CHRISTOPHE COLOMB PAR A. DE LAMARTINE (1436-1506) CHRISTOPHE COLOMB PAR A. DE LAMARTINE (1436-1506) With Grammatical <&. Explanatory Notes BY THE REV. A. C. CLAPIN, M.A., ST. JOHN'S COLLEGE, CAMBRIDGE, AND BACHELIER-&S-LETTRBS OF THE UNIVERSITY OF FRANCE ; ASSISTANT MASTER AT SHERBOKNK SCHOOL. WITH MAP AND PORTRAIT. THE THIRD SOLE AUTHORISED EDITION. LIBRAIRIE HACHETTE ET O LONDON : 18, KING WILLIAM STREET, CHARING CROSS. PARIS : 79, BOULEVARD SAINT-GERMAIN. BOSTON : CARL SCHOENHOF. 1887. All Rights Reserved. LONDON : PRINTED T,Y PAXKEX AND CO., DRURY HOUSE, DRURY COURT, STRAND, AV.C. NOTICE ON LAMARTINE'S "CHRISTOPHER COLUMBUS." /'~\F all the historical biographies written by ^^ Lamartine, none possesses more interest than that of Christopher Columbus. The author's poetical language gives a peculiar charm to the incidents he describes, and is admirably suited to the romantic career of his hero. As Lamartine here shows, the world was ripe for geographical discovery when Columbus appeared upon the scene. The existence of land beyond the Atlantic, which was not discredited by some of the most en- lightened ancients, had become matter of common speculation at the close of the fifteenth century. Maritime adventure was then daily disclosing the mysteries of the deep, and bringing to light new regions that had only existed in fancy. Columbus's hypothesis rested on much higher ground than mere popular belief. What, indeed, was credulity with the vulgar and specula- tion with the learned, amounted in his mind to a settled VI NOTICE ON practical conviction that made him ready to peril life and fortune on the result of the experiment. Indeed, his imagination, as will be seen from this memoir, by feed- ing too exclusively on this lofty theme, acquired an un- natural exaltation which raised him above the sober realities of existence, leading him to spurn difficulties which in the end proved insurmountable, and to colour the future with those rainbow tints which too often melted into air. This exalted state of the imagination was the result in part, no doubt, of the peculiar circum- stances of his life ; for the glorious enterprise which he had achieved almost justified the conviction of his act- ing under the influence of some higher inspiration than mere human reason, and led his devout mind to discern intimations respecting himself in the dark and mysterious annunciations of sacred prophecy. That the romantic colouring of his mind, however, was natural to him, and not purely the growth of cir- cumstances, is evident from the chimerical speculations in which he seriously indulged before, and even after, the accomplishment of his great discoveries. His scheme of a crusade for the recovery of the Holy Sepulchre was most deliberately meditated and strenuously avowed from the very first date of his proposals to the Spanish Government. His enthusiastic com- munications on this subject must have provoked a smile from a Pontiff like Alexander VI. ; and may sug- LAMARTINE'S "CHRISTOPHER COLUMBUS." vit gest some apology for the tardiness with which his more rational projects were accredited by the Castilian Government. " But these visionary fancies," says Prescott,* "never clouded his judgment in matters relating to his great undertaking ; and it is curious to observe the prophetic accuracy with which he discerned, not only the existence, but the eventual resources, of the Western World." Whatever were the defects of his mental constitution, the finger of the historian will find it difficult to point to a single blemish in his moral character. His corre- spondence breathes the sentiment of devoted loyalty to his Sovereigns. His conduct habitually displayed the utmost solicitude for the interests of his followers. His dealings were regulated by the nicest principles of honour and justice. His last communication to the Sovereigns from the Indies remonstrates against the use of violent measures, in order to extract gold from the natives, as a thing equally scandalous and impolitic. The grand object to which he dedicated himself seemed to expand his whole soul, and raised it above the petty shifts and artifices by which great ends are sometimes sought to be compassed. There are some men in whom rare virtues have been closely allied, if not to positive vice, to degrading weakness. * Prescott's " History of Ferdinand and Isabella. " Vlll NOTICE. Columbus's character presented no such humiliating incongruity. It will be seen from this biography that in its public or private relations, in all its features, it wears the same noble aspect. It was in perfect harmony with the grandeur of his plans, and their results were more stupendous than those which Heaven has pgr mitted any other mortal to achieve CHRISTOPHE COLOMB. PREMIERE PARTIE. I DIEU se cache dans le detail des choses humaines, et il se devoile dans 1'ensemble. Aucun honime sense n'a jamais me" que les grands e've'nements qui composent la vie historique de 1'humanite ne fussent relies et coor- donnes secretement par un fil invisible suspendu a la 5 main toute-puissante du souverain ordonnateur des mondes, pour les faire concourir a un dessein et a un plan. Comment celui qui a donn la lumiere a 1'oeil serait-il aveugle ? Comment celui qui a donne la pensee . sa creature serait-il lui-meme sans pensee ? 13 Les anciens appelaient ce plan occulte, absolu et irre'sistible de Dieu dans les choses humaines, le Destin, la Fatalite" ; les modernes 1'appellent la Providence, nom plus intelligent, plus religieux et plus paternel. En e"tudiant 1'histoire de rhumanite", il est impossible de ne 15 pas reconnaitre, par-dessus et par-dessous Faction libre de 1'homme, 1'action souveraine et transparente de la Providence. Cette action d'ensemble et de masses n'exclut en rien la liberte" de nos actes, qui fait seule la moralite" des individus et des peuples ; elle semble les 20 laisser se mouvoir, agir, s'e"garer avec une latitude complete d'intention, de choix du bien et du mal, dans une certaine sphere d'action et avec une certaine con- se"quence logique de peines encourues ou de remunera- tions meritees, selon que leur intention a ete plus droite 25 ou plus viciee ; mais les grands re'sultats ge"neraux de ces actes des individus ou des peuples lui appartiennent & elle seule. Elle semble se les rdserver, inddpendam- ment de nous, pour des fins divines que nous ne 2 CHRISTOPHE COLOMB. connaissons pas, et qu'elle nous laisse seulement entre- voir quand elles sont presque atteintes. Le bien et le mal sont de nous et sont a nous ; mais la Providence se joue de nos perversites comme de nos vertus ; et de ce 6 bien et de ce mal elle tire avec une egale infaillibilite de sagesse I'accomplissernent de son dessein sur 1'humanite. L'instrument cache", mais divin, de cette Providence, quand elle daigne se servir des honimes pour preparer ou pour accomplir une partie de ses 10 plans, c*est 1'inspiration ! L'inspiration est veritabiement un mystere humain dont il est difficile de trouver ia source dans 1'homme meme. Elle semble venir de plus haut et de plus loin. Voila pourquoi on lui a donne un nom mysterieux aussi, et qui ne se definit bien dans 15 aucune langue : genie. La Providence fait naitre un homme de genie ; le ge'nie est un don : il ne s'acquiert pas par le travail ; il ne s'obtient pas meme par la vertu ; il est ou il n'est pas, sans que celui-la meme qui le possede puisse rendre compte de sa nature et de sa 20 possession. A ce genie, la Providence envoie une inspiration. L'inspiration est au genie ce que Vaimant est au metal. Elle 1'attire, independamment de toute conscience et de toute volonte, vers quelque chose de fatal et d'inconnu, comme le pole. Le genie suit cette 25 inspiration qui 1'entraine, et un monde moral ou un monde physique est trouve. Voila Christophe Colomb et la decouverte de I'Amerique ! II COLOMB, dans sa pens6e, aspirait a completer le globe, 30 qui lui paraissait manquer d'une de ses moities. C'etait le besoin de 1'unite geographique terrestre dont il etait travaille". Ce besoin etait egalement une inspiration de son epoque. II y a des idees qui flottent dans Pair comme des miasmes intellectuels, et que des milliers 35 d'hommes semblent respirer en meme temps. Chaque fois que la Providence prepare le monde, a son insu, a quelque transformation religieuse, morale ou politique, on peut observer presque regulierement ce CHRISTOPHE COLOMB. 3 meme phe'nomene : une aspiration et une tendance plus ou moins complete a 1'unite du globe par la conquete, par la langue, par le proselytisme religieux, par la navi- gation, par les decouvertes geographiques ou par la multiplication des relations des peuples entre eux, au 5 moyen du rapprochement et du contact de ces peuples, que des voies de communication, des besoins et des echanges resserrent en un seul peuple. Cette tendance & l'unit du globe, k certaines epoques, est un des faits providentiels les plus visibles dans les re"sultats de 10 1'histoire. Ainsi, quand la grande civilisation orientale des Indes et de 1'Egypte semble epuisee de vieillesse, et que Dieu veut appeler 1'Asie et 1'Occident a une civilisation plus jeune, plus mouvante et plus active, Alexandre part, 15 sans savoir pourquoi, des vallees de la Macedoine, entrainant les regards et les auxiliaires de la Grece, et le monde connu devient un, sous la terreur et sous la gloire de son nom, depuis 1'Indus jusqu'k I'extremite de 1'Europe. 20 Quand il veut preparer un auditoire immense au Verbe transformateur du christianisme en Orient et en Occident, il repand la langue, la domination, les armes de Rome et de Cesar, des bords du golfe Persique aux montagnes de 1'Ecosse, unissant sous un seul esprit et 2? sous une seule servitude 1'Italie, les Gaules, la Grande- Bretagne, la Sicile, la Grece, 1'Afrique et 1'Asie. Quand il veut, quelques siecles apres, arracher 1'Arabie, la Perse et leurs de"pendances a la barbaric, et faire prevaloir le dogme irresistible de 1'unite de Dieu 30 sur les idolatries et sur les indifferences de ces parties recule'es ou corrompues du monde, il arme Mahomet du Goran et du glaive; il permet a 1'islamisme de conquerir en deux siecles tout 1'espace compris entre 1'Oxus et le Tage, entre le Tibet et le Liban, entre 1'Atlas et le 35 Taurus. Une immense unite* d'empire repond d'avance k une immense unite d'idee. Ainsi de Charlemagne en Occident, quand sa monar- chic universelle, des deux cotes des Alpes, prepare, depuis la Scythie et la Germanic, le vaste lit ou la 4 CHRISTOPHE COLOMB. civilisation chre*tienne va recevoir et baptiser les bar- bares. Ainsi de nos jours, non plus sous la forme de conqutes, mais sous la forme de communications 8 intellectuelles, commerciales, pacifiques, entre tous les continents et tous les peuples du globe, c'est la science qui devient le conquerant universel au profit et a la gloire de tous. La Providence semble avoir charge cette fois le genie de 1'industrie et des de'couvertes de lui pre"parer 10 la plus complete unite" du globe terretre qui ait jamais resserre' le temps, 1'espace et les hommes en une masse plus rapprochee, plus compacte et plus assimile'e. La navigation, rimprimerie, la de"couverte de la vapeur, cette force dconomique et irresistible d'impulsion, qui 15 lance 1'homme et ses armies et ses marchandises aussi loin et aussi vite que sa pense'e; la construction des chemins de fer qui aplanissent les montagnes en les pendant, et qui nivellent toute la terre ; la decouverte des tele"graphes electriques, qui donnent aux communi- 20 cations entre les deux hemispheres 1'instantane'itd: de la foudre ; la de"couverte des aerostats, qui cherchent encore leur gouvernail, mais qui rendront bientot navi- gable un element plus universel et plus simple que 1'Oce'an ; toutes ces revelations, presque contemporaines 25 de la Providence par 1'inspiration du genie industriel, sont des moyens de resserrement, de concentration, de contraction du globe sur lui-meme ; des instruments de rapprochement, d'homoge'ne'ite' des hommes entre eux. Ces moyens sont si actifs et si eVidents, qu'il est 30 impossible de ne pas y voir un dernier plan de la Provi- dence, un dernier effort vers 1'inconnu, et de ne pas en conclure que Dieu pr6mdite pour nous et pour nos descendants quelque dessein cache" encore a notre courte vue; dessein pour lequel il prend ses mesures 35 en faisant avancer le monde vers la plus puissante des unite's, 1'unitd de pensee, qui annonce quelque grande units' d'action dans 1'avenir. Ainsi e'tait prepare 1'esprit du quinzieme siecle a quelque Strange manifestation humaine ou divine, quand naquit le grand homme dont nous aliens CHRISTOPHE COLOMB. raconter 1'histoire. On attendait quelque chose ; 1'es- prit humain a ses pressentiments. Ce sont les vagues prophe'ties des rdalites qui s'approchent. Ill Au printemps de I'anne'e 1471, au milieu du jour, par un soleil brulant qui calcinait les chemins de 1'Andalousie, 5 sur une colline a environ une demi-lieue du petit port de mer de Palos, deux etrangers voyageant a pied, leurs chaussures usdes par la marche, leurs habits, ou Ton voyait les vestiges d'une certaine aisance, souille's de poussiere, le front baigne" de sueur, s'arreterent et s'assi- 10 rent a 1'ombre du portique exte'rieur d'un petit monastere appele" Sainte-Marie de Rabida. Leur aspect et leur lassitude imploraient d'eux-memes 1'hospitalite. Les couvents de franciscains dtaient, a cette epoque. les hotelleries des voyageurs pedestres a qui la misere inter- 15 disait d'aborder d'autres asiles. Ce groupe de deux etrangers attira 1'attention des moines. L'un e"tait un homme a peine parvenu au milieu de la vie, grand de taille, robuste de formes, majestueux de pose, noble de front, ouvert de physionomie, pensif de 20 regard, gracieux et doux de levres. Ses cheveux, d'un blond le'gerement brun dans sa premiere jeunesse, se teignaient pre'maturement sur les tempes de ces meches blanches que hatent le malheur et le travail d'esprit. Son front etait eleve" ; son teint, primitivement colore, 25 etait pali par 1'etude, et bronze par le soleil et la mer. Le son de sa voix e*tait male, sonore et pe'ne'trant comme 1'accent d'un homme habitue a profe'rer des pense"es profondes. Rien de leger ou d'irrefldchi ne se revelait dans ses gestes ; tout e'tait grave et symetrique 30 dans ses moindres mouvements ; il semblait se respecter modestement lui-meme, ou n'agir qu'avec la reserve d'un homme pieux dans un temple, comme s'il cut dte en pre'sence de Dieu. L'autre etait un enfant de huit a dix ans. Ses traits, 3C plus f6minins, mais deja muris par les fatigues de la. vie, CHRISTOPHE COLOMB. avaient une telle ressemblance avec ceux du premier etranger, qu'il etait impossible de ne pas reconnaitre en lui cm un fils cm un frere de 1'homme mur. IV CES deux Strangers e*taient Christophe Colomb et 5 Diego, son fils. Les moines, curieux et attendris a 1'aspect de cette noblesse de visage du pere et de cette grace de 1'enfant, qui contrastaient avec 1'indigence de leur equipage, les tirent entrer dans 1'interieur du monastere pour leur offrir 1'ombre, le pain et le repos 10 dus aux pelerins. Pendant que Colomb et son enfant se rafraichissaient et se fortifiaient de 1'eau, du pain et des olives de la table des notes, les moines allerent informer le prieur de 1'arrive'e des deux voyageurs et de 1'interet etrange qui s'attachait a leur noble apparence, 15 en contraste avec leur misere. Le prieur descendit pour converser avec eux. Ce superieur du couvent de la Rabida etait Juan Peres de Marchenna, ancien confesseur de la reine Isabelle, qui regnait alors avec Ferdinand sur 1'Espagne. 20 Homme de saintetd, de science et de recueillement, il avait preTerd 1'abri de son cloitre aux honneurs et aux intrigues de la cour ; mais il avait conserve par cette retraite meme un grand respect dans le palais et un grand cre'dit sur 1'esprit de la reine. La Providence 25 n'avait pas moins dirige les pas de Colomb que le hasard, si elle avait eu pour intention de lui ouvrir par une main affidee, quoique invisible, les portes du conseil, 1'oreille et le cceur des souverains. V LE prieur salua I'dtranger, caressa 1'enfant et s'informa 80 avec bienveillance des circonstances qui les forgaient a voyager a pied a travers les routes detourne'es de I'Es- pagne, et a emprunter 1'humble toit d'un monastere CHRISTOPKE COLOMB. pauvre et isole". Coiomb raconta sa vie obscure, et de"roula ses pensees immenses au moine attentif. Cette vie et ces pensees n'etaient qu'une attente et un pres- sentiment. Voici ce qu'on en a su depuis. VI CHRISTOPHE COLOMB e"tait le nls premier-nd d'un cardeur 5 de laines de Genes, me'tier aujourd'hui infime, profes- sion alors libe'rale et presque noble. Dans ces rdpubli- ques industrielles et commerciales de 1'Italie, les artisans, fiers de retrouver ou d'inventer des industries, formaient des corporations ennoblies par leur art et importantes 10 dans 1'Etat. II e"tait ne en 1436. II avait deux freres, Barthelemy et Diego, qu'il appela plus tard a partager ses travaux, sa gloire, ses malheurs ; il avait aussi une sceur plus jeune que ses freres. Elle se maria a un ouvrier de Genes. Son obscurite 1'abrita longtemps de 15 l'e"clat et des infortunes de ses freres. Nos instincts naissent des premiers spectacles que la nature offre a nos sens dans les lieux ou nous voyons le jour, surtout quand ces spectacles sont majestueux et infinis, comme les montagnes, le ciel et la men Notre 2} imagination est la contre-epreuve et le miroir des pre- mieres scenes dont nous sommes frappe's. Les premiers regards de Coiomb enfant contemplerent le firmament et la mer de Genes. L'astronomie et la navigation entraine- rent de bonne heure ses pensees dans ces deux espaces 25 ouverts sous ses yeux. II les remplissait de ses reveries avant de les repeupler de leurs continents et de leurs lies. Contemplatif, silencieux, pieux d'inclination des ses plus tendres annees, son ge"nie enfant Temportait loin et haut dans les espaces, non pas seulement pour 80 decouvrir plus, mais pour adorer davantage. Dans 1'ceuvre divine, ce qu'il cherchait au fond de tout, c'e"tait Dieu. CHRISTOPHE COLOMB. VII SON pere, homme e'claire' et ais^ dans sa profession, ne resista pas a la nature qui se manifestait par de si studieux penchants dans son fils. II 1'envoya e'tudier a Pavie la geome'trie, la ge'ographie, 1'astronomie, 1'astro- logic, science imaginaire du temps, et la navigation. Son esprit de'passa promptement les limites de ces sciences, alors incompletes. II tait de ces ames qui vont toujours au dela du but ou le vulgaire s'arrete et dit : " Assez." A quatorze ans, il savait tout ce qu'on 10 enseignait dans ces coles ; il revint a Genes, dans sa famille. La profession se'dentaire et inintellectuelle de son pere ne pouvait emprisonner ses faculte's. II navigua plusieurs anne'es sur les navires de commerce, de guerre, d'expdditions aventureuses, que les maisons de Genes 15 armaient sur la Me'diterrande pour disputer ses flots et ses ports aux Espagnols, aux Arabes, aux mahome'tans, sortes de croisades perpe"tuelles ou le trafic, la guerre et la religion faisaient de ces marines des re"publiques italiennes une cole de commerce, de lucre, d'heroi'sme 20 et de saintete'. Soldat, savant et matelot a la fois, il monta sur des vaisseaux que sa patrie preta au due d'Anjou pour conqudrir Naples, sur la flotte que le roi de Naples envoya attaquer Tunis, sur les escadres dont Genes combattait 1'Espagne. II s'eleva, dit-on, a des 25 commandements d'obscures expe'ditions navales dans la marine militaire de son pays. Mais 1'histoire le perd de vue dans ces commencements de sa vie. Sa destinee n'e'tait pas la : il se sentait a 1'dtroit dans ces petites mers et dans ces petites choses. Sa pense'e etait plus grande 80 que sa patrie. II me'ditait une conquete pour 1'espece humaine, et non pour une dtroite re'publique de la Ligurie. VIII DANS les intervalles de ses expeditions, Christophe Colomb trouvait k la fois, dans 1'etude de son art, la CHRISTOPHE COLOMB. 9 satisfaction de sa passion pour la geographic et pour la navigation, et son humble fortune. II dessinait, gravait et vendait ses cartes marines ; ce petit commerce suffisait peniblement & son existence. II y cherchait moins le lucre que le progres de la science. Son esprit et ses 5 sens, continuellement fixes sur les astres et les mers, poursuivaient par la pensee un but entrevu par lui seul. Un naufrage, la suite d'un combat naval et de 1'incendie d'une galere qu'il montait dans la racjs de Lisbonne, le fixa en Portugal. II se precipita dans la 10 mer pour echapper aux flammes, se saisit, d'une main, d'une rame, et, nageant de 1'autre vers la cote, il atteignit le rivage. Le Portugal, saisi tout entier alors de sa passion des de"couvertes maritimes, etait un se"jour convenable a ses inclinations. II esperait y trouver des 15 occasions et des moyens de s'elancer k son gr6 sur 1'Ocean ; il n'y trouva que le travail ingrat du geographe se"dentaire, 1'obscurite et 1'amour. En allant, chaque jour, assister aux offices religieux dans 1'eglise d'un couvent de Lisbonne, il s'eprit d'attachement pour une 20 jeune recluse dont la beautd 1'avait frappe. C'etait la fille d'un noble Italien attache au service du Portugal. Son pere 1'avait confide aux religieuses de ce couvent en partant pour une expedition navale lointaine. Elle s'appelait dona Felippa de Palestrello. Seduite elle- 25 menie par la beaute pensive et majestueuse du jeune etranger qu'elle voyait chaque jour assidu aux services de 1'eglise, elle ressentit 1'amour qu'elle lui avait inspire. Tous deux sans parents et sans fortune sur une terre e"trangere, rien ne pouvait contrarier 1'attrait qu'ils 30 e'prouvaient 1'un pour 1'autre ; ils s'unirent par un mariage, sur la foi de la Providence et du travail, seule dot de Felippa et de son amant. II continuait, pour nourrir sa belle-mere, sa femme et lui, k faire des cartes et des globes recherches & cause de leur perfection par 35 les navigateurs portugais. Les papiers de son beau- pere, qui lui furent remis par sa femme, et ses corres- pondances avec Toscanelli, fameux geographe de Florence, lui fournirent, dit-on, des notions precises sur les mers lointaines de 1'Inde, et les moyens de rectifier ZO CHRISTOPHE COLOMB. les elements alors confus ou fabuleux de la navigation. Enticement absorbe" dans sa felicite domestique et dans ses contemplations geographiques, il eut un premier fils qu'il appela Diego, du nom de son frere. Sa socie'te 5 intime ne se composait que de marins revenant des expeditions lointaines, ou revant des terres inconnues et des routes non frayees sur FOce'an. Son atelier de cartes et de globes etait un foyer d'idees, de conjectures, de projets, qui entretenait san cesse son imagination de 10 quelque grand inconnu sur le globe. Sa femme, fille et sceur de marins, partageait elle-meme ces enthousiasmes. En contournant sous ses doigts ses globes, et en pointant ses cartes d'iles et de continents, un vide immense avait frappe' les yeux de Colomb au milieu de 1'Ocean 15 atlantique. La terre semblait manquer, la, du contre- poids d'un continent. Des rumeurs vagues, merveilleuses, terribles, parlaient a 1'imagination des navigateurs de cotes entrevues du sommet des Azores, dites mobiles ou flottantes qui se montraient par des temps sereins, 20 qui disparaissaient ou qui s'eloignaient quand les pilotes temeraires cherchaient a en approcher. Un voyageur venitien, Marco Polo, qu'on regardait alors comme un inventeur de fables, et dont le temps a reconnu depuis la veracite', racontait a 1'Occident les 25 merveilles des continents, des Etats et des civilisations de la Tartarie, de 1'Inde, de la Chine, que 1'on suppo- sait se prolonger la oh s'etendent en realite les deux Ameriques. Colomb lui-meme se flattait de trouver, a l'extre"mite de 1' Atlantique, ces contrees de Tor, des perles 30 et de la myrrhe, dont Salomon tirait ses richesses; cet Ophir de la Bible, recouvert depuis des nuages du lointain et du merveilleux. Ce n'etait pas un continent nouveau, mais un continent perdu qu'il cherchait. L'attrait du faux le menait a la veritd 35 II supposait dans ses calculs, d'apres Ptolcmee et d'apres les geographes arabes, que la terre etait un globe dont on pourrait faire le tour. II croyait ce globe moins vaste qu'il ne 1'est de quelques milliers de lieues. II s'imaginait, en consequence, que 1'etendue de mer a parcourir pour arriver a ces terres inconnues de 1'Inde CHRISTOPHE COLOMB. II &ait moins immense que les navigateurs ne ie pensaient. L'existence de ces terres lui semblait confirmee par les te'moignages etranges des pilotes qui s'e'taient avance's le plus loin au dela des Agores. Les uns avaient vu flotter sur les vagues des branches d'arbres inconnus en 5 Occident ; les autres.des morceaux de bois sculptes, mais qui n'avaient pas etc" travaille's a 1'aide d'outils de fer ; ceux-la, des sapins monstrueux creuses en canot d'un seul tronc, qui pouvaient porter quatre-vingts rameurs; ceux-ci, des roseaux gigantesques ; d'autres, enfin, des 10 cadavres d'hommes blancs ou cuivres, dont les traits ne rappelaient en rien les races occidentales, asiatiques ou africaines. Tous ces indices flottants de temps en temps a la suite des tempetes sur 1'Ocean, et je ne sais quel instinct 15 vague qui pre'cede toujours les realties comme 1'ombre precede le corps quand on a le soleil derriere soi, annongaient au vulgaire des merveilles, attestaient a Colomb des terres existantes au dela des plages e"crites par la main des geographes sur les mappemondes. 20 Seulement il etait convaincu que ces terreSTfe'taient qu'un prolongement de 1'Asie, remplissant plus d'un tiers de la circonference du globe. Cette circonference, ignore'e alors des philosophes et des geometres, laissait aux conjectures 1'e'tendue de cet Ocean qu'il fallait 25 traverser pour atteindre a cette Asie imaginaire. Les uns la croyaient incommensurable ; les autres se la figuraient comme une espece d'ether profond et sans borne, dans lequel les navigateurs s'e"garent, comme aujourd'huiles aeronautes dans les deserts du firmament. 30 Le plus grand nombre, ignorant les lois de la pesanteur et de 1'attraction qui rappelle les *(* tout le monde monta aux CHRISTOPHE COLOMB. 41 mats, auxhunes, aux cordages les plus Sieves des navires, pour prendre possession par ses propres yeux du rivage entrevu par Pinzon, au sud-ouest. Colomb seul doutait ; mais il aimait trop a croire pour contredire seul le delire de ses equipages. Bien qu'il ne cherchat sa terre & lui qu'a 1'ouest, il laissa gouverner au sud pendant toute la nuit, aimant mieux perdre un peu de sa route pour complaire a ses compagnons que de perdre la popularite passagere due a leur illusion. Le lever du soleil ne la dissipa que trop vite. La terre imaginaire de Pinzon s'etait eVanouie avec la brume de la nuit. L'amiral reprit la route de ses pensees vers 1'ouest. VIII avait de nouveau aplani sa surface ; le soleil sans nuage et sans limite s'y reverberait comme dans un second ciel. Les lames caressantes couronnaient la 15 proue de legeres ecumes. Les dauphins, plus nombreux, bondissaient dans le sillage; toute la mer semblait habitee ; les poissons volaient, s'dlancaient et retombaient sur les ponts des navires. Tout semblait se concerter avec Colomb dans la nature pour entrainer par un espoir 20 renaissant ses matelots qui oubliaient les jours. Le i" octobre, ils s'imaginaient n'avoir fait que six cents lieues hors des parages frequentes des navigateurs : le livre d'estime secret de 1'amiral en accusait plus de huit cents. Cependant tous les signes du voisinage des terres se 25 multipliaient autour d'eux, mais point de terre a aucun horizon. La terreur rentra dans leur ame. Colomb lui-meme, sous son calme apparent, se troubla dequelque doute ; il craignit d'avoir passe sans les voir a travers les iles d'un archipel, de laisser derriere lui 1'extr^mite 30 de 1'Asie qu'il cherchait, et de s'egarer maintenant dans quelque troisieme oce"an. La plus legere de ses barques, la Nina, qui naviguait en avant-garde, le 7 octobre, hissa enfin son pavilion de de"couverte, et lira un coup de canon de joie pour 35 annoncer une cote aux deux autres vaisseaux. En 42 CHRISTOPHE COLOMB. s'approchant, ils reconnurent que la Nina avait ete' deque par un nuage. Le vent, en 1'emportant dans les airs, emporta leur courte joie. Elle se changea en consterna- tion. Rien ne lasse le cceur des homines autant que res 5 alternatives de fausses joies et de deceptions ameres. Ce sont les sarcasmes de la fortune. Les reproches recommencerent a eclater sur tous les visages contre 1'amiral. Ce n'etait plus seulement leurs fatigues et leurs divisions que les equipages imputaient a leur guide, 10 c'etait leur vie sacrifice sans espoir; le pain et 1'eau allaient manquer. Colomb, de'concerte par Pimmensite de cet espace, dont il avait cru enfin toucher les bornes, abandonna sa route ideale trace'e sur sa carte, et suivit deux jours et lo deux nuits le vol des oiseaux, piloies celestes que la Providence semblait lui envoyer au moment ou la science humaine defaillait en lui. L'instinct de ces oiseaux, se disait-il, ne les dirigerait pas tous vers ce point de 1'horizon, s'ils n'y voyaient pas un rivage. 20 Mais les oiseaux meme semblaient, aux yeux des matelots, s'entendre avec le desert de 1'Ocean et avec les astres menteurs pour se jouer de leurs navires et de leurs vies. A la fin du troisieme jour, les pilotes, montes sur les haubans a 1'heure ou le soleil devoile en 25 s'abaissant le plus d'horizon, le virent se plonger dans les memes vagues d'ou il se levait depuis tant d'aurotes. Ils crurent a 1'infini des eaux. Le de"sespoir qui les abattait se changea en sourde fureur. Qu'avaient-ils a menager maintenant avec un chef qui avait trompe la 30 cour, et dont les litres et 1'autorite, surpris a la confiance de ses souverains, allaient perir avec ses illusions ? Le suivre plus loin, n'etait-ce pas s'associer a son crime ? L'obeissance ne finissait-elle pas la oil finissait le monde ? Restait-il un autre espoir, s'il en restait, que 35 de retourner les proues vers 1'Europe, de lutter en louvoyant contre ces vents, complices de 1'amiral, et de 1'enchainer lui-meme a son mat pour qu'il fut 1'objet de la malediction des mourants, s'il fallait mourir, ou pour le livrer a la vengeance de 1'Espagne, si le ciel leur permettait jamais d'en revoir les ports ? CHRISTOPHE COLOMB. 43 Ces murmures etaient devenus des clameurs. L'in- tre"pide amiral les contint par 1'impassibilite de son visage. II invoqua centre les seditieux I'autorite', sacre"e pour des sujets, des souverains dont il etait investi. II invoqua le ciel meme, juge en ce moment entre eux et 5 lui. II ne fle'chit pas ; il offrit sa vie en gage de ses promesses ; il leur demanda seulement, avec 1'accent d'un prophete qui voit ce que le vulgaire ne voit que par son ame, d'ajourner de trois jours leur incredulite et leur resolution de retour. II fit serment, 10 serment temeraire, mais politique, que si dans le cours du troisieme soleil la terre n'etait pas visible a 1'horizon, il se rendrait a leurs instances, et il les ramenerait en Europe. Les signes revelateurs du voi- sinage d'iles ou de continents Etaient si visibles aux 15 yeux de 1'amiral, qu'en mendiant ces trois jours a ses equipages revoltes, il se croyait certain de les conduire au but. II tentait Dieu en assignant un terme a sa revelation, mais il avait a menager des hommes. Les hommes, a regret, lui accorderent ces trois jours, et 2 o Dieu, qui 1'inspirait, ne le punit pas d'avoir trop espe're' de lui. IX Au lever du soleil du deuxieme jour, des joncs fraiche- ment deracines apparurent autour des vaisseaux. Une planche travaillee avec la hache, un baton artistement 25 cisele a 1'aide d'un instrument tranchant, une branche d'aubepine en fleur, enfin un nid d'oiseau suspendu a une branche rompue par le vent, rempli d'ceufs que la mere couvait encore au doux roulis des vagues, flotterent successivement sur les eaux. Les matelots recueillirent so a bord ces temoins ecrits, parlants ou vivants d'une terre voisine. C'etaient les voix du rivage qui confir- maient celle de Colomb. Avant de contempler la terre des yeux du corps, on la concluait par ces indices de vie. Les seditieux tomberent a genoux devant 1'amiral outrage 35 la veille j ils implorerent le pardon de leur defiance, et 44 CHRISTOPHE COLOMB. entonnerent 1'hymne de reconnaissance au Dieu qui les avait associes a son triomphe. La nuit tomba sur ces chants de 1'Eglise qui saluaient un monde nouveau. L'amlral ordonna de carguer les 5 voiles, de sender devant les navires, de naviguer avec lenteur, redoutant les bas-fonds et les e"cueils, convaincu que les premieres clartes du cre"puscule decouvriraient la terre sous les proues de ses vaisseaux. Nul ne dormit dans cette nuit supreme. L'impatience d'esprit avait 10 enleve tout besoin de sommeil aux yeux ; les pilotes et les matelots, suspendus aux mats, aux vergues, aux haubans, rivalisaient entre eux de poste et d'attention pour lancer le premier regard sur le nouvel hdmisphere. Un prix avait te promis par 1'amiral a celui qui jetterait !5 le premier cri de : Terre ! si la terre en effet reconnue ve"rifiait sa decouverte. La Providence cependant lul reservait a lui-meme ce premier regard, qu'il avait achete au prix de vingt ans de sa vie et de tant de Constance et de dangers. En se promenant seul, a minuit, sur la 20 dunette de son vaisseau, et en plongeant son regard pergant dans les tenebres,une lueur de teu passa,s'eteigrnt et repassa devant ses yeux au niveau cles vagues. Craignant d'etre trompe par un eblouissement ou par une phosphorescence de la mer, il appela a voix basse un 25 gentilhomme espagnol de la cour d'Isabelle, nomme Guttierez, en qui il avait plus de foi que dans ses pilotes. 11 lui indiqua de la main le point de 1'horizon ou il avait entrevu un feu, et lui demanda s'il n'apercevait pas une lumiere de ce cote. Guttierez repondit qu'il voyait en 20 effet etinceler une lueur fugitive dans cette direction. Colomb, pour se confirmer davantage dans sa conviction, appela Rodrigo Sanchez de Segovie, un autre de ses confidents. Sanchez n'hesita pas plus que Guttierez a constater une clarte" a 1'horizon. Mais a peine ce feu se 35 montrait-il, qu'il disparaissait pour reparaltre dans une emersion alternative de l'Oce"an, soil que ce fut la flamme d'un foyer sur une plage basse, decouverte et de"robee tour a tour par 1'horizon ondoyant des grandes lames, soit que ce fut le fanal flottant d'un canot de pecheurs tour a tour eleve' sur la crete et englouti dans le creux CHRISTOPHE COLOMB. 45 des vagues. Ainsi la terre et la vie apparurent a la fois a Colomb et a ses deux confidents sous la forme du feu dans la nuit du n au 12 octobre 1492. Colomb, commandant le silence a Rodrigo et a Guttierez, renferma en lui-meme sa vision, dans la crainte de donner encore une fausse joie et une amere de'ception a ses Equipages. II perdit de vue la lueur eteinte et veilla jusqu'a deux heures du matin, priant, esperant et desesperant seul sur le pont, entre le triomphe ou le retour dont le lende- main allait decider. 10 X IL e"tait plon^e* dans cette angoisse qui precede les grands. enfantements de verites, comme 1'agonie precede le grand affranchissement de 1'esprit par la mort, quand un coup de canon, retentissant sur 1'Ocean a quelques centaines de brasses devant lui, eclata comme le bruit 15 d'un monde a son oreille, et le fit tressaillir et tomber a ijenoux sur la dunette. C'e"tait le cri de : Terre ! jete par le bronze, signal convenu avec la Pinta, qui naviguait en tete de la flotte, pour e"clairer la route et sonder la mer. A ce bruit, un cri general de : Terre/ eclata de 20 toutes les vergues et de tous les cordages des vaisseaux. On ferla les voiles, et Ton attendit 1'aurore. Le mystere de 1'Ocean avait dit son premier mot au sein de la nuit. Le jour allait le reveler tout entier aux regards. Les parfums les plus suaves et les plus inconnus arnvaient par 2 s haleines jusqu'aux vaisseaux avec 1'ombre d'une cote, le bruit des lames sur les re"cifs et le vent de terre. Le feu apergu par Colomb annongait la presence de 1'homme et le premier element de la civilisation. Jamais nuit ne parut plus lente a devoiler 1'horizon ; car cet horizon, 30 c'etait pour les compagnons de Colomb et pour lui- meme une second e creation de Dieu. 46 CHRISTOPHE COLOMB. XI LE crepuscule, en se repandant dans 1'air, fit peu & pen sortir les formes d'une ile du sein des flots. Ses deux extre'mites se perdaient dans la brume du matin. Sa cote basse s'e"levait en amphitheatre jusqu'a des sommets 5 de collines, dont la sombre verdure contrastait avec la limpidite bleue du ciel ; a quelques pas de 1'ecume des vagues mourantes sur un sable jaune, des forets d'arbres majestueux et innommcs s'etendaient en gradins sur les Stages successifs de File. Des anses vertes et des 10 clairieres lumineuses dans ces fonds laissaient percer a. demi par les yeux ces mystres de la solitude. On y entrevoyait des habitations disseminees, semblables a des ruches d'hommes par leur forme arrondie et par leurs toits de feuillages desseche's ; des fume'es s'elevaient ga 15 et la au-dessus des cimes des bois. Des groupes d'hommes, de iemmes et d'enfants, ^tonnes plus qu'effraye"s, semontraient demi-nusentre les troncs d'arbres les plus rapproche's du rivage, s'avangaient timidement, se retiraient tour a tour, temoignant, par leurs gestes et 20 par leurs attitudes na'ives, autant de crainte que de curiosite" et d'admiration a 1'aspect de ces navires et de ces etrangers apporte"s la nuit par les flots. XII COLOMB, apres avoir contemple en silence ce premier rivage avance de la terre si souvent construite dans ses calculs et si magninquement coloree dans son imagina- tion, la trouva superieure encore a ses pens^es. II brulait d'impatience d'imprimer le premier le pied d'un Europeen sur ce sable, et d'y arborer, dans le signe de la croix et dans le drapeau de 1'Espagne, 1'etendard de la conquete de Dieu et de la conquete de ses souverains par son genie. Mais il contint en lui-meme et dans ses equipages cette hate d'aborder le rivage, voulant donner k cette prise de possession d'un monde nouveau la solennitd CHRISTOPHE COLOMB. 47 du plus grand acte accompli peut-etre jamais par un navigateur, ec appeler, a defaut des hommes, Dieu et les anges, la mer, la terre et le ciel en temoignage de sa conquete sur I'inconnu. II se revetit de toutes les marques de ses dignity's 5 d'amiral de 1'Ocean et de vice-roi des royaumes tuturs ; il deploya son manteau de pourpre, et, prenant dans sa main droite le drapeau brod d'une croix ou les chiffres de Ferdinand et d'Isabelle, entrelaces comme leurs royaumes, dtaient surmontes de leur couronne, il 10 descendit dans sa chaloupe, et s'avanga, suivi des chaloupes d'Alonzo Pinzon et d'Yanes Pinzon, ses deux lieutenants, vers le rivage. En touchant la terre, il tomba a genoux pour consacrer par un acte d'humilite et d'adoration le don et la grandeur de Dieu dans cette 15 partie nouvelle de ses oeuvres. II baisa le sable, et, le visage colle sur 1'herbe, il pleura. Larmes a double sens et a double augure, qui mouillaient, pour la premiere fois, 1'argile de cet hemisphere visite par des hommes de la vieille Europe : larmes de joie pour Colomb, qui 20 debordaient d'un cceur superbe, reconnaissant et pieux ! larmes de deuil pour cette terre vierge, qui semblaient lui presager les calamites, les devastations, le feu, le fer, le sang et la mort que ces Strangers lui apportaient avec leur orgueil, leurs sciences et leur domination ! C'etait 25> 1'homme qui versait ces larmes, c'e"tait la terre qui devait pleurer. XIII " DIEU eternel et tout-puissant," s'ecria Colomb en relevant son front de la poussiere, dans une priere latine qui nous a ete conservee par ses compagnons, " Dieu, 30 qui, par 1'energie de ta parole creatrice, as enfante le firmament, la mer et la terre ! que ton nom soit be"ni et glorifie partout ! que ta majest et ta souverainete universelle soient exaltees de siecle en siecle, toi qui as permis que, par le plus humble de tes esclaves, ton nom 35 sacr soit connu et repandu dans cette moitie jusqu'ici cache'e de ton empire ! " 48 CHRISTOPHE COLOMB. Puis H baptisa cette ile, du nom du Christ, 1'ile de San Salvador. Ses lieutenants, ses pilotes, ses matelots, ivres de joie et penetre"s d'un respect surhumain pour celui qui avait 6 vu pour eux au dela de 1'horizon visible, et qu'ils outrageaient la veille de leur defiance, vaincus par 1'evidence et foudroye's par cette superiority qui pros- terne rhomme, tomberent aux pieds de 1'amiral, bai- serent ses mains et ses habits, et reconnurent un 10 moment la souverainete' et p-esque la divinite* du ge"nie ; victimes hier de son obstination, aujourd'hui compa- gnons de sa Constance, et resplendissants de la gloire qu'ils venaient de blasphemer ! Ainsi est faite 1'hu- manite', persecutant les initiateurs, heritant de leurs 15 victoires. XIV PENDANT la cer6monie de la prise de possession, les habitants de 1'ile, d'abord retenus a distance par la terreur, puis attire's par cette curiosite instinctive, premier lien de Phomme a rhomme, s'etaient rappro- 20 ches. Us s'interrogeaient entre eux sur les spectacles merveilleux de cette nuit et de cette aurore. Ces vaisseaux manceuvrant leurs voiles, leurs antennes, leurs vergues comme des membres immenses se deployant et se repliant a I'impulsion d'une pensee interieure, leur 25 avaient paru des etres animes et surnaturels, descendus pendant les t^nebres du firmament de cristal qui entourait leur horizon, des habitants du ciel flottant sur des ailes et s'abattant a leur gre sur des rivages dont ils dtaient les dieux. Saisis de respect a la vue des SO chaloupes qui abordaient leur ile et des hommes revetus de tissus dclatants et d'armes ou se reVerberait la lumiere, ils avaient fini par s'en approcher, comme fascines par leur toute-puissance. Ils les adoraient et les imploraient avec la naivete" d'enfants qui ne soup- 85 gonnent pas le mal sous 1'attrait. Les Espagnols, les examinant a leur tour, s'dtonnaient de ne retrouver CHRISTOPHE COLOMB. 49 dans ces insulaires aucun des caracteres physiques de conformation et de couleur des races africaine, asiatique, europeenne, qu'ils avaient 1'habitude de frequenter. Leur teint cuivre, leur chevelure souple et r^pandue en ondes sur leurs epaules, leurs yeux sombres comme 5 leur mer, leurs traits delicats et feminins, leur phy- sionomie confiante et ouverte, leur nudite enfin et les dessins colories dont ils teignaient leurs membres, revelaient en eux une race entierement distincte des families humaines re"pandues sur rhemisphere ancien, 10 race conservant encore les simplicites et les douceurs de 1'enfance, oubliee pendant des siecles dans ce fond ignore du monde, ayant, a force d'ignorance, conserve la simplicite, la candeur et la douceur des premiers jours. Colomb, persuade que cette ile etait un appendice 15 avance sur 1'ocean des Indes, vers lesquelles il croyait toujours naviguer, leur donna le nom imaginaire d'ln- diens, qu'ils ont conserve" jusqu'a leur extinction par une erreur de langage survivant a 1'erreur du navigateur. XV BiENT6x ces Indiens, s'apprivoisant avec leurs notes, 2 o leur montrerent leurs sources, leurs habitations, leurs villages, leurs canots, leur apporterent en tribut leurs fruits nourriciers, leur pain de cassave, qui renouvela les vivres des Espagnols, et quelques ornements d'or pur, qu'ils portaient suspendus aux oreilles, aux narines, en 25 bracelets ou en colliers autour du cou et des jambes des femmes. Ils ignoraient le commerce et 1'usage de la monnaie, ce supplement venal, mais necessaire, a la vertu de 1'hospitalite : ils recevaient en echange avec ivresse les moindres objets usuels des Europeens. La 30 nouveaute faisait a leurs yeux le prix de toute chose. Rare et precieux est le meme mot par tout 1'univers. Les Espagnols, qui cherchaient les pays de 1'or et des pierreries, s'informerent par signes des lieux d'ou venait ce metal. Les Indiens leur montrerent le midi ; 1'amiral et ses compagnons crurent comprendre qu'il y avail de 35 50 CHRISTOPHE COLOMB. ce cote" une ile ou un continent des Indes correspondant par sa richesse et par ses arts aux merveilleux recits de Marco Polo, le Venitien. Cette terre dont ils se croyaient maintenant rapproches etait, selon eux, Tile 5 fabuleuse de Cipangu ou du Japan, dont le souverain foulait sous ses pieds des planchers formes de plaques d'or. L'impatience de reprendre leur course vers ce but de leur chimere ou de leur avidite les fit remonter promptement sur leurs vaisseaux. Ils s'etaient appro- 10 visionnes d'eau fraiche aux ruisseaux de 1'ile, et leurs ponts etaient charges des fruits, des racines et des cassaves, presents de ces heureux et pauvres Indiens. Ils en amenerent un avec eux pour apprendre leur langue et leur servir ensuite d'interprete. XVI 15 EN tournant Tile de San-Salvador, ils se trouverent comme egares dans les canaux d'un archipel compose" de plus de cent iles d'inegale grandeur, mais toutes k 1'aspect le plus luxuriant de jeunesse, de fecondite, de vegetation. Ils aborderent la plus vaste et la plus 20 peuplee. Ils furent entoures de canots creuses dans un seul tronc d'arbre, et commercerent avec les habitants, donnant des boutons et des grelots centre de For et des perles. Leur navigation et leurs relaches au milieu de ce labyrinthe d'iles inconnues ne fut pour eux que la 25 repetition de leur atterrage a San-Salvador. La me me curiosite inoffensive les accueillait partout. Ils s'eni- vraient du climat, des fleurs, des parfums, des couleurs, des plumages d'oiseaux inconnus que chacune de ces oasis etalait a leur sens ; mais leur esprit tendu vers une SO seule pense'e, la ddcouverte du pays de 1'or, vers ce qu'ils supposaient 1'extremite' de 1'Asie, les rendait moins sensibles k ces tresors naturels et les empechait de soupconner rimmense et nouveau continent dont ces iles e'taient les avant-postes sur cet ocean. Aux signes 85 et aux regards de ces Indiens qui lui indiquaient une region plus splendide encore que leur archipel, Colomb CHRISTOPHE COLOMB. 51 fit voile vers la cote de Cuba, ou il aborda en trois jours de douce navigation, sans perdre de vue les iles char- mantes de Bahama, qui jalonnaient sa route. Cuba, avec ses cotes etagees et prolonged sans limites, s'adossant a des montagnes qui fendaient le 5 ciel, avec ses havres, ses embouchures de fleuves, ses golfes, ses rades, ses forets, ses villages, lui rappela en traits plus majestueux 1'antique Sicile. II resta inde'cis si c'etait un continent ou une ile. II jeta 1'ancre dans le lit ombrage d'une vaste riviere, descendit a terre, par- 10 courut les greves, les forets, les jardins d'orangers et de palmiers, les villages, les huttes des habitants. Un chien muet fut le seul etre vivant qu'il trouva dans ces habitations abandonnees a son approche. II se rembarqua et remonta avec ses vaisseaux le lit de la * 15 riviere ombragee de palmiers a larges feuilles et d'arbres gigantesques couverts a la fois de fruits et de fleurs. La nature semblait avoir pris soin de prodiguer d'elle- meme et sans travail a ces peuplades heureuses les elements de la vie et de la fe"licite sans travail. Tout 20 rappelait 1'Eden des livres sacres et des poemes. Les animaux inoffensifs, les oiseaux aux plumes de lapis et de pourpre, les perroquets, les piverts, les colibris volaient, criaient, chantaient en nuages colores de branches en branches ; des insectes lumineux eblouis- 25 saient 1'air lui-meme ; le soleil, tempe're par 1'haleine des montagnes, par 1'ombre des arbres, par le courant des eaux, y fecondait tout sans rien calciner ; la lune et les e"toiles s'y reverberaient pendant les tenebres dans le lit du fleuve avec des splendeurs et des rejaillissements de 30 clarte douce qui enlevaient ses terreurs a la nuit. Un enivrement general exaltait Fame et les sens de Colomb et de ses compagnons. C'etait bien Ik une nouvelle terre, plus vierge et plus maternelle a la fois que la vieille terre d'oii ils e'taient venus. " C'est la plus belle ile, 35 e"crit Colomb dans ses notes, que jamais 1'ceil de 1'homme ait contemplee. On vouarait y vivre a jamais. . On n'y con5oit ni la douleur ni la mort." / L'odeur des Apices qui arrivait de 1'interieur jusqu'a ses vaisseaux, et la rencontre des huitres qui produisent 52 CHRISTOPHE COLOMB. les perles sur le rivage, lui persuadaient de plus en plus que Cuba etait un prolongeraent de 1'Asie. II s^imagi- nait que derriere les montagnes de cette ile ou de ce continent, car il etait encore incertain si Cuba tenait ou 6 non k la terre ferme, il trouverait les empires, la civilisa- tion, les mines d'or et les merveilles dont les voyageurs enthousiastes dotaient le Cathay et le Japon. Ne pouvant joindre les naturels qui fuyaient tous de la cote a 1'approche des Espagnols, il envoya deux de ses com- 10 pagnons, dont Tun parlait Th^breu et 1'autre 1'arabe, k la recherche de ces fabuleuses capitales, ou il conjecturait que le souverain du Cathay faisait sa residence. Ces ambassadeurs e'taient charge's de presents pour les indi- genes. Us avaient ordre de ne les ^changer que centre 15 de Tor, dont ils croyaient que la source intarissable etait dans 1'interieur de cette terre. Les envoyes revinrent aux vaisseaux sans avoir de'couvert d'autre capitale que des huttes de sauvages et une nature prodigue de vegetation, de parfums, de 20 fleurs et de fruits. Ils avaient reussi a apprivoiser, a. force de presents, quelques-uns des naturels, et ils les rame- naient avec eux a 1'amiral. Le tabac, plante legerement enivrante, dont les habitants faisaient de petits rouleaux enflammes par le bout pour en aspirer la fumee ; la 25 pomme de terre, racine farineuse qui se convertissait en pain tout prepare dans la cendre ; le mai's, le coton file par les femmes, les oranges, les limons, les fruits innomme's de leurs vergers, taient les seuls tresors qu'ils avaient trouves autour des habitations disse"minees 30 par groupes dans les clairieres. Deconcerte" dans ses reves d'or, 1'amiral, sur la foi des indigenes mal compris, quitta a regret ce sejour enchante pour se diriger vers Test, ou il plagait toujours sa fabuleuse Asie. II embarqua quelques hommes et quelques femmes 35 de Cuba, plus hardis et plus confiants que les autres, pour lui servir d'interpretes dans les terres voisines qu'il se proposait de visiter, pour les convertir a la foi, et pour offrir a Isabelle ces ames rachete'es, selon lui, par sa ge"nereuse entreprise. Persuade que Cuba, dont il n'avait pas aperc,u les CHR1STOPHE COLOMB. 53 limites, faisait partie de la terre ferme d'Asie, il vogua quelques jours a peu de distance du veritable continent americain sans le voir. Son illusion obstine"e lui voilait - une r^alite" si rapprochee de sa proue. Cependant 4b 1'envie, qui deyait empoisonner ses. jours, e"tait nee dans >> 1'ame de ses compagnons, le jour meme oil ses decou- vertes avaient couronne" la pensee de sa vie entiere. Amerigo Vespucci, Florentin obscur, embarque" sur un de ses navires, devait donner son nom a ce monde vers lequel Colomb seul 1'avait guide". Vespucci ne dut 10 cette fortune de son nom qu'au hasard et a ses voyages subsequents avec Colomb vers ces memes parages. Lieutenant subalterne ct devoue de 1'amiral, il ne chercha jamais a lui derober cette gloire. Le caprice de la fortune la lui donna sans qu'il eut jamais cherche' a 15 tromper 1'opinion de 1'Europe, et la routine la lui conserva. Le nom du chef fut de'she'rite de 1'honneur 0tj de nommer un monde, le nom du subordonne prevalut. Derision de la gloire humaine dont Colomb fut victime, mais dont Amerigo ne fut du moins pas coupable. On 20 peut reprocher une injustice et une ingratitude a la poste'rite ; on ne peut reprocher un larcin volontaire au pilote heureux de Florence. XVII MAIS cette envie, qui nait dans le coeur des hommes le meme jour que le succes, bnilait deja le cceur du 25 principal lieutenant de Colomb, Alonzo Pinzon. Com- mandant la Pinta, second navire de 1'escadre, Pinzon, dont les voiles devangaient plus legerement les deux autres navires, feignit de s'egarer dans la nuit et disparut aux regards de so"n chef. 11 avait re"solu de profiler de so la decouverte de Colomb pour decouvrir lui-meme, sans ge'nie et sans efforts, d'autres terres, et, apres leur avoir donne son nom, de revenir le premier en Europe usurper la fleur de la gloire et des recompenses dues a son maitre et a son guide en navigation. 35 Colomb s'etait trop apergu depuis quelques jours de 54 CHRISTOPHE COLOMB. 1'envie et de 1'insubordination de son lieutenant. Mais il devait beaucoup a Alonzo Pinzon : sans lui, sans ses encouragements et sans son assistance a Palos, il ne serait jamais parvenu a equiper ses navires et a engager 5 ses matelots. La reconnaissance 1'avait empeche de seVir centre les premieres insubordinations d'un homme dont il avait tant rec.u. Le caractere tole'rant, modeste et magnanime de Colomb le detournait de toute rigueur odieuse. Plein de justice et de vertu, il comptait sur 10 les retours de justice et de vertu des autres. Cette bonte, qu'Alonzo Pinzon avait prise pour de la faiblesse, 1'encourageait a 1'ingratitude. II s'elanga audacieusement entre Colomb et les nouvelles decouvertes qu'il avait rdsolu de lui arracher. XVIII 15 L'AMIRAL gemit, entrevit le crime, affecta de croire a une deviation involontaire de la Pinta, et, cinglant avec ses deux navires au sud-est, vers une ombre immense qu'il apercevait sur la mer, il aborda a File d'Hispaniola, nommee depuis Saint-Domingue. Sans ce nuage autour 20 des montagnes de Saint-Domingue, qui lui fit virer de bord, il allait rencontrer encore le continent. L'archipel ame"ricain, en le seduisant et en Pe'garant d'ile en ile, semblait le detourner a plaisir du but auquel il touchait sans 1'apercevoir. Ce fantome de 1'Asie, qui 1'avait 05 conduit au bord de I'Amerique, s'interposait maintenant entre 1'Am^rique et lui, pour lui derober par une chimere la grande re'alite. XIX CETTE terre neuve, riante, feconde, immense, noye'e dans une atmosphere de cristal et baignee par une mer dont les lames roulaient des parfums, lui apparut comme 1'ile merveilleuse, detachee du continent des Indes, qu'il '. cherchait jL_travers tant de distances et de perils, sous le CHRISTOPHE COLOMB. 55 nom chimerique d'ile de Cipangu. II lui donna le nom d'Hispaniola pour la marquer du signe kernel de sa patrie d'adoption. Les naturels, simples, doux, hospita- llers, candides et respectueux, accoururent en foule sur le rivage, comme au-devant de~ creatures d'une nature 5 superieure qu'un prodige celeste leur envoyait des bornes de 1'horizorT ou du fond du firmament pour etre adorees et servies par eux a 1'egal des dieux. Une population nombreuse et heureuse couvrait alors les plaines et les vallees d'Hispaniola. Les hommes et les 10 femmes taient des types de force et de grace. La paix perpetuelle qui regnait entre leurs peuplades marquait leur physionomie d'une impression de douceur et de bonte. Leurs lois n'etaient que les instincts bien- ^^ veillants du cceur, passes en traditions et en coutumes. 13 On eut dit un peuple enfant, dont les vices n'avaient pas eu encore le temps de se developper, et que les in- spirations d'une innocente nature suffisaient a gouverner. Us connaissaient de 1'agriculture, de 1'horticulture et des arts tout ce qui est necessaire a I'administration, a 2i 1'habitation, aux premieres necessites de la vie. Leurs { champs etaient admirablement cultives, leurs cases elegantes, groupees en villages au bord de forets d'arbres a fruits, dans le voisinage des fleuves ou des sources. Leurs vetements, sous un ciel tiede qui ne 93 leur faisait eprouver ni les extremite's de 1'hTver ni celles de 1'ete, ne consistaient qu'en ornements destines a les embellir, en tissus de coton, en najttes et en ceintures suffisants pour voiler leur pudeur. Leur gouvernement etait simple et naturel comme leurs idees. C'^tait la 39 famille agrandie par la suite des generations, mais toujours groupie autour d'un chef hereditaire qu'on appelait le cacique. Ces caciques Etaient les chefs, non les tyrans de leur tribu. Les coutumes, constitutions non ecrites, mais inviolables et protectrices comme une 33 loi divine, regnaient sur ces petits rois. Autorite toute paternelle d'un cote, toute filiale de 1'autre, contre laquelle la revolte semblait inconnue. Les naturels de Cuba que Colomb avait embarque"s avec lui pour lui servir de guides et d'interpretes sur ces 56 CURISTOPHE COLOMB. mers et ces iles commengaient a comprendre la langue des Europeans. Us entendaient a demi celle des habi- tants d'Hispaniola, branche detachee de la meme race huraaine. Us etablirent ainsi des rapports d'intelli- gence prompts et faciles entre Colomb et le peuple qu'il venait visiter. XX LES pretendus Indiens conduisirent sans defiance les Espagnols dans leurs maisons, leurpresentant le pain de cassave, les fruits inconnus, les poissons, les racines 10 savoureuses, les oiseaux apprivoises, au riche plumage, au chant melodieux, les fleurs, les palmes, les bananes, les limons, tous les dons de la mer, du ciel, de la terre, du climat. Us les traiterent en notes, en freres, presque en dieux. " La nature, dit Colomb, y est si prodigue, jg que la proprie"te n'y a pas cree le sentiment de 1'avarice ou de la cupidite. Ces hommes paraissent vivre dans un age d'or, heureux et tranquilles au milieu de jardins ouverts et sans bornes, qui ne sont ni entoures de fosse's, ni divises par des palissades, ni deTendus par des 20 murs. Us agissent loyalement Tun envers 1'autre, sans lois, sans livres, sans juges. Us regardent comme un, mediant homme celui qui prend plaisir a faire mal a un autre. Cette horreur des bons contre les mediants parait etre toute leur legislation." Leur religion n'etait 25 aussi que le sentiment d'inferiorite, de reconnaissance et d'amour envers 1'Etre invisible qui leur avait pro- digue la vie et la feiicite. Quel contraste entre 1'etat de ces heureuses popula- tions au moment ou les Europeans les ddcouvrirent pour 80 leur apporter le genie de 1'ancien monde, et 1'etat ou ces malheureux Indiens tomberent en peu d'annees apres cette visite de leurs pretendus civilisateurs ! Quel mystere de la Providence que cette visite inattendue de Colomb a un nouveau monde, ou il croit apporter la 35 vertu et la vie, et ou il seme a son insu la tyrannic et la mort J CHRISTOPHE COLOMB. 57 XXI. LE pilote de Colomb, en cherchant a pendtrer succes- sivement dans toutes les anses et dans toutes les em- < bouchures de fleuves de 1'ile, echoua pendant le som- meil de 1'amiral. Le vaisseau, menace" d'etre submerge / ! par les lames mugissantes, fut abandonne par le pilote et 5 par une partie des matelots, qui, sous prdtexte de porter une ancre a terre, s'enfuirent a force de rames pour gagner 1'autre navire, croyant Colomb livre & une mort inevitable. L'energie de 1'amiral sauva encore, non le navire, mais ses compagnons. II lutta centre les 10 brisants jusqu'au de"membrement de la derniere planche, et, plagant ses hommes sur un radeau, il aborda en naufrage" sur cette meme cote oti il venait d'aborder en conquerant. II y fut rejoint bientot par le seul navire qui lui restat. Son naufrage et son infortune ne refroidi- 15 rent pas 1'hospitalite" du cacique dont il avait die* 1'hote quelques jours avant. Ce cacique, nomm& Guacanagari, premier ami et bientot premiere victime de ces Strangers, versa des larmes de compassion sur le ddsastre de Colomb. II offrit sa demeure, ses provisions, ses 20 .secours de toute nature aux Espagnols. Les de"bris du naufrage, les richesses des Europeens, arraches aux flots et etales sur la greve, y furent preserves, comme des choses saintes, de toute violation, et meme de toute importune curiosite". Ces hommes, qui ne connaissaient 25 pas la proprie'te pour eux-memes, semblaient la recon- naitre et la respecter dans des hotes malheureux. Colomb s'attendrit, dans ses lettres au roi et a la reine, e^i> sur la ge"nerosite sans efforts de ce peuple. " II n'y a point dans 1'univers, e"crit-il, une meilleure nation et un so meilleur pays. Us aiment leurs voisins comme eux- memes ; ils ont toujours un langage doux et gracieux, et le sourire de la tendresse sur les levres. Ils sont nus, il est vrai, mais vetus de leur de"cence et de leur candeur." 35 Colomb, apres avoir etabli avec le jeune cacique des relations de la plus tendre et de la plus confiante hos- 58 CHRISTOPHE COLOMB. pitalite, re$ut de lui en present quelques ornements d'or. A la vue de Tor, la physionomie des Europe'ens exprima tout a coup tant de passion, d'avidite et de fe'rocite dans le desir, que le cacique et ses sujets s'etonnerent et 5 s'alarmerent par instinct, comme si leurs nouveaux amis avaient change subitement de nature et de dispositions envers eux. Cela n'etait que trop vrai : les compagnons de Colomb ne cherchaient que les richesses fantastiques de 1'Orient, pendant que lui-meme cherchait une partie 10 mysterieuse de 1'univers. La vue de 1'or les avail rap- peles a leur convoitise ; leur visage e"tait devenu apre et violent cornme leur pensee. Le cacique, apprenant que ce metal ttait la divinite des Europe'ens, leur expliqua, en leur montrant les montagnes, qu'il y avait derriere ces 13 sommets une region d'ou lui venait en abondance cet or. Colomb ne douta plus d'avoir enfin remonte" jusqu'a la source de ces richesses de Salomon, et pre- parant tout pour son retour rapide en Europe, afin d'y annoncer son triomphe, il construisit un fort dans le 9.0 village du cacique, pour y laisser une partie de ses com- pagnons en surete pendant son absence. II choisit parmi ses officiers et ses matelots quarante hommes d'elite, et les mit sous le commandement de Pedro de Arana. Us e"taient charge's de recueillir des notions sur 25 la region de 1'or, et d'entretenir les Indiens dans le respect et dans 1'amitie des Espagnols. II partit pour revenir en Europe, comble des dons du cacique, et rap- portant tous les ornements et toutes les couronnes d'or pur qu'il avait pu se procurer pendant sa relache par 30 des dons ou par des echanges avec les naturels. En cotoyant les contours de 1'ile il rencontra son infidele compagnon, Alonzo Pinzon. Sous pretexte d'avoir perdu de vue 1'amiral, Pinzon avait fait route a part. Cache dans une anse profonde de File, il etait 35 descendu a terre, et, au lieu d'imiter la douceur et la politique de Colomb, il avait ensanglante ses premiers pas. L'amiral, en retrouvant son lieutenant, feignit de se contenter de ses excuses et d'attribuer sa desertion k la nuit. II ordonna a Pinzon de le suivre avec son navire en Europe. Us reprirent ensemble la mer, impatients CHRISTOPHE COLOMB. 59 d'annoncer a 1'Espagne la nouvelle de leur merveilleuse navigation. Mais 1'Ocean, qui les avait ported com- plaisamment par les vents alizes, de vague en vague, a la cote d'Amerique, semblait, avec ses vents et ses flots contraires, vouloir les repousser obstinement de la terre 5 qu'ils brulaient de revoir. Colorab, grace a ses con- naissances en navigation et a ses notes d'estime dont il gardait le secret a ses pilotes, savait seul la route et evaluait seul les vraies distances. Ses compagnons se croyaient encore a des milliers de lieues de 1'Europe 10 qu'il pressentait deja le voisinage des Apores. II les apenjut bientot. Des coups de vent terribles, des nuages amonceles, des e'clairs et des foudres tels qu'il n'en avait jamais vu s'allumer dans le ciel et s'eteindre dans la mer, des vagues montagneuses et ecumantes 15 faisant tourbillonner ses navires insensibles a la voile et au gouvernail, ouvrirent et refermerent pendant six jours et six nuits son tombeau et celui de ses compa- gnons aux portes de leur patrie. Les signaux que se faisaient les deux vaisseaux dans les tenebres disparu- 20 rent. Us crurent a la perte Tun de 1'autre en flottant chacun au gre" d'une eternelle tempete entre les Azores et la cote d'Espagne. Colomb, qui ne doutait pas que la Pinto, ne fut ensevelie avec Pinzon dans les abimes, et dont les voiles dechirees et le gouvernail livre' aux 25 lames ne dirigeaient plus 1'esquif, s'attendait a chaque instant a sombrer sous une de ces montagnes d'eau qu'il gravissait et redescendait avec leur e'cume. II avait fait le sacrifice de sa vie, mais il ne poWait sans deses- poir faire le sacrifice de sa gloire. Sentir le mystere de 30 la decouverte qu'il rapportait au vieux monde enseveli pour des siecles avec lui si pres du port, e"tait une de'rision si cruelle de la Providence, qu'il ne pouvait jr plier meme ^ . sa piete. Son ame se revoltait centre ce jeu du sort. ' Mourir en touchant du pied seulement le rivage de 35 1'Europe, et apres avoir depose" son secret et son tresoi dans la memoire de son pays, c'e"tait une destinee qu'il acceptait avec joie ; mais laisser un second univers , mourir, pour ainsi dire, avec lui, et emporter au tom- beau le mot enfin trouve de cette e"nigme du globe que 60 CHRISTOPHE COLOMB. les hommes, ses freres, chercheraient peut-etre en vain pendant autant de siecles qu'il leur avait ete derobe, c'e'tait un million de morts en une ! II ne demandait a Dieu, dans ses vceux a tous les sanctuaires d'Espagne, 5 que de porter du moins a la cote, avec ses debris, les preuves de sa decouverte et de son retour. Cependant les tempetes succe"daient aux tempetes, le vaisseau etait rempli d'eau ; les regards hostiles, les murmures irrites ou le silence morne de ses compagnons lui reprochaient 10 1'obstination qui les avait ou seduits ou forces a cette fatale traversee. Us regardaient cette colere prolongee des elements comme une vengeance de 1'Ocean, jaloux qu'un homme trop audacieux lui cut de'robe son mystere. Us parlaient de le jeter a la mer pour obtenir, 15 par une eclatante expiation, I'apaisement des flots. XXII COLOMB, insouciant de leur colere, mais uniquement preoccupe du sort de sa decouverte, ecrivit sur parchemin plusieurs courtes relations de sa decouverte, enferma les unes dans un rouleau de cire, les autres dans des caisses 20 de cedre, et jeta ses temoignages a la mer pour que le hasard les fit flotter, un jour, apres lui, jusqu'au rivage. On dit qu'une de ces bouees, abandonnee aux vents et aux flots, fut ballottee pendant trois siecles et demi sur la surface, dans le lit ou sur les greves de la mer, et que le 25 matelot d'un navire europe"en, en embarquant du lest pour son vaisseau, il y a quelque temps, sur les galets de la cote d'Afrique en face de Gibraltar, ramassa une noix de coco petrifiee, et 1'apporta a son capitaine comme une vaine curiosite de la nature. Le capitaine, en ouvrant la 30 noix pour s'assurer si 1'amande aurait re'siste au temps, trouva, renferme" dans 1'dcorce creuse, un parchemin sur lequel etaient ecrits en lettres gothiques, dechiffrees avec peine par un erudit de Gibraltar, ces mots : " Nous ne pouvons resister un jour de plus a la tempete ; nous sommes entre 1'Espagne et les lies ddcouvertes d'Orient CHRISTOPHE COLOMB. 6 1 Si la caravelle sombre, puisse quelqu'un recueillir ce temoignage ! CHRISTOPHE COLOMB." L'Oce"an avait garde" trois cent cinquante-huit ans ce message et ne le rendait a 1'Europe qu'apres que l'Ame"rique colonisee, florissante el libre, rivalisait avec 5 le vieux continent. Jeu du sort pour apprendre aux hommes ce qui aurait pu rester cache tant de siecles, si la Providence n'avait pas defendu aux vagues de sub- merger dans Colomb son grand messager ! XXIII LE lendemain on cria -.Terre! C'etait 1'ile portugaise de 10 Sainte-Marie, a 1'extremite des Agores. Colomb et ses compagnons en furent repousses par la jalouse perse"cu- tion des Portugais. Livre's de nouveau a toutes les extre"mites de la faim et de la tempete pendant de longs jours, ils n'entrerent que le 4 mars dans 1'embouchure 15 du Tage, ou ils jeterent enfin 1'ancre sur une cote europeenne, mais rivale des Espagnols. Colomb, pr-e'sente" au roi de Portugal, lui fit le recit de ses decou- vertes, sans lui deVoiler la route, de peur que ce prince n'y devangat les flottes d'Isabelle. Les Portugais de la 20 cour de Jean II, roi de Portugal, conseillerent a ce prince de faire assassiner le grand navigateur, arm d'ensevelir avec lui son secret et les droits de la couronne d'Espagne sur les terres nouvelles. Jean II s'indigna de cette lachete. Colomb, honore par lui, envoya par terre un courrier a ses 25 souverains, pour leur annoncer son succes et son prochain retour par mer a Palos. II debarqua le 15 mars, au lever du jour, au milieu d'une population ivre de joie et d'orgueil, qui s'avangait jusque dans les riots pour le I orter en triomphe a terre. II tomba dans les bras 30 de son ami et de son protecteur, le pauvre prieur borna a releguer les insubordonnes a bord des vaisseaux ^ dans la rade. Retabli de sa longue maladie, il parcourut &**- Tile a la tete d'une colonne d'hommes d'elite, cherchant en vain les mines d'or de Salomon, mais etudiant la 5 nature et les moeurs de 1'ile, et sjgmant partout, sur son passage, le respect et 1'amour de son nom. IV IL retrouva, a son retour, les memes desordres, les memes insubordinations et les memes vices. Les Espagnols abusaient de la superstition des naturels ^ envers eux et de la terreur que leur inspiraient les chevaux. Les Indiens les. prenaient pour des etres monstrueux ne faisant qu'un avec leurs cavaliers, frap- pant, foulant et foudroyant a la fois les ennemis des Europeens. / Grace a cette terreur, ils subjuguaient, 15 enchainaient, profanaient, martyrisaient cette douce et oTJelssante population. Colomb se"vit encore centre cette tyrannic de ses compagnons sur les Indiens. II voulait leur apporter la foi et les arts de 1'Europe, non le joug, le vice et la mort. Apres avoir retabli un peu 20 d'ordre, il s'embarqua pour aller visiter Pile, a peine entrevue, de Cuba. II y toucha et longea longtemps ses rives, sans apercevoir 1'extre'mite de cette ile, qu'il prit pour un continent. II navigua de la vers la Jamaique, autre ile d'une immense etendue, dont il apercevait les 05 sommets dans les nuages. Traversant ensuite un archipel, qu'il nomma les Jardins de la Reine a cause de la richesse et des parfums de la vegetation qui paraient ces iles, il revint a Cuba, et parvint a y etablir quelques relations avec les naturels. LesTndiens assisterent avec go un etonnement mele de respect aux ce're'monies du culte chretien, que les Espagnols celebrerent dans une grotte, sous les palmiers du rivage. Un de leurs vieillards s'approcha de Colomb, apres la ceremonie, et lui dit avec un accent solennel : " Ce que tu viens de faire est 35 bien, car il parait que c'est ton culte au Dieu universel. 6 //I CHRISTOPHE COLOMB. On dit que tu viens dans ces rdgions avec une grande force et une autorite superieure a toute resistance. Si cela est ainsi, apprends de moi ce que nos ancetres ont dit a nos peres, qui nous Font redit. Apres que les 6 ames des hommes sont separees des corps par la volonte des etres divins, elles vont, les unes, dans un pays sans soleil et sans arbres ; les autres, dans des regions de clarte et de delices, selon qu'elles ont bien ou mal merite ici-bas en faisant du bien ou du mal a leurs semblables. 10 Si done tu dois mourir comme nous, prends soin de ne point nous faire de mal, a nous et a ceux qui ne t'en ont point fait ! " Ce discours du vieillard indien, relate par Las Casas, Ti^ atteste que les Indiens avaient une religion presque 15 eVange'lique par la simplicite et la purete de sa morale, Emanation myste"rieuse, ou d'une nature primitive dont les depravations et les vices n'avaient pas encore terni les clartes, ou d'une civilisation vieille et usee qui avait laisse ces lueurs dans leurs traditions ! V 20 COLOMB, apres une longue et penible exploration, rentra mourant a Hispaniola. Ses fatigues et ses anxie"tes, jointes a ses souffrances et au poids des annees que son esprit ne sentait pas, mais qui pesaient sur ses membres, avaient un moment triomphe de son genie. Ses matelots 25 le ramenerent a Isabelle insensible et aneanti. Mais la Providence, qui ne 1'avait jamais abandonne, veillait sur lui pendant 1'absence de ses facultes. II trouva, en s'eVeillant de son evanouissement, son frere cheri, Barthelemy Colomb, au cheyet de sa couche. Bar- SO thelemy Colomb dtait arrive d'Europe a Hispaniola, comme s'il avait eu 1'inspiration des perils et des ne"ces- sites ou allait se trouver son frere. C'etait la force de la famille, dont Diego, le troisieme frere, etait la douceur, et dont Christophe e'tait le genie. La vigueur 35 de son corps egalait celle de son ame. II etait d'une taille athldtique, d'une trerape de fer, d'une sante' CHRISTOPHE COLOMB. 71 robuste, d'un aspect imposant, d'un accent de voix dominant les vents et les flots ; navigateur des son jeune age, soldat et aventurier toute sa vie, doue par la nature et par 1'habitude de cette audace qui commande 1'obeis- sance et de cette justice qui fait accepter la discipline, 5 ^^^ homme aussi capable de gouverner que de combattre, ^ , menottes d'acier poli dont 1'^clat eblouit le cacique. Ojeda lui dit que ces fers e"taient des bracelets dont les rois d'Europe se paraient dans les jours de ceremonie 5 aux yeux de leurs sujets. II inspira a son hote le desir de s'en parer a son tour, de monter un cheval comme un Espagnol, et de se montrer a ses Indiens dans cet appareil pre"tendu des souverains du vieux monde. Mais a peine 1'infortune cacique eut-il monte" en croupe 72 CHRISTOPHE COLOMB. -dUt^ & t*u? jU/'Ox ^<^ctu derriere le ruse Ojeda, et revetu les menottes, objets de sa vanite" enfantine, que les cavaliers espagnols, partant au galog en entrainant leur prisonnier dans leur course, traverserent 1'ile et I'amenerent enchaine" 5 a la colonie, oil ils le retinrent dans les fers qu'il avait innocemment desires. Une vaste insurrection souleva les Indiens contre , cette perfidie des etrangers, dans iesquels ils avaient vu d'abord des hotes, des amis, des bienfaiteurs, des dieux. ,10 Cette insurrection motiva la vengeance des Espagnols. Ils reduisirent les Indiens k 1'etat d'esclaves, et ils envoyerent quatre vaisseaux, charges de ces victimes de leur cupidite, en Espagne, pour en faire un infame commerce comme d'un betail humain. Compensant 15 ainsi par le prix de ces esclaves 1'or qu'ils s'etaient promis de recueillir comme la poussiere dans ces contrees ou ils ne trouvaient que du sang, la guerre alors degdnera en ' ichasse d'hommes. Des chiens apportes d'Europe et dresses a cette poursuite dans les 20 forets, flairant, dechirant et saisissant les naturels par le "'' cou, seconderent les Espagnols dans cette inhumaine devastation du pays. VI - COLOMB, retabli enfin de sa longue maladie, ressaisit les renes du gouvernement, fut entraine lui-meme par ces 25 guerres allume'es pendant son interregne, se fit guerrier et pacificateur, apres avoir et^ navigateur, remporta des batailles decisives sur les Indiens, les assouplit au joug adouci par sa bonte et sa politique, et leur imposa seulement un le"ger tribut d'or et de fruits de leurs to contre"es, en signe d'alliance plus que de servitude. L'ile refleurit sous sa moderation ; mais le malheureux et confiant cacique Guacanagari, qui avait accueilli le premier ces hotes dans ses terres, honteux et desespere d'avoir e*te involontairemerit le complice de 1'asservis- 35 sement de sa patrie, s'enfuit pour jamais dans les montagnes escarp^es de 1'ile, et y mourut libre pour ne CHRISTOPHE COLOMB. 73 pas vivre esclave sous les lois de ceux qui avaient abuse* de ses vertus. /p, Pendant cette langueur de Colomb et ces agitations de Tile, ses ennemis, travaillant a sa perte a la cour, 1'avaient attaque dans le caur de Ferdinand. Isabelle, 5 ^>lus inebranlable dans son admiration pour ce grand homme, le protegeait en vain de sa faveur. La cour avait envoye a Hispaniola un magistral investi de pouvoirs secrets qui 1'autorisaient a informer centre les prdtendus crimes du vice-roi, a le deposse'der de son 10 autorite" et a 1'envoyer en Europe si ses crimes e"taient averts. Ce juge partial, nomine Aguado, arriva a Hispa- niola pendant que le vice-roi etait a la tete des troupes dans 1'interieur de File, occupe" a pacifier et a administrer le pays. Oubliant la reconnaissance qu'il devait a 15 Colomb, premier auteur de sa fortune, Aguado, avant meme de recueillir des informations, de"clara Colomb coupable et de"chu provisoirement des ses fonctions souveraines. Entoure a son debarquement et applaudi par les me"contents de la colonie, il envoya ordre a 20 Colomb de se rendre a Isabelle, capitale des Espagnols, et de reconnaitre sa mission. Colomb, entoure" de ses amis et de ses soldats les plus devoues, pouvait contester son obdissance aux insolentes injonctions d'un subor- donne'. II s'inciina au contraire devant le nom seul de 25 son souverain, se rendit desarme' pres d' Aguado, et, lui remettant 1'autoritie tout entiere, le laissa instruire librement 1'odieux proces que ses calomniateurs lui intentaient Mais au moment meme ou sa fortune 1'abaissait ainsi 30 devant la persecution, elle lui me"nageait une de ces faveurs qui pouvaient le plus lui concilier celles de la cour. Un de ses jeunes officiers, nomme Miguel Diaz, ayant tue en duel un de ses camarades, s'enfuit de peur du chatiment dans une partie sauvage et reculee de 1'ile. Bb La peuplade qui habitait ces montagnes e"tait gouvernee par une jeune Indienne d'une grande beaute, veuve d'un cacique. Elle conceit pour 1'Espagnol fugitif un ardent amour et 1'epousa. Diaz, aimd et couronne" par 1'objet de son amour, ne put cependant oublier sa patrie, ni 74 CHR1STOPHE COLOMB. dissimuler la tristesse que le regret de ses compatriotes repandait sur ses traits. Sa femme, en cherchant a lui i arracher 1'aveu de sa melancolie, apprit de lui que 1'or e'tait la passion des Espagnols, et qu'ils viendraient 5 habiter avec lui ces contrees s'ils avaient Pesperance d'y decouvrir ce precieux metal. La jeune Indienne, ravie de conserver a ce prix la presence de celui qu'elle aimait, lui reVela 1'existence de mines inepuisables, cachees dans ces montagnes. Possesseur de ce secret, et sur a ce 10 prix d'obtenir son pardon, Diaz accourut apporter a Colomb la revelation de ce tre"sor. Le frere du vice-roi, Barthelemy Colomb, partit avec Diaz et une escorte de troupes pour verifier cette decouverte. Us arrivent en peu de jours a une vallee ou la riviere roulait Tor avec 15 le sable, et ou les rochers de son lit e"taient incrustes de parcelles de ce me'tal. Colomb etablit une forteresse dans le voisinage, creusa et elargit les mines deja ouvertes dans 1'antiquite, en recueillit d'immenses richesses pour ses souverains, et se persuada de plus en plus qu'il avait 20 aborde dans la contre'e fabuleuse d'Ophir. Diaz recon- naissant, et fidele a la jeune Indienne a qui il devait sa grace, sa fortune et son bonheur, fit benir son union avec elle par les pretres de son culte et gouverna en paix sa tribu. VII 25 COLOMB, apres cette ddcouverte, ce'dant sans resistance aux ordres d'Aguado, s'embarqua avec son juge pour 1'Espagne. II y arriva apres huit mois de navigation, plus en accusd qu'on mene au supplice qu'en conquerant qui rapporte des trophees. La calomnie, 1'incredulite, le 30 reproche 1'accueillirent a Cadix. L'Espagne, qui s'etait attendue a des prodiges, ne voyait revenir de la terre de ses reves que des aventuriers de9us, des accusateurs et des esclaves nus. L'infortune cacique, toujours en- chaine dans les menottes d'Ojeda, amene comme un 55 trophee vivant a Ferdinand et a Isabelle par Aguado, etait mort en mer en maudissant sa confiance dans les Europe"ens et leur trahison. CEIRISTOPHE COLOMB. 75 5 Colomb, conformant son costume a la tristesse et a la misere de sa situation, se rendit a Burgos, oil e"tait la cour, en habit de franciscain, n'ayant sur ce vetement qu'une corde pour ceinture, la tete chargee d'anndes, de soucis, d'affliction et de cheveux blancs, les pieds nus 5 comme un suppliant de genie qui vient demander pardon de sa gloire. Isabelle seule le reQut avec une tendre compassion, et s'obtina a croire a sa vertu et a ses services. Cette faveur constante quoique voilee de k reine soutint 1'amiral contre les denigrements et les 13 accusations des courtisans. II proposa de nouveaux voyages et des decouvertes plus vastes. On consentit a lui confier encore des vaisseaux, mais on lui fit con- sumer dans des lenteurs systematiques le peu d'anne"es que son age avance laissait a ses forces. La pieuse 15 Isabelle, en accordant a Colomb des pouvoirs et des litres nouveaux, stipula en faveur des Indiens des con- ditions de liberte et d'humanite qui devangaient les idees de son siecle. Le cceur d'une femme proscrivait d'instinct 1'esclavage, que la philosophic et la religion 20 ne devaient abolir que quatre siecles apres. Enfin, Colomb justifie put s'embarquer et faire voile vers sa nouvelle patrie. Mais la haine et 1'envie le poursui- virent jusqu'a bord du vaisseau ou il arborait son pavilion d'amiral de 1'Ocean. 1 Breviesca, tresorier du patriarche^25\^ des Indes, Fonseca, ennemi de Colomb, se re"pandirent en outrages contre 1'amiral, au moment ou on levait I'ahcre. Colomb, qui s'^tait contenu j usque-la par la force inte'rieure, la patience et le sentiment de 1'immen- site de sa mission, de"borda pour la premiere fois d'amer- 30 tume et d'indignation. A cette derniere ignominie de ses ennemis, il redevint homme enfin pour un instant, et, tombant de toute la hauteur de son ame et de toute la force de son bras, redoubled par la colere, sur son indigne persecuteur, il fabattit sur le pont et le avec me"pris sous ses pieds. Tel fut 1'adieu de la jalousie de 1'Europe a celui qui lui semblait trop grand ou trop heureux pour un mortel. Cette vengeance soudaine de 1'amiral laissa un nouveau ressentiment dans le cceur de Fonseca, et une nouvelle accusation a ex- 76 CHRISTOPHE COLOMB. ploiter a ses ennemis. Le vent qui s'devait 1'enleva a Ta vue du rivage et aux indignites de sa patrie. VIII PARVENU cette fois, par une autre route, a 1'ile de la Trinite, il la reconnut, la nomma, et, doublant cette ile, 6 il cotoya la veritable terre d'Amerique, pres de 1'ern- bouchure de 1'Orenoque. La douceur de 1'eau de la mer, qu'il gouta dans ces parages, aurait du le convaincre que le fleuve qui se dechargeait dans I'Oce'an avec une masse suffisante pour dessaler ses vagues, ne pouvait 10 descendre que d'un continent. II descendit cependar.t sur cette cote sans soupc,onner qu'elle etait la plage da monde inconnu. II la trouva deserte et silencieuse comme un domaine qui attend ses hotes. Une fumee lointaine au-dessus des vastes forets, une cabane aban- ^rux/* 15 donnee, et quelques traces de pieds nus sur le sable du rivage, furent tout ce qu'il contempla del'Amerique. II ne fit lui-meme qu'y imprimer son premier pas et qu'y passer une seule nuit sous la voile qui lui servait de tente ; mais ce premier pas aurait du suffire & donner 20 son nom a ce demi-monde. IX IL repartit du golfe de Paria, et revit, apres de laborieuses investigations de toutes ces mers, le rivage d'Hispaniola. Ses peines d'ame et de corps, sa longue patience en Espagne, 1'ingratitude de ses compatriotes, la froideur de 25 Ferdinand, la haine de ses ministres, les veilles pendant L' '' comblait d'hospitalite", d'or et de protection dans leurs disgraces. Ses sujets, plus civilises que les autres tribus indiennes, vivaient en paix, riches et heureux sous ses lois. Roldan, qui gouvernait la partie de 1'ile 8 soumise a la belle Anacoana, avait ete jaloux du sejour^ et de 1'influence de Fernand de Guerara a la cour de cette princesse. II lui defendit d'epouser sa fille, et lui ordonna de s'embarquer. Fernand, retenu par son amour, avait refuse" d'obeir, et conspira contre Roldan. Surpris 10 et enchaine" dans la demeure d' Anacoana par les soldats de Roldan, il avait ete conduit a Isabelle pour y etre juge. Une expeditionjDartie de la capitale de la colonie, sous pre"texte de j^arcourir 1'ile, avait ete accueillie avec un ^ &** /u empressement amical dans la capitale d' Anacoana. Le 15 chef perfide de cette expedition, abusant de la confiance et de 1'hospitalite de cette reine, avait fait inviter par elle trente caciques du midi de 1'ile aux fetes qu'elle prdpa- rait pour les Espagnols. Les Espagnols, pendant les danses et les festins auxquels ils assistaient, avaient 20 conspire 1'incendie et la mort de leur genereuse protec- trice, de sa famille, de ses holes et de son peuple. Ils inviterent Anacoana, sa fille, les trente caciques et le peuple a contempler, du haut d'un balcon, les e'volutions de leurs chevaux et un combat simule entre les cava- 25 Hers de leur escorte ; ces cavaliers fondent tout a coup sur le peuple sans armes, rassemble" par la curiosit sur la place ; ils le massacrent et le foulent aux pieds de leurs fa,/ chevaux ; puis, entourant d'une haie de fantassins le InfLttd palais d'Anacoana, pour empecher cette reine et ses amis 30 d'en sortir, les Espagnols avaient incendie" le palais, encore plein des fetes et des festins auxquels ils venaient de s'asseoir eux-memes ; ils avaient contemple avec une cruaut egale a leur ingratitude la belle et malheu- reuse Anacoana, repoussee dans son palais, expirant dans 35 les flammes, et appelant sur eux, du milieu des flammes. la vengeance de ses dieux ! Ce crime contre 1'hospitalite*, contre 1'innocence, contre la souverainete, contre la beaute et le ge'nie, dont la celebre Anacoana etait le symbole parmi les Indiens, avait jete" dans Tile une horreur et ua bouleversement y CHRISTOPHE COLOMB. 79 dont Colomb ne pouvait de longtemps triompher, malgre toute sa vertu et toute sa politique. Les flammes et le sang du palais de cette reine dont la beaute les eblouis- ^ sait, et dont les poesies nationales les enivraient d'amour t - et d'enthousiasme, s'eleverent entre les oppresseurs et A fl- ies opprimes. L'ile devint un champ de carnage, unfbuy bagne et un cimetiere des malheureux Indiens. Les , ' Espagnols, aussi fanatiques dans leur proselytisme quif barbares dans leur cupidite, preluderent, a His- paniola, aux crimes qui devaient bientot depeupler le ff&j+tf*** Mexique. Ces deux races d'hommes s'e"toufferent en s'embrassant, , , ' , X PENDANT que Colomb s'etudiait a se'parer et a pacifier ces deux parties de la population, le roi Ferdinand, '/, informe par ses ennemis des malheurs de Tile, les imrju-^jf ". tait a celui qui les guerissait. Colomb ayant demand^ k ^ la cour de lui envoyer'urf magistral d'un rang elevd pour imposer par ses jugements 1'autoritd royale k ses com- pagnons indisciplines, la cour lui envoya Bobadilla, homme integftftte'^mceurs, mais fanatique et indomp- 20 table d'orgueiT. L'autorit mal definie dont il etait investi par le djcret royal le subordonnait a la fois et^' 1'tflevait au-dessus de tout autre pouvoir. En arrivant a Hispaniola, pr^venu contre 1'amiral, il le somma inso- )w-j*<*. lemment de comparaitre en accuse devant lui ; et, 25 faisant apporter des chaines, il ordonna aux soldats d'en charger les membres de leur general. Les soldats, accoaitumes au respect et a I'amour de leur chef, rendu plus vene'rable a leurs yeux par 1'age et par la gloire, hesiierent et resterent immobiles, comme si on leur cut 30 commande un sacrilege. Mais Colomb, tendant de lui- meme les bras aux fers que son roi lui envoyait, se laissa enchainer aux pieds et aux mains par un de ses propres serviteurs, bourreau volontaire, vil stipendie de sa domesticity, nomme Espinosa, dont Las Casas a consent 35 le nom comme un type d'insolence et d'ingratitude. Colomb ordonna lui-meme a ses deux freres, Barthe> 8o CHRISTOPHE COLOMB. lemy et Diego, qui dtaient encore a la tete du corps d'arme'e dans 1'interieur, de se soumettre sans resistance et sans murmure a son juge. Enferme dans le cachot de la forteresse d'Isabelle, il subit pendant plusieurs mois 5 1'instruction de son proces, ou tous ses re'voltds et tous ses ennemis, devenus ses accusateurs et ses juges, le chargerent a 1'envi des plus odieuses et des plus absurdes accusations. Devenu 1'objet de la derision et de la fureur publiques, il entendait du fond de sa prison les 10 railleries feroces et les fanfares de ses persecuteurs qui venaient tous les soirs insulter a sa captivite". II s'atten- dait a chaque instant a voir entrer ses bourreaux. Boba- dilla cependant n'osa pas le dernier crime. II ordonna que 1'amiral serait expulse de la colonie et envoye" en 15 Espagne, a la justice ou a la merci du roi. Alonzo de Villejo fut charge* de sa garde pendant la traversee. C'etait un homme de coeur, obeissant par devoir mili- taire, indigne et mise>icordieux j usque dans 1'obeissance. Colomb, en le voyant entrer dans son cachot, ne douta 20 pas que sa derniere heure fut arrived. II s'y e"tait prepare par 1'innocence et par la priere. La nature cependant se troublait en lui. " Ou me conduisez-vous ? dit-il en interrogeant du regard et de 1'accent 1'officier. Aux vaisseaux ou vous allez etre embarque, monseigneur, 25 repondit Villejo. M'embarquer? reprit Colomb, incredule a ce message qui lui rendait la vie; ne me trompez-vous pas, Villejo? Non, monseigneur, re"pliqua 1'officier; je vous jure, par Dieu, que rien n'est plus vrai ! " II soutint le pas de 1'amiral, et le fit monter sur 30 le vaisseau, ecrase du fardeau de ses fers et poursuivi par les insultes d'une lache populace. Mais a peine les vaisseaux furent-ils sous voile, que Villejo et Andreas Martin, commandants du navire devenu le cachot flottant de leur chef, s'approcherent 35 avec respect de lui ainsi que tout 1'equipage, et voulu- rent lui enlever ses fers. Colomb, pour qui ses fers etaient a la iois un signe d'obelssance a Isabelle et un signe de I'lniquite" des hommes, dont il souffrait dans son corps, mais dont il e"tait glorieux dans son ame, leur rendit grace, mais refusa obstinement d'etre de'livre' de CHRISTOPHE COLOMB. 8l ces anneaux. " Non, dit-il, mes souverains m'ont e*crit de me soumettre a Bobadilla. C'est en leur nom qu'ils m'ont charge de ces fers. Je les porterai jusqu'a ce qu'ils m'en dechargent eux-memes, et je les conserverai apres, ajouta-t-il avec une satisfaction amre de ses 5 services et de son innocence, comme un monument de la recompense accordee par les hommes a mes travaux." Son fils raconte, ainsi que Las Casas, que Colomb fut fidele a cette promesse, qu'il garda toujours depuis ces chaines suspendues sous ses yeux dans ses demeures, et 10 que, dans son testament, il ordonna qu'elles fussent enfermees avec lui dans son cercueil : comme s'il cut voulu en appeler a Dieu de 1'injustice et de 1'ingratitude de ses contemporains, et presenter au ciel les preuves materielles de I'lniquite" et de la cruaute' de la terre ! 15 XI CEPENDANT les haines des partis ne traversent pas les mers. Le depouillement, la captivite, les fers de Colomb souleverent de misericorde et d'indignation le peuple de Cadix. Quand on vit ce vieillard, qui avait apport naguere un empire a sa patrie, rapporte lui- 20 meme de cet empire comme un vil criminel pour expier le service .par 1'opprobre, les cceurs eclaterent contre Bobadilla. Isabelle, qui etait alors k Grenade, versa des larmes sur cette indignite, ordonna que ses fers fussent remplaces par de riches vetements, et ses geoliers 25 par une escorte d'honneur. Elle 1'appela a Grenade ; il tomba a ses pieds, et ses sanglots de reconnaissance lui couperent longtemps la voix. Le roi et la reine ne daignerent pas meme examiner le proces d'un si grand accuse. II etait absous par leur respect autant que par 30 sa vertu. Us garderent quelque temps 1'amiral k leur cour et envoyerent un autre gouverneur, nomrne' Ovando, pour remplacer Bobadilla. Ovando avait les vertus qui font 1'homme integre, sans la grandeur d'ame qui fait rhomme genereux. C'e'tait un de ces caracteres ou 35 tout est e*troit, meme le devoir, et ou I'honnetete 82 CHRISTOPHE COLOMB. ressemble a une parcimonie de la nature. C'etait I'homme Is moins fait pour comprendre et pour supplier un grand homme. II regut d'Isabelle 1'ordre de proteger les Indians et la defense de les vendre comme esclaves. 6 La part des revenus devolus a Colomb par les traite"s devait lui etre envoyee en Espagne, ainsi que les tresors dont il avait e"t depossede par Bobadilla. Une flotte de trente voiles porta le nouveau gouverneur a His- paniola. 10 Colomb, insensible a la vieillesse et dja repose* des persecutions, souffrait impatiemment le repos et meme les honneurs dans sa patrie. Vasco de Gamo venait de decouvrir la route des Indes par le cap de Bonne- Esperance. Le monde etait plein de 1'etonnement et 3.5 de 1'admiration de cette decouverte du navigateur por- tugais. Une noble rivalite travaillait I'ame du naviga- teur genois. Convaincu de la rotondite du globe, il croyait arriver aux terres prolongees de Test en navi- guant droit a 1'Occident : il sollicita a la cour d'Espagne 20 le commandement d'une quatrieme expedition, et s'em- barqua a Cadix, le 19 mai 1502, pour la derniere fois. Son frere Barthelemy Colomb, et son fils Fernando, ag^ de quatorze ans, 1'accompagnaient. Sa flotte se composait de quatre petits vaisseaux propres a naviguer 25 sur les cotes et a entrer sans danger dans les anses et dans les embouchures des fleuves qu'il voulait explorer. Ses equipages ne comptaient que cent cinquante hommes de mer. Bien qu'il approchat de soixante et dix ans, sa verte vieillesse avait re'sist par la vigueur 30 de l'ame au poids des annees ; ni ses maladies douloureuses ni la mort ne le de'tournaient de son but. " L'homme, disait-il, est un outil qui doit se briser k 1'ceuvre dans la main de la Providence, qui s'en sert pour ses desseins. Aussi longtemps que le corps peut, 35 1'esprit doit vouloir." II avait re"solu de toucher en passant a Hispaniola pour se radouber. II avait cette autorisation de la cour. II franchit 1'Ocean par une mer orageuse, et il arriva avec ses mats brises, ses voiles en lambeaux, ses vais- seaux sans eau et sans vivres, en vue d'Hispaniola. Ses CHRISTOPHE COLOMB. 83 notions maritimes lui presageaient un ouragan plus terrible que ceux qu'il avait essuye"s. II envoya une chaloupe demander au gouverneur Ovando la permission de s'abriter dans la rade d'Isabelle. Instruit par ses pronostics du danger que la mer allait dechainer sur ses 5 cotes, Colomb, dans sa lettre, avertissait Ovando de retarder le depart d'une flotte nombreuse prete a partir d'Hispaniola pour 1'Espagne, et chargee de tous les tresors du nouveau monde. Ovando refusa impitoyable- ment a Colomb 1'asile d'un moment qu'il implorait dans 10 le port de sa propre de"couverte. II s'eloigna indigne et proscrit, et cherchant loin de la domination d'Ovando un abri sous les falaises ecarte"es de 1'ile, il y attendit la tempete qu'il avait predite ^ Ovando. Elle engloutit la flotte entiere de ce gcuverneur, les tresors et la vie 15 d'un millier d'Espagnols. Colomb la ressentit jusque dans la rade ou il s'etait abrite, gemit sur les malheurs de ses compatriotes, et, quittant cette terre inhumaine, il revit la Jam ai' que et aborda sur la terre ferme dans la baie de Honduras. 20 Soixante jours de tempete continue le ballotterent d'un cap a 1'autre et du continent aux iles, sur les bords inconnus de cette Ame'rique dont les orages semblaient lui disputer la conquete ! II perdit un de ses navires et les cinquante hommes qui le montaient a rembouchure 25 d'une riviere qu'il nomma la plage du Desastre. La mer s'obstinant a lui fermer la route de ces Indes qu'il croyait toujours entrevoir, il jeta 1'ancre entre une ile delicieuse et le continent. Visite par les Indiens, il en embarqua sept sur ses vaisseaux pour se familiariser 30 avec leur langue et pour en obtenir des indices. II cotoya avec eux une terre ou Tor et les perles abon- daient dans les mains des naturels. Au commencement de 1'annee 1504, il remonta la riviere Veragua et envoya son frere Barthelemy, a la tete de soixante Espagnols, 35 visiter les villages de ces bords, a la recherche des mines d'or. Barthelemy ne trouva que des sauvages et des forets. L'amirai abandonna ce fleuve et pene"tra ut half a league from Palos, on a solitary ^height overl ><>king the sea-coast, and surrounded by a torest of pine-trees, there stood, and stands at the present time, an ancient convent of 9 CHRISTOPHE COLOMB. Page Line Franciscan friars, dedicated to Santa Maria de Rabida. This first trace we have of Columbus in Spain is gathered from the manuscript documents of the celebrated law-suit, which took place a few years after his death, between his son Diego and the Crown. It is contained in the deposition of one Garcia Fernandez, a physician resident in Palos. 5, 13. Jmploraient deitx-memes, alone (of themselves) claimed hospitality. 23. Se teignaient, were prematurely tinged. 6, 3. JShomme mur, the man of mature years. Observe that mur, ripe, from maturus, has a circumflex; while mur, wall, from murus, has none. 5. Curieux et attendris, who felt curiosity as well as emotion, fc. He leur equipage, of their attire. 10. Pelerins, pilgrims. From Lat. peregrinus, properly "a traveller." 20. Recueillement, meditation, contemplation. 23. Retraite, withdrawal from the world. 24. Credit, influence. 27. Ajfidee, trusty, trustworthy. 7, 5. Cardeur de lalnes, metier aujourcfhui infime, a wool-comber, a trade nowadays in low esteem. Observe that words in apposition have no article. 18. Oii nous voyons lejour, where we are born. 21. La contre-epreuve, the counter-proof, feeble imitation. S t i. Edaire et aise, enlightened and in easy circumstances. 7. 11 etait de ces Ames, he was one of those spirits. 15. Armaient, equipped, fitted out. 20. Savant et matelot a la fois, a scientist and a sailor at one and the same time. 23. Lfs escadres dont Genes, the fleets with which Genoa. 28. A Vetroit, confined within narrow limits. 0, 3. Sis cartes marines, his maritime charts. 7. Entrevupar lui seul, of which no one but himself had had a glimpse. 8. Un navfrage, etc. The account of this shipwreck is given by his son Fernando. He relates that his lather sailed for some time with a relation of the name of Colombo, a famous corsair. This bold rover waylaid four Venetian galleys, richly laden, on their return voyage from Flanders, and attacked them with his squadron on the Portuguese coast, between Lisbon and Cape St. Vincent. The battle lasted from morning until evening, with great carnage on both sides. The vessels grappled each other, and the crev. - s fought hand to hand and from ship to ship. The tessel commanded by Columbus was engaged with a NOTES. 99 Page Line huge Venetian galley. They threw hand grenades and other fiery missiles, and the galley was wrapped in flames. The vessels, being fastened together by chains and iron grapplings, could not be separated, and both became a blazing mass, involved in one conflagration. The crews threw themselves into the sea. Columbus seized an oar which was floating near him, and, being an expert swimmer, attained the shore, though full two leagues distant. After recover- ing from his exhaustion, he repaired to Lisbon, where he found many of his Genoese countrymen, and was induced to take up his residence. 9, 9 D' une galere qu'il montait, of a galley that he commanded. 12. D'une rame, with one hand got hold of an oar. Hame, from Lat. remits. 19. Assisler aux offices religieux, to attend the religious services. Observe assister a to be present at. 20. II s'eprit cTattachement, he became enamoured with. Dona Felippa was the daughter of Bartolomeo Mom's de Palestrello, an Italian cavalier, lately deceased, who had been a distinguished navigator and had colonised and governed the Island of Porto Santo. The newly-married couple resided with the mother of the bride, who gave to Columbus all her late husband's charts, journals, and other manuscripts. 37. Ses correspondances, his own correspondence with j .., the letters he received from Toscanelli. 10, 7. Frayees, traced out ; routes hitherto unexplored across the ocean. " Frayer," from Lat. fricaie, formerly froyer. Atelier, workshop. Old Fr. astelier, from Lat. hastel- lariux, a place at which are made the hastellce (for hastulce), little planks or splints; originally a carpenter's workshop. 12. En pointant..., in studding his maps with islands and continents. 15. La terre semblait manquer..., the world seemed to lack there the counterbalancing weight of a continent. 19. Par des temps sereins, in calm weather. 22. Marco Polo, a Venetian traveller, who in the fourteenth century had penetrated the remote parts of Asia, far beyond the regions laid down by Ptolemy. He gave a magnificent description of the Province of Mangi, near Cathay, since ascertained to be the northern coast of China, and extolled the power and grandeur of its sovereign, the Great Khan, the splendour and magnificence of his capitals Cambalu and Quinsay, and the wonders of the island of Cipango, supposed to be Japan. The work of Marco Polo is a key to many of the ideas and speculations of Columbus. 100 CHRISTOPHE COLOMB. Page Line The territories of the Great Khan, as described by the Venetian, were the objects of his diligent search in all his voyages ; and in his cruisings among the Antilles he was continually flattering himself with the hopes of arriving at the opulent island of Cipango and the shores of Mangi and Cathay. 10, 33. L'attrait du faux, attracted by what was false, he was being led to what was true. 11, I. Ne le pensaient, than these navigators supposed. Observe that ne comes after plus, mieux, mains, meilleur, antremetit, when these words are used affirmatively. 5. Les vagues, the billows, waves ; of Germ, origin. 7. Outils de jfer, iron implements. Formerly oustil ; origi- nally itstil, from Lat. usitettum, any instrument used by workpeople. 10. Des roseaux gigantcsques, gigantic reeds. Roseau is of Germ, oiigm Goth, raus, a reed. 20. Sur les mappemondes, on the maps of the world. 31. De la pesanteur, of gravity. 37. Les nivcaux, the levels. 1'2, 4. Les voiles, the ships. 22. Jean II. John II. had imbibed the passion for discovery from his grand-uncle, Prince Henry. This Prince Henry of Portugal consecrated a long and noble life to the work of sending expeditions down the coast of Africa and out westwards to the islands of the Atlantic. During his life, and by his efforts, Madeira and the Cape de Verde Islands were discovered, and explorations were carried down the coast of Africa, from Cape Bojador to Sierra Leone. The cause of discovery languished during the latter part of the reign of Alfonso of Portugal, but with the reign of John II. all its activity revived. In 1487 Bartholo- mew Diaz doubled the Cape of Good Hope (Cape Tormentoso he called it), and the path to India was made plain. Vasco de Gama, a few years later, accomplished this long-attempted navigation. 36. Di'nuee de fvndement..., devoid of foundation to banish it among mere fancies. 13, 8. Ifcmtant plus accredites, all the more influential at his Court. 13. Aggrava, rendered still worse, aggravated. 1 8. Cingle, sailed. Old Fr. singler, originally sigler, a word of Germ, origin, from Old Scandinavian sigla, to sail. 26. S'acharnaient, were furiously keen after the fruit of his labours. 31. Qu'il envisageait, the only inheritance that he saw in store for him. NOTES. 101 Page Line 14, 3. Le sejour moMle t the changeable domicile of the Spanish Court. 12. II avail cru devoir, he had thought it his duty. 1 6. Plus rapprochees, more closely affecting them. 25. Armateurs, ship-owners. 30. Sea entretiens du jour, his conversations on the topics of the day. 36. Qui veut comme Vautre ses fideles, which, like the other, will have its worshippers. 15, 19. De ce sceau divin..., with that divine seal which forbids our forgetting... Sceau, from Lat. sigiltum. 25. Engagea, prevailed upon. 30. De I'hote, of the guest. H6te, formerly hoste, from Lat. hospitem, is both hoist and guest. 13, I. Dessillvs, their eyes opened. Formerly spelt deciller, to undo the oil (cilium, eye-lash). 4, Cvnacte, guest-chamber. Lat. ccenaculum. Se couve, is hatched. 25. // avait eu Coreille et la conscience d'Isabelle, as Isabella's confessor he had had free access to her ear and the control of her conscience. 34. II lui fournit I'equipage coin-enable, he supplied him with the suitable attire for appearing decently at Court. 36. Sequins, sequins ; gold coins of the Levant. The sequin was in circulation in Italy, where its value was about ten shillings. Etym. zecchino, from zecca, a mint. 17, 6. Et a qui il renvoya..., and to whom he ever after ascribed... 7. Cordoue. When Columbus arrived at Cordova he found it in all the bustle of military preparation. The two rival Moorish Kingsof Granada had formed a coalition, and Ferdinand and Isabella had summoned all their chivalry to assemble for a grand campaign. Every day witnessed the arrival of some Spanish noble with a splendid retinue and a brilliant array of household troops. The Court was like a military camp ; every avenue was crowded by warlike grandees and hardy cavaliers who had distinguished themselves in this Moorish war. This was an unpropitious moment for an application like that of Columbus. 9. L'etoile du genie, the guiding star of genius. 29. Mais, bien que le roi, but although the king. 18, 27. Ce regne a deux, this dual reign. 32. Lue avec prevention, read under the influence of prejudice. 19, 12. La certitude qui attend I'heure, stubborn like certainty wailing for its opportunity. 19. Pendant ces nombreuses annees. While lingering in Cor- dova, Columbus became attached to Dona Beatrix 8 102 CHRISTOPHE COLOMB. Page Line Enriquez, a lady of that city, of a noble family. Like most of the circumstances of this part of his life, his connection with this lady is wrapped in obscurity, but appears never to have been sanctioned by marriage. She was the mother of his second son, Fernando, who became his historian, and whom he always treated on terms of perfect equality with his other son, Diego. 20, 2. Du mondefutur, of future generations. IO. A tort, erroneously. 21, I. Recue et couvee, received and fostered (lit. hatched) in a woman's heart. 2O. Eneourait la tache d'heresie, all that which incurred the stigma of heresy. 30. Cherchant fortune de ses chimeres, seeking to make capital out of his chimerical fancies. 35. Du cltrffe supmmr, despised by the upper clergy. 22, 22. Que passionnait la verite, which truth enflamed, lost all its thunders and its fire (lit. lightning). Observe the position of the subject after the verb, a common inversion after the relative pronoun in the accusative , case. 38. Econduit, bowed out, discarded, refused admission. 23, 13. Le roi do Portugal (John II.). Columbus had received favourable letters both from the King of England (Henry VII.) and the King of France (Charles VIII.). The King of Portugal also had invited him to return to his Court; but he appears to have become attached to Spain, probably from its being the residence of Beatrix Enriquez and his children. 23. Eoabdil. Boabdil el Chico, the last of the Moorish Kings, after the surrender of Granada sallied forth from the Alhambra and yielded up the keys of that favourite seat of Moslem power to Ferdinand and Isabella. '24, 21. L'envie s'acharnait stir Colomb..., envy fastened itself on Columbus, even before a single success had attracted it. 25, 17. Le ressort, the moving spring. 23. Knvoya cliercher, sent for. 28. Fanatiserent, bewitched, fascinated. 29. On le supplia de rester, they implored him to stay. 26, 25. Ce grand win-re, this great work. Obs. : (Euvre, which is generally feminine, is used in the mascu'ine in the sense of an important work, a great undertaking. 32. Tresor secret, drawn from her privy purse. 35. De ses demarches et de son credit, with his zeal and influence. Demarches active measures. 27, 7. Rcpaissant, feasting his imagination. NOTES. 103 Page Line 27, 28. La dime a ptrpitmU t one-tenth for ever. Dime, tithe, formerly disme, from Lat. decima. 31. Prealablement, previously, in advance. Pi-salable, for pro- allable, compd. of prtt, from Lat. prce and allalle from alkr. 8, 14. Marchandaient avec Dieu, bargained with God about the price. 27. Elan de cceur, this enthusiasm of a woman's heart. 29, 20. 'Jroquait, bartered. From Spanish trocar; Der. troe (verbal subst.), barter, truck. 30, 19. Qtt'un fatal genie..., it seemed that an evil genius bent on striving against the world's urity... 36. Caravtllas, caravels. These vessels, designated elsewhere under the names of navire, vaisseau, barque, bati- indtt, were light barques, not superior to river and coasting craft of modern days. They were built high at the prow and stern, with forecastles and cabins for the crew, but were without decks in the centre. Only one of the three, the Santa-Maria, was completely decked, on board of which Columbus hoisted his flag. 31, 9. Trendre la mer, were ready to put to sea. 14. 11 y arbora..., on this vessel he hoisted... By the at- langement concluded with Ferdinand and Isabella, April 1 7th, 1492, the Spanish Sovereigns, as lords of the Ocean-seas, constituted Christopher Columbus their admiral, viceroy, and governor-general of all such islands and continents as he should discover in the Western Ocean. He was to be entitled to one- tenth of the products and profits within the limits of his discoveries, and an additional eighth, provided he should contribute one-eighth part of the expense. 2O. Un salut ffheureuse traversee, it was a mourning proces ( sion rather than a speeding on a prosperous journey. 28. A regret, reluctantly. Repeated mandates had been issued by the Sovereigns, ordering the magistrates of Palos and the neighbouring town of Moguer to press into the service any Spanish vessels and crews they might think proper, and threatening severe punish- ment on all who should prove refractory. 33. Un poicls naturel a rimmobilite, a natural vis inertia. 35. Malheur a qui..., evil betide him who disturbs it. 32, 6. Une settle etait pontte, one only was completely decked that which he commanded. 7. Navire du commerce, trading vessel. 9. Une lame, a wave. From Lat. lamina. 12. Dani'iiette, poop. Of Celtic origin Irish dun, hill, down. 23. Eblouissement, dazzling sensation, bewilderment. 39. fanal, a ship's lantern, beacon ; introduced in sixteenth century Irom It. fanale. 45, 15. Brasses, fathoms. Der. from Iras (Lat. brachium}=t'he distance between one's extended arms. 1 8. Bronze, the gun. 19. Edairer, to show the way ; hence eclairsur, a scout. 27. ticdfs, rocks, reefs. 46, I. Crepuscute, the dawn. 9. Anses, bays, creeks. 10. Clairieres..., glades... allowed the eyes partly to peer into these mysteries of solitude. 13. Hitches, bee-hives. Formerly rusche, of Celtic origin, Breton, rusJcen. 28. Dans le signe de la croix..., and to hoist there, with the symbol of the cross and the flag of Spain, the standard of God's conquest and of the conquest , effected by his Sovereigns through his own genius. 47, 2. A dcfaut des hommes, as men were lacking. 8. Chiffres, the initials. Low Lat. cifra. The letters F and Y surmounted by crowns, the Spanish initials of the Castilian monarchs Fernando and Ysabel. 17. Le visage coile, his face touching the ground. Larmes .., tears that had a double import and a double omen. 25. C'ttait I'homme..., it was man who shed these tears; it would have been more befitting had the soil shed them. 48, 2. San-Salvador. The island where Columbus had thus, for the first time, set his foot upon the New World is one of the Lucayos, or Bahama Islands, and was called by the natives Guanahani : it still retains the name of San Salvador, which he gave it, though called by the English Cat Island. The light which he had seen, the evening previous to his making land, may have been on YVatling's Island, which lies a few leagues to the east. NOTES. 107 Paee Line 48, 6. De leur defiance, with their distrust. 22. Lews antennes..., these vessels shifting their sails, their lateen yards, their spars... 49, 12. Dans ce fond ignore du monde, in this unknown extremity v of the world. 13. A force (fignorance, through dint of ignorance. 20. S'apprivoisant, growing tame, sociable. 50, 6. Foufait, whose sovereign trod floors formed of plates of gold. 1 8. A F aspect..., with the most luxuriant aspect. 22. Grelots, little bells, hawk's bells. 23. Relaches, stoppages. Columbus now beheld a number of beautiful islands, green, level, and fertile, and the Indians intimated by signs that they were innu- merable. He supposed them to be a part of the great archipelago described by Marco Polo as stretching along the coast of Asia, and abounding with spices and odoriferous trees. He visited three of them, to which he gave the names of Santa Maria de la Conception, Fernandina, and Isabella. 29. Etalait a leurs sens, spread out before them. 51, I. Cuba. Columbus arrived in sight of Cuba on the 28th of October. He anchored in a beautiful river to the west of Neuvitas del Principe, and, taking formal possession of the island, gave it the name of Juana, in honour of Prince Juan, and to the river the name of San-Salvador. 3. Jalonnaient, staked out. 7. Rades, roadsteads. Introduced through It. rada, from the Germanic ; O. Scand. reida. 30. Rejaillissements, jets of soft light. 52, 7. Dotaient..., which enthusiastic travellers ascribed to Cathay and Japan. 8. Naturels, natives ; also called i^lgenes. 31. Deconcerte, disappointed. 38. Rachetees selon lui..., redeemed, so he thought... 53, I. Voynet, sailed. Voguer, from It. vogare. 17. Desherite..., the name of the chief was deprived of the honour of being given to a new world ; that of a subordinate under him prevailed. 28. Deransaient, outstripped. 36. S'ctait trop apergu, had become but too conscious. 54, 6. SMr contre, to punish. 18. Hispamola. As Columbus approached Hayti (also called St. Domingo), the sailors fancied that the features of the surrounding country resembled those of the more beautiful provinces of Spain. In consequence of this idea, he called the island Espanola, or, as it is com- monly written, Hispaniola. 108 CHRISTOPHE COLOMB. Page Line 54, 20. Qui lui fit virer de bord, which made him veer round. Obs. : Faire in combination with an infinitive forms a verbal expression the sense of which is active ; if the infinitive has a direct object .{expressed or implied), that of faire becomes indirect (dative). Ex.: "Charles XII. fit repasser la riviere a ses troupes." 30. Eoulaient des par/urns, whose waves wafted perfumes. 55, 7. Domes..., from the confines of the horizon, or, from the extremity of the firmament. 8. ^1 1'cgal des dicux, like gods. 25. Tiede, warm, tepid. From Lat. tepidns. 28. Nattes, mats. Ital. matta, from Lat. matta. 36. Regnaietit HUT..., imposed a law on these little kings. 37. Toute palernelle, quite paternal. Obs.: Tout, though an adverb, is spelt toute, toutes, when the adjective that follows is feminine and begins with a consonant. 56, 32. Quel mystere de la providence que..., what a mystery of Providence is this visit... Obs. que introducing the real subject of the sentence. Whenever that which explains the subject is placed before it, this subject is preceded by que. Ex. : " C'est un rocher sterile que cette fie. \Vith an infinitive que de is used. Ex. : x " C'est imiter les Dieux que de secourir les affliges." 67, 7- AJorce de rames, by dint of rowing. 11. Jusqu'au demembrement..,, till the parting of the last timber. 12. Radeau, raft ; formerly radel, from Lat. radcllus. 28. S'attendrit sur..., describes with emotion, in his letters to the King and Queen, the spontaneous generosity of this people. 58, 31. En cotoyant, in coasting along the winding shores. 36. 11 avait ensctnglante ses premiers pas, he had stained his first steps with blood. The place where the skirmish had taken place was called by Columbus El Golfo de las Fleches, or the Gulf of Arrows; but it is known by the name of the Gulf of Samana. 59, 7- S es ri tes d'estime, his nautical reckoning. 14. Wen avait j<- metis vu, had never seen any. Ob?. : The past participle preceded by en is invariable ; the agreement, however, takes place when the pronoun en is preceded by an adverb of quantity. Ex. :" Plus il a vu de livres, plus il en a lus." 16. Insensibles, that no longer obeyed either sail or rudder. 34. Cejeu du sort, this sport of fate. 40. Le mot, the key to, the solution of... 60, 9. Morne, sullen. Of Germanic origin ; O.H.G. mornen, to mourn. 16. Insouciant, heedless. NOTES. 109 Page Line 60, 22. Botttes, buoys, floating objects. O. Fr. boye, from Lat. boja. 23. Ballottee, tossed. 25. Du lest, some ballast ; from Germ. last. 61, 8. Defendu attx vagues, forbidden the waves. 62, 14. Mettre U comble, fill the measure of his happiness. 24. Nemesis, the avenging goddess. 63, 6. Pour luifaire cortege, to follow in his train. 14. Etales, spread out, displayed. Obs. : The masc. gender, because the first of the objects enumerated is mas- culine. 1 6. Couraient sur les pas, followed in the wake. 22. Qui avait souleve le rideau, who had first unveiled. 64, 2. Sous les pas de qui, under whose steps. N.B. : Duquel, de laquelle (or de qui, speaking of persons, must be used for "whose" whenever there is a preposition between " whose " and its antecedent. 24. ISentretien, the talk, the topic of conversation. 31. Astucieusement, craftily, cunningly. 32. Dans le cas ou, in case he had not been born. Obs. : Ou =in which. Ou, d'ou, par ou, are frequently used for auquel, dans leqvel, par lequel, etc. 36. A le faire tenir, to make it stand. 65, 2. Renvoyant ainsi..., thus ascribing. 13. IS apanage, the appanage. Now restricted to a domain given to princes of the blood royal for their sus- tenance ; in feudal law it meant any pension or alimentation. Der. from the O. Fr. verb apaner, to nourish. 17. Fonseca, Juan Rodriguez de Fonseca, Archdeacon of Seville, who successively was promoted to the sees of Badajoz, Valencia, and Burgos, and finally appointed Patriarch of the Indies. Francisco Pinelo was asso- ciated with him as treasurer, and Juan de Soria as contador, or comptroller. Their office was fixed at Seville, and was the germ of the royal India-house, which afterwards rose to such great power and importance. 22. Ravaler, to put down, disparage. Derived from aval, down-stream, Lat. ad vallem ; the opposite to which is amont, upwards, Lat. ad montem. 38. JEchantillons, samples. 40. four essayer le del,.., to try the climate. 66, II. Son cceur et ses sens..., lit., his heart and his senses so overflowed with courage that he carried its fanaticism up to madness (i.e., his moral and physical courage bordered on madness). 19. Qui dSbordait des crenausc, which projected from the battlements. 110 CHRISTOPHE COLOME, Page Line 6fci, 33. Se laissa franchir, was crossed. Lit., allowed itself to be crossed. 35. Croisa..., cruised among the Caribbee Islands. 67, 6. Une salve, a salute. On the evening of the 27th of November, 1493, Columbus anchored opposite to the harbour of La Navidad. As it was too dark to ' distinguish objects, he ordered two signal guns to be fired. The report echoed along the shore, but there was no gun, or light, or friendly shout in reply. 86. Lefort inceudie... The burnt ruins of the fortress which entombed their bones was the first monument of the intercourse between these two families of the human race. 37. Trame, plotted, planned. 68, 7. Une plage vierge, lit., a virgin strand; anew site along the coast. Columbus fixed upon a harbour about ten leagues east of Monte Christi, protected on one side by a natural rampart of rocks, and on the other by an impervious forest, with a fine plain in the vicinity, watered by two rivers. 33. Zes dcbordcmcnts hontatx, the shameful dissoluteness and the starvation of his crews. 69, 22. II y toucha..., he called there ; he made the island. Columbus arrived on the 29th of April, 1494, at the eastern end of Cuba, which is now known as Cape Maysi. He sailed along the southern coast, touching once or twice in the harbours. On the 3rd of May he turned his prow directly south in search of t Jamaica. 70, 16. Emanation mysterietise... Columbus was greatly moved, says the Spanish historian, Las Casas, by the simple eloquence of this untutored savage, and rejoiced to hear his doctrine of the future state of the soul, having supposed that no belief of the kind existed among the inhabitants of these countries. 24. Ses matelots le ramenerent..., bis sailors brought him back to Isabella in a state of insensibility resembling death itself. 29. An chevet de sa couche, at his bedside. Chevet, bed-head der. from clitf (Lat. caput). 35. Iletaittfune taille athletique, he had an athletic stature. Taille is a verbal subst., from tailler, to cut (Low Lat. taliare). 71, 7- Le second, the second in command most suitable for Columbus. II. L' esprit de famille... The family bond was a guarantee to Columbus for the fidelity of his lieutenant. 28. Tour fair -e admirer..., to make them admire at Isabella the greatness and the wealth of the Europeans. NOTES. Ill Page Line 71, 33. Ijne paire de menoties..., a set of manacles of polished steel. 40. Eut-il monte en croupe..., scarcely had the unfortunate cacique mounted in the saddle behind the crafty Ojeda. Croupe, crupper, Old Fr. crope, from Norse Jcryppa. Obs. : The nominative pronoun follows the verb in sentences beginning with a peine, peut-etre, aussi, encore, au mains, en vain. This is an unmis- takable evidence of the influence of the Teutonic languages on French. 72, IO. Motita, was an excuse for, stimulated. 20. Fiairant, scenting. In Old Fr. flairer had the intran- sitive sense of exhaling an odour, from Lat. flagrare. 25. Sefit guerrier, became a warrior. 27. Les assouplit au joug, made them submissive to the yoke, which was tempered by... 73, 9. Informer contre, to inquire into, to investigate. 12. Awres, proved against him. 18. Di-chtt provisoirement, provisionally deposed. 27. Le laissa in&tntire..., allowed him freely to conduct judicial inquiries for the odious charges that his de- tractors were bringing against him. 35. Eeculee, remote, distant. 36. Jeuplade, tribe. 74, 6. liavie, delighted. 13. Us arrivent..., they reached at the end of a few days-. Obs. : The pres. used for the perf. to give life to the narrative. 75, 3. En habit de Franciscain, clad in the habit of a Fran- ciscan monk, girded with a cord. 6. Un suppliant de genie..., a talented suppliant, who comes to ask forgiveness for the glory he has won. 2O. D 'instinct..., instinctively proscribed slavery, which philosophy and religion were to abolish no less than four centuries later. 25. Breriesca. Ximeno de Breviesca, treasurer of Fonseca, a man of impudent front and unbridled tongue, who, echoing the sentiment of his patron the Bishop, had been loud in his abuse of the Admiral and his enter- prises. At the very time that Columbus was on the point of embarking, he was assailed by the insolence of this Ximeno. Forgetting in the hurry and indig- nation of the moment his usual self-command, he struck the despicable minion to the earth, and spurned him with his foot. 76, 9. Dessaler..., to sweeten its waters. 13. Ses hf>tes, its possessors. Obs. : H6te is both kost and guest. Der. from the Lat. hospitem. 112 CHRISTOPHE COLOMB. Page Line 77, 4. Des que ses viaies, as soon as his look-out men. 13. Ecume de fEspagne, the scum of Spain. Many criminals and vagabonds from Spanish prisons had been shipped, in compliance with the Admiral's ill-judged proposi- , tion. 40. Etait I'asile..., afforded a home to these strangers. 78, 1 6. Avait fait inviter par elk, had prevailed upon her to invite. 25. Ces cavaliers fondent..., these horsemen rush. Obs.: The change to the present tense, so as to give animation to the narrative, after which, six lines lower down, we come back to the pluperfect. The present is also frequently used for the immediate future. Ex. : Je pars demain. 79, 7. Un bagne, galleys, a convict prison. 12. S'etouflerent en s' embrassant, throttled each other after their first greeting. 19. Bobadilla. Don Francisco de Bobadilla, an officer of the Royal household, and commander of the military and religious order of Calatrava. He arrived at San Domingo on the 23rd of August, 1500. 24. Prevenu contre Famiral, prejudiced against the Admiral. 34. Espinosa. To fill the measure of ingratitude meted out to Columbus, it was one of his own servants that volunteered to rivet his fetters. 80, 7. A fenvi, emulously. They vied with each other in charging him. 10. Les fanfares, lit., the flourish of trumpets i.e., jeers. 19. 2Ve douta pas..., had no doubt but that his last hour had come. Obs.: Verbs of doubting taken negatively or interrogatively are followed by ne, except when the allusion is to an incontestable fact. Thus : Je ne doute pas que cela ne soil ; but, Je ne doute pas qu'il y ait un Dieu. 81, 12. Cercueil, coffin. Old Fr. sarcueil, from Lat. sarcophagus. 20. Naguere, lately. In Old Fr. written n'a gueres, com- pounded of ne, avoir, and gucret, equivalent to il n'y a gueres, there is but little (time ago). 29. Examiner le proces, investigate the charges against. 82, I. C'itait I'homme..., he was the man least calculated to appreciate or replace a great man. 18. II croyait arriver..., he thought he could reach the extreme east of Asia by sailing directly west. 34. Aussi longtemps que le corps pettt..., so long as the body has the power, the mind should have the will to act. 37. 11 avail cette autorisation dela eour. Washington Irving states, " This was contrary to his orders, which for- bade him to touch at Hispaniola until his return homewards, lest his presence should cause some agita- NOTES. 113 Page Line tion in the island ; he trusted, however, the circum- stance of the case wonld plead his excuse. 83, 14. Falaises, cliffs. Formerly faloize and fa lize, from O. H.G. felisa, a rock. 84, I. Hochets, trinkets. Lit., rattles, from v. hocher, to shake or rattle. 24. L'ecoutille, the hatchway. 29. Les brisants, the breakers ; i.e., the heavy surf over the bar at the mouth of the river. 32. Franchissant a la nage les ecueils, swimming across the surf. Ecut.il, lit. a rock, from Lat. scopu/us. 85, 9. Que fit-il autren,ent, what did he more lor Moses or for His servant David ? 25. II tient tout ce qu'il doit, he fulfils all that he promises, and with increase. 36. Sombra de fatigue, foundered through haying become completely unseaworthyi *l^u-cc*-- 88, 4. Rongees desvers, their timbers eaten through by the toredo, and perforated like a honeycomb. 7. Prets a s'abimer, in daneer of foundering. 21. Le seul espoir qui restdt, the only hope of safety that remained. Obs. : The subjunctive is used alter the relative pronouns qui, que, dont, lequel, ou, when they are preceded by an adjective in the superlative degree, or by the words le seul, le premier, le dernier, when an idea of wish or doubt is implied. 28. Sans autre grcemeat, merely provided with an oar. Der. from greer, to rig ; of German origin. 87, 6. Se recria, lit., clamoured. Everyone drew back, pro- nouncing it the height of rashness to undertake so long a journey on a mere log of wood. 25. Castille. Francisco Porras suddenly entered the cabin where Columbus was confined to his bed by the gout, reproached him vehemently with keeping them in that desolate place to perish, and accused him of having no intention of returning to Spain. " Embark immediately, or remain, in God's name ! " cried he, with a voice that resounded all over the wreck. " For my part, I am for Castille ! Those who choose may follow me." This was the signal. "For Castille ! for Castille ! " was heard on every side. 88, 19. Mais, soit incredulity, but whether it be incredulity. 36. Dont ilavaitfait .., of which he had formed an empire, and from which ingratitude and jealousy banished him. 38. Bien accueilli en apparence, well received, to all appear ances. 89, 10. Sans Lucar, at the mouth of the Guadalquivir. 29. Si j'ai failli..., if I have failed in anything, it has been 114 CHRISTOPHK COLOMB. Page Line because my knowledge and my powers went no further. 90, 5. Dans une tombe au nive.au de la terre, in a tomb level with the ground, and trodden by the feet of men. 21. De son abri .., wherefore we may trust she now rests in glory, far from all concern for this rough and weary world. 33. Le denument de ses equipages..., through lack of means, and through his growing infirmities. 37. ^Lnnoncait, pave promise of. 91, II. A des consei's de conscience, to courts of equity. The tribunal to which the whole matter was at one time referred was called the "Junta de Descargos;" it had charge of the settlement of the affairs of the late Queen. Nothing resulted from their deliberations ; the wishes of the King were too well known to be thwarted. 92, 8. Un de ses serviteurs. This servant was Bartholomew Fiesco, who, according to some writers, accompanied Diego Mendezin the perilous expedition from Jamaica to Hispaniola. 10. Jlreviaire, prayer-book. From Lat. brcviarium. 29. Mes charges, my appointments. 93, 13. Se reportunt, recurring again, reverting to. 19. D'entretenir, to support in the town of Genoa. 22. Une personne. Personne is fern, when it means some one, masc. when it means anybody. In the former case it is a substantive, in the latter an indefinite pronoun. 28. De vassalite, of vassality and of subordination of oneself. 94, 13. Jls'abima, he sank into, he wholly gave himself up to. 14. Poete de cceur, naturally a poet. 1 8. // prononca en Latin..., In manus tuas, Domine, commendo spiritum meum. 29. Son corps..., his body, and later that of his son. His remains, first deposited in the convent of St. Francis at Valladolid, were, six years later, removed to the Carthusian monastery of Las Cuevas at Seville, where a costly monument was raised over them by King Ferdinand, with the memorable inscription " A Castilla y a Leon Nuovo mundo dio Colon." From this spot his body was transported, in the year 1536, to the island of St. Domingo, the proper theatre of his discoveries ; and, on the cession of that island to the French in 1795, was again removed to Cuba, where his ashes now quietly repose in the cathedral church of its capital. 85, 3. Inconsequence, inconsistency. 14. L'etoite, the guiding star. NOTES. 115 Pa?< Line 95, 17. Rubicon de quinzc cents lieues, in rushing into that unknown ocean peopled with phantoms that Rubicon, fifteen hundred leagues broad. (In allusion to Caesar's crossing the Rubicon, the boundary of Gallia Cis- alpina, which the laws did not allow him to pass while in command ) 24. A la hauteur, to the level of. 96, 7. Acheve", complete. 8. Aupres de..., he was worthy of representing the Old World in the New, which he was to be the first to viit. 17. Jusqua lui, up to his time. Ignores : Imprimerie de KANKEN BT C., Drury House, Strand. PRIMERS, GRAMMARS, AND EXERCISE BOOKS. Hachette's Illustrated French Primer; OR, THE CHILD'S FIRST FRENCH LESSONS. EDITED BY HENRI BUE, B.-es-L., French Master at Merchant Taylors' School, London. The easiest introduction to the study of French, with numerous "Wood Engravings. New and Cheaper Edition. 1 vol., small Svo, cloth. Price Is. 6d. 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The rules, which form the basis of his work, are simple and comprehensive, and their operation is unmistakably exhibited in 100 reading, parsing, and translating lessons. Some 40 of its 154 pages are taken up with preliminary rules of accidence and construction, a list of irregular verbs, &c., so as to obviate the necessity of referring to preliminary books, and to give to his present work a character of completeness. Its more extensive use in the schools would certainly be productive of excellent fruits." Educational News. PAUL BAUME'S FRENCH MANUAL OF GRAMMAR, CONVERSATION, AND LITERATURE. New Edition. Price 3s. %* This new Work is on a totally different plan from the ordinary run of Readers and Conversation Books, from which grammatical knowledge is f^n rally excluded. The Manual is divided into 80 lessons. Each lesson, which may be prepared in part or wholly according to the ability of the pupil, contains tliree divisions : Istly, A set of examination ques' ions and answers on grammar. 2dly, A familiar conversation of a modern type on a ^iven subject Sruly, A biographical sketch of and quotation from a noted French writer, with hints for the translation of difficult expressions, historical notes, &c. The whole Book thus forms an extensive examination paper on grammar, with 4(il questions and answers systematically and progressively arranged ; a set of eighty familiar conversations on given subjects ; and a Header, or elementary course of literature, containing eighty biographical sketches of and quotations fiom the best French prose writers and poets, in chronological order. This French Manual is intended to be a useful as well as a necessary adjunct to any French grammar that may be in the hands of pupils. "M. Baume has succeeded, by means of a chronological series of classical quotations, in tracing the development of French literary style. The excerpts are of the most diversified character, and include specimens from the writings of eighty authors, ranging from Rabelais to Hugo and Taine. A novel and excellent feature is the introduction of brief biographic sketches of the various writers." Educational News. " Together, these three works form an almost ideal series, yet each may be employed independently, or in conjunction with other class-books. They are all capitally got up, and may be safely recommended for private as well as for cl;wa use." Educational News. 8 NEW FRENCH CLASS BOOKS. By C. A. CHARDENAL, B.A., Bachelier-es-Lettres of the University of France. THE SERIES CONTAINS THE FOLLOWING VOLUMES: The French Primer. For Junior Classes, in Three Parts, each 4d , or THE SAME Complete and Bound in 1 vol., cloth. Price Is. 3d. First French Course: OK, RULES AND EXEECISES FOR BEGINNERS. Used in Taylor Institution. Oxford ; University College, London, etc 212 pp., fcap. cloth. Price Is. 6d. From the Athcnceum "The information is well put, and the book as good a Fir Course as can be had." Second French Course: OR, FRENCH SYNTAX AND READER. 240 pp., fcap. cloth. Price 2s. From the Athenceum " With the ' First French Course,' by the same Author, it may serve as a means of acquiring a sound knowledge of the language." French Exercises for Advanced Pupils. Containing the principal Rules of French Syntax, numerous French and English Exercises on Rules and Idioms, and a Dictionary of nearly 4000 Idiomatical Verbs and Sentences, Familiar Phrases, and Proverbs. 320 pp., fcap., cloth. Price 3s. 6d. Key to the First and Second Courses. Price 3s. 6d. Key to the "French Exercises for Advanced Pupils ; " To which are added Explanations of 850 of the most difficult French Idioms. Price 3s. 6d. The Rules of the French Language. Being a Summary, set in Grammatical Order, of the Rules contained in the Author's First French Course, Second French Course, and Advanced French Exercises^ 1 vol. small 8vo, 171 pages, cloth. Price Is. 6d. Practical Exercises on French Conversation, For the use of Students and Travellers. 1 vol. small 8vo, cloth. Price Is. 6d. THE OXFORD AND CAMBRIDGE FRENCH GRAMMAR. PART I. PUPIL'S Cloth, 8 ., 2s. ., H Cloth, 8 ...2s. 6d. .. HI. ., Cloth, 8! ... 3s, MASTER'S BOOK to PARTS I. & II. Cloth, 83 5s. OPINIONS OF THE PRESS. " These volumes have been prepared with great care for schools and private pupils who have in view Oxford, Cambridge, and College of Preceptors' Local Examinations, as well as for those who are preparing for Army and Navy, Civil Service, and University Examinations, They combine all that is best in previous methods, and, if diligently and patiently used, could not fail to make the student acquainted with the most subtle distinctions and elegancies which abound in the French lan- guage. In the Master's Book there is an excellent " Precis de 1'histuire de la litte'rature Franchise depuis son origine jusqu'a nos jours. " All that is requisite for mastering the idiomatic expressions in the French language will be found included in the system adopted by Messrs. Hunt and Wuillemin, and the Master's Book, which is meant to be used by all teachers, is at once a guide, a grammar, and a key. Nothing more complete in its kind has appeared even in these late years, which have been prolific in grammars and methods intended to facilitate the acqui- sition of modern languages." The Tablet. " For Englishmen generally the study of French is nowadays a necessity. But it may be said that few books pretending to aid in teach- ing that language are of much value. ' The Oxford and Cambridge French Grammar ' in three parts one for masters, and two for pupils of different grades should, however, be very useful in achieving the task, and it is doubtful whether a better Grammar has before seen the light." Daily Telegraph, "It is not surprising that the rapid extension during the last few years of the Local Examinations should have created a literature specially adapted for the use of candidates preparing for them. Several of the books published for this purpose have proved a delusion and a snare, because they were only crude compilations encouraging mere cram. But cramming in its worst sense no longer ensures success at any well- conducted examination. We gladly welcome, therefore, this Grammar which, while fulfilling its professed object as a course preparatory for exami- nations, at the same time can be used WITH EQUAL ADVANTAGE by those who have no final test to work for, but who simply aim at acquiring a thorough, knowledge of French in an attractive manner. For its immediate purpose the Grammar is divided into four parts, each affording materials for a year's work, and subdivided again into three divisions, corresponding to the terms of the usual scholastic year. Each term, again, is divided into ten lessons, so that, allowing one week every month for repetition, there U Is one lesson for every week at a minimum rate of three lessons a month. The whole of these twelve parts or terms are properly graauattd, and each lesson contains proportionate parts of grammar, idioms, translations from French and into French, so as to serve as a very good model of what a lesson in French should be. As a companion to the Grammar the authors have also published a Master's Book, containing questions and exercises on the lessons, and the translation into French of the English pieces in the Pupil's Book, so that the Grammar might also be used by English masters teaching French. At the end the authors have given a short precis of French literature." Educational Times. "Into these three volumes two of which are intended for pupils and one for masters Messrs. Hunt and Wuillemin have compressed almost everything that it is necessary for a student to know in order to become proficient in the French language. The only book required in addition is a dictionary. The usual English into French translation book, the idiom book, the dictation book, the reading books, and the books which give a knowledge of French literature, are all dispensed with, their substance being included in the volumes before us. One of the leading merits of the system here laid down, therefore, is the saving it effects in that constantly recurring item of parental expenditure, the outlay in school books. Having carefully gone through all three volumes, we are able to say that the system in every particular seems admirably adapted for the purpose in hand which is, we take it, the acquirement of an efficient knowledge of French with the least expenditure of labour and the minimum of perplexity." Liverpool Mercury. " The claims with which these books come before the public are fully justified. Great judgment has been shown in what is included in the books, and in the method which is adopted. The exercises from the twenty-first lesson second year are composed of short stories, every- day conversations, extracts from daily papers, and paragraphs given to the Oxford and Cambridge senior candidates. The nomenclature of the tenses of the verb, a vexed question with teachers, is simple, and will be readily understood by students of English and Latin." School Guardian. " We have found this Grammar, by practical experiment with a couple of young children, very serviceable and satisfactory. It is specially intended by its authors for use in preparing for competitive examinations ; but it begins at the beginning, and is simple enough to be placed in the hands of the youngest. It will be enough to say that Messrs. Hunt and Wuillemin have given evidence on every page of their experience in teaching, mnd that the result of their labours must be to dimininh very notably the labour of all who make use of their books. ' The Oxford and Cambridge French Grammar ' deserves high commendation." Hereford Times. "After an attentive examination of this New French Course we find that it comprises a careful and complete series of lessons, well adapted to prepare pupils for the examinations referred to on the title-page, and for others of a similar kind. The information is clearly and simply set forth, and the exercises are sufficiently full to impress the matter on the mind and memory of the pupil." The Schoolmaster. ' ' We congratulate MM. Hunt and Wuillemin on the result of their labo'js, and wish them every success with their new publication." Tht Hereford Journal, Jan. 14, 1882. 15 THE PHILOLOGY OF THE FRENCH LANGUAGE. By A. Ii. MEISSNER, Ph.D., Professor of Modern Languages in t/te Queen's University in Ireland. Third and Entirely Revised Edition. With an Appendix of Specimens of Old French, from the 9th to the 15th Century, and a set of Examination Questions. 1 vol., small 8vo, cloth. Price 3s. 6d. A NEW edition of the Philology of the French Language having been called for, the Author has taken the opportunity of thoroughly revising and remodelling the work in accordance with the present advanced state of the science of comparative grammar. Several important additions have been made, especially respeeting the Keltic and Italian elements in the French language, and in the chapter on Phonology. In his revision the author has been greatly assisted by the careful and appreciative review of a former edition by Prof. Gaston Paris, whose suggestions have received all the atten- tion due to the highest living atithority on the subject. The hints given by M. Henri Qaidoz, Editor of the Revue Celtique, have been utilised, and the lacuna;, pointed out by Prof. Bernhard Schmitz in his Cyclopcedia of Modern Philology, have been filled up, so as to make the book the most complete manual of French Philology as yet published. " On ne peut que donner des eloges a la manie're dont 1'auteur a compris et efore him, the pupil is enabled to measure the standard to which he must attain in order to be successful, and becomes accustomed to the form of work that will be required from him. This book is especially well adapted for the above purpose." Morning Post. " THE book is of considerable size and unusually complete. It supplies a vast number of passages for translation into English and French, together with Hundreds of questions actually set at public examinations on miscellaneous points of French grammar. The notes are numerous, judicious, and reliable. S T p teacher of French who has to prepare pupils for examinations should be without this volume, which is issued at a moderate price, considering its size and qual ity. " Schoolmaster. " WHAT renders the work the more valuable is, that spelling, accents, marks, and passages appear here exactly as in the examination papers. The no:es tarnished have been carafully compiled, and, so far as we have tested, are extremely accurate. Issued at a moderate price, stoutly bound, and edited with care, the Manuel may be commended as a valuable aid to candidates for the various examinations dealt with in the volume." Broad Arrow. "WE have to thank Messrs. Heury Belcher and Alexander Dupuis for one of the most useful compilations recently published. It had often struck us that a volume containing a selection from the examination papers set at the various colleges, at Woolwich, Sandhurst, for the Staff College, the Indian Civil Service,