriques ; la vessie natatoire est simple. LE GENRE ALOSE (ALOSA, Cuvier) Les Aloses, entre tous les Glupeides, sont caracteris6es par leur corps comprime lateralement, par leur carene ventrale, en- tre les nageoires ventrales et la nageoire caudale, dentelee en maniere de scie ; par leur bouche, dont les intermaxillaires se- Fig. 126. Carene ventrale de 1'Alose commune, vue du cote droit. pares 1'un de 1'autrepar un assez grand intervalle, sont garnis, comme les maxillaires, de dents tres-fines, dont la nietchoire in- ferieure, les palatins, le vomer, la langue, sontentierement de- pourvus de dents. Deux especes du genre Alose" remontent chaque annee'nos cours d'eau etse portent a d'immenses distances des c6tes. 480 HISTOIRE PARTICULIERE DES POISSONS. L'ALOSE COMMUNE (ALOSA VULGABIS J ) L'Alose commune, YAlosaou des Provengaux, habile toutes les mers qui baignent les cotes d'Europe ; elle fait son appari- tion dans nos fleuves et dans nos rivieres au printemps, vers le mois de mai, d'ou le nom vulgaire Maifisch Poisson de mai que lui donnentles Allemands. L'Alose a le corps assez eleve et comprime lateralement, avec Fig. 127. L'Alose commune (Alosa vulgaris). des nageoires petites relativement & son volume, des ecailles de dimensions inegales, irregulierement festonnees sur leur bord. Elle se fait remarquer par sa bouche fendue jusqu'en arriere des yeux avec les machoires garnies de dents fines et serrees, par ses yeux couverts en avant et en arriere d'un voile cartilagineux en forme de demi-lune et surtout par ses arcs branchiaux garnis de tres-nombreuses epines ou lamelles : > Clupea alosa, Linn, Syst. nut., t. 1, p. 523 ; 1706. Alosa vulgaris, Cuvier, Regne animal, t. II, p. 319; 1829. Alosa communis, Yarrell, British Fishes, t. II, p. 21 3 ; 1836. Alosa vulgar is, Valenciennes, Hist, nat. des Poissoni, t. XX, p. 391, pi. 604 ; 1847. Siebold, Die Susswas- serfischevon Mitteleuropa, p. 328 ; 1863. ALOSES, 481 99 a 118 surle premier arc branchial, 96 a 112 sur le second, 74 a 88 sur le troisieme, 06 a 65 sur le quatrieme. L'Alose commune est d'une teinte generate argent^e avec le dos verdatre et une ou deux taches noires en arriere des oui'es. Elle atteint une assez forte taille et uu poids qui peut aller jus- qu'a 2 ou 3 kilogrammes. Ge Poisson qui jouit de quelque estime de la part des con- sommateurs, fait son apparition au printemps dans la plupart de nos cours d'eau et remonte a des distances enormes des co- tes. On \oit les Aloses penetrer dans tous les affluents du Rhone, remontant 1'Isere au-dessus de Grenoble, arriver dans la Saone jusqu'a Gray. Dans les fleuves qui tombent a 1'Ocean , la Gironde, la Loire, les Aloses se montrent aussi en grande abondance, et elles s'engagent de meme dans tous leurs affluents. Nous ne savons presque rien encore de leurs habitudes. L'ALOSE FIINTE (ALOSA FINTA ') Cetteespece ressemblea. tel point al'Alose commune, qu'elle a ete confondue avec cette derniere par beaucoup de natura- listes et meme par M. Valenciennes. Guvier cependant , le premier, sut etablir une distinction, en reconnaissant chez la Finte une forme plus allongee que chez 1'Alose commune, des dents plus fortes aux deux machoires et cinq ou six taches noires le long des flancs qui n'existent pas chez la premiere. 1 Alosa Finta, Cuvier, Regne animal, t. II, p. 320; 1829. T- Yarrell, British Fishes, t. II; 1836. Troschel, Wicgmanris ArcJiiv fur Naturye- schichte, 1852, t. I, p. 223. Siebold, Die Susswasserfische von Mitteleu- ropa, p. 332; 1863. Alosa vulgaris, Valenciennes, Hist. nat. des Pois- sons, t. XX, p. 39i ; 1847. BLANCHARD. 31 482 H1STOIRE PARTICULIERE DES POISSONS. Ges caracteres avaient semble de peu de valeur, mais M. Tros- chel, un professeurde 1'Universite de Bonn, a reconnu entre la Finte et 1'Alose commune, une difference d'une telle importance, qu'il est devenu impossible de considerer 1'une comme une va- riete de 1'autre. Chez la Finte, les arcs branchiaux portent un nombre de lamelles bien moins considerable que chez 1'Alose commune; il y eri a seulement de 39 a 43 sur les deux premiers, de 33 a 34 sur le troisieme, de 23 a 27 sur le quatrieme. La Finte ne parait dans les rivieres que quelques semaines apres 1'Alose commune. LA FAMILLE DES ESOCIDES (ESOCIDJE) ~ Les Esocides composent une famille dont le Brochet, 1'uni- que representant dans les eaux douces de TEurope, doit etre considers" comme le type. Ces Poissons ont le bord de la metchoire superieure forme au milieu par les intermaxillaires qui sont pourvus de dents, sur les cotes par les maxillaires ou il n'y en a aucune. Us ont une seule nageoire dorsale, et les omes tres-largement fendues. LE GENRE BROCHET (ESOX, Linne) Un corps allonge, arrondi sur le dos, couvert d'6cailles de moyenne dimension ; une t6te large et aplatie ; une bouche . tres-largement fendue avec le palais herisse de dents tres-nom- breuses; unemchoire inferieure garnie de tres-grosses dents BROCHET. 483 espacees ; une nageoire dorsale situee tres en arriere, consti- tuent les principaux caracteres du genre Brochet. Ce genre n'est repr6sent6 en Europe que par une seule es- pece * . LE BROCHET COMMUN (ESOX LUCIUS 2 ) De tons les 6tres qui forment la population des eaux douces de 1'Europe, il n'en est aucun dont la reputation de voracit6 et meme de ferocite soit mieux etablie quecelle du Brochet. Une comparaison exprime, a cet egard, le sentiment populaire : le Brochet, dit-on, est le Reqnin des eaux douces. Si la physio- nomie de certains Crocodiles avait e"te" des longtemps familiere aux habitants de 1'Europe, on n'aurait pas manque de trouver de ce cote le motif d'une image. Lorsqu'a e" te" decouverte aux rives du Meschacebe une espece particuliere de Crocodile, un Caiman, on a ete frappe de 1'analogie que presentait le museau de ce Crocodile, large et aplati comme une spatule, avec celui du Brochet, et le redoutable animal de la Louisiane a e'te' nomm6 le Caiman a museau de Brochet (Alligator Indus). Les personnes ayant 1'idee que les etres les plus mauvais sont ceux qui croissent avec la plus grande facility, qui prospe- rentlemieuxentoutescirconstanceSjSerontparfaitementfondees a prendre le Brochet comme exemple. Le vorace Poisson s'ac- 1 Plusieurs esp6ces voisines se trouvent dans les eaux douces de l'Am6rique du Nord. * Esox lucim, Linne", Syst. nat., t. I, p. SI 6, J766. -^Jurine, Hist, des Poissonsdu lac Ltman, p. 230, pi. 15; 1825.-^- Yarrell, British Fishes, 1. 1, p. 404 ; 1836. Valenciennes, Hist. nat. des Poissons, t. XXIII, p. 279-; 1846. Heckel et Kner, Die Susswasserfische, etc., p. 287 ; 1858. Siebold, Die Susswasserfische von Mitteleuropa, p. 325 ; 1863. 484 HISTOIRE PARTICULARS DBS POISSONS. commode de tous les climats, des eaux de toute nature, de la plaine ou de la montagne. Le Brochet abonde particulierement Fig. 128. Le Brochet commun. sous les froids climats de la Scandinavie, de la Russie, de la Siberie, il est fort commun dans 1'Europe centrale, un pen BROCKET. 485 moins peut-6tre dans 1'Europe meridionale, mais on le trouve en Asie jusque vers les parties centrales de ce continent. Le Brocket vit dans les 6tangs vaseux, ou il extermine a profusion les-Garpes et les autres Gyprinides; il parcourt les fleuves et les rivieres comme un bandit acharne a la poursuite de tout ce qui pent etre atteint ; il erro dans les grands lacs aux eaux bleues et limpides, ou il engloutit dans sa vaste gueule, les Goregones k la chair delicate, les Truites an vehement mou- chete\ Plus d'un pecheur et d'un baigneur a rec,u, nous assure- t-on, les atteintes de ses dents redoutables. Le nom du Brochet est connu dans la France entiere et dans tons les pays de langue franchise. On assure que ce nom, mo- difie en Branches chez les Provengaux, vient de la forme du corps de 1'animal, qui ressemble assez a une brochette, si on 1'exa- mine de profil. Les jeunes individus sont appe!6s tantot Broche- tons, lantot Lancer ons , Aignillons, Poignards, toujours des allusions a la forme du corps. Les nomsde Becquet, de Becot, de Bec-de-canard, de Bec-de-canne sont employes egalement dans diverses localites, et ici, Ton comprend que c'est la confi- guration du museau qui a semble la particularity la plus frap- pante. Dans la plupart des idiomes Grangers, la puissance et 1'acui'te des dents du Poisson, paraissent surtout avoir determine les designations vulgaires. ~. ' La denomination du Brochet en France, dans les anciens temps, 6tait Lucius, nom de forme latine duquel sont derives chez nous lesnoms de Luce et de Lucie, etchez les Italiens, ceux de Luccio et de Luzzo : il est merveilleux de voir comme le Brochet a figure souvent dans les anciennes armoiries. Gelui qui faisait figurer des Brochetsdans son blason voulait 6videm- ment donner a croire, que lui aussi etait un terrible person- 486 HISTOIRE PARTlCULlfeRE DES POISSONS. nage, capable de mordre vigoureusement. On s'est mis bien fort en frais d'imagination pour trouver 1'etymologie de ce mot Lucius. On a cru 1'avoir rencontr6e dans le mot grec Lukos (Lupus , Loup), parce que le Brochet est un veritable loup pour les autres Poissons (Lupus piscis). C'est dans le poe'me d'Ausone que se trouvela premiere men- tion precise du Brochet, et ce qui pent e" tre note en faveur du bon gout du chantre de la Moselle, c'est son detain pour le vorace Poisson. II s'agit ici d'un animal si parfaitement connu qu'une des- cription minutieuse de ses caracteres n'est pas bien necessaire. II suffira de rappeler ses traits les plus remarquables. Le Brochet a le corps long, presque aussi e"leve pres de la nageoire caudale que vers la partie ante"rieure ; de la sorte, le dos vu de profil, offre une ligne qui s'eUoigne peu de la ligne droite. La tele fortement aplatie se prolonge en un large mu- seau en forme de spatule. La machoire inferieure depasse nota- blement la machoire sup6rieure. La gueule, extre'mement vaste, est fendue jusqu'a la hauteur de 1'oeil, et les dents qui la'garnissent sont tres-diversement conformed. Aux intermaxillaires et au palais, ce .sont de tres- fortes dents entrem616es avec de plus petites; au vomer et a la langue de fines dents en brosse ou en.carde; a la machoire in- f6rieure de grandes dents coniques, un peu courbees en arriere et de grosseur in6gale. Les 6cailles du Brochet, en grande partie enveloppees par la peau, sont assez petites, aussi n'en compte-t-on pas moins de cent vingt a cent trente dans la plus grande longueur du corps, et vingt-cinq a trente rang6es dans sa hauteur. Ges ecailles de- tach^es et observes sous un grossissement, paraissent extr6- BROCHET. 487 mement jolies ; elles oflrent une certaine ressemblance par la forme avec celles des Perches, ressemblance tres-frappantemal- gr6 1'absence de toute deritelure au bord exterieur qui est ar- rondi. Elles ont leur bord basilairerpartage en quatre ou cinq larges festons, leurs stries concentriques partout serrees et re- gulieres, et elles ne presenteut ni sillons ni canalicules. Un fait singulier de 1'ecaillure du Brochet, c'est que plusieurs des ecailles de la ligne laterale qui court en droite ligne, manquent de conduit dela mucosit6 et que des ecailles ayant ce conduit, et ainsi le caractere ordinaire des ecailles de la ligne laterale, se trouvent disseminees au-dessus ou au-dessous de cette ligne, ou les conduits muqueux font toujours defaut chez les autres Poissons. La nageoire dorsale, situee tres en arriere, presque exacte- ment au-dessus de 1'anale , a 7 ou 8 rayons simples et 13 a 15 branchus ; les nageoires pectorales , qui sont petites, ont 15 ou 16 rayons dont un simple, les ventrales 9 ou 10, 1'anale 17 ou 18 avec les premiers simples; la caudale , qui est completement divisee dans le milieu, en a 19. Le Brochet est d'un vert grisatre avec le dos plus fonce, les c6tes plus clairs et plus jaimes, le ventre blanchatre, plus ou moins pointille de noiratre. Sur les cotes se dessinent, d'une maniere assez variable, des bandes transversales ou des marbrures oliva- tres, tres-irregulieres. Chez les individus qui ont vecu dans des eaux limpides, la coloration a une remarquable vivacit6 ; elle est sombre, au contraire, chez les individus qui ont sejourne dans des eaux vaseuses. Le Brochet, comme chacun le sait, parvient a nne taille con- siderable. Les individus du poids de 10 a 15 kilogrammes ne sont pas tres-rares ; on en cite du poids de20 a 25 kilogrammes, 488 HISTOIRE PARTICULltiRE DBS POISSONS. seulement, ceux-la doivent 6tre peu communs. Le Brochet se trouvant dans les conditions les plus favorables a son develop- pement dans les pays froids, ce Poisson atteindrait frequem- ment, assure-t-on, la longueur d'un metre a un metre et demi dans les eaux de la Norwege, de la Suede, de la Siberie. On a parle de Brochets ayant des dimensions bien autrement prodi- gieuses, et le poids enorme de 50 a 75 kilogrammes, mais il est toujours n^cessairede faire la part des exagerations. Les Brochets frayent pendant les mois de mars et d'avril ; quelquefois des la seconde quinzaine de fevrier, recherchant alors les endroitsles mieux abrites et les plus solitaires, les eaux tranquilles et pcu profondes ; les femelles laissent echapper leurs oeufs en se frottant le ventre sur les plantes aquatiques et merne sur la vase. La croissance du Brochet est rapide, mais cette rapide crois- sance a et6 fort diversement determinee, par la raison simple, qu'elle est en rapport avec 1'abondance de la nourriture. Ejans tous les cas, la valeur des Brochets est loin d'egaler celle de la masse de poissons qu'il devore en un court espace de temps. Des pe'cheurs affirment qu'un Brochet doit consommer en une semaine au moins deux fois son propre poids. D'autres esti- ment que cette consommation peut 6tre, en un seuljour, 6qui- valente a son poids. Un auteur anglais rapporte que huit Bro- chetons (d'environ 5 livres anglaises chacun), d^vorerent huit cents Goujonsen trois semaines etque 1'und'eux semblait in- satiable. On peut croire qu'un Brochet, ayant plusieurs annees d'exis- tence, et parvenu au poids de 8 a 10 kilogrammes, n'est arriv6 a ce developpement, qu'aprfes avoir depeupl^ les eaux d'une quantity de Poissons qui formerait une masse de plusieurs cen- BLANCHARD, Les Poissons. PI. XIX, p. 489. Paris, J.-B. Bailliere et Fils, 6dit. Corbeil, CnHe, imp. LE BROCKET UN TEL CALCUL CONDUIT A FAIRE REGARDER LA PRESENCE DU BROCHET BANS LES LACS ET LES RIVIERES COMUE UN VERITABLE FLEAU. ANGUILLES. 489 taines de kilogrammes. Un tel calcul conduit simplement a faire regarder la presence du Brochet dans les lacs et les rivieres comme un \6ritable fleau. Les p^cheurs en general pensent quc la vie du Brochet ne se prolonge pas au dela d'une dizaine d'annees. Nous n'avons, du reste, aucune certitude a cet egard. Une extreme longevite a ete souvent attribuee a ce Poisson. On aurait peche dans la Meuse,en 1610, un Brochet muni d'un anneau de cuivre por- tant la date de 1448, etcombien de fois a-t-on cite la pretendue histoire, rapportee par Gesner, du Brochet du lacde Kayserweg, Age de 267 ans, ainsi qu'on en put juger par 1'anneau dont il etait pourvu, ou s'est trouvee gravee une inscription en langue grecque, dont la signification etait : Je suis le Poisson quile pre- mier a et6 mis dans ce lac par les mains du maitre de 1'univers, Frederic II, le 5 octobre 1230. Le Brochet etait fort dedaigne chez les Romains. On le p6- chait en abondance dans les marais de l'Etrurie,ouil contractait un gout de vase qui contribuail a lui oter toute estime de la part des mattres du monde, fort enclins d'ailleurs a priser avant tout lesobjets rares. An moyen age, le Brochet 6tait tres-commun en France, tandis qu'en Angleterre, il etait assez peu repandu pour qu'on lui attribuat un prix fort eleve, une valeur bien superieure a celle du Saumon. LA FAMILLE DES MURENIDES (MUR^ENID^E) Les Murenides, representes dans nos eaux douces paries An- guilles seules, sont des Poissons chez lesquels manquent les nageoires ventrales, c'est-a-dire les membres posterieurs. Us 490 HISTOIHE PARTICULIERE DES POISSONS. appartenaient, pour Guvier, a cet ordre qu'il a designe sous le nom expressif de Malacopterygiens apodes. Les Murenides ont encore d'autres caracteres communs. Leur corps, d'une forme allongee, commecelui des serpents, est con- vert d'une peau epaisse,visqueuse,oii Ton aperc.oit difficilement de tres-petites ecailles ; le bord de leur mctchoire sup6rieure n'est form6 que par les intermaxillaires, les os maxillaires etant atrophies ; leur epaule est ecartee de la tete et suspendue a la colonne vertebrale ; leur estomac presente la forme d'un sac al- longe ; leur vessie natatoire est simple. LE GENRE ANGUILLE (ANGUILLA, Tltunberg] Nous enregistrons le genre Anguille, et dans toute histoire des Poissons, il serait impossible de ne pas 1'enregistrer. Gepen- dant nous sommes persuade qu'il disparaitra un jour, comme a deja disparu, dans 1'ordre des Gyclostomes, le genre Ammo- cete. Tout ce qui a ete formule d'opinions, ecrit de dissertations, a propos de la generation des Anguilles, est incalculable et en- tierement prive d'inter^t, en 1'absence d'observations serieuses. Si les Anguilles ont ete regardees comme vivipares, c'est par des personnes qui avaient trouve dans le corps de ces Poissons, des vers allonges, ang nil li formes, connus sous le nom de Filaires. Des observateurs ont pense reconnaitre chez quelques Anguilles des organes de reproduction, mais c'etaientdesorganes fort pen developpes et comme on les trouve chez les animaux qui sont loin encore de 1'etat adulte. Les Anguilles sont certainement des larves ; ce sont des 6tres ANGUILLES. 491 incapables de se reproduire , des etres qui doivent subir des changements avant de satisfaire a la loi de la reproduction. Quelle est la forme adulte des Anguilles? c'est ce qu'on ne peut affirmer; c'est ce que Ton n'ose memeguere soupgonner ; car, si certaines analogies sembleat, d'un cote, offrir quelque pro- babilite, des differences de telle nature, d'un autre cote, parais- sent devoir eloigner 1'idee d'un rapprochement. L'opinion que les Anguilles se metamorphosent en Anguilles de mer s'est presentee a 1'esprit de plusieurs personnes. Yarrell Fa repoussee en ces termes : La pensee que les Anguilles de rivieres, se rendant a la mer, y restent et deviennent des Congres, reclame a peine une remarque serieuse. Le plus grand nombre de vertebres trouve chez nos An- guilles d'eau douce est de 1 1 6 ; chez le Gong-re, il y en a 1 56 * . Mais les metamorphoses des animaux ont cause souvent deja de si grandes surprises 1 En 1'etat actuel, les naturalistes distinguent le genre des An- guilles des autres genres de la famille des Murenides, surtout par les nageoires, dorsale et caudale, prolongees autour de la queue et y formant une caudale pointue. Les Anguilles ont les opercules petits, les ou'ies tres-peu fendues; la bouche garnie de petites dents en carde. L'ANGUILLE COMMUNE (ANGUILLA VULGARIS 2 ) >?,' L'Anguille est un Poisson si bien connu de tout le monde, qu'il n'est pas n6cessaire d'en faire une longue description. 1 History of British Fishes, t. II, p. 307. 2 Murcena angnilla, Linn6, Systema naturce, t. I, p. 420 ; 1766. Ju- 492 HIST01KK PARTICULARS DES POISSONS. L'Anguille se troirve a peu pres dans toutes nos eaux douces, Fig. 129. L'Anguille commune, d'apres uri individu de la Seine (A. mediorostris). Tine, Hist, des Poissons du lac. Leman, pi. I; 1825. Anguilla vulgaris, Yarrell, Hist, of British Fishes, t. H, p. 381 ; 1830. Gunther, Die Fische de< Neckars, p. 128; 1853. Siebold, Die Sutswasserfische von Mitteleuropa, p. 342 ; 1863. ANGUILLES. 493 courantes et stagnantes ; on la voitainsi partout en Europe, ex- cepte dans les cours d'eau qui se deversent dans la mer Noire ou dans la mer d'Azoff; son absence, dans le Danube, a etc" cons- tate"e par un grand nombre de naturalistes, a commencer par Al- bert le Grand. UnPoisson que Ton rencontre sous tantde climats divers et dans les conditions les plus dissemblables, doit ne"ces- sairement varier beaucoup, au moins sous le rapport de la colo- ration. Les Anguilles que 1'onprend dans les eaux limpides , comme les rivieres bien courantes, les lacs de la Savoie, sont ordinairement d'un beau vert fonce a reflets metalliques, quel- quefois bleuatre, avec les parties inferieures blanchatres. Au contraire, celles qui ont ve"cu dans des eaux boiirbeuses sont, ou d'un brun jaunatre, ou d'un noir obscur. A cet egard, on observe toutes les nuances imaginables. Ce serait pen de chose que ces variations de couleur dont les Poissons nous offrent une foule d'exemples. Mais les Anguilles presentent des differences dans les formes, et Ton peut dire dans les caracteres, qui sont de nature a laisser les naturalistes dans le plus grand embarras. Chaque forme observee parmi les Anguilles se rencontre indistinctement dans toutes les regions, dans toutes les eaux, qu'elles communiquent avec la mer du Nord, avec I'Oce'an ou la Mediterranee; Les diverses formes qu'affectent les Anguilles sont assez constantes ; elles sont connues des pecheurs et elles ont recii d'eux des noms particuliers, avant que des zoologistes aient cm a 1'existence en Europe de plusieurs especes d' Anguilles; ce qu'au reste n'admettent pas encore tous les auteurs. Une Anguille esttoujours 1'animal serpentiforme, cylindrique en avant, et comprime vers la queue, ayant des ecailles si petites qu'on ne les apergoit point a la vue simple; 1'animal, dont la 494 HISTOIRE PARTICULIERE DES P01SSONS. raachoire inferieure depasse la machoire superieure, dont les narines situees tres en avant des yeux ont leurs deux orifices sSpares par un intervalle considerable; 1'animal chez lequel manque la ligne late rale et oil, a. la tete seule, on decouvre des pores pour 1'ecoulement de la mucosite, chez lequel encore la nageoire anale commence notablement en arriere de la partie anterieure de la nageoire dorsale. Mais parmi toutes les Anguilles presentant ces caracteres communs,il y a des differences considerables et tres-persistantes dans les formes de la tete. Ges differences sont-elles particulieres ades especes, ou sont-ellesde simples modificationsindividuelles? Risso,le premier, avoulu les caracteriser comme especes; Guvier a admis les distinctions de Risso; Yarrell a adopte 1'opinion de Guvier et a cm avoir trouve la preuve de 1'existence de plusieurs especes d'Anguilles, dans le nombre des vertebres qui serait different suivant les especes. Je me suis attache a determiner ce nombre de vertebres chez une foule d'Anguilles de toutes les provenances, en choisissant les plus dissemblables sous le rapport de la conformation de la t6te, et j'ai toujours compte de 113 a 115 vertebres, sans qu6 les nombres 113, 114 et 115 s'appliquassent invariablement a tous les individus d'une m6me sorte. En tenant compte de la difficulte de separer les dernieres vertebres ; en reconnaissant la facility d'une erreur ; en n'osant repousser 1'icjee d'une diffe- rence individuelle, je n'ai trouv6 de ce cote rien de suffisam- ment pr6cis pour me former une conviction. Je signale ici les diverses formes que Ton observe chez les Anguilles, en atten- dant, de recherches ulterieures, la solution d'une question que les naturalistes nepeuvent trancher encore avec certitude. ANGUILLES. 495 L'ANGUILLK A LARGE BEC. (ANGU1LLA LATIROSTRIS *) Les Anguilles a large bee ou a bee plat, sont celles que nos pecheurs designent sous le nom de Pimperneaux; que les pecheurs de 1'Angleterre appellent Grig Eel on Glut Eel. Elles Fig. 130. Tete, vue en dessus, de I'Anguille a large bee (Anyuilla latirostris), d'apres un individu du Doubs. ont la te"te extr6meraent large, jusqu'a 1'extremite du museau, ainsi fort arrondi ; la machoire inferieure un peu moms saillante que chez les Anguilles a long bee ; les yeux, comme deja 1'a remarque Guvier, peut-6tre un peu plus grands proportionnel- lement. Chez tous les individus, j'ai compte 114 on 115 \ 7 erte- bres . J'en ai \u de toutes les parties de la France. 1 Risso, Histoire naturelle de I' Europe meridionale, t. Ill, p. 199 ; 1827. Yarrell, History of British Fishes, t. II, p. 298; 1836. 406 HIST01RE PARTICULlfiRE DES P01SSONS. L'ANGUILLE A BEC MOYEN (ANGl'ILLA MEDlOnOSTIUS ') G'est 1'Anguille verniaux de nos pScheurs, I'Anguille la plus commune, le Swig des Anglais. Gelle-ci a la tete conique, assez large a la hauteur des yeux, diminuant d'une maniere insen- Fig. 131. Tete, vue en dessus, de I'Anguille moyen-bec (Anguilla mediorostris). sible jusqu'a 1'extremite du museau, qui est ainsi fort 6troit. On remarque encore que les narines sont plus lineaires chez cette Anguille que chez la precedente ; mais ce caractere n'est pas d'une Evidence telle qu'il soit toujours facile a saisir. L'ANGUILLE A BEC OBLONG (ANGUILLA Nous avons observe des Anguilles qui sont intermediaires, sous le rapport de la forme de la t6te, entre les Anguilles a bee 1 Risso, Hist. not. de I' Europe meridionals, t. Ill, p. 199 ; 1827. Yarrell, British Fishes, t. II, p. 301 ; 1836. ANGUILLES. 497 moyen et les Anguilles a long bee. Leur t6te est moins large a la base que chez les premieres, moins grele que chez les der- nieres, avecle museau plus court et plus obtus. Nous avons recueilli un grand nombre de ces Anguilles a bee oblong dans 1'Huveaune, pres de Marseille, et nous avons eu du Lot et du lac de Bourget des individus presque semblables. L'ANGUILLE A LONG EEC (ANGl'lLLA ACUTIROSTRIS ') Cette Anguille presente presque toujours un corps propor- tionnellement plus effile que chez les precedentes; une t6te grele, etroite m6me a la hauteur des yeux et continuant a s'amincir jusqu'a 1'extremite du museau. Par suite de cette Fig. 132. Tete, vue en dessus, de 1'Anguille A long bee (Anguilla acutirostris}. conformation de la tete, les yeux paraissent se trouver plus rejetes sur les cotes que chez les autres Anguilles, eUes ma- 1 Risso, Hist. nat. de I' Europe meridionale , t. Ill, p. 193 ; 1827. Yarrell, Britith Fishes, t. II, p. 28i; 1836. Bt.ANCHAno. 32 498 HlSTOIRi; PARTlCL'UfiRE 1>ES POISSONS. choires dcviennent fort greles. Suivant Yarrell, cette espece n'aurait quc H3 vertebres; j'en ai eompte an contraire 114 chez une foule d'individus. Ces diverses Anguilles, que Ton parait rencontrer indiffe- remment dans Unites les parties de 1'Europe, atteignent une forte taille; cependant je n'ai jamais vu d'individus de 1'Anguille a long bee, ayant des dimensions aussi considerables que certains individus des autres especes cm varietes ; especes on varietes, repetons-nous, car en 1'etat actuel de nos connais- sances, il serait impossible de se prononcer avec confiance. Neanmoins, j 'incline tres-fortement a penser qifil existe plu- sieurs especes d'Anguilles , mais nous n'avons pas encore le moyen de les bien caracteriser. Ges Poissons ont une vie fort tongue. Un exemple en fournira la preuve. J 'avals vu, il y a tres-longtemps, chez M. Desmarest, professeur a 1'ficole veterinaire d'Alfort, une Anguille qui avail ete achetee pour 6tre mise a la tyrtare. On ne se pressa point de la livrer au fourneau; le naturaliste se pint a observer 1'animal. Des ce moment, 1'Anguille fut consid6ree comme une amie de la inaison. Je savais que ce Poisson existait encore chez le fils du professeur d'Alfort; je 1'ai pri6 de me dire a quelles observa- tions il avait donne lieu. On ne lira pas sans interet la note suivante que m'a transmise M. Eugene Desmarest, Tun des naturalistes du Museum d'Histoire naturelle. C'est depuis le 13 decembre 1828 que ma famille pos- sede 1' Anguille sur laquelle vous me demandez une note. 11 y a done trente-sept ans que nous 1'avons en domesticite. De 1838 a 1853 (pendant vingt-cinq ans), elle a ete conser- vee dans une grande terrine placee dans 1'interieur d'line AiNGUILLES. 499 chambre. Gette terrine, dont 1'eau etait changee tons les sept ou huit jours, quoique grande, ne pouvait cependant pas lui permettre de se tenir etendue, et, elle devait rester constam- ment replied sur elle-meme. Depuis 1853, elle a 6t6 placee, d'abord a Batignolles, chez ma soeur, et depuis 1863, chez moi, a Montrouge, dans un reservoir en zinc qui pent contenir une vingtaine de seaux d'eau, que Ton renouvelle tous les quinze ou vingt jours. G'est la son logement d'ete; car, d&s les premieres gelees et jusqu'au printemps , elle vient reprendre son logement primitif, sa terrine. La longueur totale actuelle de mon Anguille est de l m ,30 a l m ,40 ; sa grosseur est de O m ,08 a O m ,10. Depuis que nous la conservons, on pent dire, sans rien exagSrer, qu'elle a grandi d'environ un tiers. Son alimentation consiste en de petits filets de boeuf, coupes en forme de vers, qu'il faut lui presenter flot- tants dans 1'eau ; elle les saisit avec une grande vitesse et une grande dexterity lorsqu'elle a faim, mais elle ne les mange ja- mais lorsqu'ils tombent au fond de son reservoir. Elle ne semble pas vouloir une autre nourriture, et encore faut-il que le bcsuf soit bien frais. Elle refuse les vers de terre et meme les petits poissons, qu'elle n'aime toutefois pas voir aupres d'elle ; car elle a constamment poursuivi et attaque ceux que Ton a mis quelquefois dans son reservoir. Elle ne mange guere que pen- dant l'6te, depuis le mois d'avril jusqu'au mois d'octobre ; en hiver, et j'ai souvent tente 1'experience, elle refuse toute nour- riture. Jamais elle n'a voulu manger de pain, ou une alimenta- tion v6getale quelconque. Pendant la saison chaude, ce n'est que tons les six a huit jours qu'elle veut bien manger ; alors elle le montre d'une maniere manifeste : elle s'agite dans son bassin, sort 16gerement la tete hors de 1'eau quand on approche de sa 500 HISTOIRK PAHTlCUUfiRE DES POISSOiNS. demeure, ou lorsqu'on 1'appelle. Les persormes qui lui donnent leplus habituellementsa nourriture semblent, en quelque sorte, etre connues par elle; c'est ainsi que jadis elle venait a la voix de ma sceur, et qu'aiijourd'hui elle parait le faire egalement, lorsque ma fille vient 1'appeler au bord de son bassin. Jamais, quoiqu'onj'ait souvent maniee, elle n'a mordu personne ; et, si cela est arrive une seule fois, c'est qu'on avail mis le doigt dans sa gueule. Comme il faut la retirer de son bassin toutes les fois qu'on veut le nettoyer, elle s'est en partie habituee a etre touchee, h 6tre maniee, et, tout en essayant de rester dans 1'eau, elle ne fait pas de trop grands mouvements pour s'echapper de la main qui la tient. De meme, quand on cherche a la saisir dans 1'eau, elle ne se retire pas trop brusquement, mais elle vous glisse des mains. Elle est souvent stationnaire dans son reservoir, cherchant constamment a se cacher derriere les pots de plantes aquatiques places dans son bassin. Souvent, elle reste sans mouvement, etendue au fond de son reservoir, parfois elle se contourne autour des pots, et ce n'est guere que le matin ou le soir qu'elle nage lentement. Quand la temperature est plus elevee qu'a 1'ordinaire , ses mouvements sont plus vifs, brus- ques parfois. De temps a autre, elle vient a la surface de 1'eau. Bien lui en prend d'aimer a se trouver au fond du liquide qu'elle habite; car une fois, un chat affame la guettait et ri'etait arrele dans sa chasse que par 1'eau interposee entre lui et le Poisson. Un coup de griffe cependant vint blesser 1'An- guille aupres del'ceil, qui se recouvrit d'une peau blanchatre, et que pendant plus d'un mois je crus perdu. Mais heureusement iln'en futrien, etaujourd'huil'organeoculaire, pres duquel de- vait^trela blessure, est semblable a celui qui etait reste intact. ANGUILLES. 501 Vers le mois de mai, notre Anguille devient encore moins active qu'en hiver m6me : deux ou trois fois alors elle rendit des corps mous, blanchatres, que Ton regardait comme e"tant des ceufs. Un pen apres cette e"poque, elle semble tres-agitee, a ce point meme qu'elle se jeta plusieurs foishors de sa terrine, et que deux fois a Batignolles, et une fois a Montrouge, nous la trou- vames, ma soeur et moi, hors de son reservoir, sur le sable des allees du jardin. La, elle 6tait sans mouvement, molle, et n'au- rait probablement pas tard6 a mourir par le desse"chement, si nous ne 1'avions pas replaced dans 1'eau. Un autre accident lui est une fois arriv6 : 1'ayant laissee dans une cuisine trop froide, au milieu de 1'hiver, je la trouvai le lendemain matin toute gelee et prise meme dans les glac.ons qui couvraient sa terrine ; jer6chauffai le liquide glace" enymettantde 1'eau tiede, bientot la glace fondit, et, petit a petit, le Poisson reprit ses mou- vements. Les Anguilles sont d'une extreme voracite, mangeant des vers, des mollusques, detruisant en grande quantitele frai et les alevins des autres poissons ; ce qui est de nature a faire redou- ter leur trop grande abondan'ce dans des eaux poissonneuses. Pendant les mois de mars et d'avril, des myriades de jeunes Anguilles, a peine plus grosses que des fils, remontent nos fleuves, se tenant en masses compactes pres des ri\es, et se dispersant bientdt dans tous les cours d'eau secondaires. G'est ce qu'on appelle la montee des Anguilles. En Pro- vence, on donne a ces jeunes Poissons les noms de Buirons et de Bouyeirouns. Les Anguilles placees dans de bonnes conditions pour leur alimentation croissent rapidement, et dans 1'espace de quelques annees , elles peuvent acquerir le poids de 3 a 4 kilo- 502 H1ST01HK PARTlCULlfiRE UES P01SSONS. grammes. Vers 1'automne, ces Poissons parvenus a une cer- taine taille, redescendent a la mer, probablement pour ne plus rentrer dans les eaux douces. Si, a cette epoque, les Anguilles se trouvent retenues par des obstacles ou emprisonnees dans des etangs, elles temoignent d'une grande agitation et souvent se jettent sur le rivage. Du reste, on sait que les Anguilles peuvent sortir de 1'eau sans grave inconvenient, qu'elles \oyagent m6me volontiers dans les pres humides. A raison de leur peau visqueuse, lente ase dessecher, a raison surtout de la faible ouverture des owes, 1'eau ne s'echappant guere de leur chambre branchiate, ces Poissons peuvent rester longtemps a 1'air libre sans perir. Gette faculte que possedent les Anguilles de ramper sur la terre, expli- que comment on trouve frequemment de ces animaux dans des etangs et des mares ou il n'en existait pas a une autre epoque et ou personne ri'avait songe a en introduire. Les Anguilles s'enfoncent tres-habituellement dans la vase. Principalement aux approches de la saison froide qui amene chez elles un engourdissement complet, elles recherchent tons les moyens de se mettre a 1'abri et de se cacher autant que pos- sible. Les qualites comestibles des Anguilles sont suffisamment appreciees de tout le monde pour rendre superflue toute re- marque a ce sujet, et si les diverses sortes d'Anguilles ne jouis- sent pas de la meme faveur aupres des connaisseurs, seuls, ceux-ci seraient capables de decrire les avantages que les unes possedent sur les autres. Toujours est-il que 1'Anguille, sous ie rapport commercial, a parmi les Poissons d'eau douce une im- portance dc premier ordre. LES POISSONS CARTJLAGINEUX L'ORDRE DES GANOIDES Les represeritants de 1'ordre des Gano'ides qui habitent les eaux de 1'Europe, ont un squelette cartilagineux, comme on a pu le voir dans notre expose des classifications *. Des types pourvus d'un squelette osseux, ont et6 neanmoins rattaches a ce groupe, en consideration d'une particularite anatomique commune a ces divers Poissons : osseux et cartilagineux ; par- ticularite consistant dans la presence de nombreuses valvules a I'entree du bulbe aortique. Dans les Ganoi'des, les feuillets branchiaux sont libres a leur extremito et les branchies sont revalues d'un appareil operculaire. Chez ces Poissons, I'intestin est pourvu d'une valvule spirale et il y a une vessie natatoire simple, communiquant a rexterieur par un conduit. Nous n'avons a nous occuper ici, que d'une seule famillc de 1'ordre des Gano'ides. LA FAMILLE DES ACIPENSERIDES (ACIPENSERIDJi) Les Acipenserides se reconnaissent aisement eutre tons les Poissons, a leur corps allonge, garni de plaques osseuses cuta- hees, disposees en cinq series, lui donnant une forme pcnta- i Page Hit. 50* HISTOIRE PARTICULIERE DES POISSOISS. gone ; leur t6te egalement couverte de plaques osseuses, unies les unes aux autres; a leur bouche placee en dessous, privee de dents, et saillante ; a leur museau avance et immobile ; a leur membrane branchiostege sans rayons. Les Acipenserides ont un opercule qui ferme incompl^tement la chambre branchiale ; une colonne vertebrale cartilagineuse qui s'^tend jusqu'a I'extrernite de la plus longue division de la nageoire caudale. Cette famille comprend uniquement le genre Esturgeon qui a ete de la part de quelques naturalistes 1'objet de certaines sub- divisions. LE GENRE ESTURGEON (ACIPENSER, Linne] Les Esturgeons presentent toujours dans la longueur du corps cinq series de plaques osseuses, les unes plus grandes, les autres plus petites, plus on moins rugueuses, mais toujours pourvues d'une earene formant au milieu tine pointe qui s'e- mousse avec l'&ge. Us ont la t6te entierement revMue de plaques osseuses, la bouche transversale, priv6e de dents , quatre barbillons situ6s entre la bouche et 1'extremite du museau et disposes sur une ligne transversale. Toutes les nageoires sont soutenues par des rayons articuI6s ; la dorsale est tres-petite et situee fort en arriere, au-dessus de 1'anale; la caudale est partag6e en deux languettes, Tune supe- rieure fort longue, entourant toute I'extremit^ caudale, 1'autre inferieure et assez courte. Tons les Esturgeons, animaux voraces, incapables pourtant, E STURGEON. 505 a rai'son cle la conformation de leur bouche, de s'attaquer a des proies volumineuses, sont des Poissons de mer qui atteignent une grande taille, mais ces Poissons de mer remontent perio- diquement les grands cours d'eau. On connait en Europe un assez grand nombre d'especes de ce genre, seulement toutes ces especes, a 1'exception d'une seule, sont etrangeres aux cdtes de la France et a ses fleuves. Les Esturgeons abondent surtout dans la mer Noire et dans la mer d'Azow ; et c'est dans les deux plus grands fleuves de 1'Europe, le Volga et le Danube, qu'on observe les differentes especes de ce genre. Lesceufsde ces animaux sont extremement recherches. On en fabrique ce mets fort estime, celebre sou&le nom de Caviar, ce qui n'a pas pen contribue a amener la tres-grande diminu- tion, sinon la disparition des Esturgeons dans beaucoup de . fleuves del 'Europe. L'ESTURGEON COMMUN (ACIPENSER STURIO ') L'Esturgeon commun est 1'espece re"pandue a la fois dans la mer du Nord, I'Ocean, la Mediterranee et qui parait plus ou moins rarement dans le Rhin, la Seine, la Loire, la Gironde, le Rhone ou les p6cheurs dans leur idiome provengal le nomment Estiioun. L'Esturgeon commun ressemble a plusieurs autres especes du me'me genre et divers auteurs Font confondu avec le Ster- 1 Linn6, Systemd natures, 1. 1, p. 403 ; 1766. Bloch, part. Ill, p. 89, pi. 88. Heckel et Kner, Die Susswasserfische der ostreichischen Mohar- chie, p. 362; 1858. Siebold, Die Sussivasserftsche von Mitleleuropa, p. 363; 1803. 506 IIIST01RE PAKTICUUERK DES POISSCKNS. let (Acipenser ruthenus) quc nous no ^yons jamais clans eauxdcla France. L'Esturgeon commun, d'une couleur jau- natre assez clairc, avcc le ventrc prcsquc blanc, est tres-carac- ESTURGEOPS. 507 terise par le nombre et par la forme des plaques osseuses qui couvrent son corps. Les plaques du dos et du ventre plus on moms rugueuses suivant I'age de 1'animal avec une saillie, pointue chez les jeunes sujets, emoussee chez les vieux, sont an nombre de 12 a 15. Gelles qui constituent la serie Fig. 134. Tete, vue en dessus, de 1'Esturgeon commun. laterale sont de forme triangulaire a\ec une arete mediocre, et au nombre de 30 a 35, car il y a sous ce rapport des diffe- rences individuelles. L'Esturgeon commun est aussi tres-caracterise par la forme de sa tete. Gette tete, assez large a la base et jusqu'a la hauteur des yeux, se retrecit ensuite graduellement vers 1'extremite, 508 HISTOIRE PARTICUL1ERE DES POISSONS. de manure a former un longmuseau conique, mais ce museau a toujours moins de longueur que chez le Sterlet. La bouche est fort large et situee tres en arriere de 1'extre- mit6 du museau. Les quatre tentacules que Ton observe chez toutes les especes du genre sont inseres plus pres de 1'extremite Fig. 135. Tete, vue en dessous, de I'Esturgeon commun. du museau que de 1'orifice buccal. La levre inferieure, qui affecte la forme d'un bourrelet, presente une division dans son milieu. L'Esturgeon entrechaque anneedans nos grands cours d'eau, le Rh6ne, la Gironde, la Loire, bien rarement aujourd'hui dans la Seine. LAMTROIES. 509 II se montrait autrefois en abondance dans presque tous les fleuves de la France et dans leurs principaux affluents. On cite aujourd'hui les 6poques ou un Esturgeon fut pris dans la Seine, dans la Somme, dans 1'Orne, dans la Moselle, etc. L'animal est souvent recueilli precieusementpour quelque cabinet d'histoire naturelle. Les individus qui arrivent a Paris, provenant de la Loire, de la Gironde ou du Rhone, figurent chez les marchands de comestibles a pen pres comme des objets de curiosite" . Ge- pendant 1'Esturgeon dont la taille est considerable, la chair suc- culente, fournirait une importante ressource alimentaire, s'il etait possible de ramener son abondance des siecles passes. II y aurait une etude complete a faire a ce sujet, car nous savons fort peu de chose des habitudes de ce Poisson. Des Esturgeons arrivent a la taille de 5 k 6 metres, mais il est rare que nous voyions sur les marches des individus de plus de 2 metres de long. L'ORDRE DES CYCLOSTOMES. L'ordre des Gyclostomes est compose, le nom 1'indique, de Poissons dont la bouche sans machoires consiste en un suc.oir circulaire ou demi-circulaire, avec une levre charnue. Ges Poissons ont le corps nu, cylindrique, rappelant la forme des Anguilles, sans nageoires pectorales et ventrales ; ils ont un seul orifice nasal, des branchies en forme de bourses, sans appareil operculaire, un squelette entierement cartilagineux. Les Gyclostomes dont nous avons a nous occuper appartien- nent a une seule famille. 510 HIST01RE PARTlCt'UKRE DES P01SSONS LA FAMILLE DES PETROMYZONIDES Les representants de cette famille offrent des nageoires, dorsale et anale, soutenues par de nombreux rayons cartilagi- neux, des branchies au nombre de sept de chaque cote, com- muniquant avec 1'exterieur par des orifices en forme de bouton- nieres, situes a la suite les uns des autres en arriere de la tete. Us ont u n orifice commun pour 1'expulsion des residus de la digestion et pour la sortie des produits de la generation. Us manquent de vessie natatoire. LE GENRE LAMPROIE (PETBOMYZON, Linue] Au genre des Lamproies appartiennent les seuls Poissons de 1'ordre des Gyclostomes qui habitent ou qui frequentent nos eaux douces. Aux caracteres de 1'ordre des Gyclostomes et de la famille des Petromyzonides, il faut ajouter que, chez les Lamproies, la bouche conformee en sucoir est circulaire, que 1'interieur de cette bouche est pourvu de dents revenues d'une gaine cornee, de diverses formes et en nombre plus ou moins considerable, que la seconde nageoire dorsale s'etend jusqu'a la nageoire caudale. On sait aujourd'hui que les Lamproies ne naissent pas avec tons les caracteres des adultes. Des observations d'un professeur de Berlin, M. Auguste Miiller, publiees en 1856, ont fourni la LAMIMIOIES. oil preuvc, an grand etonnement des naturalistes, qu'un Poisson regarde jusqifalors comme le type d'un genre particular. 1' Ammocetelamprillon on l(unproyon,&ta,ii siraplementlalarve de la petite Lamproie de Planer (Petromyzon Planeri). Gette 512 HISTOIRE PARTICUL1ERE DBS P01SSONS. annonce, faite pour la premiere fois, de 1'existence de metamor- phoses chez un Poisson, fut accueillie avec d'autant plus de re- serve par plusieurs zoologistes, qu'ils ne s'expliquaient pas comment avaient pu 6chapper jusqu'ici atoutes les recherches les premieres formes de la grande Lamproie marine. L'explica- tion n'a pas encore ete donne"e. LA LAMPROIE MARINE (PETROMYZON MARINUS ') Au printemps, on voit apparaitre dans la plupart des rivieres de 1'Eurqpe, un animal long quelquefois d'un metre, d'aspect estrange, a la peau nue et visqueuse, au corps cylindrique ; c'est la grande Lamproie ou la Lamproie marine, comme on 1'appelle indifferemment;- Ce singulier Poisson est d'un blanc grisatre, quelquefois un pen jaunatre, avec le dos, les cotes et les nageoires marbres de bandes et de taches confuses, tou- jours extr6mement irregulieres , tantot d'une teinte olivcltre foncee, tantot d'un beau noir. Mais ce qu'il y a de plus remar- quable encore chez la Lamproie marine, c'est la bouche comple- tement circulaire, vaste siigoir, enorme ventouse, entouree par une levre charnue garnie de cirrhes, ayant pour support une lame cartilagineuse. Gette bouche est pourvue sur toute sa surface interieure de rangees circulaires de fortes dents, les unes sim- ples, les autres doubles ; les plus grosses occupant la portion centrale, les plus petites formant les rangees exterieures. Une 1 Linne, Syst. naturae, t. I, p. 394; 1766. Bloch, part. Ill, p. 3*, pi. 77. S6lys Longchamps, Faune belye, p. 226 ; I8i2. Heckel et Kner, Die Susswasserfische, etc., p. 374 ; 1858. Siebold, Die Sfaswas- terfiscke von Mitleleuropa, p. 368 ; 1863. LAMPHOIES. 513 grosse double dent, situee au-de?sus de 1'orifice buccal marque la place de la machoire superieure. line large lame formant sept on huit grosses dents, represente la machoire inferieure. La langue porte aussi trois larges dents, profondement denticulees sur leur bord. Les yeux situes sur les cotes a une mediocre dis- tance du premier des orifices respiratoires, sont assez petits. Les nageoires dorsales sont separees Tune de 1'autre parun assez grand intervalle. r La Lamproie marine a un canal intestinal, pourvu d'une Fig. 137. Uouche de la grande Lamproie marine (Petromyzon marinus) , de grandeur naturelle. valvule spirale qui court en droite ligne, indice d'un regime essentiellement carnivore ; uri foie petit et di\ise en plusieurs languettes; des organes reproducteurs symetriques occupent toutelalongueiirdelacaviteabdominale.Lesovaires,notamment, Bl.ANCIIARD. 33 514 HISTOIHE PARTICULIERE DBS POISSONS. sont immenses et se partagent en une multitude de feuillets. La Lamproie marine se nourrit de vers, d'insectes, de mollus- ques et m6me de poissons, parfois d'assez grande taille, aux- quels elle s'attache avec son redoutable sucoir; il suffit de consi- derer cette \entouse si puissamment armee pour comprendre comment elle peut s'attacher a des corps volumineux et les sucer a la maniere des sangsues. Ge Poisson remonte les fleuves, les rivieres, les canaux jus- qu'a d'immenses distances des cotes, et Ton s'en etonne en considerant combien sa locomotion est lente ; la Lamproie ne pent que ramper a peu pres comme les Anguilles, et encore, avec moins d'agilite ; cependant elle remonte la Loire jusqu'a Orleans et meme Men au-dessus de cette ville, le Rhone et ses affluents a une tres-grande hauteur. On la prend dans 1'Isere, a Grenoble et mteie en Savoie. Ges diverses circonstances ont donne a penser a un habile ichthyologiste, le docteur Giinther, que les Lamproies apparaissant dans les fleuves vers le mois de mai a la m6me 6poque que les Saumons et les Aloses, s'atta- chaient peut-6tre a ces Poissons pour se faire transporter *. Le fait n'a pu toutefois etre constate et Ton s'imagine difficile- ment qu'une Alose de taille ordinaire puisse trainer une lourde Lamproie, car, pour le Rhone et ses affluents, on ne peut attri- buer aux Saumons le transport des Lamproies, auxquels d'ail- leurs, personne ne les a vues attaches. Non-seulement les Lamproies sont pe"ch6es dans les fleuves et les rivieres, mais bien souvent aussi dans les canaux ; il est fort ordinaire qu'elles se fixent par leur bouche aux barrages, aux ecluses, comme elles s'attachent souvent apres les pierres. 1 Die Fische des Neckars, p. 138 ; 1853. BLANCHAUD, Les Poissons. PI. XXIII, p. 514. Paris, J.-B. Bailliere et Fils, edit. imp. LA PECHE AUX MAIS BtEN SOUVENT AUSSI DANS LES CANAUX. LAMPROIES. 515 En voyant, & chaque printemps, les Lamproies quitter lamer, on a cru par analogic avec ce qui a lieu pour les autres Poissons migrateurs, qu'ellcs recherchaientles eaux douces pour y frayer. Cette supposition parait aujourd'hui a pen pres inadmissible. Jamais personne n'a pu voir ni leurs pontes, ni leurs jeunesj toutes les Lamproies marines que Ton peche ont un volume considerable. D'un autre cote, d j apres les observations de quel- ques naturalistes, chez tons les individus prison riviere on trou- verait les ceufs, encore assez eloignes de 1'etat de maturite. L'histoire de la Lamproie marine demandera done bien des observations, bien des experiences peut-e"tre, avant d'etre com- plete. Autrefois, la Lamproie marine, quietait fort estimeepour la table, parait avoir ete fort abondante ; onpourra en juger dans la suite de cet ouvrage, d'apres la citation de certaines ordonnances relatives a la vente de ce Poisson dans Paris ; elle est devenue sinon rare, du moins assez pen commune pour qu'on ne s'occupe gu&re de sa presence ou de son absence sur les marches. LA LAMPROIE FLUVIATILE iPETROMYZON FLUVIATILIS La Lamproie fluviatile, on le croit aujourd'hui volontiers, ne serait pas, comme son nom semble 1'iridiquer , un Poisson vivant d'une maniere permanente dans les eaux douces. Cette espece est bien petite si on la compare a la Lamproie marine; sa taille ne depasse guere O m ,30 a O m ,40. Sa cou- 1 Linne ; Syitpma na y p. 372 ; 1S63. 5lti HISTOIRE PARTICULIERE DES POISSONS. leur est uniforme , d'un brim olivatre sur les parties su- perieures, d'un gris jaunatre sur les cotes, d'un blanc argente, parfois un peu grisatre sur les regions inferieures. La Lam- proie fluviatile, extremement semblable a la Lamproie ma- rine par sa conformation generate, par la position de ses yeux, de ses orifices respiratoires, en differe essentiellement par 1'armature de sa bouche. II n'y a qu'une seule rangee circulaire de dents ; une lame semi-circulaire portant deux dents au-de\ant de 1'orifice occupe la machoire superieure ; la machoire infe- rieure est representee par une lame transversale garnie de sept petites dents aigues. Toutes ces dents, comme celles de 1'espece precedente, sont revetues d'une gaine corne"e. Les deux nageoires dorsales de la Lamproie fluviatile sont separees 1'une de 1'autre par un assez large intervalle; la pre- miere commenQant vers le milieu de la longueur du corps, est peu elev.ee ; la seconde est beaucoup plus haute, mais elle s'a- baisse vers I'extremite posterieure et vient se confondre avec la nageoire caudale. La Lamproie fluviatile parait avoir les memes habitudes que la Lamproie marine ; des auteurs assurent qu'elle passe, comme cette derniere, une partie de son existence dans la mer, et qu'elle entre periodiquement dans les eaux douces. Gependant, divers observateurs, parmi lesquels on pent citer le savant ichthyologiste anglais, Yarrell, affirm ent qu'on la prend dans les rivieres a toutes les epoques de 1'annee et qu'elle est uniquement fluviatile. La v6rite est que nous ne savons rien encore de posi- tif, soit sur les habitudes, soit sur le developpement de cette espece *.. 1 M. Van Bencden a decrit sous le nom de Petromyzon Omalii, une petite Lamproie remarquable par son appareil dentaire tres-difFerent LAMPROIES. 317 Elle a ete rencontree dans la plupart des rivieres de France, mais nous ne croyons pas qu'on la prenne nullepart en grande abondance. Autrefois, on en pSchait annuellement, nous disent plusieurs naturalistes anglais, 1,000,000 ou 1,200,000 individus dans la Tamise seule, mais cette pe"che est bien diminuee de nos jours. LA LAMPROIE DE PLANER (PETROMYZON PLANERI *) La Lamproie de Planer ou la petite Lamproie de riviere, comme on la designe plus ordinairement ; le Sucet, la Chatouille ou Satouille, ainsi que 1'appellent les pecheurs de diverses loca- lites, ne quitte jamais les eaux donees. Plus petite que la Lamproie fluviatile, car sa plus grande taille est de O m ,20 a O m ,25, elle a la meme coloration, mais son corps cylindrique est proportionnellement plus court. La Lamproie de Planer se montre parfaitement distincte au premier coup d'ceil, si Ton porte attention aux nageoires dor- sales qui succedent 1'une a 1'autre sans aucun intervalle. D'un autre cote, la bouche, qui ne presente, comme chez la Lamproie fhrviatile, qu'une seule range" e de dents, offre une difference dans la forme des dents; ici, au lieu d'etre aigues de celui des autres especes du genre. Cette Lamproie n'a encore et6 rencontree que sur la cOte de Belgique. Bulletin de I'Acad^mie de Bel- gique, 2 e se>ie, 1S57. i Bloch, part. Ill, p. 47, pi. 78, fig. 3. Yarrell, British Fishes, t. II, p. 607; 1836. Heckel et Kner, Die Susswasserfische, etc., p. 380; 1858. Siebold, Die Susswasserfische von Mitteleuropa, p. 375 ; 1863. Le jeune Age. Petromyzonbranchialis, Linne, Syst. nat., t. I, p. 394 ; 1766. Ammoccetes branchialii, Yarrell, British Fishes, t. II, p. 609 ; 1836. Heckel et Kner, Die Susswasserfiiche, etc., p. 382; I8o8. 518 HIST01RK PARTICULlfiHE DES POISSONS. comme chez 1'espece precedente. les dents sont obtuses a 1'ex- La petite Lamproie parait se rencontrer dans les eaux de presque toute 1'Europe ; elle se tient ordinairement dans les Fig. 138. La Lamproie de Planer. ruisseaux peu profonds, au milieu des pierres ou elle rencontre les petits animaux dont elle fait sa nourriture. On assure qu'elle fraye pendant les mois de mars et d'avril. Mais ce Poisson n'a pas dans le jeune age les caracteres de Tadulte, etil conserve les caracteres du jeune agejusqu'au mo- ment ou il a acquis a peu pres toute sa croissance. On com- prendra done sans peine que les naturalistes aient admis deux LAMPROIES. 519 especes differentes, deux types de genres, dans les individus de la Lamproie de Planer, les uns a 1'etat adulte, les autres a 1'etat 139 140 lil Fig. 139. La larve ou Ammocele de la Lamproie de Planer, de grandeur natu-' relle, vue en partie du dos. Fig. 140. Portion ante'rieure de la meme, un peu grossie, vue en partie de la face ventrale. Fig. 14 1. Partie poste- rieure de la meme, vue de profil. 5'20 HISTOIKE PAKTICULI&HE DES P01SSONS. de larve, jusqu'au jour ou furent suivis pas a pas les change- ments qui se manifestent lorsque 1'animal passe de 1'etat de larve a l'6tat adulte. La Lamproie de Planer a 1'etat de larve, c'est 1'Ammocete branchiale (Ammoccetes branchialis] d'une foule d'auteurs, le Lamprillon des pe'cheurs. Lorsque la Lamproie n'a pas encore subi ses metamorphoses, lorsqu'elle est a 1'etat A'Ammocete,- elle differe singulierement de 1 'adulte. Son corps au moment ou elle a pris sa croissance entiere n'est pas moins long, mais il est moins cylindrique ; sa bouche n'est pas arrondie, elle affecte la forme d'un fer a che- val, la levre inferieure formant une saillie en avant, et cette bouche est completement depourvue de dents. Lorsque cette larve commence a subir les changements qui vont 1'amener a 1'etat de Lamproie, on voit la bouche qui commence a devenir plus circulaire ; les levres prennent davantage la forme de bourrelets ; 1'ceil pen distinct chez la larve et comme voile devient plus apparent. La bouche s'arrondit enfin d'une ma- niere a peu pres complete ; les dents paraissent, d'abord fort petites, mais elles acquierent rapidement la forme et le volume qui les caracterisent chez 1 'adulte ; la peau devient plus ar- gentee ; les orifices branchiaux se garnissent d'un rebord en saillie comme celui d'une boutonniere. Rien de plus facile que de suivre jour par jour ces changements, si Ton est en situa- tion d'observer des Ammocetes ou larves de Lamproies arrivees au temps de leurs metamorphoses. La Lamproie de Planer passe au moins deux annees a 1'etat de larve ou d'Ammocete ; ce n'est qu'a sa troisieme annee, quel- quefois peut-6tre au debut de sa quatrieme annee d'existence, que sa metamorphose s'accomplit. Les Lamrpoies parvenues a LAMPROIES. 521 'etat adulte ne tardent gu&re a effectuer leur ponte, ce qui a 142 i ', i 143 147 149 Metamorphoses de la Lamproie de Planer (Petromyzon Planeri). Fig. 142. Portion ante'rieure de la larve (Ammocoefes branchia/is) vue de pro fll. Fig. 143. La meme partie vue en dessous. Fig. 14i. Portion ante'rieure d'une larve plus age'e oii les yeux commencent a apparaitre. Fig. 145. La meme vue en dessous. Fig. 146. Portion anle'rieure , vue de profil, d'une jeune Lamproie dont 1'appareil dentaire est encoro incom- ple'tement de'veloppe. Fig. 147. La meme vue en dessous. Fig. 148. Portion ante'rieure, vue de profil, d'une Lamproie adulte {Petromyzon Pla- neri}. Fig. 149. La meme vue en dessous . 522 HISTOIRE PARTICULIERE DES POISSONS. lieu pendant les mois de mars et d'avril. Elles perissent sans doute bientot apres cet acte accompli, car elles ne tardent pas a disparaltre des eaux ou Ton continue a trouver des Ammocetes. Ges faits constates pour la premiere fois, il y a une dizaine d'annees, par M. Auguste Miiller, et aujourd'hui hors de doute, forment un interessant chapitre dans 1'histoire du developpe- ment des animaux vertebres. Les Lamproies, a l'6tat adulte, s'agitent beaucoup, cherchent leur proie, ne redoutent en rien la lumiere; a 1'etat de larves, elles se cachent dans les endroits obscurs, sous les pierres, dans la vase, et redoutent le grand jour ; elles ne pen vent vivre que des corpuscules qui leur sont apportes par le courant, leur bouche ne leur permettant pas d'operer encore une veritable succion. DE LA DISTRIBUTION DES POISSONS DANS LES EAUX DOUCES DE LA FRANCE. Un double intere't s'attacherait a la constatation exacte de la population de chaque grand cours d'eau et de ses. tributaries, a la connaissance rigoureuse de la faune ichthyologique de cha- que d6partement. D'un cote, il y aurait a recueillir des ensei- gneraents propres a repandre une certaine lumiere sur les ques- tions relatives a la distribution geographique des e"tres, si 1'ori etait absolument fix6, dans tons les cas, sur les localites que frequentent nos Poissons dans les diff6rentes parties de la France. D'un autre cote, pour une appreciation juste des res- sources alimentaires que peuvent fournir nos divisions terri- toriales, on trouverait de precieux elements dans 1'inventaire scrupuleusement dresse des produits de la peche pour tous les Poissons de la France. Ge qui importe done avant tout, c'est de voir comment sont peuples nos lacs, nos fleuves et nos rivieres sur les divers points deleiu\parcours. Mais cetexamen n'est pas sans quelque dif- ficulte. Aucune region de la France ne se trouve ni rigoureuse- ment delimitee, ni caracterisee par un nombre bien notable d'especcs particulieres. Les statistiques de la peche fluviale nous font encore presque entierement defaut. G'est presque unique- mentd'apr^s nos propres etudes, et d'apr&s des observations de 524 HISTOIHt: PARTiCULlfiRE DES POISSO^S. M. Millet, relatives aux Poissons voyageurs *, que nous som- mes en mesure de presenter un aperc.u de la distribution des Poissons dans les eaux douces de la France. C'est la premiere fois que Ton tente d'etablir une comparaison entre les faunes ichthyologiques des principales regions de notre pays ; le cadre trace, il pourrait etre assez promptement rempli, si tous les na- turalistes, si tous les observateurs dissemines dans nos departe- rnents, voulaient s'-attacher, sur les lieux, a constater la presence des especes qui s'y trouvent, a noter leur degre d'abondance ou de rarete et a consigner ensuite les resultats de leurs ope- rations. Dans la situation presente, on est conduit pour 1'examen coin- paratif des regions habitees par nos diverses especes de Pois- sons, a adopter les principales divisions generalement admises, du Nord, del' Est, du Centre, du Sud-Est et du Sud-Ouest et a tracer en outre quelques subdivisions. Beaucoup d'especes de Poissons ont une vaste distribution geographique, qui s'etend, non-seulement a la France entiere, mais encore a la plus grande partie de 1'Europe. Ces especes, dans laplupart des cas, ne peu vent donner lieu a aucune mention speeiale. Ainsi, la Truite commune est repandue a pen pr&s partout ou il y a des eaux limpides. Une statistique fidelede la quantite de ce Poisson, que chaque departement fournit annuellement a la consommation,contribueraitcertainement afaire reconnaitre 1 M. Millet, inspecteur des forets, a eu 1'obligeance de me communi-" quer un tableau fort bien fait, sur lequel il a not6 avec un grand soin d'apres tous les renseignements qu'il a pu recueillir, la presence ou Tab- sence du Saumon, de la Truite, de I'Ombre commune, de 1'Alose et de la grande Lamproie dans chaque departement. DISTRIBUTION DES POISSONS, ETC. 525 boaucoup de moyens d'augmenter un produit d'une assez grande valeur. La Perche se trouve au Sud comme an Nord, a 1'Ouest comme a 1'Est, dans les eaux des plaines et des montagnes. II en est de m6me du Ghabot (Cottus gobio] etdela Loche franche ; ces Poissons semblent 6tre partout ou il y a des ruisseaux tranqnilles et herbus. Parmi les Gyprinides, le Barbeau commun, le Goujon, la Tanche, 1'Ablette commune, la Ro- terigle, le Garden, la Ghevaine commune, sont des habitants de la plupart des eaux de la France. II en est ainsipour le Brochet, pouiTAnguille, et nousn'avonsactuellement aucun moyen d'in- diquer a\ec certitude le degre d'abondance on de rarete de ces Poissons dans les differentes localites. Une connaissance des faunes de nos departements de 1'Est et du Nord, plus complete que celle des faunes de 1'Ouest et du Midi, nous conduit a porter en premier lieu notre examen sur les contrees qui avoisinent la Belgique et rAllemagne. Le pays travers6par le Rhin, arrose par Till, la Meuse, la Meurthe, la Moselle et leurs affluents, appellel'attention, tout a la fois par 1'importance de ses cours d'eau et paries rapports que leur population offre avec celle des fleuves et des rivieres de 1'Allemagne. G'est la region compren ant 1'Alsace, les Vosges, la Lorraine el les Ardennes, ou le caractere de la faune du Nord devient tres-prononce. Ce sera la region Est-Nord. Commengons notre revue des Poissons \ivant dans chaque contree par les especes considerees comme les plus importantes. Les Salmonides apparaissent en premiere ligne. Le Saumon se montre dans presque toutes les eaux de la region Est-Nord. II remonte le Rhin beaucoup plus haut que Colmar, il ^'engage dans les rivieres des Vosges et vient frayer 526 HISTOIHE PARTICULlfiRE DES POISSONS. jusqu'aArchettes, a 6 kilometres environ au-dessus d'Epinal * ; il entre egalement dans la Moselle et dans la Meuse, mais en tres-petit nombre. On assure nel'avoir jamaisviidansl'Ornain. G'est evidemment par erreur que rOmble-Ghevalier a e"te cite comme ayant ete pris dans la Moselle. La Truite commune est abondante dans line foule de lo- calites de 1'Alsace, des Vosges, de la Lorraine et mme des Ardennes. Nous pensons que la Truite de mer remonte a peu pr&s tons les cours d'eau ou Ton voit le Saumon et sans doute d'autres encore ; mais cette espece n'etant pas toujours bien distinguee de la precedente, il serait difficile dans 1'etat actuel de signaler les eaux qu'elle recherche et celles ou on ne la ren- contre pas. L'Ombre est un Salmonide assez repandu dans nos departe- ments de 1'Est; il existe dansle Rhin, dans plusieurs rivieres des Vosges, dans la Ghiers, dansla Crunes, quelquefois dans la Moselle, la Meurthe, la Meuse. Je ne le vois nulle part indique comme ayant etepeche dans le departement du Haut-Rhin. On p6che 1'Alose dans les grands cours d'eau ou se rendent les Saumons, mais elle s'engage moins souvent que ce dernier dans les petites rivieres. On la prend abondamment dans le Rhin, dans la Moselle, la Meurthe, la Meuse, etc. Parmi les Percides : la Perche, qui n'est pas rare dans les ri- vieres, est tres-repandue dans les lacs des Vosges ou elle a pris une physionomie particuliere. Dans la grande famille des Gyprinides, nous comptons quel- ques especes, sinon particulieres a la region Est-Nord, du moins plus ordinaires dans cette contree qu'ailleurs et repre- sentant en quelque sorte des formes ichthyologiques qui ap- 1 D'aprds les notes de M. Millet. DISTRIBUTION DES POISSONS, ETC. 527 partiennent plus specialement a 1'Allemagne, commeleCarassin et la Gibele, la Breme de Buggenhagen et la Breme rosse, I'A- blette hachette (Alburnus dolabratus), 1'Idc melanote, le Nase. II faut rcraarquer encore que la Loche d'etang (Cobitis fossi- lis) est surtout repandue dans nos departements de 1'Est, que la Loche de riviere y est beaucoup plus abondante que dans les regions voisines, que la Lotte n'y est pas rare *. II faut encore constater, sur cette grande etendue de pays, la presence d'une seule espece d'Epinoche (Gasterosteus leiurus) et de deux especes d'Epinochettes (Gasterosteus Icevis et lotlia- ringus). La region Nord est fort etendue. Elle doit comprendre au moins la Champagne, laPicardie, la Flandre, 1'Artois, la Nor- mandie, le departement de la Sarthe, 1'Orleanais, le departe- mentde Seine-et-Marne, lapartiede la Bourgogne arrosee par 1'Yonne. Dans les eaux de ces diverses parties de la France, nous rencontrons les memes especes. line exception pent seule- ment etre indiquee al'egard d'un petit nombre de Poissons qui habitent constamment le voisinage de la mer. Le Saumon entre quelquefois dans 1'Aisne, dans FOise, dans 1'Escaut, et, s'il ne se montre jamais dans les rivieres du Pas-de- Galaisqui tombenta la mer, c'est uniquement,sans doute, parce que les cours d'eau de ce departement ont un tres-faible vo- lume. II remonte la Seine, rarement aujourd'hui , il est vrai, a cause de la deterioration du fleuve, mais il a ete peche nean- (1) Dans cette Histoire des Poissons des eaux douces de la France, nous n'avons pas cru devoir faire mention du Silure (Silurus gJanis), qui ha- bito les fleuves de 1'Allemagne. Autrefois on le pechait dans le Rhin dans Till , dans la Moselle. Depuis des siecles il a disparu de ces ri- vieres et c'est dans de bien rares circonstances qu'il a etc pris dans le Rhin depuis les temps modernes. 528 HISTOIRE PARTICUL1ERE DES POISSONS. raoins jusqu'a Provins, dans la Vouzie, un petit affluent de la Seine. Tl a 6te pris encore r^cemment dans 1'Eure et dans 1'Orne, ou il etait autrefois abondant, dans 1'Yonne et 1'un de ses affluents, la Cure. Selon toute apparence, on ne 1'a jamais vu, soit dans la Sarthe, soit dans la Marne ou dans 1'Aube. Nous ne possedons pas des indications suffisantes surles loca- lites que frequente la Truite de mer, pour nous y arreler. Quant a la Truite commune, elle est repandue dans une infinite de localites du Nord de la France, et Ton sait generalement que les rivieres des departements de 1'Eure, du Loiret, etc., en sont assez bien pourvues. L'Ombre commune semble n'avoir jamais 6te observee sur aucun point de la vaste region que nous venons de tracer. D'un autre cote, 1'Eperlan remonte la plupart des fleuves, mais on sait que ce Poisson ne depasse guere la limite ou la maree se fait sentir. L'Alose, qui paraissait autrefois en grandes troupes dans toutes les rivieres qui se jettent dans la Manche, devient de plus en plus rare. Les Gyprinides n'offrent aucune espece particuliere a la r6- gion Nord, qui manque, an contraire, de plusieurs especes re- pandues dans les autres parties de la France. L'embouchure des rivieres de cette region est frequentee par les Muges et par le Flet, mais ce sont Ih en realite des Poissons de mer. Differentes Epinoches appartiennent a cette region ; pourtant il est a remarquer que leurs stations , toujours au voisinage de la mer, s'etendent fort peu dans 1'interieur des terres. La peninsule armorique semblerait, par sa situation geo- graphique, devoir 6tre regardee comme une region distincte , Ouest-Nord. Nous connaissons encore d'une maniere trop im- DISTRIBUTION DES P01SSONS, ETC. 529 par aite la faune ichthyologique de ses rivieres pour 6tre en me- sure de la comparer rigoureusement aux faunes des contrees les plus voisines. Nous savons que la Loire, la Maine, ont a peu pres toutes lesespeces du Nord, et nous nepourrions en citer aucune qui soil particuliere a ces cours d'eau. Si nous revenons a 1'Est, nous pourrons reconnaltre au Sud de 1'Alsace, des Vosges et de la Champagne, une region Est- Centrale, comprenant tout le bassin de la Saone, s'6tendant de- puis.ce bassin jusqu'a nos frontieres orientales et au Sud jusqu'a la vallee de 1'Isere, Seulement, une subdivision est n^cessaire pour les lacs de la Savoie et du d^partement de 1' Ain . Le Saumon ne se voit nulle part dans les eaux de cette vaste etendue de la France. II en est de meme, presque certainement, de la Truite de mer. L'Ombre, au contraire, est fr6quentedans les eaux de presque tons les d6partements qu'embrasse cette region. Commune dans la plupart des rivieres de 1'Ain et du Jura, on la rencontre dans le Doubs, la Loue et 1'Ognon, dans les lacs de la Savoie et quelquefois dans 1'Isere. La famille des Percides a un repr6sentant dans la region Est- Centrale, que nous ne voyons pas au Nord, c'est 1'Apron, qui semble ne pas 6tre repandu d'une maniere gene"rale. II n'a ja- mais 6t6 signale" comme habitant les eaux de la Savoie. Parmi les Cyprinides, nous avons a citer une espece particu- liere de Ghondrostome (Chondrostoma ccerulescens), p6ch6 dans les rivieres du d6partement du Doubs, et le Blageon (Squalius Agassizii), que nous retrouverons plus au Sud, mais que Ton n'a jamais observe" plus au Nord. Dans la region Est-Centrale de la France , les lacs de la Savoie et du d^partement de 1'Ain constituent des stations speciales ou Ton trouve la plus grande partie des Poissons com- BLANGHARD. 34 530 HISTOIRE PARTICULIERE DES POISSONS. muns en Europe, mais ou il existe aussi des especes pour ainsi dire particulieresaux eaux deslacs. G'estrOmble-Ghevalier abon- dant dans le lac Leman , dans le lac du Bourget , dans les eaux de quelques locality du departement de. 1'Ain. Ce sont les Cor6gones, c'est-a-dire la F6ra et la Gravenche du Leman, le Lavaret du lac du Bourget ; c'est la Truite des lacs. Un fait singulier, dont nous n'avons pas 1'explication , c'est la rarete des Poissons dans le joli lac d'Annecy ; on n'en trouve guere qu'une douzaine d'especes, celles qui vivent partout. La Lote y a 6t6 introduite en 1770 et s'est parfaitement multipliee. Ni I'Omble-ChevalierniaucundesCoregones n'existent dans celac. II y a peu d'ann6es, on a tente" de les y introduire. De grandes quantites d'oeufs et d'alevins de ces Poissons, ontete repandues dans les eaux du lac d'Annecy ; il m'a et6 assure, sur les lieux m6mes, que depuis il n'en avait jamais 6te~ pe"che un seul in- dividu, petit ou grand *. La Savoie nous a fourni une Blennie ; mais jusqu'ici, Tespece n'a et6 obser^ ? ee que sur un seul point. Nouspouvons admettre parmi nos divisions une region Cen- trale, occupant le vaste espace compris entre le bassin de la Sa6ne et I'0c6an, s'6tendant du Nord au Sud, entre les 48 e et 45 e degres de latitude, c'est-a-dire de la Loire a la Dordogne. Cette region, ei la verite, n'est caracterisee par aucune es- pece particuliere. Sa faune est pour ainsi dire la me" me que celle de la region Nord; seulement elle a en outre quelques re- presentants dela faune Est-Nord. Vest ainsi que 1'Ombre, que nous ne voyons pas dans la region Nord, est frequente dans beaucoup de rivieres de la France centrale. On la p6che dans 1 Une description du lac d'Annecy a 616 publi6e par M. J. Boltshauser. Revue Sawisienne par la Soci6te florimontane d'Annecy, I860; l re ann6e, p. 2 et p. 9. DISTRIBUTION DES POISSONS, ETC. 531 1'Allier et elle est abondante, assure-t-on, dans la Loire, princi- palement a sa traversed des arrondissements de Montbrison et de Roanne, mais aussi j usque dans la Haute-Loire. Rien en- suite n'indique qu'elle ait jamais ete" prise , soit dans la Loire-Inferieure, soit sur aucun point du voisinage de 1'Ocean. Le Saumon entre en grand nombre dans la Loire , et de la il penetre dans ses affluents, la Maine, la Vienne, et ensuite dans la Creuse, 1'Allier, la Sioule, la Besbre, le Cher. Dans le siecle dernier, il remontait la Sioule presque jusqu'a sa source aupres duMont-Dore. Le comte de Pontgibaud,chdte- lain du lieu, avait une redevance qui lui produisait environ cent cinquante Saumons par an ; depuis \ingt-cinq ans, on n'en a pas pris un seul sur le domaine de Pontgibaud. Le marquis de Montboissier, chatehin du Pont-du-Ghateaii, sur 1'Allier, avait une redevance annuelle d'au moins douze cents Saumons en 1787. Les temps sont bien changes *. Le Saumon remontela Vendee, la Dordogne, et autrefois on le voyait j usque pres des sources de cette derniere riviere, la Dore' et la Dogne ; il pa- ratt qu'il n'entre, ni dans la Charente, ni dans les deux Se- vres; je le trouve mentionne comme tres-rare a 1'entree de ces rivieres par M. Ed. Beltremieux, de la Rochelle 2 . G'est pro- bablement a la nature du fond et aux eaux limoneuses de ces rivieres qu'il faut attribuer 1'absence du Saumon. Dans beau- coup de localites de cette region, la Truiteest abondante. L'Alose fre~quente en general les me"mes eaux que le Saumon ; on affirme cependant qu'on ne la voit jamais dans la Creuse, et qu'on la prend au contraire dans la Mayenne ou ne-vient point le Saumon. 1 D'apres les notes de M. Millet. 2 Faune du dcpartement de la Charente Inferieure, 1864. 532 HIST01RE PARTICULIERE DES POISSONS. Ge que Ton est convenu d'appeler le Midi de la France doit 6tre dmse" ici en deux regions : une region Sud-Est , une re"- gion Sud-Ouest. La premiere ou la region Sud-Est , comprend le bassin du Rhone au-dessous de Lyon et tout le territoire qui s'6tend de ce fleuve aux Alpes et a laMediterranee.Lafauneichthyologique de cette portion de la France a des traits particuliers. Le Saumon n'y existe nulle part. Malgre les tentatives faites pour 1'introduire dans le Rh6ne et dansTHerault, nous doutons beaucoup encore qu'on parvienne actuellement a 1'y rencon- trer. Suivant toute probability la Truite de mer ou Truite sau- monee manque 6galement. La Truite commune, au contraire, est repandue presque partout, dans les eaux limpides. L'Ombre se trouve dans le Rhone, dans la Durance, la Sorgue. L'Alose remonte le Rhdne en grandes troupes et passe dans la plupart de ses affluents, la Drdme, 1'Isere et quelquefois le Drac; elle entre egalement dans l'H6rault; mais nous pensons qu'elle ne s'engage pas dans les petites rivieres qui descendent des Alpes et traversent soit le departement du Var, soit le departement des Alpes Maritimes. Risso, de Nice, n'a jamais yu*pe"cher ce poisson que sur la cote. Un type qui paralt confin6 dans la partie orientale de la France, 1'Apron, se prend dans 1'Isere, dans la Durance etpro- bablement dans quelques parties du Rhdne, tandis que la Gre- mille manque dans presque toute la region Sud-Est. Parmi les Gyprinides, le Barbeau meridional, que Ton pe- che dans la Sorgue et, sans doute, dans d'autres affluents du Rli6ne, dans le Lez et l'He"rault, dans le Var, semble jusqu'ici appartenir exclusivement a la region Sud-Est. En 1'etat pre- sent, nous y voyons une Ablette particuliere(.4/fo/raws Fabrcei), sans etre en mesure de dire si elle est repandue dans une DISTRIBUTION DES POISSONS, ETC. 533 grande partie de la region ; puis c'est une Ghevaine, un Chon- drostome ( Chondrostoma rhodanensis ) que Ton ne voit pas dans les regions du Centre ou du Nord. Le Blageon, deja ren- contre dans la region Est-Centrale , existe 6galement dans beaucoup de localites, du Rhdne an Var. Dans les autres families il faut noter encore la presence d'une Blennie, d'une fipinoche d'espece particuliere, pour montrer combien d'especes contribuent a donner un caractere a la faune ichthyologique de la region Sud-Est. La region Sud-Ouest, c'est le pays qui s'etend de la Dordogne aux Pyr6n6es, de I'0c6an au voisinage du Rhone. Entre les re- gions Sud-Est et Sud-Ouest, on ne saurait tracer une limite precise, mais on est frappS d'une difference manifesto, si Ton compare les habitants des eaux des bassins du Rhdne et de la Garonne. Le Saumon se voit dans la Garonne, dans 1'Adour et probablement dans la plupart des rivieres qui courent vers 1'Ocean. L'Ombre n'est signalee nulle part dans la region Sud- Ouest. II en est de m6me del' Apron et de laGremille; mais pour cette derniere, dont la repartition geographique est tres- vaste, il est prudent de ne pas s'y arreter. Pour les Gyprinides, il faut peut-etre noter 1'absence du Bar- beau meridional, mais ilfaut surtout noter la presence de Ghe- vaines et de Vandoises, que 1'on n'a point observees dans les autres regions. Enfin, il est impossible de ne pas reconnattre d'autre part dans les faunes des deux regions du Midi de la France, des analogies e"videntes. La Blennie Gagnette 6trangere aux departements du Centre et du Nord est commune aux deux regions. II en est de meme de la Ghevaine meridionale. 1. Les Poissons consid6rs sous le rapport de Hnt6r6t public. Par leurs formes et leurs couleurs infmiment vari6es, par leur organisation speciale , remarquableraent modifiee a tant d'e~gards suivant les types , mais toujours merveilleusement adaptee a des conditions d'existence particulieres,par leurs ins- tincts encore trop imparfaitement connus, les Poissons four- nissent des sujets d'observation du plus haut interet au natura- liste, au philosophe, a quiconque a 1'esprit assez eleve pour admirer ce qui est admirable dans h \ie des 6tres, a celui enfin qui est capable de comprendre que toute connaissance acquise dans le domaine de la nature est un bien apporte a la cause de la civilisation. Gependant ce n'est pas a. raison de ces faits d'une incontestable grandeur, apprecies dans des limites fort etroites a cause de leur grandeur meme, que les Poissons sont 1'objet de 1'interet ou des preoccupations de la mul- titude. Les Poissons aux yeux de la foule n'ont d 'impor- tance qu'au point de vue 6conomique. Leur importance en effet est considerable sous ce rapport, memo etant restreinte INTERfiT PUBLIC. 535 aux esp6ces des caux donees. II s'agit done, non-seuleraent de conserver cette importance deja si reduite de nos jours, mais encore de 1'accroltre. G'est d'abord, dans la peche sur les rivieres et les lacs, une industrie qui occupe un grand nombre d'hommes et procure le pain de leurs families. G'est ensuite une branche de commerce, principalement dans les grandes villes ou, sur les marches, des femmes trouvent une occupation lucrative. G'est, pour toutes les classes de la societe" , une masse et une variete" de substances ali- mentaires dontle seuldefaut est d'etre trop restreinte. Les uns y trouvent simplement une nourriture saine et agr^able , les autres des objets de luxe pour leurs tables somptueuses , des objets de gourmandise pour leurs repas d&icatement compo- sts. G'est enfin, dans la p6che a la ligne, un amusement, une distraction, une occupation dans la vie oisive, propre a chasser I'ennui, dontle resultat est de faire entrer dans la maison une augmentation de subsistances. Les avantages que les populations tirent de la pe'che sont nombreux; on ne saurait done trop craindre de continuer a en voir amoindrir la source. Les veritables amoureux de la cr6a- tion ne s'arretent point a la pensee de la destruction des ani- maux sans en concevoir une profonde tristesse, car c'estle spec- tacle de 1'inintelligence n'apercevant rien au dela du moment present , rien au dela de 1'objet d'une preoccupation d'un jour, ne songeant jamais que viendra un lendemain. On se plait cependant a contempler 1'humanite, jouissant des biensde la nature dans une juste mesure, mesure constamment indiquee par le degr6 d'abondance on de rarete'de chaque es- pece. Ici, c'est lajouissance dans son acception la plus large; jouissance pour satisfaire des besoins materiels, jouissance 536 HISTOIRE ECONOMIQUE DES POISSONS. pour dormer une occupation au corps et a 1'esprit, un repos a 1'ame. En voyant les p^cheurs de profession, jetant leurs filets sur ces grands fleuves, sur ces nombreuses rivieres qui arrosent la France, sur ces lacs , magnifiques ornements de quelques coins de notrepays, on se demande avec interest : Combien sont-ils, ces hommes gagnant leur vie uniqueraent avec le produit de nos eaux interieures ? Rien ne repond a semblable question. Tous les cinq ans, se renouvelle le recensement de la population. On publie le ta- bleau donnant le chiffre d'habitants de chaque canton, de ctia- que village, mais dans le denombrement des hommes , suivant leur profession, il y a des professions oubliees on confondues. L'industrie de la peche fluviale, malgr6 son caractere special , n'existe pas dans les documents officiels. Apres les pe'cheurs, patrons et ouvriers, travaillant en grand, avec bateaux et filets , viennent les pecheurs qui travaillent en petit et les pecheurs qui s'amusent. La profession de p^eheur a la ligne 1 cela paralt incroyable de nos jours, et pourtant, il pa- ralt hors de doute qu'il existe bon nombre d'individus n'ayant pas d'autre moyen d'existence que cette peche. Ge sont des amis de 1'independance absolue, tres-r6signes , probablement, a se contenter depeu, au moins serait-il agr6able de le supposer. On peche quelques Poissons en recevant le bienfait du grand air, on les vend pour quelques sous, et Ton n'a ni a recevoir les or- dres, ni a subir la contrainte de personne. On a, enfin, la Hbert6 de I'homme primitif. H ne serait pas impossible de concevoir une sorte de sympathie pour des philosophes pratiques restant ainsi, au sein de la civilisation, un exemple de la vie humaine aux premiers ages du monde, mais nous aurions besoin d'etre BLANCHARD, Les Poissons. PL XXIV, p. 536. Paris, J.-B. Baillierc ct Fils, 6dit. Corbeil, Cr6l6, imp. LA PECHE A L'ECIIIQUIER APRKS LES pftCHEURS TRAVAILLANT AVEC BATEAUX ET FILETS. PUBLIC. 537 assures de la vertu des pScheurs a la ligne de profession et de ne pas songer que le choix d'un pareil etat est sans doute de- termini par la paresse, par le gout du vagabondage, par de mauvais instincts, La peche a la ligne est surtout envisaged, a bien juste titre, comme une source de plaisir, de bonheur m&ne pour un grand nombre d'hommes. Plaisir incompris et digne des plus mor- dantes railleries pour beaucoup d'autres. Les amateurs de p6- che a la ligne se contentent en ge"ne"ral de voir, dans les mauvais plaisants, des gens imparfaitement dou6s par la nature, gens incapables de discerner ou Ton trouve la joie pure, le bonheur paisible. Us ont le courage de leur opinion, ces pficheurs, et il y a lieu deles en feliciter. La pe'che a la ligne, a mes yeux, est une admirable invention ; a mon sens, elle merite d'etre encouragee. Je puis en faire 1'eloge avec assurance , certain de n'etre pas entralne par la passion, car jamais, au grand jamais, je ne me suis rendu coupable de la capture d'un fretillant Goujon ou d'une blanche Ablette, et mes dispositions personnelles sont telles que le passe" peut r6pondre pour 1'avenir. G'est au point de vue de la psychologic, au point de vue de 1'hygiene, au point de vue de la morale, que la pe'che a la ligne me semble appelee a recevoir une juste consid6ration. La peche a la ligne ne doit-elle pas de"velopper chez ceux qui 1'aiment des qualites de 1'ordre intellectuel? Que 1'on y songe. Si la definition du genie que nous avons rec,ue deM.de Buffon : une longue patience, e"tait bien 1'expression de la verite, la plupart des pficheurs a la ligne auraient le droit d'etre comptes au nombre des hommes de ge"nie. Une longue patience ! qui en offre le spectacle mieux que le pficheur a la ligne? Sans croire autant que M. de Buffon, la patience suffisante pour produire INTfiRfiT PUBLIC. 539 source d'avantages dans les diverses situations sociales. La peche, la chasse, conduisent souvent des amateurs, d'a- bord frivoles, a acquerir un grain de ce talent d'observation ; a ce titre, ces plaisirs peuvent etre regarded comme des exercices qu'il ne faut point dedaigner. Sous le rapport de 1'hygiene, la peche a la ligne a une valeur impossible h meconnaitre. Voyez plutot cet ouvrier; il a pass6 la semaine entiere enferme dans 1'atelier, il s'c"chappe le dimanche et yarespirer le grand air. De bon matin, il prend ses Cannes, ses hamegons, sa boite aux appats, son panier, et fait souvent une longue course, le co3ur joyeux, pour atteindre le rivage, oii, plein d'esperance dans la bonne fortune , il s'arretera dans un lieu solitaire rempli des charmes de la nature. Quel exercice serait plus favorable ci la conservation de la sante, a 1'entretien de la vigueur du corps? Le pecheur n'encourra la reprobation de 1'hygie'niste que si une aveugle passion le pousse a entrer dans 1'eau et a y sejour- ner des heures entieres pour 6tre plus & portee de faire des victimes. Un semblable exercice est-il moins salutaire pour 1'employe qui a passe de longues journees sur ses ecritures. Un tel delas- sement n'est-il pas du meilleur effet pour le desceuvre, proprie- taire, rentier, retraite, dont 1'ennui ou 1'inertie amenerait 1'affaiblissement du corps? Au point de vue de la morale : le gout de la pe"che fait mer- veille, il ne laisssplus le temps de songer au cabaret, il arretela frequentation de la man vaise compagnie. N 'avez-vous pas rencon- tre parfois une de ces humbles families partant pour une expedi- tion a la recherche des Goujons, l'homme, la femme, les petits enfants, chacun avec sa part des engins? Le produit de la peche, si la journee a ete bonne, fera les frais du diner de la famille. 540 HISTOIRE ECONOMIQUE DES POISSONS. En presence de ces r6sultats , comment ne pas concevoir quelque sympathie pour les amateurs de p6che? Je demande- rais volontiers aux amateurs qui ont des loisirs, dene pas s'oc- cuper uniquement de la capture des Poissons , mais de remar- quer les habitudes des especes aux diverses 6poques de leur existence et de consigner leurs observations. Us prendraient bientdt interfit a un examen attentif des instincts, encore in- completement etudies, de beaucoup de Poissons, et 1'histoire na- turelle trouverait profit a recueillir des faits qui, pour 6tre bien observes, doivent etre suivis avec perseverance. A tous les avantages que fournissent les Poissons des eaux douceSj ne faut-il pas encore ajouter ceux des petites industries auxquelles ilsdonnentlieu, la construction des bateaux, la fabri- cation des filets et de tous les engins de peche? On conviendra alors que les produits naturels d'un pays doivent 6tre, pour le bien general, menage's avec la plus grande sollicitude. 2. Les Poissons considers sous le rapport de leur valeur alimentaire. Souvent on s'est prSoccupe" des qualite"s alimentaires de la chair des Poissons ; parfois, des craintes se sont manifestoes sur Fin- con v6nient possible de 1'usage trop exclusif ou trop predomi- nant du Poisson dansle regime alimentaire. Rien cependant ne justifie la moindre apprehension a cet 6gard. L'experience, commenc^e sans doute des les premiers ges du monde, s'est continu^e chez une infinite" de peuples sur une telle echelle a travers les siecles, qu'il n'est difficile a personne de se for- mer une opinion solidement appuyee sur les faits. Alav6rite, depuis Hippocrate, on a signal^, sans la moindre preuve, la VALEUR ALIMENTAIRE. 341 chair du Poisson comme 1'excitant d'une passion qui d'or- dinaire ne doit pas 6tre excise; on a attribute a 1' usage du Poisson des maladies qui frappent les habitants de la partie m6ridionale du Finmark et de quelques regions de la Nor- wege 1 ;on a impute la chair du Barbeau de's accidents dont plusieurs auteurs ont conserve le souvenir; mais ces accidents ont ete si rares, qu'on n'oserait jamais regarder 1'imputation comme fondle, pas plus que pour les maladies du Finmark, dont sont exemptes les autres populations ichthyophages du Nord de 1'Europe. Ge qui est plus certain, c'est 1'effet, au moins desagreable, produit par les oeufs d'un petit nombre de Poissons de rhiere ou d'etang/ceux du Brochet par exemple etdu Barbeau 2 . Les anciens, et en particulier les Hebreux, d'apres la defense de Mo'ise, rejetaient les Poissons sans nageoires et sans ecailles, les Anguilles par exemple. La defense, d'apres 1'avis de divers auteurs, etait une mesure d'hygiene. L'Anguille en effet est un Poisson extre"mement huileux, et 1'on sait combien les ma- tieres grasses, si delectables pour les hommes des pays froids, sont repugnantes pour les habitants des pays chauds. G'est tres-vraisemblablement dans cette circonstance que se trouve, comme pour la chair du pore , le motif d'exception dont les Poissons sans ecailles avaient 6t6 frapp^s. Le gout du Poisson devint extreme chez les Grecs et les Ro- mains ; 1'usage en 6tait tres-g6n6ral, et jamais aucun indice 1 La Spedalskeld et la Radesyge. On trouve dans I'Histoire gtnerale des ptches par Noel (Paris, 1815) de nombreux details sur 1'usage des Poissons. Un jeune m6decin mort depuis peu, G. C. Allard, les a reproduits dans une .these intituled Du Poisson consider 6 comme aliment, Paris 1853. 8 Plusieurs especes marines de Poissons des cOtes de FAmerique et de 542 HISTOIRE ECONOMIQUE DES POISSONS. facheux ne s'est manifesto par suite de ce regime. Lcs peuples d'une Industrie peu avanc6e ont presque toujours beaucoup vcu des produits de la pe"che r et cela assurement sans le moin- dre dommage pour leur sante. Les Gaulois, au rapport de Posi- donius, consommaient beaucoup de Poissons ; il n'en est guere autrement de nos jours sur divers points de la Hollande, dela Suede, du Danemark, sur la plupart des cotes maritlmes, sur les rives des grands fleuves de 1'Asie et de 1'Amerique. Les populations qui usent "de cet aliment dans la mesure la plus large, n'en pr^sentent certes pas moins que les autres les carac- teres de la vigueur et de la sante. Les Polynesiens aux formes athletiques sontla preuve vivante que 1'homme n'a rien a perdre sous le rapport du developpe- ment physique, de la n6cessite ou de 1'habitude de faire sa prin- cipale nourriture du produit des eaux. Apres avoir visite aux rives de 1'Adriatique, la lagune de Comacchio, M. Goste a trace le portrait le plus flatteur d'une petite population, soumise a un regime toujours identique, un regime presque exclusivement form6 de trois especes de Poissons, 1'Anguille, le Muge et 1'Ac- quadelle (espece du genre Ath^rine) *. Depuis Hippocrate et Galien, les Poissons sont regardes comme une excellente classe d'aliments. Les anciens s'etaient I'oc6an Pacifique acqui^rent des proprietes ven6neuses en accumulant dans leurs tissus des substances etrangeres dont la nature n'a pu encore 3tre dgtermine'e. On cite ainsi plusieurs especes malfaisantes de la mer des Antilles. M. le commandant Jouan a donne une Enumeration de celles des c6tes de la Nouvelle-Cale'donie (Revue des Soc. savantes, t. IV, et Mem. de la Sotiett des sciences naturelles de Cherbourg, t. XI). Heu- reusement n'avons-nous rien de pareil a redouter de la plupart des Poissons. 1 Voyage d' exploration sur le littoral de la France et de I'ltalie, p. 6 et !). Paris, 1861. RLA.NCHAIID, Les Poissons. PI. XXIX, p. 542. Paris, J.-B. Bailliere et Fils, 6d\l. Corbeil, Cr6te, imp. LA PECHE PE NUIT APRES AVOIR VISITE AUX R I V K S DE I/A U R I AT I Q U K LA LAGUNE 1) K COMACCHIO, M. COSTE A TRACK LE PORTRAIT LE PLUS 1-LATTEUR l)'l!NK PETITE POPULATION. VALEUR ALIMENTAIRE. 543 forme line idee deja precise de la difference de qualite nutritive que presentent les diverses especes. Parmi les Poissons d'eau douce, Hippocrate signale la Perche comme une espece d'une digestion facile, 1'Anguille et en general les especes d'eau bour- beuse" comme partieulierementpesantes 1 . Galien, ainsiqu'il est repete dans une foule d'ouvrages, prescrit de donner aux vieil- lards et aux convalescents la chair des Poissons, au moins de certains Poissons, de preference a la viande. Dans 1'antiquite" on avait 6te tres-loin dans 1'appreciation des qualites comesti- bles des Poissons, suivant la nature des eaux ou ils avaient 16 pfiches, suivant l'6poque de I'ann6e et d'autres circonstances encore. On n'ignorait pas plus qu'aujourd'hui que les Poissons charges de leurs oaufs et de leurs laitances, sont dans une con- dition de sant6 bien meilleure que ceux qui viennent de frayer. Chez les premiers, la chair est succulente, agreable au gout; chez les seconds, elleestseche et d'un gout affadi. Tousles tiygie- nistes se sont occupes de la valeur alimentaire des Poissons ; plusieurs d'entre eux ont eu la prevention de classer les especes d'apres leurs proprietes nutritives. C'eHait aller bien loin , en 1'etat de nos connaissances sur la digestion des divers aliments, etsurtout en presence des variations si re- marquables dans la maniere dont fonctionne 1'estomac chez les individus. II n'chappe du reste a personne, que laTruite, 1'Eperlan , mieux encore le Lavaret et la Fera, la Perche, le Goujon et la plupart des Gyprinides ont une chair delicate, et par consequent facile a dig6rer pour des estomacs mediocre- ment robustes, que la chair de 1'Anguille, du Sa union, de 1'Esturgeon est plus nutritive et en mteie temps plus pesante 1 Hippocrate, (Euvres completes, trad. Littrg; Des affections, t. VI, p. 265. 544 H1ST01RE CONOMIQUE DES POISSONS. sur 1'estomac *. Mais, outre la 16gerete plus ou moins grande de la chair de certains Poissons, n'y a-t-il pas des principes aro- matiques echappant a toute analyse chimique, et tres-utiles dans 1'acte de la digestion, qui existent chez certaines especes et manquentchez les autres? Ghacun ressent une appetence par- ticuliere pour des Poissons dont la chair est parfum6e, de bon gout, une repugnance pour ceux dont la chair, quoique tres- legere, est de gout fade. Ensuite c'est la preparation qui inter- vient, pouvant modifier plus ou moins les qualit6s nutritives et digestives de 1'aliment. Les chimistes ont fait des analyses comparatives de la chair des differents animaux, essayant ainside determiner rigoureu- sement leurvaleur alimentaire relative. Ges analyses presentent certes un haut intere't, mais on se tromperait, si Ton croyait pouvoir les employer a fixer compietement ce que vaut chaque espece par rapport a une autre espece. G'est aM. Payen que nous devpns surtout la connaissance de 1'ensemble des principes immediats qui entrent dans la consti- tution de la chair des Poissons 2 . Avantlui d'-autres chimistes, Schultz, Limpricht, etc., s'etaient occupes de ce sujet, mais ils n'avaient fait aucune mention de la matiere grasse ; singulier oubli, car personne ne 1'ignore, il suffit de faire bouillir un Poisson dans 1'eau pour voir des gouttes d'huile s'elever a la surface ; tout le monde le sait ; on engraisse des Garpes et d'autres Poissons. Et si les chimistes avaient visite les Musees d'anatomie,ils auraient appris combien la difficulte d'avoir des 1 On trouve 6nonc6es A ce sujet les opinions les plus fonde'es dans plusieurs trace's d'hygiene. Michel L6vy, Traite d' hygiene, 4 e 6dit. Paris, 1862. Fonssagrives, Hygiene alimentaire, etc., p. 106. Paris, 1861. 5 Payen, Precis theorique el pratique des substances alimeniaires, 4* Edi- tion, p. 214 et suivantes; 1865. INT&RET PUBLIC. 545 squelettes de Poissons qui ne soient pas impregnes de graisse, fait souvent le desespoir des pr^parateurs et des conservateurs obliges de recourir a 1'ether sulfurique pour degraisser et blan- chir les os. Schultz a fait 1'analysede la Garpe; plus recemment, M. Lim- pricht a public les resultats d'une analyse du Garden, egale- ment de la famille des Gyprinides 4 ; 1'un et 1'autre, sans tenir le moindre compte de la matiere grasse. M. Payen a repris 1'analyse du Garden qui a fourni les re- sultats suivants : Eau 67,030 Matieres azotes(d6duitesdel'azote = 2,329) 15,145 Matures grasses (repr6sentant 45,3 p. 100 de chair s6ch6e) 13,250 Substances mingrales (determinees par in- cingratioh) 2,720 Matieres non azotSes et perte 1,855 100,000 La matiere grasse a les caracteres gen6raux des huiles de poisson ; elle est de couleur jaune-brunatre, fluide & la tem- perature de 20 a 25, laissant deposer une portion moins fluide, grenue et blanchatre. Chez 1'Anguille, ainsi que Ton devait s'y attendre, la propor- tion de matiere grasse est beaucoup plus considerable. Void ce qu'a fourni a. 1'analyse, 1'Anguille depouilleeet debarrassee de toutes ses parties non comestibles. Eau 62,07 Matieres azote"es (dSduites de 1'azote = 2 p. 100) 13,00 Matieres grasses (repr6sentant 63 p. 100 de matiere seche) 23,86 Substances min6rales d6terminees par inci- n6ration 0,77 Matieres non azotges et perte 0,30 100,00 1 Annalen der Chemie und Pharmacie; aout 1863. BLANCHARD. 35 546 HfSTOIRE ECONOMIQUE DES POISSONS. M. Payen, d'un autre cote, a reconnu deja des differences sensibles dans les huiles de Poissons. Gelle du Saumon est sic- cative ; celle de 1'Anguille, beaueoup plus resistante a Faction de 1'air. Sous le rapport de la consistance, la matiere grasse varie singulierement selon les especes. A la temperature de 22% elle est fluide chez 1'Anguille principalement, ensuite chez 1'Ablette, le Saumon, le Goujon ; semi-fluide chez le Brochet, la Carpe, le Gardon ; consistante chez le Barbeau. M. Payen a encore determine, dans plusieurs especes de poissons d'eau douce, les quantity proportionnelles d'azote et de carbone. Ges quantit6s sont a peu pres semblables a celles que fournit la viancle de boeuf chez le Brochetetla Garpe. L'a- zote est en proportion un peu moins forte chez le Saumon, le Goujon, 1'Ablette, 1'Anguille ; beaueoup plus faible chez le Bar- beau. D'apres ces donn6es, on peut concevoir une idee assez exacte de la valeur alimentaire de nos principales especes de Poissons fluviatiles. 3. De 1'industrie et du commerce auxquels donnent lieu en France les Poissons des eaux douces. La part que les Poissons d'eau douce fournissent dans 1'ali- mentation des habitants des diverses parties de la France est, dans 1'etat actuel, tres-difficile a determiner, non-seulement d'une maniere exacte , mais encore d'une maniere bien approximative. Lorsque, en 1861, le service des eaux, qui dependait de 1'ad- ministration des Forets, fut mis a la charge de 1'admim'stration des Ponts et Ghaussees, la peche fluviale etait ainsi affermee : INDUSTRIE ET COMMERCE. 547 Par 1'administration des Forets, 7,555 kilometres, donnant un produit de 575,643 fr. Soit 76 fr. par kilometre. Par 1'administration des Fonts et Chaus- sees, 4, 975 kilometres ./. >^-'i- .... 146, 134 fr. Soit 29 fr. par kilometre. L'administration des Fonts et Chausse'es expliquait cette in- feriorite de produit, par la raison que les canaux, sous le rap- port du volume et de la surface des eaux, sont dans des condi- tions inferieures a celles des rivieres. L'administration des Fore'ts repoussait cette explication, en alleguant que la pfiche affermee par les Fonts et Chausse'es s'exerc,ait sur des rivieres et des cours d'eau de premier ordre qui avaient 6te canalises *. Je n'ai pu me procurer des renseignements precis sur les mo- difications qui ont 6t6 apporte"es depuis que le service des eaux inte"rieures de la France a e" te attribue" en entier a 1'administra- tion des Fonts et Chausse'es. D'apres les Evaluations de 1'administration des Fore'ts, et surtout d'apres les etudes de M. Millet, la peche, dans toutes les eaux douces de la France, ne produirait pas annuellement plus de 22,400,000 kilogrammes de Poisson. Gette quantite", a laquelle doit s'ajouter la part fourniepar 1'importation, donne- rait seulement a chaque habitant de la France une consomma- tion annuelle de 630 grammes. La vente des Poissons p6ch6s dans les eaux douces, est une branche de commerce qui a son importance, comme on peut en juger par la visite des marches. Malheureusement la statistique fait presque entierement defaut pour cette branche 1 Documents communiques par 1'administration des For Ms. 548 HISTOIRE ECONOMIQUE DES POISSONS. de commerce, etl'on en est reduitaux plus vagues appreciations. Dans la plupart des \illes, 1'autorite ne fait aucun releve, ni des especes, ni des quantites vendues sur les marches. Le Poisson consomme^ dans les hotels, dans les auberges, dansles etablissements plus ou moins attrayants, recherches paries ha- bitants des grandes cit6s, dans leurs promenades des jours de ffcte est en general recu directement des mains des pecheurs, et echappe ainsi a tout enregistrement possible. II y a en suite ce qui passe sur la table des proprietaires d'etangs, comme aussi des proprietaires ayantdroit de peche dansles rivieres qui traversent leurs domaines. II y a le produit de la peche a la ligne, peche insignifiante en apparence, insignifiante, en effet, a en juger d'apres le contenu du panier d'un pauvre homme qui a passe de longues heures pour prendre quelques Ablettes ou quelques Goujons ; mais combien sont-ils dans la France en- tiere, ces amateurs de pe"che, emportant chaque jour leur pe- tit lot, et qui done a jamais song6 a faire 1'addition de tous ces petits lots emporte"s dans 1'espace d'une annee ? Et puis, la peche a la ligne comme tout en ce monde a des habiles et des heureux qui parfois font de belles captures ; il y a enfin le rapt des bra- conniers, vSritables barbares, ravageant un cours d'eau dans 1'espace de quelques nuits a 1'aide des engins les plus destruc- teurs, tels que ces filets, portant dans le langage de ces sau\ages des pays civilise" s, l'6pithete significative de Rince-Tout. Sur les marches de Paris et de Lyon, il est fait chaque jour, par les soins de 1'autorite", un releve des quantites de Poissons mises en vente et des prix auxquels sont vendues au moins les especes principales. Malheureusement, il n'en est pas ainsi dans la plupart des autres villes de France,de sorte qu'il demeure impossible de savoir ce que fournit a la consommation,meme HLAXCHAUD, Les Poissons. PI. XXXF, p. 548. Paris, J.-B. Bailliere et Fils, edit. Corbcil, f.r6l'&, imp. .**'. * 'TV*' *" J i % LES PRODU1TS DE LA PECIlfi** **'* ; " ; '' '%*: I*'*. '.''I ! /" 1 L Y A L K P R O D U I T D F LA P & C. II E A LA Is I G NK , P ft C II E I X S I G N I F I A X T E EN A P P A R E N C E , INSIGNIFIANTE EN EFFET, A EN J U G E R D'APRES LE CONTENU DU PANIER. X INDUSTRIE ET COMMERCE. 549 approximativement, chaque e?pece, et de constater, si, dans un temps determine, elle se montre toujours a\ec une 6gale abon- dance ou si, an contraire, elle devient plus rare. Des renseignements sur le marche" de Paris, puises aux sources les plus sures, c'est-a-dire dans les pieces conserves a la prefecture de police, ont etc publics en 1856, par M. Husson; en 1862, par M. Robert de Massy 4 . Nous nepossedons aucune indication precise sur lesquan- tit^sde Poissons vendues sur les marches, aux differentes 6poques de 1'ancienne monarchic. On sait seulement que 1'approvision- nement de Paris en Poissons d'eau douce, rec,ut une grave at- teinte par suite du decret de la Convention nationale en date du 4 decembre 1793, qui obligeait tous les proprietaires a opener le dessechement de leurs e" tangs. Apres les jours de la revolu- tion, la liberte etant rendue a la propriety, beaucoup d'etangs furent remis en leur 6tat primitif et les Poissons repa- rurent successi vement a lahalle,'en plus grande abondance. La population ayant augmente, les demandes devenaient plus nombreuses. On songea alors pour tacher d'accroitre 1'approvi- sionnement de la capitale, a diminuerles droits ou a en affran- chir meme entierement certaines denrees. Le Poisson d'eau douce avait subi autrefois une taxe de 21 pour 100 de sa valeur, plus tard, reduite a 12 pour 100; il cessa bientot d'etre sou- mis a 1'octroi municipal. , v D'apres le relevds dresse par M. Husson 2 , les quantit6s de Poissons d'eau douce, consommees a Paris, del'an XIII a 18S3, sont comme les indique le tableau suivant : 1 Les consommations de Paris, par Armand Husson. Paris, 1856. Des halles et des marches et des objets de consommation a Londres t et a Paris par J. Robert de Massy. Paris, 1861-1862. s Loc. cit., p. 263. 550 HISTOIRE ECONOMIQUE DES POISSOXS. Consommation Quantits <5valu 451,372 1861 462,080 36,902 49*,9S2 1862 530,002 45,052 575,054 1863 366,275 35,454 401,729 1S64 317,730 29,609 347,33) On remarque, depuis 1862, line diminution qui parait ne s'etre point arrete~e pendant 1'annee 1865. L'approvisionnement mensuel offre les memes variations qu'a Paris ; il est le plus considerable pendant le temps du careme ; c'est-a-dire les mois de fevrier et demars et ensuite pendant le mois de novembre ; il est le plus faible durant les mois d'ete, mai, juin, juillet et aout. La presque totalite des Poissons, ditscommuns ou ordinaires, qui se vendent sur le marche de Lyon, provient des e tangs de la Dombes. La peche du Rhdne et de laSaone fournit fort pen de chose; son produit,dureste. est surtoutconsomm dans lespetites localitSs environnantes. Le march6 deLyon reoit des Lavarets du departement de 1'Ain et du lac du Bourget ; des expeditions de Truites, de Feras et de Lotes de Geneve, des Truites saumo- nees des lacs de la Lombardie. On voit que le rayon d'appro- visionnement de la seconde ville de France a ime grande eten- due, et qu'il donne une remarquable varieie de produits. Le marche de Lyon est ainsi pourvu habituellement de plusieurs especes de Poissons qu'on ne rencontre jamais ou qu'on voit tres-rarement sur le marche de Paris. Apres "avoir note les prix auxquels se vendent a Paris les dif- ferentes especes de Poissons, il n'est pas sans interet de compa- rer les cours sur le marche de Lyon. INDUSTRIE ET COMMERCE. 557 Le tableau qui suit offre les prix de la vente en gros ou de 1'achat par les marchands, et les prix des ventes aux consomma- teurs. Les prix sont ceux du temps present qui papaissent avoir peu change depuis plusieurs annees. Vente Vente aux marcliands. aux consommateurs. Carpes, le kil O f 80 a 2 f OO i f oo a 3 f OO Crochets (suivant la taille). 2,00 6,00 2,50 7,00 Anguilles 2,50 0,00 3,00 7,00 Perches 0,80 2,00 1,60 3,00 Tanches 1,40 2,70 2,00 5,50 Brfimes 0,60 1,20 0,80 2,50 Barbeaux ou Barbillons. . . 1,00 2,50 2,00 3,00 Goujons 1,50 2,50 2,00 3,00 Chavassons (Chevaines,etc.) 0,80 2,00 0,80 2,oO Soafes (Chondrostomes). . . 0,00 0,00 0.80 1,00 Petits Poissons blancs 0,00 0,00 0,60 0,80 Saumons, le kil 2,50 7,00 3,50 8,00 Truites (de Geneve et d'lta- lie) 3,00 5,00 6,00 8,00 Lavarets (de 1'Ain) 1,00 2,00 2,00 3,00 F6ras (de Geneve) 1,00 2,50 1,50 3,50 Lotes (de Geneve) 1,00 2,50 1,50 3,50 Aloses 0,80 1,20 1,00 2,00 Le mode de vente adopte a Lyon , comme le montre ce tableau , est bien superieur a celui ou plutdt a ceux qui sont en usage a Paris. A Lyon, toutesles especes sans exception se vendent au poids, ce qui a lieu 6galement sur les marches de beaucoup de villes du midide la France; a Paris, les unes se vendent au poids, les autres a la piece ouala paire, les autres encore, aupa- nier ou a la manne. De la, une impossibility d'etablir d'utiles comparaisons. II y a, sous ce rapport, un vice dont on aimerait a voir se pr6occuper la municipalit6 parisienne. A Lyon comme a Paris, le Poisson subit un droit d'octroi. 558 HISTOIRE ECONOMIQUE DES POISSONS. Ge droit, fixe par un decret en date de 1852, est de O f ,iO par kilogramme sur les Poissons fins, de O r ,20 sur les Pois- sons ordinaires, de O f ,lO surles Poissons communs, c'est-a-dire, les Carpes,les Tanches etles Barbeaux. Un autre droit, appele proportionnel, est pr&eve en faveur du facteur a la vente a la cri6e, auquel sont adressees directement des expeditions. II s'e- leve a 10 pour 100 de la valeur, pour les Poissons fins, a pour 100, pour les Poissons ordinaires. La location des places sur les marches varie ensuite, suivant 1'etendue de 1'empla- cement, de O f ,25 a 2 fr. par jour. Par suite de questions adressees a la Societe d'agriculture, des sciences et arts et belles-lettres de 1' Aube, par un prefet dont on ne saurait trop louer I'initiative, M. de Bantel, nous avons, sur la pfiche fluviale dans le departement de 1'Aube 4 , un rapport interessant, dans lequelontrouvequelques faits relatifs au commerce des Poissons d'eau douce dans la \ille de Troyes. La commission charged de ce rapport s'est declaree dans 1'impossibilite absolue de determiner, meme approximative- ment, les quantites des principales sortes de Poissons peches an- nuellement dans le departement. Ellen'a pu se procurer un seul document officiel ou officieux sur ce point. A 1'egard de 1'approvisionnement de la \ille de Troyes, en 1'abserice de toute statistique, le Poisson d'eau douce n'etant soumis a aucun droit ni a aucun controle , on a du se conten- ter d'une estimation approximative. Ge sont les etangs assez nombreux dans le departement de 1'Aube qui fournissent au 1 Par une Commission compos6e de MM. Jules Ray, Lebasteur, Cle- ment Mullet, Anner-Andr6 et Gayot, rapporteur. Memoires de la So- citlt d'agriculture, des sciences, etc., du departement de I' Aube; Troyes, 1861. INDUSTRIE ET COMMERCE. 559 chef-lieu la plus grande partie de son approvisionnement en Poisson d'eau douce ; de telle sorte que la Garpe compte a pen pres pour les deux tiers dans la consommation totale de cette denree. La consommation annuelle de la \ille de Troyes a 6te e"va- luee ainsi : Carpes 21,900 kil. Les autres especes ensemble. \ 0,959 Soit un total de 32,850 Les prix moyens des diffe'rentes especes de Poissons sur le marche" de Troyes, ont e"te" donne"s comme il suit : Carpes vivantes, le kil i f ,W a l f ,40 Carpes mortes 0,80 1,00 Brochets \ivants 2,50 3,00 Brockets morts 1,80 2,00 Anguilles ? 2,50 3,00 Perches 2,00 2,40 Tanches 1,20 1,40 Brumes 0,90 1,00 Barbeaux ou Barbillons 1,10 1,50 Goujons, le cent 4,00 5,00 Meuniers (Chevaines), le kil 1,00 1,20 Petits Poissons blancs 0,80 0,90 , Truites ordinaires 3,00 4,00 Truites pe'che'es dans 1'Aube et ses af- fluents, moins estim6es a Troyes 2,00 2,20 Truites saumone"es 2,56 3,00 Lotes 2,00 2,50 Au moment de la peche des etangs, la Garpe se vend engros, aux marchands de Troyes de O f ,75 a O f ,9S le kilogramme, et le Brochet, de O r ,90 a 1 franc. L'administration des For^ts s'etait beaucoup pr6occup6e , il y a quelques anne"es , de dresser la statistique de la 560 HISTOIRE ECONOMIQUE DES POISSONS. consommation du Poisson d'eau douce dans les principales villes de France. Voici, d'apres un document emane de cette administration , les renseignements obtenus. Les quantites annuelles sont donnees en kilogrammes, sans distinction des especes : Departements. "Villes. Kilogrammes. Ain Bourg 36,700 ( Laon ISaint-Quentin... . Allier Moulins 14,885 Alpes (Basses-) Digne 32 , Alpes (Hautes-) Gap 1,364 Aube Troyes 7,158 / Brives \ Correze j Tulle V 8,800 (Ussel ) Creuse Gueret l,oOO Besangon... . t . Doubs. Baume.. 43,280 Montbeliard Pontaiiier Eure Evreux 2,171 Card Nimes ..'...; 111,175 Garonne (Haute-).. Toulouse 20,300 Gers Auch 1,135 Loire (Haute-) Brioude 1 ,600 Lot Cahors 8,000 Lot-et-Garonne Agen 3,000 Lozere... Mende 868 ' Avranches. . Manche . Saint-LO. 5,000 jMortain [ Valoghes Morbihan Ploermel 6,000 Moselle Metz 14,561 Nievre Nevers 29,000 Nord t . Les sept chefs-lieux d'arrondissement.. 36,500 PISCICULTURE ANCIENNE. 561 Departements. Villes. Pas de-Calais Arras Rhin (Bas-) Strasbourg Rhin (Haul-) Colmar Sarthe Le Mans Abbeville Amiens Doullens. ........ Montdidier Peronne Napoleon-Vendee . Fontenay Sables d'Olonne. . Vosges fipinal Somme. Vendee. Kilogrammes, 3,500 139,500 30,000 9,333 26,300 1,433 25,000 11 nous est impossible de dire le degre de confiance que Ton doit accorder a ces chiffres, malgre le soin que Ton a pris pour les recueillir 4 ; mais, en les reproduisant, nous croyons donner une premiere indication utile aux personnes convenablement placees pour faire les constatations avec toute la rigueur desi- rable. 4. La Pisciculture depuis les temps anciens jusqu'a la fin du XVIII 1 siecle. On assure que 1'art d 'clever et de multiplier les Poissons est pratique en Chine depuis une tres-haute antiquite. L'6po- que, n6anmoins, n'a pu 6tre fixee. En 1735, le P. Duhalde, de la celebre Gompagnie de Jesus, a revele le premier, a quel point les enfants du Celeste-Empire pourraient en remontrer aux ha- bitants del'Europe, en fait ftaquiculture. Dans le grand fleuve Yang-tse-kiang , dit le P. Duhalde, 1 On remarquera, pour la consommation de la ville de Troyes, 1'e- norme difference entre le chiffre recueilli par 1'administration des Forfits et celui qui est donne par la Commission locale citee plus haut. BLANGHARD. 36 562 HISTOIRE ECONOMIQUE DES POISSONS. non loin de la ville de Kieou-king-fou, de la province deKiang- si, en certains temps de I'ann6e, il s'assemble un nombre prodigieux de barques pour y acheter des sentiences de Pois- son. Vers le mois de mai, les gens du pays barrent le fleuve en differents endroits avec des nattes et des claies, dans une e"tendue d'environ neuf ou dix lieues, etlaissent seulement au- tant d'espace qu'il en faut pour le passage des barques ; la se- mence du Poisson s'arrete a ces claies; ils savent la distinguer (( al'ceil ou d'autres personnes n'aperc.oivent rien dans 1'eau; ils puisent de cette eau melee de semence et en remplissent plu- sieurs vases pour la vendre, ce qui fait que dans ce temps-la, quantity de marchands viennent avec des barques pour 1'a- cheter et la transporter dans diverses provinces, en ayant soin de 1'agiter de temps en temps. Ils se relevent les uns les autres pour cette operation. Au bout de quelques jours, on apergoit des semences semblables a de petits tas d'ceufs de Poissons, sans qu'on puisse dSmeler encore quelle est leur espece ; ce n'est qu'avec le temps qu'on la distingue. Le gain va souvent au centuple de la defense, car le peuple se nourrit en grande partie de Poissons l . Beaucoup de voyageurs ont signale les pratiques des Ghinois pour clever des Poissons, et des renseignements nouveaux, du reste un peu vagues, ont ete donnas sur ce sujet, il y a quelques ann6es, par le P. Hue. Vers le commencement du printemps, dit ce missionnaire, un grand nombre de marchands de frai de Poisson, venus de la province de Canton, parcourent les campagnes pourvendre la semence auxproprie"tairesd'e" tangs. Leur marchandise, renfermee dans des tonneaux qu'ils tral- 1 Eistoire de I'Empirede la Chine, t. I, p. 35; 1735. PISCICULTURE ANCIENNE. 563 l. de la S>c. d'acclimnlation, t. X, p. 261 et 332; 1863. 2 B'tll. de la Soc. d'acdimatalion, 2 e s^rie, t. I, p. 785 ; 1864. 8 Mem. de I Academic des sciences, inscription;, et belles-lettres de Tou- louse, 1*63. 4 Notice historique sur retablissement dc pisciculture de Huningur, 1862. R'ipport sur la pisciculture et la pe*che flaviale en Angktcrre, en Ulcosse et en Irlande, in-4 ; 1863. S96 HISTOIRE ECONOMIQUE |DES POISSONS. ments fait connaitre 1'etablissement d'Huningue dans ses phases successives, et ensuite la nature et 1'importance des operations qui y ont 6t6 effectuees. Des tableaux particuliers fournissent 1 'indication precise des quantites d'oaufs de Salmonidesfecondes chaque annee et des distributions de ces ceufs dans tons les departements de la France. Le nombre de ces distributions s'eleve a un chiffre considerable. Le second document fournit les renseignements les plus instructifs pour la propagation et la conservation des Saumons dans les rivieres. Depuis une dizaine d'ann6es, il a ete public encore d'interes- santes notices sur 1'empoissonnement des eaux douces et sur 1'etat de la pisciculture en France, ou Ton trouve souvent des indications utiles. Une notice de Jules Haime, qui date de 1854, a 6te particulierement remarquee 1 . Sont venues ensuite des notes de M. Gloquet 2 et de M. Rene Gaillaud 3 , destinees a con- stater des resultats obtenus. Des instructions pour le repeuple- ment des cours d'eau, redigees par M. Millet, ont ete publi6es en 1860 par 1'administration des Forets. M. Baude a emis ses vues particulieres sur 1'empoissonnement des eaux douces *, M. Charles Deville a presente des remarques au sujet de la peche fluviale 5 , et M. de Quatrefages a developpe des conside- rations d'un ordre eleve sur la fertilite et la culture de I'eau 6 . Plusieurs proprietaires se sont livres avec zele a des travaux de pisciculture et ont eu parfois des succes reels dans la propaga- tion de la Truite. Leurs noms se trouvent souvent cit6s dans 1 La Pisciculture, Revue des Deux Mondes, l er juin 2 Bull, de la Soc. d' accumulation, t. V, p. 49; 1858. 3 /M./., 2 e serie, t. I, p. 580; 1864. 4 Revue des Deux Mondes, 15 Janvier 1861 . 3 Annales forestieres, mars 1861. Bull, de la Soc. d'acclimalation, t. IX, p. xux; 1862. PRATIQUES UE PISCICULTURE. 597 les 6crits dont il vient d'etre fait mention et dans les ouvrages de M. Coste. M. le corate de Galbert, a la Buisse, canton de Voiron (Isere), entre autres, semble e"tre arrive a faire line industrie veritable de 1'eleve de la Truite '. L'impulsion donnee en France s'est fait sentir dans presque tous les pays d'Europe, et depuis plusieurs annees, la Bel- gique, la Hollande, la Suisse, 1'Allemagne, 1'Italie, 1'Espagne, out des etablissements de pisciculture. 6. Des pratiques mises en usage pour la pisciculture. De temps immemorial, on a pratique la pisciculture ou \Aui6tY A quiculture, pour employer une expression peut-6tre meilleure, introduite depuis quelques annees. Les e" tangs, qui avaient une si grande importance au moyen age, ont toujours 6te 1'objet d'amenagements constituant une veritable aquicul- ture. Les etangs offrent un moyen de tirer parti du sol avec peu de travail eta tres-peu defrais. Si leur exploitation n'est pas des plus productives, on comprend neanmoins qu'elle ait du e"tre fort appr^ciee dans les pays ou la population etait peu abondante, ou la culture etait peu avance"e. Dans les localites ou la culture des 6tangs est la mieux entendue, d'apres 1'avis des hommes les plus competents, on les alterne en eau et en labourage ; en eau, ils fournissent du Poisson et quelque paturage, ou un peu de fourrage pour les bestiaux. Desseches, mis enassec, suivant le terme consacre, on obtient de bonnes recoltes, sans -engrais et. avec peu de travail. 1 Son 6tablissement piscicole a 6te d6crit par M. Victor Borie, Journal cC Agriculture pratique. 58 HISTOIRE ECONOMIQIJE DES P01SSONS. Ge n'est pas ici le lieu deparler des etangs a divers points de vue d'utilit6 publique, comme dans les endroits ofo ils servent an flottage, comme dans les pays ou ils sont employes a 1'irri- gation des prairies ou & fournir de 1'eau a de petites rivieres, dont on augmente ainsi le volume, de fasur des gradins. Un seul filet d'eau, arrivant dans le bassin le PRATIQUES DK P 1SCICI LTUKE. 607 plus eleve, tombe successivement dans tons les autres jus- qu'au dernier, etablissant de la sorte un courant continu. Si Ton dispose les auges comme un double escalier, il est facile d'en avoir un plus grand nombre encore sur un petit espace, pouvant etre alimentees par un seul filet, car il suffit que la ri- gole superieure soit pourvue d'une gouttiere de chaque cote. Les auges en faience ou en poterie 6maillee doivent etre pre- ferees soit aux vases en metal, soit aux baquets en bois, qui ont le defaut d'alterer la purete de Feau. L'incubation des ceufs de Salmonides s'obtient, du resle, partout avec une extreme facilite. Bien des personnes aujour- d'hui s'amusent a faire eclore des Saumons et des Truites dans leur appartement. Une assiette placee sur la cheminee ou sur une table contient les oeufs. En ayant soin de renouveler 1'eau de 1'assiette, trois ou quatre fois.par jour, revolution s'ef- fectue sans plus de difficult^. Gependant, lorsqu'on opere sur des quantites d'oeufs un pen considerables, il y a des precautions a prendre pour empecher la mortality. Les experimentateurs sonttombes d'accord sur les avantages de la suspension des oeufs. D'abord on a fait usage de claies d'osier; des inconvenients ont oblige a y renoncer. M. Millet a adopte des chassis en toile metallique galvanisee, et il affirme qu'en aucune circonstance le metal prepare n'a exerce d'influence facheuse sur les embryons. M. Coste a ima- ging des claies en baguettes de verre. Le verre ne peut 6tre suspect d'etre nuisible aux oaufs ; sa fragilite seule pourrait devenir parfois une cause d'embarras. Un inconvenient d'une autre nature a pourtant ete attribue aux claies formers de ba- guettes de verre ; les jeunes Poissons au moment de leur nais- sance laisseraient aisement passer la partie la plus mince de 608 111STOIKE KCONOMIQIE DES POISSONS. leur corps entre les baguettes et se trouveraient souvent pris de la sorte sans parvenir a se degager. Ge sont la, au reste, des pratiques d'ordre secondaire, sur la valeur desquelles les op6- rateurs devront 6tre bientot fixes. Pour obtenir de bons resultats dans 1'incubation des ceufs, il est utile de se preoccuper de la temperature convenable et du degre d'intensite de la lumiere. Dans la connaissance acquise de 1'epoque du frai de chaque espece de Poisson, on trouve une excellente indication de la temperature moyenne dont il est essentiel de pen s'ecarter. Avec la meme connaissance, on arrive a estimer dans quelle mesure la lumiere doit etre distri- buee. Les ceufs des especes qui pondent en ete, supportent une vive lumiere. 11 en est autrement des especes qui pondent en hiver au milieu des graviers. Si 1'eau employee dans les appareils a eclosion est d'une grande purete et s'ecoule avec rapidite, on voit peu d'osufs s'al- terer; mais cette double condition n'etant pas satisfaite, les per- tes augmentent et il est rccommande d'enlever avec une pince on une pipette les oeufs gates , afin de ne jamais laisser les oeufs sains en contact avec ces derniers. Souvent aussi des byssus se developpent a la surface des ceufs et amenent la mort des embryons. Dans tons les cas, il est conseille de faire disparattre a 1'aide d'un pinceau tons les corps etrangers qui s'attachent aux reufs, en un mot, de maintenir la propret6 la plus ri- goureuse. Les jeunes Poissons eclos, 1'eau claire leur suffit pendant une periode variable selon les especes ; periode dont le terme est toujours annonce par la disparition de la vesicule ombilicale. G'est seulement apres la resorption complete de cette vesicule, que les jeunes Poissons commencent a manifester le besoin de PRATIQUES DE PISCICULTURE. 609 se nourrir ; il devient necessaire alors de leur donner des ali- ments, si Ton tient a attendre qu'ils aient acquis une certaine force, avant de les abandonner dans les cours d'eau. Ce qui convient aux Truites et aux Saumons nouveau-nes, ce sont de jeunes Poissons plus faibles, de petites larves d'insectes, etc. La chair pilee on hachee, les pfttees, dont on a fait usage avec plus on moins de succes, offrent une multitude d'inconv6nients faciles a, concevoir. Les fecondations artificielles etant particulierement utiles dans les circonstances ou il s'agit de propager des especes dans des eaux ou elles n'existent pas, il a ete essentiel de s'oc- cuper des conditions dans lesquelles le transport des oeufs pou- vait avoir lieu, avec le moins de danger possible. Pour des transports a courte distance, les oaufs laisses dans 1'eau arri- vent en general a destination sans accident, si 1'on ne leur fait subir un ballottage trop violent. Iln'en est pas de meme dans les cas ou les oeufs doivent etre e"nvoy6s au loin. Les observateurs 6cossais avaient bien reconnu la possibility de sortir de 1'eau les 03tifs de Saumons et de les conserver assez longtemps avec un peu d'humidite". Ge n'e"tait pas tout encore^ neanmoins ; il fallait s'assurer du moment de 1'incuba- tion ou le transport aurait lieu avec les plus faibles chances de perte, et les personnes qui en France se sont efforcees de diri- ger la nouvelle pisciculture, ont acquis la preuve, apres des essais et des tcttonnements inevitables, que 1'instant a choisir pour les expeditions, est celui ou 1'embryon commence a deve- nir bien distinct au travers dela coque de-l'oeuf ; c'est alors, 1'oeuf embryonne, suivant 1'expression aujourd'hui admise par les praticiens. Le moment de 1'expedition arrive", on prend une bolte et ? Bl.ANCHARn. 39 610 HIST01RE ECONOMIQUE DES POISSONS. d'apres 1'avis de M. Goste, on forme, pourles oeufs de Salmo- nides, un lit de sable fin mouille au fond de la boite. Une cou- che d'ceufs est placee sur ce premier lit, puis un nouveau lit de sable et une nouvelle couche d'o3ufs, et ainsi de suite. Une cer- taine quantite de mousse humide, associee au sable, a 1'avan- tage, a cause de sa legerete, d'empecher que des pressions trop fortes ne soient exercees sur les oeufs. M. Millet recommande, comme moyen plus simple et preferable a 1'usage du sable, 1'emploi de linges mouilles qui maintiennent les 03ufs sans ja- mais les ^eraser. 7. Des conditions necessaires a la propagation des Poissons. Si Ton veut s'en rapporter avec une confiance entiere aux ecrits deja nombreux, ou les avantages de la fecondation artifi- cielle des ceufs sont presenter avec un accent qui temoigne d'une intention bien arretee de n'admettre aucune contradic- tion ; si Ton prend la peine de pareourir 1'enumeration des suc- ces qui se repetent depuis quinze ans, il sera difficile de ne pas croire jusqu'a nos plus petits ruisseaux peuples par des legions de Truites, tous nos fleuves visites chaque printemps par d'im- menses troupes de Saumons. Gependant les Truites et les Sau- mons n'arrivent pas sur les marches des villes de France en quantite notoirement plus considerable que par le passe ; on ne rencontre guere encore de pe'cheurs assurant que les rivieres, depeuplees il y a quelques ann6es, possedent aujourd'hui une nombreuse population. Les fecondations artificielles ont et^ pratiqu^es sur une vaste echelle; I'etablissement d'Huningue a pu satisfaire avec une extreme liberalite aux demandes qui lui ont ete adressees de CONDITIONS l)E LA PROPAGATION DES POISSONS. 61! tous les points de la France en ceufs de Saumons. Et neanmoins, tons les succes obtenus jusqu'ici se bornent, croyons-nous, a quelques r6sultats heureux, dans un tres-petit nombre de pro- prietes particulieres, offrant des conditions favorables pour la multiplication de la Truite. Dans la plupart des rapports des experimentateurs qui se sont occupes le plus ardemrnent de la pisciculture, on voit que chacun se f&icite de ses succes, car les ceufs de Saumons, de Truites, de Feras, etc., presque toujours fournis par 1'etablissement de Huningue, ont donnc des milliers de jeunes Poissons ; les pertes ont ete insignifiantes, m6me jusqu'au moment ou a ete entiere- ment effectuee la resorption de la vesicule vitelline. Alors des milliers de jeunes Poissons ont ete jetes dans une riviere, dans un lac ; tout s'est pass6 de fac,on a faire concevoir de belles esperances. Pourtant, de ceux qui sont interroges au bout d'un certain temps, sur le degre de prosperite de leur exploitation, n'en recoit-on pas a pen pres invariablement cette reponse : Les Poissons sont morts ; ils ont disparu? Us sont morts, en effet, et, dans la plupart des circonstances, ils devaient mourir d'apres toutes les previsions possibles. Que penserait-on d'une personne ayant 1'idee de propager les Lievres sur un sol entierement nu ? Les Lievres ne peuvent \ivre dans un desert, remarquerait chacun, et, g^neralement, Ton ne re- marque pas que Ton a fait le desert dans nos cours d'eau. Dans son rapport de 1851, M. Milne Edwards indiquait la necessite de beaucoup d'etudes, si Ton voulait reussir a multi- plier les Poissons ; etudes indispensables dans chaque localite ou 1'onseproposait d'agir. On a cru pouvoir se passer de ces etudes. M. de Quatrefages, de son cote, a fait la remarque suivante, qui merite bien d'etre rapportce : Une foule de pisciculteurs, nc (ti2 HISTOIRE ECONOMIQUE DES POISSONS. s'attachant qu'aux meilleures especes, sement exclusivement de la Truite et du Saumon . . . , c'est-a-dire des especes carnassieres et tres-voraces, qui, une fois lachees dans un cours d'eau, ne trouvent pas a s'y nourrir ; ces especes QII sont reduites a s'entre-devorer et di¶issent. Ilfaut, dans les memeseaux, multiplier les especes herbivores, sinon il sera impossible de lespeupler l . Rien de plus vrai, mais ce n'est pas tout encore. II ne suffit pas que des Poissons, me"me des herbivores, soient mis dans 1'eau pour qu'ils vivent et grandissent, et, dans une infinite de. rivieres, il n'y a plus de nos jours que de 1'eau claire ou bourbeuse. G'est le desert. Les herbes ont et6 arrachees, aneanties au prejudice des especes herbivores. La disparition des herbes a entralne la disparition des mollusques fluviatiles, Limnees, Planorbes, Paludines, desinsectes, des vers,qui, dans les conditions ordinaires, entrent pour une part enorme dans 1'alimentation de nos meilleures especes de Poissons. La dispa- rition des herbes a enleve aux Poissons dont les oeufs s'aggluti- nent les moyens de d^poser leur ponte dans les seules conditions ou les ceufs puissent se d6velopper; elle a enleve aux jeunes Poissons les retraites, les refuges centre les atteintes de leurs ennemis. Attribuer, uniquement a une p6che trop active la rarete, ac- tuelle de certains Poissons dans des cours d'eau, ouces Poissons vivaient autrefois en abondance, c'est beaucoup setromper. Les ravages produits par des peches inintelligentes sont, certes, bien r6els ; mais ce n'est pas, sans doute, sur une foule de points, la seule cause de la diminution des Poissons. La cause principale 1 Bulletin de la Soc. zool. d'acclimatation, t. IX, p. 65; 1862. CONDITIONS DE LA PROPAGATION DES POISSONS. 613 est duo au curage des rivieres, a I'enlevement des herbes, et avec les herbes, d'une masse d'animaux et souvent de frai de Poissons. Le jour ou Ton vent faire \ivre des Truites on d'autres Sal- monides dans une riviere, il est indispensable de s'assurer, avant tout, si dans la riviere vivent des insectes, des vers, des mol- lusques, de petites especes de Poissons, comme des Vairons, des Ghabots et des Loches, et, dans le eas oil leur absence est constatee, de commencer par introduire de ces animaux, ainsi que la vegetation qui leifr est necessaire. II y a pen d'annees, je visitais, aux environs de Montivilliers (Seine-Inferieure), une propriete dans laquelle couraient une riviere et des ruisseaux limpides, offrant une belle vegetation pres de leurs bords ; on s'emerveillait en voyant 1'abondance des Truites, grosses et pe- tites, qui se jouaient dans ces eaux pures. G'est qu'en cet endroit etaient reunies toutes les conditions favorables a la ponte et a 1'alimentation de la Truite. Remy et Geliin, qui avaient eu des succcs pendant plusieurs annees, etaient obliges de noun*ir\eurs Truites, de leur apporter du frai et des tetards de grenouilles, de petites especes de Pois- sons, etc. ; il arriva 1 que les eaux du voisinage furent raises a contribution d'une maniere excessive ; les deux pecheurs con- staterent avec chagrin que ( la nourriture manquait a leurs Truites. Eh, disaitGehinarun de ses parents, de qui je tiens ce renseignement , savez-vous que nous ne trouvons plus assez d'animaux pour nourrir nos Truites ; elles se mangent les unes les autres ; bientot nous n'en aurons plus. Bientotj en eflet, il n'en restait guere. En essayant de propager en un lieu une espece animale, on n'est en droit d'esperer un succes que si Ton a acquis unc con- 014 HISTOIKE ECONOMIQUE DES POISSONS. naissance exacte des conditions necessaires a la vie et a la repro- duction de 1'espece, que si Ton s'est assure ensuite de 1'existence de ces conditions dans la localite. Si les conditions font defaut, il est indispensable avant tout d'arriver a les produire. II est entre dans la croyance d'une infinite de personnes qu'il suffisait de semer du poisson, a pen pres indifferemment dans toutes les eaux, pour avoir de bonnes recoltes. De la, de continuelles de- ceptions, capables de jeter le plus regrettable discredit sur la valeur des indications de ia science relativement aux applications a 1'industrie et a 1'agriculture. En procedant a 1'aventure, il faut s'attendre a voir, presque toujours, les resultats se tra- duire par des pertes de temps et d'argent ; en procedant d'une raaniere scientifique, c'est-a-dire appuye de la connaissance profonde des conditions necessaires a la vie et au developpe- ment des 6tres que Ton desire multiplier, on n'agira qu'avec les plus grandes chances de succes. Les echecs sans nombre, les pertes considerables, 1'experience du passe, doivent e"tre aujourd'hui un enseigriement pour 1'avenir. Ghacun a eu confiance dans les promesses de 1'ostreiculture, et la confiance a ete trompee. Les huitres semblaient pouvoir etre multipliees a profusion sur toutes les cotes, parce que la faculte procreatrice de ces animaux est immense, et, depuis qu'on s'oc- cupe de cette branche d'industrie, les huitres sont devenues chaqueannee plusrares que 1'annee precedente 1 . Voici, aureste, 1 M. Robert de Massy (Des halles et des marches, etc., p. 316) constate la diminution annuelle de 1'approvisionnement des huitres a Paris de 1853 a i860, en m^me temps que l'61evation du prix. Nombre de cents d'Huitrcs Prix du cent d'Huitres en 1883, en 1860, en 1853, en 1860, 97S,700 4X4,706 2 fr. 27 4 fr. 58 CONDITIONS DE LA PROPAGATION DES POISSONS. 615 ce qu'on pent lire dans un document officiel, encore recent, cmane du Ministere de la Marine: Pendant I'annee 1864, 1,801 etablissements, destines au rapide de\eloppement ou a la fixation des huitres ont ete crees. Partout 1' Administration <( s'efforce de faire apprecier aux riverains 1'avantage de trans- <( former en lieux de production les plages sur lesquelles vient echouer le naissin, les pares du rivage etant le complement necessaire des huitrieres sous-marines, dont elles augmentent et ameliorent les produits ; enfin des essais recents permettent de mieux augurer de 1'avenir, en ce qui concerne le repeuple- ment, infructueusement tenle jusqu 'a ce four, des huitrieres sous-marines 1 . Pourquoi ce repeuplement a-t-il ete tente" infructueusement d'une maniere aussi generale ? Parce que Ton a attendu le succes de la bonne chance. On a oublie de procr,ent des eaur de la France. Actes de V Academic de Bordeaux; 18ii6. * Coste, Voyage d' exploration, etc., p. 254; 1861. Coumes, Notice sur la pisciculture et la pfche flaviale en Angleterre, en ficosse et en lr- lande; 1SGO. 622 H1STOIRE ECONOMIQUE DES P01SSONS. monter, il est a craindrc que cela ne suffise pas toujours pour les autres Poissons migrateurs; il serait done a desirer qu'on ouvrit des passages, comme il en a e" te ouvert quelques-uns dans des barrages, places pres des embouchures de rivieres, par les soins du commissariat de la marine. Ges passages peuvent e"tre fort utiles pour la descente des Saumonneaux. En resume, pour arriver au repeuplement des eaux de la France : II importe que FAdministration superieure interdise d'une maniere absolue tout ce qui fait entierement obstacle au passage des Poissons migrateurs" ; qu'elle prenne des mesures pour in- terdire 1'ecoulement dans les rivieres des residus des fabriques et de toutes les matieres capables de nuire aux 6tres vivants ; qu'elle empeche, sur tons les cours d'eau, la destruction com- plete de la vegetation aquatique. Maintenant, toutes les fois qu'il s'agira de propager une es- pece, il ne faudra pas perdre de vue la necessite de connaltre d'avance les habitudes de 1'espece et de constater , si dans 1'endroit ou Ton desire la multiplier elle rencontrera les condi- tions n6cessaires a son existence et a sa propagation. Avec ces etudes preliminaries, les particuliers, operant dans des limites etroites, trouveront assures les elements du succes. M. Millet a eu 1'idee toute scientifique d'analyser les eaux d'une infinite de rivieres, et de determiner ainsi celles qui pa- raissent le plus particulierement favorables a nos differents Poissons. G'est un travail que je regrette de ne pouvoir faire connaitre avec detail. Au reste la presence ou 1'absence de plantes et d'animaux dans les rivieres et les ruisseaux sera toujours une indication de la plus haute valeur. M. Goste aura rendu un service considerable, croyons-nous, CONDITIONS DE LA PROPAGATION DUS POISSONS. 623 en determinant 1' Administration superieure a prendre en main une ceuvre aussi importante que le repeuplement des eaux, en excitant le zele et 1'interet d'un grand nombre de particuliers pour cette cause, en montrant a tous avec quelle facilite naissent les jeunes Poissons. En presence de certaines dificultes a les faire vivre indifferemment dans toutes les conditions, nous d6- sirons aujourd'hui que le decouragement ne succede pas a des esperances fondees sur des promesses chimeriques. Le succes appartiendra a ceux qui poursuivront leurs travaux de piscicul- ture, non plus en procedant a pen pres a 1'aventure, mais en agissant ainsi, d'apres les indications fournies par la science ; c'est-a-dire, d'apres une connaissance acquise des habitudes, des conditions d'existence et de developpement des especes que Ton veut multiplier. Si Ton seme du Poisson dans 1'attente d'une rScolte, il faut agir, comme agissentles agriculteurs ; ils semen t dans le terrain propice et surtout dans le terrain soi- gneusement prepare pour recevoir la graine. Jeter de jeunes Poissons dans une riviere deserte, autant vaudrait semer du froment dans de la craie ou dans du sable. HISTOIRE DE LA LEGISLATION RELATIVE A LA PECHE l AU COMMERCE DES POISSONS DES EAUX DOUCES. 1. Lies anciennes ordonnances royales depuis les pre- miers siecles de la Monarchic franpaise jusqu'en 1669. L'extr6me facilite avec laquelle on pent s'emparer des Pois- sons, dans les fleirves et les rivieres, a oblige les rois et les gou- vernements des peuples de 1'Europe, depuis une epoque fort ancienne, a soumettre la p6che a des restrictions, au moins dans les eaux du domaine public. D'apres le droit remain, toutes les rivieres, me"me celles qui n'etaient ni navigables ni flottables, etaient reputees publiques, non pas, dit M. Troplong, qu'elles fussent communes comme 1'air, 1'eau, la mer, et qu'elles n'appartinssent a personne ; car elles etaient la propriete du peuple romain ; 1' usage seul en ap- partenait ei tous. Ghaque citoyen pouvait y p6cher, y puiser de 1'eau, s'y baigner, etc. En France, on suivait d'autres regies; les rivieres non navi- gables appartenaient, presque partout, au seigneur haut-justi- cier, comme indemnite pour les charges qui pesaient sur lui pour 1'administration de la justice. Depuis I'abolition de la feodalite, le silence de la loi sur la propriety des cours d'eau non navigables et non flottables, a donne lieu a des dissidences sur la question de savoir a qui ils appartiennent *. La question n'a pas 6t6 tranchee. '. 1 Troplong, De la prescription, n 145. PECHE ET COMMERCE DES POISSOXS. 625 D'apres un avis du Gonseil d'Etat, en date du 21 pluviose an XIII, approuve par 1'empereur Napoleon, 1'abolition de la feodalite ayant ete faite, non au profit des communes, mais bien au profit dcs vassaux, la pe"che des rivieres non navigables ne pent, en aucun cas, appartenir aux communes, mais les pro- prietaires riverains doivent en jouir, et perdre cet avantage settlement par la suite, la riviere devenant navigable. En France, comme en Angleterre, comme en Allemagne, comme dans la plupart des autres Etats, on a vu la necessite d'interdire la p6che dans la saison ou les Poissons se livrent a 1'acte de la reproduction, d'empe'cher qu'on ne s'emparat des Poissons trop jeunes et surtout qu'on ne se servit d'engins propres a ravager les cours d'eau. Interdire la p6che au temps du frai ; aucune mesure n'est plus justifie'e; mais les curieuses meprises commises a toutes les 6po- ques fottrnissent des preuves m ttltipliees que le legislateur commet une grave faute,lorsqu'en ces sortes de matieres, il croitpouvoir se passer des lumieres du naturaliste. Ainsi 1'Ordonnance royale de 1669, qui, pendant cent soixante anne"es, a 6te le code de la peche, dans le but d'empecher la destruction de la Truite, en interdit la capture depttisle l er f6vrier jusqu'a la mi-mars,)) et comme la Truite fraye pendant les mois de decembre ou de Janvier, les pecheurs avaient eu le loisir de s'emparer de totis les individus charges d'ceufs et de laitances. Dans le siecle actuel, il a et6 habituellement reserve aux prefets de suspendre la peche par un simple arrieurs h determiner le mode de verifica- PECHE ET COMMERCE DES POISSONS. 649 tion des filets; 1'article 10 precise les conditions de recherche des infractions. Voici pourtant ou en est en France la legislation relative a la p6che en 1866. Rien de precis, des lois appelant des ordon- nances ou des de"crets pour corriger tout ce qu'elles laissent de vague. Bien des lacunes, bien des fautes ont deja et6 signalers. On n'en a pas tenu compte. En premiere ligne apparaitle soin abandonne' al'administra- tion pr6fectorale de fixer le temps ou la pe"che doit 6tre inter- dite, d'autoriser l'6tablissement des barrages sur les cours d'eau,etc. *. On comprend aise"ment les fautes graves quidoivent se commettre. Les prefets en general se montrent assez indiffe- rents aux actes de la viedes Poissons. On interdit dejeter dansles rivieres des drogues, comme dela coque du Levant, dansle but d'enivrer le Poisson, et le croirait-on ? la vente des drogues n 'ay ant pas d'autre objet se fait dans toutes les communes sans la moindre difficulte, malgre des reclamations plusieurs fois renouvetees 2 . A 1'egard des engins, des prohibitions sont faites avec toutes sortes de designations, et a 1'aide de quelques changements et d'un nom nouveau, on echappe a la loi. G'est en vain que Ton a demande qu'il fut dit : Tout ce qui n' est pas nominativement permis est defendu 3 . Aucune interdiction n'existe, de prendre 1 11 appartient aux presets, sous 1'approbation du ministre de 1'lnte- rieur et sauf tout recours des parties interessees devant ce ministre : d'ordonner le curage des canaux et rivieres navigables et flottables, de r6gler les emplacements des usines, etc. Cormenin, Droit adminis- tratif, Cours d'eau. . j.. * Rapport sur la p$che fluviale dans le departement de I'Aube. Soc. d' agriculture, des sciences, arts et belles-lettres de I'Aube, 1851 . 3 Millet, Pisciculture pratique. Recueil des actes de I'Acudtmie de Bordeaux, 1856. 650 HISTOIRE DE LA LEGISLATION. les ceufs de poissons, de bouleverser les frayeres, de degarnir les rives de leurs arbres et de leurs arbustes, etc. N'est-il pas temps de songer a dormer dans nos ecoles quel- ques-unes de ces notions capables de faire comprendre achacun 1'interet de tous? N'est-il pas temps de renoncer a ces arretes, a ces mesures prises dans un departement, negligees dans un autre, c'est-a-dire a un arbitraire dont les consequences sont fficheuses ? Aujourd'hui nos connaissances scientifiques sur les Poissons des eaux douces de la France sont avancees et seraient bientot tout a fait suffisantes apres certain es etudes locales pour que Ton fasse une loi sur la p6che, ou tout serait prevu et com- pletement ike. Oui ; mais qui done redigerait le projet de loi ? Nous ne sommes plus au temps ou le Conseil d'etat avait dans son sein un naturaliste eminent, qui repandaitdeslumieres dont le souvenir n'est pas entierement perdu. Ge qui manque pour ameliorer le code de la peche, c'est ce qui manque aussi pour ameliorer tous les codes concernant les productions na- turelles de notre pays, 1'absence d'une connaissance du sujet, chez ceux qui sont charges de pr^parer les lois. FIN. TABLE ALPHABETIQUE DES NOMS DES POISSONS * Abbe 365 Ablette (genre) 362 Ablette commune .. .. 364 Ablette alburnoide 366 Ablette hachette 375 Ablette mirandelle 369 Ablette spirlin 371 Abramis (genre) 350 Abramis abramo-ruiilus 361 Abramis bj&rkna 369 Abramis blicca 359 A bramis brama 351 Abramis Bnggenhagii. 357 Abramis Gehini 355 Abramis Heckelii 357 Abramis Leuckartii 357 Acanthopte'rygiens 125 Acerina (genre) 149 Acerina cernua 1 51 Acerina vulgaris ... 151 Acipenser (genre) 504 Acipenser sturio 505 Acipenseridce (famille) 503 Acipense'rides 603 Aiguillon 485- Alburnus (genre) 362 Alburnus alburnoldes 366 Alburnus bipunctatus 371 Alburnus dolabratus 375 Alburnus Fabrcei 370 Alburnus lucidus 364 Alburnus mirandella 369 Alosa (genre).. . , 479 Alosa communis 479 Alosa Finta 481 Alosa vulgaris 47t> Alosaou 480 Alose (genre) 479 Alose commune 479 Ammocete 520 Ammocete lamprillon 520 Ammuc&tes branchialis 517 Amoutelle 282 Anguilla i genre) 490 Anguilla aculirostris. 4'J7 Anyuilla mediomstris 496 Anguilla latirostris 495 Anguilla oblongirostris 496 Anguilla vulgaris 491 A' guille (genre) 490 Anguille a bee oblong 496 Anguille commune 491 Anguille a long bee aigu 497 Auguille & bee large 495 Anguille a bee plat 495 Anguille a bee moyen 496 Anguille pimperneau 495 Anguille verniaux 496 Apron (genre) 142 Apron commun 143 Arlequin 411 Aspro (genre) 142 Aspro vulgaris 143 Asse'e 400 Aubour 400 Aucon. .. 414 Barbarin 303 Barbe 303 Barbeau (genre) 30 1 Barbeau commun 302 Barbeau meridional. 31 3 Barbel 303 Barbel 303 Barbette 281 Barbillon 303 Barbo 303 Barbotte 273, 281, 303 Barbus (genre) 301 Barbus caninus 313 Barbus fluviatilis 302 Barbus meridionalis 313 Bai tgrundel 282 Bavard 163 Baveuse 2a5 Becard 451 Bec-de-canard 485 Bec-de-canne 485 Be'cot.. 485 Becquet 485 Bisgurre 289 Bitterling. 347 Blageon 391 Blageon commun 406 1 Les noms franga4s et tous les noms \ulgaires sont en caractere roraain, les noras scienti- liques en italique. 652 Blanchaille....: 365 Blanche! 3t>5 Blennie (genre) 25* Blennie alpestre 261 Blennie cagnette 255 Blenniidce (famille) 253 Blenniides (famille) 253 Blennius alpestris 2G1 Rlennfus cagnota 255 Hltnnius sujefianus 255 Blennius vulgaris 255 Illicca 359 Blickes 359 Boroche 372 Botto 163 Bouyeroun? 50 1 Bouviere (genre) 345 Bouviere commune 346 Breme (genre) 350 Breme bordeliere 359 Breme de Buggenhagen 357 Breme commune 351 Breme de Gehin 355 Breme Rosse 361 Brochet (genre) 482 Brochet commun 483 Burratschel 337 Brocheton 485 I'rouches 485 Buirons . . 501 Cabot 162 Cagnette 255 Cagnetto 255 Cagnota 255 Carassche , 335 Carassin 336 Carasxius Gibelio 340 Carassius vulgaris 33G Carausche 536 Carousche blanche 331 Carousche noire 336 Carpe (genre) 321 Carpe bossue 330 Carpe commune 322 Carpe a cuir 330 Carpe dauphin 330 Carpe de Hongrie 330 Carpe de Kollar 331 Carpe a mirolr 330 Carpe reine . 330 Carpe a tete de dauphin 330 Carpio Kollarii 331 Carreau 331 Chabaou 153 Chabot (genre) 160 Chabot 393 Chabot de riviere 161 Chabuisseau 393 Chagrin 152 Chamsot 163 TABLE ALPHABETIQUE Chapsot 163 Charasson 393 C hassot 163 Chatouille 286, 517 Charin 378 Cheneveau 393 Cheneviot 393 Cherin 378 Chevaine 392 Chevaine (genre; .*.... 390 Chevaine commune 392 Chevaine meridionale 39G Chevaine treillagee 398 Chondrostoma (genre) 412 Chondrostoma ccerulescens 416 Chondrostoma Dremcei 418 Chondrostoma nasus 413 Chondrostoma rhodanensis 420 Chondrostome (genre) 412 Chondrostome bleualre . . 416 Chondrostome de Dreme 418 Chondrostome nase 413 Chondrostome du Rhone. . 420 Chouan 393 Clupea Alosa 479 Clupeidce (famille) 478 Clupe'ides (famille) 478 Cobitis (genre) 279 Cobitis barbatula 280 Cobitis fossilis 289 Cobitis spilura . . 285 Cobitis tcenia 285 Coquillon 303 Cordonnier 179 Coregone (genre) 423 Coregone gravenche 432 Coregone Fe'ra 429 Coregone Routing 433 Coregone Lavaret 425 Coregonus (senre) 423 Coregonus Fera 429 Coregonus hyemulis 432 Coregonus Lavaretus 425 Coregonus oxyrhynchus 433 Coregonus patea 4 25 Coregonus Reisinyeri 425 Coregonus Wartmanni. 425 Cot I idee (famille) 159 Collides (famille) 159 Coitus (genre) 160 Cottus gobio 1WI Cyclostomes (ordre) 500 Cyprin dore de la Chine 343 Cyprinidce (famille 1 277 Cyprinides ifamille).. 277 Cyprinopsis (genre) 335 Cyprinopsis auratus 343 Cyprinopsis carassius 336 Cyprinopsis dore 343 Cyprinopsis Gibelio 340 Cy/jrinus (genre) 32 1 Cyprinus alepidotus 330 Cyprinusalburnus 3G4 DES NOMS DES POISSONS. 653 Cyprinus amarus 346 Cyfjrinus auratus 343 Cyprinus Barbus 302 Cyprinus Lipunctatus 371 Cyprinus bjceikna 269 Cyprinus lirama 351 Cyprinus Carassius . ... 33G Cyprinus Carpio 3?2 Cypn'nus cephalus 392 Cyprinus coriaceus 330 Cyprinus erythrophthalmus 37 7 Cyprinus elatus 330 Cyprinus Gobio 293 Cyprinus GibeHo 340 Cyprinus hungaricus 330 Cyprinus elatus 389 Cyprinus jeses 389 Cyprinus Kollarii 331 Cyprinus leuciscus. 401 Cyprinus macrolepidotus 330 Cyprinus nasus 413 Cyprinus orfuf 387 Cyprinus nudus 330 Cyprinus phoxinus 4 1 Cyprinus Regina 330 Cyprinus Rex Cyprinorum 330 Cyprinus- rutilus 382 Cyprinus specularis 330 Cyprinus Tinea 317 Cyprinus toxostoma 413 D Dard 402 Dorade de la Chine 344 Doree. 3U Dormille 282 Durgan 315 B Echarde 178 Ellercher 410 Emoutelle 282 Endormille 282 Endromille 282 Entrecri 1 52 Eperlan (genre) 441 Eperlan commun 441 Eperlan de Seine 372 Epinarde 178 Epinaude 178 Epinoche (genre) 177 Epinoches 213 Epinoche aiguillonne'e 214 Epinoche a queue lisse 225 Epinoche argente'e 232 Epinoche de Baillon . . 231 fipinoche demi-arme'e 224 Epinoche demi-cuirasse'e. 222 Epinoche elegante 234 Epinoche neustrienne 220 Epinochettes 23G Epinochette a te"te ( ourte 245 Epinochette bourguignonne 240 Epinochette lisse 242 Epinochette lorraine 244 tfpinochette piquante 238 Epinglotte 178 Epinocle 178 Erling 410 Esocidce (famille) 482 Esocides (famille) 482 Esox lucius , 483 Esquale 163 Eslanclin 178 Esteclin 178 Estiioun 505 Esturgeon (genre) 504 Esturgeon commun 505 Fario argenteus 168 Fario lemanus 466 Fario Marsiglii 466 Fe'ra 429 Finte 481 Flet 267 Flondre 267 Gadidce 270 Gadides 270 Ganoides (ordre) 503 Gardon (genre j 38 1 Gardon 383 Gardon blanc 383 Gardon a ailerons rouges 378 Gardon commun 382 Gardon Jesse 386 Gardon pale 386 Gardon rouge 378 Gardon de Se'lys ' 386 Gardon rutiloide 385 Gasterosleidce (famille) 174 Gasteroste'ides (famille) 174 Gtisterosieus (genre) 177 Gasterosteus aculeatus 214 Gasterosteus Bailloni 231 Gastvrosteus argentatissimus . . . . 232 Gasterosteus breviceps 245 Gasterosteus burgundianus 240 Gasterosteus elegans 234 Gasterosteus leiurus 2;>5 Gasterosteus Icevis 242 Gasterosteus lotharingus 244 Gasterosteus neustrianus 220 Gasterosteus pungitius 238 Gasterosteus semiarmatus 224 Gasterosteus semiloricalus 222 Gihele 340 Gobio ( genre) 293 Gobio fluviatilis .... 293 Gobio obtusirostris 298 Goeffon 295 654 TABLE ALPHABETIQUE Goiffon 295 Goffl 295 Goujon-Perchat 151 Goujon (genre) 293 Goujon de riviere 293 Goujon " & tete obtuse 298 Grande-Moutelle 286 Gravelet 402 Gravencbe 432 Gravier 411 Grerneuille 151 Gremille (genre) 149 (iremille commune 151 Gressling 295 Grilse 452 Grundel 282 Grundlin.' 282 llachette 375 Hautin 435 I'otu 414 llouting 433 ide (genre) 388 Ide melanote 389 Iclus (genre) 388 Idas melanotus 389 Leuciscus alburnus 364 Leuciscus burdigalensiy 405 Leuciscus blicca 359 Leuciscus dolabratus 37 5 Leuciscus gobio 293 Leuciscus dobula 392 Leuciscui erythroplithalmus 377 Leuciscus jeses 386 Leuciscus muticellus 406 Leuciscus pal/ens 386 Leuciscus prasinus 386 Leuciscus rutiloides . 385 Leuciscus rut Hits 382 Leuciscus Selysii 386 Leuciscus vulgaris 401 Lignotte 372 Linotte 163,282 Loche de riviere 285 Loche d'e'tang 289 Loche franclie 280 Lochou 28 1 Loque 411 Lorette 372 Lota (genre ) 271 Lota vulgaris 272 Lotcho 28l Lote (genre) 271 Lote commune 272 Lugnotte 372 Lurette 372 Juene 393 Karausche 336 Kuulbarsch 152 Kaulzenkopf 163 Kelt 463 Koppe .* , 163 Koppen 163 Kressen 295 Kutt 152 Lamprillon 5 11,5:0 Lamproie (genre, 510 Lamproie fluviatile 515 Lamproie marine 512 Lamproie de Planer 517 Lamproyon 511 Lanceron, 282 Lauch 365 Lauge,..,. 365 Lavaret 435 Leuciscus (genre) '.'. 381 Leuciscus Agasstzii 406 Leuciscus aphya 406 Malaeopterygiens (ordre) 264 Mesaigne 372 Meseine 372 Meunier 393 Mirandelle 369 Missgurne 289 Moteuille 282 Moteulle 282 Moustache 281 Moutelle 282 Muge 247 Muge capiton 248 Muge ce'phale 251 Mugil (genrej 247 Mugil capito 248 Mugil cephalus 251 Muyilidee (famille) 24 6 Mugilides (famille) 24t> Mullet 419 Murenidce (famille} 489 Mure'nides (famille). 489 Murcena Anguilla 491 Murgrundel 289 Mustele 273 Mustelle 282 IV Nablo 365,37 1 Nase.. , 4l:{ DES NOMS DES POISSONS. 655 Ogi 152 Ogier... 152 Omble-Chevalier 444 Ombre (genre) 436 Ombre commune 437 Osmerus 441 Qsmerw Eperlanus 441 Outil 435 Parr 452 Perca (genre) 129 Perca fluviatilis j 30 Perche (genre) 129 Perche goujonnee 151 Perche de riviere 130 Perche des Vosges 140 Perchettes 133 Percidce (famille) 12G Percides (famille) 12G Pe'teuse 346 Petit-Barbot 281 Petromyzon (genre) 510 Petromyzon fluviatilis 515 Petromyzon marinus 512 Petromyzon Planeri 617 Petromyzonidce 510 Petromyzonides 510 Phoxinus (genre) 409 Phoximus Icevis 410 Picaud 267 Picot 178 Pimperneaux 495 Platet 372 Pleuronecte (genre) 266 Pleuronectidce (famille) 265 Pleuronectides (famille) 265 Pleuronecte Fipt 267 Pleuronectes flesus 257 Poignard 485 Poisson rouge 343 Poissonnet 404 Poissons cartilagineux 503 Poissons osseux 125 Quappe 273 Rhodeus (genre) 345 Rhodeus amarus 346 Roche 378, 38,1 Ronzon 404 Rosse 378, 383 Rossette 378, 383 Rostre 404 Rotengle (genre) 376 Rotengle 378 Rotengle commune 377 Rothauge 373 Rottel , 383, 402 Rousse 383 Ruflfolk 272 Rutte 273 Salar Ausonii 473 Salar Baillonii 475 Salar lacusfris 466 Salar Schiffermulleri 466 Salmo (genre) 443 Salmo Eperlanus 431 Salmo hamatus... 451 Salmo Lavaretus 425 Salmo lemanus 466 Salmo oxyrhynchus 433 Salmo Salar 443 Salmo Salmo 448 Salmo salvelinus 444 Salmo Thymallus 437 Salmo Trutta 4C(! Salmo Umbla 444 Salmo Wartmannii 425 Salmonidae (famille) 422 Salmonides (famille) 422 Samlet 4^,6 Sammling 456 Sardine 3C9 Satouille 286, 517 Saumpn (genre) 443 Savetier 179 Scardinius (genre) 376 Scardinius erythrophthalmus. ... 377 Schiff 414 Schlambeisser 289 Schneiderkarpfchen 347 Scie 419 Sechot 1 63 Sergent 378 Setge 419 Scuffle 365. 414 Seuffre 414 Seufle 421 Seyche 418 Siege 419 Schroll 152 Smolt 452 Soafe 421 Soffi 408 Soflio 421 Sorcier 149,163 Spinarella 178 Spinobe 118 Spirlin 37 1 Spirlin 371 Spissert 178 Squalius (genre) 390 Squalius Ayossizii 406 Squalius bearnensis 400 Squalius burdigalensis 405 Squalius cephalus 392 656 TABLE ALPHABETIQUE Squalius chalybceus *04 Squalius clathratus <>98 Squalius dobula 392 Squalius lepusculus 401 Squalius lancastriensis 404 Squalius leuciscus 40 1 Squalius majnlis 404 Squalius meridionalis 396 Squalius rod ens. . . 404 Squalius rostratus 404 Steinbeisser 286 Sucet 517 Suiffe 402 T Tanche (genre) 316 Tanche commune 317 Telestes ,...-.... 391 Telestes Agassizii 406 Telestes Savignyi'. 408 Testard '. 163 Testu 163 Tele d'ane 163 Thymallus (genre) 436 Thymallus gymnothorax 437 Thymallus vexil lifer 437 ' Thymallus vulyaris 437 Tinea (genre) 316 Tinea vulgaris 317 Tre'gou 295 Trigan 295 Trogou 295 Truite (genre) 464 Truite de Baillon 475 Truite commune 472 Truite des lacs ; 465 Truite de mer i68 Truite saumonne'e 468 Trutta (genre) 464 Trutta argentea 468 Trutta fario 472 Trutta lacustris. . . . , 465 Trutta Trutta 4G8 Vairon 388 Vairon (genre) 409 Vairon commun 410 Vandeze 402 Vandoises 391, 401 Vandoise Aubour 400 Vandoise bordelaise 405 Vandoise commune . 401 Veiroun 410 Vergnole. 410 Viroun 410 Vengeron 386 Verniaux 496 Veron 402 Vilain 393 Vilna 393 Vilnachon.. ... 393 FIN DE LA TABLE ALPHABETIQUE. ERRATA. Page 431, ligne 18. 11 fraye sur les berbes. Lisez : II fraye sur les graviers. Page 597, ligne S8. Note. Liset .- Journal d' agriculture pratique, anne~e 1858, t. I, p. 15 s . C.ORBEIL, typogr. et ster. de c cC: ^ c c ^ T c^C, cc. c CC C c c: 'C CC c cc C CC