f [J ' i. 'H" PREMIER PLAIDOYER D E M. D'EPREMESNIL y Confeiller au Parlement de Paris , Neveu de M. DE Leyrit j N T M "^ LE S^ DE LALLY-TOLEND AL, Curateur a la mimoire dufeu Comte de Lally^ PREMIER PLAID OYER I 1'-^ DE Monfieur DU VAL D'EPREMESNIL , Confeiller au Parlement de Paris , neveu , par fon pere , de feu grjnd'- Monfieiir du Val de Leyrit, Gouverneur-General CHAMBRE des EtablifTements Francois -dans Plnde , & Prefident ^^^,^^- de tons les Conleils y etablis ; Intervenant : CONTRE leSieur TROP HIME-GER^RD DE L^LLY-TOLENDAL , Capitaine de Cavalerie au Regiment des CulraJJiers , nommi le Xl Decembre I'J'jS i par Arret du Parlement de Normandie , Curateur a la memoire du feu Comte de Lally , Lieutenant- Cenera! des Armies du Roi , Grand'Croix de POrdre Royal & Militaire deS, Louis , Colonel d^un Regiment Lrlandois de fon nom , Commijfaire du Roi , Syndic de laCompagnie, & Commandant en chef dans PInde: En prefence de Monfeur le Procureur-General ; Du Comte d' Ac HE , Vice-Amiral de France ; A 1 i -7 ^- Du Vicomte BE FuMEZ , ci-devant Major-Giniral de VArmee du Roi dans Vlnde^ Des Sleurs Bazin , Rochette , de CK^MBor , Desckaux , FossiER , Meagher ^ de Fere ; Du Sieur Allen , Du Sieur PovLzr ^ Des Sieurs de Gadeville & Chaponnay ; De VAhhe Norouha , du Frere F re inch , de Rama- LING A , de deux Quidams du Rdgiment de Lorraine , & des nommis Urpt & Jacquelot* CONCLUSIONS DE M. D^EPREMESNIL, M ES Conclufions font : A ce qu'il plaise a ia COUR me recevoir Partie intervenante dans Tlnflance r> pendante entre M. le Procureirr-G^neral , & le fieur Trophime-Gerard de Lally-Tolendal , nomme , par *? PArret de la Cour da zi Decembre 1778, Curateur a la memoire de Thomas-Arthur de Lally , Lieutenant- General des Armees du Roi , Grand'Croix de TOrdre )? Royal & Militaire de S. Louis , Colonel d'un Regiment Irlandois de Ton nom , CommiiTaire du Roi , Syndic w de la Compagnie, & Commandant en chef dans Tlnde , & autres Parties : Ce faifant , A regard des fieurs de Gadeville , Chaponnay , J) Allen & Poully , me donner ade de la Declaration faite par moi des I'entree de la Caufe , & que je reitere en j> ce moment aux pieds de la Cour, que fi je leur ai fait fignifier ma Requete d'intervention,c'a ete uniquement pour me conformer a TOrdonnance dont la Cour a i) repondu cetteRequete ; mais que je n'entends aucunement les troubler dans leur defenfe , que je n'ai point a me plaindre d'eux , que je ne fuis point leur Adverfaire , que je ne veux point Petre , & que je ne ferois pas meme celui du fieur de Tolendal , fi ce dernier, mieux eclaire >5 fur fes vrais int^rets , cefToit de perfifler dans unc defenfe >? cruellement injurieufe a la memoire du feu fieur de f> Levrit : Declaration qui fe fut trouvee jointe a la A 1 4 _ figniflcation meme de ma Reqiiete d'*intervention , (i le zcle de M. CIcrot mon Procureiir , provoqu6 " d'ailleurs a cette diligence par les fieiirs de Gadeville, j> Chaponnay , Allen & Foully eux - memes , ne Teut jf portc a faire , fans delai , pour moi abfent , cette fignification , ainfi que je Tai obferve auxdits fieurs fufnommcs. J' A regard de TAbbe Norouha , du Frere FreincH , r de Ramalinga , des deux Quidams du Regiment de Lorraine , des nommcs Urpy & Jacquelot , m'accorder a^le de la meme Declaration inferee dans la fignification de ma Requete d'interventi-on , & que je reitere. A Tcgard des fieurs Bazin , Rochette , de Chamboy , nDefchauxSc Fo(rier,me donner a(^e de la Declaration egaletnent inferee dans la fignification de ma Requete d'inrervention , & que je reitere ; que fi je leur ai fait fignifier madite Requete , c^a cte uniquement pour me conformer a POrdonnance de la Cour; mais que je ne fuis , ni ne peux etre leur Adverfaire ; 9j que notre Caufe feroit plutot commune , & que je n'ai que des voeux a faire pour qu'un nouveau fucces, plus condant que le premier , prouve a jamais leur >5 innocence. A IV'gard des fieurs de Fere & Meagher j me donner a61:e des memes Declarations. A regard du Vicomte de Fumel , me donner acfle jy de la Declaration inferee dans la fignification de n ma Requete d^'ntervention , & que je reitere ; que fi je lui ai fait fignifier madite Requete , c^a ete audi yy pour me conformer a TOrdonnance de la Cour ; mais 5 w que je ne fuis , ni ne peux etre Ton Adverfaire ; que j'ofe j> meme en Invoquer le temoignage; que le Vicomte de j^Fumel , Major-General de TArm^e du Roi dans I'Inde, >9 fait mieux qu'im autre , fi M, de Leyrit a neglige les 7^ devoirs de fa place & la dcfenfe de Pondich^ry; que les monuments de Peflime particuliere dont il honoroit ?> ce Gouverneur , feront portes aux pieds de laJuftice, & que je ne craindrai pas de citer Pexemple du Vicomte de Fumel , entre mille autres , comme une preuve des >> plus illuftres , que M. de Leyrit n'a pas eu dans n l^Inde un approbateur , ni le Comte de Lally un r> cenfeur , qui ne fut diftingue par fa fidelite au fervice du Roi. it A regard du Comte d'Ache , Vice-Amiral de France ^ ^? me donner adte de la Declaration pareillement inferee i-> dans la fignification de ma Requete d'intervention _, & que je reitere, comme routes les autresv, aux pieds de la Cour ; que fi je lui ai fait fignifier madite Requete , c'a et^ auffi pour me conformer a POrdon- ?> nance de la Cour ; mais que je ne fuis, ni ne peux etre fon Adverfaire ; que j'oferois plutot ajouter_, s'il >? en etoit befoin , une palme a fa couronne ; que notre J? Caufe eft commune ; que Phonneur , Pinnocence & 9'> la juftice font neceffairement confederes , & que je ^> m'eftimerois heureux fi les temoignages folemnels ^> de ma veneration pour la perfonne, & de mes voeux ?> pour la caufe du Comte d'Ach6 , adoucifiToient un ^> moment pour lui la rigueur des circonftances ^ qui nramenenten caufe un Vice-Amiral de France , declare ;> irreprochable par un Arret unanime , & compromis une fcconde fois , apr^s douze ans , fur les memes faits , par un evenement inattendu. J5 Enfin, a Tegard du fieur Trophime-Gerard de Lally- Tolendal , Curateur 4 la memoire du feu Comte de J5 Lally , ordonner^ des ^ pr^fent , que les Memoires dudit feu fieur de Lally , intitules : Memoirs pour le Comte fj de Lally ; Tableau hiflorlque de V expedition de VInde ; Ki- fyfume de la Capitulation de Pondichery ; l^raiescaitfes de la. perte de FInde , feront & demeureront fupprimes , comme J? faux & calomnieux , en ce qui touche la memoire de mon- ?j dit feu fieur deLeynt;ordonner en outre que, pour valoir de plus ample reparation , TArret a intervenir fera imprime & aflFche par-tout oil befoin fera , aux frais w& depens dudit fieur de Tolendal ; le condamner, en >? la qualite qu'il procede , aux depens : & oil la Cour >5 ne trouveroit pas , quant a prefent , fa religion fuffifam- ment inflruite , en ce cas , joindre ma Requete d'in- tervention au principal , diflribue au rapport de M. )5 Mouchard , pour y etre fait droit par un feul& meme >> Arret : auquel cas, fur les depens, je m'en rapporte a require de la Cour , me refervant dans tous les cas >? de prendre les memes conclufions contre ceux des Memoires du fieur de Tolendal qui parviendroient a )-) ma connoiffance , & dans lefquels la memoire de mondit feu fieur de Leyrit , frere de mon pere , feroit ofFenfee. i-> M'accorder defaut contre les Parties defaillantes, & pour le profit , declarer TArret a intervenir commun i-> avec elles . ESSIEURS, ^I j^avois fu compofer avec Thonneur , negliger les droits de la nature , etoufFer en moi-meme Phorreur de I'injuflice , & palir aux apparences d'un credit ufurpe , on ne m'entendroit pas , elevant vers vous ma voix inconnue dans ce Palais , braver pour la memoire de Tun des miens , les efforts d'un parti dcchaine depuis quinze ans contre les loix. Je connois les maximes de ce parti que rien n'etonne , fes moyens, {^s agents , fes refTources, fes efperances \ je les connois , & je fens ma foiblelTe ; mais je connois aufTi votre equite , vos lumieres , votre courage ; il raiTure le mien. Je parois feul ; ira's le fucces de ma demande importe a la Patrie. Oui , MESSIEURS , j'ofe le dire ; dans Tetrange Proces ou I'on me force d'intervenir , la Majede Royale eH: compromife ^ la puiflance des Loix eft aifoihlie^ I'aiito- rite des Magiftrats foulee aux pieds , la foi ^^^ Arrets aneantie , la tranquillity de nos Provinces facrifiee^ Texiflenee de nos Colonies mife au hazard , la voix de TAfie & de TEurope compttes pour rien , fi la votre ne fait pas tout rentrer dans Pordre. Ajouterai-je a ces grands int^rets , a ces noms chers & venerabies , Tlionr- neur du mien ? C'eft lui que jc defends , c''e(]: liii qui m'autorife , qui m"*amene en ces lieux : mais a peine eft-ce lui qui m'occupe. Que n'efl-il permis en France, comme autrefois a Rome , d'accufer hautement les pre- varicateurs publics ! J'aurois , MESSIEURS, des 1763 , fans autre vue que k bien de TEtat , pourfuivi, dans un homme qui trouve aujourd'hui des Partifans , le plus avare , le plus lache , le plus coupable , mais heureufement le plus mal-adroit des traitres. Je b^nis du hioins la Providence d'avoir li6 ma caufe a celle dc la Patrie ; & cette Providence qui juge roes demarches, qui lit au fond des coeurs , fait que mes premiers vceux font pour la caufe publique. Je parois feul ; mais Pom- bre du vertueux Citoyen que je defends , du frere de mon pere , va combattre a mes cotes. Soyez certains , MESSIEURS, qu'elle fait deja trembler mon Ad- verfaire. Non , je ne fuis pas feul , les vertus 6prouvees de cet homme irreprochable , fon zele , fa prevoyance , fa vigilance infatigable , fa conftance inouie , fa patience inebranlable , fon immuable fidelite , fon heroique fou- midion , fa magnanimite , voila , MESSIEURS , Thonorable cortege qui m'accompagne aupres de vous , & Tunique rempart dont je mc couvrirai contre les ennemis de ma caufe; je le dis , je Tefpere : leur parti, s'il fe montre , doit enfin s'humilier , leur credit , s'il "exifte , doit enfin expirer aux pieds du trone de la Juftice. Me reprochera-t-on dialler trop loin? Dira-t-on que je forme une chimere pour la combattre ? Me deman- d^ra-t-on ou je vois ce parti ? Ma reponfe efl aifce. Je le 9 le vols dans ces clameurs excitees apr^s douze ans en faveur d'lm homme qui n'avoit pas ime voix pour lui le jour de Ton fupplice , dans cette ohftination infenfce a le detendre de plufieurs Ecrivains connus par leur acharnement ridicule centre la Ma2:iftraturc Francoife , dans ces paroles d'un repentir imaginaire temerairement pretees au feu Roi , qui n'a jamais voulu entendre par- ler ni de grace pour la perfonne , ni de rehabilitation pour la memoire , ni de revifion pour le Proces dii Comte de Lally \ dans la facilite avec laquelle on ell parvenu a taire ou deguifer fes crimes au Souverain que Dieu nous a donne ; dans ces efforts , que j'ai tra- verfes , pour obtenir une Commiffion ; dans ces bruits injurieux femes avec affectation par toute la France , que la memoire du Comte de Lally feroit rehabilitee ; dans la precipitation avec laquelle on pourfuiv^oit un Jugement ; dans Tinterverfion des ufages , dans le choix du temps ^ dans les Lettres furprifes Vous m'enten- dez , MESSIEURS : le refped me ferme ici la bouche , mais la verite eft fatisfaite. Vous me demandez oil je vois ce parti ? Je le vois dans vos Lettres , je Ic vois dans vos Memoires , vous qu'on me donne pour Adverfaire , vous que j'honore , mais qu'il faut que je depouille d\me force empruntee , d'une pompe ^trangere qui ne vous convient plus dans cette enceinte. Repon- dez , je vous fupplie , qu^eft-ce qu'une Lettre iignee de vous , & publiee au N^. 14. du 4^. volume du Courier de TEurope , de ce papier purement politique , qui n'efl: pas fous rinfpedion des Magillrats ? Qu'eft-ce qu\in Ecrit que vous faites imprimer dans cette Ville, ^'Y reimprimer le Mimolre a confulter , & Confuttation pour h Comte de Lally-Tolendal , imp rime a Rouen clie:^ veuve Befongne & fils : ainfi Pordre eft-il concu ; ordre fup^- rieur , expedie , dans un temps , dans une affaire , oil vous etiez feul entendu ? Que fignifie ce foin particulier ayec lequel vous avez tenu fecret votre Memoire aii Confeil ? II faut le dire , & c'eft vous qui m'y forcez., Ce Memoire au Confeil eft un Libelle , le plus hardi qui fe puifie imaginer contre les Juges du Comte de Lally ; CQtte Lertre en eft un autre , moins horrible fans doute : il lefalloit ,puifque vous TadrefTiez a un Miniflre qui devoit repondre aux Loix de fa publicite ; mais, enfin^ dans cetteLettre, imprimee , vous traitez encore tous les temoins , toug , fans exception , de calomnia- teurs ; vous y dites que votre pere a fuccombe fous les efforts d'une cabale; qu'on fa egorg6 : ce font vos pro- pres termes. Dans le Memoire , vous allez beaucoup plus loin ; vous attaquez nommement le P^apporteur du Proces de votre pere , un Vieillard odiogtnaire , le Doyen du Parlemcnt & des Magiftrats du Royaume , qui n'ctoit pas la pour vous repondre , qui n'y pouvoit pas etre ; vous Pattaquez , vous Poutragez , vous Tac- cablez , alifent , des plus indignes reproches , fans le prendre a partie , & vous le faites impunement : dans ce Memoire , vous transformez 4e Procureur-General du Roi _, en copifte fervile de faux temoins ; vous le traitez d'homme ignorant les Loix , infenfible a fes devoirs y Vous !e traite^ ainfi , fans le prendre k partle , & vous ie faites impim6ment : dans ce Memoire, vous dites que ie Confeiller-CommifTaire , ce perfonnage incarruptiblc , mort en exil , durant les derniers troubles , vi ont ete fes bourreaux , avoient interieurement jure fa mort , Pavoient mife en fyfteme ! Si cela eft , ou fuir ? ou fe cacher ? Dans quel defert faut-il , ou releguer de pareils monftres , ou couriT fe derober au pouvoir elfrene de leur ligue epouventable ? Mais en un mot, vous I'avez dit , & vous Pavez dit impunement. Maintenant , MESSIEURS, qu'il me foit permis de vous le demander : a tous ces traits reunis , reconnoiifez - vous le credit d'un feul homme , & le pouvoir de la fimple verite ? Non , non y la verite n'a point de telles armes ; non , un homme qui n'a B ^ It conrpt^quc fur fa caufe , ne tient pas cetteconduite avec tant d'affurance. Je n'applaudirai pas ,iln'eft pas pofUblc que j'applaudifle ; mais dti moins je pardonne au fils religieux qui fe voue a la d^^fenfe d'nn pere , meme coupable : la nature Tentraine , la Juftice Texcufe ; & pulfqu^on veut abfolument que nos moeurs aient affoibli cette raifon fliblime qui rend les fautes perfonnelles , cet h6roifme antique qui mettoit finc^rement & pleine- raent la Patrie au-deffus de la famille , puifqu^il faut vivre inutile , ou porter un nom fans reproche , le- plus grand facrifice que lefilsd'un hommejuflement con- damne parmi nous , puifTe faire , eft d'^immoler par fon filence , non a TEtat qui ne Texige plus , & n'en tient: pas le meme ccmpte , mais a Tordre des chofes , a Peter nelle verit6 , k fa confcience , la nature , & la gloire. Une vertu fi pure dt)it etre plus honoree pour etre- pliis commune. Ajoutons cependant, que, fi Ton peut fans rougir _, defcendre de la hauteur ou ces grandes penfees tiennent les ames vraiment juftes , fi Ton peut fans crime dcfendre un p^re criminel , du moins , ce qu'on rend a la nature , & peut - etre au point d'hon- neur , ne doit jamais faire oublier les notions les plus communes de la morale. Pour dcfendre fon pdre , il ne faut pas combattre- Pevidence ; pour defendre fon pere, il ne faut pas calomnier la vertu la plus pure y pour defendre fon pere , il ne faut pas infulter aux malheurs de route une Colonie ; pour defendre fon pere, il ne faut pas outrager vingt families innocentes & paifibles , fonner injuflement l^alarme dans fon pays, aligner le coeur du Roi , de fes plus fideles ferviteurs mdifpofef y fouleyer , armer , autant qiril cflr en foi , les Citoyens centre les Magiftrats ; pour ddfendre fen p^^re , il ne faut pas , Eroftrate nouveau , bruler le Temple de la Juftice. Que fa caufe , MESS IE U RS., fut devemie toii- chante , fi fa defenfe eut 6t6 plus modefte / Mon Ad- yerfaire n'a pas compris fbs vrais int6rets. Fier de I'^impunit^ , il s'eft cru tout permis ; port6 , foutenu dans la carriere , il a vaincu, maisfans combattre. J'aime k' croire que fes faciles fuccesl'ont aveugl6 : il a'vaincu; mais le temps fait juftice de ces triomphes defavou^s par la vertu; & ce temps , qui remet tout^ fa place ,. ce temps , dont le flambeau facre brille f-^ns ceffe devant les Loix, vousa confie fes'< amies redoutables;^ Employez-les , puifqu'on le veut; pr^parez, pr^venez,. fi:xez , MESSIEURS , par un fecond Arret , fes Jugements terribles. L'eclat dont vos Oracles vont etre- precedes , fervira peut-etre a les'rendre plus irrefragables ; c'eft le prix que j'ofe attendre de mes efforts. Que je I'ai defir^ , cet eclat neceffaire ! Et cependant que n'ai- je pas fait pour I'eviter ! Pret a combattre j'ai cru devoir ofFrir : que dis-je ? j'ar demande la paix. Un feul aveu , que Phonneur eut approuve , me defarmoit. On me Pa refufe. II a- fallu defcendre dans rarcne.Vousm^ voyez, MESSIEURS , difpofe a vous rendre compte des actions les plus cachees ^ des difcours les plus int^rieurs, des r^foiutions les plus fecretes^ des penftes les plus intimes du Gouverneur de Pondichery. Je commence. Daignez, MESSIEURS, preter Poreille au recit de ma Procedure. En i'expofant , j'aurai peut-etre plaide toute ^4 ma Caiife. Souffi-ez pourtant que je reprenne quelqucs Faits preliminaires. * Georo^es du Val de Leyrit , frere de mon pere , a pafr6 dans rinde, en 1741 , a Tage de 14 ans , en qualite de Gonfciller au Confeil Souverain de Pondichery. En ij^z il fut nomme Commandant a Mah6. La menie annee , M. Dupleix , Commandant a Chandernagor , Ghef-lieu de nos Etabliflements dans le Bengate , fut appell6 au Gouvernement de Pondichery , & remplac6 au Bengak par M. dlrois. Bientot la mort enleva ce dernier. M. Burat fut nomm6 a fa place ; mais pen d^annces apres, il fut remercie: & dix mois s'ecoulerent fans lui nommer un SuccefTeur au Bengale. On y lai(Ta un Direfleur par interim. Alors la Colonic tomba dans line confufion inexprimable. On vit en fermentation fur un petit theatre toutes les pafTions d'un grand Empire a fon declin. J^is coeurs etoient defunis , les difFerents Etats formoient de petites fadtions rivales ; ons'6vitoit, on s'aigriffoit , on fe defTervoit mutuellement: phis de police , peu de commerce , plus d'efprit national ; Chan- dernagor , fans volonte publique , fous Tephemere autoritc d'un Chef fans titre , etoit Piniage du cahos, Mon Oncle, age de 30 ans, fut choifi pour y retablir Pordre & la paix : il arriva Gouverneur &CommiiTkire, Porteur , mais Juge abfolu des ordres les plus feveres , D^pofitaire des impreflions les plus finiftres, revetu dela puiffancela plus complette qu\m homme puiffe exercer , maitre , en un mot , de reformer ou d'interdire qui bon lui fembleroit, parmi les employes, dans Tctat militaire, dans le Confeil lui-meme : c'etoit une vraie didature. Je ne dirai pas fi dc tcls pouvoirs, qui ne peuvent Jamais exi/ler en France , font quelquefois neceflaires dans les Colonies ; mais je dirai qu'entre les mains de mon Oncle ils n'ont pas ete dangereux. Ce niortel peu connii & fi digne de Tetre , ne reforma, n'interdit , n'humilia, ne delTervit perfonne , & reunit tons les efprits. Son fecret fat tr^s-fimple ; il s'appercut que la Colonie n'avoit hefoin que d'un Chef affermi dans fon poile , & fe mi: a la gouverner en bon pere de famille , qui montre , plus qu'il p'exerce , fa redoutable & fainte autorit^. On park encore dans le Bengale de Padminiftration da M. de Leyrit. Les Etrangers le refpedoient , les Citoyens le benifToient. II difoit qu'un Gouverneur devoit regarder tous fes Concitoyens comme fes enfants , & leur facrifier de fa fortune : & ce qu'il difoit , il le pratiquoit ; Ces confeils , fon appui , n^etoient refufes k perfonne, mais fabourfe etoit ouverteatous les Francois. S'agiffoit-il des armements publics ? II ne penfoit qu'k I'Etat. S'agifToit-il des armements particuliers ? On eut dit que chaque famille etoit la fienne. Son bonheur etoit de voir un Francois s^enrichir par des voies honorables; fes Mcmoiies , qu'il m'a laifTes , refpirent ce fentiment fi doux & fi patriotique. Audi, MESSIEURS , la paix & la profperite publiques^la joie& Tabondance domef- tiques furent-elles les fruits heureux de fesfolns paternels ; lis rendirent ^n peu de temps, & fans peine , le Confeil appliqu^ , les Militaires fubordonnes , les Employes refped:ueux. Jamais la Compagnie n'avoit recu de cargai- fons plus riches ; jamais Chandernagor ne s'etoit vu dans un etat plus Eoridant, Si- j'eiL dis trop, des Francois i6 vivent encore , qui pourront me dementir , qiiand Tn-es difcours pafferont fous leurs yeux ; fi 'fen dis trop, les Livres de la Compagnie , & toures fes correfpondances fiibfiftent , qui peuvent me confondre. Allez , jeune Ennemi d'une Caufe trop sure , j'ofe vous plaindre d'avoir trouble les manes de Get homme de bien : allez , Sc queilionnez tous les Francois , ecrivez en Afie , recherchez en Europe , interpellez la Compagnie ^ feuilletez tous fes Livres , adreffez-vous a tous les Mi- niftres , devorez toutes les correfpondances, & produifez contre mon Oncle un fcul temoignage , & trouvez-en un foul pour celui que la nature, dans fa rigu^ur , vous condamne a defendre, Tandis que M. de Leyrit faifoit fleurir le commerce , 8c rcgner la juHice avec la paix dans le Bengale , M. Oupleix , Gouverneur de Pondichery , opcroit dansTIn- doultan les plus grandes revolutions , & portoit au plus haut degre de gloire le nom Francois. Les ennemis de cet homme extraordinaire , a qui j'avois encore le bonheur d'appartenir , par ma mere , fa pupille , & fille du premier lit de Madame Dupleix , ont decrie fes conquetes , fes talents , & fes principes. Jugez , MESSIEURS, s'ils ont bien fait. Les AngloJs ont pris les Memoires de M. D^upleix pour guides , fes exemples pour lecons ; & toute leur puiiTance , je ne crains pas d'en etre defavoue a Londres , toute leur puidance dans Tlnde en eft le fruit. Aprcs avoir facilite par fes foins infatigables la prife de Madras ; force hs Anglois , infiniment fup^rieurs en nombre , de lever ^c ficge dc Pondichery ,au bout jde 48 jours .detranch/^e ouverte j I? <)iiverte ; M. Dupleix , eclair^ par une politique , non moins fure que vafte , & foutenu par la gloire de Ton nom , que 4a belle defenfe de Pondichery avoit rendu tres-c^Iebre dans toute PAfie , Jetta les yeux fur PEmpire Mogol , y vit deux families divifees pour un trone que chajcune reclamoit comme un blen patrimo- nial , ne fut point trouble par Tidee de cos armees nombreufes, de ces malTes afiatiques qu'une poignec d^hommes aguerris , difciplines , & bien commandcs , avoit toujours vaincues , & fcntit que le temps etoit venu d'affurer a jamais Phonneur & le commerce national par une guerre , que la juftice put avouer , & que la paix ne tardat pas a fuivre ; il embrafTa la bonne caufe : les Angloiseux-memes font forces d'en convenir. Nous avons la genealogie authentique des deux families ; Pune avoit pour elk les droits de la naiffance , & le firman de PEmpe- reur Mogol ; ce fut a elle que le Gouvcrneur de Pondichery preta le fecours des amies Francoifes. Nos premiers fucces furent incroyables. Cn vit 80 mille Indiens , mis en deroute , & leur camp pille , aux portes de Pondichery , par iioo Francois , fuivis de x<^ mille Cipayes , qui n'eurent pas meme befoin de donner. M. Dupleix avoit im heros fous fes ordres ; il Penvoya dans le Dekan ; & M. de BufH , c'efr le nom de ce Francois , y retablit k Souba kgitime. Des places fortes , quatre Provinces , d6ja tres-riches , & fituees pour le devenir encore plus , furent le prix de fes exploits. Enfin , le concours de Pheroifme & du genie dans ces deux hommes , egalement bons citoyens , egalement bons politiques , egalement co.urageux , egalement infatigabks , Pun dans fon C i9 cabinet, Sc Tautre fous fa tente;ce concours\, qui n^eft pas impoffible, puifqii'on Ta vu , nous menoit a grands pas vers ce but (1 neceffaire, & maintenant fi recule , dii moins en apparence , de foudoyer nos troupes , foutenir nos etabliffements , & fonder notre commerce , dans PAfie^fur des revenus tires du pays meme; quand les Anglois , intervenus dans la querelle , tenterent d'obtenir en Europe , de nos Miniftres, parle rappel de M. Dupleix , une preponderance , qu'ils n'auroient jamais eue fur lui dans Tlnde , ni par leurs traites , ni par leurs armes. Je m'abftiendrai , MESSIEURS, d'entrer dans les details de cette negociation , tres-finguliere , qui n'efl pas bien connue , mais qui le fera un jour. On parvint h perfuader aux Diredteurs de notre Compagnie , aiix Miniftres du feu Roi , que M. Dupleix ne cherchoit qu'a brouiller les affaires , Sc que la paix feroit bannie del'Inde , aufli long-temps qu'il y gouverneroit la Nation Francoife. La verit^ eft cependant , que depuis fon rappel, les malheureux Indiens , harceles impunement par les Anglois , que nous avons laiffe faire , n'ont refpire dans aucun des pays oii cette nation rivale a pu penetrerou negocier. On alia jufqu'adire que M. Dupleix vouloit fe faire dans Tlndouftan une Souverainete. Ce bruit abfurde trouva des partifans. Le Comte de Lally a depuis imaging* , & configne dans une de fes Lettres a mon Oncle , cette imputation cxtravagante contre M. de Bu{fi. Au refte , un feul trait vous fera juger avec quelle finc(5rite de la part des Anglois , & quelle prudence de la notre , les negociations etoient conduites. Les deux 19 Coui-s & les deux Compagnies convinrent que M. Dupleix, Gouverneur de Pondich^ry , & M. Saunders, Gouverneur de Madras , que les Anglois voulurent bien affedber de regarder comme fon rival , feroient rappeli^s en meme temps. Le Gouverneur de Pondichdry fat rappelle ftridement. On ota bien a M. Saunders Ic Gouvernement de Madras , mais il fut lailTe dans Plnde , en qualite de CommiiTaire ,* & c'eft lui qu'on a vu nego- cier , conclure , (igner avec le n6tre ce fanieux traite conditionnel, qui fera juge par I'Hiftoire , & dont les triftes fuites ont deja fait connoitre ce qu'ii faut penfer. Quoi qu'il en foit , ce traite fut lailTe pour regie de conduite a M. de Leyrit, que le feu Roi daigna nom- mer Gouverneur de Pondichery , au lieu de M. Dupleix, fur la prefentation de la Compagnie des Indes. Le nouveau Gouverneur n'etoit pas homme a fe desho- norer , lui & la Nation , par une lache condefcendance aux pretentions des Anglois. Leur ambition n'etoit pas encore fatisfaite par le traite conditionnel ; ils formerent des entreprifes. Mon Oncle en ecrivit a Lord Pigot , Gouverneur de Madras , fe plaignit hautement , demanda fatisfadiion : Lord Pigot repondit. Les deux Confeils nommerent des Commiffaires ; & je vois par les Jour- naux du Gouverneur Francois , quUl etoit tres-mecon- tent de la correfpondance du Gouverneur Anglois , & que la conference nVboutifToit a rien qu'a des reproches, a des injures , a des emportements mutuels. Mon Oncle craignoit meme qu'on n'en vint aux voies de fait : en un mot, tout annoncoit une rupture ouverte, prochaine , inevitable , entre les d^xi^ Colonies, au moment ou C 2. 2a Ton apprit que la guerre ^toit declaree " entre les deux Conronnes. Ici , M ESSIEU RS , je dois reveler unc anecdote qui va fervir a vous faire connoltre Tanie franche & lx)yale de M. de Leyrit. La Compagnie 6toit dans Pufage de faire palier par Pondichcry les vaifTeaux deftines poiir le Bengale. II arriva que M. Dupleix , prdfTe par la neceffite ou le mettoit la guerre , retarda une ou deux fois I'exptdition de ces vaifTeaux , 5c Penvoi des fonds- qu'ils portoient a Chandernagor. Mon Oncle , Gouver- neur de cette derniere Viile , & refponfable d^ fa con- duite, en France , ecrivit , fans blamer les operations de M. Dupleix , que , fj la Compagnie vouloit toujours recevoir du Bengale les memes cargaifons , il etoit ncceffaire qu'elle prit d'autres mefures. Ses reprefentations furent accueiilies ; & depuis , les vaifTeaux du Bengale furent adreffes direcSlement a Chandernagror. Ce nouvel: arrangement eut lieu jufqu'au rappel de M. Dupleix ; fon ombre , que je revere, me pardonnera,fi j'ofe dire, qu'il en a para indifpofe contre mon Oncle : les Lertres de la Compagnie en font foi. M. Dupleix a cru fans doute (les plus belles ames fe previennent quelquefois) que M. de Leyrit, dcfigne fon SuccefTeur , vouloit le de/Iervir : il fe trompoit ; maJs fon erreur qu'il'avoit trop rnanifeft^e , fit efpt^rcr qu'on trouveroit en mon Oncle un Ccnfeur de la conduite , un Defapprobateur dts principes de ce grand homme , {:\ maladroitementfacrifie a. la jaloufie angloife. A peine M. de Leyrit fut-il arrive a Pondichery , que les depeches du Gouvernement & de la Compagnie le preflerent de s'expliquer fur Its !II guerres de M. Duplcix : car c'eft ainfi qiron affeaoif de nommer une entreprife formellement approiivc'e par JaCompagnie e'le-meme , en 17^3. Mon Oncle rcpondit par les premieres expeditions en teimes gencraux fk. tres-referves ; obfervani: , que , dc Chandernagor , fc;^ reprefentations avoient trait feulernent au commerce dii Bengale , non a la politique de M. Dupleix ; il finit par demander du temps pour alFeoir fes idees fur cette politique dont il avouoit que Ton arrivee toute recente a Pondichery ^ ne lui permettoit pas encore de bien con- noitre les principes & les reflforts. Nous ctions en 17$ ) Au bout d'un an , c'eft~a-dire^ vers le milieu de 17^6 , le nouvea'u Gouverneur , eclaire par vingt mois d'expc- rience & de reflexion^ & fur-tout par fa correfpondance avec M. de BufTy , adrefla aux Diredteurs de la Compa- gnie un Memoire , dans lequel , en s'appuyant fur les motifs les plus fenfibles & les plus approfondis , il rendoit complettement juftice aux vues fuperieures da M. Dupleix. Ce Memoire^qui lecroiroit? ce monument modefte de la franchife d'un homme en place , aiTe?. genereux pour preferer la verite a fa propre gloire , devint la caufe eloignee de tous nos defaflres dansPAfie: il deplut. Le parti etoit pris a la Compagnie des Indes de blamer ,. de repouffer tout ce qui portoit Pempreinte des idees de M. Dupleix. Le Confeil de Pondichery avoit demande des troupes & de 1' argent. Oi\ arreta d'envoyer avec les troupes un OHicier fuperieur, qui (ic en meme temps Syndic de la Compagnie , General de PArmee , Commiflaire du Roi; & Parrivee d^ M. de Lally, flit la reponfe au Memoire de mon Oocle , qu'cDi. 1% pejgnit a fes yeux comme un homme trop prevenu des id^es ambitieufes de M. Dupleix. Malheureufe reponfe! Arrivee defaftreiife! Jour a jamai's fatal ! O jour que devoient fuivre en Afie la honte de nos amies , & le renverfement de notre pavilion , la fubverfion de nos Villcs , ran^antiffement de notre commerce , la ruine & ja difperfion de cent mille Indiens , nos Allies ou nos Sujets , TopprefTion , la mifcre , la famine , la mort , Tabandon a I'ennemi pire que la mort , la captivite , Texpulfion de tous nos Concitoyens , je paflTerai fous filence les intrigues funefles qui vous marquent dans nos annales, jour lamentable ! Mais qui m'empe'chera de peindre , avec toute la force que Phonneur & la nature ajoutent a la vcrite , les maux fans nombre que vous avez produits? Qui m'enempechera, MESSIEURS? Un feul homme le pouvoit Mon Adverfaire s^il avoit mieux juge de mon coeur Helas ! je nefuis pas fon ennemi^ je ne prends point plaifira rompre fes efforts , a contriflcr fon ame ; je plaignois fon age , fes malheurs , fon aveuglement ; je refpe(5lois , fans les examiner , les nceuds qui TunifTent a la cendre du Comte de Lally ; ces noms touchants de pere & de fils adoucif- foient mon ame indign^e des brigues du parti qui s'etoit rallie autour de la tombe de Tennemi cruel du frere de mon pere ; & je venois , refolu de ne pas facrifier Phonneur de ma famille , mais exempt de paflion^s , montrer au Curateur a la memoire du Comte de Lally , qu'il pouvoit remplir ce devoir , peut-etre affez difficile , fans ofFenfer les manes de mon Oncle, Ce fut, MESSIEURS , dans cct efprit , que ^3 j'ecrivis la fommation qui fiit fignificc au fieiir de Tolendal , le 7 Aoiit dernier. Permettez- moi de vous lire cet Adte extrajudiciaire , par ou commence la procedure. j> L'An mil fept cent foixante-dix-neuf , le fept Aodt, a la requete de MefFire Jacques du Val d'Epremefnil , }y Chevalier ^ ancien Avocat du Roi au Chatelet , Confeiiler au Parlement , & Neveu par Ton pere de feu ^ MeHire Georges du Val de Leyrit , Gouverneur pour le Roi des Viile & Fort dePondichery, Commandant- n General des Troupes Francoifes dans PInde , & Prefident du Confeil Superieur y etabli , demeurant ordinai- " rement mondit fieur d'Epremefnil a Paris , Place Ven- >j dome , ParoilTe de S. Roch , Sc de prefent en cette ?? Ville, en PHotel de Madame d'Ecbot^ rue de la Croix- ?? de-Fer , ParoiiTe de S. Nicolas : pour lequel , domicile >5 eft elu chez JVP. Clerot , Procureur au Parlement de )-> Normandie , demeurant a Rouen , rue Pincedos , Pa- >? roiffe de S. Godard ; j'ai _, Nicolas -Laurent Houelle , >? Sergent Royal, Huiflier de Police , Prifeur , Vendeur >y de Biens , recu & immatricule au Bailliage de Rouen , ?> y demeurant , rue Bouvreuil , Paroi/Te de S. Laurent , foudign^ , fomme & interpell^ le fieur Trophime-Gerard de Lally-Tolendal , Capitaine de Cavalerie au Regi- '?ment,des Cuirafliers , nomme Curateur a la memoire ?> de Thomas-Arthur de Lally , par PArret de la Cour " du Parlement de Normandie ^u 21 Decembre 1778, " de prefent a Rouen , en rH6tel du Cheval blanc , chez ?> le fieur Quefnel , Fauxbourg & ParoiiTe de S, Sever , a4 n en parlant a la perfonne de M. de Lally-Tolendal , >-> troiive Viwd'it Hotel dii Cheval blanc , environ midi , de -declarer dans le jour , fi ledit fieur de Tolendal , >? enrcnd ou non perfi flee dans les imputations que le )) feu lieur de Lally s'efl permifes contre mondit feu jf fieur de Leyrit , dans des Memoires qii'il a produits y> au Parlement de Paris , & que ledit fieur de Tolendal J? produit encore au Parlement de Normandie , s'il en y-) faut croire la notoricte publique , fous les titres fuivants : T) Memoire pour le Comte de Lally ; Tableau hlftorique de V ^expedition de Plnde ; T^raies caufes de la perte de PIncte: n declarant mondit fieur d'Epremefnil audit fieur de ?? Tolendal , que , paffe cejourd'hui , i\ regardera le refus de repondre , ks reponfes equivoques , ou le filence du fieur de Tolendal , comme une adhefionformelle, de ^> la part de c-e dernier , aux imputatioTis dudit feu fieur de Lally , & qu'il prendra , en <:onfequence , le parti que rhonneur lui prefcrit , & que les Loix lui pcr- >? mettent; a laquelle n , delivr^ Exploit y Sec. Vous le voyez , MESSIEURS : duns cette fom- mation , que la Loi ne me demandoit pas , je m'abflenois d'^noncer aucune idee , d'employer aucune expreffion qui put alarmer la delicatelTe du Defenfeur de la memoire du Comte de Lally. Pas un mot ne s'y tipuve, duquel on ait pu induire , que j'entendois accufer ce General de trahifon envers TEtat , & de calomnie envers mon Onclc. Les imputations , dont^ demandois le defaveu , n'y font pas defignees par la moindre qualification , non pas (Tiemc traitees d'injurieufes. Je nV preicnte point les Memoires ^1 M^moires du Comte de Lally , commc fon ouvrage perfonnel ; & par la fur-tout , je laiiTois a fon Defcnfeur la liberte de me les abandonner honorablement , en ce qui touchoit le frere de mon pere. II eft vrai que la re- ponfe eft demandee dans vingt-quatre heures : le terme eft court ; mais jWois de bonnes raifons pour ne pas le prolonger. II 6toit eflentiel que mon Adverfaire ne put prendre confeil que de lui-meme , ou des Jurifconfultes quile dirigent dans cette Capitale. S'agifToit - il de dire la v6rk6 } Mon Adverfaire la connoit bien. Depuis le temps qu'il confacre fes jours a I'^tude de ce fameux Proces , il doit etrc en etat de repondre fans hefiter , s'il croit mon Oncle innocent ou coupable ; il n'avoit pas befoin de vingt-quatre heures pour produire cette reponfe. S'agifToit - il de dire la verite d'une maniere , qui ne compromit point la defenfe du Comte de Lally ? Les Confeils de mon Adverfaire auront vu , d'un coup d'oeil, fi la tournure etoit poftible ou non ; ils n'avoient pas befoin de vingt-quatre heures pour la trouver & Tem- ployer. En un mot , Tinteret de ma Caufe demandoit de ra(51:ivit6 , mon etat m'impofoit de la moderation , mon coeur me Pinfpiroit ; j'^ai tache d'accorder , dans un procede purement volontaire de ma part , I'interet de ma Caufe , mon ^tat & mon coeur. Mais Paris n'eft qu'a trente lieues ; je n'ai pas cru devoir mettre au hazard , par un delai plus long , Pexiftence de mon intervention. Mes foins ont reuffi , MESSIEURS: ma Requete a vu le jour : j'ai le bonheur de vous avoir pour Juges; j'y travaiilois par mes precautions; mon Adverfaire I'a D 26 decide par Ton filence. Deux jours fe font ecoules , fans reponfe a ma fommation : elle eft du 7 Aout ; mon intervention eft du 9. II eft temps de mettre fous vos yeux rA6le motive qui la renferme. ^ N O S S E I G N E UR S DU PARLEMENT> L^ Gr^nd^Ch^mbre assemblee^ ^?SuppiiE humblement Jacques duVal d'Epremesnil> n &c. >?UlsANT que le feu fieur. Thomas-Arthur , Comte 3-) de Lally , Commiftaire du Roi , & General de fes Troupes dans I'Inde , accufe par M. le Procureur- General , de trahifon envers le Roi^ & d'autres crimes^ >? avoir imagine , pour fa defenfe , de partager la Colonic entiere en deux clalTes ; Tune compofce dudit feu fieur de Lally, & de fes Coaccufes ; Pautre du ("urplus des Defenfeurs & Adminiftrateurs- de cette Colonic, depuis le Comte d'Ache , Commandant de la Marine , & le fieur de Leyrit , Gouverneur de Pondichery , jufqu'au n dernier des Employes de la Compagnie ; if Que cette feconde clafTe a ete prcfentce a la Juftice par le fteur de Lally , comma un ramas d'hommes ^ indifFerents au fahit de nos pofTeftions , delateurs , >>impofteurs, faux temoins , trakres ^ rebelles, conjures >? pour la ruine de Pondichery , & la perte du General , " tandis que la probite ^ le zele , le definterefTement & le patriotifme s'6toient refugies dans la premiere claiTe , >y c'efl-a-dire , dans Ic coeur du Comte de Lally , & des Coaccufes ; Que celui contre lequel le fieur de Lally s'efl: le I) plus acharn^ dans fes M^moires , a ete le fieur de Leyrit , w Oncle du Suppliant; Qu'il a impute a ce Gouverneur les deux principales caufes de la deftru(5lion de nos Colonies dans Plnde : ?> la dljjipation des fonds , & U defaut d^approvzfionnement 9> de Fondichery ; ;> Que dans les obferv'ations generales de Ton premier ?) Memoire , le Comte de Lally a ofe dire , que U pour le Con> >) Gouverneur de Pondichery retiroit de la Ferme - s^inirale ^^ ^^ ^^"'' ?) des terres , les plus grands benefices yindependanvnent des ^6,34, 36. haux relatifs a des Domaines particuliers j que fur les j-> fournitures des haufs , le fieur de Leyrit gratlfiolt les y'> Entrepreneurs d'un benefice de deux cent pour cent ; que lorf- quele Comte de Lally a entrepris d^arreter Us profiufions du 9> fieur de Leyrit , il a toujours eprouvd de fia part les plus vives contradiclions j & que ce Gouverneur , loin de refiormer des abus evideniment contraires au bien dufiervice , n'a employe Fautorite dont il etoit depofitaire , qu^k fffiomenter des cabales , & a fioulever tous les efprits de la Colonic , fipe'cialement des Militaires contre leur Comman- }-> dant ; que depuis la guerre dcclaree , le fieur de Leyrit >j n'avoit pas fiait plus de difipo fit ions pour la dcfenfit de la y") Place , que pour s'emparer de celles des Enncmis ; que le n Gouverneur fiaifo it f aire dans d^autres pofies peu importants i8 r> de nouveaux ouvrages , quLavoient procuri aux Entrepre'- n neurs , Ingenieurs , 6' Commandants , des gains enormes ; yy qu'on s'lnquietoit peu dUmpofer des charges a laCompa- n gnie , lorfque ks Employes en retiroientun profit per fonne I ; J? que c^etoit la reunion de ces abus 6* de ces defordres , >y qui avoit prive la Colonie des rejfources les plus indifpen- )) fables pour fa confervation & fa defenfe ; qu'on n' avoit y) pas pris , avant Parrivee du General , la plus le'gere yy precaution pour ajfurer la fubfi fiance de Pondichery ; &que n routes fes infiances fur un article aujfi ejfentiel , etoient demeur^es fans effet. Ces reproches de diflipation , de cupidite , de )7 negligence criminelle , d^intrigue, de manoeuvre, de y> conjuration , de rebellion , reparoilfent a chaque page , pour ainfi dire, des Memoires du feu Comte de Lally. Memoire " ^'^^ ^ P^^^ Gondelour & Saint-David , il n'a pas du Comte de n tenu au ficur de Leyrit d^mpecher cette expedition ; on Lally, p. 47. . r 1 J r^ ' > 1 nne peut Lire avec attention la correfpondance du treneral yy & du Gouverncur , fans etre indigne du nombre infini yy d^obftacles que le Comte de Lally fut oblige de furmonter r yy il fe voyoit arrete , pour ainfi dire , a chaque pas, par nla difttte de toute efpece d^approvifionnements. IJim.p.S}. S'il s^eft porte fur le Tanjaour , c'efl par Peffet des 9j infinuations artificieufes du fieur de Leyrit. Jdm , p. 89. >> S'il a lailTt' aux Anglois Chinguelpet , Fort fitue 313 iy lieues d'Arcatte , fur le Palear , c^efl par le refus affecle py de la part du Gouverneur & du Confeil d'une modique yyfomme de dix mi lie roupies. Idtm p. 98. " '^^ ^^ difette etoit extreme, ce/^i n^emptchoit pas que n le Gouverneur n^cut regu _, partcge , diffipe. cinq millions, 2.^ S'il a manque Madras , c^eftque k Gouverneurahufoit /icr;,-. m. >-> de fes Lettres pour aigrir & foulever contre lul tons Us ry efprlts. n Pendant qu'il fe livroit a des travaux contlniiels , pour j^^^ jj^ w la surcte de la Colonic ^ le Gouverneur autorifoit les plus n grands defordres dans Padnilniflration. iT Ce mime Gouverneur ^ qui ne vouvoit imorer les he folns ,,, . >^ prejfants de la Colonic , fignuit unc quantite enorme de c^u Comte de r> Lettres de change fur la Compagnie , 6' meme en preffoit nS & Hf' n Fenvoi. Independamment des avantagcs que Te ficur de n Leyrit & fes Proteges tiro lent du remhourfement prompt r> de leurs creances , le monopole des Billets de caijfe leur n procuroit des benefices confide rabies. Mazulipatani eft pris : c^efl la faute du Gouverneur n& du Confcil , que le Comte de Lally fomme authenti- qucment , mais inutilcment , de contraindre lefeur Moracin d^y retourner, "" )? Les troupes fe rcvoltent: /e Gouverneur & le Confeil ^. r _ -^ _ Ici(m,p, 14a, }) n^off'rent pas au General la plus legere avance , quoiqu'ils f>fuffent nantis de plus de 800 mille liv. apportees -par n le Comte d'ylche , tant en piaflres , qu^en diamants : deux mille roupies font pretees par un habitant de Pondichery ; yy cctte action lui fait encourir la difgrace du Gouverneur. 7) Pondichery eft menace : il s'agi/Toit de Tapprovi- lMm,^,iyy-, jyfionner ; le Gouverneur & le Confeil n^ont jamais con- >j tribue de la plus petite fomme aux avances que cet appro- >r vifionnement exigeoit. Le fieur de Lally veut traiter avec les PvIayiTouriensi" >7 le Confeil les en d^tourne par fes infnuations.. j-j^ &- 179,.. w Le fisur de Lally veut lever une taxe de 30^,00 rou- 3^ X/^;,, p. 1^0. ^ pi^s fur des 1^ cgochnts : il faut s^en prendre au refus v du fieur de Leyrit & du Confeil de [aire fuhfijler la garnifon. ?> LefalutdePondicheryexIgeoitdes mefures promptest le fieur de Leyrit refufe d^y concourir. Le fieur de Lally , ?) cpuife inudUmcnt auprh des memhres du Confeil , les f>folllcltatlons , les prleres , les larmes mime , pour tdcher n de les emouvolr fur Vetat de Fondlchery, r> Enfin , Pondichery eft affame , r^duit a la derniere Meir.oire extrcmlce : il faut fonger a fe rendre : le fieur de Lally Laiiv^duHMs " demande que le Confeil s^occupe dhme capitulation , qui la page ao9 , concerne le civil aufR hlen que le mllltalre ; le fieur de 219. )^ Leyrit elude , s^y refufie , s^y prend trdp tard , & ne tendolt a rlen molns , lul & le Confeil , par leur condulte fy artlficleufe , qu''a rendre dans tous les cas le Conite de >) Lally refponfable de la perte de Pondichery. J) Et pour mettre le fceau a routes ces imputations , >> le ficur de Lally accufe le Confeil , le fieur de Leyrit en tete , de Tavoir calomnie , en difant , qu'll n'avolt n pas fait de capitulation pour Pondichery , quolqu^ll pro- >y dulfe une capitulation pour Pondichery. Le Suppliant j eftime que ie Curateur a la memoire du Comte de Lally ne Tobligera pas a difcuter , a definir , a de- y> voiler publiquement cette prctcndue capitulation. ..Tel eft, NOSSEIGNEURS , le precis , fidee y") des imputations injurieufes au feu fieur de Leyrit , que le feu fieur de Lally s'eft permifes dans fon ^) premier Memoire , & qu'il a repetees dans le Tableau yy hlflorlque ; le Refume de la capitulation ; les P^rales yi caufcs de la perte de Vlnde ^ nouveaux libelles , dont le 3^ Suppliant s^ahfliiendra de mettre ' les Extralts fous >? vos yeux : il faudroit , pour ainfi dire , en copier routes les pages , pour en faire connoitre toutes r> les indlgnitcs ; le Suppliant fe contentera de les joindre a fa Requete. Quand le fieur de Lally a publie ces Memoires , 3? le fieur de Leyrit n^etoit plus pour fe defendre. >> Vi6time des chagrins dont le fieur de Lally Pavoit w abreuve , il etoit mort , en recommandant aux fiens de ne puhlier pour fa memoire rien autre chofe que fa correfpondance avee le General. nFideles a fes dernieres volontes , fi3n frere & fon >? neveu n'ont en effet rien oppofe aux calomnies du Comte r> de Lally , que cette correfpondance. On leur confeilloit r> de. rendre plainte; ilss'enfont abftenus , fe faifant une peine d'accabler le calomniateur par leur intervention. >) Cette conduite moderee n'a point nui a Phonneur n de leur parent : le meme Arret a condamn^ le Comte v) de Lally a perdre la tete , & fupprime tous fes 9-> Memoires , comme contenant des faits faux & r) calomnieux.. La memoire du feu fi.eur de Leyrit etoit fatisfaite ; mais au bout de 13 annees , on a vu cet Arret me- morable attaque en caffation. Les parents du Gouverneur y> de Pondichery n'ayant point ete Parties au Parlement , r> n'ont pas pu etre entendus au Confeil. La Requete r> a prevalu , les chofes & les perfonnes Cont remifes ?9 au meme etat qu'en 1766. Le frere du fieur de Leyrit ?9 ell: mort; fon neveu furvit : c'eft le Suppliant _, dont jrrla vie eii confacree jufqu'au dernier foupir ^ a repoufTer les calomnles qui renaifTent du tombeau dft Comte de Lally. Ce devoir indifpenfable, il vient , NOSSEIGNEURS, le remplir avec une confiance refpedlueufe ; inftruit fy que le fieur de Tolendal a produit en la Cour tous les libelles du feu fieur de Lally ; qu'il fe prepare a publier de nouveaux Memoires ; jaloux de repoulTer yy & prevenir la calomnle , le Suppliant pouvoit-il fe >y difpenfer d'accourir , de paroitre, de demander juftice ? Toutefois , il a cru devoir la demander auparavant au fieurde Tolendal lui-meme ; par a^le extrajudiciaire du 7 de ce mois , le Suppliant a fait fommer le >9 Curateur a la memoire du Comte de Lally de declarer ^> dans le jour , s^il entendoit , ou non , perfifter dans >> les imputations de qe General , contre le fieur de Leyrit : declarant de fon cote le Suppliant au fieur de Tolendal , qu'il regardera le refus de repondre , >? les reponfes equivoques, ou le filence dudit fieur dc Tolendal , comme une adhefion formelle de fa part >? aux imputations du feu fieur de Lally, & qu'il prendra en confe^quence le parti que Thonneur lui prefcrit , & > que les Loix lui permettent. Le dclai eft expir^ , le fieur jde Tolendal n'a pas > fait de reponfe ; le parti qui refte a prendre au Sup- >5 pliant n'eft pas douteux ; il evitoit le combat , mais on Py force ; il refpedtoit la nature jufques dans fes ecarts : on la meprife en lui ; il eut prefcre , fera-t-il }> cet aveu ? il eut prefere en quelque forte la paix a la nverite, en gardant le filence ; on ne veut avec lui , ni la verite , ni la paix. Le Suppliant n'a plus de ;) rcffource 33 >*refrource qu'cn la Juftice : c'eft elle qu'il implore ; w c'eft d'elle feule qu'il attend deformais, & fon honneur, & fon repos. Ce considere, NOSSEIGNEURS , il vous plaift recevoir le Suppliant Partie intervenante dans Plnflance pendante en la Cour , entre M. le Prociireur-General , yy & le lieur Trophime-Gerard de Lally-Tolendal , nomme >> Curateur a la memoire de Thomas-Arthur de Lally, >>par I'Arr^t de la Cour, du xi Decembre 1778 , & V autres Parties ; ce faifant , joindre la prefente inter- vention au principal , diflribue au rapport de M. >? Mouchard , pour y etre fait droit par un feul & i) meme Arret : faifant droit fur ladite intervention , ordonner que les Memoires du feu fieur de Lally , intitules : Memoires pour le Comte de Lally ; Tableau hijlorique de ^expedition de FInde ; Refume de la capi- >y tulation de Fondichery , V^raies caufes de la perte de PInde y feront & demeureront fupprimes , comme faux & calomnieux , en ce qui touche la memoire dudit feu fieur de Leyrit ; ordonner en outre, que, pour valoir ?? de plus ample reparation , PArret a intervenir fera imprime & affiche par-tout oii befoin fera , aux frais & >> depens dudit fieur de Tolendal ; condamner ledit fieur de Tolendal , en la qualite qu'il procede ,aux depens; donner a^le au Suppliant de ce quUl emploie pour moyens de la prefente Requete, 1. a TefFet d'etablir le fait de la calomnie , les Memoires du feu fieur de Lally , enonces plus haut ; 2. a TefFet d'operer la refutation ?5 de ces Memoires, la correfpondance du feu fieur de E 34 Lally avec le feu fieur de Leyrit , dans Tlnde : Et vous ferez juftice , Telle efl, MESSIEURS , ma Requete dintervention. Vous Tavez renvoyee ^ I'Audience ; c'etoit m'en dire affez. Je bcnis votre juftice , je b^nis votre fermet6 , je remplirai , s'il m'eft pofTible , la tache glorieufe qu'elle lii^impofe. Ces conteftations etoient dignes en effet du plus grand jour. Au re lie , le plan de ma defenfe fc montroit \ decouvert dans ma Requete. On a bien pu juger de mes moyens ; la Cour a vu mes precedes* Voyons ce qu^a fait mon Adverfaire. II n'avoit , ce me femble , que deux partis a prendre : le premier etoit d'honorer Pinnocence , de parler a mon cxur , & de me dire : Pourquoi venez - vous me J) traverfer ? Vous ne cherchez pas a me nuire , fans }-> doute. Un fils , qui defend fon pere , devroit vous interefier, meme s'il fe trompoit. II eft vrai que les Memoires du mien font ofFenfants pour Thonneur de votre Oncle ; mais etes-vous bien fur que ces Me- moires foient Touvrage perfonnel de mon malheureux pere ? Pour moi , je ne le crois pas : & ma raifon eft, nque mon pere n'*avoit pas befoin d'accufer votre ?> Oncle pour fe defendre. En accufant votre Oncle , mon >5 pere a ct^dc a fes confeils ; mais moi , dont la vie & " Thonneur ne font pas en peril , moi que la piete filiale cclaire , je ne vois pas les chofes du meme oeil. Je y> vous declare done queje tiens mon pere pour innocent, > & le frere du votre pour irreprochable ; c'eft ainfi que n ma voix , pure de toute ofFenfe , fait allier les interets ^s w de la nature, Sl les droits de la verite Vous , p6netre des memes interets , vous , anime dcs menies >9 fentiments , mais que doit fatisfaire ma declaration , j> laiffe^-moi tout entier a mes devoirs do^iloureux , & 5> cefTez d'ajouter des entraves au trifle role d'un fils >) religieux , mais jufle , qui cherche a retablir la gloirc de fon fang , non a fouiller la purete du votre u. Voila , MESSIEURS , ce que mon Adverfaire auroit pu me dire. J'ofe en effet le demander , oui , j'ofe , devant vous , en attefter tous les amis du veritable honneur: quel eut ete Tinconvenient de cette declaration ? Qu'eut-elle renferme qu\in homme fage ne put pas dire , qu'un homme de coeur ne put pas avouer ? Quant a moi , comme je Paurois faite , je Pattendois : & le Ciel m'eft tcmoin , mes amis le favent , d'autres que mes amis Pont entendu , je Pai dit affez haiit , je Pai dit alTez fouvent , on a pu le redire a mon Adverfaire , s'il eut fait cette reponfe a ma fommation , je ne pre- fentois point ma Requete ; s'il eiit fait cette reponfe a ma Requete , j'abandonnois mon intervention , & je me devouois fur route cette affaire au plus profond filence. O Patrie ! ton feul interet m'eut empeche de foi;mer des voeux fecrets pour le Defenfeur du Comte de Lally. Mais pardonne , fi j'avoue en ce moment que Phonorable & loyal defaveu du jeune athlete que jc venois combattre , ne m'eut pas laiffe voir fans emotion les dangers de fa Caufe , & les efforts de fon courage ! Car enfin , MESSIEURS , qu'il efl beau dVxarter fon Adverfaire par le feul pouvoir de Phonneur ! C^uq la franchife a de vrais charmes ! Le parti qu'elie infpii-e E 2 36 eft toujours le plus noble , le plus touchant , & le plus fiir ; il eft en meme temps le plus naturel & le plus ftmple. Comment mon Adverfaire ne Ta-t-il pas vu ? Vous ferai-je part d'une idee qui me faifit ? Je fuis perfuade qu'il a penfe a faire la declaration dont j'ai propofe refquiffe. Je maintiens que cette infpiration Ta pourfuivi. II eft jeune , il eft fenfible ; fon ame, natu- rellement fiere , eft encore clevee par Timage de fes devoirs, & le fouvenir de fes fucces. A fon age , dans fa pofitjon , le fentiment eclaire , Tamour de la v6rit6 tient lieu de prudence , une a61:ion genereufe attire , entraine , forc raffentiment. Qui Ten a diffuade ? Je ne cherche point a le favoir. Mais enfln , ce parti , refpe<5l:ueux pour la memoire de fon pere , neceffaire pour celle de mon Oncle , que la verite did:oit, que la nature & la delicateffe n'auroient pas defapprouve , mon Adverfaire , MESSIEURS , ne Pa point pri^. II s'en ofFroit un autre , moins fur , a la verite , mals ferme , mais ouvert , mais impofant : injufte , mais pare des couleurs de la franchife & du courage ; cV'toit de perfifter dans les imputations du Comte de Lally , d'eiTayer fur mon amel'effet de cette incroyahletemerite; en un mot , de dcnoncer mon Oncle une feconde fois , a la Juftice , a la pofterite , comme le veritable auteur des malheurs de Plnde Francoife. J'avoue que, par cette imprudence , mon Adverfaire fe jettoit dans Tabyme ; mais du moins il s'y jettoit de bonne grace , & s'y jettoit avec fon pere. Pour moi , MESSIEURS , je m'y pr^fente. Vous favez mieux que moi , mon Adrer- 37 faire n'ignore pas fans doute , que la Loi ne permet pas. d'inquieter au bout de cinq ans les manes d\\n Citoyen dtccdi dans Ton etat ; c'eft un droit interdit au Miniflere public lui- meme : Eh bien ! je renonce a cet avantage , & voici ma declaration bien r6flechie. Si mon Adverfairefoutientque les preuvesdumoindre des delits imputes a mon Oncle exiftent , je lui permets de les produire , & je confens que M. le Pr-ocureur-Gcneral en fafTe ufage , finon , pour accufer mon Oncle , ce qui ne feroit pas regulier , du moins pour le faire connoitre &. me demafquer , ce qui devient tres-jufte. En eifet , ou mon Oncle etoit reellement un Komme vertueux , ou je fuis , moi , le plus audacieux des hommes , d'abufer de la loi des cinq ans , pour le proclamer irreprochable , fachant qu'il ne IVtoit pas. II faiidroir m'en punir , il faudroit me confondre , j'aurois tort d'en murmurer, mes plaintes feroient trop malhonnetes^ pour etre ecoutees. Je ne dirai plus que deux mors a ce fujet. Le Comte dt Lally a dit dans fes Memoires , a cHaque page , que mon Oncle avoit perdu Pondichery ; le D^fenfeur du Comte de Lally repute que mon Oncle a perdu Pondichery. Je pretends cette allegation^ ca- lomnieufe : il ell de mon devoir de Taneantir : il elf d'un homme jufle de la prouver, ou de la retracflen Voila mes deux mots. Mon Adverfaire , MESSIEURS , ne veut dire ni Pun ni Tautre. On m'afliiroit qu'il devoit prendre un. troifieme parti : celtii de foutenir mon adion prefcrite, & moi , non-recevable. J'avois peine a le croire. Lui- meme me I'a confirme hier ^ au Parquet , en prefence. 38 _ ,, du MIniflere public. Que je fus ctonne '! Mon action prefcrite , quand la calomnie ne Peft pas ! Non-recevable a me dcfendre , quand on ne Ted pas a me desbonorer! Mon intervention irreguliere ! Et pourquoi ? J'attendrai vos moyens. Mais quand cela feroit , aurez-vous bien le courage de le plaider ? Quoi 1 un defaut de forme , qui n^exille pas , & qui feroit d'ailleurs fi facile a reparer, voila done votre efp^rance , voila le retranchement dc votre Caufe ! Y penfez-vous , dans une affaire , ou fc difcutent d'aufli grands interets , dans une affaire dont i'honneureiirame,d'employerdes fubtilites , des fins de non-recevoir? JePavouerai, MESSIEURS , ce troifiemc parti ne m'etoit pas venu dans Pidee. II faudra que je Tentende encore pour <5ue j'y croie. J'honore alfez mon Adverfaire pour ne pas prcvenir une telle defenfe , & meme j'en ai trop fait ; je me repens de Pavoir annonc6e. Ce fyfteme en effet repondroit-il a Peclat avec lequel le Defenfeur du Comte de Lally s'efl montre jufqu'a prefent ? Cette marche irrefolue feroit-elle .d'un homme penetre des fentiments qu'il exprime ? Tant que vous n'avez perfonne en tete , vous dites , vous imprimez , que votre pere cii mort innocent, vous rejettez fes fautes fur tout le monde, vous defiez le genre humain , TEurope retentit de vos clameurs. II fe prcfente a la fin un Adver- faire , THeritier , le Neveu de celui que votre pere a le plus cruellemcnt & le plus conflamnient outrage dans fes Memoires , que vous reproduifez ; cet homme vient vous dire : Votre pere, mort innocent , felon vous , a , fur les memes faitsdoni; il vouloit fe difculper , calomnie mon Oncle & vous n'ofez pas me foutenir Ic 39 contraire? Et vous croyez , en ahufant des formes , echapper a mes pourfuites ? Non , non , j^infifte, je vous preffe ; je fais une remarque, qui doit frapper les efprits non prevenus , & peut inquieter vos Confeilseux-memes: c'eft que Tinnocence d'un homme , qui s'efl defendu fur tous les chefs d^accufation par des calomnies prcmtditees, que fon reprefentant ne veut ni foutenir, ni defavouer , eft bien fufpecSle ! Penfez-y bien : cluder mes inftances , c'eft compromettre la memoire de votre pere ! Peut-etre audi ne plus les eluder, c^eft encore la compromettre ! Je le fais , j'en conviens , vous etes ferre de pres , & ce B"*eft pas ma faute , vous avez trop tarde Mais je vous prie de croire que la verite feule me fera quitter mon pofte. Pour vous , dont la voix incer.taine refufe de s'expliquer , quel eft done ce changement ? N'etes-vous plus le Defenfeur de I'innocence la moins equivoque ? N'etes -vous plus TefFroi de tous ces faux Temoins acharnes a la mort de votre pere ? Croyez-vous que les manes du Comte de Lally applaudiront a vos incertitudes ? Les accents de la nature ont-ils perdu de leur pouvoir fur votre coeur ? Et Tombre de mon Oncle eft-elle ft terrible ? N'etes-vous plus celui qui prenoit le Public , impartial, eclaire , vertueux , pour Temoin , & pour luge des efforts d^un fils , refolu de venger , a quelque prix que cefut, fon pere e gorge ? C'eft ainft , MESSIEURS , que mon Adverfaire s'eft exprime dans une Lettre que j'ai dcja citce ; je ne recu- ferai point le Tribunal qu'il implore. Le Public en effet eft bien intcrefte au grand evenement qui fe prepare. Ses droits , Mcnfieur , fcs droits les plus eftentiels font '4 compromisparvos attaques. Voiis rinvoquez,jcrinvoque a mon tour ; vous Patteflez dans les Journaux ; & moi je fills venu Tattefler a PAiidience ; vous lui demandez de rinteret , des larmes ; & moi , je lui demande , de la raifon , de la juflice , du patriotifme, & du courage ; vous n'y cherchiez que des Le(5leurs; & moi _, j'y reclame des Juges: il vous convenoit de les choifir , vos Juges : fans moi^ peut-etre , vous auriez reufli ; & moi , je les prendrois volontiers au hazard , dans ce Public que je refpecfte alTez pour dire devant lui-meme , qu'il ne faut pas confondre fes principes & fes afFe(51:ions , fes inten- tions & fes jugements. Ses principes font toujourspurs: fes affections peuvent etre entrainees ; fes intentions font toujours droites : fes jugements peuvent ne pas I'etre ; on peut le prevenir; mais il ne tient point a fes erreurs : il n'aime que la Loi, il ne veut que la verite , la juftice eft fon idole ; & fes decifions , qui reunifTent I'erreur & rimpartialite , quand il eft mal inftruit , font de vrais Oracles , pourvu qu^il examine , & ne foit pastrompc..... II va ceffer de Tetre. Le voila ce Public , nous fommes en fa prefence : que j'aime a le voir affemble ! C'eft a lui-meme que jem'adreffe : c'eft a la Nation , dignement reprefentee par tous c-eux qui m'ccoutent, que je defere , fous les aufpices de la Loi , aux pieds de fes Miniftres , cette fameufe Lettre adreffce par vous au Comte de Vergennes , inferee au Courier de I'Eiirope , & pour laquelle on ne prevoyoit pas le commentaire d'un "Citoyen vcridique , ^ntoure d'hommes libres , devant des Magiftrats integres. Elle contient , MESSIEURS des principes que je dois tclaircir , des foits que je dois rcfuter , 41 refuter, des defis auxqiiels jc dois r^pondre* C*eft par ou Je termine. Lilons d'abord celle d*envoi. Au Redadeur du Courier de TEurope. Paris , I ^\ JuilUt i yyS, y> D'apres I'interet , Monfieur , avec leqiiel vous avez bien voiilu recueillir & peindre tous les details du plus > beau jour de ma vie , mais qui malheureufement en n rappelle un , Ic plus cruel , qu'un homme puifTc y eprouver , vous ne ferez pas furpris , que je m'adrefTea > vous avec confiance , pour rendre publique la Lettrc w que je viens d'ccrire a Monfieur le Comte de Vergennes , 9} fur un article de la Gazette des Pays-Bas , du ii Juin dernier. Je fens bien que cette Lettre eflun peu longue , & qu'il eft abfolument impoflible de la divifer. Mais wj'ai cru que, malgre cette difficulte , elle pourroit,vu fon objet , trouver place dans des Feuilles caradierifecs r> conftamment par Phonnetete , par la verite , & par f^Vcnvie de concourir fans cefTe au triomphe de lajuftioc & de Phumanite. J'ai Phonnc^r d'etre, {Signe) Lally-Tolendal. Voici , MESSIEURS, la Lettre au Comte dc Vergennes. C'eft elle que je vais paraphrafer. Monsieur le Comte , J^ai recours a votre autorlte , ^ je reclame votrs juflice contre une manceuvre , qui excitera suremcnt votre inJigna- 4^ tion , aufji'tot qu^elle fera connue de vous Mon Adverfaire a raifon : de pareilles manceuvres font tres- criminelles. Les Journaliftes qui s'y pretent , meritent rindignation publique. Nous verrons , fur ce principe , ce qu'il faut penfer du Courier de TEurope Conti- niions.....' Lorfque j^ai entrepris de rempUr le devoir U plus facrc que la nature puiffe impofer a un homme , de manifejler rinnocence , de venger la mort de mon malheureux pere Manifefler Ton innocence ! Pentreprife eft hardie : vos moyens encore plus.... La douleur vous emporte dans vos Ecrits ; la v6rite eft au Proces Venger fa mort 1 Et fur qui ? Sur les Temoins ? Rendez plainte contr'eux : mais rendez-la contre eux tous : car ils ont tous charge le Comte de Lally. Sur les Juges ? Prenez-les a partie ; mais prenez-les tous : car ils ont condamne tout d'une voix le Comte de Lally Vous n'ofez pas les atiaquer Je le crois bien Mais pourquoi done ofcz-vous les outrager publiquement ? Soyez du moins confequeat dans vos accufations , puifque vous Petes ii peu dans vos demarches Vous accufez indiftinclement les Temoins & les Juges Et moi je vous obferve qu'il faut choifir Vous dites que les Temoins ont calomni j le Comte de Lally , & que les Ji:ges Pont'egorge Mais fi les Temoins ont calomnie , ils ont charge le Comte de Lally ; s'ils Pont charge , la preuve etoit acquife ; fi la preuve etoit acquife, les Juges ont du prononcer comme ils ont fait : a moins que vous n'alliez jufqu'a dire , que le parjure etoit fenfible ; que la fubornation fautoit aux yeux , & que les Juges Pont fciemment accueillie , & 43 ^ peiit-etre excitce , pour le plaifir dc commettre un a/Faffinat juridiqiie Ce qui renfermeroit , comme on le voit, une fuite de fuppofitions afTez raifonnables Je pOLirfuis Lorfque j\ii enLr^pns de remplir le devoir le plus facrc que la nature puiffe impofer a un honime , de manifefler Vlnnocence y de venger la mort de nion malheureux pere ; enfin de rendre Vhonneur a cclui de qui je tiens le jour , je m^attendois hien que les reftes de la c ah ale qui Va conduit a Fechaffaud , vomiroient contre lui les mimes horreurs que cette cahale avoit vomies contre lui vivant , apres etre parvcnue a lui enlever tout mojen de defenfe Un homme dont le Proces a dure plus de deux ans ! Un homme qui produit trois volumes de Memoires , rediges & figncs d'un Jufifconfulte qu'il a choifi , n'a point ete defendu ! II faut avoir les yeux fur de pareils reproches J, pour croire qu'ils exiftent Mais vous parlez toujours d'horreurs & de cahales?,. Montrez - nous done cette cahale ? Prouvez-nous ces horreurs? Les Lettres de mon Oncle font - elles des horreurs ? Le Memoire du Comte d'Ache efl-il une horreur ? Ccux du Chevalier de Soupire , du Marquis de Buffy font- ils des horreurs? Je vous declare que je n'ai jamais lu , que je n'ai pas voulu lire , qu^en un mot je ne connois pas encore Particle de la Gazette des Pays- Bas , qui vous fait crier fi haut. Mais de bonne foi , croyez-vous que toute la Colonie fe foit rafTembk'e pour la compofition & Penvoi de ctt article ? A qui le per- fuaderez-vous ? Ces petites manoeuvres , quand on veut V reuflir , exigent le fecret , Pobfcurite. Tout le nicnde F 2 _ 44 n'a pas les memes facilites pour difpofer piibliquement centre les importuns d'une feuille dans les Journaux. Je m'^attendois hien, qu^ohjetde Icur tcrreur , je deviendrois Cidui de leur haine 6' de leurs calomnles Et moi , MESSIEURS , je me crois aiitorife a dire que ctttc: phrafe ne peut me concerner dans aucune de ^Q:s parties. Je m^attendois a des Ecrits anonymes , a des Lihelles ,. a toutes CCS produciions tenehreufes qui , dans tons les temps , out ite les amies du menfonge , & la rejjource de la hajfejfe. Je les avois clajfes d'avance avec ce Libelle anonyme , trouve parmi les trefors dhin Moine millionnaire , 6' qui a Jervi de fondcment au Proces crlminel intente contre mon pere : avec ces quatre autres Lihelles ap partes a la Juflice y par quatre Temoins denonciateurs ,. lus par eux _, tranfcrits par elle , intitules d'abord au Proces Depofitions , puis transformes en Plaintes y puis redevenus IDepoJitions. Enfin avec tons ces Lihelles , qui ont ite ou le mo dele , ou la copie , ou Vextrait , ou la paraphraje des cinq premiers , & qui , pour employer les termes faeramentaux confacres dans le Proces de mon pere y ont forme la ma/fe & Venfemhle de ce funefle Proces Je parlerai , MESSIEURS, quand il en fera temps , de ces termes facramentaux , qu'on afre61:e de ne pas entendre y comm fi la fouveraine injuilice ne feroit pas de juger un General d'aim^e _, PAdminiflrateur d'une Colonic , fur un ou deux faits ifol^s , & non pas fur fa conduite entiere , chaque jour , a chaque pas , a chaque pofle ^ en route occafion ! Comme fi , negligcr fciemmenr toute cfpcce de precaution , tol^rer |[^ favorifer , commettre 4^ ouvertenicrtt to utes fortes de vexations / nial concerter toiites fes expeditions , ahandonner , fans les dcfendre & fans nece^Iite, tous fes pofles Pun apres Paiitre , ^puifer le trefor public , fans payer les troupes , autorifer une armde revoltee , iui propofer le pillage de la Ville r offenfer , eloigner fes Allies , difliper les vivres , s'op- pofer aux moyens d'en avoir , jouer Penvie de capituler , mais traverfer indignement fa propre capitulation , en prevenan^t rEnnemi de I'etat de la Place , apres Tavoir irrite , ou paru I'irriter , par des reproches de perfidie, & fe faire un pretexte de ces memes reproches^ de fes propres avis , pour livrer I'Armee , les Habitants ^ la Ville , la Colonie , a la difcretion de cet ennemi moins fort que foi , en nombre , n'etoit pas en effet une maffe accablante , un enfemble effroyable de perfi- dies accumulees! Mon Adverfaire s'efl-il flatte de changer la nature des chofes, & le fens des expreflions les plus communes ? Je le crois _, & s'il en faut une preuve nou- velle , le paragraphe que je difcute me TofFre encore. En efTet y mon Adverfaire y donne le titre de Libelle ano-- nyme , au recit tres-circonllancie de tous les crimes du Comte de Lally , fait par le Pere Lavaur ^ Superieur des J6fuites dans Plnde , & troiive chez Iui apres fa mort , {bus les fcelles y par les CommifTaires du Parlement ; ;! Iui plait de metamorphofer en denonciations ^ les iimples depolitions des quatre premiers Temoins entendus au Chatelet; il qualifie de Libelles ce& depofitions ; il traite avec la meme bienfi^ance , il honorc du meme nom , les* plaintes de M. le Procureur-General ; Sc dans fon igno- rance reellc, ou feinte , des premieres foraialitcs d^nn 46 Proces criminel , il trouve ahominable que , M. le Pro- cureur-General ait rendu plalnte des faits conteniis dans ces depofitions , & que Ics Temolns aient etc afTignes de nouveau fur ces faits : Lihellcs , dit la Lettre , intitules iPabcrd Depofitions , puis transfornics en Plalntes , puis redevenus Depofitions. Sans doute : 2c cela devoit etre. Vous tracez exa^lement la marche naturelle d\ine Pro- cedure extraordinaire : un Temoin eft entendu , le Mi- niflere public prend dans fa depofition des faits dont il rend plainte : le meme Temoin efl rc'afTigne fur cette Plainte ; telle efl: la forme , elle eft indifpenfable ; la raifonPenfeigne^laLoi Pordonne , les exemples n'en font pas rares. II n'eft pas un Citoyen peut-etre , a qui ces notions elementaires du droit criminel ne foient tres-familieres , ou du moins tres-intelligibles. Efl-il permis a mon Adver- fairede les igncrer?N'auroit-ilpas du s'en tclaircir, avant de les combattre? Et n'eft-il pasetrange qu'on trouve du credit pour ces erreurs injurieufes a la Magiftrature ? que des Journaux autorifes les propagent ? Ai-je tort , quand je pretends qu'il exifte un parti qui fouticnt mon Adverfaire j trompe les Miniftres y & raffurc les Journaliftes ? Quant aux depofitions apportecs a la Jufllce par hs Temolns , die TAuteur de la Lettre , lues par eux , & tranfcrltes par elle , j'ignore ce qui sV^ft paffe auChatelet, mais je fiiis qu'au Parlement , un feul Temoin ayant tire de fa poche , un papier , fur lequel il avoit jette des notes , M. Pafquier , qui s'en appcrcut a Tinftant meme , lui dit de remettre cet Ecrit dan5 fa poche , & qu'on ne lifoit point fa depofition. Voila un fait que 47 j'avance. II eft notoire au Palais. M?n Adverfaire pent affecler de n'en rien croire : je ne chercherai pas a le difTuader : ce n'ejfl point avec lui que j'entre dans ces details : je les declare a mes Juges, je les expofe a mes Concitoyens ; j'en donne pour garant la parole exprefTe du Magiftrat que j'ai nomm^ ; & s'il falloit produire une autorite apres la fienne , j'invoquerois le temoignage de M^. Fremyn , Greffier , qui rafTilloit > qui me Pa dit , & vit encore. J'en atteflerois le Temoin lui-meme , que je ne crains pas de nommer ; c'eft M. de BufTy. Mais , c'efltrop refuter ^ trop honorer des calomnies extravagantes , que le befoin d'une Caufe defefpefLe ne peut pas meme juflifier : mon Adverfaire outrage fans retenue & fans pretexte tons les Juges de fon pcre , & ces Juges lui pardonnent : voila tout ce que j'aurois du dire. Revenons a fa Lettre. Je m'attendois meme a plus que des Ecrlts ; & refolu de m'lmmoler , s'll le falloit y content de perdre la vie , fi ma mort fervoit a faire apprecier celle de mon pere , fai tout brave en meme temps que tout prevu J\^i tout SRAVE EN MEME TEMPS QUE TOUT PREVU I Ce langage ^ MESSIEURS , eft un peu fier : voyons s'il eft plac6. Vous avez done tout prevu ?.... J'en douteo&je voiis interpelle fur votre honneur Aviez-vous prevui mon intervention ? Vous etiez-vous f gure que votre Caufe feroit eclaircie a PAudience ?.... Vous avez tout brave?..., Mais , dites-moi , je vous fupplie , quel eft le fens de ces paroles ? Verite fouveraine ! mon Adverfaire les explique lui-meme Refolu , dites-vous , de m^immoler ^ s^il le falloit : content de perdre la vie , fi ma mort fervoit: 4^ a faire ap pricier celle de mon pere Ah ! imprudent jeune homme ! Tel 6toit en Afie le langage de votre p6re. II opprimoit tous les Francois ,& parloit toujours d'afTaflinat. Vous cherchez ^ les deshonorer ^ & voirs parlez comme lui d^afTaflinat. Quelle defenfe ! Met- tons-la dans tout Ton jour. Les Temoins ont combine leur par jure , les Juges ont proftitue leur fanguinaire votx y les Temoins & les Juges ont egorge le pere , done , ce qui refpire encore de ces Colons penfe au meurtre dufils En v^rite , tout mon coeur fe fouleve aux idees que votre imagination enfante. Abregeons ce commentaire. II me fatigue. Jc vous eftime alTez pour croire qu'il vous fatigue plus que moi. Vous devez etre impor- tune de la lumiere qui fe leve fur vos Ecrits , vous devez etre bien etonnd vous - meme de tous les traits echappes a votre plume Je n'abuferai pas , MESSIEURS, de ce trifle avantage ; mais je dois vous rafTurer fur la vie paffee de mon Advcrfaire ; on n'a jamais attente a fes jours , jamais il ne Pa craint ; il a v^cu fort tranquille , il a vecu tres-protegc. Des Grands Pont foutenu , des Flatteurs I'ont fervi , des Ecrivains celebres Pont prone ; on dit meme que les derniers foupirs de M. de Voltaire ont ete pour fa Caufe Je lui laiiTe avec plaifir ce prote<5l:eur , a qui les defaveux ne coutoient rien, qui , de fon cabinet, prononcoit fur les affaires , fans connoitre les pieces , fans avoir lu les informations. Vous les avez ces pieces ,vous les lirez , MESSIEURS , ces informations : la juflice ei\ allife fur Pechaffaud du Comte de Lally , jc ftui .tranquille. Et vers la tonibe de M, dc Voltaire , If \ 49 le dirai-jc , MESSIEURS ? ne vais-je pas entendre des clameurs s'elever centre moi? N'importe , j'aurai pour moi le fuffrage des peres fages , des m^res judi- cieufes ^ des 6poux vertueux ^ des amis finceres , des Auteurs citoyens , des Magiftrats incorruptibles , des Souverains pr^voyants , de tons ceux en un mot pour qui les moeurs font encore quelque chofe : vers la tombc de M. de Voltaire , s'avance a pas lents , mais furs , la pofterit^ , qui , dans PEcrivain le plus vante , cherchera vainement un homme de bien. N'a~t-il pas dit , au refte , que tout le monde avoit droift de tuer le Comte de Lally , hors le Bourreau ? Si j'entends bien la langue, ou ctttt phrafe eft dcnuee de fens , ou bien il faut la regarder comme TArret du Comte de Lally? En efFet, un homme que tout le monde a droit de tuer , doit-il pour cela etre tue par tout le monde ? Qui peut faire parler la vengeance pubiique ? Les Juges. Qui doit Pcxecuter ? Je ne le dirai pas.... Je m'abftiendrai de prononcer ce nom, qui fait fremir & pourfuivant mon commentaire , je paffe rapidement aux deux der- niers paragraphes du texte. Mon Adverfaire , apres avoir premierement propofe les preuves de fa naifTance , que je ne m'attache point a difcuter ; fecondement, entafle les expreflions qui lui font familieres , de cahale , de prevention , de fuggeflion , de fuhtilite , d"* allegations chimeriques _, d^ajfertions inintel- ligibles , de definitions , de diflinclion , ^ de fuhdivifion ; troifiemement, reduit a deux chefs , en oubliant les abus d'autorite , toutes les accufations intentees contre fon pere , favoir , la haute trahifon , qu'il foutient G non-fculementdemontreefaiille^mals meme phyfiquemenr impodlble , & la concufTion , qu'il foutlent , non pas phyfi- qiiement impofTible , mais egalement faufTe ; quatrieme- ment , defie de prouver quefonpere cut fait pafferune fomme de dix fols , par aucun pays etranger , en effets _, en argent ^ ou en Lettres de change ; fait grand bruit du pen de bien trouve apres la mort du Comte de Lally , comme s'il s'agilToit du bien trouve, & non pas du bienrefle; attribue a des calomniateurs coupables , convaincus , felon lui, d'^un fecond ou plutot d\in milUeme parjure , je ne fais quel fyflcme de biens paffes en Europe, ou refles dans Tlnde; mon Adverfaire, dis-je, nous apprend qu'il vient d'envoyer a Bruxelles un pouvoir pour recher- cher y pourfuivre , & faire punir en fon nom , les auteurs & infligateurs de la Note infame du xi Mai dernier Je feiois curieux de voir Tinflrud^ion & PifTue de cette Procedure ordonnce a Bruxelles. II feroit etrange qu'elle ne fut pas meme commencee. II feroit bien fmgulier que Pauteur de ia Note ne fut pas un ennemi de la mcmoire du Comte de Lally, Les Magiflrats , MESSIEURS , font accoutumes a voir des chofes fi bifarres , des combinaifons fi particulieres , que vous ne ferez pas etonnes de mes foupcons. Quoi qu^il en foit, mon Adverfaire obferve dans fa LetW, que , fi rimpreffion des Gazettes etrangeres n'e/I p)iis foumife a Vautorlte du Minljlre , leur cours dans toute la France en dtpend ahfolumcnt. Cette remarque nVfl pas prudente ; on auroit du nous laifTer ignorer , on du moins oublier, que le cours d'un papier, dans lequel on accufe une Colonie , un Parlcmcnt , de s'etre entcndus SI pour egorger avec le glaive de la Juftlce un Citoycn irrcprochable , depend abfolument dans toute la France d'une aiitorit6 roumife aiix Lolx Francoffes. Enfin, MESSIEURS , le Defenfcur du Conite de Laliy, pret a finir fa Lettre inconcevable , s'exprime ainfi : Je cite d^avance a ce mime Tribunal ( le Tribunal public ) tons ceux qui meditent , & qui annoncent memc deja des Lihelles contre le fits & contre le pere ; je les fomme de mettre leurs noms en tite de leurs ouvrages , fous peine de fe voir devoues , comme de vils imp o (leurs , au mepris & a Vanatheme C'efl une imprecation terrible : au mepris ! a Panatheme !, Pour moi , MESSIEURS , j'ai tache de ne pas Tencourir & fur ce paragraphe , Pavant-dernier de la Lettre au Mi- niftre , mon feul commentaire fera la mienne au De- fenfeur du Comte de Lally. Permettez-moi de vous la lire ; je Pecrivois dans un moment ou mon ame etoit foumife a deux impredions : Pune que venoit dc produirc la le61:ure des dernieres pages du Memoire au Confeil , dans lefquelles , veritablement , la piete filiale de mon Adverfaire , s'eft peinte a grands traits ; Pautre , qui naifToit de la conviction ou j'etois , & fuis toujours , que , votre Arret , s'il eft conforme , ainfi que jc Pefpere , a celui de Paris _,.ne fera pas plus refpedte ; que les menies Libelles attendent tous les Parlements du Royaume , Pun apres Pautre , & que la publicite des charges peut feule mettre fin a ces declamations feditieufes dont M. de Voltaire a le premier donne Pexemplc impuni. G X J'ai fous les yenx , Monfieur le Comte , j'ai lii d'un i) bout a Tautre line copie manufcrite du Memoire que ;> vous avez pr^fentc au Confeil, fur la cafTation. Ilm'a y) touche y non par le raifonnement , mais par le fentiment , j> & je me hate de vous faire une propofition que jecrois digne de vous. Je n'abandonnerai jamais la m^moirc de mon Oncle , de cet homme innocent &malheureux, que le feu Comte de Lally a dechire , ( j'adoucis Tex- n predion ) apr^s Pavoir fait mourir de chagrin. Je nc n vous propofe pas d'abandonner la memoire d'un perc que vous ne croyez pas coupable. Mais , Monfieur , j> j'ofe vous le demander : aimez-vous la juftice ? Cherchez- n vous la veritc ? Votre premier defir eft-il de la voir fe montrer dans tout fon eclat , & dans toute fa force ? Voulez - vous que les hommes de tous les ordres : Militaires , Magidrats , Citoyens , Etrangers , que Punivers entier foit notre Juge ? Eh bien ^ Monfieur , n reunifTons-nous pour ce grand & noble objet , qui doit T) enfin Temporter fur tous les autres ; prefentons de n concert une Requeteau Roi ; fupplions-lede permettre, foit avant , foit apres PArret du Parlement de Nor- f> mandie , comme vous voudrez, que le Proces entier du >? feu Comte de Lally, depuis la Plainte jufqu'au dernier r> Interrogatoire , (bit imprime a nos frais , & diftribue ?> dans toute PEurope ; je m'engage a figner ce Placet , & quand le Proces fera public , a ne pas dire un mot. Je prefenteaujourd'hui ma Requete d'intervention , ?> & je pars a cinq heures pour Paris , o\\ j'attends , Monfieur le Comte , votre rcponfe a cettc Lettre . ?7 fous quatrc jours y Sc j'ai Phonneur de vous declarer 99 (Jue , pafTe ce delai , je prendrai des mefiires pour que >y ma Lettre foit mife fous les yeux du Roi , & piibliee. II ne me fuffira pas , Monfieur, d'tclairer nos Jus^es : je veux encore inftruire I'Europe , le monde entier , }y tous les hommes qui lifent & qui penfent ^ & j'efpero 'r> y parvenir. w Agreez les affurances des fentiments refpe^lueux avec lefquels j'ai I'honneur d'etre , Monfieur le Comte j Mvotre tres- humble & tres - obeifTant ferviteur. Signc , d'Epremesnil. a Rouen , ce 9 Aout 1779. Quelle reponfe la Cour penfe-t-elle qu'on ait faite a ma Lettre ? Aucune. Comparons ce filence au defi qui termine la Lettre de mon Adv^erfaire au Comte de Vergennes. En voici les propres termes : Enfin , a la face de Punlvers , je porte a tous les Ennemls de won pere & de fa memoire , quels quails aient ete , quels quails foient , quels qu'* lis fuiffent itre , paffes , prefents _, on a venlr , le defi de produire la preuve d'un feul crime , Vomhre d'une feule preuve , contre cette malheureufe (S' innocente vidlme. En verite , MESSIEURS, pardonnez-moi cette exprefHon , les bras me tombent. Deienfeur infortuHe du Comte de Lallylje ne fuis point fon ennemi, moins encore le votre , je vous Pai dt ja dit : mais il a calomnie le frere de mon pere , mais vous reproduifez fes outra- geants Memoires \ je fuis votre Adverfaire , je dois Fetre , ce titre me fuifit , \iOtre defenfe ne peut plus m'etre indifferente. Vous demandez , vous provoquez la preuve d'un feul crime ;, Pombre d'une feule preuve ; 54 Tel efl votre defi : iavant que j'y reponde , ecoutez les miens ; je ne les adrefTerai point, par la voie d'un Journal , a des inconnus , a des abfents : c'eft a vous , nommement , que je les porte , devant nos Juges ; ils vous feront fignifics. J'ai tranfporte ici , je dcpoferai entre les mains de M. TAvocat-Gencral _, je confens qu'elles foient commu- niquees a mon Adverfaire , routes les correfpondances de mon Oncle avec les Miniftres , la Compagnie y les Confeillers, les Officiers , les Employes , les Etrangers , & je declare avec ferment que je n'en retiens pas une feule Lettre. Eh bien , Monfieur , dans routes ces correfpondances , je vous defie de trouver une ligne quifoit audefavantage de mon Oncle: Je vous defie de citer un feul homme dans la Colonic , qui fe foit plaint de mon Oncle , avec le plus leger fondement , & d'en citer un feul , qui n'ait pas eu lieu de porter contre le fieur de Lally , les plaintes les plus graves : Je vous dc'-fie de citer une feule demande du Comte de Lally , fur laquelle mon Oncle ne Tait pas fatisfait , ou n'ait prouve rimpoffibilite dele fatisfaire: impoffibilite provenant prefque toujours de la faute du Comte de Lally: Je vous dcfie de citer un feul fait important dontmon Oncle n'ait pas etc inftruit: un feul avis neceffaire que mon Oncle n'ait pas donnc au Comte de Lally : une feule precaution qu'il ait neglige de prendre par lui- raeme , ou d'infpirer au General : une feule negociation avantageufe a I'Etat , qu'il n'ait pas favorifee de tout fon poiivoir : line feule , inutile ou funefte , fur laquelle i\ n'ait pas garde , avec tout autre que M. de Lally , fonSuperieur , & le Confeil , compofe de fes CoUegues, le plus refpe^lueux filence : Je vous defie de citer un feul pofte Francois dont mon Oncle n'ait pas prevu la perte , un feul pofte ennemi dont mon Oncle n^ait pas prevu le falut , par les moyens infuffifants ou contraires que le Comte de Lally employoit , quoiqu'averti. Et , pour que I'homme foit connu dans mon Oncle aulli-bien que PAdminiftrateur , je vous defie de citer une feule plainte ^ un feul murmure , par ecrit ou verbal ^ que mon Oncle fe foit permis , que dis-je, je vous defie de citer une feule attention perfonnelle , que mon Oncle , vexe , outrage , ruine , calomnie par M. de Lally , n^ait pas eu pour fon perfecuteur , dans lequel je vous foutiens qu'il n'a pas cefie un feul inftant . de voir , d'honorer , de refpe(fter , d'aider de fes confeils , de fon pouvoir^ de fa perfonne, Thomme du Roi & dc. TEtat. Enfin , je vous defie de citer une feule occafion meme legere , ou mon Oncle ait neglige un devoir de fa place : Une feule ou fa fortune , fon repos , fa fante , fa vie aient ete pour lui de quelque prix en comparaifon du bien public : En un mot , je vous defie de trouver dans toute fa conduite , je ne dis pas , feulement , fous le Gcneralat de votre pere , mais pendant vingt annees , que lui , mon Oncle , a command6 dans Vlndc , depuis Page de 26 ans , jufqii'a celui de 46, un feul trait, qui ne foit pas conforme aux Loix les 'plus flricftes du patriotifme le plus pur, du gouvernement le plus jufte , de la fubordination la plus genercufe , du defint^reflement le plus religieux. Ces defis , Monfieur , font - ils clairs ? Je me jflattc que Tauteur de la vehemente Lettre qui me les arrache , y repondra cathegoriquement. Et pourvu que , fur chaque fait qu'il lui plaira d'allcguer , il veuille bien citer la date , je m'engage , fur mon etat , fur mon honneur , j'ajouterois fur ma tete , fi cette garantie , moins chcre que les deux autres , n'ctoit pas encore tres-ridicule , quand elle eft inadmiflible ; mais je m'engage , fur mon ctat , fur mon honneur , a ne pas lailTer contre mon Oncle , aux plus legers reproches , le plus leger pretexte... que fi vous ne repondez pas k ces defis , Monfieur , nous fommes juges Revcnons au votre ; il eft formel : 1 1 preuve d'un feul crime: Tombre d'une feule preuve: vous fommez de les produire. C'eft bien la votre defi ! Ma reponfe fera tres-courte Je Paccepte. C'eft a vous, maintenant , de voir, fi vous voulei que je pourfuive. II eft encore temps d'obtenir mon filence. Je n'ai ni le droit , ni la volonte d'attaquer la memoire du Comte de Lally , qu'en repoufi"ant les calomnies publiees pour fa dcfenfe , contre mon Oncle : abandon- nez-les ces calomnies , tenez mon Oncle pour innocent, dcTavouez fur ce point les Memoires du Comte de Lally , & je quitte le champ de bataille ; je vous y laiiferai expofe aux feuls coups du Miniftere public. Ceil 17 C'eft un adverfaire bien redoutable : vous ne r^prouverez que trop. Mais enfin , expliquez-vous avec moi , les moments font precieux , il n'eft plus temps de reculer , je vous le demande pour la derniere fois , perfiflez- vous dans les imputations de M. de Lally , contre man Oncie ? Pefez ma queftion , Monfieur , & vos vrais interets : voyez fi vous me forcerez jufques dans les der- niers retranchements de Phonneur : je crois en avoir afTez dit pour vous prouver que la verite m'efl connue , qu'elle m'eft chere par-defTus tout, que j'oferaila publier. Encore un mot , c^eft le dernier : ce mot eft d'un Ancien que TafpecSl des Courtifans n'auroit pas d(^concerte , ee mot ne fera done pas deplace dans notre Caufe j'apporte dans le pan de ma Robe la paix ou la guerre..., choififlez, Monfieur : je vous laifle le temps d'y reflechir: vos refolutions determineront les miennes. Jufques la , fouffrez , M E S S I E U R S , que je laiiTe a vos pieds , en depot fous I'egide impenetrable de la Jtiftice , mes plus chers interets , & mes juftes reffenti- ments. La v^-rite , pour etre difPeree , ne fera point trahie : Pinnocence ne fera point abandonnee : je revole a fon fecours , fi Ton m'y force : peut-etre qu'a la fin mon Adverfaire mieux confeille , ceffera de mettre en oppofition fa Caufe & mon devoir; mais s'il depend de lui d'enchainer ma voix , la votre la votre , MESSIEURS , ne fera point captive. II eft temps d le dire , le moment eft venu de m'oublier moi-meme , pour ne penfer qu'aux Loix. Je fuis leur Miniftre , je n'ai pas cefte de Petre , j'ai dii m'en fouvenir. Ce carac- tcre indelebile , ce titre augufte qui me confacre a la Patrie , qui m'a donnc au Roi , qui m'unit a Vous , ne H doit pas , je le fais , je fais gloire d'cn convcnir , influer fur votre Arret ; mais il a du regler ma d^fenfe. Par lui , ma ddlicatcfTe eft juftifiee ; par lui , mon courage eft foutenu ; par lui , mes dernieres paroles , dans unc Caufe ou mon honneur eft compromis , feront determinees. O Loix de mon Pays , Loix , que j'ai jure de fuivre ,& que j'obferverai jufqu'au dernier foupir au peril de ma vie , Loix pour qui mes Juges ont prodigue leurs veillcs & prefente leurs tetes , Loix dignes en eflet de la con- templation des hommes fages , & du fang des hommes libres , eft-ce bien a moi pourtant de vous defendre ? Que fera pour votre caufe un fecours aufli foible ? Par quels traits ferai-je aimer votre beaute fevere ? Que re- pondrai-je a vos fublimes infpirations ? Mon ame ne peut fuffire aux fentiments dont vous la penetrez ; Tidee de mes devoirs m'accable-t-elle ? Je le crains , je le fens : ma voixfe trouble , elle s'arrete Ranimez-la, donnez- lui votre energie , armez-moi de tout votre pouvoir : ou plutot , Loix tutelaires , a mon defaut , venez , parlez vous-memes, montrez-vous a mes Juges ! Helas ! telles que vous etes , oubliees , meconnues _, defigurees par le temps & par les hommes , votre afpecfl: les touchera, Peignez-leur les dangers qui vous menacent , les outra- ges que vous avez recus. Vos Autels font chancelants , vos Oracles font incertains , vous raffurez vainement 1 'innocence , vous punifTez le crime fans fucces , une fauffe pitie , cruelle envers les gens de bien , fucccde a vos faintes rigueurs ; vos anciennes maximes font place a des fyftemes , I'etat des hommes ne depend plus de vous, & rinftabilite des jugements , le fymptome le plus funefte de raffoibliiTement des principes , du declin'des 59 Empires , fe fait fentir dans le Royaume qui nV refiftera pas , fi vos Miniftres d6courages , fi les vrais confeils des Rois , defefperant de la chofe publique , n^oppofent pas au torrent des nouveautes toutes les forces , ces forces bienfaifantes , fuperieures , dont la raifon & la juftice environnent toujours des corps de Magiftratiire , defarmes & vertueux. Dieu de nos Peres ! detournez ce prefage ! Loix que j'attefte ,6 Loix qui m'infpirez, vous ferez entendues 1 Les Magiftrats que j'implore en votre nom, ne foufFriront pas que vous peridiez. Vous avez tant fait pour eux ! lis vous doivent la paix , ils vous doivent leur gloire. Vous les avez foutenus dans les dangers , vous les avez fuivis dans la retraite , pour adoucir , pour terminer , pour honorer kurs fouffrances immortelles ; comptez fur leur courage , comptez fur leur ^2.gt^t , comptez fur leur juftice ; ne prenez plus une voix fuppliante j ils me defavoueroient , fi je doutois de votre pouvoir fur eux , cefTez de craindre. Nous les verrons , j^ofe vous Tannoncer , nous les verrons , par leur courage , vous rendre tout Peclat dont vous les avez couverts ; par leur fageffe, eclairer le Souverain fur le trone ou vous Tavez place ; par leur juftice , confoler la Nation dont ils vous ont garanti les libertes ; & le fucces paftager obtenu contre vous n'aura fervi qu'a vous pre- parer un triomphe plus beau. Mais ce triomphe fuffiroit-il a mon coeur ? Suffiroit-il a votre gloire? N'aurez-vous d'autorite, Loix falutaires , que fur des ames accoutumees a vos lecons , & qui fe plaifent a porter votre joug honorable ? Animer des Magiftrats , les affermir contre Pintrigue , I'emporter avec eux fur le credit j cette vi(5loire ne vous eft 6o ^ pas bien difficile. l\ en eft une qui manque aux an- nales du genre humain : c'eft k voiis de I'obtenir. On a vu I'amour paternel s'immoler a la Patrie : facri- fice heroique , furnaturel , fans doiite ! Et neanmoins , MESSIEURS , un grand coeur le conceit , pliitot que celui du refpedl: filial cedant a la Juftice. Ce nom de fils impofe des devoirs fi facres , qu'il femble qu'aucun autre ne puilTe etre mis dans la balance. La juftice pourtant doit Pemporter. On peut immoler fes enfants a I'Etat; on ne doit pas facrifier TEtat a fon pere. Tel eft I'ordre des chofes ! tels font vos droits , 6 nature ! 6 patrie I Seront-ils mieux connus ? Seront-ils concilies ? J'aime a le croire : je n'ai jamais defefpere de la raifon , de la vertu ; mon Adverfaire ne m'obligera pas a changer de fentiments. Non , Monfieur , non , vous n'etes pas le maitrc de penfer autrement que moi-meme , non, vous ne croyez pas qu'un fils religieux, qui defend Ton pere, doive fe faire un merite d'abjurer la raifon , d'ecrafer rinnocence. Ou ft vous en doutez , de grace , dit^s- moi , pour qui combattez-vous ? Sans doute vous croyez que Tombre de votre pere n'eft point indifferente a vos efforts : vous avez raifon , Monfieur ! j^ai le bonheur de penfer comme vous : j'adore fmcerement ces verites confokntes , fublimes , qui font de tous les fieclcs & de tous les pays , qui font la bafe de nos devoirs , la douceur de notre vie, le bonheur des families, le repos des Empires , un Dieu fouverainement jufte qui punit & qui pardonne , une ame que la mort n'aneantit pas, mais qu'elle eclaire , verites reconnues par les hommes les plus fages & les plusvertueux de Tantiquit^ paienne, & tournees en dcrifion par la philofophie moderne , 6i dans le fein de laquelle je n'ignore pas que votre Caufe a trouve des partifans. LaifTez la fes erreurs , laifTez fes promefles infru(5tiieures , rapellez vos principes , penfez a votre pere ^ mettez-voiis en fa prefence. Si, dans rinftant ou je voiis parle , Ton ombre paroifToit a vos yeux , dans ce Parquet ! au milieu de vos Juges 1 Ombre ^ qui n'avez rien pour moi de redoutable , prononcez vous-meme je crois la voir , je crois Pentendre , elle parle , ecoutons-la Mon fils , j'ai merite la mort : laifTez ma cendre en paix. Mon ame , degagee des paflions qui vous agitent , n'approuve pas Pexces de votre zele. Ne reveillez pas contre moi la haine publique ; ne me faites pas mourir une feconde fois : mes fautes font expiees. Vous pretendez venger ma memoire ; mon flls , on ne fe venge point des Loix. Refpe(5lez-les ; meritez par vos fervices d'avoir la France pour patde , & fon Roi pour Souverain. Vous irez enfuite verfer des larmes fur ma torabe. Ces larmes me feront precieufes. Mon fils , pleurez la mort de votre pere , mais que ce foit fans Pimiter ni \c defend re. Je perfifle , MESSIEURS , dans mes Conclufions. DU VAL D'EPREMESNIL. Monfieur DE GRECOURT , P\ Avocat-GineraL M^. C L E R o T , Procureur. A Rcuen. De I'lmprimerie de LOUIS OURSEL, rue de la Vicorate. 1780. SECOND PLAIDOYER D E M. D'EPREMESNIL , Confeiller au Parlemenc de Paris , Neveu dc M. DE Le YRIT ; ^7 REP L IQ UE J la Rp o n s e' non imprimle nijignifiie , dii fieur D E LALLY- TO LE ND ALj Curateur a la mcmoire du feu Comte de Lally. r ia i uMVJaajamMJ" iii i ii , i Miii i ^ ii wu-i-'0 5'nwt! P L A I De M. D'EPREMESNIL , Confeiller au Parlement de grai^d^. Paris , Neveu de M. de Leyrit ; chambre En rep LI Q^U E a la K e p on s e non imprimie ni fgnifiee, duSlcur de LALLY-TOLENDAL , Lurateur a la mdmoire du feu Comte de Lallv, ASS E M' BLEE. ESSIEURS, O N Adverfaire s'ell enfin determine. II me foiitient non-recevable. Apres ce mot, je n'imaginois pas que rien dut m'etonner ; & cependant , MESSIEURS , a chaqiie ligne de fes Conclufions , a chaque expreffion , pour ainfl dire , de fa defenfe , ma furprife a redouble. A 1 4 Je reprends fesConclnfions ; non-recevahle , iiooo Uv, de dommages 6' intcrets , la fupprejfion de nion Plaidoyer ; je les reprends Sc les difciite. Mon Adverfaire eft peut-etre etonne du laconifme de mon debut ; qu'il prenne Ton parti. J'efpere, MESSIEURS , lui proporer audi , fur chaque point de maRequete , des preuves qui ne feront pas verbeufes. II m'a dire(5lfment attaque , inculpc ; il m'a taxe d'avoir defigurefes Mtmoi- res, mcconnu la v^rite, trompe la Juftice , fervi les inte- rets, & ranime les vils reftes d'une cabale expirante , pour accabler Tinnocence Je fuis impatient de lui repondre : Vous avez choifi la guerre , Monfieur , vous Taurez. Le temps des preambules , & des phrafes fonores, eft paffe. Celui de la verite feule luit fur votre tete & fur la mienne ; elle va reparoitre cette verite for- midable, & la Cour dccidera qui de nous deux a du trembler en fa prcfence. Et d'abord vous demandez la fupprefTion de monPlai- doyer : mais a quel titre ? Quel eft fon vice ? Quel eft moncrimc ? Vousai-je perfonnellement offenfe , dechire ? Eft-il imprime en contravention des Reglements de la Librairie ? Eft-il faux ? Eft-il calomnieux? Ah ! vo'us n'avez pas ofe le dire. Vous n'avez pas ofe qualifier ce difcours qui vous met a la gene. Vous ne Tave^ pas ofe , vous qui traitez avcc tant de mepris , les depofitions des te- rncins , les plaintes du Miniftere public ,&rArret d'une Cour Souverainc. Suis-je plus a menagcr que toute unc Colonic, que le Procureur-General duRoi , & la Grand'- Chambrc d\in Parlement? Eh quoi ! je public hautement, j'articu.lc a TAiidicnce, je iivre a rimpreihon , je vous fals fignifier, a vous , a voiis-meme , Monfieiir ; je fuis rcduit a vous faire fignifier cette verite ^ trifle , fevere ; mais , felon moi , neceffaire , inconteflahle , que votre pere a calomnie le frere dii mien , & Pa calomnie d'au- tant plus cruellement , d'autant plus indignement , qu'il d charge mon Oncle des trahifons , que lui , que votre pere, Monfieur, a commifes. Et vous ne vous recriez pas , & vous ne dites pas nettement , avec ce ton que vous avez fu fi bien prendre : Ce Magifirat , MESSIEURS , cet homme ami des Loix , que fori ferment oblige a les difendre , qui y fur fon Tribunal , me rendroit jufllce efl un caloni- nlateur. Non _, mais vous dites : ce Magifirat qui me ren- droit juflice , il falloit ajouter : qui fupplie qu'on me la rende , eloignez-le; il eleve des plaintes , etoufFez-Ies ; il annonce des preuves , ecartez-Ies : il vient , dit-il , re- poufTer la calomnie, ne Pecoutez feulement pas. Que la calomnie fubfifte , & que fa defenfe foit aneantie. Tel eft done votre vceu ! Et celui qui le forme , celui qui Tex- prime , celui qui ne craint pas d'etonner la Jufticc par ce voeu temeraire , le defenfeur , le fils d'un homme que mon honneur , que mon devoir m^oblige , que la Loi m'autorife a proclamercalomniateur& traitre , n'ofepas meme donner un nom a la defenfe qu'il ofe denoncer ! II fuffit apparem- ment qu'elle vous importune. Ou done croyez-vous ^tvQ } Penfez-vous que la Juflice foit defcendue du Ciel pour faire ce qui vous convient ? Vous concluez a I^ooo liv. de dommages & inttrets : la demande eft modefte : cette fomme eft bien modique pour le fils d'un homme innocent & malheureux , qrie j'attaque en calcmnie par les memes fairs qui le rendent 4 coupable de trahifon. Mais cette fomme n'efl-elle pas nn pen forte pourle Defenfeiir opiniatre de ces abominables calomnies ? N'eft-elle pas iin peu forte , demandee con- tre un Neveu fenfible , mais d6rinterefre , qui reclame I'honneiir, fans prononcer ce mot impur , qui vQuscoute fi peu ? De Pargent dans cette aflaire ! De Pargent k compter aux pieds de I'^chaffaud du Comte de Laliy ! J'ofe dire que ce calcul depare votre caufe autant qu'il bleffe la Juflice. II ell vrai que la fomme eft applicable , de vetre confcntement, au pain des pauvres prifonniers de la Conclcrgcns. Tout le monde voiis a fu gre de ces foins gcncreux. J'applaudis , avec tout le Public , a votre cha- ritc pour les pauvres prifonniers de la Conciergerie.... Mais peut-etre eufTiez-vous mieux fait de prouver que votre pere s'etoit occupe dcs pauvres Habitants de Pondichery..., Votre pere? Contenons-nous encore Mais vous , qui m'attaquez aufli diredlement ; vous , qui peu fatisfaic des peines pccuniaires , voulez qu'on les aggrave, qu'on les furpafTe , qu'on les faffe oubiier par des peines reelles; vous, qui demandez la fuppreffion de mon Plaidoyer , penfez-vous bien aux conlequences de cette Requete ? Ignorez-vous que Thonneur d'un Avocat eft compromis par la fuppreffion de fes Mcmoires , dans une Caufe , memc etrangere ? a plus forte raifon dans une Caufe perfonnelle ? Que I'honneur d'un Magiflrat n'efl pas moins prccieux ? Que fcs Collcgues ne font pas moins fcvcres ? Faites-vous attention qu'une demande en fup- preffion compromettant ma place au Barreau , ma fcance en la Cour, vous mettez en peril , du meme coup , mon honncur &monctat? Vous mettez mon etat en peril \ 7^ Vous mettez mon etat en peril au nom , dites-voiis, de votre pere! Le Comte de Lally eft votre pare !... Ce!a eft incontefta'ole C^eft an fils dii Comte de Lally que je reponds ? Les loix m'ohligent a le croire ? Et vous ne craignez pas , qu'arme du flambeau de ces Loix , un Adv^eiTaire , a qui vous n'en impofez r-as Je me tais. Je tacherai de me defendre : je dcfendrai mon 6ta.t , Monfieur ; mais jene vous imiterai pas. Toutefois , je vous cxhorte a ne point abufer de mes menagernents ; ^coutez vos Confeils ; ils font eclaires ; ils vous diront que ia qualite de Toffenfe ajoute bien a Toffenfe ; mais que cette qualite doit etre etablie contradi(5loiiementavec TofFenfeur: que mes procedes ne font pas pour vous des titres,- que vous ne devez pas en abufer centre ma Caufe , ci contre ma perfonne ; ils vous diront , Monlieur , quels font mes droits. Enfin, MESSIEURS, mon Adverfaire , en atta- quant ma fortune & mon etat , m^a foutenu non-receva^ hie. II devoit, difoit-il , s'en tenir a ce mot , s'/ retran- cher; il vous Tav^oit promis ; vous vous rappeliez fes proores exprefTlons Vous n\ivc'^ pas droit , m'a-t-ild.t, d^lntervenlr. Votre intervention eft une injufllce : vos d'jfis font des pieces : Vacceptatlon du mien efl ui^ cmhuche : Plm." prudent jeune homme n^y fera point pri>. Cro^'e:^-vous (ju'erz portant ce defi , je me fois oblige de re'pondre a. tout Is monde ? Nan , je ne re'pondrai point aur votres : non , je ne foutlendral pas ici le mien. Eh ! qut: m^'mporte ri mol que votre Oncle jolt Innocent ou coupahle ? Je m^occvpe de la juffificarion de mon pere : jene traverfe point Fcpotheofe de votre Oncle : & pourvu que vous m'accordlei que mon pere 8 ejl innocent , je confens que voire Oncle pajfe pour un Dleu, Laijfei, laijfe:^ juger , a repris mon Adverfaire, & Von verra, fi votre Oncle etoit irrep roc liable : la{{fe{ juger , & Von verra. que M, de Ley rit n*et0Lt pas un Dleu En attendant, non-recev able , j^ aural le courage de le plalden M. d^Epre^ mcfnll purement & /implement non-recevable Vous n'avez pas oubli6, MESSIEURS, avec quelle complaifancc mon Adverfaire revenolt , appuyoit fur ces expreffions ch6ries: lalffe^ , lalffe:( juger ; en attendant , non-recevable ; M. d^Epremcfnll non-recevable. Que je laiffe juger ! &: Ton verra fi mon Oncle etoit irreprockable ! Eh ! mais c^efl precifement pour qu'on le voie , en connoifTance de caufe , que j'interviens : que j'interviens avant TArret, d'oii depend, felon vous- meme , la reputation de mon Oncle dechir^e par les Mcmoires de votre pere. Que je laifTe juger ! & Ton verra ! C'cfl done une chofe a voir , que Pinnocence dc mon Cncle ? Mais comment la verra-t-on , fi je fuis ecarte ? Sans examen contradidloire : c'efl bien ce que vous dcfirez. Mais avancons , je ne m'en tiens pas a dcmander comment on verra Tmnocence de mon Oncle ^ apres le jugement , fi j'abandonne mon intervention. Je demande , comment pourra-t-on la voir ? II fera bien temps alors que j'eleve la voix I A qui m'adrefTerai - je pour obtcnir juftice ? Sera - ce a vous que j'aurai vu patiemmcnt vous prcvaloir de ces Libelles ? Sera-ce au Miniflcre public ;, qui me r^pondra , je nY-tois pas votre Panic , & je ne puis pas Tetre ? Sera-ce a la Cour , fur ma fimple Requete ? La Cour verra que ces Libelles he -font point anonymes, & mc demandcra un conrra- di(^eur, 9 dideur. Or , ce contradideur , qui peut-il etre , fi ce n'eH vous ? Mais alors , ce contradi6teur , Monfieur , ne me J ^quelques millicrs d'Indiens , cachoit fon cordon rouge, arrachoit fa plaque ? Etoit - ce par I'avis de mon Oncle que M. de Lally avoit laifr/w5 hefoln, dit-il dans fon Journal, d^argent que de eomptes. Les trois CommiiTaires de retour a Pondichery , demanderent a fe demettre : mais mon Oncle jugea qu'il eonvenoit que chacun d'eux reftat charge de fon depar- tement , y prk connoiiTance de toutes les alFaires , en rendit compte , en percut les revenus , & les envoyat diredlement a la caiiTe , fans qu'ils paiTaffent par les mains de Rangapa , fous le nom duquel feulement la Ferme r^fteroit. Un des trois CommiiTaires prevenu en faveur de Rangapa , ne voulut point fe conformer a cet arrange- ment , & lai(Toit Rangapa maitre , comme autrefois , de fa perception ; mon Oncle lui en fit des reproches : le CommifTaire prit de Phumeur: il ofFrit fa demiffion; mon Oncle la refnfa deux fois , Taccepta une troifiem.e , & chargea M. Defvaulx de fon travail : ce changement fut tres-urile. M. Defvaulx parvinta dtcouvrir les letties originales de Rangapa, qui prouvoient lafauiTete detous fes eomptes , & fur-tout de ceux rendus au CommifTaire 62 prevenu. Les compfjs rendus k M. Defvaulx lul-m^me, tronip6 , mais non pas aveugl6 par Rangapa , n'dtoient point exempts d'crreurs. Son nouveau travail mit au jour ces erreurs , & fit rentrer de nouveaux fonds dans la caiffe publiquc. Un autre de ces trois Commiffaires tomba malade ; il demanda fa d^miffion. Son d^partement fiit remis a M. leNoir, Vun des Membresles plus refpedables du Confeil de Pondich6ry. Alors les trois departements n^en firent plus que deux. La plus grande partie , voifine de Pondi- chery , fut confiee a M. Defvaulx ; la plus eloignee k M. le Noir. Ce dernier efl mort fans fortune. Celle de mon beau-pere, en partie provenue de fes peres_, en partie acqulfe au Bengale , eft mediocre. II Pa verfce toute entiere dans la caifTe de la Compagnie , a Pondichery , & n^en a rapporte en France que des billets du Confeil , qu'il a vus enveloppes dans la liquidation a quatre pour cent y comme toutes les creances fur cette malheureufe Compagnie ruince de fond en comble par M. de Lally. Ce dernier , qui dcmentoit d'avance a Pondichery fes calomnies futures , par une Lettre ecrite a ma belle- mere pour TafTurer que perfonne ne portoit de plaintes contre fon mari , s'eft permis ncanmoins dans fes Memoires quelques ecarts fur mon beau-pcrc. Je confeille a mon Adv^erfaire dz mc-nager , foit dans les fiens , foit a PAu- dicnce , cette tete cherie , dont Thonneur me touche de fi prcs. Jelui confeille de s'interdire ace fujet les moindres Equivoques, les indications les plus cloignees ; je faurois les demeler , je faurois Ic confondre. Mon beau-pcre a pardonne le delirc d'un homme qui fe dcbattoit fous les 6^ cris de rUnivers , & le glaive des -Lolx : mais il feroit piinir celui qui renoiivelleroit ccs foupconscalomnieux: nion Adverfaire pent s'en tenir pour avcrti : il doit maintenant me connoitre aHez pour favoir que je ne f ais point de vaincs menaces , 8c qu^avec moi la preuve ell toujours aupres du defi. Je rev lens aux Fermes. Les departements en etoient done partages entre MM. le Noir & Defvaulx , & la perception des revenus fe faifoit par leurs foins & leur autorite , fous le nom du Fermier Rangapa , quand on vit arriver a Pondichery le fieurClouet, porteur des intentions de la Compagnie , au fujet des Fermes. La Compagnie n'avoit pas eu le temps d'etre inftruite des nouveaux arranc^ements pris par mon Oncle : mon Oncle , en arrivant a Pondichery, ne pouvoit pas con- noitre les defTeins de la Compagnie , concus long-temp>s apres , & manifcftes pour la premiere fois par Parrivt-e du fieur Clouet : & mon Oncle eut la fatisfadlion de voir que les idees de la Compagnie & les iiennes etoient a peu pres conformes. La Compagnie envoyoit le fieur Clouet , pour etre charge des Fermes , & recueillir les revenus fous Pinfpedlion du Confeil. En confequence le Conieil penfoit a PetablifTement d\in Bureay , com pole de trois Confeillers, ou fe regleroient toutes les affaires concernant les Fermes. Mon Gncle avoit parle de ce Bureau a M. de Lally, dans fa Lettre du 13 Septembre 17^8 : le General ne parut pas en goilter Pidte : il ne repondit rien : la raifon en etoit au'il s'occupoit a fa manie e d'an bail general des Fermes. Effedlivement le 13 Oclobre 1758 , il prefenta au Confeil un Me mo ire 64 dcs ficurs Miran Sc Abeille , qiii demandoient la Fcrme gcnerale des pofTeflionsde la Compagnie, fur le pied des baiix fuhfiflants , aux offres d'avancer 500 mille rouplcs, payables , favoir , 100 mille ronpies , trente jours apres la fitynature dii contrat , & 300 miile roupies dans ie mois fuivant. Cecte innovation ne poiivoit avoir lieu fans cafTer tons les baiix , les fermiers payoient bien ; ni fans contrarier d!re6l:ement les vues de la Compagnie, elles ^^toi'ent prccifes. Mon Oncle fit valoir ces deux motifs : mais M. de Lally repliqua qu'il avoit befoin d'argent pour le fiege de Madras , & qu'il repondoit du fucces avec les 500 mille roupies : il fallut ccdcr , & le bail fut fignc le 30 Odlobre 1758. Ici , MESSIEURS, finit ma tache fur Particle des Fcrmcs. Vous avez vu par les faits qui precedent , fi mon Oncle etoit ami des profufions , comme Ta dit le General Lally , que j'ai droit enfin d'appeller le calomniateur Lally; vous avez vu s'il eft aifc de croirc que mon Oncle ait tire des profits de ces Fermes , s'il ^toit aife qu'il en tirat ; les Livres du Confeil font a la Compagnie: les comptes de M. Defvaulx, & des autres CommifTaires font a la Compagnie : las liquidations de M. Defvaulx & de mon Oncle font a la Compagnie. C'eft la que je renvoie mon Adverfaire , pour y palir fur les preuves honorables du dcfintereffement de mon Oncle , & fur fa conduite, relativement a Particle des Fermes , jufqu'au 30 Odlobre 1758. A partir de certe epoqiie , ce fera le Curateur a la mcmoire du calomniateurLally , ce fera mon Adverfaire qui vous en repondra. Et Et pourquol , MESSIEURS , vous en repondra- t-il? C'efl qu'a cette ^poque, le General, au mepris dc fes inftrudtions , ad6pouille le Gouverneiir& le Confeil, de radminiftration des finances. Ou font mes preuves de cette ufurpation tyrannique qui rend encore la calomnie plus atroce? Les voici, & c'eft toujours le calomniateur lui-meme qui me les fournit : daignez , MESSIEURS, fuivre les dates. Le 30 0(51:obre 17^8 , Signature du bail general. Du 30 Oftobre au 8 Decembre , le General , occupe au (lege de Madras , avoit abandonne derriere lui nos Aidses, c'eft-a-dire , nos Villages: les ennemis pilloienc nos trres. Les fermiers etoient embarraffes pour le premier paiement. Dans une Lettre a mon Oncle , du 8 Decembre ly^S, M. de Lally convient du degat de nos Aldees , & fe plaint du retard; & parune bizarrerie inconcevable , il veut que le terrain qu'iloccupoitaupres de Madras , & qui ne faifoit point partie des Fermes , ou les fermiers ne recoltoient rien , & n'avoient aucun droit , il veut , dis-je , que ce terrein rempliffe le vuide de la devaftation commife par Pennemi fur les terres de nos Fermiers. Mais enfin , que fair mon Oncle ? II envoie chercher les fermiers, & leur demande s'ils n'avoient aucuns fonds a faire pafTer au General : que repondent les fermiers ? Nous avotis zo mllle roupies. Kerne tte:^-les moi , dit mon Oncle , pour que je les envoie au Comte de Lally, Mais les fermiers repliquent : pour nous conformer mix ordres que Af. de Lally nous a donnes , nous les etdrejferons nous-mimes a M. Ckevreau.Nl. Chevreauetoit le Treforier de Tarmee. Alors que fait mon Oncle ? II I 6G ecrit a M. de Lally, le 13 Decembre 1758, en rcponfe a la Lettre du 8. A la reception de votre Lettre du 8 , j\iL fait venir les fermiers , ^ je leiir ai communique ce qu:: vnii me mirque^ a leur fujet. Ih m'ont dlt quails avolcnt eu Phonneur de vous e'crire , (S' de vous faire leurs reprefentJtiois fur Pimpoi/ibilite ou lis etoient de vous faire de plus fortes avances , tant que Pennemi feroit furies terres dr'pendantes de leurs Fermes ; qu^etant aujourd^hui expofes a etre pille's & ravage's , ils ne pouvoient rien terminer avec leurs fx'/s-fermiers ^ ni trouver aucun credit. Je leur ai dcmande s^ils n^avoient ahfolument aucuns fonds a vous fiire paffer ; il^ m'ont dit quails avoient zo milk roup ies , que je leur ai dit de me reniettre pour vous les envoyer ; mais ils m'ont re'pun lu que pour fe con former aux ordres que vous leur avle:^ donnes , ils les adrefferoient eux-memes a J\4. Chevreau. Je ne vous feral , pour le prefent , fur cette reponf , qui a eu lieu de me furprendre , aucune reflexion, De quid.jue m.miere que Pargent vous parvienne pour faire le fidg'i de M.idra'; , je feral content ^ fatlsfalt. Ainfi mon Cncle ccrivoit an General Ic 13 Decembre 1758. Qu'a rcpondii le General a cette affcrtion prccife du Goiiverneur , a ce fair effenriel ^ a ccit^ plainte fi mo- d.'ice , & maintcnant fi demonftrarive ?Rien,abrolumcnt ricn. Done avnnt ]e 13 Decembre 1758 , le General s'e.'l: cnnare du radminiflration , & du maniemcnt dcs finances. Cette prcuve , MESSIEUFvS, n'efl pas la feiile. Le Jo Fevrier 1759 , mon Oncle ecrit a M. de Lally , tk 'ai parle encore dcs fermicrs , non pour liii rien reprefenter a leur fuiet , non pour lui dire que lui^mon 67 Oncle , leiir demandoit de I'argent pour le faire pafTer au General ; mais pour raffurer qiiUl preflbit les fermiers de le faire pafTer eux-memes. fe preffe , dit mon Oncle a M. de Lally, dans cette Lettre du i8 Fevrier 17^9 , je preffe , depuis plus de quiri:^e jours , les fermiers , pour quails vans envoient de Vargent : il n'y a pas de jour que je ne leur en park. Que repond a cela le General? Ecrit- il a mon Oncle : JSlais cela vous re garde , c'ejl vous qui ites V admlniflrateur des finances , c'e/l a vous que les fermiers doivent s^adreffer : c'ejl par vous que leurs finds doivent me pajjer : non, il ne repond rien. Done il exifloit one Correfpondance diredle pour Penvoi de Pargent , des fermiers au General : done le General avoit ote a mon Oncle Padniiniflration des finances ^ & le maniementdes fonds publics. Mais voulez-vous, MESSIEURS , une preuve plus forte de cette verite ? Le i8 Fevrier i7')9 , mon Oncle ecrit au General: Le changement que vous aver fait dans Vadminiflration des anciennes poffefjions de la Compagnie : celle que vous ave:^ etablie a Arcate (S' dans les pays que vous ave'^ conquis , de laquelle je n'^ai aucune connoiffance , m'ontreduit aux feules rejfources que je pouvois me procurer dans P enceinte des murs de Pondichery ; mais elles font aujourd^hui epuifees. Siir cette Lettre le General repond-il a mon Oncle : Q^ue parle:^-vous de changement ? Qii^ entende^-vous par cette adminiflration des pays conquis dont vous n'ave:^ point de connoiffance? Comment m^ecrive^- vous que vos feules reffources font dans Penceinte des murs de Pondichery ? N^etes-vous pas toujours a la tete des finances ? Le maniement des fonds n^efl- il pas toujours I 2 68 ians voire dependance ? C^eJI a vous d'en ripondre, Non , MESSIEURS, le General ne repond pas un mot de tout cela : il ne repond rien. Done , en efFet , il s'etoit empare de radminiftration , au m^pris formej de fes in{l:ru6]:ions. Enfin , MESSIEURS, pour ne rien lai/Ter a defirer fur cct objet important , je finirai par citer la Lettre de mon Oncle a M. de Lally , du i8 Avril 1759. J'y lis CGs mots : Jefolliciteral & prejferai les Fermiers. Je leur fignifierai que vous m^ave^ donne ordre de le faire ; c'e/I d^eux que depend Papprovifionnement des places frontieres de Pondichery, Le n'efi que des terres qu'on peut tirer des fecours. On ne peut plus , depuis le hall general , en atten^ dre que par la vole des Fermiers. lis dolvent la place quails occupent a la proportion que vous ave:^ faite au Confeil j peut-itre que ce que je leur dls fait trop peu dUniprefJion, lis Je flattent , fans doute , Monfieur , d^etre proteges par vous, Perniette:^ que je vous fupplle de voulolr hien jolndre vos ordre I a mes demandes ; PinipoJJihlllte ou le ravage des terres , ou tout autre motlj legitime peut les avoir mis , ne faurolt , en aucun cas , retomber fur moi. Je h*en ferols pas refponfable , quand mime je ferols maitre de radmlnlf- tratlon, Je feral toujours ^ & avec le mime plaifir y tout ce qui dependra de niol pour vous ohelr , & pour faclllter (S' fconder vos operations. Je ne regretteral les droits de mon pofle , que parce que je fouhaiterois pouvolr les employer tous a voire glolre. Je ne regretterai les droits de MON poste Mon Oncle ne les avoir done plus ces droits : il Tecrivoit a M. de Lally ; & M. de Lally ne lui icpondoit pas^ vous les ave^ encore ^ ou bien^ je vous les 69 rends: non ^ MESSIEURS, 11 n'ofoit pas ecrirc Tiin , il ne vouloit pas ecrire Tautre Je n^en ferois pas refponfahle , d'lt mon Oncle , quand meme je ferois le maitre de Padminiflration II n'ctoit done plas le maitre de cecte adminiftration , & I'ecrivoit a M. de Lally , qui ne repondoit rien. Mais pour trancher toutes les difficultes, voici , MESSIEURS, la Note que mon Oncle a mife au has de cette Lettre , fur ces mots: lis fe flattent , fans doute , Monfieur , d'etre proteges par vous Les Fermiers , c'efl la Note, avoient ^ ont encore line Lettre de M, de Lally , qui leur defendoit exprejfement de me donner un fol ; Us m'en ont f on mi copie. Je ne puis pas , MESSIEURS, vous la prodaire , cette copie. Dans la foule immenfe des papiers de mon Oncle , qui ne m'ont eteremis qu^en 1771 ^a ma majorite, je Pai cherchee en vain. Mais que men Adverfaire ne triomphe pas. La Lettre originale efl au Proces. Je la crcis du 21 Novembre ly^S. Le fieur Boileau I'a citee dans fa depofition. Le fieur Miran , Tun des fermiersj I'a produite dans la fienne. Le General I^ally a nie la fubflance de cette Lettre dans fa confrontation avec le fieur Boileau ; mais il a fallu en convenir dans fa con- frontation avec le fieur Miran , & cette Lettre , MESSIEU RS, vous Tavez au Proces, Maintenant , qu'il me foit permis , MESSIEU RS, de r^fumer cet article des Fermes , je le divife en deux epoques. Premiere epoque , depuis Parriv^e de mon Oncle a Pondichery, jufqu'au bail general des Fermes ^ ligne le 30 Odrobre 1758: fur cette epoque , j'ai rendu compte de la conduite du Gouverneur , & j'ai prouve 70 que fes mains ^toient pures , par des T^^rs qui fcront fign'iRls , & dont la preuve repofe aux Archives de la Compagnie : j'y renvoie mon Adverfaire, & je le dcfie de jamais y rien rcpondre. Seconde epoqiie , depuis le hail general , (igne le 30 06l:obre 1758, jufqu'a la con- fom (nation des malheurs de la Colonic, arrivee Ic i^ Janvier 1761 : & je foiitiens qii^a cette epoque , mon Oncle dcpouille de I'adminiftration des finances , par M. de Lally , au mepris des inftruc^lions du dernier , a ceiTc d'en etre refponfable. J'en ai donne des prcuvcs, tirces de la Correfpondance , j'aurois pu m'en pafTer ,- la Lettre du General aux Fermiers me futtiroit. Cette Lettre eft bicn Touvrage , elle eft bien de la main de ?vl. de Lally. Le voila done , pour la neuvieme fois , convaincu encore de calomnie envers mon Oncle , & pour la clnquieme fois par fa propre fignature , favoir : une fois , pour la prife de Chandernagor par les Angiois ; une autre , pour les envois au Camp de S. David ; une troifieme , pour Pexpedirion de Tanjaour ; la qua- trieme, a Poccafion d^Arcate ; la cinqiiicme, a Toccafion des Fermes. Ainfi J MESSIEURS, quand je tombe fur cette phrafe audacieufe des libelles du General , fi la dlfette etoit extreme J cela n'empechoit pas que le Gouverneur n\'iit recii _, partage 6' dijjipe cinq millions , je me crois autorife a dire , pour toute reponfe , avcc un fouris de pitie , mele d'indignation , cette phrafe , qui n\i pas meme le plus le'ger pre'texte , efl du calomniateur Lally. Elles font encore du calomniateur Lally les phrafes de fon Memoire, qui difent que le Gouverneur abufoit 71 des Lettres de change fur la Compagnie , en fignok line quantite enorme , en prelToit renvoi , fe prociiroit par elle un remhourfement prompt de fes creances , & monopoloit fur les billets de cailTe Un renilivOUirement prompt de fes creances! II efl revenu en 1762, tout Ton bien etoit dans la caiiTe de la Compa^^nie ; ii avoic hypotheque pour elle Ton patrimoine : il s'ctoit engage pour elle , fur fon credit perfonnel , qu'on prefcroit au credit public, depuis radininidration de M. de Lally, jufqu'a la concurrence de 5 a 6go mille livres : itefl mort en 1764, & il n'etoit pas paye : la liquidation de fes creances n'a ete faite que quinze mois apres fa mortj avec fon legataire univerfel , qui n'etoit pas moi ^ Monfieur, je fuis bien aife de vous Tapprendre ^ que/que part que vous foye:^ cache (i), & de vous propofer^ en paffant^, cette rcponfe a Taflertion qu'il vous a plu de faire ^ que j^avols pjccede a fa halm conime a fa fortune. J'ai'. fuccede a on honneiir , je n'ai rien de fa fortune , non pas meme des propres : les iins etoient dans la Coutume de Senlis^ ou la reprefentation n'a pas lieu ; les autres dans la Coutume de Caux^ ou ^ par Teffet dii teilament demon grand-pere , la portion des puines , c'e(l-a-dire . de mes deux Oncles , s'accroiffoit reciproquement. II eft trifce pour vous que ce calcul derange vos declamations ; & j'imagine que M". Ducadel regrette maintenant d 'avoir (i) M. de Tolendal avoit pris le parti de ne plus fe montrer a rAudiencc. Mais on Ic difoit mele dans la foule. Depuis il a quitie la Yille meme. Ablit , efugit , evajit , erupit. 72- plaide avant Paqiies , que j'avois trouve dins la fuccejpon de mon Oncle de qiioi fe'cher mes larmes. Vous avez tort de me parler de fa haine. II en avoit peut-etre au fond de Ton coeiir , mais il la combattoit , mais il favoit la contenir, mais je puis dire que c'eft un mot quUl n'a jamais prononc^ devant moi, & fes juftes reffentiments n'ont jamais influe fur aucun de fes difcours , fur aucune de fes demarches. Montrez - moi dans fes Lettres , montrez-moi dans fes Notes' , dans un feul de fes Ecrits , rien qui fente la haine. Je vous ferois bien rougir fi je vous montrois fon Journal. Le voulez-vous ? Vous n'y trouverez pas une feule expreffion exaltee. Je Tai vu tous les jours , pendant les vingt derniers mois de fa vie ; on parloit fouvent de M. de Lally , c'etoit Taffliger ; il abregeoit la converfation, & ne Techauffoit jamais. Je Tai vu mourir , & il eft mort en pardonnant a M. de Lally. Je le vois encore fur fon lit de douleurs, mourant , accable de maux ; j'entends fon trifte frere Tencourager a fouffrir , Pexhorter au facrifice de la vie. ^h ! dit mon Oncle y le plus grand de tous efl fait , 'fat pardonne a M. de Lally. Si je voulois toucher , je ne m'tichaufferois point a chercher des images. Je peindrois cet homme de bien , en qui la Nation aimoit & refpe(5loit fon Chef depuis pres de vingt annces , abreuve pendant trois ans , d'outrages , de mepris , d'humiliations par votre pere , qui fe plaifoit a Tavilir , Taccabloit des invediv es les plus groflieres, lui prodiguoit les epithetes les plus inful- tantes dans fes Ecrits , dans fes difcours , dans fes Lettres , en public , en particulier, le menacoit de le fa'ire atteler aux chariots de munition , le menacoit de le renvoyer pieds pieds 6> poi/igs lies en France , le menacolt dc lul ouvrlr le ventre , de lul manner le cczur _, s'^avancoit fur lul a poings fernies , Pappelloit traitre II a fallu dtvorer ces outrages , les devorer tons les jours , les devorer en filence, vivre avec fon tyran , fapporter fes furciirs , fupporter fes dedai'ns, pires que fes fareurs, boire a longs traits le calice incpuifahle d'amertunies que ce tyran effrenc lui prcfentoit fans cefTe , & voir un pays qu'on habitoit depuis vingt-cinq ans, qu'on avoic gouverne , qu'on avoit preferve des mains de Tennemi , fa feconde patrie , conduit pas a p^s , & fyftematiquement , a fa ruine entiere par cet homme barbare , s^appauvrir , fe depeupler , s'abymer, difparoitre entre fes mains : il a fallu , en s'eloignant de ces trifles rivages , ne pas laifTer dans la plus brillante Colonic une famille en paix,dans la plus belle Vilie , pierre fur pierre : il a fallu , en revenant dans fa terre natale _, apres vingt-cinq ans d'abfence , voir les reftes d'une vie epuifee a 46 ans , par tant de maux, pourfuivis , dechires impitoyablement par rinfatiable auteur de tous ces maux , qui ^ de traitre envers I'Etat , fe portoit accufateur , & diftilloit infolemment le poifon de la calomnie, jufques fur le lit de mort de fa vi61:ime Et vous ne voulez pas que ce foient la des chagrins ? Et vous venez nous parler de ceux de votre pere ? Je le crois bien qu'il en avoit. Les Tiberes & les Nerons vivoient-ils fans cha- grins ? Nous ferions trop malheureux , fi les mechants pafToient des jours tranquilles. Quel homme aiTez per- vers , quel homme aifez feroce , pent jouir de la paix entrc la haine publique & fes remords ? Des K 74 remolds !. Te me rappelle que vous avez ofe en preter a mon Oncle Vous faites , m'avez-vous dit , mowr/r votrs Oncle de fes chagrins ; une autre verfion le fait mourlr de fes remords.; Montrez-la moi _, cette verfion : ame- nez-moi de Tlnde iin feul homme qui , fur ce mot , ne vous repouffe pas avec horreur ; j'en attefle jufqu'a ceux que vous avez appelles les compagnons de votre infor- tune : ils ont vu man Oncle dans I'lnde ; cVfl eux que j'interpelle ; oil font-ils ? Qu'ils fe levent , qu'ils penfent a la fin que Dieu les entend, que la Juflice les eclaire , que je fuis la pour leur rcpondre; qu'ils fe levent , & qu'ils difent s'ils croient que mon Oncle ait du jamais eprouver des remords lis ne paroilTent pas J'ap- prends quails viennent de partir Vous voila feul ! cbandcnne des votres ! Je ne faurois vous plaindre ! Mon Oncle mourant de fes remords ! Ce mot vous coatera cher. Je vous aurois pardonne peut-etre : mais cet horrible mot a rompu tout pa6te entre vous & moi. Je ne vous dois plus que la verite ; & cette verite fera la honte etcrnelle de votre pere , ou de mon Oncle. Kous verrons fi ce fera celle de mon Oncle. Mon Adverfaire ^ MESSIEURS , n'attendra pas long-temps TefTbt de ma menace. J'en ctois aux Finances. Le General Lally a taxe mon Oncle d'avoir ahufe des Lettres dc change; & le fait eft que la liquidation de mon Oncle ne porte pas une Lettre de change , non , MESSIEURS , pas un feule : le General Lally a taxe mon Oncle d'avoir monopolc fur les billets de caiife; & le fait eft que dans la meme liquidation, qui femonte a S-7')o494' liv- ^7 fols , 3 den., Ton ne trouve 7) _ en hi He ts de caifTe cue la modiqiie fommcde 1^,^4,0 liv. 16 fols 6 den. ; que rorigine de ces billets de caifTe eft ^tablie par la liquidation mcme : les iins , pour la fommc de 1000 roupies , avoient ere donnc's a mon Oncle , fbit par le fieur de Perdriau , Conful a BafTora , foit par M. de la Tonr-du-Pin , Officier dans I'Inde , pour fu- rete d'une Lettre de change de pareille fomme : les aiures , pour la fomme de 5475 roupies , provenants de deux fiicceffions , portees au GrefFe de Pondichery , avoient ^te donnes en paiement si mon Oncle parle GrefFe meme: c'eft ce que porte la liquidation. Je I'ai demandee a la Compagnie , cette liquidation.: elle eft entre mes mains ; j'aurai Thonneur de la remettre a M. i'Avocat-General , & je confens que mon Adverfaire en prenne communi- cation. II y verra trois faits ; le legataire univerfel de mon Oncle paye en Juin 17(3*^ , premier fait ; or , mon Oncle arriv6 en i76x, etoit mort le 9 Avril 1764, : pas une Lettre de change dans la liquidation de mon Oncle , fecond fait: 15,540 liv. de billets de caiiTe , dont Porigine eft bien connue , fur 875,494 liv. , a quoi fe monte cette liquidation , troifiemefait. Voilal'homme qui s'eft- procure un paiement prompt paries Lettres de change ! Voilalemonopoleur fur les billets decaifte! Quel exces d'indignite ? Le calomniateur Lally eft-il affez confondu ? Non, MESSIEURS, il ne Peft pas aifez ; non , vous ne connoiiTez pas toute fon audace. II m'eft permis de la mettre au grand jour ; que le Curateur a fa memoire tache de repondre au fait que je vais plaider, Depuis le mois d'Aout 1759 , le General , autorife par les nouveaux pouvoirs de la Cour & de la Compa- 5>. 2 76 gnie , exercoit l^galement radminiflrarion des Finances qifil avoitufiirpcecn Novembre 1758. Aiimois deFevrier ij6o , la Colonic ctoit deja dans la plus trifle pofition-. M. de Lally a pris la peine de la pciadre lui-meme dans im expofc ail Confeil , du 9 Fevrier 1760 , leqiiel eft au Proces, &retrouve imprimc dans la Correfpondance. II J peiiit la Compagnie ahandonnee totalement de reffources d^hommes 6^ d' argent d^ Europe. II s^y peint lui-meme a la veille d^'etre ajjicge dans Fondlchery , par VimpoJIihi- lite de fournir a la paie dds troupes : trahi a la derniere hatallle". defohei par un Membre du Confeil , commandant a Cheringham : menace d^une revoke ge'nerale des troupes ; en hute a des complots : enjzn , Fondichery ouvert a Vennemi , dans une de fes parties , fi d^ici a quince jours on n'^Y faifoit une dipenfe de 8 a 20 milk roupies , pour la girantir d^un coup de main , mime dhme trahi fon qu'un feul Habitant gagne pouvoit entrainer avec elle. Jc vor.s rapporte fidelement les termes de Texpofe du General : & plus has il ajoute: On ne pent fe flatter , avec unefprit conime celui-Ui , de tenir long-temps contrc un ennemi reuni par des fentiments de patriotifme ,fl cettc Ville venoit a etre ajjic-gee. Tel eft, MESSIEURS, PexpoH^ de M. de Lally dii9 Fevrier 1760; telle etoit , fuivant lui- merne , la fituation de Fondichery. Dans cette extreniite , a qui rccourir ? Lc credit public etoit eteint , ics Mcrnh'cs du OvnTcil avoieni: porce tons leurs fond'j a la aiifle : les Malabarres avoient etc deja taxes : Ics Habitants Euro- pecns Tavoient ere dc nieme : les Feruiiers etoient tous en avancc : la fortune cnticre dc mon Cncle etoit au 77 tr^for , tous les biens engages , comme je Tai dit , fa vaifTelle convertie en monnoie^fes meublcs , les bijoux les plus a fon uf age , tels qu'un eau-rofier d'or , meuble familier dans un pays ou la maniere de faire honneur aux naturels , eft de leur prefen-ter de I'eau rofe & du bethel ; fes meubles etoient vendus ; enfin il ne redoit plus aux Membres du Confeil , qu^a fe rendre foUdaires Us unspour les autres _, & un pour tous , pour la fomme qu'on voudroit preter a la Compagnie. Et c'eft,, MESSIEURS-, ce qu'a fait le Confeil , par une Deliberation du 31 Mars 1760: elle eft au Proces , & fe trouve dans la Correfpondance.. Mais il falloit pourvoir aux befoins du moment , h. ces befoins decrits avec tant d'energie par le Comte de Lally lui-meme , dans fon expofe du 9 Fevrier 1760. L'embarras etoit extreme : un Etranger vient a notre fecours. Le fieur Sutton , Chef de la Loge HoUandoife a Goudelour , fe prefente au Confeil de Pondichery : il offi-e de preter 16 mille roupies comptant^ mais aux conditions qu'il lui feroit fourni fur la Compagnie une Lettre de change _, a un mois de vue , dans laquelle feroient compris les interets a 30 pour cent. Le Confeil de Pondichery, prelfe par la necedite , fe rend auxofFres, accepte les i6miile roupies , & donne la Lettre de change demandee. Sa Deliberation, produite au Proces , imprimee dans la Correfpondance _, eft du 12 Fevrier i76o,c'eft- a-dire , du troifieme jour apres i'expofe pathetique de M. de Lally. Au bout d'un an , Pondichery eft pris. Apres la prife , le fieur Sutton ne voulut pas qu^on ignorat plus long-temps que la fomrae par lui prettc . 78 n'etoit par> a Iiii , 6^ quel l^toh le vrai Proprietaire de cctre romme. En confequence il a donne au Confeii de Pondichery fa Declaration par ecrit , que ce vrai Pro- prietaire ^toit le Comte de Lally , dont iui Sutton , Chef de la Loge Hollandoife a Goudelour , n'etoit que le prere-nom. La Declaration eft: au Proces. On a intcrroge le General fur ce fait;&M. deLally, ce zele Serviteur du Roi , ce gtnereux Syndic de la Compagnie , des malheurs de laquelle il n'a jamais profite , qui n'abufoit point des Lettres de change , qui fe plaignoit du defaut de patriotifnie , qui n'avoit rien a Cc reprocher que les emportements d^an zMetrop amer , irrire par la vue des defordres publics , ce vieux Caton de Tlnde Francoife, auquel il efl certain qu'on a fait trancher la tete pour des impatiences ; M. de Lally enfin eft convenu du fait Je fais que ce fait no meritoit pas la niort. Audi n'etoit-ce pas le fciil crime impute au Comte de Lally. Mais enfin cette action route feule . cette ufure efFroyable , commife par un Chef, par le Depofitaire de Tautorite , de la confiance publique, dans un moment de crife , deux jours apres le tableau fait par lui-meme de la detreiTe univ^erfclle, cette ufure en un mot, la plus enorme que Ton puilTe imagi- ner , par elle-meme & par les circonftances , dirai-je de quoi elle ctoit digne ? Oublions tous les autres crimes du Comte dc Lally. Ne penfons q'.fa celui-ci. II ne meritoit pas la mort , mais il meritoit un fupplice plus b.onteux que cQtte mort. Vient-on vous demander cett^ affrcufe indulgence ? VouG le voycz , M E S S I E U E. S , vcus voyez 79 . prefentement le but cache d'iine doftiine irnagince pairr ce Proces , digne en effet de donner Tetre a-ix: maxlaies les plus bizarres ,comme aux evenements les plusinouis, par le befoin dV juflifier ou d'y deguifer les crimes les plus atroces. Mon Adverfaire vous a plaide qu'il n'etoit plus pofTible de juger Ton pere fur d'autre crime que eelui de trahifon y que la pourfuite de tous les autres ^toit eteinte par la mort de fon pere , fi bien que mon Adverfaire ne vous reconnok point pour Juges des abus d'autorite , des exa61:ions , des vexations. II a meme foutenu en propres termes que cette incompetence decouloit des cara(51:eres qui diftinguent les Lettres derevifion ^ d'avec les Jugements de cafTation ; il me Pa oppofee _, cette incompetence pretendue , ajoutant que celui qui la conteileroit trouveroit a peine une excufe dans Tigno- rance la plus profonde. Eh bien 1 moi , jc fais profeflion de cette ignorance profonde ; je difcuterai cette do61:Line dont il importoit a mon Adverfaire d'etre le premier Apotre : mais vous voyez , MESSIEURS , je le repete , Pobjet myfterieux de Ton fyfteme. II efpere cchapper _, dans le fait, aux preuves de trahifon, dans le droit, a la recherche des auties crimes ! J'ofe dire qu'il s'aveugle en tout point ; mais le dernier du moins n'eft pas maladroitement imagine. Celui qui provoque rUnivers dans les Journaux , pretend fe derober aux regards des Tribunaux. Quelle fermete devant fes Lec- teurs ! Quelle prudence devant fes Juges ! Au refle , les preuves que j'ai donnees contre la calomnie & le calomniateur , fur Particle des Fermes , ne font pas, MESSIEURS , les feules preuves que 8o jViie; je m'y. borne pour le moment. D'aiitres verront le jour s'i! en cR befoin. Mais qnand je dis que je les ai 5 ces aiitrcs preuves , cela veut dire , Monfieiir, que je les ai : & quand je vous defic de me repondre ,ce'a veut dire que je vousen defie ; & que fi M. de Tolendal , provoquc par M. d'Epremefnil , accepte le dcfi , M- d'Eprcmefnil ne Teludera pas; fur quoi , MESSIEURS, j'ofe vous annoncer & me rendre garant j que fi mon Adverfaire 5 a qui les affertions n'ont ricn coute pendant douze hcurcs , oppofe aux faits que j'ai plaides unc fcule allegation , un feul mot , il ne fera pas une allega- tion , il ne dira pas un mot qui ne foit calomnieux. Deformais , MESSIEURS , je ferai heaucoup moins long, & j'ofe croire en avoir acquis le droit. Le Gouverncur de Pondichery , le General Lally , mon Adverfaire & moi , nous fommes bien connus ; mon Adverfaire par les defis qu'il abandonne , & par ceux qif il elude ^ & moi par les defis que j^accepte , & par ceux que je propofe ; lui par un cahos d'allegations qa'il ne fait pas flgnifier , & moi par le detail des veritcs que je le fomme de dementir ; lui par fes declamations , moi par mes faits ; lui par fon acharnement perfide a dechirer mon Oncle , en affe-flant de le menag-er , en declarant quM ne veut pas Texaminer , & moi par ma conftance ouverte , a demcler fes fophifmes , a repouffer fes coups J a lui porter les miens ; lui par fes rccits hiconcevablcs que j'ofe a peine vous rappeller , dont la feule idee me fait rougir ; recits burlefques encore plus qif indiffcrents , tout a la fois indigncs de lui _, de ^cs. talents , de fon ctat , de fa caufe ; de la caufe d'un nls qui 8i qui demande JHftice da fang de Ton pere, &dela majefte de votre Audience ; recits , en un mot , auxquels vous ferez grace en les oubliant ; mon Adv^erfalre , dis-je , s'eftfait connoitre par ces recits , & nioi , MESSIEURS , j'ofe le dire , par le ton de ma defenfe qui n'a jam.i-j porte a de grolliers eclats , qui n'a jamais profane le faint lieu^ qui n'a jamais embarrafTe , ni le front majeftueux de la Juflice , ni ces regards modeftes que ma caufe m'attire : enfin , MESSIEURS., mon Adverfaire s'efl fait connoitre par fa temerite , moi par mes preuves. J'efpere done que mes afTertions auroient des droits a votre confiance. Cependant je n'afiirmerai rien fur ma fimple parole , mais j'abregerai tout. Je vais continuer a vous montrer monOncIe com- pare au General, depuis le fiege de Madras , jufqu^a la reddition de Pondichery : mais le tableau fera rapide. J'expoferai les falts , je citerai les dates , & je ferai tres-peu de reflexions. L'epoque qui me rede a parcourir , comprend fix faits. Chinguelpet , pofte ennemi , defendu par une bonne garnifon , & laiiTe par M. de Lally , derriere lui, fur la route de Madras , en marchant au fiege de cette Ville. Le fiege de Madras leve par M. de Lally. Mazulipatam pris par les Anglois. La revoke des troupes. Le blocus de Pondichery. Eniin , la reddition de cette Place Je commence par Chinguelpet. L 81 Apres la prife d'Arcate , // eut e'te tres-avantaf^eux , 1 JiTcruix An- ^\t M. dc Lally dans Ton M^moire, de fe porter fans dilai fur Chinguelpet , Fort fitue a trei:^e lieues d^Arcate , U feul qui refldt aux u4nglois furle Palear,& quails avoient ahandonne. Le Comte de Lally inflruifit Ic Gouverneur 5' le Con fell de Pondichery du fiicces de Jon expedition , 6' Icur marqua en meme temps qu^il avolt un befoin ejfentiel dc 20 milk roupies pour etre en etat de conduire les trouoes; mais il attendit inutilement ce fecours. Les Noirs , faute de folde , refnserent de fe mettre en marche , & Fenneml , rcvenu de fa premiere frayeur ^ reprit pojfefjion du pofle qu'il avolt evacue. Oi fra furprls , fans doute , ajoute M. de Lally , que rimpulffance de rajpmhler line modlque fomme de lo mille roupies , alt fait echouer une entreprlfe qui ne pouvolt manquer de reujjir. Vous ferez bien plus fiirpris , MESSIEURS, (car a^res dix exemiles de calomnie , le onzieme etonne encore ) , vous ferezr hien plus furpris , en apprenant que tous les faits avances par M. de Lally dans le pafTage que ie viens de cicer,font faux , & qu'ils etoient connus de lui pour tels. Ce pa(ra2;e contient trois fairs ; T^vacuation deChin- elpet par les Anglois ; le refus par les Noirs , de ircber faute de paie^ mande ^ mon Oncle par M. de Lally : enfin le refus par mon Oncle d'envoyer un fecours de 10 mille roupies , pour prendre Chinguelpet. Le premier de ces trois faits y favoir , tevacuation de Chinguelpet par les Anglois , eft dementi par la Lettrc dc M. de Lally a mon Oncle ^ date'e de Cangi-- gU( m'c varom le i^ Novemhre i^ ^S , ou je lis entou*^es lettres.... Je n\ittends que les cartouches pour marcher en avant fur Madras mime , laijfant derriere mol Chinguelpet , que , dans les grandes regies de la guerre , Venneml devroit evacuer , & c^efl ce que quatre ou cinq jours eclairclront Si Pvl. de Lally efperoit le 14 Novemhre 1758 , que Pen- nemi evaciieroit Chinguelpet, ce pofte n^toit done pas encore evacue par Tennemi. II ne Pa pas ete , MESSIEURS. Non-feulement quatre ou cinq jours , mais quinze jours fe font pafTes , & M. de Lally attendoit toujours a Cangivarom que Pennemi fatisfit aux grandes regies dc la guerre , en evacuant Chinguelpet. L'ennemi n^en a rien fait. M. de Lally , qui n'avoit point encore d'in- teret a negliger ce pofle , s'efl mis en marche pour Paffieger. II efl parti de Cangivarom le 19 Novembre 1758 , apres avoir informe mon Oncle de fon depart & de fon defTein , par une Lettre datee du meme lieu & du meme jour , qui commence en ces termes : Je n\ii que le temps de vous dire , Monfieur , que Varmee efl partie ce matin , & que je marche a Madras par Chinguelpet C'est ainsi , MESSIEURS, que les Anglois AVOIENT EVACUE CE DERNIER POSTE. Le fecond fait , celui du refus des Noirs de marcher , faute de paie , apres P expedition d'' Arc ate , n'efl: pas moins fabuleux. Arcate a ouvert fes portes a M. de Lally le $ Odobre 1758 , & dans fa Lettre a mon Oncle , du meme jour, M. de Lally convient que ce fucch efl du aux fomnies fournies par mon Oncle. Du 5 Oflobre au 19, point de Lettre da General au Gouverneurr Lei9, le General ecrit au Gouverneur pour la derniere fois , a L 2 84 cctte epoqiie, 8c ne lui dit pas nn mot , foit delapaie, foit de rinfubordination des Noirs. Et comment aiiroit- il nil en parler ? Le GcniTal ne penfoit point alors a ma'-cher fur C'llnguelpet. II revenoit a Pondichery poi-r le bail des Fe-'mes : ce bail n'a ete figne cue le ^o Oflobrc ly^S ; & le lo Novembre fuivant , M. deLally s'efl mis en marche pour I'expedirion de Madras , fans ci:;e les Noirs euiTent donne le moindre fis^ne de mccon- tcntcmcnr C'est ai^7si , M E S S IE U R S , que LES Noirs ont rkfuse de marcher sur. Ciiinguelpet , ET OUE M. DE LaLLY EN A INFOP.ME MON OmCLE. Le troifieme fait _, celui din^fus d:s 20 mule rouplcs , cfl d'une abfu^d^te fi rcvoltanrc , & c^vwiq faiifiTeLe fi palpable J qu'il lalioit , pour I'inventer , toute I'audace d'un homme familiarife avec la calomnie. Prcmicrement ^ mon Oncle avoit d.'ja p/ene, ou fait preter , fur fon credit perfonnel a la Com.iao;nic djs Indzs, 400 mille roupics , Sc dcpuis trois annees le Confeil & lui n'avoicnt pas toucbc un fol dj Icurs appointemcnrs ; M. de Laily ne rignoroit nas : mon Oncle Ten avoit informc par fa Jucztre dii 8 Oclobre 175^. Si done mon Oncle n'eut pas donne les 10 mille roup'cs en qjicRion , ce n'eut pas it'': dc fa part mauvaife volont^' , ma's dttreffe abfolue. Sccondement ^ le flit efl qu-e I-,I. de Lally n'a jamais dcmande ccs 10 mille roupies ;, n'a rns pu les demander . en un mot, qu'il n'cii avcit pas bcfcin pour marcher fur Cr.in2;r.elpet. En effet , M E S 3 I E U II S ^ je vo:s par la Lettre de M. de Lally a mon Oncle, du 11 Nov^cmbre 1758 , qu'on avoit dcja fait paifer a rarmcc 32 mille roupies : psi* 8? cdle de mon Oncle a M. de Lally , dii Icndemain , que lo milie aiitres roiipies etoient parties la veille : par une autre Lertre de M. de Lally, du 17 Novembre, qu'il demafidoit no mille roiipies : par une premiere reponfe / de mon Oncle, du 19, qu'il ne prcvoyoit pas que Ics Fermiers pulTent completter la fomme , mais qu'il tra- vailloit a y fuppleer ; & par une feconde Reponfe du 21 , que les Fermiers alloient fournir le Samedi fuivant 60 miile roupies , & que Ics 60 mille autres feroient fournies avant la fin du mois pareux ou par mon Oncle; & de fait, le quatrieme jour apres cette Lettre , cVfr-a- dire,le25 Novembre 1758 ,leTrcforierde Tarmee avoit deja recu 100 mille roupies. Ce fait eft configne d?.ns une Lettre ecrite a men Oncle par M. de Chamboy, de la part de M. de Lally, de Cangivarom , /^ 25 No- vembre ?75^. Cette Lettre fnit ainfi : AI. de Lcdlj a recti la Lettre de M. Chevreaii ( c'etoit le Treforier de I'armee ) qui lui annoncc 200 mille roupies. Cent mille roupies \c i^^ Novembre 1758, 20 mille rou- pies le 12, & 7X mille avant le 1 1 du meme mois . cela fait bien Z42 mille roupies envoyces a Tarmee avar.t le 2^ Novembre 1758: or, c'eft le 29 du meme mois que M. de Lally s'eft mis en marche avec toute Tarmie pour le fiege de Chinguelpet : & Penvoi des ico mille roupies , annonce par la Lettre de mon Oncle , di 21 Avril , fit fur Tefprit du General , malade alors , une impreffion de joie fi vive , que , des le 22 , 11 a f?Jt ecrtre au Gouverneur par M. de Chamboy : il^. de Lally vienv de recevoir voire Lettre , JMonfieur , elle lui a fait un plaifir infini , & lui a ripandu du haume dans le fang,,,,.,. & la S6 derniere phrafe de cette Lettre eftconcue en cestermes: Je vous ripete y Monfieur , que voire Lettre lui a rendu la fante. Concevez-vous , MESSIEURS , apres tons ces details, que M. de Lally ait eu la hardiefTe d'imputer a mon Oncle le defaut de marche fur Chinguelpet , par le reFus de lo mille roupies ? Mais il eft temps que vous fachiez la verite. M. de Lally part de Cangivarom , & marche fur Chinguelpet le 29 Novembre 1758 ; le 30 il campe a 4 lieues de Chinguelpet , a Sivaron : de la il ecrit a mon Oncle : J^al bonne opinion de ma hefogne , Monfieur , malgreles forces formidables qui nous menacent... Ce ton n'etoit pas celui d'un General, dontmon Oncle traverfoit Toperation par un refus de 10 mille roupies. Le3 Decembre , il campe a Apour , a une lieue de Chinguelpet: le 4 , il va lui-mcme reconnoitre ce pofte, mais le meme jour, ildecampe d'Apour , laiffe la Chin- guelpet, & marche tout de fuite a Madras. Quel ctoit le motif d^m changement fi precipite, fi deraifonnable ? M. de Lally en donne trois : riinpofihilitd , pour les Che Ungues , de deharquer VartllUrie dans le Pal ear ; or , cette impo(Iibilit6 n'a jamais exifte que dans la Lettre de M. de Lally ; fi bien que ce General , en quittant Chinguelpet, fe propofoit d'y re\^cnir ; lui-meme Tan- nonce a mon Oncle dans la meme Lettre : Vimpratica- hilite des chemins , fecond motif; & c'etoit a une licue de Chinguelpet , aprds avoir etc le reconnoitre a demi- portee du canon , comme il eft prouve par la meme Lettre , que M. de Lally alleguoit ce motif: enfin la pofitionpeu dangereufe de cette place pour la filrete de nos convois. C'e- toii: pourtant cette pofttion qui av^oic determine M. de 87 ^ Lally a marcher fur Chinguelpet ; & c'efc de Chinguelpet , que les Anglois ,& les Noirs , partifans des Anglois , fe font fait y pendant tout le liege de Madras ^ un point d'appiri _, pour d^vafter nos terres , attaquer nosconvois;, & meme inquieter notre armee jufques devant Madras. Cherchons , MESSIEURS, un motif plus vraifem- hlable du changement de M. de Lally. Je crois que mon Oncle I'avoit trouve , ce motif ^ quand il ecrivoit dans I'Avant-propos de fa Correfpondance avec le General fur I'expedition de Madras : M. de Lally avoit eu des raifons plus pujffantes , ou du moins plus prejfantes , pour ne pas perdre un moment devant Chinguelpet; un Officier de fa conjiance le fit avifer que dans Vintervalle de temps que cette operation lui demanderoit , les Marchands de la Ville Noire ( de Madras ) enverroient au-dehors toutes leurs richejfes y & que ce hutin lui eckapperoit ; rien ne pou- voit contrebalancer cet interit y il fit marcher droit fiir Madras, Je ne donnerai pas, MESSIEURS , a cette con- je<51:ure de mon Oncle Pautorite d'un fait. Mais je puis dire que deux faits font arrives en meme temps : Fenlevement commence des marchandifes de la Ville Noire fu au eamp d'Apour fous Chinguelpet , & Pa- bandon precipice de Chinguelpet par M. de Lally: que M. de Lally ifignoroit pas toute Pimportance de ce pofle, que lui-meme en eft tomhe d'accord dans fes Lettres , dans fon M^moire , qu'il ne Pa pas moins laiffe aux ennemis en. marchant a Madras , qu'il a colore cette a61:ion des prei;extes les plus faux, & qu'enfin , durant le fiege de Ma.dras y defole dans fon camp par un deta- clieriient de troupes Noires , & d'une cinquantained'Aii- glois , qui s'etoicnt formes lui camp volant , auquel ce fatal Chingueloet fervoit de point d'appui , & n'ofant pas tenir contie IV-vidcnce ,. Ic General fit attaquer plii- fieurs fois c^ camp volant ; mais tantot il n'attendoit pas rarrivee de tons Ics fiens , tantot il mettoit iin marais entre lul & i'ennemi ; ime autre fois , il attendoit ^ que ce foible ennemi eut recu un nouveau renfort de Trichenapaly ; il a fini par lailTer manquer de vivres & de munitions , pendant vingt - quatre heures , notre detachement, au moment qu'il tenoit cet ennemi ren-. ferme; & peu apres , fur une fauffe alarme , il a fait revenir ce dctachement , pour ne plus penfer au camp volant des ennemis , qui n'a pas ceiTe de le harceler pendant le fiege , de lui coiiter des hommes , du canon , & d'ohliger notre armee a pafTer les nuits au bivouac, tellcment que les foldats , en revenant de la tranchee , ne pouvoient pas trouver un moment de rspos. De tons ces faits , MESSIEURS, je me crois autorife a conclure que M. de L'dlly a fciemment neguQ-^- Chinguelpet , que cettefaure dou rctomSer toute entijre fur lui , & que Timputation faire par lui a mon Oncle, d'avoir traverfe, empech6 la prife de Chinguelpct , par un refus de lo mille roupies , eft une calomnie non moins atroce que toutes les precL'dente:5 : & cette ca- lomnie eft encore dcmentie par les propres Lctrrcs de M. de Lally , puifqu'elies ctabliircnt qu'en marchant fur Chinguelpet , le General avoit recu 142 mille roupies. Qu'il me foit permis d^ijoutcr ici que cY'toit Tufage de 8? de M. de Lally , quand 11 partoit pour une expedition, d'abandonner les pofles Francois qui pouvoient la favo- rifer , & de laifTer k I'ennemi les pofles qui pouvoient la traverfer. C'eft ainfi qu^en marchant fur Madras , il lai/Te Chinguelpet derriere lui , malgre Tavis des Inge- nieurs : c'efl ainfi que , pendant le fiege de S. David , il avoit 6vzcm6 Ch^ringham , malgre Tavis du Confeil , Ch^ringham , poflc important qui couvroit nos poffef- fions du Sud , eut par la feul facilite le fiege de Tri- chenapaly , & dont I'abandon a caufe une partle des embarras du General au Tanjaour ; c'etoit encore ainfi. que , durant Texpedition du Tanjaour , il propofoit a mon Oncle , dans fa Lettre dti xr Juillet 17^8 , d'evacuer totalement les environs de Pondichery ,qu\m tres-foible detaciiement , laiffe aux ordres de M. de Soupire, avoit peine a garantir , Sc qui , par le depart de cet Officier, que M. de Lally appelloit au Tanjaour , auroient ete entierement livres a la merci des Anglois. Mon Oncle s'oppofa au depart de M. de Soupire , & ce digne Officier eluda audi heureufement que fagement Texecu- tion des ordres du General, fans quoi Pondlchcry lui- meme n'etoit plus a Pabri d'un coup de main. Cettc affreufe verit^ eft port^e jufqu'a la demonftration par mon Oncle , dans fon avant-derniere Note fur la Lectre de M. de Lally, du 21 Juillet 1758. Je foumets cette Lettre , & les Notes de mon Oncle , ainfi que PAvant- propos fur Pexpeditlon de Madras , au jugem.ent de tous les Militaires : mon Oncle a moins fouvent occa- fion , dans fa Correfpondance , de traiter la guerre que la politique: mais dans fes Notes fur la Letrre du zi M Jiiillct 1758^ & dans Ton Avant-propos fur Texpedition de Madras , il n'efl qirhomme de guerre; & c'etoit Ton metier, quoi qu'en dife mon Adverfaire , puifque mon Oncle , Gouverneur pour le Roi , fur la prefentatlon de la Compagnie , comme M. de Lally a ete Comman- dant en chef far la prefentation de la meme Compagnie , ctoit charge du falut de nos ^tahliffements , & de la deliiru^lion deceux des Anglois dans Plndc , avant Tar- rivee de M. de Lally. Or , je fupplie mon Adverfaire de montrer le defaut des vues militaires de mon Oncle dans fes Notes & dans PAvant-propos que je vicns de citer. Je Texhorte en meme temps a ne plus parler avec tant de mepris des Confeillers de Tlnde, a ne pas croire les abaiffer en les traitant de Confeillers -Marchands. Premierement , cela eil: mal adroit dans un Gecle 011 le Commerce eft honore, dans une Ville 011 le Commerce eft refpe6table : en fecond lieu , la denomination n'eft pas exacle. Le Confeil de Pondichery , etabli a Tinftar des Compagnies Souveraines du Royaume , etoit en eftet Souverain lur tons les points. La Jufticc , la Guerre 5 PAdminiftration , la Politique , le C'ommerce, tout etoit de fon rcTort. Les Confeillers , par la prerogative atta- cliee a ce tltre feul , commandoient par-tout oii ils fe trouvoient ; & mon Adverfaire ne peut pas ignorer , qu'en vertu de TOrdonnance portee dans Tlnde par M. de Lally , les Confeillers fie^eoient , dans les Confeils mixtes , aprjs les Colonels, Sc que le Gouverneur prefldoit ces Confeils en rabfjnce du GtHcrai , ou prenoit immediate- men t place aupivs de lui , aa-deffus des. Oi'nciers- Ge- neraux^ au-deffus des Montmorency ^ des Ciillon , des 9^ d'Eflaing, avec lefqiiek je n'ai pas cui dire que mon Oncle ait jamais difpute de naiffance , ni de merite , mais dont le cara6i:ere ^toit alors inferieur au fien. J'ajouterai a ces details , que la defenfe un peu hautaine de mon Adverfaire rendoit indifpenfables , qu'il auroit du traiter cette mati^re dii Commerce avec plus de me- nagement , attendu que fon pere le faifoit dans I'Inde -, achetoit des VaifTeaux , armoit pour Ton compte , s'in- terefToit a d'autresentreprifes, & regorgeoit dericheiTes , au milieu de la dc'trefle publique. C'eft ce que le Proces vous apprendra, MESSIEURS ^ quand il y fera queftion du Vaiffeau le Harlem , du Bot le Favorl , du Navire le Grantham , des Fermes gencrales , de la nomination de Rajafaeb a la Nahabie d'Arcate , da foulevement des troupes , du pret a trente pour cent , que j'ai rapporte , du dianiant du Marquis de Conflans mort , dont le General s'efl empare , de la vaiilelle de M. de Lally , & de fes malles qui paiToient a travers le camp Anglois pendant le blocas de Pondicher)^ ; vous verrez , MESSIEURS, par tous ces faits , un General Marchand , tres-riche , tres-defoote, tres-avide d'argent, tres-indifferent, ou plutot tres-oppofe au falut public, & dans lequel une feule qualite furpalToit Ti- gnorance & la prefomption : c'etoit I'avarice ; cette avarice en a fait un traitre , & le befoin de couvrir fes trahifons en a fait un calomniateur. II etoit facile de preffentir qu'un pareil General ne prendroit point Madras , Pevenement ne Pa que crop prouve. Je n'imiterai pas ce Rheteur qui traitoit des xegles de la guerre devant Annibal. Mon Adverfaire , M % 9^ que j'cviterai de comparer a ce Heros , qiioiqiril ait cherche a m'accabler fous le poids des plus grands noms , me permettra pourtant de dire devant lui , qu'il eft, pour Tart de la guerre , audi bien que pour tous les autres , des principes generaux , a la portee de tous les hommes. Par exemple , ne pas laiffer derriere foi une place ennc - mie , quand on marche , non pas pour un cojp de main, mais pour un fiege ; or , M. de Lally a manque fciem- ment a ce principe , enlaiffant Chinguelpet derriere lui : ne pas attaquer une place par le cote le plus fort , Sc le plus incommode pour recevoir des munitions ; or le cote du Nord etoit Ic plus fortifie a Madras ; nos mu- nitions venoient du Sud ; & cV(t par le Nord que M. de Lally s'eft obftine a hattre la Fortereffe : artendre ime provifion fuffifante de munitions pour continuer le feu des attaques ; or , c^eil ce qu'on n'a jamais pu ga- gner fur M. de Lally. II avoit marche au Fort S. David fans munitions ; il ctoit parti pour le Tanjaour fans munitions : il avoit quitte precipitamment Chinguelpet, pour fe rendre a Madras , fans attendrc les cjnons de fiegc , les houlets, lapoudre, les mortiers, rii les homhcs. II (e tint deux fcmoines entieres devant le Fort S. Georges, en ceterat, afjdjjine , ce font les expreffions de fa Lettre a mon Oncle , du 20 Dccembre 1758 , de coups de canons , fans avoii dcquoL y repondre. Tous ccs faits incroyables , etablis par les propres Lettres de M. de Lally , font expoft's dans le Memoire de M. de BulFy. M. de Lally a camne devant Madras le 15 Dc'ccmbre 1758 , cela efl prouve par fa Leitrc a mon Oncle du mcme jour. On n^a commence a tirer y dit M. de BuiTy , dans fon Memoire , que le i-\ 93 Janvier fuivant ; mais , faute de poudre pour foutenlr le feu , continue-t-ii ^ les batteries furent demontees aujji-tot que demafquees ; la precipitation du fieur de Lally ne fe concilioit pas avec les regies de Part. A peine arrivoit-il un baril de poudre , quHl vouloit que Pon tirdt. On tiroit pendant deux heures , le feu cejfoit pendant deux jours , & les ennemis detruifoient les batteries Pune apres P autre, Ce /lege fera long-temps celeb re dans PInde. C'eft ainfi que M. de Bufly s'ell exprime dans Ton Memoire : & telles font , MES S I EU RS , les trois principales caufes du defaut de fucces a Madras ; la negligence volontaire de Chinguelpet , le mauvais plan volontaire d'attaqne , Tabus volontaire des munirions ; il faut y jnindre le defaut de difcipline que M. de Lally He fut , ou ne voulut jamais mainrenir dans fon armee^ defaut prouve par la Lettre meme de M. de Lally a mon Cncle, du ii Fevrier 1759, & Pencouragement donneaux Anglois par les Lettres que M. de Lally ecrivoit a men Oncle^ qu'il envoyoit fans precaution, & qui tomboient aux mains de Pennemi. C'eft ainfi, par exemple, que fa Lettre du 14 du meme mois de Fevrier, intereeptce par les Anglois de Chinguelpet, envayee a Madras, y rendit le courage, fe renonce , ecrivoit M. de Lally a mon Oncle , comme re vous en ai deja prevenu , il y a plus d^un mois y a me meler direclement , ni indireclement de tout ce qui peut avoir rapport a votre adniiniftration , foit civile , foit militaire. J^irois plutot ccmmandtr les Cajfres de Ala- da gafcar , que de refler dans cette Sodome , qu^ihPeJi pas pojjible que le fu des Anglois ne de-ruife tot cu turd , au dijaut de ce.'ui du del Lette Lstird . dit mon Oncie 9+ dans Ton Avant-propos de Pexpeditionde Madras , tomhd entrc Ics mains des Anglois , dont die releva U courage quails avoient prefque perdu. Non contents d'en avoir retire ce fruit , ils la traduifirent en di^irentts langues ,. afin de donner aux Maures , Marat tes , & Indiens , une idee des Frangois , telle que le General lui-mime In donnoit. Cette Lettre , dit M. de Bufly dans fon Memoire , ecrite trois jours avant la levee du fiege de Madras , fut interceptee par les Anglois de Chinguelpet , qui coupoient toute communication avec Pondichery. On pourra juger ,. apres r avoir lue y s'ils eurent raifon de la regarder comme. une Piece aujji propre a nous ruiner de reputation , qu^a^ ranimer le ^elc de leurs Allies. Ce qu^il y a de certain , c'efl qu'elle fournit aux Anglois de Madras un nouveau motif de s'opinidtrer dans leur difenfe , milgre Pextrimiti oil ils etoient reduits. Mais fon eff'et s^etendit bien plus loin , continue M. de BufTy ; ils la firent traduire dans toutes les Langues qui fe parlent a la Cote , tant Europeennes qu^autres. Ils en envoyerent des copies a toutes les Puiffances de Phide , a tous les Chefs , meme a tous les Marchands , ou Fahricants du Pays , avec des Commentaires analogues^ a Pefprit & h Petat de chacun de ceux a qui ils Penvoyoient, Juge^ y leur difoient-ils , du cas que vous deve^ f^^if^ des Frangois , par celui qu^en fait leur Chef lui-meme. It renonce au commandement d^une pareille Nation. II met ces gens-la au-dejfous des Caffres de Madagafcar ; il implore le feu du del pour ahymer leur Capitale , lui-meme nous les devoue pour viclimes : il annonce que nous les detrui- yons : il les prefente comme une troupe de brigands (5' d^. 9^ laches, Traitere^-vous avec de pareilles gens ? Vous fierei^- vous a eux ? Les regardere:^~vous comme des hommes fur qui Port doit compter pour la valeur & la prohite ? Pour juger, ajoute M. de BufTy , dc Veffet prodigieux que produifirent & cette Lettrc , & les Commentaires desho- norants dont elle etoit accompagnie , pour concevoir toute Petendue du dlfcredit oil elle nous fit tomher , il ne faut que favoir que che:^ les Y tuples de VInde , le Chef d'une Nation y efl tout ; qu'il tient , pour ainfi dire , dans fa. main , ^ la gloire & la honte de fa Nation , & qu^on n'y efl point tente d'efiimer fes propres gens qu'il me'prife. Je n'ajouterai rien ^MESSIEURS, a ces reflexions dc M. deBiiify, c'eft-a-dire d'un hommeqiron appelloit le Heros de Plnde Francoife , que toute PAfie a vu r6unir au fupreme deg^r' les talents de la guerre & de la negociation ; d'un homme au feul nom duquel on verroit les Ano^lois trembler , & les Indiens , eio!o;nes par nos defaftres , accourir en foule, s'il debarquoit fur la plage de Pondichery; d'un homme enfin dont je crois faire Teloge , en difant que M. de Lally le hai"flbit mortellement. Cependant , MESSIEUR S^, malgre les maiivaifes manoeuvres du General , Madras etoit aux abois. La fuperiorite de nos forces , le retard des feccurs , la longueur du fiege avoient produit cet effet inattendu : &: M. de Lally le favoit bien , en ecrivant cette Lettre cpouvantable du 14 Fcvrier 1759. '^^ ^^^^ > ^^^ ^^' Itn-- demain 15 , il ecrivoit a monOiicle: Toutes les nouvelles qui me vienncnt par la vole des liollandQis , font que Mdddras efl aux abois , Je fuis a quinr^e tolfs dc la- 96 Place, difoit-il plus bas , & ce n*efl plus Vaffaire du canon , mais feulement de la bayonnette. Ileflvraiqu'une cen^ taine de groffes bomhes de plus , Jl vous les avlez , nous feroient dhme grande utilite, Q^uant a la poudre , nous en avons ajfe^. Certe Lettre eft du 15 Fevrier 1759. Le 18^ mon Oncle fait partir les cent groffes bombes. II n'etoit plus temps: le fiege etoit lev6 de la veille. Quelle railbn avoit determine ce changement precipite? Ici , MESSIEURS , pcrmettez-moi de laifTer parler mon Oncle : ce que je vais vous lire eft prouv6 au Proces , & mon Oncle Peut depofe , s'il avoit pu etre entendu, mais il eft mort le meme jour , deux heures apres que M. Pafquicr fe fut tranfporte chez lui , en vertu d'un Arret , a Teffet de recevoir fa deporition;& mon Oncle ne Ta point fu , je puis vous Taffirmer , & je Taflirme en eflPet , moi, qui ne le quittois pas ; ce que j'obferve , pour dctruire les infinuations de mon Adverfaire qui , d'un air myfterieux , a voulu vous faire entendre que mon Oncle mourant n'cut point depofe contre M. de Lally. C'eft une idee a mettre aupres de beaucoup d'autres , que mon Adverfaire a jettces en avant , fans preuves , fans indice , fans vraifemblance , fouvent meme fans befoin ou fans CGnvi61:ion , & qui > malgre la rapidite de Ton debit , & fa perleverance a ne point rendre fon Plaidoyer public , ne m^ont point echappe : j'cfpere le prouver encore plus d'une fois. Revenons au rc'cit fait par mon Oncle de la levee de Madras. Les Anglais , dit mon Oncle dans fon Avant-propos fur 97 furrexp^ditionde Madras , attendolent un fecovrs partner , & nous en etions averds. La nouvelle leur en avoit iti portee avec de Fargent , par un Vaiffeau que nous pouvions prendre , & que nous ne primes pas. Ce V^aijfcau parut a Vhorlfon fur le foir. On le reconnut pour un Bdtlment a troismdts ,- mais quelques Courdfans de M. de Lally n'*en ftrent \qu^un Brigandn Hollandois , & it acqulefca plus volon tiers a Vavis qui le rajjuroit le plus. Le lendcmain on fut defabufe. M. le Chevalier du Poet , Officier des T^aif- feaux du Roi , & qui commandoit le Harlem ^ monte de clnquante pieces de canon , redemanda fin equipage , qui fervoit a terre , & on le lui refufa. M, de Lally ne fi rendit afes in fiance s y que lorfque le Bdtiment Angloisfut mouille fius le canon de la Forterejfe , oil on alia le canonner avec plus derifque que de fruit. M. le General commenca des-lors a penfer a la retraite , qui ne s^enfit pas avec mains de precipi- tation que de defirdre quelques jours apres , quand on vit fur le foir fx Vaiffeaux ennemis venir dans la rade, L'ordre de lever le fiegefut donne fur le champ , la commifion a M. le Chevalier de Soupire de r am affer routes Its troupes au pare d^artillerie. Le lendeniain matin , ordre fur ordre de les conduire a la Poudriere _, qui etoit un petit Fort , entoure d'un fojfe , entre la J^ille Noire de Madras & Saint Thome. La nuit n'avoit pas fufft pour le tranfport de tous les Wialades ; on en laijja quarante-cinq dans un Temple , oil M. Pigot , deux jours apres , attire par Icurs gemijfements , les trouva mourants de faim.Pour Vartillerie dufiege , on la laijfa dans les batteries , oil Von brula les munitions, y^pres ces precautions prifes _, & une halte de quatre ou cinq heures , faite a la Poudriere , toute Varmee N 98 alia pq/pf l^ Jiuh un peu eti-deca du Grand-sMont , a deux lieut's ou environ de Madras. Si M^ de Lally eut pris par la quelque hon pojie , & fe flit donne le loifir de fe reconnoitre ,. (S* de reconnoitre Vennemi , rien n^eut ete encore defefpere. Les Vaiffeaux arrives n'etoient que dcs Vaifeaux Marchands , quiportoient a la veriti des Soldats , rnais des Soldats malades , hons a recruter les HSpitaux feulement. Leur jonclion avec ceux de la garnifon J qui etoient dans lememe etat ,en corrompant d^ plus en plus Pair de la Forterejfe , 6' en donnant une nouvelle force a la contagion ^ eut peut-etre hate une capitu- lation. Mais M. de Lally ne donna pas le temps a Penncmi d^j penfer , & lui laijfa lib re Pair du dehors , dont il avoit grand hefoin pour fe remettre. Nous pouvions tenir du nioins dans les Forts que nous avians a quelques lieues de Madras , & de la gener tres-fort les Anglois , en couvrant en mime temps le Pays dont nous aurions conferve la pojfefjion ; mais M. notre General ordonna qu'on les demantcldt , apres le depart dds munitions S' des effets qu'^il etoit oblige d''y laijfer. II remit le commandement de Parmie a M. de S.oupire , pour la conduirea Caveripakam auprcs d^Arcate, Tour lui J il prit les devants avec fan Regiment , pour gagner ce dernier endroit J d^oii, bientot apres il fe rendit a Fon- dichery. Les ylnglois , pour inquieter nos gens dans leur rctraite , firent Peffort de mettre en campagne deux cents Tilancs , v^' quelques Cipayes : on peut jugcr par Ui de leurs jorces y o' de ce que nous aurions rifque diins leur voijlnage. Tel cll: , MESSIEURS, le rrcit dc mon Onclc. Jc fupprjnic les reflexions qui le terminent : elles fe prclen- tent natiirellemcnt. Au rcflc , cc que le Gouverneur dc 99 .Pondichery eiit fait , M. de Buffy .MESSIEURS , Pavoit confeille ail General. Ce brave Guerrier, excede par les fatigues, par les defagrements , &parunefevre qui Ic minoit depuis quelques jours , eat la permiflion d'aller chercher fa guerifon a Pondichcry. Avant de partir , il eut avec M. de Lally une converfation done il rend compte dans fon Memoire , & je ne puis mieux faire , que de vous rapporter fes propres exprefTions : J'etOLS au lit avec lafievre^ dit M. de BufTy, M. le General pajfa che^ mni ; il oiivrit la converfation par le propos dc la retraite qiiHl feroit , difoit-il , peut-etre oblige de faire. Je pris la parole : Si vous etes force de vous retirer , Monfieur , lui dis-je , vous pouve^ le faire tranquillement , furement J & mime avec avantage , en vous etahlijfant au Grand-Mont , dans les maifons dc plaifance des Anglois. J^otre armee fe remettra de fes fatigw:s , aura des vivres en ahondance , 6^ jouira d'un hon air , tandis queVennemi , refer re 6' hlo que dans Madras, manque ra de tout , & perira par une efpece de pefle qui j 6fl deja, II n^y anulle appa- rence que vous puiffie^ j etre attaque, Les maifons des jAnglois , d\i.bord , vous fervent de retranchement par leur pofition ; x" . vous etes bien fuperieur a Pennemi , qui , n'etant pas en etat de faire la plus petite fortie fur votre tranchee , n^ofera en faire fi loin , 6' contre toute votre armee ; 5''. Pennemi a mange jufqu'au dernier bceuf de trait , & le feu qui a confume tous fes bois _, cordes , 5' autres chofes necejfaires pourremonter & trainer Vdrtillcrie , le met dans Vimpoffbilite de rien entreprendre ; f\ votre Cavalerie blanche & noire peut etre employee a empecher qu''il n^cntre rien dans la Place, P^ous pourre^ detacher N2 lOO ( fjns perdre la fupinorlti ) , quatre cents Eiiropeens ^ quatre pieces de canon , quelques Cipayes & Cavaliers , le tout commande par im Officicr intelligent , pour aller recevoir les redevances & trihuts de tous les Paleagars , qui n'attendent pour payer , quW /avoir , fuivant Fufage , que quelques troupes marchent de leur cote , pour appuyer les demandes auxquelles la pojfcjjion d*Arcate nous autorife. Vous aure^ , par ce moyen , 6' de P argent , & des vivres de toute efpece, l^ous pourrej meme en faire entrer dans Fondichery , & garnir vos autres Places , parce que la coutume de ces Paleagars eft de payer une partie de leurs trihuts en argent y ^'l^ autre en vivres, J^otre pofition au Grand-Mont ne fera pas prife par les gens du Pays , pour une retraite ,. & encore moins un abandon de Madras : ce qui eft tres- important pour le fucces de vos operations ulteritures , fpecialement pour la levee des trihuts. II co-nviendra aufji d^ecrire a toutes les Puijfances voifines & e'loignees , pour detruire FinipreJJion defavantageufe que lesylnglois _, ( fuivant leur coutume) , ne manqueront pas de donner de cette expedi- tion , foit pour nous enlever nos u4llies , foit pour s^attacher de plus en plus les leurs , foit pour decider en leur javeur ceux qui gardent la neutralite entre les deux Nations. 'Tout ceci fat afje^ hien recu ; mais on n'en fit rien ; & a la vue de fix l^aijjeaux , dour quatre de Compagnie , armes de La fears ^ efcortis par des F re gates v en ant de Eomhaye ^ qui mouillerent deux jours apres dans la rade de Madras , ncus nous retirames precipitamment , & dans le plus grand defordre ; jufquW yJrcate , ahandonnant mala- des _, blejfes , artillerie ^ & ce pendant ce fecours apparent arrive a Pennemi _, n'^aurcit du rien. changer au plan ci- tot de'ffu's y fi Port avoit voulu sHnflruire de ce que ce pretendu Jecours apportoit ; 11 pouvolt mime accelirtr la perte de JVIadras , n^ ay ant prefque que des malades a mettre a terre , & les VaiJJeaux manquant de vivres , ainfi que la Ville. Toutes mes conjeclures fe font verijiees, L'en- nemi perdit heaucoup de monde par la maladie , depuis notre retraite , malgre h bon air du Grand-Mont , ou Us troupes y ainji que les habitants , fe retirerent , en aban^ donnant pour quelque temps la Ville , 6* P Anglois ne put mettre y que bien long- temps apres , environ huit cents Eu- ropeens en campagne , quoique nous lui eufions lai/fe un efpace de terrein dc plus de trente lieues _, qui lui donnoit les moyens de fe pourvoir de tout ce qui lui etoit neceffairc, Ces details qui fe trouvent au Proces & dans le Memoire de M. de BuiTy _, ne laiflent rien a defirer. J'ajoiirerai feuiement que Papparition des fix VaifTeaux Marchands , que M. de Lally ne sVfl pas donne le temps de recon- noitre , devoit d'autant moins le determiner a quitter abfolument Madras , ou du moins les environs de cette Ville, qu^il avoit ccrit a mon Oncle dans fa Lettre remarquable du 15 Fevrier 17^9, qi^^ dans Pitat oil etoit Madras , la ftotte j4nglolfe n^y pouvoit tenir huit jours, Je ne change pas un mot a fes expredions. Cependant deux jours apres , a la vue de fix Vaiifeaux plus funeftes qu'utiles aux Afiiegeants, il a leve le fiege , & s'eflmis en marche pour Pondichcry , laifTant a Pennemi tout le Pays occupe par nos troupes , nos canons , qu'il n'a pas meme voulu faire enclouer ; & nos bledes , dont quarante-cinq trouves deux jours apres , eomme Pa dit mon Oncle , abandonnes dans unePagode^ mourants de faim,ont eterecueillis par Lord Pigot , que leurs gemif- fements avoient attire. Le General Francois n'avoit pas daigne I'en avertir. li eft afTez hardi dans fes M^moires pour nier ce fait atroce , & parler d\ine Lettre au Gouverneur Anglois; mais iln'ofe, ni prodiiire^ni dater cette Lettre qui n'a jamais exifte ; & l^on vient aujour- d'hui vous propofer de plaindre ce barbare ! ce barbare , contre lequel le fang Francois crie & demande juftice. Vous jugez, MESSIEURS, que M. de Lally n'a pas manque de pretextes, pour juftifier Texpedition de Madras. HeureAjfement ces pretextes font du meme genre que tous ceux qu'il a coutume d'employer , toujours faux & toujours dementis par fes propres Lettres. II allegue deux caufes de la levee du fiege , le defaut d^ argent J & la public ite de fes Lettres qu'il impute a mon Oncle, A regard de Targent , le General n'en a jamais manque durant fon expedition de Madras. Vous avez vu , MESSIEURS , qu'en arrivant a Chinguelpet , il avoit recu 142 mille roupies : 10 mille autresroupies n'ont pas tarde a le joindre apres fon depart de Chin- guelpet. De plus ^ foixante-dix caifTes d'argent, apporte a Pondichery par laFidele , le 11 Deccmbre i7$8 , & converti en efpeces , ont produit 450 mille roupies envoyces au camp : i6z mille roupies d\me part > 450 mille roupies de Tautre , font fix laks de roupies, & I^ mille en fus. Or M. de Lally n'en demandoit que deux pour enticprendre le fitge de Madras , dontil rcpondoit a ce prix : & c'eft le pretexte dont il a fait ufage auprcs chi Confeil , poi^r Tamener , fous peine d'etre garant du deiaut de fucces . a la palfation du bail general avec les I 3 nouveaux Ferniiers qui propofoient d'avancer ces deux ]aks : au lieu de deux, il en a recu fix. Voila, MESSIEURS , comment il a manque de fonds. Pour fes Lettres , j'ai deja montre , MESSIEUPvS , par quels moyens elles tomboient aux mains de Tennemi , qui les rendoit pubiiques. Dire que mon Oncle ait abufe de ces Lettres pour aigrir & foulever les efprits contre le General , eft une calomnie a laquelle je ne repondrai qu'en priant mon Adverfaire de vouloir bien^ en trouver au Proces , en donner hors duProces la moindre preuve. Et je le previens que Plnventeur meme de cette afTer- tion n'en a pas adminiftre le plus foible indice. Quant aux munitions , le General , MESSIEURS, ne s'eft pas plaint , dans fes Memoires , d'en avoir manque. Je le crois bien. II n'a pas fait a cet egard une demande qui n'ait ete fatisfaite fur le champ , ou qui n'eut ete prevenue : & je n'aurois befoin que du fiege de Madras pour juftifier ce que j'ai dit du zele , de la prevoyance, de la vigilance rnfatigable du Gouverneur de Pondichery. Jamais homme, j'ofe le dire , ne les a pouffces plus loin. Tous les jours , routes les Lettres du General ou de mon Oncle, meme les Lettres les plus inju- rieufes du General, en oifrent les preuves non-interrom- pues, depuis le 1 1 Novembre 1758 , jour de la premiere marche de notre armee , jufqu^au 10 Fevrier fuivant, jour que mon Oncle a recu la nouvelle de la levee du (lege. Au refte , le General , qui rejettoit en France Tcve- nement du fiege de Madras, fur le defaut d'argent , ou Tabus de fes Lettres , en a donne , du camp devant Madras _, une des raifons que j'ai donnees moi- meme , 104 le dcFaiit de difcipline. Par la Lettre du ii F^vrier 1759 , il marquoit a mon Oncle : Si nous manquons Ma- dras , comme je le crois , la prlncipale raifon a laquelle il faudra Pattrihuer , efl le pillage de i^ millions au moins , tant de devafle , que de repandu dans le Soldat , & j^ai honte de le dire , dans POfficier , qui n^a pas craint de fe fervir de mon nam en s'emparant dts Cypayes , Bones ^ Camatis , Che Ungues & autres _, pour faire pajfer a Pan dicker y un. hutin que vous aurie^ du faire arreter , vu fan enorme. quandte : tout cela ne me decourage point. Mais de quel droit mon Oncle eut-il fait arreter a Pondichery des efFets dont M. de Lally avoit foufFert Penvoi ? Et ce pillage de la Ville Noire ! Etoit-il necelTaire ? Toute Ville prife eft-elle indirpenfablement pillee ? Obfervez , MESSIEURS, que la Ville Noire n'a pas 6te prife d'alTaut , & ne pouvoit pas Petre. On appelle ainfi la Ville occup^e par les Indiens : or, elle etoit ouverte , fans fortifications, & M. de Lally n'a pas eu beaucoup de ptine a s'en emparer. Lcs Cypayes Pont d'abord de* fendue ; on les en a chaiTes avec perte de deux hommes, & de trois ou quatre blelfcs. Bientot la garnifon du Fort en forrit pour attaqiicr nos troupes deja poftees dans la Ville Noire ; mais elle fut repouflee , apres un combat d^une heure , avec perte , pour nous , de cent trente hommes tues ou hli'[[es , pour Tennemi , d^environ cent cinquante hommes tues , de cent foixante prifonniers , 6* des trois pieces de canon qu'ils avoient a leur tete, Je prends tous ces details d:^ns la Lettre meme de M. de Lally a mon Onc'e , du i ; Dtcembre ly-^S. Voila ce qu'a coute la prife , ou piutot Poccupation de la Ville 10^ Ville Noire. Rien ne relTemble moins a un afTaut. Cela n'a pas empeche M. de Lally , qui fentoit les confequences de fa conduite , d'ecrire a mon Oncle le 28 Decembre 1758 : Le pillage de ce Fauxhourg ( c'eft ainfi que le General appelloit la Ville Noire , & Ta depuis defignee dans fes Memoires ) ; le pillage de ce Fauxhourg a produit plus de mal que de hien. II eflfdcheux que nous ayons ete obliges de le prendre d^affaut. Mais ce nouveau recit , ou plutot cette phrafe , ce fyfteme , cette defenfe adroite & prematuree , font litt6ralement dementies par la Lettre du General ecrite le 15 Decem- bre , le lendemain de la prife , Sc qui prouve , par un. recit tres-circonftancie , que la Ville Noire n'avoit pas ete prife d'aiTaut ; c'efl: meme un mot que M. de Laliy ne prononce pas dans la Lettre en queftion. Pourquoi done cette Ville a-t-elle ^te pillee ? Pourquoi les quinze millions au moins qu'elle renfermoit , n'ont-ils ferv^i en rien a Texpedition ? Je finirai par une obfervation qui me paroit importante. M. de Lally s'eft empare de la Ville Noire le 14 Decembre 17^8. Cela efl: prouve par fa Lettre du 1^. Etc'eflle 11 Fevrieri759 qu'il attribue le d^faut de fucces , sM arrive, aux exces commis dans le pillage des i^ millions de cette Ville , non-feulement par le Soldat , mais encore par TOfficier. Or , comment ces exces ont-ils pu , apres deux mois _, influerfur la levee du fiege de Madras , jfi ce n'efl par le defordre tou jours fubfiftant que le pillage inutile de la Ville Noire avoit introduit dans notre armee? Mais,ce defordre , qui devoit Tarreter dans fa fource ? Qui le pouvoit ? Et qui doit main- tenant en repondre? J'efpere au moins que le Curateur O io6 dii General Lally n'en charo^era pas le Gouverneur de Pondichv^ry. Le Proces, MESSIEURS, vous en fera connoitre , fur ce defordre de norre Camp , fur ce pillage de la Ville Noire, beaucoup plus que n'en contient la Lettre du General au Gouvcrneur. Le P-;oces vous ap- prendra que la majeure partie de cqs effets envoyes a .Pondichtry fous le nom du Gvntral , par les Cypayes , Boues , Cam at Is & Che Ungues detournes du fervice de Vannee pour ce tranfport , ainfi qu'il eft prouve paries plainrcs inutiles qui terminent la Lettre de mon Oncle au Gt'neral, du 27 Dccembre 1758, & par la Lettre mcme du Gi'neral , du 11 Fevrier fuivant , le Proces , dJs-je, vous apprcndra , MESSIEURS, que la majeure partie de ces efFets pillcs fans neceflite , fans pudeur,fans fruit nour Texptdition, qui meme a manque en partie par TefFet de ce pillage , fuivant Taveu du General , appartenoit au General lui-meme : vous y verrez , MESSIEURS , qu'Alemparve , Sadras out ete des entrepots & dcs marches publics d'une par- tie confiderable de ces efFets , que d'autres font arrives a Pondichery par le Harlem & PExpeditlon , le tout en vertu de PafTeports exptdies au nom du General , par I'Abbe Noronha , etabli pour cct efFet a S. Thome. Quant a moi , MESSIEURS, je n'aurai pas be- foin de rccourir au Proces pour confondre les calomnies du General contre le Gouverneur , au fujet de Madras. M. de Lally dans Flnde avoit refute d'avance M. de Lally en France, & j'oppofe toujours fes Lettres a fes Memoires. l-^ous n\ive:^ pas voulu me croire , AJonfieur , ^crivoit-il a mon Oncle , du Camp devant Madras , le 107 II Fevrieri7$9-( C'etoit , MESSIEURS , Pufa-e invariable de M. de Lally de predire les maux qu'il devoit faire. La Correfpondance en contient les preuves multipliees , a chaqiie expedition , depuis celle du Tan- jaoiir , jurqu'a la reddition de Pondichery, dont M. de Lally, des 1759, meme avant le fiege de Madras , annoncoit la prife &la defl:ru6lion. Toutes les apparences combattoient alors fon abominable prophetie ; & fa mauvaife volonte meme n'effi-ayoit pas jufqira ce point les Habitants de Pondichery : mais le Prophete etoit fiir de Tevenement: & c'eft ainfi qu'il etoit fur de manquer Madras ). II ecrivoit done an Gouverneur de Pondichery, du Camp devant Madras, le 11 Fevrier 1759 : J^ous n\zve^ pas voulu mc croire , Monfieur , quand je vous ai annonce , il J ^ p^'^s d^wi mois , que j^avois mauvaife opi- nion de cette expidition-ci ; je la re garde c e pendant comme manquee. Je ne puis m'en prendre a vous , ni a moi , puij- que vous ne pouve:^ pas repondre ducontre-temps des I\iou- cons , ni nioi de Phahilete des Inge'nieurs. C 'etoit done fur les Ingenieurs & fur les Moucons que M. de Lally rejettoit le defaut de fucces a Madras. Sur les Ingenieurs ? Leurs depofitions font au Proces ; & M. de Lally, qui s'en plaint ici a mon Oncle, poLirla premiere fois, depuis deux mois que leriegeduroit,convienc dansfes Memoires avoir attaque volontairement la Ville par Pendroit le plus fort. Sur les Moucons ?CeL aveu prouve du moins Texaftitude de mon Oncle a fatisfaire aux demandes du General : le Calomniateur s'efl done dementi d'avance ; mais cet aveu lui-meme, n^toit , MESSIEURS , qu'une defaite dont M. de Lally coloroit des-lors fon 0^ io8 inconduite premeditee. Car les Moucons n'avoient pas cmpcche les munitions , envoyt'es de Pondich^ry , de parvenir au camp de Madras ;& le fait eft fi vrai,que, fuivant la meme Lettre dii ii Fevrier 1759 > ^^ hreche etoLt j.:ite depuls quator^e jours , & que , par celle du 15, le General n''etoit plus qu^a i^ toifes de la Place _, & que ce n^etoit plus P affaire du canon , mais de la bayonnette. Ain(i Pannonce exprefTement le General au Gouverneur. Ell-il polTible de joindre plus de maladrefTe a plus de fauffete? Et ne fuis-je pas en droit d'appliquer au Comte de Lally ces paroles de Ciceron centre Verres : " La veritenous echappoit, !a Republique etoit trahie im- ?> puncment , fi le plus mtchant des hommes avoit agi ?) avee autant d'obfcurite , qu'il entreprenoit avec ^> audace ? Jufqu'a prt'fent , MESSIEURS , j^ai pris foin de compter les calomnies du General : mais leur nombra m'echappe ; il ne fait plus un pas qui ne tende a tout perdre ; il ne dit plus un mot qui ne tende a tout noirciro Toutes fes phrafes , pour ainfi dire , font autant de calomnies. II me devient moins diiBcile de les confon- dre que de les numerer, Daignez done me relever de cctte loi. Je pourfuis. Retoi^r dc De Madras , le General ramene Sc laifTe fon armcc i^luTrpondi^- ^ Vandavachy ; de la , fon premier cri eft de Pargent= chery.-vexa- i\ gn demande a mon Oncle par Lettre. Le Gouver- njra!. neur en fait part au Confeil ; & le 3 Mars i7')9 , le Confeil ecrit au General , pour lui reprtfenter qu'il manquoit defends ,& devoir en manquer. Vous n^'gnore:^ pas , Monfieur , eft-il dit dans cette Lettre _,^j/f nous voui 109 avons fait p offer y pour le Jiege de Madras , non-ftuhment tons les fonds que nous avons recus par la Fregate , mais encore ceux que M. de Leyrit a tires tant des Fermiers , que des contributions exigees des Malahars Cinq jours apres cette Lettre ^ qui contenoit aufTi des re- prefentations fur le ravage impuni de nos Aldces par Pennemi , ravage que deux cents Europcens fuffifoient pour arreter , le General revient a Pondichery. II y rentre le 8 Mars i7')9 , & le ii , il fait coucher fur le Recriflre des Deliberations , un Expofe au Confeil , rempli d'injures , de fanfaronnades & d^imputations calomnieufes contre le Confeil & M. de BufTy. Le Con- feil delibere fur cet expofe, pour y repondre. Le lendemain , nouvel Ecrit de M. de Lally. II y parle^fans dechirer perfonne , de la crife ou fe trouvoit Tarmee y 8c propofe au Confeil de concerter avec M. de Bufly les moyens de s'en tirer. Aufli-tot le Confeil difFere fa reponfe au premier Expofe , & fe hate , par une Lettre du rneme jour , de propofer au General la formation d'un Comite , oil M. de Buffy prendroit feance , conipofe de Corifeil- lers choifis par le General , de concert avec mon Oncle , fans avoir egard au rang. Le General y confent , le Comite eft forme , il s'affemble. Le General n'y parle que d'argent; il ne permet pas qu'on y falfe mention^ des vivres , qui faifoient des-lors un objet capital. Dans une des feances , M. de Moracin touche Particle des revenus d'Arcate , regis par Pvajafaeb. Le General s'em- porte , & diffout le Comite , qui s'etoit afTemble pour la troifieme fois. Mais comment le General fupplea-t-il au travail de ce Comite ? Par des vexations fur les no Noir^. Un d'entr'eux nomme Mattamellerdy , ancien Infpe^lcur des Fermes , dont le diftri6t avoit fourni la plus grandc partie des vivres , homme zele pour la Na- tion , de bonne cafle , & pour qui M. Dupleix avoit , quelques annccs auparavant fait tirer da canon a Pon- dichery , eft jette en prifon , fans examen , fans forme de Proces ^ le i pechoit d'alier dans les Bazards en calecon , les obligeant >? de porter toujours des guetres, qu'onneles payoitpas , 3> que celan'empechoitpas qu'onne les punit feverement ^ 5> qu'on ne les menacat du piquet quand ils paroifToient it hors de regie fous les armes _, tandis que , loin de pouvoir s'acheter des guetres ^ ils n'avoient pas feulement de ^) quoi fe donner un calecon : qu'il y avoit trop long- y> temps qu'iis ctoient joues , qu'on ne fongeoit qu'a les )-> amufer y que le General avoit tout pris , qu'il , avoir n achete un Vaiiieau ,oli ii avoit embarque trois millions , n qu'il alloit partir emportant tout , qu'ils etoientcouverts >? de C0U..S de fu(il & de blefliires , qu'ils meritoient ^? qu'oneut au moins q^uelques egards pour eux ^ fur- tout no a prcfent quails avolent vli rappellerPEtat- Major, le ^> Chevalier de Soiipire, qui , a TOrient , leur avoit promisqu'ilfe rembarqueroic aveceux: qa'on leslaifToit a la Cote; que fe voyant exiles Sc bannis en ces lieux, lis n'avoient plus rien a menager , qu'ils ne fe croyoient plus Francois. Qu'enfin ils n'alloient point a Tennemi , & que dans peu nousles verrions arretes, & que nous faurions leurs intentions. Cependant , au milieu de ces plaintes & de ces cris, on les voit charge de vilage. Bientot ils compofenc avec le Commandant de bataillon , d:jmandent une pro- mefTe, fignee de lui & de tous les Officiers , de paifer tout cela fous filence : on figne cette promeiTe : aufli- tot les Soldats retournent , fuiven: le Commandant , en PafTurant qu'ils Taimoient ainfi que tous leurs Officiers , qu'ils vendroientleur vie pour eux , mais que dans la mifcre ol Ton les laifToit , apres avoir fauv Tlnde par >? leur bravoure , ( ils avoient , MESSIEURS, trois femaines auparavant , en Tabfence du General , pres de Vandavachy , fous le commandemer.t du Chevalier de Geogham,battu & repouije Tenne m a ec perrepourlui de trois cents hommes ), " mais qi^e la mifere ou Ton j> les laidoit , les avoit conduits ace dcfeipoir , qu'ils w n'avoient a fe plaindre que du Gt'neral, qu'iis avoient jy poLirtant mcritt' d'autres traitements. Enfin , on ramene le Regiment de Lorraine au quar- tier. Mais la, il entend des caiifes battre aux c'lan.is: il s'arrete , poulle des cris , on y repond : iis voient les tioupes de I'lnde & le Regiment de Lully qui mai.Ci*^nt: Ill .marclient k eux , les traitant de poltrons s'*ils s'cn d^difent ; alors le tumulte recommence , on ne peut plus Hen gagner , & I'arm^e entiere va coucher ^ iitie demi-lieue de fes quartiers To^s ces details font pris , MESSIEURS , dans le rapport du fieur de Folenay , commandant le fecond & troifieme bataillon du Regiment de Lorraine , & ce rapport eft imprim^ ail M^moire de M. de Lally. Le i8, a la pointe du jour, les R6volt Je fuis outre & indigne , Monfieur , d'apprendre r> que le Soldat & le Cavalier font perfuadcs que la Flotte , ainfi que les Noirs que j'ai taxes , m'ont remis des fommes confiderables pour le paiement de ce qui >5 leur eft dii. Si je dccouvre les Auteurs de cette ca- ?) lomnie abominable, j^en ferai un chatiment effrayant, Je n'ai pas encore touche un fol de la Compagnie ?^ dcpuis que je fuis dans Tlnde. Ce que j'ai paye aux TROUPES DEPUIS TROIS MOIS , JE NE l'aI ARRACHE QUE DES Valets noirs du Gouverneur et des Conseil- LERS , QUI ONT fait PASSER TOUS LEURS FONDS EN Europe, et que je viens d'obligep^ d'envoyer leui?. vaisselle a la monnoie. 7) Je vous ordonne done , Monfieur , fi-tot la prefcnte ?? recue , de faiPvE battre l'ordre , et de la lire en ?7 plein cercle ; j'ai fait partir tout ce que j'ai pu ??RAMASSER d' ARGENT DANS LA VlILE CE MATIN 3> montant a prcs de 80 mille roupies , qui furfircnt a " payer le denii-mois a fOlhcicr & au Soldat, ou bien le r^ mois entier au Soldat, f Ton ne donne ricn a rOiiicicr. 75 Vous commandercz aufli , (nr Ic champ , un Olncicr ^ & vingt homrnes par chacun d^'s trois Corps ,a:rifique ;r dix hoinmes de celui de fartillcric , dont ie veux Lien itlaifCer le choix aux Soldats memes , lequel detachemenit V de foixante-dix hommes , fe rendra tout de fuite a Pon- >> dichery , non-seulement pour y verifier l^argent ^ QUE LA FlOTTE A APPORT^ POUR LES TROUPES, ET CE ?> QUE LA TAXE DES NoiRS A PR ODUIT JUSQUES ICI , MAIS AUSSI POUR m'aIDER A CONTRAINDRE LES HABITANTS fy A SE COTISER POUR FOURNIR A LA PAIE DES TROUPES py d'ici a la recolte de Janvier ; car je suis tout >> AUSSI PRET A ME SOULEVER QUE LE SoLDAT , PUIS- jy QU'lL M^EST DU BIEN PLUS QU^A LUI. ;> Voiia done , Monfieur , Parrangement que je pro- ?> poferois : c'efl de payer d'ahord le demi-mois du a chaque Soldat , de laifTer enfuite un fonds pour le /> payer dorenavant par tiers ; le premier , le lo , & le yy lo du mois . ( Ctt arrangement etoit done praticahle. Pourquoi M. de Lally ne Pavoit-il pas deja pris , Sc lailToit-il les troupes fans paie , pendant dix mois ? Au refle, la revoke appaifee, Parrangement n'a pas eu lieu). n Quant a ce qui lui ell du d'ancien, de leur proposer , r> s\ls veulent, pour surete de leur paiemeni , >y LES terres de Chetoufet ET de Vandavachy; lis >y NOMMERONT ALORS ENTr'eUX UN SeRGENT OU UN DE 7? LEURS CAMARADES DE CONFIANCE PAR ReGIMENT , QUI ASSISTERONT, AVEC LES FeRMIERS , A LA PER- yy ception des revenus de ces terres , jusqu'a. )y PARFAIT FAIEMBNT. >y Au refie _, fi quelques Soldats dceouvrent que moi pi? tout le premier , ou qui que ee foit dans la Colonie , ?> AIENT QUELQUE SOMME d'aRGENT EN DEPOT QUELQUE ?5PART, JE LUI PRETERAI MAIN-FORTE POUR Y FOL'IL- >LR Bii REGIE I &. fi fon rapport fe trouve vrai^,. il f ii6 y) aura iin dixieme dans tons les biens pour le d^nonciateur, y> Voila , Monfieur , tout ce que je peux faire pour ^jfatisfaire le Soldat , dont je blame la conduite , SANS POUVOIR BLAMER TOUT A FAIT LES MOTIFS. VoUS y> pouvez , mieux que perfonne , leur faire fentir que non- ^feulement j'ai donne tout mon argent a laCompagnie, ET QUE CE NE PEUT E^TRE QUE LA RAGE DE CEUX A ^> QUI j'ai ote le maniement des Finances, qui les A conduits a repandre que IE recevois leur argent ; ET c'est du mien et DE l'emprisonne- ^>ment des voleurs , QUE j'ai pu fournir a leur PRET DEPuis TROis Mois. J'ai Plionneur , &c. Ai-je befoin, MESSIEURS , de commenter ce detef- table Ecrit ? Et je ne puis pas dire que Ton Auteur 6toic le plus coupable, mais le plus maladroit des traitres? Le Vicomte de Fumel fe garda bien de montrer cette Let- tre infernale. En fix jours , le General fit payer aux trou- pes , fur huit mois de pale qu'elles demandoient , les fix premiers , & promit les deux autres pour le lo Novembre; & le 2^ 061:obre , c'eft-a- dire le feptieme jour de la revoke, les troupes, apres avoir exige & recu le paie- ment des fix mois , revinrent a Vandavachy , reprirent leurs quartiers, & rentrerent dans le devoir. On vous dira , MESSIEURS , que cette Lettre fut ecrite dans un moment de trouble ! Quel trouble , jufte Ciel ! Etoit-ce par I'efFet du meme trouble , que le meme homme retenoit aux Soldats dix mois de paie , les reduifoit au dcfefpoir , les amenoit fcicmmcnt a la revoke qu'il annoncoit , fe diibit dcnue d'argent & de reflburces , & trouvoic en fix jours 480 mille roupies 1^7 pour payer fix mois? Le mois entier montolt a 80 mille roupies , fuivant Fhorrible Lettre. Les 160 mille roupies neceiTaires pour les deux derniers mois , promis aux troupes , ont ete payees avant le 10 Novembre. Etoit- ce encore par PefFet du meme trouble ? Un dernier trait , MESSIEURS , qui vOus fera connoitre Popinion que les Soldats avoient eux-memes du General , eft qu'ils ne voulurent pas s'en tenir a Tamniftie de M, de Lally , General de Parmee , Com- miffaire du Roi ; mais qu'ils exigerent Pamniftie du Confeil. Le General & le Confeil donnerent done leur amniftie feparement , parce que le General ne voulut pas figner avec le Confeil. M. de Lally fe plaint dans fes Memoires , de cette confiance de Parmee au Confeil de Pondichery , & demande comment des hommes qui pour lors exercoient un pouvoir fouveniin , en faifant grace a des rebelles ^ ont puhlie depuis que le Comte de Lally les gouvernolt avec une autorite defpotique ? Quel pitoyable raifonnement ! De ce que Parmee donnoit au General une marque de fon mepris , il s^enfuit que le General n'avoit pas opprime le Confeil ? Je crois bien qu'en ce moment terrible , 011 le Soldat revoke menacoit de s'en prendre, non pas au Confeil , mais au General^ le Ge- neral ne penfoit pas a fouler aux pieds ce Confeil avili depuis dix-huit mois par fes outrages , aneanti depuis dix-huit mois fous ^on pouvoir tyrannique, Enfin , MESSIEURS, pour demafquer dans fes derniers replis , ce coeur inconcevable , M, de Lally, qui , dans fa Lettre au Vicomte de Fumel , fe garde bien de parler des 80 raille roupies , comme de fonds a lui , du moins en partie , qui declare tout cet argent ramaiTe ii8 dans la Ville , afTure dans Ton Memoire , que fur cette fomme , il avoit en propriete 50 mille livres , & fe vante beaiicoiip d'un fi grand facrifice. Pourquoi done nVn inftruifoit-il pas les troupes rcvoltces ? Que veut dire ce foin de cacher aux rebelles fa generofit^ , & de s'en vanter au Parlement? Etoic-il dangereux que Tarmac connut la :verite ? Ici fink, & j'ofe dire , ici , MESSIEURS , eft complette la jufHfication de mon Oncle fur la revoke. Je paiTe au blociis , nous approchons du terme. Daignez, MESSIEURS , foutenir mon courage par votre patience. Biocus de II eft certain que le falut de Pondichery bloque,d6- Apprmifim^^^ pcndoit de Papprovifionnement. Or fur ce point de ma nement. Requete , Tun des plus effentiels pour Phonneur de mon Oncle , i'aurai , MESSIEURS , refute toutes les calomnies du General , fi je prouve que le Gouverneur & le Confeil ont travaille conflamment de tout leur pouvoir a Tapprovifionnement de Pondichery , tandis que M. de Lally le traverfoit opiniatrcment par fes op- pofitions perfonnelles ^par Tabandon volontaire de tous nos poftes , par fa conduite avec nos allies , par fon ina61:ion perfeverante dvec Pennemi , & par fes vexations interieures. Voila mes faits,voici ma preuvc. Aux premieres nouvelles de la guerre entre la France & PAngleterre , le Confeil & le Gouverneur de Pondi- chery s'occupent ferieufement de Tapprovifionnement dc cette Place. On ecrit au Bengale. C'efl de la que les Colonies Europeennes , a la Cote Coromandel , ont coutume de titer tous les ans leurs approvifionnements. Les ordres du Confeil arrivent au Bengale. On y raf- femble 12-9 ^mble les provifions , on arme des VaifTeaiix , une par- tie alloit en etre expediee , mais les Anglois s'emparent de Chandernagor, centre la foi des trait^s : on eft priv6 de ces refTources. Cependant mon Oncle ne perd pas courage. M. de Ziegenbalgh , nomme Dire<5leur de la Compagnie Da- noife au Bengale, ^toit alors a Pondichery , fur le point de partir pour fa deftination. Mon Oncle s'abouche avec lui , lui donne un VaifTeau a fret , lui fait remettre fe- cretement des fonds , avec des precautions auxquelles MefTieurs du Confeil de Trinquebar , etablifTement Da- nois a la Cote Coromandel , fe preterent. M, de Ziegen- balgh part ; il agit avec zele : Poperation rcuflit en tout point ; au mois de Janvier 1758^ le Confeil de Pondi- chery recut un VailTeau entierement charge de bleds & d'autres provifions. Dans le meme temps , le Confeil avoit donne ordre au fieur le Verrier , Chef de la Nation a Suratte , d'y faire des achats de bled , qu'on enverroit prendre , ou par le Vaifleau PHermione , a fonretour de la Cochin - chine , ou par d^autres Embarcations Francoifes , ou par quelques Vaiffeaux Maures du pays. Le fieur le Verrier fit fes achats : mais les Anglois inftruits , blo- querent la rade de Suratte affez long-temps pour que le fieur le Verrier , apres avoir tente inutilement de faire paffer a Pondichery fes provifions, fe ylt rcduit a larfieceflite de s^en defaire^ afin de prevenir leur depe- riffement total. Le Confeil ne fe repofoit point fur les ordres envoyes a Bengale ^ a Suratte , ni fur Paccord fait avec M. de R 130 Zicg'cnba^gh , & ne s'en donnoit pas molns de moiive- mcnrs a Pondichery , pour y ralTemhler des vivres. II fitvenir du neOis de i'interieur des terres ; il acheta du riz fur des Embarcations du pays , attirees par fes pro- meffes : en un mot , le Chevalier de Soupire , debarque a Pondichcry , en Septembre 1757 , y trouva des vivres pour un an. Le moijs fuivant, c'efl:-a-dire , en Cdlobre 17^7 ^ le Confeii expt'dia pour EafTora , dans le Golfe Perfique, le Vaiiieau le Bri/Iol , charge d'une cargaifon deftinee a etreconvcrtie en bieds. Le voyage rcuflit, & leVaifTeau revint charge de bleds en Decembre 1758, Le Conful de Badora avoit , du produit de la meme cargaifon ^ charge de bled deux Embarcations , qu'il expedia pour Mahe. EUes font bien arrivees a leur deflination : mais le Confeii n'a pu les en titer , n'ayant ni des moyens a fournir a M. Louet , Commandant a Mahe ^ ni des Vaiileaux a fa difpofition. Ceci^ MESSIEURS , va fe comprcndre. En Odcbre 17^8 ^ mon Oncle propofa au General d'expedicr le VaiHeau le Diligent pour Baffora , y cher- chci une cargaifon de bled : le General ne voulut pas y confentir. Le 14 Fevrier 17=59 ? ""^^^ Oncle ^crivit a M. de Lally que le Confeii fe propofoit d'envoyer le mcrne VaiiTcQu a Goa , pour y faire une traite , foiL de bled _, foic d'arraquc : M. de Lally ne fit point de rcponfe : LC le Confeii pi it iiir lui d'expedier le Vaiilcau. Ce Vaiiieau revint en Decembre fuivant , charge cic la car- gaifon demandee. Mais elle etoit a peine a moitie dechar- gee , qu'une trrife violente caffa tons les cables du VaifTeau , qui vint fe perdre a terre avec le rede de la cargaifon_, dont on ne put rien fauver. II eft bon de remarquer que pen de temps auparavant Tarrivee de ce VaifTeau^ le fieur de Solminihac , Capitaine de Port , s'etoit joint a mon Oncle pourdemander a M. deLally, qui difpofoit fouverainement des fonds , i ou 300 roupies , a TefFet de faire faire deux cables, dont on n'avoit pas un au magafin. M. de Lally refufa cette petite fomme. II fallut faire un cable pour le Diligent , an moment du danger; mais tandis qu'on y travailloit, le Vallfeau petit. Vers la fin de Tannee 1758 , M. de Ziegenbalgh , a qui mon Oncle s'etoit adrefTe de nouveau , avoit charge un VaifTeau de bled , & d'autres provifions pour Pon- dichery. Les Anglois s'oppoferent a fa for tie dujGange , fous pretexte que Trinquebar n'avoit pas befoin d'un audi fort approvifionnement^enforte que M. Ziegenbalgh fut oblige de le faire d^charger. Sur quoi je fupplie la Cour d'obferver que mon Oncle , par fa Lettre du 23 Juillet 1758, a propofe a M. de Lally de faire pafTer 50 ou 60 mille roupies a M. de Ziegenbalgh , pour le mettre plus furement en etat de faire cette expedition , & que M. de Lally n'a point fait de reponfe. Le Confeil avoit donne ordre a Mazulipatam de raffembler des vivres. Cette Place auroit pu en fournir a FEfcadre pendant fon premier fejour a la Cote Coromandel. Les operations & les combats du Comte d'Ache ne lui permirent pas d'y faire palfer quelques VaifTeaux. On avoit fait charger une Embarcation pour le compte de la Compagnie , de fix cents facs de bled. Elle R % s^eft perdue en D^cembre 1758 , entre N^gapatam & Karikal. Depuis rexp^dition du VaifTeau le Diligent pour Goa , le Confeil n'a pas eu la moindre autorite. Tout X dependu de M. de Lally. De trifles Lettres, apportees par la Fregate la Gracieufe , & dues aux calomnies du General contre le Confeil , remirent entre fes mains route radminiftration qu'il n'avoit pas attendu ces nou- veaux pouvoirs pour ufurper ou. traverfer. On avoir trouve des nellis a Divicotey , pofle An- glois , qui s'etoit rendu fans coup ferir,, apr^s la prifc du Fort S. David. Le VaifTeau la Reflitudon fut envoye par le Confeil pour les prendre ; a peine entre en char- gement , TEfcadre Angloife Pobligea de s'echouer & de fe briller. Les neflis furent en partie b rules par notre armee allant au Tanjaour , comme le prouve la Lettre de M. de Lally a mon Oncle , du 1^ Juin 17^8 , en partie lailTes a la difcr^tion des Commandants du Fort de EHvicotey , de Pordre ou du confenteraent de M. de Lally. Le fait eft que ces neflis n'ont pas fervi ,. comme ils Pauroient pu , a I'approvifionnenient de Pondichery. Le Comted'Ache avoitlaiffe a Pondichery le Vaiifeau rHcrmione: en Odobre i7'>9^ mon Oncle propofe a M, de Lally , prefidant pour lors au Confeil , de Pexpcdier a la Cote de PEft , pour y chercher un chargement de riz. M. de Lally rejette Pidce de cette expedition comme inutile , & ce VaifTeau , fans avoir fervi a rienque d'aller a Nt'gapatam , Ville Hollandoife a 25 lieues au Sud de Pondichery , chercher un chargement d'agrets & d'ap- paraux pour TEfcadre , eft refte en rade depuis le 1$. 133 Septembre 17^9 , jufqu'au 10 0(5kobre 1760 , qu'il a ^t^ pris avec la Baleine , fous la volee du canon de Pondi- chcry , qu'on empecha de tirer, par les Chaloupes & les Canots des VaifTeaux de guerre Anglois qui reflerent mouilles au large. La pofTedion d'Areate , occupee au ' mois d'Ocflobre 1758 , prefentoit des refTources , tant en argent qu'en vivres. Mais Rajafaeb, conflitue E^cgifleur de cette Nababie par M. de Lally , n'a jamais rendu fes comptes qu'au General. Vous vous rappellez , MESSIEURS , que le nou- veau bail des Fermes fut figne le 30 Odobre 1758. Les Fermiers eurent defenfes par ecrit de M.' de Lally , dont les nouveaux pouvoirs n'etoient pas arrives , de remettre aucuns fonds , foit a mon Oncle ,. foit au Confeil ^ a la difpofition duquel le General ne laifTa que 125 mille roupies de revenus annuels ; encore fallut-il peu apres erv tirer la moitie , pour les alligner au Munition- naire^en acquit de forames confiderables que lui devoir la Compagnie ; fi bien que le Confeil fe trouvoit alors , par le fait de M. de Lally , fans fonds^ fans pouvoir & fans credit. Les Anglois avoient dans la perfonne de Mahamet- Alikam , ua Allie , rival de Rajafaeb , notre Allie , ou plutot notre protege ; Mahamet-Alikam avoit trois freres qui vivoient avec lui en mauvaife intelligence , ce qui ies avoit rapproches de la Nation Francoife. Mon Oncle avoit toujours entretenu leurs difpofitions , foit a I'egard de leur frere , foit a I'egard de la Nation : les inflruc- tions de M. de Lally lui recommandoient de les mena- ger j de ces trois freres , Tun nomme Nagiboullakan <> ^ 134 ^ Nahab de Neylour, etoit^ Pondichcry , ouronnegocioit avcc lui: Pautre, nomme Abdoulvabkam , 6toit en cam- pagne avec des troupes qu'il avoit deja fait fcrvir a la contrihiition de la Pagode de Tirpaty par M. de Moracin , & qu'il avoit promifes pour le fiege de Madras rMafouskam, le trcifieme , etoit au Madure , faifant .la guerre aux An- glois : mais tous les trols n'avoient pas moins de haine pour Rajafaeb leur ennemi naturel , que d'eloignement pour Mahamet-Alikam leur frere. Un moyen fur de faire celTer cet cloignement^ etoit d^inveftir Rajafaeb de la regie d'Arcate. M. de Lally en concoit le projet, & le communique a mon Oncle. Mon Oncle lui reprefente TefFet que produira fon accomplifTement fur les trois frercs de Mahamet-Alikam. M. de Lally n'a point d'c- gards a ccs reprefentations , & coniHtue Rajafaeb P.c- gilfeur d'Arcate. La Nation en fut bientot punie : Na- giboullakamquitta Pondichcry le meme jour que M. de Lally partit pour Madras, c'efl-a-dire , le icNovcmbre 1758 ;il avoit promis d'aller rcjoindre fon frere Ahdoulvab- kam , pour Tengager a fe joindre a nous. Mais a peine rendu a fa Nababie de Neylour, il fit mafTacrer tous les Fran- cois qui s'y trouvcrent , hors M. de S. Denis, Capitaine des troupes de Tlnde , qui fut mis aux fers. II eft a remarqucr que ce Capitaine avoit recu ordre de M. de Lally d'cnvoyer au Camp de Madras le dctachement qu'il commandoit a Neylour ,& qui pouvoitcn impofer a Nagiboullakam : a Tegard d'Abdoulvabkam , il fe mit en marche pour joindre les Anglois & Mahamet- Alikam , & les joignit en effet durant le f cge de Ma- dras : toutes ccs troupes fe tinrent fur les derriercs dc ^31 notre armee , traverlerent les convois des beftiaiix ve- nant de Mazulipatam , & cette malheureiife jondion , annoncee par mon Oncle , & prouvce par fa Lettre a M. de Lally , du 30 Janvier 1759 y demeurte fans re- ponfe , a rendu le fiege de Madras plus difficile & plus long. Or , les munitions necefTaires a notre armee epui- foient tous les moyens de tranfport necefTaires a Tappro- vifionnementde Pondichery. Pour Mafouskam ^ il ne prit pas encore fon parti. Mais pen content de fa premiere faute , le General veut elever le meme Rajafaeb a la dignite de Nabab d'Arcate. Mon Oncle renouvelle fes reprefentations : ^> que Rajafaeb nYtoit point aime dans la Province ; que fa nomination alieneroit le Peuple, ^> tous les Chefs du pays , & fur-tout le Nabab du Dekan^ auquel appartenoi^ le droit de nommer celui dWrcate ". Rajafaeb avoit inutilement propof^ 20 mille roupies a mon Oncle , & 20 mille a M. de Soupire , pour prix de leurs fuffi-ages. II ofFIoit de verfer 40 mille roupies dans la caille publiq'ie. C'etoit le principal motif allegue par M. de Laiiy , motif fans fondement , puifqu'une amende inattendne de 40 mille roupies a laquelle M. de Laily venoit de con- damner le Noir Ramalim;a , Avaldar , ou Fermier d'Arcate, cquivaloit aux ofFres de Rajafaeb. Un Confeil mixte eil ailemble par ordre du Gc-'neral le 26 Juin 1759. Dans ce Confeil , MM. de Soupire & de Crillon dcclarent qu'ils ne font pas en ctat d'opiner far ceire miitiere. Le General craint de ne pas avoir pour lui les avis des Militaires , & ne les demande pas : mais 11 ordonne que chaque Confeiller lui adreffe fon avis 136 cachet^ , Sl fort de raffcmblee. On fe fepare : le lendemain mon Oncle remet au General un Memoire bien motiv6 fur Pobjet de la veille : & je vois par ce Memoire que M. de Lally avoir menace le Confeil de prendre des moyens qui ne lui feroient pas agreables , pour cmpecber les troupes de fe porter a. quelque extremity, faute dc paie , s'il fe refufoit aux ofFres de Rajafaeb , fur quoi mon Oncle offroit la vente de tout ce qui lui reftoit d'efFets a fon ufage ; le General n'a pas rougi de repliquer a ce Memoire par le plus ridicule & le plus calomnieux perfifflage : ces deux pieces , MESSIEURS, font au Proces : vous daignerez les lire. Le Confeil raffemble le 14 Juillet 1759, & force dans fes fufFrages, flechit devant le General , & ne foutient pas Toppofition de mon Oncle , renouvellee par un fecond Memoire. La nomination de Rajafaeb ell: confentie , mais le General hefite a Pinveftir. Enfm il prend fon parti , & le 31 du meme mois de Juillet 1759 , cette inflallation contraire aux interets de la Compagnie , aux in{lrud:ions de fon Syndic , a I'avis de MM. le Noir , de Moracin , de BufTy & de mon Oncle , fut faite avec beaucoup d'appareil. II ne fut plus podible de rapprocher de nous les deux freres de Mahamet-Alikam _, & le troifieme finit par fe r^unir au parti de fon frere & des Anglois. J'ai dit , MESSIEURS, que le Confeil n'etoit pas libre , & j^ai toujours le trifle avantagc de trouver dans M. de Lally lui-meme , le garant de mes aflertions les plus importantes. Ce General a tenu deux Confeils au fujet de Rajafaeb, Tun le 26 Juin 1759, & Tautre le 14 Juillet fuivant. Dans le premier , il a demande les 137 ^ les avis caclietes : dans le fecond^ il a ciivert la fiance par la le61:ure de fa Reponfe au Memoire de mon Oncle , & voici les termes par oii debute cette Reponfe. y> C'efl par pure deference pour vous , Meffieurs , n que je vous ai confultes fur le parci que j'avois J5 a prendre vis-a-vis de Rajafaeb. 11 n^etoit plus en mon pouvoir de changer la proniefTe que je lui avois ?? faite , de le conftituer Nabab d'Arcate , lorfqu'il a remis cette Ville & fes dependances en nia pofTeflion: , je ne fuis pas venu dans Plnde pour y etabiir mon ^) Confeil de confcience ^ & j'y ai apporte avec moi ?? mes anciens prejuges d'Europe , qui font , qu'eii matiere civile comPxie militaire , on ed: tenu de reniplir fes engagements ; & non - feulement ma place m'y ?) autorifoit , mais mes inftrudlions font pofitives , & " ma parole d'honneur , donnee a la guerre , n'admet ^? aucune reilri61:ion <.<. Vous concevez , MESSIEURS , par ce debut, conibien les avis cachetes etoient libres , fur-tout d'apres la menace faite au Confeil de ne remedier , que par des moyens facheux pour lui , au mecontentement des troupes, faute de pale. Je vous fupplie audi d'obferver que Rajafaeb etoit notre Allie , que par confequent nous n'etions point en guerre avec lui ; que M. de Lally n'etoit done point tenu , par les loix de la guerre , de lui promettre la regie d'Arcate ; qu^il avoit tort d'aiumiler cette parole aux paroles d'honneur donnees a la guerre; que les loix civiles n'exigeoient pas non plus CQttt parole, & qu^il etoit contraire a i^ts inil:ru6lions de la donner. S 138 C'eft ainfi , M ES S I E U R S , que M. de Lally ,' en fe privant tres-librcment des fecours promis pour le camp de Madras,. & d'AlIies puilTants , nuifoit de deux manieres a rapprovifionnement de Pondich^ry ; favoir, premierement , par repuiremsnt afl:iiel & volon- tairement proionge des moyens de tranfport , que la nieme caufe rendoit impoffibles pour I'approvifionnement dePondichery , & plus ditliciles pour le camp de Madras; fecondement , pour la converfion efFedtive en obflacles des fecours deja donnes , & des fecours promis pour concourir, foit alors , foit un jour, k ces movens , converfion prevue & fciemment provoquee par M. de Lally. Jufqu'a prefent , MESSIEURS, vous voyez lequel des deux , du General ou du Gouverneur , a nui ou travaiile a rapprovifionnement de Pondichery, Les fliits qu''il me refie a vous apprendre , vous fur- prendront bien davantage. Ce n'etoit pas alTez pour M. de Lally d'augmcnter lesdiflicultes d..i iicorc de Madras ; il a trouve dans le fie^fe meme un moyen dire(fl: de traverfer rapprovirionneniCint de Pondichery ; &, comme en partant pour le Tanjaoar , il avoir laiiTe Pondichery fans garnifon , & Tentrepot de Partillerie deftince au fiege de Madras fans dL'fenfe , de meme, en partant pour Madras, il a imagine delailTer Pon- dichery & routes nos poiTcfTions fans un Soldat pour les dcfcndre. Auffi les enncmis ont-ils ravage routes les pof- feffions de la Compagnie , brulc nos Aldces, mis en fuire les habitants , cnleve les befliaux , & porte Tincendie & la dcilrudion jufqifaux limites de Pondichery, ou m.on 1^39 Oticle , demeur^ fans garnifon , au milieu de fix on fept cents prifonniers Anglois , sVfl: vu force de faire prendre les armes aux Employes , qui ne les one qulttees qirapres la lev^e du fiege de Madras , pendant lequel la com- munication de la Ville an camp , fouvent incerrompue, n'a jamais 6t6 fure , I'ennemi ne trouvant point d'ob (lades pour inquieter nos convois , Sc d^/afler nos pofTeflions. Et quand mon Oncle inflruifoit le General da degae de nos Aldees , le General repondoic que trente lieues . de pays di\ c6t6 de Madras , rempliroienc les vuide d'une devaftation de cinq ou fix da cbt6 de Pondichery. Ceik ainfi qu^Aiexandre , a qui Ton vint dire que Pen- jiemi pilioit fes bagages , repondit : lallfe^-les faire , la vicloire nous les rendra. Mais Alexandre prenoit des me- fures pour battre Tennemi , & M. de Lally n'en a pris que pour manquer Madras. QuV(l-il arrive ? D'une part , que ces trente lieues de pays , dont il s'en fal^oit bien d'ailleurs que la poffeflion fut paifiblejOnt a peine fervi a nourrir le ca'mp de Madras , puifque le,Gcn('ral fe plaint quelquefois dans fes Lettres du befcin de vivres, fans ofer , pour cette fois , le reprocher a mon Oncle : & d'une autre part , que nos poifeiTions abandonnees au pillage des ennemis , n'ont fervi en rien a I'approvifion- nement de Pondichery. Mon Oncle avoit donne fur cet objet des ordres aux Fermiers , & des etats iignes de lui , de la quantite de neflis , & autres provi lions ne- cefTaires ; les Fermiers fe virent dans i'lmporiibiiite d'y fatisfaire. L'abandon de Mazuliparam , fuivit de pres celui de nos Aldees. Cette Ville, ouco.mmandoitM, de Moracinj S 2. 140- 6tok la clef de qiiatre Provinces tres - riches qui nons- appaitenoient ; & dans les circonflanccs fa fituation la rendoit peut-ctrc nioins importante encore , qifiin amas de bled, de riz , & de bceiifs , pour plus de 100 mille roupies , forme en execution des ordres du Confeil de Pondichery , exp^dics le 7 0(51:obre 1758. II t'toit effen- tiel d'y conferver M. de Moracin. Mon Oncle n'a pas ceiTe cV'^n prier le General , Sz fes motifs font exprimes dans fes Lettres des 6 , 29 Juillet , & 9 Aoiit i^^^. M. de Moracin a joint fes reprcfentations a celle de mon Oncle ; ils n'ont reuffi , ni Tun, ni Pautre. Le General a perfifte a rappcller M. de Moracin : il a de meme rappelle obfli- ncoient M. de Bufly du Dekan^ au me-pris des confeils de mon Oncle , qui faifoit valoir la neceffice de ne pas abandonner nos pofTeflions du Nord , aux armes des An- glois,& le Souba duDekan, a leurs infinuations. Mon Oncle fupplioit le General , au moins , de ne pas rap- peller en meme temps deux Commandants fi neceffaires dans leurs pofles ; il n'a rien gagne , & le rappel com- bine de MM. de Biiffy & de Moracin , a fiit perdre en peu de temps tout le fruit des travaux hcroi'ques du premier pendant huit ans. Peu de temps apres fon de- part ^undetachemcntd'Anglois , parti du Btngale a cette nouvelle , eft venu envahir nos quatre Provinces , & s'ed portCj, avec 1400 Cypayes, fur Mazulipatam. Le 2,5,, Mars 1759^ on apprend qu'ils avoientmisle fiegc devant cette Place: Ic 2.7, M. de Lally fait mine d'y vouloir envoy er du fccours ; il ordonnc d'armer a cet effct les Vaiffeaux li Harlem Je Br/'flo^ , &la Yrcga.tcP Exp edition ; il parle d'y faire paffer MM. de Buify & de Moracin. Le i". Avril, 141 mon Oncle liii confeille de preferer M. de BufTy , attendti qu'il s'agilToit d'une operation toute militaire , apres laquelie*M. de BufTy auroit a trairer avec Salabctzlngue > qii^il avoit letabli dans la Soiibabie du Dekan, noiiveaii niQtif de preference pour M. de BufTy. M. de Lally en p3Rit frappe , il fit choix de M. de BufTy: mais bientot il revint a M. de Moracin : puis, par un troifieme ar- rangement , a M. de BufTy. Mon depart , dit ce dernier dans Ton Memoire , arrite , revoque , differe de jour en jour par un jlux 6' reflux d^ incertitudes continuelles , fut enfin fixe au ix Avrll. Four le coup je n'en doutois plus. Quelle fut done ma furprife , n apprenant , le 1 1 au foir ^ peu de temps apres avoir qultte JVL. de Lally , qu^il expe- dioit des ordres & des inflruclions pour faire partir Af, de Moracin a ma place ,le lendemain matin ? On fut bientot que les variations du General fur cet objet majeur, n'ctoient qu'apparentes.. II fe felicita pu- bliquement d'avoir tenu M. de BufTy /e^ hec dans Veau y pour fe fervir de fon expreflion , en ajoutant comme un furcroit a fon triomphe , ^f^'^'^ lui faifoit perdre par la 20 millions _, & qu^ll lui preparoit hien d^autres tours. Mais quel fut le fruit de cette horrible plaifanterie ? M. de Moracin partit trop tard. Dans la nuit du 7 au 8^ Mazulipatam fut enleve par les Anglois y & tous les vivres amafTes dans cette Place tomberent en leur pou- voir. Tout le nionde accufoit hautement le Commandant , fubflitue par le General a M. de Moracin , de trahifon ou de lachete. En efTet , graces a ce Commandant _, trois cents cinquante Anglois & quatorze cents Cy- payes avoient pris trois cents cinquante Francois & 141 dix-hi!it cents Cyoayes dans une Vllle fortlfiee & di'fendiie par cent cinquante pieces de canon. Les OfH- ciers demandent un Confeil de guerre : le General y confent. On fait une information, le fieur Trinquaire , Major dii Bataillon de I'lnde , en efl charg6. L^informatioa r^pondoit au cri public. Le Gc'neral arrete les ProctfdUfes," traire avec cmportemcnt le fienr Trinquaire, Sc comble d'honneurs le Commandant convaincu , non-fculement par les temoins, mais par le fait meme. Tons ces faits font proavcs par le Journal de mon Oncle , par fa Corref- pondance , par les Memoires de M. de BuflTy , paries depofitionsqui fontau Proces. Ileflvrai , MESSIEURS , que deux ou trois de ces depofitions importantcs, font d'Olliciers an Bataillon de I'Inde , Corps bien connii par fa bravonre , mais dont mon Adverfaire a parle avec tant de mepris,& fi peu de verite: (ingulier achar- nement J heritc de fonpcre, contre tous ceux que leur fervice attachoit a la Compagnie des Indes .' Aveugle- ment terrible! d'appuyer opiniatrement fa Caufe farune accufation vague de rebellion, de perfidie,ou de lachete gencrale ! Gouverneur , Confeillers , Officiers , Employes , nul n'efl tchappc a fon imprudente & ridicule profcrip- tion. Le Gouverneur etoit im Chef dc cabale , le Confeil une Ugiie de Marchands avides , conjures contre le bien : les Employes etoient la lie dii Pcuple ; le Bataillon de rinde , vne troupe fans valeur & fans difcipline. Je voudrois que mon Adverfaire prit la peine de cirer un feul fait a Tappui de toutes ces afferrions , mais un fait bien pofitif & bien date ; je voudrois qu'il nous citat une fcule occafion , par excmple , 011 le Bataillon de 143 rinde ait r^fifle a Ton General , ou recall devant Ten- . nemi : jc voudrois qu'il nommat un feiil OfRcier de ce Corps qui n'ait pas eu la reputation de brave homme , & de Sujet fidele ; n'en feroit-il pas defes ret^roches comme de fes dcfis ? Des defis qui ne font pas fairs pour etre foutenus , des reproches qui ne font pas fairs pouretre appliques. Je prie audi mon Adverfaire dene plus prendre un ton fi dedaigneux en par-ant des Offxiers de Plnde. Ces Officiers etoient brevetcs du Roi , comme les Officiers ' de toutes les troupes de France ; comme eux tous , ils parvenoient aux grades militaires : ils obtenoient les decorations de leur etat. M. Dupleix avoit le cordon rouge, & n'etoit pas autre chofe que Gouverneur-Gene- ral des EtabliiTements Francois dans Tlnde : M. de BuiTy eft Marccha:-de-camp , & n^a pas fervi ailleurs qu'au Bataillon de Tlnde; il efl vrai que M. Dupleix & M. de Bufly, aufli-bicn qie mon Oncle , etoient aux aopoin- tements de la Compaonje ; mais les Fumel jles de Mefme, les Jumilhiac, les d'Eflaing , les Crillon , les Mont- morency etoient aufli aux appointemenrs de la Com- pagnie ; & M. de Lally , devant qui tous les Con- feillers de Tlnde auroient haijfi a Pondlchery le front- dans la poujfiere y s'il faut s'en rapporter aux Memoires de fon Curateur, M. de Lally , pre'fente au Roi par la Compagnie pour Commandant en chef , etoit comme les premiers des Francois, au fervice, aux appointements , & , pour employer une expredion dont il s'efr pi ii a fairc ufage avec mon Oncle , mangeoit le pain de cette Compagnie, dent il trahiiToit les intcrets. L'ahandon dcMazulipatam n'enfera pas,MESSIEUFvS^ 144 la deniiere preiive. Voila , dit mon Oncle a M. de Lally , dansfa Lettredii ii Avril 1759, qui contient lanouvclle de CQtiQ prife funefle , voila , Monjleur , un ivenementhicri trifie pour la Nation. Je Vai craint des le moment quevcus ave:^ retire de la MeJJieurs de Biijfy & de Moracin , & je vows ai communique mes craintes par plufieurs- de mes Lettres , lorfque vous etie^ dans le Tanjaour. Mon Oncle n'a pas ajoiite ; mais je me crois autorife a rajoiitcr pour lui : voiia comment la haine de M. de Lally centre M. de BufTy nous a fait perdre quaere Provinces , des revenus confiderables , Mazulipatam , & routes les fubfiilances qu'il rcnfermoit pour Pondichery. Tous ces dcTaflres navroient le cceur de mon Oncle , mais nePabattoientpas : iln'en prenoit pas moins avec le Confeil , les plus fortes precautions pour Papprovificn- nement de Pondichery & des Places fronticres. Cct approvifionnement dependoit fur-tout desFermiers. Mon Oncle les preffoit : mais le ravage des terres abandon- nees a Penncmi par le General , n'etoit qu'un pretexte trop legitime de Pimpuiffance a laquelle ils fe difoient rtduits. D'ailleurs ces Permiers rfetoicnt plus aux ordres de mon Oncle. Celui-ci craignit que fes difcours ne fiffent pas fur eux affez d'imprefTion. II en prcvint M. de Lally , par fa Lettre du 18 Avril 1759, le fuppliant de vouloir bien Pappuyer aupres d'eux : Je folliciterai & jc prejferai les Fermiers j je leur fignijierai que vous m\ive^ donne ordre de le Jaire. C^ejl d^eux que depend T approvifion- nement des Places Jrontitres & de Fondicliery. Ce n\'Jl que des terres qu^on peut tirer des fecours ; on ne pent plus , dipuis le hail general , en attendre que pur la vole des Fer- miers : mlers : lis doivent la place quails occupcnt a la propofidoh que vous en ave:^ faite au Con fell. Peut-etre que ce que je leur dls fait trop peu dHmprejJion ; Us fe flat tent , fins doute , Monfieur y d^etre proteges par vous. Permette:^que je vous fup pile de vouloirhien joindre vos ordres ames deman- des... Vos ORDRES A MES DEMANDES !.... LeS DEMANDES DU GOUVERNEUR DE PONDICH^RY AUX FeRMIERS DES terres de Pondich^ry ! Le Gouverneur DS PONDICHERY OBLIGE DE SOLLICITER LES FeRMIERS POUR l'approvisionnement de Pondichery! Telle etoic I'abjedion a laqiielle M. de Lally avoit reduit mon Oncle. Mais cet homme modefle & patriote , ne s'en plaignoit pas. II alloit an bien , fans penfer a lui Je ne regretterai les droits de mon pojle , difoit-il an Ge- neral dans la meme Lettre , toiijours au fujet des Fer- miers _, que parce que je fouhaiterois pouvoir les employer routes a votre gloire Le tyran infenfible a cet abaif^ fement volontaire , a cette abnegation de foi-meme dans celui qu'il avoit depouille tyranniquement de Ton autorite , n'a point fait de reponfe a cetre Lettre. Je I'ai deja citee , MESSIEURS , cette Lettre im- portante du 18 Avril 1759, en preuve de I'lifiirpation commife par M. de Lally fur les droits du Confeil k radminiflration des Finances ; & je la cite une feconde fois , en preuve de PindifFerence du General a Tappro- vifionnement de Pondichery. Cependant , mon Oncle , jugeant que le ravage des terres nuiroit a cet approvifionnement , avoit ecrit a M. de Mainville ^ Commandant Francois employe au MaylTour j de faire fes efforts pour envoyer de ce pays T ^o mille cabrits , & ii mille bceufs. II en a fait part k M. de Lally par la meme Letcre du i8 Avril i7')9. J'i- gnore fi M. de Mainville a pu fatisfaire aiix ordres de .mon Oncle. La Correfpondance & le Journal du Gou- verneur de Pondichery ne m'en apprennent rien. De Ton cote , le Confeil de Pondichery , voyant qu'il ne venoit aihciin grain des terres dsns la Ville , que le Peuplefouffroit, & que Ics Navigateurs du Pays, inquictes par les croifieres de PEfcadre Angloife , devenoient plus timides , fupprima les Droits du bord de la Mer fur toute efpece de grains ; pen apres il a fini par fuppri- mer toute efpece de droits , meme fur les grains venant des terres. Deux ou trois mois auparavant , c'eft-a-dire , en Mars 17595 le Confeil , que M. de Lally tourmentoit pour de Pargent , apres Pavoir depouille de Padminif- tration des Finances , avoit propofe au General la for- mation d'un Comite ^ compofe des Membres du Confeil , fans ^gard au rang , 011 Pon traiteroit des affaires les plus importantes, & dans lequel M. de Buffy prendroit feance. Le General agrea la propofition , le Comite fut forme. Mais M. de Lally n'y parla que d'argent , Sc d'un Traite qu'il projettoit avec les Marattes , Traite que mon Oncle & le Confeil defapprouvoient. II n'y fut pas queftion de vivres. Ce fut dans un de ces Co- mitcs que M. de Moracin demanda Pemploi des revenus d'Arcate. Le General s'emporta , fe rcpandit en invec- tives , & le Comite fut diffous. II ne s'etoit affemble que trois fois. Ce fait que j'ai dcja cite , comme la Lettre du 18 Avril 1759 3 en prcuve de fa tyrannic , demontre encore fon infenfibilite a Papprovifionnement. 147 Vous jugez aufli par la , MESS lEUR S, que 1e General nV^toit pas fans inquietude fur le compte des revenus d'Arcate : & cette inquietude a perce malgr^ lui dans fa Lettre a mon Oncle , datee deCangivarom, !e 8 Mai 1759. ^^ vous declare de plus , marquoit- il a mon Oncle, qu'Arcate , avec clnquante B lanes , ne fe rendra a Venntmi que par le bon bout : j^en dls autant de Cavenpakam & de Tiniery , ( c'c^toient, MESSIEURS, deux dependances d'Arcate ), que vous vous falfie:^ un plalfir de me voir abandonner , ou les revenus immettfcs que Pon dit que fen tire pour moi-meme , mais que la Compagnie retrouvera. Voila de magnifiques promefles. Void, MESSIEURS, Pev^nement. M. de Lally a depuis abandonne Arcate : & la Compagnie n'a jamais retrouve les revenus de cette Nababie. Rajafaeb & le Oeneral ont feuls ete dans le fecret. M. de Lally ne tarda, pas a fuivre fa Lettre du 8 Mai 17)9. Apres avoir fait de vaines tentatives pour reprendre Cangivarom , qu'il avoir laiffe prendre aux Anglois , il revint a Pondichery le 17, pour ne plus en fortir jufqu^au x^ Decembre. Ce long fejour fut marque par Pinftallation de Rajafaeb , Tepuifement total des fonds publics, la revoke des troupes, les vexations les plus inouies , pour fe procurer de Pargent fur des Ma- labars irreprochables , trois defquels vous font deja connus, favoir , Periane , Manuel & Candapa , & dont le feul crime 'etoit , oud'avoirquelques fonds , ou d'appartenir , foit a mon Oncle, foit a M. Defvaulx ; enfin ce fejour fut marque par le renverfement des formes judiciaires , les outrages les plus fanglants accumules fur le Confeil , T 2. 148 fur M. de BiifTy , fur mon Oncle , au point de compren- dre le Gouvenieiir de Pondichcry dans les Declarations demandees foiis peine de mort , an bruit du Tamtam , contre Ton Dobachy. En meme temps il rendoit mon Oncle refponfable de Papprovifionnement , & ne parloit que d'argent aux Fermiers , qu'il menacoit , qu'il vexoit pour en avoir. Mais rapprovifionnement , comme je Pai deja dit^ dependoit des Fermiers. De quel poids pouvoient etre fur eux , non pas les ordres, ( mon Oncle ne pouvoit plus en donner ) , mais les inflances d'un Gouverneur avili publiquement? Et com- ment des Fermiers de terres impuncment ravagces par Pennemi , jufqu'a Pepoque ou nous en fommes , pou- voient-ils coop^rer ,fans argent &: fans credit, a I'achat des fubfiftances ? Mais cet argent dont les Fermiers manquoient , ce nerf des guerres modernes , M. de Lally n'en etoit pas prive. Vous avez vu, MESSIEURS, par quels moyens fubitement puifes dans fes coffres , le General ell parvenu a ramener les troupes revoltees faute de paie. Le i^ Septembre 1759 , TEfcadre Francoife reparoit a la Cote : le Comte d'Ache laiffe en partant neuf cents hommes & des fonds au Comte de Lally ; ces fonds fe trouvent abforbts par un Traite conclu , malgrc mon Oncle , entre le General & Morarao , Chef des Marartes ;. Traite qui n'a pas eu d'autre efFet , & fembloit n^avoir pas d'autre but que de traverfer la negociation de M. de Buffy avec EaiTaletzingue , frere de Salabetzingue , Souba du Dekan. Lamiflion de M. de Buffy etoit d'en- gager BalTalctzingue a venir nous Joindre avec fon ar- 149 mee. Or , Baffaletzingue vouloit n^entrer qu'en maitre dans le pays d'Arcate , & fur-tout n'y pas avoir des Ma- rattes pour concurrents : de plus , Tindigne choix de I'Abbe Noronha , Envoye vers les Marattes , & mis en parallele avec M. de BuiTy, afFoiblifToit le credit du dernier. M. de Lally avoir meme afFecfle , des la prife d'Arcate^ d'ecrire fur cet Olficier en termes mcprifanis a Salabetzingue qui le redemandoit. Et dans la meme Lettre , le General tournoit en ridicule les occupations % les plaifirs d Salabetzingue , dont il recherchoit le fecours. Sa Lettre ell imprimee dans la Correfpondance de M. de BufTy. Enfin BafTaletzingue recut lui-meme de Pondichery^ quelques jours avant Tarrivee de M. de BulTy aupres de lui , une Lettre concue en ces termes : N\iye:^aucune conjiance en ce que vous dira M. de Bujfy, Af. de Lally n'a confentl quHl alldt aupres de vous , que pour r eloigner. Garde:^-vous de vous laijfer feduire par les promejfes qu^il pourroit vous falre , pour vous engager a venir dans cette Province y oil vous perdrie:^ Vhonneur , & peut-etre la vie, BafTaletzingue fit lire cette Lettre en plein Dorbar , en prefence de M. de Verdiere , Briga- dier de nos arm.ees^ & de plufieurs autres Officiers Francois. A mon retour _, dit M. de BufTy , je parlai de cette Lettre a M, de Lally ; mais je n'ofe lever ici le voile qui couvre un myflere d'iniquite Ji odieux, Quoi qu'il en foit , tous ces faits , prouves & developpes dans la Correfpondance de M. de BufTy , concoururent a faire echouer la negociation avec BafTaletzingue. De leur cote , les Marattes nous ont nui trois mois apres^ au lieu de nous fervir, a la bataiile de Vandavachy ^ comma il ell MO prouve par la Lettre de M. de Lally I mon Oncle > du 13 Janvier 1760 , & les fonds de TEfcadrc perdus, foit pour les attirer , foit pour les foudoyer , n'ont pas pu fervir a rapprovifionnement de Pondichery. On avoir pris fur les Anglois le Grantham , VailTeau Marchand ; fur ce VaifTeau fe trouverent des diamants. II to\t queftion de les vendre. Mon Oncle entame un marche avec les Danois. Ce' march6 eft traverf^ par M. de Lally. Les Anglois , proprictaires de ces diamants , lachent des Marchands pour les racheter. De ces Mar- chands , les uns s^adrelTerent a mon Oncle , les autres a M. de Lally, qui, pour ne point paroitre , charge M. Duplaa de cette affaire. Mon Oncle etoit en cor- refpondance dire<5le a ce fujet avec M. Vanliltard , Di- re6leur de la Compagnie Danoife a Bengale. II venoit d^en recevoir une Lettre , Sc tous deux ctoient en quej- que forte d'accord : mais a Toccafion de cette Lettre , le General va vifiter le Gouverneur , & lui dit en entrant, que M. Duplan n'avoit rien fait , S' que les Anglois chev" choient apparemmsnt a trainer cette affaire en longueur , pour retarder la rejfource que nous devions j trouver* Mon Oncle lui repond que s*ii en eft bien perfuade , Ton pouvoit terminer avec le Marchand de Pondich^^ry , qui etoit fur le rang des acheteurs , en ajoutant , ra'^/Z- ce pas Balichetty ? J^ai lieu de croire , dit mon Oncle , que par cette queflion je touchai , fans m'en douter , quelque corde egalemi'nt fecrete & delicate, Au feul nom de Bali- chetty , le General part comme un tonnerre , entre en fareur, fe livre aux plus aftreux emportcments , & taxe mon Oncle d'in difference, lui reproche le mecontente- MI ment des troupes , la prife de nos podes par rennemi , Taccufe d'avoir tout abandonne au pillage, aux vexations de fes proteges , lui . demande: Fourquoi n^ave:^-vous pas envoje a M. Duplan la Lettre de M. l^anfiltard ? Vovs fere:^ caufe que cette affaire manque r a \ & bientot J dans Texces d'une rage dont il n'etoit plus le maitre , s'avancc fur mon Oncle , lui porte le poing fous le nez , I'appelle traitre , le menace de le fufpendre , de le faire enfer- mer, de Penvoyer pieds & poings lies en France MM.le Noir & Langrence etoient prefents.Le General s'en appercoit : Vous alle:^ faire , continue-t-il a mon Oncle , yotre declaration. Eh bien /( je fupprime le mot dont il s'eft fervi ) faites-la, Je Vicrirai moi-meme au Minijlre & a la Compagnie , & vous traiterai toujour s de mime , tant que vous ne changere:^ pas de conduite, Cclle qu'on tient ici mon e'gard efl indigne : f inflruirai le Mini [Ire & la Com- pagnie de Vindignite avec laquelle on m.e traite , &c...... & mille autres propos que la fureur lui fit debiter avec une volubilite qui ne donnoit pas au Gouverneur le temps de repondre, & qui ne furent interrom.piis oue par la brufque fortie du General: & tout cela pour le feul nom de Balichetty prononce par mon Oncle. Quel fut , M E S S I E U R S , le fruit de cette fcene ? Mon Oncle afliire dans fa Correfpondance que les dia~ mants furent vendus fix a fept mille pagodes , c'efl-a- dire^de 54 a 63 mille livres au moins au-deifous du prixqu^il efperoit en tirer. Je ne fais fi ce fait ell prouve littera- lenient au Proces : il feroit aife de le verifier par la comparaifon des Lettres de mon Oncle avec M. Van- filtard , & du traite conclu pour ces diamants* lis o^.x ct'} vcndus 51 miile pagodes. Le premier paiement s'ed mcnte a 17 mille pagodes ; le fecond a 14 mille. Ces deux fommes ont ete verfees dans le trefor , pour en fortir , comme toutes celles qui s'y portoient , fur les ordonnanccs de M. de Lally. Mon Oncle a eu occafion de parler dc la feconde fomme , c'eft-a-dire des 14 mille pagodes , dans fa Lettre a M. de Lally , du x Janvier 1760. II refloit xo mille pagodes fur les 51. M. de Lally, lors a Vandavachy , les demande a mon Oncle. Mon Onclc en charge le Chevalier Bazin , & Tannonce au General par fa Lettre du 2x Janvier 1760. Le Chevalier Bazin les porte au General : mais au bruit trop fonde de la dtfaite de notre armee a Vandavachy _, il s'arrete a Gingy. Bientgt , dans un moment plus opportun , il rejoint le General , lui ri^met les 20 mille pagodes : cette fomme etoit d-ellinee aux troupes : c'etoit Tunique refTource de la Colonie. J'ai recu , Monfieur , ecrivoit mon Oncle au Chevalier Bazin , le 25 Janvier 1760 , apres la defaite de Vandavachy, ou les Francois avoient vu fuir leur General pour la feconde fois , moins inde- cemment , il eft vrai , qu'au Tanjaour , 'fai recu Vhon- ncur dc votrt Lettre , du zj du courant ; 'fj repondrai a lolfir. Vos reflexions partent dhin hon Citoyen , ^ je vous en fuLS oblige. Vous avel emporte avec vous la feule & unique resource qui refloit a la Colonie pour fe foutenir dans la circonflance critique oil nous nous trouvons aujour- d^hui. Je ne doute pas que M. de Lally n^en feme toute la valeur, & ne foit difpofe a la menager precieufement Cette fomme en effet , bien menagee parmi les troupes , donnoit, MESSIEURS , a M. de Lally le moyen de '53 de tenir la campagne pendant quelque temps , & de ga- rantir les poftes qui foutenoient encore Tapprovifion- nement de Pondich6ry. Mais que fait le General > II fe fait donner par Plntendant de I'armee , des ordonnances pour fe payer lui-meme , lui General, de cinq mille pa- godes qu'il avoit avancees , envoie une partie du fur- plus des 20 mille pagodes aux Marattes par TAbbe No- ronha, & fait diftribuer le refte , par le moyen d'or- donnances femblables , a des OlTiciers favorifes qui fe trouvoient aupres de lui , apres quoi il ramene les trou- pes a Valdaour , laiffe les ennemis maitres de tout le pays , & revient a Pondichery demander de Targent au Gouverneur. Le Gouverneur n'en avoit pas ; les Fermiers n'en avoient pas non plus. Mais nous ^tions au temps de la recolce : & les Fermiers faifoient mieux que d'avoir de Targent , ils amafToient des vivres. Le Confeil , fur leur propre requete , leur avoit donne Tetat des grains necef- faires a I'approvifionnement de Pondichery & des autres Places. Sa Deliberation eft du 9 Janvier 1760. Les Fer- miers travailloient a s'y conformer : mais M. de Lally de retour a Pondichery le 2^ du meme mois de Janvier, les tourmente pour de Pargent. J^es Fermiers reprefentent qu'ils ne peuvent en meme temps fournir des fonds , & pourvoir aux vivres. Le Confeil appuie ces reprefenta- tions. Qu'arriva-t-il ? Le General penfoit a faire refilier le bail g6n6ral des Fermes : il Tavoit laiffe entre/oir a mon Oncle , par fa Lettre du 6 Janvier 1760. On n'ignoroit pas fes difpofitions dans la Ville. Ramalinga , ce Fermier d'Arcate j condamne Pannee d'avant a 40 V 1^4 mille roiipies d'amende , comnie Coneuflfionnaire , parle GencTal, fe prefente & demande les Fermes , moypnnant une avance d^argent. Le General prete roreille aux propofitions de Ramalinga , convoqiie le 14 Fevrier 1760 , un Confeil, s'y read , le prefide^y porte le projet de refiliation dii bail general , & les propofitions de Ramalinga. Le Confeil delibere. II falloit ds fonds pour mettre Tarmee en eampagne , il falloit des vivres pour fauver Pondiehery. Ce dernier article etoit le plus im- portant ; mais le premier nYtoit pas a negliger. Rama- linga offrait des fonds. La recolte promettoit des vivres : tout fembloit concilic. Le Confeil prend fon parti , declare la propofirion de Ramalinga avantageufe dans la fituation defefperante des aflfaires , & refiiie le bail general , apres avoir conflate par fa Deliberation , les. conditions que propofoit Ramalinga ,. toutes relatives uniquement aux fonds. La Deliberation du Confeil eft , comme je Tai dit , du 14 Fevrier 1760.. II s'agiffoit de pafTer le bail. II falloit enchainer Rajiialinga par des conventions precifes.... Que fait le General ? II aban- dbnne, livre a ce Ramalinga lestcrresdela Compagnie ^ fans bail, fans caution, fans fubordination , autre que celle ou le tenoit TAbbe Noronha, homme indigne en tout de fon caraclere , un intrigant , un depredateur connu pour tel dans toute I'Afie , & Tune des plus viles creatures du General. Ramalinga mis arbitrairement & fi^ns precaution , en poffefTion des Fermes , fait bien quelques avances , mais aufli-rot il fe tranfporte fur les terrcs ; la il difpofe des fubfi fiances recoltees , des vivres. amaiTes par les anciens Fermiers _, & les fait ven- dfe. Le fait eft pmuv6 au Proems ; & Ton pent tenir comme ceitain , qii'tme partie de ces vivres a paffe chez les Anglois^ fi la notoriete publique eft une preuve. Mais qtrils aient pafte ou non chez Tennemijils etolent amafT^s pour Pondichery , par les anciens Fcrmiers , fur un Erat donn6 par le Canfeil ; ils ont ete vendus par le nouveau Funnier Raraalinga. Cela eft inconteftable. Mon Oncle avertit le G6n6ra\ de cette perfidie. Le fieur Mariol , Capitaine de Plnde , commandant k Gingy , donne de ce lieu ou Ramalinga etoit venu pratiquer une partie de fes manoeuvres , le meme avis. Le General recoit celui de mon Oncle avec indifference , & ne met aucun obftacie a la trahifon de Ramalinga ; il ecrit meme au fieur Mariol de laljferfaire. Le fieur Mariol eft un des t^moins. L'approvifionnement devenoit plus difficile. Les crain- tes augmentoient : le General n'en etoit pas emu. Nous avions quatre poftesimportants pourPapprovifionnement, tant par ieur pofition qui les rendoit autant de points d'appui pour nos recoltes , que par les amas de vivres qui s'y trouvoient ; favoir , Divicotey , Permoucoul , Valdaour & Karikal. Divicotey eft pris par les Anglois : on les en chaflTe ; mais bientot M. de Lally le fait ^va- cuer^&fait enfuite des tentatives inutiles pour lerepren- dre. Permoucoul 6toit un pofte imprenable par fa fituation : M. de Lally le laiffe manquer de monde & de munitions ; & Permoucoul eft oblige de capituler. On avoir tire de Karikal , avant la prife , la plus forte partie de Tapprovilionnement. Cent hommes de plus de garnifon I'auroient fauve. Les ennemis n'auroient pas V z -I ^6 merae penf^ k Pa ffi? ge r :' eux-m ernes rent declare depiii? la prife. M. de Lally n'a pas )ug6 a propos d'envoyer CCS cent hommes. Enfin Valdaour 6toit le dernier pofle qui s'oppofac an blocus de Pondich^ry , & n'ctoit pas moins elTentiel que tous les aucres pour I'approvifion- nement. Les Anglois en forrt le fiege , M. de Lally refte tranquille. On lefupplie dVnvoyer an fecours de cette Place , il demeure inflexible ; la Place eft prife. Paurols pii , dit M. de Lally, la fecourir, comme il m^eft aife Je remuer ce fauteuil , mais j^etois trop mecontent de la Cour, II craignoit alors fes Lettres de rappel. Le propos que je rapporte a i-t^ tenu en prefence de MM. de Mefme & Jumilhiac,qui Pont depofe. Vous verrez , MESSIEURS, par quelle equivoque deplorable mon Adverfaire pretend convaincre de faufTete les depofitions fur ce fait impor- tant de Valdaour. Six temoins ont rendu le propos dii General, deux , pour Pavoir entendu de fa propre bou- che , quatre pour Pavoir entendu repeter fur le champ , foit aux deux premiers , foit dans la Ville. Tous les temoins s'accordent fur le fait elTbntiel, favoir; queM. de Lally a dit : J'^aurou pu fecourir P^aldaour ^ mais j^etois trap mecontent de la Covr. lis ne font pas audi precis fur le tcrme de comparaifon : cela m'^etoit aujji aife que de remuer ,. les uns difent ce fauteuil , im autre cette chaife , uti autre cette couverture. Et c'eft la ce que mon Adverfaire appelle une variation criminelle ,unecontra- didion palpable, figne certain d'une dtnofition fauffe ou fubornee. Mais je vous fupplie , MESSIEURS, de lui dcmander fi les deux temoins auriculaires , MM. de Mefmes & Jumilhiac , ont varic fur le tcrme de compa- raifon ? ^17 Un fait not! moms rcmarquable qiie tous les prece- dents J eft Tabandon d'Arcate & de Cangivarom , avant la dcfaite de Vandavachy. Le General n'ignoroit pas' toute rimportance , & de cette Province, & de ce poite. Lui-meme avoit ^crit au Confeil le i2 Mars 17^9 , ^w'// regardoit Vabandon d'Arcate & de Cangivarom , comme Vahandon de toute la Colonle, Je vous prle , ecrivoit-il au Gonial! , de decider aujourd^hui un parti auquel je fuis pret a foufcrire , pourvu qu^il tende. a appaifcr les troupes pour, quince jours feulement. , fi vous voule^ conferver Cangiva-- roni & Create ,.jufqu^a ce que la rccolte foit faite ; & je vous reprefente en nieme temps que je regarde P abandon d^^rcate^ & de Cangivarom , comme P abandon de toute la Colonie,. M. de Lally avoit raifon. Le Confeil , toute la Ville penfoit comme lui. Mais comment s'eft-il conduit ? Uru mois apres les Anglois adiegent Cangivarom. Mouzafer- bek , General Maure, AUie de la Nation, y comman- doit. II s'y defend jufqu'^a la derniere extremite. M, de Lally ne vent pas le fecourir. Cangivarom eft pris , & Mouzaferbek maffacre avec toute fa famille. Pour Arcate , il feroit , MESSIEUR S , difficile d'imaginer par quel moyen M. de Lally a favorife le r^tabliftement des Anglois dans cette Province. Notre armee etoit fuperieure a celle de Tennemi , quicependant raflTembloit toutes fes forces. C'eft le moment que choifit le General pour feparer lesfiennes en deux corps ,dont Pun, de douze cents hommes , & le plus confiderable y e^ envoye a foixante lieues reprendre Cheringham ,. pofte autrefois neceffaire pour I'expedition du Tanjaoury & le fiege de Trichenapaly , mais devenu tres-inutiie ^ n^ayant plus rien k faire dans Le Sud. L^autre divifion de I'armee eft laifTee en quartier pres de Vandavacby. Dans ce meme temps , M. de Buffy revenolt d'aupresde BaflTaleczingue. Le G^n6ral devoic fe porter fur Arcate pour faciliter Ton retour. Ill'avoitpromisa M. deBufTy, & n'en fait rien. Heureufement ce brave Officier r^udit a- rejoindre Tarm^e: mais Arcate cefFe d'occuper le Gene- ral , & les Anglois s^y r^tabliflfent. Ce malheur avoit 6t predit par M. de Lally tres-clairement , & meme gaiement, pour aihfi dire , dans fa Lettre au Gouver- neur , du 9 Decembre 1759 : Les ennenils , ecrivoit-il a mon Oncle , ont pris Vandavachy qui ne nous appartenoit pas-. Us vont , je crois , reprendre Carangouly que nous leur avians enleve Fannee derniere : Us reprendront , fi vous voule^ ^ Create , dont je me fuls rendu maitre ily aquln'^e niOLS , fans qu'il en coutdt un fol a la Compagnle: eh blen , Chetoupet nous rejlera. Madras n^ en efl pas niolns puherlfe : Goudelour ^ Saint David , & Dlvlcotey n^en font pas molns rafes. Nous avons dans Thlagar une harrlere Inex- pugnable y & Pondlchery fera , avant qu'll folt un mols , a Vahrl d^un coup de main C'efl ainfi , MESSIEURS, que M. de Lally prophetifoit la prife d'Arcate , dontil regardoitavec raifon , neuf mois auparavant^Tabandon , commerabandon de toute la Colonie. Voila comment il s'en confoloit d'avance. Mon Adverfaire me demandera fans doute comment Je prouve que Tarmee Francoife etoit , avant fa fepara- tion en deux corps , fuperieure aux forces raffemblees de Tennemi ? Je le prouve par un raifonnement tres-fim- pie ; c'eft qu'elle etoit fuperieure aux memes forces apres 159 la reunion de ces deux corps. Mais oiitrouverla demonf^ tration de ce fait efTentiel , que la reunion de ces deux corps y je veux dire des divifions de Cheringham & de Vandavachy, rendoit notre arm^e fuperieure a celle des Anglois ? Oil la trouver , MESSIEURS? Vous prefTentez ma reponfe. A ma fource ordinaire ; dans les Lertres de M. de Lally. Le ^^ Janvier 1760 , il eft battu a Vandavachy: le 13 , le bruit s'en repand a Pon- dichery, & d'une fimple defaite , fait unc deroute & difperfion totale de notre armee. Mon Oncle n 'attend pas les nouvelles de M. de Lally, & lui mande aufTi-tot : Si ce malheur eft arrive , it ri'j a pas , Monfieur , a balancer _, (S' vous ne deve:^ pas perdre un inflant pour dormer ordre a toutes les troupes qui font a Cheringham de revenir ici fans perdre de temps, Cette Lettre eft a peine partie , que mon Oncle en recoit une du General , qui lui marque de Chetoupet Je refte ici pour ramajfer les debris de notre armee ^ & au moyen de Pabandon de Che- ringham , nous nous trouvons plus forts que nous n^etions auparavant.. Deux jours apres , mon Oncle ecrivir au ChevalierBazinV dans une Lettre que j'ai deja citee:.... jlu refte , Monfieur y il ne faut pas perdre courage ; que J^I. de Lally rappelle les troupes de Cheringham y & nous fommes encore plus forts que les Anglois Voila done un point de fait bien conftate, par Paveu meme du Ge- neral , que Tarmee etoit , avant fa feparation en deux corpsv, fuperieure a celle de Tennemi. Et c'eft au milieu de ces deux corps places afoixantelieues Pun dePautre j, au moment 011 les forces de Tennemi font rademblees > que M, de Lally laifTe libre aux Anglois ;, Pentree i6o d'Arcate , Pays fertile, precieux paries droits qu'il nous donnoit fur des Palcagars, & far-tout, tres-favorable a rapprovifionnement de Pondichcry. Or cette armce , fupcrieure en nombre a celle des Anglois , malgr(^ Techec de Vandavachy , n'a proteg6 depuis en aucune maniere , I'approvifionnement , grace au General qui, refteaPondichery , s'eft obftinea ne plus agir que par des mouvements retrogrades, & fembloit prendre plaifir a fe replier peu a pen fur la Ville devant des forces inferieures , malgre les inflances motivees de mon Oncle , qui n'a pourtant pas cefTe de s'occuper des fubfiilances. Et j'articuleexpreffement que les vivres rafTembles a la hate , durant Tintervalle de la defaite de Vandavachy au commencement du blocus , ne I'ont ete que par PeflTet des foins du Gouverneur qui les a tires de Karikal , des dependances de Valdaour , de Villenour, & des Aldces voifines de Pondichcry. Un autre fait que je dois dire , c'eft que le General avoit charge P.amalinga , ce nouveau Fermier des terres , de fournir Tarmee de vivres. Or le perfide , apres avoir vendu , comme je Pai dit , les vivres ramafk's dans les Aldces par les anciens Fermicrs, a tire de Pondichcry pour Parmee , toutes les fubfiflances , enforte que le General faifoit afTamer d'avance la Ville par Parmee. Ce n'efl pas tout, MESSIEURS : on auroit du reeler du moins la confommation de cette armce. Cela dependoit du General , il ne Pa pas voulu. Les ennemis qui nous r.e'fcrroient & nous coupoient les vivres, ne donnoient a leurs Soldats qu'une mefure de riz par jour ; les notres en avoient une mefure & demie. On fit i6i fit des reprefentations au General fur cet article. II n'a fait diminuer la ration dii Soldat que le cinqiii^me mois dii blocus , en Septembre 1760. Bien plus , il fe commettoit des abiis enormes dans la diflribution des rations. Le riz excedant la confommation reelle , fe vendoit tons Ics jours au Bayard , ou marche de Parmee pour le profit de tel ou tel , que le Proces , MESSIEURS , vous fera connoitre : le meme abus regnoit fur la vi?^nde : il s'etoit etabli publiquement une boucherie a Tarmee pour Texc^dent de la viande : & cet abus etoit fi cher a certaines perfonnes , que lorfqu'il ne fut plus pofTible de fournir journellcment la meme quantite de boeufs a Parmee , on les faifoit reniDlacer en tout ou partie les autres jours : de la vient , MESSIEURS, que vous vcrrez dans le conipte des boeufs , fournis par le fieur Panon , Garde-magafin des vivres , a certains jours,, des envois de vingt boeufs , a d'autres jours , des envois de foixante-dix & qu.atre -vingt. M. de Lally , avert! de ces abus , n'*a jamais voulu y faire attention ; & c'eft ainfi qu'il s'occupoit des vivres d'une Place relTerree par Pennemi. Au lieu de vivres , il vouloit de Pargent : & cet argent qui n'etoit plus verfe , depuis fon depart pour Madras , que dans la caifTc Militaire n'en fortoit que par fes ordres. II menacoit toujours le Confcil de la revoke des troupes faute de paie , & le rendoit toujours refponfable de la detreffe. On arrete une troifieme taxe fur les Malabares : le fieur Dubois , Intendant de Parmee , donne un etat exagere de la contribution qu'on pouvoit, difoit-il , en titer. Mon Oncle travaille a cette xr ]evce d'argent avec M. Courtin , Memhre du Confeil: mais il exige que rinrendant de Parmee foit temoin de leiirs operations , & le mette en etat d'attefter au General qn'on failbit I'impoffible pour fatisfaire ^ fcs demandes. Ces operations , commencees en Mai 1760 , durerent plus de deux raois. La levee produifit 140 mille roupies : mais cette fomme a difparu , comme toutes les autres , fur les ordres du General , fans aucua foulagement pour la Colonic. Cependant des Malabares fortirent de la Ville pour fe fouftraire a la contribution. lis laifToient des provifions chez eux. On auroit pu s'en alTurer , & ne pas s'occuper de ces malheureux fugitifs. Cette idee etoit bien fimple : la conftquence en etoit claire : plus de vivres pour la Place , & moins de benches a nourrir. Le General aima mieux faire battre le Tamtam , pour enjoindre aux Malabares de revenir , fous peine de voir leurs maifons vendues a Pencan. La plupart revinrent. Quandon parloica M. d^Lally de Tapprovifionnement, il difoit que cc ibin ne regardoit pas un General d'armte ; mais en meme temps qu'il etoit General , .n'etoit-il pas Syndic de la Compagnie , Commidaire du Roi ;, Prefident du Confeil ? Et s'il nV'toit pas tenu de travaiiler ^ dc concourir a rapprovifionncment^ dw moins ne devoit-il pas le traverfcr. C'efl poiirtant c.e qu'il a fait en toute occafion. Sa conduitc avec les MayfTouriens , appelles par lui au fecours de Pondicliery , en fera , MESSIEURS^ une preuve nouvelle , non moins affreufe que toutes les prc'ccdcntes. Permettez- moi J d'abord , de mettre fous vos yeux la calomnie 1^3 du General fur cet article contre le Confeil , & par confequcnt contre mon Onclc. Car le Confeil n'a pas fait une demarche , n'a pas figne tin afte , an fajet des MayfTouriens , que mon Oncle ne Pait fait on figne a fa tete. Le Comte de Lally , e(l-il dit dans fon Memoire , imagina de faire un Traite avec quelque Prince Noir. 11 eut recours a Aydern.eck , un des Chefs piincipaux des JUayJfouriens Cette negoclation fut fecrete pendant plus d^un mois. Mais it dtoit decide que le Confeil de Fundi- chery s^oppoferoit conjiamment a toutes les vues du Gene- ral , & feroit echouer par des motifs particuliers de vengeance & de haiae , les prcjets les plus avantageux a la Colonic. Lorf que le Confeil fat infornie du Traite que le Comte de Lally fe difpofoit t conclure , il s'emprejfa de le decrier par des difcours calomnieux Enfin les Majjfouriens arriverent a Pondichery. Le Confeil leur fit infinuer que le General devoit etre incejfamment rappelle , & que , lorfqu^il feroit parti, le Traite quHls avoient fait avec lui , feroit incejfam- ment annulle Enfin, le Comte de Lally efperoit , lorf- que la negociation fut conclue , que les Mayffouriens refie- rolent avec lui. Mais le Confeil leur infpira de nouvelles defiances , & fit une proteftation fecrete contre le Traite qu'ils venoient d^approuver par une Deliberation Deux jours apres , les Mayjfouriens partirent pendant la nuit , a Vinfu du G en era 1,0 rep riren t la route de leur p ays Telles font les imputations du General. Je ne crois pas, MESSIEURS , qu'il foit pofTible d'entafTer un plus grand nombre de calomnies abfurdes , audacieufes , &: plus litteralement dementies par des pieces ecrites , Xz 164 emanees de la main meme dii Coupable , qui , comme voiis Tallez voir , a trouve dans le fecours des Mayfroii- ricns , iin moyen de calomnier le Confeil , & d'afflimer Pondichery tout a la fois. Le Waquil d'Ayderneck rcfidoit a Pondichery. Ayder- neck avoit ete Chef de Cypayes dans nos armces. De- venu Dalvaye du MayfTour , il etoit connu des-lors ^ & n'a phis ete connu depuis que fous le nom d' Ayder-Alikam. Son Waquil fait des ofFres de fervice, on les ecoute : on entre en negociation avec Ayder-Alikam , & M. de Lally lui depute PAbbe Noronha , qu'il charge de fes Lettres , de celles du Confeil & de mon Oncle. Le Dalvaye du MayfTour exige pour fon Traite la de- liberation & la ilgnature du Confeil. En confequence , fes propofitions & les reponfes de M. de Lally font portees au Confeil. Ayder-Alikam promettoit des trou- pes , fans exprimer le nombre , ne promettoit pas de vivres , exigeoit une folde confiderable , & la ceffion de pluficurs Domaines de la Compagnie , entr'autres , de Thia2;ar, Fortereffe devenue tres-importante par la pofi- tion de Tarm^e Angloife en deca du Palear. Le General & le Confeil exigent que le nombre des troupes foit au moins de fix mille hommes , promettent les fommes demandees , fous la caution du Confeil exigee par Ayder-Alikam , dans le cas ou M. de Lally ne pour- loit pas renir fes engagements , promettent leThiagar, mais quand ra:mee Angloife aura repalfe le Palear , & ftipulentque le MayiTourien conduira fous cette fortereffe , oil le joindra un corps d'Europeens , quatre cents bauif's de trait pour trainer le canon _, & deux mille bauifs pour 165 * la fubfiftance de rarmee. Je ne dis pas , M E S S I E U R S , un feiirmot qui ne foit ecrit dans le Traite fignc par mon Oncle & le Confeil , le 30 Avril 1760. Ce Traite eft imprime dans la Correfpondance. Ayder-Alikam recoit les reponfes du General & da Confeil ; il depute des Waquils vers le General. Celui- ci tient avec eux des conference?. A ces conferences font appelles un Particulier de Pondichery , & PAbbe Noronha feulement. La , un nouveau Traite eft conclu entre le General Francois & le Dalvaye du MayfTour, fans la participation du Confeil , ni d'aucun de fes Mem^ bres , ni fur-tout du Gouverneur , que les inftru61:ions du Roi enjoignoient expreftement au General de conful- ter dans routes fes operations politiques. M. de Lally en convient lui-meme dans fa Lettre a mon Oncle du 27 Juin 1760 , dont il chargea PAbbe Noronha , ainfi que du nouveau Traite conclu entre Ayder-Alikam & lui. Ayder-Alikam exigeoit pour ce nouveau Traite la fignature du Confeil : & c^etoit pour ccla que M. de Lally Penvoyoit a mon Oncle : le Confeil s'affemble : il voit que ce nouveau Traite eft encore plus onereux a la Compao^nie que le premier : il voit qu'^on y c^de au Mayftburien , fans aucune referve , des a prefent _, fans nul egard a la pofition des Anglois y non-feulement le Thiagar^ mais toute Partillerie & les munitions qui s'y trouvoient , objet confiderable , & ft precieux dans les circonftances ; le Confeil voit enfin qu'il n'eft plus queftion dans ce nouveau Traite des quatre cents bceufs demandcs par le premier , pour trainer les canons . & i66 des deux mllle bcEi.ifs pour la fubfiflance de Tarmee : mais que faire ? Pondlchery etoit bloquc par ferre Sc par mer , fans efperance d^aucun fecours prochain ^ hientoc denue de vivres , fans arg^ent & fans reifource : le Ge- n^ral menacoit de rentrer dans la Ville avec les troupes des le lendemain , & depuis long-temps ne parloit plus au Confeil que de la difpofition continuelle de ces trou- pes a ia revoke. De plus , les troupes d'Ayder-Alikam , qui n'etoient pas loin de Pondichcry ,, menacoient de s n retourner , s'il falloit en croire la Lettre du General Francois a mon Oncle : enRn , le fecours des MayfTou- riens facilitoit a M. de Lally les moyens de faire en- trer des vivres dans la Place ; c^etoit Tobjet capital. Le Confeil fe decide : il recoit , examine , figne & garantit , en cas de mort ou de rappel du General , le nouveau Traite dans le meme jour , c'efl-a-dire , le 28 Juin 1760. Mais il drelTe incontinent , fans dcplacer , une Deliberation dans laquelle , apres avoir expofe la nature des confe- rences tenues par M. de Lally avec les Waquils d'Ay- der-Alikam y la qualite des perfonnes appellees a ces conferences , & tous les inconvenients du nouveau Traite conclu , arrete par M. de Lally , fans la participation du Confeil , ni d'aucun de fes Membres , il termine ainfi : Le Confiil , malgre toutes ces confi derations , cedant a la nicejjite ou il fe roit de fe Uvrer a la bonne foi & a la dlfcretion d^Ayder - Allkam , & rcflc'chiffant fiir la facheufe & deplorable fituatlon de cette Place bloqiiee par terre & par mer , fans efperance d\uicun fecours prochain , hlentot denude de vivres , fans argent & Jans rejfource ; falfant de plus attention au contenu diis Lettres 167 de AT. de Lally , qui nous menace , fi h Confell refufe de figner le Traite , de faire entrer fes troupes dans la Ville , qui feroit hientot expofee a tous les defordres , & aux horrcurs quUl y a lieu de craindre de leur difpofition continuelle a la rdvolte & de leur indij'cipline , qui preci- piteroient notre perte , fe refervant d^aiUeurs de donner plus de detail a tous les motifs ci-dejfus dans une Lettre particu^ Here a la Compagnie , qui fera jointe a la copie de la prefente Deliberation. II a ete delibere & arrete de Jigner ledit Traite , dont V execution doit au moins jaciliter a JVL, de Lally les moy ens de faire entrer des vivres dans la Place, ce qui ejl dans le moment prefent Vohjet le plus important pour nous ; & qu^il feroit enfuite remis a J\d. Dubois pour qu'il le renvoie a M^ de Lally , qui paroit prejje de le ravoir avec nos fignatures , que les Mayjfouriens exigent , empreffement auquel nous avons cru devoir nous preter dans la circonflance critique oil nous nous trouvons. II a ete de- plus convenu que la prefente Delibe- ration feroit portee fur une feuille volante & tenue fecrete ; qu^elle ne feroit enregiflree 5' fignee du Secretaire pour copie y qu'apres le depart de M. de Lally , s^il a lieu , & qu'elle feroit tranfcrite a la fuite des Deliberations qui pour- ront etre pa fees d'^ici a ce temps-la. Fait & arrete en la Chambre du Confeil Superieur , a Fondichery , lefdits jour & an que de/fus. Signe , &c. Tel efl , M ES S I E U R S , le titre fur lequel M. de Lally fe fonde,pour ailiirer que le Confeil faifoit infinuer aux Mayffouriens , que le General Francois feroit incef- famment rappelle. Maladroite calomnie ! La garantie llipulce par le Confeil^ en cas de mort ou de rappel du i68 General, eft au bas da Traitc meme renvoyeaii General par le Confeil. Si M. de Lally rcgardoit cette garantie comme uneinfinuation de Ton prochain rappel, pourquoi la foiifFroit-il ? Mais il ne penfoit pas dans I'Inde ce qu'il a dit dans Ton Memoire. En effet , c'eft par lui-mcme que mon Oncle a fii que le MayfTourien exigeoit la fignature dii Confeil , en cas de mort on de rappel dii General. Le General a ecrit au Gouverneur deux Lettres au fujet du Traite : Tune le 27 , & Pautre le 28 Juin 1760. Et dans la derniere Lettre voici comme il debute M. de Noronha fe charge _, Monfieur , de vous apporter la copie , mot pour mot , du Traite que je viens de conclure avec Ayder-Allham , & dont il demande ^execution de la part du Confeil , fi je meurs , ou fi je pars. Pas un mot de plainte dans cette Lettre fur les infinuations , pas un mot dans les Lettres injurieufes , dans les expofes calomnieux , ecrites a mon Oncle , ou cumules depuis par le General , fur le regiftre des Deliberations du Confeil , avec de- fenfe a la fin au Greffier d^ rien infcrire de la part du Confeil , fous peine de la vie. Enfin , ces pretendiies in- finuations ont-elles empcche le General de conclure ce Traite avec Ayder-Alikam , de le conclure feul ? Lui- meme nous Papprend : le Traite que je viens de conclure avec Ayder-Alikam _, ecrit - il a mon Oncle. Comment done a-t-il ofe parler en France d'infinuations contraires a ce Traite de la part du Confeil, qui n'avoit pas meme hefite dV foufcrire ? Peut-on , M E S S I E U R S , poufTer plus loin dans des Memoires Taudace du men- fonge ? Mais _, ajoute le General dans fon Memoire , on pent dire 169 Mre qu^ii efl fans exemple quhtnc ncgociation alt eti ter-^ minee de cette mamere dans PInde , parce que Ics Nolrs , dans les diffe rents Traites auxquels lis s'obligent , ne recon- noijfent jamais qu^un Chef Europeen , & font dans Vufage de contracler avec luifeul....,LQ contrsLire , MESSIEURS, n'^toit pas fans exemple. Les Regiflres du Confeil en contiennent plus d'une preuve du temps meme de M. Dupleix , a roccafion des Traites conclus avec Mouzafer- zingue , & Ton fils Salabetzingue , au fujet du Dckan. II efl: feulement vrai qu'en general , la fignatare du Chef Europeen fuffifoit aux Noirs. Mais il falloit que ce Chef fut un autre homme que M. de Lally , connu par Ton mepris marque en toute occafion envers les Noirs , par fes Lettres infultantes , non- feulement a Mafouskam , Tun de ces trois Princes Maures , freres , mais ennemis de Mahamet-Alikam , Si. que fes inilrucl:ions lui prefcri- voient de mcnager tous trois ; mais a Salabetzingue lui- meme , Souha du Dekan : par Taccueil impudent , ( je n'ai pas d'autre terme pour Texprimer ) , par Paccueil im.pudent qu'il fc plaifoit a faire aux Indiens , c'eft-a- dire aux habitants du globe les plus jaloux des bien- feances , & qu'il recevoit , nud , fans chemife , dans ua ^tst , avec des manieres que la pudeur publique m'em- peche de reveler ; mais dont les honteux details font au Proces. Les Lndiens , MESS lEU RS , ne pojvoient pas s'imaginer qu'un homme qui les recevoit avec tant de mepris , put les traiter avec fincerite : ou qu'un homme dont la conduite etoit fi folle en apparence , ne fut pas un jour defavoue par fon Roi : il falloit fur-tout que le Chef Europeen , pour meriter la confiance des Nature!.^ ^ y 170 ne flit pas connii, comme Petoit le General Lally , par fes perfidies & fes lachetcs an Tanjaour , a Madras , a Vandavachy , envcrs fa Nation , envers nos Allies , & notamment envers rinfortiin^Mouzaferbek^dont j'ai deja parle _, General Maure , dcvoue aiix Francois , qu'il avoit laiiTe perir fans fecours , liii & toiite fa famille ^ en Avril 17-59 , dans la pagode de Cangivarom , ou la plus longue & la plus vigoureufe defenfe ne Pa pas empeche d'etre abandonne fciemment aux Anglois, qui Pont egorge,lui & les fiens , & fe font fait un point d'appui de cette pagode , fortifiee pour barrer les operations du Ge- neral Francois devant Vandavachy , comme ils s'en etoient fait un contre ^expedition du Tanjaour , de Cheringham, que le General avoit ^vacue , malgre I'avis du Confeil ; & , contre le fiege de Madras , de Chia- guelpet , que le General n'avoit pas voulu prendre, Mais de quelle indignation ne ferez-vous pas faifis^ MESSIEURS, en approfondiffant la derniere ca- lomnie du General contre mon Oncle , & le Confeil , au fujet du Traite avec les MaylTouriens ? Le Confeil hur infplra , dit M. de Lally dans fon Mcmoire , de nou~ velUs defiances , & fit une protefiatlon fecrete centre le Traite qii^il venoit d^approuver par une Deliberation Deux jours apres , les Afayjfouriens partirent pendant la nuit , a Pin (It du General , u' reprirent la route de leur pays Qui ne croiroit un fait expofe avec tant d'afiTu- rance? Cependant , MESSIEURS , le fait eft abfo- iument faux. Je ne nfarretcrai pas l\ vous reprefenter que la Deliberation du Confeil , qui n'etojt pas une prorellation contre Ic Traite ;, niais une explication de {a. propre conduite , ^tolt reftee fecr^te : que le Confeil avoit pris les plus fortes precautions pour qu^elle fut ignoree , meme du G6neral^ qui n'a jamais garde le fecret dans rinde fur la fituation de nos affaires : que ces pre- cautions ont r^ufli : que le fecret n'a point ete trahi : que le General Lally n*ofe pas en donner le moindre indice ; & qu'enfin il paroit par une des notes de fon Memoire , a Particle des K^ayffouriens , qu^il n'a fu lui- meme I'exiflence de cette Deliberation fecrete , que par les d^pofitions de plufieurs Temoins. Je ne m'arreterai pas , MESSIEURS, a ces obfervations. J'irai droit a la preuve qui demafque la calomnie , & cette preuve fera I'hiftoire tres - courte, mais tres-exafte , jour par jour , de la marche des Mayffouriens. lis font arrives au nombre de deux mille Cavaliers , que mille autres devoient fuivre de pres avec trois mille Fantaflins , le 24 Juin 1760, a Villenour , poilie Francois a trois ou quatre lieues'de Pondichery. La, ils ont campe. Ayder-Alikam leur avoit donne ordre de ne pas remuer que le Traite ne fik fio;ne. Ce Traite eft conclu entre les Waquils d'Ayder - Alikam & le General Francois , dans Tintervalle du 24 au 28 du meme mois de Juin. Le 28 il eft porte au Confeil, qui le figne & le garantit dans la meme journee. Dans la nuit du 28 au 29 , la Cavalerie Mayffourienne part en efFet a Pinfu du General : il en temoigne de la furprife & de Pinquietude : mais une heure apres les W'^aquils paroiffent , & difent que cette Cavalerie eft allee a Parinory , non loin de la , chercher des boeufs , dont -eux Waquils s'engagent a fournir quatre mille pour y 2 17-^ la Place , avec d'autres provifions meme avant la cefliom de Thiagar. VoM le prctexte de la fable imaginee par le General fur le depart des MayfTouriens. Leur Infanterie n'c^toit pas menie arrivee : bientot apres leur Cavalerie reparoit ^ fuivie de I'lnfanterie ; & route leur armee arrive fur les glacis de Pondichery ^ le 19 Juillet, a fept heures du foir , apres avoir battu , au pafTage du Ponhear , riviere pres Trividy, un deta- chement de trois cents Europeens , deux mille Cavaliers Maures , & trois mille Cypayes , envoyes au-devant d'elle par les Anglois. L'armee JVIaylTourienne etoit fputenue par un detachement de deux cents cinquante Francois , fous les ordres du fieur Mariol , Capitaine au Bataillon de Plnde , qui fe diuingua dans cette occafion comme a fon ordinaire , & ne s'arreta point a faire prifonniers les trois cents Anglois , fur Tavis que lui donna Makdoum-Saeb , le General des MayfTouriens , quUl falloit arriver promptement a Pondichery, & qu'oa difoit Vilienour alliege par les Anglois , & meme pris. Cette nouvelle , MESSIEURS, etoit prcmaturc^^e, mais n'a pas tarde a fe realifer. Nous avions un camp fous Perimbe, les ennemis s'en etoient empares le 17. Le meme jour iis envoient deux cents hommes inveflir le Fort de Vilienour. M. de Lally ne daigne pas meme s'aiTurer de leur pofition.On le prelFe de fecourir Vilienour : plufieurs OfFiciers lui propofent de s'y jetter avec des troupes & des vivres : il fait des difpofitions , & remet I'exccution fous diffjrents prctextes. Makdoum-Saeb ^^ ce Gcncial des MayfTouriens ;, arrive- le 19 au foir , ^73 propofe a M. dt Lally d'aller le lendemain , a la pointe du jour, attaqiier les batteries des cnnemis, le General Francois difFere, II penfe a donner im bal au Chef MayfToiirien , ordonne a mon Oncle d'en faire faire les preparatlfs : il fallut obeir. Ce fait horrible a la fcis & ridicule, eil exa(fl: a la Lettre. II s'efl: palTt' le 19 Juillet 1760 , jour de I'arrivee des MaylTouriens , jour de la propofition de leur General au notre , d'aller attaquer le lendemain les batteries des ennemis k Villenour , jour des delais afFefles de M. de Lally , fur cette offi-e genereufe de Makdoum - Saeb. Et le lendemain 20 , on eut la douleur de voir , de Pondichery ^ le pavilion Anglois flotter fur le Fort de Villenour. La Ville etoit plus refTerree , mais le bal n'en fut pas moins donne : & j'obferverai a la Cour , que , durant cette fete odieufe , le General lailTa prefque tous nos poftes exterieurs fans Officiers. On s'etoit attcndu que les MaylTouriens nous ap- porteroient des vivres : ils nVn avoient pas nieme pour la fubfi fiance de leur aimc'e : mais ils avoient amene avec eux deux mille quatre cents bceufs. Le fait eft prouve au Proems , par une foule de tcmoins , & notamment par les fieurs Mariol & Colomhel > revenus du Thiagar avec les Mayffouriens. Ces deux Officiers ne comprenoient pas pourquoi ces bcufs n'entroient pas dans Pondichery. Le fieur Panon^ Garde- magafin des vivres, fe rend au- camp des MayfTouncns, achete autant de ces bosufs qu'il peut trouver ; rnais le. tout fe rcduit a deux cents cinquante. Le refte da ccnvoi difparoit : & c'eft ici la feconde fois que je parle de' ^74 conjecTciires. Mais le Proces donne tres-fortement lieu de conje61:urer que M. de Lally avoit pr^f^re a ce convoi de boeufs, fi necefTaire, une fomme de zo mllle roupies ,que Makdoum-Saeb en a parle depuisla prife dePondich6ry , en prefence d'Oliiciers Francois, avec autant de m^pris que d'indignation , & que cette afFreufe negociation s'^toit faite par rentremife de ce Moine Portugais , Noronha , qui fe difoit Eveque d'Halycarnaffe fans Tetre , homme note dans les Bureaux du Marquis de Puifieux , ainfi qu'a la Police de Paris , comme le plus vil des intrigants , & que M. de Lally employoit par- tout , de preference meme a M. de BufTy , qui , depeche vers les Marattes par M. de Lally , s'ell: vu contrarie, dcfflvoue aupres d'eux , par Noronha , de la part meme du General. Quoi qu^il en foit , les MayfTouriens manquant de vivres , & vivant aux depens de la Place , c'etoit une raifon pour marcher promptement a I'ennemi. Makdouni- Saeb en prefToit le General : le General n^en veut rien faire. On lui fait imaginer & goiiter un projet de fur- prife fur Madras ; il s'en occupe , envoie a cet effet toute la Cavalerie blanche , & huit cents hommes d'elite de la Cavalerie MayfTourienne. Le detachement fortde Pondichery fans etre inquiete ; preuve certaine que le blocus n'etoit pas encore complet par terre. II ne Pa jamais ete , MESSIEURS., c'eft une verite demon- tree au Proces , le fieur Allen peut Pattefler avec moi , puifque les MayfTouriens , apres leur depart, Pont joint tranquillement pres de Gingy : mais revenons au deta- chement envoye fur Madras. Peu apres fa fortic , dans la journ^e dii i Aoiit , M. de Lally eft averti que Tennemi devoit faire ime attaque dans la nuit ; il ordonne qu'on tire deux fufces dii haut du GoLivernement ^ on les tire: les ennemis en font titer trois de leur camp ; & dans la nuit du 2 au 3 , un peu avant quatre heures da matin , le Jardin de la Com- pagnie a Oulgaret eft attaque: c'etoit un de nospoftes ; alors M. de LaTy propofe a Makdouni-Saeb afToibli par le depart de fcs meilleures troupes _, de marcher a I'ennemi. Makdoum-Saeb repond qu'il eft tout pret , mais il demandc des troupes Europeennes pour le fou- tenir. M. de Lally les refufe , il prend droit de la demande du Chef des MayfTouriens ^ pour dire haute- ment qu'il ne peut rien faire de ces Indiens , qu'ils ne veulent pas fe battre ; & ne donne aucun ordre pour la defenfe du Jardin d'Oulgaret, M. de Landivifiau fe tranfporte a Parmee _, trouve les Soldats qui deman- dent qu'on les mene a Pennemi , qui font prets a le faire , que leurs Oiiiciers arretent. On attendoit lesordres du General ; ces ordres n'arrivent pas. Heureufement Tattaque ne reuftit pointy par le courage de nosCypayes, & I'ennemi fut repouffe. Mais le General qui fe plaignoit qu'on ne pouvoit rien faire des Mayifouriens ;, qui ne vouloit en efFet en titer aucun parti ^ s'obftinoit pourtant a les garder. Ces Auxiliaires , rendus inutiles , confumoient nos vivres , & leurs chevaux periftbient d'inanition fur les ghxis de Pondichery. A la fin , le Confeil fe determine a remon- trer au General leur inutilite : (^ue leur pre fence devenolt mime funejle par leur confommation ^ que cependant 11 Jhvii T76 dffc ] par teiir mo'ycn ^ de [aire cntrer Jes vtvres dans la Place , & mime de Its couper aux ennemts dans leur camp ; qu*une ch-ofe certavie an vu du Confeil & des Habi- tants , etolt que de petlts detachements fortoient toujours par le Nord & par le Sud des limites , alloient & venoient de Pondiche'ry a Glngy fans etre znquietes. La Lettre dOt Confeil ell di\ 13 Aout 1760: on I'envoie au General: le General ne veut feulement pas la lire, il la renvoie , accompagnee d'un Ecrit calomnieux , adreffe au ConfeiL En meme temps , il fait appeller mon Oncle , & lui pro- pofe de tomberfur lecamp des MayfTouriens , nos Allies , nos Aiixiliaires , de les malTacrer , & de s'emparer des chevaux & des boeufs qui leur reftoient. Mon Oncle , eomme vous penfez, MESS lEU R S, rejette bien loin cette idee horrible. Le General n^ofe pas Texecuter ; niais il s'obfline a garder les MayfTouriens. Makdoum-Saeb ne pouvant pas faire confentir le Ge- neral Francois , foit a Pemployer , foit a le laifTer partir , prend enfin fon parti. II decampe dans la nuit du 14. au 15 Aout , en promettant qu'il reviendroit bientot avec un convoi de vivres , & prend la route de Gingy , pour s'y joindre au corps d'elite inutilement detache de fa Cavalerie fur Madras. La il rcunit fes forces a celles du fieur Allen qui commandoit pres de Gingy cinq ou fix cents hommes , & qui prend le com- mandement de toute cette armee , pour efcorter depuis Gingy jufqu'a Pondichcry , un convoi de riz & de boeufs afTez confidcrable. Cette expedition n'a pas r^ufli. Je fuis tres-eloigne d'imputer le defaut de fucces au fieur Allen : j'aime a penfer qu'il a fait fon devoir. II sV-toie montrd montre jufte a PAudience , en defavouant d*abord pac fon filence, au moment ou je I'en ai fomm(^, enfalte par une declaration formelle de Ton Dcfenfeur , qiiand il a vu que j'infiftois , les imputations equivoques d'injuiHce que ce Dcfenfeur a cru pouvoir fe permettre devant vous , MESSIEURS, au nom du fieur Allen, con- tre mon Oncle. Mais apres ce d^faveu, que dire duPiai- doyer que m'a fait fignifier le fieur Allen ? Comment foufFrir cette reticence injurieufe r^paree a PAudience ,. mais renouvellee a Pimpredion , par laquelle le fieur Allen femble me faire grace , en m'affurant que fi nous etions feuls , il me dlroit pourquoi mon Oncle & moi ne fom. me s pas intervenus av ant P Arret de ij66? Je difpenfe le fieur Allen de tout management, je le releve de tout fecret , je le fomme de s'expliquer ou de defavouer fon Defenfeur ; & j'imagine qu'il ne m'obligera pas a le preffer fur cette reticence calomnieufe. Par exemple , M E S S I E U R S , je fuis tres-sur que le fieur Allen ne changera pas un feul trait au ta- bleau que j'ai mis fous vos yeux de PafFaire des Mayf- fouriens, & qu'il me laiffera dire tranquillement; voila le fidele tableau de cette affaire, voila par quelles ma- noeuvres indignes , abominables , forties d'un coeur afiez feroce pour concevoir le projet de piller , de maf- facrer fes Allies , voila , dis-je , par quelles mancEuvres ce fecours des Mayifouriens , qui devoir fauver laVille a tourne contrelle. Voila comment un homme dont les fiecles futurs auront peine a croire Pexiflence, a trouve dans un fecours favorife par le Confeil , des pretextes pour le calomnier , & dans un moyen indubitable d'ap- Z provifionner Pondich(fry , le moyen de raffanier. Mais fur quel pretexte le General s'appuyoit-il, paur ne voLiIoir pas meme lire la Lettre dii Confeil au fujet des Mayffouriens? II en invoque deux dans cet Ecrit du 13 , remis le 14 a dix heures du matin: Le Confeil s^efi ajfemhle , fans la permifion du Ctneral j, & fans celle du Goiiverneur fon Prefdent , premier pretexte : Le Confeil a rcfyfe a main armee d^oheir a tons les deux dans une cir- con fiance interejfante , fecond pretexte : & de la M. de Lally conclut que le Confeil s'etoit revoke contre I'au- torite du Roi & de la Compagnie , leur devoit dcs excufes ; & quand le Confeil aura fait fes excufes , je lirai la Lettre qu^il m'a fait Vhonneur de m^ecrire C'efl ainfi que le General s'exprime dans I'Ecrit du 13 Aout Oril calomnioitdoublement le Confeil r premierement ^ on avoit arrete pour pretendu crime de leze-majefte^ & remis entre les mains du Prevot de Tarmee , le fieur Berthelin , Habitant de Pondichery , qui tient un rang ceiebre entre les vi^times de Pavarice & de la cruaut^ du General. Le Confeil ne croit pas que Pauaii-e foit dc la competence du Prevot : tous les Membres de cette Compagnie ne s'affemblent pas entr'eux , comme Pa dit le Genera] , mais fe rendent chez mon Oncle , & lui font des reprefentations fur les Procedures commencces par le Prevot , avec priere d'expofer , foutenir , faire valoir les droits, & fur-tout le zele du Confeil aupres d'u General. Mon Oncle ecrit en confequence au Ge- neral le 17 Juillet 1760; &c'eft , MESSIEURS , cette demarche du Confeil envers mon Oncle , que le 179 ^ General appelle dans fa Lettre a cclul-ci , dii 14 Aout I'jSo, une levee dehoucUers contre leGouverneur lui-mime ; & dans fon Ecrit du 13 ^ une ajfemhlee tenue fans laper^ mljjion du General , & fans celle du Prefident. All furplus , ou M. de Lally prenoit-il qu^une Cour Souveraine dependoit de fon Prefident pour s'afTem- bier ? Ce reproche ;, dementi par le fait , peut fervir , MESSIEURS, a vous faire juger des fentiments du General : & vous n'en verrez que trop tot le trille efFet. II a fini par defendre au Confeil de s'afTembler. Et le Confeil a eu , je dirois la foibleffe d'obeir a cet ordre, s'il n^avoit pas fallu menager un furieux qui menaeoit de le faire faccager , d^en faire pajfer plufieurs par les armes. Nous en viendrons inceffamment a ces horreurs. PafTons au deuxieme pretexte de PEcrit du General. II accufe le Confeil de s'etre revoke contre lui 6c -mon Oncle. Je vais , MESSIEURS, vous inftruire de cette pretendue revoke , arriv6e le %o Mars 1760. Le 18, ordre qui court par toute la Ville, aux Habi- tants , Employes, Topas & autres , de fe rendre le 10, avec leurs armes , fur la Place du Fort , fous peine de punition. Le 19, on parle au Confeil de CQt ordre. Le Confeil, qui preifentoit Pevenement , prie mon Oncle de faire a M. de Lally dts reprefentations fur cet ordre , en ce qui touchoit les Employes , qui, faifant corps avecle Con- feil, par les conftitutions de laCompagnie , doni: M. de Lally avoit connoifTance , ne pouvoient ainfi que lui , mais avec lui feul ,& feparement de toutes les troupes , etrc pafTes en revue que fur la Place du Fort. Mon Oncle alloit fe rendre chez M. de Lally, lorfqu'il voit arriver Z 2 le Baron de Cecaty, Major des troupes de Plnde, qui lui dit : ^we Pintendon du General efi de pajfer les Inva- tides , les Employes , les Habitants, les Top as , les Cy- payes , en revue le lendemain , fur les glacis de la Forte Madras , que Vordre en etoit donne. Le Baron de C6- caty avoit deja fait au General des repr^fentations inu- tiles au fujet des Employes. Le General s'etoit mis en colere ; il avoit repondu : que ceux qui n^obeiroient pas feroient mis au cachot. Sur ce rapport, mon Onclefentit bien qu'il ne gagneroit rien fur Pefprit du General , & r^folut de s'immoler lui-meme. II fait dire aux Employes, par celui d'entr'eux qui faifoit les fondions de Major , quHl fe rendroit avec eux le lendemain matin , a la Porte Madras , & qu'il penfoit qu'aucun ne feroit difficulte de le fuivre quand bien mime il feroit necejfaire dialler jufqu' aux glacis, Le lendemain io, les Confeillers & les Employes fe rendent fur la Place du Fort ; ordre de mar- cher au rendez-vous general : reponfe du ConCcil , qu'il ejl a fa place , que M. de Lally peut les y pajfer en revue , & qu'ils n^iroient pas plus loin, Nouvel ordre de M. de Lally de fe rendre a la porte Madras , & que la il avoit des ordres du Roi a leur faire (ignifier. Vous fa- vez , MESSI EURS , que les oppreffeurs publics abufent toujours de ce nom facre. Nouvelle reponfe ap- portee par le Major ,qu^aucun ne veut marcher. Mon Oncle defcend en bas , & leur dit : ( pardonnez , MESSIEURS , a fa memoire, s'il adiffimul^ en cette occafionla verite) qu^on les appelloit a une ajfemblee de la Nation , qu^on n^obligeoit pas les Confeillers a marcher, & qu^a Pegard des Employes ^ lui Gouverneur fe mettroit a leur tetc, Les i8i Confeillers ne prennent pas le change ; ils repetent ce qirils avoient fait dire a M. de Lally ^ que les Employes faifoient corps avec le Confeil , qu'ils ne devoient pas marcher les uns fans les autres : aujourd'^hui une revue de Commijfaire , demain on nous fera marcher a Venncmi avcc les foldats : hientotnousferons ajfujettls atoutes les Ordonnanccs militaires. Les Employes etoient en fermentation ^ & crioient a haute voix qu'ils ne marcheroient pas ; le Gouverneur remonte chez le General, ;& lui fait part de ce qui vient de fe paffer. . Apres un moment de reflexion , le General expedie un ordre , pour faire venir au Fort une Compagnie de Grenadiers de Lorraine & de Lally ; il ordonne en meme temps qu'on mette au cachot le premier de cha- que ordre des Employes; & M. Guillard , le premier des Confeillers , en prifon. Mon Oncle lui reprefente ^ qu'avant de fe porter a cette extremite , il paroifToit convenable d'appeller & d'ecouter le Confeil. Le Confeil eft appelle ; M. de Lally , avant de Pecouter , traite fon action de revoke : le Confeil reitere fes reprefenta- tions , qu'il eft pret d'obeir en tout ce qui pent avoir rapport a leuretat;le General replique qu'en qualite de Commiffaire du Roi , il eft maitre de les affembler en tel endroit de la Ville qu'il juge a propos. M. de la Sellc , Confeiller , prend la parole , il s'exprime avec chaleur r aufli-tot le General le fait conduire en prifon , efcort^ par quatre Gardes. On y conduit audi M. Guil- lard, un vieillard fexagenaire , le Doyen du Confeil, Apres quoi on veut prendre le premier de chaque Or- dre des Employes , pour les trainer au cachot , dont M,. de Lally faifoit la prifon ordinaire de cette claHTe dc Citoyens. Quelques-iins des Employes fe prcfentent , afpirant a Thonneur de fouffrir pour leurs camarades. Mais n'etant pas les premiers , on rejette leurs offres , & comme on ne peut pas , dans cec inflant , verifier les rangs dii Tableau , Tordre n'a point lieu. Les Employes attendent fous la Halle du Fort que leur fort foit decide. Al. de Lally tarde a defcendre ; deux d'entr'eux ont I'imprudence de monter au Gouvernement , de fe rendre auprcs de Tappartement du General ,& d'accofler quel- ques Officiers. On les fait remarquer a mon Oncle- , q,iu , fur le champ , les fait retirer : mais il n'etoit plus temps. On venoit de les deferer a M. de Lally , & de lui perfuader qu'ils etoient la pour ecouter. L'un d'eux , le fieur S. Marceau eft fur le champ conduit & lailTe au cachot des foldats , les fers aux pieds &; aux mains. L'autre , nomme le Comte , a ete arrete le len- demain & conduit au Fort. Enfin , le General defcend , appercoit les Employes , court fur eux le fouet a la main , les traitant de rebelles , & leur ordonne de fortir du Fort , apres les avoir fait defarmer par les Grena- diers de Lorraine : violence executee avec tant de confufion _, que plufieurs fufils de prix , appartenants a ces Employes , ont ete perdus. J'ignore combien de temps a dure Temprifonnement de M. de la Selle , qui fut conduit a Valdaour. M. Guillard , rctenu au Fort de Pondichery , n'a point eu d'autre table que celle de M. de Lally : on Ta mis en iiberte le 25 Mars. A regard des fieurs le Comte & S. Marceau , r83 ils oni 6t6 conduits le lendemairi , par ordre du Ge* neral , furies plus hautes montagnes de Gingy , lieu tellement peftilentiel par fes mines de cuivre , qu'on re- levoit toutes les trois femaines au plus tard , la garni- fon da Fort , & que , par fa Lettre du zj Juillet 1758 , mon Oncle reprefentoit au General , qu^envoyer des pri- fonniers Anglois a Gingy , dans un air fi mauvais ,c'etoit en expojer la plus grande partie a une mort certaine. Ccs confiderations n'arretent point le General. Les fieurs le Comte & S. Marceau font menes a Gingy , tous les deux bien portants. Le dernier y meurt au bout de quelques mois , des fievres contagieufes du Pays , fans qu'on ait pu obtenir fon rappel du General. L'autre I'obtient , mais il etoit mourant : la verite m'engage a dire qu'il n'en a pas perdu la vie. Vous verrez , MESSIEURS, les details de cette vexation au Proces. Telle eft la pretendue revoke du Confeil , dont M. de Lally fe prevaloit pour ne pas lire la Lettre dc la Compagnie au fujet des MayfTouriens. Apres le depart de ces Indiens , mon Oncle reprend aupres de M. de Lally la propofition d^une alTemblee nationale , deja faite par lui au General , quelques jours auparavant. M. de Lally refifte encore ; mon On- cle infifle: a la fin , M. de Lally fe rend, & TafTemblee nationale eit convoquee pour le 18 Aout. Elle devoir fe tenir , & s'eft tenue en effet au bas du Gouvernement. Le General y fait venir deux Compag^nies de Grenadiers. On jugea qu'il ne vouloit pas que les fufTrages fuifent libres. L'aiTemblee formee , il s'y rend , entoure de fes Gardes , & fait lire un Expofe par ecrit , dans lequel i84 11 affiire que Poncllche'ry n'^eji Jans duciine efpece de dan- ger , que Papprovifionnement n^efi pas l^objet le plus prejfe , qu'on a de quoi nourrir 6' payer le foldat jufqu'a P arrive c de la Flotte , ^ que [on avis e/l que Vcijfemhlee dellhere par preference fur les moyens de falre toucher dans le mo- ment un demi-mois de folde a POfficler. II ne manque pas , comme a Ton ordinaire , de rendre les Habitants fufpedls de trahifon , & d'accufer mon Oncle d'indifFerence a i'approvilionnement , en annoncant , contre la verite , qu'il exifloit trente Lettres par lui ecrites a mon Oncle pour cetobjet. Eniin il fe retire , laifTant les fieurs Durre l recire du pofte en queftion cent hommes : les ennemis I'atta- -quent, s'en emparent , entrent dans nos limites , tour- nent contre la Ville nos canons lailfes dans ces limites. Deux jours apres le fort d'Ariancoupan efl abandonne , nos troupes rentrent dans la Ville , le blocus ell relTerre , la mifere augmente , &la fureur du General contre cette Ville infortunce , s^accroit de plus en plus. Le ficur le Maintier , OiTicier de I'lnde , arrive a la tete d'un foible detachenient , avec un convoi de bceufs _, jufqu'a la riviere d'Ariancoupan , prefque fous les murs de Pondichery : il etoit attendu : le General Pavoit prevenu qu'il trouveroit du fecours pres la ri- viere : le f eur le Maintier donne avis a M. de Lally de fon arrive e ; M. de Lally n'envoie pas le fecours prom is : le fieur le Maintier eft attaque , il fauve fon detache- nient , mais Ic ccnvoi eft pris, Qtt Oflicier eft un des tcmoins. Une mefure de riz etoit tout ce qu'un homme pouvoit 187 manger par jour : les Soldats en avoient une mefure & demie : M. de Lally n'a jamais voulu les redaire a la mefure plutot que le 6 du mols de Septembre 1760, fixieme du blocus. II a fallu en venir depuis a des dimi- nutions fucceflives de la ration du foldar. Mais celle pra- tiquee en Decembre eft remarquable. Le General aiTem- ble les Sergents fans les Oificiers , leur declare que , malgrd les inftances des habitants qui nc fe foucioient que de leur commodite & negligeoient les Militaires , il ne retrancheroit rien a la ration des Soldats ; & lelendemain il fait diminuer la ration de moitie : les Soldats ne vou- loient pas la recevoir. La prudence des OfBciersles yfit confentir. Le fait eft prou\^e au Proces. En O^lobre mon Oncle propofe au General raflemblee d'un Confeil mixte pour fupplcer au Confeil Superieur, avec lequel il ne vouloit plus communiquer. La pro- portion eft acceptee : le Confeil mixte eft afTemble le 9 : cela eft prouve par la declaration de M. de Lally au Confeil Superieur, du i^ Odobre , imprimee dans la Correfpondance. On recoit une lettre du General , qui fe foumet d^avance a toutcs fes declfions , & le conjure de s^occuper uniquement des moyens de prolongcr la reddition de Pondichery. On propofe dans ce Conf-il la formation d'un Comite , compofe de mon Oncle , Prefident, de MM. de Landivifiau , Brigadier, Jumilhiac ' & de Mefmes , Colonels , Dubois , Intendant deParmee, de Moracin & Courtin, Confeillers _, Durre, Lieutenant- Colonel , & Lagrenee , faifant les fondions de Secre- taire. Le General y confent : cela eft encore prouve par la meme declaration du General au Confeil Superieur^ Aa 2 i88 dii I "J. Le Comite fe forme, s'afTemble chez mon Oncle , ne deiibere que lur rapprovifionnement , arrete que les Nolrs inutiles fe retireront de la Ville avec leurs effets , mais fans vivres , & que M. de Lally feroit prie d^ordonner un detachement pour favorlfer leur pajfage : qu^apres leur fortle y il feroit fait par le Comite une nouvelle fouille dans toutcs les maifons Malaharres ; que tous les autres habitants feroient invites a donner une declaration exacle de tous leurs vivres , & qu^il feroit fait enfuite un recenfement general de tous les habitants , tant B lanes que Nolrs. Tel fut le premier arrete du Comite. II continue a s'afTembler ; il ordonne une declaration exadle , par tous les habitants , des vivres qu'ils avoient , foit chez eux , foit a leur difpofition , ainfi qu'une fouille exadle dans routes les maifons , par quatre OfHciers , & par quatre Employes : fes foins reudiiTent , en peu de jours des vivres font raffembles pour trois femaines , douze cents rations inutiles font fupprimces r toutes les Deliberations etoient communiquees a la fin de chaque feance au General. Ces affembl^es lui deplaifent : il s'exhale en injures contre le Comit^^ le compare au Comit^ de Cromwel ; tous les Membres du Comite, inquiets, fe tranfportent chez le General , & lui demandent s'ils doivent continuer leurs affemblees ; le General fe repand en propos ofFen- fants , traite les Militaires avec duret^ , accable d'inve(5lives le Confeil & mon Oncle , & declare enfin qu'il n'a plus befoin du Comite. Chacun fe retire 9 le Comit6 eft rompu , les rations fuppriraees font r^tablies^, & leur nombre eit augmente ; une fouille arbitraire & gen^rale , par la voie des Soldats , eft fubftitu^e a la 189 declaration dcs vivres , a la fouille paifible des qiiatre OfH- ciers& quatre Employes , & d^g6nere en pillage : on ne fait pas fortir lesNoirs : on les chafTe , fans apniiyer leur fortie par un detachement ; les iins s'echappent a travers les pofles ennemis : quelques-uns meurent de faim , entre le feu des Anglois & les murs de la Ville , a la vue de leur trifle patrie : d'autres font admis a rentrer dans la Ville par d'autres portes , pour de Pargent , au moyen de billets imprimes , connus du General : ils entrent , volent a leurs maifons, & les trouvent devaflees ; tout cela eft prouve au Proce^. A peu pres dans le meme temps , au mois d'Oflrobre, un Noir de Pondichery , Domeftique ou Prifonnier au Camp Anglois , Sc qui vouloit entrer aa fervice de Madame Nicolas ^ epoufe d'un Confeiller au Confeil Superieur ^ entend parler d'attaque dans le Camp ennemi : obferve qu'en effet Pennenii faifoit un amas d'echelles pres la Porte Madras : il craint un adaut pour Pondichery, L'image de fa Ville natale en proie aux horrenrs du pillage fe prefente a fon efprit : fon c jeur en eft (^mu : il s'echappe du Camp au rifque de mille marts, fe jette dans la Ville , avertit M. Nicolas de tout ce qu'il a vu & entendu r on porte cette nauvelle a M. de Moracin ^ celui-ci a mon Oncle r la nouvelle fe repand : chacun penfe qu'il faut en donner avis au General : on fe rend chez lui : le hazard fait qu'il eft inabordable ce joiir- la : mon Oncle prend fur lui de faire placer la garnifon &: les habitants fur les remparts. Le General ne fe plaint pas de cette a6lion de commandement jmais fur les onze heures y en plein jour , on tire deux fuf^es du Fort ^ 190 I'attaque a'a point lieu , & Ijs er.nernis ont declare depuis la prife de Pondichery , que la vue des deux fufces avoit fait abandonner le projet de c^ttt attaque : ce fait efl: prouvc au Proces. M. Nicolas eft un des temoins. Treizeautres dedifferents etatscn depofentaulu. Nous avancons , MESSIEURS, nous touchons au moment qui doit combler la mefure de tant d'horreurs. L'Efcadre Angloife gardoit la rade , & bloquoit Pondichery depuis fix mois. Tout a coup elle appareille & difparoit : ce fut le 24 Od:obre 1760. Le Confeil & mon Oncle en donnent avis fur le champ aux Agents de la Compagnie a Negapatam , comptoir Hollandois , a Trinquebar , comptoir Danois , avec ordre de faire pafTer a Pondichery le plus de vivres qu'il feroit pofTible. Us font partir pour Trinquebar le VailTeau la Compagnie cUs Indes , une embarcation des Maldives , une Palle ou petit batiment da pays , avec ordre d'y charger des vivres : ces mefures n'ont pas reuili : ics Anglois furent inftruits trop tot. Cinq VaifTaux ennemis reparoiifent en rade : deux fe d-Jtachent , vont prendre a Trinquebar , foiis le canon Danois , la. Compagnie des Indes , donnent la chade a la Palle qui revenoit , la forcent de regagner la rade de Trinquebar, & de s'echouer a terre. On n'entend, point parler de Pembarcation des Maldives qui devoit , en cas de difhculte a Trinquebar , porter jufqu'a la Cote de PEft. M. de Lally n'eft pas refponfable de tous ces malheurs : il avoit meme envoye le fieur Panon , Garde- magalin des vivres ^ a Sadras , pour y faire quelques achats de riz. i9\ Mais avant le retonr des cinq VaiiTcaux Anglois , mbn Oncle propofa au General j d'envoyer , par Ics Chelingiies , les Chaloupes & les Canots du Port, im detachenient a Portenove , comptoir Hollandois , poiir acherer , on fur Goudelour , cette Ville Angloife, oiiverte du cote de la Mer, pour en enlever tous les grains qui pourroient s'y trouver. C'etoit une expedition de vino^t- quatre heures. M. de Lally rejette cette idee. II objedle que les Anglois ont fait un retranchement dans la Ville de Goudcilour , que cent hommes , que cinquante feulc- menr fuffiroient pour arreter cette entreprife. Que npondre aces ohjeclions , dit mon Oncle dans Ton Journal ? Qii\i~ vions-nous a menager , dit-il encore dans le Recueil dcs faits , fur Papprovifionnement ? En effet, MESSIEURS lequelvaloit mieux pour des Soldats Francois de mourir de faim , ou de la main de I'ennemi ? Le Major de la Bourgeoifie de Pondichery eut la nienie idte que mon Oncle y & vint en parler au General. II ne fiit pas mieux accueilli. L'inaflion du General & Taiflivite des Aaglois fe combinerent : la rade ceiTa d'etre libre. Autre fait bien remarquahle : nous avions J fous le canon de Pondichery , la Compagnie des Indes , un VaifTeau de Mergny , la Baleine & PHcrmlone. La Baleim & rHermlone avoient leurs voiles. La Conipagnie des Indes & le VaifTeau de Mergny ne les avoient pas, Depuis long-temps M. de la Londe , Capitaine de 12 Baleine , prioit le General de compU5L-er Icn equipage , mais inutilement. II ne reftoit fur /'/"Jt'r/7:r*3/'*!(? quequinze hommes; & fur la Baleine , que foixanre- quinze. Dans les premiers jours d'Odobre^ le Capira.'ne de la Baking WC)t d'^rcnd k f^rre -four faire raccommoder Ton gotivernall. Le ^ , oii Vy retient , fous prctexte d'arrangcments at prendre avec e Bureau de la ]\jarine ; & dans la nuit du 6 au 7 , les Anglois attaquent fon Vailleau avec dix-huit CXI vingtChaloupes arni(^es. Le Confe iler-Com- tnandar c du BafHon Saint Louis , veut faire tirer fur ces Chaloupes. On Fenempeche, fous pretexte quUl falloit que Tordre en fut donne par TOflicier du Corps royal, Cet ohftacle n^eft pas venu dire6temeni: de M. deLally. L'Officier du Corps royal arrive. On tire fur les Cha- loupes. II nVloit plus temps. La Balelne Sc PHermione furent enleves par rennemi. Ce fut une grande perte. La Balelne fur-tout ctoit propre a faire des vivres dans quelqu'endroit de la Cote , & nous auroit fervi pendant I'cloignement de TEfcadre Angloife dont je viens , MESSIEURS, de vous rendre compte. Au furplus j'ai peine a croire que M. de Lally ait ete de connivence avec les Anglois pour cette prife. Mais fon refus perfe- verant de completer Tequipage de la Balelne , au mepris des inflances du Capitaine , vous paroitra du moins repr^henfible. Le fieur de la Londe , Capitaine de la Balelne, efl un des temoins. S\ la Compagnle des Indes ^ le Vaiffeau de Mergny avoient eu leurs voiles , il efl vraifemblable que la meme inaction , & le dtfaut de Tnonde nous les auroient fait perdre avec l^Hermione & la Balelne dans !a meme nuit. Cependant les fouilles purement militaires conti- nuoient. Le 28 Cd:obre le General divife toutes fes troupes par efcouades , met a leur tete des Sergents & des Caporaux, les envoie dans toutes les maifons Malabarres ^ '93 Malabares ; ces foiiilles deg^nc^retit en un pillage affreux qui dure trois jours ^ & ne produit aucuns vivres, Les Soldats ne penftnt qu'a s'*emparer des efTets , des marchandifes : la Ville Noire efl: entierement devaftee , ou hriilee;oui, ME SS lEU R S , hrulee , le feu fut mis a plufieurs maifons : vous le verrez au Proces. Les Malabares vouloient evacuercette Ville infortunee : mais comment y parvenir ? La faim, ou la crainte de nos pro- pTes Soldats les chalToit de la Ville , les ennemis les repoufToient & faifoient feu fur eux. Les glacis etoient fem(5s de morts ou de mourants. ' Durant le pillage de la Ville Noire , par nos propres Soldats , le General menacoit du meme traitement la Ville Blanche. Mais les Soldats Francois ont refpedle du moins les hommes de leur Pays, ou de leur couleur: je dis refpecle , les perfonnes : a I'egard des maifons , la fouille arbitraire n'en a menage aucunes , & bientot 'tous les Habitants , Negociants _, Employes, Oiliciers , Conftillers , tous les Habitants, fans exception, furent r^duits a le nourrir des chofes les plus viles. Les che- vaux , les chiens, les chats , les aliments les plus dcgou- tants , jufqu'aux cuirs bouillis , fervoient de pature a ces trifles vidlimes ; & dans la misere univerfelle , que devenoit le General ? II s'emportoit , il s'enivroit , & c''etoit dans les douleurs qui fuivoient fes debauches , tcUes , ou plus crapuleufes , & fur-tout plus criminelles que celles d'Antoine , dccrites par Ciceron , c'eroit , dis-je , dans les douleurs caufces par fes debauches, que Lally s'ecrioit qu'on Pavoit empoifonne. Mais le fommeil venoit appaifer ces angoiffes , & Lally fe reveilloit Bb 194 pour fe livrer ^ de noiiveaux acces de crapule & de fureur. Je n dis rien de trop. Toutcela , MESSIEURS , eft prouve an Proces. Vous y verrez encore que les meil- leurs comeftlbles n'etoient enleves aux Habitants que pour palfer fur la table du General , que le Colonel Coote avoit d'ailleurs foin de pourvoir: je ne veux pas reprocher au General Francois cette attention du Com- mandant Anglois : mais un fait notoire , fcandaleux , etabli au Proces , 6toit leur correfpondance frequente & prefque journaliere. Tant de maux , tant d'outrages , tant de vexations , ne decourageoient point les Habitants de Pondichery. lis fembloient au contraire en tirer de nouvelles forces. On ne connoifToit plus d'etat : tout le monde etoit Sol- dat: tous fe trainoientmourants de faim fur les Baftions* Les Confeillers eux-memes y pafiToient depuis long-temps les nuits au bivouac. Une lueur d'efperanceles foutenoit: TEfcadre pouvoit arriver : on comptoit fur les Marattes : on avoit entam^ avec eux une negociation : mon Oncle ecrit a leur Commandant : les Anglois nous traverfent & don- nent aux Marattes 600 mi lie roupies pour refter neutrcs. Men Oncle trouve aufli le moyen de faire pafTer une Lettre au Nabab de Velours , lui demande fon apput auprds des Marattes , & fes fecours perfonnels , en lui donnant toutcs les suretes qui dependoient du Gouvcr- neur de Pondichery. La Lettre etoit ecrite en Francois ; un Officier du Bataillon de Plnde , qui fe trouvoit a Velours , eft appelie par le Nabab, pour interpreter cette Lettre ;, ou plutot , dit mon Oncle dans le Rtcueil des- fairs for Paporovifionncmcnt y pour confirmer Tintcrpreta- tlon que fe Nabah s^toit deja fait donner. Le Nahab r^Goute , & liii die : Le Gouvemcur aglt de bonne foi , mats il n^y a point a compter fur votre GeneraL Ce fut toute fa r6ponfe. Mon Oncle ajoute que le fecours du Nabab auroit fauv^ Pondichery. Au rcfle le nom de rOfficier Francois m'eft inconnu. Je ne Tai point trouv5 dans les Ecrits du Gouverneur. Peut-etre que le fait fe retrouvera au Proces. Je fens qwe dans ma bouche ii ne doit pafTer que pour indice. Mais enfln , j'ai du le dire, il ed ecrit de la main de mon Oncle dans le Recueil dcs faits fur VapprovlfLonnement ; & fi mon Adverfaire ofe r^pondre qu'il foupconne mon Oncle de Tavoir imagine , j^efpere qu^ilferale feul, & j'efpere auffi , MESSIEURS , retrouver le nom de rORrcier. Je n'y renonce pas. C'^- Coit peut-etre le fieur de Ligny. Je fais qu'il etoit alors a Velours, je fais qu'il eft un des temoins. Maisj'ignorc s'il a depofe fur le- fait dont il s^ao^it. Le Ciel parut enfin s'armer pour la defenfe de Pondi- chery. Dans la nuit du i^"". au ^ Janvier 1761 , un coup de vent affreux , tel qu"'on n'en avoit pas cprouve de memoire d'homme , detruifit PEfcadre des Anglois , renverfa leur camp , difperfa , dechira leurs tentes : leurs armes & leurs munitions mouillees par la pluie, les laiffoient fans defenfe, fur la plage, nuds, ou fuccombant fous le poids de leurs vetements trempes. Les arbres furent dcracines dans les rues de Pondichery. Des algamaftes ou terralfes de maifons furent enlevees. Tout le monde penfoit, tout le monde crioit que cet ouragan fembloit etre un coup du Ciel , que Poccafion etoit favorable , qu'il falloit en profiter pour tomber fur les pofles de Pennemi en dcfor- Bb 1 19=^ dre , f^ns Iiii donntr le temps de fe reconnoitre : le coeiir de mon malheureux Oncle s'ouvrit a Tefperance ; elle flit longne , pour que rifTiie en fut plusamere : deux jours fe pafTent ; les VaifTeaux ennemis ^ mal raccommodes , reviennent en rade I'un apres Pautre , & le d^fordre dii camp efl: rCy^vQ. M. de Lally s'etak contente de faire battre la generale. En eft-ceaffez , MESSIEURS? A jouterai-je quece der- nier trait du General n'a point encore decourage THabitant, ni le Soldat? L'Habitant n'avoit plus un grain de riz , le Soldat fucceffivement reduit d'une mefure de riz a une demie , enfuite a un quart de mefure y puis a la poudre nourriffante^ fouffroit la faim & la mifere fans murmurer ; il difoit feulement, que le General voudroit les voir fe revolter , pour rejetter fur eux les malheurs dont lui feul etoLt la caufe , metis quails n^en ferolent rien ? Et mou- rants , ils continuoient a fe trainer fur les baflions ^avec cette rcfolution & cette gaiete qui n'api3artiennent qu'a des Francois , dignes , helas ! d'un meiileur Chef. Vous dirai-je que cette poudre nourriifante , dont la con- fommation a prolonge le blocus plus d'un mois , avoir ete au commencement du blocus , abandonnee vo- lontairement , au vu du General , dans les chemins ? Vous apprendrai-je que la garnifon , etant reduite , dans les derniers jours , a manger des coeurs de cocotiers , des Noirs determines par Tappas du gain^ encourages auffi parle Pere Lavaur, dont le zele & les recherches ont procure des fubfiflances pendant 15 jours, fuivant la Lettre de M. de Lallv a mon Oncle , du 11 Janvier 1761 , vous apprendrai-je que ces Noirs fortoient de ^97 la Ville , alloient chercher des vivres , en rappor-^ toient aux rifques de leur vie, mais n*echappoient aux mains de Tennemi^, que pour tomber dans celles du Ge- neral , qui les faifoit arreter , emprifonner , & s'emparoit de leurs vivres _, lans les payer ? Vous ferai-jeconnoitretoutes les fureurs de ce monftre infatiable ? Vous dirai-je qu'il a fini par interdire tout le Confeil? par faire menacer les Confeillers qui feroient enfemble au nombre de fix dans les rues , d'etre fufiUes ? de meme les Sous-Marchands , en citant Texemple de Prague ? Vous dirai-je qu'il a fait dv^tenir le Vicomte de Fumel , Major-General de Parmee, homme dequalite,. Officier diftingue , que M. de Lally lui-meme trouvoit trop brave (i) fur la Baleine , prifon des malfaiteurs , oil M. de Fumel a penfe perdre la vie , & dont il n'eft. forti qu'avec une fante afFoiblie pour toujours : (Sc cela , pour le punir d'avoir defendu avec fermete , mais avec rerpe61: , le zele des Habitants , & la valeur des troupes y dans un entretien particulier avec le General ? Vous di- rai-je qu'un Francois , un Gentilhomme , Confeiller & Colonel en meme temps , M. Courtin n'ayant plus rien que fon fang a donner , & Poffrant au tyran, en recuG cette reponfe atroce & bafTe : s'il etoit hon a faire dit- houdin,je Vaurois pris depuis long-temps } Qu'un Perru- (i) Une des Lertres du General au Vicomte de Fumel, debutoit par ce beau vers : Vous parley en Soldat , jc dois agir en Roi. II ne s'eft pas fait dans I'lnde une feule expedition perilleufe , dont M. de Fumel n'aic ece charge , ou dans laqucUe ii n'ait fervi avec eclat. T9S qiiier ayant touchy de Ton fer chaiid , par m^garde , en pafTant dans la rue , une Negreife a Pepaule , le cruel , fous ombre de Juftice , & de fa feule autorice , fit marquer ce malheureux , Que le fieur Carvailho , Habitant confid^rable , ref- pe<5lable vieillard , taxe arbitrairement, s'etant port6 a fake des reprefentations , rinfolent , le fcelerat lui dit : Si vous ne pdje:^ pus , je feral vlolcr vos filles par mes Solddts ? Que fes propos familiers etolent : que Fondlchery ferolt ahymi y detruit de fond en conihle ; qu^il voudrolt voir la Ville emhrafee , toute en feu , etre en rade pour joulr dc ce fpeclacle ; quil ne laijferolt aux Habitants que des yeux pour pleurer ? Enfin , vous apprendrai-je , ce qui pafTe rimagination , que , tandis, qu'on vivoit dans la Ville de chevaux & de chameaux , on nourrifToit de neilis , c'efl- a-dire de riz en coque , les chevaux du tyran ? Voila , MESSIEURS, par quels degrcs de bar- barie , le moment fatal de Pondichery fut amen6. Nous y touchons , mon coeur fe ferre , je refpire a peine : c^eft la Ville ou je fuis ne , fes Habitants m''ont porte enfant dans leurs bras ; c'eil la que tous les miens ont travaille avec fucces , pendant plus de 40 ans , a la gloir^ de nos armes , a raggrand^lTement de nos Co- lonies , a la profnerite du nom F. ancois : prefque tous y font morrs : cVtoit la que repofoicnt leurs cendres , que des mains iiholentes ont profant'es, ont difperft'es pcuL-ctre : leurs tombcaux font dttruits : la Ville , U '99 maifon oii je fuis ne ne fubfiftent plus , im trattre les si livrees : IVnnemi les a rafces : la plupart de mes compa- triotes font morts de faim & de mifere , aux yeux de cet homme de fang , auteiir de tous leiirs maiix. Ceux qu'un plus grand malheur a fait furvivre a la deilruc- tion de leur Pays , ont ete difperfes fur cent lieues de cotes J fans pain & fans afyle : e'en etoit bien affez pour defoler mon ame ; il ne manquoit a ma douleur que d'entendre vanter cet homme vomi par PEnfer , de Tentendre comparer a tout ce que Tantiquit^ nous ofFre de plus refpedtable , a tout ce que notre Hiiloire nous fait connoltre de plus touchant & de plus mal- heureux , a Caton le Cenfeur , au Marechal de Mont- morency , au Marechal de Marillac , au Prefident de Thou , enfin ^ le dirai-je ? au modele ineffable de toute juflice , de toute charite, a cette vi^lime adorable , dont jen'ofe pas prononcerle nom , aupres da nom de Lally.... Faut-il que je reponde a ces comparaifons ? Pardonnez- les , MESSIEURS, a la nature egraree , oardonnez- les , ce fera ma feule reponfe. Mais plaignez-moi d'avoir encore a vous dccrire les dernieres miseres de montrifle pays. II le faut bien, je m'y refigne , & j'efpere que mon courage y fufhra, fi vous daignez le foutenir : oui, MESSIEU RS, je Tefpere , il me fuffira ici , par-tout : par-tout je fuivrai mon Adverfaire , par-tout , comme une ombre attachee a fes pas , je lui dirai r rendcz hom^ mage a Pinnocence , flechiffez devant les Loix , ou crai- gnez les pourfuites d'un homme qui ne craint rien que de manquer a fon devoir. Et puifqu'il s'efl compare lui-meme a ce Coupable condamne par la Juitice divine a rouler 100 6ternellment , Sc intitilement Ton rocTier /du pied d'lme montagne jufqii'au fommet , je le declare , aiifli long- temps qui s'aidera dii fecours de la calomnie en roii- lant le fien , la calomnie & lui me trouvefont au haut de la montagne , implorant la Juftice pour les precipiter tous deux. Le General Lally fe pr6pare enfin , MESSIEURS , a combler la mefure de fes iniquitcs. Rien ne pouvoit fauver Pondichery : les Marattes refloient neutres , les MoufTons ne permettoient plus d^attendre TEfcadre , on n'avoit plus de vivres dans la Place : les MayfTouriens avoient regagne leur pays : le fieur Allen , avec Ton de- tachement , etoit au Thiagar , en un mot , il falloit fe rendre : & le General , qui , plus d'un mois auparavant , parloit nettement de capitulation , n'en parloit plus qu'en termes equivoques. Deux projets abominables roulent dans fa tete , que Pondichery Ibit pris d'afTaut, ou du moins qu'il tbit rendu a difcretion. La premiere de ces deux idees plaifoit plus a Ton coeur barbare ; elle opcroit PaccomplifTement de fes horribles predic- tions : il y travaille : des les premiers jours de Decem- hre , il avoit ordonne au fieur de Landivifiau de faire jetter a la mer les poudres & les falpetres ; Pordre eft fagement elude _, le' fieur de Landivifiau eft un des t-emoins. Vers la fin de Decembre , il ordonne au Che- valier du PafTage , Ingenieur en chef de la Ville , de faire couper une digue qui formoit Pinondation autour d'une partie des murs de la Place , & de faire par ce nioyen deffecher les foftcs , fous le pretexte de nourrir lesfoldatsaveclepoilfon. L'extcution decetordre rendoic Ic le facets de l^afTailt rnfaillible , fur-toiit avec une garnl- fbn ext^nu6e par la faim. Ce nouvelordre eft auflTi fagement 61ud6 que le premier. Le Chevalier du PafTage eft un des t6moins. Le General , qui n'ofe pas decouvrir fes projets , n^infifte pas ; mais il ordonne qu'on demoliflc hs baftions S. Louis & S. Laurent , fous prctextc que PEfcadre arrivant , on pourra reprendre la Ville d^urt coup de main, Rien n'etoit plus abfurde. En attendant TEfcadre , la Ville ouverte ^Tennemi , eut ^te infaillible- ment emportee d'alTaut & piil^e. II auroit fallu pouvoir fe retirer. Un Commandant qui compte fur fa retraite , peut bien faire demanteler un pofte, un Fort qu'il aban- donne a Pennemi : mais une Vilk ! Une Ville peuplee de 80 mille Habitants! L'expofer a TafTaut;, & parcon- fequent au pillage , en la demantelant & la quittant ^ fut-on fur de fa retraite , cette retraite feroit un crime ; ce n'eft pas de cette maniere que le Marechal de Belle- ifle s'eft retire de Prague. Mais M. de Lally ne pouvoit pas meme penfer a la retraite , a travers les poftes enne- mis , avec fa garnifon inanimee : ou s'il pouvoit y pen- .fer, pourquoi ne tentoit-il pas une fortie? Nous avions dans la Place plus de Blancs fous les armes , que les An- ^lois dans leur camp. Ce fait eft conftace par les Etats des Majors Anglors eux-memes, apres la prife , Etats que mon Oncle a cit^s dans fes reprefentations au Confeil de Madras , centre la deftruclion de Pondichery. Le General ne pouvoit pas nan plus compter fur un fecours par terrc , foit des Marattes , foit des MayfTouriens, foit du fieur Allen , qui, fans doute , n'a pas eu ordre de tenter les approdies de Pondichery. Quant a PEfcadre, C c 101 nous cclons au i^j Janvier 1761. II ne vient plus ,; dans cette faifon , de VaifTeaux a la Cote , a caufe des Mouffons, comme je Pai die , & le General le favoit bien.. Ainfi I'ordre des baflions ne pouvoit ,-en tout point ,. comme en celui des fofles , que rendre TafTaut indubita- ble. Je crois qu'on a fait mine d^ob6ir a; celui des bai- tions , & que des mains debiles, mais fideles , ont para y travailler, pour fatisfaire le General. C'eft un fait que je n'affure pas. Quoi qu'il en foit , ce dernier ordre n'a pas ete plus execute que les deux autres. Et c'eft ici, MESSIEURS, que je vous fupplie de redoubler d'attention , pour voir comment le General , defefpe- rant de TafTaut , s'y prendra pour livrer cette malheu- reufe Ville a difcretion. Le 3 Janvier 1761 , lendemain de Touragan , le fieur Dubois, Intendant de Tarmee , ecrit a mon Oncle , & le prie d'expedier des ordres a differents endroits , pour acheter des vivres. Mon Oncle n'avoic pas attendii. cette Lettre. Ses d6peches ^toient parties dans lajournee ^a 1. II en fait part a Tlntendant par fa reponfe datee du 3 , & lui marque en meme temps que le Confeil , qui ne s'adembloit plus depuis fon interdidion , intimce par le General au fieur Lagrenee , Secretaire , le 20 Novembre dernier, ecriroit de fon cot^ , fi M. de Lally jugeoit ^ propos de rcvoquer fon ordre par des ordres contraires, Sur cette Lettre > point de reponfe de Plntendant , ni du General pendant neuf jours ; a la fin le General ecrit le ii , a mon Oncle, comme un homme etonh6 d'apprendre que le Confeil fe croyoit interdit : qu'il n^d point inter dlt U Confeil ; qu^il hit a feutement defenda de s'affemhler fans fa permijjion : Sc melant dans cette Lettre les injures les plus groHieres aux declarations les plus equivoques , il paroit fe decharger fur ce meme Confeil da Coin de capituler pour la Colonic , mais en termes fi malhonnetes , h. la fcis , & fi vagues , que mon Oncle , prenant la plume auffi-tot, lui r^pond : Les moments me font trop chers , pour que je m^arrete a repondre a la Lettre que vous m^ave^ fait Vhonneur de m^ecrire : je fuis accoutume depuis long -temps a vos outrages & a vos invectives, Le Maitre de qui nous dependons vous & moi , decidera fi vous ave^ etlen droit de me Its f aire , & de me les e'crire.,. II s^agit aujourd^hui d*adoucir le fort des habitants de cette Colonie , par une capitulation avec Pen- nemi. Vous vous decharge^ de ce fain far le Confeil , que vous ave:^ annulle formellemcnt , 6f vous le faites en termes trop vagues , pour quails puifTent rien determiner. Je dois vous dire en pajfant , qu'on ne ftra pas pen furpris de voir que vous ayie'^ dlffere juflju^a ce moment a me temoigner votre etonnement de ce que vous avez appris par M. de Landivifiau & par d'autres , & on ne concevra pas que vous ayie^ pretendu que j^aurois du vous demander par ecrit Fordre de fa caffation , lorfqu^on fera convaincu parvos propres declarations , que vous ave^ ^^frf^ de recevoir du Confeil ou de moi aucune Lettre ou aucun avis y pottr quelque caufe que ce put it re, Quoi qu^il en foit y Monfeur , comme il paroit par votre Lettre que vous ahandonne:^ vous-meme la Colonie , quoique par les titres dont vous etes revetu , vous dufie:^ la prendre en conf deration j & la proteger , aye:^ pour a gr cable de me Cc 1 declarer en terihesformels , & paricrit, d^icia huh heures du. fmr , fi vous xige:^, ^^ fi '^ous confente^ que le Confeil fi mile de la capitulation quiregardera la Colonie , fes habitants , & ce qui le regardera lui-meme ^ afin qu^il fe conduife en. confequence , & quHl puiffe travailler des demain matin. , Cecte Lertre , MESSIEURS ,, eft dat^e du ii Janvier 1761 , a fix heures & demie du foir. On la porte- au Gt^neral , il ne daigne feulemenc pas la lire..... A huit heures & demie du meme foir , mon Oncle en. eerit une feeonde , & lui declare -que le temps, prejfant pour de'ifober au feu des Jlnglois les malheureux refles dx cette Colonie , pour laquelle il paroijfmt refolu de ^ ne rien jaire , lui de fon- cote y. avec le Confeil , prenoient fon filence pour acquiefcement a toutes les demarches que leur ^ele pouvoit Icur infpirer , 6f qu'^ils alloient. travailler fur ce principe , a obtenir de JM. le ColoneF Coote y & de Ai, Pigot les meilleures conditions quails, pourroient. Le Gen^-ral fe determine le lendemain a. repondre a cette Lett re , & s'exhale , comme la veille,, en injures calomnieufes , a travers- lefquelles fe placent enfin ces trois lignes devenues tcrribies , & dont chaque mot devoir retomber iur fa tete fe reus ait dit & vous repete formell'ement que vous ites le niaitre de faire aupres de M. Coote & de M. Pigot toutes les demarches que vous jugere:^ ne'ceffaires. Voila done le Confeil autorife a traiter avec les Commandan^ts Anglois. II s'occii-pe de ce trifle foin , & le 13 r a midi , drcffe un projet de capitulation. Ici ^ MESSIEUIIS, tous les faits , tous les mots font de la derniere importance. 20^ On envoie au General ce projet de capitulation : il commence par en remcttre la le<5liire au lendemain. Les Deputes da Confeil le fupplient de ne pas differer , que c^efl r affaire d^un moment _, que le temps prejfe : il fait r^pondre qvCil ejl malade ^ qu^ll a envie de dormir , qii^ll. a mal au cote , que dans quince jours _, il fe feroit faire V.operation de Vempjeme y a laqueile les Medecins n'avoient pas meme penfe pour lui. Les Deputes font obliges de fe retirer : le lendemain le General lit le projet y I'improuve, le tourne en ridicule , Papoftille de fa propre main, y repond comme auroit pu faire Pennemi , & meme il y repond en termes beaucoup moins genereux. Une de- ces apoftilles eft concue ainfi : Jl efl honteux de demander ce qu'on eft fur de ne pas ohtenir. D'autres apoftilles font raturees de la main du General. En cet etat , le projet eft renvoye a mon Oncle , fous les fcelles duquel il s'eft trouve la quatrieme piece dz la cote 109 de Tinven- taire ; les Commiiraires du Parlement Ten ont tiree , an Pa reprefentee a M. de Lally ; & cette piece _,. MESSIEURS, eft au Greffe de la Cour.. Sur les corre61:ions du General ,. le Confeil dreffe un. nouveau projet de capitulation : dans ce projet , il flipule pour les Habitants, leurs maifons, leurs efFets ^, leurs marchandifes, Pexercice de la Religion Catholique,. la liberte des Mifrionnaires ^ \ts Maifons Ecclefiaftiques. & Religieufes , les batiments publics ^ les murs^ les. rnagafins, les fortif cations , ( ces quatre derniers articles jufqu^a la d/cifion refpedive des deux Cours ) , les. papiers du GrefFe & du Notariat , les Membres du Confeil ,_ les Employes J Its Officiers au (ervice de la Compagnie> io6 les Marchands de toiite Nation , quelques Officiers & Soldats Creoles des Illes de France & de Bourbon qui fe trouvoient a Pondichcry : enfin , par Tavanti-dernier article , le Confeil demande des fauve - gardes pour empecher les defordres ; & par le dernier , il reclame la bonne foi ordinaire dans Tex^cution de pareils Trait^s. Cenouveau projet fut adrefTe au General , qui Tavoue dans fon Memoire. Un fecond fait non moins certain , eft que le Confeil , ayant , le 13 Janvier 1761 , nomra6 pour Deputes aupres du Colonel Coote , le Pere Lavaur , MM. deMoracin & Courtin, Confeillers, &:le Chevalier Law , ancien Capitaine au Baraillon de Tlnde , Clie- valier de S. Louis , M. de Lally ne voulut pas fe decider fur leur depart , quoiqu'on en fut venu a n'avoir plus dans la Place que pour un jour precifement de vivres , mefures fur la modique ration qui fe dillribuoit. Cependant Tennemi avoit rapproche fes batteries du corps de la Place : il faifoit un feu tres -vif : on n'y r^pondoit pas de de/Tus nos baftions : nos Canonniers & nos Soldats manquoient de force pour fervir les canons. Ce fut , MESSIEURS, durant ces canonnades , que plufieurs boulets entrerent dans la chambre de mon Oncle , qu'un entr*autres vint brifer une fenetre aupres de laquelle il etoit , & le cou- vrit d'eclats de brique dont il fut bleife : j'ajouterai , duffai-je etonner mon Adverfaire 3 que mon malheureux Oncle qui defiroit la mort , qui m^a dit vingt fois que fon VGEU le plus vif apres le falut de Pondichery , etoit de la recevoir d'un coup de canon fur les remparts,, qui, dans fes rondes , a lufieurs fois expofe le Vicomte dc Furaei , de quije ticns le fait , a perir prefqu'mdubita- Element en s'expofant le premier, en s'arretant avec cet Officier en face des batteries Angloifes , fous pretexte de les mieux reconnoitre ; j'ajoiiterai , MESSIEURS, que mon Oncle n'a jamais voulu fortir de cette chambre , de laquelle il voyoit le feu des ennemis , tandis que le General, qui ne faifoit point de rondes , & qui logeoit dans rinterieur du Gouvernement , tranquille au bruit du canon des Anglois , retardoit pendant deux jours & demi Tenvoi des Deputes du Confeil au Colonel Coote. Or durant ees deux jours , dans la nuit du 14 au 15, on eut fujet de craindre une efcalade , dont la vigilance des habitants , & le z^le des Soldats , foutenus par la prefence de mon Oncle , de M. de Landivifiau , & des OfBciers de tons les Corps qui furent paifer la nuit a la porte Madras , menacec par les Anglois , a vraifemblablement preferv^ la Ville. Enfin, MESSIEURS, le 15 , apres dmer,M. de Lally , follicite inutilement depuis le 13 par le Pere La- vaur pour Penvoi des EXeput^s , fe rend; mais peu fatis- fait du choix fait par le Confeil , quoiqu'applaudi gen^- ralement, il retranche deux Deputes des quatre , favoir, MM, de Moracin & Law rreduifant ainfi la deputation au Chevalier Courtin & Pere Lavaur. Ces deux derniers partent pour le camp Anglois , accompagn6s du fieur Durre , Lieutenant- Colonel du Corps royal , & du. lieurTobin, Interprdte-; le fieur Darre, charge particu- lierement de deux Lettres du General pour le Colonel Coote : tous quatre font introduits dans la tente du Commandant Anglois. Les Deputes du Confeil parlenc de capitulation , & veulent entrer en- conference. Mais It Colonel Coote , avanc de les ^couter plus long- temps , fe retire dans iin cabinet , y prend le61:ure des deux Lettres de M. de Lally , & rentrant , leur t6moi- gne (a furprife de ce qu'ils venoienc lui parler de ca- pitulation , dans le moment oii leur General fe rendoit a difcr^tion , par une declaration en forme qu'il leur mon- tra. C'etoit une des Lettres dont le fieur Durre etoit porteur. L'autre Lettre n'a jamais ete connue. Je ne vous peindrai pas la confternation des Deputes. lis ren- trerent dans la Ville a minuit , Sc n'eurent pas la force de porter aufTi-tot cette afFreufe'nouvelle a mon Oncle. Le Pere Lavaury parut le premier ;& mon Oncle apprenoit de fa bouche les trifles details de la veille , que le Co- lonel Coote avoir dit aux Deputes , que M. de Laity fe rendoit a dtfcretlon , quHl iroit le lendemain che:^ le Gene- ral , qu'il termineroit tout avec lui : qu^il ne pouvoit ecouter les deniandes du Confeil j mais qu'il feroit tout fon pojjihle pour adoucir le fort des habitants. Durant cet entretien du Pere Lavaur & de mon Oncle , un bruit fe fait entendre a la tete du pont-levis du Fotr : c'etoit le Colonel Coote , accompagne de quelques Officiers : on abat le pont : le Colonel entre dans le Fort. Mon Oncle Tappercoit qui monte chez M. de Lally. Quelle vue pour lui ! Quel coup pour fon coeur .' Laiifons Tlnfortune , & fuivons le Colonel, il entre chez M. de Lally , qui le recoit couche fur fon lit. Le Pere Lavaur sV rend fur les pas du Colo- nel ; il efl introduit. II y trouve le fieur Tobin , In- terprete , qui , par refpecEl , fe tenoit eloign^ des deux Commandants. On n'avoit pas befoin de lui. Le General parloit la langue du Colonel : leur converfation fe fit route 209 toiite en Anglois ; tandis qu'ils fe parloicnt , le Pere Lavaiir , qui ne favoit pas I'Anglois , s'approcha du General , pour lui recommander avec inftance les hahi- tants de Pondichery. Le General declara qu^ll nc vouloit pas s'*en meler : la chofe n'etoit peut-etre plus au pouvoir da Valnqueur lui-meme. Le Colonel Coote, avant d'en- trer au Fort , avoit mis un detachement de fes troupes en pofTeflion de la porte dc Villenour , fans ordre du General Francois, fans nulle forte de precaution preii- minaire ; circonflance tres-remarquable ! Au refte , quel- ques paroles echappees de CQt entretien tenu k voix baffe entre les deux Generaiix , firent juger au fieur Tobin que le Colonel Coote n'eiit pas mieux demande que d'accorder des conditions, du moins quelques jours au- paravant. On crut convenable que le Confeil de Pondichery vit le Colonel Coote. M. de Lally ne voulut pas que cette entrevue fe fit dans fa chambre. Le Colonel fe rendit done dans la falle du Gouvernement , & tandis qu^ll en- troit dhtn cote , dit mon Oncle dans fon Journal ,'fy fuis entre par un autre ; je lui ai fait mon trifle co'vpliment , & ayant appris que M. de Lally lui avoit remis fon e'pee ^ je lui ai remis lamienne ^ qu^il a prife de ma main pour me la rendre. L'entrevue du Confeil & du Vainqueur fut tride & courte. Les deux Generaux dinerent enfemble tete a tete. A trois heures , nos troupes , apres avoir defile devant le Colonel , depoferent leurs amies contre la Chapelie du Fort , & fortirent de ce Fort pour n^y jamais rentrer. A fix heures , les clefs d'une des portes furent remifes Dd 2IO a un Officier Anglois , &:lefoir M. Coote retourna dans fon camp , laifTant aux ordres de M. de Lally , pour le garder, douze Grenadiers Anglois , & douze du Regi- ment meme de Lally ^ lefqiiels a ctt effet ne furent point defarmes. Le lendemain de grand matin , les habitants de Pondichery eiirent la douleur d'entendre une falve de vingt - iin coups de canon , tires du camp Anglois. A dix heures^ le Pavilion rouge fut arbore fur cette Ville prof- crite , qui le falua de fon artillerie. On etoit au 17 Jan- vier 1761. Le 18 , mon Oncle fut oblige de quitter le Gouvernement pour y laifTer fon appartement a Tennemi , & dans le meme jour M. de Lally partit pour Madras, a travers une foule d'habitants blancs & noirs , de tout age , de tout fexe , de tons etats , qui s'etoient rendus fur fon pafTage , & Paccablererit en effet , tant qu'il fut h. portt'e de la vue , de toutes ces imprecations dont on s'eft fait un titre pour fa memoire. Je n'ai pas cru , MESSIEURS, devoir interrompre ce r^cit deplorable , pour mettre fous vos yeux la decla- ration du General Francois au Colonel Coote : il eft temps d'y revenir. Le Comte de Lally a prctendu que mon Oncle & le Confeil le calomnioient , en dlfant , qu'il n^avoit pas fait de capitulation pour Pondichery , quoiqu^il produisit une capitulation pour Pondichery. Voyons - la done enfin cette capitulation d'un nouveau genre ; eta- blidbns le dernier point de ma Requete , detruifcns la derni^re calomnie du General. Je vous fupplie , MESSIEURS, d'entendre la ledlure de fa declara- tion au Commandant Anglois. La prife de Chandernagor ^ centre la foi des Traites , 211 d^ane neutrallte qui a toujours fuhfifle entre routes les Nations Europeennes ,& nomniement entre les deux Nations dans cette partle de PInde , & cela ,apres un ferv Ice n finale que la Nation Francolfe venolt de rendre a la Nation An- glolfe , non-feulement en ne prenant point parti contr'^elle avec le Nab ah de Bengale _, mals en accuelllant ladlte Nation che^ elle pour lul donner le temps de fe remettre de fes premiers defavantages , ( commell paroitpar des Lettres de remerclement de M. Plgot lul - meme , & du Confell de AJadras a celul de Pondlchery , ) jolnte au rcjus formel de rempllr les conditions d^un cartel convenu entre nos Maitres refpecllfs , quolqu^accepte d^ahord par M, Plgot , G' les Commljfalres nommes de part 5' d\autre pour fe rendre a Sadras , pour regler a Panilahle les dlfficultes qui pourrolent furvenlr a fon execution , me mettent HORS b''eTAT vis-a-vis DE MA CoU R D E POUVO I R FAIRS OU PROPOSER A M. CoOTE AUCUN E CAP ITU" LAT ION POUR LA ViLLE DE PONDICHERT, Les troupes du Rol , & celles de la Compagnle fe rendent ^ TAUTE DE VIVRES , prlfonnleres de Sa Majejle Brltan- nlque , Aux termes du cartel , (^ue je reclame EGALEMENT POUR TOUS LES HABITANTS CIVILS ET BOURGEOIS DE PoNDicHERr , alnfi que pour Vexerclce de la Religion Romalne , les Malfons Rellgleufes , Hop It aux , Aumotilers , Chlrurglens , Domefllques , &c. m^enreniettant a la declfon de nos deux Cours pour la reparation propor- tlonnee a la violation de Tralte's auffi folemnels. En confequence , M. Coote peut prendre pojfefion demaln a huit keures du matin de la Porte de J^lllenour , & apres- dcnialn a la mime heure , de celk du Fort S.nnt Louis: & Dd X 2,11 comme il a la force en main , il dlclera les dlfpofitions ultericures a falre qu^il jugera convenables. Je dcmande feulcment pa?' prlnclpe de juftlce & dViuma- nite y que Pon permette a la mere M. de Lally nous ayant fait afTembler , dlt le fieur Baldic , pour nous expofer le fujec pour ?5 lequel il ne vouloit pas de capitulation , dans cette ?5 Place , ayant vu fa Declaration pour cet effct , en ?> qualite d'OfHcier du Roi & de la Compagnie , je la ?>troiive faite avec la dignite due a Sa Majeft-6 , ne ?> voiilant fe compromettre avec la Compagnie Angloife, ?> apres ce qui s^eft pafTe a Chandernagor , centre Phon- r> neur de la Nation & les interets de la Compagnie , etant toujours bien perfuade que tout ce qu'il a fait ci-devant , & tout ce qu'il fera a Tavenir , n'aura pour but que la gloire du Roi , & les interets de 1^ >> Pvcligion , & ccux de la Compagnie a Le fieur Baldic fe trompoit, MESSIEURS, le paiTe vous eft connu. A regard de Pavenir , la prediction de cet Officier n'a pas ete heureufe. Le dernier adle de M. de Lally dans Plnde , a ete une fubornation de temoins contre un Officier innocent qu'il pretendoit faire con- vaincre d'un aiTafrmat qui n'avoit pas meme ete commis. Je parlerai dans un moment de cette atrocite. Pvevenons au Confeii de guerre. F f 2.l6 C'efl k Tabri de ce Confeil que le General pretend ^ MESSIEURS , faire pafTer pour Capitulation , la Declaration au Colonel Coote ; Declaration perfide a la fois & derifoire pour le Confeil & les Habitants de Pondichery ; & par une contradicflion bien digne de lui , en citant ce Confeil de cruerre , dont tons les avis fuppofent eVidemment, ou meme expriment formellement , qu'envoyer cette Declaration c'etoit fe rendre a difcre- tion , le General s^efl obftine a traiter de Capitulation cet a61:e inoui , qui traverloit , qui rendoit impollible la Capitulation du Confeil. Je finis fur cet objet par deux queflions. Pourquol le General n^a-t-il pas appelle a fon Confeil de guerre mon Oncle , non pas comme Prcfident du Confeil^ mais comme Gouverneur de Pondichery , avec lequel nom- mement fes inirrucbions lui prefcrivoient de concerter fes operations militaires & politiques ? II me femble que la reddition de Pondichery etoit une operation militaire & politique tout a la fois. Le General a dit dans fes Me- moires qu'il avoit envoye fi Declaration a mon Oncle par le Pere Lavaur. Le fait eft cntierement calomnieux. Vous Tavez envoye , comment cela ? Quel jour ? A quelle heure ? Montrez la Lettre. On a mis les fcelles fur les papiers du Gouverneur de Pondichery , du Pere Lavaur , & fur les votres : trouvez dans ces papiers , voyez dans tout le Proces le plus leger indice de ce fait imagine en France. II faut ranger cette allertion aupi-es de Texplication de la Lettre inconnue au Colonel Coote _, portee avec la Declaration par le fieur Durre. Le Ge- neral allure que cette Lettre avoit uniquerncnt pour 127 objet dc recommander au Colonel Coote le Pcre Lavaur. Et c'etoit le fieiir Diirre qui portoit cette Lettre ! Et le Colonel Coote n'a pas dit im mot de Ton contcnu ! Quelle defenfe accahlante pour celui meme qui la pro- pofe ! Je m'en ticns done a ma premiere queflion. Pourquoi le General n'a-t-il pas appelle a Ton Confeil de guerre le Gouverneur de Pondichery ? Ma derniere queflion confiile a demandcr pourquoi le General , s'il fe croyoit autorife par Ton Confeil de o-uerre a Penvoi de fa declaration , n'a-t-il oas dn moins attendu, pour Penvoyer , que le Confeil eitt propofe fes articles, que le Colonel Coote eut repondu ? J'accorde pour un moment que le Confeil de guerre juftifie la De- claration ; mais ce Confeil avoit-il determine le moment de Penvoyer ? N'etoit-il pas evident que, Penvoyer avec la capitulation du Confeil Souverain , la prcfenter avec cette capitulation , laiaifTer lire avant cette capitulation, c'etoit rendre cette capitulation abfolument impoffible? N'etoit-ce pas transformer la declaration en un a(5):e per- fide & de{lru6]:eur pour Pondichery ? L'evenement ine- vitable ne Pa que trop prouve. Je me crois done auto- rife a foutenir que le Confeil & le Gouverneur de Pon- dichery n'ont point calomnie le General , quand ils ont dit que le General n^avoit pas capitule pour Pondi- chery. Enfin , MESSIEURS, tant d'horreurs vont etre confommces. Les Anglois prennent le parti de rafer les murs de Pondichery , & montrent leur penchant a traiter les maifons avec la meme rigueur. Mon Oncle etoit encore a Pondichery. Le General etoit parti pour Madras. Quels Ff^z 2l8 folns occupent Pun & Paiitre ? Mon Oncle travaille aii- pres des Anglois a faiiver Pondichery , Sc le General travaille aiipres des Anglois afuborner destemoins centre iin Oilicier Francois pour caufe d'un aiTadinat fabiileux. Ne perdons pas le temps en reHexions. Prouvons. REPRESENTATIONS ELITES a M. F I GOT , Ecuyer , Gouverneur- General des Etablljfements Anglois a la Cote Coromandel , & a MeJJieurs da Confeil de Madras , par M. D u Va l D E Le r R I T , Ecityer , Gouverneur - General des Etahlijfements Francois dans PInde, MESSIEURS, S u R le parti que vous avez pris de rafer les murs yy de la Ville de Pondichery , Sc le penchant que vous montrez a ufer , dit-on , de la meme rigueur envers >> les maifons des particuliers , je me crois dans Pobli- )y gation de vous reprefenter ce qui fuit au nom du Confeil , yy dont j'airhonneur d'etre Chef , & detous les Habitants i-) d'une Ville dont le Roi mon Maitre m'avoit etabli Gou- )) verneur ; fi vous voulez bien donner une attention ferieufe a ce que je vais vous expofer , vous verrez )> qu'il n'intereffe pas moins votre Nation que la notre. i^. Quant aux murs & fortifications de la Ville, trouvez bon que je vous demande quelle raifon legi- >5 time vous pouvez all^guer pour juftifier aux yeux de toute PEurope , la refolution que vous commencez )> d'executer? y> Eft-ce le droit de la guerre ? Je conviens avec vous , Meflieiirs , de ce droit; mais vous devez convenir aufli ^? qu'ii ne feroit pas bien a une Nation, qui fe pique de >? penfer noblement & d'aimer l^humanite _, d'ufer du droit >? ou du pouvoir que le fort des armes lui a donne , dans >5 toute Petendue qu'il peut abfoiument avoir ; il importe meme a toutes les Nations de s'oppofer a ce qu^ua ?> pareil ufage s'etablifTe. Eft-ce Pinteret que vous envifagez dans la demolition ^> de nos murs ? Mais faites attention que cet interet fe reduit a caufer a la Compagnie Francoife , quelques >> depenfes dont il ne vous reviendra rien. Pondichery }y n'en fera pas moins retabli , & peut-etre fur un meilleur jy pied , d^abord apres la paix : a moins que la Nation Angloife n'ait acquis , par fes fucces en Europe , le ?) droit d'impofer telle loi qu'il lui plaira a la Nation ?> Francoife; c'efl ce que nous ne faurions fuppofer, & 9-> s'il en etoit quelque chofe, vous voudriez bieri ne pas ^j nous le laifTer ignorer. }> Comptez done, Meflieurs , que le Roi notre Maitre ?> ne fera point de paix , fans afTurer a fes fujets leurs >? etabliifements dans Tlnde : ceci peut foufFrir le plus ou }> le moins , fuivant I'etat des affaires refpectives ; mais >> le point capital aura lieu , & Pondichery nous fera >> reflitue ; cela fuppofe, vous pouvez voir, auffi bien que ?) nous , que votre interet ne demande pas moins que le ?> notre , que vous moderiez la vivacite des refolutions )? que vous avez prifes ; je me borne a vous prefenter la- >y dcffus deux reflexions. }> La premiere ed , que la poffeflion de Pondichery ^ ? a6liiellement entre vos mains , doit donner a votrc ) Cour le droit d'exiger de la notre im equivalent qui > peut etre pour votre Nation d'un prix bien fupeneur > a la conquete de cette Ville. Si vous privcz votre > Cour de cet avantag^e , comment reparerez - vous le > tort que vous aurez fait a votre Nation meme , a qui > vous en ferez refponfable? Et qu^aurez-vous a repondre ) a votre Compagnie j a qui Ton demandera des indem- j nites fans homes? >5 II eft vrai que peut -etre la paix fera conclue en ? Europe , avant qu'on y apprenne que Pondichery a > change de maitre ; mais dans ce cas-la meme,pouvez- > vous douter qu'on n'ait infere, dans le Traitc de paix, > des articles relatifs a Petat des deux Nations dans y rinde ? On y aura fuppofe du moins I'exilcence des ) Places , foit entre vos mains , foit entre Ics norres , & > s'il arrive que Pondichery ne foit plus ce qu'on Taura 5 cru , qu'il foit devenu une fimple Aldce, au lieu d'etre ) une Place muree , &c.... dans quel nouveau calios re- > plongerez-vous les affaires? yy Ma fQConde reflexion cd , qu'en ruinant Pondichery, y vous perpetuez dans Tlnde une maniere de faire la ? guerre -,funefte aux deux Nations. Le danger en eft ? plus prochain pour nous, mais il peut vous regarder J pour Tavenir : vous me repondrez , fans dou:e , que ? vous ne faites que fuivre Texemple que nous vous avons ) donne. yy Eft-ce par le droit de reprefailles ,que vous efperez yy de vous juftifier ? ^? Je conviens avec vous , Meftieurs, que M. de Lally *>5a detruit le Fort Saint David; que voiis y avez ete ?> tres-fenfibles , & avez du Petre. Convenez a votre ^>toiir des faits que jc vais vous rappeller. }> Le premier Fort detruit dans Plnde depuis le com- " mencement de cette guerre , n'a-t-il pas ete celui de Chandernao-or ? Les An^lois Pont enleve malcrre la i-> neutraiite fur laquelle les Francois avoient tout droit y> de compter, & qu'ils avoient gardee , jufqu'a fe refufer )> aux inftances du Nabab pour fe joindre a lui contra y> la nation Angloife. JvRappellez- vous en meme temps , Medieurs y la maniere d'agir des Francois j apres que Calcutta fut pris par le Nabab. Bien loin de triompher du }> defaftre des Ang-lois , & de les laifler fuccomber y> fous le poids des maux qui leur venoient d'une main etrangere , ils les avoient aides de tout leur ?> pouvoir : ils les avoient traites & recus a Chan- ?> dernagor comme des compatriotes , & ils vous ont y> conferve par la ce qu'ils ont pu , du debris d'un de y> vos principaux etablilTements. J'omets tous les bons offices dans le meme genre ;> que les Francois vous ont rendus en d'autres lieux, far les bords du Gange , dans la meme circonftance. y> N'y auroit-il pour tout ceci , Meflieurs, aucunes fortes y> de reprefaiiles ? J'avoue que M. Pigot m'a fait Phon- y> neur de m'ccrire a cette occafion une Lettre bien >?flatteufe, pour etre un monument de la reconnoiffance ^? eternelle de votre nation envers la notre : en ell-ce ^? allez pour vous acquitter pleinement avec nous ? M. de BufTy aya^it pris Vifigapatam fur les Anglois ^ 13^' ils ont ete les premiers & les plus ardents a proner le precede genereiix doot il avoir life a leur egard ; je vous demande encore une fois , fi voiis voiilez n'ad- mettre de droit de reprefailles que pour rendre le mal , & jamais pour rendre le bien P L'honneur de votre Nation vous eft trop cher , & vous penfez trop bien en votre particulier , pour que cette queftion ne faffe pas quelqu'imprefTion chez vous. yy Rien ne fauroit-il effacer le grief que vous preten- dez toujours avoir contre nous _, pris de ce que M. de Lally a detruit le Fort Saint David ? Mais ce > n'etoit pas votre chef-lieu , auquel la fortune de toute ) la Nation fut attachce. C'etoit un Fort trop voifm > de Pondichery pour ne pas gener , & pent-etre em- 5 pecher les autres operations que ce General devoir 5 faire : il avoir done , pour oter cet obftacle , le niotif 5 legitime d'un interet prefTant , tres-important , Sc efien- > tiel au refte de fa miiTion. Pourquoi vouloir y chercher ) d'autres motifs , qui portent la tache , foit d'animofite, 5 foit d'un exces de rigueur ? Ajoutez , qu'en detruifant ) le Fort, il a laifTe fuhfifter la Ville avec fes miirs ; > fi dans la fuite , il a fait fauter quelques baftions de ) celle-ci , ce n'a ete que lorfqu'elle etoit fur le point ) de retomber en votre pouvoir , la guerre durant encore. ) Qu'y a-t-il dans tout ce proccde qui puifTe juftifier > le renvcrfement de notre capitale, apres que fon pafTage ) entre vos mains y a fini la guerre entre nous ? ;> Nous pourrions de plus faire regarder la dt-molition 7 du Fort Saint David comme une reprefaille trcs-lc'gi- ? time , puifque vous aviez prccedemmenc d-jtruit cclni 2-33 > de Chandernagor ; refuferez-vous d'admettre quelque parite entre ies deux Nations _, & un mem^ droit des gens qui Ies lie reciproquement ? Mais puifque vou ^'voulez abfolument que M. notre General ait eu pour " vous des precedes injurieux & injuftes , trouvez bon que je vous demande fi votre refTentiment doit avoir des bornes , ou n'en connokre aucunes ? N'avez-vous pas deja venge le Fort Saint David , en condamnant >> la Viile de Chandernagor & Ies maifons des Parti- culiers , que vous avez cru devoir epargner en demo- r> liiTant le Fort , a etre renverfees de fond en comble ? " N'avez-vous pas depuis peu detruit , non-feulement le Fort^maisTAldee memedeKarikal ? Que vous faut-il n de plus pour remplir votre droit de reprefailles ? }-) Voulez-vous lui facrifier audi la Citadelle de Pondi- >7 chery , Ies batiments de la Compagnie, & fur-tout la r> fuperbe maifon ou vous habitez a prefent , a la place >-> des Chefs de la Nation Francoife ? Tout cela peut netre aneanti ^ fans toucher aux murs dont la Ville a ?> befoin pour pouvoir ecre hahitee , & pour ne pas )? demeurer a la merci de tous ceux qui voudroient la }> piller , foit Maures , foit Marattes , Colt Brigands w ramaffes dans le Pays. ^. Si le fyfteme fatal de deilrudion s'etendoit juf- j> qu'aux maifons des Habitants , Pinconv^enient dontje viens de parler, s^evanouiroit , mais le remede feroin ?) pis que le mal. J'ai peine a me figurer que vous puif- liez , MefTieurSj vous refoudre a ne faire qu'un mon- 9-> ceau de ruines d'une Ville dont tout le crime eft de ;- pouvoir redevenir Francoife^ & a faire en meme temps Gg 234 ^junpeuple de malheureux de tant de milllersd'hormies , ?? tres- innocents des demeles & de la rivalite de nos y-) deux Compagnies. II efl dans cette Ville bien des fa- ??mhles qui s'attendent a voiis voir s'interelTer pour ??elles, a raifon des rapports , foit d'amitie, foitdehons )? offices , foit de commerce , qu'elles ont eus ci-devant y> avec vous. Elles n'ont d'autres refTources que leurs >5 maifons , dont le loyer, foit en tout , foit en partie , y> fournit a leur entretien. Otez-leur cette refTource ; que de jeunes gens fans etat ! que de filles fans etahliiTe- ments ! que d'honnetes gens fans pain ! Vous aurez beau dire que vous leur ferez a Madras , le meilleur )5 accueil & le meilleur traitement, je vous defie, avec route cette bonne volonte , de les refaire , meme a y> grands frais , des pertes que vous pou/ez leur epar- " gner , fans qu^il vous en coute rien , & en vous faifant >7 un honneur tres-reel: la plupart de ces families^ quoi- que Francoifes d'origine^ n'ont en France ni feu , m 75 lieu J les Chefs en font morts , ou font avances en ?) age y le rede en ell: Indien, Sz nc pent vivre que dans ?> rinde : mais penfez-vous qu'apres avoir vu s'etablir >? entre les deux Nations , une guerre deflrudlive a tous jj^gards^ ceux qui auront perdu le fruit de leurs travaux 7) palFes a Pondichery , veulent expofer dans Madras , a 3? la revanche des Francois , le fruit de leurs travaux a ?)venir? Toutes les revolutions dont ilsont ete temoins^ ?? ne leur laifTent pas dourer que ces derniers n'aientauffi :>5leur tour. " En continuant a raifonner dans la fuppofition d\in ?? fyfteme qui fait frcmir Thumanite , je dcmande ^ Mef- 'L'^ i -^3) flenrs^ fi la profcription des maiions comprendrolt ?? audi Ics Eglifes ? Si cela etoit , les troupes de Sa Ma- jelle Britannique , & cel!es de votre Compagnie , feroient done venues dans Plnde faire la guerre anotre Religion ; je vous prie de fentir tout le poids de cette )y remarque ; ce n^eil pas affurement rintention de vos >y Makres : mais (i votre maniere d'agir s'eloignoit de >y cette intention , comment vous difculper des fuites ^? funefles qui peuvent refulter en Europe, de ce que vous auriez fait ici ? J'efpere , Meilieurs , que cette ?> derniere reflexion fe trouvera fuperflue; ce que j'aidit ?) ci-defllis , pour vous rappeller au droit des gens , aux >y fentiments de la generofite & a ceux de Phumanite , yy fera plus que fuffifant pour vous faire ahandonner un defTein qui leur eft fi oppofe , fi vous en aviez eu quelqu'idee avant que d'en avoir pefe miirement les yy confequences. J? Toutes les raifons dont j'ai fait ufage jufqu'ici ,font des raifons generales , en ce qu^elles font fondees fur 9y des principes d'equite , connus & admis de tout le yy monde. En voici de particulieres prifes de ce qui s'ei^!: )y paffe entre les Generaux des d?ux Narions ; celles-ci intereffent la bonne foi de MM. les Anglois , & par }y confequent leur honneur dans un point bien delicat. Quand M. de Lally^ General de nos troupes, Coni- miflaire de notre Roi , & Syndic de notre Compagnie, a ecrit a M. le Colonel Coote , General des troupes Angloifes, pour Pinviter a venir le lendemain prendre y> poiTellion de notre Place, il nous a autorifes pour join- fy dre des Deputes a M. Ic Chevalier Durre, Porteur de 23^ fa Lettre. Au refle le contenu de cette Lettre ne nous eft que peu connu , & nous vous prions , Meflieurs , de nous en procurer une copie. Les articles de capi- tulation dont nos Deputes avoient cte charges , avoient ^^te revus par M. de Lally : ils ont ete prefentes aM. ie Colonel Coote , quine s'eft defendude rienfigner qu'en donnant les meilleures paroles , & en difant qu'il regleroit tout le lendemain avec M. de Lally , de la maniere la plus favorable qu'il pourroit le faire. Nous favons de plus , que M. Coote , en abordant M. de Lally , lui a declare qu'il etoit pret de lui accorder toutes fes demandes ^ en n'^exceptant que celies qui ne feroient pas raifonnables. Qu'a-t-il dene ete regie en~ tr'eux?Nous ne pouvons en rienfavoir de notre cote, puifque notre General eft parti fans nous en inftruire ; mais puifque levotre vous aremis la Place, qu'il tenoit de M. de Lally , il doit vous avoir dit a quelles con- ditions il Pavoit recue , & nous vous prions de nous en donner connoifthnce; il ne paroit pas vraifemblable que M. notre General ait rendu ftmplement & gratui- tement une Place , ou nous yiviONS plus de BlylNCS POUR LA DEFENDRE , QUE VOUS N^EN ylVLEZ POUR l'^ATTAQXJER , SULVANT LE RECEN- SEMENT QUE MM. VOS MaJORS EN ONT FAIT ; s'il fe trouve cependant qu^il n'y ait point eu de capi- tulation par ecrit, il faut ncccffairement dire , en eloi- gnant tout foupcon de connivence , que M. de Lally a compte surement quVn nous reinettant a la difcre- tion de M. le Colonel Cooce , il Pengageoit a nous faire _, ou a nous procurer de vctre part un traitement 237 ^ ;> d'autant plus favorable ; ceci ne peut foufFrir aucim doute : &: fi qiielqu'un J moins rempli de droiture qua j> vous , Meflieurs , vouloit chicaner la-delTus , \\ eft dii J) moins certain que nous nous fommes rendus a rami a- ble. Outre Pcvidence de ce lait^ le precede memeqiie vous avez tenu jufqu'ici , par rapport a nous , en fait foi. Sur quel principe done , ou fous quel pretexte ?> ferions-nous traites dans la fuite avec tout Texces de ^> rigueur ^ qu'un Prince,, juflement irrite^pourroit exer- >? cer contre une Ville coupable de rebellion au premier >> chef , en renverfant fes murs , demoliiTant fes edifices y )-> ruinant fes Habitants ^ & ne lui laifTant plus la forme n de Ville qu^elle avoir auparavant ? Je crois cquq der- >> niere reflexion capable route feule d'arreter le progres >j de ce qui a ete commence pour dcgrader Pondichery. >? Afin cependant de fatisfaire tout le monde , je fuis >? entre dans le detail de tout ce qu'on pourroit oppofer >? de fpecieux pour rendre plaufible tout parti qu'il plai- ^> roit de prendre ; li quelque point m'a echappe, qu'on i-> veuille me le faire connoitre , & je tacherai d'y fa- tisfaire. y> Ma derniere reffource , Meflieurs , fi mes reprefen- y) tations ne vous paroifTent pas auffi legitimes qu'elles ?? me le paroifTent , feroit de protefter contre vous de r> la maniere la plus forte , foit pour les indemnites que n nous aurions a repeter , foit pour yous charger de n routes les fuites que peut avoir le parti dont je tache r) de vous detourner ; cette demarche n'ote rien a notre ^? reconnoifTance pour ce que fait M. Pigot ;, avec lapo-^ ^33 ;?Iiteire & la bonte qui iui font naturellcs j en vne d'a- jy douclr le malheur de chacun de nous en particulier. ;> Nous en rendrons toujours & par-tout le temoignage le plus authentique : mais notre interet particulier ne ?? doit pas nous fermer les yeux fur notre devoir , & fur r> rinteret public , dont le foin nous a ete confie. J5 Qu'une reponfe favorable de votre part, MefTieurs, aille au-devant de toutes les peines que nous cherchons >> nous-memes a prevenir , en vous communiquant nos reflexions dans ce Memoire. A Pondichery le 30 Janvier ly^r. J'abandonne , MESSIEURS , cet ade patriotique a vos reflexions : les infliances de mon Oncle n'ont rien prodiiit , le Confeil de Madras s'eflimontre inflexible : & mon Oncle cut, en partant , la douleur de ne laifler, au lieu de Pondichery ,qu'un amas de ruines. II part en dt- tournant fes regards d^ ce trifle objet , & voit fur fa route les habitants de cette malheureufc Ville, difperfes , fugitifs 5 implorant la Juftice divine & les Loixhumaines , contre le traitre qui les avoir rf duits a demander un afyle ^ du pain aux ctrangers , aux cnnemis eux-memes. Je n'exagere point. Vingt Lettres plus touchantes les unes que les autres , furent adreffees a mon Oncle par des habitants de Pondichery , de tout fexe , de tout age , de toute cafl:e : & Tune de ces Lettres ccrites par un Naturel du pays , annonce la difpofition des Malabares a prefenter une Requete au Roi de France , pour de- mander juftice contre M. de Lally. Enfin mon Oncle arrive a Madras , & cYtoit la qu'il devoit acquerir la 2:59 preuve irrefillible ,qnele General avoit mis en partant , le comble a tons fes crimes , par iine fuborration de T^moins centre le fieur Mariol , Capitaine diftingue au Bataillon del'Inde : prouvons encore ce dernier fait. Le i8 Janvier 1761 , jour du depart du General ^ de Pondichery , le fieur Dubois , Intendant de I'armee , dcf- cendit du Gouvernement [apres lui. Les imprecations recommencerent : on fe mit a crier : ah ! le voila , le coquin , le malheurcux. Le fieur Dubois fe retourne, m.et Pepee a la main : out , le voila , dit-il , que le plus hardi de vous s'avance. Aufii-tot le fieur de Fere , Capitaine au Bataillon de Tlnde _, perce la foule , & s'ccrie : me voila \ il veut tirer fi^n epee , elle etoit engagee dans le foLirreau : tandis qu'il fait de vains efforts , Dubois lui porte un coup d'epee : de Fere s'e::rie : attends ^ gueux , que j'^aie mis Pepee a la main , fe rejette en arriere , tire en qW^i fon epee , revient ^ s'avance^ ou plutot fonce fur Dubois, qui lui porte un fecond coup, mais recoit en meme temps le coup fatal , refle un inftant debout , a la meme place, & Pinftant d'apres tombe fur le dos roide mort. Les details de ce combat, pafiTe en prefence de quatre mille habitants, & fu prefqu'auiTi-tot de toute la ville, font tires mot pour mot de Tinformation faite le 5 Fevrier 1761, par M. Jofias Dupre , Gouverneur Anglois de ce malheurcux Pondichery , auquel le fieur Dulaurens, ancien Greffierenchefdu Confeil Souverain, fervoit de Greflier. J'en ai la copie collationnee fur les originaux par le fieurDu- laurens. Les temoins entendus, ont ^te, le fieur le Pvlain- tier , Capitaine de Cavalerie ; le fieur Dedans, Capi-- taine an Regiment dc Lorraine ; le fieur de la Mottc , Employe de la Compagnie;, &ie (leurDiore, Capitainede Cav^alerie. Tel eft le fait pour leqiicl TArret de 176(5 a ren- voye le fieur de Fere a fe pourvoir de Lettres de remidion. Je crois eflentiel d'obferver que les Anglois n'ont jamais voulu rendre les papiers du fieur Dubois, &que par une Lettre dat^e d'Alemparve ,le 20 Janvier ij6i , le General Lally s'eft oppofe auprcs du Colonel Coote , a ce qu'aucun Francois eut la liberte de fouillcr dans fes papiers J mime d^y jetterPos.il , tournant fa Lettre de maniere que , felon lui ,les CommifFaires Anglois eux- memes devoient fe reduire^y^/r^ e;z/ermer dans les coffres generalement tous les papiers qui pourroicntfe trouver dans la fuccejjion du fieur Dubois , & pour celafefaire ajjifler du Fro- cureur du Roi de Pondichery , ou d^un autre , comme tenioin , fi M. Coote lejugeoit apropos ; qu^en vn mot , le fieur Dubois n^avo it jamais ete charge d^aucune manutention d\i.r- gent ; que tous les decomptes avec les troupe^' etolcnt foldes ; qu^il ne fe meloit d^aucune partie civile , & que le Confeil de Pondichery meme en exercice ne feroit pas fon Juge...... Jc Tavouei-ai , MESSIEURS : il me paroit tres- extraordinaire que M. de Lally ait pris tant d'interet aux papiers du fieur Dubois , non pas pour les produire, mais pour les derober aux regards du Confeil , de tout Francois. Sa vigilance a reufli. L'ocil d\in Francois ne s'efl point porte fur les papiers du fieur Dubois. lis n'ont pas ^te rendus. C'eft , MESSIEURS , dans le tumulte qui donna lieu au combat des fieurs Dubois & de Fere , que le General a feint de voir un complot d'affaffinat forme centre . 14 1 centre lui. II pr^tendit qu'au moment de Ton depart , ]e fieiir Mariol sVtoit montre fur la place a la tete des Conjiirt's. Autre information faite a Madras , pardevant M. Draks , Gonfeiller an Confeil de cette Ville. Le Chevalier d^Harambure , le Chevalier Gontin , Aide- Major de Po\ndichery , le Pere Lavaur , Superieiir des Jefuites , les Peres Coftas & S. Eflevan , Midionnaires Jefuites , le nomme Hurtre , dit S. Euftachc , ci-devant Grenadier auBataillon de Tlnde, le nomme Clarambaut, dit du Chateau , ci-devant Caporal au meme Bataillon. , font entendus. Leurs declarations unanimes prouvent que le fieur Mariol , ^ qui I'on avoit dit que M. Coote , excite par M. de Lally, le faifoit chercher pour le faire arreter, n'^toit pas fur la Place de Pondichery , a cinq heures du foir , quand M. de Lally partit , mais cache depuis onze heures du matin dans fa Maifon des Jefuites de Pondichery , & n'en elt forti qu'apres le depart de M, de Lally , fur Pavis donne par M. Coote au Chevalier d'Harambure ,que le fieur Mariol pouvoit fe montrer alors. Voila ce que dcclarent ces temoins confid(5rables. Mais trois Gardes de M. de Lally, Hurpy , Jacquelot & Ber- trand avoient fait audi leurs declarations : ils avoient parle de complot , d'attaque contre le General , & que le fieur Mariol etoit a leur tete : & le General s'c- toit fair remettre par M. Draks des copies de leurs declarations , pour les envoyer en Europe. J'ignore , MESSIEURS, ce qu'eft devenu Bertrand : a I'egard d'Hurpy & Jacquelot , la fauffete de leur temoignage etoit deja bien demontree par toutes les autres qui prou- voient Vallhi. Mais la fubornation n'etoit que foupcon- Hh ' ^4^ n^e. Les deux Gardes ont reparu chez M. Draks : & la , prefTes par les remords de leurs confciences , ils ont declare ce que je vais vous lire , pour demafquer entie- rement un calomniateur , qui n'a parle dans fes M6- moires que de cabales , de complots , d'aflTafTinats , d'empoifonnements , & dont le Defenfeur, en fe rendant Techo de ces calomnies , en accufant men Oncle d'avoir concu le projet , manoeuvre les moyens , favoure en mourant , Tefperance d'un afTaflinat juridique contre le General Lally , merite enfin que tout foit decouvert. Laiffons parler Hurpy & Jacquelot Je foufligne , Jacques-Philippe Hurpy ,fils de Jacques- y-) Philippe , & de Marie- Jeanne Verles , natif de Ver- failles y Paroiffe S. Louis , ci-devant Grenadier au Eataillon de Plnde , & Garde de M. le Comte de Lally , declare que Particle de ma depofition du 14 >? Fevrier de la prefente annee , ou il eft dit : Je n^ai y> dljlingue que M, Marlal _, qui etoit a leur tete , eft r> faux & fuhreptice , & j'ai dit feulement que je ' croyois qu'il etoit au nombre des perfonnes affcmblees 5? devant le Fort ; mais que je n'ai jamais dit Tavoir dif- y> tingue & vu a leur tete. Je declare en outre que ladite vi depofition etoit ccrite huit jours avant que jePaie fignee, r a quoi je n'ai confenti que par les menaces reiterees de M. de Lally de me faire mettre a la Pagode a Ma- i> dras , en prefence & dans la maifon de M. Draks , >-> Confeiller decette Ville. Le 15 Decembre 1761. Slgne ^ ;>? Jacques-Philippe Hurp^. H3 Au has eft^crit , en Anglois , de la main de M. Draks': w Cette depofition ou retradation a 6te faite devant w moi I'un des Juges de paix de Sa Majeite , la premiere ann6e du regne de Sa Majefte le Roi Georges III , & en I'an de Notre Seigneur 1761. Date & fcell^ cc w26Septembre 1761. Signe,DviAKS (r). Je fouffign^ Jofeph-Louis-Domis Jacquelot , fils dc > Francois &de Marie-Jeanne Germain, natifd'Amiens , MparoifTe S. Remy , ci-devant foldat au Bataillon de >> rinde , & Garde de M. de Lally , declare que ma depofition du 14 Fevrier de la prefente annee , que j'ai faite , oii il eft dit que j*al dljlingue la voix de n M. Mariol y que je l*ai vu s'avancer feul , & enfuite rentrer dans le centre de la multitude , lorfque M. de Lally ejl parti pour Madras , eft abfolument fauffe, ne Payant ni vu ni entendu : je declare ne Pavoir dit y> qu'apres m'y etre vu force par les menaces reiterees de f> MM. de Lally & . Je declare que ce der- nier a voulu me forcer a declarer que j^avois vu Ic n fteurde Trinquerle prendre, a lafortie du Fort , par Ic pan de fon habit , & vouloir le jetter en bas de fon cheval, a quoi je n'ai jamais voulu confentir. Je declare >? audi que ledit fieur & un des Secretaires dc : M. de Lally, qui ecrivoitjes depofitions , ont voulu (i) This depofition or recantation was taken before me one ofhisMajep ty's Jujlices of the peace ^^ in thefirji year of the reign of his MajeJIy King George the ^*. & in the year of our Lord zySz. Dated & feaied this 2,6"'. day ofSept^, ijGi, DANSONNS DRAKS. Hh 1 144 i-) me perfuader de figner la depofition du nomm^ Pret- ^> a-tout , qui ^toit pour lors abfent, difant qu^ayant en- yf tendu ledit Pret-a-tout faire fa depofition , je pouvois la figner pour lui , ne m'engageant a rien ; a quoi je n'ai jamais voulu confentir. Enfin , je declare que je n'eus 5> jamais fait ladite depofition fans les menaces reiterees ?> de M. de Lally de me faire mettre a la Pagode. La prefente Declaration veritable , a Madras , &en prefence & dans la maifon de M. Draks , Confeiller de cette Ville , le 30 Septembre 1761. iS*/^^e , Jacq.uelot. Au bas efl encore ecrit , en Anglois , de la main de M. Draks : Je certifie ceci etre une vraie copie de la depo- r> fition faite devant moi un des Juges de paix de SaMa- ^?je{le,Ia premiere annce du regne de Sa Majeflc le >) Roi Georges III , &: Pan de Notre Seigneur 1761. Dai6 & fcelle ce 30 Septembre 1761. Slgne , Draks (i). Ces deux pieces , MESSIEURS, ne vous feront pas fufpedtes : je les ricns a la main. Ce font deux copies collationnees fur les originaux , par ordre de M. Draks, fiances , certifices de lui , fcellces de fon cachet. Je tiens audi des copies collationnees, fignees , certifiees & fcel- lees de meme, de toutes les depofitions recues a I'oc- callon du fieur Mariol. Elles fe font trouvees fous les fcelles de mon Oncle , aui^* bien que la copie de Tin- (i) Y certify this to he a true copy of a depvftion taken he fore me one of his Majefty's Jufices oftkepe.ice, in the firji year of the reign of his Majefiy King George ihe 3^. & in the year of our Lord zjGz. Dated & feaUd this. ^0^^. day ofSqyt''. zjGz, D^NSONj^s Dr^kS. formation fur la mort du fieur Dubois. Cette dernier^ eft la 12^. piece de la cote io8 ; les autres font la 13^ piece de la meme cote. Voiis avez an Proces des expe- ditions de toutes ces pieces , remifes par la Compagnie , ou produites par les tempins. J'hefite fur ce dernier fait. Mais j^obferve a la Coar qti'il n'eft pas un temoin im- portant qui n'ait joint a fa depofition des pieces de con- vidtion. Et vous'^pouvez, M ES SIEU RS , juger d'a- vance ii mon Oncle , qui n'a fait aiicun ufage pen- dant fa vie, de celles que je viens de vous lire , a ma- chine , comme on vous Pa plaide , contre le General , & s'eft porte pour fon d^^nonciateur ; il n^eut pas et6 coupable de le fairc. Car le Proces, MESSIEURS, vous prouvera que M. de Lally n'a pas rougi de faire au Chevalier de Mefmes , des offres d'argent & de fervice, pour Tengasfer a fe joindre avec lui dans fes accufations contre mon Oncle ; & qu'iln^a pas fait avec moins d'im- pudence les memes ofFI-es au Chevalier de Jumilhiac contre MM. de Moracin & de BalTy. Un dernier trait, MESSIEURS, achevera de peindre le General Lally , & le Gouverneur de Pondichery. Le General fait , en partant , des protefliations au nom du Roi contre le traitement modique que les Anglois fai- foient , en argent, par m.ois , aux Employes de la Com- pagnie , leurs prifonniers. Le Gouverneur eniprunte, en partant, 60 mille livres , & les prete aux Cfficiers Fran- cois, fans diilin<5lion , pour faire leur pafTage en Europe, Tons deux ont foutenu , jufqu'au dernier momenx , leur cara(5tere. Enfin, MESSIEURS, me voici parvenu au bout de i4<^ la carriere. Voil^ les foits de la feconde 6poqite. Je ne dirai qu^un mot fur la troificme , fur M. de Lally en France. C^efl qu'il n*a pas ceflTe d'accufer hautement , de denoncer , de calomnler , a la Cour , a Paris , chez les Ma- giftrats , chez les Miniftres , dans les Cercles , aux Pro- menades , par-tout , le Confeil & le Gouverneur de Pondichery : qu'il a voulu fe porter pour accufateur en crime de leze-majefte contr'eux , & n'a pas reufli : qu'a- lors il s'eft habilement retourne , demandant qu'on lui permit du moins de les attaquer en calomnie,eux quine faifoient que repondre a fes accufations , & n'a pas reufli : qu'enfin M. le Procureur-General Pa d^nonc6 d'office , & que mon Oncle, qui n'avoit fait aupres du Gouver- nement, & pour obeir au Gouvernement lui-meme , que repouffer les calomnies du Comte de Lally , par un Me- moire qui n^a pas vu le jour, n^a pas donne contre lui une ligne d'ecriture auParlement, foit avant , foit apres la denonciation du Miniflere public. Telsfurent le Com- miflaire du Roi & Ic Gouverneur de Pondichery en France ; tels ils avoient ete dans Plnde. Je vous fupplie de les juger, je vous fupplie de prononcer entre monOnclc & fon Perfecuteur. On vous propofe , que dis-je ? On vous dide , MESSIEURS , la rehabilitation du General Lally. N'a-t-on pas entendu mon Adverfaire plaider expreffement que cette rehabilitation etoit deja prononcec par le Confeil, ou , felon lui , on ne cajje jamais utt Arret criminel , Jans etre bien certain de P innocence de rAccufe ? Etrange paradoxe I qui feroit du Confeil un Tribunal d'appel , & detruiroit jufqu'aux premiers prin- cipes de Pordre judiciaire. N'a-t-on pas entendu mon ^4T A^verfaire s Verier que VUnlvers a rehahillte d^avancele" Comte de Lally , & que s^il demandoit un Arret, c'etolt pour oppoferun acle judiciaire a une acle judiciaire ? L'Univers a" rehabilite le Comte de Lally ! Sur quels fondements?Sur (ts Memoires ? II eft impofUble de les lire avec attention , fans y decouvrir fes perfidies ! Sur la Correfpondance ? Ah ! confulteztoutesles ames honnetes. Les Lettres , les Let- tres de votre pere & de mon Oncle feront toujours mes plus terribles armes. Sur les pieces du Proces ? Elles font in- connues. Sur les precis , fur les fragments hiftoriques d^un homme celebre ? Vous n'oferez plus le dire. Sur votre Memoire au Confeil ? II n'eft pas publie. Sur les libelles clandeftinement imprimes , qu'il eft notoire que vous dftribuez fourdement a vos Juges , en les fuppliant d'entrer en confidence des outrages dont vous chargez les temoins , les premiers Juges? Eh bien 1 ofez done les repandre ces libelles audacieux. Je ne vous promets pas qu'ils demeurent impunis. Maisje vous promets bien qu'a leur ledlure , PUnivers n'aura plus que de I'horreur pour votre Caufe. Sur cette Confultation , imprimce a Rouen , des Avocats de Paris ^ dont vous avez eu la te- merite de parler a TAudience , apres avoir pris des pre- cautions pour empecher qu'elle ne fut reimprimee a Paris ?II eft temps que je devoile Pobjet de ces precautions myfte-^ rieufes, que vous n'avez pas rougi d'attribuer au dejfTein de prevenirdes fermentations. Eh bien ! ofez dire que cette Confultation eft imprimee fidelement ! Ofez nous en niontrer Toriginal ! Ofez affirmer que vous ne Pavez pas alt^ree a Timpreftion ! Ofez aflirmer en meme temps que les Jurifconfultes qui Pont fignee , ont eu connoif- 14^ fance dii Memoire a confulter qui la pr^c^de , autre li- belie centre vos premiers Juges, Sc que vous n'avez pas fait imprirner ce libelle , fans Tavoir montre a vos Avocats , au nicpris de la virit6 , de Thonncur , de la bonne foi , de la reconnoiffance que Ton doit i fes Con- fells. Voila comme fe conduit mon Adverfaire. Le voilji, MESSIEURS! II ofFroit a TAudience du lo Mars , de nier avec ferment qu'il eut plaide les quatre faits dont je demandois a6te, que le public avoit enten-^ dus , que M. TAvocat-General avoit atteftes , & que la Cour , en fe recordant , a conflates par fon Arret du meme jour , conforme , mot pour mot , a mcs Conclufions. Et depuis , le hafard m'a fait connoitre qu^il avoit abufe de la foi de fes Confeils. II eft bicn jufte que je le demafque, lui qui m'accufe publiquement de trahifon. De trahifon ! nioi? qui n'ai pas dit un mot , ni fait un pas dans cette affaire, qui n'ait ete d'avance mille fois public, au point que mes amis m'ont fouvent reproche ma franchife , que je parlois trop haut , que j'annoncois trop ouvertement mes projets, mes moyens , mes demarches ! Je m'en repens moins que jamais. Celui qui ne fait rien fans faveu de la Loi & de Phonneur, peutne rien faire fans Tannoncer. Moi coupable de trahifon 1 Et pourquoi ? Pour priver mon Adverfaire deslumicresde M le Premier Prefident ? H^las! MESSIEURS , mes amis ftvent , le Public a pu voir, la Cour a pu juger , fi j'ai voulu priver mon Ad- verfaire des lumieres de M. le Premier Prefident. Jc propofe une reflexion. Nous avons perdu plus d'un Juge ; M. Doueffcy par un voyage , M. Bonnel par une indif- pofition , plufieurs de Medieurs , quoique prefents a TAudience , rAudience, s^abfliennent d'enconnoitre. Pourquoi done mon Adverfaire n'en a-t-il pas tcmoigne du molns quelques regrets ? J'ofe dire que fon infurrefbion eft plus injiirieufe encore aux Juges qu'il reclame , qu'a ceux qui le trouvent indifFerent. Et remarquez Jevousfupplie , MESSIEURS, Texpreflion echappee a mon Adverfaire. Apr^s avoir pro- tefte , en face de la Cour , de nullite contre TAudience du iX'.Je conclus ,dit-il ,^ ceque Plntigralite de mes Juges me Jolt rejiituee Me soit rsstituee.,,, A lui A mon Adverfaire Non pas a nous, non pas a notre caufe. Peut-onpoufferledelire plus loin? Peut-on infulter plus ouvertement la Cour, M. le Premier Prefident , M. de Vaubadon , & les bienfcances > Peut-on adreffer a des Magiftrats un plus coupable hommage ? Mais fur quel motif mon Adverfaire a-til demande que Pintegrallte de fes Juges lui fut rejlltuee ? Parce qu'il en a perdu pre^- cifement du nombre de ceux qui ont connu de la parde du rapport deja faite , qui des-lors etant plus eclalres , font plus precieux pour la verite & pour la jujlice. Ici _, mon Adverfaire s'oublie encore ; car , apres avoir , pendant douze heures , plaide au fond , apres avoir , pendant douze heures _, dechire mon Oncle & bleffe la verite _, il a fait plaider par M. Ducaftel , au nom du fieur Allen, que la difcuflion , & par confequent la connoiffance du fond etoit abfolument inutile a Texamen de I'inter- vention : & le zele de M^. Ducaftel Ta pouflT^ jufqu'^ traverfer la continuation de mon recit. II a fallu qu'un Arret le deboutit. Reclamation illegale , reclamation in- jurieufe a la Cour , aux Magiftrats qu^elle concerne. Voila deja deux de fes cara6leres. J'ajoute , reclamation li tres-inexacle. II exifle , MESSIEURS, au fujet de cet Ade , imprime apres I'Arrct qui le rejette , fans noni de Procureur , ni d^Avocat , en contravention aiix Reglements , dans cette Ville , fous vos yeux , chez rimprimeiir de M. le Premier Prefident , il exifte entre M. le Premier Prefident & moi une Correfpondance. Elle n'eft pas finie , cette Correfpondance. J'en attends le terme avec fecurite. Si jamais elle eft publique , la Cour y verra monrefped pour elle & pour M. le Premier Pre- fident : elle y verra que ma conduite eft ferme , parce que ma confcience eft pure. En attendant, je declare expredement n'avoir jamais fait de convention verbale ni tacite , dire(R:e ni indire<5le avec mon Adverfaire : le refte s'eclaircira & j'ofe me flatter que M. le Premier Prefident lui - meme , qui n'a pas pu jufqu'a prefent , par defaut de fante , me recevoir , ni me repondre , ou du moins entrer en matiere , m'aidera tot ou tarda debrouiller ce melange de vrai & de faux, dont on ofe tirer , fous fon nom , des confequences facheufes contre moi Mais qu^il me foit permis du moins de terminer par une obfervation tres-legitime. La Caufe etoit renvoyee au 12 par un Arret. Pouvois-je me difpenfer de paroitre a PAudience , moi fjr-tout qu'on accufoit de chercher a prolonger , quoique depuis le 16 Fevrier, mon Adverfaire eut la parole , & que PAllie de mon x\dverfaire diit la reprendre avant moi ? Pou- vois-je fans manquer a la Cour , demander ou faire demander la remife de notre Caufe , fans etre aiTure des difpofitions de la Cour ? Or j'ai cherche a les connoitre^ ces difpofitions. Je Pui chcrclie^par lesmoyens que je devois , & je n'ai pas pii y parvenir. Et qiiand on voudroit travcftir un hommage purement perfonnel a M. le Premier Prefident, mais toujours fubordonne , tOLijours annonce pour Tetre,. a mon refpd: envers la Cour , le Miniftere public & les formes , en un traite tacite avec mon Adverfaire ^ que je n'ai pourtant charge perfonne d^en avcrtir , n^avois-je pas d'autres Parties ? M*auroit-on repondu du fieur Allen , du fieur Poully , des autres Accules ? Et que s'efl-il pafTe en effet ? On ouvre PAudience , ce n'etoit pas a moi de prendre la parole , je garde le filence. A-t-on entendu le Procureur du fieur de Tolendal ou PAvocat qu'il avoit charge de confentir a la remife , feus pretexte de cet engagement chimerique , qu'il eft venu me reprocher a grands cris ; a-t- on ,dis-je J entendu le Procureur ou PAvocat du fieur de Tolendal , reprefenter , temoigner quelque furprife fur mon filence? lis n'avolent , vous a-t-on dit , de pouvoir que pour confentir , & non pour demander la remife ? Quelle defaite ! Comment! leur zele ne devoit pas les porter, la liberte de leur miniftere qu'on ne reprochera pas a M^. Ducaftel d'avoir trahi depuis , ne les autorifoit pas a dire au moins , que mon filence les etonnoit , quHl eocijloit entre mon Adverfaire ^ moi des paroles dont lis crojoient devoir me prier de rendre compte Non , MESSIEURS, PAudience eft ouverte , la Caufe eft appellee, je n'avois rien a dire, je garde le filence, & M^. Ducaftel , qui , fous le nom du fieur Allen , n'a pas cefte de plaider pour le fieur de Tolendal , fe leve , prend la parole , & plaide , fans reclamation , fans obfervation ; tandis que moi , je demeurois en Pe- lix contant, borile au role purement pafllif que m^ijupofoit I'ordre des Plaldoieries. Voila , MESSIEURS, ce qui s'efl pafl^. Vous vous le rappellez. Quel a done et6 mon etonnement , mon indignation , lorfque j'ai vu mon Adverfaire me reprochcr , huit Jours apres , une trahifon _, m'oppofer le temoignage de M. le Premier Prefident , nous apprendre qu'il s'eft tenu une conference a ce fujet entre ce Magiftrat & M. le Garde des Sceaux, que M. le Garde des Seeaux Pa interpelle , qu'il a , fur Pinterpellation , affirme les farts 1 Quoi ! tandis que je plaide ici , deux Maglftrats qui doivent etre impaf- fibles. Pun comme vous, MESSIEURS^ I'autre comme la Loi dont il eft le premier organe , s'occupent a mon infu , en mon abfence , fans m'ccouter , fans, m'appeller , fans mVn ecrire au moins , de faits qui peuvent me nuire , & quVn doit, a Tabri de leurs. noms , prt'fenter a PAudience ! Je n'en crois pas^ iTJon Adverfaire. .. II voulait que la Cour interpellat audi M. le Premier Prefident , il comparoit la parole de ce Magiftrat invoque centre moi , contre moi foa Client, au Proces -verbal d'un Magiftrat infulte , en mem.e temps il demandoit que M. le Premier Prefident fut fon Juge & le mien : & dans fon cgarement , les expreflTions les plus imprudentes lui font cchappees. A Pentendre , je Tai prive des fecours nccejfalres a fa de- fenfe ; c'efl un larcin_, par moi des luges lui font enleves : il conclut formellement a a que fes luges lui foient reflituis Ah.' MESSIEURS, je Pai dit fur le champ , qui de mon Adverfaire ou de moi a plus t^moigne de refpe(^ a M. le Premier Pn'fidcnt? Je re pete i^3 que je n'ai .ni form^ , ni du , ni pu , ni voulu former aucune efp^ce d 'engagement verbal ou tacite , dire(5l ou indirect avec mon Adverfaire ; j'efpere qu'il fentira fes imprudences , pour ne rien dire de plus ; j'efpere qu'il cefTera d'abufer du nom de M. le Premier Prefident... . & je conclus , que le jugement de Tunivers ne fera pas appuye non plus fur la reclamation. Encore une fois , que mon Adverfaire nous dife done fur quoi il fonde ce jugement anticip^ de Tunivers en faveur de fon pere \ Les Memoires du General Lally , fes Letties , celles de mon Oncle , les Pieces du Proces , les Precis & Fragments hiftoriques , le M^moire au Confeil , les libelles clandeftins qui vous font diftri- bues , la Confultation defiguree des Avocats de Paris , le Memoire fuppofe qui la precede ; le ferment par lui ofFert a TAudience du lo Mars , fa reclamation libel- lee fauffement , imprimee irregulierement , repandue indecemment ; tous ces Allies , MESSIEURS, ou ne peuyent pas fervir , ou ne pourroient que s'oppofer au pretendu jugement de I'univers. Qu'efl-ce done qui peut nourrir Pillufion de mon Adverfaire ? Serait-ce encore fa Lettre au Comte de Vergennes, imprimee au Courier de TEurope ? Je crois avoir aneanti ce libelle par man Commentaire. Qu'a r^pondu PAuteur du li- belle ? Pas un mot dired. II a feulement pretendu que je manquois au Comte de Vergennes. Q^i'a de commun la gloire de ce Miniflre avec la Lettre de mon Adver- faire ? J'honore avec toute TEurope les talents & lesr lumieres du Comte de Vergennes , mais je me crois- permis de ne point confondre fes negociations avec la Lettre dii Ciirateur de M. de Lally , 8c de dire que cette Lettre femee de faits qu'on n'ofe plus articuler , d'accufations qu'on n'ofe plus foutenir , de defis a tout le monde , qu'on abandonne a la vue du premier qui les accepte , ne pafTera dans Pefprit de perfonne pour im chef-d'oeuvre de politique. Mon Adverfaire citera- t-il encore , comme un jugenient de Punivers , cet article indecent & faux du Courier de TEurope , n^. 20 , au feptieme volume , oti I'on parle de mon Oncle , de ma Caufe , & de moi avec audi peu de bienfeance que de verit^ ? Je crois devoir vous apprendre , MESSIEURS , que j'en ai porte mes plaintes , que j'ai voulu faire inferer au Courier de I'Europe un article tendant a retablir la v<6rit6 : que mes prieres , que mes inflances n'ont pas eu de fucces , & meme qu'il ne s'efl plus trouve d'autorite en France pour les accueiilir. Je n'ai pas cru , MESSIEURS, qu'il fut digne de moi de rien faire imprimer fans obferver les formes , & j'ai lailfe mon Adverfaire jouir de fon triomphe dans le Courier de PEurope. Mais voyez fi j'avois tort de dire que tout k monde n'a pas les memes facilites que mon Adverfaire pour difpofer publiquement d'une feuille dans ks Journaux. Mon credit ne va pas meme jufqu'a pou- voir faire infdrer un article de vingt lignes dans une feuille periodique , autorifee en France... Mais j'aurai pour moi, MESSIEURS , la loi , la v^rite , votre juflice. Voila , mon credit, mes protec- teurs , voila cette armure celefte que mon Adverfaire m'a reprochee : avec elle , oui , fans doute avec elle , je me crois invulnerable : mon Adverfaire m'a dcclar^ qu'il iroit aux pieds du R.oi. Eh bien ! je Py fuiyrai. Jc doute fort qu'il ofe , devant la perfonne du Roi , fe jetter , s'emporter , s'egarer dans ces declamations intolerable's qu^il s'eft pourtant permifes devant le Roi prefent ici, par fa Juftice. Mais enfin , le Roi I'ecoUtera , parce qu'il eft bon , le Roi m'ecoiitera , parce qu'il eft jufte : je laifterai , comme j'ai fait ici , un libre cours a fes decla- mations ; mon, tour viendra : je repondrai : n S I R E , ne ^foufFrez pas qu'une fauffe pitie s'empare devotre coeur. ;> La vraie bonte des Rois , c'eft la juftice. L'innocence, 5) les loix , la majeft^ des Tribunaux qui tirent de vous ^? tout leur eclat, la verite ni'ont preced^es a vos pieds, & m'environnent : cette verite, SI RE, vous annonce w par ma bouche que le General Lally a trahi dans I'lnde .> le feu Roi votre Aieul. Que V O T R E M A J E S T E >j daigne compter & pefer les temoignages , examiner ?) les Pieces , fuivre les faits. Voyez ce General , en ^? meme temps Commiftaire du feu Roi votre Aieul , Sc 9) Syndic de la Compagnie , debuter en arrivant par des 9j outrages envers le Gouverneur & le Confeil Souverain, >5 depofitaires de votre autorite ; marcher a S. David j> fans aucunes precautions, accufer tout le monde avant la prife , force de fe retra(51:er apres le fucces : evacuer, >j malgre Pavis. du Confeil , Cheringham , pofte qui de J? voit favorifer Texpedition prochaine du Tanjaour : 3) expofer des ce moment par le rappel combine de deux Chefs nccelfaires , fans Deliberation du Confeil , fans jy meme le confulter , au mepris des inftances reiterees du Gouverneur , Timportante Ville de Mazulipatam , & vos riches Provinces du Dekan aux amies de Pen- i<6 nemi : voyesr-le en marche pour le Tanjaour , ne >> pas vouloir attendre les vivres , & les munitions , >y piller vos propres Ald6es , diflTiper les vivres fur la route , retarder , d^tourner Cqs approches pour le pil- lage inutile d\ine autre Ville , arriver , mais avertir de n fa propre d^treffe Tennemi qu'il va combattre , trahir /> vos int^rets , tant6t par fa negociation d^rifoire avec 9^ cet ennemi , tant6t par la rupture de cette negociation devenue plus toieufe , & confommer fes perfidies par la plus honteufe fuite : il revient a Pondichery , c'eft pour empecher le Confeil Supdrieur d'ecrire en France, w cVft pour y d6ranger radminiftration des Finances , Tufurper fur le Confeil , ramener tout a la caifTe mili- rf taire dont lui feul difpofoit. II prend pofTeffion d'Ar- n cate , c'cft pour en conftituer , d'abord RcgilTeur , 3) enfuite Nabab , Rajafaeb , ennemi naturel de trois Princes Maures , que fes inflru61:ions lui prefcrivoient r> de menager^ nos Allies , ennemis des Anglois , & qui, fur la fimple nouvelle de la regie , ont quitt^ notre parti , maifacre vos fujets , fecouru vos ennemis , ;tra- verfe le fiege de Madras. Le General part pour cette expedition. Deux laks lui fuffifoient. A ce prix il re- pondoit de Madras. II touche plus de fix laks , & r> Madras n'eft point pris. Durant le fiege , un Partifan > fufpedl: d'intelligence eft arrete, mais relache : durant le fiege , des liaifons fuivies du General avec plufieurs Dames Angloifes , ^tonnent tous vos fujets. La Ville noire eft pillee fans neceftite comme fans fruit : la for- > tereffe eft attaquee obftinement par Pendroit le plus fort & le plus incommode pour recevoir des munitions : ;) ces - ^^^. ^^17 ... ces munitions elles - memes font volontairemeht mal employees , le feu des actaques eft volontairement in- V terrompu : nos batteries font livrees fans dcfenfe au feu des adidges : des Lettres abooiinables , ecrites , w envoyees par le G^n6ral , fans precaution , eloignent 37 nos Allies , encourasrent nos ennemis. Un de leurs jy pofles qu'il falloit prendre , qu'on pouvoit prendre , y> leur eft laiff^ , Sc d^ CQ poilc , une poignee d'An^lois fe fait un point d^appui pour defoler notre camp. Du- rant le fi^ge , un Batiment Anglois , annonce au Ge- neral, s'approche & mouille impunement fous le canon de la Fortereffe , apres quoi on envoie le canonner. yy Enfin une terreur affe^lce du General lui fait lever le jy fiege. II ne fe retire pas , il fuit , laiifant a Tennemi , ^? qui ne le poarfiiivoitpas , qui ne pouvoit pas le pour- 3? fuivre ^ artillerie, munitions, tout , jufqu'a vos fujets >? bleflTes , abandonnes , par Ton filence , aiix horreurs de fy la faim pendant deux jours. Cependant, SIRE, pour ce 3) fiege incroyable, Pondichery ctoit demeure fans garni- ;>fon, vos Aldee fans dcfenfe, les recoltes fans protec- jy tion^ScPennemi les a detruites. De retour a Pondichery, py\Q General y fait fentir , au lieu de Tautorite bienfai- >>fante de VOTRE MAJJ^STE, tout le poids de >? la tyrannie la plus in1j 3;3ortabie, Les Malabares font yy vexes impitoyablement. Piufieurs prennent la fuite. fy Mazulipatam eft afTieg^e , il falloit le fecourir. Le Ge- jy neral difFjre , par Teffet de fa haine contre un de vos yy plus braves fujets ; Mazulipatam eft en'eve. La voix >? ..,b que d^nonce le Commandant , o;i informe : Pin- ii formation etoit concluante : le Ge..eral a/rete violem- Kk > ment les procedures , & comhle d'honneurs le Com- y> mandant. Canglvarom etoit a vous : pofte important : ;> le General le favoit blen , & Pavoit reconnu par un ,ecrit motive* Un moisapres, Tennemi en fait le (iege. Le General ne veut pas le fecourir. Cangivarom eft p pris , & dans cc pof1:e , un Allie fidele eft abandonn6 au fer de Tennemi qui le fait maffacrer , lui & toute fa famille. Vous aviez Arcate , pays fecond en vivres, precieux par fes revenus : le General fepare fon armee n en deux corps , par un intervalle de foixante lieues , y> Arcate au milieu demeure fans prote61:ion , & les >? Anglois y reprennent leur ancienne preponderance- L'armee fe revoke pour <3ix mois de paie , le General ^jTapprouve^rautorife , Pirritecontre les habitants & le Confeil -jVeut Pexciter, Paider , la conduire au pillage de votre Ville , & finit par lui payer (ix mois en fix J5 jours , & deux autres mois , dix-fept jours apres , lui T) qui fe difoit d^nue d^argent & de moyens pour en 5> avoir. Bientot il perd en perfonne , par fa mauvaife difpofuion &par fa lachete , une bataille a Vandavachy , au meme lieu oil no s tro-upes avoient remporte fans 5>lui, quatre mois auparavant , une vi'ftoire fignalee. ;> Alors il rentre dans Pondichery , pour n'en plus for- r> tir , ne fait plus faire a votre armee , fuperieure en 5>nombre , meme de fon aveu , a eelle de Pennemi , y> que des mouvements retrogrades , commet une ufure y> effroyable , fous un nom emprunte , contre la Compa- y) gnie dont il etoir Syndic , dans un moment de crife >> publique , expofee par lui-meme tres-pathetiquement ^ trois jours auparavant y ab'andonne a Pennemi toutes ^f9 ^os pofTeffions , laiffe prendre tons fes poftes les tina apr^s les aatres , fans vouloir les fecourir , declare peue . Vut\ d*eux qifil ne Ta pas voiilu, q'/il ^toit trop mS- >, content de la Cour , fait faire des fignaux auxquelg les Francois ne pouvoient pas rdpondre , ptilfque dans ies moments choifis , on n*attendoit ni Vaif- feaux , ni convois , mais auxquels on repond da f, camp Anglois : fe livre en d^fefp^re k tous lea- ,> cmportements de fa haine contre les iiabttants , y, le Gouverneur & le Confeil de votre Vilk , laifle ven- dre au dehors de la Place par un Concuflionnaire , y, qu'il avoit puni comme tel , les vivres amafTes pouc^ la Place , traverfe tous les foins qu'on voulolt pren^. ,y dre pour Papprovifionnement , appelle a fon fecours ,y les MayfTouriens pour affamer la Ville , ne veut pas ,, les mener a Tenncmi , propofe de les piller & de les malTacrer : confent a la formation d'un Comite pour Tobjet des vivres , mais voyant qu'il reullit , le cafTc ,j trois femaines apres ; au lieu de fe concerter avec Ic Confeil, Paccable d'inve(5i:ives , au lieu d'encourager les habitants , les accufe publiquement & fans pretexte de trahifon : fait drefler dans les rues des roues & des _,, potences : menace les Confeillers de les faire fufiller,- s'ils paroifTent enfemble plus de cinq a fix , chafle les Malabares , fans appuyer leur fortie , abandonne au pillage de vos Soldats la Ville noire , menace des memes horreurs la Ville blanche , rebute les mdres ,, cplorees , met fous leurs yeux Timage du repas Ic plus horrible , menace les peres de famille de faire ^, violer leurs filles par vos Soldats , ^xch^Q vos fujets Kkx parades fouilles arbitral res, par des taxes immodei'^ei , & cependant met a convert tous fes efFets , les fait paiTer a trailers le camp ennerai , entretient avec le Commandant Anglois la plus fcandaleufe correfpon- dance : donne des ordres pour faciliter rafTaut a I'en- nemi > -finit par interdire . le ^Cpnfeil , par eloigner lesChefs.de tousJes Cprps mijitaires , fait mine de voulpir; cJpituler, ordonne au fieur de Landivifiau de faire dxcder urte capitulation ,non-reulefnent de Place , mais de Colonie : mais de'clare qu'en meme temps il rendra fa perfonne a difcretion : enfuite il fe retra6te , ote par le fait au fieur de Landivifiau fes pouvoirs ; permet au Confeil de capituler pour la Ville & les habitants, tourne en ridicule , corrige de fa main un premier projet de capitulation , approuve le fecond , srrete pendant deux jours Tenvoi des Deputes , attend que la Ville n'ait plus de vivres que pour deux heures, confent alors au depart des Deputes , leur permet de prefenrer la capitulation , mais avant qu'elle foit lue,fait remettre au Vainqueur un a6le par lequel , ,, en Paccablant d'injures , il lui declare qif il ne veut y, pas capituler , Tavertit de Tetat de la Place , rend vos troupes , faute de vivres, prifonnieres de guerre , aux ^, termes d'un cartel que lui -meme avoit enfrc'int : re- yy dame pour les habitants & pour la Ville ce cartel qui ne les concemoit pas : avercit le Vainqueur une fe- ,, conde fois de fa propre foibleffe, lui dit qu'etant plus ^, fort , il pent dieter les difpofitions ulterieures , Pou- tragc de nouvtau , & declare apres tout cela que le Confeil peut , non pas capituler, mais reprefenter pour 'lui Sc pour les habitants..... Le Vainqiieur , comme il ,y ^toit facile de le prevoir , renvoie les Deputes du Confeii fans les ^couter : le lendemain votre General ,, livre la Ville a I'ennemi , moins fort qne lui en nombre. ,,;Bient6t les murs font abattus : Tennemi menace les maifons de la meme rigueur : le Goiiverneur reprefente , protefte : le General fe tient tranquille : il a bien fu ^y pourtant proteiler depuis contre iin traitement fait par ,,Ie Vainqiieur a des prifonniers vos fujets : les proref- ,j tations du Gouverneur font inuti'es , la Ville eft rafee ,, de fond en comble , cette Ville fi jfloriifante , quand votre Commiffaire y mit les pieds , trois ans anna- ravant , n'eft plus qu'un amas de ru'nes & tandis ^, que vos fujets pleurent fur leurs maifons derruires , le General s'occupe & reujflit a d.'rober aux reg^ards du Confeii, a tout ceil Francois , les papiers de Tlntendant de votre armee ; il s'occupe Sc reuHlr a fuborner trois de fes Gardes contre un Olicier Francois , pour un affadinat imaginaire.... Et c'eft pour Pauteur de tous ces crimes, c'eft pour rhomme coi^able d^une trahifon auffi marquee , qu'on vient , S I R E , non pas demander grace aVOTREMAJESTE; mais Paifurer que votreParlementafciemment facrifie par un Arret unani- me rhomme jufte aux cris d\me cabale acharnee , comnie fi les preuves ecrites & les aveux de I'Accufe ne ve- ^, noient pas a I'appui des temoignages ! Comme s'il etoit f, poflible que des hommes fe reuniH^ent, les uns pour in- vente.- , les autres pour accueillir au nom de la Juftice , au ,, votre , SIRE, autant d'horreurs 1 comme s'il fe pouvoit ,^que toute une Co.onie^ que tout un Tribunal ^ miiTeat t6z a la fois dans leur conduite autant cTachamement & , ,,de fens froid , autant de fureur & de combinaifon I Une telle defenfe eft , S I Pv E , une preuve dc plus centre , letrahre. Que VOTRE MAJESTY daignc enfin , ,y remonter aux principes de ces declamations feditieufes; jy qu'elle daigne approfondir les intrigues parttculieres qui les ont fufcit^es , foutenucs , fomentces , propagees. On. , m'a defi6 de montrer les refTorts , de nommer les agents , d'indiquer le but fecret de ces intrigues ; j*accepte le defi ; . & a VOTRE MAJESTE me Tordonne , je lui dirai ce que faittoute la France , & ce qu^on a diflimule a VOTRE MAJESTE. Ainfi j'aurai tenu la parole de mon Adverfaire , qui promettoit la verite , toutes les vcrltes. Et dans ce cahos eclairci, VOTRE MAJESTE dcmelera fans peine fes bons & loyaux ferviteurs , ellc en impofera aux ennemis de fa jufljce & de fa gloire : qu'ils tremblent , quails rougiflent, & fur-tout , SIRE, qu'ils fe repentent a votre voix ! Qu'a la voix fouverainc de VOTRE MAJESTE, tous ces fantomes , long- temps nourris dans les tenebres , & tires du fein dc ,y leur profonde obfcurite pour les faire lutter contre les loix , rinnocence, la verite, vos Magiftrats , vos inte- rets , rentrent enfin & pour toujours dans le neant. Toute . ,y la France vous en conjure. J'ajouterai , MESSIEURS, a ce tableau des crimes du General, le recit des fervices du Gouverneur. Je pein- drai , en peu de mots, les foins qu'il s'eft donnas , les- dangers qu'il a courus , les chagrins non m^rltt^s qui. n'ont pas ctiTe dele devorer , les malheurs accumul^Si, fur fa tete irreprochable , trois ans pafTes aux prifes avec y> 163 Ic tyran & le dcfl:ru<5l:eur de fon pays , fa perfonne indl- gnement traitee , fa patience mife aux ^preuves les plus rudes & les plus frequences , fes plus fideles ferviteurs , fes plus anciens amis perfecutes de preference , fes confeils toujours mdprifes , fes intentions toujours rioircies , & neanmoins fes efforts perfeverants pour prevenir ou du moins retarder la ruine publique , fa fortune epuifee , fa fant6 r^duite aux abois/fes jours abr<^ges , fes manes infukes, J'appellerai en temoignage de (a vertu , fes adfcions , fes Lettres , celles qu'il a recues , celles qu'il a ^crites , tous les Journaux tenus dans I'lnde , les Hens , cette incroyable Correfpondance qui pafferoit pour un Roman, fi Pexiftence des deux Acflieurs n'etoit pas averee: cette Correfpondance ou Ton voit deux modeles , Vun de fiireur , de perfidie ; Tautre de patience & de pa- triotifme ; en un mot , j'invoquerai en faveur de mon Oncle la voix publique, tout, jufqu'aux aveux de fon Perfecuteur, & je dirai au Roi , ce que j'ofe dire au- jourd^hui a ceux qui le reprefentent : Jugez _, SIR E , Jugez , MESSIEURS, lequel de ces deux hommes a merits la mort , lequel des deux a merite la honte ^ lequei des deux etoit un traicre. Et vous qui n'avez pas reulH a m^effi-ayer , profanateur des cendres de mon Oncle , vous qui troublez , je le repete , par vos cris imprudents , la trifle paix du tom^ beau de votre p^re , ced'ez de prendre un ton fi haut. Vous n'epargnez dans vos m^pris , ni les Compagnies les plus refpe(5lables , ni les pcrfonnages les plus recom- jQiaiidables , ni les Corps les plus dignes d'elos^es. A <|UQi pcnfea-vous que tout cela vous ferve ? Qu'efperea*- ^^4 vous ? Appuyer votre Caufe? Honorer votre perfonne? Detrompez-vous. Les Marillac & les Montmorency n'au- roient pas fuivi votre m^thode , ni tenu votre langage. La modeftie (led bien au rang le plus illuftre , elle fied bien^ la v6rit6 meme ; mais vous, ravez-vousrefpedee? Tavez - vous dite ? , Par exemple , Tavez-vous dite , en m'accufant d'avoir defigure votre M^moire au Confeil , quand j'ai foutenu qu'il pr^fentoitvos premiers Juges comme des Bourreaux? Comment avez-vous repondu ? Par la lecSlure d'une apo(trophe qui fe trouve dans Pexorde de ce Memoire , & qui ne taxe que d'erreurs ces premiers Juges : apres quoi vous vous etes ecri^ par deux fois , d'un air triom- phant : M. d^Epremefnil Pa lu , & il m'accufe d^avoir reproche un ajfajjinat aux Juges de mon phe Sans doute M. d'Epremefnil Ta lu Mais croyez-vous qu'il fe contente de lire Pexorde & la peroraifon d'un Memoi- re ? M. d'Eprcmcfnil lit tout: or dans la feconde partie du votre , fous la feconde Propofition intitulee : Mon pere eut-il e'te le plus coupahle des hommes , a iti mat juge ; voici ce qu'il a trouve. A Dieu ne plaife que je veuille compter routes les atteintes portees a ces inflitutions fi fages & fi necef- jjfaires, produire I'enumeration volumineufe des nullites, des prevarications entaffees les unes fur les autres , )? faire pcnetrer les caufes fecretes qui les ont produi- y> tes , & dccouvrir dans routes fes parties cette horrible machine , dont le jeu apparent, quelqu'effi*ayantqu'il roitj Pefl moins encore que les redbrts qui Pont fait j> mouvoir. On ne fauroit trop reflerrer des details aufli ;> affligeants i6^ affligeants pour rhumanite ; je ne dirai que ce qu'il :me fera impoflible de ne pas dire : je me bornerai au caradere exterieur de la Procedure, & je diflinguerai fept points generaux de reclamations , fous lefquels je . diviferai tous les moyens deflines a prouver la feconde - Propofition que je dois etablir dans cette feconde partie. >j 1. R.idicule odieux dans la bafe du Proces , nullite radicale dans toute la Procedure. " 1. Contravention formelle aux ordres du Roi pen- 9^ dant tout le cours de rinfl:ru6tion. 3. Renverfement de toutes les loix dans I'information. 4. Inhumanite revoltante , infidelite inouie dans le refus d'un Confeil. 5. Partialite outree des CommilTaires. 6". Rapidites fcandaleufes dans le Jugement: Denis de Juflice multiplies. 7. Faux dans TArret , abfurdite dans Penonce du Jugement : inexidence de delic. Et dans la difcuflion de tous ces points, que vous trouvez fans doute refpedtueux pour vos Juges, & qui n'annoncent que de Ferreur , voici ce que M. d'Epremef- nil a remarque. ?) Ce Moine, ( le Pere Lavaur ) , avoit forge deux Mc- j) moires , Pun pour , Pautre centre mon pere. Qui le croiroit ? C'eft fur le dernier que le Procureur-Gene- ?> ral rend plainte contre mon pere ! C'efl un libellequi 5) devient le figne de ralliement contre cette vi^lime infortunee ! C^eft la que les Temoins s'inftruifent , }-) que les Juges s'eclairent : c'ell fur ce libelle d'un ini- polleur demafque par lui-meme, convaincu de rapine:-; LI x66 ^par Vqs tr^fofS, ConVaincu de duplicite par fes propres f^ Ecrits , qu'un Lieutenant- General fe voit accuf6 , jug^ y> Si condamne. ~ Plus loin ^apres avoir entaff^ des fophifmes contre Fattriburion donnee au Parlement , par deux Lettres-^ Patentes , non de la connoijfance , puifque le Parlement 6toit Juge d'appel , & qu'il avoit comme tel , renvoy6 au Chatelet la premiere plainte de M. le Procureur-Ge- n^ral , mais de Pinftruclion du Proces de votre pere : Ibphifmes tresadroits , & par lefquels vous efperezvous manager des moyens d'incompetence contre tous les Tribunaux qui ne rehabiliteront pas votre pere , attendu que leur competence aura toujours , felon vou-s , ces Lettres-Patentes pour principe , vous ajoutez : ?> Tout ?> ce qui refulte de ces fecondes Lettres-Patentes^ c'efl: ^> qu'il y a une double manifeftation des ordres duSou- ':> verain, une double defobei^Tance a ces memes ordres , >' & que mon pere a ete la vi61:ime de cette double ?) d^fobeiffance. >5 Je ne cite que les faits , je ne juge point les inten- ?? tions ; m^LisJi la con damnation demon malheureux pore eut jy ete riduite enfyflime ,fi Von eutdit , qu'importe oiifoient les delits 3 voilaoii doitetre la peine ; voila Phomme qu'il faut >5 immoler'j tout ce qui tend ace hut t flprecieux ; tout ce qui en }) eloigne efl fufpecl ; tout ce qui peut s'armer contre lui efl i->facre. II feroit innocent fi P on ne vouloit rien ecouter de ce }> qui efl coup able ; ilfaut done que tout ce qui le dit coupable nfoit innocent. Si on eut penfe ,fioneut parleainfi ,qu'eilt- 5? on fait 3 qu'eut-on pufaire de plus que ce qu'on a fait}, Plus loin encore , en parlant des Temoins & des Ju- ges , vt)ici ce qwe je lis : // n^edt pas^ codtc hecmcoi^p dc p^ine , it ne fallolt pas chercher , ll nefalloit que regarJtn Qu^on n^eut pas ferme les yeiix feulement on eut vu tm ramas de gens fans aveu , & fans honneur , les uns cou" verts de fange , les autres couverts de crimes , des Garcons. Tallleurs , des Chandeliers , des Calfats de Vaiffeaux , des Falefreniers ,des Eanqueroutlers , des assassins , les uns devenus Memhres d^un Con fell dont lis deshonoroient k rtom, hs autres devenus Employes d^une Compagnie dont ih devorolent la fuhflance , plufie^rs fletrls par la Juflice , bannls de VEurope plutSt par F indulgence que par lafeverlti des Lolx , conduits aux fers a P Orient , & de la aux hides , la plupart denonces par Vadminiflration conime coupahles de Idchetis j d^lnfidelites & de brigandages, Ailleurs, a roccafion de la mort du fieur Dubois, dont j'ai parle , vous dices , appuye fur le temoignage des Gardes fubornes par votre pere : Done on n^a pas pu ne pas voir qu'il y avoit eu un ajfafjinat premedite contre mon pere Done on ne p eut pas ne pas voir qu^on a admis pour temoins des affajjins, Vous pourfuivez : Mius comment jujlifiera-t ' on une inflruction fondee fur de pareils temoignages , & que rep on- dra-t-on a cette longue lifie de faits que je viens de mettre au jour , & que j'offre de prouver ligne par ligne? Ce qu'on a repondu , lorfque mon pere , dans fes reproches , articu- hit les memes faits ^ dont il ojfroit les menus preuves , que Jl on eut entendu contre lui aucun de ceux qui reve- noient de PInde , ou dinonciateurs de fa conduite , ou enne^ mis de fa perfonne , ou interejfis a fa perte ^ il n^y eut pas eu di timoins, & il enfalloit, Ll X ^6B II falfoit des temoins ! Et apparem'ment lorfque je m^e-^'i, leverai tout a Pheure contre unc accufat'on. deux fois renou-^'^ vell^'-: . d^ux fois renvcrfee , & repro.^uite encore fur une ' troijl' me forme , a laquelle on n^entend plus rlen , on me: repondra qu^il falloit un dellt ; & lorfqu^en parcourant tous ceux dont on avoir charge mon pere , je demanderai quel e/F. c'elui que la Loi puniffoit de mort , on me repondra qu^il falloit une vi'^iime ; & je repondrai , moi , que sUl efl des cas oil il faut des temoins , un delit y une viclime , alors il ne faut plus de Loi. Mais fi foccafion de verfer le fang des hommes e/I fi precieufe , quil ne faille jamais la laiffer echapper ; s'il falloit des temoins , un delit , une viclime , falloit-il aufji que pour temoins on ne reconnut que ceux qui pouvoicnt charger mon pere ? Qjie pour delits , on ne reconnut que les actions faites par mon pere} Que pour viclime _, on ne reconnut que mon pere ? ) Ceil pea , voiis rencherifTez par ces paroles : Cepen^ dant , tandii qu'on negligeoit , qu'on evitoit , qu''on rejettoit tous les tc'moignages que la raifjn , Phonnetete , la juflice appelloient , on chcrchoit , on accueilloit , on encourageoit tous ceux dont Padmiffion e'toit le comhle de P ahfurdire , d', la honte & de Piniquiie. Dans un autre endroit : Mais puifqu^on ne vouloit pas pourfuivre les faux temoignages , on aura du moins refufd d^en almettre toutes les preuves. Non , des preuves ont ete admifes , djs impo(l:urs o-^t ete avoue's tels ; on les a reconnus pour faux temoins , & on les a conferve's pour temo'ns. Dans un autre: apres rimputation horrible faite 269 a M. de Bretignieres , a ce Magiftrat dont Tindulgence ' connue ne s'efl pas dementie meme envers votre pere , . d^empecher qu'on n'ecrivit la retraclation d'un temoin , vous dites ainfi les faux temoins fe fauvo'ent en calom- niant mon pere , & les hommes vrais 6' honnete^ fe perJolcnt en le defendant, . Et pen apres J au fiijet de trente-deiix temoins qui , faifoient charge, vous parlez ainfi ; fur ces trente-deux, temoins , tous ennemis jures , il s'en efi trouve dou^e denon- ciateurs , trel^e faux temoins , quatre affaffins , & mon pere a ete condamne a mort fur leurs depoftions, . Tels font les pafTages que M. d'Eprv^mefnil a his : malntenant il vous demande , -a vous qui le taxez d'avoir defigure votre Memoire , a vous qui n'^ave^ apporti dans cette lice que la droiture , la franchife , la loyaute (i), s'il n'a dii voir qu\in reproche dVrreur dans ces pgf- fages , & s'il a ti-ompe la Cour , en affuranr que votre Memoire au Confeil reprefentoit tous les temoins commc des parjures , tous les Juges com me des bour- reaux , par qui la mort de votre pere etoit mife en fyfleme , qui Tavoient interieurement juree ? II vous demande lequel de voiis ou de lui a dit la verite ? L'avez-vous dite encore en affirmant que vous n'aviez. pas demande une CommifTion ? Lifez done les Conclu- fions de votre Requete au E.oi Mais ici qu'avez- vous dit ? fai demande au Roi un Tribunal coivpofe de Lieutenants- Generaux & de Ma-giftrats D'abord ce Tribunal etoit une Commiilion Mais de quels (i) Terraes de la Reclamation, Maglflrats ? Achevez done , voiis n*"avez pas- e-fe !e dire II faut done que je le dife pour vaus De Lieutenants- Generaux & de Maglflrats du Confdl.,. Or la Coiir fe rappelle ce qu'a plaide mon Adverfaire , que le Confeil , avant de caffer un Arret trimintl y s^af- furoit de Vlnnocence En cela meme , vous trompez encore Car nous avons vu en 1778 ,un Arret d'abfo- lution , en faveur dehuit perfonnes accufees d'incendie, cafTe a la requete de la Partie civile , qui propofoit deux mo yens : l^injufllce du fond , & renornirti des dommages & in te rets fixes par I'Arret a 12,000 livres reparties enrre les huit Accufes. Cerninement le Confeil , en opinant pour lacafTation de cet Arret, n'avx)it pas Pevidence, ni legale, ni morale de Tinnocence.... Mais enfln , je Padmets.... Le Confeil etoit sur dc Tinnocence de vorre pere en opinant pour la ca/Tation C'etoit done des Magiflrats surs felon vous , que votre pere ^toit innocent^ qui n^auroient pas opin6 pour la caiTation , s'ils n'avoient pas cm votre pere innocent , que vous demandiez pour Juges de la queftion , /i votre pere etoit innocent ou coupahle, Cette marche eft-elle bien ferme ^ Efc-elle bien d'un homme sur de fa Caufe ? Je dis plus : eflelle refpec- fiieufe pour le Confeil du Roi ? Vous dites que fon fentiment , en faveur de Tinnocence de votre pere , ef^ etablr par la caJation, & vous demandiez qu'il jugeat cette innocence, deja examinee , deja reconnue par hii? Vorre maniere d'honorerles Magiflrats efl bien Strange. Je conclus que ce Tribunal , demande par vous aii Roi , compofe de Magiflrats qui s'etoient , a vous en- tendre , expliques , engages, par la caiTation, poiir Pin- nocence de votre pere, de Magiftrats dont vous taifrez ici la qualite , 6toit une vraie Commiflion. Qui de nous deux a dit encore la vcrite fur cet article ? Vous vous etes recrie , vous aviez peine a retenir Ic mot de calomnie , fur ce que j'ai dit , que le feu Roi n'avoit jamais voulu entendre parler , ni de grace pour la perfonne , ni de rehabilitation pour la menioire , ni de revifion pour le Proces du Comte de Lally. Et quel eft votre moyen ? Que vous n'avez jamais demand^ la rehabilitation ? Eh ! que m'importe ? Avez-vous demande la grace du General ? N'eft-il pas notoire pourtant qu'on Pa demandee ? N'eft-il pas certain que les parents du Comte de Lally fe font jettes aux pieds du Roi , & qu'ils n'ont pas ceffe d'employer en fupplications les trois jours accordes depuis PArret ? Vous convener d'avoir prefente un Memoire pour la revifion en 1771; voila done deux de mes raits prouves , & Pun des deux y par vous-meme. Quant a la rehabilitation , dementez done tout le public^ dementez Paris & Verfailles. Mais je ne puis m'empecher d'admirer votre prudence. Le choix du temps pour la revifion en eft une preuve. Vous aviez lu dans POrdonnance que les Lettres de revifion doivent etre adrelTees aux Cours ou.les Proces ont ete juges. Votre pere avoir ete juge au Parlement de Paris : c'etoit done au Parlement de Paris que la revifion devoit etre envoyee. Mais en 1771, le Parle- ment 6toit-ii a Paris ? Singuliere fageffe ! Quand le Parlement de Paris eft difperfe , vous demandez pour Juge le Parlement de Paris : quand le Confeil a , fuivant vous , prononce Pinnocence de votre pere, vous^demandes - 1 Mes moyens ne font-ils pas prefents a vos efprits ? Ne font-ils pas independants de moi ? Ne font-ils pas un depot qui vous eft confie par la Loi ? Les plaider , n'eft-ce pas en quelque forte reprendre ce depot dans vos mains ? Eft-cc a moi d'cclairer mes Jugcs ? Eft-cc a moi de rappeller an Miniflere public les princlpes de ma Caiife ? Si j'en croyois mon coeur , je vous di- "rois , MESSIEURS , les fairs font connus , les qualites font determinees , par cela feul mes moyens font plaidis : je m'en rapporte a vos lumieres : ou , s^il faut que les Loix aient un organe , elles ant Jans ma Caufe , pour ma Caufe mime , un Defenfeur plus eclaire que moi. Qu^il daigne fe lever y quUl parle , je de'pofe mes droits dans lefein de la Juftice appuyee fur P eloquence , & je me tais Cet exemple ^ MESSIEURS, feroit digne, j'ofe le dire , de mon etat & de ma Caufe; mais la de- licatefTe des Magiftrats n'admet point cet hommage * mais la difcuflion polemique des Loix , en donnantaux Audiences plus de majefte , infpire aux Citoyens plus d'interet , Sc repand dans les families la connoifTance des vrais princlpes : mais ces combats judiciaircs , en fournilTant des fujets a Peloquence , animent , honorent le Barreau , dont tous les Membres font les Apotres des verites les^ales. J'aurois du craindre d'entrer dans cette lice oii d'illuftres & genereux athletes fe difputent votre admiration & vos fufFrages. Mes occupations m'ont prive du bonheur d'affifter aux Audiences; mais dans le peu que j'ai fuivies , j'ai vu les Loix difcutees fans amertLime , j'ai vu les interets cclaircis fans paffion , j'ai vu Taccord du g^nie, de la fcience & de Pamtnite , enfin j'ai vu , dans ces luttes honorables , un fentiment commun reunir les combattants ,ramour de la verite. Cet amour eft audi dans mon coeur ; c'eft lui qui m'eclaire^ c'eft lui qui me foutient , c'eft par lui que j'efpere que mes efforts ne feront pas defavoues du Barreau de cette 17.8 Villc y c'eft par lui que j'afpire a Phonneur d'imlter tant de Jurifconfultes recommandables. J'entre en maticre j'obeis a Tufage , je vais plaider mes moyens ; mais , apres la verite , je tacherai , MESSIEURS , d'Y mettre la plus fevere precifion. Je n'ai que trop a craindre d'avoir abufe des moments de la Cour : mais \ necefTite m'excufe, & Ton indulgence me rafTure. Remontons d'abord a Pidee ^encrale de ce Proces* Le Gouverneur de Pondichery , frere de mon pere,eil: injurie par le General Lally : je le dis calomnie. Qu^iJ foit injurie , cela efl evident; qu'il foit calomnie , cela e(l devenu du moins tres-vraifemblable. Doit-il etre injurie, calomnie impunement ? Tel ell le point de vue le plus eleve de notre Caufe. Ce n^eft pas tout : les injures font d'une efpece toute particuliere. Le General Lally , accufe de trahifon , rejette tous fes crimes fur mon Oncle. Ici Pinjure eft employee par PAccufe pour fa defenfe. Si cette injure eft une calomnie , tout ce qui tend a Peclaircir eft au rioins favorable. II feroit affreux pour moi que cette ca- lomnie put fubfifter impunement ', mais il feroit plus trifte encore pour la Juftice que cette calomnie put touiner au profit d^un traitre. Loin done que mon in- tervention foit odieufe , c'eft aux fins de non-recevoir que ce reproche eft du , fi mes plaintes font juftes. Je fuppofe que le calomniateur m'echappe a Pabri des formes : fa calomnie , une fois demontree , n'en meri- ritera pas moins le mepns , Pindignation univerfelle. La Juftice le laiffera fuir , mais a regret. Mais je ne crains pas ^ MESSIEURS , de foutenir 279 que fai pour moi dans cette Caufe les formes & la verite tout a la fois. En eifet , quelle eft mon adion ? Une action en calomnie. Comment I'ai-je introduite ? Par une Requete d'intervention au Proces criminel du Comte de Lally. Analyfons toutes ces idees. Premierement , c'e/I une action : fecondement , cV/? une aclion civile introduite par la voie d'une Requete , ^ non pas d^une plainte. Troifie- memcnt , ce n^efi pas une Jimple Requete , c^eji une Requete d'intervention au Prods criminel du Comte de Lally, Or , il ne fuffit pas que mon action foit jufte , ilfaut qu'elle foit r^guliere : il ne fuffit pas qu'elle foit reguliere , il faut qu^'elle foit recevable : j'en conviens, Mais j'aurai , ce me femble , etabli la juflice , la regularite , Popportunitd de cette a61:ion , fi je prouve en premier lieu , que je puis agir ; en fecond lieu , que je peux agir par la voie d''une Requete purement civile ; en troilieme lieu , que je peux & mime que je dois iatroduire cette Requete dans le Proces criminel du Comte de Lally, Telles font en efiPec mes trois propofitions : Je peux agir ; je peux agir. PAR LA VOIE dVtsTE ReQU^TE PUREMENT CIVILE ; NON-SEULEMENT JE PEUX , MAIS JE DOIS INTRODUIRK CETTE Requete dans le PRocis criminel du Comtr DE LaLLT. Premiere proportion ; Je peux agir : certainement , MESSIEURS , en thefe generale , le droit de repoulTer du tombeau de mon Oncle les calomnies qui le profa- nent , ne peut pas m'etre contefte. Non-feulement c'eft un droits mais encore c'ett un devoir. II m'efl prefcrit par la nature , il m'eil impofe par la Loi. Si Von infulte , i2o folt au cadavre yfoit a la mimoire de celid qui nous a laiffes pour hinders , ou pour pojfejfeurs de fes hiens , efl-il dit ail Digefle , livre 47^. titre 10 , des injures <& U- belUs diffamatoires _, loi prjemiere , paragraphe quatrieme , nous avons en notre nom une action d^injures. Car cette infulte interejfe notre reputation. Ex si forte cadaveri DEFUNCTI FIT INJURIA , GUI HEREDES BONORUM-VE POSSESSORES EXTITIMUS , INJURIARUM NOSTRO NOMINE HABEMUS ACTIONEIVI. SpECTAT ENIM AD EXISTIMATIO- NEM NOSTRAM , SI QUA EI FIAT INJURIA : IDEMqUB EST SI FAMA EJUS GUI HEREDES EXTITIMUS LACES- SATUR. La nieme Loi , an paragraphe fixieme , confacre les memes vcrites. Toutes les fois , dit-elle , que le cadavrt ou la memoire d^un teftateur font attaqucs , apres Padition de Vheredite _, // faut dire que V injure eft faite en quelque forte a Vlieritier lui-meme ; car il importe toujours a Pkeritier de laver la memoire da defunt, Quoties autem funeri TESTATORIS VEL CADAVERI FIT INJURIA , SI QUIDEM POST ADITAM HEREDITATEM FIAT , DICENDUM EST HEREDI QUODAMMODO FACTAM. SeMPER ENIM HEREDIS INTEREST DEFUNCTI EXISTIM ATIONEM PURGARE. Telle eft la Loi : or , dans Tefpece , les calomnies n'ont et(5 pubiiees qu'apres la mort du Gouverneiir de Pondichery. Ceil done a moi Ton heritier , que ces calomnies s'a- drelTent : c'eft done a moi fon heritier que s'adrefTent en meme temps ces paroles de la Loi : V^enge la memoire du defunt , ton interet Vexige , ta reputation perfonnelle eft compromife par ces calomnies. Semper enim heredis INTEREST EXISTIMATIONEM DEFUNCTI PUIIGARE Spectat 2,8l SpECTAT TtNIM AD EXISTIMATIONEM NOSTRAM, SI QUA EI FIAT INJURIA N'eft-cc pas m'avertir clairement de mon devoir P Je le remplis & je conclus qu'en thefe generale j'ai droit d'agir pour la memoLre de mon Oncle calomnie apres famort.^J'efpere que ce point ne fera pas douteux entre le Defenfeur des Allies de mon Adverfaire ,&moi. Mais fi j'ai droit d'agir, en th^fe generale , il faut done, pour m'ecarter , oppofer a ce droit des excep- tions tirees de la Loi meme. Cell: a quoi mon Adver- faire applique fes efforts. Voyons fi j'aurai beaucoup de peine a repoufTer ces exceptions. A Dieu ne plaife que je fois venu contefter en la Cour les vrais principes ! Mon Adverfaire en a , MESSIEURS , reclame fur I'adion d'injures , qui font indubitables. Je conviens qu'une injure dijjimulee , vengee y eteinte , ne donne plus d^a(51:ion. Mais convenons audi des faits. Par qui cette injure a-t-elleetediflimulee ? Par le Gouverneur de Pondichery ? II eflbien etonnant que mon Adverfaire s'obftine a leplaider; il eft bien etonnant que PAllie de mon Adverfaire s'opiniatre a Pimprimer. J'ai dit a M^. Ducaflel , en pleine Audience , que le Gouverneur de Pondichery etoit mort le 9 Avril 1764. Je tiens fon extrait mortuaire : & cependant M^. Du- caflel fe fait un moyen, dans fon Plaidoyer imprime , de ce que le fieiir de Leyrlt itoit mort fans fe plaindre , & fans vouloir fe plaindre Eh ! bien , je repete au Defenfeur de PAUie du General Lally , que le Gou- verneur de Pondichery , calomnie en ij66 , etoit mort le g Avril lyG^f.Ce fait n'a point change depuis PAu- dlence 011 j'en ai parle. Dira-t-on que Pinjure ait ete Nn diflimulce par moi ? Je rcpete qu'en 1766 , jVtois mi- ncur. A cela que replique le Defenfeur de TAllie dii G^n^ral ? Que M. d'*Epreniefnil , mineur ou nan , etoit alors Avocat du Roi au Chdtelet , & n^ignoroit pas que le Miniflere public peut autorifer un mineur ? Quoi ! ferieufement ! Le Miniftere public autorife un Mineur a la pourfuite de fes affaires domeftiques _, & non pas uni- quement aux fond:ions de fon miniflere ? C'eft dans Touvrage d'un Jurifconfulte connu par fes lumieres , que j'ai lu ce principe ! J'en crois a peine mes propres yeux , & tres-certainement je n'y repondrai pas. Dites - moi done, par qui 1 injure a-telleete diflimulee ? Paries autres parents du Gouverneur de Pondichery ? Je n'cn avois qu'un,frere , ainfi que mon pere , du Gouverneur de Pondichery, & mon Tuteur. II n'a pas rendu plainte en 1766 : il n'eft pas intervenu. Que m^importe ? Ignorez- vous que les a6i:ions , qui naiffent d'un delit , font en meme temps communes & perfonnelles dans les ^ucct^- fions 5 qu'elles appartiennent , non-feulement a tous les heritiers pris colle^livement, mais encore a chacun des heritiers confid^res fepar^ment :que ce principe eft fonde fur ce que Thonneur du defunt eft celui de chaque he- ritier , fon bien propre , indivifible , fon honneur pcr- fonnel ? Que chacun eft Juge pour lui-meme d'un point li delicat , & qu'ainft I'opinion d'un feul nc peut pas enchainer les autres , ni I'opinion de tons les autres , nuire aux droits d'un feul. Je ne m^arreterai pas a prouver ces maximes , elles font trop connues. CefTez done de m'op- pofer le filence du Gouverneur , il etoit mort avant la calomnie; le mien , j^etois mineur ; celui de mon parent. 183 il ne m'enchainoit pas : voila mes trois rcponfes fur la diffimulation. Mais y dites-vous , V injure efl vengee , elk efl eteints. Vengee ! Par qui? comment? Par I'Arret de 1766? Cen Arret ne fubfifhe plus , & c'eft par votre fait. Rendez-le- moi, & je me tais. Eteinte ! Comment cela ? Par la mort du calomniateur. Cette objedtion eft une pure Equivoque. Sans doute la mort du calomniateur m'empecheroit de pourfuivre la peine contre lui : mais cette mort ne m'em- pecheroit pas de demander contre fa memoire , ni les dommages & interets que je m^prife , ni la fupprefHon de fes Ecrits , a laquelle je m'attache. Crimen mortalitate extinguitur. La Loi le dit , & vous avez raifon. Mais permettez-moi de vous reprefenter que les Latins n'en^ tendoient point par le mot crimen , ce que nous entendons nous par crime , que I'acception moderne confond avec delit. J^ts Loix , par le mot crimen, exprimoient Paction penale. Et fi vous en doutez , daignez done ouvrir les Loix Romaines : quand elles parlent des actions que nous appellons des crimes, comment s'expriment^elles? Par ce mot unique & confacre. Delits ! Delicta. Lifez le premier titre du Digefte , au livre 47^. Comment eft-il concu ? En ces termes. Des delits prives. De PRIVATIS DELICTIS , & non paS , DE PRIVATIS CRI- MiNiBUS. Ce meme titre m'offre une Loi qui vient ^ I'appui de cette explication , qui d'ailleurs eft familiere aux perfonnes verfees dans la langue des Loix , & certainement a vous -meme, qui me forcez de vous Poppofer. Si quelqu'un , dit la deuxieme Loi du titre ou nous fommes , paragraphe 3 , pourfuivant une aciion Nn X 2.84 nie dhm me fait , agit en reparation pecuniaire , il faut le renvoyer a la Jurifdiclion ordinaire _, & non l'obliger A souscRiRE UN CRIME .' mais s^ H deuiandc pour ce uiefait la peine extraordinaire y alors il sera tenu de sous- CRIRE UN CRIME. Nec cogendus erit in crimen fuhfcri- here...,.. Tunc fuhfcribere eum in crimen opportebit ,. Les Latins ne difoient - ils pas crimen intendere ? Crimen instituere ? Intenter un crime ? Dirions-nous intenterun delit} Non , fans doute. On impute un delit, on intente line adiion , on foufcrit une accufation y CRIMINI SUBSCRIBHRE , IN CRIMEN SUBSCRIBERE , CRIMEN INTENDERE , CRIMEN INSTITUERE. CcS exprcfTionS itoient fynonymes dans la langue Latine , pour expri- mer Paction judiciaire par laquelle on pourfuivoit un d^lit : & les Loix Romaines n'ont jamais paru conFondre le crime ou Taction , avec le d^lit ou Pobjet de cette a6lion , que lorfqu'un meme mot pouvoit s'appliquer a tous les deux : c'eft ainfi qu'au 50^. livre du Digefte , titre 16 , de la fignification des mots , la Loi 131 , para- graphe i^^. , apres avoir diftingue Pamende d'avec la peine ^ dit que la peine peut etre impofee par tout Ma- gijlrat auquel il appartient de pourfuivre le crime ou le delit. P prononcer centre ks calomniateurs , un anatheme plus terrible & plus i m pre fori ptibte ? Point d'excufe pour ^ eiix, point d'abolition publiqiie , point d'abolltion pn- vee , point de grace exprefTe , point de benefice general , & cela , fous aucun pretexte , fous au- jcuYiQ couleur , c'eft-^ dire , jamais , dans aucun temps ; car la prefcri prion n'eft pas autre chofe qu'un bene- fice general. II sVnfuivroit , MESSIEURS, de cettc Loi Romaine , que la peine de calomnie feroit imprefcriptible , fi nos Loix n'avoient pas borne la duree des pourfuites contre les crimes a vingt ans. Or, ce font nos Loix que j'oppofe k TAdverfaire : & de ces Loix qui me donnent vingc ans , qui n^ont pas entendu fe joucr de ma fimplicite , qui dans le doute fubviendroient au calomnie, & non pas au calomniateur , je me crois autorife a conciure que ma demande en fuppreffion des Memoires calomnieux du General Lally ne feroit pas eteinte par fa mort meme. Mais enfin, je vais plus loin , MESSIEURS ; j'admets que ma demande en fUpprefTion foit eteinte par cette mort ; & dans cette hyporhefe , j'ofe avancer que ma demande a ceffe d'etre eteinte , & que la calomnie renaljfante fair renaitre nion aftion. C'efl: ici le mot de la Caufe. Je vous fupplie, MESSIEURS , de m'accor- der route votre attention. Fixons bien , d'apres mon Adverfaire lui-meme , notre pofition refpedive. J'adopte pour un moment toutes Go 190 fes hypothefes. II vent que j'aie diflimule Tinjure ; folt. II veut que cette injure ait ete vengee ; a la bonne heure : il veut que mon adion foit eteinte par la mort du General: pafiTons encore ; mais cette injure, ces ca- lomnies horribles , vous*, homme vivant & pr^fent au Vroces ,vous les renouvelle^ : voila le mot, voilalcmal, c'efl: a vous que j'en demande raifon. La calomnie efl renouvelUe ; ce premier point nVft pas douteux. Je ne perdrai pas le temps en vaines paroles pour le prouver. L'Arret de 1766 n'exifte plus , les Memoires du General font au Proces , ils revoient le jour; ce que le Parlement de Pari-s a declare ca'cmnieux, ne pafTe plus pour tel : ils fervent a la defenfe du General , ces Memoires horribles : la Cour efl obligee d'en prendre connoifTance : elle y verra mon Oncle accufi^ a chaque page, de trahifon, & jufqu'au Jugement definitif , la Cour pent douter. Ceux qui pofledent cts Memoires font en droit de penfer que peut-etre ils con- tiennent la vcrite ; or , le fait qu'on y donne pour une verite , c'efl que mon Oncle a trahi TEcat. Juges, Lec- teurs , tous peuvent done fufpendre leur jugement fur la memoire de mon Oncle : tous peuvent dire , il eft pojjible enfin que M, de Leyrlt foit un trahre. Or , PAr- ret de 1766 avoir mis la memoire de mon Oncle a Pabri de ces foupcons : PArret n'exiftant plus , ces foupcons rcnaiffent par le moyen des calomnies du General ; done ces calomnies font rencuvellees. Cen'efl pas tout Ja calomnie efl renouvellee par mon Adversaire. Cc fecond point nVfl pas moms evident ^ue le premier , & ne fera pas plus diincile a prouver. C'eft par votre fait que le Proems revit , c^ejfl: par votre fait que les Memoires du General font reproduits : done c'efl par votre fait que la memoire de mon Oncle n'eft plus veng^e , que les foupcons renaiffent coiitrVlle : done c'eji par votre fait que la calomnle efl renouvdlee. Qu'oppofe k ce raifonnement mon Adverfaire ? Un fubterfuge , une equivoque. Je fuls , m'a-t-il dit , le Curateur a la memoire du General Lally : mon pere efl mon pupille. II n^efl pas en mon pouvoir d^attenuer fa defenfe , de le p river des pieces dont it fe p rev a hit : 5' du nomhre font les Memoires dont vousvcne:^ vous plain^ dre. Je ne puis pas les oter du Proces , moi Curateur de VAccufe : lis appartiennent nonfeulement a lui , mai^s au 'Miniflere public , je n^ai pas pu ne pas les reproduire dans ce Proces ; ou pour mieux dire , je ne les y reprodtils pas , je les J Iniffc. Telle eft, MESSIEURS , robjeaion dc mon Advcrfaire : il ne Ta pas meme propofee en termes audi precis. Mais mon deffein n'eft pas de PafFoiblir. La voila , je crois , dans toute fa force. La reponfe , MESSIEURS, ne fera pas bien difficile. Premierement , oii mon Adverfairc a-t-il vu qu'un Tuteur foit oblige de prendre en main les interets meme illegjitimes de fon pupille, d'en foutenir les fautes, d'en juftifler les crimes ? Oil mon Adverfaire a-t-il vu que le Curateur a la memoire d'un Accufe qui fe defend par dcs calomnies publiques , foit oblige de mainrenir ces calomnies , d'y perfifter, au lieu dc s'en rapporter a la Juftice , & de declarer dans fes conclufions , que , s'il laiffe au Proces les Memoires attaques , c'eft par la ne- Oo z celTite de fon miniftere , & non pas qii^il refufe de croire & de tenir pour irreprochable le Citoyen injurie? Car enfin la calomnie ne peut jamais fauver im Actiife. II ea efl: tot ou tard la viclime. Des qu'elle eit eclaircie , fon crime n'en eft que mieux prouve , n'en eft que plus atroce. Son interet n'eft done pas d'yrecoarir, le devoir d^ fon Curateur n'eft done pas d'y perfifter. An refte , mon Adverfaire ne voit pas qu'il me donne lui-meme des armes contre lui. II eft oblige , nous dit-il , de lailfer au Proces des Mv^moires caloninieux contre m^n Oncle- Eh bien, moi j je fuis oblige de ne pas les y laifTer ; il eft oblige de renouveller les calomnies du General contre mon Oncle ; eh bien, je fuis done obligee de renouveller oil de produire les dcfenfes de mon Oncle : mot Cura^ teur naturel de fa memoire , moi qi^e les Loix chargcnt de fa vengeance , moi que les Loix & la nature avertilTent de concert que Thonneur de mon Oncle & le mien font infeparables. Eft-il poiTible que mon Adverfaire foit force de renouveller des caloranies contre mon Oncle , & que moi , je fois force de les fouffiir ? Ofera-t-on vous dire qu'il eft dans Tordre que la calomnie foit neceftaire , 8c que la defenfe foit impoftible ? Ira-t-on jufqu'a pretendre- que mon Adverfaire puiiTe me dire en mcm-e ten^ps deux chofes : Je foiitiens que mon pupllle pent vous deshonorer pour fa defenfe , & je foudens que vous ne pouvc\ pas re- demander Vhonneur a mon pupllle , ou contre lui} Ne feroit- ce pas le triomphe de la calomnie ? Ne feroit-ce pas Tabus le plus abfiirde du plus faint miniftcre? Non , MESSIEURS ^ les Loix ne renferment pas des d:i]iofirions auffi iauvages - non J les Loix me permerrent de prendre concre mon Ad- rerfaire , m^me eri fa qualite de Curatenr , des concTu- fions pcrfonneiles. i/n Tuteur,un Curateur , dh la. J^o'iz, au Code , livre 9. titre i. de ceux qui ne peuvent pas ACCUSER , ne doit pas etre note facilement , a molns que fa calomnle n^apparoi[fe evidemment aux luges. Nec enim FACILE , VKL TUTORES , VEL CuRATORES , qUI EX OFFI- CIO PERICULO SUO RES PUPILLORUM VEL ADOLESCENT- TIUM ADMINISTRANT , SENTEXTIA NOTANTUR , NISI JE VIDENS EORUM CALUMNI A JUDIC ANTI APPAREBIT.LaLoi, comme vous voyez , ne dit point qti'il ne faut jamais punir un Tuteur qui dans cette qualite , ex officio , ca- lomnie pour Ton piioille ; mais elle dit qu'il ne faut pas le punir facilement. Et quand veut-elle qu'on le puniiTe ? Quand la.calomnie eft cvid^nte. Or, fut-il jamais de la part d'un Curatenr, calomnie plus evidente? Fut-il jamais de la part d'un Curateur , perfeverance plus opiniatre^ & j'ofe^dire , plus infenfee? Secondement , MESSIEURS, fi mon Adverfaire emploie un fubterfuge , en m'oppofant , meme en tout ^tat de caufe , la neceflice de fon minift^re , il cherche a. tromper mes pourfuites par une equivoque , dans fa pofition particuliere. Admettons , (car il fe trouve , & c'el: un ca^a^'rre diftinclif de notre Caufe, que j'ai paTe jufqu'a prefent ^ mon Adverfaire toutes fes pretentions , fans qu'il aic gacrne fur moi un pooce de terrcin ). Admettons que \c miniftere d'un Curateur foit tellement force, qi'il puifle,. au nom de Faccufe , offenfer obftinunient les Loix , la verite , Tinnocence ;, en un mot calomnier. Mafs dans ce cas-la meme , la difficulte ne fera pas refolue ^ elle ne fera 194 q!>e reciilee ; & dans Ton dernier retranchement , j'ofe la croire infoluble. . En effet , mon Adverfaire, Curateur du General Lally , foutient done qu'en cette qualite , il ne peut pas retirer di\ Pioces les calomnies du General centre mon Oncle^ Je le nie , mais je le pafTe. Que mon Adverfaire me dife enfin pourquoi , MESSIEURS , il paroit devant vous en qualite de Curateur du General Lally ? Daignez fuivre mes interpellations. Vous etes Curateur a la memoire. du General, parce que Ton Proces & fes Memoires font remis fur le Bureau. Mais fon Proces & fes Memoires , poui-quoi font-ils remis lur le Bureau ? Parce que T Arret de 1766 ne fubfifte plus. Or, pourquoi i'Arret de 17.6^ , ne fubfifte -t- il plus? Parce qu'il eft cafTe. Mais pourquoi eft-il calfe ? Qui Pa demande , cet Arret de calTation ? Qui Pa obtenu ? C'efl vous. Et qu'etiez-vous alors ? Etiez-vous Curateur a la memoire du Comte d,LaHy ? Votre miniilere etoit-il force ? "Non , fans doute. Je ne veux plus difputer fur les qua- lites. Mais qui que vous foyez au Comte de Lally , vous n'etiez pas au Confeil fon Curateur ; cela me fuffit. Vous etiez vous , vous-meme , reprefentant vo- lontaire du General Lally. Qii vous forcoit a prefenter cette Pvcquete au Confeil ? Qui vous forcoit a pourfui- vre la caiTation ? Qui vous forcoit a combattre TArret de 1766 ? Qui vous forcoit a remettre par la le Proces en queftion & les Memoires calomnieux en evidence ? La nature , me direz-vous. Eh bien ! nous fommes d'ac- cord : fi la nature vous force a reproduire des calom- nies pour votre peie ; la nature me force a les repouf- ier pour le frere du mien. Mais prenez garde. II ne faut pas confondre un fentiment nature! , avec un devoir naturel. Le fentiment nous porte a defendre Tauteurde nos jours : mais je vous dirai tdujours que le devoir ne nous oblige pas k le defendre aux depens de Pinnocence. Ne confondez pas non plus ce fentiment naturel avec une' coaction legale : ne le transformer pas en neceflite judiciaire. La Loi ne vous obligeoit pas a prefenter votre Requete en caiTation ; a faire, par ce moyen , re- yivre le Proces & les Mcmoires. Or , c'efl: d'une coacTtion legale qu'il s'agit entre nous. Cette Requete eh caiTa- tion efl le fait originaire auquel il faut rapporter , & le Proces remis en queflion , & ma veno^eance fruilree , Sc lescalomnjes renouvellees. Cette Requete eil votre fait^ votre fait perfonnel & volontaire, independent de cette qualite de Curateur que vous n'aviez pas encore. Vous Tavez prefentce librement , en votre nom, Ne venez done plus nous parler de ce miniflere force de Cura- teur. NtcefTaire a prefent , je veux Tadmettre , mais volontaire dans fon principe ; telle eft votre condiiite. C'efl a vous de repondre de la necef^te oii vous vous etes mis tres-volontairement. Je demande comment 11 eft polfible que le meme adle , votre Requete en caiTa- tion , a6le tres-libre , tres-perfonne! de votre part , aci:e primordial , fondamental du Proc^>s a61:uel , vous ait mis dans la nrcefTte de calomnier mon Oncle , 5c m'ait mis dans rimpofTbiiite de le d'fendre ? II n^eft pas un Citoyen qui ne foit inttreiTc a ma reclamation. Eh quoi ! un Arret folcmnel aura fait juflice d'un traitre &: de fes caV,mnies ! Et Tm roii-ra , au four de treizc ans J fans Lec:.LS de relief ^ fans communication ^ de- %^6 mander , obtenir volontairement , en Ton hom perfonnel, la caffation de cet Arret 1 Enfuite , on fera nomme Cu- rateur a la m^moire de PAccufe r on produira pour fa defenfe Ics memes calomnies : & quand Theritier de rhomme vertueux calomnie, viendra demander juftice , le Curateur en fera quitte pour lui repondre: j^en fuls fdche , tnais je ne puis pas [aire autrement. En verite , MESSIEU RS, j'ofe dire que ce fyfBnie fait fremir a la fois le bon fens & la juftice. II n'eft point de Loi fi fainte , il n'eft point de famille tellemcnt irreprochable , qu'un tel fyfteme n'attaque , ne defole. Des que le crime & rinnocence feront compliques dans un meme Proces , il n'eft plus d'Arrets , de Citoyens dont on ne puilTe dire : peut-etre que cet Arret folemnel fera cajfe ; peut-etre que cet homme vertueux , declare tel , fera remis en juge^ mcnt j peut-etre que cet homme calomnie , mats venge ,fera calomnie de nouveau , mats impunement , dans trel^e ans , dans vingt , dans trente , quand on voudra. Car fi treize ans n'ont pas fiiffi, la vt'rite, la liberte\, la fainte libcrte, dont je fais profeffion , qui doit etre Tegide & la veitude tout bon Citoyen , m'autorife a demander , fi treize ans n'ont pas fufn , ou fera le terme ? II me refte J MESSIEURS, une derniere objedlion a refoudrefur mon droit d'agir, Vous n\ive^ pas droit , m'a- t-on dit, de vous plaindre ,parce que votre Oncle a machine. contre mon pere a diffame & dcnonce mon pere. Quant a la machination & diffamation , je les nie formellement , ce fera route ma rcponfe. Si mon Oncle a machine , voua pourrezbien nous nommer un f u Miniflre qu'il ait impor- tune , un feul Juge qii'il ait folli ite , un feul ho-rme qifil ait excite. Travaillez-y, je vous attends. Si mon Oncl" a diffame t 2.97 diffame , vous poiirrez bien prodiiireiin feiil libelle qu'il ait comr-jfe, public. Pro.duifez-le , je vous attends encore. Je fais que mon Adverfaire traite la Correfpon dance de difFamation. Mais cette Correfpondance n'a jamais ete qu'unc reponfe , non pas de la part de mon Oncle qui n'etoit plus, mais de la mienne,, & de celle de Ton frere, aux libelles reellement difFamatoires du General Lally, A regard de la denonciation , mon Adverfaire eft toujours bien malheureux dans fes obje^lions , pour peu qu'elles foient fupportables : on peut les Uu pafTer , fans que fa Caufe y gagne. Quand bien meme mon Oncle eut de- nonce le General Lally , que s'enfuivroit-il ? Que le Ge- neral Lally a pu taxer mon Oncle de trahifon ? Mon Adverfaire croit done qu'un Accufe a le droit de calom- nier fon Denonciateur ? Je le fupplie de nous montrer le principe qui fonde , & la Loi qui confacre cette ma- xime ennemie du repos public & de la verite. On m^a reprefente comme un liomme peu delicat , comme un barbare^en quelque forte , pour avoir temoigne quelques regrets fur ces temps oii Ton pouvoit accufer hautement les Prevaricateurs publics. J'ai pourtant peine a croire que les Hortenfius & les Catons fuffent des barbares ; j'ai peine a croire que Ciceron , quand il faifoit fuir Catilina par une accufation publique , n'acqueroit pas quelques droits a nos egards;& je doute que des libelles clandeftins contre fes premiers Juges, diftribues fourde- ment , & confidentiairement auxnouveaux, attirent les refpedls de la pofterite , comme les Catilinaires. Quoj qu^il en foit , la Loi permet en France les denonciations fecretes. S'enfuit-il que la Loi livre les Denonciateurs p p aiTx calomnies Jes Acciifes , & que rimnunite de ccs crJomnies aille jufqira n'en pas permettre la fii -^^refTion? Mon Adv^erfaire tire de nos Loix cette confequence : ma's j'ofe dire qu'il eft fuperfla de la combattre. C'efl y repondre, qiiela montrer. Au furplus ^ MESSIEUR'^^ le fait eft que jamais mon Oncle n'a denonce le General Lally. Accable , lui <^ leGonfeil, des imputations les plus atroces, par le General , dont Parriveeavoit precede la leur de beaucoup , le Confeil & mon Oncle ont enfin pris le parti de fe jetter aux pieds du Roi pour demander des Juges. Charges par M. Bertin, Contro- leur-General , & Miniftre de Tlnde en cette qualite , d'expofer dans un Memoire deftine au feu Roi^lesprin- cipaux faits de Tadminiftration du General ; ils ont obei: & c'eft, MESSIEURS , cette Requete au Roi,ce Memoire au Miniftre , demande par le Miniftre , que mon Adverfaire transforme aujourd'hui en denonciation. Void la Requete, elle eft tres-courte. Voici le Memoire , j'en lirai les premieres lignes , pour etablir le fait des ordres du Miniftre ; c'eft par ou je termine ma premiere Propofition, que , je puis agir Ces deux Pieces font imprimees au premier Volume du Memoire meme deM. de Lally , parmi les Pieces juftificatives. REQUETE prifentee a Sa Alajefle , par le Gouverneur (S' le Confeil Superieur dc Pondichery y le ^ Aout ij6z, A U ROI. SIRE, Le Gouverneur & le Confeil Sup erieurde Pondichery fe pre- fentent aux pieds de VOTKE MAJESTE ^ pour rendre 199 compte des malheurs que cette hrillante Colonic vient d^ef- fuyer , & dout tout leur f^/e pour votre glolre , 6* pour les interits de VEtat n^a pu la garantlr. Ofenfes jufqu^a Vexch dans leur honneur & dans leur reputation , par les imputations atroces que le fieur de Lally n'a ceffe de leur preter depuis fon arrivee , ils ofent en de- mander juftice a VOTRE MAJESTE , & la grace de leur indiquer le Tribunal qu^elle jugeraa propos de nommer pour leur faire rendre cette fuflice, Signes, du Val de Levrit , MoRAciN , Court IN , le Noir , Denis , Nicolas , Duplan , de la Seile & Lagrenee, LETTRE ecrite de Paris , par le Confeil de Fondichery , a M, Bertin , Controleur-Gene'ral, MONSEIGNEUR , Uetat de la fante de M. de Leyrit ne lui perniet pas de vous aller porter le Memoire QUE vous nous avez DEMANDS y 6'C. Telles font , M E S S I E U R S , les preuves de la pr^- tendue denonciation : je n'y reponds que par rexpofition des preuves elles-memes. Maintenant je me refume , & je conclus. Les injures que vouy appelle^ des calomnies , a dit mon Advcrfaire , ont ete dijpmulees par le Gouverneur de Fondichery ' il etoit mort ; par vous, j'etois mineur : // avoit un frere quine s^efl pas plaint: fon filence ne peut m'etre oppofe. Les injures ont ete provoquees par la machination , la di^a- mation y la denonciation : la machination & la difFama- tion font deux faits calomnieux eux-memes. La denon- P p 2 ciation eft im troifieme fait / non moins imaginaire , mais de plus, indifFerenr. Un Arret vous a venge ; cet Arret n'exifte plus. Uauteur des injures eft mort : oui ,mais la calomnie renait de fes ccndres : c'ejl par fon Curateur que fes Memolres font reproduits ; oui : mais c'eft par le fait originaire & perfonnel de ce Curateur , que la nou- velle produdiion deces Memoires eft devenue inevitable : mais un tuteur n'eft pas tenu de calomnier pour fon pnpille ; mais la Loi Ten punit , quand la calomnie eft evidente : mais quand fon miniftere feroit force , pour calomnier mon Oncle , je n'en ferois pas moins autorife, force moi-meme a le defendre. Done j'ai droit d'agir ; c'etoit , MESSIEURS ^ le premier point que j'avois a prouver. Ma fecondc Propofition eft, que je puis intenter une aciion civile par la voie d'une Requite. Trois Loix Tcta- bliront. J'ai deja cite Pune , elle eft dans le Digefte , au titre des Dilits prives , & c'eft la Loi fondamentale fur les a6lions qui prennent leur origine dans les m^- faits. Je fupplie la Cour de Tentendre une feconde fois. Si quelqu'un , dit cette \.o\ , pourfuivant une aHion need'un mefait , prefire la reparation pecuniaire , il doit etre ren~ voye a la Jurifdiclion ordinaire , & ne fera pas oblige de foufcrire une accufation : mais sHl veut que le delit foit puni extraordinairement , il fera tenu de foufcrire une accu- fation. Si quis actionem qu^ ex maleficiis oritur VELIT EXEQ^UI : SI QUIDEM PECUNI ARITER. AGERE VELIT , AD JUS ORDINARIUM REMITTENDUS ERIT , NEC COGENDUS ERIT IN CRIMEN SUBSCRIBERE. EnTMVERO, SI EXTRA ORDINEM EJUS REI P(EN AM EXERCERI VELIT , 3or TUNC SUBSCRIBERE EUM IN CRIMEN OPPORTEBIT. ; La feconde Loi eft encore auDigefte. C'efUa y'^. , pa- ragraphe 6 du livre 47, titre 10, des injures 6' Ubelles diffamatoires, Notre Empereur , eft-il dit dans cette Loi_, a repondu , qu'a prefent on pent agir civilement fur toute inj'Ure , mime fur V injure atroce. Posse hodie de oi\tNi INJURIA , SED ET DE ATROCI , CIVIL ITER AG I ImPERA- TOR NOSTER RESCRIPSIT. Enfin la troifieme Loi eft aux Inftitutes, c^eft-a-dire dans le refume de tons les principes du Droit Romain , livre 4., titre ^ , paragraphe 10 : En un mot , dit cette Loi , il faut favoir que tout homme injurie peut agir criminelle- ment ou civilement. In summa sciendum est de omni INJURIA^ BUM QUI PASSUS EST, POSSE VEL CRIMINA- LITER AGERE , VEL CI VI LITER. Ces Loix , MESSIEURS, font afTez claires , & je m'etonne que mon Adverfaire, qui , je crois^les a citees, n'en ait pas vu les confcquences. Elles me donnent le droit d'agir contre les calomnies renouvellees du General Lally , ou par la voie eriminelle, ou par la voie civile. Je prefere la voie civile. Je dedaigne meme Padrion pecuniaire ; je me reduis a la fuppreflion. De quoi fe plaint mon Adverfaire ? Mais je ne veux pas , MESSIEURS , m'honorer d\in merite qu^on peut me contefter. II eft certain que fi le choix de Taction civile ou criminelle , m'eut encore ete permis _, mon coeur m'eut dit de preferer Tadiion civile ., & je protefte que je n'aurois point penfe a Tau- tre. Mais dans la circonftance , je ne pouvois Tintenter raifonnablement, cette adion criminelle. En efFet ^fup- 302- pofons que j^eufTe rendu plaintc. Ne parlons pas encore du Tribunal. Ne penlbns qu'a Tadlion. Suppofons que jVuiTe rendu plainte dans un Tribunal quelconque : qu'eut fait ce Tribunal ? Auroit-il ordonne une information > Je ne le penfe pas , les Memoires calamnieux etant fignes de leur Auteur. Auroit-il decrete le Curatear ou I'heritier de TAccufe ? Moins encore ; a moins que ce Curateur ou cet h^ritier, egares dans leur defenfe , ne fe fufTent conflitues perfonnellement calomniateurs , cir- conftance furvenue en effet aux Audiences de la Cour dans ce Proces ; nouveau moyen pour moi , mais dont je n'armerai la Juftice & ma Caufe qu^a la derniere extre* mite ; j'en pr^viens mon Adverfaire pour qu'il y prenne garde. Permettez-moi done de prelTentir ce qu'eut faitle Tribunal ou j'aurois porte ma plainte. Je crois , MESSIEURS , qu'au feul afpe(5t , il eut civilife mon action, & nous eut renvoyes al'Audience, fauf a repren- dre, ou la voie des decrets ,ou la voie de Pappointenient, fuivant la defenfe du Curateur. Ma plainte eut done ete civilif^e: eh! bien , je n'ai done pas eu tort de la civi- lifer. Je fais de plein gre ce que le Tribunal , faifi de cette plainte , eut ordonn^. Ma Procedure a prevenu rOrdonnance de la Juftice. Done y W pu intenter une acllon civile par la voie d^une Requete. La Loi mej le per- mettoit , ma pofition me le prefcrivoit. Refte a favoir fi j'ai pu prefenter cette Requite a la Cour , dans le Proces du Comte de Lally , prefenter, en un mot , ma Requete d^ intervention, Je m'interdis les pream-^ bules , & je vais tout d'un coup a la grande obje<5l:ion. On ne pcut intervenir dans un Proces de grand crimineL 3^3 Elle eft tranchante. Mais eft-elle fondee ? J'ofe dire qu<; non , & foiitenir nettement qu^on pent intervenir dans hn Prods de grand crlmind. Pour qu'iine intervention de cette efpece ne fut pas recevable , il fau droit , MESSIEURS , qu'elle fut prohibee , ou par le raifonnement ^ on par la Loi , on par la Jurifpriidence _, ou par I'autorite foutenue & reunie des Auteurs les plus graves. Par le raifonnement ? J'ofe le demander , fur quel * principe la raifon appuieroit-elle cette interdi(^ion? Sans doute on ne peut pas intervenir en faveur de Taccufe, Cette maxime qui paroit dure au premier coup d'oeil , eft pourtant tres-humaine & tres-fage. II feroit abfurde qu'un citoyen put prendre le fait & caufe d'un accufe par le moyen de I'intervention , fe porter pour garant d'un hom-me accufe capitalement , mettre en peril fa' vie & fa liberte pour un coupable qui va peut - etre perdre Tune ou Pautre. C'eft a Tadmettre^, une femblable intervention ^ que feroit la cruaute. D'un autre part ,. il feroit dangereux que chaque citoyen , fous ombre d'une garantie, d'une prife de fait & caufe trop cruelle, en la fuppofant f^rieufe , & trop ridicule , en la fup- pofant imaginaire , put arreter le cours de la Juftice ^ & derober peut- etre les coupables aux Loix. C'eft a Padmettre , une femblable intervention , que feroit Tim- prudence. Je verrois egalement de I'imprudence & de la cruaute a foufFrir qu^on intervmt pour le plaifir abominable d'accabler gratuitement un accufe par fon intervention. Cette hypothefe ne peut pas meme fe propofer ; elle feroit trop injurieufe au coeur humain,. Mais quand uti accufd provoquc mon intervention, quand il me donne par fon Frocks , a Voccafion de fon Proces y du fein mime de fon Proces , un interet majeur qui ne pent etre agite , eclairci , fatisfait que dans le Pro- ces mime , que par les Juges du Proces mime , en vertii de quel principe , je le repete , la raifon profcrira-t~elle mon intervention ? Sur quoi s'appiiiera-t-elle ? Sur Pinteret de raccufe ? Mais raccufe doit s'impu- cer d'avoir provoque mon intervention. Sur rinteret de la Juflice ? Mais Pinteret de la Juftice efl: que je ne fois pas leze impunement , meme par un accufe. Sur Pinteret des autres accufes , s'il s'en trouve ? Mais dans Phypothefe , ce n'efl pas a moi , dont Pin- tervention eft provoquee , c'eft a celui qui la provoque qu'ils doivent porter leurs plaintes. Le tort , en pareil cas 5 eft du cote de PaggrelTeur. C'eft contre lui que tous les co-accufes doivent fe reunir ; c'eft contre lui qu'ils doivent conclure a des indemnites ; & quand les fieurs Allen & Foully , que je n'attaquois pas , que je n'ai ni nommes , ni defigncs dans ma Requete , que j'ai dcTintereffes dans mes fignifications , s'obfcinent a conclure contre moi feul , j'ofe dire qiPils commettent deux fautes , Pune c'bntre la Loi , qui leur montroit pour objet de leurs demandes celui des deux qui fuccombe- roit^ & Pautre contre eux-memes ^ en temoignant trop d'interet a la Caufe du General Lally. Ce qu'ils avoient de mieux a aire etoit , je penfe , de feparer leurs intc- rets d'avec ceux du plus mediant des hommes. Que men Adverfaire me dife done fur ouel principe b 3<^1 -^ . ,. la raifon profcriroit une intervention telle que je la fuppofe. Pour moi , MESSIEURS, je reviens a mon principe , & j'ofe vous propofer , comme fonda- mentale fur cette matiere , la maxime que voici. Toutes les fob qu^un citoyen , provoque par Vaccufi , ejl appelle dans le Proces par un intdret majeur , fufclte du Froces par Vaccufi lui-minie , & que cet interit ne peut itre iclairci y fads fait qu'au Proces, par les Juges du Proces mime , P intervention etant provoquie , motivie , nicejfaire ^ eft admiffihle. Voila , MESSIEURS, ce que ma raifon m'enfeigne ; je la foumets a vos lumieres , & je paiTe a la Loi. Mon Adverfaire eil force de convenir que I'Ordon- nance ne parle pas des interventions au grand criminel : & de la ii conciut que la Loi les defend. Cette confe- quence eft un peu (inguliere. La Loi ne parle pas des interventions, done la Loi les defend ! Oui , dit mon Adverfaire , parce que les Loix Criminelles defendent ce qu'elles ne permettent pas : je fuis perfuade que ce principe n'a point ete donne a mon Adverfaire par un Jurifconfulte. Auffi ne Tai-je pas vu reparoitre dans le Plaidoyer imprim6 du Defenfeur du fleur Allen. Ce dont la Loi ne parle pas , ce que la Loi ne permet ni ne defend , eft lailfe a Parbitrage des Juges. Voila le prin- cipe , & voila tout ce qu'on peut dire, fuivant la Loi, des interventions en grand criminel. L'Ordonnance n'en parle pas : done c'eft un point laifle a la prudence des Juges : done les Juges peuvent , ou plutot ils doivent admettiC ou rejetter ces interventions , felon les cir- conftances. Si POrdonnance avoit voulu que ces inter- Qq ^c6 ventions ne fiifTcnt jamais admifes , elle cut dit , on n^lntervlendri jarais au grand crimrnel , cela n'^toit pas bien long a dire : mais POrdonnance ne Ta point dit. De Ton filence , je crois pouvoir conclure que ces inter- ventions ne font pas toujours profcrites , dans tous les cas , fans exception ^ en un mot, qii'elles ne font pas non-recevahles par cela feul qu'elles font interventions. Et (i je voulois abufer du (ilence des Loix , comme a fait mon Adverfaire , je dirois que POrdonnance Cri- minelle , en ne s^expliquant point fur cette efpece d'in- tervention , femble nous renvoyer a POrdonnance Civile , qui dit qu^on peut intervenir en tout ctat de caufe. Mais il me femble que ce feroit aller trop loin; & le filence de la Loi Criminelle me porte a dire un:- qiiement qu'une intervention au grand criminel , ne doit etre , ni recue , ni rejettee , en tout erat de caufe. lit ce principe^je le puife , MESSIEURS , dans la Jurifprudence : les Arrets n'en ont pas fuivi d'autre^ Tantot ils admettent , tantot ils rejettent les interven- tions au grand criminel ; & de la, je conclus que ces in- terventions ne font pas du premier mot non-recevables , fuivant la Jurifprudence. Mon Adverfaire a foutenu qu^il illoit au moins avoir un interet diredl a Pobjet principal de Paccufation. J'avoue que ce principe m'a paru totale- ment inintelligible. Qaoi ! pour intervenir dans un Pro- ces de vol , d'adaflinat , il faut que j'aie un interet diredt a ce vol J a cet afTaffinat? Mais qui peut avoir un interet dire(51: a ce vol , a cet aflalTinat , fi ce n'eft Phomme vol^, a(fa{fine,ou fes heritiers ? Or ils fe rendent commune- men: Parties civiles. EH-ce la votre penf^e y que pour 3^7 ctre recu Partic intervenante au grand criminel , il f?>nt (e declarer Partie civile ? Ce feroit decider la qiieftiori par la queftion , & tomber 'dans le cercle vicieux. Le^ Tribunaux Pont ev^itc. Mais encore un mot fur ce prin- Gipe extraordinaire. Dans un accufation de ieze-majefte , Tint^ret dii Roi feul , confider^ comme chef de TEtat, eft dire6l a robjet principal. Chaque citbyen , pris in- dividuellement , ne pent pas faire valoir cet interet ^ire(5l. Ainfi , dans ufie accufation de Ieze-majefte, Taccufe , par les principes de nion Ad/erfaire , peut tout fe permettre impunement contre tousles citoyens, & c'eft bien ce qu'il entend , c'eft bien ce qu^a pratique le General Lally. Vous voyez , M E S S IE UR S , que les principes de mon Adverfaire font crees pour fa caufe. Quant a moi , je vais citer des Arrets pofitifs. Premier Arret : celui de Saint Geran, Je le prends tel que mon Adverfaire I'a cite lui- meme. Le Comte de Saint Geran rend plainte contre une nourrice en fuppref- fion de part , & defigne a la Juftice Tenfant dont il fe .pretend prive par le crime de cette nourrice. Oninforme , .la procedure eft reglee a Textraordinaire. Mefdames dz Ventadour & du Lude , h^ritieres du Comte de Saint Geran, interviennent , & difent, nous pouvons empicher qu'im etranger ne foit Intro duit dans notrs Malfon , appcUd a nos hiens , par Veffet d^une procedure extraordinaire. Le Comte de Saint Geran repond , ce^ hiens ne font point a vous , vos droits ne Jont point acquis, II feroit bien mal^ heureux qii'un pcre , prive de fon enfant , fut trouble dans fes rccherches , fous pretexte de droits collatcraux , dventuels , incertains ; ie Comte de Saint Geran n'eut Qq 2 pas de peine k reuffir , I'intervention fut rejettee. ^ Mais le Comte de Saint Geran meurt dans le cours dii Proces. Alors Mefdames de Ventadour & du Liide, dont les droits etoient acqiiis', reprennent leur interven- tion. J^abrege les details : l^intervention eft admife. L'exemple de SaintGeran eft done pour moi , & prouve qu'on peut intervenir au grand criminel. Second exemple. Elifabeth Lefcop , accufee d'un vol, eft condamnee a mort , le 30 J'ufn 1774 y ^ Rennes , en I'abfence du Parlement. Trois accufes condamnes avec elle , declarent a haute voix , au moment meme de leur execution , fon innocence , & conjurent le Rapporteur , en prefence de plufieurs temoins , de rediger leur tefta- ment de mort. Leur priere eft rejettee. Le Rapporteur ordonne de pafler outre a Pexecution d'Elifabeth. Le bourreau , plus charitable , confeille a cette infortunte de fe dcC'arer enceinte. Elle fuit ce confeil. On remet Pexecution. Ce delai donne le temps de fe pourvoir en rdvifion. Les Lettres font obtenues. Le Proces eft ren- voye au Parlement de Rennes retabli dans fes foncStions : elle eft dechargce de Paccufation ; on decrete le Rap- porteur barbare , on lui fait Ton proems. Elifabeth Lef- cop intervient au Proces. Une Confultation celebre pofe en principc que les Interventions peuvent etre recites en matiere crimlnelle ; que dire le contraire , c^efl une erreur, Et dans le fait , que des exemples journaliers detruifent cette erreur, L'intervention d'Elifabeth Lefcop eft recue , & prouve qu'on peut intervenir au grand criminel. Troifiemc Arret , celui de Defrues : le fieur de la Motte intervient dans ce fameux Proces , pour deman- deria nullit^ de la vente d'line terre faite par hil j&c f^ femme conjointement , a Defrues & fa femme. Le Par- lement referve a faire droit fur cette Requete en ju^eant le Proces. Enfuite la Sentence du Chatelet furfeoit a faire droit fur cette Requete , jufqu'apres le jugement du furfis prononce pour la femme Defrues. Cette Sen- tence eft confirmee. Done le Parlement n'a pas cru qu'une intervention au grand criminel fut non-recevable du premier mot : done ce troifieme Arret prouve en- core le principe qu'on peut intervenir au grand cri- minel. Quatrieme Arret : c'eft celui de Varennes , rendu a Paris le 31 Aout iJJ(), imprim^ , peu connu , mais important : voici Pefpece. Philibert de Varennes fait un teftament devant Notaire. II inftitue le fieur Daver- ton ^ Major de Cavalerie , fon legataire univerfel, & laiiTe un legs partieulier a Alexandrine-Antoine Va^- rennes , fille naturelle de lui , & de Scholaftique Simo- nin. II meurt. Ses heritiers rendent plainte contre Scho- laftique Simonin en fuggeftion , & contre le Notaire en faux principal. D'autres particuliers font impliques dans la plainte. Information , procedure extraordinaire , Sen- tence definitive : les Accufes font , les uns blames /les autres admoneftes ; on renvoie les heritiers a fe pourvoir comme ils aviferoient pour la fpoliation de la fuccefiion de leur Oncle. Appel au Parlement par le Notaire & Gilles- Doublet. Scholaftique Simonin , & Jacques Au- frefne , autre Accufe , etoient abfents : un des Accufes , Louis Pointe , n'avoit point appelle. Sur Tappel , le le- gataire univerfel appelle incidemment de la premiere 310 plainte , defend le teftamcnt; & le tuteur d'Alexandrinc- Antoine Varennes , legataire pardculiere da teftateur , intervient & demande ['execution du leg? : Pappel & la Requete font joints au fond. On fuit rinftrudtion : elle fut tres-ardence. Ce Prcces eft furcharge de liequetes , au moyen de Pappel incident & de Tintefvention. Enfin, Arret definitif le 31 Aout 1779, ^^^ ncolt Ic tuteur de la mineure , Fartie interveHante , lul & Doublet appellants de la Sentence , le legataire unlverfel Q.ppcllant incidzm^ ment , le P rocureur-General du B.oi appellant pour Schoi lajllque Slmonin , pour Jacques Aufrzfne & Louis Pointe j /e Notaire & encore le Legataire univerfel , appellants de la Sentence ; faifant droit fur tous ces appels , Requites & dtmandes , & conclujions du P rocureur-General , met la Sentence auneant , declare la plainte y la procedure extraor- dinaire y ^ la Sentence nuUe , ordonne V execution du tefta- ment , & la delivrance des legs , foit au Legataire univerfel y appellant incidemment , foit au Tuteur iatcrvenant de h mineure Varennes, Cet Arret , MESSIEURS , eft bien precis. II fait pour moi , & prouve par un quatrierae exemple , qu'on pent intervenir au grand criminel. . Enfin , MESSIEU RS , cinquieme Arret, plus pofi- tif encore que tous les autres , plus immediatement applicable a notre efp^ce. Le Bailli de Mauny y dq relTorc de la Cour , eft faifi d'une plainte, parlesfieur & -dame Baculier , contre le fieur Charles le Chanoine.^ Marie- Anne Bazin , femme Forment, & autres Accufds. II regie a I'extraordinaire , & rend une Sentence defi- nitive. Les Accufcs appellent en la Cour , & font fignificr un Memoire imprime en forme de Requete , dans lequel lis inculpent le Bailli de Mauny de diffe-- rentes prevarications. II faut que cette Reqnere n'sit^ pas ^te clandeflinement diftfibu^e ; car elle eft par- venue a Ja connoiflance du nremier Jiige. Audi- tot il intervient par une Requete du 20 Fevrier 1779, & de- mande que le Memoire foit lacere. Les Accuus n'ofent pas s'oppofer a Ton intervention. Premier Arret du 2^ Fevrier, qui , de leur confentement , & fur les Conclu-. fions de M. le Procureur- General , recoit le Bailli de Mauny Partie intervenante : & le 22 Avril fuivant , fecond Arret qui , failant droit fur I'intervention , or- donne la laceration du Memoire en queftion. Cet Arret , MESSIEURS y je ne crains pas de I'avancer , eft d^cifif. L'intervention du Bailli de Mauny , provoquce par les calomnies des Acc^ufes , refTemble en tout point a la mienne. Dira-t-on que les Parties avoient confenti a rintervention ? Je repondrai, que s'il etoit irregulier , defendu d'intervenir au grand criminel , les Parties , ni M. le Procureur-General lui-meme ne pouvoient pas y confentir, attendu que les formes criminelles ,etanttoutes de droit public , font independantes de Pinteret & de la volonte des Accufes eux-memes. Souffrirez vous , MESSIEURS , qu^on oppofe aux monuments d'une Jurifprudence auili conllante , I'o- pinion de queiques Auteurs ? On m'en a cite deux , Serpillon & JoufTe. Je refpedle Icur autorite , mais j'o- ferois vous demander la preference pour vos propres Arrets , s'il n'etoit pas facile de les concilier avec les- principes de ces Jurifconfultes. En effet , Serpillon & Joufle difent bien qu'un tiers difFame dans un Prcces criminel n'a pas droit pour cela d'lntervenir. Mais de quelle difFamation cela doit-il s'entendre ? D'une difFama- tion pratiquee par un temoin , dont la faute certaine- ment ne doit pas nuire a Taccufe : mais quand la diffa- mation efl le fait de Paccufe , c'eft a lui d'en repondre. L'interet de la perfonne injiiriee eft trop legitime , trop fenfible , trop lie au Proces , pour que fon intervention foit conteftable. Un Arret folenmel rapporte par Deni- fart , au mot temoignage , en eft la preuve. Deux Ci- toyens font accufes d'adultere. Leur Proces fe jugeoit la Grand'Chambre alfemblee : ils font charges par deux temoins , mari & femme. L'accufe , a fa confrontation , les accable d'outrages , quails etoient de faux temoins , quails avolent vendu leur temoignage , quails avoient fuhornd les autres temoins , que la vie du m.ari etoit un tijfu de crimes & de fceleratejfes , Q que la femme etoit la concu- bine du plaignant en adultere. Les temoins interviennent , demandent reparation , Tobtiennent par PArret definitif; radiation des termes injurieux employes contre eux , fuppreftion des Memoires des accufes ^ lo livres de dom- rnages & interets , impreftion , affiche. Cet Arret eft du 7 Juiilet 175^. II prouve en meme temps , & qu'on peut intervenir au grand criminel _, & qu'un ciroyen diffame par TAccufe a ce droit. II produit le double effet d'appuyer ma Caufe , & d'expliquer Popinion des deux Auteurs. Audi Serpillon & Jouffe ont-ils pofe pour maxime fondamentale des interventions en grand crimi- nel , qu'un interet connexe au Proces donnoit le droit d'intervenir. Si Pon vouloit, apres cela , etendre leur principe corttre Pi^uervention des tiers diifanits dans un Proces 3^3 Proces criminel , jufqu'aux outrages de Taccufe , ces deux Auteurs feroient mis en contradidion manifefte avec eux-memes. Ainfi, MESSIEURS ,vous voyez que les Auteurs, les Arrets , la Loi , la raifon , fe reanilTent en faveur du principe que les interventions au grind criminel font admljfihks ; les Auteurs , par leur vrai fens ; les Arrets , par leurs difpofitions ; la Loi , par Ton filence ; la rai- fon , par les idees les plus communes du droit naturel qui veut qu'oii Ton m'attaque , je puifTe me defendre , ou Ton me deshonore , je puiffe me laver ^oufe trouvent mon interet , la verite , mes Juges , la fe trouve auili ma Caufe. On peut done Intervenlr au grand criminel ; c'ed une propofition que je crois demontree. SoufFrez , MESSIEURS , que je revienne au principe fur le- ,quel je Tai fondee , en raifon. J'ai dit que pour ces fortes d'interveniions , il falloir un interet majeur^ pro- voque par TAccufe, a Toccafion de fon Proces , du fein meme de fon Proces , & qui ne puilTe etre agite , cclair- ci 5 fatisfait , que dans le Proces meme , que par les Juges du Proces meme. Je finis par ^application de ce principe , pour ctahlir que ye dois Intervenlr ,2.pvhs avoir prouve que je le pouvols. Mon Interet ejl ma/cur. En fat-il jamais de plus facre ? L'honneur , le feul hoaneur eft Tame de mon interven- tion. Qu'on parcouretous les exemples^ qu'on interfoge -tous les Auteurs ^ qu'on fouille dans tons les GrefHrs , & qu'on trouve une feule intervention fondee fur dec motifs auUi purs que les miens. Mefdames de Ycvi.- R r 3^4 . . . , dour & dii Lude ne parloient que fortune ; Elifabeth - Lefcop , d'un peril pafle : les fieur & dame Delamotte , d'un interet pecuniaire : le tuteiir d'Alexandrine Varen- nes , d'un legs modique r le feul Bailli de Mauny , Te plaignoit d'injures. Mais peut-on les comparer a celles qui m'excitent ? Pondichery eft livre , Plnde Francoife perdue pour nous , le Roi traht , le General Lally accufe: il fe defend. Mais de quelle maniere ? En niant le d6lit ? Nullement. Mais en le rejettant fur le Gouver- neur. II n'a pas dit , comme on fait dire a fon ombre , vous n\ive:^ pas meme un corps de delit au Proces : il a dit , &z Ton rcpete , en foutenant par une bizarrerie in- concevable ^ qu'il n'exille pas meme de corps de delit, -fi vousave^ perdu Pondichery ,Ji Wutes vos Colonics dans . P hide font tomb ees au pouvoir de Vennemi , s^il a fallume rcndre , ne vous en prene^ pas a. moi , prene:^-vous-en au Gouverneur. t^eji lui qui par fes negligences , fa cupidite , fes manoeuvres , fes cahales , fes ahus de confiance , fes rivoltes ouvertes , la difjipation des fonds , le defaut d' appro- vifionnement ^ a rendu neceffaire , inevitable , la chute , la chute entiere de vos magnifiques Etablijfements. V'^ous vous trompeT au choix de la viftinie. Voila le vrai coupable , ou plutot voila le Chef de mille coupables _, Vame des conjurations pratiquees contre PEtat _, ' contre moi. Uetat^ moi, nous avons fuc- combe, l^enge^-nous Vun & Vautre. Satisfaites la Potrie dans ma perfonne, A moi, des recompenfes : au Chef des conjures J la honte , les fupplices, Tel fera votre Arret , fi vous etes jufles. Et cet homw.e cdieux , ce Chef des conju- res , ce vrai coupable , ma voix vous le de'nonce , je vous le nomme , c^ejl le Gouvcrneur de Pondichery , - c\jl M, 3^^ de Leyrit.,..,,. Ceft M. de Leyrit ! Le frere de mon pere ! Et Ton veut que je demeure tranquille ! O nature ! O Jullice ! Celui qui me repouife , ofe vous implorer ! Quel exces d'eo:arement ! Mais fes cris font-ils bien les v6tres! Nature^ etoufFez-vous la raifon a ce point ? Juflice , idole des ames fortes , fosur , com- pagne , appui de la verite , infpirez-vous tant d'equivo- ques , de fubterfuges ? Quoi ! M E S S I E U R S , on me propofe de porter patiemment le nom d\in traitre ! Qu'eufliez-vous penfe de monindiiTerence ? Je le demande a tous les hommes d'honneur , a tous les Iiommes de bonne foi , files Memoires du General Lally ne font pas fapprimes une feconde fois comme faux & calomnieux , que diront-iis du frere de mon pere ? Que diront-ils de moi? On le prendra^ lui pour un traitre , ou moi pour un lache. L'alternative eit infaillible..... Et vous dites que jc fuis fans interet ! . Attendee Vcvinement , m'a dit mon Adverfaire : vous Pavcj^ hien attendu en ij66 Sur cela je pourrois trancher d\m mot , il ne me plait plus d'attendre Ve~ vinement. Montre^-moi une Loi , faites-nioi un raifon- nement qui prouve que je fois oblige d^attendre , quand on me calomnie , qu^un Arret vienne d'^ office a mon fee ours,., Mais , dites-vous , c'e/? manquer a la Cour : pourquoi ne pas lui tiraoigner la mime confiance qu^au Parlement de Paris Pitoyable detour ! J'ofe le dire. N'al!ez-vous pas m'accufer d'irrcverence envers la Cour, parce que je viens defendre mon honneur a fes pieds ? Non , Monfieur , je refpe(^e la Cour , je fuis tranquille fur fon Arret , ma confiance en elle eft inepuifable , le Rr z 3i6 temps , les revere , ne raflbibliront pas , & fi la Cour me condamne, on ne m'entendra point blafphemer fa juflice, promettez-moi la meme chofe. Je n'en dirai pas davantage , Sc je n'attendrai pas Pevcnement. Afais qu^ave:^-vous a craindre , a poiirfuivi mon Ad- verfaire. M. le Procureur - General ne peut pas accufer votre Oncle , la Cour ne peut pas exciter fon minijlere , c'^efl un point inconteftahle , vans le reconnoijfe:^ vous^ mime. Sans doute , je le reconnois , je dois le recon- noitre. Et c'eft precifement ce qui m'alBige , ce qui m'excite , ce qui m'autorife. Si M. le Procureur-General pouvoit accufer mon Oncle , mon Oncle feroit juftifie par le feul filence de M. le Procureur-General. C'eft refFet qu'a produit en 1766 le filence du Miniflere public qui pouvoit encore inculper de trahifon mon Oncle more feulement depuis deux ans. Mais quatorze ans font ecoules depuis. Le temps de Paccufation pour le iViiniftere public lui-meme eft paiTe , le temps d'op- pofer le filence du Miniftere public en faveur de mon Oncle eft done audi paife pour moi. Que repondrois- je a ceux qui me diroient ; fans la Loi des cinq ans , peut-etre que le JVliniflere public tut accufe la mimoire de votre Oncle ? J'aurois beau protefter , me recrier , it n^en a rien fait en ij66. Un Arret a condamne le Ge- neral , fans inculper mon Oncle. On me repliqueroit _, cet ylrret ne fuhpfloit plus , les Mtmoires du General etoient reproduits , fa defenfe etoit la mime qu'en ijGG , les im- putations contre le Gou^iJerneur etoient touj ours fes mojens ; par elks , fa conduite fit expliquie , par elles fa memoirc fut dcfefidue, Qyi nous dira qu'un nouvel examen plus 3^7 approfondi n'eut pas fuhflitue votre Oncle au General , ' fi la Loi Feut permis ? En ij66 le filence du Mini fie re public repondoit pour vous : en 2j8o , il n'a plus le mime effet , c'^efl done a vous de parler. Le tem.ps du Miniflcre public peut pqffer , celui de Vopinion puhlique ne puffe point, Uaccufadon efl p refer ite , le foupcon ne Vejl pas : la veriti ne depend point des formes , le fentiment inte- rleur triomphe du temps meme. Vous n'ave:^ pas defendu votre Oncle qui n'avoit plus que vous pour defenfeur , qui ne pouvant plus fuhir les recherches de la Juflice , ne pouvoit plus profiter de fon filence. Le votre efi bien peu naturel ,fi votre Oncle fut innocent. Sans doute que la Loi vous permettoit de le garder : mais la Luoi ne nous defend pas de V interpreter y la L^oi y qui vous difoit que le filence du vengeur public ne pouvoit plus jufiifier votre Oncle. Soujfre:^ done que votre filence volontaire combine dans nos tetcs avec le filence force du Jldiniflire public nous foit fufpecl. C'efl la moindre peine due a votre indiffe- rence Et je ferois coupable de cette indifference ! Et je me repoferois fur le filence du MiniRere public ! Et j'*en croirois mon Adverfaire qui m'aiTure que je n'ai rien a craindre ! Non , ce calme trompeur n'eil pas fait pour moi. Non ^ MESSIEURS, que mon Ad- verfaire me prouve bien clalrement que !e (ilence du Miniftere public & de la Cour juftifieroit mon Oncle ^ & j'attendrai Tevenement. Si-non _, un Arret pofitif, cVfl ma feule reffource. Le temps , loin d'afFoiblir les calom- nies du General , n'a fait que leur donner une force nou- velle ; le temps , loin de fervir la mcmoire de mon Oncle , n'a fait que le priver d'un moyen irrefifdble 3i8 tire da filence de la JiiPcice , le temps loin de prefcrire mon interet , n'a fait que Taugmenter. Mais ce n'ell pas adcz pour moi d'avolr dans cette affaire un interet majeur , je viens de i'etablir : il faut encore que cet interet foit provoque par Paccufe. Or ici , qu'ai--je hefoin de faire voir ctitQ provocation. El'e eft vifible. A chaque page de fes Memoires , le General rejette fes crimes fur mon Oncle , c^efl le fon- dement de fa defenfe. Je fuis innocent , parce' que M. de Leyrit etoit coupable , telle eft la confequence de cha- que iigne , pour ainli dire , des trois volumes qu'il a produits. Traverfe a S. David, trompe au Tanjaour , trahi a Madras , outrage a Fondichtry , calomnie aupres des Habitants _, noirci aupres des Troupes , deffervi au- pres des Allies , en hute a des complots , prive de fonds , laijfe fans v iv res , force de me rendre , tcl fit mon. fort pendant trois ans , dit M. de Lally ; or ces objlacles , ces confeils per f des , ces trahijons , ces outrages , ces noirceurs , ces machinations , ces complots _, ces di[fi- pations , cet abandon , cette neceffite cruelle _, font les crimes de M. de Leyrit. Voila ce que dit le General dans fes Memoires , voila ce qu'il a dit dans le Pro- ces; car ces Memoires font produits par une Requete : voila ce qu'on repete dans le Proces ; car ces Memoires font reproduits par une Requete. Sa principale , & prefque f^n unique defenfe eft d'accufer calomnieufement mon Oncle de trahifon. Mon interet, I'interet le plus ma] cur qu'un homme puiffe avoir eft done provoque dans le Froces , au fujet du Froces , du fin mime de ce Pro:cs , par Paccufe lui-meme. 3^9 II me refle a proiiver que cet interet m?.jeiir provo^ que dans le Proces par Taccuf^ , ne pent avoir pour Juges que ceux du P races meme, Parlons toujours le langage des Loix. Peut-on me contefter que ma Requete roulant fur un fujet connexe au Proces , ne prefente une ac- tion civile incidence au Proces criminel P Or , les Juges d\m Proces criminel _, ne font-ils pas necefTairement les Juges de toute a<51:ion civile incidence a ce Proces? Les Loix y font formelles. Quand une queftion criminelle fur- vient dans une Inflance civile principale , dit la Loi 3 , au Code , livre 3 , titre 8 , de l'ordre des Jugements , ou quhine Inflance civile fe joint a une accufation capitale zntentee d'abord , le Juge peut dans le temps didder Vune 6' Vautre par la mime Sentence. Cum civili discepta- TIONI PRINCIPALITER MOT^ QU^STIO CRTMINIS INCI- DIT, VEL CRIMINI PRIUS IN-STITUTO CIVTLIS CAUSA AD- JUNGITUR , POTEST JUDEX EORUM , TEMPORE , UTRAM- OUE DISCEPTATIONEM SUA SENTENTIA DTRIMERE. Au Digefte , livre 5 , titre i y des Jugements , & du lieu ou chacun doit agir ou itre convenu , la Loi cinquante- quatrieme s'exprime ainfi : II ne faut pas pour une moindre caufe , en foire prijuger une plus importante. Car une que /lion majeure attire celle qui Vefl moins. Per MINOREM CAUSAM , MAJORI COGNITIONI PR^JUDICIUM FIERI NON OPPORTET. MaTOR ENIM QU^STIO LIINOREM CAUSAM AD SE TRAHiT. De la vienc cet adage fi connu , que le criminel attire le civil , adage d'ou fe tire cette maxime ciementaire ^ rappellee par Lacombe _, par Ser- pillon , par Joufie , par tons les Criminaliftes , que tout Proces civil ,- incident a un Proces criminel , doit itre 310 parte divant les luges Jit Proces crirninel. Or le Frcces qui vous raffemble , eft fans doute , MESSIEUR.S y un Proces civil , incident au Proces crirninel dii Cornte de Lilly. Done voiis en etes les feiils Jiiges. Je po'irrois m'en tenir a ce raifonneraent , mais je demande quel feroit le Tribunal auquel il plairoira men Adverfaire de me renvoyer? Seroit-ce au Parlement de Paris ? L'etat des chofes ne le permet pai. Seroit-ce a tout autre Parlement ? Pdurquoi cela? Dans quelle Villa , irons-nous de preference ? Et quand Ton choix fera fait , quel motif en donnera-t-ii ? Seroit-ce au Tri- bunal inferieur de fon domicile ? Mais ce Tribunal faifi par fappoficiori de ma Requete & des Memoires da General, pourra-t-il prononcer fur ma Requete ou font mes griefs , fur les Memoires oii font les calomnies, fans voir le Proces ou repofe la v^rite ? II ordonnera done Papport des charges & informations y il deviendra done indirecbement Juge d'une in{lru6):ion faite par une Cour Souveraine , & peut-etre par la Cour Souveraine de fon rcTort. La hierarchic judiciaire le permet-elle ? Et il ce Tribunal ne peut pas juger la calomnie fans voir le Proces , les calomnies & le Proces font done ^videmment connexes ; les Juges du Proces font done HufTi les Juges de la calomnie. Quel eft done le Tribu* nal , je le repete, qui neat etre mon Juge ?Le Parlement de Paris ne peut plus Tctre : nul autre Parlement ne peut Petre encore: un Tribunal inferieur ne peut Petre en au- cun cas. Refte la Cour. Je prie mon Adverfaire de m'in* diquer un cinquieme Tribunal ou je pui.Te me pourvoir. Car enfin , je me dis calomnie , la calomnie eft au Pro- ces , 3^1 c^'s , la v^rit^ efl au Proces, mon action eft legitime ,il me faut des Juges , des Juges qui puilfent connoitre la vent6 , d^mafquer la calomnie , par confcquent les Ju- ges du Proces , d'autres ne peuvent pas Tetre , je defie qu'on m'indique dans tout le Royaume un autre Tri- bunal : done la Cour eft mon feul Juge aompetent. Toutes ces Veritas fe tiennent par une ^haine indeftrudible. Et fans cela , MESSIEURS, quel feroit mon malheur?D'un cot^ ma Requete, de Tautre le Proces; d'un cot^ les griefs , de Pautre les preuves ; d'un cote la demande , de I'autre les moyens. Tel eft le but auquel afpire mon Ad verfaire. Samarche eftfoutenue.il veutbien defier , mais il ne veut pas r^pondre : il veut bien oter Phonneur, mais il ne veut pas le rendre. Que ne peut-il aufli vous laiffer toutes fes Requetes , & vous retirer toutes les informations ? Que ne peut-il vous aceabkr par fes Memoires,& vous privet de toutes les pieces? J'ofe croire , MESSIEURS , en avoir dit afTez , j^ofe cfperer que ma tache eft remplie fur les moyens de droit : qu'il me foit permis de vous les retracer rapi- dement. L'injure n^'a pas ete diflimulee : mon Oncle 6toit mort en 1766, le filence de fon frere ne m'enchaine pas , j'etois mineur. Mon Adverfaire ne veut 'pas croire que la feule humanite m'eut prefcrit le filence. Qu'il en croie done ce qu'il voudra. J'etois mineur , cette raifon fuffit, & je m'y borne , puifqu'il m'y force. L'injure n'eft plus vengee. L'Arret de 1^66 ne fub- iifte plus. L'injure n'a jamais et^ provoquee. Les preuves qu'en Ss ^1% donne, cette Requete au Roi, ce Memoirc au MIniftre', prouvent le contraire. L'injure n'a jamais etc compenfee , le Memoire a confulter , la Confultation , la Corref- pondance , publiees en 1766, apres les Memoires ,font prefentes en compenfation. J'aurois du nc pas repondre a ce moyen. L'adlion n'efl pas eternte , je dis , Taction civile , par la mort da calomniateur. Eteinte , elle renaitroit. La calomnie eft renouvellee. Elle eft renouvellee par le fait perfonnel de moa Adverfaire. II eft PAuteur de la cafTation , fait pri- mordial , fondamental du Proces adluel , & n'^toit pas alors Curateur de Ton pere. Enfin , comme Curateur , Ton miniftere n'eut pas ete forc6 pour calomnier rnon Oncle ; & s'il etoit polTible que ccla ifut , le mien n'en feroit que plus force pour defendre aux calomnies : done je puis aglr , c'eft la conclufion ^e toutes ces verites , c'eft ma premiere propofition. Les Loix donnent a tout homme injurie le choix de .l'a6Hon civile ou criminelle, & dans I'^tat des chofes, Pa^lion crimineile incent^e par moi , eiit ete civilifee. Done j'ai pu pr^ferer Padion civile : done , par la Loi , & par les clrconftances ,j'ai pu intenter cette aciion par la yole d^unsfimple Requite. (yt{\. ma feconde propofition. Enfin , M E S S I E U R S , les interventions au grand criminel font admiflibles , la raifon Tenfeigne , la Loi ne le defend pas , la Jurifprudence Ic permet , les Auteurs n'y font pas contraires: done je puis intervenir , c''eft la premiere partie de ma troifi^me propofition. La calomnie eft au Proces , dans les Menioires^ dans 3^3 ks producflions , peut-etre aufti dans les reponfes dePac- cuf6 : la v6nt6 eft au Proces , dans les pieces , dans les informations , peut-etre audi dans les aveux de Taccufe. La Cour eft faifie de la calomnie , la Cour eft faifie du proces ; la Cour feule peut connoitre la verite. La ve- rite eft fur-tout dans les Lettres refpe6l:ives du General & de mon Oncle. Ces Lettres font au Proces. Je nc puis les en diftraire pour les porter ailleurs. Le Par- lement de Paris , tout autre Parlement , le Tribunal in- f^rieur du domicile , ne peuvent ou ne doivent etrc nos Juges. La Cour feule reftea mes voeux ; la Cour , ^ui verra dans Paccufe , le calomniateur , & dans le Pro- ces , la refutation des calomnies. Done je nc puis pro- c6der qu'en la Cour, done /e dois intervenir , c'eft la feconde partie de ma troifieme propofitipn, & le com- plement de mes moyens. . Tel eft, MESSIEURS , tout Ic fyfteme de ma defenfe. Je crois Tavoir expofe fans amertume. J'ai tache de le traiter en Jurifconfulte , en Magiftrat. Dans Tex- pofition meme des faits , j'ai toujours diftingue mon Adverfaire de fcs Allies , leurs cris ne m'ont point echauffe, ni fait prendre le change , j'ai demele mon Ad- verfaire dans la foule , je n'ai vu que lui , tous mes coups , qu'il avoit provoques , ont porte fur lui feuL J'ai nomme deux fois le fieur Allen , fans le bleffer, jc n'ai pas meme nomme les autres. Le fieur Allen a paru le premier , le fieur Poully s'eft eleve enfuite. De quoi fe plaignent-ils ? Que je les attaque , que je veux les at- taquer , que je leur fais la guerre en leur parlant de paix? Mais quelles font done les hoftilites que j'ai com- Sfi 52-3 / tn'iCes a leur ^gard ? Combien de fois faudra:-t-il que je leiir declare que je ne fuis point leur Adverfaire, que je ne veux pas Tetre , que je n'entends point les troubler dans leur defenfe ? Leurs moyens font communs avec ht Curateur, leurs plaintes font fans objet. J'af repondu4 leurs moyens , je ne dirai rien de leurs piaintes. II ne faut pas eomba-ttre des chimeres. Un objet plus ferieux m'appelle. Je ne me plaindrai pas, MESSIEURS, maifr ilme fera permis de t^moigner quelque furprrfe delacon- duite de M^. Ducaflel a moa egard. Vous ravezentendii avant Paques , des les premieres Audiences , employer inutileqient contre moi des expreflions peu convenables; J^enfias tr^s-etonne , & j'obfervai des-lors a M^ Du- eaflel;^ en repliquant, que ce ton- n'etoit pas dignc d& lui. Le bruit s'eft repandu que la Cour , en y deliberant , avoit charge M. le Premier Prefident par deux fois d^a- vei:tir M^. Ducaft'^l de ne plus s'ecarter des egards qu'il de-- voit a la Magiflrature dans ma perfonne. M^. Ducaflel a formellement plaid'e que ce bruit n'avoit pas le moindre fondement. La Cour fait la veritf. Une chofe certaine , eft que NP* Ducaftei s'eft- permis contre moi , depuis Paques _, des perfonnalites plus ardentes. En quoi les me- ritois-je? Qu'avo^is-je fait a M^. Ducaftei? Fai toujour? applaudi a fe& talents : jVii toujours horrore fes inten- tions. Pourquoi done a-t-il ft mal parle des miennes ? Pourquoi m'a-t-il tax6 de tendre des pieges ridicules , de tenlr une murche cc\ptkufe , de pajfer d'lnjidievfes declara-^' tlons , d^attaquer fans referve , fans humanlte ^ fans decence ^ de ne voulolr que dcclamtr ^ de neparoitre que pour dtcin-- , Titer (i) ? Poiirqnoi m'a-t-il ti*ak^ comnie un komM^. EN DELiRE (i) ? Pourquoi m'a-t-il confeille^e le debar- rajfer de mes clameurs impoftunes (3) ? Pourquoi fur-tout s'eft41 permiscette r^tkertCe calomnieufe au fujet demon Onde , Ji j'etois feul avec M. d'Epremefnil , je lui dirois hkn pourquoi fon Oncle & lui n'ont point rdclame avant P Arret de ijGG (4) ? Vous vous rappellez , MESSIEURS, cequisVil paiTe a PAudience.Quand. M.^-. Ducaftel eut fini de parler , je m'elevai, je deman- dai rarfon de cette reticenGe & d'une autre imputation ^qui\^oque d'injuftice centre mon Oncle^ echapp^e a M^. Du^aftei (5) r je fommai le fieur Allen prefent ^ de les defavoiier , ou que j'en demandais ade. Le fieur Allen & fon Defciifeur ont prfs* leur parti ; ils ont chaeun ^ en leur nom perfonnel , defavou^ Pequivoque & la^ reticence par une d^^ciaration honorable & pr^cife pour le Gouverneur de Pondichery. Je n'ai point infills fur les a6les , & la Cour n'en a point d^lib^r^. Qaelle a done et^ ma furprife en voyant reparokre dansJe Plai- doyer imprime du fi-eur Allen , non-feulement I'equivo- que , la r(ticence , mais encore a leur appui _, ^ts notes d^rifoires centre ma perfonne ^ & dans Pune defquelles M^. Ducaftel dit expreffement , toutefois M. d^EpremeJ^ nil n'a point ohtenu Vacle qu^il demandoit ? J'ai pris Ja (i) Plaidoyer pour le fieiir Allen, prefqvi'a chaque pag^e. (zj Plaidoyer , pag^ 30. (j) Plaidoyer , page 57. (4) Plaidoyer , pag. 51. (5) Plaidoyer, page 25. 3^^ plume , j'en ai porte mes plaintes a M^. Ducaftel, par unelettre ou je retablilTois la veritd fi fingiili^rement defiguree dans fon Plaidoyer Sc dans fes Notes. Je lui demandois un nouveau defaveu , (inon que je dcnonce- rois le lendemain Ton Plaidoyer a la Cour. II m'a fait une r^ponfe ofFenfante, Equivoque, mais enfin il termine cette reponfe par me declarer ,^w nom du fieur Allen , au Jien propre , quHls n'ont jamais eu P intention defaire aucun reproche a mon Oncle , & que d^apres cela , je peux & jc dois juger le refle Je me rappelle audi que dans fon Plaidoyer , M^. Ducaftel , apres avoir tourne mon chriltianifme en ridicule a Toccafion des grandes Veritas qui terminent mon premier Plaidoyer , & qu'il appelle d\m ton ironique, ma profejjion de foi , m'a remis fous les yeux , le plus beau des principes de la Religion , le pardon des injures. Jc fuivrai ce confeil , je donne a la dcrniere declaration de M^. Ducaftel & de fon Client , au fujet de mon Oncle , toute P^tendue imaginable , & je declare fincerement que j'oublienon-feulement lesexpref- fions de M^. Ducaftel, mais jufqu'a mon intention de les denoncer ; & je fuis perfuadc que ce Jurifconfulte nc fera que s'en montrer plus digne d'une reputation jufte- ment acquife par fes lumieres & fes talents (i). ( I ) Cette partie de mon Plaidoyer fut prononcee le Mercrcdi 3 du prefent mois de Mai 1780. Je netins pas toute TAudience. A peine euS' je rini , que M'. Ducaftel prit la parole. Le Plaidoyer de cette journe^^ qui n'eft pas imprime , ne fut qu'un tiflli de farcafmes , d equivoques, d'injures, mais d'lnjures fi fortes , que la Juftice en a rougi , & que jc rougirois de les rcpeter. Si ^i^ Ducaitel nie le fait , je les ai bicn rete- 32-7 41 me refte , MESSIEURS,^ r^fiiter quelqnes objefbions. J^os Confeils , m'a-t-on dit, vous ont indlque nues , ces injures inconcevablcs ; il peut jn'attaquer , je me defendrai. Le Lundi 8 , M^ Ducaftel a rcpris la parok. II a fait un refume du Plai- dpyer du ^ , bien peu exa6l , & , pour trancher le mot , meconnoiffa- ble. Ceft dans ce Plaidoyer du 8 qu'il parle encore de ma Lettre , pour la traiter d'inexade & d'offenfante; cell dans ce Plaidoyer qu'il dit, quil m fe pcrmettra point de calomnier qu' il n imitera point mon exem-r pie', apres quoi il termine par des proteHations de refped pour ma per- foruie. Le Plaidoyer fini, par I'organe 4'un des Confreres de M^. Du- caftel , qui s'etoit trouve mal & s etoit retire , je repliquai en peu de mots , &: debutai par dire : Quoique touche de la declaration qui termine le Plaidoyer de Me. DucaJIel , je ne crois pas en devoir moins divifer fa defenfe en deux parties , les injures & les moyens *. A Vtgard des inju- res ^ la Courfe Us rappelle ; il femble que Me. DucaJIel ait pris plaijir a ies aggraver dune Audience a t autre. Inutiles &pea Jupportahles , dis avant Pdques , je ne m'e'tois point plaint : elks nen ont e'te'y au rttour des Audiences , que plus am: res. Le Plaidoyer du fieur Allen contenoit d^s Equivoques, des re'ticences injurieufes. Le Defenfeur & le Client Zfj out defavouees a C Audience ; mais fun & H autre les ont r-eproduites a tim- prejjion. Je rri en fuis plaint a Me. DucaJIel '-, il n a fait quaj outer par fa Lettre a ce proce'de peu convenable. J^aurois du dmoncer fon Plaidoyer , fen avois le projct , je ten ai prevenu ;mais je n' en ai rien fait-, ^ fai declare que fen oubliois jufqu'a t intention. Cela n a pas cnipeche Me. L}ucaflel de sex ha lev fur le champ contre moi en inveclives ^ de proferer des injures , & de s'ouhliet jufqua des comparaifons dont la Jujiice a Tougi , (& que je niinterdis de re'peter. Je declare , Mejfieurs , en ce qui touche ma perfonne ^ non plus que fouhlie , mais que je pardonne a Mi. DucaJIel toutes fes injures : en ce qui touche thonneur de mvn t'tat & Id difcipline d'l Barreuu yje m'en rapporte h la feverite du Minijteie Public ^ de la Cour . . . * Ma Replique aux moyens eft fondue dans le Precis & dans le Piaidoyer, en lyGG ta vote de la plain te Je I'avoue. Quelle eft la confequence que vous en veulez tirer P Que je nc puis Cette efpece de referve m'a paru indifpcnfablc ; raaisrindulgcncede U Cour a rempli mes voeux. Au reile, M*. Ducaftel n'en eft pas raoins ua Jiirifconfukc tr^s-recommandab!e, & digne de iaconfiance publique. Jc rendrai toujours juftice, le premier, 4 fes talents, a fon favoir; j'ai beau rentrer en moi-meme , je ne puis concevoir ce qui I'a fi fort echaufFc contrc moi ; & cette Note n'cut point accompagne moi\ Plaidoyer , H M*. Ducaftel n'avoit pas fait , dans celui du 8 , un refumc trb inexafl: de la journee du 3 ; refume qui laiffe croire que mes juftes plaintes n'6- toient que des cris deplaces. II m'y reproche audi d'avoir ufe contrc lui , dune exprejfion dure. Je nie le feit : M', Ducaftel s'etoit applique unc expreflion qui ne le concernoit pas , dans une replique faite par moi fur le champ , le 10 Mars dernier ; il sen eft plaint I'Audience d'apces. Je mc fnis levc , je I'ai meme interrompu , en le priant d'y confentir , pour lui declarer que cette exprejfion ne le regardoit pas y ne pouvoit pas le regar- der\ & que fi f avois pu , dans la chalcur dune replique , Vaffliger par une exprejfion femhlahle , je la defavouerois formellement ; mats que cettt exprejfion ne le concernoit pas , que je le declarois ; que dailleurs cela itoit evident ; que perjbnne navoit du sy tromper. Telle eft la verite fur t exprejfion dure. Enfin.M*. Ducaftel m'a ecrit, a plaide que ma Lettrc a lui fur fon Plaidoyer fignifie le 14 Avril dernier, n'etoit pas exade, & I'offenfoit. Voici la Lettre &: la reponfe. Je n'ai pas vu , Monfieur , fans bcaucoup de furprifc , vos Notes , pages 25, $1 &: $2 devotre Plaidoyer pour M. Allen, quim'eftfigni- fie, non plus que cette phrafe qui fe retrouve dans votre Plaidoyer, page <)i : Si f ctois feul avcc M. d* Epre'mejhil , je lui dirois bienpour- quoi Jon Oncle & lui nont point reclame avant l^ Arret de zySff. Vous n'avez pas oublie , Monfieur , ce qui s'eft pafte a I'Audience i ce fujet: j'ai demande k votre Client I'explicationde cette reticence ; je vous ai degages tous deux du fecret envers mon Oncle & moi , & je demandois ade de vos difcours injurieux , a moins qu'iis nc pas 32-9 pas intervenir par ime adion civile ? II aviroit fallu da moins que mes Confeijs , en ni'indiquant la plainte , lilfTefit defaVoues a rinft^nt : vous avez hefite , raais enfin , prenatit votre- parti, & dirige par une impullion que je voyois tres-bien de ma place , vous avez defavoue , tant en votre nom , qu'au nom de M. Allen , routes les indu^ions qu'on pourrok titer centre moii Oncie de ce que vous aviez dit , en declarant que votre Glient n'a- to voit a faire , & n'entendoit faire aucun reproche a la memoire de mon Oncle ; a ces mots j'ai declare que j erois fatisfait , & que je -n'infiftois pas fur les ades; cependant , Monfieur , non -feulement votre injurieufe reticence reparoit dans votre Plaidoyer , page ^ i , mais encore vous I'appuyez d'une Note ironique qui la rend plus to d'angereufe , Sc vous allez jufqu'a dire contre la verite, precifemenc fur cette reticence , toutefois M. d' Epremefnil n*a point ohtcnu V acli. ^qu'il dzmandoit , comme s'il n etoit pas a votre connoiiTance , que k > Cour n'en a point delibere, attendu mon defiftement occalionne par votre dcfaveu! Comme fi je n'avois pas deux milles Citoyens pour temoins de tons ces fa its ! Comme fi les Regidres de la Cour , ou Ion ne verra point que cct ade m'ait ete refufe , puifqu'il n'a point ete delibere , puifqu'il n'a pas du I'etre , au moyen de votre defa- " veu , n'etoient pas pour moi , des monuments contraires a votre affertion ! Tout ccla bien entendu , Monfieur , vous ne me foupconnerez surement pas de vouloir demeurer indifferent a cctte injurieufe rs- ticence, effacee a I'Audience , & renouvellee par fimprefTion, J'i- gnore fi je dois I'imputer a M. Allen qui fa defavouee : j'ignore fi cette reticence n'eft pas devenue votre fait perfonnel , fur-tout apres le defaveu perfonnel que vous convenez vous-meme avoir fait de routes inductions contre mon Oncle fur une phrafe beaucoup moins importante , dans votre Note , page z<^ ; defaveu qui ne vous a pas empeche de publier 6i. de ligner la reticence , &c fur- tout de I'aggraver par un^ Note qui ne peut pas evidemment etre T t 3^^ . . . m'eii/Tent expre/Tement difTuade de rinterventior. Mais ils avoient trop de Iu;nieres. Cependant vous Tavez dit , attribuee ^ M. Allen. En confequence , jc vous declare que morv deffcin cll: de demander juflice , tant centre le fieur Allen , s'il fe rend cette fois-ci garant de vorre reticence , comme j'ai lieu de le croire par la lignification de votre Plaidoyer , que centre vous , li M. Allen renouvelle fes defaveux , & que vous ne periilliez pas dans les VQtrcs. On ra'afTure que M. Allen eft parti. On m'aiTure que vous etes indifpofe, & que vous ne paroitrez pas demain a I'Au- dience ; jc vous previens , Monfieur , que je dcbuterai par y lire cerre Lsttre , a moins que vous n 'y faifiez une reponfe fatisfaifante , 5^ que vous m'autorlfiez a rendre publiqiie. J'honore vos talents , mais , permettez-moi , Monfieur , de vous le dire , ce n'eft pas en faire un digne ufage , que d'attaquer avec de pareilles armes un Magiftrat qui vous a toujours rendu juftice dans fon Plaidoyer , & qui n'a- voit pas memc nomme , ni defigne votre Client. Je le difpetife , ainfi que vous , Monfievir , fi fa Caufe I'exige , & meme en tout etat de Caufe , de tout menagement cnvers mon Oncle ; mais je ne puis difpenfer perfonnc de dire la verite. L'honneur du Barreau & de la Magiftrature font indiviiiblcs : les plus grands Avocats font penfe, les plus grands Magiftrats fe font fait gloire de le dire ; c'etoit le langage des Dumoulin , & des de Thou. Je ferois fache , Monfieur , d'avoir a vous combattre perfonnellement , mais l'honneur de mon Oncle & le mien ne me lailTent pas lien d'hcfiter , Sc j'ai r> l'honneur de vous prevenir que demain a I'x'Yudience , en votre y> abfencc , comme en votre prefence , a moins de la reponfe dont je vous ai parle plus haut , je denoncerai vptre Plaidoyer a la Cour, n en la fuppliant de decider , s'il vous eft permis de rcnouveller & d'appuyer par des Notes derifoires contre ma perfonne , aux depens 3> de la bicnfeance & de la verite , une diftamation tenebreufe contrc mon Oncle , formellement defavouee ^ I'Audience par vous-raeme fur ma reclanutiou. quails m^en avoient diiTuade , vous avez meme plaide , qu'ils m'avoient defendu d'intcrvenir... Et c'eiok la qu'en effet devoit aboutir votre obje61:ion Mais trouvez done un feul mot qui la juftifie dans la Confultation de 1766. Objedtion ecrangere a la Caufe, injurieufe a mes Confeils , dementie par le fait. C'efl ainfi que j'y re- ponds. Mon Adverfalre m'a dit encore, que mon intervention J'ai Thonneur d'etre avec un linc^re attachement , Monfieur , votre tres-humbIe& j'ai prononcees , & que je n'ai point defavouees. Je n'ai pu mettre dans mes Notes , que vous avez obtenu fade > que vous dem.andiez, puifque vous I'avez abandonne. - Je vous ai declare en plaidant , je vous ai declare dans mon Me- moire , je vous declare encore que M. Allen & raoi n'avons jamais eu I'intention de faire aucun reproche a M. votre Oncle: c'eft d'apres ce- la , Monfieur , que vous pouvez & devez juger tout le refie. Si vous avez labonte de me faire un Proces perfonnel , ce fera le premier que j'aurai. Je ne Ic dcfire ni ne le crains. Au furplus , Monfieur , je fuis des a prefent tr^s-fache de ne pouvoir me prefenter demain a i'Audiencc. Je fuis avec un profond refpcd, Monfieur, Votre, V accufatlon de la mort de fin pere : C A L u m n I -^ P 23 , le ficur Suetton , life\ : le lieur Sutton. Pag. 117, lig. 16 , des Dobachis Si Interpretes , /ifei : des Doba- chis ou Interpreter. Pag. 128 , lig. 2^ , voici ma preuve, /ifei : voici mes preuves. Pag, 132, 1. 24. , prejidant t llfei : prefident. Pag. 170, lig. II , Pagode, fortifiee pour barrer, &c. , lifei : Pa- gcde fortifiee, pour barrer, &c. La virgule apres \t mot fortifiee y cetre obfervation eft tres-importante. Pag. 198, avaut-dcrnih-e ligne , ifnolentes , ///?{: infolentes. PRE DBS MOYENS DE DROIT Pour M. D'EPREMESNIL; grand^^ CHAMBliE CONTRE le Sieur DE LALLY TOLENDAL, a s s e Ai. & autrcs Parties, BLEE. L A crainte que Vimprejjion Je fes moycns de droit ne puijfe etre achevee avant la derniere Audience , oblige M. d'Epremefnil a mettre ce Precis fous les yeux de la Cour. 1. Mon Oncle eft injurie : je le dis calomnie : doit- il etre calomnie inipiinement ? Point de vue general de la Caiife. 2. Ne feroit-il pas afTreux pour moi qiie cette calom- nie fut impunie ? Mais ne feroit-il pas trifte pour la Juftice , qu'elle put etre utile a Ton auteur ? Ce fecond - point de vue eft, a parler en Magiftrat , plus impor- tant , meme pour moi , que le premier. 3''J'agiscontre le Curateur a la memoire du Comtc A de Lally , par la voie d'nne Requete d'interventfon. Analyfons ces td?es. i. C^eft ne aflion :iP. c'ed une adion civile jntent^e par la voic d'une Requete r 3. ce n'eft pas une fimple Requete, mais une Requete d'in- tervention au Proces criminel du Comte de Lally. 4. Cela pofe , puis-je agir ? Premiere quedion. Puis-je intenterune aiflion civile par la voie d'une Pve- qiiere ? Seconde queftion, Puis-je introduire cttiQ Re- quete dans le Proces criminel du Comte de Lally ? Troifieme queflion. Je foutiens I'affirmntive de toutes les trois. 5. Id puis aglr. On foutient Pinjure diiTimulee. Par qui ? & comment ? Par le Gouverneur de Pondichery ! II etoit mort deux ans avanr la diflFamation. Par le fciil frere qui lui reflat en 1766, epoque de la difFamation ? Le filence de ce parent ne m"*enchaine pas. L'honneur eil un bien perfonnel. L'a(fcion en injures apparrientnon- feulement a toute la famille , mais a chacun des mem- bres qui la compoient. Par mon filence en 17^5? J'etois Mineur. Ici , j'oppofe ma minorite comme raifon legale. J'en avois une autre en 1766 purement morale. Mes Ad'v^erfaires aueclenc de les confondre On foutient rinjure vengce Comment ? Par TArret de 1766 ? Qqi Arret n'cxifle plus, & par le fait de mon Adver- faire. On foutient Taclion eteinte par la mort du Gene- ral ; cette mort eteindi-oit bicn Paccufation capitale dans ma bouche , mais non pas le droit aux reparations civiles. On fourient Tinjure provoquee. Jamais. Mon Ad/crfaire a voulu le prouver, i'^. par une Requete au Roij dd Gouverneur & du Confeil. Mais cette F^equete 3 tendojt uniquement k demander au Rol des JunOnc!en'apas donne au Parlement de Paris une ligne d'ecriture centre le General. On fouticnt Pinjure compenfee; & la preuve eft fing^uliere. On la tire de la ouhlicite de la Corref- pondance du General & du Gouverneur. Mais cette Correfpondance fut en 1766 ma reponfe aux calomnies di\ General. Mais cette Correfpondance eft precedeed'un Memoire a confulter & d\ine Confiiltarion. Loin d e- carter mon acflion, elle en etoit le fignal : loin d'etre une diftamation , elle etoit la reponfe la plus noble Sc la plus moderee qu^on put faire aux calomnies dii General. On s ^ feroit tenu , a cette reponfe , fi la ca- lomnie n'eut pas etc renouvellee. 6. La calomnie eft renouvellee. C'eft le mot de la Caufe. Elle eft renouvellee , cela eft evident. Les Me- moires Pont reproduite , les foupcons fur mon Oncle renaiffent ; c'eft fur mon Oncle que M. de Lally a re- jctte fes trahifons : c'eft fur mon Oncle que le Curateur a la memoire de M. de Lally les rejetce encore. II y a neceftairement un traitre entre mon Oncle & M. de Lally. La queftion etoit decidee , la queftion revit , elle eft au Proces. Done la calomnie eft renouvellee. 7. La calomnie eft renouvellee par le fait de moa A % 4- ^ Advcrfaire. II fe retirinche dansfaqualite dit Curatenr > Alon mlnljlhe efl force Q}^^^ vous penfcz qirun Curateiir a droit de calomnier pour fon Pupille ? Detrompez-v^ous La Juftice eherche la vcrit^^ Les morts & les enfants n'onc pas plus droit de ca- lomnier , par Forgane de leurs tuteurs , que les vivants 6c les majeurs par eux-memes Nee facile , tutor notarl poteft , nifi evident calumnia judicantl apparehit Or, ici je foutiens la calomnie evidente. En fecond lieu , vous etes en la Cour Curareur du Comte de Lally ? Mais au Confeil , qu'eciez-vous? Eties-vous fon Cura- reur? Non, vous eriez- fon fils , vous etiez, vcus-meme. C'efl par votre fait que PArret efl eaffe , c'eft par la caiTation que le Prcces revit, c'efl par elle que. les Me- moires font reproduits , c'efr par ces Memoires que mon Oncle ed calomnie , denoncc com me un traitre. La cafTation etl le fait orip;in3ire auquel on doit remonrer, Ce fait eft le vorre , un fait perfonnel , volontaire , non- feulement independant de votre qua'lite de Curateur , mais produclif de cette qualitc. Ce feroit a vous de repondre de la ncceflite oii vous vous feriez mis. Si vous etes oblige de calomnier mon Oncle , je fuia oblige de le de.fendre. Si vmis etes oblige de le calom- nier au Proces , je fuis oblige de le defendre au Pro- ces. Car ou voulez - vous que j'aille le defendre ? J'en dirai davantage fur ce dernier point. A pr^ftnt je vous demande , ne voulez-voiis avoir d'exiftcnce que pour deshonorer mon Oncle? Et faut-il que vous ne foyez plus qu'un fanrome quand il s'agit de mVn rendre raifon ? Je conclusque Tinjure n'apas eiediiFimulee ^ vengee", ^teirite , provoqti^e , compenfee , & que d'aiL leurs ellc efl renoiivellee au Proces par voire fait , qui rend la rehabilirarion de votre pere impoffible, fans que mon Oncle paffe pour un traitre Done je puis aglr,.,. Premiere Propolitian. 8. Seconde Proportion. Je puis agir civilcment par la vole d^une Requete Ce point ne fera pas dou- teux entre le Jurifconfulre Defenfeur du fieur Allen & mo'i. In fummd jerendum efl de omni injuria eum qui pajfus efl poffe vet crimlnaliter agere y vel civiliter. 9, Troifieme Propofition Je puis introduire ma Requete dans le Proces criminel du Comte de Lally, Pour rerabliiTement de cette propofition, deux verites , du moires dans mon opinion , i. on peut intervenir au grand criminel ; 2. je ne puis pas me pourvoir ail- leurs qu'en la Cour. On peut intervenir au grand Criminel. La raifon I'en- feigne. La Loi ne le defend pas. La Jurifprudence Pautorife. Les Auteurs n'y font pas contraires. La raifon Venftigne. II efl vrai , point d'interven- tion en prife de fait & eaufe , en garantie pour PAccufe. Serieufe , cette garantie feroit trop cruelle pour Tinter- venant : illuloire , elle feroit trop dangereufe pour la Juftice. Point d'intervention non plus pour accabler gratuitement un Accufe. Cette maxime n'a pas beibin de preuve. Mais quand un Accufe provoque mon in- tervention , qiiand il me donne volontairement _, par fon Proces , a Toccafion de fon Proces , du fein meme de fon Proces , un ineret majeur qui ne peut etre agite^ eclairci , fatisfait, que dans le Proces meme ^ que par 5 les Juges du Proems m^me , la raifon profcrit-ellc ccttc intervention > J'ai pris la liberte dc pofer en principe que non. On a replique pour le fieur Foully , fon De- fenfeur n'a pas meme abord^ cette queftion. Appliquons le principe. Mon inUrit efl majeur, II s'agit de favoir fi mon Oncle fera fufpefl de n'avoir 6t6 qu\in traitre impuni. Mon interit efl provoqui par M, de Lally & fon Curateur. L'un a dit , Pautre r^pete , que mon Oncle fut ce traitre impuni.... Mon inteiit efl provoque dans le Frocks , a Voccaflon du P rocks , du feln mime de ce Frocks Cell pour fe difculper du crime de trahifon que M. de Lally Pa rejette fur mon On- cle dans des Memoires produits au Proces par lui, & reproduits au Proces par fon Curateur. Mon interet ne pent etre aglte , eclairci , fadsfait que dans le Frocks meme ^ que par les luges du Frocks meme. En effet , comme la calomnie eft au Proces , la verite eft audi au Proces. Les Lettres de M. de Lally & de mon Oncle font pieces du Proces , & ce font elles fur-tout que j'oppofe au Caiomniateur. Ou veut-on que j'aille pr^fenter ma Requete? Dans une autre Cour Souveraine ? Par quel motif? Dans le Tribunal inferieur du domicile? Pour- ra-t-il juger la calomnie fans voir le Proces , fans or- donner Tapport des charges? Veut-on le conftituer in- diredement Juge d'une inftru^lion faite par une Cour Souveraine ? Et 11 le Tribunal , faifi , par fuppofition , de ma Requete, a befoin du Proces pour le juger, done ma Requete &le Proces lont connexes , done les Juges du Proces Ibnt audi les Juges dema Requete. En quatre mots, ou le Parlement de Paris , ou toute auue Cour 7 . . , : Souveraine, ou le Tribunal inf^rieur du domicile^ on la Cour , voila mes Jnges. Le Parkment de Paris ? Cela n'eft pas pofTible. Toiite autre Coiir Souveraine ? Pas davantage. Celle qu'on nommeroit? Pourquoi le feroit-' eile piutot qu'une autre ? Le Tribunal inferieur du do- micile ? La hierarchie judiciaire ne le permet pas , la' ccnnexite da Proces & des calomnies ne le permet pas. Relle la Cour. Done je ne puis me pourvoir qu'en la' Gour. C'eft elle en effet que j'implore vC'eft d'elle que j^ofe attendre un Arret qui me rende Phonneur de mon Oncle compromis pour la feconde fois II faut done que j'intervienne. La Cour daignera pefer moii principe. J'ofe en induire que la raifon enfeigne qu'on peut intervenir au grand criminel. La Loi ne le defend pas Nos Ordonnances ne par- lent point de ces interventions. De la , mon Adverfaire conclut que nos Or de- clare cet a^Taflinat , crime de leze-majefte, & comme- tetj indigne du privilege ,& renvoie le jugem^ent du. 8 Proems ail Grand-Confeil. Ce Tribunal iriflriiit. Trcis des complices poarfuivis par la veuve & les filles de M. de Hallot , font condamnes amort, executes, & leurs tetes envoyees a Vernon , done M. de Halloc ctoit Gouver- neur. Gelui que le Chapitre avoit e!u,quela Couravoit admis , prend le parti de recourir au Roi ; il demande , il obtient des Lettres d'abolicion , en Juin 1598. Ces Letcres font adrelTees au Prevot de PHotel. La veuve & les filles de M. de Hallot s'oppofent a Penterinement. L'im- pctrant efl dc'boute. II va de nouveau fe jetter auxpieds du Roi , qui renvoie la caufe & les Parties au Grand- Confeil , ou les char2:es &c informations feroient appor- tees. On procede au Grand-Confeil. Alors le Chapitre intervient pour foutenir fon privilege. On plaide , non pas centre I'intervention , maiscontre le privilege. L'in- tervention ell jointe au fond : le Proces regie enfuite a Textraordinaire , & par Arret definitif les Lettres d'a- bolition enterinees , fans qu'il foit fait mention de la demande du Chapitre. II eft vrai qu'au moment de Pin- tervention, le Rcglemcnt a Textraordinaire n'eroit pas encore prononce contre le meurtrier elu. Mais trois de fes complices etoient deja executes en vertu d\in Arret da Grand-Confeil ; mais un Arret de la Cour meme avoit condamne ce meurtrier ; fi les Lettres d'a- bolition n'etoient pas enrenncvs , ou fi Tclection n'eioit pas confirmee , fon lupplice etoic certain , mais I'inter- vcnrion du Chapitre eiit elude trop vifiblement le prin- clpe , que nullc intervention n\fl recevahle au grand cri- niinel , pour qu'on feut adiuil'e, fi ce principe eut etc vrai. Cependant Tintervention ne fut pas dcclarc'e non- recevable. 9 recevable. On la joignit au fond. Je fens que eet Arret n'efl pas imniediatement applicable a ma Caufe ; mais je Ty crois , par indudion , tres-favorable. Le fait eft rapport^ ruccin61:ement dans THiftoire de TEglife Ca- thedrale de Rouen , & developpe au fecond Tome de la continuation des Caufes clebres. Second Arret , celui de S. Geran. Mefdames du Ludc & de Ventadour deboutees , quand elles font fans inte- ret , admifes , quand leurs droits font ouverts. Troifieme Arret, celui de Gilkt , rendu en ly')^ > cite par Denifart au mot Temoin. Accufation d'adal- tere : temoin a charge : a la confrontation , Paccufc s'exhale en invectives , dit que la vie du temoin eft un tiffu d'impoftures & de feeler ateffe. Intervention du te- moin : Arret qui fupprime les reproches : lo livres de dommages & interets, impreftion , affiche. Quatrieme Arret , celui de Lally meme. Le fieur Berthelin vexe , outrage, a prcfente contre lui dans le Proces une Requete en dedommagement , en reftitution de fommes : Arret qui joint au fond : fur le fond, Arret qui met hors de Cour, & renvoie a fe pourvoir pour une fomme a reftituer. Or le fieur Berthelin n'etoit ni ac- cufe , ni partie civile , ni temoin. II ne pouvoit erre qu'intervenant. Ce mot n'etoit pas exprime dans fa Requete , mais la chofe etoit certaine. Cinquieme Arret : Elifabeth Lefcop , a Rennes : cet exemple recent eft tres-connu. Sixieme Arret. Defrues : intervention du fieur de la Motte. Cet exemple eft encore plus fameux. Septieme Arret , jcelui de Varenne , rendu a Paris en B 10 1 779 ? ifTjpnme. Plainte par des h^ritiers centre im Notaire , destemoins, & autres, en faux principal, en fuggellion : procedure extraordinaire, Sentence definitive, condamna- tions. Sur Pappel , intervention du tuteur d'une mineure I6gatrice particuliere du teftateur. Arret d^finitif qui recoic le tuteur partieintervenante, meme Appellant de la Sen- tence & de la Procedure, declare le tout nul , ordonne Texecution du legs. Huitieme Arret : enfin PArret de Maun'y. Proems cri- roinel extraordinaire au Bailliage de Mauny : Sentence definitive. Sur Pappel le Juge eft outrage par des Me- moires; il intervient : la Cour le recoit : & par Ton Arret definitif , ordonne , fur la Requete de Plnterve- nant , la laceration des Mcmoires La Jurifprudence autorife done les interventions au grand criminel. Les jiuteurs n^j font pas contraires. On a cite Serpillon & Jouffe. Mais leur autorite pourroit-elle prevaloir fur celle des Arrets ? En fecond lieu, leur principe,qu'un tiers dilFam6 dans une Procedure criminelle , n'a pas droit pour cela d'interv^nir , peut sVntendre d'un tiers difFam^ par un temoin , & non par Paccufe. L'Arret de Gillet en eft la preuve. Et fans cela , ces deux Auteurs qui difent qu'on peut intervenir quand un interet legi- time attire dans le Proces , feroient mis en contradi6lion avec eux-memes La raifon , la Loi , les Arrets , Sc les Auteurs fe r^uniffent done en faveur de la maxime qu'on peut intervenir au grand criminel ; la raifon , par le principe , la Loi , par fon filence > Ics Arrets , par leur difpofition , les Auteurs , par leur vrai fens. Ce principe etabli , on puis-je en dcmander Papplication ? II io. Je ne puis proceder qu^en la Cour. Je le prouve, 1. par rimpollibilite de proceder ailleiirs ; 2,^. par la connexitc de ma Requete & du Proces : ces deux points font deja conftants , & je ne puis que repeter les memes chofes. La calomnie efl au Proces , la verit^ eft au Proces ^ la Cour eft faifiede la calomnie ,1a Cour eft faifie du Proces ; & cette calomnie eft d'une efpece par- ticuliere , elle fonde la defenfe de TAccufe , enforte que , comme je Pai deja dit , fi I'Accufe eft abfous , mon Oncle paftera pour un traitre ; premierement , parce qu'il eft evidemment impoftible que Pun des deux ne Pait pas ete ; fecondement , parce qu^en eftet PAccuf^ lui-meme etablit celte alternative a chaque page de fes Memoires. 11. On dit : Af. le Frocureur- General ne peut pas accufer la mimoire de votre Oncle , la Loi des cinq ans Ven empiche. C'eft ce dont je me plains. En 176^ , le Miniftere public pouvoit encore accufer mon Oncle ; done mon Oncle ^toit juftifie par le feul filence du Miniftere public & du Parlement qui pouvoit le fuppleer: en 1780 , mon Oncle ne peut plus etre accufe par le Miniftere public ; done le ftlence du Miniftere public & de la Cour ne fuffira pas pour juftifier mon Oncle. Les calomnies ont ete publiees dans un temps oii le filence de M. le Procureur-General y repondoit fuffifam- ment. Ces calomnies font renouvell6es dans un temps oil le filence de M. le Procureur-General ne fuffit plus pour y repondre. Ma pofition n"'en eft que plus defa- vantageufe , & tou jours par le fait de mon Adverfaire : done mon interet eft augmente; done j'ai plus d'interet B % que mon Onc!e Inl-mcme ; done il eft necelTaire qn'un Arret pofitif fuppl^e aii filence du Miniftere public. Or cet Arret, conment puis-je Pobtenir , fi ce n'eft par mon intervention ? On rendez-moi TArret de iiS6 qui conda'^ine Ic General fans inculper mon Oncle , qui pouvoit encore etre accufe , ou rendez au Miniftere public la faculte d'accufer mon Oncle , pour que je puiiTe le juflifier : ou laiifez-moi la liberte d'intervenir , pour que je puifTe ou retablir les confequences qu'avoit en 1766 le filence du Miniftere public , ou fuppleer a I'inutilit^ dont il ferbit pour moi en 1780. 11. On dit : la peine de calomnie cejfe dans Vaccu- fatlon de la mort de fon pere Calumnice poena in paterncB mortis accufatione cejfas : ajoutez done, pourvu qu'une chaleur inconfideree ait precede Paccufation ^ modo calor inconfultus prcecejferit Je trouve mon pere egorge dans la rue , je vois aupres de lui , un homme couvert de fang , arme d'un poignard , je me jette fur lui , je m'en empare , il fe recrie , protefte de fon innocence , qu'il 6toit la pour fecourir mon pere , qu'il a retire le poignard de la plaie ; mais tranfporte par la douleur, je n'ecoute rien , je le traine chez TOflicier public J je le denonce , je Paccufe , je le pourfuis , rinformation prouv^e fon innocence & mon erreur. Suis- je coupable de calomnie ? Non. Calumnice pana C'eft le casde la Loi... Autre efpece... /'arrive , je trouve mon pere airafline , le cri public me nomme un citoycn , ce cri m'egare, je m'y livre , jc pourfuis le citoyen , mais il prouve fon innocence... Suis-je coupable de calom- nie ?.... Non,... C^/or inconfultus... Mais |.ouvez-vous , \3 acciifateur opiniatre, r^flcchi , t^nebreux , qui n'ofez pas prodiiire vos Memoires , qui les faites imprimer fourde- ment , qui les diflribuez en confidence a vos Juges , qui vous jettez delTus pour les fermer , pour les couvrir de votre corps , quand le Miniflere public vous demande au Parquet , ou nous conferions devnnt lui , vous & moi , (i vous entendez vous en fervir , ( j'en attefte M. TAvocat- General ) pouvez-vous , calomniateur vo- lontairc , invoquer la clemence des Loix ! D'aiileurs , a quoi revient cetre Loi dans notre CauTe ? Je vous dis que votre pere a calomnie mon Oncle dans le Proces ; je vous dis , Curateur a !a memoire de votre pere , que vous renouvellez ces ca- lomnies dans le Proces. Ofez-vous dire que mon Oncle eft raffaflin de votre pere ? Que parlez-vous d'alTaflinat dans cette affaire ? II eft vrai que vous dites que les temoins ont cgorge votre pere par leurs depofitions. Mais mon Oncle n'a - pas ete un des temoins. II eft vrai que vous dites qu'il a voulu que ces te- moins depofafTent contre votre pere. Mais c^eft une impofture qui juftifie encore plus mon intervention, &dont j'efpere que je vous ferois punir perfonnellement , fi je n'efperois pas aneantir d\m mcme coup les calomnies de votre pere & les voires. II eft vrai que vous dices que les Juges de votre pere ont commis un aiTadinat juridique par leur Arret , comme les temoins par leurs depofitions : mais je me felicite que vous me donniez une Caufe commune avec toure une Colon".e , avec la Grand'Chambre du Farle- lement de Paris. 14 Vous avez beau me reprocher d'etre a peine occupe de nion interet perfonnel. Je le repete, aupres de lave- rite , de la Jiiftice , du repos de vingt families , du falut des Colonies , de la paix publiqiie , de la flabilite des Jugements, du poiivoir des Loix , de Thonneur de la Magiftrature , de la tranquillitedu Roi , qui doit gemir fur fon Trone fi fon Parlement eft tel que vous le de- peignez , mon interet perfonnel m'occupe a peine. Fei- gnez , feignez de ne pas m'entendre , vous ne m'enten- dez que trop. Ma Caufe eft celle de PEtat. Je Tai ^tn- ti , j'ai du le dire , m'en feliciter , vous accabler vous & vos partifans fous ces noms facres de Patrle & dc Loix. C'eft d'eux, de ces objets adores que m'eft venu tout mon courage. Mais mon interet perfonnel en eft-il raoins fenfible ? Non, il n'en eft que plus pr^cieux. On dit encore , Vaccufatlon de M. le Frocureur-Gcneral, <& celle deM. d'Epremefnilfonttres-differentes{i)J''en conviens. La premiere a donne naijfance au Procescriminel..., Oui , & le Proces criminel a produit & renferme vos calomnies volon- taires. Lafecondevientdenaitre.... Sans doute , pour refuter vos calomnies nees du Proces. Celle de M, le Procureur- Gencral ejl puhlique , celle de M, d^Epremefnil efl privee.., Cela eft vrai. Oefl cette feule accufation puhlique que Ic Souverain arenvoyee a la Cour Non pas. Le Souve- rain a renvoye audi a la Cour route la procedure, les pieces du Proces , votre defenfe y vos Memoires , & par confequent vos calomnies. Retirez-les ces Memoires.... Laiffeza la Cour Taccufation feule du Miniftere public. (i) Piaidoyer pour le lieur Foully. & je me tais Je ne puis les retirer Voiis voiis trompez Mais encore une fois , fi vous ne poiivez pas les retirer du Proems _, je ne dois pas ^ moi , les fouffrir an Proces , & ne pas les refuter ; par-tout oii Ton me deshonore , j'ai droit de me defendre Tou- jours la meme reponfe^ la meme objec^lion. Vous craignez une foule d'interventions.... La mienhe en feroit-elle moins legitime ?.... Pourqubi les provo- quez-vous ? Cette erainte eft un aveu tacite de vos calomnies. Je vous reponds avee la Loi , un delitn'ex- cufe pas Vautre Nunquam plura -delict a con- currentia faciukt ut ullius impunitas be- tur: neque enim delictum ob aliud delictum MiNUiT P(SNAM. Je VOUS rcponds avec Pevidence : Vous ne craigne^ pas au monde une intervention plus que la mienne. he nom feul de mon Oncle vous remplit defrayeur, Vous appellez a votre fecours quelques-uns des Ac- cufes. lis s'uniffent a vous contre moi , qui ne fuis pas leur Adverfaire , qui ne veux pas Tetre, qui I'ai declare, des I'entree de la Caufe _, qui I'ai repete a toutes les Audiences , qui Pai prouve par route ma conduite, qui leur ai promis , qui leur promets encore de ne jamais les attaquer. Leur honneur eft-il plus precieux que le mien ? Us me pardonneront un dilemme que leurs Conclufions m^impofent. S'ils font coupables , leur interet doit-il m'ecarter ? S'ils font innocents , pourquoi n'ont-ils pas imite les Accufes abfous,qui s'en rapportent ou gardent le filence? S'ils font innocents , qu'ont-ils a craindre ? Des delais ? Qu'ils s'en prennent done a celui de nous deux qui les occafionne ces delais, ou par une inter- r6 vention, ou par des fins de non*recevoir ^videmment vexatoires. Je finis en reclamant Pindulgence de la Cour pour ce Precis. Le temps mVchappe. J'ai pu negliger quel- ques moyens , les veritcs fondamenrales que j^ai pofees repondront a tout , contr'elles viennent fe brifer toutes les objeftions de mes Adverfaires. Les lumieres du Miniftere public & da la Cour me raffurent , je m'aban- donne a leur juflice. DU VAL D'EPREMESNIL. Monficur DE GRECOURT ,P\ Avocat-Gcndral M^. C L E R o T , Procureur. A Rouen. De I'lroprimene de LOUIS OUHSEL, rue de la Vicomte. 1780* mmaBomtam PLAIDOYE Pour Noble Dame MARGUERITE DE GUIOMAR DE SAINT LAURENT , Veuve & Heriti^re de ^^^l^f: Meffire Anne-Antoine , Comte d'AcHE , Vice- ^^s EM- Amiral de France _, & Grand'Croix de POrdre Royal blee. & Militalre de S. Louis ; Et pour Meffire ALEXANDRE-LOUIS , Baron D'ACHE , ancien Lieutenant de VaifTeau du Roi , Chevalier de TOrdre Royal & Militaire de S. Louis , nomme Curateur a la memoire dudit feu Comte d'Ach6. SuR la Requete d'intervention fignifiee par Monfieur DU Val d'Epr ^me snil , Confeiller au Parlement de Paris , neveu , par Ton p^re , de feu Monfieur du Val de Leyrit , Gouverneur-General des Etabliffe- ments Francois dans Plnde , & Prefident de tous les Confeils y etablis : CONTRE le Sleur T ROF HIME-GE RARD DE LALLY-TOLENDAL , Capitaine de Cavalerlc au Regiment des CuiraJJicrs , nomme Curateur a la A 1 memoire du feu Comte T>E Lally , Lieutenant- General des Armies du Roi , Grand^Crolx de POrdre Royal & Militaire de S. Louis , Colonel d'un Regiment Irlandois de fon nom, Commijfaire du Roi, Syndic de la Compagnie y & Commandant en chef dans FInde : En prefence de Monfieur ze Frocureur-GenAral ; Du Vicomte de Fumel , ci-Jevant Major-General dt VArmee du Roi dans Vlnde ; Des Sieurs Bazin _, Rochette , be Chambov , DeSCHAUX , FOSSJER , Me ACKER & DE FeRE ;. Du Sieur Allen ; Du Sieur Foully ; Des Sieurs de Gadevizze & Ckaponnay ; De VAhhi No RON HA ^ du Frere F RE inch , de Rama- ling A y de deux Quidams du Regiment de Lorraine ,. & des nommes Urfy & Jacquelot, CONCLUSIONS. /\ Ce qu'il plaise a ia COUR joindre la reprife de la Conclufions prifes par fa Requete du 15 Mars dernier, r> pour , en jugeant , y etre fait droit par un feul & meme Arret , au rapport de M. Mouchard ; & en ce qui touche rintervention de M. d'Epremefnil , accorder ^> a61:e a ladite Dame, de ce qu'elle s'en rapporte a la Gour, fauf a prendre toutes autres Conclufions, s'il y ?> a lieu. ;^:^Si^i5: r t ESSIEURS,. Omme vous le prefumez par ces Conclufions, je dois occuper peu de moments dans cette Caufe , & je m'en applaudis. Jufqu'a prefent vous avez entendu ce qu^a de plus touchant & de plus energique a la fois , Pcloquence infpiree par le fentiment & foutenue par Pheroifme ; & ces voutes doivent retentir encore des memes accents. Si la nature de ma defenfe eut entraine de longues A % 4 ^ difcuflions , n'aurois-je pas du craindre qii'on ne m& reprochat de venir , par un contrafte frappant , troublier renthoufiafme excit6 dans routes les ames , & fufpendre les traits: referv^s encore au triomphje de la fenfibilit^ & du g6nie ? Cependant, MESSIEURS , diiffai-je etre eomptable envers Tadmiration publique , les Conclufions memes de ma Caufe^ & la qualite des nouvelles Parties qui les prennent , exigent de moi des details indifpenfables. La veuve du Comte d'Ache , demande qu-il lui foit permis de reprendre le Proces de fon epoux : le Baron d'Ache eft nomme Curateur a fa menioire; & ces circonf- tanc.es montrent a tous les yeux Taceufation du crime de leze-majefle ecrite fur fa tombe. La veuve & le Cuxateur du Comte d'Ache , ont demande la nouvelle radiation des Memoires du jfeu Comte de Lally ; & cette demande annonce que la calomnie agite encore I'urne oii vient d'etre depofee la cendre de Pilluftre mort qu'ils reprefentent. Si d'auffi grands interets ne fuffifoient pas pour tourner un moment vos regards fur la partie de la fcene que doivent occuper ceux que je defends , j'ajouterois que tous les A<5i:eurs de cette fcene a jamais memorable , doivent etre egalement connus ; qu'on ne pent toucher au voile qui la couvre , fans le lever en entier; & que le double tableau qu'elle prefente , doit etre confider^ dans fon enfemble. Jufqu'a ce moment , Spe^lateurs tranquilles , nous avons vu M. d'Eprcmefnil & fon Adverfaire , difcuter les droits prccieux qui les ont armcs ; & ni le but , ni le plan de leur defenfe^, n'ont interelTe notre Caufe.L'un conduit par ITionneur & arm6 par la Loi , s'eft eleve pour arreter la calomnie r^veill^e au cri de la vengeance. L'autre , anim6 par la nature , & fort du jufle interet qu'inf- pire fa douleur , s'eft effbrc^ d^'oppofer a une demande en reparation d^injures^labarriere de la prefcription que lui- meme a abattue en les reproduifant. L'unn'a prononc^ le nom du Comte d'Ache, qu^avec cette veneration due a la vertu perfecutee ; il a meme repandu quelques fleurs fur les pas de fa vieillefTe expirante. L'^autre s'efl permrs a peine de laifler dchapper ce nom refpecftable ; il ne I'a point efFac6 de la lifte des vils individiis dont on a reproche a fon pere d'avoir compofe la feconde clafTe de la Colonic de rinde (i) : mais il s'eft garde de rien dire qui put foutenir le choix indigne qui I'y avoit place. II a voulu etendre le ridicule fur la main qui dlflribuoit les palmes & les couronnes ; mais il s'eft garde de rien dire qui put fletrir ces palmes & ces couronnes. Ainfi , aujourd'hui que nous fommes forces d'entrer dans la lice , nous ferons dans rheureufe impuif- fance de combattre direcSement aucun Adverfaire ; & notre miniftere fe reduira , pour la feule intelligence de la Caufe , pour le feul developpement de nos Con- clufions , a tracer la partie du Proces qui concerne le feu Comte d'Ache ; c'eil- a- dire ^ a raopeller fuccinc- tement la part qu'il a cue dans I'expedition de Plnde, celle qu'il a cue dans les calomnieufes imputations du' Comte de Lally , & celle qu'il a encore dans la con- {i)Req.dinterv,deM. d'Epr. Voy. fon I.Tlaid.p.^G. 6 teflation qui lui furvit. Ces details ne fcront que des narrations rapides. En 17^6 , la Compagnie des Indes follicita des fe- cours du Gouvernement pour foutenir fes EtablifTements qu'elle ne pouvoit plus defendre avec fes propres forces. Quoique TEtat , epuife par la crife violente qui Tagi- toit depuis plufieurs annees , ne put faire de facrifices , on accorda cependant trois vaiffeaux du Roi , qui , reunis a ceux de la Compagnie , devoient etre com- mandes par le Corate d'Ache , & quelques troupes de. terre , dont le commandement fut donne au Comte de Lally. Je ne m'arreterai point a rappeller ici les diverfes operations du Comte d'Ache. L'univers entier connoit routes les circonftances de cette expedition defailireufe , qui a entraine la ruine du vafte edifice qu'eile devoit foutenir ; ruine fatale , preparee par la chute de prefque tous les appuis deftines a Pempecher ! Que Ton ouvre les Annales de la Nation , & Ton y verra tous fes de- tails marques en carac^leres finiftres ! 11 fuffira done a Tinteret de ma Caufe , de mon- trer , dans un tableau rapide , le Comte d'x\che , fou- tenant , pendant trois annees entieres , avec Theroifme de courage, & Tintrepidite du defefpoir , I'honneur du Pavilion qui lui eft confie ; luttant fans ceiffe contre les elements j le hefoin , Pinconfequence & le canon des Anglois ; & malgre la mifere & les maladies qui ont con- fume fes matelots & fes foldats ; malgre le delabrement de fes vaiiTeaux toujours abandonnes fans reparation ; malgre le choc perp6tuel des autorites contraires qui 7 Fenchainent an rivage , ou difpofent , centre toutes les poffibilites , des debris de fes forces ; contenant , j'ai prefque dit accablant , dans trois combats , des ennemis fiiperieurs en vaifTeaux & en hommes. Ici , Ton efcadre, a peine armee , foutient Pattaque de Tefcadre ennemie. II combat corps a corps avec les Amiraux Anglois qui fe fuccedent : leur avant - garde eft en defordre ; encore un inftant de jour , Sc la vidtoire eft afTuree ; mais la nuit vient^ & PAnglois fe retire fans feux. La, une nou- ^elle adlion s^engage ; un de nos vaiffeaux s'embrafe , d'autres s'eloignent , Tefcadre eft reduite a cinq , tous dans le plus trifte etat , tous charges de morts & de bleffes; le Comte d'Ach^ a recu lui-meme plufieurs blef fures ; & telle eft cependant la vigoureufe refiftance des foibles reftes de fon efcadre , que Pennemi abandonne le champ de bataille. Un troifieme combat femble enfin devoir fixer la vi61:oire , fi long-temps incertaine ; mais tout a coup un de nos vaiffeaux s'embrafe encore _, qua- tre autres font forces de fe retirer , & il n'en refte que fept pour faire face a Pefcadre Angloife. Alors , la va- leur au defefpoir fapplee aux forces reelles ; le Comte d'Ache recoit un boulet qui lui emporte les chairs de la cuiffe ; il tombe tout convert de fon fang & de celui de quatre hommes renverfes a fes cot^s. La nuit met fin au combat ,.. Sc PAnglois s'eloigne encore. Mais , que Ton fourniffe an Comte d'Ache les fecours & les munitions necelfaires , qu'il puiffe une feule fois oppo- fer a fon ennemi des forces egales , & une quatrieme a61:ion va aneantir enfin une Puiffance fi fortement ebran- lee. En vain il follicite ces fecours depuis fon arrivee 8 dans rinde' : on n'a a lui donner que de vairts eloges , & on lui refufe ce qui pent lui en meriter de plus chers a fon coeur. Inutile deformais fur ces funeftes rivages , il revient en Europe ., & deja Pondichery n'eft plus a nous. Tel eft, MESSIEURS, ler61eaffigeant& glorieux a la fois , qu'a joue le Comte d'Ache dans Texpedition de rinde. II s'eft battu trois fois fans defavantage ; il n'a pas perdu un feul de fes vaiffeaux : il a conduit a la Cote de Coromandeltous les fecours dont il 6toit charge :- enfin , il a rempli fidelement fes inftrudlions. Cependant , du milieu des ruines de Pondichery , une^ voix s'eft elevee > qui a parle de trahifon , & le Comte de Lally a ete jette dans les fers. Qu'une vile cabale fe foit raffemhlee au fignal de la calomnie , pour immo- ler un Guerrier irreprochable , ou que la verite feule ait arm6 la Juftice contre un traitre ; c'eft une queftion quVnveloppe de nouveau une obfcurite facree , qu'il ne nous appartient pas de percer, Ce que nous pouvons & ce que nous devons dire , c'eft que Ton n'a jamais lu le nom du Comte d'Ache fur aucune denonciation , fur aucun Memoire produit contre le Comte de Lally ^ parce qu'il etoit trop jufte pour accufer un innocent, ou trop magnanime pour accabler un coupable. Mais , tandis qu'a Pabri de fes vertus , il voit de loin fe former Porage , & le voit fans crainte , parce qu'il eft fans reproche , le cri de Pimpofture Parrache a fa fecurite , fon nom eft ecrit fur la lifte fletriffante des Accufes ; il eft d(5cr^te d'aftign6 pour etre oui'.. Le Comte d'Ache ne douta pas que le coup qui le frap- poit, 9 poit nefut parti de la main du Comte de Lally. Au moins voyons-nous qu'ils'eil: plaint hautement, & fans etre de- menti y de ce que ce dernier , ahufant de ^on filence & dc fa fecuriti , preparoit par des menees fourdes ^ tinehreu- fes , le faeces qu^ilfe promettolt de fes calomnies ; de ce qu'it nourrijfoit par des Memoires artlficieux y dans Vefprit des Minijlres , la prevention qu*il avoit commence a fair e naitre pendant f on fe] our aux Indes , contre le Chef d^Efca- dre (r ). Mais ce qui dut achever de le confirmer dans fes con- jecflures , ce fut la publication de trois Memoires intitules : Memoire pour le Comte de Lally ; Tableau hijlorique deT ex- pedition de PInde ; Vraies caufes de la perte de PInde, En efFet, le Comte de Lally avoit cru devoir employer d^s denonciations particulieres , pour repouffer la denon- ciation dont il 6toit Pobjet; il avoit rejette fur le Comte d'Ache&fur M. de Leyrit^ Gouverneur de Pondichery, la perte dePIndequ'onn'avoit d'abord imputee qu'a lui &c a fes premiers Coaccufes ; & les Memoires dont je viens de parler , furent le developpement calomnieux de ces denonciations. Le Comte d'Aclie y fut prefente comme le plus lache des hommes , & le plus obftine dans des operations qui devoient entrainer la perte de i'lnde ; en un mot , comme un des coop^rateurs de la ruine de Pondich^ry. Je ne dirai pas que le Comte de Lally eut befoin de fuppofer des crimes imaginalres pour effacer des crimes reels : je ne dirai pas que cette diffamationetoit le fruit tar- (i) R'ponfe du Comte d' Ache au Memoire du Co.nte dc Lallj , intitule i Vraies caufes , &c. p z & Q, B lO difde la haine qu'ilavoitvouee au Chef d'Efcadre , dont les vues fages ^toient fouvent en oppofition avec {qs projets : jc ne dirai pas qu'elle fembloit avoir etd meditee par le Comte de Lally des avant la perte de Pondi- chcry; mais je demanderai a fon Curateur , dans quelles mcEurs & fuivant quels principes , ce genre de defenfe , qui violoit a la fois & I'honneur & la verit^ , pourra jamais etre regarde, ainfi qu'il Pa pr6tendu , comme la confolation d'un malheureux qui trempe un moment fa plume dans le fiel dont on Vabreuve ? Je lui demanderai dans quel Code barbare efl ecrite cette Loi revoltante , que I'Accufe qui ne fe trouvera pas afTez fort de fon innocence , pourra fuppofer des coupables , rejecter fur eux les crimes qu'on lui impute, les trainer au fupplice prepare pour lui , & foutenir , a force d'impoxlures , que lajuftice s'efl trompee au choix de fes vidlimes ? Et quand il feroit vrai que le Comte de Lally eut fuc- combe fous une ligue de calomniateurs , quand il eut fallu , pour calmer fon ame irafcible , & adoucir {ts longues amertumes , qu'il vomit contr^eux le fiel dont ils Vahreuvoient , qu'il accablat du poids de fes chaines ceux qui Pen avoient charge , qu'il arrachat enfin le poignard de fes blelTures , pour en egorger ceux qui Tavoient frappe j je le demanderois encore a fon Curateur , Pil- luflre Vieillard , dont je defends la mcmoire , eut-il jamais da redouter fes coups ? Au rede , MESSIEURS, je n'ai pu vous parler de ces imputations qui compromirent I'innocence du Comte d'Ache , fans m'engager en meme temps a vous rap- peller fes moyens de juftification ; & d'abord jc dis que ' II les faits articul^s contre lui par le Gomte de Lal!y > n'etoient que des allegations gratuites. En effet , la plupart de ces faits auroient pu^trc vrais^ fans que le Comte d'Ach6 fut coupable , parce qu'il ^toit pojfRble qu'il eut 6t6 afTervi lui-meme a Tenchaine- ments des circonflances & a Tafcendant des 6venements. Alors , meme en fuppofant qu'ils euflent pu fervir a la juftification du Comte de Laily , 11 pouvoit les invoqucr fans incriminer perfonnc ; il pouvoit adopter leurs re- fultats , fans empoifonner leurs caufes , & cependant il ne les a prefent^s que comme Touvrage de la volonte libre , de la determination conftante du Comte d'Ache ; comme (i , dans fes principes , le glaive leve fur fa tete n'eut pu s'ahaiffer fans frapper une vidtime ; comme s^il eut et6 impoffible de divifer ce raifonnement : le Comte de Lally efl innocent , done le Comte d^Ache ejl coupable, Mais j'ajoute , qu'en retorquant cet argument abfurde , il n'efl pas plus confequent , c'eft-a-dire , que quand tous les faits articules, relativement au Comte d'Ache , eufTent et6 vrais , & quand , dans cette hypo- thefe , ils euffent pu former un corps de delit qui Teut rendu coupable , il n'en feroit encore rien r^fuke pour la juftification du Comte de Lally. Car , je le demande , quand il eut et6 certain que le Comte d'Ache auroit retenu TEfcadre dans le Port de Breft , fans y etre force par le grain violent qui I'avoit bouleverfee ; quand il eut ete certain que , fans vivres , fans munitions , fans apparaux , 5c aux approches d'un changement de moujfon , il auroit refufe , de fon plein gre, de fe porter vers Madras ; quand il eut ete certain B 2 1% que y r^duit au- dernier Hzt de mifere & de delabrement , il auroit ref'uf( de refter fous Pondichery , & qu'alors , de fon propre mouvement , & non fuivant fes inftrudions , & non fuivant Tavis de fon Confeil , & non fuivant la loi imperieufe de la nece(Ht6 , il fe feroit retire a rifle- de-France pour y chercher les fecours qu'il foUicitoit vainement de Pondichery ; quand tout cela feroit exa6le- ment vrai , qu'il en refulteroit les confequences qu'en a tirees le Comte de Lally , & qu'enfin on pourroit en faire des crimes au Comte d'Ache : je le demande , la maffe des delits imputes au Comte de Lally , eut-elle ete diminuee d'un feul ? Eut-il 6te juftifie d'avoir abandonne des pofles utiles ; d'avoir entrepris des expeditions de- faftreufes & mal concertees; d'avoir difpofe de la regie des revenus, & du bail des terres ; d'avoir exerce fur toute Padminiftration une autorite defpotique ; d^avoir aliene le coeur des foldats & de taus les Francois , par des imprecations & des violences continuelles ; d'avoir ecrafe la Colonic fous des exactions revoltantes ; d'avoir enfin trame un long tifiTu de perfidies , commence par Pabandon du pofle precieux dts Limites ^ & termine par la capitulation proditoire de Pondichery ? Eut-il efface un feul trait de cet amas d'imputations , que je fuis loin de vouloir apprecier , & fur lefquelles I'impartiale verite doit prononcerun jour ?Je ne crois pas qu'on put PafTurer fans inconfequence. II eft done indubitable que les alle- gations que le Comte de Lally sY-toit permifes relative- ment au Comte d'Ache y etoient gratuites fous tous les rapports^ Mais^ difons plus; q^uoiqu'ellcs repofaffent fur quel- 13 ques faits vrais, elles dtoient toutes faufTes, qiiant aux principcs & aux confeqiiences. Audi le Comte d'Ach6 en effaca-t-il jufqu^aux der- nieres traces dans fon interrogatoire , & dans le Me- moire public pour fa defenfe. Accufe d'avoir fui lache- ment le combat , il pouvoit , pour toute reponfe , k Texemple de ce Remain fi celebre , ouvrir fes vete- ments , & montrer la preuve de Timpofture , dans les cicatrices dont il etoit couvert. Mais il crut devoir , moins a fa juftification qu'a fa gloire , de donner un detail circonftancie de fes operations. Accufe enfuite d'avoir occafionne la perte de Pondichery , il porta la moderation jufqu'a craindre de refuter cette afrercion prife en elle-meme , parce que le jour de la verite qu'il eut fait briller fur cette partie du Proees , eut pu y re- pandre une lumiere funefte ; mais il dut devoiler les caufes qui avoient influe fur fa conduite , pour eloigner tout ce que la calomnie y montroit de coupable ; en- core voulut-il , en examjnant ces caufes , laiffer fous le voile le principe qui les avoir produites. Telle eft la marche de Phomme jufte qu'on accufe , que la verite n'eft jamais entre fes mains qu'une arme defenfive ! Rappellons , en peu de mots , cet examen fi precieux pour la juftification du Comte d'Ache. Pour que Texpedition de Plnde put remplir fa defli- nation , il falloit d^abord que la Compagnie qui la provoquoit , & le Gouvernement qui la favorifoit , ne nt'gligeafTent rien pour fon armement ; & qu'enfuite le Confeil de I'lnde fut alTez maitre de fon adminiftration pour fournir fans cefle les fecours neceffaires a Teatre- 14 tico d'une double arm^e , & aux operations que fa d^fenfe exigeoit. Ce n'eft pas tout. Le Chef d'efcadre avoit des inftrudions qui enchainoient fon pouvoir,& un Confeil de Marine qui en regloit remploi. Le General de terre ^toit revetu d'une autorite fans bornes , & de titres qui lui donnoient la plus grande influence fur toutes les negociations. Entr'eux devoit s'^lever unetroifieme Puif- fance , Tadminiflration de Pondichery, qui, corps inter- mediaire , pouvoit connoitre , dans un Gonfeil mixte , des operations des deux autres. Or, il falloit que la plus exa(5te harmonic regnat entre cestrois autorites; il falloit qu'elles concouruiTent fans choc & fans partage , vers le bien commun. Ainfi , le General de terre devoit com- biner fes operations avec les operations du Chef d'ef- cadre , n'entreprendre celles ou le fecours de la flotte etoit indifpenfable , que lorfqu'elle etoit en etat de le feconder , fuivre enfin un plan calcule fur les circonl- tances & Tetat des chofes , fans fe laifTer emporter aux tranfports de fes belliqueux caprices. Ainfi _, il falloit que , de fon cote , Padminiftration put partager egalement fes reffources , fans etre obligee de facrifier pour une armee , ce qu'elle devoit fournir aux befoins de Pautre ; & que, libre de Pafcendant & de Pinfliience du General de terre, elle ne prononcat pas fur les operations du Chef d'efeadre, fans y avoir appelle fon Confeil. Cependant, MESSIEURS, il faut le dire , ce qu^il eut ^te dangereux de faire , eft precifement tout ce qui s'eft fait. L'efcadre doit etre armee avant de fortir des Ports , & ce n'eft qu^a 4000 lieues qu'elle achevera de Petre. Elle arrive aux bords qu^elle doit proteger , & dans quel ^1 6tat ? Neuf vaifTeaux _, la plupart pen prbpres a la guerre^ & par leur con{lru(51:ion , & par le calibre de leiirs canons , tous fatigues par deux longues traverfees, tous ufcs & rallcntis dans leur marche , fans vivres , fans munitions > montes par des foldats & des matelots affbiblis par les maladies. Telles font les forces navales qu'il faat oppo-^ fer fur les mers de Plnde aux forces bien fuperieures des Anglois ! Telle eft Pefcadre qui doit affurer le falut de nos poffeflions a la Cote de Coromandel ! Cepen- dant elle foutient trois combats ; trois fois elle revient a Pondicliery , fes matures brilees , fes equipages haraf- fes par la frequence des manoeuvres , fes vaiffeaux cri- bles de coups de canon , & charges de malades & de mourants. Elle demande , elle follicite des fecours pour fe reparer & fe mettre en etat de fixer la vidoire ^ & jamais elle n'en peut obtenir. Tantat Parmee de terre a tout epuife , tout, jufqu'aux cordages & aux bois de conftrud:ion ; tantot , Pondichery n'a pas meme de vi- vres pour fes Habitants. A ces obftacles, multiplies par le befoin & Pabandon^ fe joignent ceux des divifions & du choc des autorites. Si , apres le premier combat , le Confeil de Marine ar- rete que Pefcadre laiffee fans fecours , croifera pour in- tercepter au moins ceux de Pennemi, le Comte de Lal- ly veut qu'elle foit rappellee ; fon expofe eft envoye par le Confeil mixte au Comte d'Ache, qui s'y conforme ; & pendant cet intervalle , PAnglois recoit les fecours at- tendus. Apres le fecond combat , le Comte d'Ache de- cide que Pon ira chercher de nouvelles reflburces a Plile-dc-France. Mais le Comte de Lally s'eleve encore i6 coiltre cette refolution indifpenfable ; il veut fe porter vers Madras, & exige que Tefcadre le fuive, au rifque infaillible d'etre battue. Le Confeil fait part de ce projet au Comte d'Ache,qui, apres lui en avoir demontr^ rim- poflibilite, finit par ces expreflions remarquables : j'agls de tout mon cceur pour la glolre & les armes dtu Koi que j'ai fauvees jufqu^a prefent , & que je ne veux pas compromettre. Alors le Comte de Lally fait adopter un nouveau parti ; il veut que Tefcadre courre les rifques de Pivenement ^ em" bojfeefous le feu de Pondichery, Le Confeil de Marine s'op- pofe a ce parti dangereux, & le choc des opinions ne peut ceffer que par Tabandon que fait le Comte d'Ache d'une partie de fes forces, pour augmenter celles de Parmee de terre. Enfin, apres le troifi^me combat, le Confeil de Marine arrete que Pefcadre ira encore fe r^parer a I'lfle- de-France. Mais a peine a-t-elle lev6 Pancre, qu'elle eft rappellee par un Protet national ; acfte bifarre & ille- gal , oil des Jefuites & des Capucins d^ciderent , contre Pavis d'un Confeil de Marine , que Pefcadre devoir refter a la C6te ! Fixons cependant cet a6te un moment, parce que ce fut une des principales armes que le Comte de Lally oppofa au Comte d'Ache. Le Chef d'efcadre , refponfable envers le Roi des vaif- fcaux qu'il lui avoir confies , ne dut pas les expofer en reliant a la Cote , dans Petat auquel ils ^toient r^duits. La Nation, qui ne confideroit que le falut de Pondiche- ry , perfuad^e par le Comte de Lally que le depart de la -lotte en entraineroit la ruine , dut protefter contre cc depart. De fon cote , le Confeil qui_, dans ces moments de ^7 ^ de troubles Sc de d^fordres , devoit fonger a fe mettr^ k Pabri des ^v^nements , eut (^galement fes motifs pour figner ce Protet. Mais i\ favoit audi que le Comte d'Ache ne pouvoit agir autrement ; il favoit qu'il falloit a ce General des vivres & des munitions , & depuis long-temps affervi fous nne autorite defpotique qui Pavoit depouill6 de tout fon pouvoir , de tout fon credit , il ne pouvoit rien lui fournir. Et qu'on ne croie pas que ce depart du Comte d'Ache , deja k couvert de tout reproche par fa neceflite , ait jamais en- traine, par lui-meme , aucun accident. Nous avons un temoignage bien puifTant a cet egard , dans la declara- tion du Chef meme du Confeil , dans un Memoire par- ticulier de M. de Leyrit. On y lit : y> Quoique le parti J? que prit M. d'Ache de retourner aux Ifles , ait ete , y^ par Pevenement , funefte a la Compagnie , on peut neanmoins afTurer qu'il ne Teft devenu que par la 7)Conduite que M. de Lally a tenue depuis Pavantage que nos troupes remporterent a Vandavachy : le jour 9") meme que I'efcadre partit fembloit affurer la Colonie ?> centre tout facheux ^v^nement, & avec la fuperiorite >? de forces que nous donnoit un renfort qu'avoit laiOe >5pefcadre^ nous promettre d'autre fucces ". Plus has , dans le meme Memoire , M. de Leyrit parle de fonds qu'avoit lai.Tes Pefcadre , & qui furent abiorbes par un Traite funefle quele Comte de Lally s'obftina a concUire avecles Marattes(i). C'efl: ainfi quele Chef du Confeil de (i) Ce Memoire , qui nous a ece communique par M. cvEprcmcTnil, efl: incirule : Eicueil de faits qui peuvait fervir a prouver Ji c'cji par ma. faute _, ou par celk de M. de Lally j que Fondichiry a inanqui de vivri's- C i8 Fondlch^rys'expliqne , relativement au depart dela flotte: & voila comment fut arrets ce fameux Protet , que le- Comte de Lally n'a pas rougi d'oppofer an Comte d'Ache ;. liii qui en connoifToit toutes les circonfl:ances;Iui quiPeut prevenu , en fournifTant au Chef d'efcadre , les fecours qui TeufTent mis en etat de refter a la Cote ; lui enfin a qui Phonneur &la juftice fembloient impoferlanecediie de le faire r^voquer , lorfque le Comte d'Ache fut ren- tre a Pondichery ! Ne le provoqua-t-il , ne le laiffa-t-il fubfifler que pour fe menager d'avance un moyen de re- pouffer Taccufation du Miniflere public ? Quoi qu'il en foit , le Comte d'Ache revint a Pondiche- ry ; & vu Pimpoflibilite de Ty retenir , faute de fecours , on confentit a fon depart , a condition qu'il laifFeroit 900 hommes a terre , avec le tiers de fes munitions. Arrive a rille-de-France , un ouragan terrible bouleverfe fon efca- dre , & au meme inftant , deux Puiffances oppofees fe la difputent. D'un cote , des lettres de la Cour annoncent que PAnglois doit attaquer PIlle-de-France; de Pautre , on appelle Pefcadre vers Madras , ou Pon dit qu'il doit etre. Ici _, Pon veut qu'elle quitte P'lile , ou elle femble neceifaire ; la , on veut qu'elle vienne a la Cote , & Pon fait qu'elle ne peut tenir la mer. Voila, MESSIEURS, quelle aete la pofition du Comte d'Ache pendant toute PexpLdicion de PInde; voila quePies ont ete les caufes , au moins fecondaires , qui ont influe fur fa conduitc. Que Pon juge par ce qu'il y a fait, de ce qu'il y eut pu faire ! Et cependant il a cte accufe ! Et cependant c'efl le Comte de Liilly q-ii a ofc lui imouter des crimes ! Je me tais : je lailTe rctomber le voile fur ^9 cette partie de Tint^rieur da Proems , de peur qu^on n*ap- percoive ce qu'il ne m'appartient pas de decouvrir. Je terminerai feulement cette difcudion , par conclure que les allegations du Comte de Lally 6toient purement gra- tuites , parce qu'Il pouvoit fe difpenfer de donner aux fairs qii^il a articules , les principes injurieux quUl leur a fiippofes , & parce que , quand fes imputations euflent 6t6 fondees fous ce rapport , elles euflent encore ete infuflirantes pour fa propre juftification ; qu'enfin elles ctoient fauffes & calomnieufes , parce que le Comte d'Ache avoit ete force de faire tout ce qu'on a pr^fente comme I'ouvrage de fa volont6 lihre , & parce qu'il n'a jamais donne lieu aux confequences que Ton a tirees de fa conduite. Si les moyens dont je viens de faire Texamen rapide , fuffifoient pour difculper le Comte d'Ache des imputa- tions qui lui etoient faites dans les Memoires du Comte de Lally, ils devoient le juftifier ^galement de Taccufa- tion dont il etoit charg(^ , puifqu'elle n'avoit d'autre fource & d^autre appui que ces imputations. Aufli les nuages que Timpofture avoit repandus furfon innocence, furent bientot diilipes : il fut renvoye de toute accufation , & comble des bienfaits du feu Roi , qui le decora dQS titres de Lieutenant-General , de Grand'-Croix de TOrdre de S. Louis , & de Vice-Amiral de France, & fe chargea meme de payer pour lui 160,000 liv. qu'il devoit a la Compagnie. Tel etoit , MESSIEURS , Petat du Comte d\\che , lorfqu'apres treize annees, TArret du Parlement de Parts a ete aneanti ; & ici commence un nouvel ordre de chofes, C 2. Je ne me permettrai aiicunes reflexions fur PArret de cafTation Sc fur ce qui Pa fuivi. Si la Juftice fe trompa , puifTe Ton erreur 6tre r^par^e, autant qu'il eft poffible ! Mais je dois faire une ohfervation bien importante , fur la Procedure exercee pour obtenir cet Arret. La cafTation remet les chofes au meme etat qu^'elles 6toient avant le Jugement qu'elle aneantit : ce principe eft vrai , & le fera a jamais. Ainft les crimes punis font remis en examen ; les Coupables convalncus , redevemis Accufes ^ & les Accufes abfous , conftitues de nouveau in rcatu. Or , fans dome Petat de ces derniers doit etre d\me grande influence fur la demande en caffa- tion ', parce que les abfolutions font favorables ; parce que Pinconvenient d'expofer de nouveau un Accufe abfous , toujours prejuge innocent ^ doit balancer bien fortement Pinteret d'^examiner de nouveau un Condamnc_, toujours prejuge coupable. 11 faut done les plus puiffants motifs pour aneantir les jugements qui ont prononce des abfolutions ; les Accafes abfous , ont done le plus grand interet de connoitre les pourfuites faites contre PArret depofitaire de leur juftification ; ils doivent done etre prefcnts a la Procedure cyiZiC^Q a c(tt egard. Et feroit-il poffible que Pon troublat ^' u etat, que Pon compromit leur inno- cence , que Pon fit revivre contre eux dcs accufations eteintes , qu'on leur impurat de nouveau des crimes effaces , fans quails fuffent appelles , fans qu'ils fuifent entendus fur Perremicnt qui doit produire cette funeffe revolution ? Cependant telle eft la marche que Pon a tenue. On a demande , pourfuivi , obtenu la caffation dans Pombre du myftere ; & des qiiinze x\ccufes , ren- voy^s abfous , que Ic Comte de Lally avoit charges , pour laplupart, du crime de haute trahifon , aucun n'a 6t6 traduit ni entendu au Confeil. La Requete prefentee pour obtenir la caffation _, n'a ete communiquee a pas un d'eux , & I'Arret qui les juflifioit a ete aneanti, apres douze ans pafifes^ fans Lettres de relief de temps , pour la Partie qui provoquoit, fans communication aux Accufes abfous , lorfqu'ils croyoient cet Arret aufE immuable que la Juflice qui Pavoit di(5le. Quoi qu'il en foit de cette maniere de proceder , le Comte d'Ache eilt fans doute fait valoir far la revifion, les memes moyens qu^il produifit lors de P^r./truclion premiere , & il eiit pu s^en promettre le meme fucees : mais il n'a pas ailez vtcu. Si le titre de i'accufation dont ce General s'efl trouve chai'ge de nouveau , eut ete un dtlit ordinaire , la mort Teiit efface de la liflre des Accufes , & fa mi- moire feroit demeuree intadte. Mais le Proccs dans leqcel il a ete dccrete , avoit pour objet la punition du crime de leze-majefte ^ de ce crime dont les Loix , qui veillent a la garde des Etats , Sc confacrent la perfonne des Rois , ont voulu que la vengeance furvecut & aux Accufes & aux Coupahles. La mort n'a done pas rompu pour lui les liens de Paccufation ; alors fes heritiers ont dii fucceder afad^fenfe^ & demander unCurateur pour fa memoire. D'un autre cote , les Memoires du Comte de Laily avoient ete fupprimes , comme contenant des Jaus faux & caiomnieux. Le Com^te d'Ache ^ qui avoit voulu une reparation particuliere , avoit demandeaufli quelestermes itijurieux & caiomnieux qui le concernoicnt dans ces ^^ Memoires^fufiTentTay^s, & ill'avoitobtenu.Or,rArrer du Confeil , en remettant les chofes au meme etat , a fait re vivre ces Memoires. Le Curateiir a la m^moire du Comte de Lally , s'eft cru force par Tlionneur Sc par le devoir , a les foutenir , & a voulolr qif ils fuflfent conferves an Proces. Lesheritiers du Comte d'Ache ontdu fe croire egalement forces par rhonneur & le devoir ^ a pretendrequ'ils en fuf- fent rejettes ; & , des le premier pas , ils ont dii irenouveller la demande originairement formee pour leur radiation. La veuve & Pheritiere du Comte d'Ache , a done prefente fa Requete , & y a conclu tout a la fois , a la reprife de Pinflance , a la nomination d'un Curateur , & a la radiation des Memoires. Voici cette Requete (i) : A NOSSEIGNEURS DU PARLEMENT. La Grand'Chamjsre assemblAe, ;>SuppLiE humblement Noble Dame Marguerite de >? GuioMAR DE Saint Laurent, Veuve & Heritiere de Meflire Anne-Antoine , Comte d'Ach^, &c. JJlsANT que lorfque le feu fieur Thomas-Arthur, ;> Comte de Lally , fut accufe , par M. le Procureur-Ge- (r) Quoique cette Requete n'ait pas e'te lue lors de la Plaidoirie , on a cru devoir I'inferer ici. Le Curateur a la mcmoire du Comte de Lally, secant permis , en propofant I'incident qu'il a eltve a I'Audicnce du i<; , ^3 n^ra] , des crimes don t la preuVe lui a fait perdre la r> tete , il ne crut pas devoir oppofer uniquement aux reproches dii Vengeur public Ic temoignage de fa con- n duite ; mais d'Accufe il devint Accufateur , & la perte 3> de rinde, qu'on n'imputoit qu'a lui & a fes Coaccufes , il la rejecta prineipalement fur deux tetes refpecSlables. Le Comte d'Ache , alors Lieutenant-General des Ar- mces navales , & M. du Val de Leyrit , Gouverneur- General des EtablifTements Francois dans Plnde ^furent J) prefentes comme ayant concouru a la ruine de nos n Colonies ; Tun , par les vices de Padminiflration in- y> terieure ; Pautre , par Ic refus de fecours exterieurs. >> M. de Leyrit ne fut cependant pas conflitue en etat V d'Accufe ; les Menioires qui le diftamoient farent fup- >y primes ; & fi le Curateiir a la mimoire du Comte de Lally les reprefente apres 13 ans , les cendres de M. de Leyrit ont prodiiit un Vengeur qui fe charge d'eloigner de fon tombeau la calomnie renaiffante. j> Le Comte d'Ache eat un autre fort , parce que les imputations furent jugees plus graves. En eifet^ ces memes Memoires le prefentoient comme le plus lache des hommes , & le plus obiline dans des ope- >? rations qiril favoit pouvoir entramer la perte de Tlnde. Des en quittant les Ports de France , il retarde la marche n de la Flotte , ( Me mo ire pour le Comte de Lally ,. page jo ) ; de qualifier cerrs Requete de dijf'amation , on I'a niife /oiis les yenx du Public , afin qu'il juge u'avance de la verite de cette errange qualification. Nous atrendrons patieir-tr.eat que le Curaceur du Com:e de Lally y da igfis lajuftifier. i4 - & fans ce retard , il n'eut pas et^ hattu par PAmiral ennemi , ( page 92 ) , la jondion des Flottes Angloifes yy ne fe fut pas faite , Saint David , Madras eufTent ete r> pris , ainfi que toiite la Cote de Coromandel , & les Anglois eiiflent ete chaffes du Bengale, ( Tableau Hif- torlque , page x ). Arriv^ a Pondichery , il veut refler emhoffe dans la rade , & a peine i'obflacle apparent >> qui Py retenoit eit leve , qu^au lieu d'aller a Tennemi, il prend une route oppofce , prive Tarmee de tcrre d\m detachement utile , & expofe le Comte de Lally a perdre le fruit de fes premieres conquetes , ( Mem, >> pour le Comte de Lally , pages x , ^8, Lettre de M. d^Aclie , L. J. Apoflille ). II refufe de fe porter fur Madras \ & cependant , s'*il Peut fait^ le Gouverneur de cette Ville n'eut pu donner des fecours a la Flotte Angloife , ( Me mo ire de M. Lally , pages y8 , Jg , 86 ). Ce n'efl pas affez de fuir Tennemi , & de laiffer la Cote de Coromandel a decouvert , il retient encore )) a rifle-de-France le Chevalier de PEgnille , qui por- toit deux millions a Pondichery, & en garde lui-me- ?> me un , dont il ne rend enfuite que partie , operation >? qui empeche la prife de Madras , (P^^^^ io6 , loj , Tableau Hljlorique , & Lettre 9,, Apojlille ). II revient a la Cote apres un an d'abfence ; mais quoiqu'on le declare refponfable de la perte de la Colonie , & qu'on y> le menace de demander juflice au Roi , de fon refus de ?> protcger fes Etabliffements , il difparoit 24 heures 7) apres , & fe dit batru , quoiqu'il ne Tait pas ete , ( Tvlemoire dc M. de L^ally , pages i xc^ , i ^o , ? ^2 ). ;j En vain le Comte de Lally lui oiire la moitie de {on yy armee 2-^ nzrmre pour ne pas abandonner la Cote , ( Lsttre R, >> Apoftllle ) ; en vain on lui reprefente que Pondichery eft perdu s'il fe retire , que Pennemi vient attaquer n notre armee fous Vandavachy , & qu'il ait a refter au moins 24 heures , ( Ibid. ) ; rien ne peut le retenir ; il " part & manque la plus belle occafion d'^crafer Tefca- n dre Angloife , ( Lettre 20 , Apoflllle ). Alors les Princes Noirs voyant I'ennemi maitre de la mer par ce depart , ^fe reunifTent aux Anglois ; Parmce da Comte de Lally fe revoke , ( Vrales caufes ,page i6 ), Un Prince de rinde , qui etoit en marche avec 12000 homraes, pour fe joindre au Comte de Lally , retourne fur fes pas , Sc les autres Princes voifins reftent neutres , ( Lettre ii , Apoflllle ). Enfin , il eft certain que Ton ne peut rien executer a une Cote fans efcadre , ( l^rales caufes , page t> z8 ); il eft certain que le Comte d'Ache n'a pas fe- f> couru le Comte de Lally , quoique le Comte d'Ache convint lui-meme que Ton efcadre etoit le falut de Pon- dichery _, (page zy). En un mot , fi le Comte de Lally eut ete aide par le Comte d'Ache , Pondichery n'eilc pas eprouve le fort auquel il a ete force de fe Con- mettre , ( Reflexions enfulte des Lettres de AT. d'Ac/ie). Cet enfemble d^allegations calomnieufes prodaific }} partie de PefFet attendu , & le Comte d'Ache fut de- Crete d'adigne pour etre oui". II preta fon interroga- toire, & , le 29 Avril 1766, donna fa Requete d'arte- 9> nuation. Le ^ Mai fuivant , il prefenta un autre Re- fy quete tendante a ce que les falts Injurleux & calomrdeux repandus dans les M^moires du Comte de Lally , fujfcnc D i6 X rayh & hiffes par le Greffier de la Cour , qui en drcffe" r> roit Proces-verhaly &c. 7? L' Arret dt'finitif qui jugea le Comte de Lally con- n vaincu d^avoir trahi les intirets du Roi _, dc fon Etat , & n de la Compagnie^ des Indes , d^ahus d^autorites , vexa- n dons & exaFllons , Sec. prononca : Renvoye ledit Anne- V Antoine d^AchedeVaccufationcontrelui Intentee ; ordonne yy que les ternies injiirleux audit d^ Ache , repandus dans les >? Memoires dudit de Lally , feront rayis 5' hiffis comme in- it jurieux & caloninieux ; que de ladite radiation , Proces- y> verbal fera dreffe par le Greffier de la Cour , en pre fence >y du Confeiller-Rapporteur , dont expedition fera delivree y> audit d^Ache aux frais dudit de Lally ; condamne ledit 73 dc Lally ciux depens envers ledit d'Achi. Ce Proces- >.) verbal fut en efFet dreTe le i6 Jiiln 1766 , & Ton y >? indiqua la radiation de routes les indignices dont on 7> vient de retracer une partie. i-> Ce n'ttoit point adez pour la gloire du Comte d'Ach6 75 de rhonimage que rendoit a fon innocence cet Arret a 7? jamais memorable ; le Prince voulut encore donner , ?5|)ar de nouvelles dignites , une fanclion irrefragable a 7? fa juflification. 73 Le Comte d'Ache jouiiToit paifiblement de cette y> double reparation , lorfqu'apres 13 annees de filence , 7?rArret unanime, auquel il la devoir^ a tte attaquc en caffation. La lice s'eft roiiverre ; on y a traine une ?> feconde fois le Vice-Amiral de France , charge d'an-- nces 6c d^inhrmites ; on a fait revivre ces memes Li- belles , deja profcrits , & les manes du Comte de ^7 n Lally fontfortis de Ton tombeau pour decKirer encore im n Vieiilard irreprochable , au moment oil il alloit defcen- f* dre dans le (len. line lui eft pas refleaflez de jours pour y> voir une feconde fois couronner fon innocence ; & il vient de mourir dans le meme etat ou il 6to'it avant >?l'Arret de 1766. >? Sa Veuve n'a pas du fe borner a des regrets fterilcs. La Loi Pappelle a la fucceflion de (es biens ; Thonneur n Pappelle a celle de fa defenfe , & elle vient fe prefenter a la Coui pour remplir ce devoir facre. n II devient necefTaire audi de nommer un Curateur V a la memoire du Comte d'Ache. Celui dont la Cour fera choix , reprendra le plan de defenfe, qui opera, en 1766, la decharge du Vice - Amiral , & , commc lui , il repoufTera les imputations dont on ofa le char- n ger. Cependant comme les chofes font remifes au meme etat qu'avant PArret de 1766 , que les Libelles fupprimes revivent , & que le Curateur a la memoire >> du Comte de Lally les reproduit a la Cour , la Sup- >y pliante doit renouveller Perrement que fuivit le feu Comte d'Ache^ parfa Requetedu 5 Mai 17^6 , ci-devant w citee , & demander , avant tout , la fuppreflion de cqs >? memes Libelles. Ce consid^re , NOSSEIGNEURS, il vous plaife accorder adleala Suppliante de ce qu'elle reprend , au nom & comme heritiere du feu fieur Comte d'Ache , fon epoux,PInftance& fuite du Proces inftruit a la requetc >^ de M. le Procureur- General , dans le meme & fern- 2& whlable ^tatou il ^toit lors du dec^s diidit fieur Comtc ^j d'Ach6 ; & pour ce qui concerne la vindidte publi- r5 que , nommer Curateur a la memoire dudit fieur Comte d'Ache , MefTire Alexandre-Louis , Baron d'A- >\ che , &CC. , Gu telle autre perfonne qu'il plaiia a la V Cour choifir : concluant des a61:uellenient laSuppliante ,. .a ce que , reiterant la demande formee au Parlement de Paris , par ledit feu fieur Comte d'Ache , les ter- mes injurieux & caloinnieux , repandus dans les Me- moires du feu Comte de Lally , intitules : Memoire yy pour le Comte de Lally , &c. _, Vraies Caufes de laperte de VInde y &c, , Tableau Hijlorique de ^expedition de PInde y &c. foient de nouveau rayes & biffes ; que de ladite radiation Proces -verbal foit dreffe par le >? Greffier de la Cour , en prefence de M. le Rappor- y> teur _, dont expedition fera delivrce a la Suppliante ; fe refervant a former la meme demande en radiation , iy s'il y a lieu , contre tous autres Memoires qui par- >? viendront a fa connoiffance , ainfi qu'a prendre telles y> autres conclufions qu'il appartiendra , a laquelle fin , w ordonner que la Prefente fera fignifiee a M. le Pro- cureur-General , ainfi qu'au fieur de Lally Tolendal , Curateur a la memoire du feu Comte de Lally , & ^> aux Procureurs des autres Parties qui ont fonde , r> pour voir dire & ordonner que la prefente Reprife wfera jointe au Proces principal , diftribue au rapport dc M. Mouchard , Confeiller- Rapporteur , pour en ^)jugeant etre fait droit fur le tout : Et vous feres ^' juftice. 2^9 Telle eft, MESSIEURS, la Requete que la veuve du Comte d'Ache a eu Thonneur de vous prefenter. Vous avez d(^ja fait droit fur un de fes Chefs de demande^, en nommant un Curateur , par votre Arret du 15 Mars dernier : quant aux deux autres , elle efpere que le Cu- rateur du Comte de Lally fera enfin aflez cclaire fur fes interets , pour ne pas elever de nouveaux incidents k cet egard ; au refte , qu'il parle ; fes reponfes font pretes. Cela pofe , Tordre des Plaidoieries fur I'intervention a voulu que le Comte d'Ache prit en ce moment des Conclufions ; & fa Veuve & fon Curateur fe font pre- fentes. Mais il a fallu , avant tout , qu'ils juftifia/Tent le titre qui les amene en caufe ; il a done fallu qu'ils rappellalTent la nature de I'accufation intentee contre celui qu'ils defendent. lis ont du demander aufli la jonfbioa des Conclufions fur la radiation ; & cette demande a entraine les details qui ont ete developpes pour indiquer que , reguliere dans la forme , elle eft encore jufte au fond. C'eft en cet etat , c'eft d'apres ces preliminaires indif- penfables, que la Veuve & le Curateur du Comte d'A- che , viennent conclure fur Pintervention. Voila, MESSIEURS , a quoi doit fe reduire, quant a prefent , le role de ceux que je defends ; & vous voyez , Gomme je Tai annonce , quails n'ont aujourd'hui aucune Partie a com.battre. En eftet, la demande en reprife , ne peut nuireaaucun des Coaccufes : c'eft une formalite prefcrite par Thonneur ^ & approuvee par la Loi , qui ne recardera point le Ja- gement quails atrenJent. D'ailleiirs elle eil independante de leur reclamation. La demande en radiation fera-t-elle plus fanefle a la defenfe du Comte de Lally ? II eil vrai que fi on lui enleve cette alTertion qu'il a invoqu^e a Ton fecours : Pondlchery n'eut pas ete perdu , ft le Comte d^Ache eut aide le Comte de Lcdly (i) ; (i elle eft demontree faufTe en elle-meme , & fous tons les rapports ; fi elle eft re- jettee du Proces avec le long enchainement d'allegations dont elle eft le refultat ; ft , d'un autre cote , le Defen- feur de M. de Leyrit parvient encore a brifer entre les mains du Comte de Lally, les armes qu'il s'etoit forgees contre cet homme irreprochable ; alors , il ne lui reftera plus que lui-meme ; il fe verra expof^ feul a Taccufation qu'il avoit partagee pour s'y ft)uftraire. Mais alors il fuivra la marche de Phomme Jufte ; reduit a lui feul ,il ne cherchera fa defenfe que dans fa propre conduite , dans fes operations ifolees ! Et puiife-t-il y montrer le tt^moignage de fon innocence ! Au refte, la difcuftion de cette demande doit etre r6ferv^e au fond du Proces , & elle n'en arretera point en ce moment Texamen. Non,nous ne venons point trou- bler le Curateur du Comte de Lally dans fon religieuxmi- riiftere. Qu'il pourfuive , fans trouble , fes genereufes tentatives; nouveau Sifyphe , mais plus heureux & plus digne de Petre , qu'il puifte enfin fe repofer fur le rocher fatal qu'il aura roule avec tant de douleur; qu'il arrache (i) Ci-devant, page 2^. 3^ meme , s"*!! eft podible , Tombre de fon pere a rinfamie afUfe fur fon tombeau : graces au Ciel ! Pinteret d^ notre Caufe ne fait pas taire en nous les fentiments diis a fes vertus & a fes talents! Ses mains agitent rechafTaud <]ue la France tient encore eleve pour Texem pie de Piinivers ; fi Terreur le conftruifit , qu'ii tombe fous fes pieux efforts !Mais, put-il n'avoir pas employe, pour Tabattre, les moyens dont fon pere fe fervit pour empecher qiill ne s'elevat ! Put-il n'avoir pas cherche a faire jaillir fes debris contre ceux- que fon pere s'efForca vainement d'y faire monter! Nous ne venons pas non plus arreter M. d'Epremefnil dans fon intervention. L'arreter ! Sa Caufe eft la no- tre ; comme nous il vient dcmander que la memoire des morts foit refpedtee ; comme nous il vient repoufteria ca- lomnie qui renalt apres 13 ans pour troubler leurs cendres. L'arreter! Nous croirions choquer a la fois les notions de Pequite , de la Juftice & de la Jurifprudence , qui fe reu- niflent & fe confederent pour nous attefter ces verites de principe : quUl fuflit pour intervenir , d'un interetreel dans unProces,& qu'il n'eft pastoujours necelTaire que cetin- teret foit direcb a Pobjet principal; que la maxime ,/o//zr dHntervention en madere de grand criminel y dejafi cruelle dans le fens unique auquel elle doit etre rcduite , c'eft-a- dire , la defenfe de PAccufe , feroit une abfurdite barbare dans la generalite quePonvoudroit lui donner ; qu'enfin , ni le temps , ni la grande douleur , ni la tolerance , ni la compenfation, ne peuvent rien contre Pa61:ion en injures, lorfque les injures renailTent. Que M, d'Epremefnil deve- 3^ . . loppe ce vrai , cet unique point de fa Caufe ; qu^^il foutienne ces maximes inconteftables , ces Loix precieufes & facrees pouvoient-elles avoir un Defenfeur plus digne d'elles > Je perfifte , MESSIEURS, dans mes Conclufions. Monfieur DE GRECOURT , P\ Avocat-GeniraL M^ BAYEUX, Avocat. M^ Go M E T 2 , Procureun A Rouen, De rimpriraerie de LOUIS OURSEL, rue de la Vicomtd. 1780, LINTERVENTION DE M. DEPRMESNIL, A D I J N. Fr E M I E R C A H I E R. J-ES Ecrits publies a Tappui de mon Intervention aRoueuy font : La Corrcfp07idance de MM. de t-ally & de Leyrit y dans I'lnde. Mes deux Plaidoyers. Le Precis de m.es Moyens de Droit, LExtrait de mon fecond Plaidoyer ^ fourfervir de Reponfc a la Reclamation du fieur TolendaL M^on Intervention y reduite a fept raifonnements. Ma Declaration au Jujct de la diflribution clandefline de la Requite en cajfation du fieur Tolendal^ contre les huit Arrets du Parlement de Normandie. Enfiii mes Reflexions fur un Ecrit du fieur Tolendal y fupprime par Arret du Parlement de Paris , le 7 A out 178 i. Tel eft: l*ordre fuivant lequel cqs Ecrits doivent etre places* Ce premier Cahier de mon Intervention a Dijon contient : Ma Requite d' Intervention. Mon premier Mcmoire a Dijon , ou ma Riponfe provifoirc aux Ohfervations du fieur Tolendal , fe difant Gomte de Lally Tolendal , fur ma Correfpondance avec M, le Marquis de Montmorency. Et Mon fecond Memoire a Dijon ^ ou ma Reponfe definitive; a ces mimes Ohfervations, A NOSSEIGNEURS NOSSEIGNEURS D U PARLEMENT. OUPPLIE humblement Jacques dii Val d'Epremefnll , Chevalier, ancien Avocat du Roi ati Chatelet, Confeiller ail Parlemenc de Paris, Sc neveu par fon pere de Meffire Georges du Val de Leyric , Ecuyer , Gouverneur pour le Roi des Ville 6c Fort de Pondichery , Commandant G6n6ra.\ dcs Troupes Fran^oifes dans I'Inde , 6c Prefident de tous Ics Confeils y ^tablis. DiSANT que le feu fieur Thomas Arthur, Comte de Lally , CommiiTaire du Roi , General de fes Troupes dans rinde, 6c Syndic de la Compagnie , accufe par M. le Procureur General de trahifon envers le Roi , 6c d'autres crimes , avoit imagine , pour fa defenfe , de partager la Colonie entiere en deux clalTes i Pune compofee dudit feix fieur de Lally 6c de fes co-accufes j I'autre du furplus des Defenfeurs 6c Adminiitrateurs de cetce Colonie , depuis Aij k Comte d'Ach^, Commandant de la Marine, & 'le fieut' de Leyrlt, GouvCrneur de Pondichery , jufqu'au dernier dcs Employes de la Compagnie. Que cecce feconde claiTe a dee prdfentee a la Juftice par Je fieur de Lally , comme iin ramas d'hommes indifferens au falut de nos poflefTions , deJateurs , impofteurs , faux temolns , traitres , rebelles , conjures pour la ruine de Pondichery 6c la perce du General, tandis que la probice, le zele , le defintdreiTemenc 5c le patriocifme s'dcoient refugies dans la premiere claiTe , c'eft-a-dire dans le coeur du Comte de Lally c des co-accufes. Que celui concre lequel le fieur de Lally s'efl: le plus acharne dans fes Memoires, a ete le fieur de Leyric, oncle du Suppliant. Qu'il a impute a ce Gouverneur les deux princlpales caufes de la deflrudion de nos Colonies dans I'Indc : la diffipation des fonds , &; le defaut d'approviiionnement de Pondichery. Memoire pour Qqc j^ns Ics obfcrvatlons sencrales de fon premier Ic Comte dc Lally, , . , pag. II, 15, 16, Memoire, le Comte de Lally a ofe dire , que Ic Gouverneur dc Pondichery retuoit de la Ftrme generate des Terres , les plus grands benefices , independammcnt des haux relatifs a des DGmaines particuliers y que fur les fournitures des hoeufs , le fieur de Leyrit gratijioit les Entrepreneurs d'un benefice ds deux cents pour cent , que lorfque le Comte de Lally a entrepris d\irrher les profujions du fieur de Leyrit , il a toujours eprouvi. de fa part les plus vives contradiclions i & que ce Gouverneur ^ loin de reformer des ahus evidemment contraires au hien du Service , ?ia employe tautorite dont il itoit depoptaire , qua former des cabales & a foulever tous les efprits de la Colonic , J pecialement dcs MUitaircs centre Icur Commandant $ qut 5 depuls la Guerre diclaree le fieur de Leyrlt n'avok pas fait plus de difpofitions pour la defenfe de la Place , que pour s'emparer de celles des Ennemis ; que le Gouverneur faifoit faire dans d'autres pofles peu importans de nouveaux ouvrages qui avoient procure aux Entrepreneurs , Inginieurs ^ & Commandans , des gains enormes y quon s'inquietoit peu dimpofer des charges a la Compagnie , lorfque les Employes en retiroient un profit perfonnel y que c'etoit la reunion de ces abus & de ces difordres , qui avoit prive la Colonie des resources les plus indifpenfables pour fa confervation & fa defenfe ; quan n' avoit pas pris ay ant l^arrivee du General , la plus ligere precaution pour affurer la fubfiflance de Pondichery y & que toutes fes inflan- ces fur un article auffi effentiel , etoient demeuries fans efzt. Ces reproches de diffipation , de cupidite, de negligence criminelle , d'inrrigue , de manoeuvres , de conjuration , de rebellion, reparoilTent a chaque page, pour ainfi dire, des Memoires de feu Comte de Lally. S'il a pris Goudelour & Saint-David , il n'a pas tenu au Mc/''=^ ,^^ ^ ^ . Comte de Lally > fieur de Leyrit , dempecher cette expedition ; on ne peut lire P3gc47. avec attention la correfpondance du General & du Gouverneur , fans etre indigne du nombre infini dobflacles que le Comte de Lally fut oblige de furmonter : il fe royoit arritc pour ainfi dire , a chaque pas , par la difette de toute efpcce d'approviiion- nement. S'il s'efl porte fur le Tanjaour , c\fi par hffct des infinua- Idem page 63. tions artificieufes du fieur de Leyrit. S'il a laifTe aux Anglois Chinguelpet^ Fort fitue a treize /^e/72 page 89. lieues d'Arcate , fur le Palear^ c\f par le rcfiis afe-Ii de la part du Gouverneur & du Confeil , dune modujue foinme de dix mille roupie.s. Si la difette etoit extreme, czla n'empechoit pas que le Idem page s%. Gouvcrncer neut recu , part age & difipe cinq millions. 6 idan pjgeiii. S'll a manqiid Madras , c'ejl que k Gouverneur ahufoit dt fcs Lcttres pour aigrir Us efprits. IJempzgcuT. Pendant quil Jc livroit a dcs travaux cominuels pour la surcti de la Colonic , k Gouverneur autorifoit ks plus grands defordres dans I' Adminifiration, iJ.cm^:'.^. ii8 ^^ mime Gouverneur, qui ne pouvoit ignorer ks befoins ^ ^'^" prejfans de la Colome , fignoit une quantite inorme de Lewes de change fur la Conipagnie , & mime en pre[[oit tenvoi. Indipendamment des avantages que le fieur de Leyrit & fes proteges tiroient du remhourfement prompt de kurs criances , k monopok des bilkts de caijje kur procuroit des benefices confidcrables, MazLilipatam ed: pris : c'efi la faute du Gouverneur & du Confeil, que k Comte de Lally fomme authentiquement ^ mats iiiutikment , de contraindre le [leur Moracin d'y retourner. Idctv pa^c 140. Les Troupes fe revokenc : le Gouverneur & le Confeil n'offrent pas au General la plus kgere ava?ice , quoi quils fujfcnt nanus de plus de 800,000 liv. apportees par le Comte d'Achiy tant en piaftres qu'en diamants : deux milk roupies font pritees par un Habitant de Pondichery ; cette aclion lui fait encourir la difgrace du Gouverneur, /jVot page 177. Pondichery eft menace : il s'agiflbic de rapprovifionner j le Gouverneur & le Confeil nont jamais contribul de la plus petite fomme aux avarices que cet approvifonnement exigeoit. Idem pag. 178 Lc (icur dc Lally veuc craicer avec les MayiTouriens : k '^' Confeil les en dctourne par fes infinuatiojis. Idem P3TCI00. -^^ ^^^^^ ^^ Lally veut lever une taxe de 30,000 roupies j fur des Negocians : // fiiut s'en prendre au refus du fieur de Leyrit & du Confeil , de f'aire fubfijler la Garnijon, Le falut de Pondichery exigeoic dcs mefures promptes: k fear dc Leyrit refuje dy concourir. Le fieur de Lally epuife 7 imnilement aupres des Memhres du Confdl , les folllcitations , hs prieres y Ics Larmes mcmcs , pour tdcher dc Ics eniouvoir Jur I'itat de Pojidichery, Enfin , Pondiche'ry eft afFame , reduic a la dernicrc Mcmoirc du A / .1 - r r 1 r r i -r n Comrc dc Lally , extremite : il taat [longer a le rendrc : U jieur dc Lally dcpuis lap. ic; , dcma?ide que Ic Conjeil s'occupe d'um Capitulation qui concerns U Civil ^ aufji bien que k Militaire i le Jieur de Leyrit dude ^ s'y refufe , s'y prend trap tard , & ne tendoit a rien moins , lui & le Confeil ^ par leur conduite artificieufe ^ qu'd rendre dans tous les cas le Comte de Lally rejponfahle de la pertc de Pondichery. Ec pour metrre le fceau a routes ces imputations , le fieur de Lally accufe le Confeii, le fieur de Leyrit en tcte, de I'avoir calomnie , en difant : qu'd ?iavoit pas fait de Capitulation pour Pondichery , quoi quil produije une Capitu- lation pour Pondichery. Le Suppliant a deja difcute, defini, devoil6 publiquement aux pieds du Parlement de Norman- die , cette pretendue Capitulation. Tel eft, NossEiGNEURS , le precis, I'idee d^s impu- tations injurieufes au feu fteur de Leyrit , que le feu fieur de Lally s'eft permifes djns fon premier M^moire , &; qu'il a repet^es dans le Tableau hiflorique y le Refume dc la Capitulation i les vraics caufes de la perte de /'//zc/^y nouveaux Libelles dont le Suppliant s'abftiendra de mettre les cx- traits fous les yeux : il faudroit pour ainfi dire en copier toutes les pages , pour en faire connoitre routes Ics indi- gnites j le Suppliant fe contentera de les joindre a fa Rcquete. Quand le fieur de Lally a public ces Memoircs , le fieur de Leyrit n'etoit plus pour fe defendre. Viclime des chagrins done le fieur de Lally I'avoic abreuve, II etok mort en recommandant aux fiens de nc pLibJIcr pour fa mdmoire rieii autre chofe que fa corref- pondance avec le General. Fideles a Cqs dernieres volontes , Ton frcre 6: Ton neveu n'ont en effec rien opofe aux calomnies du Comte de Lally vivanc , cjue cetce correfpondance. On leur confeil- lolc de rendre plainte j ils s'en font abflenus , fe faifant une peine d'accabler le calomniateur par leur interven- tion, Cette conduite moderee n'a point nui a I'lionneur de leur parent : le mcme Arret a condamne le Comte de Lally a perdre la tete , dc Tup prime tous Cqs Memoires , comme contenant des faits faux &c calomnieux. La memoire du feii fieur de Leyrit etoit fatisfaite 5 mais apres plus de douze annees , on a vu cet Arret memorable attaque en caiTation. Les parens du Gouverneur de Pondi- chery n'ayant point ete Parties au Parlement, n'ont pas pu ctre entendus au Confeil. La Requcte a prevalu -, les chofes dc les perfonnes font mifes au mcme etat qu'en J 766. Le frcre du fieur de Leyrit eft mort j fon neveu furvit : c'eft le Suppliant, dont la vie eft confacree jufqu'au dernier foupir, a repoulFer les calomnies qui renailfent du tombeau du Comte dfe Lally. Ce devoir indifpenfable qui I'a deja conduit ^ foutenu a Rouen, il vient, NosSEiGNEURS , anim^ d'un nouveau zcle , s'en acquitter encore auprcs de Vous avec une confiance refpeclueufe. Aux moyens intrinfeques de fon Intervention fe joint le prejuge du fucccs par lequcl il a vu fes efforts couronnes a Rouen. La , un Arret applaudi de tous les Ordres a recu le Suppliant Partic intervenante. Tl eft vrai oue le Roi a permis auc cec Arret fiit reforme en (on 9 fbn Con/oil Privd *, mais dire que le fLiffrage d\i Parlement de NoxTnandie n'en eft pas moins une aucorit^ refpeclable pour rAdverfalre du Suppliant lui-mcme , c'eft reconnoitre la Majeftd Royale empreinte fur les Arrets des Cours : c'eft rendre hommage aux Loix qui laifTcnt vivre dans I'efprit des peuples I'autorit^ de I'opinion dQs Ma- giftrats , alors mcme que leur decifion n'a plus d'effet. Saifis , NossEiGNEURS, du Proccs crimiel que la clameur de I'univers a fait intenter au Comte de Lally , & qu'on a cru douze ans termine par le celebre Arret de 1766, vous etes devenus Juges naturels des queftions incidentes a ce Proces. Du nombre eft ^Intervention du Suppliant , elle refte a juger , le Roi ne I'a pas retenue : ainii Sa Souve- raine Puiifance n'a point mis d'obftacle a I'exercice de fa Souveraine Juftice. II vous eft donne , NossElGNEURS , de la faire parler , cette Juftice Souveraine : il eft doux au Suppliant de pouvoir en reclamer I'inddpendante & pure exprellion. Ce n'eft pas que le fieur Tolendal n'ait tente tous ks moyens pour ecarter le Suppliant , le fatiguer , I'envelop- per dans un dedale de pretentions inouies , ou I'innocence, ou la juftice meme eut peine a fe reconnoitre. Qu'il com- batte I'Intervention du Suppliant , rien n'eft plus naturel ; mais qu'il pretende ecrafer cette Intervention par la feule puiftance de fa parole j qu'il s'eleve diclant {qs Loix a la Juftice 5 qu'il dife au Suppliant : Tout Tribunal non prdvenu ^ au fcul mot ctlntcrvmtion , nc vous ecoutera fculement pas ; tout T rihunal non privcnu rihabilitcra mon ^^rd ; qu'il le dife, he regie fa conduite fur ces iddes imperieufes 3 qu'il en fafte des principes pour tous les Parlemensi qu'il plaide a Rouen , fafte imprimer 6c diftribuer fon Plaidoyer , & ne B 10 le fli/Te pas ilgnifier au Suppliant , fous prdtefle de ne pas Je reconnoitre pour Partie intervenante , qu'il y re- clame deux Juges , & recufe , a leur d^faut , le Parlement entier j d'abord, qui le croirolt ? par une proceftation con- ditionnelle de nullite , en face , a I'Audience j enfuite par fa retraite , ou plutot par fa fuite , &c deboute de cette reclamation par un Arret , qu'il la faffe imprimer &c dif- tribuer fans la faire iignifier au Suppliant , fous le mcme prdtexte de ne pas le reconnoitre pour Partie intervenante j qu'aprcs I'Arrct qui re(^oit cette fatale intervention , il s'emporte , il fe pourvoie , outrage le Parlement de Nar- mandie , comme il avolt outrage celui de Paris , comme il outragera la Cour , s'il ne reulTit pas ^ obticnne un Arret de caiTation , le garde en porte - feuille pendant plus de neuf mois, 6c le rende enfin public fans le rendre contra- dicloire , toujours fous le meme pretexte de ne pas recon- noitre le Suppliant pour Partie intervenante : enfin, renvoye en la Cour , qu'il s'y prefente 1' Arret du Confeil a la main , & pretende faire juger la mdmoire du Gdndral L^lly , fans parler de I'Intervention du Suppliant , ni de I'Arret qui I'a re^ue, traitant cette Intervention de reverie, &: cet Arret de chimere : voila , NossElGNEURS , une marche , un fyfteme qui n'a certainemet point d'exemple dans Ics Annales de la Juftlce > &: voila neanmoins ce que le Defen- fur du General Lally a fait, dit, foutenu , imprime au Parlement de Normandie, au Confeil, & ce qu*il ofe encore pratiquer en la Cour. En effet , NossEiGNEURS , la condulte qu'il tient lei depuis un an, pourfuivant fon Proccs , 6c s'obftinant a nc pas faire lignifier au Suppliant I'Arrct du Confeil , ne vous dit-elle pas : Jugez la memoire du General Lally , 6c ne xr voiis embarrafTez pas la Requcte d'intervention de M. " d'Epremefnil : I'Arrec dii Confeil vous apprend qu*elle 55 exifte , qu'elle eft re(^ue , qu'elle eft une des Pieces du 5> Proces qui vous eft renvoye : n'importe ! j'entends meme 55 ne faire fignifier qu'a la dernere extremite , cet Arret du 5> Confeil a M. d'Epremefnil : nous verrons _, en attendant, 55 le parti qu'il prendra. II doit etre embarrafte. S'il me 55 fomme de lui faire fignifier I'Arret du Confeil pour y 5> former fon oppofition , une difpofition de cet Arret vous 55 autorife a pafTer outre au Jugement du fond , nonobftant 55 toute oppofition a ce meme Arret. II craindra peut-etre 55 que le votre ne foit rendu avant que fon oppofition foit 55 jugee , & que des-lors I'inutilit^ de fon Intervention ne 55 rende illufoire fon oppofition. S'il ne s'oppofe pas a I'Arrec 55 du Confeil, il compromet en quelque forte fon Interven- 55 tion, en renon^ant a I'Arret du Parlement de Normandie: 55 ou fi, par un attachement ridicule aux formalites legales, 53 il me fait fignifier ce dernier Arret, me pourfuit en con- 55 fequence , &; reclame des droits qui fubfiftent reellement 55 pour lui, tant que I'Arret du Confeil ne lui fera pas 55 regulierement connu 3 alors , apres avoir epuife a Rouen 55 tous les delais de forme , s'il faut enfin en venir a la figni- 5> fication de I'Arret du Confeil, le regret du temps perdu, 53 la crainte des longueurs a venir , la perfpedive d'une vie 53 a pafTer dans de pareilles angoiffes , pourront faire im- 53 preifion fur lui. II y penfera plus d'une fois. Je com- 55 mencerai par etonner , je finirai fans doute par laiTer fa "55 patience 55. Que la fimpliclte des Loix eft fupv^rieure a ces frivoles rufes ! qu'elles apprennent bien a ne pas confondre la chicane avec les formes ! & qu'un fincere amour de la Juftice mene a d'autres idees ! B ij Le Suppliant ecarre en ce moment TArrct du Parlemenc de Normandle : il ignore I'Arret du Confeil : il Tcait ^ NossEiGNEURS , avec toute la France , que vous ctcs Juges de la m^moire du General Lally : il fcait que cette mdmoire calomnie indignement la m(^moire du Gouverneur de Pondichery , frcre de Ton pcre , &; qu'on rejette fur ce. Gouverneur Ics trahifons du General : il fcait que Ton devoir eft de ne pas le foufFrir. II vient , comme a Rouen Sc comme fi Rouen n'exiftoit pas , vous demander juftice :- vous demander , non plus le repos , mais I'honneur ; con- vaincu que pour lui ces deux biens font deformais incom- patibles , &. n'hefitant pas fur le clioix Au moment de figner la prefente Requece , annoncee dcs Lundi a M. le Rapporteur , rc^digee des le meme jour, expedite dcs hier, le Suppliant re(^oIt aujourd'hui 26 Juin 1782, a onze heures 6c demie du matin , en prefence du fleur Lagoutte fon Procureur^ 6c du fieur de Sainte-Marie fon Secretaire , la fignification de I'Arret du Confeil. II femble qu'une impulfion fuperieure force le fieur Tolendal a juftifier routes les predidions du Suppliant : tant il eft vrai que la deflinee des traitres ell d'etre mal defendus ! cette fignification n'eft-elle pas faite a la derniere extremite ? Que fait done le fieur Tolendal de cet Arret, depuis deux: ans ? Pourquoi ce temps perdu? Le Suppliant dtoit-il cache a Paris ? II arrive a Dijon, & voila que le /leur Tolendal^ tremblant fous Iqs di^Iiors d'un courage afFecT:e , s'emprefTe de Tecrter, s'il eft poilible. On ne fcait ce qu'il veut dire II declare qu'z7 dedaignera de combattre I' Intervention (a) , (a) Terme dc la Significatioii. 13 Be redouble d'efforts pour eloigner d'avance cette Inter- vention , fans qu'on I'aic entendue j il fe prefente pour rendre compte dans tons les temps , dans tons Us lieux , de tout ce quil a publii , de tout ce quit publiera : 6c le feul temps , le feul lieu ou la Jullice puifTe eclaircir , reprimer fes ca- lomnies & celles du General Lally , font precifement le temps & le lieu qu'il evite. Enfin , il protefle de lu jamais nfufer U combat toutes les fois qu'on voudra laijfer les morts en paix & faire la guerre aux viva/zs : le Suppliant , pour toute reponfe ^ a declare qu'il cejjeroit de faire la guerre aux morts , quand on cejjeroit de la faire en leur nom ^ Joit a lui , foit aux fens , fe refervant de ripondre plus amplenient en temps & lieu. A prefent , NOSSEIGNEURS , il ofe dire que cet Exploit vient encore a I'appui de fa Requete, comme a Ja charge du General Lally j la mauvaife defenfe , la fuite fortifient Paccufation. Ce confidere , NOSSEIGNEURS , il vous plaife rece- voir le Suppliant Partie intervenante dans I'lnftance pen- dante en la Cour , entre M. le Procureur - General & le fieur Tropliime - Gerard Tolendal , fe difant Comte de Lally Tolendal , nomm(^ curateur a la memoire du fed Comte de Lally , CommifTaire du Roi , General de fes Troupes dans I'lnde, 6c Syndic de la Compagnie, & autres Parties i ce faifant , joindre la prefente Intervention au principal , diftribud au rapport de M. de Villedieu de Torcy , pour y etre fait droit par un feul Sc mcme Arret ; faifant droit fur ladite Intervention, a I'egard de tous les Accufes,hors la memoire du General Lally, donner act^ au Suppliant de ce qu'il reitc^re aux pieds de la Cour fa declaration faite a Rouen , qu'il n'entend aucunement les rroubler dans leurs d6ftnfes , ainfi que toutes les declara- tions qu'il leur a refpedivement adrefTees en Normandie , jinr dQs acles duement fignifies : a I'egard du fieiir Trophime- Gerard Tolendal , ordonner que les Memoires du feii fieiir de Lally 5 intitules Memoire pour It Comte de Lally : Tableau Hijloriqut de ['Expedition de I' hide i rejume de La Capitulation de Pondichery y vraies caufes de la perte de I'lnde y enfemblc I'Ecrit intitule : Plaidoyer du Comte de Lally Tolendal^ feront 6: demeureront fupprimds comme faux &: calomnieux en ce qui touche la memoire dudit feu fieiir de Leyrit : decla- rant de bon coeur le Suppliant, qu'en ce qui le touche per- ibnnellement, il oublie ^rcmet tout audit fieur Tolendal, qui le fert par [qs emportemens ou {qs incroyables plaifan- teries. Ordonner en outre que I'Arrct a intervenir fera im- prime 6c affiche par-tout ou befoin fera , 6c notamment a Paris, a Rouen, a Dijon 6c dans les principales Villcs du Royaume , aux frais 6c depens dudit fieur Tolendal , au nombre de trois mille exemplaires : condamner ledit fieur Tolendal , tant en la qualite qu'il procede , que perfon- nellement , aux depens : donner acte au Suppliant de ce qu'il emploie pour moyens de la prefente Requete. 1 A I'effet d'etablir le fait de la calomnie , les Memoires du fed fieur de Lally enonces plus liaut , &; ledit Plaidoyer faufTe- ment intitule , du Comte de Lally - Tolendal j fe refervant d'y joindre le Tableau Hiflorique , le refumi, de la Capitulation de Pondichery , & les vraies caufes de la perte de ITnde ^ dont il n'avoit qu'un exemplaire qu'il a produit a Rouen j lef- quelles Pieces d'ailleurs font au GrefFe de la Cour^ comme faifant partie du Proces criminel du Comte de Lally. 2" A Tcffet d'operer la refutation de ces Memoires 6c dudit plaidoyer , la correfpondance du feii fieur de Lally avec le fed iieur de Leyric dans I'Inde -, le fecond Plaldoycr dii Suppliant , prononce a Rouen ^ un autre Imprim6, ayanc pour ritre : Precis des moyeiis d& droit four M. d'Eorimefnili un quatrieme Imprim^, ayanc pour titre : Extrait dufecotid Plaidoyer de M. d'Epriimfnil; un cinquieme im prime, ayant pour titre : L Intervention de M. d'Eprimefnil , reduite a fept raifonnemens^ fuivi du Refume au Roi i un fixieme imprime, ayant pour titre : Memoirt de M. d'Eprimefnil , contenant declaration au fujet de la diflrihution clandefline de la Requite en cajfation du fieur Tolendal; un feptieme imprim6 , ayant pour titre : Reflexions de M. d'Epremefnil fur le dernier Ecrit du (ieur Tolendal , fupprime par Arret du Parlement du 7 Aout lySr. Enfin un hultieme Sc dernier imprime , intitule ; Memoire a confulter & Confultation pout le fieur de Bujfy , Marichal des Camps & Armies du Roi , au fujet du Mimoire que le [ieur de Lally ^ Lieutenp.nt Giniral^ vient de ripandre dans le public , avec les lettres que le feur de Buffi & le fieur de Lally fe font icrites dans Ulnde , pour fervir de Piices juflificativesi lequel Memoire, ouvrage d'un grand Homme, employe aujourd'hui a reparer, s'il eft polTible , dans I'Inde, \t^ maux dont la fource remonte aux trahifons de M. de Lally, Tervira, NosseigneuRS , a repandre un nouveau jour fur les calomnies de ce General , contre M. de Leyrit: 5c vous ferez juftice. DU Val d'Epremesnil. Monfieur D E T O RC Y , Rapporteur, LAGOUTTE, Procureur, i6 PREMIER MiMOlRE De M.' d'Epreme s n il , a Dijon; O U Reponse provifoire aux Obfervanons du Sieur ToLENDAL , fe dlfant Conite de Lally-Tolendal , fur la Correfpondance de ce Magljlrat avec le Marquis de MoNTMORENCF, X-iE Curateur a la memoire du Comte de Lally ne fe laffe pas d'imprimer dcs Libelles contre Iqs Parlemens , &: fi je puis Tajouter fans orgueil , contre moi. II en a fait diftri- buer un nouveau, le jour de mon arrivee en cette Ville , fous la forme d'Obfervations fur mes Correfpondances avec le Marquis de iVIontmorency &: le Chevalier de Crillon j & , fuivant fon noble ufage , il iic m'a fait ni fignifier , ni du moins parvenir cette production, a moi qui n*ai pas dcrit dans toute cette Affaire une feule ligne , fans la lui faire auffi-tot fio-nifier. II m'a done fallu me donner des mouvemens pour me procurer la ledure d'un exemplaire de Jcs Ohfervations. J'ai rdufll , je puis repondre : repondons en efFct. Que I'Auteur fe fait bien reconnoitre a fon ouvrage! il V quallfie le Parlement de Paris, Juge du General Lally, dc CommilTion : dans I'uijlant fatal oii I' Arret de mon venoit d'etre rendu , la Comtejfc dc la Guic/ic couroit a la the des parens 17 parens & amis dc mon pkre , chc^ U Ckefdc la CommiJJlon (i). Voila les propres termes du Libelle. L'Aiiteur ignore ou feint d'ignorer que le Parlement , Juge d'appel par la Loi du R effort, &: Juge l(^gitime d'appel oc d'inflruclion tout a la fois , quand la Loi gdntole du Royaume le pronon- ce , ou qu^ le Roi I'ordonne par des Lettres - Patentes duement verifices , ne peut jamais etre une Commiflion : c^efl: la une de nos maximes Fran^oifes. II ignore ^o-ale- ment que cette Cour augufte , compofee du Roi , 6.Q.S Princes , Pairs & Magiftrats , n'a d'autres Chef que le Roi meme. Je I'exhorte, en pafTant, a mieux connoitre nos Loix 6c nos Ufages : mais je craindrois d'aller trop loin , en le priant de refpeder un peu plus dans [qs Ecrits, cettc pritendue Commifjion. Quant a moi , Its horreurs dont il croit m'accabler , ne peuvent fe concevoir. Pour croire a I'exiflence de ces in- jures grofficres , ecrites du ftyle le plus emporte , W faut les lire. Et toutefois I'Auteur a bien promis que je ne parviendrois jamais a le forcer a s'echapper. Me, forcer a m'echapper ! il n'y parviendr a jamais (i). Imprudent tcujours jeune ! il ne s'echappera done jamais ! ferieufement ! Eh ! qu'avez-vous done fait dans tous vos Ecrits? Qu'avez-vous fait dans votre premier Memoire au Confeil? Dans votre Plaidoyer a Rouen ? Dans votre indecente 6c faufTe Recla- mation ? Dans votre Requete en cafTation des Arrets du Parlement de Normandie ? Dans un Libelle fupprime par Arret du Parlement de Paris ? Que faites-vous eniin dans vos Obfervations d'un bout a Tautre ? Et fur-tout pages 4, 5, 15, i^ , 13 , 24, iS, 29, 3^5 33 5 41 > 43 ) 45 > 46 > (i) Pag. jr ac jj. (t) Pag. 7. i8 54, 55 5-: 56 ? En vdrlc^ , je fens le rire fe prdfenter mal- gr6 moi far mes Jevres. Mais il expire a I'iftant memo. Le nom du G(^neral Lally me caufe une trop vive indi- gnation , e>: J'etat de Ton Defenfeur me fait trop de pitie pour laifTer place en moi a d'autres Tentimens. Je continuerai a traiter le Curateur a la mdmoire du Comte de Lally, comme un homme en delire , egare par I'afFreux ddfefpoir de ne pouvoir pas ecrafer fous fts pieds I'innocence , la vdrite , les droits du genre humain , les Loix Francoifes, ceux qui furvivent des Juges, des viclimes du General Lally , &c rAdverfaire , trcs - importun que I*honneur &: la Loi foutiennent contre lui. Qu'il s'oublie, qii'll eclate , qu'il croie bicn defendre la memoire dii Comte de Lally par hs injures les plus atroces j je fcais le ton qui convient a ma Caufe , a mon etat : je crois ne m'en ctre jamais departi _, j'efpcre ne m'en departir jamais.... mais lui ! ah qu'il a peu feu le ton qui convenoit a fa pof- tion I a Dieu ne plaife que je veuille lui reprocher le mal- heur de fa naiiTance. Non , j'en'attefle I'indulgence &c la verite Supreme. Je deplorois fi Caufe , je plaignois fa perfonne , je mc taifois fur fn naiifance. Mais il abufe de mon filence : il ufurpe des titres : il trompe le public : il ofe prendre avcc moi des qualitds qu'il n'a pas, pour en fortifier fes conclufons j 11 fe dit Co/ine dc n'a pas mcme d'etat civil : il fe dit legitime & ne Veil pas : il le dit, 6c comme tel m'attaque perfonnellement j aprcs quoi, quand il s'agit de me faire raifon des Memoires calomnieux du Gdndral Lally , il me renvoie a la faccedion de ce meme homme dont il fe prdtend le fils legitime 6c qualific. Etrange inconf^quence , aveuglement fenfible de I'iniquite qui fe ment a elle-mcme f II eft temps , il eft jufte que 19 routes ce.s vapeiirs fe diflipenc an jour de la verltd : il efl temps, ii eft jufte que ce phantome qui s'clcve centre la Loi difparoifTe devant elle. Je le demande done ; ie ton qu'a pris 6c que foutient le Defenfeur du General Lally , convienc-il au fils naturel , &c non pas meme legitime , d'un homme declare traitre envers le Roi , par un Arret unanime de la Grand'CHambre d'un Parlement , foiide aprcs trois ans , ou pcu s'en faut , dlnftruclion ., fur hs aveux de I'Accufe , fur des Pieces ecrices de fa propre main . & fur le temoio-naee uniforme de route une Colo- niCj appuye lui-mcme de la clameur de I'univers , 6: du fait triftement eloquent de la deftruclion de tous mos cta- biiifemens dans I'Inde, par un ennemi moins fort que nous en nombre ? Telle eft la queftion que je propofe a i'xAuteur dzs Obfervations fur ma Correfpondance avec le Marquis de Montmorency. Bientot je publierai moi - mcme cette Correfpondance degagee du poifon dont elle eft envelop- pde. Ce fera ma Reponfe definitive aux Obfervations. Le Curateur, a la memoire du Comte de Lally, dit que j'ai craint de publier cette Correfpondance , auffi bien que Its lettres du Chevalier de Crillon &: mes reponfes, II fe trom- pe allurement. Mes egards pour dts noms a qui tout bon Francois en doit , m'avoit feuls retenu : mais qqs egards n'iront pas jufqu'a la foibleile > & le fieur Tolendal , fins doute autorife par MM. de Montmorency &: de Crillon , me rend tous mes droits. J'en uferai done , d'abord pour la Correfpondance du Marquis de Montmorency. iMais une grace que je demande des-a-prefent aux Lecleurs integres, eft de lire le texte fans interruption _, &; de ne pas croire que le fieur Tolendal n'ait plaide a Rouen que ce qu'il a fait imprimer. Pour la Correfpondance du Chevalier de 20 Crillon , j'attendrdi encore. Je fins tres-curleux de voir fi Ic fjeur Tolendal ofera reellemenc la publier j quoiqu'apres COLit un homme qui n'a rien a manager, ne doive dourer di. rien, quand ii poffide au fuprcme degrd , comme fait mon Adverfaire , I'arc funefte d'obfcurcir les texces les plus clairs, &c d'envdnimer Jes phrafes les plus honneces. II s'dl deja permis une infidelice e^Tentielle dans I'imprefTion des formules employees avec moi par le Marquis de Mont^ roorency, je le prie de veiller fur Je texte du Chevalier de Crillon & fur le mien. Quoi qu'il en foic, qu'il public, qu'il obferve , il ne me faudra ni beaucoup de temps, ni beaucoup dc peine pour lui rdpondre. En attendant je pars: ma Requete efl jointe au fond, mes voeux font remplis, Maintenant les devoirs dp mon Ecat me rappellent a Paris auprcs de eette Commiffion ^ eternel objet du fier couroux du fieur Tolendal. De ee lieu reverb , de ce Temple raf- fermi par la Juftice du Roi , d'ou la Loi tonne fur Jes m^^chans , 6c fait grace aux imprudens , je ferai fignlfier au Defenfeur du General Lally ma Reponfe defiiiitive j celle-ci le fera dcs demaln , des ce foir , s'il eft poffible, A Dijon , le i^^ Juillct lySi, DU Val d'Epremesnil. Monficur DE TORCY, Rapporteur, LAGOUTTE, Procurcur. SECOND Mi MO I RE De M. D*EPRiMESNIL, a DijOHj o u Reponse definitive aux Obfervations da Sieur To LENDAL^ fe difiint Comte de Lally-- ToLEN DAL , fiir la Correfpondance de cc Magiflrat avcc U Marquis de MoNTMORENCr^^ Laval, D C^E M^MOiREa pour objet, premierement^de d^montrer que le fyfteme dcs deux Journaux du Pere Lavaur eft une fable abfurde , autant qu'indifFerente a la m<^moire du frere de mon pere , & que , des deux faks contraires , I*un plai- ds , I'autre public par le fieur Tolendal , a Tappui de cette fable y le premier eft conrrouvd , le deuxidme impoilible. En fecond lieu, d'expofer le vrai motif de ma Corref- pondance avec M. le Marquis de Montmorency , & d'an- noncer bautement que jamais Its manes de mon oncle ne trouveront en lui un iVdverfaire ^ ni ecux du General Lall)^ un Ddfenfeur. Enfin, de ramencr la Caufe a Ton vrai point, qui con- fte a f^avoir fi la memoire du General Lally pent accufer de. trahifon envers le Roi , par I'organe de mon Advcrfaire , la. memoire du Gouverneur de Pondichery , fans que la memoire du Gouverneur puijfe ripondre , par moi , fils de fon frere / D'ou refulte evidemmcnt cette queftion definitive , qui des deux fut le traitrt , du General ou du Gouverneur."^ Queftion Stabile par le General lui-meme, dans fes Memoires ; d^cidee en 1766 , par le cri de I'univers , 6c 1' Arret unanime du Par- lement -, renouvellce douze ans apres par un ^v^iemenc fans exemple dans I'Hiftoire de la Monarchie Francoife 5 2c noyce par mon Adverfaire dans un torrent d'injures lancees non- feulement contre moi, mais centre \(^s Par- icments de Paris &: de Rouen, avcc un acharnement qu'on fent bien ne devoir fon impunite qua la pitle d^^ Magif- trats. tf SFCONn mP.moire De M. d'Epremesnil , a Dijon; o u Reponse definitivt aux Obfervations du Sieur ToLEN DA L y Je difant Comte de Lally-- To LEN D A L J fur la Corrcfpondancc de ce Magijlrat avec le Marquis de Montmorency-, Laval. Is ENIM DEBETUR PR^CLARIS NOMINIBUS HONOS ET QUASI CULTUS, UT RIXIS ALIENIS INPRIMIS- QUE NOSTRIS , NON SINE MAXIMA NECESSITATE , INTER MISCEANTUR. Nous devons cet honneur , cem cfpecc de culte aux grands noms , dc ne pas les meter dans Us querelles dautrui , & fur-tout dans les notres , fans unz extreme niceffui, X eNetre de cette maxlme , je m'abftenols de publier ma Correfpondance avec le Marquis de Montmorency , ^trangere en efFet aux debars qui fubfiftent encre la memoire du General Lally & celle du Gouverneur de Pondichcry, frere de mon pere. Le Defenfeur du General Lally n'a pas \^s memes idees. II a public \ts lettres du Marquis de Montmorency 6c les miennes , cliargees d'obfervations venimeufes. J'ai repondix provifoirement & fur le champ par Lin premier Mdmoire. Ma derniere Reponfe fera de prefencer le texte de ma Correfpondance fans interrupion, ..^ j^i.^viiw vjuv,ivjuc5 raiiuiiiiciiiciiis , linuieclliiLcriient dddiiics de ce meme texce. Premilrc Lettrc de M. d'premefnil a M. U M" dc Montmorency, Monsieur le Marquis , Le Hear Tolendal, Curateur a la memoire da feu Comte de Lally, a precendu que Pere Lavaur avoir ^crit deux Memoires, I'Lin pour, &: I'autrc contre le General, & que vous les aviez vlis tons deux. J'al r^pondu que cette afTer- tion (icoit une fable , qu'un Montmorency n'affirmeroit jamais ce fait, dc que je vous adreiferois mon Plaidoyeri Tarcicle efi; a la page 271. Permettez - moi , Monfieur le Marquis, de remplir cec engagement, & de faiiir cette occafion pour vous offrir I'hommage du refped avec lequel je fuis , Monsieur le Marquis ;, Votre tres-Iiumble &c tres-obdffant ferviteur,^/^/?^, d'Epremesnil. Pans ylci^ Mai 17 Ho. Reponfe dc M. k Marquis de Montmorency dM. d'EprimcfniL J'AI rec^u , Monfieur , la Lettre que vous m'avez fait rhonneur de m'ecrire , en m'envoyant votre Plaidoyer : vous d^firez fans doute fcavoir ce que j'ai dit touchanc le ^ ^5 Journal ou Memolre dii Pere Lavaur , le void exaclement. Lors qu'apres la mort de ce Jefaice Ton me die cp'oii avoit trouvd dans fes papiers un Journal terrible concre M. de Lally, je repondis, cela ne fe peuc pas, ce Journal n'eft surement pas de lui , ou s'il en eft , il f^ done qu'il en ait ^crit deux difFerents j car lors que jc fuls parti de i'lnde , en me donnant des lectres pour faire remettre en France a difFerents particuliers, &: lui ayanr demande com- ment il y parloit de nos affaires^ je v^s voiis le faire voir, me dit-il , pour lors il ouvrit fon Journal , le feuiliera avec moi depuis le jour de mon arriv^e dans I'lnde jufqu'a celui ou j'en partois , &: m'y fit voir tous les evcnemenrs de notre Campagne , tres - fagem'ent 6c trcs - iidelement racontes, &: par-tout les plus grands ^loges de M. de Lally. Comme ce fait eft vrai , Monfieur , je I'ai die, & je puis I'afErmer : j'ai encore ajoute , &l je me le rappelle tres- bien , je vois tant de mechancete 6c de menfonge -dans les imputations .qu'on fait a M. de Lally fur les faits qui fe font pafT^s fous mes yeux pendant le peu de temps que j'ai refte dans I'lnde , que je fuis dans le droit de douter bien fort, &; meme de ne pas croire un mot de ce qu'on lui impute depuis mon depart , jufqu'a ce qu'on me I'ait prouve clair comme le jour. Voila , Monfieur, quels ont ^te , & quels font encore 6c mes propos & ma ficon de penfer. J'ai I'honneur d'etre tres-parfaitement ^ Monlieur, votre trcs - humble & tres - obeifTant ferviteur. Sio-ne Marquis de Montmorency-Laval. J'ai I'honneur de vous prevenir, Monfieur, que ne fca- chant pas fi ma Lettre peut etre de quelqu\itilire dans I'alfaire prefente , j'en vais faire pafTer la copie a M. de Tolendal, avec la copie aufli de celle que vous m*avez fait riionneur de rn'^crire. A Paris , cc 4 Juin 1780. Scconde Ltttrtdc M. d'Epremefnila M. k Marquis de Montmorency, J'ai re^u , Mondeur, la Lettre que vous m'avez fait I'hon- near de m'ecrire, le 4 de ce mois, en reponfe a la mienne. Je ne puis qu'applauiir a la dellcatcfle qui vous a fait juger que mon deiTein n'erolc pas de rien raire au D^fenfeur dc IM. de Lally. Vous m'avez rendu juflice > &: c'eft, Monfieur, un fenrimenc digne de vous : je crols y repondre en publiant votre Lercre 5 j'ai I'honneur de vous en prevenir. Certe Lettre prouve prccifement le contraire du fait allegii^ par M. de Laliy , ^ plaide par fon Curatear, dts deux Journaux du Pere Lavaur j I'un pour ^ que vous avez vu , & I'autrc contre^ que M. le Commiflaire du Parlement a cboifi de preference fous \qs fceiles de ce Jefuite. Que le Pere Lavaur eiic fait deux Journaux , cela m'eut ete tres-indifferent , a moi , D^fenfeur de M. de Leyrit j mais que le Journal favorable a M. de Lally, ecrit de la main du Pere Lavaur, eut et< trouve fous Its fceiles de cet anclen Religieux, 6c qu'il eut ete rejette , fupprim^ par M. le ComuiifTaire du Parlement, pour faire place uniquement au Journal con- traire, devenu, par cette infidelice, le fignal dc ralliement des enncmis du General Lally, le guide prefere des plaintes de M. le Procureur-Gen^ral , le flambeau des Temoins 6c des Jugesi voila dts fiiits ou plutot des fables que le cocur d'un Citoyen 6c d'un Magiftrat ne devolt pas fupporter, 5c qui font detruires par votre Lettre. Lfi Pere Lavaur vous a montre, Monlieur, en feuillecanc fon Journal avec vous. 17 quelques endroirs honorables pour M. de Lally , fur I'ex- p^ditlon de Saint-David : vous I'avez die en France j dela I'imagination de M. de Lally, tres-feconde en refTources cjuand il s'agifToic de mal faire 6c de mal dire , a tire la fable des deux Journaux , &: I'a portee jufqu'a vous attefter: fable bien mal-adroite ! atteftaclon bien indecente ! puifque vous n'etes refte dans I'lnde que trols ou quatre mois, & que le Fere Lavaur n*a pu, Monfieur, y feuilleter avec vous qu'un Journal relatif a cette epoque. J'aurois 6t6 fingulie- rement furpris que ces ridicules allegations, contraires a la verite , injurieufes au Parlement, eulTent trouve un appui reel dans le t^moignage d'un Montmorency , dont le nom eft diftingu(^ depuis dix (iccles entre les membres \cs plus illuftres de la Cour du Roi, 8c de la NobleiTe Francoife. Des eloges que le Pere Lavaur vous a fait voir , vous avez conclu , Monfieur , ^uon n' avoir pas pu trouver dansjes papitrs un Journal terrible contre M. de Lally , ou qu'il an avoit ecrit deux drfferens. Telle eft la confequence que M. de Lally a transformee en fait. Mais permettez-moi de vous repr^fencer que cecte confequence n'eft pas exacle : diftinguons les i^poques, le meme homme peut, en differens temps 6c tou- jours juftement, etre loue, meprlfe , accufe, puni. Au refte, permetcez-moi^ Monfieur, de vous demander fi vous avez tenu dans vos mains , 6c lu d'ua bout a Tautre 6c de vos propres yeux , le Journal du Pere Lavaur au mo- ment de votre depart de Pondichery , ou s'il vous I'a lu li$^ne par ligne ? Secretum meum mihi : Mon fecret eft a moi. Je crois bien que le Pere Lavaur poftedoit, comme ur; lutre, cette maxime j 6c j'ai d'autant plus de peine a cro're qu'il vous ait lu mot a mot tout fon Journal , que d^apres votre Lettre , il ne paroit I'avoir que feuiilete avec vous. 1% Vous avez ajoute , Monfieur , a la mort de ce J^fulte, 5^: c'cH: a moi que vous croyez devoir le dire, que vous voyie? tant de mkhancetc & de menfonge dans Us imputations qu'on faifoit a M, de Laity , fur les fails qui setoient paffes fous vos yeux pendant le peu de temps que vous etie:^ re fie dans I'Inde ^ que vous etie:^ en droit de douter hien fort , & mime de ne pas croirc un mot de ce qu'on lui imputoit depuis Jon depart jufqu'd ce qu'on vous I'eut prouve clair cornme lejour.Yos doiites font , Monfieur, d'an homme d'honneur, qui ne eroit pas facile- raenc aux traitres. Mais daignez lire mon fecond Plaidoyer, ^ la Correfpondance de M. de Lally avec mon Oncle j j'ai I'lionneur de vous I'adreffer : tant que vous n'aurez pas lu cQ,s deux pieces, vous ne ferez pas, Monfieur, en dtat de prononcer. Quand vous les aurez lues, vous y verrez, j'eA pore, que Texpedkion meme du Fort Saint- David prouve, dans M. de Lally, un homme emport6 , un General fans prevoyance , I'expedition du Tanjaour, au moins une tere ^garee par I'avaricej & qua commenccr au fiege de Madras jufqu'a 1a reddition de Pondich^ry inclufivement , fa con- duice eft d'un traitre. J'ofe me flatter auffi , Monfieur, que ces expreffions de mechancete &z de menfonge , rappell^es dans votrc Leccre, apres I'envoi de mon Plaidoyer, ne concernenc ni I'Auteur de ce Plaidoyer ni M. de Leyrit. Si vous avez a cQt egard quelque notion pofitive fi.ir mon Oncle ou fur moi , j'ai I'honneur de vous prier de la rendre publique : un Montmorency ne doit .&c ne veut certainement rien dire d'cqulvoq[ue. j'ai I'honneur d'etre trcs-parfaitement , Monfieur, votre trcs-hilmble &i trcsobeifiant ferviteur.^z^/ze', d'EpreMESNIL. A O^^ouer-la^Ferficre J ce lo Juin 1780. Riponfs *9 Reponfe de M. le Marquis dc Montmorency. J'ai re(^u , Monfieur , la Lettre que vous m'avez fait nionneur de m'ecrire, en date du lo Juiii 1780. J'ai eu I'honneur de vous mander, par la mienne du 4 de ce mois &c mes propos &: ma fa^on de penfer j je n'ai rien a y ajouter de plus. J'ai I'honneur d'etre tres-parfaltement, Monfieur, votre tres-humble &; tres-obeifTant ferviteur. Signd , le Marquis DE Montmorency-Laval. A Aulnay ^ ce 16 Juin 1780. A ELLE eft ma correfpondance avec le Marquis de Montmo- rency ^ maintenant, je demande auLedeur Equitable un peu d'attention. Mon Adverfaire a plaide un fait, il en a public un autre. Le fait qu'il a plaide eft que le Marquis de Montmo- rency a vu deux Journaux contraires du Pere Lavaur. Le fait qu'il a public eft que le Marquis de Montmo- rency a vu un Journal favorable j ce qui demontreroit I'exiftence de deux Journaux , celle du Journal accufateur etant certaine. Que mon Adverfaire ait plaids le premier fait, j'ofe de- mander au Parlement de Normandie la permiffion de Ten attefter, ainfi que toute la Ville. Mon Adverfaire s'en defend aujourd'hui. Ne va-t-il pas jufqu'a pretendre qu'eii cela je le charge d'une allegation faufte? mais, pour parler une langue qui me fait honte, quel eut ete mon interet ? allurement je n'ai pas befoin de fiction pour trouver ks M^moires en defaut. * E 30 All rede j'aiirai mal entendii, fi mon Adverfalre le veuc alnfi : mes amis, le Parlemenc de Rotien , la Ville enticre auront mal entendu. Soic : ceci deviendroic une difpure interminable. iMettons mon Averfaire fur fon cerrein j qu'i* choiiiile &L qu'il me dife lequel des deux faits il veut que je combatce. Je foLitiens que le faic pkide eft fabuleux. Je foutiens que le faic imprime ell: impoffible. Le fait plaide est fabuleux. M. de Montmorency n'a point vu deux Journaux du Pere Lavaur. Ma preuve ? elle eft fore courte j la voici : Pour lors y il (le Pere Lavaur) ouvrit fon Journal , le feuilleta avec moi ^ d^puis k jour de mon arrivie dans tinde , jufqu^a celui ml j'en partois. KmCi m'a repondu M. le Marquis de Montmo- rency : il n'eft queftion la que d'un Journal 5 cela eft clair. Le fait imprime est impossible. M. de Montmorency n'a pas pu voir un Journal FAVORABLE DU PeRE LAVAUR^ Levons d'abord tout Equivoque : car avec mon Adver- falre , il faut prevenir les fubterfuges. Qu'a-t-il voulu dire en parlant de deux Journaux ? II a voulu qu'on entendic que le Pere Lavaur avoit compof^ deux ecrits , I'un favorable , I'autre contraire , comprenant, chacun , toute Tadminiftration du General , depuis fon d^barquemenc jufqua fon depart. S'il n'a pas die cela, il n'a rien die d.u toutj &. Ton ne fcaiiroit plus ou tendroic fon fyfteme des deux Journaux, Auffi eft-ce bien la ce que mon Adverfalre a ditj (^cou- tons-le lui-mcrae dans fon Memoire au Confeil : J'ai dit enfin que ce Lihelle diffamatoire defline a fcnir ks ennemis- dc mon F^rc^ iils ctoUnt vainqucurs ^ itoit a cote dime apo^ 3^ logl^ dermic a Us krafer s'ils avo'ient !e dejjous ^ & que k mime Maine avoit forge cette arme a double trancham. Qjion ouvre U Mimoire de moii Pen, pag. 267 du fecond volume , & on y vera quon a indique des timoins , notamment h Marquis de, Alontmorency en etat darticuler , I'exiflence de ce fecond ecrit & les eloges quil renfermoit Voila done le Marquis de Montmorency annonc^ bien clairemeni: , comme temoin de I'exiftence du Journal favorable, de ce fecond ecrit , de cette apologie deflinee a ecrafer les ennemis du General^ s'ils avoient le dejjous , &, repolanc a cote du Libelle difamatoire: en un mot, le Marquis de Montmorency, efl en etat d'articuler texiflence de ce fecond ecrit. Ttls font bien les propres termes de mon Adverfaire. Cela pofe, prenons la lettre du Marquis de Montmo- rency Lorfquapres la mart de ce Jefuite I' on me dit quon avoit trouve dans fes papiers un Journal terrible contre M. dc Lally , je repondis , cela ne fe peut pas , ce Journal ncfl jitre^ ment pas de lui^ ou s*iL en efl ^ il faut done qu'il en ait cent deux differens i car lorfque j e fuis parti de I'lnde^ en me donnant des lettres pour fair e remettre en France a different s particuliers , & lui ay ant demande comment il y parloit de nos afaires ^ jt vais vous le faire voir^ me dit-il: pour lors il ouvrit Jon Jour- nal , h feuilleta avec moi , depuis le jour de mdn arrivee dans tinde , jufqu'a celui oil fen partois , & m'y ft voir tons les evenemens de notre Campagne ^ tres-fagement & tres Jiielement racontes , & par-tout les plus grands eloges de M, de Lally. Comme ce fait efl vrai , Monfieur , je tai dit , & re puis I'ajfrmer. Lecleur, daignez faire attention. M. de Montmorency voit dans un Journal du Pere Lavaur des eloges du General .. Lally. Oil ? a Pondichery. A qu'elle epoque ? apres la prife E ij '3i Jii Fort Saint-David. Ce Journal pouvoit-il comprendre alors les temps & les horreurs qui devoient fuivre? le Tanjaour , Madras , I'ufure a trente pour cent, les billets do caide, Its fermes , les vexations interieures. la revoke de I'armee, I'abandon volontaire de tous nos poftes, le blocus, la didlpatlon des vivres , Tenvoi dts malles , la tradition de Pondichery ? le Pere Lavaur a-t-il pu parler de ces crimes par prefcience ? M. de Montmorency a-t-il pu en rien voir , en rien entendre ? on croit rever en pro- pofant ces quelHonsj &; c'eft a quoi Ton nie reduit. Done, il faut, ou divlfer la declaration de M. de Montmorency, en adopter unc paitie, en changer Pautre^ou le prier d'en donner une nouvelle 3 ou convenir qu'a I'epoque affignee par lui-meme , M. de Montmorency n'a pas pu voir uii Journal complet du Pere Lavaur, ce Journal n'exlftant pas alors. Done il n'a pas pu voir a cette ^poque un Journal favorable fur I'adminiftration entiere du General. M. de Montmorency Pa-t-ii vu depuis? ce n'a pas ^t^ dans rinde. II en eft parti en Aoiit oa Septembre 1758 % pour n'y plus retourner : ce n'a pas ^c^ ailleurs , M. de Montmorency ne I'a jamais dit, ne me I'a point repondu, 6c fa Lettrc, fixant I'epoque precife de la confidence du Pere Lavaur, exclut toute autre cpoque. DoncM. de Montmorency qui n'a pas pu voir dans I'lnde un Journal favorable, n'en a pas vu depuis. Done, en me refumant^ le fait des deux Journaux vus par M. de Montmorency, eft fabuleux. Le fait du Journal favorable vu dans I'Inde par M. de Montmorency , eft impoffibie. Et le fait d'un Journal favorable vu ailleurs par M. dc Montmorency, feroit une autre fable. Pour celle-ci , 33 mon Adverfalre ne Pa jamais , nl plaidee , ni publlee. Je demande grace an Lecleur, fi je le conduis a la ve- rite par des routes aufli trifles. J'aime afTez dans roccafion les phrafes nombreiifes j mais avec mon Adverfalre ii faut des raifonnemens fees ^ rigourenx. Une queftion fe pr^fente naturellement a I'efprit. Qu'a done vii M. de Montmorency ? quel eft le fondement rdei ou fuppofe de la fable des deux Journaux ? ce qu'a vu M. de Montmorency? 11 nous Papprend lui-meme. Le commencement du Journal du Pere Lavaur -, le recit d'une expedition de quelques femaines , & d'une adminiiT:ration de quelques mois : I'Auteur le feuillete avec lui : Ledeur, prenez garde, le Pere Lavaur ne laiile pas fon Journal au Marquis de Montmorency , il le feuillete avec lui j le Marquis de Montmorency y volt des expreflions honorables pour le General Lally, &, fi Ton veut que j'employe fes propres termes quoiqu'exageres , par- tout les plus grand's etoges : dela il conclut , en apprenant rexiftence d'un Jour- nal terrible de I'adminiftration entiere du General , que h Pert Lavaur avoit done compofi deux Journaux^ fur quoi mon Adverfalre, allant plus loin , conclut que U Pere Lavaur a rldhment compofi deux Journaux ^ PafTure, & met en avant it temoignage oculaire de M. de Montmorency qui n'avoit donne quun temoignage conjeciural^ qiiun fimple raifonnement. Or j'en demande pardon a M. le Marquis de Montmo-- rency, & puifqu'il a permls que fon nom fut mis en ligne avec celui de Lally contre moi , j'en demande pardon a mon Adverfalre lui-meme , cc raifonnement ne vaut rien oit ete rejette , fiip prime par AJ, le Commijfuire dii Parlement pour frire place uniqucment au Journal contraire , devenu par cette infidelite le figne de rall'ument des ennemis du General Lally , le guide prcfere des plaintes de M, le Procureur- General , le flambeau des temoins & des Juges Qiion parcoure mon Plaidoyer d'un bout a I' autre , dit tres-adroitement mon Adverfaire , on y yerra page 79 ces dix mots : le Panegyriq^ue s'etOit TROUVE PERDU y LE LiBELLE AVOIT ETE RECUEILLI y & plus une parole apres. Ce nefl pas tout. Dans mon grand Memoire au Confeil^ p. 8 de la feconde Partie ^ fai prefenti vn dilemme fur cet objet. J'ai dit ,. ^^ ou l'existence " DU Panegyrique a lte averee pour le Par- ^^lement auquelmonPere l'a denonce^ ou elle ne l'a pas ETE , ou LES TEMOINS CITES POUR L'A VOIR n VU , ONT ETE ENTENDUS , OU ILS NE l'oNT PAS ETE j > &. j'ai tlr^ les confi^quences de Tune & de Pautre partie > du dilemme dont je ne puis donner ici que I'apperqu. Aind ce raifonnement exclut jufqu'a la poiTibilire de I'aflernon >3 que M. Duval me prene. Ainfi nulle part je n'ai d^nonce ni le Parlement, ni ies Commiflaires comme coupables de cette infidelite^ de cttit fupprefion : par- tout j'ai aban- donne le fort duMc^moire pour, a robfcurlt^ dans laquelle 3 il s'eil perdu , il me fuffifoit d'en prouver I'exiftence , 6c ^i la denonciatlon que mon Pere en avoit faite a fes Juges '5 Voila done ce qui vous a fuffi :- hdas Monfieur ! a quoi me forcez-vous? il faut vous confondre par vos propres paroles. Ecoutez-donc , 6c niez , fi vous Tofez d'avoir (^crit hs paiTages fuivans extraits mot pour mot de votre M(fmoire au Confeil, imprime a Rouen, & diftribud 4^ jfourdemeht a tons vos Juges , avec cette apoflllle, poj/ij vous SEUL , Monsieur.. . . l/n Moine , iid dans h fond du Perigord , de MiJJion en MiJJion , d' intrigue en intrigue , s' dance ^ fur les rives du Gange Ce Moine ^ toujours par unefuitt 5 dc ce fyfleme qui fcait j aire face aux differentes circonjlances ^ > avoit forge deux Memoires , fun pour^ L' autre contre mon Pere, J Qui le croiroit ^ c'efl fur le dernier que le Procureur-Geniral 3 rend plainte contre mon Pere. C'ejl un Lihelle qui dzvient le "> figne de ralliement contre cette viclime irafortunee. Oefl la que 3 les temoins s^inflruijent , que Us Juges s'eclairent , c'eft fur 3 le Lihelle d'un impofleur , demafque par lui-meme , convaincu 3 dc rapines par fes trefors , convaincu de dupliciti par fes 3 propres ecrits , quun Lieutenant-Genet al fe voit accufi , jugc & condamne. C'efl peu : vous developpez a rinftant meme foutes (:t%- alTertions en autant de paragraphes J'ai dit que h Lihelle diffamatoirc d'u?i Moine avoit he la har^e du Proces intente a un General d^Armee ...... Pai dit que c^koit dans ce Lihelle que les Juges s*etoient eclaircs J'ai dit que c'etoit dans ce Lihelle que les Temoins s'ctoient in fruits J'ai dit enfin que ce Lihelle diffamatoire define a forvir les^ cnnemis de mon Pere , s'ils etoient vainqueurs , Itoit a cote d'unt apologie dtfluice a les ecrafer , s'ils avoient le defjous , & que U mime Moine avoit forge cette arme a douhle tranchant Niez-vous tout cela ? Or c'eft ici, & non plus-toc, qu'apres avoir cir^ le Marquis de Montmorency comme temoin de I'exiflence de cette apologie quil n'a jamais ni vue, ni pu voir, ni declare avoir vue 3 c'eft ici^dis-je & non plus-toc, que vous propofez , en termes audi contraires a TOrdonnance qu'infultants pour la Grand - Chaml^re du Parlemenc de Paris , votre dilemme , qui , je I'avoue , auroic exclu I'affdrtion que j^ vous ai reprociiee, s'il vous eut plu de raifonner confe- 4* .qncrnnicnr, on de prcvoir des contradictions rmais qui fous :vorre plume , liardie dans les tenebres , tranche a cot^ de l-'ailertion meme, &: n'etoit qu'un pretexte que votre fin- -ccrite fc menageoit d'avance pour Ja nier. Enfin vous dites au mcme endrolt, que" ce Libelle etoit o3 dellini a fuhjugucr I'opiiiion , & a rcs^lcr U Jugement de la. ~->-i premiere Cour du Royaume. Et fur cette denonciatlon 53 muette d'un homme mort ^ indigne de foi , ajoutez- 53 vous , fans aucun corps de delit pofitif , le Procureur- M General requiert , le Parlcmeiit ordonne , le CMtelet <5o comncience une information Ell bien Lecleur ! Lecteur ami des Magiftrats 6c de la v^rite, etes-vous convaincu , 6i croyez-vous qu'il foit pof- fible de nier plus hardiment, ou du molns de degLufer plus artificieufement un fait plus av(^re ? vous le voyez. Le Moine a forge deux Memoires , twi pour , I' autre contre Le General Lolly. Qui le croiroit? cefl fur le dernier que le P rocureur-General rend plainte contre lui : .&; mon Adverfalre n'a point dit que je Journal contraire avolt ete le guide prefere des plaintes de M. le Procureur-General... ... . C(^y? z^/z Libelle qui dcv lent le figne de rallienient contre cette viclime infortunee, . ... dl mon Adverfaire n'a point dit que le Journal contraire ctoit 4evenu le /igne de ralliement des ennemls du General J.ally., Cejl-la (dansce h'lhtWt) que les temoins s'lnflrui^ fait 6c mon Adverfaire n'a point dit que ce Libelle avoit ete le flambeau des temoins Cefl-la que les Juges .s\'c[airent...... ^z mon Adverfaire n'a point dit que ce Libelle avoit ete le flambeau dQs Juges! Providence Divine! appui de I'innocencc! ce font-la de tes coups ! oh qii2 I'avcu^iamcnt cu tu plonges les enncmis de la verice, eft deplorable autant que jufte ! tes moyens ne changenc pas ; ^i icu.r cilct ell toujours fur. Exccca cor eorum. 4'3" Moil adverfaire a ftibi cette eternelle 6c rlgoureiife loi : on vient d'en voir la preuve dans les paflages precedents de Ion Memoire au Confeil. II me rede a I'appuyer, cQttc preuve, fur un paifage de fes Obfervations meme : J^oild I'hommz , dit-il, en parlant du Pere Lavaur, qui a ete Ic garant^ lzguidz^& des delateurs danshurs dinonciations , & du Minifttrc public dans fis plamtes , & des timoins dans lews dipofitions , G' dcs Com--- mijfaires dans leurs interrogatoircs & kur rapport , & dcs Juges- dans kur Arret Ainfi, Juges, Temoins, Minillere public confondus avec des delateurs , tous n'ont eu d'autre garanc" qu'un calomniateur , ni d'autre guide qu'un libelle : Sc cts Juges, c'etoit la Grand-Chambre d'uii Parlement unanime dans fon Arret 3 ces Temolns , c'etoit toute \i Colonic Francjoife, le Confeil, les Officiers , les Employes, les Ha-- bitans j ce MiniRere public , c'etoit M. le Procureur- General : voila quels ont ete les copiftes ferviles , les inllru-- mens aveugles du Pere Lavaur. J'avoue que mon adverfaire n'a pas dit en toutes lettres, que le Commiffaire du Parlement avoit rejetti ^fupprinie k Jour-' nal favorable . . .y mais je demande ce que fignifie cette plirafe- du Memoire au Confeil . . ,. Ce Maine avoit forge deux Me^ moires ^I'uji pour ^I'autre contre mon pere j qui le croiroit ! c'efl fur le dernier que le P rocureur-Giniral rend plainte contre mon pere.,. Qui le CROiROiTl'Si\\^^dA\.d\.t la plainte fur le Journal accufiteur efl: li terrible a croire, on avoit done le choix des Journaux? Or, laifTez-la vos exclamations, & rcpondez cathegoriquement : Qui ^^^-ct qui I'a eu ce choix , ou de M. le*Procureur-General , ou du Commilfaire du Parlement? S'ils ne I'ont eu ni I'un ni i'autrcj s'ils n'ont cu fous leurs yeux que le Journal accufiteur, le feul en effet qui jamais air exifte, dites-nous ce qu'il y a d'incroyable dans \\\w^ plainte 44 ^ . renduc a la viie d'un reck aufli-blen clrconftanci^ des crimes du General Lally ? Jc demande encore ce que fignifie cette autre phrafe da mcme Eerie, du Memoire au Confeil , dans le meme paf- , fage .... Cejl fur k Libelle dun impoflcur dimafquc par lui" mtme , convaincu de rapines parfes propres trifors , convaincu di duplicite parfes propres ecrits , qu'im Lieutenant-Geniral fe voit accufi ^ jugiycondamnc..,. Le li belle d'un imposteur DEMAsqUE PAR lui-meMe .... Aux ycux de qui ? du Parlem^nc, du Miniflere public, du CommifTaire? Si cela eft , vos plaintes font raifonnables : fi cela n'eft pas , d'ou nait votre furprife, ou plutot votre fureur ? Encore une fois^ repondez clairemenc, je vous fupplie.... Le Libclle d'un impofleur convaincu de rapines par fes propres trefors. . . . Oh ! pour ce dernier fait, mon adverfaire , qui I'a foutenu au Confeil & plaid(^ a Rouen , n'ofe plus le reproduire dans fcs Obfervations : j'en fuis furpris j car apres tout, comment ai-je prouv^ que ces pr^tendus trefors n'etoient que des depots confies au Pere Lavaur? Par de fimples Arrets du Parlement de Paris, en vertu defquels ces depocs ont ^r^ rendus aux propri^taires. Et mon adverfaire fe tait devant cettc preuve ! Je le repcte, cela m't^tonne. II iVeH: pas inutile de rappeller au Ledeur a combien fe montoit la maffe de ces trefors confies au Pere Lavaur : a la fomme d'un million vi?igt-quatrc millefept-cent-quatre-vingt-dix livres.Y oWi qui me paroit fort fin A D I J O N. SECOND CAHIER, CoNTENANT la Conefpondance de cc Magifirat avec M, le Chevalier de Crillon , fur le projec de faire anker M. de Lally ^ impute au Con/ell de Pondichery ^ par le Sieur TOLENDAL^ fe difant CoMTE DE LaLLY^ ToLENDAL , & dcs reflexions a Voccajion Hun nouveau Libelle dudit Sieur ToLENDAL, ^ Pres m'avoir oppof^ infrudueufement , j'ofe le dire, au fujec de la Fable d^s deux Journaux du P. Lavaur, abfurde en fbi , ^trangere a notre Caufe , I'illuftre nom d'un Montmorency, mon Adverfaire fe donnc aujourd'hiii, fur le fait, trcs-important , mais tres-calomnieux , du projet imput^ par lui feul au Confeil de Pondichery que preiidoit mon Oncle, de faire arreter le General Lally, un CrilloH pour Allid. La circonflance n'efl pas mal-adroitement cholfie pour fe parer d'une telle alliance. Mais le Public , apres avoir compart dans ce M^moire la Depofition de M. le Chevalier de Crillon a fes Lettres , decidera, fi M. de Crillon au- roit dii donner lieu a cette nouvelle imprudence du Siciyr Tolendal. TROISI&ME ME MO I RE De M. d'^premes n il , a Dijon; O U CoRRESPONDANCE de ce Magifirat avec M, le Chevalier de Crillon , Jur le projet de Jalre an her M. be Lally , impute an Confeil de Pondi.chc.ry , par le Sieiir ToLENDAL , fe dlfant Comte de Lally-Tolendal. Memoire precede Sc fuivi de quelques Reflexions occafionnees par la diftribution d'un nouveau Libelie dudic Sieur Tolendal. Ut interrogando urgeat l/t lihcrius quid audeat l/t ohjurgct aliquando. Cicero, in Oratore, 1372c 138. \J N long voyage a fufpendu la publication de mon yi- cond Memoire a Dijon , on de ma Reponje definitive aux Obfervations du Sicur Tolendal , fur ma Corrcfpondance avec le Marquis de Montmorency . K mon retoiir , j'ai trouve , lUi mois apres fa dare, une Lectre de mon Procureur a Dijon, da 3 I AoLic dernier, qui m'annonce que M. de Tolendal vient d^ ripandrc dans la Ville un nouveau Memoire; qu'il na pu s'en Aij 4- procurer un exemplaire pour me It faire pajfen qu'il ejl intituli: Conefpondance de M. de Crillon. Je n'lgnore pas que cette Corrcfpondance ell: Infeclee a Ton tour d'un commentaire empoifonne. Le Public s'actend bien qu'on ne m'a fait ni ilignifier, ni parvenir ce nouveau Libelle. Je fcais que mon Adverfaire I'a fait diftribuer avec profudon ici comme a Dijon. Mais je n'ai pas encore pu m'cn procurer un Exemplaire , 6^ nous fommes au i o Novembre de cecre annee 1782. A la verice , il m'auroic fallu employer pour cela dts voles obliques qui me repugnent : j'attendraL Mon Adverfaire n'a jamais eprouve cec embarras: tous mes Ecrits lui font figniiies au forcir de la Preile. J'efpere qu'on nous diilinguera par nos procedes, autant que par notre Caufe. On m'afsure que Ton nouveau Libelle contient dits horreurs contre mon Pcre d: contre moi. Conrre moi, je les pardonnc ^ ou fi Ton veuc, je les dedaigne dcpuis long- temps. II fauc qu'un Maglftrac reponde aux calomnies par fa reputation : il fuit que (ts Ecrits repondent par eux-mcmes aux fophifmes qui les attaquenc. Quand le fieur Tolendal parle de moi , ma rcponfe eft a Paris j quand il parle de /a Caufe, mon efpoir eft a Dijon. Pour mon Pcre, le pardon n'ell: pas en mon pouvoir, 6<: I'on fent bien que je ne trahirai pas une memoire aiifTi precieufe, aprcs tout ce que j'ai fair pour celle de mon Oncle : mais le moment de la juftice a cct egard n'efc pas venu. Mon Adverfaire ne pouvant m'ef- frayer , veut m'irriter : il n'obtiendra ni I'un ni I'aurre. Ne prcnons pas le change. Le grand debat qui fubfide entre nous a fon objet determine. II s'ao;it de fcavoir fi le Comte de Lally a pii rejetter {^i^s trahifons fur le frcre de mon Pcre, comme il I'a fait dans fes Memoires imprimes j &: f le fieur Tolendal peut revciller impunement ces calomnies atroces. comme il le fait, en redonnant, avec Je fecours de la caf- fcition qu'il a provoGuee, une exigence legale a ces M^moi- res, que I'ArrcC de 1-766 avoic declares faux cc calomnieux. La memoire de mon Pere , parti de I'Inde en 1 749 , pour n'y plus rerourner , apres avoir conferve Madras a la France, lie dole pas etre melee dans ces quercions. Commencons par etablir ce qu'on doit penfer de celui done mon Adverfaire porte le nom j nous-nous occuperons enfuite de celui dont le nom m'appartient. Le premier, compare a rnc/i Oncle ne peut etre juge qu'a Dijon j le fecond rrouvera un jour fes Juges ^c (qs Vengeurs. Je me relerve cxprelTement cie rendre plaince en calomnie contre le fieur Tolendal pour la memoire de mon Pere, s'ii eft vrai que cette memoire irre- prochable foit reellemenc cffenfee dans les Obfervations fur ma Correfpondance ^vec le Chevalier de Crillon. Je dis reellement ,- car enfin il eft pollible que ce nouveau Libelle ne merite que du mepris j & , franchement , je ne me crois pas tcnu de pafler ma vie a faire des Memolres, a rendre plainte de touces les fantaifies qui pourront palfer par la tcte de mon Adverfaire : or je crois bien qu'il en aura plus d'une avant de me pardonner mon Intervention , qu'il auroit pu pri^venir. Ce Proces-ci ne fait pas mon exif- tence > au eontraire , il me detourne. Les droits du fang m'obligeoient de I'entreprendre : ces mcmes droits , 6c les devoirs de mon Etat, m'obligent d'cn defirer la conclufion. L'interet de mon Adverfaire n'eft pas le mcme j fi^s efforts ne tendront deformais qu'a reculer le Jugement du fond j je le predis. S'il travaille a faire tomber cette prophetic, le Parlement eft jufte , & vous fercz vengcs une feconde fois , manes de mon Oncle ! s'il n'y travaille pas , il fe jugc lui-meme. Et deja , que fait-il , en outrageant la memoire IS de mon Pere ? Une diverfion ; rien n'efl: plus evident. Mais qu'en efuere-c-il) M'etonrdirpar fescIameurspMediftrairede monlncervention? A-t-il pus'en flatter? De bonne- fbi, a-t-il CO mpte furle fucces d'un piege aufli groilier? Qu'il fe d^trompe. Mon Pcre , vous ne ferez point abandonne -, mais foiifFrez que je remette votre defenfe a d'autres temps. Que dis-je ? Mon Pere lui-meme m'en feroit une loi ^ il ne foufFriroit pas qu'ane punition pr^cipit^e retardat d'un moment pour I'int^- rctde famemoirc, la reparation due a celle de Ton frere, il me crieroit de ne point lacher prife , di de meprifer ks vaines fureurs d'un ennemi defefpere J'obeis. Mon Adveriaire a plaide a Rouen , &: n'a pas craint d*en attefter M. le Chevalier de Crillon , que le Confeil dc Pon- dichiry avoit voulu Jain arriter h Gineral Lally , & lui /aire fuhir U mime traiumznt que k Confeil dc Madras a dcpids fait cprouver a Lord Pigot. J'ai repondu que cctte ajfenion etoit une calomyiie^ & que j'adrejferois mon Plaidoyer au dejccndant du brave Crillon ; je I'ai fait. Ma premiere Lettre a produit cncre M. de Crillon be moi une Correfpondance , de laquelie il refulte, que le complot du Confeil eft une invention de mon Adverfaire. Qu oppofe I'inventeur ? Ses armes ordinai- res , fi j'en crois le bruit public 3 une (Equivoque, un fubter- fuge. II fe d(^fend d'avoir charg^ nommement le Confeil de Pondichery du complot en queftion j 6c , pour le prouver , il cite , m'a-t-on dit , Ics expreffions de fon Plaidoyer rmpri- me , oil le Confeil de Pondichery, en effet, n'eft pas nomme. Mais je fupplic d'obferver que mon Adverfaire n'a fait im- primer fon Plaidoyer qu'apres la diftribution du micn.Cela efc fort commode , d'attendre la refutation, pour mettre au jour I'accufation. Quant a moi , j'ai rcfiue cc que j'ai en- tendu , (Sv non pas ce que j'ai lu. Au refte, fins acteiter ici^ 7 comme je le pourrois encore, &; comme je I'ai fait dans mem fecond Memoire , far la Fable dts deux Journaux , le Par- Jemenc de Rouen, &c la ViHc route enticre, je m'en tien- drai au padage meme du Plaidoyer imprim^ , qui porce en touces lettres que le General Lally , pendant le /lege de Tan-^ jaour ^ a peine dibarque , nay ant encore pu ni fe faire aimers ni fe faire hair , odieux par fon nom feul de reformateur j ( reformateur , quelle pitie ! Citez-nous un feul a bus qu'il ait travaille a reformer I Nommez-nous un feul de nos Eta- blifTemcnts qu'il n'ait pas livr6 ou abandonne ! Helas ! II n'etoit venu dans I'lnde que pour detruire , non les abus , mais jufqu'au fouvenir du nom Francois,) il avoit penfi itre arret e ^ comme I' a etc depuis Lord Pigot par fes fuhalternes .... ComMe l'a Ate jdepvis Lord Pigot par ses SUBALTERNES / . . . . Mon Adverfalrc voudra-t-il bien nous dire quels etoient cts fuhalternes de Lord Pigot qui I'ont fain arreter ? N'etoit -ce point le Confeil de Madras? Heureu- fement que les Papiers publics repondront pour lui. A I'iVudience, il nomme fans hefiter, ce Confeil &; celui de Pondichery. Dans fon Plaidoyer imprime, il ne nomme ni I'un ni I'autre. Mais qui peut s'y meprendre ? La comparai- fon eft alTez claire. Les mots s'envoIenC;, Its Ecrits reftent, mon Adverfaire le fcaitj & quand il park, ii accufe, quand il ecrit, \\ indique j mais moi , je ne fouffre pas plus hs in- dications equivoques 6i les comparaifons caiomnieufes , que Its accufations direcTies. Et, puifque mon Adverfaire nie anjourd'hui I'accufatlon , il trouvera bon du moins que je detruife rindication , & que je le pourfaive, jufques dans la comparaifon ou fe retranchent la ca'omnle & lui. Qu'il ceiledonc d'equivoquer f-ir I'impuracion du ccmploc fju'il reproehoit en pleine Audience au Conieii de Pondi- 5 chdrv. Ce qu'Il a plaide , ce qu'il a publle , ne difFerent que par les mors j le but ed bien le mcme. Or maintenant, fur quoi mon Adverfalre faic-Il porter, oil raiFertion qu'il a plaidee, ou la comparaifon calomnieu- /c qu'il a imprimec contre le Confeil de Pondichery , pre- ikle par mon Oncle ? Sur le temoignage de M. le Chevalier de Crillon. Voyons done ce temoignage. Je nai point dit que U Confeil de Pondichery m^avoit provofi de fane arreter M. de Lolly. J'ai dit que cette propo[ition nia ctifaitc pendant le fic^e de Tanjaour^ par un Particulier dont fai mime oiihlii le nom , auquel je n'pondis que tant qu'il referoit des bayonnettes & des Soldats du Bataillon de I' hide , que j'avois thonneur dz commander alors , je dcfendrois jujqua la der nitre goutte de mon fang le General que le Roi nous avoit donne. Ce pailage eft formel. J'y diftingue le complot de Pondi- chery , Sc la proportion du Tanjaour. S'agit-il du complot ijiipute au Confeil par mon Adverfalre, fur la foi pr^ten- ciue de M. le Chevalier de Crillon ? M. de Crillon le defa- voLie. S'aglt-il de la proportion faice a M. de Crillon pen- dant le fiege de Tanjaour? Que m'importe ? Qu'a de com- mun la mcmoire de mon Oncle avec I'Auteur de cette pro- portion ? Tel fut mon premier mot a M. de Crillon , & je m'y ferois tenu , fi M. de Crillon n'avoit pas dans la mcme Lertre , qui paroit juftifier mon Oncle &; le Confeil, auto- rife contre eux , I'imputation calomnieufe de mon Adver- falre , par ces paroles trcs-remarquables : Voila ^ Monfeur ^ tcxazle vcrite i je ncn inflruips jamais le pcre , je I'ai dit au fils . 6' en virile , le fils du Comte de Lally a hien pu Je permettrc Jj> co'ijcclures. II .iiiroic fallu , ce me fcmble , farmer volontaircment les vcjx a J'cvldcnce , pour ne pas voir que cccte dcrnicre phrafc , 9 phrafe, deflinee aux commentaires d'une plume ennemie^. detruifoic entierement I'efFec de la premiere , Je n*ai point dit. M. de Crillon n'a point die, mais il permet qii'on difej il n'a point accufe le Confeil , mais il prend a temoin la vdrit^ 5 dii droit qu'on avoit , felon lui , d'etendre fon te- moignage par des conjectures : or ces conjeclures , que M. de Crillon n'ignoroit plus d'apres ma Letcre du 29 Mai 3780 , n'etoient pas autre chofe qu'une accufation bien formelle contre mon Oncle & le Confeil , d'avoir voulu faire arrerer le General Lally. C'eft la ce que j'ai entendu j c'eft la ce que j'ai repetd au Chevalier de Crillon \ c'eft fur cela que M. de Crillon m'a repondu} enfin c'eft far cela que M. de Crillon autorife, par fa premiere Letcre, fous le nom de conjeclures ^ dts aftertions qui portoient fur mon Oncle , en blefTant la Verite. Tout ceci bien compris, tranchons dans le vif, difcutons la proportion meme du Tanjaourj afFoibli/Tons , puifqu'on m'en fait un devoir, Pautorlce ccnjeclurale de M. deCrillonj &: que la neceiTite d'une jufte ddfenfe foit eniin mon excufe, fi j'apprends au Public que M. le Chevalier de Crillon a ete entendu en depofition dans le Proces du General Lally , le Vendredi premier Mars 1765 , qu'il s'eft livre a d'aflez longs details fur I'expedition du Tanjaour, depuis le depart de Pondichcry jufqu'a la levee du fiege : qiiil attnhue en panic le defaut de fucces au pen de precautions prifes pour s'ajsurer des munitions de Guerre , & fur I'opinion trop confiante oii ton etoit que la feule approche de L'Armce deterniineroit le Roi de Tanjaour a joufcrire aux conditions quon voudrcit lui impojer : qu'il parle de quelques contribuaons en a^r^'cnt fournies par ce Roi j dune nigociation conimerxee par le Miniflcre du Fere S. Ejlevan : du fiege entrepris pendant Li Li lO ^^gociation & malgre les Stages envoyis de pan & ctautre : de la hreche jug^c praticable , & de I'ajfaut ordonni pour k kndemain aux ordres du Conite d'Eflaing : du Confeil de guerre , tcnu pour examiner ce qu'on pouvoit attendre de tajfaut projette : du manque de poudre : de la feconde enceinte de muraille foupconnee : de la conclujion du Confcil de Guerre, a la levee du fiege : de la fortie des Ennemis : de t irruption de quelques uns de leurs chefs dans notre camp , & mime au quartier General : du rifque ajfe:^ grand couru par le Comte de Lally : de tifjue de cette infruclueufe tentative des Tanjaouriens : de la levee du [lege : enfin de la retraite , dont les details^ die M. de Crillon , n'ont rien d^intereffant , &: c'eft par ou fink , dans fa depofitlon, I'article du Tanjaour. Or voyez-vous en tout cela , Ledeur, dont je partage la furprife inexprlmable , voyez-vous un feul nnot de cette propofition faite a M. le Chevalier de Crillon, c'eft-a-dire AU DeposAnt , pendant le (lege de Tanjaour, de faire art iter M. de Lally par un particizlier dont il a mime ouhlie le nom ? Avanqons. Qu'a repondu le Chevalier de Crillon a ce particulier fi remarquablc dont le nom lui eft echappe ? il me I'apprend lui-mcme, 6-c voici toujours les termes de fa Lettrc du 5 Juin 17.S0. Je repondis que tant qu'il refleroit des hayonnettes & des Soldats du hataillon de rindc que j\zvois I'hontieur de commander alors , je difendrois jufqu'd la dcrnierre goutte de mo n fang le General que le Roi nous avoit donni Cette cloquente rcponfe n'^toit pas celle qu'il falloit faire. M. le Chevalier de Crillon ne devoit point parler, mais agirj il devoit s'aiTurer de I'auteur de la pro- pofition feditieufe , & fur-tout ne pas oublier fon nom. VodcL Monfieur y ajoute M. de Crillon, toujours dans la mcnie Lcttre, texacle rerite. Jc nen injlruifis jamais It Pcre.. It tant pis,Mon{ieuriiI falloic en indruire votre General dans rinde , 6c fcs Juges en France. Eh ! quoi I votre General , accufe, emprifonn^, pret a pdrir far I'echafFaiit, fe faifok un moyen de ce qu'il 6toic, difoit-il , entoure dans I'Inde d'ennemis & de pi^ges : &: vous, Monfieur , vous inHiruic d'un complot tram6 centre lui , vous a qui I'on a propofe de le faire arreter , vous qui pouviez tres-facikment trouvcr le fit de ce complot abominable, c'efi: vous-meme qui mc Papprenez dans votre Lettre du 15 Juin 1780, vous avez fait a votre General un horrible myftere de ce complot , non-feulement au moment du p^ril, mals dans route la duree de fon commandement ! quedis-je? revenu en France, appelle en temoignage , apres avoir lev^ la main d'un Crillon devant Dieu &: la Juftice , vous avez lailTe perir votre General fous le fer d'un Bourreau,avec I'odieux nom de traitre, fans parler de ce complot, fans lui fournh* un moyen de cette force ! Ah Monfieur ! s'il etoit vrai que le General Lally fiit innocent: s'il etoit vrai que le complot du Tanjaour eut exifle : s'il etoit vrai que ce complot euc dil produire une feule ligne dans la defenfe de votre Ge- neral y foufFrez qu'on vous le dife , auteur de I'ignorance Oil la Juftice feroit demeurde , obftacle volontalre des in- formations qu'elle n'auroit pas faites, vous feriez refpon- fable du fang qu'on a verfe. Jc lai du aufils Toujours la Lettre du 5 Juin 1 780. Tant pis , Monfieur , tant pis encore. Vous I'avez dit trop tard. Ce fils fi tendre auroit dii vous repondre, que nz I'avei- vous dit a man pere , ou du moins a fes Juges .^ Pour moi je vois bien un complot dans tout ceci j mais ce n'efl: ni au Tanjaour, ni centre le General Lally. Et en viriti , c'efl toujours le Clievalier de Crillon qui Bij 1* me parle dans la meme Lettre , k fits du Comu de Lally a bien yufe permettrc des conjeciures Telle eft la phrafe dnigmatique done je fuis parvenu, avec un peu delogique 6c de fermete , a tirer du Chevalier de Crillon une explication flitisfaifante au fujet de mon oncle, accompagnee d'exprel- fions peu decentes a mon dgard. II eft temps qu'au moyeii de notre Correfpondance le Public en juge par lui-meme. Remettons cette Correfpondance fous fes yeux, fans com- mentaire. Ma m^thode n'eft pas de chercher a feduire mes Lecleurs , 6c ma Caufe n'a pas befoin de routes ces rufes de I'Art. Le mien a moi, dans cette Caufe vraiment pu- blique j oil je defie qu'on me trouve un intcret qui ne foit pas celui de la Patrie &c de I'honneur, fut & fera toujours d'expofer nettemenc les faits & les preuves. De M. d'EpremeJnil a M. le Chevalier de Crillom Monsieur le Comte , [a) Le fteur Tolendal, Curateur a la mdmoire du Comte de Lally , a plaide a Rouen ^ que le Confeil de Pondichery avoit roulu faire arriter le General Lally , & lui faire fuhir le mime traitemem que le Confeil de Madras a depuis fait eprouver d Lord Pigot. 11 a ofe vous attefter fur ce fair. J'ai repondu que cette aifertion etoit une calomnie , 6c que j'adrefterois mon Plaidoyer au defcendant du brave Crillon : I'article eft a la page 271. Je remplis cet engagement, ^ je faifts cette occafion de vous ofFrir I'hommage du refpecl avec lequel je fuis , Monsieur le Comte, Votre trcs-Iiumble ^ trcs-ob^iiTant ferviteur. Signe^ d'EPReMESNIL, Paris , c^ 19 Mai 17P0. {oj On m'avoit die que M. k Ckevalicr de Cxillon prcnoit cette qualitc. De M. U Chevalier de Crillon a M. d'Eprimefml. . J'Ai re(^u , Monsieur , la Lettre que vous m'avez fait I'honneur de m'^crire, ainfi que votre Plaidoyer que je lirai avec une extreme attention. Je me hate de vous donner I'^claircIfTcment que vous paroifTez defirer. Je n'ai point dit que le Confeil de Pon- diciiery m'avoit propofe de faire arreter M. de Lally. J'ai dit que cette proportion m'a ete faite pendant le fiege de Tanjaour , par un particulier , dont j'ai meme oublie le nom , auquel je repondis que, tant qu'il refleroit des ba- yonettes & des Soldats du Bataillon de I'Inde , que j'avois I'honneur de commander alors , je defendrois, jufqu'a la derniere goutte de mon Tang^ le General que le Roi nous avoit donne. Voila , Monfieur , Texade verite : je n'en inftruifis jamais le pere , je I'ai dit au fils * , be en verit6 le fils du Comte de Lally a bien pii fe permettre 6.qs con- jedures j je crois lui devoir communiquer votre Lettre 6c ma r^ponfe , & je m*engage a la meme demarche envers vous en pareille circonflance. J'ai I'honneur d'etre tres-parfaitement , Monfieur , votre tres-humble 6c tres-obeilTant ferviteur. Signi^ LE ChEVALIER DE CrilLON, u 5 Julni-j^o, * si M. de Crillon s'en fut tenu la , je n'avois plus qu'a le lemerciei' , & notrc Gorrefpondance hoit finic ; raais la phrafe qui fuit , pouvois-je la pailcr fous hlence ? M. de Crillon a fenti lui-raeme , naais un peu tard , qu'elk avoit befoin d'explica- Dt M. d'EpremefnildM. le Chevalier dc Crillon, J'Ai recii , Monfieur , la Lettre que vous m'avez faic riionneur de m'dcrire le 5 Juin 1780 , en reponfe a la mienne , 6c je ne puis que vous reraercier , Monfieur , d'avoir envoye Tune & I'autre au D^fenfeur du Comte de Lally. M. le Marquis de Montmorency, a qui j'ai pris aufTi la liberty d'^crire, fur un article qui le touchoit, en a fait autant. Au rcfle , Monfieur , j'^tois bien siir que votre Lettre feroit une forte reponfe , non pas aux conjedures , mais aux t^mdraires afi^ertions du D^fenfeur de M. de Lally. II n'a pas conjedur^ , il a plaide formellement , que, le Confeil dc Pondichery avoit voulu /aire arrher M, de Lally , & lui faire fuhir le mime traitemmt que le Confeil de Madras a de^ puis fait eprouver a Lord Pigot. Ce furent fcs propres ter- mes , a I'appui defquels il a , Monfieur , invoque votre temoignage , mais le voila dementi par votre Lettre. Vous me faites I'honneur de me dire que cetce propofition de faire arriter M. dc Lally vous a ete faite durant le fiige du Tanjaour par un paniculier dont vous ave^ meme oublie le nam. Ceil: done le reve d'un liomme trop obfcur pour que fon nom vous ait frappe , trop ifol^ pour qu'on ait ap- percu la plus legere commotion , foit au Tanjaour parmi les Troupes , foit a Pondichery dans le Confeil , que le Curateur a la mdmoire du Comte de Lally traveftit , fous votre nom , en un complot du Confeil de Pondichery , centre le General Lally, tel qu'on a vu dcpuis le Confeil dc Madras en former un contre Lord PIgot. Jc dis plus. Vous comptiez , Monfieur , fur les Soldars da Bataillon de I'lnde pour defendre le General. Voiis repondicesj & voiis me fakes Phonneur de me I'apprendre., que tant qu'il rejleroit des bayonettes & des Soldats du Bataillon de I'Inde , que vous avie:^ I'honneur de commander alors , vous difendrie:^ jufqu'a. la derniere goutte de votre fang le General que le Roi reus avoit donne. Monfieur, je crois devoir vous apprendre a mon tour , que le Curateur a la m^moire du Comte de Lally a parl^ en pleine Audience du Bataillon de I'Inde avec le dernier mepris j qu*il a peint aux yeux du Parlement&du Public, ce Corps Militaire, qu'un def- cendanc du brave Crillon s'honore d'avoir commands , comme une Troupe fans valeur &: fans difcipline , donnant Texemple a toutes les autres de la lachet^ devant I'ennemi, & de I'infubordination devant le General : mais, fur ce point , comme fur le premier relatif au Confeil , le voila confondu encore par votre Lettre. Monfieur , le fang de Crillon coule dans vos veines : je vous fupplie par ce fang g^n^reux , je vous fupplie fur Yotre honneur , de me dire fi vous croyez qu'il foic permis au Ddfenfeur du Comte de Lally, meme de conjeclureir que mon Oncle &: le Confeil ayent jamais penfe a faire arreter le General? Sur quel fondement vous ie croiriez?Si vous croyez, par exemple, que la propoficion du Tanjaour puifTe etre attribute, meme indirecT:emenc, foit au Confeil, foit a mon Oncle, 8c fur quel indice vous afTeoiriez cette opinion? Je vous fupplie , dis-je, Monfieur, par votre nom, par votre loyaute , de ne rien taire a ce fujet, & d'acca- bier, s'il le faut, mon oncle 8c moi fuus le poids de la v^ritd. Ma Caufe exige que je publie ma premi6'e Lettre, la votre ^ celle-ci j j'ai I'honneur de vous en prdvenlr. Et pour vous mettre a port^e de fixer votre opinion fur le Commlflaire du Roi & le Gouverneur de Pondlchery, permettez-moi, Monfieur, de vous adrefTer un Exemplaire de ieur correfpondance. J'ai Phonneur d'etre trcs-parfaitement , Monfieur, votre trcs-humble 5c tres-obei/Tant ferviceur. 5z^/2e , D'EPReMESNIL A Oioii^r-la-Fcnihe , /^ lo Juin lySo, De M. It Chevalier de Crillon a M. d'primefnil, le I ^ Juin 1780. J'AI re(^Li 5 Monfieur , en arrlvant de la campagne , la Lettre que vous m'avez fait Thonneur de m'ecrire , ainfi que le Memoire qui contient la correfpondance. Vous me preffez pour fc^avoir ce que je penfe fur la- propoficion qui me fat faite, au Tanjaour, d'arrcter M. le Comte de Laily. Je veux bien me rendre a vos prefTantes inftances. Eli bien , je vous jure fur mon honneur , que je crois fermement , que fi j'eulle accueilli la propofition, le reve de Pliomme obfcur fe feroit rdalife. J'ajoute a cette adertion que , bien loin de me permettre aucune reflexion a ce fujet, j'en concus une fi grande horreur, que je m'in>- pofai , dans le moment, la loi de ne jamais en parler dans rinde , 6c que je ne cherchai point a fuivre le fil de cet abominable complot , qu'il m'eut ^te alors trcs-facile de trouver. Voiia la verite que vous m'arraches. II n'eft pas pcrmis dc mentir , mais il eil: permis de fe taire^ la veritd, iK)us ne la dcvons qu'aux Juges, notre opinion a nos amis: vous avez la libertd de me faire ^andoient ees Troupes au Tanjaour lui repondront pour Cii 2 inol. Sera-ce aux Troupes da Roi attachdes a la Compa- gnle, c'eft-a-dire au bataillon de I'lndc ? M. le Chevalier de Crlllon qui s'honore d'avoir commande ce bataillon , qui comptoit fur lui pour d^fendre le General, &: qui me i'a ^critjl'a veng^ d'avange de cette injure, auffi bien que des reproches d*infubordinanon ^ de lachetd fairs en pleinc audience a ce corps irr^prochable par un jeune imprudent a qui Its calomnies ne coutent nen. Entin , fera-ce au Confeii de Pondlchery, ^ par conf^quent au Gouverneur qui le pr^fidoit ? fans doute. Et telle eft en efF2t I'alTertion de M. de Tolendal. Or cetce afTertion , Monfieur le Chevalier , il ofe Pavancer a I'abri de votre nom. Daignez done la dd/avouer , ou Tautorifer nettement. Je croyois, Monfieur, avoir lu ce ddfaveu dans ces pa- roles de votre Lettre du 5 de ce mois, Je n'ai point Jit que le Confeii de Pondichery nUavoit propofe de jaire arreter M. de Lally. J'ai dit que cette propofition m'a ete faite pendant k (lege de Tanjaour par un particulier ^ dontfai meme ouhlie le nom La propofition d\m particulier dont le nom meme ne vous a point frappe m'efl: tout-a-fait indifF^rente. Mais voici qui ne I'eft pas. Je n*en inflruifis jamais le P^re ^ ajoutez-vous , Monfieur, dans la meme Lettre, ye I'ai dit au Fils , & en verite le fils du Comte dc Lally a bien pu Je permettre des conjeBures. Je crois lui devoir de lui communiqucr votre Lettre & ma reponfe. Sur cela, Monfieur, voici comme j'airaifonnd, & comme je penfe que tout autre eut raifonn^ a ma place. On pro- pofe a M. le Chevalier de Crillon de faire an iter M. de Lally. M. le Chevalier de Crillon n'a point dit que cette propojition vint du Confeii de Pondichery. Mais il croit qu*en vcritd le Eils du Comte de Lally a bien pu Je ptrmettre des conjeUurcs. IT 11 me declare fon opinion^ a moi^ ntveu & difenfeur du Prtfi- "^ dmt dc ce Confeil^ & la communique au curateur du GeneraL Done M. le Chevalier de Crillon paroit autorifer par fon opinion^ au moins les conjectures de ce curateur : done je dois demander a M. le Chevalier de Crillon fi telle e/l fon intention , & fur quoi elle ejl fondle, Tel dtoit, Monfieur, Pobjet de mes prefTantes inftances. Je crois avoir eu I'honneur de vous les expliquer tres-clai- rement. Que M. de Tolendal conjedure a la faveur de votre opinion contre qui bon lui femblera, pourvu que ce ne foic pas contre mon Oncle &: le Confeil , fes conjectures me font indifFerentes. Mais qu'autorife par vous , il rende mon Oncle & le Confeil fufpects d'un complot contre le General, voila ce que je ne dois ni veux foufFrir, voila le point fur lequel j'ai du , Monfieur, vous demander un eclairci/Tement, voila I'objet de mes inftances. Enr^ponfea ces inflances, vous m'adreftez votre opinion particuliere, fans la motiver, fur la propofition du Tan- jaourjvous me parlez d'un complot abominable dont vous ne clierchates point a fuivre le fil , qu'il vous eut ti alors tres- facile de trouver: que telle eflla verite^ & que jevous I'arrache; expreflion tres-precieufe pour M. de Tolendal, fi je veux le laiffer faire. Enfuite vous me declarez que vous uferez dor^navant du droit de ne pas rdpondre a mes quellions. Je vous ai pri6 d'accabler, s'il le falloit, mon Oncle 6^ moi fous le poids de la v^rit6j vous me r^pondez a cela que, je vous connois mal^ o^t^fi vous pouvie:^ le faire ^ vous vous y refuferiei. On pourroit en conclurre que vous ne pouvez done pas le faire. Mais vous femblez , Monfieur, avoir voulu m'oter le droit de raifonner ainfi par le pofl" fcriptum de votre lettre , ou vous me dites, lorfqueje vous nfufe mes reflexions & mon opinion yje vous avertis que voui aurie^ grand tort I'en tircr aucun avafitage pour votre caufi ^ tc vous iinilTez par nVannoncer que vous allez faire palTer votre reponfe &: ma lectre a mon Adverfaire. , La conclufion de tout cela, Monfieur , eft evidente, C'eft que vous autorifes centre mon Oncle 6c le Confeil Iqs corjeclures que vous croyez permifes a M. de Tolen- dal fur la propo/Ition du Tanjaour. Non-feulemenc vous les autorifes, mais vous les dirig^s j non-pas, il eft vrai^ d'une maniere auffi nette que f avois lieu de I'efp^rer , mai$ de faqon a ne pas ra'y m^prendrc. Daignez , Monfieur , me fuivre. M. de Tolendal plaide exprefTement que le Confeil de Pon- dichery a voulu faire arreter le General Lally , be le traiter comme celui de Madras a traite Lord Pisot. II vous invo* que a I'appui de cette affertion. Je fbutiens que cette afTer- tion eft une calomnie , qu'un defcendant du brave Crillon ne I'affirmera jamais , que je vous adreiTerai mon Plaidoyer. Je vous Tadrefle purement & /implement , fans vous faire , Monfieur , de queftions. Vous m'ecrivez de vous- meme , que , vous n'ave:^ pas dit que le Confeil vous cut propofi d^e faire arreter M. de Lally ^ mais qu'en v trite f on fils avoit hien pu fe permettre des conjectures , & que vous lui envoy ej votre Lettre & la miennei premiere preuve que vous autorifes zs conjedures. Je I'ai fentii j'ai cru devoir vous demander I'explication nette 6c precife de cette phrafe a regard du Confeil & de mon Oncle: fi vous autorifiez en efFet ces conjedures, &, fur quel fondemenc? Vous me dites que vous allez rdpon- dre a mes inftances. Mais, fans le faire diredement, fans inculper claircmenc men Oncle nile Confeil, fans me don" iier aucan motif de votte opinion ,1^0 us me parlez en ter- mes vagues d'un complot abominable que vous auriez pu > dans le temps , mais que voiis n'avez pas vOuIu eclaircir : apres quoi, comme ayant quelque regret pour moi a cette confidence , voild , me dites-vous , la veriu que vous niarrci- du:^, Cette expreilion , Monfieur , jointe au refus de me repondre cathdgoriquement fur mon Oncle &: le Confeil , ne couvr^ pas A^% v^rites indiiF^rentes ou precieufes a la memoire que je defens : elle vient done a I'appui des con- jedlures que vous croyez permifes a M. de Tolendal , & qu'ii va, lui, jufqu'a changer en aiTertionsj feconde preuve, que peu content d'autorifer ces conjectures, vous les dirlgez contre mon Oncle. Vous prier d'accabler , s'il le falloit, mon Oncle 6i.moi fous le poids de la v<5rite, c'efl: vous connokre mal. Et vous vous ecriez, qudk propofition/ Tofc^ Mon fiQiir , m'ccrier a mon tour , quelle r^ponfe ! Vous m'avez mal connu , Monfieur le Chevalier , fi vous avez penfe que je m'en tiendrois a I'obfcurite de vorre Lettre abandonnee aux commentaires de M, de Tolendal. Je crois me connoitre en honneur. Si je vous avois prie d'accabler gratuitemenc un tiers fous le poids de la verier, J'aurois eu tortj mais vous la demander contre moi-meme > vous la demander contre une memoire inft^parable de ma perfonne, c'etoit, Monfieur, le procede d'un homme sur de fon fait , qui nc Youloit point de menagement , parce qu'en efiet il ne crai- gnoit pas la verit^. Je ne la crains pas aujourd'hui plus qu'avant ma premiere Lettre , Monfieur le Chevalier. Vous ne m'avez pas repondu que la. veritd ne vous donneroit pas le moyen d'accabler mon onde &. moi, mais que Thonneur vous le d^fendrcv't. II femble que fi vous ne nous accablez *4 pas, c'efl: pard^Iicateffe, & non par juflice. Ainfi , aprej avoir permis a M. de Tolendal , au moins dts conjectures fur un complot qu'il impute a mon Oncle, vous accordez a celui-ci de fimples menagemens qui laifTent des nuage^ fur fa memoire ) troifi^me preuve que vous autorifez, que vous dirigez ces conjectures concre mon Oncle. C'eft peu , Monfieur : vous craignez que je ne me fafTe un titre de cqs menagemens eux-memes : 8c vous m'aver- tiffez ^ue j'aurois grand ton den tircr aucun avantage pour ma Caufe , & cet avertijfement fera communique par vous a M. dc Tolendal. Ici, Monfieur, la demonftraiion ell complette. Vos intentions ne font plus un myftere. Je me crois d[fpznf6. de les developper : elles fautent aux yeux. Votre opinion, ces vdrit^s que jevousai, dires-vous , arrackces ^ cette reponfe obfcure a des inftances auffi claires que preflantes , ces me- nagemens envers mon oncle & moi , cette attention de m'oter les avantages que je pourrois en titer, tout, jufqu'a votre principe qu'il ejl permis de fe taire , tout , dis - je , prouve demonftrativement que vous ne permettez pas feu- lement a mon Adverfaire des conjectures , mais que vous les autorifez, que vous les appellez, que vous Its dirigez contrc mon Oncle & le Confeil. Vous le voyez , Monfieur, j'aborde fans ddtour le point de la difficulte. Je ne veux ni la diffimuler , ni I'afFoiblir. Je ne ferme pas les yeux a la lumiere , mais il eft temps que cette lumiere ferve a ma Caufe. La v^rite, me dites-vous, Monfieur , eft fimple. Oui , afsilrement. Auffi vais-je reduire cette longe Lettre a fix propofitions tres-fimples & tres- precifes. M. de Tolendal a calomnid mon Oncle & Ic Confeil , en ^5 en les accufant d*un complot centre le Gdn^ral Lally; pre- miere propofition. M. de Tolendal a compromis le nom de M. le Chevalier de Crillon , en i'invoquant d I'appui de cette calomnie j feconde propoficion. M. le Ciievalier de Crillon non-feulement permet i M. de Tolendal des conjedures fur ce complot, mais meme il autorife , appelle , dirige ces conjedures centre mon Oncic & Je Confeil 5 troifi^me proposition. M. d'Epremefnil eft: perfuad^ que M. le Chevalier de Crillon ne parle & n'agit point fans s'y croire autorife par qcrv?es motlfs^ Mais il penfe que M. le Chevali:r de Crjlioij ne doit pas taire ces motiFs , puifqu'cn les taifanr, il rendroir lufpecl un homme irreprochable. Sur ce point, M. d'Epremefnil s'en rapporte a la loyaut^ de M.de Crillon, quatri^me proportion. Quand M. le Chevalier de Crillon aura public ces motifs, M. d'Epr^mefnil s'engage a les detruire tous , jufqu'au der- nier 5 cinqui^me propolition. En attendant, M. d'Epremefnil declare que M. de Leyrit & le Confeil n'ont jamais complete centre le G^n^ral Lally, que la propofitien du Tanjaeur ne peut pas leur etre attri- bute , meme indiredement : qu'il n'eft: pas meme permis A M. de Tolendal de le cenjedurer : que M. le Chevalier de Crillon lui-meme ne peut donner aucun motif bien fondd a. I'appui de ces conjeduresj & M. d'Epremefnil refufe i cet ^gard teute efp^ce de m^nagemens. Sixidme 6c dernierc propofitien. J'ai Phonneur d'etre, Monfieur, votre tres - humble 6c trw-ob^iilant ferviteur. Signc, D'EPREMESNIt, D Dc M. h Chevalier de Crillon a M, ipremcfnil. :. Paris ^ h premier J uilUt 1780. J'ARRIVE, Monfieur^ de la campagne^ 611 j'ai pade hulc jours, & j'ai I'honneur de vous rdpondre. Vorr^ ptemiere plainte porte fur que je n'ai pas rcpondii dairemenc fur M. votre Oncle & fur le Confeil de Pondi- chery 5 mais vous n'avez pas voulu voir dans ma reponfe qu'il fefoic a moi aulli injufte, que terheraire,d'inculper, ou de difculper. Une feule reflexion , qui, quoique tres-fimple, vous eft echappee , au milieu de routes celles qui vous ont frapp^ , fervira de rdponfe aiix fix propoficions q^ui rermi- nent votre Lettre , & qui forte I'extrait des fix pages qui la: compofent. De la j'entrerai dans I'examen de mes plirafes,, dont vous avez fait des chainons bien artiftement enlaces :- je vous prie de me fuivre. . Vous me demandez pofitivement fi Ton m'a propofe d'arreter M. de Lally [a) : je r^ponds que oui. Vous me dites^ cjoe le fil's de M. le Corhce de Lally a plaids que c'etoic le Confeil de Pondichery qui avoit form6 ce projet : Je vous reponds que c'eft un particulier , dont j'ai m^me oubli(^ le nom , qui m'a fait la propofitian. Vous exigez enfuite -que je'Tou^s dife fi je penfe que M. de Leyrit 6c le Confeil ont e\i part a cette propofitlon, & fur qu'elles preuves je pour- rois alT^oir cette opinion. Je vous rdponds que j'en ai concu une fi grande horreur, que jc me fuis impof^, dans le mo- ment , la loi de n'en parler a perfonne d'ans I'lnde. Si je fd) Cc n'efl point la cc que j'ai deraande a M. de Crillon ; mais bien , fi la prc- pofuion d'arreter M. de Lally pouvoit etre attribace au Confeil. Cette ptopohtioM- m'eteic indifFercnts , pourvu ^u Ic CoBfeil o'en fut jpas accufe. ^7 *cn ai parle a perfonnc , je n'al pas pu m'Inflruire i pre- miere & facile reflexion {a) : J'ajoute que je n'ai pas voulu fliivre le fil de cec abominable complot , qii'il m'cut ^cc alors tres - facile de troiiver. Seconde 6c facile reflexion : fi je n'ai pas fuivi ce fil , j^ ne I'ai done pas j fi je ne I'ai pas, je fuis dans rimpbflibilite exade de vous inflruire (5} : Si je fuis dans cctte. impoffibilic^, je vous ai r^pondu cathego- riquement (c): Si je vous ai repondu cathegoriquemenc,, (a) P^s fi facile. Le raoyen, en cfFet , dedeviner cette ignorance abfolue de M. de Crillon fur un complot , qui , fans lidfeferoit realife, il I'a juge ainfi , & melc jure fur fon honneur j dent il auroic pu tres-facilement trouver le fil , il I'a juge aiafi, & ine recrit avec candeur j qu'il qualiiie avec reflexion d' abominable , il I'a juge ainfi , & vingt lignes plus bas me le repcte avec humeur ! Un complot fi bien apprecie eft-il un myftere pour cclui qui le jage ? Il pourroit bien fe faire que la tioi{iein,c Lettre de M. de Crillon efFa^at les couleurs employees dans les deux premieres. Voyons, & choififlous, nous qji ayous Je droit : Je ro'en tiens i la troifiemc, qui porte en elle-racme tous les caraderes d'une profonde meditation. Par cet!;e Lettre., Boas apprenons que M. dc Crillon n'a pas pit s'inflruire , fur la propofition de i'homme du Tanjaour. S'il n'a pas pu s'inftruire , s'il ne s'eft pas inftruit , done il u'a pas pu f^avoir ,fi cette propofition cachoit iccUetnent un complot abominable : done il n'a pas pu f^avoir fi ce complot fe feroit realife : done il n'a pas pu fcavoir s'il eto.it fort aife iCen [trowver le fil. -Je crois plus que jamais avoir bien fait , eA qualifiant cette propofition de rive d'un komme .obfcur. _ta polhcHe .Si. la raifon m'fji faifoient cgalement la loi. (b) Si je n'ai pas fuivi ce fil , je ne tdi done pas Cela eft vrai. Si Je ne tai pas , je fuis dans I' impojji biliti cxaHe de vous infiruire A la bonne :heute j mais convcnez auffi que vous etes dans rimpoflibilite ex2<5le d'autorifer, feus le nom de conjectures , par une phrafe equivoque , rafiertioii calomnieufe 5c nuifi- Jbie a raon Oncle , fur laquelk portoit ma premiere Lettre. f{c) Catkegoriquement .' Point do- tout j & ma preuve, eft que vous et^s en^n pblig^ vd'expliquer dans cette Lettre trois de vos phrafcs , en avouanc , au moins poar une , qu'elle a befoin d'explication. Une explication eft - elk necclTaire poi r des reponfes.cathegoiiqaes ? Je n'afois done pas tort de vous demaudcr dcs eclcirciflc- ments. La phrafe que vous explique;^. la premiere eft (preciftment celle , Uiofc tres- lemarquable ! qui m'a forc^ a vous entire ma feconde Lettre. On voir i;i , days elle de.M.-deCrillon , un inela!>g?;d'humeir ,. d' equivoque, & de loyautd , le, tout prime en ftjrlcs diffcients : la loyautc eft furcmecc de M. de Crillon. Dij vous avez done tort de vous plaindre , encore plus de tort de commenter, d'ofer toire , d'ofer r^pdter que j'appelle , que j'autorife , que je dirige la marche du D^fenfeur du Comte de Lally. Convenez , Monfieur , qu'avec de la fim- plicic^ & un peu de bonne logique, on ^chappe quelquefois aux tournures dangereufes de I'efprit. Je vais maintenant m*occuper de r^habillter mes phra- fes ) j'avois bien prdvu leur malheureufe deftin^e : vous leur cherchez a chacune un fens particulier : vous en fakes cnfuite un enfemblc general j vous les diftill^sj vous forcez tous les refTorts , vous ra'aiTujettiffez a y rappeller le fens naturel que vous avez ^cart^ j vous m'obligez enfin a unc profeflion de foi. Je vous Penvoye , Monfieur, pour vous^ & pour tous les Ledeurs que vous m*annoneez. Premiere Phrafe : Le fils du Comte de Lally a ly.en pu ft ftrmettre des conjectures, Je declare que c'efl a {sl caufe en gdn^ral que j'ai appli- que cet axiome, he point du tout au fait particulier, done vous me demandez Pinftrudion. Je n*ai parl^ des conje- dures que comme d*un ufage immemorial dans toutes les difcuflions j ufage conftamment pratiqu6 contre fon Pere > & dont vous venez de lui donner un grand exempic dans votre lettre, enti^rement conjedurale. Les conjedu- res d*aillcurs peuvent bien afFoiblir ou fortifier les preu- ves , mais elles n'akerent jamais la marche invariable des faits. Seconde Phrafe : Veila la veriti que vous m*arrachei, J'avoue que je vous dais une explication fur celle-ci : elle fcra Ample i I'avcis die aM.de Lally , en converiation fans aucun ^9 autre detail(t2), que I'on m'avok propof^ d'arreter fon Pere. Lcs details que je vou.s donne de plus , la qualification de eomplot abominable, voila ce jue j'appelle la vdrit^ que vous m*arra- chczj cette v^rit^ fe renferme uniquemenr dans ces bornes , & vous ne pouvez pas la propager au fbutien des vues que vous me pretez , ni les faire fervir au profit des conf^quen- ces d^plac^es que vous en tirez. Troifi^me Phrafe : Si Je vous refufe mon opinion & mes reflexions , vous aurie^ grand tort d!en tirer aucun avantage pour votre caufe. Pour celle-cl , je declare que je la rends totalement commune a M. de Lally & a vous. Vous en avez fait une d^monftration dans votre fiftemejj'en fais un ade authen- tique de neutrality , &: je protefle contre toutes les inter- pretations que vous vous etes permifes. Tout , jufqu'a un fentiment d*honnetete pour vous & pour M. votre Oncle , que j'ai exprime dans ma lettre , vous le tournez d'une maniere d^fobligeante pour moi. En vdrite, Monfieur d'Epr^mefnil , vous avez mis bien de Part a brillanter dit,s pierres fauffes. J'ai I'honneur d'etre, Monfieur , votre trb-humble ^ tres-ob^ifTant ferviteur. Signe^ Le Chevalier de Crillon. P, S. Quoique votre Correfpondance me parut cres- agr^able dans toute autre circonflance, elle m'efl fi a charge {d) Sans aucun autre detail I Ccpcndant Ic fieur Tolcndal fe permet des details >, inculpe mon Oncle & le Confcil ^ a I'Audicncc, diredlemcnt j indifC(lcment dans foa Plaidoycr imprim^ , & toujours fur la foi i% M. dc Ciilleft. 3 dans celle-ci, que je vous prie de la fairc ccfTer. JVi I'hon- nciir de vous pt^venir que je ne vous repondral plus , &c je ne vous donne cetce afTurance, que pour ne pas marker Je reproche d'impolkeile que vous Teriez en droit de me falre. Je fais pafTer votre Lettre &c ma reponfe a M. Ic Comte de Lally , (tlon la convention que j'ai prife avec vous 5 dont vous m'avez remercie. )e M. d'i^premifnil^ a M. k Chcvalur dc Crillon. Pans , U 1 JuilUt 1780. T_e Public decidera, Monfieur, fi j'ai trop ofe. li decidera fi , pouvant trouver facilement le fil d'uH Gomplot abominable forme contre M. de Lally , votre General , le repri^fentant du Roi , vous avez du ne pas le fuivre, laifTer le General pendant deux ansjdansl'ignorance dts dangers qull couroit j au milieu de fes ennemis 5 6c taire ce complot, dans I'lnde , a M. de Lally, General j en France, a M. de Lally, accufe , prifonnier, & fur-tout a la Juftice, pour en faire long-temps apres^le fujet d'une trifle & tardive confidence au Curateur a la Memolre dc yotre G^n^ral condamne. Au furplus, Monlieur, je trouve votre derniere Lettre plus fatisfaifante que les premieres, parce qu'elle efl pluj claire, ou pour mieux dire, moins conjeclurale. Quant a I'ujagc dcs cofijcclures conflammcnt pratique ,{t\on vous, Monfieur, contrt k General Lally ^ je renvoye cttt^ phrafe a ceux qu'elle concern e dans votre efpric , 6c je )4ie difpenferai de \qs nommer 6c de lesdifculper. Ne ditcs pas, Monfieur, que ma derniere Lettre eft 5^ conjecliirale. PermetteT.-moidevous Ic rappeHer. C'eft voiis qui Formezdes conjectures, &; c'eft moi qui les detruis. C'efl moi qui vous declare tres-affirmativemenr, 8c j'ai Thon- neur de vous le rep^ter, que perfonne au monde , pas meme vous, Monfieur, ne peut former raiionnablemenc fur cette proportion f^ditieufe du Tanjaour , des conje- ctures qui nuifent au Confeil de Pondichery,a mon Oncle, a ma Caufe. J'ai I'honneur , Monfieur, de rdpondre a vos raifonne- ments , je me tais fur le refte. Notre Correfpondance pourroic degenerer en une guerre de plume 6^ d'efprit, & je vous jure , Monfieur le Chevalier, que ce n'a jamais ete mon projet. J'ai I'honneur d'etre, Monfieur, votrc trcs-humble dc tres-obeilTant ferviteur. Signe^ D'EPR^MESNIL. J-^IRAI-JE maintenant pourquoi je n'ai pas public cette Correfpondance ? &C tout Le<5leur honnete ne le verra-t-il pas bien fans moi? ne verra-t-il pas que j'ai facrifi^ au defir de menager la gloire de M. deCrilion,Ia refolution prlfe, d^ns le premier moment, dc livrer au grand jour notre Corref- pondance, & I'infaillibleavantage de confondre mon Adver- faire fur le fait important du complot qu'il imputoit au Confeil de. Pondichery , prefide par mo Oncle , contre le Generals Mais M. de Crillon n'en veut pas, de ces menagements. Malgr^ fts proteftations de neutralite, il s'eft conduit en aliie du fkur Tolendal ; m'a-t-il fait part de Cqs Lettres a. 3* ceiiil-ci ? m'a-t-il fait part des reponfes ? non. II me I'avoit pourcantpromis. Jc crois devoir, m'a-t-il die, dans fa r^ponfe du 5 Jain 1780, communiquer au fits du Comtc de Lally votrt Lettre & ma reponfe ^ & je m'engage d la meme demarche envers vous , en pareille circonjlance. La circonftance n'eft-eile jamais arrivee ? Le fait eft que M. de Criilon ne m'a rien commu- nique II n'a done rien recu de la part du fieur Tolendal ? Quoi ! Pas une ligne ? Pas un mot ? Ni de remerciment , pour fes communications , ni d'envoi , pour les ohjervations^ Si mes Lettres au Chevalier de Crillon &: fes rf^porfes intereftbient mon Adverfaire, les obfervations de ceiu. -d fur ces memes Lettres & ces r^ponfes m'inrereiloient a mon tour : Si la delicatelTe de M. de Crillon le portoit a commu- niquer notre Correfpondance au fieur Tolendal , 11 me fem- ble que la meme delicateffe auroit dii le porter a me com- muniquer le Commentaire fur cette Correfpondance ,quel- qu'humeur qu*il eut con<^ue de ma derniere Lettre. II arrive pourtant que ce Commentaire court Paris & les Provinces, fans venir jufqu'a mol. Apparemment que M. le Chevalier de Crillon &; moi fommes les feuls qui n'en avons pas requ un Exemplaire.Dois-je le croire? On m'a die que {qs Lettres au defenfeur du Gdn^ral Lally, en lui faifant pader les miennes & \ts r^ponfes , refpiroient une amitid foederative 3 a la bonne-heure. J*ai mes Allies auffi: qui font la verite,ramour des miens, le m^pris de Pintrigue , la haine des traitres , la loi 6c le temps. J'efpere que la Juftice fe fera raifon un jour a elle-meme *de ces intrigues & de ces traitres. Sa voix incorruptible a d^ja deconcert^ plus d'une manoeuvre, Quant a moi, je confens que fur mes propres Lettres au Chevalier de Crillon, 6c fur les fiennes comparees a fa dd- pofition, n 33 portion , on prononce entre lui & le (leur Tolendal d'uM coc^ , & moi de I'autre. Prenons la Lettre de M. de Crillon du ij Juin 17S0:// s'e/l trame au Tanjaour ^ contre le Gene- ral Lally ^ un complot abominable^ dont il cut he alors tr^S' facile au Chevalier de Crillon de trouver le fil '- Prenons fa d^pofition : II y parle , fort en detail , de I'exp^dkion do. Tanjaour, Sc n'y dit pas un mot de ce complot abominable. Aiiroit-il oublie la verite dans fa depofition ? L'auroit-il exa- geree(^) dans (ts Lettres? Koila la verite que vous m'arrachei^ m'ecrk M. de Crillon , dans la meme Lettre : il nefl pas permis de mentir ; mais il ejl permis defe taire. La verite , nous nc la devons qu'aux Juges , notre opinion a nos amis ....... La VERITi ^ NOUS NE LA DEVONS QU' AU X JuGES I Eh ! devant qui M. le Chevalier de Crillon etoit - il done le. Vendredi premier Mars 1 7^ 5 , huit heures du matin , en la Chamhrt de I'idit^ quand il depofoit , apres avoir pretc ferment de la dire , cette vdrite ? Du Val d'Epremesnil. P. S. Tandis qu'on travallloic a Pimpreffion de ce M^noire, II m'eft enfin tombe un Exemplaire des Obfervations dans les mains. Cell: un Libelle afFreux j ma Reponfe eft faite , on I'imprime, elle forme un Supplement qui fera diftribu^ ibus peu de jours. Mais je n'attendrai pas meme ce peu de jours^ pour demander juftice d'une double infidelity com- mife dans I'Edition que mon Adverfaire a donnee de ma Correfpondance avec M. de Crillon. Ces infidelites tombent fur ma Lettre du 10 Juin 1780, , {tf) OuUU^ cxagere, J'aurois Youlu croHfef 4cs ccrnes eacoie plus doux. E 54 qii'Il a pld Li mon Adverfaire, d'imprimer, je ne fcals pour- cjiioi, fans la datcr. II eft vrai que cette omiffion n'a rien de criniincl > eile proiive feiilemenc iin pen de negligence. Paf- fon:;, cC venons a rinfidelite. Dans ccrrc Lerrre du lo Juin 1700, le Ledeur, s'il a compare nion Eaii'ion a ceJIe de mon Adverfaire , aura re- marque un paragraphe , qu'il .me pardonnera ncanmoins de remerrre encore fous fcs yeux : tant il eft neceftaire de prouver jufqu'a I'evidcnce, les infidelitds , dc de dctruire jufques dans la raclne, les imputations, de mon Adverfaire f Voici done ce paragraphe, tel qu'il eft figure dans la Cor- tefpondance originale: . , , . ct J<^ <^is plus. Vous compxiez, Monfieur , fur les.SoIdats du Bataillon de I'lnde pour dcfendre Je General. Vous rcpondites, 6c vous me faites I'honneur de me I'appren- >5 dre , ^ue tant qiiil reflcroit des hayomuttcs & des Soldats du 53 Bataillon de tinde , que vous avie:^ I'honneur de commander 53 alors , vous difcndrie^ jujqua la dernicre goutte de votre fcing ^1 le General que le Roi vous avoit donne. Monfieur, je crois 55 devoir vous apprendre a mon. tour , que le Gurateur a la ssmemoire du Comte de Lally a parle en pleine Audience 55 du Bataillon de I'lnde avec le dernier meprisj qu^il a peint 53aux yeux du Parlement &: dii Public, ce Gdfps Milit^ire, 33 qu'un defcendant du brave Grillon slionore ;d*avorr com- 33 mandd, comme une Troupe fansvaleur 2c fans difcipHne, 53 donnant I'exemplc a tous les autres de la lacliete devant 53 1'Ennemi, &: de I'infubordination. devant le General : mais 53 fur ce point, comme Tur le premiei:, felatiF'a.u'Conreil , le 33voila confondu encore par votre Lettre'^. C'eft fur ce paragraphe , figure ici , je le repete , comme 35 dans la Correfpondance orlginale , que mon Adverfaire a comiiiis deux infidelit^s dans Ton Edition. La premiere , ell: de I'avoir coupe en deux paragraphes diftlncts , dont le premier eft terming par ces expreflions , que le Roi vous avoit donncy & le fecond , bien detache , commence par celies-ci: Monpeur ^ je crois devoir vous ap'- prendre a mon tour ^ imprimees par mon Adverfaire en leccres majufcdes, de maniere a provoquer I'acrention, a fixer le jugemenc du Lecleur en depit de lui-mcme, fur les vues que mon Adverfaire alloit m'imputer, au moyen de I'afFec- tation fuppofee de ma Lettrre. En efFec , de cqs expreffions , Monfieur , Je crois devoir vous apprendre a mon tour ^ denaturees par la feule maniere de les imprimer , mori Adverfaire concluc que j'ai voulu le mettre aux prifes avec le Chevalier de Crillon. Je protefte de routes les forces de mon coeur contre cette abominable confequence j &: j'efpere que ceux qui liront attentivement toutes mes Lettres a M. de Crillon, depuis la premiere ligne jufqu'a la dernicre , ne me foup(^onneront pas d'une penfee aulli lache. La verite eft que ces mots , Monfieur^ je crois devoir vous apprendre a mon tour ^ dc Its phrafes qui fuivent , font pai;tie du paragrapheye dis plus , dans la Correfpondance originalej &; la , ils font places fans afFedation, parce qu'ils avoient ete concus fans mauvaife intention. Mais ce n'eft pas tout. J'avois un delTein en ecrivant ainfi i M. de Crillon. C'etoit de refuter par fon temoignage toutes les horreurs que mon Adverfaire avoit d^bitees a Rouen centre le Bataillon de I'lnde^ 6c dont il croit aujourd'huife Eij 3^ dlfcuip^r, en nommant avec doge qucIques-uAs des Officiers de ce brave Corps. Or ce deflein, comme il ^coic dans men coeur,iI eft dans ma Lettre , &: ma plume I'a exprim^ par ccrte phrafe qui termine le paragraplie: Mais ^ fur ce point ^ comme fur le premier , relatifau Confeil^ Ic voild confondu encort par rotre Lettre. II eft clair par la, que I'ld^e du Bataillon de Tlnde injuf- tcmenc decrie par mon Adverfalre , s'uniflant dans mon efpric \ celle du Confeil-Superieur qu'il avoir calomnid , je prolicois de roccafion que m'ofFroit le c^moignage de M. de CrIIlon fur ct^ deux Corps, pour rendre a Tun, en paflant,. riiommage qu'il m6'itoit , apres avoir juftifie Tautre par le" meme r^moignage. Qu'a faic mon Adverfaire ? Le voici j c'eft la feconde in- fjdeliti. II a, tout franchement, fupprime dans Ton Edition la phrafe , maisfur ce point comme fur le premier ^ &c. Apres quoi il s'emporte, 8c de la meme explofion , me jecce a moi les imputations les plus atroces , & les proteftations les plus^ tendres a M. de Crillon. J'ai voulu , de bonne foi , trouver une excufe a cette infid^- lite ) mais il n'y a pas moyen, & voici le comble. Apres avoir fupprime ma phrafe toute entiere nour fonder fon accufa- tion^ mon Adverfaire prend occasion de cette meme phrafe , fans toutefois la rdtablir , pour d^crier le Bataillon de I'lnde. Cette phrafe dtoir done fous fes yeux Ml la voyoit, quand il la fupprimoiti Ce n'eft pas un oubli! Quelle infidelite ! En fiit-il jamais de plus reftechie ? Eh-bien ! je ne doute pas qu'un' jour mon Adverfaire ne dife : Ce{l une ejreur de Cophjh ou iClniprimeur, Ainii I'on a r^^ponfe a tout. Falffions toujours y. Li Correfpondance tronqucc fcra lac i k coup J era porti ; la. 37 tahmnie aura fait fcs pr ogres ^ & , quandnous ferons dimafquis ^ nous verrons a trouver un autrt coupahU. Ce raifonnemenc eft tout - a - fait loyal ! Cettc marche ell: r^ellement d'un liomme sur de fa caufe! Cette maniere annonce vifiblemenc rinnocence & la, v^rke! Et, comme fi quelque PuifTance eniiemie de mon Adver- ^ire Pavoit condamne a ne plus rien ecrire d'abfolumenc exact ! Apres avoir falfifie ma Lettre , en fupprimanc une phrafe entiere, il denature fon propre Plaidoyer , en y fuppofant ce qui n'y efl pas j la preuve de cette v^rite ne' fera pas longue. On a vii que M. de Crillon m'a donn^ coflnoiflance de fa rdponfe a I'homme du Tanjaour , dans fa Lettre du j Juin 1780. Dans la mienne du 10 , au paragraphe divife in- - jSd(^lement, & plus infidelement tronque par mon Adver- faire , fon Imprimeur ou fon Copifte , j^ai cite tous les mots de cette r^ponfe , qui de/igne nommement le Bataillon de rinde 5 comme ^tant Tunique efpoir de M. de Crillon , & la derniere refTourcedu General. Mon Adverfaire^de fon cot^ , obferve en marge qiiil a plaide mot-a-mot cette reponfe de M^ de Crillon. Cela eft un peu fort. Voici les propres termes de fon Plaidoyer reimprimc^ par lui-meme, en tete de {on Edi- tion de ma Correfpondance avec M. de Crillon Si ce Crillon , qui exifle , Mejjieurs , rieut pas declare avec le toil qui lui convenoit , que tant quil auroit une goutte de fa.ig dans fes yeints , & une hayonnette dans fa Troupe , il dtjendroit fon General Eft-il queftlon dans ce pafTage du Batailion dc rinde ? Apprenoit-il au Lecteurque le Bataillon de I'lnde ^toit cette Troupe fur laquelle M. de Crillon comptoit fi leraiemenc ? Cette remarque paroicroic mimitieuie a dts 38 Leaeui's Inattencifs. Mais qu'on dalgne fe rappeller tout' cc qa'a die mon Adverfaire, d'odieux, demeprilanc, da Batail- lori de rinde , & Ton fentira c]ue ce n'efl ni fans motif, ni par diftraclion , qu'il a pafTe, en plaidant, en Impriinant , fur la nom de la Troupe^ dont le courage &: la fidelite flii- foient tout Tefpoir du Chevalier de Crillon. Le Batailion de I'lnde n'a pas befoin d'un defenfeur tel que moi : mais puis-je etre infeniible aux atrocites que mon Adverfaire s'efl: permis d'en ecrire , a I'occafion du pafTage mcme, que lui , ou fon Copifte, ou fon Imprimeur, ont fai- fitie dans I'Edition de ma feconde Lettre a M. de Crillon? Un feul fait inconteftable repond a toutes ceg liorreurs. Ce fait eft, qu'avant I'arrivee du General Lally, M. de BufTy , avec un detacliement du Batailion de I'Inde , avoit difpofe de la Soubabie du Dekan , c'eft - a - dire de la pre- miere Souverainete de I'lndoftan , apres celle de I'Em- pereur , &; s'y maintenoit en maitre au nom du Roi , candis qu'avec le refte du meme Batailion , mon Oncle a, Pondichery, &: les autres Commandants, chacun dans leur Gouvernement, garantilfoient nos poiTeihons des entreprifes Je I'Ennemi , qui , malgr^ Tavantage du nombre , n'avoit pas gagnd un pouce de terrein,6'C nous avoit mcme lai/Te falre quelques conquctes, quand M. de Lally vint avec tou^ ces fes forces pour tout perdre. Jamais Armee Francoife plus brillanre que la fienne n'a- oit paru dans I'Inde. Nous avions a notre tour I'avantage du nombre fur les Angloisj mais un feul homme etoit de tiop, 5c Ton fcait Tcvencment. Je foupconne mon Advcr/aire d'avoir puifj (^s notions, a regard du Batailion dc Tlnde , dans quelque Libelle coriiiti 39 ^Qs Juges de M, de Lally , mais rejette par eux, fans doute comme un ouvrage d'impofture 6c de tenebres. C'eft ce qu'il faut verifier : dc le Public en jugera blentot , grace d mon Adverfaire, fi ce dernier n'eil pas cout-a-falt: infenfible a I'honneur de pfouver ce qu'il avance. En efFet , dans un Eerie que je ne connois pas, cite par lui fous le titre d'Etat dcs Officiers d& thids, fe trouve, s'il faut Pen croire , a ^^^^ ^^ cinquanticme nom , une note ainfi Concue : Ecrivain de M. de Ltyrit y il ji^en etoit pas content , & I'a fait Officier. Oh ! pour le coup , voila un fait bien pofitlf Si , d\in indigne Ecrivain , mon Oncle a fait un Officier, pour s'en debarrafTer, il a eu tort. Mais, en defiant mon Adverfaire a Rouen, des la premiere Audience, de citer contre mon Oncle un jeul fait bien pofitif^ je n'ai pas manque d'ajouter pour de bonnes raifons, & bien date. Aujourd'liui je le prie done, je le fomme , je le dcfie de nous dire ce que c'eft que cet Etat des Officiers de l*Inde , dans lequel il a puife la note en queftion ? Je le fomme de nous dire quel eft I'Auteur de cet Etat? Sa date? Le lieu qui le renferme ? En un mot je le fomme de publier cec Etat. Qu'il continue feulement a taire tous les noms , hors celui de I'Auteur &; de mon Oncle. J'approuve fa circon- fpection pour autruij mais je ne veux pas de menagemenc pour mon Oncle. Alors on verra dans quelles fources mon Adverfaire trempe (q.s traits; pour moi, je reponds d'avance de leur impurete. Que s'il recule a ce nouveau defi, comme il a fait jufqu'a prefent pour tous les autres, on ne pourra que le feliciter de fervir fi bien la memoire de fon Pupile |)ar fes citations.. L'ajouter^i-je enfin ? Des gens de gout pretendent, que, le ftyle des citations de mon Adverfaire 4=' jeflemble a celul des Lettres du Gdn^ral Lally, p^ la prd- cifion, la fareur, 6c Tindecencc, des id^es 5c des tcrmes.Cc feroic une grande autoritd I Du VaL D'EPRiMESNit. Mon/ieur D E T RCY , Rapporuun LAGOUTTE, Procurcur* De rimprimcrie de LOT TIN i'aine, Imprimcur-Libraire du Roi, Zz Ordinaire de la Ville, rac S. Jacq^ues, au Coq; Dcccmbre i/Sz* ^ , B^^i^^ SUPPLEMENT AU TROISIEME MEMOIRS De M. d'pre MES Ni L 3 a Dijon ; Pour fervir de Reponfc aux Obfervatlons du Sieur ToLENDAL y fe difant Comte de Lally^ To LEN D AL 3 fur la Correfpondance de ce Magiflrat avec M, le Chevalier de Crillon, JE I'ai dit, & j'ofe croire que le Public ne m'en a pas defavoue , les Obfervatlons de mon Adverfaire fur ma Cor- refpondance avec le Chevalier de Crillon font un Libeile afFreux. Le cri public, fortifie par mon experience perfon-' nelle, m'avoit prdpar^ a des horreursj mais I'efFet a pafTe mon attente. II fauc que les id^es de mon Adverfaire foient dans un furieux bouleverfement. Je le plains : & jele prie de ne pas fe tenir pour ofFenfe , fi je protefle , que ma peine redouble . a mefure que fa tete s'echaufFe. Que n*a- t-il porte plutot fts regards dans i'avenir ? Que n'a-t-il , en commen(^ant, mieux jug6 fa Caufe, fa pofition , fcs vrais interets & fon Adverfaire ! II n'en feroit pas reduit a jetter aujourd'hui, pour route reponfe, des cris de fureur. Efb-ce ma faute ? Je lui donnois le choix de la paix ou de la guerre , il a choifi la guerre , je la fais bonne : mais j'ofe A 2 dire que je la fais en Magiftrat qui ddfend la vdrite. On ne voit pas d'injures dans mes Ecrits, pas meme de colere. La raifon en eft fort fimple; c'eft que je nc fuis point irrit^. La colere eft le partage & le figne dcs mauvaifes Caufesj la paix de I'ame eft le fruit de la bonne foi. Mon Adverfaire en veut beaucoup a ma f^curit^. D'ou croit-il done qu'elle provienne ? De mon Etat ? Qu'il f^ache au contraire , que , la penfee de mon Etat me troubleroit , fi j'avois dit un mot, ou fait une demarche, dontje ne fufte pas difpofe a rendre le compte le plus rigoureux. Non, Monfieur j cette fecuritd, qui vous deplait ft fort, vient de ma Caufe. A quelqu'etat que le fort m'eiit attache, j'aurois brave , n'en doutez pas, votre parti. Demandez a tous ceux qui me connoiiTent, (i je vous trompe. On diroit, a vous entendre, que j'avois befoin de mon habit pour vous combattre: qu'un Magiftrat pouvoit feul vous reilfter j que tout autre Francois , qui le croira ! eut fldchi devant vous. C'eft une injure : a qui Pa- dreftez-vous ? Aux Loix ? Aux Magiftrats ? Accufez-vous hs unes d'impuiifance? Accufez-vous les autres de faveur ? Impuiftance des Loix ! Faveur des Magiftrats ! Eft-ce a pre- fent que ces plaintes font de faifbn ? Eft-ce a vous qu'elles conviennent? A vous, qui depuis cinq ans, infultez publi- quement les Parlemenrs qui vous deplalfent , avec une impunit^ fans exemple. Si les Loix parolllent impuilfantes, c'eft pour vous feul : pour vous feul s'eft adoucie leur anti- que fev^rite : pour vous feul on a (oufFert que des Cours Souveraines fuftent outrag^es par des Parties. Mais n'efperez pas que cela dure : cette longue impunlte aura fon terrae: dans vos adroites fureurs , dans vos emportemencs dtu- dks , ne comptez pas toujours fur la picie des Magi- 3 ftrats : revenons. II n'eft pas de Ckoyen Ci foible , qui n'eut dee , avec la Loi , plus fort que vous , il n'en eft pas de fi puifTanc, qu'avec le meme fecours vous n'euffiez vaincu. CeiTez done de nous parler de ma fecuritd, ceflTei de I'at- tribuer a mon habit. Aux yeux de la Juftice, les vetements font fans couleur , &c les hommes , fans autorite. En un mot, Its Citoyens , les Magiftrats , les Grands , nos Rois eux- memes , nos Rois, qui fe font gloire de foumettre leurs intd- rets a la decifion de leurs Cours , ne font, dans ces moments d'egalite judiciaire , que des Clients. Je I'avouerai pourtantj il eft poffible que mon habit donne du courage , mais il n'eft pas poflible qu'il en donne a I'injuftice , &: , quoique vous ea peniiez , n'efperez pas que je le quitte pour vous plaire. Dans le cahos des nouvelles Obfervations que la fureur a dictees au Defenfeur du General Lally , j'ai demele trois idees: des indications fur fon Etat Civil; des injures contre moi j dzs outrages efFroyables contre la memoire de mon Pere. Sur fon Etatj il renvoye fes Lecteurs a des Ades ddpo- fds chez un Notaire : 6c moi, malgre ces Acles , ou pluroc a leur abri , je le renvoye aux Loix , qui lui feront juftice , ft je me fuis trop avance , en proteftant , comme je Pai fait en toute occafion , depuis le 2 Aout 1780, contre le nom qu'il s'arroge de Comte de Lally. Quand il voudra que je m'explique , les Tribunaux lui font ouverts , je fuis pret a I'y fuivre. La, je ferai connoitre les motifs d'une recla- mation , fevere,je I'avoue, mais rendue indifpenfable par mon Adverfaire lui-meme : 6c je ne crains pas d'annoncer que ces motifs feront approuves des vrais Magiftrats, 6c de% bons Citoyens, Ail 4 Quant aux injures qui me font perfonnelles , je n'y r^- pondrai pas. Pour mon Pere. ... Ah ! Ceft ici que tout Ledeur honnetc va fremir, en apprenant jufquou petit ^garer la foifdela vengeance. Tout le monde fe rappelle les demel^s furvenus entre M. Dupleix Sc M. de la Bourdonnais , au fujet de la Capi- tulation accordee par ce dernier a la Ville de Madras. Le Confeil de Pondichery d^clara nulle cette Capitula- tion. II nomma des CommifTaires pour notifier fon Arret d M. de la Bourdonnais. Mon Pere etoit a la tete de ces CommiiTaires. Leur miffion fut remplie exaclement; Madras nous demeura. Mon Pere en fut nomme Gouverneur. Peu apres, le Nabab d'Arcate, excite par les Anglois , r^clama cette Ville, comme ^tant batie fur un terrein de fa domi- nation j c'etoit une vraie moquerte. Mon Pere y repondit avec une fierte melee d'konie : fa reponfe deplut au Prince Maure. Elle deplait auffi a mon Adverfaire, qui m*en fait un reproche dans fes Obfervations. La colere du Prince Maure meri:e qu'on en parle. II vine bloquer Madras. Mon Pere le fit attaquer dans fon Camp. Et le malheur de mon Adverfaire, a voulu que ce Prince, a la dignite duquel il paroit prendre quelqu'interet, fut battu. Les Maures fe re- tirerent. Bienroc mon Pere, a qui I'on vint apprendre que (2. tete avoit ete mife a prix par leurChef, n'en partit pas moins, feul avecun am i, fans autre efcorte que leursBoues(^),de Ma- dras qu 'il avoit conferve , pour fe rendre a Chandernagor dans le Bengale, parl'interieur des terres, c'eft-a-dire , d*un Pays appartenant, prefque tout entier, aux Maures eux-memes. Nul ia) Boues y Portcurs de palanqaias. 5 ^ Francois, que je fi^ache , n'avoit entrepis ce voyage avant lui. Son but etoic de ramaffer de nouvelles connoidances pour un Ouvrage, auquel il travailloic depuis long-temps, fur la Mythologie des Gentils , & leurs ceremonies Reli- gieufes, qu'il avoit, d^guife en Bramine, obferv^es pour Ja plupartdans les Pagodes meme, ScdelTinecs enfuite.Ilavoit envoy^ aChandernagor fes materiaux Sc Ccs deffins par mer. Xe Vai/Teau p^rit a Pentr^e du Gange. Mon Pere me par- loit encore de cette perte avec regret , peu de mois avant fa. mort. Le plan de cet Ouvrage eft developpe dans un^ . feuille dcs Obfervations fur les Ecrits modernes ^ par I' Abbe Desfontaines. Je ne dirai pas laquelie ; &: je n'ai pas le temps d'en faire la recherche: mais j'ai lu cette feuille , je fuis siir de mon fait. Tout ceci ne refTemble gueres aux Obferva- tions du fieur Tolendal. Telle eft pourtant la verit^. De Chandernagor, mon Pere revint en France, au com- mencement de 1750. Les demeles de Madras avoLent fini par donner lieu au Proces de M. de la Bourdonnais. Mon Pere y fiit encendu comme t^moin. M. de Genes, cet Avocat celebre, qui de- puis a defendu M. Dupleix, contre la Compagnie , fit un Memoire pour I'Accufe. Cekii-ci fut abfous. L'Auteur du Memoire , emporte par fon zele, s'^toit d^chaine contre tout le Confeil de Pondichery , & notamment contre M. Dupleix & mon Pere , gendre de Madame Dupleix. II avoit poufte I'ardeur jufqu'a taxer M. Dupleix lui-meme de trahifon. La mort a fuccelTivement enlev6 M. de la Bourdonnais^ M. Dupleix &: mon Pere. Depuis quils ne font plus , le Ciel a permis la reunion de leurs families. M. de la Bourdonnais a laiiTe trois enfants : un ais , & deux filles. Ses deux fiiles one ^pouf^ , I'une , M. le Marquis de Montlezun , beau-frcre de ma Mere j il eft n6 un fils de ce mariage : I'autre , M. le Vicomte d'Auteuil , coufin - germain de ma Mere , Madame la VicomtelTe d'Auteuil , que nous avons perdue , a laifTe deux fils : 6c le Ills de M. de la Bourdonnais s'efl: marie avec Mademoifelle O-Friell, coufine iflue-de- germain de ma Mere : quatre en- fants males doivent le jour a leur union. Ma Mere dtoit fiile de feue Madame Dupleix , dc c'eft par une foeur de Madame Dupleix que j'ai I'honneur d'apprtenir a Madame de la Bourdonnais 5 5c a M. le Vicomte d'Auteuil. Enfin, j'ai mon fils, qui fe trouve , comme on voir, tres-proche parent, de tous les petits-flls de M. de la Bourdonnais. Je tiens done a la memoire de M. de la Bourdonnais par tous fes enfants , qui tiennent eux-memes a la memoire de M. & Madame Dupleix , &: de mon Pere , par leurs maris , leurs femmes , leurs enfants 6c le mien. Pvlais ce n'eft pas afTcz pour nous d'etre parents. L'amitie a repandu de nouveaux charmes fur cette heureufe alliance. Je le dis avec delices, les enfants de M. de la Bourdonnais aiment le fils de M. d'Epr^mefnil , &c fcavent fi fon cocur leur eft voue. La paix, la confiance, regnent entre nous. Jamais une parole , un regard Equivoque , un fouvenir , n'a trouble cette aimable concorde , tout , enfin , eft oubli6 , liors la gloire des deux hommes cel(^bres qui luttoient I'un contre I'autre fans pr^voir nos deftineesj dc , cette gloire defor- mais nous eft commune, Lecteur fenfible, imaginez prdfenrement ce qu'a fait moa Adverfaire. Je Ic dirai fans Clever la voix, Quels cris por^ 7 roient fuffire a mon Indignation? Vous ferez foulev^ par la fimple expofition de cette manoeuvre Voici done ce qa'a fak mon Adverfaire. U a fouille dans le M<^moire com- pofe pour M. de la Bourdonnais , en a extrait une mafle d'imputations contre mon Pere , me Iqs reproche , ces im- putations , & m'excite. a rendre plainte contre les enfants de M. de la Bourdonnais Oui , Ledeur , il m'excite a rendre cette plainte , c'eft-a-dire , il me provoque a trahir ]'amiti6, a m'dever contre mon propre fang, fous peine de paroitre abandonner la m^moire de mon Pere Ah ! je vous prie , apprdciei fa caufe, 8c non fon ame, par ce traic incroyable Mais j'ai promis de ne pas dever la voix 3 contenons-nous , & raifonnons. Je n'aurois pas le droit de rendre I'horrible plainte a la- quelle on m'excite , mon Pere ayant connu Ics M^moires de M. de la Bourdonnais, 6cnul autre que mon Adverfaire ne hs reproduifant : Je n'en aurois pas la volonte , mon coeur n'imputant plus nen aM. de la Bourdonnais : Enfin , je n'aurois point d'interet a rendre cette plainte, par la raifon que mon Pere lui-meme n'a pas eu cet interet. En elFet, depuis quand les reponfes d'un Accuf^ , ou les declamations de fon Defenfeur contre un Temoin, font-elles devenuesdes preuves,ou meme des indices ? Et quand I'efti- me publique a fuivi ce Temoin jufqu'au tombeau , quand ces declamations n'ont pas pu parvenir a le rendre fufped pendant fa vie, comment y parviendroient-elles dix-huic ans apres fa mort ? Je fupplie mes Lecleurs de faire avec moi quelques reflexions. L'art de mon i\dverfaire eft d'ac- cumuier des outrages fans fixer une id($e j ma m^thode eft route contraire. On pent rdduire a deux, les griefs ranim^s contre mon Pcre , r^tradation , & concufTion. Retradation, i L'Ordonnance eft formelle. Tout temoin qui fe r^trade 1 Ja confrontation fur des points capitaux, doit etre pour- fuivi. Cependant la tranquillity de mon Pere fut refped^e, par la Connmiflion , apres fon jugement , 6c par M. de la Bourdonnais, apres fon elargiilement. Au bout de feize ans, le fouvenir de cette Affaire m'a valu des t^moignages de confiance Sc de bont^ de la part du Rapporteur, M. Dufour de Villeneuve , lors Lieutenant-Civil au Chatelet , ou j'avois I'honneur d'etre Avocat du Roi. Quant a la concuffion j il eft etrange que M. de Genes , homme (^claire , homme verf^ dans la connoiiTance des Loix qui gouvernoienc I'lnde Fran^oife, ait citd en preuve, des droits impofes , dit-il, par mon Fere , Gouverneur de Madras , fur les marchan- difes Angloifes a la fortie de cette Viile. Le fait m'eft in- connu j mais il eft impollible. Mon Pere n'avoit pas le pou- voir qu'on luifuppofe, le Confeil de Madras n'eut pas foufFert cette impofition, aucun Sujet du Roi n'auroit of6 la percevoir. J'ai lieu de foupconner que fi mon Pere & Ic Confeil Provincial de Madras dnt permls , dans le temps, la fortie des marchandifes Angloifes moyennant un droit quelconque , c'dtoit par dgard pour M. de la Bourdon- nais lui-meme^ qui, je crois, avoit ftipule la suretd de ces marchandifes dans la Capitulation que le Confeil Supdrieur de Pondichery avoit d^claree nulle. En permettant la fortie, on mdnageoit I'honneur de M. de la Bourdonnais 3 en im- pofant des droits , on maintenoit I'autoritd du Confeil Su- perieur. Ces droits , au refte , s'ils ont dte percus , ont dte verfes dans la Cailfe de laCompagnie. lis n'ont pas ct6 pay^s, 6c 9 &: n'ont pas pii Tccre an Gouverneiir qui n'etolt, ni Tr^fo- rier, ni Commis de la Douannc : voiia pourtant quelle fut; la Concuflion de mon Pcre. Ailuremcnt, un Gouverneur dc Colonie, a qui Ton chercbe un pareil crime, devoit avoir Ics mains bien pures. M. de la Bourdonnais n'a pii accufec mon Pcre, que par erreur 5 M. de Genes, que par exces de 7.cle : mais, mon Adverfaire ! Par quel motif Te permec-il, aprcs plus de trente ans, de rendre la vie a Azs reproches dont il feroit dcfavoue par M. de la Bourdonnais , mieux inftruitj par M. de la Bourdonnais, d^gage des allarmes 6c Ats preventions qu'un Proccs capital infpire quelquefois a i'homme le plus ferme 6c le plus juile? Eniin , pour trancher toutes les difficultes , mon Pere a rendu compre de Ton ad- miniftration au Confeil Superieur, a la Compagnie , au fed Roidans la perfonne de fes Miniftres. Ce font la les autorit^s qu'il falloit invoquer j \3 toujours a la loi du devoir. >j Ainfi que le Public ne lui dernande point pouquoi il a ^s traverfe le fieur de la Bourdonnais dans I'execucion de la >5 Capitulation de Madras ? Pourquoi il a concouru avec le >j Confeil Superieur de Pondichery a declarer cette Capitu- lation nulle? Enfin, pourquoi il a garde Madras? Si le Public veut bien y faire quelque attention , il trou- >5 vera qu'au fond I'eclaircilTement de toutes ces queftions >5 politiques n'eft point de fon relTort j du moins le fieur Dupleix ne croit-il pas pouvoir fe permettre de fatisfaire fur ce point fa curiofice. D'aillcurs , comme elles ne peu- >3 vent interefier aujourd'hui qui que ce foit , qu'autant 3 qu'elles ont rapport au fieur Dupleix perfonnellement, &: v> qu'elles femblent devoir infiuer fur le jugement qu'on doit 53 porter de la conduite qu'il a tenue dans cette conjedure 53 delicate, que manque-t-il a ceux qui ne les envifageant 53 que de ce cote , ne chcrchent en efFet qu'a juger equita- 33 blement le fieur Dupleix ? 5> Qu'iis comparent de fang froid 6c fans prevention la 55 gravity , pour ne pas dire I'enormite des crimes qu'on a 3 imputes au fieur Dupleix, au fujet de rAflPaire de Madras , 5) avec les traitements qu'il a recus enfuite de la Compagnie, 13 du Miniftere , & de Sa Majefte Elle-mcme. 33 Dans le temps on n'a accufe le fieur Dupleix de rien 53 moins que d'avoir viole a I'egard des Anglois le droit dts 55 Gens i d'avoir refufe d'obcir , & mcme d'avoir refifte ou- 53 vertement aux ordres du Roi , enfin , d'avoir deshonore la ^ Nation , &i trahi les interets de la Compagnie. Tout k Bij 12 r> monde fe rappelle que telles etoienc les imputations effrai- antes dont on chargeoit le fieiir Dupleix. 11 fcait que dans n Ic monde , fes amis meme , en hirent d'abord allarmes , 6<:que tous ceux qui s'incereiToient a lui ^ trembloient alors pour fa tece. Cependant dans ce temps-la mcme 6^ depuis,. r> loin de le punir avec la dernicre feveritc , comme on n'au- 3 roit pas manque de faire , s'il avoic etc coupable , le Mi- 3 nidereSc la Compagnie ont continue de I'honorer de leur >3 conliance , &i Sa Majefte lai a donne Elle-meme les mar- >3 ques les plus eclatantes de fa fatisfaciion & de fes bontes, ?3 A la vue de cette fuite de jugements (i publics d>: fi peu >i fufpects, rendus par les feu is juges qui fulfent inilruits dc 35 competents fur cette maticre , quel eft I'homme raifonnable qui pourroit conferver des doutes fur la regularite de la conduite du fieur Dupleix ? 55 C'eft done avec confiance qu'il place ici au rang de fes " plus fignales fervices la confervation de la Viile de rvLi- 55 dras , dont la fageife de norre Miniilere a fu tirer un fi 53 grand parti dans le Traice d'Aix-Li-Cb^pelle k. C'en eft alfez. J'ai parle pour mon Pcre > M. Dupleix a parld pour lui-mcme j un Tribunal pour eux , 2c pour jM. de la Bourdonnais i pour lui , par fbn Arrets pour eux, par fon filence. Je devois a la memoire de mon Pcre, aii Public , a mon Etat , a mes amis , aux enfancs de M. de la Bourdonnais , a mon fils , a mol - mcme , une explica- tion que la Loi ne me demandoit pas : il falloit iati^lliire aux droits du fang, de I'honneur, de rairitic 3 i'ofe croire que mardche eft remplie. Elle etoit plus delicate en appa- rence qu'en realite. Toutes les difficulces s'applanillent de~ vant un cocur fimple ou r^gne I'amour de la paix , c-c de la ^3 verite. Douce paix, Verice kince, qui venez de m'infplrcr, PuilFiez- vous enfin eclairer mon Adverfaire I Puiffiez-vous lui faire fentir, que , mon cocur fera toujours fans fiel , com- me fans crainte , & que le fien I'^gare dans fa dcfenfe , aprb I'avoir rrompe fur fes devoirs ! Que ne puis-je pofer ici la plume ! Que ne puls-je, dumoins, concilier jufqu'au bout, dans cet Ecrit,la paix & la verier ! Mais il me refte a difcuter les motifs allegut^s par M. de Crilion , pour juftifier le filence qu'il a garde fur la propo- fition du Tanjaour , foit avec fon General , foit avec la Judice. Cet examen me coiitc , je prcvois qu'il fera fevere , on I'a voulu, ne perdotis pas de temps. Commencons par expofer ces motifs incroyables d'un filence trcs-llngulier lui- meme : ih font exprimes dans la Lettre fuivance. Lett RE du ChzvalUr de Crtllon au Sizur Tokndal. Encore ufle Lettre de M. d'Epremefnil (a), mon cher Comte. Pour celle- ci J j'ai pris I'engagement de ne pas y repondre : j'ai fait fans doute alTez , peut-ecre trop de repondre aux precedentes. Mais il me denonce au Public & ce Tribunal m'eft trop precieux pour ne pas I'inrtruire , meme de mes morifs. Ce Public verra fans doute , & applaudira ma prudenre difcretion , iorfque J'ai cache au General un complot avorte , dont je m'etois rendu naaitre en m'y refufant , & dont la connoifTance n'eut fait qu'ulcerer fon coeur & enflammer fa tere. qui ne devoient I'etre que trop par les contradidions done il ne ceifoit d.e fe plaindre alors. Voila pour le General dans Tlnde. Quant au General a la Baftille & a fes Juges de Paris. Premierement, je n'ai pas eu !;i liberte de parler a I'un , 8 qui , le premier jour , s'ecoit dit fans argent , ^c propofoic enfuice par ecrit, aux Troupes revokees, de fc mettre a leur lite pour fouiller les maifons de Pondichiry ^ trouva moyen de leur envoyer quatre-cents quatre-vingt mille roupies , c'eft- a-dire plus d'un million, ce qui faifoit {\^ mois de paye, fur huit qu'elles demandoientj leur promit les deux autres pour le dix de Novembrej & les Troupes fatisfaites rentrerent dans le devoir, pour ne plus s'en ^carter, non pas meme durant \ts horreurs du blocus. Des Corps '^\ patients , fi prompts a s'apaifer, dans un moment aufii terrible, feront- ils foupconnes d'une revoke fans motifs, trois mois apres leur arrivee ? Je le dis done j Lally , Lorraine , le Corps- Royal ne feront pas fufpeds. M. de Crillon comptoit fur les Soldats du Bataillon de I'lnde. Reflent les Officiers de tous ces Corps. Mais comment feroient-ils plus {iifpecls que les Soldats ? Pas un d'eux n'eft accufe , meme indique, par moii Adverfaire : pas un d'eux n'a donne au Tanjaour le plus leger ijgne de mecontentement : ils n'avoient pas encore lieu de fe plaindre : Cnfin , pas un d'eux n'a pris part , I'annee fuivantc , a cette revoke de Vandavachy , dont je viens de parler , finon pour I'apaifer. Sans motiFs au Tanjaour , fani reproche a Van- davachy , la conclufion eft evidente. Elle doit s'appliquer aux Officiers de tous les Corps. Veut-bn ncanmoins entrer dans le fens de mon Adverfaire? Veut-on, pour lui plaire, admettre d^ts exceptions a I'evidence meme ? Veut-on , avcc C ij IJO lui, arrcter fes foup^ons fur lesOfHcIers du Bataillon de I'lnde,^ Au moins, parmi ccs Officiers , mon Adverfaire en diftin^ giie plufieurs (a)^ q,a'il nomme avec ^loge. Nous voila done reduits y pour I'execution du comploc du Tanjaour , de ce complot abominable dont h fit etoit (i facile a trouver ^ dont le but ^tok d'arrccer un General dans Ton Camp , &; qui ^fansi M. de Crillon , fe fin realifi^ a quelques Officiers inferieurs , denuds du fecours de TEtat-Major, de leurs Camarades, de leurs propres Soldats , de celui des autres Regiments, tanc Soldatsqu'Offi<:iers,ddnu^s, en un mot, du fecours de toute J'Arm^e Et I'on me condamneroit a m'occuper plus long-temps de cette reverie!. Parlons du General a la Baflille. M. de Crillon n'a pas ete moins difcret fur la propofitlon. du Tanjaour, avec la Juftice a Paris , qu'avcc fon General, dans I'lnde. Ecoutons, & pefons (ts motifs. Q_iiant au General a la Baflille-^ & a fes Juges deParis ^ d'lV M, de Crillon , premiiremcnt ^ je nai pas at la liberie de parler ^ I'un Que veut dire ce reproche ? Uauriez-vous de^- mandde, cette liberty? A qui? Par quelle voyc? Dans quel. moment ? Daignez- vous expliquer. On eiit bien fait, au rcfte , de vous la refufer. Un Temoin ne pent voir I'Acccufe , qu'a la confrontation j I'ignorez - vous ? Faut il aufTi vous apprendre qu'on n'a pas befoin de voir I'Accufe pour depofer ? Voulez- vous dire enfin que vous n'avez pas ete confronte au General Lally ? Eft-ce la ce qui vous cheque ? Eh-bien ! Ce qui vous choque , etoit une fa- veur pour votre ami, que vous avez laiife perir, fans Pc^clai- (a) Obfcrvations J ^a^t lo. II rer. Cetoit, dis-je, unefavcur j k depofitlon d'un T^moin non confront^ n'etant d'aucun poids , quand elle eft a char- ge, 6c fervant au contraire pour la jiiftification de TAccuf^, quand elle eft ad^charge. Francois, ii eneftparmi vous qui connoiiFenc crop peu les Loix les plus ^lementaires, dc les plus fimples formalites. Ecudions du moins les fujecs que nous traitons , & taclions de nous entendre nous-memes , avanc de nous plaindre. ...... Etje meferois toujours refufiy pourfuic M. de Crillon , a itrz auprts des autrcs le delateur de, perfonne : ce role n'efl pas fait pour moi ^ & le no m feul excite mon horreur, Ceci eft une foiblefTe reprehenfible. II faut' /cavoir deferer un Coupable , 6c depofer d'un crime, pour iecourir un Accufe Secondement , de quelle utilite eut etc une dilation ifolee , portant fur un fait , a Ngard duquel on ne minterrogeoit pas .''...... L'ufage, pafTe en force de Loi,. ne permec pas a Paris d'interoger les temoins : 6: , fuppofanc l'ufage contraire, M. de Crillon n'y penfe pas. Le Rappor- teur devoir done deviner le myflere du Tanjaour ^ pour en: parler d'office au difcret Temoin determine a n'en rien dire .' Qu'on n'eut point approfondi Qu i vous la die ? C'eft infuker gratuicement \i^ ^ '^.^ntmal- les , a travers le Camp Anglois , fous efcorte Angloife , pour Madras : Et qui devoit enfin confommer fa trahifon , en envoyant au General ennemi, d'une main,un projet de Capitulation , ac de ['autre, un Ecrit particulier pour I'avertir de I'etat de la Place, & fe rendre a difcr^tlon. (a) La Lettrc du General a M. dc Fumel eft au Prtces. E 34 Ce font la. , Sire , dcs fairs conniis Je toiite TEarope : des fairs prouves , jc ne dis pas feulemenr, par une foule de t^moins, mais, plufieurs par les aveux de {'Accufe, on par des Pieces (^crites de fa main j eels que i\ifure a trenre pour cenr fur Ja Compagnie j tels que la rradlrion de Pondi- ch^ry. Ec je n'ai pas tout dit. Je me fuis contente , Sire , de crayonner hs principaux traits d'une adminldratioii barbare &prodiroire, fous laquelle ont gemi, pendanr.^iie ans , cent mille de vos Sujets. Le dernier fur -tout de ces faits incroyables , mais rrop certains , reunit dans Cqs details tou- tes les combinaifons de la rage & de la perfidie. Feindre I'envie de Capituler j permettre au Conf^il de dref- fer un projet de Capitulation j ne vouloir pas le lirej differer aurant qu'on peut i le lire enfin j le tourner en ridicule j rapofdllcr comme TEnnemi lui-meme auroit pu hiire ; for- cer par la d'en rediger un autre j approuver celui-cij fouf- frir qu'on nomme des Deputes pour le porter a I'Ennemi , mais rerarder leiir depart jufqu*a ce que la Ville n'ait plus de vivres que pour deux heures ; alors, y confentir 3 les voir partir charges des Articles ; & \cs faire accompagner d'un Officier , porteur d*un Ecrir parciculier & cachete , dans \t^QtiP'\ - * vi^vidic au Lreneral Anglois, qu'on m peut pas lui propofer de Capitulation ; quon rend les Troupes prifonnihes de Guerre^ faute de vivres ^ aux termzs d'un Cartel enfreint par foi-meme, &: debattu par I'Ennemi : reclamer , par le meme acte, ce Cartel , qui ne concernoit que \t^ Troupes pour les Habit ans civils & les Bourp-cois : aj outer a TEnnemi , qu'il peut prendre le lendcmain poffejjion d'une porte , le/urlen- diym-ain d'une autre s ^u'll &fl le plus fort , quil peut dicier ks difpofitions ulterieures : ionfmtir enfuite , pour ajouter la deri- 3 5 iion a la perficiie , que le Conjeil de Pondichery fajjc au Kain- ^ueiir des reprefentations fur fcs interets particuliers , & ceux des Hahitans de la Colonic : &:, dcs le lendemain , livrer la Ville a TEnnemi, fans condirions, fans precautions Voila , Sire , de quelle maniere ce malheureux Pondichery a pafTe aux mains dts Anglois, qui I'ont rafe de fond en comble ! Voila de quelle maniere un traitre , qui predifoic la deftrudion de cetce grande & florifTante Ville, des 1759, a. feu concilier I'evenemenc avec fa prophetic! Enlin, voila cette memoire dont le Defenfeur fe vante d'avoir trouv^ dQs appuis fur le Trone meme ! Ah I qu'il nous parle de votre bienfaifance 3 que les trefors de la cl^mence lui foient oitvertsj que des ades dicbes par la bonce fupreme de Votre Majefle , apaifenc Cqs douleurs , honorent fts talents, &, d'un fils egare, faffent un homme jude, fervanc I'Etat par foil courage, la nature, par fon filence j je ferai le premier a benir ces ades, precieux pour la Loi , &:confolanrs pour i'Humanite. En vouloir davantage, ed une erreur : le vou- loir, aux depens de I'innocence, ed: un MUt; le vouloir , en fe vautauL d-un appui fur le Trone , efl un blafpheme, Non , Sire, je ne crains pas que le Trone s'ebiauiy. a^ JoflTu* {qs fondements, pour veair au fecoacs d'un Sujetx:ontre un autre , dans une cohtedation reglee. L'lntrigue s'en ed attee , je ne ^ignore pas 5 I'intrigue , qui ne connoir , ni la force desLoix, ni I'ame de Votre Majede. Mais le fecret de cetce ame d pure ed connu de vos Cours, II influera plus d'une fois , Sire , fur les Deliberations publlques , comme il m'a plus d'une fois foutenu dans mes travaux. Je lui dois en ce moment le zele qui m'anime i le courage de dire a Votre Majedd, que ces travaux etoient bien necedaires. On 3