PROGRESSIVE FRENCH EEADER itl) a tlorabttlarB cmb (Eopicus Notes, PHILOLOGICAL AND GRAMMATICAL, INCLUDING REFERENCES TO OTTO'S FRENCH CONVERSATION GRAMMAR. BY FERDINAND BOCHER, PBOFESSOR OP MODEBN LANGUAGES AT HARVARD UNIVERSITY. * NEW YORK HENRY HOLT AND COMPANY F. W. CHRISTERN BOSTON: SHONHOF & MOLLER Entered, according to Act of Congress, in the year 1870, BY 8. B. URBINO, In the Office of the Librarian of Congress at Washington. JOHN F. TROW & SON, PRINTERS, o5-2i3 EAST iaTH ST., NEW YORK. 80S "Bbk TABLE OF CONTENTS. PA01 (. L'Assemblee des Animaux, pour choisir un Roi. Fenelon 9 II. Proclamation a PArmee, dans sa Marche sur PAdige. Napoleon I. 10 III. La Petite Mendiante. Boucher de Pertlies .... 12 IV. Les Homraes doivent s'aider. Lamennais .... 13 V. filoge Fun&bre de Franklin. Mirabeau 14 VI. Independance de Ducis. Villemain 15 VII. La Cigale et la Fourmi. La Fontaine 16 VIII. LaSouris. - Buffon 17 IX. Confiance en Dieu. Lamennais 18 X. Le Corbeau et le Renard. La Fontaine ..... 20 XI. LeCheval. Buffon 20 XII. La Consultation 22 XIII. Le Grillon. Florian 23 XIV. Vernet. Diderot 24 XV. La Rose et le Papillon. Bernardin de Saint-Pierre . 26 XVI. Romance. Chateaubriand 27 XVII. Le Cheval Arabe. Lamartine 28 XVIII. Le Pays de Geneve. Cuvier 30 XIX. L'Empereur et le Sergent 31 XX. A la Grace de Dieu 32 XXI. Un Prince Pique-Assiette. Karr ....... 34 XXII. L 1 Oiseau-Mouche. -Buffon 36 XXIII. Le Bourgeois Gentilhomme. Moliere 38 XXIV. Les Souvenirs du Peuple. Ber anger .' 44 XXV. Paul et Virginie. Bernardin de Saint-Pierre ... 47 XXVI. La Fermiere. Hegesippe Moreau 56 90 V TABLE OF CONTENTS. PAGE XXVII. Les Pourboires sur le Rhin. Victor Hugo . . 56 XXVIII. La Jeune Siberienne. Xavier de Maistre . . 61 XXIX. Histoire du Chien de Brisquet. Nodier ... 64 XXX. Une Aventure en Calabre. Courier 66 XXXI. Les Inconvenients de la Fortune. Desaugiers . 69 XXXII. La Patrie. Souvestre 70 XXXIII. L'Enlevement de la Redoute. Merimee ... 80 XXXIV. Le Garden de Moulin. Dupont 86 XXXV. Les Premieres Lectures. George Sand . . . .* 89 XXXVI. UneChasseaTOurs. Alex. Dumas 90 XXXVII. Le Chien du Louvre. Delavigne 95 XXXVIII. Histoire d'un Homme du Peuple. Erckmann- Chatrian 98 XXXIX. Les Djinns. Victor Hugo 125 XL. Le Hanneton. Topffer 129 XLI. Le Voyage de M. Perrichon. Ldbiche et Martin 146 NOTES * 199 VOCABULARY 239 PROGRESSIVE FRENCH READER. I. L'ASSEMBL^E DES ANIMAUX, POUR CHOISIR* UN ROL LE lion e*tant mort, 1 tou3 les animaux accoururent 2 dans son antre pour consoler la lionne sa veuve qui faisait retentir 3 de Bes cris les montagnes et les forets. Apres lui avoir fait leurs compliments, 4 ils commencerent Telection d'un roi : la conronne du defunt etait au milieu de Tassemblee. Le lionceau 5 etait Jrop jeune et trop faible pour obtenir la royaute sur tant de fiers ani- maux. 6 Laissez-moi eroitre, disait-il, 7 je saurai bien 8 regner et me faire craindre a mon tour. En attendant, 9 je veux 10 etudier 1'histoire des belles actions de mon pere pour e*galer un jour sa gloire. Pour moi, dit le leopard, je pretends etre n couronne ; car je ressemble plus au lion, que tous les autres pretendants : et moi, dit Fours, je soutiens 12 qu'on n>'avait fait une injustice, quand on me prefera le lion ; 13 je suis fort, courageux, carnassier, tout autant que u lui ; et j'ai un avantage singulier, qui est de grimpeir sur les arbres. Je vous laisse a juger, messieurs, dit 1'elephant, si quelqu'u^ peut 15 me disputer la gloire d'etre le plus grand, le plus fort, et le plus grave de tous les animaux. Je suis le plus noble et le plus beau, dit le cheval. Et moi le plus fin, 16 dit le renard ; et moi le plus leger a la course, 17 dit le cerf. Ou trou- verez-vous, dit le singe, un roi plus agreable et plus ingenieux que moi ? Je divertirai chaque jour mes sujets. Je ressemble menae 10 PROGRESSIVE FRENCH READER. a riiomme, qui est le veritable roi de toute la nature. Le per- roquet alors harangua ainsi : Puisque tu te vantes de ressembler a rhoinme je puis m'en vanter aussi. 18 Tu ne lui ressemblea que 19 par ton laid visage, et par quelques grimaces ridicules. Pour moi je lui ressemble par la voix, qui est la marque de la raison, et le plus bel ornement de 1'homme. Tais-toi, maudit causeur, 20 lui repondit le singe : tu paries, mais non pas cornme riiomme ; tu dis toujours la meme chose, sans entendre ce que tu dis. 21 L'assemblee se moqua de ces deux mauvais copistes de Thomme; et on donna la couronne a Pelephant, parce qu'il a 'la force et la sagesse, sans avoir ni la cruaute des betes furieuses, ni la sotte vanite de tant d'autres, qui veulent 22 toujours paraitre ce qu'elles ne sont pas. (born 1651, died 1715). IL PROCLAMATION A L'ARMEE DANS SA MARCHE SUR L'ADIGE. 1 SOLDATS ! vous vous etes precipites 2 comme un torrent du haut de TApennin ; vous avez culbute, disperse tout ce qui s'opposait a votre marche. Le Piemont, delivre de la tyrannic autrichienne, s'est livre a ses sentiments naturels de paix et d'amitie pour la France. Milan est a vous, 3 et le pavilion republicain flotte dans toute la Lombardie. 4 Les dues de Parme et de Modene ne doivent 5 leur existence politique qu'a votre generosite. L'armee qui vous mena9ait avec orgueil ne trouve plus de barriere qui la rassure contre votre courage ; le P6, le Tesin, 6 1'Adda n'ont pu 7 vous arreter un seul jour ; ces boulevards tant vantes de 11 tali e ont ete insuffisants ; vous les avez franchis aussi rapidemeut que 1'Apennin. Tant de succes ont porte la joie dans le sein de la patrie vos representants ont ordonne une fete dediee a vos vie- toires, celebrees dans toutes les communes 8 de la republique . PROCLAMATION X I/ARMEE. 1 i La, vos peres, vos meres, vos epouses, vos soeurs, vos amantes, Be rejouissent de vos succes, et se vantent avec orgueil de vous appartenir. Oui, soldats, vous avez beaucoup fait mais ne vous reste-t-il done plus rien a faire ? 9 . . . . Dira-t-on de nous que nous avons su 10 vaincre, mais que nous n'avons pas su profiler de la victoire ? La posterite vous reprochera-t-elle d 'avoir trouve Capoue n dans la .Lombardie ! Mais je vous vois 12 deja courir aux armes ... .Eh bien ! partons ! Nous avons encore des marches forcees a faire, des ennemis a soumettre, des lauriers a eueillir, des injures a venger. Que ceux qui ont aiguise les poignards de la guerre civile en France, qui ont lache- ment assassine nos ministres, incendie nos vaisseaux a Toulon, tremblent ! 1'heure de la vengeance a sonne ; mais que les peuples soient sans inquietude ; nous sommes amis de tous les peuples, et plus particulierement des descendants des Brutus, des Scipions, et des grands hommes que nous avons pris 13 pour modeles. Ketablir le capitole, y placer 14 avec honneur les statues des heroa qui le rendirent celebre ; reveiller le peuple romain engourdi par plusieurs siecles d'esclavage, tel sera le fruit de nos victoires. Elles feront epoque dans la posterite ! 15 . vous aurez la gloire immortelle de changer la face de la plus belle partie de 1'Europe. Le peuple fran^ais, libre, respecte du monde entier, donnera & 1'Europe une paix glorieuse, qui 1'indemnisera des sacrifices de toute espece qu'il a faits 16 depuis six ans. Vous rentrerez alors dans vos foyers, 17 et vos concitoyens diront en vous montrant : 11 etait de Varmee d? Italic. NAPOLEON I. (1769-1821). LE 23 juillet, 1798, Bonaparte, plein d'enthousiasme, par- courut au galop le front de son armee, et, montrant les pyra- mides : " Soldats ! dit-il, vous allez combattre les dominateurs de 1'Egypte ; songez que du haut de ces monuments quarar d siecles vous contemplent." 12 PROGRESSIVE FRENCH READER. III. LA PETITE MENDIANTEL C'EST la petite mendiante Qui vous demande un peu de pain ; Donnez a la pauvre innocente, Donnez, donnez, carjelle a faim. 1 Ne rejetez point ma priere ; Votre coeur vous dira pourquoi : J'ai six ans, 2 je n'ai plus de mere, J'ai faim, ajez pitie de moi. Hier, c'etait fete au village, 8 A nioi personne n'a songe. Cliacun dansait sous le feuillage, Helas ! et je n'ai pas mange. Pardonnez-moi, si je demande, Je ne demande que du pain, Du pain, je ne suis pas gourmande, 4 Ah ! ne me grondez pas, j'ai faira. N'allez pas croire que j'ignore 6 Que dans ce monde il faut souffrir ; Mais je suis si petite encore, Ah! ne me laissez pas mourir. Donnez a la pauvre petite, Et pour vous comme elle priera ! Elle a faim ; donnez, donnez vite, Donnez, quelqu'un vous le rendra. Si ma plainte vous importune, Eh bien ! je vais rire et chanter : * De Taspect de mon infortune Je ne dois pas vous attrister. LES HOMMES DOIVENT s'AIDER. '13 Quand je pleure, 1'on 7 me rejette, Chacun me dit: Eloigne-toi. 8 Ecoutez done ma chansonnette, Je chante, ayez pitie de moi. BOUCHER DE PERTHES (1788-1868). IV. LES HOMMES DOIVENT S'AIDER. 1 LORSQU'UN arbre est seul, il est battu des vents et depouille de ses feuilles ; et ses branches, au lieu de s'elever, s'abaissent comme si elles cherchaient la terre. Lorsqu'une plante est seule, ne trouvant point d'abri contre 1'ardeur du soleil, elle languit et se desseche, et meurt. 2 Lorsque 1'homme est seul, le vent de la puissance le courbe vers la terre, et 1'ardeur de la convoitise absorbe la seve qui le nourrit. Taut que vous serez desunis, 3 et que chacun ne songera qu'a soi, vous n'aurez rien a esperer que souffrance, et malheur, et oppression. Qu'y a-t-il de plus faible 4 que le passereau, et de plus desarme que 1'hirondelle ? Cependant quand parait Foiseau de proie, 5 los hirondelles et les passereaux parviennent a le chasser, en se rassemblant autour de lui, et le poursuivant tons ensemble. Prenez exemple sur le passereau et sur 1'hirondelle. Celui qui se separe de ses freres, la crainte le suit quand il marche, s'assied 8 pres de lui quand il repose, et ne le quitte pas raeme durant son sommeil. Done, si Ton vous demande : " Combien etes-vous ? " " Nona Bommes un, car nos freres, c'est nous, 7 et nous, c'est nos freres." Dieu n'a fait ni petits ni grands, ni maitres ni esclaves : il a fait tous les hommes egaux. 14 PROGRESSIVE FRENCH READER. Mais, entre les homines, quelques-uns ont plus de force ou de corps, ou d'esprit, ou de volonte, et ce sont ceux-la 8 qui cherchent a assujettir les autres, lorsque 1'orguei] ou la convoitise etouffe en eux Famour de leurs freres. Et Dieu savait qu'il en serait ainsi, 9 et c'est pourquoi il a commande aux homines de s'aimer, afin qu'ils fussent 10 unis, et que les faibles ne tombassent point sous 1'oppression des forts. Oar celui qui est plus fort qu'un seul, sera moins fort que deux, et ceiui qui est plus fort que deux sera moins fort que quatre ; et ainsi les faibles ne craindront rien lorsque, s'aimant les uns les autres, ils seront unis veritablement. LAMENNAIS (1782-1854). V. ELOGE FUNEBRE DE FRANKLIN. A 1' Assemble Constituante (Stance du 11 juin, 1790). MESSIEURS, Franklin est mort ! ... II est retourne au sein de la Divinite, le genie qui affranchit FAmerique, et versa sur 1'Europe des torrents de lumiere. Le sage que deux mondes reclament, Fhomme que se dis- putent 1'histoire des sciences et 1'histoire des empires, 1 tenait sans doute un rang eleve dans Fespece humaine. Assez longtemps 2 les cabinets politiques ont notifie la moit de ceux qui ne furent grands que dans leur eloge funebre. Assez longtemps Fetiquette des cours a proclame des deuils hypocrites. Les nations ne doivent porter que le deuil de leurs bienfaiteurs. Les representants des nations ne doivent recommander a leur Lommage que les heros de Fhumanite. Le Congres a ordonne dans les quatorze Etats de la Con federation un deuil de deux mois pour la mort de Franklin, et I' Amerique acquitte en ce moment ce tribut de veneration pour Fun des peres de sa constitution. INDEPENDANCE DE DUCIS. 15 Ne serait-il pas digne de nous, messieurs, de nous unir a cet acte religieux, de participer k cet hommage rendu, a la face de Fur.ivers, et aux droits de Thomme, et au philosophe qui aleplus coutribue a en propager la conquete 3 sur toute la terre ? L'an- tiquite eftt eleve des autels a ce vaste et puissant genie qui, au profit des mortels, embrassant dans sa pensee le ciel et la terre, But dompter la foudre et les tyrans. 4 La France, eclairee et libre, doit du moifis un temoignage de souvenir et de regret a Tun des plus grands hommes qui aient jamais servi la philoso- phic et la liberte. Je propose qu'il soit decrete que FAssemblee nationale portera pendant trois jours le deuil de Benjamin Franklin. MIRABEAU (1749-1791). VI. INDEPENDANCE DE DUCIS. 1 UN trait distinctif du caractere de Duels, c'etait quelque chose de fier, de libre, d'indomptable. Jamais il ne porta, ne subit aucun joug, pas meme celui de son siecle ; car dans son siecle il fut constarnment 2 tres-religieux. Quand 1'ordre social se retablit 8 avec pompe, lorsqu'on fit 1'empire, 1'homme qui voulait etre la gloire publique de la France et s'occupait d'attirer, d'absorber dans Pabime de sa renommee toutes les celebrites secondaires, tourna les yeux vers Ducis ; il voulait le faire senateur, Ducis n'en avait nulle envie. 4 Le maitre de la France le chercha done, et voulut Thonorer, le recompenser, V avoir enfin. En general, il seduisait si facilement, qu'il 4tait tout etonne' de trouver quelqu'un qui osat 5 resister, ou meme echapper a ses bienfaits. Un jour, dans une reunion brillante, il 1'aborda 6 comme on aborde un poete, par des compliments sur son genie ; ses louanges n'obtiennent 7 rien en retour ; il va 8 plus loin, il parle plus nette- 16 PROGRESSIVE FRENCH READER. ment ; il parle de la necessite de reunir toutes les celebrites^ toutes les gloires de la France, autour d'un pouvoir reparateur Meine silence, meme froideur. Enfin, comme il insistait, Duels, avec line originalite toute shakspearienne, lui prend fortement le bi as et lui dit : " General, aimez- vous la chasse ? " Cette question i jattendue laisse le general embarrasse. " Eh bien, si vous aimez a chasse, avez-vous chasse" quelquefois aux canards sauvages ? C'est une chasse difficile, une proie qu'on u'attrape guere, 9 et qui flaire de loin le fusil du chasseur. Eh bien, je suis un de ces oiseaux, je me suis fait 10 canard sauvage." Et, en meme temps, il fuit a 1'autre bout du salon, et laisse le vainqueur d'.Arcole et de Lodi fort etonne de cette incartade. YILLEMALX (born 1790). VII. LA CIGALE ET LA FOURMI. LA cigale ayant chant4 Tout 1'ete, Se trouva fort depourvue Quaud la bise flit venue : l Pas un seul petit morceau De mouche ou de vermisseau. Elle alia crier famine 2 Chez la fourmi sa voisine, La priant de lui preter Quelque grain pour subsister Jusqu'a la saison nouvelle. Je vous pairai, lui dit-elle, Avant Tout, 3 foi d'auimal, 4 Interet et principal. La fourmi n'est pas preteuse; C'est la son moindre defaut. A. SOURIS. !' Que faisiez-vous au temps chaud ? Dit-elle a cette emprunteuse. Nuit et jour, a tout venant 5 Je chantais, ne vous deplaise. 6 Vous chantiez ! j'en suis fort aise. He bien ! dansez maintenant. LA FONTAINE (1621-1695) VIII. LA SOURIS. LA souris, beaucoup plus petite que le rat, est aussi plus nom- breuse, plus commune et plus generalement repandue : elie a le meme instinct, le meme temperament, le meine naturel et n'en differe guere que 1 par la faiblesse et par les habitudes qui 1'ac- compagnent : timide par nature, familiere par necessite, la peur ou le besoin font 2 tous ses mouvements ; elle ne sort 8 de son trou que pour chercher a vivre, 4 elle ne s'en ecarte guere, 5 y rentre a la premiere ^Jerte; ne va 7 pas, comme le rat, de maisons en maisons, 8 a moins qu'elle n'y soit forcee, 9 fait 10 aussi beaucoup moms de degats, 11 a les mo3urs plus douces, 12 et s'apprivoise jusqu'a un certain point, mais sans s'attacher : comment aimer en effet 13 ceux qui nous dressent des embuches ? 14 Plus faible, elle a plus d'ennemis auxquels 15 elle ne peut echapper, ou plutol Be soustraire que par son agilite, sa petitesse meme. Les chouet- tes, tous les oiseaux de nuit, les chats, les fouines, les belettes, les rats meme lui font la guerre ; on Tattire, on la leurre aise- ment par des appats, on la detruit a milliers ; 16 elle ne subsiste enfin que par son immense fecondite. Ces petits animaux ne sont point laids ; ils ont Fair vif 17 et merne assez fin : 1'espece d'horreur qu'on a pour eux n'est fondee que sur les petites surprises et sur Tincommodite qu'ils causent. Toutes les souris sont blanchatres sous le ventre, et il y en a de blanches sur tout le corps; 18 il y en a aussi de plus ou moins 2 &OGRESSIVE FRENCH READER. brunes, de plus ou moins noires. L'espece est generaleme: repandue en Europe, en Asia, en Afrique ; inais on pretend ' qu'il u'y en avait point en Amerique, et que, celles qui y sou actuellement ^ en grand nombre, vienuent 21 originairement de notre continent ; ce qu'il y a de vrai, c'est qu'il parait que ce petit animal suit 22 1'homme et fuit 23 les pays inhabites, 24 pai Pappetit naturel qu'il a pour le pain, le fromage, le lard, 25 1'huilej le beurre et les autres aliments que l'homme prepare pour lui- menie. BuFFON(1707-1788>. IX. CONFIANCE EN DIEU. DEUX hommes e*taient voisins, et chacun d'eux avait une femme et plusieurs petits erifants, et son seul travail pour les faire vivre. 1 Et 1'un de ces deux hommes s'inquietait en lui-meme en disant : Si je meurs, ou que 2 je tombe malade, que deviendront * ma femme et mes enfants ? Et cette pensee ne le quittait point et elle rongeait son coeur comme un ve r ronge le fruit ou il est cache. Or, bien que la meme pensee fut venue 4 a Fautre pere, il ne s'y etait point arrete ; 5 " car, disait-il, Dieu, qui connait toutes ses creatures, et qui veille sur elles, veillera aussi sur moi, et sur ma femme, et sur mes enfants." Et celui-ci vivait tranquille, tandis que le premier ne godtait pas un instant de repos ni de joie interieurernent. Un jour qu'il travaillait 6 aux champs, triste et abattu a cause de sa crainte, il vit 7 quelques oiseaux entrer dans un buisson, en sortir, et puis bientot y revenir encore. Et s'etant approche, 8 il vit deux nids poses cote a cote, 9 et dans chacun plusieurs petits nouvellement eclos 10 et encore sans plumes. Et quand il fut retourne n a son travail, de temp;; en temps if CONFIANCE EN DIEU. 19 levait les yeux et regardait ces oiseaux, qui allalent et venaient, u portant la nourriture a leurs petits. 13 Or, voila qu'au moment ou 1'une des meres rentrait avec sa becquee : un vautour la saisit, 1'enleve, et la pauvre mere, so debattant vainement sous sa serre, 14 jetait des cris percants. A eette vue, 1'homme qui travaillait sentit son ame plus tron- blee qu'auparavant ; " car, pensait-il, la mort de la mere est la rnort des enfants. Les miens n'ont que moi non plus. Que devienclront-ils 15 si je leur manque ? " Et tout le jour il fut sombre et triste, et la nuit il ne dormit point. Le lendemain, de retour aux champs, 16 il se dit: "je veux voir les petits de cette pauvre mere : plusieurs sans doute ont deja peri ; " et il s'achemina vers 1Y le buisson. Et, regardant, il vit les petits bien portants; 18 . pas un ne sem- blait avoir pati. Et ceci 1'ayant etonne, il se cacha, pour observer ce qui se pas- serait. Et apres un peu de temps, il entendit un leger cri, et il apei^ut la seconde mere rapportant en hate la nourriture qu'elle avait recueillie, et elle la distribua a tous les petits indistinctement, 19 et il y en eut pour tous, 20 et les orphelins ne furent point delais- ses dans leur misere. Et le pere qui s'etait defie de la Providence, raconta, le soir, a 1'a utre pere ce qu'il avait vu. Et celui-ci lui dit : " Pourquoi s'inquieter? Jamais Dieu n'abandonne les siens. 21 Son amour a des secrets que nous ne connaissons point. Croyons, esperons, aimons, et poursuivons notre route en paix. Si je meurs 22 avant vous, vous serez le pere de mes enfants, si vous mourez avant moi, je serai le pere des votres. Et si, 1'un et 1'autre, nous mourons avant qu'ils soient en age 28 de pourvoir a leurs necessites, ils auront pour pere le Pere qui est dans les cieux." LAMENNAIS (1782-1854) PROGRESSIVE FRENCH READER. X. LE CORBEAU ET LE RENARD. MAITRE corbeau, snr uri arbre perche*, Tenait en son bee un fromage. Maitre renard, par Fodeur alleche, Lui tint a peu pres ce langage : l He ! bonjour, Monsieur du corbeau, 2 Que vous etes joli ! 3 que vous me seinblez beau ! Sans mentir, 4 si votre ramage Se rapporte a 6 votre plumage, Vous etes le phenix des notes 6 de ces bois. A ces mots le corbeau ne se sent pas de joie ; 7 Et, pour montrer sa belle voix, II ouvre un large bee, laisse tomber sa proie. Le renard s'en saisit, 8 et dit : Mon bon monsieur, Apprenez que tout flatteur Vit 9 aux depens de celui qui Tecoute: Cette le^on vaut bien 10 un fromage, sans doute. Le corbeau, honteux et confus, Jura, mais un peu tard, qu'on ne Py prendrait plus. LA FONTAINE (1621-1695 XL LE CHEVAL. LA plus noble conquete que 1'homme ait jamais faite 1 est cell de ce fier et fougueux animal qui partage avec lui les fatigues d la guerre et la gloire des combats : aussi intr^pide que son maitre le cheval voit le peril et I'affronte ; il se fait 2 au bruit des armes il 1'aime, il le cherche, et s'anime de la meme ardeur. II partag aussi ses plaisirs : a la cbasse, aux tournois, a la course, il brille il etincelle. Mais, docile autant que courageux, il ne se laiss point emporter 3 a son feu, il sait reprimer ses mouvements : 4 uon seulement il flechit sous la main de celui qui ie guide, mais semble consulter ses desirs; et, obeissant toujours aux impres LE CHEVAL. 21 sions qu'il en regoit, il se precipite, se modere 5 ou s'arrete, el n'agit que pour y satisfaire. 6 C'est une creature qui renouce a son etre pour n'exister que par la volonte d'un autre, qui salt meme la prevenir, 7 qui, par la promptitude et la precision de ses mouvements, rexprime et 1'execute ; qui sent autant qu'on le desire, et ne rend qu'autant qu'on le veut; 8 qui, se livrant sans reserve, ne se refuse a rien, sert de toutes ses forces, s'ex- cede, 9 et meme meurt pour mieux obeir. . . . Le clieval est de tous les animaux celui qui, avec une grande taille, a le plus de proportion et d'elegance dans les parties de son corps : car, en lui comparant les animaux qui sont immediate- ment au-dessus et au-dessous, on verra 10 que 1'ane est mal fait, que le lion a la tete trop grosse, 11 que le boeuf a les jarnbes trop minces et trop courtes pour la grosseur de son corps, que le chameau est difforme, et que les plus gros animaux, le rhinoceros et 1'elephant, ne sont, pour ainsi dire, que des masses informes. 12 Le grand allongement des machoires est la principale cause de la difference entre la tete des quadrupedes et celle de l'homme : c'est aussi le caractere le plus ignoble de tous ; cependant, quoi- que les machoires du cheval soient fort allongees, il n'a pas com- me Fane un air d'imbecillite, ou de stupidite com me le bo3uf. La regularite des proportions de sa tete lui donne, au contraire, un air de legerete qui est bien soutenu 13 par la beaute de son enco- lure. Le cheval semble vouloir se mettre au-dessus de son e*tat l4 de quadrupede en elevant sa tete : dans cette noble attitude, il regarde l'homme face h face. Ses yeux sont vifs et bien ouverts, ses oreilles sont bien faites et d'flne juste grandeur, 15 sans etre courtes comme celles du taureau ou trop longues comme celles de 1'ane ; sa criniere accompagne bien sa tete, orne son cou et lui donne un air de force et de fierte ; sa queue trainante et touffue 1G couvre et termine avantageusement 1'extrdmite' de son corps ; mais Fattitude de la tete et du cou contribue plus que celle de toutes les autres parties du corps a donner au cheval un noble maintien. 17 BuFFON (1707 . 17881 22 PROGRESSIVE FRENCH READER. "V XII. LA CONSULTATION. "Tous mes voisins parlent de consultation. Jacques 1 a con- suite son avocat ; Pierre a consulte son avoue ; Mathieu a consulte son notaire. J'ai de 1'argent ; je veux consulter aussi, moi." 2 Ainsi raisonnait Jean-Paul. II va a la ville, demande 1'adresse d'un homme de loi, se presente chez lui et, jetant une piece de iDonnaie sur le bureau du jurisconsulte, " donnez-moi une consultation d'un ecu, dit-il ; voici votre argent." " Sur quoi desirez-vous avoir mon avis ? demanda 1'avocat. Avez-vous une difficulte avec un voisin ? " " Oh ! non ! Je vis 3 tres-bien avec mes voisins : Je les laisse faire ce qu'ils veulent." " Avec un parent, 4 alors ! " " Oh ! que non. 5 Je leur donne ce qu'ils me demandent et je ne leur demande rien." " Mais enfin avez-vous a vous plaindre de quelqu'uij, 6 ou quelqu'un se plaint-il de vous ? " " Non ! non ! " " Mais alors pourquoi voulez-vous une consultation ? " " Je ne sais pas ; mais j'en veux une." L'avocat prit une feuille de papier timbre, ecrivit quelques mots dessus et le remit a Jean-Paul, en empochant 1'ecu. Le .paysan s'en alia content. Reveriu a la maison, 7 il entendit sa femme discuter avec les domestiques. Les uns pretendaient 8 qu'il fallait rentrer les foins ce soir la, les autres qu'il fallait ne les rentrer que le lende- main. La dispute allait s'echauffer, 9 et Jean-Paul allait y pren- dre part, car la question etait difficile : " Le foin doit-il 10 etre rentre aujourd'hui ou demain ? " u Que je suis niais ! s'ecria-t-il ; j r ai une consultation dans ma poche et je 1'ai payee un ecu. Voyons ce qu'elle dit. II tire son papier timbre, le deploie et lit : " Ne remets jamais au lendemain ce que tu peux faire la veille." " Voila la solution, claire et nette, s'ecria-t-il. Qu'on rentre les foins ce soir." LE GRILLON. 23 MXIII. LE GRILLON. UN pauvre petit grillon Cache dans 1'herbe fleurie Regardait un papillon Voltigeant dans la prairie. L'insecte aile brillait des plus vives couleurs ; L azur, le pourpre et Tor eclataient sur ses ailes ; Jeune, beau, petit-maitre, 1 il court de fleurs en fleurs, 1 Prenant et quittant les plus belles. Ah ! disait le grillon, que son sort et le mien Sont diffe'rents ! Dame nature Pour lui fit 3 tout et pour moi rien. Je n'ai point de talent, encore moins de figure ; 4 Nul ne prend garde a moi, 5 Ton m'ignore ici-bas ! Autant vaudrait n'exister pas. 6 Comme il parlait, dans la prairie Arrive une troupe d'enfants ; Aussitot les voila courants 7 Apres ce papillon, dont ils ont tous envie. 8 Chapeaux, mouchoirs, bonnets serveut a 1'attraper. L'insecte vainement cherche a leur echapper, II devient 9 bientot leur conquete. L'un le saisit par Faile, un autre par le corps ; Un troisieme survient, 10 et le prend par la tete : II ne fallait pas tant d'efForts n Pour dechirer la pauvre bete. Oh ! oh ! dit le grillon, je ne suis plus fache* ; II en coute trop cher 12 pour briller dans le monde. Combien je vais aimer ma retraite profonde ! Pour vivre heureux, vivons cache ! 13 FLOBIAN (1755-17H), 24 PROGRESSIVE FRENCH READER. XIV. VERNET. 1 VINGT-CINQ tableaux, mon ami ! vingt-cinq tableaux ! et qnelg tableaux ! c'est comme le Createur, pour la celerite ; c'est comrne la nature, pour la verite. II n'y a presque pas une 2 de ces com- positions a laquelle un peintre, qui aurait bien employe son temps, n'eut donne les deux annees qu'il a raises 3 a les faire toutes. Quels effets incroyables de lumiere ! les beaux ciels ! quelles eaux ! quelle ordonnance ! quelle prodigieuse variete de scenes ! Ici, un enfant echappe du naufrage est porte sur les epaules de son pere ; la, une femme etendu morte sur le rivage, et son epoux qui se desole. La mer mugit, les vents sifflent, le tonnerre gronde, la lueur sombre et pale des eclairs perce la nue, niontre et derobe la scene. On entend craquer les flancs d'un vaisseau qui s'en- tr'ouvre ; 4 ses mats sont inclines, ses voiles dechirees : les uns, sur le pont, ont les bras leves vers le ciel ; d'autres se sont elances dans les eaux. Us sont portes par les flots contre des tochers voisins, ou leur sang se mele a 1'ecume qui les blanchit. J'en vois qui flottent ; j'en vois qui sont prets a disparaitre dans le gouffre ; j'en vois qui se hatent d'atteindre le rivage, contre lequel ils seront brises. La meme variete de caracteres, d'actions et d'expressions regne parmi les spectateurs : les uns frisson- nent et detournent la vue, 5 d'autres secourent ; d'autres, immo- biles, regardent. II y en a qui ont allume du feu sous une roche ; s'occupent a ranimer une femme expirante, et j'espere qu'ils y reussiront. Tournez vos yeux sur une autre mer, et vous verrez 6 le calme avec tous ses charmes. Les eaux tranquilles, aplanies et riantes, s'etendent en perdant insensiblement de leur transparence, 7 et s'eclairent 8 graduellement a la surface, depuis le rivage jus qu'ou Fhorizon confine avec le ciel. 9 Les vaisseaux sont immo- biles ; les matelots, les passagers ont tous les amusements qui peuvent tromper 10 leur impatience. Si c'est le matin, quelles VERNET. 25 nuees legeres s'elevent ! comme ces vapeurs ^parses sur les ob- jets de la nature les ont rafraichis et vivifies ! Si c'est le soir, comme la cirne de ces montagnes se dore ! de quelles nuances les cieux sont colored ! comme les nuages marchent, se meuvent, ll et refletent ainsi dans les eaux la teinte de leurs couleurs ! Allez h la campagne, tournez vos regards vers la voute des cieux, observez alors sa physiononiie, et vous jurerez qu'on a detach e une partie de la grande toile lummeuse que le soleil eclairo, pour la transporter sur le chevalet de 1'artiste ; ou fermez votre main, et faites-en 12 un tube qui ne vous laisse apercevoir qu'un espace limite de 1'horizon, et vous jurerez que c'est un tableau de Vernet, qu'on a pris 13 sur son chevalet et transporte dans le ciel. Quoique de tous nos peintres celui-ci soit le plus fecond aucun ne me donne moins de travail. II est impossible de rendre ses compositions ; il faut les voir. 14 Ses nuits sont aussi touchantes que ses jours sont beaux ; ses ports sont aussi beaux que ses morceaux d'imagination sont piquauts. Egalement merveilleux, soit que le pinceau captif s'assujettisse a 1'imitation d'un modele, . soit que sa muse, degagee d'entraves, s'abandonne a elle-meme ; incomprehensible, soit qu'il emploie pour eclairer ses tableaux 1'astre du jour ou celui de la nuit, la lumiere naturelle ou les lumieres artificielles ; toujours harmonieux, vigoureux et sage, tel que 15 ces grands poetes, ces hommes rares, en qui le jugement gouverne si parfaitement la verve, qu'ils ne sont jamais ni exage- res ni froids. Ses fabriques, 16 ses edifices, les vetements, les actions, les hommes, les animaux, tout est vrai. De pres il vous frappe, de loin il vous etonne plus encore. DIDEKOT (1713-1784). TOUT le monde se plaint de sa memoire, et personne ne se plaint de son jugement. LA ROCHEFOUCAULD (1613-1680) PROGRESSIVE FRENCH READER. ; XV. LA ROSE ET LE PAPILLON. LA puissance animale est d'un ordre bien superieur a la ve*ge* tale. Le papillon est plus beau et mieux organise que la rose, Voyez la reine des fleurs, formee de portions spheriques, teinte de la plus l riche des couleurs, contrasted par un feuillage 2 du plus beau vert, et balancee par le zephyr ; le papillon la surpasse en harmonies de couleurs, de formes et de mouvements. Considerez avec quel art sont composees les quatre ailes dont il vole, la regularite des ecailles qui les recouvrent comme des plumes, la variete de leurs teintes brillantes, les six pattes, armees de griffes, avec lesquelles il resiste aux vents dans son repos, la trompe roulee 3 dont il pompe sa nourriture au sein des fleurs ; les antennes, organes exquis du toucher, qui couronnent sa tete ; et le reseau admirable d'yeux dont elle 4 est entouree au nombre de plus de douze mille. Mais ce qui le rend bien superieur a la rose, il a, outre la beaute des "formes, les facultes de voir, d'ouir, 5 d'odorer, de savourer, de sentir, de se mouvoir, de vouloir, enfin, une ame douee de passions et d'intelligence. C'est pour le nour- rir que la rose entr'ouvre les glandes nectarees de son sein ; 6 c'est pour en proteger les oeufs, 7 colles 8 comme un bracelet autour de ses branches, qu'elle est entouree d'epines. La rose ne voit ni n'entend 1'enfant qui accourt pour la cueillir ; mais le papillon, pose 9 sur elle, echappe a la main prete a le saisir, s'eleve dans les airs, s'abaisse, s'eloigne, se rapproche, et, apres s'etre joue du chasseur, 10 il prend sa volee, et va chercher sur d'autres fleurs une retraite plus tranquille. BERNARDIX DE SAINT-PIERRE ^1737-1814) ON ne doit pas juger du merite d'un homme par ses grandes qualit^s, mais par 1'usage qu'il en sait faire. LA ROCHEFOUCAULD ROMANCE. S7 XVI. ROMANCE. 1 COMBIEN j'ai douce souvenance 2 Du joli lieu de ma naissance ! Ma sceur, qu'ils etaient beaux ces jours De France! O ! mon pays, sois mes amours ! Toujours. Te souvient-il 3 que notre mere, Au foyer de notre chaumiere, Nous pressait sur son sein joyeux, Ma chere ? Et nous baisions ses blonds clieveux Tous deux. 4 Ma soeur, te souvient-il encore Du chateau .que baignait la Dore, 6 Et L'EMPEREUR ET LE SERGENT. 31 XIX. L'EMPEREUR ET LE SERGENT. JOSEPH II, empereur d'Allemagne, n'aimait ni la represen- tation ni 1'appareil. 1 Un jour que, revetu d'une simple redingote N^utonnee, accompagne d'un seul domestique sans livree, il etait aiie, dans une voiture a deux places, qu'il conduisait' 2 lui-meme, f'aire une promenade du matin, 3 aux environs de Vienne, il fu< surpris par la pluie, comme il reprenait le chemin de la ville. 4 II en etait encore eloigne, lorsqu'un pieton, qui regagnaii aussi 5 la capitale, fait signe au conducteur d'arret^r, ce que Joseph II fait aussitot. Monsieur, lui dit le militaire (car c'etait un sergent), y aurait-il de Tindiscretion a vous demander une place a cote de vous ? cela ne vous generait pas prodigieuse- ment, 6 puisque vous etes seul dans votre voiture, et menagerait mon uniforme, que je mets aujourd'hui pour la premiere fois. Menageons votre uniforme, mon brave, lui dit Joseph, et mettez- vous la. D'ou venez-vous ? Ah ! dit le sergent, je viens de chez un garde-chasse de mes amis, 7 ou j'ai fait un fier dejeuner. 8 Qu'avez-vous done mange de si bon ? 9 Devinez. Que sais-je, moi ; une soupe a la biere? 10 Ah! bien, oui, 11 une soupe; mieux que ^a. De la choucroute ? 12 Mieux que a. Une longe de veau ? Mieux que $a, vous dit-.on. 13 Oh ! ma foi, je ne puis plus deviner, dit Joseph. Un faisan, mon digne homme, un faisan tue sur les plaisirs de Sa Majeste, 14 dit le camarade, en lui frappant sur la cuisse. Tire sur les plaisirs de Sa Majeste ! il n'en devait etre que meilleur. Je vous en reponds. 15 Comme on approchait de la ville, et que la pluie tombait toujours, Joseph demanda a son compagnon dans quel quartier il logeait, f et ou il voulait qu'on le descendit. 16 Monsieur, c'est trop de bonte, je craindrais d'abuser de . . . Non, non, dit Joseph, votre rue ? Le sergent, indiquant sa demeure, demanda h connaitre celui dont 17 il recevait tant de politesse. A votre tour, dit Joseph, devinez. Monsieur est militaire, 18 sans doute ? Comm* 82 PROGRESSIVE FRENCH READER. dit monsieur. Lieutenant ? Ah ! bien, oui, lieutenant ; mieux que c.a. Capitaine ? Mieux que c,a. Colonel, peut-etre ? Mieux que Qa, vous dit-on. Comment ! dit 1'autre en se ren- cognaut 19 aussitot dans la voiture, seriez-vous feld-marechal ? 20 Mieux que 9a. AL ! est-ce possible ? c'est FEmpereur ! Lui- meme, dit Joseph, deboutonnant sa redingote pour montrer aes decorations. II n'y avait pas moyen de tomber a genoux dans la voiture ; le sergent se confond en excuses 21 et supplie 1'empereur d'arreter pour qu'il puisse descendre. Non pas, lui dit Joseph, apres avoir mange mon faisan, vous se'riez trop heureux de vous debarasser de moi aussi promptement ; j'entends bien que vous ne me quittiez qu'a votre porte. Et il 1'y descendit. XX. A LA GRACE DE DIEU. a Tu vas quitter notre montagne Pour fen aller, bien loin, helas ! Et moi, ta mere et ta compagne, Je ne pourrai guider tes pas. L'enfant que le ciel vous envoie, Vous le gardez, gens de Paris ; Nous, pauvres meres de Savoie, Nous le chassons loin du pays, 2 En lui disant : Adieu ! A la grace de Dieu ! Adieu, a la grace de Dieu ! Ici commence ton voyage ! Si tu n'allais pas revenir ! 8 Ta pauvre mere eat sans courage, Pour te quitter, pour te benir ! : A LA GRACE DE BIEU. 33 Travaille bien, fais ta priere, 4 La priere donne du coeur, 5 Et quelquefois pense a ta mere, Cela te portera bonheur ! 6 Va, mon enfant, adieu ! A la grace de Dieu ! Adieu, a la grace de Dieu ! Elle s'en va, douce exilee, Gagner son pain sous d'autres cieux ; Longtenips, longteraps dans la vallee Sa mere la suivit des yeux. Mais, lorsque sa douleur amere N'eut plus sa fille pour temoin, Elle pleura, la pauvre mere ! L'enfant 7 qui lui disait de loin : Ma bonne mere, adieu ! A la grace de Dieu ! Adieu, a la grace de Dieu ! HENRI IV aimait les reponses faites rapidement et sans preparation. II rencontra un jour un ecclesiastique a qui il dit: D'ou viens-tu ? oil vas-tu ? que demandes-tu ? L'ecclesiastique lui repondit sur-le-champ : De Bourges ; a Paris ; un benefice. Tu 1'auras, dit le prince, qui voulut repondre aussi vifce que lui. UN jeune enfant, au milieu d'un grand repas, n'ayant plus d'appetit, se prit a pleurer. On lui demanda la cause de ses larmes : Je ne puis plus manger, repondit-il. Eh bien ! mettez dans votre pocbe, lui dit tout bas son voisin. Elles sont pleines, repliqua Tenfant avec une naivete charmante. 3 34 PROGRESSIVE FRENCH READER. XXL UN PRINCE PIQUE-ASSIETTE. LE prince P..., qui est, je crois, Milanais, mais qui passe line grande partie de sa vie a Paris, possede une d plus graudes fortunes de 1'Italie ; il s'en sert 1 pour etre avare. L'avarice en eflfet est une passion qui n'est nullement a la portee 2 des pauvres gens. On ne meprise que la pauvrete involontaire et dont on souffre, mais la pauvrete volontaire dont on jouit, 3 c'est-a-dire Tavarice, obtient facilement 1'estime des hommes. Yoici une des inventions du prince P. . . II entre a la Maison d'or 4 a 1'heure oil on dine, parcourt les salles jusqu'a ce qu'il ait avise quelques personnes de connais- sance. 6 En sa qualite 7 d'ltalien, il hante un certain nombre de jeunes ecrivains et de jeunes artistes. Quand il en aperc/nt un ou deux ou trois a une table, il s'approche, et lui tend Li main d'un air bienveillant, protecteur et paternel. Eh ! vous voila, mon bon ! 8 il y a longtemps que je ne vous ai vu. 9 Que faisons- nous? Travaillons-nous ? Le dineur repond quelques mots. Le prince s'assied en face de lui. II faut travailler, mon bon, il ne faut pas s'endormir sur un succes. II prend ne*gligemment un radis et le croque. Les jeunes gens se fient a leur facilite. 10 Voila d'excellents radis. II prend un second radis, puis une bouchee de pain sur laquelle il etend du beurre. Je sais bien qu'on aime mieux diner a la Maison d'or, aller a TOpera et faire 1'amour que de travailler. . . Gargon, donnez-moi un verre. J'ai avale ce radis de travers, il m'etrangle. Un peu de vin et d'eau, mon bon. Voulez-vous me faire 1'honneur de diner avec moi? Non, je n'ai pas faim, j'ai dejeune tres-tard. Je ne dis pas de mal de n 1'amour. , . Qu'est-ce que c'est que ces cotelettes la F 12 UN PRINCE PIQUE-ASSIETTE. Bt Cotelettes Soubise. A la puree d'ognons ? 13 Oui. Ah! parbleu ! vous etes plus heureux que moi : jen demande tous les jours a mon maitre d'hotel, mais bast ! c'est comrne si je chantais. . . . 14 Elles paraissent tres-bien reussies. 15 Voulez-vous les gouter ? Seulement la puree, pour voir. Garcon, une assiette. Et un couvert. . , 16 Eh bien ! cette puree est excellonte. Donnez-ra'en encore un pen. 17 Allons, vous avez ajoute une cotelette ; je ne la mangerai pas. II mange la cotelette et en reprend une seconde ; puis un peu de puree ; puis il demande du pain,, le gallon lui apporte en meme temps une serviette. Oh 9a! mes gaillards, vous vous nourrissez bien pour des jeunes gens. 18 Qu'avez-vous mange avant cela? Un potage a la bisque d'eerevisses. 19 Voulez-vous qu'on vous en serve ? II est excellent. Non pas, 20 je n'ai pas faim. C'etait pour gouter cette puree. Donnez-moi a boire. - Garcon, du vin de Chambertin ! 21 Qa n'est pas pour moi, je ne mange ni ne bois plus. Le vin est verse. . . C'est pour avoir votre avis. 22 - II n'est pas mauvais. 23 J'ai demande ensuite quelque chose dont vous mangerez, j'en suis sHr. Pas une bouchee. Vous ? un chasseur et un gourmet ? un amateur de gibier ? C'est done une becasse ? Oui. Ah ! si c'est une becasse. . . mais un peu de la croute rotie M seulement. On lui donne la croute et une aile ; il fait semblant ^ de ne 36 PROGRESSIVE FRENCH READER. pas s'en apercevoir. Un peu apres, tout en parlant d'autres choses, il fait glisser 26 sur son assiette la seconde aile et une cuisse. 27 Et il finit par diner. Apres quoi il dit : je vous inviterai quelque jour a venir faire chez moi un petit diner soigne. 28 II appelle cela aimer les ecrivains et les artistes, et, peut-etre aussi, proteger les arts et la litterature. KARR (b. 1808) XXII. L'OISEAU-MOUCHE. 1 DE tous les etres animes, voici le plus elegant pour la forme et le plus brillant pour les couleurs. Les pierres et les metaux polis par notre art ne sont pas comparables a ce bijou de la nature : elle Fa place dans Fordre des oiseaux au dernier degre df Fechelle de grandeur. Son chef-d'oeuvre est le petit oiseau mouche ; elle Fa comble de tous les dons qu'elle n'a fait que par- tager aux autres oiseaux : 3 legerete, rapidite, prestesse, grace et riche parure, 4 tout appartient a ce petit favori. L'emeraude, le rubis, la topaze, brillent sur ses habits ; 5 il ne les souille jamais de la poussiere de la terre, et, dans sa vie tout aerienne, on le voit a peine toucher le gazon par instants : 6 il est toujours en Fair, volant de fleurs en fleurs : il a leur fraicheur, comme il a leur eclat ; il vit de leur nectar, et n'habite que les climats ou sans cesse elles se renouvellent. C'est dans les contrees les plus chaudes du nouveau monde que se trouvent 7 toutes les especes d'oiseaux-mouches ; elles sont assez. nombreuses, et paraissent confinees entre les deux tropiques, car ceux qui s'avancent en ete dans les zones tempcrees n'y font qu'un court sejour; ils semblent suivre le soleil, s'avancer, se retirer avec lui, et voler sur Faile des zephyrs a la suite d'uc printemps eternel. >n * 01 I L'OISEAU^MOUCHE. 37 Les Indiens, frappes de Teclat et du feu que rendent 8 les cou- lears de ces brillants oiseaux, leur avaient donne les noms de rayons ou cheveux du soleil. . . Les petites especes sont au-dessous de la grande mouche asile pour la grandeur, et du bourdon pour la grosseur. 9 Leur bee est une aiguille fine, et leur langue n n fil delie ; leurs petits yeux noirs ne paraissent que deux points brillants ; les plumes de leurs ailes sont si delicates qu'elles en paraissent transparentes. A peine apergoit-on leurs pieds, tant ils sont courts et menus : 10 ils en font peu d'usage ; ils ne se posent que pour passer la nuit, et se laissent, pendant le jour, emporter dans les airs ; u leur vol est continu, bourdonnant et rapide. Le battement de leurs ailes est si vif, que Foiseau, s'ar- retant dans les airs, parait non-seulement immobile, mais tout a fait sans action. 12 On le voit s'arreter ainsi quelques instants devant une fleur, et partir comme un trait pour aller a une autre ; ils les visite toutes, plongeant sa petite langue dans leur sein, les flattant de ses ailes, 13 sans jamais s'y fixer, mais aussi sans les quitter jamais. Eien n'egale la vivacite de ces petits oiseaux, si ce n'est leur courage, ou plutot leur audace. On les voit poursuivre avec furie des oiseaux vingt fois plus gros qu'eux, s'attacher a- leur corps, et, se laissant emporter par leur vol, les becqueter a coups redoubles 14 jusqu'a ce qu'ils aient assouvi 15 leur petite colere. > Quelquefois meme ils se livrent entre eux de tres-vifs com- bats : 1G Fimpatience parait etre leur ame ; s'ils s^approchent d'une fleur et qu'ils la trouvent fanee, 17 ils lui arrachent les petales avec une precipitation qui marque leur depit. Ils n'ont point d'autre voix qu'un petit cri, screp, screp, frequent et rcpete ils le font entendre 18 dans les bois des Faurore, jusqu'a ce qu'aux premiers rayons du soleil tous prennent Fessor et se dispersent dans les campagnes. BuFFON (iro r.4788>. 38 PROGRESSIVE FRENCH READER. XXIII. LE BOURGEOIS GENTILHOMME. 1 Acte II. Scene 6. MONSIEUR JOURDAIN, LE MAITRE DE PHILOSOPHIE LE MA!TRE DE PHILOSOPHIE. Venons a notre leson. Que voulez-vous apprendre ? M. JOURDAIN. Tout ce que je pourrai, car j'ai toutes les 3nvies du monde 2 d'etre savant ; et j'enrage que mon pere et ma mere ne m'aient pas fait bien etudier dans toutes les sciences quand j'etais jeuue. LE MAITRE DE PHIL. Ce sentiment est raisonnable ; nam, sine doctrina, vita est quasi mortis imago. Vous entendez cela, el vous savez le latin, sans doute ? M. JOURDAIN Oui ; mais faites comme si je ne le savais pas : expliquez-moi ce que cela veut dire. 3 LE MA!TRE DE PHIL. Cela veut dire que, sans la science, la vie est presque une image de la mort. M. JOURDAIN. Ce latin-la a raison. LE MAITRE DE PHIL. N'avez-vous point quelques principes, quelques commencements des sciences ? M. JOURDAIN Oh ! oui. Je sais lire et ecrire. LE MAITRE DE PHIL. Par oil vous plait-il que nous com- mencions ? Voulez-vous que je vous apprenne la logique ? M. JOURDAIN. Qu'est-ce que c'est que cette logique ? LE MA!TRE DE PHIL. C'est elle qui enseigne les trois opera tions de 1'esprit. M. JOURDAIN. Qui sont-elles ces trois operations de 1'esprit I LE MAITRE DE PHIL. La premiere, la seconde, et la troi- sieme. La premiere est de bien concevoir, par le moyen des universaux ; la seconde, de bien juger, par le moyen des catego- ries ; et la troisieme de bien tirer une consequence, par le moyen des figures, Barbara, celarent, Darn, ferio, baralipton, etc* LE BOURGEOIS GENTILHOMME. 30 M. JOURDAIN. Voila des mots qui sont trop rebarbatifs. 8 Cette logique-la ne me revient point. 6 Apprenons autre chose qui soit plus joli. LE MAJTRE DE PHIL. Youlez-vous apprendre la morale ? M. JOURDAIN. La morale ! LE MAITRE DE PHIL. Oui. M. JOURDAIN. Qu'est-ce qu'elle dit, cette morale ? LE MAITRE DE PHIL. Elle traite de la felicite, enseigne aux homines a moderer leurs passions, et. . . M JOURDAIN. Non, laissons cela : je me veux mettre en col ere tout mon softi, quand il m'en prend envie. 7 LE MA!TRE DE PHIL. Est-ce la physique que vous voulez apprendre ? M. JOURDAIN. Qu'est-ce qu'elle chante, 8 cette physique ? LE MAITRE DE PHIL. La physique est celle qui explique les principes des choses naturelles, et les proprietes du corps ; qui discourt de la nature des elements, des metaux, des mineraux, des pierres, des plantes et des animaux, et nous enseigne les causes de tous les meteores, l'arc-en-ciel, les feux volants, 9 les cometes, les eclairs, le tonnerre, la foudre, 10 la pluie, la neige, la grele, les vents et les tourbillons. M. JOURDAIN. II y a trop de tintamarre u la-dedans, trop de brouillamini. LE MAITRE DE PHIL. Que voulez-vous done que je vous apprenne ? M. JOURDAIN. . Apprenez-moi I'orthographe. LE .MAITRE DE PHIL. Tres-volontiers. M. JOURDAIN. Apres. vous m'apprendrez 1'almanach, pour savoir quand il y a de la lune, et quand il n'y en a point. LE MAITRE DE PHIL. Soit. Pour bien suivre votre pensee, et traiter cette matiere en philosophe, 12 il faut commence r, selon 1'ordre des choses, par une exacte connaissance de la nature des lettres, et de la differente manicre de les prononcer toutes. Et la-dessus, j'ai a vous dire 13 que les lettres sont divisees en 4.0 PROGRESSIVE FRENCH READER. voyelles, ainsi dites voyelles, parce qu'elles expriinent les voix et en consoniies, ainsi appelees consonnes, parce qu'elles somienf avec les voyelles, et ne font que marquer 14 les diverses articula- tions des voix. II y a cinq voyelles ou voix : A, E, I, O, U. M. JOURDAIN. J'entends tout cela. LE MAITRE DE PHIL. La voix A se forme en ouvrant fort la bouche : A. M. JOURDAIN. A, A. Oui. LE MA^TRE DE PHIL. La voix E se forme en rapprochant la machoire d'en-bas de celle d'en-haut : 15 A, E. M. JOURDAIN. A, E ; A, E. Ma foi, oui. Ah ! que cela est beau ! LE MAITRE DE PHIL. Et la voix I, en rapprochant encore davantage les machoires Tune de 1'autre, 16 et ecartant les deux coins de la bouche vers les oreilles : A, E, I. M. JOURDAIN. A, E, I, I, I, I. Cela est vrai. Vive la science ! LE MAITRE DE PHIL. La voix O se forme en rouvrant les ' machoires et rapprochant les levres par les deux coins, le haut et le bas : O. M. JOURDAIN. O, O. II n'y a rien de plus juste. 17 A, E I, O ; I, O. Cela est admirable ! I, O ; I, O. LE MAITRE DE PHIL. L'ouverture de la bouche fait juste- ment comme 18 un petit rond qui represente un O. M. JOURDAIN. O, O, O. Yous avez raison. O. Ah ! la belle chose que de 19 savoir quelque chose ! LE MA!TRE DE PHIL. La voix U se forme en rapprochant les dents sans les joindre entitlement, et allongeant les deux levres en dehors, les approchant aussi 1'une de 1'autre sans lea joindre tout a fait : U. M. JOURDAIN. U, U. II n'y rieu de plus veritable. U. LE MA!TRE DE PHIL. Vos deux levres s'allongent comme si vous fai?iez la moue ; d'ou vient que, si vous la voulez faire a quelqu'un, et vous moquer de lui, vous ne sauriez lui dire que U. 20 LE BOURGEOIS GENTILIIO3IME. 41 M. JOURDAIN. U, U. Cela est vrai. Ah ! que n'ai-je etudie plus tot pour savoir tout cela ? LE MAI/TRE DE PHIL. Demain nous verrons les autres letties, qui sont les consonnes. M. JOURDAIN. Est-ce qu'il y a des choses aussi curieuses qu'a celles-ci ? LE MAITRE DE PHIL. Sans doute. La consonne D, pai exemple, se prononce en donnant 21 du bout de la laugue au-dessus des dents d'en haut : DA. M. JOURDAIN. DA, DA. Oui. Ah ! les belles choses ! les belles choses ! LE MA!TRE DE PHIL. L'F, en appuyant ^ les dents d'en-haut sur la levre de dessous : FA. M. JOURDAIN. FA, FA. C'est la verite. Ah ! mon pere et ma mere, que je vous veux de nial ! 23 LE MAITRE DE PHIL. Et PR, en portant le bout de la langue jusqu'au haut du palais ; 24 de sorte qu'etant frolee par 1'air qui sort avec force, elle lui cede et revient toujours au memo endroit, faisant une maniere de tremblement : R, RA. M. JOURDAIN. R, R, RA ; R, R, R, R, R, RA. Cela est vrai. Ah ! Phabile homme que vous etes ! et que j'ai perdu de temps! R, R, R, RA. LE MA!TRE DE PHIL. Je vous expliquerai a fond 25 toutes ces curiosites. M. JOURDAIN. Je vous en prie. Au reste, il faut que je vous fasse une confidence. 26 Je suis ainoureux d'une person ne de grande qualite, 27 et je souhaiterais que vous m'aidassiez a lui ecrire quelque chose dans un petit billet que je veux laisser torn ber a ses pieds. LE MAITRE DE PHIL. Fort bien! M . JOURDAIN. Cela sera galant, oui. 28 LE MAITRE T>E PHIL. Sans doute. Sont-ce des vers qm ?ous lui voulez ecrire ? M. JOURDAIN. Non, non, point de vers. 42 PROGRESSIVE FRENCH READER. LE MAITRE DE PHIL. Vous ne voulez que de la prose. M. JOURDAIN. Non, je ne veux ni prose ni vers. LE MAITRE DE PHIL. II faut bien que ce soit Tun ou 1'autre M. JOURDAIN. Pourquoi ? LE MAITRE DE PHIL. Par la raison, monsieur, qu'il n'y a pour s'exprimer, que la prose ou les vers. M. JOURDAIN. II n'y a que la prose ou les vers ? LE MA!TRE DE PHIL. Non, monsieur, tout ce qui n'est pom prose est vers : et tout ce qui n'est point vers est prose. M. JOURDAIN. Et comme Ton parle, qu'est-ce que c'est done que cela ? LE MAITRE DE PHIL. De la prose. M. JOURDAIN. Quoi ! quand je dis : Nicole, apportez-mo mes pantoufles, et me donnez mon bonnet de nuit, c'est de la prose ? LE MAITRE DE PHIL. Oui, monsieur. M. JOURDAIN. Par ma foi ! il y a plus de quarante ans que je dis de la prose sans que j'en susse rien ; 29 et je vous suis le plu oblige du monde de m'avoir appris cela. Je voudrais done lu mettre dans un billet : Belle, marquise, vos beaux yeux me fon mourir d? amour ; mais je voudrais que cela fut mis d'une ma niere galante, que cela fut tourne gentiment. LE MA!TRE DE PHIL. Mettre que les feux de ses yeux reduisent votre coeur en cendres ; que vous souffrez nuit et jou pour elle les violences d'un. . . M. JOURDAIN. Non, non, non ; je ne veux point tout cela Je ne veux que ce que je vous ai dit : Belle marquise, vos beaux yeux me font mourir d' 'amour. LE MAITRE DE PHIL. II faut bien etendre un peu la chose. M. JOURDAIN. Non, vous dis-je ; je ne veux que ces seule paroles-la dans le billet, mais tournees a la mode, bien arrangee comme il faut. 80 Je vous prie de me dire un peu, pour voir, le di verses manieres dont on les peut mettre. LE MA!TRE DE PHIL. On peut les mettre premieremen LE BOURGEOIS GENTILHOMME. 43 corarae vous avez dit : Belle marquise, vos beaux yeux me font mourir d'amour. Ou bien : D 'amour mourir me font, belle marquise, vos beaux yeux. Ou bien : Vos yeux beaux d'amou, me font, belle marquise, mourir. - Ou bien : Mourir vos beaux yeux, belle marquise, d } amour me font. Ou bien : Me font vos beaux yeux mourir, belle marquise, tf amour. M. JOURDAIN. Mais de toutes ces fagons-la, laquelle est la meilleure ? LE MAITRE DE PHIL. Celle que vous avez dite : Belle mar- quise, vos beaux yeux me font mourir d' amour. M. JOURDAIN. Cependant je n'ai point etudie, et j'ai fait cela tout du premier coup. 81 Je vous remercie de tout raon cosur, et je vous prie de venir demain de bonne beure. LE MA!TRE DE PHIL. Je n'y manquerai pas. 32 MOLIERE (1622-1673). ON dit qu'a la vue de 1'Apollon, le corps se redresse et prend line plus digne attitude ; au souvenir d'une belle vie, Tame doit se sentir, de meme, relevee et ennoblie. QUE de choses a apprendre dans les rues de Paris ! Quel Musee ! Fruits inconnus, armes etranges, meubles d'un autre temps ou d'autres lieux, animaux de tous les clirnats, images des grands homines, costumes des nations lointaines ! Le monde est la par echantillons. Aussi voyez ce peuple rlont 1'instruction s'est faite le long des vitres et devant I't3talage des marchands ! rien ne lui a ete enseigne, et il a une premiere idee de toutes choses. On peut certes 1'instruire, mais non 1'etonner, car aucune chose n'est completement nouvelle pour lui. Vous pouvez promener le gamin de Paris dans les cinq parties du monde, et, a chaque etrangete dont vous croirez Teblouir, il vous nipondra par le mot sacramentel et populaire: Connu! SOUVE3TRK 44 PROGRESSIVE FRENCH READER. XXIV. LES SOUVENIRS DU PEUPL& ON parlera de sa gloire Sous le chaume bien longtemps. L'humble toit, dans cinquante ans, Ne connaitra plus d'autre histoire. La viendront les villageois Dire alors a quelque vieille : Par des recits d'autrefois, Mere, abregez notre veille. 1 Bien, dit-on, qu'il nous ait nui, 2 Le peuple encor le revere, Oui, le revere. Parlez-nous de lui, grand'mere ; Parlez-nous de lui. Mes enfants, dans ce village, Suivi de rois, il passa. Voila bien longtemps de ga : 8 Je venais d'entrer en menage. 4 A pied grimpant le coteau Ou pour voir je m'etais mise, H avait petit chapeau Avec redingote grise. Pres de lui je me troublai ; 5 II me dit : Bonjour, ma chere, Bonjour, ma chere. II vous a parle, grand'mere ! II vous a parle ! L'an d'apres, moi, pauvre femin% A Paris etant un jour, Je le vis avec sa cour : II se rendait a Notre-Dame. 6 LES SOUVENIRS Dl_ PEUPLE. 45 Tons les coeurs etaient contents ; On admirait son cortege. Chacun disait : Quel beau temps ! Le ciel toujours le protege. Son sourire etait bien doux, D'un fils Dieu le rendait pere, Le rendait pere. Quel beau jour pour vous, grand'mere ! Quel beau jour pour vous ! Mais, quand la pauvre Champagne 7 Fut en proie aux etrangers, Lui, bravant tous les dangers, Semblait seul tenir la campagne. 8 Uu soir, tout comme aujourd'lmi, J'entends frapper a la porte. 9 J'ouvre. Bon Dieu 1 10 c'etait lui, Suivi d'une faible escorte. II s'asseoit n ou me voila, S'ecriant : Oh ! quelle guerre ! Oh ! quelle guerre ! II s'est assis la, grand'mere I II s'est assis la ! J'ai faim, dit-il ; et bien vite Je sers piquette et pain bis ; Puis il seche ses habits, Meme a dormir le feu Tin vite. Au reveil, voyant mes pleurs, II me dit : Bonne esperance ! Je cours, de tous ses malheurs, Sous Paris, 12 venger la France. 46 PROGRESSIVE FRENCH READER, II part ; et, comme un tresor, J'ai depuis garde son verre, Garde son verre. Vous Favez encor, grand'mere I Vous 1'avez encor ! Le voici. Mais a sa perte Le heros fut entraine. Lui, qu'un pape a couronne, Est mort dans une ile deserte. Longtemps aucun ne 1'a cru ; On disait : II va paraitre ; Par mer il est accouru ; 13 L'etranger 14 va voir son maitre. Quand d'erreur on nous tira, Ma douleur fut bien amere ! Fut bien amere ! Dieu vous benira, grand'mere ! Dieu vous benira. (1780-1857 LA veritable eloquence consiste a dire tout ce qu'il faut, et a ne dire que ce qu'il faut. IL faut de plus grandes vertus pour soutenir la bonne fortune que la mativaise. IL est plus honteux de se defier de ses amis que d'en etre trompe. ON n'est jamais si ridicule par les qualites que Ton a que par celles que Ton affecte d'avoir. PEU de gens sont assez sages pour preferer le blame qui leur est utile, a la louange qui les trahit. LA ROCHEFOUCAULD* PAUL ET VJRGINIE. 47 XXV. PAUL ET VIRGINIE EGARES DANS LA FOR^T. LE bon naturel de Paul et de Virginie se developpait de jour en jour. Un dimanche, an lever de 1'aurore, leurs meres ctant allees a la premiere messe a Peglise des Pamplemousses, 1 line negresse marronne 2 se presenta sous les bananiers qui entouraient leur habitation. Elle etait decharnee cornme un squelette, et n'avait pour vetement qu'un lambeau de serpilliere 3 autour des reins. Elle se jeta aux pieds de Virginie qui preparait le dejeuner de lafamille, et lui dit: Ma jeune demoiselle, ayez pitie d'une pauvre esclave fugitive : il y a un mois que j'erre 4 dans ces montagnes, demi-morte de faim, souvent poursuivie par des chas- seurs et par leurs chiens. Je fuis mon maitre, qui est un riche habitant 5 de la Riviere-Noire : il m'a traitee comme vous le voyez. En meine temps elle lui montra son corps sillonne de cicatrices profondes par les coups de fouet qu'elle en avait re9iis. Elle ajouta : Je voulais aller me noyer ; mais sachant 6 que vous demeuriez ici, j'ai dit : Puisqu'il y a encore de bons blancs dans ce pays, il ne fautpas encore mourir. Virginie, tout emtie, lui repondit : Rassurez-vous, infortunee creature. Man- gez, mangez. Et elle lui donna le dejeuner de la rnaison, qu'elle avait apprete. L'esclave, en peu de moments, le devora tout entier. Virginie, la voyant rassasiee, lui dit: Pauvre miserable! j'ai envie 7 d'aller demander votre gra'ce a votre maitre: en vous voyant il sera touche de pitie. Voulez-vous me conduire chez lui? Ange de Dieu! repartit la negresse, je vous suivrai par- tout ou vous voudrez. Virginie appela son irere, et le pria de i'accompagner. L'esclave marronne les conduisit par des sentiers au milieu des bois, a travers de hautes montagiies qu'ils griinpe- rent avec bien de la peine, et de larges rivieres qu'ils paseerent a cue. 8 Enfin, vers le milieu du jour, ils arriverent au bas d'un morne, 9 sur les bords de la Riviere-Noire. Ils ape ryu rent la line 48 PROGRESSIVE FRENCH READER. inaison bien batie, des plantations considerables, et un grand nombre d'esclaves occupes a toutes sortes de travaux. Leur maitre se promenait au milieu d'eux, une pipe a la bouche, et un rotin a la main. C'etait un grand hornme sec, olivatre, aux yeux enfonees, 10 et aux sourcils noirs et joints. Virginia, tout emue, tenant Paul par le bras, s'approcha de Inhabitant, et le pria, pour Famour de Dieu, de pardonner a son esclave, qui etait a quelques pas de la derriere eux. D'abord, Fhabitant ne fit pas grand compte n de ces deux enfants pauvremeut vetus ; mais quand il efit remarque la taille elegante de Virginia, sa belle tete blonde sous une capote bleue, et qu'il eilt entendu le doux son de sa voix, qui tremblait, ainsi que tout son corps, en lui demandant grace, il 6ta sa pipe de sa bouche, et, levant son rotin vers le ciel, il jura, par un affreux serment, qu'il pardonnait a son esclave, non pas pour Famour de Dieu, mais pour 1'amour d'elle. Vir- ginie aussitot fit signe a Fesclave de s'avancer vers son maitre ; puis elle s'enfuit, et Paul courut apres elle. Us remonterent ensemble le re vers du morne par ou ils etaient descendus ; et, parvenus au sommet, ils s'assirent sous un arbre accables de lassitude, de faim et de soif. Ils avaient fait a jeun plus de cinq lieues 12 depuis le lever du soleil. Paul dit a Vir- ginie : Ma soeur, il est plus de midi ; tu as faim et soif, nous ne trouverons point ici a diner ; redescendons le morne, et allons demander a manger au maitre de 1'esclave. Oh ! non, mon ami, reprit Virginie, il m'a fait trop de peur. Souviens-toi de ce que dit quelquefois maman : Le pain du mediant remplit la bouche de gravier. Comment ferons-nous done ? dit Paul ; ces arbres ne produisent que de mauvais fruits ; il n'y a pas seulement ici un tamarin ou un citron pour te rafraichir. Dieu aura pitie dft nous, reprit Virginie ; il exauce la voix 13 des petits oiseaux qui lui demandent de la nourriture. A peine avait-elle dit ces mots, qu'ils entendirent le bruit d'une source qui tombait d'ua rocher voism. Ils y coururent ; et, apres s'etre desalteres aveo ses eaux plus claires que le cristal, ils cueillirent et mangerem PAUL ET VIRGINIE. 49 an pen de cresson qui croissait sur ses bords. Comme ils regar- daient de cote et d'autre 14 s'ils ne trouveraient pas quelque nourriture plus solide, Virgmie apercjut, parmi les arbres de la frret, un jeune palmiste. Le chou, que la cime de cet arbre renferrae au milieu de ses feuilles, est un fort bon manger, mais, quoique sa tige ne fut pas plus grosse que la jambe, elle avait plus de soixante pieds de hauteur. A la verite, le bois de cet arbre n'est forme que d'un paquet de filaments ; mais son aubier 1; est si dur qu'il fait rebrousser 16 les meilleures baches, et Paul n'avait pas meme un couteau. L'idee lui vint de mettre le feu n au pied de ce palmiste. Autre embarras: il n'avait point de briquet, et d'ailleurs, dans cette ile si couverte de rochers,- je ne crois pas qu'on puisse trouver une seule pierre a fusil. La neces- site donne de 1'industrie, 18 et souvent les inventions les plus utiles ont ete di*es aux hommes les plus miserables. 19 Paul resolut d'allumer du feu a la maniere des noirs. Avec Tangle d'une pierre il fit un petit trou sur une branche d'arbre bien seche, qu'il assujettit sous ses pieds ; 20 puis, avec le tranchant de cette pierre, il fit une pointe a un autre morceau de branche egalement seche, mais d'une espece de bois different. II posa ensuite ce morceau de bois poiutu dans le petit trou de la branche qui etait sous ses pieds ; et, le faisant rouler rapidement entre ses mains, comme on roule un moulinet 21 dont on veut faire mousser du chocolat, en peu de moments il vit sortir, du point de contact, de la fumee et des etincelles. II ramassa des herbes seches et d'autres branches d'arbres, et mitle feu au pied du palmiste, qui, bientot apres, tornba avec un grand fracas. Le feu lui servit encore a depouiller le chou de 1'enveloppe de ses longues feuilles ligneuses et piquantes. Virginie et lui mangerent une partie de ce chou crue, et 1'autre cuite sous la cendre ; et ils les trouverent egalement savoureuses. Ils firent ce repas frugal, remplis de joie par le souvenir de la bonne action qu'ils avaient faite le matin ; mais cette joie etait troublee par 1'inquietude oil ils se doutaieat bien 22 que leur longue absence de la maison jetterait leurs meres 4 50 PROGRESSIVE FRENCH READER. Virginie revenait souvent sur cet objet. 23 Cependant Paul, qui sentait ses forces retablies, Fassura qu'ils ne tarderaient pas a tranquilliser 24 leurs parents. Apres diner, ils se trouverent bien embarrasses ; 25 car ilg n'avaient plus de guide pour les reconduire chez eux. Paul, qui ne s'etonnait de rien, 26 dit a Virginie : Notre case 27 est vers le soleil du milieu du jour; il faut que nous passions, comme ce matin, par-dessus cette montagne que tu vois la-bas avec ses trois pitons. Allons, marchons, mon amie. Ils descendirent done le morne de la Riviere-Noire du cote dunord ? et arriverent, apres une heure de marche, sur les bords d'une large riviere qui barrait leur chemin. Cette grande partie de l'il'3, toute couverte de forets, est si peu connue, meme aujourd'hui,. que plusieurs de ses rivieres et de ses montagnes n'y out pas encore de nom. La riviere, sur le bord de laquelle ils etaieut, coule en bouillonnant sur un lit de roches. Le bruit de ses eaux effraya Virginie ; elle n'osa y mettre les pieds pour le passer a gue. Paul alors prit Virginie sur son dos, et passa, ainsi charge, sur les roches glis- santes de la riviere, malgre le tumulte de ses eaux. N'aie pas peur, lui disait-il ; je me sens bien fort avec toi. Si 1'habitant de la Riviere-Noire t'avait refuse la grace de son esclave, je me serais battu avec lui. Comment, dit Virginie, avec cet homme si grand et si mechant ? A quoi t'ai-je expose ! Mon Dieu, qu'il est difficile de faire le bien ! il n'y a que le mal de facile a faire. Quand Paul fut sur le rivage, il voulut continuer sa route, charge de sa soeur, et il se flattait 28 de monter ainsi la montagne, qu'il voyait devant lui a une demi-lieue de la ; rnais bientot les forces lui manquerent, et il fut oblige de la mettre a terre et de se reposer aupres d'elle. Virginie lui dit alors : Mon frere, le jour baisse ; ^ tu as encore des forces, et les miennes me manquent, laisse-moi ici, et retourne seul a notre case, pour tranquilliser nos meres. Oh ! non, dit Paul, je ne te quitterai pas. Si la imit nous surprend dans ces bois, j'allumerai du feu, j'abattrai UD palmiste ; tu en mangeras le chou, et je ferai avec ses feuilles PAUL ET VI KG IN IE. 51 un ajoupa 50 pour te mettre a 1'abri. Cependant Virginie, s'etant un peii reposee, cueiilit sur lo tronc d'un vieux arbre, penche sur le bord de la riviere, de longues feuilles de scolopendre qui pendaient de son tronc. Elle se fit des especes . de brodequins, doiit clle s'eiitoura les pieds, que les pierres des chemius avaient mis on .sang; 31 car, dans Pernpressement d'etre utile, elle avait oublie de se chausser. 32 Se sentant soulagee par la fraieheur de ces feuilles, elle rompit une branche de bambou, et se mit en marche, 83 en s'appuyant d'une main sur ce roseau, et de Pautrft sur son frere. Us cheminaient ainsi doucement 34 a travers les bois ; mais la hauteur des arbres et Pepaisseur de leurs feuillages leur Brent bientot perclre de vue la montagne sur laquelle ils se dirigeaient, et menie le soleil, qui etait deja pres de se coucher. Au bout de quelque temp?, ils quitterent, sans s'en apercevoir, le sentiea fraye 35 dans lequel ils avaient marche jusqu'alors, et ils se trou- verent dans un labyrinthe d'arbres, de lianes et de roches, qui n'avait plus d'issue. Paul fit asseoir Virginie, et ce mit a 36 courir 9a ct la, tout hors de lui, pour chercher un chemin hors de ce fourre epais ; mais ii se fatigua en vain. 11 monta itu haut d'un grand arbre, pour decouvrir au moins la montagne; mais ii n'apei*9ut autour de lui que les cirnes des arbres, dont quelques- unes etaient eclairees par les derniers rayons du soleil couchant. Cependant Pombre des montagnes couvrait deja les forets dans les vallees ; le vent se calmait, comme il arrive au coucher du soleil ; un profond silence regnait dans ces solitudes, et on n'y entendait d'autre bruit que le bramement des cerfs, qui veuaient chercher leurs gites dans ces lieux ecartes. Paul, dans 1'espoir que quelque chasseur pourrait Pentendre, cria alors de toute sa force : Venez, venez au secours de Virginie ! Mais les seuls echos 87 de la foret repondirent a sa voix, et repeterent a plusieurs reprises : 38 Virginie ! . . . Virginie ! Paul descendit alors de Parbre, accable de fatigue et de cha- grin : il chercha les moyens de passer la nuit dans ce lieu ; mais 52 PROGRESSIVE FRENCH READER. il n'y avait ni fontaine, ni palmiste, ni meme de branches de bois sec propres a allumer clu feu. II sentit alors, par son ex- perience, toute la faiblesse de ses ressources, et il se mit a pleurer. Virginie lui dit : Ne pleure point, mon ami, si tu ne veux m'accabler de chagrin. C'est moi qui suis la cause de toutes tes peines, et de celles qu'eprouvent maintenant nos meres. 88 * II ne faut ~ien faire, pas meme le bien, sans consulter ses parents. Oh! j'ai . 64 PROGRESSIVE FRENCH READER. XXIX. HISTOIRE DU CHIEN DE BRISQUET. EN notre foret de Lions, vers le hameau de la Goupilliero, tout pres d'un grand puits-fontaine qui appartient a la chapel] e Saint-Mathurin, il y avait un bonhomme, bucheron de son etat qui s'appelait Brisquet, ou autrenient le fendeur a 1 la bonne hache, et qui vivait pauvrement du produit de ses fagots, avec sa femine qui s'appelait Brisquette. Le bon Dieu leur avait donne deux jolis petits enfants, un gar^on de sept ans qui etait brun, e qui s'appelait Biscotin, et une blondine de six ans qui s'appelai Biscotine. Outre cela, Us avaient un chien batard a poil frise noir par tout le corps, si ce n'est au museau qu'il avait couleur de feu ; 2 et c'etait bien le meilleur chien du pays, pour son attache- ment a ses maitres. On 1'appelait la JBichonne, parce que c'etait une cliienne. Yous vous souvenez du temps ou il vint taut de loups dans la foret de Lions. C'etait dans 1'annee des grandes neiges, que les pauvres gens eurent si grand'peine 3 a vivre. Ce fut une terrible desolation dans le pays. Brisquet, qui allait toujours a sa besogne, et qui ne craignait pas les loups, a cause de sa bonne hache, dit un matin a Bris- que^te : " Femme, je vous prie de ne laisser courir ni Biscotin, ni .Biscotine, tant que Monsieur le grand louvetier ne sera pas venu. 4 II y aurait du danger pour eux. Us ont assez de quoi marcher, 5 entre la butte et 1'etang, depuis que j'ai plante des piquets le long de 1'etang pour les preserver d'accident. Je vous prie aussi, Brisquette, de ne pas laisser sortir la Bichonne, qui ne demande qu'a trotter." 6 Brisquet disait tous les matins la ineme chose a Brisquette. Un soir il n'arriva pas a 1'heure ordinaire. Brisquette venait sur le pas de la porte, rentrait, ressortait, et disait, en se croisant les mains : " Mon Dieu, qu'il est attarde ! . . " 7 Et puis elle sortait encore, en criant : " Eh ! Brisquet ! * HISTOIRE DU CHIEN DE BRISQUET. 65 Et la Biehonne lui sautait jusqu'aux epaules, co.mme pour lui dire : N'irai-je pas ? " Paix ! lui dit Brisquette. Ecoute, Biscotine, ra jusque devers 8 la butte pour savoir si ton pere ne revient pas. Et toi, Biscotin, sur le chemin au long de 1'etang, en prenant bien garde s'il n'y a pas de piquets qui manquent. Et crie fort, Brisquet ! Brisquet ! . . . " Paix ! la Biehonne ! " Les enfants allerent, allerent, et quand ils se furent rejoints a 1'endroit ou le sen tier de 1'etang vient couper celui de la butte : " Mordienne, 9 dit Biscotin, je retrouverai notre pauvre pere, ou les loups m'y mangeront. Pardienne, dit Biscotine, ils m'y mangeront bien aussi." Pendant ce temps-la, Brisquet etait revenu par le grand chemin de Puchay, en passant a la Croix-aux-Anes sur 1'abbaye de Mortemer, parce qu'il avait une hottee de cotrets a fournir chez Jean Paquier. " As-tu vu nos enfants ? lui dit Brisquette. Nos enfants ? dit Brisquet. Nos enfants ? rnon Dieu ! sont-ils sortis ? Je les ai envoyes a ta rencontre jusqu'a la butte et a Tetang, mais tu as pris par 10 un autre chemin." Brisquet ne posa pas sa bonne hache. II se mit a courir du cote de la butte. " Si tu menais la Biehonne ? " lui cria Brisquette. La Biehonne etait deja bien loin. Elle etait si loin que Brisquet la perdit bientot de vue. Et il avait beau u crier : Biscotin, Biscotine ! on ne lui repondait pas. Alors il se prit a pleurer, parce qu'il s'imaginait j[ue ses enfants etaient perdus. Apres avoir couru longtemps, longtemps, il lui sembla recon- naitre la voix de la Biehonne. II marcha droit dans le fourre, a 1'endroit ou il 1'avait entendue, et il y entra, sa bonne hacha levee. La Biehonne etait arrivee la, au moment ou Biscotin et Bis- 5 66 PROGRESSIVE FRENCH READER. cotine allaient etre devores par un gros loup. Elle s'etait jetee devant 12 en aboyant, pour que ses abois avertisseut Brisquet Brisquet d'un coup de sa bonne hache renversa le loup roide rnort, 13 mais il etait trop tard pour la Biclionne. Elle ne vivait dcja plus. Brisquet, Biscotin et Biscotine rejoignirent Brisquette. jC'etait une grande joie, et cependant tout le monde pleura. II n'y avait pas un regard qui ne cherchat la Bichonne. Brisquet enterra la Bichonne au fond de son petit courtil, 14 sous une grosse pierre sur laquelle le maitre d'ecole ecrivit en latin : C'est ici qu'est la Bichonne, Le pauvre chien de Brisquet. Et c'est depuis ce temps-la qu'on dit en commun proverbe " Malheureux comme le chien a Brisquet, qui n'ailit 15 qu'une fois au bois, et que le loup mangit." NODIER (1783-1844). XXX. UNE A VENTURE EN CALABRE. 1 OUT, surement, nia chere cousine, je vous conterai mes aven* tures bonnes et mauvaises, tristes et gaies, car il m'en arrive des unes et des antres. 2 En voici un petit echantilloii, mais c'est du noir, prenez-y garde. 3 Ne lisez pas cela en vous couchant, vous en reveriez. Un jour, je voyageais en Calabre. C'est un pays de mechantes gens, 4 qui, je crois, n'aiment personne et en veulent surtout aux Fran9ais. 5 De vous dire pourquoi, cela serait long; 6 suffit qu'ils nous haissent a mOrt, 7 et qu'on passe fort mal son temps 8 lors- qu'on tombe entre leurs mains. J'avais pour compagnon un jeune homme. Dans ces nionfcagnes les chemins sont des pre- cipices, nos chevaux marchaient avec beaucoup de peine ; mon caraarade allant devant, un sentier, qui lui parut plus praticablo at plus court, nous egara. Ce fut ma faute ; devais-je me fier a une tete de vingt ans? Nous cherchames, tant qu'il fit jour,' 9 AVENTURE EX CALABRE. 67 Gt>tre chemin a travers ces bois ; mais plus nous cherchions, plus nous nous perdions, et il etait nuit noire quand nous arrivames pros d'une niaison fort noire. Nous y entrames, non sans soup- 9on, mais comment faire ? 10 La, nous trouvons toute une farnilie de cnarbonniers a table, ou du premier mot on nous invita. Mon jeune homme ne se fit pas prier; 11 nous voila mangeant et buvant, lui du moiiis, 12 car pour moi j'examinais le lieu et la mine de nos hotes. Nos notes avaient bien mine de charbonniers ; mais, la maison, vous 1'eussiez prise pour un arsenal. Ce n'etaient que fusils, pistolets, sabres, couteaux, coutelas. Tout me deplut, et je vis bien que je deplaisais aussi. Mon camarade, au contraire : il etait de la famille, 13 il riait, il causait avec eux ; et, par une impru- dence que j'aurais du prevoir, 14 il dit d'abord d'oii nous venions, ou nous allions, qui nous etions ; Franyais, irnaginez un peu ! ** chez nos plus mortels ennemis, seuls, egares, si loin de tout secours humain ! et puis, pour ne rien oniettre de ce qui pouvait nous perdre, il fit le riche, 16 promit a ces gens, pour la .depense et pour nos guides le lendemain, ce qails voulurent. Enfin, il parla de sa valise, priant fort qu'on en eut -grand soin, qu'on la mit 17 au chevet de son lit ; il ne voulait point, disait-il, d'autre traversin. Ah ! jeunesse ! jeunesse ! que votre age est a plaindre ! Cousine, on crut que nous portions les diamants de la couronne. Le souper fini, on nous laisse ; nos hotes couchaient en bas, nous, dans la chambre haute ou nous avions mange ; une sou- pen te elevee de septa huit pieds, 18 oil Ton montait par une echelle, c'etait la le coucher qui nous attendait, espece de nid dans lequel on s'introduisait en rampant sous des solives chargees de pro- visions pour toute Fannee. Mon camarade y grimpa seul, et se coucha tout endormi, la tete sur la precieuse valise. Moi, deter- mine a veiller, je fis bon feu et m'assis aupres. La nuit s'etait deja passee presque entiere assez tranquillement, et je comrnen- 9,ais a me rassurer, quand, sur Fheure ou il me semblait que le jour ne pouvait etre loin, j'entendis au-dessous de moi notre hote et sa femme parler et se disputer ; et pretant Foreille par la 68 PROGRESSIVE FRENCH READER. cheminee qui communiquait avec celle d'en bas, je distingua* parfaitement ces propres mots du mari : Eh "bien ! enfin, voyons, faut-il les tuer to us deux ? A quoi la femine repondit : Oui. Et je n'entendis plus rien. Que vous dirai-je ? je restai respirant a peine, tout mon corps froid comme un marbre ; a me voir, vous n'eussiez su si j'etais mort ou vivant. Dieu ! 19 quand j'y pense encore! . . . Nous dens presque sans armes, contre eux, douze ou quinze, qui en avaient tant ! Et mon camarade mort de sommeil et de fatigue ! L'ap- peler, faire du bruit, je n'osais ; m'echapper tout seul, je ne pouvais ; la fenetre n'etait guere haute, niais en bas deux gros dogues hurlant comme des loups . . . En quelle peine je me trou- vais, imaginez-le si vous pouvez. 20 Au bout d'un quart d'heure, qui fut long, j'entends sur 1'escalier quelqu'un, et, par les fentes de la porte, je vis le pere, sa lampe dans une main, dans 1'autre un de ses grands couteaux. II montait, sa femme apres lui ; inoi derriere la porte : il ouvrit ; niais, avant d'entrer, il posa la larnpe que sa femme vint prendre ; puis il entre pieds nus, et elle, de dehors, lui disait a voix basse, masquant avec ses doigts le trop de luiniere 21 de la lanipe : Doucement, va doucement ! Quand il fut a 1'echelle, il monte, son couteau dans les dents, et, venu 22 a la hauteur du lit, ce pauvre jeune homme etendu offrant sa gorge decouverte, d'une main il prend son couteau, et de 1'autre . . . Ah ! cousine ! . . . il saisit un jambon qui pendait au plancher, en coupe une tranche, et se retire comme il etait venu. La porte se itsferme, la lampe s'en va, et je reste seul a mes reflexions. Des que le jour parut, toute la famille a grand bruit vint nous reveiller, comme nous 1'avions recommande. On apporte a manger : on sert un dejeuner fort propre, fort bon, je vous assure. Deux chapons en faisaient partie, dont il fallait, dit notre hotesse, emporter Tun et manger 1'autre. En les voyant, je compm enfm le sens de ces terribles mots : Faut-il les tuer tons deux ? et je vous crois, Cousine, assez de penetration 23 pour deviner k present ce que cela signifiait. COURIER (1772-1825V LuS INCONVENIENTS DE LA FORTUNE. 69 XXL LES INCONVENIENTS DE LA FORTUNE, DEPTHS que j'ai touche le faite l Et du luxe .et de la grandeur, J'ai perdu ma joyeuse humeur : Adieu, bouheur ! Je bailie comme un grand seigneur ; Adieu, bonheur ! Ma fortune est faite. Le jour, la nuit, je m'inquiete : La chicane et tout ses suppots Chez moi fondent a tout propos, Adieu, repos ! Et je suis surcharge d'impots . . , Adieu, repos ! Ma fortune est faite. Plus d'appetit, plus de goguette ! 2 Dans un carrosse 'empaquete, Je promene ma dignite, 3 Adieu, gaite ! Et par bon ton 4 je prends du the . Adieu, gaite ! Ma fortune est faite. Pour le plus leger mal de tete, Au poids de Tor 5 je suis traite ; J'entretiens seul la faculte, Adieu, sante ! Hier, trois docteurs m'ont visit^ Adieu, sante ! Ma fortune est faite. PROGRESSIVE FRENCH READER. Mais je vois en grande etiquette, Chez moi venir dues et barons : Lyre, il faut suspendre tes sons, Adieu, chansons ! Mon suisse annonce, finjssons . . . Adieu, chansons ! Ma fortune est faite. DESAUGIKRS (1772-1821^ XXXII. LA PATRIE. Octobre. Le 12, sept heures du matin. Les nuits sont deja deveuues froides et longues, le soleil ne me reveille plus derriere mes rideaux longtemps avant 1'heure du travail, et, lors meme que mes yeux se sont ouverts, la douce chaleur du lit me retieni enchaine sous mon edredon. Tons les matins il s'eleve un long debat entre ma diligence et ma paresse, et, chaudement envelopp^ jusqu'aux yeux, j'attends, conime le Gascon, qu'elles aient reussi a se mettre d'accord. 1 Ce matin, cependant, une lueur qui glissait a travers ma porte jusqu'a mon chevet, m'a reveille plus tot que d'habitude. J'ai eu beau me retourner de tous cotes, 2 la clarte obstinee m'a pour- suivi, de position en position, comme un' ennemi victorieux. Enfin, a bout de patience, 3 j'ai degage lentement mes jambes des chaudes couvertures, eu faisant une foule de reflexions niaussades sur 1'inconvenient des voisins. II y a un mois encore, je n'avais point a me plaindre de ceux que le hasard m'avait donnes ; la plupart ne rentraient que pour dormir, et ressortaient des leur reveil. 4 J'etais presque toujours seul a ce haut etage, seul avec les nuees et les passereaux I Mais a Paris rien n'est durable : le flot de la vie roule les destinees comme des algues detachees du rocher ; les deineures LA FATRIE. 71 sont des vaisseaux qui ne resolvent que des passagers. Com- bien de visages differents j'ai deja vus traverser ce long corridor de njs mansardes ! Combien de compagnons de quelques jours disparus pour jamais ! Les uns sont alles se perdre 5 dans cette melee de vivants qui tourbillonne sous le fouet de la necessite ; les autres dans cette litiere de morts qui dorment sous la main de Dieu ! Pierre le relieur est un de ces derniers. Retire dans son egoisme, il etait reste sans farnille, sans amis ; il est mort seul comme il avait vecu. Sa perte n'a ete pleuree de personne, a'a rien derange dans le monde ; il y a eu seulement une fosse rem- plie au cinietiere, et une mansarde vide dans notre faubourg. C'est elle que mon nouveau voisin occupe depuis quelques jours. 6 A vrai dire, ce nouveau voisin, pour etre plus matinal qu'il ne conviendrait a ma paresse, n'en est pas moins un fort brave homme; 7 il porte sa mi&ere,, comme bien peu savent porter leur heureuse fortune, avec gaiete et moderation. Cependant le sort Fa cruellement eprouve. Le pere Chaufour n'est plus qu'une mine d'homme. A la place d'un de ses bras pend une manche repliee ; la jambe gauche sort de chez le tourneur, 8 et la droite se traine avec peine ; rnais au-dessus de ces debris se dresse un visage caline et jovial. En voyant son regard rayonnant d'une sereine energie, en entendant sa voix dont la fermete est, pour -ainsi dire, accentuee de bonte, on sent que Tame est res tee entiere dans Fenveloppe a moitie detruite. La forteresse est un peu endommagee, comme dit le pere Chau- four ; mais la garnison se porte bien. Decidement, plus je me rappelle cet excellent homme, et plus je me reproche 1'espece de malediction que je lui ai jetee en me reveillant. Nous sommes, en general, trop indulgents pour ces torts secrets envers notre prochain. Toute malveillance qui ne sort pas dti domaine de la pense*e nous semble innocente, et, dans 72 PROGRESSIVE FRENCH READER. notre grdssiere justice, nous absolvons sans examen le peche qu: ne s'est point traduit par 1'action ! II ne suffit pas que les hommes ne se nuisent point 1'un a Pautre, il faut encore qu'ils s'entr'aident, il faut. qu'ils s'aiment ! Maudire qui 9 ne 1'a point merite, meme interieurement, meme en passant, c'est contrevenir a la grande loi, celle qui a etabli ici- bas 1'association des ames, et a laquelle le Christ a donne la doux nom de charite. Ces scrupules me sont venus pendant que j'acheve de m'habil- let, et je me suis dit que le pere Chaufour avait droit a une reparation. Pour compenser le mouvement de malveillance de tout a 1'heure, 10 je lui dois un temoignage ostensible de sym- pathie ; je 1'entends fredonner chez lui ; n il est au travail ; je veux lui faire, le premier, naa visite de voisinage. 12 -Huit heures du soir. J'ai trouve le pere Chaufour devant une table eclairee par une petite lampe fumeuse, sans feu, bien qu'il fasse deja froid, et fabriquant de grossiers cartonnages; il inur- murait entre ses dents un refrain populaire. Au moment ou j'ai entr'ouvert la porte, il a pousse une exclamation de joyeuse surprise. Eh ! c'est vous, voisin ! entrez done ! je ne vous croyais pas si matinal : aussi j'avais mis une sourdine a ma chanterelle ; 18 j'avais peur de vous reveiller. Excellent homme ! tandis que je 1'envoyais au diable, il se genait pour moi ! Cette idee m'a touche*, et je lui ai fait, comme voisin, me8 compliments de bienvenue avec une expansion qui lui a ouvert le coeur. Ma foi ! vous m'avez Fair d'un bon chretien, 14 m'a-t-il dit, d'un ton de cordialite soldatesque en me serrant la main ; j'aime pas 15 les gens qui regardent le corridor comme une frontiere et traitent les voisins en Cosaques. Quand on mange du meme air lf et qu'on parle le meme jargon, on n'est pas fait pour se tournei le dos . . . 17 Asseyez-vous la, voisin, sans vous commander 18 . LA PATRIE. 73 Seulement, prenez garde au tabouret, il n'a que tiois pieds, et faut que la bonne volonte tienne lieu du quatrieme. II me semble que c'est une richesse qui ne manque point ici ? ai-je fait observer. 19 La bonne volonte ! a repete Chaufour ; c'est tout ce que m'a laisse ma mere, et j'estime qu'aucun fils n'a rec,u un meilleur heritage. Aussi, a la batterie, ils m'appelaient .Monsieur Con- tent. Vous avez servi? Dans le troisieme d'artillerie pendant la Republique, et plus tard dans la garde, pendant tout le tremblement. 20 J'etais a Jemmapes et a Waterloo, comme qui dirait au bapteme et a Tenterrement de notre gloire ! Je le regardai avec etonnement. Et quel age aviez-vous done a Jemmapes ? demandai-je. Mais quelque chose comme qui||2i& ans, dit-il. Et vous avez eu Tidee de servir si jeune ? C'est-a-dire que je n'y songeais pas. Je travaillais alors dans la birnbeloterie, sans penser que la France put me demander autre chose que de lui fabriquer des damiers, des volants et des bilboquets. Mais j'avais a Vincennes un vieil oncle que j'allais voir, de loin en loin ; un ancien de Fontenoy, arrange dans mon genre, mais un savant qui en eut remontre a des marechaux. 21 Malheureusement, dans ce temps-la, il parait que les gens de rien n'arrivaient pas a la vapeur. 22 Mon oncle, qui avait servi de maniere a etre nomme prince sous Vautrej etait alors retraite comme simple sous-lieutenant. Mais fallait le voir 24 avec son uniforme, sa croix de Saint-Louis, 25 sa jambe de bois, ses mous- taches blanches et sa belle figure ! . . . On eut dit un portrait de ces vieux heros en cheveux poudres qui sont a Versailles ! Toutes les fois que je le visitais, il me disait des choses qui me restaient dans 1'esprit. Mais un jour je le trouvai tout ee'rieux. - Jerome, me dit-il, sais-tu ce qui se passe a la frontiere ? 74 PROGRESSIVE FRENCH READER. Non, lieutenant, que je lui reponds. 26 Eh bien, qu'il reprend, la patrie est en peril ! Je ne comprenais pas bien, et cependant 9a me fit quelque chose. 27 Tu n'as peut-etre jamais pense a ce qu'est la patrie, reprit- il, en me posant une main sur 1'epaule ; c'est tout ce qui t'entoure, tout ce qui t'a eleve et nourri, tout ce que tu as aime ! Cette campagne que tu vois, ces maisons, ces arbres, ces jeunes filles . qui passent la en riant, c'est la patrie ! Les lois qui te protegent, le pain qui paie ton travail, les paroles que tu echanges, la joie et la tristesse qui te viennent des hommes et des choses parmi lesquels tu vis, c'est la patrie ! La petite chambre ou tu aa vu autrefois ta mere, les souvenirs qu'elle t'a laisses, la terre ou elle repose, c'est la patrie ! tu la vois, tu la respires partout ! Figure- toi, mon fils, tes droits et tes devoirs, tes affections et tes besoins, tes souvenirs et ta reconnaissance, reunis tout $a sous un seul nom, et ce nom-la sera la patrie ! J'etais tremblant d'emotion, avec de grosses larmes dans les yeux. Ah ! j'entends, m'ecriai-je ; c'est la famille en grand, c'est le morceau de monde ou Dieu a attache notre corps et notre ame. Juste, Jerome, continua le vieux soldat ; aussi tu com- prends, n'est-ce pas, ce que nous lui devons. Parbleu ! que je repris, nous lui devons tout ce que nous sommes ; c'est une affaire de coeur. Et de probite, mon enfant, qu'il acheva ; le mernbre d'une famille qui n'y apporte pas sa part de services, de bonheur, manque a ses devoirs et est un mauvais parent; 1'associe qui n'enrichit pas la communaute de toutes ses forces, de tout son courage, de toutes ses bonnes intentions, la fraude de ce qui lui appartient et est un malhonnete homme ; de meme celui qui jouit des avantages d'avoir une patrie sans en accepter toutes lea charges, forfait a 1'honneur et est un mauvais citoyen ! LA PATRIE, 75 Et que faut-il faire, lieutenant, pour tre bon citoyen ? demandai-je. Faire pour sa patrie ce qu'on ferait pour son pere et s& mere, dit-il. Je ne repliquai rien sur le moment, j'avais le coeur gonfle et le sang qui me bonillait dans le cerveau. Mais en revenant le long du chemin, les paroles de inon oncle etaient, pour ainsi dire, ecrites devant mes yeux. Je repetais : Fais pour ta patrie ce que tu ferais pour ton pere et pour ta mere. ... Et la patrie est en peril ; les etrangers 1'attaquent, tandis que moi, je tourne des bilboquets ! . . . Cette idee-la me travailla si bien dans Tesprit toute la nuit, que le lendemain je retournai a Vincennes pour annoncer au lieutenant que je venais de m'enroler, et .que je partais 28 pour la frontiere. Le brave homme me serra sur sa croix de Saint- Louis, et je m'en allai fier comme un representant en mission. Voila comment, voisin, je suis devenu volontaire de la Repu- blique avant d'avoir fait mes dents de sagesse. Tout cela e'tait dit sans emphase 29 avec la gaite deliberee des hommes qui ne regardent le devoir accompli ni comme un merite, ni comme un fardeau. Le pere Chaufour s'animait en parlant, non a cause de lui, mais pour les clioses memes. Evi- deniment ce qui Foccupait dans le drame de la vie, ce n'etait point son role, c'etait la piece ! Cette espece de desinteressement d'amour-propre 80 m'a touche. J'ai prolonge ma visite et je lui ai montre une grande confiance, afin de meriter la sienne. J^a bout d'une heure, il savait ma position et mes habitudes ; j'etais deja pour lui une vieille con- naissance. Je lui ai meme avoue la mauvaise humeur que la lueur de sa lampe m'avait donnee quelques instants auparavant. II a recu ma confidence avec cette gaite* affectueuse des coeurs bien faita qui prennent toute chose du bon cote*, n ne m'a parle ni du besoin qui 1'obligeait au travail quand je prolongeais mon som 76 PROGRESSIVE FRENCH READER. meil, ni du denument du vieux soldat oppose a la mollesse du jeune commis ; il s'est seulement frappe le front en s'accusant d'etourderie, et il m'a promis de garnir sa porte de bourrelets ! O grande et belle time, chez laqueile 31 rien ne tourne en amer tume, et qui n'a de force que pour la bienveillance et le devoir ! 1 6 Octobre. Le pere Chaufour sort a 1'instant 32 de ma man- sarde. II ne se passe plus un seul jour sans qu'il vienne travailler pres de mon feu ou sans que j'aille in'asseoir et causer pres de son etabli. Le vieil artilleur a beaucoup vu et raconte volontiers. Voya- geur arme pendant vingt ans a travers FEurope, il a fait la guerre sans haine et avec une seule idee ; 1'honneur du drapeau national ! Q'a ete la sa superstition, si Ton veut ; mais g'a ete, en meme temps, sa sauve-garde. . Ce mot de FRANCE, qui retentissait alors si glorieusement dans le monde, lui a servi de talisman contre toutes les tentations. Avoir a soutenir un grand nom peut sembler un fardeau aux natures vulgaires ; mais pour les forts, c'est un encouragement. J'ai bien eu aussi des instants, me disait-il 1'autre jour, ou j'aurais ete porte a cousiner avec le diable. La guerre n'est pas precisement une ecole de vertus champetres. A force de bruler, de demolir et de tuer, vous vous racornissez un peu a Tendroit des sentiments, et quand la ba'ionnette vous a fait roi, il vous vient parfois des idees d'autocrate un peu fortes en couleur. 33 Mais a ces moments-la, je me rappelais la patrie dont m'avait parle le lieutenant, et je me disais tout bas le mot connu : Toujours Franqais ! On en a ri depuis ! Des gens qui feraient de la niort de leur mere un calembour, ont tourne la chose en ridicule, comme si le nom de la patrie n'etait pas aussi une noblesse qui obligeait ! 34 Pour mon compte, je n'oublierai jamais de combien de sottises ce titre de Fra^ais m'a preserve. Quand la fatigue prenait le dessus, 35 que je me trouvais en arriere du drapeau, et que les coups de fusil petillaient a 1'avant-garde, j'entendais bien parfois une voix qui me disait a Toreille : Laisse les autres se LA PATRIE. 77 de*brouiller, 36 et pour aujourd'lmi menage ta peau ! Mais ce mot Franqais ! grondait alors en inoi, et je courais au secours de la brigade. D'autres fois, quand la faim, le froid, les blessures m'avaient agace les nerfs, et que j'arrivais chez quelque meinhert maussade, il me prenait bien une demangeaison d'ereinter I'hote y ' et de briiler la baraque ; inais je me disais tout bas : Franqais ! et ce nom-la ne pouvait rimer ni avec incendiaire, ni avec meurtrier. J'ai traverse ainsi les royaumes de Test a 1'ouest, et du nord au midi, toujours occupe de ne pas faire affront au drapeau. Le lieutenant, voyez-vous, m'avait appris un mot magique : LA PA- TRIE ! II ne s'agissait 38 pas seulement de la defendre, il fallait 1'agrandir et la faire aimer. 17 Octobre. J'ai fait aujourd'hui une'longue visite chez mon voisin. Un mot prononce au hasard a amene une nouvelle con- fidence. Je lui demandais si les deux membres dont il etait prive avaient <$te perdus a la meme bataille. Non pas, non pas, m'a-t-il repondu: le canon ne m'avait pris que la jambe, ce sont les carrieres de Clamart qui m'ont mange le bras. Et comme je lui demandais des details ! C'est simple comme bonjour, 40 a-t-il continue*. Apres la grande "debacle de Waterloo, j'etais demeur4 trois mois aux am- bulances pour laisser a ma jambe de bois le temps de pousser. Uue fois en mesure de reemboiter le pas, 41 je pris conge du major et je me dirigeai sur Paris, ou j'esperais trouver quelque parent, quelque ami ; mais rien, tout etait parti, ou sous terre. J'aurais ete moins etranger a Vienne, a Madrid, a Berlin ! Cependant, pour avoir une jambe de moins a nourrir, je n'en etais pas plus a mon aise ; 42 Tappetit etait revenu, et les derniers sous s'envolaient A la verite, j'avais rencontre mon ancien chef d'escadron, qui se rappelait que je 1'avais tire* de la bagarre 43 a Montereau en lui donnant mon cheval, et qui m'avait propose chez lui place au feu et a la chandelle. 44 Je savais qu'il avait (Spouse*, Fannie 78 PROGRESSIVE FRENCH READER. d'avant, un chateau et pas mal 45 de fermes ; de fcorte que je pou- vais devenir a perpetuite brosseur d'un millionnaire, ce qui n'etait pas sans douceur. Restait a savoir 48 si je n'avais rien de mieux a faire. Un soir je me mis a reflecliir. Voyons, Chaufour, que je me dis, il s'agit de 47 se conduire comme un homme. La place chez le commandant te convient ; mais ne peux-tu rien faire de mieux ? Tu as encore le torse en bon etat et les bras solides ; est-ce que tu ne dois pas toutes tea forces a la patrie, comme disait 1'oncle de Vincennes ? Pourquoi ne pas laisser quelque ancien plus demoli que toi prendre ses invalides 48 chez le commandant ? Allons, troupier, encore quel- ques charges a fond 49 puisqu'il te reste du poignet ! Faut pas se reposer avant le temps. Sur quoi j'allai remercier le chef d'escadron et offrir mes ser- vices a un ancien de la batterie qui etait rentre a Clamart dans son foyer respectif, et qui avait repris la pince de carrier. Pendant les premiers rnois, je fis le metier de conscrit, c'est-a- dire plus de mouvements que de besogne ; mais avec de la bonne volonte on vient a bout des pierres comme de tout le reste : sans devenir, comme on dit, une tete de colonne, je pris mon rang, en serre-file, parmi les bons ouvriers, et je mangeais mon pain de bon appetit, vu que je le gagnais de bon coeur. C'est que, memo sous le tuf, voyez-vous, j'avais garde ma gloriole. L'idee que je travaillais, pour ma part, a changer les roches en maisons, me flattait interieurement. Je me disais tout bas : Courage, Chaufour, mon vieux, tu aides a embellir ta patrie. Et 9a me soutenait le moral. 50 Malheureusement, j'avais parmi mes compagnons des citoyens un peu trop sensibles aux charmes du cognac; si bien qu'im jour, Tun d'eux, qui voyait sa main gauche a droite, s'avisa de battre le briquet pres d'une mine chargee : la mine prit feu sans dire gare, et nous envoy a une mitraille de cailloux 51 qui tua troia hommes et emporta le bras dont il ne me reste plus que la manche. LA PATRTE. 79 Ainsi, YOUS e*tiez de nouveau sans etat? dis-je au vieux Boldat. C'est-a-dire qu'il fallait en changer, reprit-il tranqtiillement. Le difficile etait d'en trouver un qui se contentat de cinq doigts au lieu de dix ; je le trouvai pourtant. Oucela? Parmi les balayeurs de Paris. Quoi ! vous avez fait partie ? . . . De 1'escouade de salubrite ; un peu, 62 voisin, et c'est pas mon plus raauvais temps. Le corps du balayage n'est pas si mal compose que malpropre, savez-vous! II y a la d'anciennes actrices qui n'ont pas su faire d'economies, des marchands ruines a la Bourse ; 53 nous avions meme un professeur d'humanites 64 qui, pour un petit verre, vous recitait du latin ou des tragedies, & votre choix. Tout 92, n'eut pas pu concourir pour le prix Mon- tyon ; mais la misere faisait pardonner les vices, et la gaite con- solait de la misere. J'etais aussi gueux et aussi gai, tout en tachant de valoir un peu mieux. Meme dans la fange du ruis- seau, j'avais garde mon opinion que rien ne deshonore de ce qui peut etre utile au pays. Chaufour, que je me disais en riant tout bas, apres Tepee le marteau, apres le marteau le balai ; tu degringoles, mon vieux, mais tu sers toujours ta patrie. Cependant vous avez fini par quitter votre nouvelle profes- sion ? ai-je repris. Pour cause de reforme, 56 voisin ; les balayeurs ont rare ment le pied sec, et Thumidite a fini par raviver les blessures de ma" bonne jambe. Je ne pouvais plus suivre 1'escouade ; il a fallu deposer les armes. Voila 57 deux mois que j'ai cesse de travailler a Vassainissement de Paris. Au premier instant, ga m'a etourdi ! De mes quatre membres, il ne me restait plus que la main droite, encore avait-elle 58 perdu sa force ! fallait done lui trouver une occupation bourgeoise. 5 * Apres avoir essaye un peu de tout, je suis tomb^ sur le carton- 80 PROGRESSIVE FRENCH READER. nage, et me voila fabricant d'etuis pour les pompons de la gard6 nationale ; c'est une oeuvre peu lucrative, mais a la portee da toutes les intelligences. En me levant a quatre heures et en tra- vajllant jusqu'a huit, je gagne soixante-cinq centimes ! le loge- ment et la gamelle en prennent cinquante ; reste trois sous pout les depenses de luxe. Je suis done plus riche que la France, puisque j'equilibre mon budget, et je continue a la servir, puis- que je lui economise ses pompons. A ces mots, le pere Chaufour m'a regarde en riant, et ses grands ciseaux ont recommence a couper le papier vert pour ses etuis. Je suis reste attendri et tout pensif. Encore un membre de cette phalange sacree qui, dans le com- bat de la vie, marche toujoufs en avant pour 1'exemple et le salut du monde ! Chacun de ces hardis soldats a son cri de guerre : celui-ci la patrie, celui-la la famille, cet autre I'liumanite ; mais tous suivent le meme drapeau, celui du devoir ; pour tous regne la meme loi divine, celle du devouernent. Aimer quelque chose plus que soi-meme, la est le secret de tout ce qui est grand ; savoir vivre en dehors de sa personne, la est le but de tout instinct genereux. SOUVESTRE (1801-1864). XXXIII. L'ENL^VEMENT DE LA EEDOUTE. UN militaire de mes amis, qui est mort de la fievre en Grece il y a quelques annees, me conta un jour la premiere affaire a laquelle il avait assiste. 1 Son recit me frappa tellement, que' je Fecrivis de memoire aussitot que j'en eus le loisir. Le voici : " Je rejoignis le regiment le 4 septembre au soir. Je trouvai le colonel au bivac. II me re9ut d'abord assez brusquement ; mais apres avoir lu la lettre de recommandation du general B , il changea de manieres, et m'adressa quelques paroles obligeantes. DE LA REDOUTE. 8] '* Je fus pre*sente par lui a mon capitaine, qui revenait a Pin-- slant meme d'une reconnaissance. Ce capitaine, que je n'eua guere le temps de connaitre, etait un grand homme brun, d'une physionomie dure et repoussante. II avait ete simple soldat* et avait gagne ses epaulettes et sa croix 2 sur les champs de bataille. Sa \oix, qui etait enrouee et faible, contrastait sin- gulierement avec sa stature presque gigantesque. On me dit qu'il devait cette voix etrange a une balle qui Pavait perce de part en part a la bataille d'lena. " En apprenant que je sortais de Pecole de Fontainebleau, il fit la grimace et dit : " Mon lieutenant est mort hier ..." Je compris qu'il voulait dire : " C'est vous qui devez le remplacer, et vous n'en etes pas capable." Un mot piquant me vint sur les levres, mais je me contius. " La lune se leva derriere la redoute de Cheverino, situee a deux portees de canon de notre bivac. Elle etait large et rouge comme cela est ordinaire a son lever. Mais ce soir elle me parut d'une grandeur extraordinaire. Pendant un instant la redoute se detacha en noir 3 sur le disque eclatant de la lune. Elle ressem- blait au cone d'un volcan au moment de Peruption. " Un vieux soldat, aupres duquel je me trouvais, remarqua la couleur de la lune. " Elle est bien rouge, dit-il ; c'est signe qu'il en coutera bon 4 pour 1'avoir, cette fameuse redoute ! " J'ai tou- jours ete supers titieux, et cet augure, dans ce moment surtout, m'affecta. Je me couchai, mais je ne pus dormir. Je me levai, et je marchai quelque temps, regardant 1'immense ligne de feux qui couvrait les hauteurs au dela du village de Cheverino. " Lorsque je crus que 1'air frais et piquant de la nuit avait assez rafraichi mon sang, je revins aupres du feu ; je m'envelop- pai soigneusemerit dans mon manteau, et je fermai les yeux, esperant ne pas les ouvrir avant le jour. Mais le sommeil me tint rigueur. 6 Insensiblement mes pensees prenaient une teinte lugubre. Je me disais que je n'avais pas un ami parmi les cent mille homines qui couvraient cette plaine. Si j'etais blesse, je 6 82 PROGRESSES FRENCH READER. serais dans un hopital, traite sans egards par des chirurgiens igno- rants. Ce que j'avais entendu dire des operations chirargicales me revint a la memoire. Mon coeur battait avec violence, et machinalement je disposals comme une' espece de cuirasse ]e rnouchoir et le portefeuille que j'avais sur la poitrine. La fatigue nfaccablait, je m'assoupissais a chaque instant, et a chaque instant quelque pensee sinistre se reproduisait avec plus de force et me reveillait en sursaut. " Cependant la fatigue 1'avait emporte, 6 et quand on battit la diane j'etais tout a fait endormi. Nous nous mimes en bataille, on fit 1'appel, puis on remit les armes en faisceaux, et tout annon- 9ait que nous allions passer une journee tranquille. " Vers trois heures un aide de camp arriva, apportant un ordre. On nous fit reprendre les armes ; nos tirailleurs se repandirent dans la plaine ; nous les suivimes lentement, et au bout de vingt minutes nous vimes tous les avant-postes des Russes se replier et rentrer dans la redoute. " Une batterie d'artillerie vint s'etablir a notre droite, une autre a notre gauche, mais toutes les deux bien en avant de nous. Elles commencerent un feu tres-vif sur Tennemi, qui riposta energiquement, et bientot la redoute de Cheverino disparut sous des nuages epais de fumee. " Notre regiment etait presque k convert du feu des Russes par un pli de terrain. 7 Leurs boulets, rares d'ailleurs pour nous (car ils tiraient de preference sur nos canonniers), passaient au- dessus de nos tetes, ou tout au plus nous envoy aient de la terre et de petites pierres. " Aussitot que Tordre de marcher en avant nous cut ete donne, mon capitaine me regarda avec une attention qui m'obligea h passer deux ou trois fois la main sur ma jeune moustache d'un air aussi degage qu'il me fut possible. Au reste, je n'avais pas peur, et la seule crainte que j'eprouvasse, c'etait que Ton ne s'imaginat que j'avais peur. Ces boulets inoffensifs contribuerent encore a me maintenir dans mon calme hero'ique. Mon amour- I/ENLEVEMENT DE LA REDOUTE. 83 propre me disait que je courais un danger reel, puisque. enfin j'etais sous le feu d'une batterie. J'etais enchante d'etre si a mon aise, et je songeai au plaisir de raconter la prise de la redoute de Cheverino, dans le salon de madame de B , rue de Provence. 8 " Le colonel passa devant notre compagnie ; il m'adressa la parole : " Eh bien ! vous allez en voir de grises 9 pour votre debut." " Je souris d'un air tout a fait martial en brossant la mancha de mon habit, sur laquelle un boulet, tombe a trente pas de moi ; avait envoye un peu de poussiere. " H parait que les Russes s'aperurent du mauvais succes de leurs boulets, car ils les remplacerent par des obus qui pouvaient plus facilement nous atteindre dans le creux ou nous etions postes. Un assez gros eclat 10 m'enleva mon shako et tua un homme aupres de moi. " Je vous fais mon compliment," u me dit le capitaine, comme je venais de ramasser mon shako, " vous en voila quitte 12 pour la journee." Je connaissais cette superstition militaire qui croit que Taxiome non bis in idem 13 trouve son application aussi bien sur un champ de bataille que dans une cour de justice. Je remis fierement mon shako. " C'est faire saluer les gens sans cere- monie," dis-je aussi gaiment que je pus. Cette mauvaise plai- santerie, vu la circonstance, parut excellente. " Je vous felicite, reprit le capitaine, vous n'aurez rien de plus, et vous commanderez une compagnie ce soir ; car je sens bien que le four chauffe 14 pour moi. Toutes les fois que j'ai ete blesse, Tofjicier aupres de moi a re^u quelque balle morte, et, ajouta-t-il d'un ton plus bas et presque honteux, leurs noms commen^aient toujours par un P." " Je fis 1'esprit fort ; 15 bien des gens auraient fait comme moi ; bien des gens auraient ete aussi bien que moi frappes de ces paroles prophetiques. Consent comme je Tetais, je sentais que je ne pouvais confier mes sentiments & personne, et que je devais toujours paraitre froidement intrepide. 84 .PROGRESSIVE FRENCH READER. " Au bout (Tune demi-heure, le feu cles Russes diminua sen- siblement ; alors nous sortimes de notre convert pour marchei sur la redoute. " Notre regiment etait compose de trois bataillons. Le deux- ieme fut charge de tourner la redoute du cote de la gorge ; lea deux autres devaient donner 1'assaut. J'etais dans le troisieme bataillon. " En sortant de derriere 1'espece d'epaulement qui nous avait proteges, nous fumes regus par plusieurs decharges de mous- queterie qui ne firent que peu de mal dans nos rangs. Le siffle- ment des balles~me surprit; souvent je tournais la tete, et je m'attirai ainsi quelques plaisanteries de la part de mes camarades plus familiarises avec ce bruit. " A tout prendre, me dis-je, une bataille n'est pas une chose si terrible." "Nous avancions au pas de course, precedes de tirailleurs tout a coup les Russes pousserent trois hourras, trois hourras distincts, puis demeurerent silencieux et sans tirer. " Je n'aime pas ce silence, dit mon capitaine ; cela ne nous presage rien de bon." Je trouvai que nos gens etaient un peu trop bruyants, et je ne pus m'empecher de faire interieurement la comparaison de leurs claineurs tuinultueuses avec le silence imposant de Tennemi. " Nous parvinmes rapidement au pied de la redoute, les palis- sades avaient etc brisees et la terre bouleversee par nos boulets. Les soldats s'elancerent sur ces ruines nouvelles avec des cris de Vive Vempereur ! plus forts qu'on ne 16 1'aurait attendu de gens qui avaient deja tant crie. " Je levai les yeux, et jamais je n'oublierai le spectacle que je vis. La plus grande partie de la fumee s'etait elevee et restait suspendue comme un dais a vingt pieds au-dessus de la redoute. Au travers d'une vapeur bleuatre on apercevait derriere leur parapet a demi-detruit les grenadiers russes, 1'arme haute, immo- biles comme des statues. Je crois voir encore chaque soldat, 1'oeil gauche attache sur nous, le droit cache par son fusil eleve. Dans L'ENLEVEMENT DE LA KEDOUTE. 85 une embrasure, a quelques pieds de nous, un homme tenant une lance a feu etait aupres d'un canon. " Je frissonnai, et je cms que ma derniere heure etait venue* "Voila la dause qui va commencer, 17 s'ecria mon capitaine. "Bonsoir." Ce furent les dernieres paroles que je 1'entendis prononcer. " Un roulement de tambours retentit dans la redoute. Je vis je baisser tons les fusils. Je fermai les yeux, et j'entendis un fracas epouvantable, suivi de cris et de gemissements. J'ouvris les yeux, surpris de me trouver encore au monde. La redoute etait de nouveau enveloppee de fumee. J'etais entoure de bles- ses et de morts. Mon capitaine etait etendu a mes pieds : sa tete avait ete broyee par un boulet, et j'etais convert de sa cer- velle et de son sang. De toute ma compagnie il ne restait debout que six hommes et moi. " A ce carnage succeda un moment de stupeur. Le colonel, mettant son chapeau au bout de son epee, gravit le premier le parapet en criant : Vive Fempcreur ! il fut suivi aussitot de tous les survivants. Je n ? ai presque plus de souvenir net 18 de ce qui suivi t. Nous entrames dans la redoute, je ne sais comment. On se battit corps a corps 19 au milieu d'une fumee si epaisse que 1'on ne pouvait se voir. Je crois que je frappai, car mon sabre se trouva tout sanglant. Enfin j'entendis crier victoire ! et la fumee diminuarit, j'aperc,us du sang et des morts sous lesquels dis- paraissait la terre de la redoute. Les canons surtout etaient enterres sous des tas de cadavres. Environ deux cents hommes debout, en uniforme franyais, etaient groupes sans ordre, les uns chargeant leurs fusils, les autres essuyaiit leurs .aiuounettes. Onze prisonniers russes etaient avec eux. " Le colonel etait renverse tout sanglant sui im caisson brise, pres de la gorge. Quelques soldats s'empressaient autour de lui : je m'approchai: "Ou est le plus ancien capiUmo ? " 20 demanda- t-il a un sergent. Le sergent haussa les epaules d'une maniere tres-expressire. " Et le plus ancien lieutenunt I Yoioi mon- 86 PROGRESSIVE FRENCH READER. sieur qui est arrive d'hier," 21 dit. le sergent d'un ton tout a fait calme. Le colonel sourit amerement. " Allons, monsieur, me dit-il, vous commandez en chef; faites promptement fortifier la gorge de la redoute avec ces chariots, car rennenli est en force ; mais le general C va vous faire soutenir. Colonel, lui dis- je, vous etes grievement blesse ? Flambe, mon cher, mais la redoute est prise." . 1802). XXXIV. LE GARgON DE MOULIN. Tic tac, tic tac, j'ai de 1'amour, 1 Tic tac, tic tac, pour plus d'un jour ; Tra la la la, j'ai de 1'amour, Tic tac, tic tac, pour plus d'un jour. Quand Teau verte bat les palettes De ma roue et les chasse en 1'air, Quand retombent en gouttelettes Les flots de moire et d'argent clair ; a Je ne songe qu'a mon amie ; Elle est fine comme un bouleau ; Ses yeux ont la couleur de 1'eau ; Mais sa joue est un peu blemie. Tic tac, tic tac, j'ai de 1'amour, Tic tac, tic tac, pour plus d'un jour Tra la la la, j'ai de 1'amour, Tic tac*, tic tac, pour plus d'un jour. Pendant que ma mie 3 est a coudre Et pique son joli doigt blanc, Je regarde ma meule moudre, Toujours tournant, grondant, roulant LE GAHCON DE MOULIN. 8? Mon Dieu ! que 1'eau du moulin gele, Si, pendant que je veille au grain, Le coeur de quelque beau voisiu Allait faire tic tac chez elle. Tic tac, tic tac, j'ai de 1'amour, Tic tac, tic tac, pour plus d'un jour ; Tra la la la, j'ai de 1'amour, Tic tac, tic tac, pour plus d'un jour. Si j'avais sur une riviere Un joli moulin battant Teau, Des demain, j'aurais ma meuniere Installee en mon gai chateati. De soie et de toilette fine Je la nipperais joliment ; 4 Quelques jours de bon traitement Auraient bientot rougi sa mine. Tic tac, tic tac, j'ai de 1'amour, Tic tac, tic tac, pour plus d'un jour ; Tra la la la, j'ai de 1'aniour, Tic tac, tic tac, pour plus d'un jour Elle aurait cent aunes de toile, Autant qu'on en peut employer, Une chaine en or, un beau voile, Une grande armoire en noyer, Douze chaises de fine paille, ' Un lit avec un baldaquin : II faut savoir user le gain 5 Et s'amuser quand on travaille. 8S PROGRESSIVE FRENCH READER. Tic tac, tic tac, j'ai de Famour, Tic tac, tic tac, pour plus d'un jour Tra la la la, j'ai de 1'amour, Tic tac, tic tac, pour plus d'un jour Jeannette aurait une couronne De beaux enfants, dans quelque temps ; Ainsi le cerisier boutonne, Ainsi Foiseau niche au printemps ; Mais helas ! au clair de la lune, Conime chez Pierrot 6 j'ai reve ; Mon pere ne m'a pas trouve Sur le chemin de la fortune. Tic tac, tic tac, j'ai de ramour, Tic tac, tic tac, pour plus d'un jour ; Tra la la la, j'ai de 1'amour, Tic tac, tic tac, pour plus d'un jour. Mon amour me tourne la tete, Je sens que j'en deviendrai fou, Quand menie j'obtiendrais Jeannette, Que peut-on faire sans un sou ? Je veux trouver une machine Pour scier d'un coup la moisson, Ou pour changer un sac de son En un sac de blanche farine. Tic tac, tic tac, j'ai de 1'amour, Tic tac, tic tac, pour plus d'un jour ; Tra la la la, j'ai de 1'amour, Tic tac, tic tac, pour plus d'un jour. DrPONT (b. 1821), LES PREMIERES LECTURES. 89 XXXV. LES PREMIERES LECTURES. UN livre a toujours ete pour moi un conseil, un consolateur t'loquent et calme dont je ne voulais pas epuiser vite les res- sources, et que je gardais pour les grandes occasions. Oh ! quel est celui de vous qui ne se rappelle 1 avec amour les premiers qu'il a devores ou savoures. La couverture d'un bouquin pou- dreux, que vous retrouvez sur les rayons d'une armoire oubliee, ne vous a-t-elle jamais retrace les gracieux tableaux de vos jeunes annees ? n'avez-vous pas cru voir surgir devant vous la grande prairie baignee des rouges clartes du soir, lorsque vous la vites pour la premiere fois, le vieil ormeau et la haie qui vous abriterent, et le fosse dont le revers vous servit de lit de repos et de table de travail, tandis que la grive chantait la retraite a ses cornpagnes et que le pipeau du vacher se perdait dans 1'eloigne- ment. Oh ! que la nuit tombait vite sur ces pages divines ! que le crepuscule faisait cruellement flotter les caracteres sur la feuille palissante! C'en est fait, 2 les agneau,x belent, les brebis sont arrivees a 1'etable, le grillon prend possession des chaumes de la plaine. Les formes des arbres s'effacent devant le vague de Fair, 3 comme tout a 1'heure 4 les caracteres sur le livre. II faut partir ; le chemin est pierreux, 1'ecluse est etroite et glissante ; la cote est rude; 5 vous etes convert de sueur; mais vous aurez beau faire, 6 vous arriverez trop tard ; le souper sera commence. C'est en vain que le vieux domestique, qui vous aime, aura retarde le coup de cloche autant que possible; vous aurez rhumiliation d'entrer le dernier, et la grand'mere, 17 inexorable sur Fetiquette, meme au fond de ses terres, 8 vous fera, d'une voix douce et triste, un reproche bien leger, bien tendre, qui vous sera plus sensible 9 qu'un chatiment severe. Mais quand elle vous demandera le soir la confession de votre journee, 10 et que vous aurez avoue*, en rou- gissant, que vous vous etes oublie a lire dans un pre, et que voua aurez ete somme de montrer le livre, apres quelque hesitation et 90 PROGRESSIVE FRENCH READER. une grande en ante de le voir confisque sans 1'avoir fini, vous tiie- rez en tremblant de votre poche, quoi ? Estelle et Nemorin u on Robinson Crusoe! Oh ! alors la grand'mere soiirit. Rassurez- vous, votre tresor vous sera rendu ; mais il ne faudra pas desor- mais oublier 1'heure du souper. Heureux temps! 6 ma vallee noire! 6 Corinne! 12 6 Bernardin de Saint- Pierre ! 13 6 1'Iliade! 6 Millevoye ! 14 6 Atala ! 15 6 les saules de la riviere ! 6 ma jeu- nesse ecoulee ! 6 mon vieux chien ! qui n'oubliait pas 1'heure du souper, et qui repondait au son lointain de la cloche par un dou- loureux hurlement de regret et de gourmandise ! . . . GEORGE SASD (b. 1804). XXXVI. UNE CHASSE A L'OURS. GUILLAUME Mona etait un pauvre paysan du village de Fouly, pres de Martigny. 1 Un ours venait toutes les nuits voler ses poires, car h ces betes tout est bon. Cependant il s'adressait de preference a un poirier charge de cresanes. Qui est-ce qui se douterait qu'un animal conime ca a les gouts de rhomme, et qu'il ira choisir dans un verger justement les poires fondantes ? Or, le paysan de Fouly preferait aussi par malheur les cresanes a tous les autres fruits. II crut d'abord que c'etaient des enfants qui venaient faire du degat dans son clos ; 2 il prit, en consequence, son fusil, le char- gea avec du gros sel de cuisine, et se mit a raffut. Vers les onze heures, 3 un rugissernent retentit dans la montagne. " Tiens, 4 dit- il, il y a un ours dans les environs." Dix minutes apres, un second rugissernent se fit entendre, mais si puissant, mais si rap- proche que Guillaume pensa qu'il n'aurait pas le temps de gagner Ba maison, et se jeta a plat ventre contre terre, 5 n'ayant plus qu'une esperance, que c'etait pour ses poires, et non pour lui que Tours venait. UNE CHASSE A INCURS. 91 Effectivement, 1'animal parut presque aussitot au coin du ver- ger, s'avan^ant en droite ligne vers le poirier en question, passa a dix pas de Guillaume, monta lestement sur Farbre, dont lea branches craquaient sous le poids de son corps, et se mit a y faire une consommation 6 telle qu'il etait evident que deux visites pareilles rendraient la troisieme inutile. Lorsqu'il fut rassasie, Fours descendit lentement, comme s'il avait du regret d'en laisser, \repassa pres de notre chasseur, a qui le fusil charge de sel ne pouvait pas etre dans cette circonstance d'une grande utilite, et se retira tranquillement dans la montagne. Tout cela avait dure une heure a peu pres, pendant laquelle le. temps avait paru plus long a 1'homme qu'a Fours. Cependant 1'homme etait un brave . . . et il avait frit tout bas en voyant Tours s'en aller : " C'est bon, va-t'en ; mais 9a ne se passera pas comme ga, nous nous reverrons." Le lendemain, un de ses voisins qui le vint visiter le trouva occupe a scier en lingots les dents d'une fourche. Qu'est-ce que tu fais done la ? lui dit-il. Je m'amuse, repon dit Guillaume. Le voisin prit les morceaux de fer, les tourna et les retourna dans sa main en homme qui s'y connait, 7 et apres avoir reflechi un instant : Tiens, Guillaume, dit-il, si tu veux etre franc, tu avoueras que ces petits chiffons de fer sont destines a percer une peau plus dure que celle d'un chamois. Peut-etre, repondit Guillaume. Tu sais que je suis bon enfant, reprit Frangois (c'etait le nom du voisin). Eh bien ! si tu veux, a nous deux Fours ; deux homines valent mieux qu'un. 8 C'est selon, 9 dit Guillaume, et il continua de scier son troi- sieme lingot. Tiens, continua Francois, je te laisserai la peau a toi seul, et nous ne partagerons que la prime et la chair. ' J'aime mieux tout, dit Guillaume. Mais tu ne peux pas m'empecher de chercher la trace de 92 PROGRESSIVE FRENCH READER. Tours dans la montagne, et, si je la trouve, de me rnettre a 1'affut Bur son passage. Tu es libre. Et Guillaume, qui avait acheve de scier cea trois lingots, se mit, en sifflant, a mesurer une charge de poudre double de celle que Ton met ordinaireraent dans une carabine. H parait que tu prendras ton fusil de munition, dit Frai^ois. Un peu ! 10 Trois lingots de fer sont plus surs qu'une balls de plomb. Cela gate la peau. Cela tue plus roide. 11 Et quand comptes-tu faire ta chasse ? Je te dirai cela demain. Une derniere fois, tu ne veux pas ? Non. Je te previens que je vais chercher la trace ! Bien du plaisir ! Nous deux, dis ? 12 Chacun pour soi. Adieu, Guillaume ! Bonne chance, voisin ! Et le voisin, en s'en allant, vit Guillaume mettre sa double charge de poudre dans son fusil de munition, y glisser ses troia lingots et poser 1'arme dans un coin de sa boutique. Le soir, en repassant devant la maison, il apergut sur le bane qui etait pres de la porte, Guillaume assis et fumant tranquille/uent sa pipe. H vint a lui de nouveau. Tiens, iui clit-il, je n'ai pas de rancune. J'ai trouve la trace de notre bete ; ainsi je n'ai plus besoin de toi. Cependant je viens te proposer encore une fois de faire a nous deux. 13 Chacun pour soi, dit Guillaume. Le voisin ne put rien dire de ce que fit Guillaume dans la soiree. A dix heures et demie, sa femme le vit prendre son fusil, rouler an sac de toile grise sous son bras et sortir. Elle n'osa lui _ ^ _ UNE CHAsSFnEToURS. 93 'demander ou il allait, car Guillaume n'etait pas liomme a rendre des comptes a une femme. Frangois, de son cote, avait veritablement trouve la trace de Tours ; il 1'avait suivit jusqu'au moment ou il s'enfongait dans le verger de Guillaume, et, n'ayant pas le droit de se mettre a 1'affut sur les terres de son voisin, il se plaga entre la foret de sapins qui est a mi-cote de la montagne et le jardin de Guillaume. Comme la nuit etait assez claire, il vit sortir celui-ci par sa porte de derriere. Guillaume s'avanga jusqu'au pied d'un rocher grisatre qui avait roule" de la montagne jusqu'au milieu de son clos, et qui se trouvait a vingt pas tout au plus du poirier, s'y arreta, regarda autour de lui si personne ne 1'epiait, deroula son sac, entra dedans, ne laissant sortir par 1'ouverture que sa tete et ses deux bras, et, s'appuyant contre le roc, se confondit 14 bientot tellement avec la pierre par la couleur de son sac et I'immobilite de sa personne que le voisin, qui savait qu'il etait la, ne pouvait pas meme le distinguer. Un quart d'heure se passa ainsi dans 1'attente de Tours. Enfin un rugissement prolonge I'annonga. Cinq minutes apres Frangois Faper9ut. Mais, soit par ruse, soit qu'il eUt evente le second chasseur, il ne suivait pas sa route ordinaire ; il avait, au contraire, decrit un circuit, et au lieu d'arriver a la gauche de Guillaume, comme il avait fait la veille, cette fois il passait a sa droite, hors de la por- tee de 1'arme de Frangois, rnais a dix pas tout au plus du bout du fusil de Guillaume. Guillaume ne bougea pas. On aurait pu croire qu'il ne voyait pas meme la bete sauvage qu'il etait venu guetter, et qui semblait le braver en passant si pres de lui. L'ours, qui avait le vent mauvais, 15 parut de son cote ignorer la presence d'un ennemi, et continua lestement son chemin vers 1'arbre. Mais au moment ou, se dressant sur ses pattes de derriere, il embrassa le tronc de ses pattes de devant, presentant a decouvert sa poitrine, que ses epaisses epaules ne protegeaient plus, un sillon rapide de lumiere brilla tout a coup contre le rocher, et la vallee entiere retentit 94 PROGRESSIVE FRENCH READER. du coup de fusil charge a double charge et du rugissement qu poussa Tanimal mortellement blesse. II n'y eut peut-etre pas une seule personne dans tout le villa qui n'entendit le coup de fusil de Guillaume et le rugissement Tours. L'ours s'enfuit, repassant, sans Tapercevoir, a dix pas de GUI laume, qui avait rentre ses bras et sa tete dans son sac, et qui confondait de nouveau avec le rocher. Le voisin regardait cette scene, appuye 16 sur ses genoux et sur sa main gauche, serrant sa carabine de la main droite, pale et retenant son haleine ; il vit Tours blesse, apres avoir fait un long circuit, chercher a reprendre sa trace de la veille, qui le condu sait droit a lui. II fit un signe de croix, recommanda son ame Dieu, et s'assura que sa carabine etait armee. L'ours n'etait plu qu'a cinquante pas de lui, rugissant de douleur, s'arretant pour s rouler et se mordre le flanc a Tendroit de sa blessure, puis repre nant sa course. II approchait toujours. II n'etait plus qu'a trente pas. Deirs secondes encore, et il venait 17 se heurter contre le canon de carabine du voisin, lorsqu'il s'arreta tout a coup, aspira bruyam ment le vent 18 qui venait du cote du village, poussa un rugisse ment terrible et rentra dans le verger. Prends garde a toi, Guillaume ! prends garde ! s'ecri Francois en s'elangant a la poursuite de Tours, et oubliant tou pour ne penser qu'a son ami, car il vit bien que, si Guillaum n'avait pas eu le temps de recharger son fusil, il etait perdu Tours Tavait evente. II n'avait pas fait dix pas qu'il entendit ui cri. Celui-la, c'etait un cri humain, un cri de terreur et d'agoni tout a la fois; un cri dans lequel celui qui le poussait ava rassemble toutes ses demandes de secours aux hommes: moi ! ! ! . . , 19 Puis rien, pas meme une plainte, ne succeda au cri c Guillaume. Fran9ois ne courait pas, il volait ; la pente du terrain precip LE CHIEN DU LOUVRE. 95 tait sa course. Au fur et a mesure qu'il approchait, 20 il distin- guait plus clairement la monstrueuse bete qui se mouvait dans Fombre f bulant aux pieds le corps de Guillaume, et le dechirant par lambeaux. Francois etait a quatre pas d'eux, et Fours etait si acharne a sa proie 21 qu'il n'avait pas paru Fapercevoir. II n'osait tirer, de peur de tuer Guillaume, s'il n'etait pas mort, car il tremblait tellement qu'il n'etait plus sur de son coup. II ramassa une pierre et la jeta a Fours. L' animal se retourna furieux contre son nouvel ennemi ; ils etaient si pres.Fun de Fautre que Fours se dressa sur ses pattes de derriere pour 1'etouffer ; Frai^ois le sentit bourrer avec son poitrail 22 le canon de sa carabine. Machinalement il appuya le doigt sur la gachette ; le coup partit. Vours tomba a la renverse ; la balle lui avait traverse la poi- trine et brise la colonne vertebrale. Francois le laissa se trainer, en hurlant, sur ses pattes de devant et courut a Guillaume. Ce n'etait plus un homme, ce n'etait plus meme un cadavre ; c'etaient des os et de la chair meurtrie ; la tete etait devoree presque entierement. A. DUMAS (b. 1803). XXXVII. LE CHIEN DU LOUVRE. 1 PASSANT, que ton front se decouvre: 2 La plus d'un brave est endormi. Des fleurs pour le martyr du Louvre ! Un pen de pain pour son ami ! 3 C'etait ve jour de la bataille : II s'elan^a sous la mitraille ; Son cliien suivit. 96 PROGRESSIVE FRENCH READER. Le plomb tous deux vint les atteindre Est-ce le maitre qu'il faut plaindre ? Le chien survit. Morne, vers le brave il se penche, L'appelle, et de sa tete blanche Le caressant ; Sur le corps de son f'rere d'arnies Laisse cooler ses grosses larmes Avec son sang. Des morts voici le char qui roule ; * Le chien respecte par la foule A pris son rang, L'ceil abattu, Poreille basse, 8 En tete du convoi qui passe, Comine un parent. Au bord de la fosse avec peine Blesse de Juillet, il se traine Tout en boitant ; 7 Et la gloire y jette son maitre, Sans le nommer, sans le connaitre | Ils etaient tant ! Gardien du tertre funeraire, Nul plaisir ne pent le distraire De son ennui ; 8 Et fuyant la main qui 1'attire, 8 Avec tristesse il senible dire : " Ce n'est pas luL" Quand sur ces touffes d'immortellea Brillent d'humides etincelles, 10 Au point du jour, LE CHIEN DU LOUVRE. 97 Son ceil se ranime, il se dresse, Pour que son maitre le caresse A son retour. Aux vents des nuits, quand la couronne Sur la croix du tombeau frissonne, Perdant Tespoir, II veut que son maitre 1'entende ; II gronde, il pleure, et lui demande L'adieu du soir. Si la neige avec violence, De ses flocons couvre en silence Le lit de mort, II pousse un cri lugubre et tendre, Et s'y couche pour le defendre Des vents du nord. Avant de fermer la paupiere, II fait pour soulever la pierre Un vain effort ; Puis il se dit coinme la veille : II m'appellera, s'il s'eveille. Puis il s'endort. La nuit il reve barricade : Son maitre est sous la fusillade Convert de sang. II 1'entend qui siffle dans Tombre, Se leve et saute apres son ombre En geinissant. C7est la qu'il attend d'heure en heure^ Qu'il aime, qu'il souffre, qu'il pleure, Et qu'il mourra. 7 93 PROGRESSIVE FRENCH READER* Quel fut son nom ? C*est un mystere * Jamais la voix qui lui fut chere Ne le dira. Passant, que ton front se decouvre : La plus d'un brave est endormi. Des fleurs pour le martyr du Louvre ! Un peu de pain pour son ami ! DELATX3:SE (1793-1843 fi XXXVIII. HISTOIRE D'UN HOMME DU PEUPLE. LORSQUE mon pere. Nicolas Clavel, bucheron a Saint- Jean-des- Choux, sur la cote de Saverne, mourut au mois de juin 1837, j'avais neuf ans. Notre voisine, la veuve Rochard, me prit chez elle quinze jours ou trois semaines, et personne ne savait ce que j'allais devenir. La mere Rochard ne pouvait pas me garder ; elle disait que nos meubles, notre lit et le reste ne payeraient pas les cierges de I'enterrement, et que mon pere aurait bien fait de m'emmener avec lui. En entendant cela, j'etais effraye ; je pensais : " Mon Dieu ! qui est-ce qui voudra me prendre ? " Durant ces trois semaines, nous cherchions des myrtilles et dea fraises au bois, pour les vendre en ville, et je pouvais bien en ramasser cinq ou six ahopines par jour ; mais la saison des myr- tilles passe vite, la saison des faines arrive bien plus tard, en automne, et je n'avais pas encore la force de porter des fagots. Souvent 1'idee me venait que j'aurais ete bien heureux de fciourir. A la fin de ces trois semaines, un matin que nous etions sui notre porte, la mere Rochard me dit : " Tiens, voila ton cousin Guerlot, le marchand de poisson ; qu'est-ce qu'il vient done faire dans ce pays ? " HISTOIRE D*UN HOMME DU TEUPLE. 99 Efc je vis un gros homme trapu, la figure grasse et grelee, le nez rond, un grand chapeau plat sur les yeux et des guetres a sea jambes courtes, qui veriait. " Bonjour, monsieur Guerlot," lui dit la mere Rochard. Mais il passa sans repondre, et poussa la porte de la maison de men pere, en criant : " Personne ? " En suite il ouvrit les volets, et presque aussitot une grande fenime rousse, en habit des dimanches, le nez long et la figure rouge, entra derriere lui dans la maison. La mere Rochard me O ' dit: " C'est ta cousine Hoquart, elle vend aussi du poisson ; s'ils rrouvent quelque chose a pecher chez vous, ils seront malms." Et de minute en minute d'autres arrivaient : M. le juge de paix Dolomieu, de Saverne; son secretaire, M. Latouche, des cousins et des tantes, tous bien habilles ; et seulement a la fin notre maire, M. Binder, avec son grand tricorne et son giiet rouge. Comme il passait, la mere Rochard lui demanda : " Qu'est-ce que tous ces gens-la viennent done faire chez Nico- las Clavel, monsieur le maire ? C'est pour Penfant," dit-il en s'arretant, et me regardant d'un air triste. Et voyant que j'etais honteux a cause de ma pauvre veste dechiree, de mon vieux pan talon, de mes pieds nus, il dit encore : " Pauvre enfant ! " Ensuite il entra. Quelques instants apres, la mere Rochard me fit entrer aussi, pour voir ce qui se passait, et j'allai me mettre sous la cheminee pres de 1'atre. Tous ces gens etaient assis autour de notre vieille table, sur les banes, se disputant entre eux, reprochant a mon pere et a ma mere de s'etre maries, de n'avoir rien amasse, d' avoir ete des faineants, et d'autres choses pareilles que je savais bien etre fausses, puisque mon pauvre pere etait mort a la peine. 1 Tantot 1'un, tantot Fautre se mettait a crier ; personne ne voulait m 100 PROGRESSIVE FRENCH READER. prendre. M. le juge de paix, un homme grave, le front haut, les dcoutait ; et de temps en temps, quand ils criaient trop, il lea reprenait en leur disant: que je n'etais pas cause de ce mal- heur . . . ; que les reproches contre mon pere et ma mere ne ser- vaient :i rien . . . ; qu'on devait tout pardonner aux malheureux, quand meme ils auraient eu des torts . . . ; qu'il fallait surtout , songer aux enfants, etc. ; mais la fureur chaque fois devenait plus grande. Moi, sous la cheminee, je ne disais rien, j'etais comme un mort. Aucun de ceux qui criaient ne me regardait. " II faut pourtant s'entendre, dit a la fin M. le juge de paix. Voyons ... Get enfant ne peut pas rester a la charge de la commune . . . Vous etes tons des gens riches . . . aide's . . . Ce serait une honte pour la famille. Monsieur Guerlot, parlez." Alors le gros marchand de poisson se leva furieux, et dit : " Je nourris mes enfants, c'est bien assez ! Et moi je dis la meme chose, cria la grande femme rousse. Je nourris mes enfants ; les autres ne me regardent pas." Et tons se levaient, en criant que c'etait une abomination de leur faire perclre une journee pour des choses qui ne les regar- daient pas. Le juge de paix etait tout pale. II dit encore. " Get enfant vous regarde pourtant plus que la commune, je pense ; c'est votre sang ! S'il etait riche, vous seriez ses heri- tiers, et je crois que vous ne Poublieriez pas. Riche, lui ! criait le marchand de poisson, ha ! ha ! ha ! " Moi, voyant cela, j'avais fini par sangloter ; et, comme le juge de paix se levait, je sortis en fondant en larmes. J'allai m'asseoir dehors, sur le petit bane, a la porte. Les cousins et les cousines sortaient aussi d'un air de ne pas me voir. Mon cousin Guerlot soufflait dans ses joues, en s'allongeant les bretelles sous sa capote avec les pouces, et disait : " II fait chaud . . . une belle journee ! He ! commere Hoquart ? Quoi? On peche 1'etang de Zeller apres-demain ; est-ce que nous serons de moitie ? " HISTOIRE D'UN HOMME DU PEUPLE. 101 Us s'eu allaient tons a la file, le juge de paix, le greffier, le maire, les cousins, les cousines *, er. "a mere Rochard disait : " Te voila bien maintenant . . . Personne ne te veut ! " Je ne pouvais plus reprendre haleine, a force de pleurer. Et pendant que j'etais la, la figure toute mouillee, j'entendais les parents s'en aller, et quelqu'un venir par en haut, 2 en descendant la ruelle des Vergers au milieu du grand bourdonnement des arbres et de la chaleur. " He ! bonjour, mere Balais, s'ecria la mere Rochard. Vbus venez done tous les ans acheter nos cerises ? He ! dit cette personne, mais oui. Je ne fais pas les cerises, j'en vends ; il faut que je les achete pour les vendre. Sans doute. Et sur les arbres on les cueille plus fraiches/ Je ne regardais pas, j'etais dans la desolation. Comme cette personne s'etait arretee, je 1'entendis demander : " Pourquoi done est-ce que cet enfant pleure?" Et tout de suite la mere Rochard se mit a lui raconter que mon pere etait mort, que nous n'avions rien, que les parents ne voulaient pas de moi et que j'allais rester a la charge de la commune. Alors je sentis la main de cette personne me passer dans les cheveux lentement, pendant qu'elle me disait comme attetidrie : " Allons ! regarde un peu . . . que je te vote." Je levai la tete. C'etait une grande femme maigre, deja vieille, le nez. assez gros, avec une grande. bouche et des dents encore blanches. Elle avait de grandes boucles d'oreilles en anneaux, un mouchoir de soie jaune autour de la tete, et un panier de cerises sous le bras. Elle me regardait en me passant toujours Ba longue main dans les cheveux, et disait : " Comment, ils ne veulent pas de lui ? Mais c'est un brun su- perbe ... Ils ne veulent pas de lui ? Non, repondait la mere Rochard. Ils sont done fous ? Non, mais ils ne veulent pas de cette charge. 102 PROGRESSIVE FRENCH READER. Une charge ? . . . un garden pareil ! Tu n'as rien ? Tu n'es pas bossu ? . . . Tu n'es pas boiteux ? " Elle me tournait et me retournait, et s'ecriait comrne etonnee " II n'a rien du tout ! " f Ensuite elle me disait : " Est-ce que tu as besoin de pleurer, nigaud ? Oh ! les gueux . . ils ne veulent pas d'un enfant pareil ? " Notre maire, qui revenait apres avoir reconduit M. le juge do paix au bas du village, dit aussi : " Bonjour, madame Balais." Et elle, se tournant, s'ecria : " Est-ee que c'est vrai qu'on ne veut pas de ce gar^on ? Mon Dieu ! oui, c'est vrai, repondit le maire ; il reste a la charge de la commune. Eh bien ! moi, je le prends. Vous le prenez ? dit le maire en ouvrant de grands, yeux. Oui, je le prends a mon compte, si la commune veut, bieD entendu. Oh ! la commune ne demande pas mieux." En entendant cela, la vie me revenait. Je glorifiais en quel que sorte le Seigneur, pendant que cette dame m'essuyait la figure et me demandait : " Tu as mange ? " La mere Rochard repondit que nous avions mange notre soupe aux pommes de terre le matin. Alors elle sortit de sa poche un morceau de pain blanc qu'elle me donna, et dit : " Prends aussi des cerises dans mon panier, et allons-nous-en. Attendez que je lui donne son paquet, s'ecria la mere Rochard, en courant chercher dans un mouchoir mes souliers et mes habits des dimanches. Voila ! je n'ai plus rien a toi," dit- elle en me donnant le paquet. Et nous partimes. " Ah ! Ton ne voulait pas de toi ! disait la dame ; faut-il qu'on HISTOIRE D'UN HOMME DU PEUPLE. 103 trouve 3 des gens betes dans le monde ? Qa fait suer, parole d'honneur ! ^a fait suer. Comment t'appelles-tu ? Je m'appelle Jean-Pierre Clavel, madame. Eh bien ! Jean-Pierre, je te garde, et bien contente encore de t' avoir. Prends-moi la main." Le lendemain,. de grand matin, la mere Balais s'habilla d'uno mauiere tout a fait magnifique. Quand je sortis de ma chambre sur les sept heures, je la vis avec une grande robe chamarree de fleurs vertes ; elle s'etait fait deux grosses boucles sur les oreilles avec ses cheveux gris touffus, elle avait un gros bonnet bljinc, et cela lui dounait une figure tres-respectable. " Assieds-toi, Jean-Pierre, dit-elle, et dejeunons. Nous partons dans une demi-heure." Elle me fit mettre ensuite une chemise blanche, 4 mes souliers neufs et ma veste de velours ; elle ouvrit son grand coffre et en lira un chale tres-beau qu'elle s'arrangea sur les epaules devant notre petit miroir ; les franges trainaient presque a terre, au bas de la robe. Et quand tout fut pret, elle me dit de venir. Je n'avais vu jamais d'ecole a Saint-Jean-des-Choux, cela me rendait inquiet ; mais comme madame Balais descendait, devant moi, j'etais bien force de la suivre. En bas, dans la petite allee sombre, madame Dubourg, se pen- chant a la porte de sa cuisine, nous regarda sortir tout etonnee. "Oehors, la mere Balais me prit par la main et me dit : " Tu commeiiceras par oter ton bonnet en entrant." Et nous descendimes la petite rue des Trois-Quilles derriere le jardin de M. le juge de paix, puis celle du Fosse-des-Tanneurs. Tout a coup, en face d'une vieille maison qui faisait le coin de deux rues, j'entendis une foule de voix crier ensemble: B-A BAI B-E BE! ^B-I BI! ainsi de suite. Les vitres de la vieille maison en tremblaient ; et parmi ces voix d'enfants, rue autre voix terrible se mit a crier : " Materne ! -. . . Attends ! je me leve ! " C'etait M. Vassereau qui prevenait Materne. 104 PROGRESSIVE FRENCH READER. Nous arrivions a 1'ecole. Rien que d'entendre cette voix, un frisson me grimpait le long dn dos. En meme temps, nous entrions dans une petite cour, et la mere Balais me disait : " Arrive ! " 5 Elle s'avan^aic dans une allee sombre a gauche, oil je la suivis. An bout de 1' allee se trouvait une porte, avec un petit carreau dans le milieu ; c'est la qu'on entendait chanter B-A B A ! au milieu d'un grand bourdonnenient. La more Balais ouvrit la porte. Aussitot tout se tut, et je vis la grande salle ; les range es de tables toutes jaunes et tachees d'encre autour, les banes oil des quantites d'enfants en sabots, en souliers, et merne pieds nus, s'usaient les culottes depuis des annees ; les exernples pendues a des ficelles le long des fenetres ; le grand fourneau de fonte a droite, derriere la porte ; le tableau noir contre le mur, au fond du meme cote ; et la chaire a gauche, entre deux fenetres, oil M. Vassereau, son bonnet de sole noire tire sur la nuque, etait assis, le grand martinet replie sur le pupitre. II etait la, grave, la main bien posee, les deux doigts bien tendus, en train d'ecrire une exemple. 6 Tout fourmillait d'enfants de dix a douze ans ; les grands assis autour des tables, les petits sur trois rangees de banes, en face de la chaire. Deux ou trois, debout, tendaient leur plume au maitre d'ecole, en repetant d'une voix trainante : " En gros, s'il vous plait, monsieur Vassereau ! En moyen, s'il vous plait, monsieur Vassereau ! " Lui ne bougeait pas : il ecrivait. Je decouvris ces choses d'un coup d'oeil. Toute la salle s'etait retournee pour voir qui venait d'entrer ; toutes ces figures grasses, joufflues, blondes, rousses, les cheveux ebouriffes, nous regardaient en se penchant. Comme les petits banes s'etaient tus d'un coup, M. Vassereau leva les yeux ; il aperfut la mere Balais et moi sur la porte, et se leva, ramenant son bonnet de soie noire sur sa tete, comme pour saluer. On aurait alors entendu voler une mouclie. La mere Balais dit : HISTOIRE D*UN HOMME DU PEUPLE. 105 " Restez convert, 7 monsieur Vassereau." Et tous deux, 1'un en face de 1'autre, se mirent a causer de moi. Autant 8 la mere Balais etait grande et magnifique, autant le pere Yassereau, habille d'une capote marron et d'un large gilet noir, paraissait grave et severe; il portait encore Pancienne culotte de ratine et les larges souliers a boucles d'argent. II avait la figure ferine, un peu pale, le menton large, le nez droit bien fait, les yeux bruns, une ride entre les deux sourcils ; de sorte qu'avec son martinet sous le coude, tout cela ne lui donnait pas un air tendre, et que je pensais : u Si c'est lui qui doit m'apprendre les quatre regies, il faudra faire bien attention." Nous etions done au milieu de la salle, et toute 1'ecole ecoutait. M. Vassereau paraissait avoir un grand respect pour madame Balais, qui relevait fierement la tete, et qui lui dit : " Je vous amene ce ga^on, monsieur Vassereau ; c'est un en- fant de Saint- Jean-des-Choux, que j'ai pris, parce que des parents malhonrietes Favaient abandonne, et que je veux faire bien elever. Vous aure'z soin de lui ... vous lui montrerez tout ce qu'un homme doit savoir . . . Je suis sure qu'il profitera -de vos legons. S'il n'en profite pas, repondit le pere Vassereau en me jetant un regard de cote, ce sera de sa faute, car j'emploierai tous lea moyens." Et me regardant en face : " Comment t'appelles-tu ? me dit-il. Jean-Pierre, monsieur. Et ton pere ? Mon pere s'appelait Nicolas Clavel. Eh bien ! Clavel, qu'est-ce que tu sais ? Est-ce que tu con- nais tes lettres ? Non, monsieur. Alors, assieds-toi la, sur le petit bane. Gossard, tu lui pre- teras ton Abe , vous lirez ensemble dans le meme." 106 PROGRESSIVE FRENCH READER. Pendant que cela se passait et que M. Vassereau me parlai, de la sorte, cinq ou six grands, au lieu de travailler, riaient entre eux, et je vis quelque chose en ce moment qui m'affermit beau- coup dans mes bonnes resolutions. Le pere Vassereau, en enten- dant rire, avait totirne la tete, et il avait vu le rouge Mateme qui faisait des signes a Gourdier. Alors, sans rien dire, il etait alle le secouer par Foreille, qui s'allongeait et se raccoureissait. II n'avait pas Fair fache ; mais le fils Materne ouvrait la bouche jusqu'au fond du gosier avec des yeux tout ronds, et soupirait tellenient qu'on 1'entendait dans toute la salle, ou chacun se remit bien vite a travailler. " Eh bien ! niadarne Balais, dit le pere Vassereau en revenant d'un air tranquille. vous pouvez compter sur moi ; ce gar^on pro- fitera de mes conseils, je reponds de lui. Clavel, va t'asseoir ou je t'ai dit." J'allai rn'asseoir au bout du petit bane, en pensant : " Oh ! oui, je profiterai . . . il faut que je profite ! Aliens, monsieur Vassereau, c'est entendu, dit la mere Ba- lais. Pour le reste, <;a me regarde." Us sortirent ensemble dans la petite allee ; et, pendant qu'ils etaient dehors, tout le monde se retourna, riant, s'appelant, se jetant des boules de papier. Mais a peine le pas lent de M. Vassereau commen^ait-il a revenir, qu'on se pencha sur les tables en faisant semblant d'ecrire ou d'apprendre sa Ie9on. Lui, jeta les yeux a droite et a gauche et se remit dans sa chaire eri disant : " Commencez YAbc. Clavel, tu vas suivre sur VAbc de Gos- sard." Aussitot on se mit a chanter ensemble VAbo, et je suivis avec une grancle attention, sans oser meme regarder celui qui me mon- trait les lettres. Le pere Vassereau taillait les plumes. De temps en temps, il faisait le tour de la salle, son martinet sous le bras, et regard ait Fouvrage des grands. Quand les lettres etaient mal formees, il les appelait anes, et corrigeait lui-nieme leurs fautes. Une clemi HISTOIRE D'UN HOMME DU PEUPLE. 107 heure avant la fin de 1'ecole, il se rasseyait dans sa chaire et criait aux petits : " Arretez ! " Ensuite commencait la recitation des legons : " Qu'est-ce que la grammaire ? Qu'est-ce que 1'article ? Qu'est-ce que le verbe ? " etc. II prenait aussi quelquefois lea petits et leur demandait les lettres. Sur le coup de dix heures le matin, sur le coup de quatre heures ie soir, le premier de la premiere classe recitait la priere, et quand on 1'entendait dire : " Ainsi soit-il ! " toute 1'ecole degringolait des banes, et se sau- vait, 9 le sac au dos ou le caliier sous 'le bras, en criant et se rejouissarit jusqu'a la maison. Cent fois M. Yassereau nous avait defendu de crier, mais de- hors on n'avait plus peur, et puis il faut bien que les enfanta respirent. Le premier jour, quand on se mit a reciter la priere et a sortir *en disant: "Bonjour, monsieur Vassereau!" je fus si content d'etre dehors, que j'arrivai chez nous d'un trait, et que je grimpai nos trois etages, en criant : "C'estfini!" Le pere Antoine Dubourg ne pouvait s'empecher de rire; et le vieux vitrier Rivel lui-meme me regardait monter 1'escalier avec ses grosses besides, le nez en Fair, 10 et disait a sa femme : " Tiens, Catherine, voila le plus beau temps de la vie ; on ne pense pas au dejeuner, au diner ; quand 1'ecole est finie, on a gagne sa journee. Ce temps-la ne reviendra plus." La mere Balais etait aussi bien contente. Depuis ce jour, je connaissais 1'ecole : je connaissais la maniere de chanter en trainant B-A BA, d'observer les plus petits mou- vements de M. Vassereau, et d'avoir 1'air de suivre avec Gossard, en regardant voler les mouches. Le matin, aussitot 1'ecole finie, j'allais trouver la mere Balais dans notre baraque, sur la place ; elle me demandait presque toujours : 108 PROGRESSIVE FRENCH READER. " Eh bien ! Jean-Pierre, c,a marclie ? " ll Et je repondais " Oui, in: 1 . is c'est dur tout de meme. He ! fdisait-elle, tout est dur dans ce monde. Si les pomnies et les poires roulaient sur la grande route, on ne planterait pas d'arbres ; si le pain venait dans votre poche, on ne retournerait pas la terre, on ne semerait pas le grain, on ne demanderait pas la pluie et le soleil, on ne faucillerait pas, on ne mettrait pas en gerbes, on ne battrait pas en grange, on ne vannerait pas, on ne porterait pas les sacs au moulin, on ne moudrait pas, on ne trai- herait pas la farine chez 1 le boulanger, on ne petrirait pas, on ne ferait pas cuire ; ce serait bien commode, mais c.a ne pent pas venir tout seul, il faut que les gens s'en melent. Tout ce qui pousse seul ne vaut rien, comme les chardons, les orties, les epines, et les herbes tranchantes au fond des marais. Et plus on prend de peine, mieux c,a vaut; comme pour la vigne au milieu des pierrailles, 12 sur les hauteurs, oil Ton porte clu fumier dans* des hottes ; c'est aussi bien dur, Jean-Pierre, mais le vin est aussi bien bori. Si tu voyais, en Espagne, dans le midi de la France et le long du Rhin, comme on travaille au soleil pour avoir du vin, tu dirais : " C'est encore bien heureux de rester assis k 1'ombre, et d'apprendre quelque chose qui nous profit-era, tou- jours ! " Maintenant je te fais retourner et ensemencer par le pere Vassereau, et plus tard qui est-ce qui coupera le grain ? qui est-ce qui aura du pain sur la planche ? c'est toi ! Je fais cela parce que tu me plais, mais il faut en profiter. Je ne suis peut- etre pas la pour longtemps. Profite, profite ! . . . " Ces choses m'attendrissaient, et je me donnais de la peine ; j'aurais voulu tout savoir, pour rejouir la mere Balais. II faut dire aussi que M. Vassereau n'etait pas mecontent de moi, car au bout d'une semaine je connaissais mes lettres, et meme il disait tout haut : " Regardez ce Clavel, un gar9on de Saint-Jean-des-Choux, il connait ses lettres dans une semaine, au lieu que ce grand ane HISTOIRE D*UN HOMME DU PEUPLE. 109 rouge de Materne et ce pendard de Gourdier, depuis trois ans n'ont encore appris qu'a denicher des merles et a deterrer des carottes dans les jardins apres la classe. Ah. ! les gueux ... ah la mauvaise race ! " 11 se fachait eu parlant, et finissait par toraber dessus, de sorto que 1'ecole etait remplie de cris terribles. M. Vassereau repetait sans cesse : " Si vous etes pendus un jour, on ne pourra pas me faire de reproches ; car, Dieu merci ! je m'en donne de la peine pour vous redresser. J'use plus de martinets pour ces Gourdier et ces Materne, que pour tous les autres ensemble ; et encore a ne sert a rien, ils devienneri de pire en pire, et tous les jours on vient se plaindre pres de moi, comme si c'etait ma faute." C'est vers ce temps que M. Yassereau me mit dans la troisieme classe des grands, et qu'il me dit : " Tu previendras madame Balais de t'acheter une ardoise pour e'crire en gros." La mere Balais eut une veritable satisfaction d'apprendre que j'ava^ais. " Je suis contente de toi, Jean-Pierre, me dit-elle ; tu me feras honneur." Tous les gens de la maison, et madame Madeleine elle-meme, avaient fini par s'habituer a me voir ; on ne criait plus contre moi. La petite Annette venait a ma rencontre, quand je sortais de 1'ecole, en disant : " Yoici notre Jean-Pierre ! " J'aurais du me trouver bien heureux, mais j'avais toujours le coeur gros d'etre enferme ; je ne pouvais pas m'habituer a rester assis deux heures de suite sans bouger. Ah ! la vie est une chose dure, et Ton n'arrive pas pour son amusement dans ce monde. Combien de fois, en classe, lorsque le temps e*tait beau, que lo soleil brillait entre les exemples pendues aux fenetres ouvertes, et que de petites mouches dansaient en rond dans la belle lumiere, combien de fois j'oubliais 1'ardoise, 1'exemple et les parafes, la PROGRESSIVE DEADER. vieiile salle, les cainarades et la grainmaire, regardant ce beau jour les yeux tout grands ouverts, comine un chat qui reve, et me representant la cote de Saint- Jean-des-Choux : les hautes bruyeres violettes et les genets d'or ou bourdonnaient les abeilles les chevres grimpant a droite et a gauche dans les roches, allon geant leur long cou maigre et leur petite barbe, pour brouter un bouquet de chevre-feuille dans le ciel pale ; les bosufs couches a 1'ombre d'un vieux hetre, les yeux a demi fermes, mugissant lentement comme pour se plaindre de la chaleur. Et nos coups de fouet retentissant dans les echos de Saint- Witt ; notre petit feu de ronces deroulant sa funiee vers les images ; la cendre blanche ou rotissaient nos pommes de terre ; pins les grands bois de sapins tout sombres, descendant au fond des vallees ; le bour- donnement de 1'eau, le chant de la haute grive a la nuit, les coups de hache des bucherons dans le silence, ebranchant les arbres . . . Combien de fois . . . combien de fois je me suis represente ces choses ! Tout a coup une voix me criait : " Clavel, qu'est-ce que tu regardes ? " Et je fremissais, en me remettant bien vite a ecrire. Rarement M. Vassereau me frappait. II faisait une grande difference entre ses eleves, il ne s'indignait que contre les incor- rigibles. Je crois qu'il devinait mes pensees, et qu'il en avait de semblables, les jours de beau temps, pour son village. A ceux qui viennent du grand air, aux enfants qui, durant des annees, ont niche comme les oiseaux autour des bois, il faut du temps pour s'habituer a la cage, oui, il faut du temps ! Fidee de la verdure leur revient toujours, et la bonne odeur des feuilles, des pres, des eaux courantes, leur arrive par-dessus les remparts. Si nous n'avions pas eu les jeudis, je crois que je serais mort de chagrin ; car, maigre les bonnes soupes de la mere Balais, je maigrissais a vue d'oeil. Heureusement, nous avions les jeudis : Demain nous irons au Haut-Bar, au Geroldseck, a la Roche- Plate. Nous irons cueillir des noisettes au fond de Fiquet, L DUS HISTO1RK D'UN HOMME DU PEUPLE. Ill courrons dans 1'ombre rles sapins, nous grimperons, nous crierons, nous ferons tout ce que nous voudrons. Oli I les jeudis . . . le Seigneur devrait bien en faire deux par semaine. Les dimanches, il faillait nller a la messe et aux vepres, la rnoitie de la journee etait perdue. Mais les jeudis nous parti ons de grand matin, et la mere Balais me disait d'avance : " D.emain, il faut que tu coures, Jean-Pierre ; je ne veux pas te voir maigrir comme c.a. Cette ecole, c'est bon . . . c'est tres- bon ; mais on ne pent pourtant pas s'echiner a rester assis. Les enfants out besoin d'air. Va courir ! Baigne-toi, mais prends garde d'aller dans les endroits dangereux. Avant de savoir bien riager, il faut se tenir sur les bords. 11 n'y a que les betes qui se noient. Prends garde ! mais amuse-toi bien . . . Galope, griinpe ; la bonne sante passe encore avant les quatre regies ; 13 c'est le principal." Elle n'aurait pas eu besoin de me dire tout cela, car j'y pen- sais deux jours d'avance, et je m'en rejouissais. Nous etions trois : le petit Jean-Paul Latouche, le ills da greffier, Emmanuel Dolornieu, le fils de nr/i/re juge de paix, et moi. Annette voulaiv nous suivre ; elle pleurait, elle m'embrassait ; mais madame Ma- deleine ne voulait pas ; et nous etions deja bien loin dans la rue, a courir, que nous entendions encore ses grands cris et ses pleurs. 14 Emmanuel et Jean-Paul avaient toujours quelques sous dans leur poche ; moi je n'av'ais qu'une croute de pain, mais je trou- vais plus de noisettes, plus de brimbelles, plus de tout, et nous partagions. Notre premiere idee etait toujours d'aller nous baigner. Ah ! la riviere de la Zorne, derriere la Roche-Plate, avec ses trembles et ses hetres, nous connaissait bien, et je pourrais encore vcus montrer le bon fond de sable, a droite du vallon de la Cible. Quel bonheur, mon Dieu ! d'ar river au bord de la roche nue ; 112 PROGRESSIVE FRENCH READER. de voir 1'immense vallee au-dessous, pleine de forets ; les grand eg prairies en bas, la riviere qui frissonne sous les trembles : le sen- tier creux qui descend dans le sable brulant, entre les petites racines pendantes oil filent des centaines de lezards, et de se mettre a galoper dans ce sender borde de hautes bruyeres seches ! Quel bonheur d'entrer dans les patufages au fond a perte de vue ; 15 de bien regarder si Ton ne decouvre pas un garde cham- petre avec son ehapeau noir et sa plaque d'etain sur le bras, et d'avancer hardiment dans 1'herbe jusqu'au cou, les uns derriere les autres, pour ne laisser qu'une petite trace ! Quel plaisir d'arriver au bord de la riviere, de mettre la main dedans en criant tout bas : " Elle est chaude ! " de Jeter bien vite a terre sa petite blouse, d'oter ses souliers, son pantalon, ses bas, en se cachant et riant, pendant que Feau siffle et bouillonne sur les cailloux noirs ; puis de se lancer a la file : un . . . deux . . . trois . . . et de descendre le courant comme des grenouilles, sous 1'ombre qui tremblote ; tandis que les demoiselles vertes vont en zigzag et font sonner leurs ailes sous la voute de feuillage ! Deux ou trois jours apres ma premiere communion, la mere Balais me demanda si j'aimais plus un metier qu'un autre. Nous etions justement a dejeuner. Je lui repondis que celui qui me plaisait le plus, c'etait 1'etat de menuisier, parce que rien ne me faisait plus plaisir a voir que de beaux meubles, de grandes com- modes, des armoires bien polies, des cadres en vieux noyer, et d'autres objets pareils. Cela lui plut. " Je suis contente, me dit-elle, que tu choisisses, car ceux qui prennent le premier metier venu montrent qu'ils n'ont d'idee pour aucun. Et quand on est decide, fit-elle en se levant, autant partir tout de suite. Mets ton habit, Jean-Pierre, je vais te con- duire chez le maitre menuisier Nivoi, pres de la fontaine. Tu ne pourrais jamais etre en meilleures mains Nivoi connait la me- uuiserie mieux que pas un autre de la- ville. (7est un homme de bon sens ; il a fait son tour de France, 16 il est meme reste* cinq HIBTOIRE D'UN HOMME D U PEUPLE. 1 1 -J ou six ans a Paris. Je suis sure que pour me faire plaisir, il to recevra d'emblee. Je connaissais le pere Nivoi depuis longtemps, avec sa vesta de drap gris a larges poches carrees, ou se trouvaient d'un cote le metre et le tire-ligne, et de 1'autre la grande tabatiere en car- ton. Sa figure franche, ouverte, ses petits yeux malins me plai- saient. Je n'aurais pas choisi d'autre maitre, et je ui'habillai bien vite, pendant que la mere Balais mettait son chale. Nous sortimes quelques instants apres, sans autres reflexions, et nous arrivaines bientot chez M. Nivoi, qui possedait une petite auberge a cote de son atelier, en face du magasin de bois et de la fontaine. L'auberge avait pour enseigne deux chopes de biere mous- seuse ; elle etait toujours pleine de hussards, qui chantaient pen- dant que la scie et le rabot allaient en cadence. Nous entrames dans 1'atelier vers neuf heures. M. Nivoi, en train de tracer de grandes lignes a la craie rouge sur une planche, fut tout etonne de nous voir. " He ! c'est la mere Balais ! dit-il. Est-ce que la baraque tombe ensemble ? En avant les chevilles ! Non, la baraque est encore solide, repondit la mere Balais en riant. Je viens vous demander un autre service. Tout ce qui vous plaira, dans les choses possibles, bien entendu. Je le savais, dit la mere Balais ; je comptais sur vous. Voici Jean-Pierre que vous connaissez . . . le fils de Nicolas Cla- vel, de Saint-Jean-des-Choux, que je regarde comme mon propre enfant. Eh bien ! il voudrait apprendre votre etat ; il est plein de bonne volonte, de courage, et, si vous le recevez, je suis sure qu'il fera son possible pour vous contenter. Ab ! ah \ dit le pere Nivoi d'un air grave et pourtant de bonne humeur, est-ce vrai, Jean-Pierre ? Oui, monsieur Nivoi, je promets de vous contenter, si c'est possible . . . 8 114 PROGRESSIVE FRENCH READER. Avec moi, c'est toujours possible, dit le vieux memiisier en deposant sa grande regie sur 1'e'tabli, et criant a la porte du cabaret : Marguerite ! Marguerite ! " Aussitot la femme de M. Nivoi, tine femme assez grande, de bonne mine, habillee a la mode des paysans, ouvrit la porte et deinanda : " Qu'est-ce que c'est, Nivoi ? Tu vas tirer une bonne bouteille de rouge, et tu la porteras dans la chambre, la-haut, avec deux verres. Madame Balais et moi nous sommes en affaire, nous avons besoin cle causer." 17 La femme descendit a la cave ; et comme 1'ouvrier de M. Ni- voi, Michel Jary, sec, maigre, de'charne, la figure lougue et pale, cessait de raboter pour nous ecouter, M. Nivoi lui dit: " He ! Michel, ce n'est pas pour toi que je fais rnonter la bou- teille ; tu peux continuer sans gene, madame Balais ne t en vou- dra pas a cause du bruit, ni moi non plus." II dit cela d'un air serieux, en prenant une bonne prise ; et sa femme etant alors devant la porte, sur le petit escalier de bois, avec les deux verres et la bouteille : " Mere Balais, fit-il, je vous montre le chemin." La mere Balais et M. Nivoi etaient done montes dans la chambre ; moi je restais en bas avec Jary, qui continuait a rabo- ter, allongeant ses grands bras maigres d'un air de mauvaise humeur. Je vis tout de suite que nous ne serions pas bons camarades, car au bout d'un instant, s'etant arrete pour rajuster le rabot, il me dit en donnant de petits coups sur la tete du tranchet : " Allons, apprenti, commence par ramasser les copeaux et mets- les dans ce panier." Je devins tout rouge, et je lui repondis au bout d'un instant : " Si monsieur Nivoi veut de moi, je reviendrai cette apres- midi, et je ramasserai les copeaux. Ah ! tu as peur de salir tes beaux habits, fit-il en riant HISTOIRE D'UN HOMME DU PEUPLE. 115 C'est tout simple: quand on s'appelle monsieur Jean-Pierre ; qu'on <3st le premier a 1'ecole, qu'on connait I'orthographe, et qu'on porte chapeau, de se baisser, a fait mal aux reins." II me dit encore plusieurs autres choses dans le rneme genre eomme je ne repondais pas, tout a coup la voix du pere Nivoi se niit a crier de la lucarne : " He ! dis done, Jary, mele-toi de ce qui te regarde. 18 Je ne te donne pas cinquante sous par jour pour observer si Ton a des chapeaux on des casquettes. Tu devrais etre honteux d'ennuyer un enfant qui ne te dit rien. Est-ce que c'est sa faute, s'il n'est pas aussi bete que toi ? " Aussitot Jary se remit a raboter avec fureur ; et quelques ins- tants apres la mere Balais et M. Nivoi redescendirent 1'escalier. " Eh bien ! c'est entendu, disait M. Nivoi ; Jean-Pierre viendra tout de suite apres diner et son apprentissage commencera. Je le prends pour quatre ans. Les deux premieres annees, il ne ma servira pas beaucoup, niais les deux autres seront pour les frais d'apprentissage. Si vous voulez un ecrit ? dit la mere Balais. Allons done ! entre nous un ecrit, s'ecria le vieux menui- sier. Est-ce que je ne vous connais pas ? " Us traversaient alors 1'atelier. " Arrive, Jean-Pierre," me dit la mere Balais. Et nous sortimes ensemble. Dans la rue, M. Nivoi fit quelques pas avec nous, en expliquant que je devais arriver chaque matin a six heures en ete, a sept en hiver; que j'aurais une heure a midi pour aller diner, et que le soir a sept heures je serais libre, ainsi que toutes les jouniees des dimanches et grandes fetes. Ces choses etant bien entendues, il rentra dans 1'atelier, et noua retourimmes chez nous. Durant six ans, je restai chez le pere Nivoi. Que de travail, que de tristesse, et pourtant que de bonheur aussi pendant cea longues annees d'apprentissage ! Tout revit en moi, tout se 116 PROGRESSIVE FRENCH READER. reveille! J'entends le rabot courir, la scie crier, la marteau resonner sous le grand toit de 1'atelier ; j'entends les verres tintei au cabaret voisin, les hussards chanter " En avant, Fanfan la Tulipe ! " je vois les copeaux rouler sous Fetabli ; je les repousse du pied, les joues et le front converts de sueur. Et le grand Jary, cet etre pale, maigre, les cheveux ebouriffes, je le vois aussi, je 1'entends me donner des ordres : " Appreriti, le' rabot! Apprentices clous! Enleve-moi cette sciure, ap- prenti, et plus vite que ^a. Qu'est-ce que c'est ? tu te meles d'ajuster . . . Ha ! ha ! de bel ouvrage ! Comme c'est rabote ! . . . Comme c'est scie ! . . . Le patron va gagner gros avec toi ... II n'a qu'a faire venir du vieux chene, pour t'apprendre a massacrer ! " Ainsi de suite. Et toujours de la mauvaise humeur, toujours des coups de coude en passant. " Ote-toi de la, tu ne fais rien de bon ! " Quelle patience, mon Dieu ! quelle bonne volonte d'apprendre il faut avoir, pour, vivre avec des gueux pareils, sans foi ni loi, sans coeur ni honneur ! Plus 1'ouvrage est bon, plus il-s le trouveut mauvais, plus 1'envie leur aigrit le sang, plus ils ver- dissent et jaunissent. S'ils osaient vous attaquer! . . . Mais la courage leur manque. Pauvres diables ! . . . pauvres diables ! . . , Voilk pourtaiit la vie, voila le soutien qu'il faut attendre dana ce bas monde. Le pere Nivoi voyait la jalousie de ce mauvais gueux, et quel quefois il s'ecriait: "He! Michel, tache done d'etre plus honnete avec Jean- Pierre. Tu n'as pas toujours ete malin pour raboter une planche et pour enfoncer un clou ; 9a ne t'est pas venu tout seul ... II t'a dlu des annees et des annees. Et maigre tout, tu n'es pas encore le grand chambellan du rabot et de Fequerre, comme on disait sous Fautre ; 20 tu n'as pas encore deux clefs dans le dos, qui marquent ta grandeur. S'il avait fallu attendre sur toi pour inventer les chevilles, on aurait attendu longtemps. Je te defends! HISTOIRE D'UN HOMME DU PEUPLE. 117 d elre grossier avec 1'apprenti ; je ne veux pas de ga . . . Tu m'entends ? " Malheureusement, le brave homme n'etait pas toujours a 1'ate- Jier; il a^sait des entreprises en ville, et Jary le voyait a peine dehors, qu'il se vengeait sur moi d'avoir ete force d'entendre sea plaisanteries. Au milieu de ces miseres, j'avais pourtant quelques instants de bonkeur, et mon attachement pour la mere Balais augmentait toujours. II ne s'etait pas encore passe six mois, que M. Nivoi m'avait permis d'emporter des copeaux a la maisou. J'en mettais dans mon tablier tant qu'il pouvait en entrer. Avec quelle joie je criais sous la porte : " Mere Balais, voici des copeaux ! nous pouvons faire bon feu, le bois ne va plus inanquer ! " Elle, voyant la joie de mon creur, faisait semblant de regarder ces copeaux comme grand'chose : u Je n'ai jamais vu d'aussi belle flamme, disait-elle. Et puis, ga chaufFe, Jean-Pierre, que c'est un veritable plaisir." Un peu plus tard, au bout de Tannee, connaissant un peu 1'etat, j'avais arrange le fruitier d'une maniere admirable, par couches de lattes bien solides. C'est a cela que je passais rnes dimanches. Et, plus tard encore, la famille Dubourg ayant loue dans les environs de la ville un petit jardin, c'est nioi qui construisis leur gloriette ; c'est moi qui posai la petite charpente et qui garnis i'interieur de paillassons, en croisant dehors le treillage pour les plantes grimpantes. La petite Annette venait me voir et trouvait tout tres-beau ; madame Madeleine elle-meme me faisait des compliments, et la mere Balais disait sans gene : fc< Jean-Pierre sera le nieilleur ouvrier de Saverne; il sera nieme trop bon pour ce pays. C'est dans les capitales que les niaitres ouvriers doivent aller ; c'est la qu'ils s'elev-ent et qu'ils finissent nieme par epouser la fille d'un riche fabricant, soit en 118 PROGRESSIVE FRENCH READER. clavecins, soit en meubles rares de toute sorte : armoires, com modes, volieres. J'ai vu cela cent fois, particulierement a Vienne en Autriche, et a Berlin, oil les gens riches ont 1'usage de nmrier le^rs filles avec des ouvriers de bon sens." Elle voyait tout en beau, parce qu'elle ni'aimait. Les Dubourg, contents de leur gloriette, ne repondaient rien ; mais je voyais pourtant aux yeux de madame Madeleine qu'elle trouvait ces eloges trop grands, et qu'elle aurait bien voulu pou- voir en rabattre. Ce qui fachait le plus Jary contre moi, c'etaient les copeaux ; car jusqu'alors lui seul les avait pris, pour les donner a rune de ses connaissauces de la ruelle des Aveugles. Eniin on ne peut pas contenter tout le monde. Cela dura bien un an de la sorte. Je n'etais pas encore bien adroit dans notre metier, mais assez souvent M. Nivoi m'avait charge de faire de petits meubles, comme les cassines qu'on nous commandait au college, et toujours il avait paru content. " C'est bien, Jean-Pierre, disait-il, cela pent aller ; il manque encore la derniere main. Voici des jointures qui ne sont pas assez serrees, cette charniere est trop lache ... la serrure a pris trop de bois . . . Mais, pour un apprenti, cela marche tres- bien." Naturellement Jary, ces jours-la, se montrait encore plus mau- vais qu'a 1'ordinaire ; aussitot le maitre sorti de Fatelier, il tour- nait en nioquerie ses compliments et traitait mon ouvrage de savate. 21 S'il avait pu tout casser et detraquer, il Tarn-ait fait volon tiers ; mais il n'osait pas, et regardait settlement en levant ses deux epaules maigres, et disait : " Ah ! le beau chef-d'ceuvre ! Ecoutez comme ^a s'ouvre, comme ga se ferme ! " II faisait aller le couvercle en repetant : " Cric ! crac ! c'est un meuble a musique . . . Qa crie ... on chante . . . $a possede tous les agrements ensemble. On peut niettre des livres dans la cassine, et jouer en meme temps de la HISTOIRE D'UN HOMME DU PEUPLE. ll\9 musique au professeur . . . Continue, Jean-Pierre, tu promets, tu promets ! " II souffiait dans ses joues, et se tenait les deux mains sur les cotes, comme pour s'empecher de rire. On pense si j'etais indigne ; je voyais sa mechancete. Si je n'avais pas eu tant d'egards pour M. Mvoi, pour la mere Balais et tout le monde, j'aurais dit a ce gueux ce que je pensais de lui. J'avais bien de la peine a me contenir, mais un beau matin la coupe fut pleine, et je vais vous raconter les choses en detail, parce qu'il faut tout expliquer, pour que les honnetes gens voient clairement de quel cote se trouvent les torts, et qu'ils se disent en eux-memes : " C'etait trop . . . cela ne pouvait pas durer . . . nous en aurions fait autant." Voici done comment la chose finit. Au commencement de ma troisieme annee d'apprentissage, quelques jours avant la Sainte-Anne, qui tombe le 27 juillet, un soir, au moment de partir, M. Nivoi me dit, apres avoir regarde mon travail : " Jean-Pierre, je suis content de toi, tu m'as rendu deja de veritables services, et je veux te montrer ma satisfaction. Dis- moi ce qui peut te faire plaisir." En entendant ces paroles, je sentis mon cosur battre. Jary, qui pendait son tablier et sa veste de travail au clou, se retourna pour ecouter. J'aurais bien su quoi repondre, mais je n'osais pas. Et comme j'etais la tout trouble, le pere Nivoi me dit encore : " He ! tu n'as jamais rien re$u de moi, Jean-Pierre ! " En meme temps il tirait de sa poche une grosse piece de cinq francs, qu'il faisait sauter dans sa main, en disant : " Est-ce qu'une piece de cinq francs ne t'irait pas, pour faire le gar$on ? 22 Reponds-moi hardiment ; qu'est-ce que tu penses d'une piece de cinq francs dans la poche de Jean-Pierre ? " Mon trouble augmentait, parce que depuis long temps j'avais une autre idee, une idee qui me paraissait magnifique, mais qui 120 PROGRESSIVE FRENCH READER. devait coftter cher. Je n'osais pas le dire, et pour tan t, a la fin, ramassant tout mon courage, je repondis : " Monsieur Nivoi, mon plus grand bonheur est d'abord de savoir que vous etes content de moi ; oui, c'est une grande joie, princi- paleraent a cause de la mere Balais . . . Sans doute, sans doute, fit-il attendri ; mais toi, qu'est-ce que tu voudrais, qu'est-ce que tu pourrais desirer ? Eh bien ! monsieur Nivoi . . . Mais je n'ose pas. Quoi ? Eh bien, ce qui me ferait le plus de plaisir, ce serait Je montrer de mon travail a la mere Balais." Et conime M. Nivoi ecoutait toujours : " Nous avons a la maison une vieille table qui boite, lui dis-je, une table ronde et pliante ; il faut mettre quelque chose sous un pied, pour 1'empecher de boiter. Et si c'etait un effet de votre^ bonte de m'en laisser faire une autre, elle arriverait juste pour la Sainte-Anne. Oh ! oh ! s'ecria le pere Nivoi d'un air a moitie de bonne humeur, a moitie fache, sais-tu bieu ce que tu me demandes ? Une table, une table ronde ; du vieux noyer encore, bien sur ? Oh non ! en chene. En chene . . . c'est bon ... en chene . . . mais . . . et ton travail pendant huit jours, dix jours, tu comptes $a pour rien ! Oh ! je travaillerais le soir, monsieur Nivoi, je reviendrais apres la journee deux ou trois heures." Alors il parut reflechir et toussa deux ou trois fois dans sa main sans repondre, et seulement ensuite il dit : " C'est pour la fete de la mere Balais ? Oui. Et cette idee t'est venue comme a ? Oui, ce serait mon plus grand bonheur. Eh bien ! soit, fit-il, j'y consens ; tu travailleras le soir, et je te laisse le choix du bois. Arrive, il ne fait pas encore entrons au magasin." HISTOIRE D'UN HOMME DU PEUPLE. 121 Aussitot Jary sortit et nous entrames au inagasin. II y avail de belles planches, et je regardais du vieux poirier qui m'aurait bien convenu, mais c'etait trop cher. Je venais de prendre du chene, quand M. Nivoi s'ecria : " Bah ! puisque nous sommes en train de faire de la depense, autant que ce soit tout a fait bien. 23 Moi, Jean-Pierre, a ta place, je choisirais ce poirier." Cela me fit une joie si grande,, que je ne pus seulement pas repondre ; je pris la planche sur mon epaule, et nous rentrames dans Patelier, ou je la posai contre le mur. Tout ce que j'avais Bouhaite depuis deux ans arrivait. Je me representais le bonheur de la mere Balais. Je voyais deja dans cette planche les quatre pieds, le dessus, le tour ; je voyais que ce serait tres-beau, que j'en aurais meme de reste, et tout cela me serrait le cceur a force de contentement et d'attendrissement. II ne m'etait jamais rien arrive de pareil ; et dans le moment ou je sortais en refermant Tatelier, M. Nivoi, qui voyait sur ma figure tout ce que je pensais, me demanda : " Est-ce que tu reviendras travailler ce soir ? Oh ! oui, monsieur Nivoi, si vous voulez bien. Bon, bon, on mettra de 1'huile dans la lampe." Je retournai chez nous tellement heureux, que j'arrivai dans notre petite allee sans le savoir. Je ne pensais plus qu'a ma table, et, tout de suite apres le souper, j'allai prendre mes mesures et me mettre au travail. Le plan de cette table etait si bien dans ma tete que, au bout du troisienie jour, toutes les pieces se trouvaient decoupees et degrossies ; il ne fallait plus que les assembler, les raboter et les polir. M. Nivoi, deux ou trois fois le soir, vint me voif a 1'ceuvre ; il examinait chaque piece Tune apres Tautre sur toutes les faces, en fermant un ceil, et finalement il me dit : "Eh bien ! Jean-Pierre, maintenant que Fouvrage avance, je dois te dire que tu as joliment profite de tes deux ans d'appren tissage, et que, pour etre juste, au lieu de recevoir du vieux poi rier, c'est toi qui me devrais encore du retour." 122 PROGRESSIVE FRENCH READER. Je petillais de joie, cela m'entrait jusque dans les chevenx. "Enfin, dit-il, j'espere que tu me recornpenseias par ton tra- vail. Monsieur Nivoi, je serai votre ouvrier tant que vous vou- drez ! m'ecriai-je ; je ne merite pas vos bontes. Tu les merites cent fois, dit-il ; tu es un bon ouvrier, un brave coeur, et, si tu continues, tu seras un honnete homme. Va, mon enfant, la mere Balais sera contente, et je le suis aussi." II sortit alors, et cette nuit j'avangai tellement Touvrage, que toutes les pieces etaient jointes vers les dix heures, excepte le des- sus. Le lendemain je fis le dessus ; je repassai tout a la couronne de prele, et j'appliquai le vernis pour cornmencer a polir la nuit , suivante. Personne ne savait rien de tout cela chez nous ; la surprise et la joie devaient en etre d'autant plus grandes. Mon coeur nageait de bonheur. Je n'avais qu'une crainte, c'etait qu'on apprit quel- que chose par hastird ; et plus le moment approchait, plus mon inquietude et ma satisfaction augmentaient. Jary, durant ces huit jours, n'avait rien dit ; seulement il ser- rait les dents et me regardait d'un mauvais ceil. Moi, je ne disais rien non plus. Ma table deja construite se trouvait dans un coin eloigne* de fetabli. En entrant, le matin du jour ou je devais commencer a polir, je regarde pour voir si le vernis avait seche, et qu'est-ce que je vois ? un trou gros comme les deux poings dans la planche du milieu sur le bord. Je devins tout pale, et je tournai la tete. Jarv -rait en dessous. " Qu'est-ce qui a fait a ? lui dis-je. C'est le gros rabot, repondit-il en eclatant de rire ; il ne faut pas mettre les beaux ouvrages sous la planche aux rabots, parce que quand les rabots tombent, ils font des trous. Et qu'est-ce qui a fait tomber le gros rabot ? (7est moi, dit-il en riant plus fort ; j'en avais besoin." A peine avait-il repondu : " C'est moi ! " que je tombai sur le HISTOIRE D'UN HOMME DU PEUPLE. 123 gueux coinme un loup. J'avais la tete de moins que lui, sea mains etaient larges deux fois comme les miennes, mais du pre- mier coup il fut c'llbute, les jambes par-dessus la tete, et je lui posai les genoux sur la poitrine, pendant qu'il me serrait en criant : " Ah ! brigand ... ah ! tu oses ! . . . o Oui, j'ose, lui dis-je," en ecumant et lui donnant des coups terribles sur la figure. Nous roulions dans les copeaux, il allongeait ses larges mains calleuses pour m'etrangler ; mais ma fureur etait si grande, que malgre sa force j'avais presque fini par I'assommer, lorsque le pere Nivoi et trois hussards accoururent a nos cris, et m'arra- cherent de dessus lui, comme un de ces dogues qu'il faut mordre pour les faire lacher. Us me tenaient en Fair par les bras et lea jambes, j'avais des tremblements et des fremissements. Le grand Jary se leva en criant : " Je te rattraperai ! " Mais a peine avait-il dit: "Je te rattraperai!" que je me lachai d'une secousse, et que je le bousculai sur la table comme une plume. II criait : " A 1'assassin ! . . . a I'assassin ! . . ." II fallut m'arracher encore une fois, et m'entrainer dans la chambre voisine. Le pere Nivoi demandait : " Qu'est-ce que c'est ? Alors, fondant en larmes, je lui dis : " II a casse ma table expres. Ah ! il a casse ta table ! fit-il ; le gueux . . . le lache ! . . Ah ! il a casse ta table expres . . . Eh bien ! tu as bien fait, Jean- Pierre. Mais il peut se vanter d'en avoir re9u . . , 24 Voila pour- tant la colere d'un honnete homme qu'on vole." Les hussards ine regardaient tout surpris et se disaient entre eux: " Tonnerre ! c'est pire qu'un chat sauvage ! " La femme de M. Mvoi venait de porter dans Tatelier un 121 PROGRESSIVE FRENCH READER. baquet d'eau fraiche, oil Jary se lavait la figure. Je Pentendais gemir ; il disait : " Je ne travaillerai plus avec ce brigand, il a voulu m'assassiner." En meme ternps, il sanglotait comme un lache, et M. Nivoi etant retourne le voir, lui dit : " Tu as re$u ton compte . . . c'est bien fait. Tu ne veux plus travailler avec cet enfant, tant mieux ! C'est une bonne occasion pour moi d'etre debarrasse d'un envieux, d'un imbecile. Va te faire panser chez M. Harvig. Tu pourras revenir ce soir ou de- main, si tu veux, pour recevoir ton arriere. Mais tu ne rentreraa pas dans 1'atelier ; tu viendras dans cette chambre, car si Jean- Pierre te voyait, il te dechirerait. Lui ! cria Jary. Oui, lui ! Ne crie pas si haut, il est encore la ; les hussards le retiennent, mais il pourrait s'echapper." Nous n'entendimes plus rien ! Quelques instants apres, M. Nivoi revint en disant : " Le gueux est parti. J'ai regarde le trou de la table ; nous allons changer tout de suite la planche du milieu, Jean-Pierre, et demain tout sera pret pour la fete de la mere Balais. Ainsi con- sole-toi, sois content, tout peut etre repare ce soir." Je me remis alors, et je fus bien etonne de voir que j'avais battu le grand Jary. Je pensai en moi-meme : " Ah ! si j'avais su cela plus tot, tu ne m'aurais pas tant ennuye depuis deux ans, mauvais gueux ! J'aurais commence par ou j'ai fini ; mais il vaut mieux tard que jamais." EKCKMAXN-CHATRIAJI LA jeunesse est genereuse, sensible, brave, et les vieillards la disent prodigue, incousideree, temeraire. La vieillesse est menagere, sage, prudente, et les jeunes homines la disent avare, e*goiste, poltronne. TOPFFEB LES DJINNS. XXXIX. LES DJINNS. 1 MURS, ville, Et port, Asile De mort, Mer grise Oil brise La brise ; Tout dort. Dans la plaine Nait un bruit. C*est 1'haleine De la nuit. Elle brame 2 Comme une ame Qu'une namme Toujours suit. La voix plus haute Semble un grelot. D'un nain qui saute C'est le galop : II fuit, s'elance, Puis en cadence Sur un pied danse Au bout d'un not. La rumeur approclie ; L'echo la redit. C'est comme la cloche D'un couvent maudit ; -^ PROGRESSIVE FRENCH READER. Comme un bruit de foule, Qui tonne ef qui roule, Et tantot s'ecroule Et tantot grandit. Dieu ! la voix sepulcrale Des Djinns . . . ! Quel bruit ils font ! Fuyons sous la spirale De 1'escalier profond ! Deja s'eteint ma larnpe ; Et Pombre de la rampe, Qui le long du mur rampe, Monte jusqu'au plafond. C'est Fessaim des Djinns qui passe, Et tourbillonne en sifflant. Les ifs, que leur vol fracasse, Craquent comme un pin brulant. Leur troupeau lourd et rapide, Volant dans Pespace vide, Semble un nuage livide Qui porte un eclair au flanc. 8 Ils sont tout pres ! Tenons fermee Cette salle ou nous les narguons. Quel bruit dehors ! hideuse armee De vampires et de dragons ! La poutre du toit descellee Ploie ainsi qu'une herbe mouillee, Et la vieille porte rouillee, Tremble, ^ d^raciner ses gonds ! - LES DJINNS. 127 Cris de 1'enfer ! voix qui hurle et qui pleure L'horrible essaim, pousse par 1'aquilon, Sans doute, 6 ciel ! s'abat sur ina demeure. Le mur flechit sous le noir bataillon. La maison crie et chancelle penchee. Et Ton dirait que, du sol arrachee, Ainsi qu'il chasse une feuille sechee, Le vent la roule avec leur tourbillon ! Prophete ! si ta main me sanve De ces impurs demons des soirs, J'irai prosterner mon front chauve 4 Devant tes sacres encensoirs ! Fais que sur ces portes fideles Meure leur souffle d'etincelles, Et qu'en vain 1'ongle de leurs ailes Grince et crie a ces vitraux noirs ! Us sont passes ! Leur cohorte S'envole et fuit, et leurs pieds Cessent de battre ma porte Be leurs coups multiplies. L'air est plein d'un bruit de chaines, Et dans les forets prochaines, Frissonnent tous les grands chenes, Sous leur vol de feu plies ! De leurs ailes lointaines Le battement decroit, Si confus dans les plaines, Si faible que Ton croit Ouir la sauterelle Crier d'une voix grele, Ou petiller la grele Sur le plomb d'un vieux toitt 128 PROGRESSIVE FRENCH SEADEI D'etranges syllabes Nous viennent encor ; Ainsi, des Arabes Quand sonne le cor, Uu chant sur la greve, Par instant s'eleve, Et 1 'enfant qui reve Fait des reves d'or ! Les Djinns funebres, Fils du trepas, Dans les tenebres Pressent leurs pas : Leur essaim gronde : Ainsi, profonde, Murmure une onde Qu'on ne voit pas. Ce bruit vague Qui s'endort, C'est la vague . Sur le bord ; C'est la plainte Presque eteinte D'une sainte Pour un mort. On doute La nuit . . . J'ecoute : * Tout fuit, Tout passe ; L'espace Efface Le bruit VICTOR HUGO (b. 18021 LE HANNETON. 129 XL. LE HANNETON. J AI connu des gens eleves sur le seuil de la boutique de leur pere ; ils avaient retenu de ce genre de vie certaine connaissance pratique des hommes, certain penchant musard, 1 le gout des rues, quelques trivialites d'idees, la morale et les prejuges du quartier. On en a fait des avocats, des ministres, et, dans chacune de ces vocations, ils ont apporte de ce seuil de boutique bien des elements bons ou mauvais, toujours inefi^ables. D'autres, en ce temps-la, je veux dire vers quinze ans, avaient leur petite chambre sur une cour silencieuse, sur des toits deserts. Ils y sont devenus meditatifs, peu au fait des affaires de la rue, assez riches d'observations privees sur un petit nombre de voisins. Ils y ont acquis une connaissance de rhomme moins generale, mais plus iiitime. Combien de fois aussi, prives de tout spectacle, ils ont vecu avec eux seuls, pendant que Fautre, sur son seuil. toujours recree par la vue de quelque objet nouveau, n'avait ni le temps ni Fenvie de faire connaissance avec lui-meme ! Avocat ou ministre, pensez-vous que celui de la petite chambre n'aura pas une maniere autre que celui du seuil? Et ce qu'on voit passer de son logis, et les gens qui circulent autour, et les bruits qui s'y entendent, et les objets tristes ou riants qui s'y rencontrent, et le voisinage et les cas fortuits ? Oh ! que 1'education est une chose difficile ! Tandis qu'a lumineuse intention, sur le conseil d'un ami ou d'un livre, vous dirigez Tes- prit et le coeur de votre fils vers le cote qui vous agree, les choses, les bruits, les voisins, les cas fortuits conspirent contre vous, ou vous secondent sans que vous puissiez detruire ces influences ni vous passer de leur concours. Plus tard, il est vrai, apres vingt, vingt-cinq ans, le logement fait peu. 2 II est triste ou gai, confortable ou delabre, mais c'est une ecole ou les enseignements ont cesse. A cet age rhomme fournit sa carriere, 8 il a atteint ce nuage d'avenir qui, tout k 9 130 PROGRESSIVE FRENCH READER. 1'heure encore, lui paraissait si lointain ; son ame n'est plus reveuse et docile ; les objets s'y mirent, mais ils n'y laissent plus d'empreinte. Pour moi, j'habitais un quartier solitaire. C'est derriere It temple de Saint-Pierre, 4 pres de la prison de 1'eveche. Par- dessus le feuillage d'un acacia, je voyais les ogives du temple, le has de la grosse tour, un soupirail de la prison, et au dela, par une trouee, le lac et ses rives. Quels beaux enseignements, si j'avais su en profiter! Combien la destinee m'avait favorise entre les garcons de mon age ! si j'ai mal profite, je tire gloire neanmoins d'etre issu de cette ecole, plus noble que celle du seuil de boutique, plus riche que celle de la chambre solitaire, et d'ou devait sortir un poete, pour pen que ma nature s'y fut pretee. 5 Au fait, tout est pour le mieux ; car je me doute qu'a aucune epoque les poetes n'ont ete heureux. En savez-vous un, parmi les plus favorises, qui ait jamais pu etancher sa soif de gloire et d'hommages ? en connaissez-vous un, parmi les plus grands, et surtout parmi ceux-la, qui ait jamais pu etre satisfait de ses osuvres, y reconnaitre les celestes tableaux que lui revelait son genie ? Vie de leurres, de deceptions, de degouts ! Et encore, ceci n'en est que la surface ; je m'imagine qu'elle recouvre des troubles plus grands, des degouts plus amers. Ces tetes-la se forgent une felicite surhumaine que chaque jour de^oit ou ren- verse ; ils voient par dela les cieux, et ils sont clones a la terre ; ils aiment des deesses, et ne rencontrent que des mortelles. Tasse, Petrarque, Racine, ames tendres et inalades, coeurs jamais paisibles, toujours saignants ou plaintifs, dites un peu ce qu'il en coute pour etre immortels ! Ceci est 1'effet et la cause. C'est parce qu'ils sont poetes qu'ils eprouvent ces tourments ; c'est parce qu'ils eprouvent ces tour- . ments qu'ils sont poetes. De cette lutte qui se fait en eux jaillit, comme 1'eclair de la nue, cette lumiere qui nous frappe dans leurs vers ; la souffrance leur revele les joies, les joies leur apprennent la souffrance, leurs desirs vivent a cote de leurs deceptions ; de ce LE HANNETON. 131 riche chaos, de ces fecondes douleurs naissent leurs sublimes pages. Ainsi ce sont les vents orageux qui tirent de si doux sons de cette harpe solitaire. Je m'etonne done moins d'avoir ou'i dire a un homme de sens qu'il vaut mieux etre 1'epicier du coin que le poete du monde ; Giraud, que Dante Alighieri. Cette idee que je me fais du poete, elle est si vraie, que voyez, je vous prie, a quoi pretendent tout d'abord ceux qui aspirent a cette vocation. N'est-ce point a ce trouble, a ces peines, a ce riche chaos, si possible ? 6 Ainsi que Ton singe la vertu par des paroles de saintete, ils singent, eux, la poesie par des paroles de tristesse, d'angoisse, d'ineffables douleurs ; ils souffrent dans leurs vers, ils gemissent dans leurs vers, ils y trainent a vingt ans un reste eteint de vie decoloree, 7 ils y meurent : presque tous com- mencent par la. Ah ! mon ami, il n'est pas $i facile que tu penses d'etre triste, malheureux, afflige ; d'etre tourmente de desirs, fas- cine d'extase ; de decolorer sa vie, de mourir comme. Millevoye ! 8 Ote done ton masque, que nous voyions ta face rejouie. Pour- quoi, pourquoi, mon gros camarade, ne pas suivre ta nature ? Quel avantage si grand trouves-tu done a passer pour gemissant et plaintif, pour mort et jamais enterre ? Au reste, quand je parle de fecondes douleurs, je n'entends point dire par la que tout grand poete gemit et pleure necessaire- ment dans ses vers, mais, au contraire, que ses plus riantes extases recouvrent d'ainers deplaisirs. Alors meme qu'il nous entraine dans un aimable Elysee, alors meme qu'il peint la beaute sous ses plus celestes traits, c'est le vide de la terre qui le fait deployer son essor vers ces hauteurs fortunees ; il est peintre de la sante, parce qu'il est malade ; de 1'ete, parce qu'il erre sur les glaces ; des eaux fraiches, parce que tout est aride alentour. Le malheur- eux goute quelques instants d'ivresse, et il nous fait boire a sa coupe. Pour nous le nectar, pour lui la lie. Mais voici qu'a ce propos 9 je decouvre une pensee honteuse qui se cache derriere un repli de inon cerveau; c'est la pensee 13fc PROGRESSIVE FRENCH READER. que je suis bien aise, pour mes plaisirs, qu'il ait existe de ces ames souffrantes . . . que des infortunes aient vecu de peines durant de longues annees, pour laisser quelques . pages, quelques strophes qui me charment, qui m'emeuvent un instant ! . . . Pro- fond egoisme du coeur, cruaute du plaisir qui s'immole tout a lui-rueine ! Mais aussi . . . Racine epicier ! Yirgile detaillant ! . . . Kon je n'ai pas encore assez de sens ; sur mon crane chenu n'ont pas passe assez d'annees encore. Un jour viendra, et trop tot, ou plus sense, non moins ego'iste, je tiendrai ce propos devant les jeunes hommes. Et la pensee que je radote, s'elevant dans leur cerveau, s'epandra sur leur front et ne s'arretera que sur leurs levres. II y a dans le cerveau beaucoup de ces pensees honteuses qui se cachent par pudeur, qui se taisent crainte de se faire honnir, qui parfois, venant a surgir hors de leur cachette, font circuler la rougeur sur les fronts honnetes. 10 Un jour, un homme fit une battue dans son propre cerveau ; n il en sonda les replis ; .il cher- cha dessus, dessous ; il visita les plus obscurs recoins, et, de ce qu'il trouva, fit un livre, le livre des Maximes, miroir fidele ou 1' homme se voit bien plus laid qu'il ne croyait 1'etre. Le due, en cela, avait suivi la maxime de Socrate, qui exhorte Thomme a regarder dans son cerveau. FvKtOi csavrov (c'est du grec) ne signifie pas autre chose. Pour moi, je doute fort s'il y a beaucoup a gagner dans cette habituelle contemplation. Sur bien des choses,'il vaut mieux s'ignorer soi-meme. Certains, a se connaitre mieux, deviendraient pires. Tel, voyant son champ ingrat au bon grain, prend 1'idee de tirer parti des mauvaises herbes. 12 Aussi je ne regarde plus tant dans mon cerveau, mais ce m'est un passe-temps des plus recre'atifs que de lorgner dans celui des autres. J'y applique la loupe, le microscope, et vous ne sauriez croire ce que j'y decouvre de petites particularites curieuses, sans compter les grosses qui se voient a 1'ceil nu, et les monstruosite's qui frappent a distance. Bien fou Gall, qui pretend 13 juger du LE nANNETON. 133 "rmtenu par le contenant, et du gout d'une orange par ses asp& rites, ct'un onguent par la boite. Moi, j'ouvre et je goftte ; j'ote le couvercle et je flaire. Irnaginez-vous que tons les cerveaux sont faits de meme ; j'en- tends qu'ils ont tons le meme nombre de loges, contenant lea memes germes, ainsi qu'en toute orange meme nombre de pepins habitent, meme nombre de loges pareillement disposees. Mais voici que bientot, de ces germes, les uns avortant, les autres se developpant outre mesure, il resulte des disproportions d'ou eclatent ces differences de caractere qui font les hommes si dissemblables. Ce qui est curieux, c'est qu'il y a un de ces germes qui n'avorte jamais, qui s'alimente de rien comme de beaucoup, qui prend sa oroissance Tun des premiers et decroit le dernier de tous ; si bien que celui-la mort, on peut etre assure que tout le reste de l'homme a cesse de vivre : c'est celui de la vanite. Je tiens ceci d'un visi- teur de morts, 14 lequel m'a confie que, pour sa part, il s'en tenait a ce signe, le regardant comme plus stir que tout autre ; en sorte qu'appele aupres d'un defunt, il s'assurait tout d'abord qu'il n'y eut plus envie aucune de paraitre, 15 aucun soin de son air, de sa pose, nul souci du regard des autres ; auquel cas, sans meme tater le pouls, il donnait son permis ; et que, pour avoir toujours pratique cette recette, il etait convaincu de n'avoir jamais en- voye en terre un vivant, ce que,.disait-il, font solvent ses con- freres, lesquels s'en tienrient au pouls, au souffle, et autres signes incomplets. II pretendait, ce visiteur, que ce n'est pas tant selon la condi- tion, la ricliesse ou la profession, que ce bourgeon -la varie ; que, si quelque chose influe, ce serait plutot 1'age. Dans Tenfance, il n'est pas le premier a se montrer ; dans la jeunesse, il n'est pas le plus gros ; mais, des vingt ans, c'est un tubercule respectable et vorace, qui s'alimente de tout. J'oublie que c'est de mon logis que je voulais parler. J'y cou- lais dans une paix profonde les riants loisirs de ma premiere 134 PROGRESSIVE FRENCH READER. adolescence, vivant peu avec mon maitre, plus avec moi-meine; beaucoup avec Eucharis, 16 avec Galatee, avec Estelle surtout. II y a un age, un seul a la verite, et qui clure peu, ou les pas- torales de M. de Florian ont un charme tout particulier ; j'etaia a cet age. Rien ne me semblait aimable comme ces jeunes ber- geres ; rien de naif comme leurs phrases precieuses 17 et leurs sentiments a 1'eau de rose ; rien de champetre, de rustique comme leurs elegants corsages, comme leurs gentilles houlettes a rubans flottants. A peine trouvais-je aux plus jolies demoiselles de la ville la moitie de la grace, de 1'e'legance, de 1'esprit, du sentiment surtout, de mes cheres gardeuses de moutons. Aussi leur avais-je donne mon coeur sans reserve, et ma novice imagination se char geait de le leur garder fidele. 18 Le malheur de cette passion-la, c'est que je n'osais pas m'y livrer avec securite ; et ceci, a cause d'un entretien tres-grave que j'avais eu tout recemment avec mon maitre. C'etait a propos de la belle conduite de Telemaque 19 dans 1'ile de Calypso, alors qu'il quitte Eucharis pour la vertu, laquelle conduite nous traduisions ensemble en fort rnauvais latin : Et il precipita Telemaque dans la mer . . Et Telemachum in mare de rupe prcecipitavit, venais-je de tra- duire, lorsque M. Ratin, c'etait mon maitre, s'avisa de me deman- -ier ce que je pensais de ce precede de Mentor. Cette question m'embarrassa fbrt, tant je savais deja qu'il ne faut. point blamer Mentor devant son precepteur. Cependant, au fond, je trouvais que Mentor s'etait comporte, en cette occasion, d'une fa9on brutale. " Je pense, repondis-je, que Telemaque fut bien heureux d'en etre quitte pour avoir bu Fonde amere. 20 Vous ne comprenez pas ma question, reprit M. Ratin. Telemaque etait amoureux de la nymphe Eucharis ; or, 1'amour est la passion la plus funeste, la plus meprisable, la plus contrairu a la vertu. Un jeune homme qui aime s'adonne au relachemen- LE HANNETON. 135 et a la mollesse ,* il n'est plus bon a rien qu'a soupirer aupres d'une femme, comme fit Hercule aux pieds d'Omphale. Le pro- cede du sage Meritor etait done le plus admirable entre tous pou* arreter Telemaque sur les bords de 1'abime. Voila, ajouta M Ratin, ce que vous auriez du me repondre." C'est de cette facon indirecte que j'ai appris que mon cas etait grave et que j'avais deja bien devie de la vertu; car j'aimaia Kstelle tout aussi evidemment, a mes yeux, que 1'autre, Eucharis. resolus done, a part moi, 21 de combattre un sentiment si cou- pable, et qui pourrait tot ou tard m'attirer quelque catastrophe, a en juger du moins d'apres Tadmiration que M. Ratin professait pour ie precede de Mentor. Le disco urs de M. Ratin m'avait fait d'ailleurs une grande im- pression, bien moins pourtant par ce que j'en pouvais comprendre que par ce que j'y trouvais d'obscur et de mysterieux. En meine temps que, pour etre sage et ne pas tomber dans Tabime, je repri- mais une bien innocente ardeur, mon imagination s'attachait aux paroles sinistres de M. Ratin pour en penetrer le sens et pour y chercher des revelations. Ce fut la mon premier amour. S'il n'eut pas de suites, vu sa nature tout imaginaire, la fa$on dont il fut refoule par le discours de M. Ratin, a imprime a mes autres amours certains traits que Ton pourra reconnaitre dans les recits qui suivront. Cette prison, dont j'ai parle, n'a qu'une seule fenetre qui donne de mon cote. 22 En general, les prisons ne sont pas riches en fenetres. Cette fenetre est percee dans une muraille d'un aspect noir et triste. Des barreaux de fer empechent le prisonnier d'avancer la tete au dehors ; et un appareil exterieur, qui lui derobe la vue de la rue, ne laisse penetrer dans le fond de sa retraite qu'un peu do la lumiere du ciel. Je me souviens que la vue de ce soupirail ne m'inspirait alors que terreur et colere. C'est qu'en elFet, dana une societe que je me figurais tout entiere composee d'honnetes gens, il me paraissait infame que quelqu'un s'y permit d'etre 136 PROGRESSIVE FRENCH READER. assassin ou voleur ; et la justice, qui protegeait des gens parfaita centre des monstres, m'apparaissait comme une matrone sainte- nient severe, dont les arrets ne pouvaient etre trop terribles. Depuis, j'ai change ; la justice m'est apparue moins sainte ; ces gens parfaits ont baisse dans mon estinae : et dans ces monstres, j'ai reconnu trop souvent les victimes de la misere, de I'exemple, de 1'injustice . . . Alors la compassion est venue temperer la colere. L'esprit des enfants est absolu, parce qu'il est borne. Les questions, n'ayant pour eux qu'une face, sont toutes simples, en sorte que la solution en parait aussi facile qu'evidente a leur intelligence plus droite qu'eclairee. C'est pour cela que les plus doux d'entre eux disent parfois des choses dures, que les plus humains tieiment des propos cruels. 23 Sans etre de ces plus hu- inains, cela m'arrivait souvent ; et, quand je voyais conduire un homme en prison, toute ma sympathie etait pour les gendarmes, toute mon horreur pour cet homme. Ce n'etait ni cruaute ni bassesse ; c'etait droiture. Plus vicieux, j'aurais deteste les gen- darmes, plaint 1'homme. Un jour, j'en vis passer un qui alluina toute mon indignation. C'etait le complice d'un atroce assassin. Entre eux deux, ils avaient tue un vieillard pour s'emparer de son argent ; puis, aper- 9113 par un enfant au moment du crime, ils s'etaient defaits de cet innocent temoin par un second meurtre. Le camarade de cet homme avait ete condamne a mort ; mais lui, soit habilete dans la defense, soit quelque circonstance attenuante, etait condamne seulement a une reclusion perpetuelle. Au moment ou, pres d'entrer dans la prison, il passa sous ma fenetre, il regardait les maisons voisines avec curiosite. Ses yeux ayant rencontre les miens, il sourit comme s'il m'avait connu. Ce sourire me fit une impression sinistre et profonde. Pendant toute la journee, rien ne put le chasser de ma pensee. Je resolus d'en parler a mon maitre, qui saisit cette occasion pour me faire une remontrance sur le temps considerable que je pe^dais a regarder dans la rue. LE EANNETON. 137 C'e*tait, quand j'y songe, un drole d'homme 24 que mon maitre ; moral et pedant, respectable et risible, grave 'et ridicule, en telle sorte qu'il me faisait une impression a la fois venerable et bouf- fonne. Tel est pourtant 1'empire de 1'honnetete, Fascendant des principes, lorsque la conduite est en accord avec eux, que, malgr^ 1'eifet vraimeut risible que me faisait M. Ratin, il avait sur moi plus d'influence que tel maitre bien plus habile ou bien plus sense, rnais en qui j'aurais surpris le moindre disaccord entre les pre ceptes qu'il me donnait a suivre et ceux qu'il suivait lui-merne. II etait pudibond a 1'exces. Nous sautions des pages entieres de Telemaque, comme contraires aux bonnes moeurs, et il prenait soin de me premunir contre toute sympathie pour 1'amoureuse Calypso, m'avertissant que je rencontrerais dans le monde une foule de femmes dangereuses qui lui ressemblent. Cette Calypso, il la detestait ; cette Calypso, bien que deesse, c'etait sa bete noire. Quant aux auteurs latins, nous n'avions garde de les lire 25 ailleurs que dans les textes expurges par le jesuite Jouvency ; encore enjarnbions-nous bien des passages que cc pudique jesuite avait crus sans danger. De la 1'epouvantable idee que j'etais porte a me faire d'une foule de choses ; de la aussi 1'epouvantable frayeur que j'avais de laisser voir a M. Ratin mes plus innocentes pensees, si seulement elles avaient quelque teinte amoureuse, quelque lointain rapport avec Calypso, sa bete noire. Au surplus, M. Ratin, tout farci de latinite et d'ancienne Rome, mais bon homme au demeurant, etait plus harangueur que severe. A propos d'un pate d'encre, il citait Seneque ; a propos d'une espieglerie, il me proposait Caton d'Utique pour exemple ; mais une chose qu'il ne pardonnait pas, c'etait le fou rire. 26 Cet homme voyait dans le fou rire les choses les plus singulieres, Pesprit du siecle, Timmoralit^ precoce, le signe certain d'un avenir dt^plorable. Sur ce point il perorait avec passion, mterminable- ment. J'attribue ceci a une verrue qu'il avait sur le nez. Cette verrue etait de la grosseur d'un pois chiche et surnionte'a d'une petite houppe de poils tres-delicats, tres-hygrornetriquee 138 PROGRESSIVE FRENCH READER. aussi : car j'avais remarque que, selon 1'etat de I'atmosphere, ila etaient plus roides ou plus boucles. II m'arrivait souvent, durant mes legons, de la considerer le plus na'ivement du monde, comme un objet curieux, sans aucune idee de moquerie ; j'etais, dans cea cas-la, brusquement interpelle, et tance vertement sur ma dis- traction. 27 D'autres fois, plus rarement, une mouche voulait obstinement s'y poser, malgre 1'impatiente colere de mon maitre, qui pressait alors 1'explication, afin que, attentif an texte, je no m'aper^usse point de cette lutte singuliere. Mais cela meme m'avertissait qu'il se passait quelque chose, en sorte qu'une curio- site irresistible me faisait lever furtivement les yeux sur son visage. Selon ce que j'avais vu, le fou rire commenc.ait a me prendre, et, pour peu que la mouche insistat, il devenait irresis- tible aussi. C'est alors que M. Ratin, sans paraitre concevoir le moins du monde la cause d'un pareil scandale, tonnait contre le fou rire en general, et m'en demontrait les epouvantables con- sequences. Le fou rire est neanmoins une des douces choses que je con- naisse. C'est fruit defendu, partant exquis. Les harangues de mon maitre ne m'en ont pas tant gueri que Fage. Pour fou rire avec delices, il faut etre ecolier, et, si possible, avoir un maitre qui ait sur le nez une verrue et trois poils follets : ... Get age est sans pitie ! 28 Eeflechissant depuis a cette verrue, je me suis imagine que tous les gens susceptibles ont ainsi quelque infirmite physique ou morale, quelque verrue occulte ou visible, qui les predispose a se croire moques de leur prochain. Ne riez pas devant ces gens-la : c'est rire d'eux ; ne parlez pas de loupe ni de bourgeon : a c'est faire des allusions ; jamais de Ciceron, de Scipion Nasica : vous auriez une affaire. C'etait le temps des hannetons. Us m'avaient bien diverti autrefois, mais je comme^ais a n'y prendre plus de plais'r Comme on vieillit ! LE HANNETOtf. 139 Toutefois, pendant que, seul dans ma chambre, je faisais mes devoirs avec un mortel ennui, je ne dedaignais pas la compagnie de quelqu'un de ces animaux. A la verite, il ne s'agissait plus de 1'attacher a un fil pour le faire voler, ni de 1'atteler a un petit chariot : j'etais deja trop avance en age pour m'abandonner a ces pueriles recreations ; mais penseriez-vous que ce soit la tout ce qu'on peut faire d'un hanneton ? Erreur grande ; entre ces jeux enfantins et les etudes serieuses du naturaliste, il y a une raulti tude de degres a parcourir. J'en tenais un sous un verre renverse*. L'animal grimpait peniblement les parois pour retomber bientot, et recommencer sans cesse et sans fin. Quelquefois il retombait sur le dos ; c'est, vous le savez, pour un hanneton un tres-grand malheur. Avant de lui porter secours, je contemplais sa longanimite a promener lentement ses six bras par Tespace, dans 1'espoir toujours degu de s'accrocher a un corps qui n'y e?t pas. " C'est vrai que les han- netons sont betes ! " me disais-je. Le plus souvent, je le tirais d'affaire en lui presentant le bout de ma plume, et c'est ce qui me conduisit a la plus grande, a la plus heureuse decouverte, de telle sorte qu'on pourrait dire avec Berquin 30 qu'une bonne action ne reste jamais sans recompense. Mon hanneton s'etait accroche aux barbes de la plume, et je Fy laissais reprendre ses sens pendant que j'ecrivais une Mgne, plus attentif a ses faits et gestes qu'a ceux de Jules Cesar, qu'en ce moment je traduisais. S'envolerait-il, ou descendrait-il le long de la plume ? A quoi tiennent pourtant les choses ! S'il avait pris le premier parti, c'etait fait de ma decouverte ; je ne l*entre- voyais meme pas. 81 Bien heureusement il se mit a descendre. Quand je le vis qui approchait de 1'encre, j'eus des avant-cou- reurs, j'eus des pressentiments qu'il allait se passer de grandes choses. Ainsi Colomb, sans voir la cote, pressentait son Ame- rique. Voici en effet le hanneton qui, parvenu a Textremite du bee, trempe sa tariere dans Tencre. Vite un feuillet blanc . . c'est Tinstant de la plus grande attente ! 140 PROGRESSIVE FRENCH READER. La tariere arrive sur le papier, depose 1'encre sur sa trace, et voici d'admirables dessins. Quelquefois le hanneton, soit genie, soit que le vitriol inquiete ses organes, releve sa tariere et 1'abaisse tout en cheminant ; il en resulte une serie de points, un travail d'une delicatesse merveilleuse. D'autres fois, changeant d'idee, il se detourne, puis changeant d'idee encore, il revient : c'est une S ! . . . A cette vue, un trait de lumiere m'eblouit. Je depose I'etonnant animal sur la premiere page de mon cahier, la tariere bien pourvue d'encre ; puis arme d'un brin de paille pour diriger les travaux et barrer les passages, je le force & se promener de telle fa^on qu'il ecrive lui-meme mon nom ! II fallut deux heures ; mais quel chef-d'oeuvre ! La plus belle conquete 82 que Thomme ait jamais faite, dit BufFon, c'est . . . c'est bien certainement le hanneton ! Pour diriger cette operation, je m'etais approche du jour. Nous achevions la derniere lettre, lorsqu'une" voix appela doucement : " Mon ami ! " , Je regardai aussitot dans la rue. H n'y avait personne. " Ici ! dit la meme voix. Ou ? 'repondis-je. A la prison." Je compris que ces paroles, sorties du soupirail, m'etaient adressees par le scelerat dont I'affreux sourire m'avait tant boule- verse. Je reculai jusque dans le fond de ma chambre. " N'aie pas peur, continua la voix, c'est un brave homme qui te parle . . . Coquin ! lui criai-je, si vous continuez a me parler, je vais avertir le factionnaire la-bas ! " II se tut un moment. "En passant 1'autre jour dans la rue, reprit-il, je vis votre figure, et je vous attribuai un coeur capable de plaindre une vie- time infortunee de 1'injustice des hommes . . . Taisez-vous ! lui criai-je encore, scelerat qui avez tue uu neillard, un enfant ! . . . LE HANNETON. 141 Mais vous etes, je le vois, aveugle comme les autres. Bien jeune, pourtant, pour deja croire au mal." II se tut a 1'ouie d'une personne qui passait 33 dans ' la rue C'etait un monsieur vetu de noir. J'ai su depuis que c'etait un employe aux pompes funebres. Lorsque cet honime se fut eloigne : " Voila, dit-il, le respectable aumonier de la prison. Celui-la sait, Dieu merci, que mon eoeur est pur et mon ame sans tache ! " II se tut encore. Cette fois c'etait un gendarme. J'hesitai a 1'appeler pour lui redire les paroles du prisonnier: mais ces paroles rnemes avaient deja assez agi sur ma credulite pour que je comprimasse ce mouvement. 11 me semblait d'ailleurs qu'il y ut eu quelque trahison a le faire, puisque le prisonnier s'etait fie a la candeur de mon visage. C'eut ete dementir un eloge qui flattait mon amour-propre. J'ai dit plus haut que le bourgeon s'alimente de tout ; il n'est main si vile qui ne puisse encore le chatouiller agreablement. Apres cet entretien, qui m'avait attire vers la fenetre, le pri- sonnier continuant a se taire, je retournai k mon hanneton. Je suis certain que je dus palir. Le mal etait grand, irrepa- rable ! Je commen^ai par saisir celui qui en etait Tauteur, et je le jetai par la fenetre. Apres quoi, j'examinai avec terreur 1'etat desesp^re des choses. On voyait une longue trace noire qui, partie du ehapitre iv de Bello Gallico, allait droit vers la marge de gauche ; 4a, Tanimal, trouvant la ti'anche trop roide pour descendre, avait rebrousse vers la marge de droite ; puis, etant remonte vers le nord, il s'etait decide a passer du livre sur le rebord de 1'encrier, d'ou, par une pente douce et polie, il avait glisse dans Tabime, dans la gehenne, dans 1'encre, pour son malheur et pour le mien ! La, le hanneton, ay ant malheureusement compris qu'il se four voyait, avait resolu de rebrousser chemin ; et, en deuil de la tete aux pieds, il etait sorti de 1'encre pour retourner au ehapitre IV de Bello Gallico, oil je le retrouvai qui n'y comprenait rien. 142 PROGRESSIVE FRENCH READER. C'etaient des pates monstrueux, des lacs, des rivieres, et toute uii? suite de catastrophes sans delicatesse, sans genie . . UP spectacle noir et affreux ! ! Or, ce livre, c'etait 1'elzevir S4 de mon maitre, elzevir in-quarto, elzevir rare, couteux, introuvaLle, et commis a ma respousabilite avec les plus graves recomrnandations. II est evident que j'etaia perdu. J'absorbai 1'encre avec du papier brouillard, je fis secher le feuillet ; apres quoi je me mis a reflechir sur ma situation. J'eprouvais plus d'angoisse que de remords. Ce qui m'effrayait le plus, c'etait d'avoir a avouer le hanneton. De q'uel ceil ter- rible mon maitre ne considererait-il pas cet honteuse maniere da perdre mon temps, a cet age de raison ou il disait que j'etaie maintenant parvenu, et de le perdre en puerilites darigereuses, et tres-probablement immorales ! Cela me faisait fremir. Satan, dont je ne me defiais point pour 1'heure, se niit a m'of frir des caiman ts. Satan est toujours la a 1'heure de la tentation. H me presentait un tout petit mensonge. Durant mon absence, cet infame chat de la voisine serait 85 entre dans la chambre, et aurait ren verse 1'encrier sur le chapitre iv de Hello Galileo. Comme je ne devais point sortir entre mes Ie9ons, j'aurais mo- tive mon absence sur la necessite d'aller acheter une plume. Comme les plumes etaient dans une armoire a ma portee, j'auraia avoue avoir perdu la clef hier au bain. Comme je n'avais pas eu la permission hier d'aller au bain, et que je n'y avais reelle- ment pas ete, j'aurais suppose y avoir ete sans permission, et avoue cette faute, ce qui aurait jete sur tout I'artifice beaucoup de vraisemblance, et en meme temps diminue mes remords, puisque je m'accusais genereusement d'une faute, ce qui a mes yeux m'absolvait presque . . . Ce chef-d'oeuvre de combinaison etait tout pret, lorsque j'enten- dis le pas de M. Ratin, qui montait 1'escalier ! Dans mon trouble, je fermai le livre, je le rouvris, je le fermai encore pour le rouvrir precipitamment, sur 3C ce motif que le patd LE HANNETON. 143 parlerait de lui-meme et m'epargnerait Pembarras terrible des premieres ouvertures . . . M. Ratin venait pour me donner ma le^on. Sans voir le livre, il posa son chapeau, il plaga sa chaise, il s'assit, il se moucha. Four avoir une contenanee, 37 je me moucliai aussi ; sur quoi M. Ratin me regarda fixement, car il s'agissait de nez. Je ne compris pas d'abord que M. Ratin sondait 1'intention que j'avais pu avoir en me mouchant presque au meme instant que lui, en sorte que, m'imaginant qu'il avait vu le pate, je baissai les yeux, plus decontenance' par son silence scrutateur que je ne 1'aurais ete par ses questions, auxquelles j'etais pret a repondre A la fin, d'un ton solennel : " Monsieur ! je lis sur votre figure . Non, monsieur . . . Je lis, vous dis-je . . . Non, monsieur, c'est le chat," 88 interrompis-je . . . *Ici, M. Ratin changea de couleur, tant cette reponse lui sembla depasser toutes les limites connues de 1'irreverence, et il allait prendre un parti violent, lorsque, ses yeux etant tombes sur le monstrueux pate, cette vue lui produisit un soubresaut qui, par contre-coup, en produisit un sur moi. C'etait le moment de conjurer Forage. " Monsieur, pendant que j'etais sorti . . . le chat . . . pour acheter une plume . . . le chat . . . parce que j'avais perdu la clef . . . hier au bain . . . le chat . . . " A mesure que je parlais, le regard de M. Ratin devenait si terrible, qu'a la fin, ne pouvant plus le soutenir, je passai sans transition a 1'aveu de mes crimes. "Je mens . . . monsieur Ratin . . . c'est moi qui ai fait ce malheur." II se fit un grand silence. " Ne vous etonnez point, monsieur, dit enfin M. Ratin d'une voix solennelle, si 1'exces de mon indignation en coinprime et en retarde 1'expression. Je dirai meme que 1'expression me manque pour qualifier ..." Ici une niouche . . . un souffle de fou rire parcourut mon visage. 144: PROGRESSIVE FRENCH READER. H se fit de nouveau un grand silence. Enfiu M. Ratin se leva. " Vous allez, monsieur, garder la chambre pendant deux jours, pour refleehir sur votre conduite, tandis que je reflechirai moi-meine au parti que je dois prendre dans une conjoncture aussi grave ..." La-dessus M. Ratin sortit en fermant Pappartement, dont il euiporta la clef. L'aveu sincere m'avait soulage, le depart de M. Ratin m'otait la honte, de fayon que les premiers moments de ma captivite res- semblerent fort a une heureuse clelivrance ; et, sans Tobligation oil je me voyais de songer deux jours a mes fautes, je me serais fort rejoui, comnie on y est dispose au sortir des grandes crises. Je me mis done a songer ; mais les idees ne venaient pas. Quand je voulais approfondir ma faute, je n'y voyais de grave que le rnensonge, repare pourtant par un aveu que je me plaisais a trouver spontane. Toutefois, pour la bonne regie, 39 je tachais de me repentir ; et, voyant la peine que j'avais a y parvenir, je commenc.ais a craindre que mon cosur ne fut effectivement dejei bien mauvais, immoral, coimne disait M. Ratin, en sorte que je for- mais avec contrition 13 projet de renoncer desormais au fou rire. J'en etais la 40 quand vint a passer dans la rue le marchand de petits gateaux. C'etait son heure. L'idee de manger des petits gateaux se presenta naturellenient a mon esprit ; mais je me fis un scrupule de ceder a cette tentation de la chair, dans un moment oil c'etait sur 1'ame qu'il m'etait enjoint de travailler, de fa^on que, laissant le marchand attendre et crier, je restai assis au fond de ma chambre. Mais ceux qui ont observe les marchands de petits gateaux savent combien ils sont tenaces envers la pratique. Celui-ci, bien qu'il ne me vit point paraitre encore, ne tirait de cette cir- constance aucune induction facheuse pour son affaire, 41 mais, bien au contraire, coritinuait a crier avec la plus robuste foi en ma gourmandise. Seulement il ajoutait au mot de gateaux 1'epithete pressante de tout ckauds, et il est bien vrai que cette epithete LE HAXNETON. 1 -t3 faisait des ravages dans ma moralite*. Heureusement je m'en apergus et j'y mis bon ordre. Je crus devoir cependant ne pas laisser dans son eireur cet honnete industriel a qui je faisais perdre un temps precieux; je me mis a la fenetre pour lui dire que je ne prendrais pas de gateaux pour ce jour-la. " Depechons, me dit-il, je suis presse ..." J'ai dejk dit qu'il croyait en moi plus que moi-meme. " Non, repris-je, je n'ai point d'argent. Credit. Et puis, je n'ai pas faim. Mensonge. Et puis, je suis tres-occupe*. Vite ! . Et puis, je suis prisonnier. Ah ! vous m'ennuyez," dit-il en soulevant son panier comma pour s'eloigner. Ce geste me lit une impression prodigieuse. " Attendez ! " lui criai-je. Quelques instants apres, une casquette artistement suspendua k une ficelle hissait deux petits gateaux . . . tout chauds. " Bete de hanneton, pensais-je en mangeant mon gateau, qui, avec quatre ailes pour s'envoler, se va jeter dans un puits ! Sans cette stupidite incoucevable, je faisais 42 mes devoirs tranquille- ment, j'etais sage, M. Ratin content, et moi aussi : point de men songe, point de prison . . . Bete de hanneton ! " Heureuse idee que j'eus la ! J'avais trouv^ le bouc expia- toire, en sorte que, peu a peu, le chargeant de tous mes mefaits, ma conscience reprenait un calme charmant. Ce qui y contri- buait, je in'imagine, c'est que 1'indignation de M. Ratin avait e'te si forte qu'il avait entierement oublie' de me donner des devoirs a faire. Or, deux jours et point de devoirs, c'etait peut-etre, de touces les punitions, celle que j'aurais choisie comme la plus delicieuse. TOPFFER (1799-1846). 10 146 PROGRESSIVE FRENCH READER. XLL LE VOYAGE DE MONSIEUR PEEEICHON. PAR LABICHE ET MARTIN. PERSONNAGES. PERRICIION. | MADAME PERRICHON. LE COMMANDANT MATHIEU MAJOKIN. ARMAND DESROCHE3. DANIEL SAVARY. JEAN, domestique de Perrichon HENRIETTE, sa fille. UN AUBERGISTE UN GUIDE. UN EMPLOY^ DU CHEMIN DE ACTE PREMIER. Une gare. Chemin de fer de Lyon, a Paris. Au fond, barriere ouvran! sur les salles d'attente. Au fond, a droite, guichet pour les billets. An fond, a gauche, banes. A droite, marchande de gateaux ; a gauche, marchande de livres. SCilNE PREMIERE. MAJORIN, UN EMPLOYE DU CHEMIN DE FER, Voyageurs, Cotnmissionnaires. MAJORIN (se promenant avec impatience). Ce Perrichon n'ar- rive pas ! Voila une heure que je 1'attends . . . C'est pour taut bien aujourd'hui qu'il doit partir pour la Suisse avec sa femine et sa fille . . . (avec amertume). Des carrossiers qui vont en Suisse ! Des carrossiers qui ont quarante mille livres de rentes ! LE VOYAGE DE MONSIEUR PERRICHON. 147 Des carrossiers qui ont voiture ! Quel siecle ! Tandis que moi, je gagne deux mille quatre ceuts francs . . . un employe labo- rieux, intelligent, toujours courbe sur sou bureau . . . Aujourd'hui, j'ai demande un conge . . . j'ai dit que j'etais de garde ... II faut absolument que je voie Perrichon avant son depart. . . je veux le prier de m'avancer mon trimestre . . . six cents francs ! II va prendre son air protecteur . . . faire 1'important ! . . . un carrossier ! cja fait pitie ! II n'arrive toujours pas ! on dirait qu'il le fait expres ! (s'adressant a un facteur qui passe suivi de voya- geurs). Monsieur ... a quelle lieure part le train direct pour Lyon? . . . LE FACTEUR (brusquement). Demandez a Temploy^. (E sort par la gauche.) MAJORIN. Merci . . . manant ! (S'adressant a I 'employe qui est pres du guichet.) Monsieur, a quelle heure part le train direct pour Lyon ? . . . L'EMPLOYE (brusquemenf). a ne me regarde pas! voyez J'afnche. (77 designe une affiche a la cantonade, 1 a gauche.) MAJORIN. Merci . . . (A part.) Us sont polis dans ces administrations ! Si jamais tu viens a mon bureau, toi ! . . . Voyons 1'affiche . . . (11 sort a gauche.) SCI^NE II. I/EMPLOY, PERRICHON, MADAME PERRICHON, HENRIETTA (Us entrent de la droite.) PERRICHON. Par ici ! . . . ne nous quittons pas ! nous ne pourrions plus nous retrouver . . . Ou sont nos bagages ? . . . (Regardant a droite ; a la cantonade.) Ah ! tres-bien ! Qiif est-ce qui a les parapluies ? . . . HENRIETTE. Moi, papa. PERRICHON. Et le sac de nuit? ... les manteaux? MADAME PERRICHON. Les voici ! 148 PROGRESSIVE FRENCH READER. PERRICHON. Et mon panama? ... II est reste dans le fiacre! (Peasant un mouvement pour sortir et s'arretant.) Ah ! non ! jo 1'ai a la main ! . . . Dieu, que j'ai chaud ! MADAME PERRICHON. C'est ta faute ! . . . tu nous presses, tu nous bouscules ! . . . je n'aime pas a voyager comme ca ! PERRICHON. C'est le depart qui est laborieux . . . une fois > que nous serons cases ! . . . Restez-la, je vais prendre les billets . . . (Dormant son chapeau a Henriette.) Tiens, garde-moi mon panama . . . (Au guichet.) Trois premieres pour Lyon ! . . . L'EMPLOYE (briisquement). Ce n'est pas ouvert! Dans un quart d'heure ! PERRICHON (a Vemploye). Ah ! pardon ! c'est la premiere fois que je voyage . . . (Revenant a sa femme.) Nous sommes en avance. MADAME PERRICHON. La ! quand je te disais que nous avions le temps . . . 2 Tu ne nous as pas laisse dejeuner ! PERRICHON. II vaut mieux etre en avance ! ... on examine la gare ! (A Henriette.) Eh bien! petite fille, es-tu contente? . . . Nous voila partis ! . . . encore quelques minutes, et, rapides comme la fleche de Guillaume Tell, nous nous elancerons vers les Alpes ! (A safemme.) Tu as pris la lorgnette? MADAME PERRICHON. Mais, oui ! HENRIETTE (a son pere). Sans reproches, voila au moms deux ans que tu nous promets ce voyage. PERRICHON. Ma fille, il fallait que j'eusse vendu mon fonds . . . Un commer^ant ne se retire pas aussi facilement des affaires- qu'une petite fille de son pensionnat . . . D'ailleurs, j'attendais que ton education fftt termiuee pour la compioter en faisant rayonner devant toi le grand spectacle de la nature! MADAME PERRICHON. Ah 9a ! est-ce que vous allez conti- nuer comme 9a ? . . . PERRICHON. Quoi? . . . MADAME PERRICHON. Vous faites des phrases dans une gare ! PERRICHON. Je ne fais pas de phrases . . . j'eleve les idees LE VOTAGE DE MONSIEUR PERRICHON. 149 de 1'enfant. ( Tirant de sa poche un petit carnet.) Tiens, ma fille, voici un carnet que j'ai achete pour toi. HENRIETTE. Pourquoi faire ? . . . PERRICHON. Pour ecrire d'un cote la depense, et de Tautre les impressions. HENRIETTE. Quelles impressions ? . . . PERRIOHON. Nos impressions de voyage ! Tu ecriras, et moi je dicterai. MADAME PERRICHON. Comment ! vous allez vous faire auteur a present ? PERRICHON. II ne s'agit pas de me faire auteur . . . mais il me semble qu'un hoinme du inonde peut avoir des pensees et les recueillir sur un carnet ! MADAME PERRICHON. Ce sera bien joli ! PERRICIION (a part). Elle est comme $a, chaque fois qu'elle n'a pas pris son cafe ! UN FACTEUR (poussant un petit chariot charge de bagages). Monsieur, voici vos bagages. Voulez-vous les faire enregis- trer? ... PERRICHON. Certaineuient ! Mais avant, je vais les comp- ter . . . parce que, quand on sait son compte . . . Un, deitfe* trois, quatre, cinq, six, ma femuie, sept, nia fille, huit. et moi, neuf. Nous sommes neuf. LE FACTEUR. Enlevez ! PERRICHON (courant vers le fond). Depeclions-nous ! Lii FACTEUR. Pas par la, c'est par ici! (// indiqtte gauche.) PERRICHON. Ah ! tres-bien ! (Aux femmes.) Attendez-moi la ! . . . ne nous perdons pas ! (Il sort en courant, suivant U facteur.) 150 PROGRESSIVE FRENCH READER. SCENE III. MADAME PERRICHOX, HENRIETTE, puis DANIEL. ? HENRIETTE. Pauvre pere ! qtielle peine il se donne ! MADAME PERRICHON. II est comme un ahuri ! DANIEL (entrant suivi d'un commissionnaire qui porte sa matte). Je ne sais pas encore ou je vais, attendez ! (Apercevant Henriette.) C'est elle ! je ne me suis pas trompe ! (// salue HenrieUe, qui lid rend son salut.) MADAME PERRICHON (a sajille). Quel est ce monsieur? . . . HENRIETTE. C'est un jeune homme qui m'a fait danser la semaine derniere au bal du huitieme arrondissement. MADAME PERRICHON (yivement). Un danseur! (Elle salue Daniel.) DANIEL. Madame ! . . . mademoiselle ! . . . je benis le ha* sard . . . Ces dames vont partir ? . . . MADAME PERRICHON. Oui, monsieur ! DANIEL. Ces dames vont a Marseille, sans doute ? . . MADAME PERRICHON. Non, monsieur. DANIEL. A Nice, peut- etre ? . . . MADAME PERRICHON. Non, monsieur ! DANIEL. Pardon, madame . . . je croyais ... si mes ser vices . . . LE FACTEUR (a Daniel). Bourgeois ! 3 vous n'avez que le temps pour vos bagages. DANIEL. C'est juste ! allons! (Apart.) J'aurais voulu savoir ou elles vont . . . avant de prendre mon billet . . . (Saluant.) Madame . . . mademoiselle . . . (A part.) Elles partent, c'est le principal ! (II sort par la gauche.) LE VOYAGE DE MONSIEUR PERRICHON. 151 SC&NE IV. MADAME PERRICHON, HENRIETTE, puis ARMAND. MADAME PERRICHON. II est tres-bien, ce jeune homme! ARMAND (tenant un sac de nuit.) Portez ma rnalle aux ba- gages . . . je vous rejoins ! (Apercevant Henriette.) C'est elle ! (Jls se salmnt.) MAD AM K PERRICHON. Quel est ce monsieur ? . . . HENRIETTE. C'est encore un jeune homme qui m'a fait dan- ser au bal du huitieme arrondissement. MADAME PERRICHON. Ah 9a! ils se sont done tous donne rendez-vous ici? . . . n'importe, c'est un danseur! (Saluant.) Monsieur . . . ARMAND. Madame . . . mademoiselle . . . je benis le hasard . . . Ces dames vont partir ? MADAME PERRICHON. Oui, monsieur. ARMAND. Ces dames vont a Marseille, sans doute ? . . . MADAME PERRICHON. Non, monsieur. ARMAND. A Nice, peut-etre ? . . . MADAME PERRICHON (a part). Tiens, comme 1'autre ! (Haut.) Non, monsieur ! ARMAND. Pardon, madame, je croyais ... si mes services . . . MADAME PERRICHON (apart). Apres Qa! ils sont du meme arrondissement. ARMAND (a part.) Je ne suis pas plus avance . . . je vais faire enregistrer ma malle . . . je reviendrai ! (Saluant.) Ma- dame . . . mademoiselle . . . SCENE V. MADAME PERRICHON, HENRIETTE, puis PERRICHON, UN FACTBDK. MADAME PERRICHON (se levant avec sa file). Je suis lasse d'etre assise ! 152 PROGRESSIVE FRENCH READER. PERRTCHON (entrant en courant). Enfin ! c'est fini ! j'ai mon bulletin ! je suis enregistre ! MADAME PERRICHON. Ce n'est pas malheureux ! LE FACT EUR (poussant son chariot vide, a Perrichon). Mon- sieur ... n'oubliez pas le facteur, s'il vous plait . . . PERRICHON. Ah ! oui . . . Attendez . . . (Se concertant avec sa femme et sa fille.) Qu'est-ce qu'il faut lui donner a celui-la, dix sous ? . . . MADAME PERRICHON. Quinze. HENRIETTE. Vingt. PERRICHON. Allons . . . va pour vingt sous ! 4 (Les lui don- nant.) Tenez, mon garc,on. LE FACTEUR. Merci, monsieur, (II sort.) MADAME PERRICHON. Entrons-nous ? PERRICHON. Un instant . . . Henriette, prends ton carnet et ecris. MADAME PERRICHON. Deja? PERRICHON (dictant). Depenses : fiacre, deux francs . . . che- inin de fer, cent soixante-douze francs cinq centimes . . . facteur, un franc. HENRIETTE. C'est fait ! PERRICHON. Attends ! impression ! MADAME PERRICHON (a part). II est insupportable! PERRICHON (dictant). Adieu, France . . . reine des nations! (Rinterrompant.) Eh bien ! et mon panama ? . . . je Taurai laisse aux bagages ! (// veut courir.) MADAME PERRICHON. Mais non ! le voici ! PERRICHON Ah ! oui ! (Dictant.) Adieu, France ! reine des nations! (On entend la cloche et Von voit accourir plusieurs voyageurs.) MADAME PERRICHON. Le signal ! tu vas nous faire manquer le convoi ! PERRICHON. Entrons, nous finirons cela plus tard! (Uem* ploye Varrete a la barriere pour voir les billets. Perrichon que- LE YOYAGE DE MONSIEUR PERRICHON. 153 relle sa femme, et sa file Jinit par trouver Us billets dans sa pocht. Us entrent dans la salle d'attente.) SCENE VI. ARMAND, DANIEL, puis PERRICHON. (Daniel, qui vient de prendre son billet, est heurtepa* Arinand, qui veut prendre le sien.) ARM AND. Prenez done garde ! DANIEL. Faites attention vous-meme ! ARMAND. Daniel ! DANIEL. Armand! ARM AND. Vous partez ? . . . DANIEL. A 1'instant. Et vous ? . . . ARMAND. Moi aussi. DANIEL. C'est charmant ! nous ferons route ensemble ! J'ai des cigares de premiere classe ... et ou allez-vous ? ARMAND. Ma foi, mon cher ami, je n'en sais rien encore. DANIEL. Tiens! c'est bizarre! ni moi non plus! J'ai pris un billet jusqu'a Lyon. ARMAND. Vraiment ! moi aussi. Je me dispose a suivre une demoiselle charmante. DANIEL. Tiens ! moi aussi. ARMAND. La fille d'un carrossier ! DANIEL. Perrichon ? ARMAND. Perrichon. DANIEL. C'est la meme ! ARMAND. Mais je 1'aime, mon cher Daniel ! DANIEL. Je 1'aime egaleinent, mon cher Armand J ARMAND. Je veux 1'epouser. DANIEL. Moi, je veux la dernander en mariage, . . ce qui est a peu pres la meme chose. ARMAND. Mais nous ne pouvons Tepouser tous les deux ! PROGRESSIVE FRENCH READER. DANIEL. En France, c'est defendu. ARMAND. Que fkire ? . . . DANIEL. C'est bien simple ! puisque nous sommes sur le marchepied du wagon, continuons gaiement notre voyage cherchons a plaire ... a nous faire aimer chacun de notre Cote ! ARMAND (riant). Alors, c'est un concours? . . . un toiu noi? . . . DANIEL. Une lutte loyale . . . et amicale ... Si vous etes vainqueur . . . je m'inclinerai ... si je 1'emporte, vous ne me tiendrez pas rancune. Est-ce dit? ARMAND. Soit! j'accepte. DANIEL. La main, avant la bataille. ARMAND. Et la main apres. (Its se donnent la main.) PERRICHON (entrant en courant, a la cantonade). Je te dia que j'ai le temps ! DANIEL. Tiens ! notre beau-pere ! PERRICHON (a la marchande de livres). Madame, je voudrais un livre pour ma femme et ma fille . . . un livre qui ne parle ui de galanterie, ni d'argent, ni de politique, ni de manage, ni de mort. DANIEL (apart). Kobinson Crusoe! LA MARCHANDE. Monsieur, j'ai votre affaire. (Elle lui remet un volume.) PERRICHON (lisant). Les Bords de la Saone: deux francs! (Pay ant.) Vous me jurez qu'il n'y a pas de betises la-dedans ? ( On entend la cloche.) Ah ! diable ! Bonjour, madame. (11 sort en courant.) ARMAND. Suivons-le ! DANIEL. Suivons ! C'est egal, je voudrais bien savoir ou noua allons ! . . (On voit courir plusieurs voyayeurs. Tableau.) LE VOYAGE DE MONSIEUR PERRICHON. 155 ACTE DEUXIEME. Un interieur d'auberge an Montanvert, pres de la mer de Glace. An fond, a droite, porte d 'entree ; au fond, a gauche, fenetre ; vue de montagnes couvertes de neige ; a gauche, porte et cheminee haute. Table ; a droite, table ou est le livre des voyageurs, et porte. SCENE PREMIEKE. AEJIAND, DANIEL, I/AUBERGISTE, UN GUIDE. (Daniel et Armand sont assis a une table, et dejeunent.) L'AUBERGISTE. Ces messieurs prendront-ils autre chose? DANIEL. Tout a 1'heure . . . du cafe . . . ARMAND. Faites manger le guide ; apres nous partirons pour la mer cle Glace. L'AuBERGiSTE. Venez, guide. (H sort, suivi du guide, par la droite.) DANIEL. Eh bien ! mon cher Armand ? ARMAND. Eh bien ! mon cher Daniel ? DANIEL. Les operations sont engagees, nous avons commence* Pattaque. ARMAND. Notre premier soin a ete de nous introduire dans le meme wagon que la famille Perrichon ; le papa avait deja mis sa calotte. DANIEL. Nous les avons bombardes de prevenances, de petits soins. ARMAND. Vous avez prete votre journal a monsieur Perri- chon, qui a dormi dessus ... En eehange, il vous a offert les Sards de la Saone . . . un livre avec des images. DANIEL. Et vous, a partir de Dijon, vous avez tenu un store dont la mecanique etait derangee ; c.a a dft vous fatiguer. ARMAND. Oui, mais la maman m'a comble de pastilles de chocolat. 156 PROGRESSIVE FRENCH READER. DANIEL. Gourmand! . . . vous vous etes fait nourrir. ARM AND. A Lyon, nous descendons au meme hotel . . . DANIEL. Et le papa, en nous retrouvant, s'ecrie: Ah! quel heureux hasard ! . . . ARMAND. A Geneve, meme rencontre . . . imprevue . . . DANIEL. A Chamouny; meme situation ; et le Perrichon de s'ecrier toujours : Ah ! quel heureux hasard ! ARMAND. Hier soir, vous apprenez que la famille se dispose & venir voir la mer de Glace, et vous venez me chercher dans ma chanibre . . . des 1'aurore . . . c'est un trait de gentilhomme ! DANIEL. C'est dans notre programme . . . lutte loyale ! . . . Voulez-vous de 1'omelette ? ARMAND. Merci . . . Mon cher, je dois vous prevenir . . . loyalement, que de Chalons a Lyon, mademoiselle Perrichon m'a regarde trois fois. DANIEL. Et moi, quatre ! ARMAND. Diable ! c'est serieux. DANIEL, (pa le sera bien da vantage quand elle ne nous regar- dera plus . . . Je crois qu'en ce moment elle nous prefere tous les deux . . . c,a peut durer longtemps comme 9a ; heureusement nous somrnes gens de loisir. Nous allons nous fkire une guerre a outrance . . . ARMAND. A outrance ! comme deux bons amis . . . J'ai eu un moment la pensee de vous ceder la place ; mais j'aime serieuse- ment Henriette . . . DANIEL. C'est singulier . . . je voulais vous faire le meme sacrifice . . . sans rire ... A Chalons, j'avais envie de decam- per ? mais je 1'ai regardee. ARMAND. Elle est si jolie ! DANIEL. Si douce ! ARMAND. Si blonde ! DANIEL. H n'y a presque plus de blondes ; et des yeux I ARMAND. -pomme nous les aimons. DANIEL. Alors, je suis reste. LE VOYAGE DE MONSIEUR PERRICHON. 157 ARM AND. All ! je vous comprends ! DANIEL. A la bonne heure ! 5 C'est un plaisir de vous avoir pour ennemi ! (Lui serrant la main.) Cher Armand ! ARMAND (de meme). Bon Daniel! Ah $a! monsieur Perri- chon n'arrive pas. Est-ce qu'il aurait change son itineraire ? si nous allions les perdre ? DANIEL. Diable I c'est qu'il est capricieux le bonhomme . . . Avant-hier il nous a envoyes nous promener a Ferney ou nous comptions le retrouver . . . ARMAND. Et pendant ce temps, il etait alle a Lauzanne. DANIEL. Eh bien, c'est drole de voyager comme cela ! ( Voy* ant Armand qui se leve.) Ou allez-vous done ? ARMAND. Je ne tiens pas en place, j'ai envie d'aller au-devant de ces dames. DANIEL. Et le cafe? ARMAND. Je n'en prendrai pas . . . au revoir ! (11 sort vive ment par le fond.) SC&NE II. DANIEL, PERRICHON, ARMAND, MADAME PERRICHON, HENRIETTA, L'AUBERGISTE. (Perrichon entre, soutenu par sa femme et le guide.) ARMAND. Vite, de 1'eau ! du sel ! du vinaigre ! DANIEL. Qu'est-il done arrive ? HENRIETTE. Mon pere a manque de se tuer ! 6 DANIEL. Est-il possible ? PERRICHON (assis). Ma femme! . . . ma fille! . . . Ah! je me sens mieux ! . . . HENRIETTE (lui presentant un verre d'eau sucree). Tiens ! . . bois ! . . . $a te remettra . . . PERRICHON. Merci . . . quelle culbute ! (H boit.) MADAME PERRICHON. C'est ta faute aussi . . . youloir mon ter a cheval, un pere de famille . . . et avec des eperons encore 158 PROGRESSIVE FRENCH READER. PERRICHON. Les eperons n'y sont pour rien 7 . . . c'est la bete qui est ombrageuse. MADAME PERRICHON. Tu Fauras piquee sans le vouloir, elle s'est cabree . . . HENRIETTE. Et sans monsieur Armand qui venait d'arri- ver . . . mon pere disparaissait dans un precipice . . . MADAME PERRICHON. II y etait deja . . . je le voyais rouler comme une boule . . . nous poussions des cris ! . . . HENRIETTE. Alors, monsieur s'est elance ! . . . MADAME PERRICHON. Avec un courage, un sang-froid ! . . . Vous etes notre sauveur . . . car sans vous mon mari . . . mon pauvre ami . . . (Elle eclate en sanglots.) ARMAND. II ny a plus de danger . . . calmez-vous ! MADAME PERRICHON (pleurant toujours). Non ! $a me fait du bien ! (A son mari.) Qa t'apprendra. a mettre des eperons. (Sanglotant plus fort.) Tu n'aimes pas ta famille. HENRIETTE (a Armand). Permettez-moi d'ajouter mes remer- ciments a ceux de ma mere, je garderai toute ma vie le souvenir de cette journee . . . toute ma vie ! ... ARMAND. Ah! mademoiselle! PERRICHON (a part). A mon tour, monsieur Armand! . . . non, laissez-moi vous appeler Armand ! ARMAND. Comment done ! 8 PERRICHON. Armand . . . donnez-moi la main . . . Je ne sais pas faire de phrases, inoi . . . mais tant qu'il battra, vous aurez une place dans le coeur de Perrichon! (Lui serrant la main.) Je ne vous dis que cela ! MADAME PERRICHON. Merci ! . . . monsieur Armand ! HENRIETTE. Merci, monsieur Armand ! ARMAND. Mademoiselle Henriette ! DANIEL (a part). Je commence a croire que j'ai eu tort de prendre mon cafe ! MADAME , PERRICHON (a Vaubergiste). Vous ferez reconduire le cheval, nous retournerons tous en voiture . . . LE VOYAGE DE MONSIEUR PERRICIION. 159 PERRICHON (se levant). Mais je t'assure, ina ehere amie, que je suis assez bon cavalier . . . (Poussant un cri.) Aie ! Tous. Quoi? PERRICHON. Rien! . . . les reins! Yous ferez reconduire fe cheval ! MADAME PERRICHON. Viens te reposer un moment; an revoir, monsieur Armand! HENRIETTE. Au revoir, monsieur Armand ! PERRICHON (serrant energiquement la main d" } Armand). A bientot . . . Armand ! (Potissant un second cri.) Aie ! . . . j'ai trop serre ! (It entre a gauche suivi de sa femme et de sa jille.) SC^NE III. ARMAND, DANIEL. ARMAND. Qu'est-ce que vous dites de cela, mon cher Da- niel? DANIEL. Que voulez-vous ? c'est de la veine ! . . . vous sau vez le pere, vous cultivez le precipice, ce n'etait pas dans le programme. ARMAND. C'est bien le hasard . . . DANIEL. Le papa vous appelle Armand, la mere pleure et la fille vous decoche des phrases bien sen ties . . . empruntees aux plus belles pages de monsieur Bouilly 9 . . . Je suis vaincu, c'est clair ! et je n'ai plus qu'a vous ceder la place . . . ARMAND. Allons don'c ! vous plaisantez . . . DANIEL. Je plaisante si peu que, des ce soir, je pars pour Paris . . . ARMAND. Comment ? DANIEL. Ou vous retrouverez un ami . . . qui vous souhaite bonne chance. ARMAND. Vous partez ! ah ! merci ! DANIEL. _Voila un cri du coeur! 1GO PROGRESSIVE FRENCH READER. AUMAND. Ah ! pardon ! je le retire ! . . . apres le sacrifice que vous me faites . . . DANIEL. Moi? entendons-nous bien . . . je ne vous fais pas le plus leger sacrifice. Si je me retire, c'est que je ne crois avoir aucune chance de reussir ; car, maintenant encore, s'il s'en pre- sent-ait une . . . menie petite, je resterais. ARMAND. Ah ! DANIEL. Est-ce singulier! Depuis qu'Henriette m'echappe, il me semble que je 1'aime davantage. ARMAND. Je comprends cela . . . aussi, je ne vous deman- derai pas le service que je voulais vous dernander . . . DANIEL. Quoi done? ARMAND. Non, rien . . . DANIEL. Parlez . . . je vous en prie. ARMAND. J'avais songe . . . puisque vous partez, a voua prier de voir monsieur Perrichon, de lui toucher qnelques mots de ma position, de mes esperances. DANIEL. Ah ! diantre ! ARMAND. Je ne puis le faire moi-meme . . . j'aurais 1'air de reclamer le prix du service que je viens de lui rendre. DANIEL. Enfin, vous me priez de faire la demande pour vous ? Savez-vous que c'est original ce-que vous me demandez la? ARMAND. Vous refusez ? . . . DANIEL. Ah! Armand! j'accepte! ARMAND. Mon ami ! DANIEL. Avouez que je suis un hien bon petit rival, un rival qui fait la demande. ( Voix de Perrichon dans la coulisse.) J'eii- tends le.beau-pere ! Allez fumer un cigare et revenez. ARMAND. Vraiment ! je ne sais comment vous remercier . . . DANIEL. Soyez tranquille, je vais faire vibrer chez lui la corde de la reconnaissance. (Armand soi*t par le fond.) LE VOYAGE DE MONSIEUR PERRICHON. 1G1 SCENE IY. DANIEL, PERRICHON, puis I/AUBERGISTE. PERRICHON (entrant et parlant a la cantonade). Mais cer- tainement il in'a sauve-! certainement il m'a sauve, et, tant qu'il battra, le coeur de Perrichon . . . je lui ai dit . . . DANIEL. Eh bien ! monsieur Perrichon . . . vous sentez- vous mieux ? PERRICHON. Ah ! je suis tout a fait remis . . . je viens de boire trois gouttes de rhum dans un verre d'eau, et, dans un quart d'heure, je compte gambader sur la mer de Glace. Tiens ! votre ami n'est plus la ? DANIEL. H vient de sortir. PERRICHON. C'est un brave jeune homme ! . . . ces dames raiment beaucoup. DANIEL. Oh! quand elles le connaitront da vantage ! . . . un coeur d'or ! obligeant, devoue, et d'une modestie ! PERRICHON. Oh ! c'est rare. DANIEL. Et puis il est banquier . . . c'est un banquier ! . . . PERRICHON. Ah ! DANIEL. Associ6 de la maison Turneps, Desroches et C e , dites clone. C'est assez flatteur d'etre repeche par un banquier . car, enfin, il vous a sauve ! .. . . Hein ? . . . saris lui ! ... PERRICHON. Certainement . . . certainement, C'est tres-gen- til ce qu'il a fait la ! DANIEL (etonne). Comment, gentil ? PERRICHON. Est-ce que vous allez vouloir attenuer le merite de son action ? DANIEL. Par exemple ! 10 PERRICHON. Ma reconnaissance ne finira qu'avec ma vie . a ! . . . tant que le cceur de Perrichon battra. Mais, entre nous, le service qu'il m'a rendu n'est pas aussi grand que ma fernme et ma fille veulent bien le dire. 11 162 PROGRESSIVE FRENCH READER. DANIEL (etonne). Ah! bah! PERRICHON. Oui. Elles se montent la tete. Mais, voua savez. les femmes ! . . . DANIEL. Cependant, quand Armand vous a arrete, vous rouliez . . . PERRICHON. Je roulais, c'est vrai . . . inais avec une pre- sence d'esprit etonnante . . . J'avais apercu un petit sapin apres lequel j'allais me crampODJier ; je le tenais deja quand votre ami est arrive. DANIEL (a part). Tiens, tiens ! vous allez voir qu'il s'est sauve tout seul. PERRICHON. Au reste, je ne lui sais pas moms gre de sa bonne intention . . . Je compte le revoir . . . lui reiterer nies remerciments . . . je Finviterai meme cet hiver. DANIEL (apart). Une tasse de the! PERRICHON. II parait que ce n'est pas la premiere fois qu'un pareil accident arrive a cet endroit-la . . . c'est un mauvais pas . . . L'aubergiste vient de me raconter que, Fan dernier, un Russe . . . un prince . . . tres-bon cavalier ! . . . car ma femme a beau dire, c,a ne tient pas a mes eperons ! n avait roule dans le rneme trou. DANIEL. En verite ! PERRICHON. Son guide Pa retire . . . Vous voyez qu'on s'en retire parfaitement . . . Eh bien ! le Russe lui a donne cent francs ! DANIEL. C'est tres-bien paye ! PERRICHON. Je le crois bien ! . . . Pourtant c'est ce que 93 vaut! . . . DANIEL. Pas un sou de plus ! (A part.) Oh ! mais je ne para pas. PERRICHON (remontant). Ah 93, ! ce guide n'arrive pas. DANIEL. Est-ce que ces dames sont pretes ? PERRICHON. Non . . . elles ne viendront pas : vous compre- nez ! mais je compte sur vous . . . LE VOYAGE DE MONSIEUR PERRICHON. 163 DANIEL. Et sur Armand ? PERRICHON. S'il vent elre des notres, je ne refuserai cer- tainement pas la compagnie de M. Desroches. DANIEL (apart). M. Desroches! Encore un pen, il va le prendre en grippe ! L'AuBERGiSTE (entrant de la droite). Monsieur! . . . PERRICHON. Eh bien ! ce guide ? L'AUBERGISTE. II est a la porte . . . Voici vos cliaussons. PERRICHON. Ah! oui! il parait qu'on glisse dans les cre- vasses la-bas*. . . et comme je ne veux avoir d'obligation a per- sonne . . . L'AuBERGiSTE (lui presentant le registre). Monsieur ecrit-il sur le livre des voyageurs ? PERRICHON. Certainement . . . mais je ne voudrais pas ecrire quelque chose d'ordinaire . . . il me faudrait la ... une pensee ! . . . une jolie pensee ... (Eendant le livre a Vaubergiste.) Je vais y rever en mettant mes chaussons. (A Daniel.) Je suis a vous dans la minute. (// entre a droite, suivi de Vaubergiste.) SC^NE V. DANIEL, puis ARMAND. DANIEL (seul). Ce carrossier est un tresor d'ingratitude. Or, les tresors appartiennent a ceux qui les trouvent, article 71 G du Code civil . . . ARMAND (paraissant a la porte dufond). Eh bien? DANIEL (a part). Pauvre gallon ! ARMAND. L'avez-vous vu ? DANIEL. Oui. ARMAND. Lui avez-vous parle ? DANIEL. Je lui ai parle. ARMAND. Alors vous avez fait ma demande? . DANIEL. Non. 164 PROGRESSIVE FRENCH READER. AKMAND. Tiens ! pourquoi ? DANIEL. Nous nous sommes proinis d'etre francs vis-a-vis 1'un de 1'autre . . . Eh bien ! mon cher Armand, je ne pars plus, je continue la lutte. ARMAND (etonne). Ah! c'est different! . . . et peut-on vous demander les motifs qui out change votre determination ? DANIEL. Les motifs . . . j'en ai un puissant . . . je crois reussir. ARMAND. Vous ? DANIEL. Je compte prendre un autre chemin que le votre et arriver plus vite. ARMAND. C'est tres-bien . . . vous etes dans votre droit . . . DANIEL. Mais la lutte n'en continuera pas moins loyale e\ amicale ? ARMAND. Oui. DANIEL. Voila un oui un peu sec ! ARMAND. Pardon . . . (Lui tendant la main.) Daniel, je vous le pronaets . . . DANIEL. A la bonne heure ! (II remonte.) SC&NE VI. LES MEMES, PERRICHON, puis L'AUBERGISTE. PERRICHON. Je suis pret . . . j'ai mis mes chaussons . . . Ah ! monsieur Armand ! ARMAND. Vous sentez-vous remis de votre chute ? PERRICHON. Tout a fait ! ne parlons plus de ce petit acci- dent . . . c'est oublie ! DANIEL (a part)' Oublie ! il est plus vrai que la nature . . PERRICHON. Nous partons pour la mer de Glace . . . etes- vous des notres ? ARMAND. Je suis un peu fatigue . . . Je vous demanderai la permission de rester . . . LE VOYAGE DE MONSIEUR PERRICHON. 165 PERRTCHON (avec empressement). Tres-volontiers ! ne voua gcriez pas ! (A Vaiibergiste qui entre.) Ah ! monsieur Pauber- giste, doimez-moi le livre des voyageurs. (// sassied a droite et ecr>t.) DANIKL (a part). II parait qu'il a trouvc sa pensee ... la jolie pensee. PERRICHON (achevant d'ecrire). La ... voila ce que c'est\ (Lisant avec emphase.) " Que Phomme est petit quand on le coatemple an haut de la mere de Glace ! " DANIEL. Sapristi ! c'est fort ! ARM AND (apart). Courtisan! PERRICHON (modestement). Ce n'est pas Pidee de tout le monde. DANIEL (apart). Ni Porthographe ; il a ecrit mere, re re! PERRICHON (a I'anberr/iste, lid montrant le livre ouvert sur la table). Prenez garde ! c'est frais ! L'AUBERGISTE. Le guide attend ces messieurs avec les batons ferres. PERRICHON. Allons ! en route ! DANIEL. En route! (Daniel et Pcrrichon sortent, suivis de Taubergiste.) SO&NE VII. ARMAND, MADAME PERRICHON, puis HENRIETTE. ARMAND (apercevant madame Perrichon qui entre de la gauche.) Ah ! madame Perrichon ! MADAME PERRICHON. Comment! vous etes seul, monsieur? Je croyais que vous deviez accompagner ces messieurs ? ARM AND. Je suis deja venu ici Pannee derniere, et j'ai de- miiiule a monsieur Perrichon la permission de me mettre a vos ordres. 1 ' 2 MADAME PERRICHON. Ah ! monsieur ! (A part.) C'est tout 166 PROGRESSIVE FRENCH READER. a fait un homme du monde ! . . . (Haut.) Vous aimez beaucoup la Suisse ? ARMAND. Oh ! il faut bien aller quelque part ! MADAME PERRICHON. Oh ! moi, je ne voudrais pas habitei ce pays-la . . . il y a trop de precipices et de montagnes . . . Ma fainiHe est de la Beauce. ARM AND. Ah ! je comprends. MADAME PERRICHON. Pres d'Etampes . . . ARMAND (apart). Nous devons avoir un correspondant a Etampes ; ce serait un lien. (Haut.) Yous ne connaissez pas monsieur Pingley, a Etampes ? MADAME PERRICHON. Pingley ! . . . c'est mon cousin ! Voua le connaissez ? ARMAND. Beaucoup. (Apart.) Je ne 1'ai jamais vu ! MADAME PERRICHON. Quel homme charmaut ! ARMAND. Ah! oui! MADAME PERRICHON. C'est un bien grand malheur qu'il ait son inflrmite ! ARMAND. Certainement . . . c'est un bien grand malheur ! MADAME PERRICHON. Sourd a quarante-sept ans ! ARMAND (apart). Tiens! il est sourd notre correspondant ! C'est done pour $a qu'il ne repond jamais a nos lettres. MADAME PERRICHON. Est-ce singulier! c'est un ami do Pingley qui sauve mon mari ! . . . II y a de bien grands hasards dans le monde. ARMAND. Souvent aussi on attribue au hasard des peripeties dont il est parfaitement innocent. MADAME PERRICHON. Ah ! oui ... souvent aussi on attri- bue. (A part) Qu'est-ce qu'il veut dire ? ARMAND. Ainsi, madame, notre rencontre en chemin de fer, puis a Lyon, puis a Geneve, a Chamouny, ici meme, vous mettez tout cela sur le compte du hasard ? MADAME PERRICHON. En voyage, on se retrouve . . . ARMAND. Certainement . . . surtout quand on se chcrche. LE VOYAGE DE MONSIEUR PERRICHON. 167 MADAME PERRICHON. Comment? ARMAND. Oui, madame, il ne m'est pas perrnis de jouer plus longtemps la comedie du hasard; je vous dois la verite, pour vous, pour mademoiselle votre fille. MADAME PERRICHON. Ma fille ? ARMAND. Me pardonnerez-vous ? Le jour ou je la vis, j'ai ete louche, charme . . . J'ai appris que vous partiez pour la Swisse . . . et je suis parti. MADAME PERRICHON. Mais alors, vous nous suivez ? . . . ARMAND. Pas a pas . . . Que voulez-vous ? . . . j'airne . . . MADAME PERRICHON. Monsieur! ARMAND. Oh ! rassurez-vons ! j'aime avec tout le respect, toute la discretion qu'on doit a une jeune fille dont on serait heu- reux de faire sa femme. MADAME PERRICHON (perdant la t ete, a part). Une demande en mariage ! Et Perrichon qui n'est pas la ! (Haut.) Certaine- ment, monsieur . . . je suis charmee . . . non, flattee ! . . . parce que vos manieres . . . votre education . . . Pingley . . . le service que vous nous avez rendu . . . rnais monsieur Perrichon est sorti . . . pour la mer de Glace . . . et aussitot qu'il rentrera. HENRIETTE (entrant vivement). Maman! . . . (S'arretant.) Ah ! tu causais avec monsieur Armand ? MADAME PERRICHON (troublee). Nous causions, c'est-k-dire, oui ! nous parlions de Pingley ! Monsieur connait Pingley ; n'est-ce pas ? ARMAND. Certainement ! je connais Pingley ! HENRIETTE. Oh ! quel bonheur ! MADAME PERRICHON (a Henriette). Ah! comme tu es coif- fee ! ... et ta robe ! ton col ! (Bas.) Tiens-toi done droite ! HENRIETTE (etonnee). Qu'est-ce qu'il y a? ("Oris et tumults au dehors.) MADAME PERRICHON et HENRIETTE. Ah ! mon Dieu ! ARMAND. Ces cris ! . 168 PROGRESSIVE FRENCH READER. SCENE VIII. LES MEMES, PERRICHON, DANIEL, LE GUIDE, L'AUBERGISTE. (Daniel entre soutenu par I'aubergiste et par le guide.) PERRICHON (tres-emu). Vite ! de 1'eau ! du sel ! du vinaigre ! (H fait as&eoir Daniel.) Tous. Qu'y a-.t-il ? PERRICHON. Un evenement atifreux ! (S'interrompant.) Faites- le boire, frottez-lui les tempes ! DANIEL. Merci . . . Je me sens mieux. ARM AND. Qu'est-il arrive ? . . . DANIEL. Sans le courage de monsieur Perrichon . . . PERRICHON (vivement). Non, pas vous ! ne parlez pas ! . . . (Racontant.) C'est horrible ! . . . Nous etions sur la mer de Glace . . . Le mont Blanc nous regardait tranquille et majes- tueux . . . DANIEL (apart). Le recit de Theramene! 13 MADAME PERRICHON. Mais depecke-toi done ! HENRIETTE. Mon pere ! PERRICHON. Un instant! Depuis cinq minutes nous sui- vions, tout pensifs, un sentier abrupt qui serpentait entre deux crevasses . . . de glace ! Je marchais le premier. MADAME PERRICHON. Quelle imprudence ! PERRICHON. Tout a coup, j'entends derriere moi comme un e*boulement ; je me retourne : monsieur venait de disparaitre dans uu de ces abimes sans fond, dont la vue seule fait frissonner . . . MADAME PERRICHON (impatientee). Mon ami ! PERRICHON. Alors, n'ecoutant que mon courage, moi, pere de famille, je m'elance . . . MADAME PERRICHON et HENRIETTE. Ciel ! PERRICHON. Sur le bord du precipice, je lui temls mon baton ferre ... II s'y cramponne. Je tire . . . il tire ... nous tirons, et, apres une lutte insensee, je Tarrache au neant et je le LE VOYAGE DE MONSIEUR PERRICHON. 16$ ramene a la face du soleil, notre pere a tous ! . . . (H s'essuie k front avec son mouchoir.) HENRIETTE. Oh! papa! MADAME PERRICHON. Mon ami ! PERRICHON (embrassant sa femme et sa file?) Oui, mes enfants, c'est une belle page . . . ARM AND (a Daniel). Comment vous trouvez-vous ? DANIEL (bas). Tres-bien! ne vous inquietez pas! (ft se I eve.) Monsieur Perrichon, vous venez de rendre un fils a sa mere . . . PERRICHON (majestueusement) . C'est vrai ! DANIEL. Un frere a sa soeur! PERRICHON. Et un homme a la societe. DANIEL. Les paroles sont impuissantes pour reconnaitre un tel service. PERHICHON. C'est vrai ! DANIEL. II n'y a que le coeur . . . entendez-vous, le coeur! PERRICHON. Monsieur Daniel ! Non ! laissez-moi vous appe ler Daniel ! DANIEL. Comment done ! (A part.) Chacun son tour ! PERRICHON (emu). Daniel, mon ami, mon enfant! . . . votre main. (II lui prend la main.) Je vous dois les plus douces emo- tions de ma vie ... Sans moi, vous ne seriez qu'une masse informe et repoussante, ensevelie sous les frimats . . . Vous me devez tout, tout ! (Avec noblesse.) Je ne 1'oublierai jamais ! DANIEL. Ni moi ! PERRICHON (a Armand, en tfesmyant les yeux) . Ah ! jeune homme ! . . . vous ne savez pas le plaisir qu'on eprouve a sauver son semblable. HENRIETTE. Mais, papa, monsieur le sait bien, puisque tan- tot ... PERRICHON (se rappelant). Ah! oui ! c'est juste ! Monsieur i'aubergiste, apportez-moi le livre des voyageurs. MADAME PERRICHON. Pourquoi faire ? 170 PROGRESSIVE FRENCH READER. PERRICHON. Avant de quitter ces lieux, je desire consacrer par une note le souvenir de cet evenement ! L'AUBERGISTE (apportant le registre). Yoila, monsieur. PERRICHON. Merci . . . Tiens, qui est-ce qui a ecrit $a ? Tous. Quoi done? PERRICHON (lisant). "Jeferai observer a monsieur Perri chon que la mer de Glace n'ayant pas d'enfants, FE qu'il hi attribue devient un devergondage grammatical. Signe : le Com mandant." Tous. Hein? HENRIETTE (bas a son pere). Oui, papa! mer ne prend pas d'E a la fin. PERRICHON. Je le savais ! Je vais lui repondre a ce mon- sieur. (// prend une plume et ecrit.) "Le commandant est . . . un paltoquet ! Signe : Perrichon." LE GUIDE (rentrani). La voiture est la. PERRICHON. Allons ! Depechons-nous ! (Aux jeunes gens.) Messieurs, si vous voulez accepter une place ? (Armand et Daniel s'inclinent) MADAME PERRICHON (appelant son mari). Perrichon, aide- moi a mettre mon manteau. (Bas.) On vient de me demander notre fille en mariage . . . . PERRICHON. Tiens ! a moi aussi ! MADAME PERRICHON. C'est monsieur Armand. PERRICHON. Moi, c'est Daniel . . . mon ami Daniel ! MADAME PERRICHON. Mais il me semble que Tautre . . . PERRICHON. Nous parlerons de cela plus tard . . . HENRIETTE (a lafenetre). Ah! il pleut a verse! PERRICHON. Ah, diable ! (A Vaubergiste.) Combien tient-oa dans votre voiture ? L'AUBERGISTE. Quatre dans 1'interieur et un k cote du cocher . . . PERRICHON. C'est juste le compte. ARMAND. Ne vous genez pas pour moi. LE VOYAGE DE MONSIEUR PERRICHON. 171 PERRICHON. Daniel montera avec nous. HENRIETTE (las a son pere). Et monsieur Armand? PERRICHON (las). Dame ! il n'y a que quatre places ! il mon tera sur le siege. HENRIETTE. Par une pluie pareille ? MADAME PERRICHON. Un homme qui t'a sauve ? PERRICHON. Je lui preterai mon caoutchouc ! HENRIETTE. Ah ! PERRICHON. Allons ! en route ! en route ! DANIEL (apart). Je savais bien que je reprendrais la corde AOTE TROISIEME. Un salon chez Perrichon, a Paris. Cheminee au fond; porte d'entre'e dans Tangle a gauche ; appartement dans Tangle a droite ; salle & manger & gauche ; au milieu, gueridon avec tapis ; canape a droite du gue'ridon. SC&NE PREMIERE. JEAN (seul, achevant d'essuyer un fauteuil). Midi moins un quart . . . C'est aujourd'hui que monsieur Perrichon revient de voyage avec madame et mademoiselle . . . J'ai re9u hier une lettre de monsieur . . . ( Coup de sonnette a la porte exterieure.) On sonne ! . . . c'est monsieur . . . je reconnais sa main ! . . . SCENE II. JEAN, PERRICHON, MADAME PERRICHON, HENRIETTE. (Es portent det sacs de nuit et des cartons.) PERRICHON. Jean . . . c'est nous ! JEAN. Ah ! monsieur ! . . . madame . . . mademoiselle ! . . (ft Us debarrasse de leurs paquets.) 172 PROGRESSIVE FRENCH READER. FERRIC HON. Ah ! qu'il est doux de rentrer chez soi, de voir ses meubles, de s'y asseoir ! (// s'asseoit sur le canape.) MADAMS PERRICHON (assise a gauche). Nous devrions etre de retour depuis huit jours . . . PERRICHON. Nous ne pouvions passer a Grenoble sans allei voir les Darinel . . . ils nous ont retenus . . . (A Jean.) Est-il venu quelque chose pour moi en mon absence ? JEAN. Oui, monsieur . . . tout est la sur la table. PERRICHON (prenant plusieurs cartes de visite). Que de risites ! (Z/isant.) Armand Desroches . . . HENRIETTE (avec joie). Ah ! PERRICHON. Daniel Savary . . . brave jeune homme ! . . Armand Desroches . . . Daniel Savary . . . charmant jeune homme . . . Armand Desroches ! JEAN. Ces messieurs sont venus tous les jours s'informer de votre retour. MADAME PERRICHON. Tu leur dois une visite. PERRICHON. Certainement j'irai le voir . . . ce brave Daniel ! HENRIETTE. Et monsieur Armand ? PERRICHON. J'irai le voir aussi . . . apres. (J? se leve.) HENRIETTE (a Jean). Aidez-moi a porter ces cartons dans la chambre. JEAN. Oui, mademoiselle, (Regardant Perrichon.) Je trouve monsieur engraisse. On voit qu'il a fait un bon voyage. PERRICHON Splendide, mon ami, splendide ! Ah ! tu ne sais pas ? J'ai sauve un homme ! JEAN (incredule). Monsieur? . . . Allons done! . . . (7? sort avec Henrietta par la droite.} LE VOYAGE DE MONSIEUR PERRICHON. 173 SCENE III. PERRICHON, MADAME PERRICHON. PERRICHON. Comment ? Aliens done ! . . . Est-il bete, cet animal-la ! 14 MADAME PERRICHON. Maintenant que nous voila de retour j'espere que tu vas prendre un parti . . . Nous ne pouvons tardei plus longtenips a rendre reponse a ces deux jeunes gens . . deux pretendus dans la maison . . . c'est trop ! . . . PERRICHON Moi, je n'ai pas change d'avis . . . j'aime mieux Daniel ! MADAME PERRICHON. Pourquoi? PERRICHON. Je ne sais pas . . . je le trouve plus . . . enfin, il me plait, ce jeune homme ! MADAME PERRICHON. Mais Pautre . . . 1'autre t'a sauve ! PERRICHON. II m'a sauve ! Toujours le meme refrain ! MADAME PERRICHON. Qu'as-tu a lui reprocher ? Sa famille est honorable, sa position excellente . . . PERRICHON. Mon Dieu ! je ne lui reproche rien . . . je ne lui en veux pas a ce gar9on ! 15 MADAME PERRICHON. II ne manquerait plus que $a ! PERRICHON. Mais je lui trouve un petit air pince. MADAME PERRICHON. Lui! PERRICHON. Oui, il a un ton protecteur . . . des manieres . . . il semble toujours se prevaloir du petit service qu'il m'a rendu . . . MADAME PERRICHON. II ne t'en parle jamais ! PERRICHON. Je le sais bien ! mais c'est son air ! son air me dit : Hem ? sans moi ! . . . c'est aga9ant a la longue : tandis que Pautre ! . . . MADAME PERRICHON. L'autre te r^pete sans cesse : Hein ? sans vous . . . hein ? sans vous ! Cela flatte ta vanite* . . . et pourquoi tu le preferes. 174 PROGRESSIVE FRENCH READER. PERRICHON. Moi ! de la vanite ! J'aurais peut-etre le droit d'en avoir ! MADAME PERRICHON. Oh! PERRICHON. Oui, madaine! . . . 1'homme qui a risque sa vie pour sauver son sernblable pent etre Her de lui-meme . . . mais j'aime mieux me renfermer dans un silence modeste . . . signe caracteristique du vrai courage ! MADAME PERRICHOW. Mais tout cela n'empeche pas que M. Armand . . . PERRICHON. Henriette n'aime pas . . . ne peut pas aimer M. Armand ! MADAME PERRICHON. Qu'en sais-tu? PERRICHON. Dame ! je suppose . . . MADAME PERRICHON. II y a un moyen de le savoir ! c'est de Finterroger . . . et nous choisirons celui qu'elle preferera . . . PERRICHON. Soit ! . . . mais ne Pinnuence pas ! MADAME PERRICHON. La voici ! SCENE IV. PERRICHON, MADAME PERRICHON, HENRIETTE. MADAME PERRICHON (a sa file qui entre). Henriette . . . ma chere enfant . . . ton pere et moi, nous avons a te parler serieusement. HENRIETTE. A moi? PERRICHON. Oui. MADAME PERRICHON. Te voila bientot en age d'etre mariee . . . deux jeunes gens se presentent pour obtenir ta main . . . tous deux nous conviennent . . . mais nous ne voulons pas contrarier ta volonte, et nous avons resolu de te laisser 1'entiere liberte du choix. HENRIETTE. Comment ? PERRICHON. Pleine et entiere . . . LE VOYAGE BE MONSIEUR PERRICHON. 175 MADAME PERRICHON. L'un de ces jeunes gens est M. Ar mand Desroches. HENRIETTE. Ah ! PERRICHON (vivement). N* influence pas ! . . . MADAME PERRICHON. L'autre est M. Daniel Savary . . . PERRICHON. Un jeune homme charmant, distingue, spirituel, et qui, je ne le cache pas, a toutes mes sympathies . . . MADAME PERRICHON. Mais tu influences ! . . . PERRICHON. Du tout! je constate un fait! . . . (A safille.) Maiutenant te voila eclairee . . . choisis . . HENRIETTE. Mon Dieu ! . . . voii9 m'embarrassez beaucoup . . et je suis prete a accepter celui ^ae vous me designerez . . . PERRICHON. Non ! non ! decide toi-meme ! MADAME PERRICHON. Parle, mon enfant ! HENRIETTE. Eh bien! pu'squ'il faut absolument faire un choix, je choisis . . . M. Armnnd. MADAME PERRICHON. "La! PERRICHON. Armaiid ! Pourquoi pas Daniel ? HENRIETTE. Ma us M. Armand t'a sauve, papa ! PERRICHON. Ailons, bien ! encore ! c'est fatiguant, ma parole d'honneur ! MADAME PERRICHON. Eh bien ! tu vois . . . il n'y a pas & hesiter . . . PERRICHON. Ah ! mais permets, chere amie, un pere ne peut pas abdiquer . . . Je reflechirai, je prendrai mes renseignements. MADAME PERRICHON (bas). Monsieur Perrichon, c'est de la mauvaise foi ! PERRICHON. Caroline ! . . . SC&NE V. LES MEMES, JEAN, MAJORIN. JEAN (a la cantonade). Entrez! . . . ils viennent d'arriver (Majorin entre.) 176 PROGRESSIVE FRENCH READER. PERRICHON. Tiens ! c'est Majorin ! . . . MAJORIN (saluant). Madame . . . mademoiselle . . . j'ai appris que vous reveniez aujourd'hui . . . alors j'ai demande un jour de 2onge . . . j'ai dit que j'etais de garde . . . PERRICHON. Ce eher ami ! c'est tres-aimable . . . Tu dines avec nous ? MAJORIN. Mais ... si ce n'est pas indiscret . . . (Prenam Perrichon apart. Les dames s'asseyent sur le canape.) J'etais venu pour te parler des six cents francs que tu m'as pretes le jour de ton depart . . . PERRICHON. Tu me les rapportes? MAJORIN. Non . . . Je ne touche que demain mon dividende des paquebots . . . mais a midi precis . . . PERRICHON. Oh ! ca ne presse pas ! MAJORIN. Pardon . . . j'ai hate de m'acquitter . . . PERRICHON. Ah ! tu ne sais pas ? . . . je t'ai rapport^ un souvenir. MAJORIN. (11 s'assied derriere le gueridon.) Un souvenir ! moi? PERRICHON (s'asseyant). En passant a Geneve, j'ai achete* trois montres . . . une pour Jean, une pour Marguerite, la cuisi- niere . . . et une pour toi, a repetition. MAJORIN (a part). II me met apres ses domestiques ! (Haut.) Enfin ? . . . PERRICHON. Avant d'arriver a la douane frangaise, je les avais fourrees dans ma cravate . . . MAJORIN. Pourquoi ? PERRICHON. Tiens ! je n'avais pas envie de payer les droits. On me demande: Avez-vous quelque chose a declarer? Je responds non ; je fais un mouvement et voila ta diablesse de montre qui sonne : dig, dig, dig. MAJORIN. Eh bien ? PERRICHON. Eh bien ! j'ai ete pince* ... on a tout saisi MAJORIN. Comment ? IE VOYAGE DE MONSIEUR PERRICHON. 17? FERRIC HON. J'ai eu une scene atroce ! J'ai appele* le dou- anier mechant gabelou ! II m'a dit que j'entendrais parler de lui 16 . . . Je regrette beaucoup cet incident . . . elle etait char- inante, ta montre ! MAJORIN (sechement). Je ne t'en remercie pas moins . . . (A part.) Comme s'il ne pouvait pas acquitter les droits . . . c'est sordide ! SCENE VI. LES MBMES, JEAN, ARMAND. JEAN (annonfant). Monsieur Armand Desroches ! HENRIETTE (quittant son ouvrage). Ah! MADAME PERRICHON (se levant et allant au-devant d" Armand /. Soyez le bienvenu . . . nous attendions votre visile . . . ARMAND (saluant). Madame . . . monsieur Perrichon . . . PERRICHQN. Enchante ! . . . enchante* ! (A part.) H a tou- jours son petit air protecteur ! . . . MADAME PERRICHON (bas a son mari). Pr^sente-le done a Majorin. PERRICHON. Certainement . . . (Haut.) Majorin . . . je te presente monsieur Armand Desroches . . .une connaissance de voyage . . . HENRIETTE (vivement). II a sauve* papa! PERRICHON (apart). Allons, bien! . . . encore! MAJORIN. Comment, tu as couru quelque danger? PERRICHON. Non . . . une misere . . . ARMAND. Cela ne vaut pas la peine d'en parler . . PERRICHON (a part). Toujours son petit air! SC&NE VII. LES MEMES, JEAN, DANIEL. JEAN (annongant). Monsieur Daniel Savary! . . . PERRICHON (s'epanouissant). Ah! le voila, ce cher ami! . . 12 178 PROGRESSIVE FRENCH READER. ce bon Daniel ! . . . (Il renverse presque le gueridon en courani au-devant de lui.) . DANIEL (saluant). Mesdames . . . Bonjour, Armand! PERRICHON (le prenant par la main). Venez, que je vous presente a Majorin . . . (Haul.) Majorin, je te presente un de mes bojas . . . un de mes meilleurs amis . . . monsieur Daniel Savary-. . . MAJORIN. Savary ? des paquebots ? DANIEL (saluant). Moi-meme ! PERRICHON. Ah ! sans moi ! il ne te payerait pas demain ton dividende ! MAJORIN. Pourquoi ? PERRICHON. Pourquoi ? (Avec fatuite.) Tout simplement parce que je 1'ai sauve, mon bon ! MAJORIN. Toi? {Apart.) Ah $a! ils ont done passe tout leur temps a se sauver la vie ? PERRICHON (racontant). Nous etions sur la mer de Glace, le mont Blanc nous regardait tranquille et majestueux ! DANIEL (a part). Second recit de Theramene! PERRICHON. Nous suivions tout pensifs un sentier ab- rupt ! HENRIETTE (qui a ouvert un journal). Tiens, papa qui est dans le journal ! PERRICHON. Comment ! je suis dans le journal ? HENRIETTE. Lis toi-meme ... la ... (Elk lui donne k journal.) PERRICHON. Yous allez voir que je suis tombe du jury (Lisant.) " On nous ecrit de Chamouny . . . Tous. Tiens ! (Us se rapprochent.) PERRICHON (lisant). "Un evenement qui aurait pu avoir des suites deplorables vient d'arriver a la mer de Glace . . M. Da- niel S. . . a fait un faux pas et a disparu dans une de ces cre- vasses si redoutees des voyageurs. Un des temoins de cette scene, M. Perrichon, f iu'il nous permette de le nommer.) * LB VOYAGE DE MONSIEUR PERRICHON. 179 (Parle.) Comment done ! si je le permets ! (Lisant.) " M. Per- richon, notable commercant de Paris et pere de famille, n'ecou- tant que son courage, et au mepris de sa propre vie, s'est elance dans le gouffre." (Parle.) C'est vrai, "et apres des efforts iiiouis, a etc* assez heureux pour en retirer son compagnon. Un si admirable devouement n'a ete surpasse que par la modestie de M. Perrichon, qui s'est derobe aux felicitations de la foule emue et attendrie . . . Les gens' de coeur de tous les pays nous sauront gre de leur signaler un pareil trait ! " Tous. Ah ! DANIEL (a part). Trois francs la ligne ! PERRICHON (relisant lentement la derniere phrase). " Les gens de coeur de tous les pays nous sauront gre de leur signaler un pareil trait." (A Daniel, tres-emu.) Mon ami . . . mon enfant ! embrassez-moi ! (Us s'embr assent.) DANIEL (apart). Decidement, j'ai la corde . . . PERRICHON (montrant le journal). Certes, je ne suis pas un reVolutionnaire, mais je le proclame hautement, la presse a du bon ! (Mettant le journal dans sa poche et a part.) J'en ferai acheter dix numeros ! MADAME PERRICHON. Dis done, mon ami, si nous envoyions au journal le recit de la belle action de M. Armand ? HENRIETTE. Oh ! oui ! cela ferait un joli pendant ! PERRICHON (yivement). C'est inutile ! je ne peux pas toujours occuper les journaux de ma personnalite . . . JEAN (entrant un papier a la main). Monsieur! PERRICHON. Quoi ? JEAN. Le concierge vient de me remettre un papier timbr^ pour vous. MADAME PERRICHON. Un papier timbre* ? PERRICHON. N'aie done pas peur! je ne dois rien a per- sonne . . . au contraire, on me doit . . . MAJORIN (apart). C'est pour moi qu'il dit ga! PERRICHON (regardant le papier). Une assignation a compa- 180 PROGRESSIVE FRENCH READER. raitre devant la sixieme chambre pour injures envers un agent de la force publique dans Fexercice de ses fonctions. TODS. Ah! mon Dieu ! PERRICHON (lisant). Yu le proces-verbal dresse au bureau de la douane fra^aise par le sieur Machut, sergent douanier . . . (Majorin remonte.) ARM AND. Qu'est-ce que cela signifie ? PERRICHON. Un douanier qui m'a saisi trois montres . . . j'ai etc trop vif . . . je 1'ai appele gabelou ! rebut de Thumanite ! . . . MAJORIN (derriete le gueridori). C'est tres-grave! Tres- grave ! PERRICHON (inquiet). Quoi? MAJORIN. Injures qualifiers envers un agent de la force publique dans 1'exercice de ses fonctions. MADAME PERRICHON et PERRICHON. Eh bien ? MAJORIN. De quinze jours a trois mois de prison . . . Tous. En prison ! . . . PERRICHON. Moi! apres cinquante ans d'une vie pure et sans tache . . . j'irais m'asseoir sur le bane de 1'infamie ! jamais ! jamais ! MAJORIN (apart). C'est bien fait! 17 $a lui apprendra a ne pas acquitter les droits ! PERRICHON. Ah ! mes amis ! mon avenir est brise. MADAME PERRICHON. Voyons, calme-toi ! HENRIETTE. Papa ! DANIEL. Du courage ! ARMAND. Attendez ! je puis peut-etre vous tirer de la. Tous. Hein? PERRICHON. Yous ! mon ami . . . mon bon ami ! ARMAND (allant a lui). Je suis lie assez intimement avec un employe* superieur de I'adniinistration des douanes . . . je vais le voir . . . peut-etre pourra-t-on decider le douanier a retirer sa plain te. MAJORIN. a me parait difficile 1 LE VOYAGE DE MONSIEUR PERRICHON. 181 AKMAND. Pourquoi? un moment de vivacite . . . PERRICHON. Que je regrette ! ARMAND. Donnez-moi ce papier . . j'ai bon espoir . . . ne vous tourmentez pas, mon brave M. Perrichon ! PER RICH ON (emu, lui prenant la main). Ah! Daniel! (se rcprenant) non ! Armand ! tenez, il faut que je vous embrasse ! (77s s'embr assent.) HENRIETTE (apart). Ala bonne heure ! (Elle remonte avec sa mere.) ARMAND (las a Daniel). A mon tour, j'ai la corde! DANIEL. Parbleu ! (A part.) Je crois avoir affaire a un rival et je tombe sur un terre-neuve. MAJORIN (a Armand). Je sors avec vous. PERRICHON. Tu nous quittes ? MAJORIN. Oui . . . (Fierement.) Je dine en ville ! ( 11 sort avec Armand.) MADAME PERRICHOX (s'apftrochant de son mari et bas). Eh bien, que penses-tu maintenant de M. Armand ? PERRICHON. Lui ! c'est-a-dire que c'est un ange ! un ange ! MADAME PERRICHON. Et tu hesites a lui donner ta fille ? PERRICHON. Non ! je n'he'site plus. MADAME PERRICHON. Enfin! je te retrouve! 18 H ne te reste plus qu'a prevenir M. Daniel. PERRICHON. Oh ! ce pauvre gar^on ! tu crois ? MADAME PERRICHON. Dame! a moins que tu ne veuillea attendre Fenvoi des billets de faire part ? PERRICHON. Oh! non! MADAME PERRICHON. Je te laisse avec lui ... courage! (Haut.) Viens-tu Henriette? (Saluant Dame,..) Monsieur! (Kile sort a droite suivie d* Henriette.) 182 PROGRESSIVE FRENCH READER. SCENE VIII. PERRICHON, DANIEL. DANIEL (a part en descendant.) H est evident que mes actions baissent ... Si je pouvais . . . (II va au canape.) PERRICHON (a part au fond]. Ce brave jeune homme . . . $a me fait de la peine . . . Allons ! II le faut ! (Haut) Mon cher Daniel . . . mon bon Daniel . . . j'ai une communication penible a vous faire. DANIEL (apart). Nous y voila! (Ils s* asseyent sur le canape.) PERRICHON. Vous m'avez fait 1'honneur de me demander la main de ma fille . . . Je caressais ce projet, mais les circonstances . . les evenements . . . votre ami, M. Armand, m'a rendu de tels services ! . . . DANIEL. Je comprends. PERRICHON. Car on a beau dire, il m'a sauve la vie, cet hoinme ! DANIEL. Eh bien! et le petit sapin auquel vous vous etes crarnponne ? PERRICHON. Certainement . . . le petit sapin . . . mais il etait bien petit . . . il pouvait casser . . . et puis je ne le tenais pas encore. DANIEL. Ah ! PERRICHON. Non . . . mais ce n'est pas tout . . . dans ce mo- ment, cet excellent jeune homme brule le pave pour me tirer dea cachots . . . Je lui devrai 1'honneur . . . 1'honneur ! DANIEL. M. Perrichon! le sentiment qui vous fait agir est trop noble pour que je cherche a le combattre . . . PERRICHON. Vrai ! Vous ne m'en voulez pas ? DANIEL. Je ne me souviens que de votre courage . . . de votre devouement pour moi . . . PERRICHON (lui prenant la main) . Ah ! Daniel ! (A part.) C'est etonnant comme j'aime ce gargon-la ! LE VOYAGE DE MONSIEUR PERRICHON. 183 DANIEL (se levant). Aussi, avant de partir . . . PERRICHON. Hein ? DANIEL. Avant de vous quitter . . . PERRICHON (se levant). Comment! me quitter! vous? Et pourquoi ? DANIEL. Je ne puis continuer des visites qui seraient com- promettantes pour mademoiselle votre fille . . . et douloureuses pour rnoi. PERRICHON. Allons bien! Le seul homme que j'aie sauve! DANIEL. Oh ! mais votre image ne me quittera pas . . . j'ai forme un projet . . . c'est de fixer sur la toile, comme elle Test deja dans mon coeur, 1'heroique scene de la mer de Glace. PERRICHON. Un tableau ! II veut me mettre dans un tableau ! DANIEL. Je me suis deja adresse a un de nos peintres lea plus illustres . . . un de ceux qui travaillent pour la posterite ! . . . PERRICHON. La posterite ! Ah ! Daniel ! (A part.) C'est extraordinaire comme j'aime ce gargon-la ! DANIEL. Je tiens surtout a la ressemblance . . . PERRICHON. Je crois bien ! moi aussi ! DANIEL. Mais il sera ne*cessaire que vous nous donniez cinq ou six seances . . . PERRICHON. Comment done, mon ami ! quinze ! vingt ! trente ! ga ne m'ennuiera pas . . . nous poserons ensemble ! DANIEL (vivement). Ah! non . . . pas moi! PERRICHON. Pourquoi ? DANIEL. Parce que . . . voici comment nous avons con$u le tableau . . . on ne verra sur la toile que le Mont-Blanc ... PERRICHON (inquiet). Eh bien, et moi? DANIEL. Le Mont-Blanc et vous ! PERRICHON. C'est c,a . . . moi et le Mont-Blanc . . . tran- quille et majestueux ! . . . Ah, a ! et vous, ou serez-vous ? DANIEL. Dans le trou . . . tout au fond ... on n'apercevra que mes deux mains crispees et suppliantes . . . PERRICHON. Quel magnifique tableau ! 184 PROGRESSIVE FRENCH READER. DANIEL. Nous le mettrons au Musee . . . PERRICHON. De Versailles? DANIEL. Non, de Paris . . . PERRICHON. Ah ! oui . . . a 1'exposition ! . . . DANIEL. Et nous inscrirons sur le livret cette notice . . . PERRICHON. Non ! pas de banque ! pas de reclame ! 19 Nous mettrons tout simplcment Farticle de mon journal ..." On nous ecrit de Chamouny ..." DANIEL. C'est un peu sec. PERRICHON. Oui . . . mais nous 1'arrangerons ! (Avec effu- sion.) Ah ! Daniel, mon ami ! . . . mon enfant ! DANIEL. Adieu, monsieur Perrichon ! . . . nous ne devons plus nous revoir . . . PERRICHON. Non! c'est impossible! c'est impossible! ce manage . . . rien n'est encore decide . . . DANIEL. Mais . . PERRICHON. Restez ! je le veux ! DANIEL (apart). Allons*donc! [The Commandant Mathieu, who considers himself insulted by the appellation Perri- chon has written down against his name in the traveller's book at the Swiss Inn, calls to demand of him an apology or satisfaction Perrichon, who has his own private plans for escaping all danger, astonishes Daniel by agreeing to meet his antagonist the next day at noon.] SC&NE IX. DANIEL (sent). Allons done! . . . c'est impossible! . . . je ne peux pas laisser battre M. Perrichon avec un zouave ! . . . c'est qu'il a du coeur le beau-pere ! . . . je le connais, il ne fera pas de concessions . . . de son cote le commandant . . . et tout cela pour une faute d'orthographe ! ( Cherchant.) Vo jons done ! . . . si je prevenais 1'autorite? oh! non! . . . au fait, pourquoi pas? per- sonne ne le saura. D'ailleurs, je n'ai pas le choix des moyens . . . (11 prend un buvard et un encrier sur une table, pres de la porte d? entree, et se place au gueridon.) Une lettre au prefet de LE VOYAGE DE MONSIEUR PERRICHON. 185 police ! . . . (J^erivant.) Monsieur le Prefet . . . j'ai 1'honneur de . . . (Parlant tout en ecrivant.) Une ronde passera par la a point nomine* . . . le hasard aura tout fait . . . et Fhonneur sera sauf. (// pile et cachete sa lettre et remet en place ce qu'il a pris.) Maintenant, il s'agit de la faire porter tout de suite . . . Jean doit toe la! (// sort en appelant.) Jean! Jean! (II disparait dans I'antichambre.) SCENE X, PERRICHON (seul. H entre en tenant une lettre a la main. II la lit.) " Monsieur le Prefet, je crois devoir prevenir Pautorite que deux insenses ont Fintention de croiser le fer demain, a midi moins un quart ..." (Parle.) Je mets moins un quart aim qu'on soit exact. II suffit quelquefois d'un quart d'heure ! . . . (Repre- nant sa lecture.) " A midi moins un quart . . . dans les bois de la Malmaison. Le rendez-vous est a la porte du garde ... II appar tient a votre haute administration de veiller sur la vie des citoyens. Un des combattants est un ancien commercant, pere de famille, devoue a nos institutions et jouissant d'une bonne notoriete dans son quartier. Veuillez agreer, Monsieur le Pre- fet, etc. etc. ..." S'il croit me faire peur ce commandant ! . . . maintenant 1'adresse . . . (J7 ecrit.) Tres-presse, comnaunicadon importante . . . comme 9a, ga arrivera . . . Ou est Jean ? SCilNE XL PERRICHON, DANIEL, puis MADAME PERRICHON, HENRIETTE, puis JEAN. DANIEL (entrant par le fond, sa lettre a la main). Impossible de trouver ce domes tique! (Apercevant Perrichon.) Ah! (II cache sa lettre.) PERRICHON. Daniel I ( H cache au$si sa lettre.) DANIEL. Eh bien, monsieur Perrichon? 186 PROGRESSIVE FRENCH READER. PERRICHON. Vous voyez . . . je suis calme . . comme lo bronze! (Apercevant sa femme et sa fille) Ma femnie, silence l (II descend.) MADAME PERRICHON (a son mari). Mon ami, le maitre de piano d' Henrietta vient de nous envoyer des billets de concert pour demain . . . midi . . . PERRICHON (apart). Midi! HENRIETTE. C'est a son benefice, tu nous accompagneras ? PERRICHON. Impossible ! demain, ma journee est prise ! MADAME PERRICHON. Mais tu n'as rien a faire . . . PERRICHON. Si ... j'ai une affaire . . . tres-importante . . demande a Daniel . . . DANIEL. Tres-importante ! MADAME PERRICIION. Quel air serieux ! (A son mari.) Tu as la figure longue d'une aune ; on dirait que tu as peur. PERRICHON. Moi ? peur ! On me verra sur le terrain ! DANIEL (apart). Aie! MADAME PERRICHON. Le terrain ! PERRICHON (a part). Sapristi! c,a m'a e'chappe ! HENRIETTE (courant a lui). Un duel! papa! PERRIOHON. Eh bien ! oui, mon enfant, je ne voulais pas ta le dire, $a m'a echappe, ton pere se bat ! . . . MADAME PERRICHON. Mais avec qui ? PERRICHON. Avec un commandant au deuxieme zouaves ! MADAME PERRICHON et HENRIETTE (effrayees). Ah! grand Dieu! PERRICHON. Demain, a midi, dans le bois de la Malmaison, k la porte du garde ! MADAME PERRICHON (allant a lui). Mais tu es fou . . . toi! un bourgeois ! PERRICHON. Madame Perrichon, je blame le duel . . . mais il y a des circonstances oil rhomme se doit a son honneur ! (A party montrant sa lettre.) Oil est done Jean ? MADAME PERRICHON (apart). Non! c'est impossible ! je na LE VOYAGE DE MONSIEUR PERRICHON. 187 souffrirai pas . . . {Elk va a la table au fond el ecrit a part.) Monsieur le prefet de police . . . JEAN (paraissant). Le diner est servi ! PERRICHON (s'approchant de Jean et bas). Cette .lettre a son adresse, c'est tres-presse ! (II s'eloigne.) DANIEL (bas a Jean). Cette lettre a son adresse . . . c'est tres-presse! (II s'eloigne.) MADAME PERRICHON (bas a Jean). Cette lettre a son adresse . . . c'est tres-presse ! PERRICHON. Allons! Stable! HENRIETTE (a part). Je vais faire prevenir monsieur Armand. (Elle entre a droite.) MADAME PERRICHON (a Jean avant de sortir). Cliut! DANIEL (de meme). Chut! PBRRICHON (de meme). Chut ! (Us disparaissent tons les trois.) JEAN (seul). Quel est ce mystere? (Lisant V adresse des trois lettres.) Monsieur le prefet . . . Monsieur le prefet . . . Monsieur le prefet . . . (J^tonne, et avec joie.) Tiens ! il n'y a qu'une course ! 20 ACTE QUATRIEME. Un jardin. Banes, chaises, table rustique; & droite, un pavilion praticable. [The next day, just as Perrichon is tranquilly and proudly starting to keep hta Appointment, Armand arrives, with the information that the duel cannot take place, since he has just had the Commandant put in Clichy, the debtor's prison, on account of aa unpaid note.] SCENE PREMIERE. PERRICHON, ARMAND, puis JE^ N et le COMMANDANT. PERRICHON (a part). Je suis tres-contrarie* . . . tres-con- Irane* ! . . . j'ai passe une partie de la nuit a ecrire a mes amis que je me battais . . . je yais etre ridicule. 188 PROGRESSIVE FRENCH READER. ARM AND (a part) . II doit etre bien dispose . . Essayons (Haut.) Mon cher monsieur Perrichon . . . PERRICHON (sechement). Monsieur? ARMAND. Je suis plus heureux que je ne puis le dire d'avoir pu terminer cette desagreable affaire. PERRICHON (a part). Toujours son petit air protecteur! (Haut.) Quant a moi, monsieur, je regrette que vous m'ayez prive du plaisir de donner une Ie9on ce professeur de gram^ maire ! ARMAND. Comment! mais vous ignorez done que votre adversaire? . . . PERRICHON. Est un ex-commandant au deuxieme zouaves . . . Eh bien? . . . apres? J'estime Farmee, mais je suis de ceux qui savent la regarder en face. (11 passe fierement devant lui.) JEAN (paraissant et annon$ant). Le commandant Mathieu ! PERRICHON. Hein ? ARMAND. Lui ? PERRICHON. Vous me disiez qu'il etait en prison ! LE COMMANDANT (entrant). J'y etais, en effet, mais j'en suis sorti. (Apercevant Armand.) Ah ! monsieur Armand ! je viens de consigner le montant du billet que je vous dois, plus les frais . . . (^t Perrichon.) Je suis desole, monsieur, de vous avoir fait attendre . . . Je suis a vos ordres. JEAN (a part). Oh ! ce pauvre bourgeois ! 21 PERRICHON. Je pense, monsieur, que vous me rendrez la justice de croire que je Fuis tout a fait etranger a 1'incident qui vient de se produire. ARMAND. Tout a fait ! car a Finstant meme, monsieur me manifestait ses regrets de ne pouvoir se rencontrer avec vous. LE COMMANDANT (a Perrichon). Je n'ai jamais doute, mon- sieur, que vous ne fussiez un loyal adversaire. PERRICHON (avec hauteur). Je me plais a 1'esperer, monsieur. JEAN (a part). II est tres-solide, le bourgeois ! LE VOYAGE DE MONSIEUR PERRICHON. 189 LE COMMANDANT. Mes temoins sont a la porte . . . partons PERRICHON. Partons ! LE COMMANDANT (tirant sa montre). II est midi. PERRICHON (a part). Midi ! . . . deja ! LE COMMANDANT. Nous serous la-bas a deux heures. PERRICHON (apart). Deux heures! Us seront partis. ARMAND. Qu'avez-vous done ? PERRICHON. J'ai . . . j'ai . . . messieurs, j'ai toujours pens^ qu'il y avait quelque noblesse a reconnaitre ses torts. LE COMMANDANT et JEAN (etonnes). Hem? ARMAND. Que dit-il ? PERRICHON. Jean . . . laisse-nous! ARMAND. Je me retire aussi ... t LE COMMANDANT. Oh ! pardon ! je desire que tout ceci se passe devant temoins. ARMAND. Mais . . . LE COMMANDANT. Je vous prie de rester. PERRICHON. Commandant . . vous etes un brave militaire . . . et moi . . . j'aime les militaires ! Je reconnais que j'ai eu des torts envers vous . . . et je vous prie de croire que . . . (A part.) Sapristi ! devant mon domestique ! (Haut.) Je vous prie de croire qu'il n'etait ni dans mes intentions . . . (II fait signe de sortir a Jean, qui a Pair de ne pas comprendre. A part.) a rn'est egal, je le mettrai a la porte ce soir. (Haut.) ni dans ma pensee . . . d'oflfenser un homme que j'estiine et que j'honore ! LE COMMANDANT. Alors, monsieur, ce sont des excuses ! ARMAND (vivement). Oh ! des regrets ! . . . PERRICHON. N'envenimez pas ! n'envenimez pas ! laissez par. ler le commandant ! LE COMMANDANT. Sont-ce des regrets ou des excuses? PERRICHON (hesitant). Mais . . . moitie 1'un . . . moitie i'autre ... LE COMMANDANT. Monsieur, vous avez ecrit en toutes lettrea vw ie livre de Montanvert le commandant est un v . . 190 PROGRESSIVE FRENCH READER. PERRICHON (vivement). Je retire le mot! il est retire*! LE COMMANDANT. II est retire . . . ici . . . mais la-bas. il s'epanouit au beau milieu (Tune page que tous les voyageurs peuvent lire. PERRICHON. Ah! Dame! pour c.a! a moins que je ne re* tourne moi-meme Teffacer ! LE COMMANDANT. Je n'osais pas vous le demander, mau puisque vous me 1'offrez . . . PERRICHON. Moi ? LE COMMANDANT. J'accepte. PERRICHON. Permettez . . . LE COMMANDANT. Oh ! je ne vous demande pas de repartir aujourd'hui , . . non ! . . . mais demain. PERRICHON et ARMAND. Comment! LE COMMANDANT. Comment? Par le premier convoi, et vous bifferez vous-meme, de bonne grace, les deux mechantes lignes echappees a votre improvisation . . . c.a m'obligera. PERRICHON. Oui . . . comme a . . . il faut que je retourne en Suisse ? LE COMMANDANT. D'abord, le Montanvert etait en Savoie . . . maintenant c'est la France ! PERRICHON. La France, reine des nations ! JEAN. C'est bien moins loin ! LE COMMANDANT (ironiquement). H ne me reste plus qu'& rendre hommage a vos sentiments de conciliation. PERRICHON. Je n'aime pas a verser le sang ! LE COMMANDANT (riant). Je me declare completernent satis- fait. Messieurs, j'ai bien 1'honneur de vous salue 7 ! PERRICHON (saluant). Commandant . . . (Le commandant sort.) JEAN (a Perrichon, tristementj. Eh bien! monsieur . . . voila votre affaire arrangee ! PERRICHON (eclatant}. Toi, je te donne ton coinpte. Ya faire tes paquets, animal ! JEAN (stupSfaii). Ah! bah! qu'est-ce que j j ai fait? (21 sor a droite.) LE VOYAGE DE MONSIEUR PERRICHON. 191 SC&NE II. ARM AND, PERRICHON. PERRICHON (apart). II n'y a pas a dire . . . j'ai fait des excuses ! inoi ! dont on verra le portrait au Musee ... mais h qui la faute ? a ce M. Armand ! ARMAND (apart, au fond). Pauvre homme! je ne sais quo lui dire. PERRICHON (a part). All, 9a! est-ce qu'il ne va pas s'en aller ? II a peut-etre encore quelque service a me rendre . . Us sont jolis, ses services ! ARMAND. Monsieur Perrichon ! PERRICHON. Monsieur ? ARMAND. Hier, en vous quittant, je suis alle chez mon ami . . . 1'ernploye' a 1'administration des douanes . . . Je lui ai parle* de votre affaire. PERRICHON (sechcment). Vous etes trop bon % ARMAND. C'est arrange I . . . on ne donnera pas suite au proces. PERRICHON. Ah ! ARMAND. Settlement, vous ecrirez au douanier quelques mots de regrets. PERRICHON (eclalant). C'est ^a! des excuses! encore des excuses ! . . . De quoi vous melez-vous, a la fin ? ARMAND. Mais . . . PERRICHON. Est-ce que vous ne perdrez pas Thabitude de vous fourrer a chaque instant dans ma vie ? ARMAND. Comment ! PERRICHON. Oui, vous touchez a tout ! Qui est-ce qui vous a prie de faire arreter le commandant ? Sans vous, nous etions tous la-bas, a midi ! ARMAND. Mais rien ne vous empechait d'y etre a deux heures J 192 PROGRESSIVE FRENCH READER. PERRICHON. Ce n'est pas la meme chose ! ARM AND. Pourquoi ? PERRICHON. Yous me demandez pourquoi ? Parce que . . non ! Vous ne saurez pas pourquoi ! (Avec colere.) Assez de services, monsieur ! assez de services ! Desormais, si je tombe dans tin trou, je vous prie de m'y laisser ! j'aime mieux donner cent francs au guide . . . car $a coute cent francs . . . il n'y a paa de quoi etre si fier ! 22 Je vous prierai aussi de. ne plus chan- ger les heures de mes duels, et de me laisser aller en prison si c'est ma fantaisie. ARMAND. Mais, monsieur Perrichon ! PERRICHON. Je n'aime pas les gens qui s'imposent . . . c'est de 1'indiscretion ! Vous m'envahissez ! . . . ARMAND. Permettez . . . PERRICHON. Non, monsieur! on ne me domine pas, moi! Assez de services ! assez de services ! (11 sort par le pavilion.) HI. ARMAND, puis HENRIETTE. ARMAND (seul). Je n'y comprends plus rien . . . je suis aba- Bourdi! HENRIETTE (entrant par la droite, au fond). Ah ! monsieur Armand ! ARMAND. Mademoiselle Henriette ! HENRIETTE. Avez-vous cause* avec papa ? ARMAND. Oui, mademoiselle. HENRIETTE. Eh bien ? ARMAND. Je viens d'acquerir la preuve de sa parfaite anti- pathie. HENRIETTE. Que dites-vous la ? C'est impossible ! ARMAND. n a ete jusqu'a me reprocher de Tavoir sauve* an Montanvert . . . J'ai cru qu'il allait m'offrir cent francs de recompense. LE VOYAGE DE MONSIEUR PERRICHON. 193 HENRIETTE. Cent francs ! Par exemple ! ARMAND. 11 dit que c'est le prix ! . . . HENRIETTE. Mais c'est horrible !. . c'est de 1'ingratitude !.. ARMAND. J'ai senti que ma presence le froissait, le blessait . . et je n'ai plus, mademoiselle, qu'a vous faire mes adieux. HENRIETTE (vivement). Mais, pas du tout! restez ! ARMAND. A quoi bon ? c'est a Daniel qu'il reserve votre main. HENRIETTE. Monsieur Daniel ! . . . mais je ne veux pas ! ARMAND (avec joie). Ah! HENRIETTE (se reprenant). Ma mere ne veut pas! elle ne partage pas les sentiments de papa ; elle est reconnaissante, elle ; elle vous aime . . . Tout a Fheure elle me disait encore : Mon- sieur Armand est un honnete homme . . . un homme de cceur, et ce que j'ai de plus cher au monde, je le lui donnerai . . . ARMAND. Mais, ce qu'elle a de plus cher . . . c'est vous ! HENRIETTE (na'ivement). Je le crois. ARMAND. Ah ! mademoiselle, que je vous remercie ! HENRIETTE. Mais, c'est maman qu'il faut remercier ! ARMAND. Et vous, mademoiselle, me permettez-vous d'espe* rer que vous aurez pour moi la meme bienveillance ? HENRIETTE (embarrasses). Moi, monsieur? . . . ARMAND. Oh ! parlez ! je vous en supplie . . . HENRIETTE (baissant les yeux). Monsieur, lorsqu'une demoi- selle est bien elevee, elle pense toujours comme sa maman. (Elle se sauve.) SC^NE IV. ARMAND, puis DANIEL. ARMAND (seul). Elle m'aime! elle me 1'a ditl . . Ah I je *uis trop heureux ! ... ah ! ... DANIEL (entrant). Bonjour, Arraand ! ARMAND. C'est vous . . . ( A part.) Pauvre gargon ! 13 194 PROGRESSIVE FRENCH READER. DANIEL. Voici Pheure de la philosophic . . . Monsieur Per- richon se recueille . . . et clans dix minutes nous allons connaitre sa reponse. Mon pauvre ami ! ARMAND. Quoi done? DANIEL. Dans la campagne que nous venons de faire, vous avez conunis fautes sur fautes . . . ARMAND (etonne). Hoi? DANIEL. Tenez, je vous aime, Annand . . . et je veux vous donner un bon avis qui vous servira . . . pour une autre fois 1 vous avez un defaut mortel ARMAND. Lequel ? DANIEL. Vous aimez trop a rendre service . . . c'est une passion malheureuse ! ARMAND (riant.) Ah! parexemple! DANIEL. Croyez-moi . . . j'ai vecu plus que vous, et dans un nVonde . . . plus avance ! Avant d'obliger un homme, assu- fez-vous bien d'abord que cet homme n'est pas un imbecile. ARMAND. Pourquoi ? DANIEL. Parce qu'un imbecile est incapable de supporter longtemps cette charge ecrasante qu'on appelle la reconnais- sance ; il y a meme des gens d'esprit qui sont d'une constitution si delicate . . . ARMAND (riant). Allons ! developpez votre paradoxe. DANIEL. Voulez-vous un exemple ? monsieur Perrichon . . . PERRICHON (passant sa tete a la porte du pavilion). Mon com! DANIEL. Vous me permettrez de ne pas le ranger dans la categorie des hommes superieurs ! (Perrichon disparait.) Eh oien ! monsieur Perrichon vous a pris tout doucement en grippe. ARMAND. J'en ai bien peur ! DANIEL. Et pourtant vous lui avez sauve la vie. Vous croyez peut-etre que ce souvenir lui rappelle un grand acte de devoue- ment ? Non ! il lui rappelle trois choses : Primo, qu'il ne salt LB VOYAGE DE MONSIEUR PERRICHON. 19& pas monter a clieval ; secundo, qu'il a eu tort de mettre des eperons malgre 1'avis de sa femme ; tertio, qu'il a fait en pubMc une culbute ridicule . . . ARMAND. Soit, mais . . . DANIEL. Et comnie il fallait tin bouquet a ce beau feu d'arti- fice, vous lui avez demontre, comme deux et deux font quatre, que vous ne faisiez aucun cas de son courage, en ernpechant un duel . . . qui n'aurait pas eu lieu. ARMAND. Comment ? DANIEL. J'avais pris mes mesures . . . Je rends aussi quel- quefois des services . . . ARMAND. Ah! vous voyez bien! 28 DANIEL. Oui, mais moi, je me cache . . . je me masque ! Quand je penetre dans la misere de mon semblable, c'est avec des chaussons et sans lumiere . . . comme dans une poudriere ! D'ou je conclus . . . ARMAND. Qu'il ne faut obliger personne ? DANIEL. Oh ! non ! mais il faut operer nuitamment et choi- sir sa victiine. D'ou je conclus que le dit Perrichon vous deteste ; votre presence Fhumilie, il est votre oblige, votre inferieiir ! vous Pecrasez, cet homme ! ARMAND. Mais c'est de 1'ingratitude ! . . . DANIEL. L'ingratitude est une va-rtete de 1'orgueil . . . C'est Tindependance du coeur, a dit un aimable philosophe. Or, mon- sieur Perrichwn est le carrossier le plus independant de la carros- serie fran9aise ! J'ai flaire cela tout de suite . . . Aussi ai-je suivi une marche tout a fait opposee a la votre. ARMAND. Laquelle ? DANIEL. Je me suis laisse glisser . . . expres! dans une petite crevasse . . . pas mechante. ARMAND. Expres ? DANIEL. Vous ne comprenez pas ? Donner a un carrossier 1'occasion de sauver son semblable, sans danger pour lui, c'est un coup de maitre! Aussi, depuis ce jour, je suis sa joie, son 196 PROGRESSIVE FRENCH READER. triomphe, son fait d'armes ! Des que je parais, sa figure s'epa- nouit, son estomac se gonfle, il lui pousse des plumes de paon dans sa r^dingote . . . Je le tiens ! comme la vanite tient I'hornme . . . Quand il se refroidit, je le ranime, je le souffle . . . je rimprime dans le journal ... a trois francs la ligne ! ARMAND. Ah bah ! c'est vous ? * DANIEL. Parbleu ! Demain je le fais peindre a Phuile . . . en tete-a-tete avec le mont Blanc ! J'ai demande un tout petit mont Blanc et un immense Perrichon ! Enfin, mon ami, retenez bien ceci . . . et surtout gardez-moi le secret : les hommes ne s'attachent point a nous en raison des services que nous leur rendons, mais en raison de ceux qu'ils nous rendent ! ARMAND. Les hommes . . . c'est possible . . . mais les femmes ! DANIEL. Eh bien ! les femmes . . . ARMAND. Elles comprennent la reconnaissance, elles savent garder au fond du coeur le souvenir du bienfait ! DANIEL. Dieu ! la jolie phrase ! ARMAND. Heureusement, madame Perrichon ne partage pas les sentiments de son mari. DANIEL. La maman est peut-etre pour vous . . . mais j'ai pour rnoi 1'orgueil du papa . . . du haut du Montanvert ma cre- vasse me protege ! SCENE V. LES MEMES, PERRICHON, MADAME PERRICFON, HENRIETTE. PERRICHON (entrant accompagne dc sa farfirr et de sa fille, il jst ires-grave). Messieurs, je suis heureux de vous trouver en- ^mble . . . vous rn'avez fait tous deux 1'honneur de n?e denian- tfer la main de ma fille . . . vous allez connaitre ma decision . . . ARMAND (apart). Voici le moment! PERRICHON (a Daniel sourianf) Monsieur Daniel . . . mon ami! LE VOYAGE DE MONSIEUR PERRICHON. 197 ARM AND (a part). Je suis perdu ! PERRICHON. J'ai deja fait beaucoup pour vous . . . je veux faire plus encore . . . Je veux vous dormer . . . DANIEL (remerciant). Ah! monsieur! PERRICHON (froidement). Un conseil . . . (Bos.) Paries moins haut quand vous serez pres d'une porte. DANIEL (etonne). Ah! bah! PERRICHON. Oui . . . je vous remercie de la leson. {Haul.) Monsieur Armand . . . vous avez moins ve*cu que votre ami . . . vous calculez moins, mais vous me plaisez davantage . . je vous donne ma fille . . . ARMAND. Ah ! monsieur ! . . . PERRICHON. Et reinarquez que je ne cherche pas a m'ac- quitter envers vous . . . je desire rester votre oblige . . . (Re- gardant Daniel) car il n'y a que les imbeciles qui ne savent pas supporter cette charge ecrasante qu'on appelle la reconnaissance. (11 se dirige vers la droite, madame Perrickon fait passer sa jftlle da cote d' Armand, qui lui donne le bras.) DANIEL (a part). Attrappe ! 24 ARMAND (apart). Oh! ce pauvre Daniel! DANIEL. Je suis battu ! (A Armand.) Apres comme avant, donnons-nous la main. ARMAND. Oh ! de grand coeur ! DANIEL (allant a Perrichon). Ah! monsieur Perrichon, vous ecoutez aux portes ! PERRICHON. Eh! mon Dieu! un pere doit chercher a s'e- clairer . . . (Le prenant a part.) Voyons la ... vraiment, est-ce .que vous vous y etes jete expres ? DANIEL. Ou a? PERRICHON. Dans le trou ! DANIEL. Oui . . . mais je ne le dirai h personne. PERRICHON. Je vous en prie. (Poianees de main.) 198 PROGRESSIVE FRENCH READER, SCENE VL LES MEMES, MAJORIN. MAJORIN. Monsieur Perrichon, j'ai louche mon dividende h trois heures . . . et j'ai garde la voiture de monsieur pour vous rapporter plus tot vos six cents francs . . . les voici ! PERRICHON. Mais cela ne pressait pas ! MAJORIN. Pardon, cela'pressait . . . considerablement : main- tenant nous sommes qtiittes . . . completeinent quittes ! PERRICHON (a part). Quand je pense que j'ai ete comme 5 a! . . . MAJORIN (a Daniel) . Voici le numero de votre voiture, il y a sept quarts d'heure. (11 lid donne une carte.) PERRICHON. Monsieur Armand, nous resterons chez nous dernain soir . . . et si vous voulez nous faire plaisir, vous vien- drez prendre une tasse de the . . . ARMAND (courant a Perrichon, las). Demain! vous n'y pen- sez pas . . . et votre promesse au commandant! (11 retourne pres d 1 Henriette.) PERRICHON. Ah ! c'est juste ! (Haut.) Ma femme ... ma fille . . . nous repartons demain matin pour la mer de Glace ! HENRIETTE (etonnee). Hein? MADAME PERRICHON. Ah ! par exernple ! nous en arrivons pourquoi y retourner ? PERRICHON Pourquoi? peux-tu le demander ? tu ne devinea pas que je veux revoir Tendroit ou Armand m'a sauve ? MADAME PERRICHON. Cependant . . . PERRICHON. Assez ! ce voyage m'est commandant . . . (s6 reprenant) commande par la reconnaissance ! NOTES. i. 1. Mart. Past participle of the irregular verb mourir, to die. Sen Otto's French Grammar, Part I., p. 186, 49. 2. Accoururent. Third person plural preterit of the irregular verb accoitrir, to run, from courir. See Grammar, p. 184, 41. 3. Qui faisait retentir de ses cris les montagnes et les forets. Who made the mountains and forests ring with her cries. Faisait is the third person singular imperfect of fairt See Grammar, p. 180, 27. 4. Apres lid avoir fait leurs compliments. After paying their respects to her ; or, more literally, after having made, &c. After a preposition the infinitive is used in French, where in English a present participle is found. See Grammar, p. 341, 7. Notice that apres is followed by the compound not the simple infinitive. Fait is the past part, offaire. 5. Lionceau. Lion's cub, whelp. 6. Tant de Jiers animaux. So many proud animals. Adverbs of quan- tity must be followed by de. See Grammar, p. 42, 2. 7. Disait-il. Third person singular, imperfect tense, of dire, to say Dis and dit, which occur several times below, are the second and third person singular, of the preterit, of the same verb. See Grammar, p. 172, 7. 8. Je saurai bien. I shall know very well how to. Saurai is the future tense of savoir, to know. See Grammar, p. 191, 62. 9. En attendant. In the mean while; literally, in or while waiting. 10. Je veux. Present tense of vouloir, to wish. See Grammar, p. 191, 64. 11. Je pretends etre. I claim the right to be Pr&endre, from the Latin prce-tendere, to stretch out before, has retained in French its two significa- tions, to lay claim rightfully or wrongfully to -any thing. Hence, when referring to a person's words, pr&endre may mean simply to assert, to declare, or, with an idea of blame, to pretend, since in either case the speaker claims what he says to be a fact. 12. Je soutiens. Present tense of soutenir y to maintain, from tenir, to hold. See Grammar, p. 187, 52. 13. Qu'on m'avait fait une injustice, quand on me prejera le lion. That injustice was clone me when the lion was preferred to me. On, formerly spelt horn, and later om, is from the Latin homo, and hence the same word etymologicaily as homme, man. This is why it is always singular, being used in the sense of man in general, one, people. It may sometimes be translated by we, you, they, but often by the passive, as in the presenl 00 NOTES. 14. Tout autant que. Quite as much as, just as well as. 15. Pent. The present tense of pouvoir, to be able. See Grammar p. 190, 61. 1G. Fin. Shrewd 17. Leger a la course. Swift in running ; literally, light in the race. 18. Je puts m'en vanter aussi. I can boast of it too. For the use of en, Bee Grammar, p. 258, 1. Puis is the present of pouvoir. 19. Tu ne lid ressembles que. You only resemble him. Ne before the verb and que after it mean only, but. 20. Tais-toi, maudit causeur. Hush, wretched chatterer. Tais-toi ig the imperative singular of taire. See Gram mar,- p. 178, 23. Maudit, liter- ally cursed, from maudire. 21. Sans entendre ce que tu dis. Without understanding what you say. What, meaning the thing which, is expressed by ce qui or ce que; literally, that which. Entendre, here translated to understand, also means to hear, to intend, to expect. 22. Qui veuleht. Present of vouloir, to wish. See Grammar, p. 191, 64. n. 1. The first campaign in Italy had closed, but Napoleon remained only a few days at Milan ; and, on the 20th of May, 1796, before departing to advance towards the Adige, he raised still higher the courage of his sol- diers by a new proclamation. 2. Vous vous etts pre'cipites. You have rushed. The compound of the present ; literally, you have precipitated yourselves. Reflective verbs are conjugated with elre, not with avoir. See Grammar, p. 188. 3. Milan est a vous. Milan belongs to you, or is yours. 4. Dans toute la Lombardie. Throughout the whole of Lombardy. See Grammar, p. 76, 2. 5. Doivent. Present of devoir, to owe, p. 189, 54. 6. Le Te'sin. Also spelled Tessin, the Ticino. 7. N'ont pu. Have not been able. Pu is the past part, of pouvoir t p. 190, 61. For the omission of pas, see Grammar, p. 291, 5. 8. Communes. Since the Revolution, France has been divided into de'partement.s ; these are subdivided into arrondissements, which are again sub- divided into cantons; and these are in turn divided into communes, each under a maire, so that commune corresponds pretty nearly to town or township. 9. Mais ne vous reste-t-il done plus rien a Jaire? But does there remain then nothing more for you to do ? 10. &u. The past part, of savoir, to know how, p. 191, 62. 11. Capoue. Allusion to the stay of Hannibal at Capua, which ener- vated his army and caused its ruin. 12. Vois. Present of voir, to see, p. 192, 65. IS. Prix. The past part, of prendre, to take, p. 180, 29. 14. Y placer. To place there. For ? iiu ~e. 3 Avant ,. beau temps, belle occasion ; avoir beau faire is properly to have every thing favor- able for doing a thing. That is its ancient and natural sense. But by an irony easy to understand avoir beau has assumed the sense of acoir le champ libre (to have the field or stage clear), to be allowed to dp whatever you please and yet to accomplish nothing. Vous avez beau dire is, prim- itively, it is well for you to say ; then you can say, you are at liberty to say, but that will do no good." In a similar way we may explain the use ofjine and pretty in. such English expressions as: it is fine for you to talk so ; that is a pretty thing for you to say. 8. De s'aller coucher. The natural position of se would be before cou~ chtr; but when an infinitive is governed by another verb, the pronoun referring to this infinitive may be placed before either verb. It is, how- ever, more conformable to general custom to place it before the verb that governs it. 9. Avant de monter sur le poele ou elle devait passer la nuit. Before climb- ing upon the stove where she was to pass the night. For this idiomatic future see Grammar, p. 203. The Russian stoves, made of earthen ware, are very large ; and the peasants in that country, having no bed, sleep dressed, either upon the benches which are ranged all round the inside of their cottage, or upon the stove, which is the most spacious, and at the same time the warmest place. Author's note. 10. Assignation. Generally, assignment, an order to pay from a cer- tain fund the sum assigned ; but its use here is different. The author tells us in a note that " gold and silver coin being very rare in Russia, people generally use only copper coin (kopecks) and assignation, which are bills of 5, 10, 25, 50, and 100 roubles." 11. Us se miren* a. They began to. 12. N'elaient pas f aits pour. Were not calculated to, were not of a kind or nature to. 13. Peignait. -Imperfect of peindre, p. 175, 14. 14. Visiteuse. - Searcher, inspector. Visiteur is never used in the sense of the English visitor; but custom-house officers, whose duty it is to search for contraband articles, are called vmteurs. 15. L'emportant sur. 'Getting the better of. 16. De lui trouver. To find in her. De is the preposition preceding the infinitive trouver, of which lui, referring to la vieilie, is the indirect object. 17. Chtchi. Russian soup made of sour cabbage and salted meat. Kvasse, in the same sentence, is a kind of small beer made of rye meal. Author's note. 18. Ne sachant trop. Scarcely knowing. Trop is here used in a sense akin to its ancient, its primitive signification of very, much ; as in the phrase, pas trop mal, not very badly. 19. Fait qudques verstes. Gone a few rods. Verste is, literally, a verst This use ofjaire has already been explained, XXV., 12. 222 NOTES. XXIX. 1. Le fendeur a la uonne hachc. The woodman with the good axe. Fendeur is, literally, a cleaver, a splitter. For this use of a, see XXV., 10. A few lines below, a is used in the same way : un chicn bdtard a poil fost, a mongrel dog with curly hair. 2. Si ce ?i'est cm museau qu'il avail coulcur de feu. Except on the muzzle, which 'was liame color. 3. Qne les panvres gens eurent si grand' peine a vivre. When it was so hard for poor people to keep alive. For the apostrophe in grand'peine, see XXXV., 7. 4. Tant que . . . venu. Until the grand master of the wolf-hounds is come. Louvetier is a wolf-hunter, the head of a wolf-hunting train, or a person who keeps such a train. 5. Us ont assez de quoi marcher. They have space enough. De quoi, followed by an infinitive, signifies .what is capable of, or, as here, what is necessary for, the action expressed by the verb : une te/le imposture a de quoi me surprendre, such an imposture is surprising to me (capable of surprising mej; nous avons de quoi vivre, we have enough (what is necessary) to live upon ; donnez-moi de quoi crire, give me writing materials. // a de quoi ia a popular expression for he has means, he is well off, in easy circum- stances. De quoi is also used substantively ; as, fai consomme mon petit de quoi, I have used up my scanty means. 6. Qui ne demande qu'a trotter. Who likes nothing better than to run about. 7. Mon Dieu, qiCil est attard! Dear me, how late he is ! See XXIV., 10. 8. Va jusque devers la butte pour savoir si. Go as far as the hill and see whether. Devers is here used instead of vers in the sense of towards, in the direction of. Littre says, although this word is antiquated, it is so well authorized that it may still be freely employed. 9. Mordienne, pardienne. These are countrified forms of the oaths mordieu and pardieu, but are used as mere interjections by those who have not the least idea of their meaning. 10. Tu as pris par un autre chemin. You took or came by another road. 11. // avail beau crier. In vain he cried. See XXVIII., 7. 12. Elle s'e'tait jete'e devant. Sli8 had rushed forward. 13. Renversa le loup roide mort. "Stretched the wolf stark dead on his back. 14. Court il. A little garden adjoining a peasant's house. 15. Qiiin'allit . . . manyit. Who went but once to the wood and whom the wolf ate. Allit and mangit are provincial forms for alia and mangea. In the same sentence le chien a Brisquet is a popular form for le chiet'i de Brisquet. XXX. 1. Calabre. Calabria, the most southern province of what was for- merly the kingdom of Naples. 2. Car il m'en arrive des unes et des autres. For I meet with both ; liter- ally, for both happen to me. NOTES. 223 3. C*esf da noir, prenez-y garde. It is gloomy, take care. Fhere means ubout it ; the verb being prendre garde a, this construction is used. 4. Mechanics gens. Wicked people. For the anomalous use of the feminine adjective with gens, see Grammar, p. 207, 6 5. Et en veulent surtout aux Franqais. And are particularly set against the French. En vouloir a is a violent ellipsis for vouloir du mat a quelqa'un de quelque chose, to wish harm to some one for, or on account of, something (ah injury, &c.) ; de quelque chose being represented by en, while da mat is now entirely omitted, though in XXI1L, 23, we see that this was not always the case in Moliere's time. EH vouloir a may be translated, accord- ing to the context, to be vexed or angry with, to find fault with, to have a grudge or spite against, to have evil designs upon, &c. 6. Cela serait long. Would take a long time. 7. Suffit qu'il nous haissent a mort. Suffice it to say that they hate us mortally, or with deadly hatred. 8. On passe fort mal son temps. One has a very hard time of it. 9. Taut qu'il Jit jour. As long as it was light. See Grammar, p. 147, 3. 10. Mais comment faire? But what could we do? For this use of the infinitive, see Grammar, p. 839, 4. 11. Ne se Jit pas prier. Required no urging, or didn't wait to be asked twice ; literally, did not cause himself to be begged. 12. Nous voila mangeant et buvant, lui du moins. So we began to eat and drink, at least he did. This use of voila has already occurred, XIII., note 7. 13. // e'tait de la famille. He made himself quite at home. 14. Que faurais du precoir. Which I ought to have foreseen. The English verb ought, being defective, lias no form corresponding to the past part. du. This deficiency gives rise to various constructions which may all be reduced to a single one in French, devoir forming a compound tense by means of its past part, du and the auxiliary avoir, like any other com plete verb. The same is the case with pouvoir and vouloir : nous aurions du dire, we should have said ; i*ous avez du voir, you must have seen ; il anrait pu parler, he could have spoken; faurais voulu etre la, I wish I had been there. 15. Imagines un pen ! Just imagine ! 16. // Jit le riche. He played the rich man ; that is, put on the airs, assumed the tone, of a rich man. Faire un personnage is to play a part, on the stage, or in real life ; hence, by extension, to pretend to be, to act as if one were this or that. 17. Prianl fort qu'on en eut grand soin, qu'on la init. Begging them earnestly to take great care of it, to put it. 18. Une soupente e/eree de sept a huit pieds. A loft raised seven or eight feet; literally, between seven and eight feet. Sept ou huit would be good French, but would mean either just seven or just eight. Thus seven or eight persons, sept ou huit personnes; but seventy or eighty persons, d& 9oixante-dix a quatre-vinf/t personnes. 19. Dieu ! Goodness ! See XXIV., 10. 20. En quelle peine je me trouvais, imaginez-lc si vous pouvez. Imagine if you can what was my distress. 21. Masquant av&* ses doiyts le trop de lumiere. Shading with her hand the excess of light. 224 NOTES. 22. Venn. Having come. See Grammar, p. 370, 3. "23. Je vous crois assez de penetration. I think you have sufficient pen, tration. XXXI. 1. J*ai louche' le faite. Since I have readied the summit. Compare the use of faite alone, in the following example from Sainte-Beuve : Son adre&se et son e'tcile le porterent tout d'un coup au faite, his skill and good luck raised him all at once to the top of the ladder. 2. Plus de goguettes. No more merriment. 3. Je promene ma diynite. I give my dignity an airing. For this use of promener, see XIX., 3. 4. Par bon ton. So as to be fashionable. 5. Au poids de I'or . . . la faculte. At an extravagant price I an. treated, I alone maintain or support the doctors. Faculty when used alone, always refers to the medical faculty. XXXII. 1. Qu'elles aient re'ussi a se mettre d'accord. Till they have succeeded in coming to an agreement. For this use of the subjunctive, see Grammar, p. 334, 14. 2. J'ai eu beau me retourner de tons cote's. In vain I turned in every direction. For explanation of avoir beau, see XXVIII., 7. 3. Enjfin, a bout de patience. At last, my patience exhausted. 4. Des leur reveil. As soon as tlfe'y awoke. 5. Les uns sont alle's se perdre Some have disappeared from sight. Alter is here used, as it was in III., 6, somewhat redundantly, as we have already seen is often the case with venir. See XXVI., 3. 6. Occupe depuis quelques jours. Has occupied for the last few days. For this use of the present, see Grammar, p. 313, 4. 7. Pour etre plus matinal . . . un fort brave homme. Because he is an earlier riser than suits my laziness, is none the less a very worthy man. For the use of ne before conviendrait, see Grammar, p. 293, 14. Brave, standing before the noun it qualifies, means worthy, not brave. See Gram- mar, p. 83, 7. 8. Sort de chez le tourneur. Comes from the turner's shop. 9. Maudire qui. To curse one who. 10. Pour compenser . . . de tout a I'heure. To atone for my recent ill- natured feoling. Mouvement, when referring to the soul, means impulse, transport." 11. Chez lui. In his room. 12. Je veux . . . visile de voisinage. I want to be the first to pay him a neighborly call. 13. Aussi f avals mis line sourdine a ma chanterelle. So I had put a check upon my singing. Sourdine, in musical instruments, is something that checks the sound. Chanterelle is, literally, the first or treble string. Thia word occurs in several proverbial expressions ; as., je vous ferai baisser la Chanterelle, I'll make you lower your tone. 14. Bon chr&ien. A good fellow. NOTES. 22rf 15. J'aime pas. Properly je n'aime pas. Ne and il are often incorrectly omitted by careless speakers. II is thus omitted before faut near the end ot the paragraph. JG. Quandon mange du meme air. When people breathe the same air Popular and unusual. 17. On n'est pas fait pour se tourner le dos. They ought not to turn their backs upon each other. 18. Sans vous commander. If you please. 19. Ai-je fait observer. I observed. To observe, in French, isfaire observer (to cause to be observed), as to remark is faire remarquer (to cause to be remarked). 20. Pendant lout le tremblement. During the whole war. Tremblement is thus very familiarly used in the sense of fuss, UIPSS, ado. In the next line, comme qui dirait, meaning, as one might say, is also quite familiar. 21. Un ancien . . . des mare'chaux. A veteran of Fontenoy, fixed up in my style, but a knowing one who could have taught marshals a thing or two. Remontrer a quetqu'un sa faute, son devoir ', is to point out to any one his fault, his duty ; hence, en remontrer is to teach another, to give Mm instructions of any kind, but especially on matters belonging to his profession, trade, or province. 22. Les gens de rien n'arrivaient pas a la vapeur. Common people did not rise at railroad speed. 23. l/autre. A common expression used to designate Napoleon I. It originated, under the Bourbons, among those who did not wish to call him the usurper, and scarcely dared to call him the emperor. 24. Mais fallait le voir. But you ought to have seen him. For the omission of il, see note 15. 25. Croix de Saint-Louis. The decoration of the chivalric order of Saint Louis, established by Louis XIV., in 1693, in favor of officers who distinguished themselves either in the army or navy. The national assem- bly abolished the orders of chivalry by the constitution of 1791, preserving only the cross of Saint Louis as a military decoration, but the convention suppressed it, and replaced the ancient distinctions by the arms of honor ; and in 1802, Bonaparte, then first consul, instituted the present civil and military decoration of the Legion of Honor. CHERUEL, Diet, des Insti- tutions de la France. 26. Que je lui reponds. I reply. Other examples of the same con- struction occur in this piece. In the next sentence we find one : qu'il reprend, continues he ; and about a page further on there are two : que je repris, I answered ; and qu'il acheva, he added. Que is here a mere exple- tive, unless it be accounted for by some such phrase as was the thing. This use of que should not be imitated. 27. Ca me fit quelque chose. That moved me, produced an effect upon me. 28. Que je partais. That I was about to start. Partir and arriver are thus idiomatically used : je pars, I am on the point of starting ; je partais, I was on the point of starting, &c. ; f arrive, I have just come ; j'arrivais, I had just come, &c. 29. Sans emphase. With simplicity. Littr^ defines emphase as an exaggeration in expression, tone, voice, or gesture. Hence parler avec emphase is to speak in an unnatural, bombastic manner ; while j)arler avec force is to speak emphatically, with energy. 15 226 NOTES. 30. IMrttinsswuant d' amour-propre. Self-forgetfulness. 31. Chez laquelle. Where. Chez is used by extension in the sense among, in ; as, Une coittume recue chez les anciens, a custom practised among the ancients ; Vous serez fameux chez la posterite, you will be famous witii posterity. CORN. Chez die toutes les graces sont re'anies, all the graces arn to be iound in her; ce n'est pas une habitude chez moi de le faire, I am not in the habit of doing so. 32. Sort a I' instant de. Has lust left. oo. Un peu fortes en couleur. liather highly colored.. 24. Une noblesse qui obligeait. A kind of nobility which imposed obliga- tions. An allusion to the common saying, nobfesse oblige, rank has its duties. Although the imperfect is used in English, the present tense would naturally be expected here in French. 35. Prenait le dessus. Got the upper hand. 36. Se de'brouiller. Take care of themselves ; literally, disentangle themselves (from the difficulty in which they are). o7. 11 me prenait bien . . . d'ereinter I' hole. I must confess, I felt a longing to beat the owner soundly. Bien is here used as in XXV., 22, to emphasize the verb. Deinangeaison is, literally, an itching, $*om the verb de'manger. Ereinter is, literally, to break the back, from rein, the reins, the loins. Ereinte' is familiarly used in the sense of tired out physically ; as, je suis ereinte', I am tired to death, I am used up. 38. // ne s'agissait pas settlement. It was not sufficient. For the explana- tion of the verb s'agir, see XXVII., 19. 39. Qui m'ont mange' le bras. That destroyed my arm. 40. C'est simple cornme bonjour. It's a very simple thing. 41. Une fois en mesure de reemboiter le pas. As soon as I was able to march again. Emboiter le pas means to lock up in marching. 42. Pour avoir ... a mon aise. I was none the more at my ease on account of having a leg the^less to nourish. Compare with note 7. 43. Que je I'avais tire de* la bagarre. That I had got him out of the fray. Bagarre is thus familiarly used, as in se tirer de la bagan'e, to get out of a scrape. 44. Place au feu et a la chandelle. A comfortable home. This is an old military term, used to express the right to enjoy certain privileges, at a halting-place. 45. Pas mal defermes. A good many, a good lot. of farms. Pas mal is also used idiomatically in the sense of pretty well. 46. Restait a savoir. It remained to be seen. The omission of il before the impersonal verb Tester has already been noticed, XXVII., 11. 47. // s'agit de se conduire. You must behave. See XXVII., 19. 48. Prendre ses invalidcs. Find a pleasant retreat. Invalides is thus ased to denote an honorable retreat, a recompense which crowns long services. This use of the word is derived from V Hotel des Invalides at Varis where old and disabled soldiers are cared for. - 49. Encore quelques charges a fond. A few more hearty charges. A fond means fully, thoroughly, to the bottom. Charger a fond, faire une charge a fond, is used in speaking of a troop which attacks another with impetuosity. In the same sentence poignet, literally the wrist, is figura- tirely used for strength. 50. Ca me soutenait le moral. - - That kept my courage up. Le mcra* (masc.) is the mind, the spiritual faculties as opposed to the physical. Il NOTES. 227 must not be confounded with la morale (fern.), morality. This explains the exact force of the military words demoralize and demoralization, which are derived from le moral, not from la morale. 51. Et nous envoi/a une mitraille de cailloux. And sent us a volley of pebbles. Mitraille was, anciently, all kinds of pieces of broken metal, It now means grape-shot. 5*2. Un pen. I should think so ! Un pen is used, in very familiar lan- guage, as a disdainful affirmation, and corresponds to the interjectional use of the English rather. L3. Ruines a la Bourse. Ruined by speculation. La bourse, literally the purse, is the name given in France to the Exchange, and, by exten- sion, to the speculations carried on there. 54. Un professeur d'humanites. A college professor, or, more exactly, a professor in a French college or lyce'e who teacfies the hiiih branches of Greek and Latin literature. The'classes engaged in this study are called classes des lettres, and rank above the classes de grammaire, and below the so-called classe de philosophic, which is the fast year in a French college. For a somewhat similar use of humanities in English, see Webster's Dictionary. 55. Tout c a . . . le prix Montyon. These people could not have com- peted for the Montyon prize. Ca, a contraction of cela, is often familiarly used when speaking of persons, sometimes contemptuously, but not always. The Montyon prize, known as le prix de vertu, is one of the four annual prizes of ten thousand francs each, instituted by Montyon " en faveur d'un Francais pauvre qui aura fait dans l y anne Faction la plus vertueuse" 56. Pour cause de reforme. Because I was disabled. Compare the mili- tary expression etre en reforme, to be invalided, and il vient d'obtenir son cong de reforme, he has just obtained an honorable discharge from the army as being incapable of serving. Notice that reformer, to pension t)if, to put upon half pay, has the acute accent, while reformer, to reform, has none. 57. Voila deux mois que. It is now two months since. Voila here takes the place of il y a. 58. Encore avait-elle. And besides it had. For the position of elle, see Grammar, p. 256, 5. 59. Une occupation bourgeoise. See XXIII., 1. XXXIII. 1. La premiere affaire a laquelle il avait assist^. The first engagement at which he was present. This particular phrase might possibly be trans- lated in which he took part, since a secondary meaning of assister is to assist, to help; but its primary and common signification is to be present at, to attend. Assist, used in this sense, is a gallicism found in Prescott and other English writers. 2. Croix. This word, when thus used alone, generally refers to the Cross of the Legion of Honor, unless something in the context indicates the contrary. See XXXII., 25. 3. Se de'tacha en noir sur le disque e'datant. Stood out, a black mass, against the bright disk. Se detac/ier, in painting, means to stand out i 228 NOTES. relief, to be brought out, to be apparent, detached, projected. The caust of tliis projection is often alluded to by adding such phrases as en noir, en ilair (in light, clearness). A. parnt se detachant en clair sur le fond sombre A. appeared standing out in bold relief from the dark background. GAUTIER. Eclatant is from eclat, see note 10 of this piece. 4. // en coutera bon. It will cost us dear. The force of en in en couter is explained XIII., 12. 5. Mais le sommeil me tint rigueur. But still sleep refused to come. Tenir rigueur a quelqu'un is to treat any one with rigor, to bear him a grudge, to use him harshly, to be severe upon a person, hence not to accede to his wishes. Figuratively, it is applied to things which offer resistance, as in our example. 6. La fatigue V avail emporte. Fatigue had prevailed. 7. A convert du feu des Russes par un pli de terrain. Sheltered from the fire of the Russians by the inequality of the ground. Un pli de terrain is a hollow, a natural furrow or depression in the surface of the land. 8. Rue de Provence. Provence St., in Paris. In French the words rue, place, avenue, etc., precede the name instead of following as in English; as, Place Louis XV., Faubourg Saint-Antoine. 9. Vous allez en voir de grises. You are going to have hot work, or you'll have a rough time of it. Grises here agrees with some feminine noun represented by en. Gris, gray, in speaking of the weather, means raw, gloomy ; hence it is used figuratively, as in this sentence, in the sense of rough, unpleasant, disagreeable. 10. Un assez gros dat m'enleva mon shako. A pretty large splinter knocked off my shako. This is the primary meaning of clat y viz., a por- tion detached from a hard body by a sudden force ; as, // fut blesse (Tun eclat de pierre, he was hurt by a splinter of rock. Such a rupture being generally accompanied by a sudden and violent noise, this sound is also called eclat. By further extension, this word is applied to the intensity with which vivid light, and consequently a polished surface, a bright color strikes the eye ; also to magnificence and splendor of every kind. The meanings of e'clatant correspond to those of eclat. 11. Je vous fais mon compliment. I congratulate you. 12. Vous en voiia quitte pour la journee. You are safe now for the day. For the difference between jour and journee, matin and matinee, &c., see LAFAYE, Dictionnaire de St/nonymes. 13. Non bis in idem. A Latin proverbial expression usually employed in the sense : No man can be tried a second time on the same charge. Hence, it is used with the meaning of " Lightning never strikes twice in the same place," or the same thing will not occur again. 14. QKP. le four chaiijfe pour moi. That something is brewing for me. In the Middle Ages the common oven (four banal) belonging to the feudal lord was used in turn by his dependants ; hence ce n'est pas pour vous que le four chauffe meant the oven is not being prepared for you, or it is not your turn to bake bread, now used by extension in speaking of a person's turn for doing any thing, generally something disagreeable. The expres- sion may sometimes be translated, these things are not for you, we are pot working for you. 15. Je fis V esprit fort. I played the sceptic. For this use offaire, 864 XXX., 16. Esprit foi~t generally means free-thinker. NOTES. 229 Ifi. Plus fort qu'on ne I'aurait attendu. Louder than could have been expt-jted. For this use or' ne, see Grammar, p. 293, 14. 17. Voila la danse gut va commencer. Now the fun is going to begin. Entrer en danse is familiarly used, especially among soldiers, in the sense of beginning an enterprise, entering upon a battle ; as. noire regiment entra le premier en danse, it was our regiment who began or opened the dance, who got into action first. Commencer or mener la danse means to be the first to do or suffer something disagreeable. 18. Je n'ai presque plus de souvenir net. I have hardly any other distinct recollections. 19. Corps a corps. Hand to hand. 20. Le plus ancien capitaine. The senior captain. 21. Void monsieur qui est arrive d'hier. Here is a gentleman who arrived yesterday. De, in d'hier, has the same force it has in the phrase d'aujour- d'hui en huit, a week from to-day. XXXIV. 1. J'ai de I' amour. I am in love. Tic-tac is simply an onomatopoeia to imitate the sound of a mill-wheel. 2. Qaand retombent . . . d' argent clair. When the wavy and silvery- bright stream falls again in little drops. Moire is the word used to denote a certain watered appearance given to silks and some other stuffs. 3. Ma mie. My love, my darling, for m'amie, my friend. In old French the masculine forms mon, ton, son, were not used for ma, ta, sa, before a word beginning with a vowel or silent h, but the a was simply elided. M'amie, later written, through ignorance, ma mie, is a remnant of this. 4. De soie . . . joliment. I would provide her handsomely with silks and nice clothes. Nipper means to supply or fit out with clothes ; as, son vere I'a bien nippee avant de la marier, her father supplied her well before he married her. Joliment, like handsomely, has acquired in familiar lan- guage the meaning of plentifully, abundantly. 5. // faut savoir user le gain. One should know how to spend his profits. 6. Au clair de la lane, comme chez Pierrot, fai rev. An allusion to a very popular French song beginning, Au clair de la lune, mon ami Pierrot. XXXV. 1. Quel est celui de vous qui ne se rappelle? Which one of you does not remember ? In such phrases as this, where the interrogation is merely a strengthened affirmation, ne alone is used instead of ne . . . pas after the interrogatives qui or quel . . . qui. 2. C'en est fait ! It's all over ! The idea is : No more reading to-night ! 3. S'effacent devant le vague de I'air. Grow indistinct in the evening dimness. 4. Tout a I'heure. Just now. This phrase may signify an immediate past or an immediate future. It means, literally, quite at the hour ; that is, near to the time of speaking, either just before or just after it. 230 NOTES. 5. La c6te esl nide. The hillside is steep, or hard to climb. 6. Vous aurez beau faire. All your exertions will be useless. Se XXVIIL, 7. ^ 7. Grand'mere. The apparent elision of an e in the expressions grand mere, grand'chose, grand'peine, grand'messe, etc., arises from the fact that anciently French adjectives derived from Latin adjectives of two termina- tions, as grandis-e, did not add an e mute for the feminine. Later, how- ever, grand became grande before feminine nouns, but not in the above mentioned, and a few other expressions. The printers of the XVI. century, thinking an elision had taken place, inserted the apostrophe, which "subsequent usage has sanctioned. D is silent in all the above combinations. 8. Afeme au fond de ses terres. Even in the seclusion or retirement the country. 9. Qui vous sera plus sensible. Which will have more effect upon you. 10. Quand elle vous demandera le soir la confession de votre journee. Whc she asks of you, in the evening, an account of your day. 11. Estelle et Ne'morin. A pastoral romance by Florian. 12. Corinne.* A novel by Mme. de Stael. 13. Bernardin de Saint-Pierre. The author of Paul and Virginia. 14. Millevoye. A French poet, of great sweetness and delicacy, who died of consumption in 1816, when only thirty-four years old. 15. Atala. An Indian tale by Chateaubriand. XXXVI. 1. Martigny. A small town in the canton of Valais, Switzerland. 2. Que c'etaient des enfants qui venaient faire du de'gdt dans son clos. That it was children who came and plundered his orchard. Aller faire le de'gdt is a military term, meaning to go and plunder, to commit depredations. For the use of c'etaient in the plural, see Grammar, p. Ill, 3. 3. Vers les onze heures. Towards eleven o'clock. The s of les must not be linked to the o of onze. 4. Tiens. Imperative of tenir. To be translated by any exclamation of astonishment that renders the feelings of the speaker; as, why ! what! how! bless me! is it possible! Later in this piece we twice find liens employed in making or urging an offer. It is also used simply to attract attention, hark, hark ye. See XVII., 11. 5. Et se jeta a plat venire contre terre. And threw himself flat upon the ground. 6. Et se mit a y faire une consommation. And began to make a meal there. Se mettre a is to set about, to begin. A common but secondary meaning of consommation, from which the author here starts, is given by Littre as, ce qu'on a bu ou mange" dam un cafe. 7. En homme qui s'y connait. Like a man who understood such mat- ters. Si coiwoitre a means to be a good judge of, to understand well; jt m'y connais, I understand my business, 1 know what I'm about. 8. A nons deux fours ; deux homines valent mieux qu'un. We'll hunt thn bear together ; two men are better than one. 9. C'est selon. That is according to circumstances, or that depends In this common expression some word as le cos is understood. NOTES. 23 10. Un pen. That I shall, or rather. See XXXIL, 52. 11. Roide. Sometimes spelt and generally pronounced raide; literally BtiiF. Its use here is familiar, and it means both quickly and surely. 12. Nous deux, dis? Both of us, eh? Dis here means won't you saj BO 1 The imperative dis, dites, is often used to call special attention to an assertion or a request. 13. De Jnire a nous deux. To go partners. 14. Et s'appuyant . . . par. And leaning against the rock, soon be- came so undistinguishable from the stone on account of. 15. Qui avait le vent mauvais. Who did not scent well; literally, who had a poor scent. 16. Appuy. Resting; literally, leaning. Appuyer being an active transitive verb, its present part, expresses not a state or condition, but an action, the direct object of which must be mentioned : thus, appuyant I'dchelle contre le mur, leaning the ladder against the wall ; or, as in note 24 : s'appuyant contre le roc, leaning (himself) against the rock. On the con- trary, appuy or extant appuye (see Grammar, p. 370, 3) here expresses the state or condition of Francis ; he, being leaned, that is supported, upon his knees and left hand, saw, &c. The same is the case with all those reflective verbs of which the second pronoun is the object; as, en s'asseyant. while in the act of taking a seat, while sitting down ; but assis dans un fauteuil, seated, or while sitting, in an arm-chair. 17. Deux secondes encore, et il venait se heurter contre le canon de la carabine du voisin. Two seconds more, and he would have run against the barrel of the neighbor's rifle, not he was about to run against, or on the point of running against. See Grammar, p. 316, 9. This peculiar use of the imperfect is common to French and Latin. Compare the analogous phrases : Si f avals dit un mot, on vous donnait la mort, if I had said a word, you would have been put to death ( VOLTAIRE J ; and Si per L. Metellum licitum esset, matres illorum, uxores, sorores veniebant (Cic. Verr. 5, 49^). A similar construction is sometimes possible in English, as shown in the next paragraph ; // etait perdu, he was lost. 18. Asjjira bruyamment le vent. . Snuffed the air noisily. 19. Avait rassemble toutes les forces de sa poitrine, toutes ses demandes de secours aux homines: a moil Had collected together all the strength of his lungs, all his entreaties for aid from men : help ! The preposition a is thus used in cries; as, au feu! fire ! au voleur! thief! au secours! a I'aide! a moi ! help ! 20. Au fur et a mesure qu'il approchait. As he approached. Fur, from the Latin forum, meant, in old French, price, value, measure. So that au fur et a mesure means proportionally and comparatively. 21. Acharne' a sa proie. Madly intent upon his prey. Acharner means, primitively, to give a foretaste of flesh to dogs and birds in order to excite them ; hence its now common figurative use for excite, madden : acharne' is inveterate, unrelenting, desperate. 22. Bourrer avec son poitrail. Strike violently with his chest against, &fc. Bourrer is, literally, to ram ; hence to strike with force. For synon ymy of poitrail and poitrine, see XVII., note 10. 232 NOTES. xxxvn. 1. Lecluendu Louvre. This dog belonged to one of those who fell during the three days in July, 1830, and were buried near the loyal palace of the Louvre. 2. Qne ion front se de'couvre. Let thy brow be uncovered. 3. Son a^ni. His friend ; that is, the dog. 4. Le plomb tons deux vint lea atteindre. The shot struck them both, For the omission of vint in the translation, see XXVI., 3. 5. Des morts void le char qui route. Here is the hearse passing by. Le clar des morts, literally the chariot of the dead. Qui route has here the force of a present part. See Grammar, p. 357, 4. The same construc- tion occurs near the end of this piece : Qui siffle, whistling. 6. L'ccil abattu, I'oreille basse. With downcast eye and drooping ear. 7. Tout en boitant. Limping. 8. Ennui. Like the word gene, ennui kas lost much of its primitive force. It now generally means tedium, bore; but it has here its stronger and older meaning, grief. 9. Qui I 'attire. Which beckons him. 10. Quand sur ces touffes . . . au point du jour. When upon these clus- ters of immortelles, dew-drops glitter at day-break. XXXVIII. 1. JZtait mort a la peine. Had worked himself to death. Mourir a la \\eine is to fall in the midst of an attempt, to perish while struggling hard to accomplish any purpose. 2. Par en haut. From up the street. 3. Faut-il qu'on trouve des. Can there be such. 4. Chemise blanche. Clean shirt ; blanche in this connection does not necessarily mean while, it means clean, not worn since washed; une chemise propre means a shirt still clean, which may have been worn however. 5. Arrive ! Come on ! come along ! The imperative of arriver is thus popularly used as : Arrivez, mais arrivez done ! come, why don't you come ! Arrives done, nous vous attendons, do come, we are waiting for you. 6. Fourneau de fonte. Cast-iron stove. In Lorraine, where the scene of this story is laid, fourneau, which properly means furnace, is frequently used instead of poete. 7. Restez convert. Don't take off your cap. 8. Aidant . . . paraissait grave et severe. Father Vassereau, dressed L a chestnut coat and large black vest, appeared .just as grave and severe as mother Balais did grand and magnificent. 9. Toute I'e'cole degringolait des banes, et se sauvait. The whole school scrambled down from the benches and were off. The last words of this paragraph, jusqu'a la maison, mean until they reached their homes. 10. Le nez en I'air. His head raised. 11. Ca marche? All is going well? Faisait-elle, just below, means said she. The verb faire is often thus used to avoid a too frequent repetition of dire-, hence fit-il, said he,jit-elle, said she. 12. Pierrailles. Literally pebbles, small stones, is here used in the sense of stony ground. NOTES. 233 13. La bonne sant passe encore avant les quatre regies. Good health if wOrth still more than the four rules. 14. Nous e'tions deja . . . et ses pleurs. We still heard her loud crk* and sobs, even when we were far off down the street, running. 15. Les pdturages au fond a perte de vue. Pastures extending back as far as t lie eye can reach. 16. // a fait son tour de France. He has made his tour of France. An allusion to' the ancient customs of apprentices who travelled for a certain time before they finally settled as masters in their trade. 17. Madame Balais et moi . . . de causer. Madame Balais and I have business together, and must talk it over. 18. Mele-toi de ce qui te regarde. Attend to your own affairs, mind your own business. 19. Tu te meies d'ajuster. You are trying your hand at shooting. Ajus- ter, in carpentery, corresponds exactly to the English word to shoot, to plane straight or fit by planing, a workman's term. "Two pieces of \vood that are shot ; that is, planed or pared with a chisel." Webster's Diet. 20. L'autre. See XXXII., 23. In the same line tu n'as pas encore deux clefs dans le dos refers to the keys which are the heraldic marks of the high dignity of chamberlain. 21. Et traitait mon ouvrage de savate. And called my work a bungling job. Traiter, followed by an injurious term, means to call; as, trailer quelqu'un de coquin, to call one a rogue. Savate is, literally, an old shoe ; f'aire le aarcon is, literally, to act like a young man, independently. 23. Puisque nous sommes en train . . . tout a fait bien. Since we're in for expense, the thing might as well be done in the very best style. Faire de la depense means to spend a great deal of money. 24. D'en avoir recu. Of getting welt thrashed. En stands for some word meaning blows, a beating. A few lines further on, tu as recu ton compte, means you have got what you deserve. XXXIX. 1. Les Djinns. The name given by the Arabs to evil spirits or demons. An excellent translation of this poem into verse may be found in Longfellow's '"Poets and Poetry of Europe," on page 496. 2. Brame. It moans. Bramer is a hunting term applied to the cry of deer, and corresponds to the English word to bell. 3. Qui porte un eclair au flanc. Which bears a thunderbolt concealed within it. Flanc, in poetic language, means womb, bosom, depths. 4. Mvn front chauve. My gray head ; literally, bald forehead. XL. 1. Certam penchant musard. A certain disposition to idle time away. Alusird is applied to a person who is in the habit of musing ; hence, bt 234 NOTES. extension, to a loiterer, idler, trifler ; as, c'est un urai musard, he is a down- r^ht dawdler. 2. Ije loyement fait pen. The kind of dwelling makes little difference. 3. L'homwe fournit sa carriere. Man is engaged in doing his life-work. Carriers is a race ground, and, by extension, any space to be gone over. One meaning offournir is to finish out, to complete. Fournir la carrier* is a technical term in horsemanship, meaning to run over the entire race- course ; hence, it is figuratively used in the sense of accomplishing an undertaking, or finishing some piece of work. In the next line, tout a I'heure encore means even a short time before. See XXXV., 4. 4. Le temple de Saint-Pierre. Temple is the word usually applied in French to a Protestant church. This story is an extract from La Biblio- theque de mon Oncle, one of TopfTer's Nouvelles Genevoises. The scene is laid in Geneva, and the lake mentioned below is Lake Leman. 5. Et d'ou devait sortir . . . s'y fut pretee. And whence there might have come a poet, if my nature had had the slightest bent in that direction. 6. Si possible. If possible. An unusual construction. 7. Un reste e'teint de vie de'coloree. The dying remnant of a blighted Hie. 8. De mourir comme Mittevoue. An allusion to the early death of Mille- voye. See XXXV., 14. 9. Mais void qu'a ce propos. But behold at this, point. A few lines below, je tiendrai ce propos, means I shall speak thus, or use such language. Topffer entitled one of his works Menus Propos d'un Peintre Genevois, Gossip of a Genevese Painter. 10. Venant a surgir . . . sur les fronts honnetes. Happening to start from or spring out of their hiding-places make a blush pass over honest brows. 11. Fit une battue dans son propre cerveau. Explored his own brain. Battue is a hunting term, and means the action of beating the woods or copses to drive out the game. Figuratively, it means to explore a tract of land ; hence, by extension,- its use in our example. The man here referred to is le due de la Rochefoucauld, of whose book M. de Sacy says : Je tiens les maxima pour un mauvais livre ; fprouve en les Lisant un malaise, une soujfrance inde^imssable ; je sens qu'elles me Jle'trissent I'dme et me rabaissent le cneur. 12. Prend I'ide'e de tirer parti des mauvaises herbes. Takes it into his head to turn the weeds to account; literally, to draw some profit from the weeds 13. tiien fou Gall, qui pretend. Very foolish is Gall, who claims. Fou means mad, insane, and never stupid, idiotic ; hence it can but seldom be translated by foolish. For this use of pre'tendre, see I., 11. Joseph Francis Gall, the great phrenologist, was born in 1758, and died in 1828. 14. Je tiens ceci d'un visiteur des morts, lequel.< I have this information from an inspector of corpses, who. No burial can take place in France or^ Switzerland unless a permit be granted by an officer, appointed by goVernment, generally a physician, whose duty it is to see that life is really extinct. Tenir de quelqu'un means to receive from any one ; as, je iiens ceci de bonne part, de bonne source, I have this from good authority. For this use of lequel instead of qui, see Grammar, p. 126, 6. In this same sentence, il s'en tenait a ce signe may be translated he confined him NOTES. 230 se.f to this sign, he depends upon this sign alone. S'en tenir a, thus used, means to Attach importance to, to hold or adhere to. 15. Qu'il n'y eut plus envie. aucune de paraitre. That there was no longer the least desire of presenting a good appearance. 16. Eucharis, Galatte, Estelle. For Eucharis see note 22 of this piece Galatee and Estelle are the heroines of two pastoral romances by Florian. 17. Predeuses. Affected. Pi&ieux primitively conveyed no disparag- ing idea when applied to persons or manners. It was about synonymous with elegant. About the middle of the 17th century the name predeuses was assumed by a set of literary and cultivated ladies who sought to introduce reforms in the manners and language of the period and to become the rulers of taste. It was the over-elegance of these, and prin- cipally of their imitators, that Moliere ridiculed in 1659 in his comedy of Les Prcieuses ridicules, since which time the word precieux has acquired its sense of affected, unnatural. 18. Et ma novice imagination se chargeait de le leur garder fidele. And my unsophisticated imagination took it upon itself to preserve it faithful to them. 19. Tele'maque, Mentor, Calypso, Eucharis. These are all allusions to Fenelon's romance entitled Telemaque. Telemachus was the only son of Ulysses and Penelope. After the fall of Troy, he went in search of his father, accompanied by Minerva in the form of an old man called Men- tor. They stopped for a while at the island of Calypso, one of the Ocean- ides, or ocean nymphs, where Telemachus fell in love with Eucharis, a nymph attendant upon Calypso. " 20. Fut bien heureux d'en etre quitte pour avoir bu I'onde aniere. Was very lucky to get off with drinking the briny wave. 21. Apart moi. Within myself, in my own mind. Anciently written a par moi, by myself. The forms par moi t par soi, also occur in old French. The latter correspond exactly to the Latin per se } the German bei sick, and the English by himself. 22. Qui donne de mon cottf. Which overlooks me. Donner sur, applied to a door or window, means to look out into, to open upon. De mon cotd simply indicates direction, signifying toward me. 23. Tiennent des propos cruels. Utter cruel sentiments. See note 9. 24. C'etait . . . que mon maitre. My master was, now I think of it, an odd man. For this use of que, see Grammar, p. 307, 5. 25. Nous n y avions garde de les lire. We were careful not to read them. Encore enjambions-nous, in the next line, means and even then we skipped. Enjamber is, literally, to stride over. For the position of nous, see Gram- mar, p. 256, 5. 26. Le fou rire. Immoderate, uncontrollable laughter, especially when indulged in without sufficient cause. 27. J'e'tais . . . sur ma distraction. I was, on such occasions, roughly called to order, and soundly rated for my inattention. Distraction means inattention to present things, absent-mindedness, abstraction, never being used in the sense of the corresponding English word. The same is true of distrait,' absent-minded, not distracted. 28. Get age cst satis pitie*. A quotation from Les Deux Pigeons. La Fontaine's Fables, 1. IX., 2. 29. De loupe ni de bourgeon. Loupe, a magnify ing glass, is also a med 236 NOTES. ical term meaning wen. In the same way bourgeon has the double signifl cation of bud and pimple. With regard to the two proper names which follow, Cicero is said to have derived his surname from the fact that one of bis ancestors had on the end of his nose a little excrescence in the shape of a pea (deer), while Nasica was a surname in the Scipio family, meaning h.iving a large or pointed nose. The concluding phrase of this paragraph, voits auriez une affaire, may be translated you will get intc trouble, affaire being here used in the sense of something difficult, em- barrassing, disagreeable ; a quarrel. About a page further on, we find je le tirals d y affaire, I helped him out of the difficulty. 30. Berquin (1749-1791). The author of several excellent books for the young, who was surnamed UAmi des Enfants, from the title of his most popular work. 31. A quoi tiennent pourtant les choses ! . . . je ne I'entrevoyais m erne pas. - Upon what trifles things do depend ! If he had decided upon the former course, my discover}' would never have been made, I should not even have caught a glimpse of it. C'est fait de or e'en est fait de is applied to a person or thing whose case is desperate, and may often be translated by the familiar phrase, It's all up with or over with. The imperfect entre- voifais is used instead of the conditional, as explained in note 17 of XXXVI. 32. La plus belle conquete, etc. See the opening clause of Le Cheval, p. 20, of this Reader. 33. // se tut a I'ou'ie d'une personne qui passait. He stopped or left off speaking on hearing a person passing. 34. Elzevir. The Elzevirs were celebrated publishers in Holland in the 16th and 17th centuries. The Elzevir editions are highly prized. 35. Serait entr, etc. A transposition will make smoother English; thus, I was to say that during my absence that infamous neighbor's cat had entered the room and upset, &c. Other examples of the same con- struction follow, and may be translated thus : .faurais motive mon absence sur, I should explain my absence by; faurais avoue avoir perdu, I should confess to having lost; faurais suppose y avoir e'le, I was to suppose that I had been there ; and ce qui aurait jete, which would cast. This use of the conditional, which explains itself from the many examples here found together, is very common in French. A ma porte'e, which occurs in this paragraph, means within my reach, accessible to me. 36. Sur ce motif. My motive being. 37. Pour avoir une contenance. To look unconcerned ; literally, in order to have a (suitable) bearing, air, look. Nauoir point de contenance is to appear embarrassed, to be put out of countenance. The concluding words of this paragraph, car il s'ayissait de nez, may perhaps be translated, for this had something to do with the nose. See XXVII. , 19. 38. C'est le chat. This is a popular and not very polite way of reply- ing to a personal excuse, the truth of which one doubts; as, le verre, ce n'est pas moi qui Vai casse non, c'est. le chat! I didn't break the glass oh, of course not! It may sometimes be translated by the ironical expres- sion, that's a likely story ! In fact, c'est le chat is really equivalent to I don't believe you ! or, that's a fib ! 35. Pour la bonne regie. To conform to my duty. En bonne regie means according to law, usage, or propriety. NOTES'. 237 40. J'en elais la, etc. I had got so far when the vender of little cakes happened to pass through the street. A few lines further on, je me Jis un scrupule de means I had scruples about. 41. Ne tirait . . . pour son affaire. Gathered from this circumstance no impression adverse to his interests. The concluding words of this sentence, ma gourmandise, implies no blame, but means simply my love for good things. Compare this with the way in which adjective gour- mand, dainty, is used in III., second stanza. 42. Sans . . . tranquillement. Except for this inconceivable stupidity, I should have quietly learned my lessons. Another example, like that in note 31, of the imperfect used for the conditional, explained XXXVI., 17. XLI. 1. A la cantonade. Outside. This word, from the Italian contonata, formerly denoted one of the sides or corners of the theatre ; now it ia used for the interior of the slips or slides. Parler a la cantonade is to speak to a person supposed to be behind the scenes. 2. Quand je te disais que nous avions le temps !< Didn't I tell you we had time enough ! 3. Bourgeois / Sir ! See XXIII., 1. 4. Va pour vingt sous. Twenty sous then. 5. A M bonne heure. See note 10. 6. Mon pere a manque de se tuer. My father almost killed himself, came near killing himself. Compare the familiar English expression, just missed. 7. Les fyerons n'y sont pour rien. The spurs had nothing to do with it. 8. Comment done! Assuredly! The words express surprise that it should be considered necessary to ask such a question. 9. BouiUy (1763-1790). He wrote several plays and also moral tales for 3 oung people. 10. Par exemple ! Certainly not ! Par exemple, when used as an excla- mation, expresses wonder, surprise, and generally a dissent or denial of a previous assertion ; hence it is, in many cases, exactly the opposite of a la bonne heure, seen a few pages back, which expression generally denotes the satisfaction or approbation of speaker, his assent to what has just been said or done. Both of these phrases are gallicisms, difficult to ren- der into idiomatic English. Par exemple may often be translated by Well ! .Indeed ! What an idea ! How can you say or how can you think of such a thing ? How can you ? Of course not ! &c. Well dnd good, which is generally given as the meaning of a la bonne heure, in many cases gives an awkward turn to the English sentence, and often does not at all render the force of the French, which must be translated, according to the context, by some such exclamation as, Good ! That's right ! I am glad of that ! &c. 11. Car ma .femme a beau dire, ca ne tient pas a meseperons! Eor in spite of what my wife says, it was 'not on account of my spurs. 12. De me mettre a vos ordres. To devote my services to you. 13. Le re*cit de The'ramene. An allusion to the long recital by The'ra oieiie, who recounts the death of Hypolite in Racine's Phidre. 238 NOTES. 14. Est-il bete, cet animal-la ! Isn't that creature stupid ! 15. Je ne lui en veux pas a ce garcon. I bear the fellow no grudge. See XXX ., 5- Madame Perrichon's indignant exclamation, it ne manquerait pins que ca! may be freely translated, that would cap the climax. J/az's je lui trouve un petit air pince, in the next speech, means but I think he haa an affected way. 16. Que fenfeudrais purler de hii. That I should hear from him. 17. C'est bien fait ! Good for him ! Serves him right ! 18. Je te retrouve! You are yourself again. 19. Pas de banquet pas de reclame! No charlatanism ! no puff! 20. Tiens! il ny a qu'une course! Why, I have only got one place to go to, or one tramp to take. Course means a walk, ride, &c., taken on account of business. It may often be translated errand. 21. Oh! ce pauvre bourgeois! Ah! my poor master! See XXIII., 1. 22. // n'y a pas de quoi etre si fier. There is no occasion for being so proud about it. This use of de quoi is quite similar to that explained in note 5 of XXIX. 23. Vous voyez bien ! There, you see ! 24. Attrape! Thus defined by Littre: Sorte d' interject ion par laquelh on erprime qu'une persoane vient d'etre I'objet d'une malice. Daniel thus indi- cates that he is the object of Perriehon's spite. It might perhaps be d, that hit was meant for me, or now I've got it, or take that! VOCABULARY. Words alike, or nearly alike, in both languages, have generally been omitted, except when used in a peculiar sense. The parts of irregular verbs have been fully given in their alphabeti- cal order only when they occur in the first lessons, unless they diffe* widely from the infinitive. A, ind. pres. 3d sing, of avoir. a, to, at, in, on, with, by, for, of, from, according to; a (followed by in- finitive), as if to, fit to. abaisser, to lower, put down; s' , to stoop sink, droop. abandouner, to abandon, forsake. abasourdi, stunned, astounded, dum- fo nude red. abattre, to throw down, fell; s' , to descend, swoop down, alight. ibattu, downcast, dejected. ibbaye (f.), abbey. ibdiquer, to abdicate. ibeille (f.), bee. ibime (m.), abyss. iboiement (m.), barking, bark. iboi (m.), bark. ibord ; d j , at first, at once. iborder, to approach, accost. iboyer, to bark. ibrcger, to shorten. ibri (m.), shelter; mettre a 1* , to helter. ibriter, to shelter. abrupt, rugged, precipitous. ibsolu, absolute, positive. ibsolument, absolutely, positively. absolvait, ind. iinperf. 3d sing, of absoudre. ibsorber, to absorb, dry up. ibsoudre, to absolve. abuser, to abuse, misuse, impose upon. aecable, overpowered. accentue de, accented by. accompagner, to accompany. accomplir, to accomplish. accorder, to grant. accourir (irr.), to run, hasten. accoururent, ind. pret. 3d pi. of accourir. accrocher ; s' , to cling to. accueil (m.), welcome. acheter, to buy. achever, to finish. acquerir, to acquire, obtain. aequis, past part, of acquerir. acquitter, to pay ; s' , to discharge one's obligation. Acre, a port of Syria, Asiatic Tur- key. acte (m.), act. action (f.), action, deed, share. Adda (m.), a river of Lombardy. adieu, farewell, good-by. Adige (m.), a river of Northern Italy. admirer, to admire. adolescence (f.), youth. adonner ; s' , to give one's self up to. adresse (f.), address, skill. adresser, to address ; s' a, to aj>ply to, to go to. adroit, skilful, expert., 240 VOCABULARY. adversaire (m.), adversary. affable, kind. affaire (f.), affair, difficulty, quarrel ; j'ai votre , / have what you icant ; les s, business; avoir a, to have to deal with. affecter, to affect, to aspire, to seek. affectueux ; se, affectionate. afiermir, to confirm, strengthen. afficlie (f.), poster, hand-bill. affliger, to afflict, distress. aftranohir, to free, liberate. affreux; &e, frightful. affront (n>.), insult, outrage ; faire , to offer an affront. affronter, to face, brave. affut (m.), watch; se inettre a 1' , to lie in wait, in ambush. afin de, in order to ; que, so that. Afrique (m.), Africa. aga (m.), aga, a Turkish military chief. agacer, to irritate, torment, age (m.), age. age ; e, aged. agilite (f.), agility, nimbleness. agir (irr.), to act; s' , see XXVII. 19. agneau (m.), lamb. agrandir, to enlarge, to exalt. agre'able, agreeable, pleasant, pleas- ing. agre'ablement, pleasantly. agrement (m.), charm, attraction. ahuri (m.), stupid fellow, confused noddle. ai, in'd. pres. 1st sing, of avoir, aide-de-camp (m.), aid-de-camp. aide (f.), aid, help. aider, to help, assist. aient, subj. pres. 3d pi. of avoir, aigrir, to sour, turn sour. aiguille (f.), needle. aiguiser, to sharpen, whet. aile (f.), wing. aile, winged. ailleurs, elsewhere; d' , besides, moreocer ; que, except. aimable, amiable, lovely, kind. aimer, io like, love, be fond of. ainsi, so, thus, in this ^nannei , in thai way ; que, in the same way. ainsi soit-il, amen. air (m.), air ; en T , up. aise (m.), ease ; (adj.), glad, pleased t happy. aise, in easy circumstances, well off. aisement, easily. ait, subj. pres. 3d sing, of avoir. Aix-la-chapelle, a city in Rhenish Prussia, called Aachen in Ger- man. aj outer, to add. alentour, around. alerte (f.), alarm. algue (f.), sea-weed. aliment ( m. ) , food. alimenter ; s' de, to feed upon. allecher, to attract, allure, entice. alle'e (f.), passage, alley, path. Allemagne (f.), Germany. aller (irr.), Io go, jnove, to be alwit to, to Jit, to suit, Io become , faire , to move ; allait faire tic-tac, should go tic-tac; s'en aller, to go away. aliongement (m.), lengthening, elon- gation . allonger, to extend, to thrust, to stretch ; en dehors, to put out. allons, let us go; ! there ! well ! come! done! indeed! nonsense! bien ! there now ! alors, then ; meme, even when. allumer, to light, kindle, excite. amant (m.), lover, suitor; e, sweet- heart, lady-love. amasser, to heap up, gather, lay up, save. ambulance (f.), field or flying hos* pital. ame (f.), soul. aniener, to bring, lead, lead to. amer ; ere, bitter. amerement, bitterly. Ame'rique (f.), America. amertume (f.), bitterness. ami (m.), friend, dear. san'msd, friendly. am itie ( f . ) , friendship. amour (m.), love. VOCABULARY. 241 amour-propre (m.), self-love, vanity. amoureux ; se, in love, relating to love, love-sick. amuser, to amuse, entertain. an (m.), year. ancien, old, former, retired, senior. ancien (m.), vetei*an. ane (m.), ass, donkey. ange (m.), angel., angle (m.), corner. angoisse (), anguish, distraction. animer, to animate ; s' , to become excited. anneau (m.), ring; boucle d'oreille en x, see boucle. annee (f.}, year. annoncer, to announce, usher in. antenne (m.), antenna, feeler. antichambre (f.), antechamber. Apennin (m ) ; L' , sometimes written Les s, the Apennines. apercevoir ; s' , to perceive, notice, see, observe, remark. aper9oie, subj. pres. 1st and 8d sing, of apercevoir. apercoit, ind. pres. 3d sing, of apercevoir. aper^u, past part, of apercevoir. apei'9iit, ind. pret. 3d sing, of aper- cevoir. ttplsm, smooth. apparaissait, ind. imperf. 3d sing, of apparaitre. apparaitre, to appear. appartement (m.), apartments, suite of rooms. appartient, ind. pres. 3d sing, of appartenir. appartenir (irr.), to belong. apparu, past part, of apparaitre. appat (m.), bait. appel (m.), roll-call; faire T , to call over the muster-roll. appeler, to call ; s' , to be called or named. appetit (m.), appetite. appliquer, to apply, put, lay on. apporter, to bring. apprendre (irr.), to learn, teach, in- form. 16 apprenne, subj. pres. 1st and 3d sing, of apprendre. apprenti .(m.), apprentice. apprentissage (m.), apprenticeship. appr6ter, to prepare. appris, past part, of apprendre. apprivoiser ; s' , to become or grow tame. approcher ; s' , to approach. approfondir, to fathom, examine thoroughly, search into. appuyer ; s j , to lean ; sur, to press to. apres, after ; ? ivhat then ~? what next ? d' , at, according to. apres-demain, day after to-morrow. aquilon (m.), north wind. arbre (m.), tree. arc-boutant (m. ), flying-buttress. arc-en-ciel (m.), pi. arcs-en-ciel, rainbow. ardeur (f.), ardor, fervor, eagerness, spirit. ardoise (f.), slate. argent (m.), silver, money. aride, arid, dry, barren. arme (f.), weapon. armee (f.), army. armer, to arm. armoire (f.), closet, cupboard, ward" robe, press. arracher, to pluck, pull, tear, snatch, arranger, to arrange, fix up, Jit up. arret (m.), decree, sentence, arrest. arreter, to stop, arrest. arriere, rear ; en , backward, be- hind. arriere (m.), arrears, pay due. arrondissement (m.), see II. 8. artificiel ; le, artificial. artillerie (f.), artiUery, guns, ord nance. artilleur (m.), artillery-man. artiste (m.), artist. artistement, artistically, skilfully. ascendant ( m. ) , ascendency, influence, . asile (m.), asylum, retreat, shelter t dwelling-place ; de mort, tery. aspect (m.), sight. 242 VOCABULARY. asperite (f.), asperity, roughness. aspirer, to snuff. assainisseinent (m.), the rendering healthy. assassin (m.), murderer. assassiner, to murder. assaut (m.), assault. assembler, tocollect, to gather; (carp.) to trim, to Jit. asseoir ; s' , (irr.), to sit down ; faire asseoir, to help to a seat, Jlnd a seat for. asseyant, pres. part, of s'asseoir. asseyez-vous, imper. 2d pi. of s'asseoir. assez, enough, sufficiently, tolerably, rather, pretty, quite. Asie (f.), Asia, assied ; s' , ind. pres. 3d sing, of s'asseoir. assiette (f.), plate. assignation (f.), summons. assirent; s' , ind. pret. 3d pi. of s'asseoir. assis, past part, of s'asseoir. assister, see XXXIII. 1. associe (m.), associate, companion, partner. assommer, to beat unmercifully, beat to death. assoupir ; s' , to drop asleep, fall into a doze, doze. astre (m.), star. assujettir, to subject, bring under sub- jection, to hold Jinn, to steady. assujettir ; s' , to submit. assurer, to assure; s' , to satisfy one's self, make sure of, ascer- tain. atelier (m.), workshop. atre (m.), hearth. atroce, atrocious. attacher, to attach, tie, fasten, bind, secure : s' , to become attached. attaque'(f), attack. attxquer, to attack. attarde', belated. atteindre (irr.), to reach, attain. atteint, past part, of atteindre. atteler, to harness. attendant, pres. part, of attendre en , in the mean while. attendre (irr.), to wait, await, stop expect. attendrir, to move, touch, affect. attendrisseinent (m.), emotion. attendu que, as, whereas, considering that, seeing that, although. attente (f.), waiting, expectation. attentif ; ve, attentive. atte'nuant, extenuating. attenuer, to diminish, weaken. attirer, to draw, attract, draw upon. attraper, to catch, hit. attribuer, to attribute, ascribe, impute. attrister, to sadden, grieve, afflict. au, contraction of a and le, see &. auberge (f.), inn, tavern. aubergiste (m.), inn-keeper. aucun, any ; ne . . . aucun, none. audace (f), audacity, boldness, dar- ing. augmenter, to augment, increase, grow. augure (m.), augury, omen. aujourd'hui, to-day. aurnonier (m.), almoner, chaplain (of a prison), ordinary. aune (f.), ell. auparavant, before. aupres, near, beside, by the side of. auquel, contraction of k and lequel. aura, ind. fut. 3d sing, of avoir. aurore (f.), dawn; des 1' , at day- break. aussi, so, as, also, too ; mais , but then. aussitot, immediately; que, as soon as. autant, as much, as many, as well; que, as long as. autel (m.), altar. auteur (m.), author. automne (m.), autumn. autour, around, about. autre, other. autrefois, formerly ; d'autres fois, al other times. autrement (adv.), or else, otherwise* in other words. VOCABULARY. 243 Autriche (f.), Austria. autrichien; ne, Austrian. aux, contraction of a and les, see a. avait, ind. imperf. 3d sing, of avoir. avaler, to swallow. avance (f.), gain ; en , in advance, too early ; d' , in advance, before- ha n d. avance, advanced, forward ; ne pas etre plus , to be none the nearer, the wiser, to be no better off". avancer, to advance, progress, get on with, ahead with ; s' , to come forward. avant, before; en , forward! for- ward with ! avantageusement, advantageously. avant-coureur (ra. ), foreboding. avant-garde (m.), van-guard, van. avant-poste (m.), out-post. avare, avaricious, miserly, parsimoni- ous, niggardly, sparing. avenir (m.) , future. aventure (f.), adventure. avertir, to inform, apprise, warn. aveu (m.), avowal, confession, ac- knowledgment, admission. aveugle, blind. aveugle, blinded, deceived, deluded. avez, ind. pres. 2d pi. of avoir. avis (ni.), opinion, advice, counsel. aviser, to perceive, see, espy, catch sight of; s' , to think, consider, rejlect, take into one's head, take a fancy. avocat (m.), lawyer, barrister. avoir, to have, possess, bear, to be the matter with, to be ; y (imp.), to be; il y a , there is; n'avoir point a , to have no occasion to. avoir (m.), property, possessions. avons, ind. pres. 1st pi. of avoir. avorter, to be abortive. avoue (m.), attorney. avouer, to avow, confess, acknowledge, own, grant, allow, admit. avril (m.), April. ay ant, pres. part, of avoir. ayez, imper. 2d pi. of avoir Bagage (m.), luggage. bah ! pshaw ! nonsense I indeed bahut (m.), chest. baigner, to bathe, wash. bailler, to gape, yawn. bain (m.), bath. ba'ionnette (f.), bayonet. baisser, to lower, cast down, to fail (in one's opinion), baisse ; Le jour , see XXV. 29. baiser, to kiss. bai (m.), ball. balai (m.), broom. balancer, to balance, swing, rock, wave balayage (m.), sweeping; corps du , the corps of street-sweepers. balayeur (ra.) ^sweeper. balayure (f.), sweeping. baldaquin (m.), canopy. balle (f.), ball, bullet. bambou (m.), bamboo. bananier (m.), banana-tree. bane (m.), bench, bank. banque (f.), bank. banquier (m.), banker. bapteme (m.), baptism, christening. baquet (m.), bucket. baraque (f.), barrack, hut, shed, booth, stall. barbe (f.), beard; (of quills ) feathers, baronne (f.), baroness. barreau (m.), bar. barrer, to bar, obstruct. barriere (f.), barrier, fence, railing. bas (in..), bottom, stocking; au , at the foot of, to the end of (p. 102) ; en , down, below, down-stairs; d'en , lower. bas ; se, low, base, vile, in a low tone; monde, lower world; tout , inaudibly, silently. bassesse (f.), meanness. bast or baste, pshaw I bat, ind. pres. 3d sing, of battre. bataille (f.), battle, battle-airay. batard (m.), bastard, mongrel. batir, to build. baton (m.), stick; ferre, stick tipped with iron. 244 VOCABCLART tfattement (m.), beating, flapping (of wings). battre, to beat, strike ; se , to fight. beat, derout, sanctimonious. beau (bel;, belle, fine, handsome, beautiful ; avoir , see XXVIII. 7 ; elle voyait tout en , every thing looked bright to her. Beauce (f.), the old name of a part of France now comprised in the departments of Eure-et-Loir and of Loir-et-Cher. It is level and renowned for its fertility. beaiicoup, much, many, a great deal, a great many. neaute (f), beauty. bee (m.), beak, bill; (of a pen) nib. becasse (f.), woodcock, snipe. becquee (f.), beak-fall. becqueter, to peck. bedeau (m.), beadle. begue (m.), stammerer. bel, see beau. belette (f.), iveasel. beler, to bleat. benediction (f.), blessing. benefice (m.), benefit, benefice, lie ing. be'nir, to bless. berger (m.), shepherd; e (f.), shepherdess. besides (f.), spectacles. besogne (f.), work, task. besom (in.), want, need, necessity. bete (f.), beast, animal, creature; noire, bugbear, horror. bete, foolish, silly, stupid. betise (i.), folly, stupidity, nonsense. beurre (m.j, butter. bien, wdl, right, finely, property, good- looking, certainly, it is true, truly, quite, very, greatly, many, much, a great many, a great deal ; fait, noble (p. 75) ; eh , well! si , so much so. bienfait (m.), benefit, kind deed, favor. bienfaitcur (m.), benefactor. bientot, scon ; a , /'// see you again soon ! good-byfor a little while. bienveillance (f), benevolence, favor kindness, kindliness. bienveillant, benevolent, kind, friend ty- bienvenu, welcome; soyez le welcome ! le , the welcomed one. biere (f.), beer. biffer, to cancel, erase. bijou (m.), jewel. bilboquet (m.), cup and ball. billet (m.), note; de fairc part, invitation (to weddings, &c.), wed- ding-card. billot (m.), block, clog. bimbeloterie (f.), toy-trade. bis, brown. bisque (f.), (culin.), bisk, cullis, see XXI. 19. bivac or bivouac (m.), bivouac. bizarre, odd, strange. blame (m.), blame, censure. blamer, to blame, censure, reprove. blanc ; che, white. blanchatre, whitish. blanchir, to whiten. blemi, wan, pale. blesser, to wound, offend, hurt. blessure (f.)j wound. bleu, blue. bleuatre, bluish. blond, fair, light. blondine (f.), little blonde. bceuf (m.), ox, beef. boire (irr.), to drink. bo is (m.), wood, woods. boite (f.), box. boiter, to limp, to be unsteady, not to stand firm. boiteux, lame. bon; ne,good, kind; mon , my good fellow ; c'est , all right, verg well. bonheur (m.), happiness, good for- tune, luck. bonhomme (m.), simple easy men, good old fellow. b on j o ur ( m . ) , good-day, good-morn ing, bonnet (m.), cap. bonte (f.), goodness, kindness, good nature. VOCABULARl. 245 bord (m.), border, edge, bank, brink. border, to border, edge. borne, limited. bossu, hump-backed. bottine (f.), boot, half-boot. bone (m.), lie-goat: expiatoire (generally bouc eraissaire), scape- goat. bouche (f.), mouth. bouchce (f.), mouthful, morsel, bit. boucle (f.)., curl; d'oreille, ear- ring : d'oreille en anneaux, ear-hoop. bcucie, curled, curly. bouffon ; ne, comical, droll. bouger, to stir, move. bouillir (irr.), to boil. bouillonner, to bubble, ripple. boulanger (m.), baker. boule (f.), ball. bouleau (m.), birch-tree. boulet (m.) % cannon-ball. boulevard (in.), bulwark, rampart. bouleverser, to throw down, to tear up, to upset, to disturb. bouquet (m.), bunch, tuft, cluster, bouquet. bourdon, humble-bee. bourdonner, to hum, buzz, murmur. bourdonnement (m.), buzzing, hum- ming, murmur, rustlinq. bourgeois (m.), see XXIII. 1. bourgeon (m.), bud, germ. JBourges, a city in the department of Cher, France. bourrelet (m.), pad. bourse (f.), purse. bousculer, to push about, hustle. bout (m.), end; au , at the end (d'un not), on the crest of a wave; vinir a , to succeed. bouteille (f.), bottle. boutique (f.), shop. boutonner, to button up, to bud. bramement (m.), the cry of deer, betting. bramer, to bell, to moan. brancard (m.), litter. bras (m.), ant: brave, brave, UUT.H .&*._ honest, kind} mon , my good fellow. braver, to brave, set at naught, defy. brebis (f.), sheep. bretelle (f.), suspender. brigand (m.), robber, ruffian. brill ant, brilliant, bright, shining, glittering. briller, to shine, glitter, excel. brimbelle (f.), whortleberry. brin (m.), bit, blade, whisp. briquet (m.), steel, tinder-box; battre le , to strike a light. brise (f.), breeze. briser, to break. brodequin (m.), buskin, boot. brosser, to brush. brosseur (m.), brusher, officer's ser- vant. brouette (f.), wheelbarrow. brouetter, to wheel in a barrow. brouetteur (m.), the man with the barrow. brouillard, for blotting ; papier , blotting-paper. brouter, to browse, crop. broyer, to crush. bruit (m.), noise, sound, report, rumor. bruler, to burn. brun, brown, dark-complexioned. brusquement, abruptly, suddenly, sharply, bluntly, gruffly. bruyamment, noisily. bruyant, noisy, loud. bruyere (f.), heath, heather. bu, past part, of boire. bucheron (in.), wood-cutter. budget (m.), expenses. buisson (m.), bush. bulletin (m.), paper check for bag- gage, bureau (m.), desk, office. but (m.), end, aim. butte (f.), hill. buvant, pres. part, of boire buvard (m.), blotting-case. 216 VOCABULARY. Ca (familiar contraction of cela), that ; apres 9a, after all (p. 151) ; comme ! so / ca ! so / come ! ah ! come now I 1 say ! a et la, here and there, hither and thither, up and down, to and fro. cabaret (m.), tavern, ale-house. cabrer ; se , to rear. cacher, to hide, conceal. cacheter, to seal. cachette (f.), hiding-place. cachot (m.), dungeon. cadavre (m.), corpse. cadre (m.}, frame. cafe (m.), coffee. cage (f.), cage; des cloches, bel- fry-cage, wooden frame of the bell. cahier (m.), copy-book, exercise-book, blank-book. caillou (m.), pebble. caisson (m.), powder-cart, wagon. calculer, to calculate, compute, reckon. calembour (m.), pun. ealleux ; se, callous. calmant (rn.), anodyne, sedative, con- solation. calme (m.), calm, calmness. calmer, to calm. calotte (f.), skull-cap. camper, to encamp. canape (m.), sofa.' canard (m.), duck. candeur (f.), candor, frankness. canon (m.), cannon, barrel (of fire- arms). caoutchouc (m.), india-rubber, rub- ber overcoat. capitaiue (m.), captain. capote (f.), cloak with a hood, close bonnet, frock-coat. Capoue, Capua, a city in Italy. capricieux; se, capricious, whimsi- cal. captif ; ve, captive. ear (conj.), for. carabine (f.), rifle. caractere (m.), character, character- istic, letter. caresser, to caress, to favor. carnassier; ere, carnivorous. carnet (m.), note-book, memorandum book. carotte (f.), carrot. carreau (m.), square, pane of glass. carre, square. carrier, quarry-man. carriere (f.), quarry, career. carrosse (m.), coach, carriage. carrosserie (f.), the coach-making business. carrossier (m.), coach-maker. carte (f.), card,- de visite, visit- ing-card. carton (m.), pasteboard, bandbox. cartonnage (m.), any thing made oj pasteboard, pasteboard work. cas, case ; fortuity chance events ; faire de, to value, to have a good opinion of. caser, to find a place, to get one's seat. casquette (f.), cap. casser, to break. cassine (f.), little box. cause (f.), cause ; a de, on account of, for the sake of. causer, to cause. causer, to converse, speak with, talk of or about, to chat. causeur (in.), talker, chatterer. cavalier (m.), horseman, rider, horse- soldier. cave (f.), cellar. ce (c'j (pron.), it, that, those, he, she y they. ce (adj.), cet; cette (f.) (pi. ces), this, that, these, those. ce qui, ce que, what, that; ce que j'ai de plus cher, the dearest thing 1 have. ceci, this. ceder, to yield, give up. ceignant, pres. part, of ceindre. ceindre (irr.), to gird, enclose, encom- pass. ceinture (f.), girdle, belt. cela, that. celebre, celebrated, famous, renowned. celerite (f.), speed, swiftness, rapidity, celeste, celestial, heavenly. VOCABULARY. 217 celle, that, the one, she, her; de 1'homme, the man's. celle-ci, celle-la, see celui-ci and jelui-la. celui, that, the one, he, him; de (with a noun/ is translated by the possessive case. celui-ci, this on?., the latter. ce'ui-la, that one, the former. ceudre (!'.), ashes. cent, a hundred. centaine, about a hundred, a hun- dred (collectively). centime (in.), a French coin, the lOJth part of a franc. Five cen- times are worth nearly a cent. cependitnt, in the mean time, mean- while, ytt, still, however, neverthe- less. ceremonie (f.), ceremony; sans , u n cere mon i,o usly . cerf (m.), deer, stag, hart. cerisier (in.), cherry-tree. certain, certain; s, some people. certainement, certainly. certes, certainly, surely. cerveau (m.), brain. cervelle (f.), brains. ces, see ce. cesse, ceasing ; sans , incessantly, without intermission, for ever. cesser, to cease, leave off. cet, cette, see ce. ceux, pi. of celui. chacun (m.), each, everyone; son tour, each in his turn. chagrin (m.), grief, sorrow. chaine (f.), chain. chair (f.),j?esA. chaire (f ) (in churches) pulpit; (in schools) teacher's seat, his desk and chair. chaise (f.), chair, seat. ehaie (m.), shawl. chaleur (f.), heat, warmth, fervor, ardor. chamarre", covered with. chambellan (m.), chamberlain. Chambertin, one of the finest qual- ities of Burgundy wine. chanibre (f.), room, chamber. chameau (m.), camel. champetre, rural, rustic. champ (m. ), field. chance (f.), chance; bonne , good luck! chanceler (m.), to waver, totte\ stagger. chandelle (f.), candle. changer, to change. chanson (m.), song. chansonnette (f.), little song. chant (m.), song. chanter, to sing. chapeau (m ), hat, bonnet. chapel le (f.), chapel. chapitre, chapter. chapon (m.), capon. chaque, each, every. char (m.), chariot; des morts Hearse. charbonnier (m.), charcoal-burner. chardon (in.), thistle. charge (f), charge, burden, encum- brance; etre a la de la com- mune, to be supported by the town y to come upon the town. charger, to load, charge, attack, com- mission, intrust. chariot (m.), wagon. charmant, charming. charmer, to charm, delight. charniere (f), hinge. charpente ( f . ) , frame-work. chasse (f.), chase t hunt, hunting ; une , a kind of hunting (p. 16) ; a Tours, bear-hunt. chasser, to chase, drive, drive away t hunt. chasseur, hunter, pursuer. chasuble, chasuble. chat (m.), cat. chateau (m.), castle, hall t country- seat. chatiment, punishment. chatouilier, to tickle, please, gratify. chaud, warm. chaudement, warmly. chauffer, to warm. chaume, thatch, stubble. 248 chaumiere (f.), cottage. chausson (m.), shoe, over-shoe, list- shoe. chef (m.), chief, leader ; commander en , to be the highest in com- mand. chef-d'oeuvre, master-piece. chemin (m.), road. cheminee (f.), cJiimney, mantel-piece. cheminer, to walk, travel, go along. chemise (f.), shirt. chene (m.), oak. chenu, while; crane , gray head. cher, dear. chercher, to search, look for, seek; to reflect, p. 182. cheval (m.), horse. chevalet (m.), easel. chevet (m.), head (of a bed), pillow. cheveux (m.), hair. cheville (f.), peg, bolt. chevre (f.), goat. chevrefeuille (m.), honeysuckle. chez, at, to, in, the house of, the shop of, the room of, among, in, within. chicane (f.), chicanery. chiche ; pois , chick pea. chien (m.), chienne (f.), dog chiffon (m.), rag, scrap, bit. chirurgical, surgical. chirurgien (m.), surgeon. choisir, to choose. choix (m.), choice. chope, beer-glass. chopine (f.), pint measure chose. (f.), thing. chou (m.), cabbage. chouette (f.), owl. Chretien (m.), Christian. chut ! hush ! chute (f.),fall. cicatrice (f.), scar. ciel (m.), heaven, sky. cierge (m.), taper. cigale (f.), grasshopper. cime (f.), summit, top. dmetiere (m.), cemetery, graveyard. cinq,. /ir circuler, to circulate, come and go, pass over. cire, waxed. ciseaux (m.), scissors. citer, to cite, quote. citoyen (m.), citizen, fellow. citron (m.), time, lemon. clair, clear. clairement, clearly. clameur (f.), clamor, outcry. clarte (f.), light. classe (f.), class, school-room. clavecin (m.), harpsicord. clef (f.),%. cloclie (f.), bell. clocher (m.), belfry, bell-tower. clos (m.), orchard. clou (m.), nail. clouer, to nail. cocher (m.), coachman, driver. cceur (m.), heart, feeling, courage , avoir le gros, see gros. coffre (m.), chest, trunk. coiffer, to dress, arrange the hair, comme tu est coifiee, how you? hair looks! coin (m.), corner. col (m.), neck, collar. colere (f.), anger. college (m.), college, school. collier (m.), collar. colline (f.), hill. colonne (f.), column ; vertebrale, spine t back-bone. combat (m.), combat, battle. combattre, to fight with, struggle against. combien, how much, how many, how far, how long. combinaison (f.), combination. combler, to overwhelm. commandant (m.), major. commander, to command. comme, as, how. commencement (m.), beginning, ru diment. commence!*, to begin. comment, how, what, indeed. commenter, to comment. commer^ant (m.), merchant. VOCABULARY. 249 commere (f.), god-mother, gossip, friend. com mis (m.), clerk. commissionnaire (m.), errand-man, messenger. commode (f.), chest of drawers. commode (adj.), convenient, agree- able. eommim, common. communaute (f.), community, society, company. commune (f.), see II. 8. communique!*, to communicate. compagne, fern, of compagnon. coinpagnie (f.), company. compagnon (m.), companion- comparable, to be compared. comparaitre, to appear. comparer, to compare. compenser, to compensate, make amends for. complet ; ete, complete. complcter, to complete. completement, completely. complice (m.), accomplice. compliment (m.), compliment; de bienvenue, speech of welcome ; faire son , to congratulate ; faire ses - -s, to pay one's respects. comporter ; se , to behave. composer, to compose, make up. cornprendre, to comprise, understand. com primer, to restrain, check. compromettant, compromising, inju- rious. compte (m.), account, number, notice, attention; pour mon , for my part; mettre sur le de, to lay to ; rendre des s, to account for one's actions. compter, to count, reckon. concerter, to concert, consult. concevoir (irr.), to conceive; faire , to give a conception of. concierge (m.), janitor. concitoy en ( m . ) , fellow-citizen. conclure, to conclude. concourir, to compete. concours (m.), co-operation, assist- ance, help, competition. conu, past part, of concevoir. condamner, to condemn. conducteur (m.), driver, conductor guard, guide. conduire, to conduct, lead, lead to drive. conduite (f), conduct, behavior. confiance (f.) confidence, reliance t dependence, trust. confidence (f.), secret, disclosure. confier, to intrust. confiner, to confine, border upon. confisquer, to confiscate. confondre; se , to mingle, blend, unite. confortable, comfortable. confrere, one of the trade ; s, breth- ren ; on p. 133 it means brother- inspectors. confus, confused, indistinct. conge (m.), leave, leave of absence, holiday. congres (m.), congress. conjurer, to conjure, entreat, avert. connaitre, to know, be acquainted with, recognize, be aware of, un- derstand. connu, known, well known; ! played out ! nothing new in that .' conquete (f.), conquest. consacrer, to consecrate, devote. conscrit (m.), conscript. conseil (m.), counsel, advice, coun- sellor. conseiller, to advise. consentir, to consent. consequence (f.), consequence, con" elusion. considerablement, considerably. considerer, to consider, notice, gaze at. consigner, to deposit. consister, to consist. consolateur (m.), consoler, comforter. consoler, to console ; se , to be com forted. consonne (f.), consonant. conspirer, to conspire. constamment, constantly, steadfastly constater, to state. constituante, constituent. 250 VOCABULARY. construire (irr.), to construct, build. construit, past part, of construire. consuiter, to consult. consumer, to consume, burn out. con tern pier, to contemplate, behold, gaze on. contenance (f.), countenance. contenant (m.), container. contenir (irr.), to contain ; se , to restrain one's self, to refrain. content, contented, satisfied, pleased, glad. contenteraent (m.), satisfaction, gladness. contenter ; se , to be satisfied. contenu (m.), contents. center, to tell, relate. contient, ind. pres. 3d sing, of con- tenir. contins, ind. pret. 1st sing, of con- tenir. continuer, to continue, go on. continu, continuous. contraire, contrary; au , on the contrary. contrarier, to vex, annoy, thwart. contraste par, contrasted with, frc. contraster, to form a contrast ; con- traste par, contrasted with, set off by. centre, against. contree (f.), country, region. contrevenir a, to transgress, infringe. contribuer, to contribute. convaincre, to convince, satisfy. convenir (irr.), to agree, admit, own, suit, be proper, fitting, becoming. convenu, past part, of convenir. convoi (m.), funeral procession, train. convoitise (f.) covetousncss. copeau (m.), chip, shaving. copec, copec, also spelled kopeck. A Russian copper coin, a little less than a cent in value. 100 kopecks make a silver rouble. copiste (in.), copyist. co quin (m.), knave, rogue, rascal. cor (m.), horn. corbeau (m.), raven. corde (f.), rope, cord, chord; j'ai la , / have the best of it. cordialite (f.), cordiality, heartiness. cordon (m.), string, cord. corps (m.), body. correspondant (m.), correspondent, agent. corridor (m.), corridor, gallery. corriger, to correct. corsage (m.), (of a dress) body t waist. cortege (m.), retinue, train. Cosaque (m.), Cossack. cote (m.), side; un regard de , a side glance ; du bon , in good part. cote (f.), rib, side, hill-side, declivity ; a mi , half-way down ; a side by side. coteau (m.) hill. cotelette (f.), cutlet, chop. cotret (m.), small fagot. cou (m.), neck. coucher, to lie down, sleep; se , to go to bed, retire; (of the sun) to set. coucher (m.), retiring to rest, bed , du soleil, sunset. coude (m.), elbow. coudre, to sew. couler, to flow, pass, spend. couleur (f.), color. coulisse (f.), side-scene, slip; dans la , behind the scenes. coup (m.), blow, stroke, knock, thrust, shot, aim; tout a , suddenly; d'un , suddenly ; contre , counter-stroke, reaction ; de cloche, ringing of the bell ; de fusil, shot ; de fouet, crack, smack of a whip, lash ; de maitre, master-stroke ; d'oeil, glance ; de pied, kick ; de sonnette, ring; sur le coup de dix heures, *as the clock struck ten. coupable, culpable, guilty. coupe (f.), cup. couper, to cut, reap, cross, intersect. cour (f.), court, court-yard, yard. courageux; se, courageous, courber, to bow, bend. VOCABULARY. 251 coureur (m.), runner; avant , forerunner, precursor, foreboding, courir (irr.), to hasten, run, flow, move p. 116. couronner, to crown. couronne (f.), crown, corona, wreath, garland. co'urra, ind. fut. 3d sing, of courir. coiirroie (f-)> strap. cours, ind. pres. 1st sing, of courir. course (f.), course, race, errand ; au pas de , double-quick time. coursier (m.), steed. court, ind. pres. 3d sing, of courir. court, short. courtisan (m.), courtier, flatterer. couru, past part, of courir. cousiner, to cousin. couteau (m.), knife. coutelas (m.), cutlass. couter, to cost. couteux ; se, costly, expensive. couvent (m.), convent. couvercle (m.), cover. convert, past part, of couvrir. convert (m.), cover, knife and fork, shelter. couverture (f.), (of books) cover, blanket; s, bed-clothes. couvrir (irr.), to cover ; se , to put on one's hat. craie (f.), chalk. craignant, pres. part, of craindre. craindre (irr.), to fear, be afraid. crainte (f. ) ,fear, dread, apprehension. cramponner ; se , to cling. crane (m.), skull. craquer, to crack. crayon (m.), pencil. createur (m.), creator. creature (f.), creature, -being. crepuscule (m.), twilight. cresane (f.) (also spelt crassane), crassane (pear), cresson (m.), water-cress. crete (f.),' crest, summit, top. creux (m ) hollow. crevasse (f.), crevice, cleft; (in a glacier) crevasse. cri (m.), cry ; de guerre, war cry. crier, to cry, call, scream, shout, creak p. 11 6. ' criniere (f.), mane. crise (f.), crisis. . crispe, contracted. cristal (m.), crystal. croire, to believe, think, trust. croiser, to cross ; se les mains, to clasp one's hands. croissait, ind. imperf. 3d sing, of croitre. croissance (f.), growth; prendre sa , to attain its growth. croitre (irr.), to grow. croix (f.), cross, croquer, to crunch, eat. croupe (f.), (of a hill) ridge, brow\ (arch) hip-roof. croute (f.), crust. croyait, ind. imperf. 3d sing, of croire. cru, raw, uncooked. cru, past part, of croire. cruaute (f.), cruelty. cruche (f.), pitcher, jug. cruellement, cruelly. crus, ind. pret. 1st sing. o( croire. cueillir, to gather, pick, pluck. cuir (m.), leather. cuirasse (f.), cuirass, breastplate. cuire or faire , to cook, roast, 'b boil. cuisine (f.), kitchen. cuisiniere (f.), cook. cuisse (f.), thigh, leg. cuit, past part, of cuire. cuivre (m.), copper. culbute (f.), somersault, fall. culbuter, to throw down, overthrow. culotte (f.), breeches, small clothes. cultiver, to cultivate, till. cure (m.), vicar, rector, parish priest pastor. curieux; se, curious, singular strange. custode (m.), warden. 252 VOCABULARY. Pais (m.)i dais, canopy. damo ! why! well! indeed! dame (f.) f lady. damier (m }, draught-boc.rd, chess- board. dangereux;- se, dangerous. dans, in, info, within. danse (f.), dance. danser, to dance; faire une de- moiselle, to dance with a young lady. danseur (m.), dancer. da vantage, more. de, of, from, out of, by, with, in, to (followed by a noun is translated by the possessive case). debacle (f.), break up, defeat. rlebarrasser, to rid, relieve ; se , to get. rid. debat (m.), debate, discussion, contest. debattre ; se , to struggle. debout, up, upright, standing; se tenir , to stand. dcboutonner, to unbutton. debris (m.), wreck, ruin. debut (m.), beginning, Jirst appear- ance. decamper, to decamp, run off, be off. decevoir, o deceive, beguile. decharge (m.), discharge. decharne, thin, emaciated, gaunt, bony. dechirer, to tear, rend. de'cider, to decide, induce. deeidement, decidedly. declarer, to declare. decocher, to discharge (arrows, &c.), shower (phrases, &c.). de^oit, ind. pres. 3d sing, of dece- voir. , decolorer, to discolor, blight. decontenancer, to put out of counte- nance, abash. decouper, to cut up, cut out. de'couvert, past part, of decouvrir; a , uncovered. decouverte (f.), discovery. decouvrir: se (irr.), to uncover, expose, discover. decrire (irr.), to describe. decreter, to decree, enact. decrit, past part, of decrire. decroitre (irr.), ijo decrease, diminish decu, past part, of decevoir. dedaigner, to disdain, scorn. dedain (m.), disdain, scorn, contempt dedans, in, ivithin, inside. dedier, to dedicate. deesse (f.), goddess. defait, past part, of defaire. defaire (irr.), to rid; se , togtt rid defaut (m.), defect, fault. defense (f.), defence. defendre, to defend, protect, forbid. defier, to defy; se , to distrust mistrust. defunt (m.), deceased. degage, easy. degager, to disengage, free. degat (m.), damage, havoc; faire le , to commit depredations, plunder. degout (m.), disgust, mortification, vexation. degre (m.), step, degree; par s, gradually. degringoler, to tumble down, slidt down, scramble down. degrossir, to rough-hew, to shape. dehors, exterior, loithout, outside; an , out, out of doors ; en , out. deja, already. dejeuner (m.), breakfast. dejeuner, to breakfast. deia, beyond ; au , beyond ; par *-, far beyond. delabre, dilapidated. delaisser, to abandon, forsake. delibere, deliberated, free, easy. deliberer, to deliberate, resolve, deter- mine. delicatesse (f.), delicacy. delices (f.), delight. de'licieux ; se, delicious, delightful delie, slender, fine. delivrance (f.), deliverance. delivrer, to deliver, free. demain (m.), to-morrow. demande (f.), question, request, en treaty ; en manage, suit, mar riage proposals ; faire la , sec demander en mariage. VOCABULARY. 253 demander, to ask, beg; a man- ger, ask for something to eat, beg for food; en mariage, to ask (of a woman's parents or friends) for her hand in marriage. demeurant (m.), rest; au , how- ever, after all, in other respects. demeure (f.)> dwelling, abode, resi- dence. demeurer, to dwell, live. demi, half. demoiselle (f.), young lady; (nat. hist.) dragon-Jlii. deinoli, used up (past part, of de- . molir). demoiir, to demolish. dernontrer, to demonstrate, prove, show. denicher des oiseaux, to go bird's- nesting. denier (m.), half of a cent. dent (m.), tooth. denument (m.), destitution. depart (m.), departure. depasser, to pass, go beyond, surpass, excel. depecher ; se , to hurry, hasten. depens (m.), expense, cost. depense (f.), expense. depit (m.), spite, vexation. deplaisais, ind. imperf. 1st sing, of deplaire. deplaire (irr.), to displease, dislike. deplaisir (m.), sorrow. deploie, ind. pres. Basing, of de- ployer. deploy er, to unfold, stretch out, spread; son essor, to take his flight, wing his way. deplut, ind. pret. 8d sing, of de- plaire. de'poser, to lay down, put down, place. depouiller, to strip, plunder. depourvu, destitute. depuis, since, after, from, for. deraciner, to uproot. deranger, to disturb, put out of order. dernier, last. derober, to steal, rob, hide ; se , to steal away. derouler, to unroll, unfold. derriere, behind. des, ./row, at; que, as soon as, nc later than, p. 87, ivhen, since, as. des, contraction of de and les, see de. de'saccord (m.), disagreement. desalterer ; se , to quench, slake one's thirst. desarme, unprotected. desceller, to unseal, loosen. descendre, to descend, alight, set down, stop, slope, fall, come to the front of the stage. desert, deserted, desert. desespere, desperate, hopeless. deshabiller, to undress. deshsnorer, to dishonor, disgrace. designer, to point to, point out, de- scribe, cnoose. desinteressement (m.), disinterested- ness. desir (m.), desire. desirer, to desire, wish. desoler, to distress ; se , to grieve, lament. desormais, henceforth, in future. dessecher, to dry up, wither. dessin, design, figure, drawing. dessous, under, below ; au , under \ inferior ; en , underneath, under- handed, sly, secretly. dessus, on, upon, over, above ; au , up^t , superior; par , over; prendre le , to get the upper hand. destinee (f.), destiny. de'sunir, to disunite. t detacher, to detach, separate. detaillant (m.), retail-dealer. determiner, to determine, resolve^ ascertain, persuade, induce. deterrer, to unearth, dig up. detester, to detest, abhor. detourner, to turn away, avert, divert; se , to turn aside. de'traquer, to derange, put out of order. de'truire, to destroy, ruin. detruit, past part, of detruire. 254 VOCABULARY. dclte (f.), debt. deuil (in.), mourning. deux, two; tous les , loth. deuxierne, second. devait, ind. iinperf. 3d sing, of devoir. devant, before, in front of. devenir (irr.), to become, grow, to be- come of. devergondage (m.), barefaced, bold, unpardonable license. devient, ind. pres. 3d sing, of deve- nir. deviendront, ind. fut. 3d pi. of devenir. deviennent, ind. pres. 3d pi. of de- venir. devint, ind. pret. 3d sing, of deve- nir. deviner, to guess. devoir (m.j, duty, task; faire ses s, to learn one's lessons. devoir (irr.), to owe, be one's duty, be obliged, should, ought, must (futuri- ty or intention), to be; as je dois rester, I am to remain; Thomme se doit a son honneur, man must be ruled by his honor, p. 186. devons, ind. pres. 1st pi. of devoir. devorer, to devour. devoue, devoted. denouement (m.), devotion, devot- edness, self- sacrifice. devrais, cond. 1st sing, of devoir, ought, must, &c. diable (m.), devil; pauvre , poor fellow ; / mercij ! good gracious ! diablesse (f.), she-devil; de, pro- voking, plaguy. diamant (m.), diamond. diane (f.) (mil.), reveille. diantre ! the deuce I the dickens ! dieter, to dictate. Dieu. God ; in exclamations, see XXIV. 10. different, different, dissimilar, unlike. differer, to differ. difficile (m.), difficult?/. difficile, difficult, hard. difficulte (f.), difficulty, objection. difforme, deformed. digne, worthy. diligence (f.), industry, diligence (French stage-coach). dirnanche (m.), Sunday. diminuer, to diminish, lessen, de- crease. diner, to dine. diner (m.), dinner. dineur (m.), diner. dire (irr.), to say, speak, tell, name, call ; tout bas, to whisper ; vou- loir , to mean ; pour ainsi , so to speak, as it were. direct, direct ; train , express train. diriger, to direct, guide, manage ; se , to turn, go, proceed, advance towards. discourir (irr.), discourse, expatiate, treat of. discours (m.), discourse, speech, con- versation, words. discourt, ind. pres. 3d sing, of dis- courir. discuter, to discuss, argue. disparaissent, ind. pres. 3d pi. of disparaitre. disparaitre (irr.), to disappear. disparu, past part, of disparaitre. disperser ; se , to disperse, scatter , dispel, dissipate. dispose, disposed. disposer ; se , to arrange, prepare disposition (f.), arrangement, situa- tion. disputer ; se , to dispute, contend. disque (m.), disk. dissemblable, dissimilar, unlike. disseque, dissected. distinctif, distinctive, distinguishing. distinguer, to distinguish. distraction (f.), inattention, abstrac* tion, absent-mindedness. distraire, to divert, amuse. distribuer, to distribute. dit, settled, agreed (past part, of dire). divers, various. divertir, to entertain, amuse. divin, divine, heavenly. * VOCABULARY. diviser, to divide. dix, ten. dix-huit, eighteen. docteur (ml), doctor. dogue (m.), house-dog, watch-dog, mastiff. doigt (\\\.), finger. dois, ind. pres. 1st sing, of devoir. doivent, ind. pres. 3d pi. of devoir. domestique (m.), servant. doniinateur (m.), ruler, oppressor. dominer, to rale, govern., domineer. dompter, to subdue, control. don, y(ft. done, then, pray, do. donner. to glee, bestow, confer, cause, produce, look out into, open upon; se de la peine, to take pains; suite a, to follow up. dont, whose; of, from which; of, from whom.. dorer, to gild; se , to be gilded. dormir (irr.), to sleep, slumber. dort, ind. pres. 3d sing of dormir. dos (m.), back. d'ou, whence. douane (f.), custom-house,' s, cus- toms. douanier (m.), custom-house officer. douce, see doux. doucement, softly, slowly, sweetly, gently; tout , just simply, quiet- ly. douceur (f.), sweetness, pleasantness, charms. doue, endowed, endued, gifted. douleur (f.), pain, sorrow, grief. douloureux ; se, painful. doute, doubt; sans , undoubtedly, doubtless. douter, to doubt ; se , to suspect. doux, douce, sweet, soft, smooth, gen- tle, quiet, mild, peaceful. douze, twelve. dragon (m.), dragoon. drame (m.), drama. drap (m.), cloth. drapeau (m.},flag. dresser, to set up, prepare, train, set, lay ; se to rise up. droit (m.), right, claim, duty; etr dans son , to have a perfect right, to be at fall liberty. droit, straight, right. droite (f.), right, right hand, upright f a , at, on the right. droiture (f.), uprightness. drole (m.), rogue, scoundrel. drole, odd, strange. du, contraction of de and le, see de dii (past part, of devoir), due. due (m.), duke. duel (m.), duel, duelling. dur, flora, harsh. durant, during. durer, to last, continue. dus, ind. pret. 1st sing, of devoir; je paiir, / must have turned pale. Kau (f.), water. eblouir, to dazzle. eboulement (m.}, falling, land-slip. ebouriffe, with hair in disorder, rough- haired. ebraneher, to trim, lop. ecailies (f.), scales. ecarte, lonely. e'carter, to turn aside, remove ; s' , to go away, stray, wander, stretch apart. ecclesiastique (m.), clergyman. echange (ni.), exchange. echanger, to exchange, interchange. echantillon, sample. eehapper, to escape. echaufier ; s' , to warm, grow hot. echelle (f.), ladder, scale. echiner ; s' , to break one's back, work one's self to death, wear one's self out. eclair (m.), lightning, thunder-bolt. eclairer ; s' , to light up, illumine, enlighten. eclat (m.), see XXXIII. 10. eclatant, loud, brilliant, bright, shin- ing, dazzling, splendid, vivid; (stage direction) in a passion. eclater, to explode, burst, flash, glitter f shine forth, be exposed, discovered. 256 VOCABULARY. tfclos, past part, of eY-lore. cclore, to hatch. ccluse (f.), dam, sluice. ccole (f), school. ecolier (m.) school-boy. economic (f.), economy ; s, savings. econorniser, to economize, save, hus- band. ecorce (f.), bark, crust, surface. ecouler, to flow, pass away. ecouter, to listen, hear, attend. ecraser, to crush. eerevisse (f.), crayfish, craiofish, crab. eerier ; s' , to cry, exclaim. ecrire (irr.), to write. ecrit (m.), written agreement. ecrivant, pres. part, of eerire. eerivain (m.), writer. ecrive, subj. pres. 1st and 3d sing, of eerire. ecrouler ; s' , to fall in, fall to pieces ; (of sound) to die away. ecu (m.), shield, crown. ecunie (f .), foam, froth. eeumer, to foam, froth. ecurie (f.,) stable; garon d' , sta- ble-boy. edifice (m.), building. edredon (m.), eider-down, coverlet, comforter. effaeer, to efface, erase ; s' , to be blotted out, obliterated, grow indis- tinct. effecti vement, really, indeed, in fact. effet (m.), effect; en , in fact; si c'etait lin de votre bonte, if you would be so very kind. effort (m.), exertion. effrayant,/n<7/tf//, dreadful, terrible. effrayer, to frighten, terrify ; s' , to be frightened, dismayed, appalled. effusion (f.), outpouring, outburst; avec , with warmth, unreserved- ly. egal, equal ; c'est , it is all the same, never mind, no matter, anyway. egalement, equally, likewise, a/so, too. egaler, to equal. egard, regard, consideration, respect. egare, stray, chance. egarer, to mislead ; g' , to lose one's way, go astray, wander, err. egaux, pi. of egal. egiise (f.), church. ego is me (m.), selfishness. ego'iste (m.), se/Jish. eh ! ho ! hah ! eh bien, well. elancer; s' , to dart, rush, spring, dash. eleve (m.), pupil, scholar. eleve, elevated, high, exalted, lofty. ele'ver, to lift, raise, rear, bring up, train, educate, exalt; s' , to rise, arise, increase, amount. elle, she, it, her; s, tJiey, them. elle-meme, herself. eloge (m.), eulogy, praise. eloigne', distant, remote, out of the. way. eloignement (m.), distance. eloigner, to remove ; s' , to go away , withdraw. Ely see (m.), Elysium. embarras (m.), embarrassment, per. plexiiij, obstacle. embarrasser, to embarrass, perplex, obstruct. embellir, to embellish, adorn, beautify. emblee ; d' , at the first onset, with the greatest ease, at once and wil- lingly. embrasser, to embrace, kiss. embrasure (f.), embrasure. embuche (f.), ambush, snare, trap. cmeraude (f.), emerald. emeuvent, ind. pres. 3d pi. of emouvoir. emmener, to carry ojf, lead, take. away. emouvoir (irr.), to move, touch the feelings. empaqueter, to pack, bundle up, wrap up. emparer ; s' , to seize upon, take possession of. empecher, to prevent, stop ; &' , to avoid, keep from. empereur (m.), emperor. emphase, see XXXII. 29. VOCABULARY. 257 empire (m.), empire, power. employe (m.), employe', cleric; aux pompes funebre's, undertaker. employer, to employ, use, exert. enipocher, to pocket, put in one's pocket. empoigner, to grasp, seize. emporter, to carry off, bear, take away ; s'- , to get out of temper, jit/ into a passion ; V sur, to get the better of, overcome, carry the day. empreinte (f.), impression, impress, stamp, mark. empressement ('m.), eagerness, ardor, alacrity, readiness. empresser; s' , to hasten, crowd, be eager. emprisonner, to imprison, shut up, conjine. emprunter, to borrow. emprunteur ; se, borrower. emu, past part, of emouvoir ; tres , tout , very much moved. en, see Gram, p.' 258, 1 ; p. 259, 2 ; p. 241, 9. en (prep.), in, while, with, by ; in the capacity, quality of; as a; de . . . en ... yfrom . . . to . . . encensoir (m.), censer. enchainer, to chain, enchain, hold % captive. enchanter, to enchant, delight. encios (m.), enclosure, yard, close. encolure (f.), neck and shoulders. encore, still, yet, again, more, another, longer, besides, else, even, too, also. encourager, to encourage. encre (f.), ink. encrier (m.), ink-stand. endommager, to damage, injure. endormi, asleep, sleeping, sleepy. endormir ; s' (i rr -)> ^ fall, asleep, die away. endort, ind. pres. 3d sing, of endor- mir. endroit (m.), place, spot, part; k 1' , with regard to. energiquement, energetically. enfance (f.), childhood. 17 enfant (m.), child; bon , good fellow. entail tin, childish. enter (m.), hell. enfermer, to shut up, coop up, con- jine. _ enfin, in short, finally, lastly, at last , ! well ! mais , but then, weh then. enflamme, burning, lighted. enfle, swollen. enfonce, sunken. enfoncer, to drive in ; s' , to sink t plunge, penetrate, run (into). enfuir ; s' , to flee, diverge, p. 59. engager, to engage, enter upon, com- mence. engourdir, to benumb, weaken, enfee" ble. engraisser, to grow fat. enjoint, past part, of enjoindre. enjoindre (irr.), to enjoin, charge. enlevernent (m.), carrying, taking, capture. enlever, to lift, carry, take away, re- move, knock off. ennemi (m.), enemy, hostile. ennoblir, to ennoble, exalt. ennui (m.), weariness, vexation , grief. ennuyer, to tire, weary, try ones pa- tience, annoy, vex ; s' , to get tired t grow weary. enorme, enormous, huge. enrager, to be vexed, furious. enregistrer, to register, enter. enrichir, to enrich. enroler, to enroll; s' , to enlist. enroue, hoarse. enseigne (f.), sign, mark. enseigner, to teach, instruct. enseignement (m.), teaching, in- struction. ensemble, together, at once. ensemencer, TO sow. ensevelir, to bury, swallow up. ensuite, after, afterwards, then. entendre (irr.), to hear, overhear, lis- ten, understand ; bien, to be deter- mined; dire, to hear -of; par 258 VOCABULARY. ler, to hear from ; faire , to utter ; s' , to be heard, to understand end i other, make arrangements, come to an understanding. entendu, past part, of entendre; bien , be it understood, of course ; c'est , it is settled. enteiTCinent (m.), burying, burial, interment, funeral. enterrer, to bury. entier ; ere whole, complete, entire, entirely. entierement, entirely. entourer, to surround, put around. entr'aider ; s' , to help each other, assist one another. entrainer, to carry away, drag away, had on, urge, tempt. entrave (f.), fetter. entraver, to fetter. entre, between, in, among ; eux, together. entree (f.), entrance; porte d' , front-door, street-door, hall-door. entrer, to enter, go into, get in. entreprendre, to undertake, attempt, try. entreprise (f.), undertaking, contract. entretenir (in*.), to maintain, support. entretien (m.), conversation. entretiens, ind. pres. 1st sing, of entretenir. entrevoir, to see imperfectly; catch. sinht, a glimpse of; foresee dimly. entr'ouvrir, see XIV. 4. envahir, to invade, overrun, intrude upon. enveloppe (f.), envelope, covering. envelopper, to envelope, cover up, wrap up. enveniiner, to envenom, make more bitter, irritate. envers, towards, to. envie (f.); desire, wish, inclination, longing, envy ; avoir , to desire, wish for, want. envieux ; se, envious. environ, about. environs (m.), environs, suburbs, vicinity, . neighborhood. envoi (m.), sending. envoler; s' , to fly away, pear. envoyer, to send. epais, thick, dense. epaisseur (f.), thickness, density. e'pandre ; s' , to spread, extend. epanouissant ; s' (stage direc tion), with a beaming countenance. epanouir ; s' , to open, bloom, bios som; (of the face) to beconu radiant. epargner, to spare. epars, dispersed, scattered. epaule (f.), shoulder. e'paulement (fort.), epaulment. epaulette (f.), epaulet, shoulder-strap. cpee (f.), sword. eperon (m.), spur. epicier (m..}, grocer. epier, to spy, watch. epine (f.), thorn. epoque (f.), epoch, era, time, period. epouse (f.), wife. epouser, to marry. dpouvantable, frightful, dreadful, terrible. epoux (m.), husband. eprouver, to prove, try, experience, feel. epuiser, to exhaust. equerre, square. equilibrer, to balance, poise. errer, to wander. erreur (f.), error, mistake. es, ind. pres. 2d sing, of etre. escabeau (ra.), stool. escadron (m.), squadron; chef d* , major (of a squadron of caval- ry). escalader, to scale, climb, mount. escalier (m.), stair-case, flight oj stairs, stairs. esclavage (m.), slavery. es clave (m.), slave. escouade (f.), squad. espace (m.), space; parl* , through space. Espagne, Spain. espece (f ), species, kind, sort. VOCABULARY. 259 esperance (f.), hope, trust, confidence, expectation ; bonne ! be of good cheer. esperer, to hope, trust. espieglerie (f.), childish frolic, boy's trick, waggish trick. espoir (m.), hope. esprit (m.), spirit, mind, intellect, intelligence, understanding, sense, wit; gens d' , intelligent people. esquille {f.), splinter. essaim (in.), swarm, host. essayer, to try, attempt. essor (m ), flight* essuyer, to wipe, dust, dry, undergo, endure. est, incl. pres. 3d sing, of etre. est (m.), east. estaiier (m.), tall footman, bully. estime (f.), esteem, estimation. estimer, to esteem, value, think, be of opinion, believe. estomac (m.), stomach, breast, chest; son se gonfle, his chest expands. et, and; et . . . et, both . . . and. e table (f.), stable. etabli (m.), workman's bench, bench. etablir, to establish, place, prove, show. etage (m.), story, flight of stairs. etain (m.), tin. etpJage (rn.), stall, shop-window. etancher, to quench, slake. etang (in.), pond. etant, pres. part, of etre. etat (m.), state, condition, trade, call- ing, profession. etc (m.), summer. etc, past part, of etre. eteint, incl pres. 3d sing, of cteindre. eteint, past part, of eteindre. cteindre (irr.), to extinguish, destroy. etendre ; s' , to extend, lengthen, stretch, spread. tendu, stretched, spread, lying. e*tes, ind. pres. 2d pi. of 4tre. etincelle (f ), spark. etinceler, to sparkle, glitter, shine. etonnement (ra ), astonishment. etonner, to astonish, amaze ; s' , to wonder . etouffer, to smo\ \er, stifle, quell, sup- press. etourderie (f.), thoughtlessness. etourdir, to sfun. etrange, strange, odd. etranger (in.), stranger, foreign. etrange te (f.), strangeness, strange thing. etrangler, to strangle, choke. etre, to be, belong to. etre (rn.), being, existence. etroit, narrow. etude (f.), study. etudier, to studu. etui (in.), case, box. eu, past part, of avoir. eurent, ind. pret. 3d pi. of avoir. Europeen ; ne, European. eusse, subj. imperf. 1st sing, of avoir. eussiez, subj. imperf. 2d pi. of avoir. eut, subj. imperf. 3d sing, of avoir eux, they, them. eveche (m.), bishopric, bishop's pal- ace. eVeilier ; s' , to awaken, wake up> rouse. evenement (m.), event. e venter, to scent, discover. eveque (m.), bishoj). evidemment, evidently. exact, exact, accurate, prompt, punc* tual exagerer, to exaggerate. examen (m.), examination. exceder, to exceed, go beyond. excepte', except. exces (m.), excess. exciter, to excite, arouse, prompt. excuse (f.), excuse, apology. executer;, to execute, perform. exemple (m ), example, writing-cop?/; par , for instance ; par ! see XLI. 10. exhorter, to exhort. exilee (f.), exile. exister, to exist. expansion (f), expansiveness, cor diality. 260 VOCABULARY. expia .oire, expiatory, used as a sin- offering ; see bouc. expirant, dying. expirer, to expire, to die. explicateur (in.), explainer, showman. explication (f.), explanation. expliquer, to explain. ex poser, to expose, show, disclose, state. exposition (f.), exhibition. expres, expressly, on purpose. expressif ; ve, expressive. exprimer, to express. expurge, expurgated. exquis, exquisite. extase (f.), ecstasy. Fabricant (m.), manufacturer. fabriquer, to make, manufacture. face (t\),face, surface, front, aspect; a la , in the face, in the sight, into the presence, before ; en , op- posite. ftiche, sorry, angry, vexed. faeher, to make angry, anger ; se , to get angry. facheux ; se, sad, disagreeable, troublesome, vexatious. facile, easy. facilement, easily. facilite (f.), facility, ease, readiness. fa9on (f.), way, manner. facteur (m.), porter. factionnaire (m.), sentinel, sentry. faible, feeble, weak, small. faiblesse (f.), weakness, helplessness. faiin (f.), hunger; avoir , to be hungry. faine (f.), beech-nut. faineant (m.), sluggard. faire (irr.), to make, cause, give, do, commit, take, address, say, pay, pass over, be (cold, light, &c.), play, accustom ; ses dents, to cut one's teeth ; ne que, only ; se , to be- come, get accustomed to, take place, qo on ; se une idee, to form an ' i > j idea. fais, ind. pres. 1st sing, of faire. faisan (m.), pheasant. faisant, pres. part, of faire. faisceau (m.), bundle, (mil.) pile; mettre les arines en x, to pile or stack arms. fait, ind. pres. 3d sing, of faire. fait, past part, of faire ; c'est bien , it's good for you (him, 'C.), I'm glad of it ! fait (m.), deed, fact ; au , in fact, indeed ; d'arnies, brilliant ex- ploit. faite (m.), summit. faites, ind. pres. 2d pi. of faire. fallait, ind. imperf. 3d sing, of fal- loir. falloir (irr. ), to be necessary, be obliged, have to, should, ought, must, require, need, want. fallu, past part, of falloir. fallut, ind. pret. 3d sing, of falloir. fameux ; se, famous. familiarise, accustomed. farailier, familiar, tame. famille (f }, family. fane, faded, tarn ished. fange (f.), mud, mire. fantaisie (f.), fancy, whim. farci, stuffed, crammed. fardeau (m ), burden. farine (f.),. flour. fascine, fascinated. fasse, subj. pres. 1st and 3d sing of faire. fatiguer, to fatigue, tire. fatuite, self -conceit, foppishness ; avec , conceitedly. fauciller, to cut down with a sickle, to reap. faudra, ind. fut. 3d sing, of falloir. fausse, fern, of faux, faut, ind. pres. 3d sing, of falloir ! com me il , see XXIII. 30. faute (f.}, fault, error. fauteuil (m.), arm-chair. faux ; se, false, faux-pas (m.), misstep. favori ; te, favorite. favoriser, to favor. fecond, fruitful, fertile. VOCABULARY. 261 (f.), fecundity. fe.v* marechal (m.), field-marshal. felicitation (f.), congratulations. felic: ie ( f : ), felicity, Hiss. felicirer, to congratulate. femme (f.), woman, wife. fendro, to split, cleave. fenetry (f.), window. fente (f.), chink, crack. fer (m ), iron, sword. fera, ir,d. fut. 3d sing, of faire. ferrae (m.),farm. ferine, jlrm. fermer, to close, shut, fasten, lock. fermete ( f. ) , firmness. fermiere (f.), the mistress of a farm, farmer's wife, farmer's daughter. ferre, bouid, tipped with iron, iron- shod. fete (f.}, festival, holiday, saint's day (celebrated in France instead of one's birthday). feu (m.), fire, ardor, spirit, watch- fire ; (\'iir.ufice, fire- works. feuillage (\v.), foliage, leaves. feuille (f. ),/?/, sheet. feuillet (m ) (of a book), leaf; blanc,y?// leaf. fiacre (m.), hackney-coach, hack. ficelle (f.), srring, twine. fi dele, /a/7 A/I/. Fidele, Fido fier, to confide , trust. fier; ere, proud, famous, fierce. fierement, pro-idly. fierte (f. ), pridj. fifevre (f.), fever. figure (f.), face, countenance, figure, appearance. figurer ; se , to picture, fancy, im- agine. fil (m.), thread. file (t.),file; a la , one after another. filer, to spin, shoof, glide. fiile (f.), girl, daughter. ills (m.), son: un tel, So and So, Jr., young So aid So. fin, fine, slender, Lien, shrewd. fin (f.), end t clom, a la , at last, at length, finally. finalement, finally, lastly. fini, finished, done, over. finir, to finish, end. firent, iud. pret. 3d pi. of faire. fis, ind. pret. 1st sing, of faire. fit, ind. pret. 3d sing, of faire : il so fit, there occurred. fixement, fixedly. fixer, to fix, fasten, settle, determine. flairer, to smell, scent, discover. fiambant, fiaminy. flambe, done foi\ flambeau (m.), torch. Hamnie (f.), flame. fianc (m.},fiank, side. flatter, to Jiatter, please ; se , to imagine, fancy. fiatteur (in. ), fiatterer. flattear, flattering. ficche (f. ), arrow, spire. i\zu\\\i',tobend,botv, yield, submit. fleur (f.), flower, blossom. fleuri, blossoming. flocon (m.},fiake. flot (m.), wave. flotter, to float, wave. foi (f.), faith, honor; ma foi ! upon inij word ! sans , faithless ; rnau- vaise , unfairness. foin (m.), hay. fois (f.), time; d'a litres , at other times ; une , once ; line que, when once ; a la , at once, at the same time, altogether, both. follet, downy. fonction (f.), function, duty. fond (m.), bottom, back, back-ground; sans , bottomless ; au , in real- ity ; a , thoroughly, heartily. fondant, melting, juicy. fonder, to found. fondre, see XVII. 3 ; en larnies, - to melt, burst into tears. fonds (m.), stock in trade. font, ind. pres. 3d pi. of faire. fontaine (f.), fountain, spring, cis- tern. fonte (f.), cast-iron. force if.), vigor, strength, might, pov> er ; a de, by dint of, by, from. 2G2 VOCABULARY. forcer, to force, compel. foret (f.), forest. forfaire a, to forfeit. forfait, ind. pres. 3d sing, of forfaire. forger ; se , to conjure up, create. forme (f.), form, shape, figure. former, to form. fort, strong, forcible, clever, earnestly, load, much, very, very much; c'est ! capital ! fortcment, strongly, firmly, extremely. fortcresse (f.), fortress. fortifier, to fortify, strengthen. fortuit, fortuitous ; cas , chance event. fortune, fortunate, happy, favored. fosse (f 1 .), pit, grave. fosse' (m.), ditch, trench. foil (fol), folle, insane, crazy, mad, id Id, foolish. foil fire (f.), thunderbolt. fb net (m ), whip, lash; coup de , lash, crack, cracking of a whip. fougueux ; se, fiery, spirited. fouiller, to dig, search. fv/uine (f.), marten. fou'e (f.), crowd, multitude. fouler, to trample under foot. four (m.), oven. fourche (f.), pitchfork. fouraii (f.), ant. fourmiller, to swarm. fourneau (m.), furnace, stove. fournir, to furnish, supply. fourre (m.), thicket. fourrer, to thrust. fourvoyer ; se , to lose one's way, go astray, be mistaken. foyer (m.), hearth, fireside. fracas (m.), crash, din, tumult. fracasser, to shatter. fraiche, fern, of frais. fraicheur (f.), freshness, coolness, bloom, lustre. frais, fresh, cool, sweet, clear. frais (m.), expense, cost. fraise (f), strawberry. franc; die, frank, open. franc (m.), franc (French coin of the value of 18.6 cents). Francais, French. franclie, fern, of franc. franchir, to cross, surmount f range (f.), fringe. frapper, to strike, knock. frauder, to defraud. frayeur (f.), terror. fredonner, to hum. Ire in ir, to shudder. fremissement (m.), quiverin-j. frere (m.), brother. friraas (m.), hoar-frost. irise, curly. frisson (m.), shivering, shuddei Irissonner, to shiver, quiver. froid, cold; avoir, fa ire , to bt cold. froidement, coldly. froideur (f.), coldness, indifference. froisser, to wound, gall. froler, to graze. fromage (m.), cheese. front (in.), forehead, brow, front. frontiere (i\), frontier. frotter, to rub. fruitier (m.), fruit-loft, fruit-room. fiiir, to flee, fit/, run away. fuit, ind. pres. 3d sing, of fair. fumee (f.), smoke. fumer, to smoke. fumes, ind. pret. 2d pi. of etre. fumeux ; se, smoky. fumier (in.), manure'. funebre, funeral ; employe aux pompes s, see employe'. funeraire, funereal. funeste, fatal . furent, ind. pret. 3d pi. of Ctre. fureur, furie (f. ),/}/>*//, rage. furieux ; se, furious, ivild, fero- cious. furtivement, stealthily, secretly. fus, ind. pret. 1st sing, of etre. fusil (m.), gun; de munition musket ; pierre a , flint. fusillade (f.), volley of musketry. fussent, subj. imperf. 3d pi. of etre fut, ind. pret. 3d sing, of etre. fur, subj. imperf. 3d sing, of etre. fuyant, pres. part, of fair. VOCABULARY. 263 GabelOu (m.) (pop.), exciseman. gachette (f.) (gun), tumbler, gagner, to earn, gain, win, reach. gai, gay, cheerful, merry. "gaiement, yayly, blithe'/y. gaiete, gaite (f.), yayety, cheerfulness. gaillarcl (m.),Jine fellow, merry blade, joli'j dog. galaut, gallant. galanterie (f.), gallantry galop (m.). f i all op. ' galoper, to gallop. gambader, to gambol, f risk. gamelle (f.), mess. gamin (m.), urchin, young vagabond. garyon (m ), boy, waiter, bachelor, fellow. garde (f.), guard, care. garde (m.), guard, keeper. garde-champetre, field-keeper, rural guard, or constable. garde-chasse (m.), game-keeper. garder, to keep, defend, protect, save ; se de, see XXVII. 16. gardeiise (f.), keeper. gardien (m.), keeper, guard. gare ! look out .' beware I gare (f.) (rail), terminus, station. garnir, to famish, provide-, decorate, line. garnison (f.), garrison. % Gascon (m.)> Gascon. gateau (m.), cake. gater, to spoil. gauche, left, awkward. gazon (m.), turf , grass. geant (m.), giant. Gehenne (f.), Gehenna. geler, to freeze. gemir, to groan, moan, complain, la- ment. gemissement (m.), groan. gendre (m.), son-in-law. gene (f.), uneasiness, constraint, em~ barrassment ; sans , openly. gener, to incommode, hinder. ge'neralement, generally. genereusement, generously. genereux ; se, generous. genet ( v n.), broom. Geneve, Geneva. genie (m.), genius. genou (m.), knee. genre (m.), kind, style; (gram.) gender. gens (m.), people, servants. gentil ; le, pretty, agreeable, pleas- ing, nice. gentilhomme (m.), nobleman, gentle- man. gentiment, prettily, nicely, gracefully. gerbe (f.)? sheaf; mettre en s, to bind, make up into sheaves. germe (m.), germ, bud, seed. geste (m.), deed, achievement, gest- ure. gibier (m.), game. gigantesque, gigantic. gilet (m.), vest, waistcoat. gite (m.), shelter, lodging-place. glace (f.), ice, field of ice. glacer, to freeze. glaciale, frigid, frozen. glisser, to slip, slide, glide. glissant, slippery. gloire (f.), glory ; tirer de, to glory in, be proud of. gloriette (f.)? alcove (of gardens). glorieux ; se, glorious. glorieusement, gloriously. glorifier, to glorify. gloriole (f.), vanity, vain-glory. gond (m.), hinge. gonfler, to swell, expand. gorge (f.), throat, gorge. gosier (m.), throat. gouffre (m.), gulf, abyss. goujat (m.), blackguard, hodman; le dernier , the most miserable wretch. gourmand (m.), dainty, fond of good eating, greedy. gourmandise (f.), love of good eating ', greediness. gourmet (m.), connoisseur in wines, epicure. gout (m.), taste. gouter, to taste, enjoy. goutte (f.), drop. gouverner, to govern. 264 VOCABULARY. grace (f.), grace, favor, pardon. gracieux ; se, gracious, graceful, lovely, charming. graduellement, gradually. grammaire (f.), grammar. grand, great, large, tall, grand; jour, broad daylight; air, open air; de matin, early in the morning ; en , on a large scale. grandeur (f.), grandeur, greatness, size. grandir, to grow, increase. grand'mere (f.), grandmother. grange (f.), barn. gras ; se, fat. gravier (m.), gravel. gravir, to cUmb. gre (m.), WN//, taste, liking; savoir , to be grateful, thank. Grec ; que, Greek. greffier (m.), clerk (of the court), grele, pitted with the small-pox. grele, shrill. grele (f.), hail. greler, to hail. grelot (m.), hawk's bell, bell. greuouilie ( f. ) , frog. greve (f.), strand. grievement, seriously. griff e (f.), claw. grillon (m.), cricket. grimper, to climb, creep. grincer, to gnash, grate. grippe (f.) whim :' prendre en , to take a dislike, an aversion to. gris, gray. grisatre, grayish. grive (f.), thrush. gronder, to scold, growl, hold, Bumble, sound, p. 77. gros ; se, big, large, much, a great deal ; en , coarse ; avoir le cceur , to be sad. grosseur (f.), size. grossier ; ere coarse, rough, rude, churlish. groupe (m.), group. grouper, to group. gue (m.), ford; passer a , to ford. guere, little, but little, few, not iery } seldom. guerir, to cure. gucridon (m.), small round table, guerre (f.), war ; cri de , war-cry. guetre (f.), gaiter. guetter, to watch. gueux ; se, poor, beggarly. gueux (m.), rascal, scoundrel. guichet (m.), wicket, shutter; pour les billets, window of the ticket-office. guide r, to guide. Guillaume, William. Habile, able, clever, skilful. habilete (f.), ability, cleverness, skill. habiller, to dress. habit (m.), garment, clothes, coat. habiter, to inhabit, dwell, live. habitude (f.), habit; plus tot que d' , sooner than usual. habituel ; le, habitual, usual. habituer, to accustom ; s' , 'to get used to. hache (f.), axe. haie (f.), hedge. haine (f.), hatred. hair, to hate. haleine (m.), breath: retenir son , to hold one's breath ; reprendre , to recover, . to catch one's breath. hameau (m.), hamlet. hanneton (m.), may-bug, cockchafer. hanter, to frequent. hardiment, boldly. hardi, bold, hardy. haranguer, to harangue, hold forth harangueur, given to lecturing. harmonieux ; se, harmonious. harpe (f.), harp. hasard (m.), chance. hasarder ; se , to venture. hdte (f.), haste; avoir ,tobein haste. hater ; se , to hurn/, hasten. hausser, to raise, shrug. haut, high, raised, upper, loud; en , up, above, upstairs; d'en t upper. VOCABULARY. 265 ha at (m ), tOfj. . hautement, loudly, openly. hauteur (f.), height; avec , haugh- tily, he, ha! ah! bien ! well! hein, hey. helas ! alas ! 'heniiir, to neigh. herbe (f.), herb, grass. heritier (ra.), heir. hero'ique, heroic. hesiter, to hesitate. hetre (m.), beech, beech-tree. heure (f.), hour ; six s, six o'clock; de bonne , early ; a la bonne , see XLI. 10 ; a V , at the moment, for the time being ; tout a T , presently, by and by, just now. heureusement, happily, fortunately. . heureux ; se, happy, glad, fortunate. heurter, se , to jostle, run against. hideux ; se, hideous, frightful, shocking. hier, yesterday ; soir, last night. hirondelie (f.), swallow. hisser, to hoist, raise,. histoire (f.), history, story. hiver (m.), winter. horn mage (m.), homage, respect, ac- kaowledijment. homme (m.), man; du peuple, working-man. honnete, honest, upright, civil, kind. honnetete (f.), honesty, uprightness. honneur (f.), honor. honnir, to disgrace, revile, scoff at. honorer, to honor. honte (f.), shame. honteux ; se, shameful, disgraceful, ashamed. hopital (m.), hospital. horreur (f.), horror. liors, out, beyond, except; de lui, beside himself. hote (m.), host, guest. hotel do ville, town-house, city-hall. hotesse (f.), hostess. hotte (f.), a kind of basket of a form to be carried upon the back, kept in place by suspenders-. hottee (f.), basketful. houlette (f.), crook. houppe (f.), tuft. huile (f.), oil. huit, eight; jours, a week. kuitieme, eighth. humain, human, humane. liumeur (f.), humor, temper, disposi- tion ; mauvaise , ill-temper. humide, wet', moist, damp. humidite (f.), moisture. kurailier, to humiliate, humble. kurlement (m.), howl. liurler, to howl. hussard (m.), hussar. hypocrite, hypocritical. Ichim, town and river, Siberia, Asia. ici, here, now ; par , this way. ici-bas, here below, in this world. idee (f.), idea, fancy, thought ; avoir T , to think, p. 73. if (in.), yew. ignorer, to be ignorant of, not to know ; 1'on m'ignore, / am unknown, p. 23. il, he, it ; (impersonal) there ; y a, tliere is, there are. ile (m.), island. illustre, illustrious. ils, they. image (m.), image, picture. imaginaire, imaginary. irnaginer ; s' , to imagine. imbecile (m.), idiot, fool. imbecillite (f.), foolishness. imme'diatement, immediately. immobile, immovable, motionless. immoler, to immolate, sacrifice. immortel ; le. immortal. impatienter, to provoke, put out of patience. imperiale (f.), imperial, the top seats on a French stage-coach. importer (impersonal), to import, matter, signify ; n'importe, no mat' ter. importun, importunate, troublesome^ tiresome 266 VOCABULARY. impor tuner, to trouble, annoy. imposer, to impose ; s' , to thrust ones self upon ant/ one. impot (m.), tax. imprevu, unforeseen. imprimer, to print, impress, stamp. improviste ; a 1' , suddenly, unex- pectedly. impuissance (f.), inability. impuissant, powerless. inattendu, unexpected. incartade (f.), sally. incendiaire, incendiary. incendier, to burn, jire. inciiuer ; s' , to bend, bow, yield. incommodite (f.), inconvenience. incomplet, incomplete, imperfect, in- adequate. inconcevable, inconceivable. inconnu, unknown. Inconsidere, inconsiderate. inconvenient (m.), inconvenience. incre'dule, incredulous. incroyable, incredible. indemniser, to indemnify, make amends for. Indien (m.), Indian. indigner ; s' , to be, became, get in- dignant. indiquer, to indicate, point out, state. indiscret, indiscreet, inconsiderate, imprudent. individu (m.), individual. indomp table, indomitable, ungovern- able. industriel (m.), tradesman. ineffaceable, ineffaceable, indelible. inexprimable, inexpressible, unutter- able. infame, infamous. inferieur, inferior. influencer, to influence. influer, to have, exert an influence. informe, shapeless. informer, to inform; s' , to find out, ascertain. infortune (f.), misfortune. infortune, unfortunate. inge'nieux ; se, ingenious. ingrat, ungrateful, unproductive. injure (f.), injury, insult, abuse. inoffensif ; ve, inoffensive. inou'i, unheard of. in-quarto, quarto. inquietant, alarming. inquiet, uneasy, restless, anxious, un- easily. inquieter, to render, make uneasy t disturb ; s' , be uneasy, worry. inquietude (f.), anxiety. inscrire (irr.), to inscribe. insense, mad, fierce. insense (m.), madman. insensiblement, insensibly, imper- ceptibly, gradually. insister, to insist. inspirer, to inspire. installer, to install. instant (m.), instant, moment; par , at times. instruire (irr.), to instruct. insuffisant, insufficient. insupportable, unbearable. intelligence (f.), intellect, mind, un- derstanding. interet (m.), interest. interieur (m.), interior. interieurement, interiorly. interroger, to question. interrompre (irr.), to interrupt. intime, intimate. intimement, intimately. intimide, intimidated. introduire (irr.), to introduce; s' ~, to get in. introduisait, ind. imperf. 3d sing, of introduire. introuvable, unobtainable. inutile, useless. inventer, to invent. invention (f.), invention, contrivance, inviter, to invite. involontaire, involuntary. ira, ind. fut. 3d sing, of aller. irait, cond. pres. 3d sing, of aller. ironiquement, ironically. issu ; d'etre de, to have come from issue (f.), outlet, passage. Italic (f.), Italy. italien ; ne, Italian. VOCABULARY. 267 itincraire (ra.), route. ivresse (f.), intoxication, transport , ecstasy. Jaillir, to gush forth, spring, flash. jalousie (f.), jealousy. jamais, ever, for ever, p. 131 ; ne . . . jamais, never. jambe (f.), ley ; les s par dessus ia lete, heels over head, jambon (m.), ham. jante (f.), felly. j ard in ( m . ) , garden. jaune, yellow. jaunir, to grow yellow. je, /. Jemmapes, Jemmappes, village, Bel- gium. Jena, town, Saxe Weimar, Ger- many. jeter, to throw, cast, utter. jeudi (m.), Thursday. jeun ; a , fasting. jeune, young.. jeunesse (f.), youth; premiere , early youth. jeu (m.), gome. joie (f.),joy. joindre (irr.), to join. joint, past part, of joindre. jointure (f.), joint. joli, pretty. joliment, prettily, nicely, finely, plen- tifully- joue (f.), cheek. jouer, to play ; se , to mock, laugh at. joufflu, chubby. joug (m.),yoke. jouir, to enjoy. jour (m.)j day, light; s, life; un , some day ; faire , to be light. Jordain, Jordan, river, Palestine. journal (m.), newspaper. journee (f.), day. joyeux ; se, joyful, happy. juge de paix (m.), justice of the peace. jugtinent (m,), judgment. j uger, to judge. Juillet (m.), July. Juin (m.), June. Jules, Julius. jurer, to swear, declare, assure. jus (m.), juice. j usque, until, till, as far as, to, jusqu'a, up to. juste, just, right, correct, exactly. justement, just, precisely, just then, p. 112. justifier, to justify. La (fern, of le), the, her, it. la, there. la-bas, yonder. laborieux ; se, industrious. lac (m.), lake. lache, loose. lache (m.), coward. lachement, basely. lacher, to loosen, let la-dedans, therein. 1^-dessous, thereupon. laid, ugly. laisser, to leave, allow, let. lait (m.), milk. lambeau (m.), strip; par x, ink shreds. lampe (f.), lamp. lance (f.), lance ; & feu, port-Jire, lancer, to cast, dart. langage (m.), language. langue (f.), tongue, language. languir, to languish. laquelle, fern, of lequel. large, broad, wide, large. larme (f.), tear. las ; se, tired. lassitude (f.), weariness. latte (f.), lath. laurier (m.), laurel. laver, to wash. le, the, him, it. lecher, to lick. lepon (f.), lesson. lecteur (m.), reader. lecture (f.), reading. leger; ere, light, slight. 268 VOCABULARY. legerete*, lightness, slightness, nimble- ness. lenclemaiu (m.), morrow, next day, day after. lent, slow. lentement, slowly. lequel, who, whom, which, that. les (pi. of le and la), the, them. lestement, nimbly. lettre (f.), letter. leur, them, to them, their. leurre (m.), lure. leurrer, to lure. lever (m.), rise; au de Paurore, at early dawn. lever, to raise, lift up; se , to rise. levre (f.), lip. lezard (m.), lizard. liane (f.), convolvulus. liard (m.), of a cent, farthing. libre,free, at liberty. lie (f.), dregs. lien (m.), bond. lie, acquainted, p. 180. lier, to tie, bind. lieu (m.), place ; au , instead. lieue (f.), league. ligne (f.), line. ligneux ; se, woody. limit er, to limit. lingo t (m.), slug. lionne (f.), lioness. liqueur (f.), liquor. lire (irr.), to read. lis, ind. pres. 1st sing, of lire. lisant, pres. part, of lire. lit (m.), bed ; - de repos, couch. lit, past part, of lire. litiere (f.), litter. lirre (m.), book. livree (f.), livery. livrer, to. deliver, give up ; se , to yield, engage in. livret (m.), little book, catalogue. Lodi, city, Lonibardy, Italy. loge (f.), cell, compartment. logement (m.), lodging. loger, to lodge, dwell. logique (f.), logic. logis (m.), dwelling. loi (f.), lam ; homme de , lawyer loin, far, far off, remote ; de ,fat off, at a distance; de en , from time to time, at long intervals. lointain, remote, distant* loisir (m.), leisure. long ; longue, long ; le de, along , au de, by the side of. longanimite If.), forbearance, endur- ance, equanimity. longe (f.), loin. longtemps, a long time, long. longue, fern, of long ; a la , in the long run. lorgner, to quiz, spy into. lorgnette (f.), opera-glass. lors, then ; meme que, even when, lorsque, when. louange (f.), praise. louer, to praise. loup (m.), wolf. loupe (f.), magnifying -glass. lourd, heavy. loyal, honest. loyaleraent, honestly. lu, past part, of lire. lucarne (f.), garret-window. lucratif; ve, lucrative. lueur (f.), gleam, light. lugubre, gloomy, dismal. lui, he, him, to him, her, to her, it. lui-mcme, himself. lumiere (f.), light. lumineux; se, luminous, enlight- ened. lune (f.), moon. lutte (f.), struggle. luxe (m.), luxury. Ma (fern, of mon), my. machinalement, mechanically. machoire (f.),jaw. madame (f.), madam, ma'am, mademoiselle (f.), Miss. magasin (m.), shop, store-room. magique, magic. magnifique, magnificent. maigre, thin. maigrir, to grow thin. VOCABULARY. 269 main (f.), hand ; la derniere , the finishing touch. xuaintenant, now. maintenir, to maintain, preserve. maintien (m.), bearing. maire (m.), mayor. mais, but. maison (f.), house, household, family ; (com.) t /rrra. maitre (in.j, master, owner; de piano, music-teacher; d'hotel, major-domo, house-steward. majestueusement, majestically. majestueux ; se, majestic. major (m.), major, senior surgeon, p. 77. mal (m.) (plur. maux), evil, harm, pain ; aux reins, back-ache ; de tete, headache. mal, ill, badly, wrong; a propos, wrongfully. malade, ill, side. malgre, in spite of, notwithstanding. malheur (m.), misfortune, unhappi- ness, disaster. malheureusement, unfortunately. malheureux ; se, unhappy, unfor- tunate ; ce n'est pas ! that's lucky ! malhonnete, dishonest. malin ; igne, shrewd, skilful, p. 116. malic (f.), trunk. malpropre, unclean. mal veil lance (f.), malice. manian (f.), mamma. manant (m.), clown. maiiche (f.), sleeve. manger, to eat, destroy, p. 77. maniere (f.), manner, way, kind; s, airs. mamicster, to manifest, express. manquer, to fail. mansarde (f.), attic. manteau (m-), cloak. marais (m.), marsh, swamp. marbre (m.), marble; un , a piece of marble. marchand (m.), tradesman, vender. marclie (f.), walk, step, march, course. marchepied (m.), step. marcher, to walk, advance, go on. marechal (plur. aux), marshal. marge (f.), margin. manage (m.), marriage. mari (m.), husband. marier, to give in marriage; se t to marry. marque (f.), mark, sign. marquer, to mark, denote, show. marquise (f.), marchioness. marron, maroon, chestnut-colored. marron; ne, fugitive. marteau (m.), hammer. martinet (m.), rod, switch. masque (m.), mask. masquer, to hide, conceal. massacrer, to spoil, bungle, cobble, blotch. masse (f.), mass. mat (m.), mast. matelot (m.), sailor. matiere (f.), matter. matin (m.), morning. matrone (f.), matron. maudire (irr.), to curse. maud it, past part, of niaudire. maussade, ill-natured, sullen. mauvais, bad. me (m'), me, to me. mecanique (f.), machinery. mechancete (f.), ill-nature, spite t spite f "illness. mediant, bad, wicked, ill-natured, wretched, p. 177. me'content, dissatisfied. medecin (in.), physician, doctor. meditatif ; ve, thoughtful. mefait (m.), misdeed. meilleur, better ; le , the best. mem herr (m.) (Ger.), gentleman. melee (f.), throng. ineler ; se , to mix, mingle, attend to, have a hand in, meddle. membre (m.), member, limb. meme, same, even; de , in tht same way; quand , even if f cela , that very thing. menioire (f.), memory. menacer, to threaten. 270 VOCABULARY. m onager, to save. manager ; ere, saving, economical. mendiante (f.), beggar. mener, to lead, take. inens, ind. pres. 1st and 2d sing, of mentir. mensonge (m.), falsehood. mentir (irr.), to lie. menton (m.), chin. menu, small. menuiserie (f.), joiner's trade. menuisier (m.), joiner. mepris (m.), scon?, risk, p. 179. meprisabie, contemptible. mepriser, to despise. mer (f.), sea, sea-piece. merci, thanks, thank you ; Dieu , thank heaven. mere (f.), mother; sans , mother- less. meriter, to merit, deserve. merle (m-) blackbird. merveiileux ; se, wonderful. mes (pi. of nion and ma), my. niesse j .), mass ; premiere , early mass. messieurs, pi. of monsieur. mes ure (f.), measure; a que, in proportion as, as. mesurer, to measure. met, ind. pres. 3d sing, of mettre. metier (m.), trade; faire uii , to follow a trade. metre (m.), metre, a stick or tape a metre in length; yard-measure. mets, ind. pres. and imperative 2d sing, of mettre. mettaut, pres. part, of mettre. mettre (irr.), to put, place, put on; le pied dans, to set foot in ; a la porte, to turn away, out of doors ; se , to sit down ; se au travail, to set to work ; se a, to begin ; se en route, to start, set off'; se a Paffut, to lie in wait. meuble (m.), piece of furniture. nieule (f.), mill-stone. meuniere (f.), miller's wife. Die ure, subj. pres. 1st & 3d sing, of mourir. meurent, ind. pres. 3d pi. of mou- rir. meurs, ind. pres. 1st & 2d sing, ol mourir. meurt, ind. pres. 3d sing, of mou- rn-. meurtre (m.), murder. meurtri, mangled. nieurtrier (m.), murderer. meuvent, ind. pres. 3d pi. of mou- voir. rni, half; mi-cote de, halfway down, p. 92. Michel, Michael. midi (m.), noon, south; moins nil quart, quarter of twelve ; plus de , past twelve o'clock. mien ; ne, mine. mieux, better, best. Milanais, a native of Milan, Milan- ese. milieu (m.), middle, midst. militaire (m.), soldier. mille, thousand. millier (m.), thousand (collectively). mimes, ind. pret. 1st pi. of mettre. mince, slender. mine (f.), air, look, appearance, coun- tenance. ministre (m.), minister. minute (f. ), minute, de en , at short intervals. mirent, ind. pret. 3d pi. of mettre. miroir (m.), mirror. mis, ind. pret. 1st & 2d sing, of mettre. mis, past part.- of mettre. miserable (m.), wretch; pauvre , poor creature. misere (f. ), misery, calamity, poverty t destitution, petty trial, trifle. mit, ind. pret. 3d sing, of mettre. mitraille (f.), grape-shot. mobile, unsteady, swaying. mode (f .), fashion ; a la , fashion' ably ; a la de, in the costumi yf t Modene, Modena, Italy. moderer, to moderate, control. modestement, modestly. modestie (f.), modesty. VOCABULARY. 271 mocurs (f.), manners, ways, morals. moi, me, to me, I. moindre, less, least. moins, less, fewest; au , at least; du , at least ; a que, unless ; .avoir la tete que, to be a head s ho tier than. mois (m.), month. moisson (f.), harvest. moitie (f.), half; etre de , to go shares. mollesse (f.), effeminacy. mon, ma, mes, my. momle (m.), world; tout le , evert/ one. moiinaie (f.), change. Monsieur, sir, Mr. monstre (m.), monster. m mstrueux ; se, monstrous. monsiruosite (f), monstrosity. mont (m.), mount. moiitagne (f.), mountain. montant (m.), amount, sum total. monter, to ascend, climb, get, go up; se la tete.j to exaggerate, p. 162. monter a cheval, to ride horse-back. montre (f.), watch; a repetition, repeater. montrer, to show, point to, out. moquer; se , to mock, laugh at, make fun of. moquene (f.), mockery. morale (t\), ethics, moral philosophy. morceau (m.), piece; d'imagina- tion, fancy piece. mordre, to bite. morne, gloomy, dejected. mort (f.), death. mort (m.), corpse; s, dead. rnort, dead ; balle e, spent ball. mortei ; le, mortal. mortellement, mortally. mot (m.), word, saying. motif (m.), motive. mouche (f.),Jly. moucher ; se , to blow one's nose. mouclioir (m.), handkerchief. moudre (irr.), to grind. inoue (f.), pouting; faire la , to pout. mouiller, to wet. moulin (m.), mill; gar9on ae , mill-boy. moulinet (m.), chocolate-stick, mud dler. mourait, ind. imperf. 3d sing, oi mourir. mourez, ind. pres. 2d pi. of moiirir mourir (irr.), to die. mourra, ind. fut. 3d sing, of mou- rir. mo unit, ind. pret. 3d sing, of mou rir. mousqueterie (f.), musketry. mousse (f. ), moss. mousser, to froth, stir, muddle. mousseux ; se, frothy, foamy. moustique (m.), musquito. mouton (m.), sheep. mouvait, ind. imperf. 3d sing, of mouvoir. mouvement (m.), motion, impulse; faire un , to start ; plus de s, more bustle. mouvoir ; se (irr.), to move, shift about. moyen (m.), means, way ; en moy- enne, medium. moyeu (m.), nave. mugir, to low, roar. multiplier, to multiply. munition (f.), fusil de , see fusil, mur (m.), wall. muraille (f.), wall. murmurer, to murmur. muscade (f.), nutmeg. museau (m.), muzzle. musee (f.), museum. musique (f.), music. myrtille (f.) (commonly airelle), whortleberry. mystere (m.j, mystery, secret. mysterieux ; se, mysterious. Nager, to swim. naif ; ve, artless. nain (m.), dwarf. naissance (f.), birth. naissent, ind. pres. 3d pi. of naitrei nait, ind. pres. 3d sing, of naitre. 272 VOCABULARY. n nitre (irr.), to lie born, spring up. na'ivement, artlessly. naivete (f. ), artlessncss. narguer, to bid defiance to, defy. ..inturel (ni.), nature, disposition. Tiaturellement, naturally. naufrage (m.), shipwreck. He ; ue . . . pas, ne . . . point, not ; ne . . . pas de, no; ne . . . plus, no longer ; ne . . . rien, nothing ; ne ... que, only; ne . . . jamais, never. neanmoins, nevertheless. neant (m.), nothingness, annihilation, p. 168. necessaire, necessary. ne'cessairement, necessarily. negligemment, negligently. neige (f.), snow. nerf (m.), nerve. net ; te, clear, plain. nettement, plainly. neut'; ve, new. . nez (m.), nose. ni, nor ; ni . . . ni, neither . . . nor. niais, silly. nicher, to dwell, build. nid (m.), nest. nigaud (m.), simpleton. noblesse (f.), nobility ; avec , with dignity. noir, black, dark. noisette (f.), hazel-nut. nom (m.), name. nombre (m.), number. nombreux ; se, numerous. nommer, to name, appoint. non, no. non pas, not. nord, north. nos (pi. of notre), our. notaire (m.), notary. notifier, to give notice of. . notre, nos, our ; des s, of our par- ty. n )tre, le ; la , ours. nourrir, to nourish, feed, foster ; se , to live, p. 35. nourriture (f.), food. nous, we, us, to us. nouveau ( vel) ; velle, new; d , anew, again. nouveliement, newly. noyer ; se , to drown. noyer (ni.), walnut-tree, walnui (wood). nu, bare ; Tceil , the naked eye. nuage (m.), cloud. nuance (f.), shade, tint. nue (m.), doud. nuee (f.), cloud. nui, past part, of nnire. nuire (irr.), to injure. nuisent, ind. pres. 3d pi. of nuire. nuit (f), night ; a la , at nightfall nuitamnient, in the night, secretly. nul ; le, no, no one. nullement, by no means, not at all. numero, number, copy, p. 179. nuque (f.), nape of the neck. Obeir, to obey. obligatoire, compulsory. oblige (m.), debtor, p. 195. obligeant, obliging, kind. obliger, to oblige. observer, -to observe, notice ; faire , to observe. obstine, obstinate. obstinement, obstinately. obtenir (irr.), to obtain. obtient, ind. pres. 3d sing, of ob- tenir. obtiennent, ind. pres. 3d pi. of ol> tenir. obus (m.), shell. occuper, to occupy, busy. Octobre, October. odeur (f.), odor, smell. odorer, to smell. ceil (m.), eye, expression. ceuf (m.), egg. ceuvre (f.), work. ofFenser, to offend. ofFert, past part, of offrir. officier (m.), officer. offrant, pres part, of offrir. offre, ind. pres. 3d sing, of offrir. offrir (irr.), to offer. VOCABULARY. 273 ognon, oignon (m.), onion. oiseau (m.), bird. olivatre, sallow. ombrageux ; se, skittish, shy. ombre (m.), shade, shadow. omettre (irr.), to omit. Omphale, queen of Lydia, beloved by Hercules, on, see I. 13. oncle (m.), uncle. onde (f.), wave. ongle (m.), nail, daw. oiiguent (m.), unguent. ont r ind. pres. 3d pi. of avoir, onze, eleven. operer, to work. oppose, opposed, compared. opposer ; s* , to oppose. opposition (f.), contrast. or, now. or (m.), gold ; d' , golden. orage (m.), tempest, storm. orageux ; se, stormy. ordinaire, ordinary, usual ; d j , usu- ally ; qu'a T , than usual. ordinairement, usually. ordonnance (f.), order, arrangement (of details). ordonner, to order, appoint. ordre (m.), order ; a vos s, at your service; mettre bon a, to set things to rights. oreille (f.), ear. organise, organized. orge (f.), barley. orgueil (m.}, pride. oriental (pi. aux), oriental. originairement, originally. original, strange. ormeau (m.), elm. or nement (m.), ornament. orner, to adorn. orphelin (m.), orphan. orthographe (f.), spelling. ortie (f.), nettle. os (m.), bone. oser, to dare. oter, to take away, take off; ote-toi, yet away, p. 116. ou, where, in, to, at which. ou, 01- ; ou . . . ou, either ... or. oublier, to forget. ouest (m.), west. ou'i, past part, of ou'ir. oui, yes. ou'ie (f.), hearing. ou'ir, to hear. * ours (m.), bear. outrage, shocked. outrance (f.), excess; guerre a war to the knife. outre, beyond, besides. ouvert, open, opened. ouverture (f.), opening, openness . overture. ouvrage (m.), work. ouvrant, pres. part, of ouvrir. ouvre, ind. pres. 1st and 3d sing. of ouvrir. ouvrier (m.), workman. ouvrir (irr.), to open. ouvrit, ind. pret. 3d sing, of ouvrir. Pacha (m.), bashaw, pacha. paillasson (m.), straw mat. paille (f.), straw. pain (m.), bread. pairai, ind. fut. 1st sing, of payer. paisible, peaceful. paix (f.), peace. palais (m.), palace, palate. pale, pale. palette, paddle, one of the broaj, boards on the circumference of a ivater- wheel. palir, to turn pale, grow dim. palissade (f.), stockade (fort), palmiste (m.), cabbage-tree (a kind of palm). paltoquet (m.), lout. panama (m.), straw hat. panier (m.), basket. panser ; se faire , to get a wound dressed. paiitaloD (m.), pantaloons. pantoufle (f.), slipper. paon (m.), peacock. pape (m.), pope. papier (m.), paper. 18 274 VOCABULARY. papillon (m ), butterfly. paquebot (m.), packet. paquet (m.), bundle, parcel; faire sou , to pack up one's traps. par, by, through, on account of; ici, this way ; tout Je corps, all over his body. parafe (m.}, flourish. parais, ind. pres. 1st sing, of pa- raitre. paraissant, pres. part, of paraitre. paraissent, ind. pres. 3d pi. of pa- raitre. parait, hid. pres. 3d sing, of pa- raitre. paraitre (irr.), to appear. parapluie (m.), umbrella. parbleu, zounds ! of course. parce que, because. parcourir (irr.), to pass over, look over, go through, traverse. parcourt, ind. pres. 3d sing, of par- courir. parcourut, ind. pret. 3d pres. of parcourir. pardon ! excuse me I pardonner, to pardon, forgive. pareii ; le, alike, similar, such. pareillement, similarly. parent (m.), see XII. 4. paresse (f.), idleness. parfait, perfect. parfaitement, perfectly, securely, p. 58. paribis, occasionally, sometimes. parler, to speak. Jfarme, Parma, Italy. parmi, among. paroi (f.), wall, inner side. parole (f.), word; adresser la a, to speak to. pars, ind. pres. 1st sing, of partir. part, ind. pres. 3d sing, of partir. part (f.), part; de la de,from; a , aside ; de en , right through ; de toute , everywhere. partager, to share. partant, hence, consequently. parti (m.), resolution; prendre un , to come to a decision, make up one's mind; un violen^ violent measures. participer, to participate. particularity (f.), particular. particulier, peculiar, unique. particulierement, particularly. par tie (f.),part, division. partir (irr.), to depart, start, leave a de, all the way from, p. 155 au galop, to gallop ojf'. par tout, everywhere. paru, past part, of paraitre. parut, ind. pret. 3d sing, of ]-a- raitre. parvenez, ind. pres. 2d pi. of par venir. parvenir (irr.), to attain, reach, suc- ceed. parvenu, past part, of parvenir. parviennent, ind. pres. 3d pi. of parvenir. parvinmes, ind. pret. 1st pi. of parvenir. parvint, ind. pret. 3d sing, of par- venir. pas, see ne ; non , not, no. pas ( m . ) , step, pace, passage ( mo un- tains, c.). passage (m.), passage, passing, way; de votre , of your coming, p. 58. passager (m,), passenger. passant (ffl.)> passer, passer-by. passant; en ,for the moment. passeport (rn.), passport. passer, to pass, end, take place ; se , to happen ; se de, to do with- out, dispense with. passereau (m.), sparrow. passe-temps (m.), pastime. pastille (f.), lozenge; de chocolat, chocolate wafer. pate d'encre, blot. paternel ; le, paternal. patiemment, patiently. patir, to suffer. patrie (.}, father-land, country. patron (in.), master, boss. patte (f), pau},foot. paturage (m.), pasture. paupiere (f.), eye-lid. VOCABULARY. 275 pauvre, poor. pauvrement, poorly. pauvrete (f.), poverty. pave (m.), pavement; bruler le , to ride vert/ fast, at full speed. pavilion (m.},flag, summer-house. payer, to pay, reward. pays, see XX. 2 ; neighborhood. paysage (m.), landscape, view. pay san (m.), peasant. peau (f.j, skin. peche (m.), sin. pecher, tojish. pedant, pedantic. peignait, ind.-imperf. 3d sing, of peindre. peindre (irr.), to paint. peine (f.), pain, grief , trouble, diffi- culty ; a , hardly, no sooner than; faire de la , to grieve. peint, ind. pres. 3d sing, of peindre. peintre (m.), painter. pelie (f), shovel. pencher ; se tv lean, bend. pendant, during ; que, while. pendant (m.), match, counterpart, companion piece. pendard (m.), rascal. penetrer, to penetrate. penible, painful. peiiiblemeiit, painfully. pense'e (f.), thought. penser, to think. pensif ; ve, thoughtful, pensive. pensionnat (m.), boarding-school. pente (f.), slope. pepin (in.), seed. percer, to pierce, open. perche', perched. perdre, to lose, aestroy, ruin ; se , to die away la tete, to get ex- cited. pere (m.), father. perir, to perish. peripetie (f.), event. permets, imperative 2d sing, of permettre. permettre (irr.), to permit, to allow. permis (ft).), permit, certificate. permis, past part, of permettre. permit, ind. pret. 3d sing, of per* mettre. perorer, to hold forth, harangue. perpetuel ; le, perpetual. perpetuite (f.) , perpetuity ; a ,foi ever, for life, permanently. perroquet (m.), parrot. personnage (m.), person; s, dra- matis personal. personne (f), person, see ne. perte (f.), loss, destruction. petiller, to crackle. petit, little, small. petit-maitre ( m . ) , fop. petitesse (f.), smallness. petrir, to knead. peu, little, few, not very, not much pour que, if . . . ever so little. peuple (m.), people, nation. peur (f.),fear ; avoir , to be afraid, faire , to frighten. pent, ind. pres. 3d sing, of pouvoir peut-etre, perhaps. peuvent, ind. pres. 3d pi. of pouvoir. peux, ind. pres. 1st and 2d sing, of pouvoir. phalange (f.), phalanx. philosophe ( m . ) , philosopher. phrase (f.), phrase, speech. physionomie (f.), appearance. physique, physical. physique (f.), physics. piece (f.), piece, trick. pied (m.),foot; (of tables, chairs, &c.) leg. Piemont, Piedmont, Italy. Pierre, Peter. pierre (f.), stone. pierreux ; se, stony. pie ton ( m . ) , foot-passenger. pignon (m.), gable. pin (m.), pine. pince (f.), crowbar. pinceau (m.), brush, pencil. pincer, to nab. pipeau (m.), rustic pipe. piquant, sharp, cutting. " pique-assiette (m.), spunger. piquer, to prick, sting, attack, p. 66. piquet (m.), picket. 276 VOCABULARY. piquet te (f.), sour wine. pire (comp. of mauvais), worse; de en , worse and worse. pistolet (m.). pistol. pi tie (f.), pi'j/; 9a fait , it is a shame. pi ton (m.), peak. place (f.), place, square. placer, to place. plafond (m.), ceiling. plaindre (irr.), to pity ; se , tocom- plain. plaine (f.), plain. plaint, past part, of plaindre. plainte (f.), complaint, lamentation, moan. pi a i n t if ; ve , pla in tive . plaira, ind. fut. 3d sing, of plaire ; tout ce qui vous , whatever you please. piaire (irr.), to please ; se , to take pleasure. plais, ind. pres. 1st and 2d sing, of plaire. plaisait, ind. iraperf. 3d sing, of plaire. plaisanterie (f. ) , joke. plaisanter, to joke. plaisez, ind. pres. 2d pi. of plaire. plaisir, pleasure ; bien du ! much pleasure to you ! faire , to give pleasure, to please. plait, ind. pres. 3d sing, of plaire ; s'il vous , if you please. planche (f.), plank, board, shelf. plancher (m.), floor, ceiling. plante (f.), plant. planter, to plant. plaque (f.) (des cochers, des cora- missionnaires, &c.), badge, plat, flat; bi , flat. plate-forme (f. ) / platform. plein, full. pleurer, to cry, iveep, mourn. pleurs (m.), tears. pleut, ind. pres. 3d sing, of pleuvoir. pleuvoir (irr.), to rain. pliante ; table , table with leaves. plier, to fold. plomb (m.), lead, shot. plonger, to plunge. ployer, to bend. piuie (f.), rain. plume (f.), feather, plume, pen. plupart (f.), majority ; la , most. plus, more, most; see ne, ne . . non , too, also, p. 119 ; tout an , at the extent, at the very most. plusieurs, several. plut, ind. pres. 3d sing, of plaire. plutot, rather. Po, river, Italy. poche (f.), pocket. poele (m.), stove. poe'te (m.),poet. poids (m.), weight. poignee (f.) ; de main, a shakt of the hand. poll (m.), hair. poing (m.),flst. point, see ne. point (m.), point; du jour daif break. pointe (f.), point. pointu, pointed. poire (f.), pear. poirier (m.), pear-tree. ^)ois (m.), pea. poisson (m.),flsh. . poitrine (f.), chest, breast. poli, polished, polite. polir, to polish. politesse (f.), politeness. politique (f.), politics. politique, political. poltron ; ne, cowardly. pomme (f.), apple; de terre potato. pompe (f.), splendor, ceremony ; em ploye aux s funebres, see em- ploye'. poraper, to suck up. pont (m.), bridge, deck. populaire, popular. port (m.), seaport. portail (m.), door-way. porte (f.), door ; cTentree, street door, hall-door. porte, inclined. portee (f.) ; a la , within the reach VOCABULARY. 277 suited to the capacity ; hors de la , beyond the range. portefeuille (m.), pocket-book. porter, to carry, bear, wear ; un coup, to deal a blow; se , see IX. 18. porteur (m.), porter. portiere (f.), carriage-door. pose (f.), posture, attitude. poser, to put, place, sit for one's like- ness ; une charpente, to put up a frame-work. posseder, to possess, own. possible (m.), utmost. poste (f.), establishment for post- horses. poster, to post, station. pouce (f.), thumb. poudre (f.), powder poudnere (f.), powder-magazine. pouls (m.), pulse. pour, for, as for, in order to, to; la vertu, for virtue's sake. pourpre, purple. pourquoi, why. pourra, ind. fut. 3d sing, of pouvoir. poursuite (f.), pursuit. poursuivi, past part, of poursuivre. poursuivre (irr.), to pursue, go on. pourtant, however, still, yet. pourvoir (irr.), to provide, furnish. pourvu, supplied. pousser, to push, drive on, utter, grow. poussiere (f.), dust. poutre (f.), beam. pouvant, pres. part, of pouvoir. pouvoir (irr.), to be able, be possible, can, may. prairie (f.), meadow. praticable, practicable, which is real. pratique (f.), customers. pratique, practical. pratiquer, to practise. pro (m.), meadow. prece'den t, preceding. pre'ce'der, to precede. precepteur (m.), teacher, tutor. prc'cieux ; se, precious. precipitiimment, hastily. precipiter, to thrust, accelerate; se , to rush forward. precis, precise. precisement, precisely. precoce, precocious. predisposer, to predispose. preferer, to prefer. prefet ( m . ) , prefect . prejuge (m.), prejudice. prele (f.), shave-grass, horse-tail. premier; ere, first. premierement, in the first place. premunir, to caution, warn. prenant, pres. part, of prendre. prend, ind. pres. 3d sing, of prendre. prendre (irr.), to take, seize, put on , a tout , upon the whole, after all-, se a, see XXV. 36. prennent, ind. pres. 3d pi. of prendre. preparatif (m.), preparation. preparer, to prepare. pres, near; de , near, close to, & peu , nearly, almost. presager, to augur. presenter, to present. preserver, to preserve. presque, almost. pressant, pressing, urgent. presse (f.), press. presse, urgent. presser, to press, crowd, urge, hurry. pret, ready. pretendant (m.), candidate, com- petitor. pretendre (irr.), see I. 11. pretendu (m.), suitor. preter, to lend ; Toreille, to listen. preteur; se, lender. pretre (m.), priest. preuve (f.), proof. prevaloir ; se , to pride one's self upon, qlory in. prevenait, ind. imperf. 3d sing, of prevenir. prevenance (f.), politeness. prevenir (irr.), see XL 7, to tell. prevenu, past part, of prevenir. 278 VOCABULARY. previendras, ind. fut. 2d sing, of prevenir. previens, ind. pres. 1st sing, of prevenii . prevoir (irr.), to foresee. prier, to pray, entreat. priere (f.), prayer. prime (f.), reward. principalement, principally. principe (ra.), origin, element, prin- ciple. printemps (m.), spring. pris, past part, of prendre. prise (f.), pinch of snuff. prisonnier (m.), prisoner. prit, ind. pret. 3d sing, of prendre. priver, to deprive. privilegic, privileged. prix (m.), value, price, prize. probablement, probably. probite (f.), honesty. precede (m.), proceeding. proces (m.) law-suit. proces-ver bal ( m . ) , proceedings, jour- nal, official report. prochain (m.), neighbor. prochain, neighboring. proclamer, to proclaim. prodigieux; se, prodigious, ivon- derful. prodigieusement, prodigiously. prodiguer, to lavish. produire (irr.), to produce, bear ; se , to occur. produisent, ind. pres. 3d pi. of produire. produisit, ind. pret. 3d sing, of produire. produit (m.), produce, proceeds, sale, p. 64. produit, past part, of produire. professer, to profess. professeur (m.), professor. profiter, to profit. profond, deep. profondement, deeply, soundly. profondeur (f.), depth. proie (f.), prey. projet (m.}, project. prolonger, to prolong, promenade (f.), see XIX. 3. promener, to move, take; se , see XIX. 3. promesse (f.), promise. proxiets, ind. pres. 1st 2d sing, of promettre. promettre (irr.), to promise, be prom- ising. promis, past part, of promettre. promit, ind. pret. 3d sing, of pro mettre. promptement, promptly. prone (m.), sermon. prononcer, to pronounce. propager, to propagate. prophete (m.), prophet. prophctique, prophetic. propos, see XL. 9 ; a tout , on all occasions ; a de, in reference to, with regard to ; mal a , inoppor- tunely, wrongfully. proposer, to propose. propre, own, very, fit. propriete (f.), property. prosperite (f.), prosperity. prosterner, to prostrate, bow. protecteur (m.), protector. proteger, to protect. protester, to protest. Prusse (f.), Prussia. pu, past part, of pouvoir. public ; que, public. pudeur (f.), modesty. pudibond, modest. pudique, modest. pue'rilite (f.), childishness, puerility. puis, then. puis, ind. pres. 1st sing, of pouvoir, puissance (f.), power. puissant, powerful. puisse, subj. pres. 1st and 3d sing, of pouvoir. puisque, since. puits (m.), well, pit. puits-fontaine (m.), spring. punition (f.), punishment. pupitre (f.), desk. pur, pure. put, subj . imperf. 3d sing, of pourdl? put, ind. pret. 3d sing, of pouv iir. VOCABULARY. 273 Qualifier, to qualify, express, address, p. 180. qualite (f.), quality. quancl, ichm. quant a, as to. quarante,/or/y. quart (m.), quarter; moins un , quarter before ; sept s d'heures, an hour and three-quarters. quartier (m.), quarter. quatorze, fourteen. quatre,/bw. quatre-vingt, eighty. quatrieme, fourth. que, that, than, as, how, what, why ; de, how much ; c'est que, parce que, because; ne . . . que, only; ne faire , only ; (with subj.}, let, may; qu'est-ce que c'est? what is the matter ? quel ; le, what, which. queleonque, whatever, any. quelque, some, any, a few. quelque chose, some thing. quelquefois, sometimes. quelqu'un, some one,- any one. quereller, to dispute. quetant, searching. queter, (hunting) to seek by smell. queue (f.), tail. qui, ivho, which, whom. quinze, fifteen. quitte, free ; etre , to be quits. quitter, to leave, take off, forsake. quoi, which, that, what; sur , whereupon. quoique, although. qu'y a-t-il ? what is there ? what is the matter ? Rabattre, to abate, lessen, detract from. rabot (m.), plane. raboter, to plane. raccourcir, to shorten. racine (f.), root. raconter, to relate, tell. racornir ; se , to become hardened. radis (m.), radish. ractoter, to dote. rafraichir, to refresh. raison (f.), reason ; avoir , to 6d right ; en de, on account of. raisonnable, reasonable. raisonner, to reason. rajuster, to readjust, arrange. ramage (m.), warbling. ramasser, to collect, gather, pick up. ramener, to bring back. rampe (f.), baluster. ramper, to climb. rancune (f.), rancor, spite; avoir ; tenir , to feel a grudge, bear ill* will. rang (m.), rank, place. rangee (f.), row. ranger, to arrange, place, p. 194. ranimer, to reanimate, revive ; se , to brighten. rapidement, rapidly. rappeler, to call back, remind; se , to remember. rapport (m.), connection. rapporter, to bring back. rapproche, near. rapprocher, to bring nearer, bring to- gether ; se , to approach, gather round. rarement, rarely, seldom. rassasier, to satisfy. rassembler; se , to assemble, col" lect. rasseyait, ind. iraperf. 3d sing, of rasseoir. rassurer, to secure. ratine (f.), ratteen, a thick twilled woollen stuff, rattraper, to catch again. ravi, delighted; de joie, trans- ported with joy. raviver, to revive. rayon (m.), ray, spoke (of a wheel), shelf. rayonner, to beam. record (m.), brim, edge. rebrousser, to turn back ; chemin, to turn about. rebut (m.), refuse, scum, outcast. recapituler, to recapitulate. 280 VOCABULARY. recemment, 'recently. recette (f.), method. recevant, pres. part, of recevoir. recevoir (irr.), 1o receive. recharger, to reload. recherche (f.), search, research. recit (in.), recital, account, statement; s d'autrefois, tales of by-gone days. reciter, to recite. reclamer, to claim. reclusion (f.), imprisonment. re co in (m.), corner. recoit, ind. pres. 3d sing, of rece- voir. re9oivent, ind. pres. 3d pi. of rece- voir. recommencer, to begin again. recommandation (f.), recommenda- tion, caution. recommander, to recommend, request. recompense (f.), reward. recompenser, to repay, reward. reconduire (jpr.), to lead back, ac- company. reeonduit, past part, of reconduire. reconnais, ind. pres. 1st sing, of reconnaitre. reconnaissance (f.), gratitude, recon- naissance . reconnaissant, grateful. reconnaitre (irr.), to recognize, dis- cover, acknowledge, confess. roconnu, past part, of reconnaitre. recouvrir (irr.), to cover. recouvrent, ind. pres. 3d pi. of recouvrir. recreatif ; ve, amusing. recreer, to amuse. recrier, to exclaim. recu, past part, of recevoir. recueillir, to collect ; se , to medi- tate. reculer, to move back, recoil. re9ut, ind. pret. 3d sing, of rece- voir. redescendre, to descend again. redevoir (irr.), to owe. redingote (f.), overcoat. redire, to repeat. redit, ind. pres. 3d sing, of redire. redoivent, ind. pres. 3d pi. of rede voir. redoubler, to redouble. redoute (f.), redoubt. redouter, to dread, fear. redresser, to straighten, correct ; se , to become erect. reduire (irr.), to reduce. reduisent, ind. pres. 3d pi. of re- duire. reel, real. reellement, really. refermer, to close again. reflechir, to' reflect, meditate. refleter, to reflect. reflexion (f.), remark, observation. refouler, to repel, drive back. refrain (m.), refrain; toujours le mene , always the same old song. refroidir, to grow cold. refuser, to refuse. regard (m.), look, glance. regarder, to regard, look at, watch, concern . registre (m.), register. regie (f.), rule, ruler. reglement (m.), regulation. regne (m.), reign. regner, to reign, rule, prevail. regret (m.), regret; avoir du , to regret. regretter, to regret. reine (f.), queen. reins (m.), loins, back; mal aux , backache. reiterer, to reiterate. rejeter, to reject, refuse. rejette, ind. pres. 3d sing, of rejeter. rejoindre (irr.), to rejoin ; se , to meet. rejoint, ind. pres. 3d sing, of re- joindre. rejoui, delighted; face e, jovia^ countenance. rejouir, to rejoice, delight. relachement (m.), laxity (of man- ners, &c.). relever, to raise, hold up (the head). elevate. VOCABULARY. 281 felieur fra.), bookbinder. religieux ; se, religious, pious. remarquer, to notice; faire , to remark. Femercier, to thank. remerciment (m.), thanks. remets, ind. pres. 1st sing, of re- mettre. remettre (irr.), to put back, give b'ick, hand, revive ; se , recover, grow calm, p. 124; se a, to Begin again. rernis, ind. pret. 1st sing, of re- mettre, also past part. remit, ind. pret.' 3d sing, of re- mettre. remonter, to ascend, go back, go up the stage. remontrance (f.), remonstrance; faire une a, to remonstrate. remords (m.), remorse. rempart (m.), rampart. remplacer, to replace. remplir, to fill, fulfil. remuer, to move, wag. reimrd (m.),fox. rencontre, meeting ; aller a la de, to go and meet ; a ma (ta, &c.) , to meet me (thee, &c.) ; qui s'y ren- contrent, that are met with there. rencontrer ; se , to meet. rendez-vous, meeting, place of meet- ing ; se donner un , to make an appointment. rend^e, to render, return, restore, give back, give up. renfermer, to enclose, contain ; se dans, to retire within, take refuge in. renommee (f.),fame. renoncer, to give up. renouveller, to renew. renseignement (m.), information. rente (f.), yearly income. rentrer, to re-enter, return, draw back. ren verse ; a la , backwards, face upward. renverser, to overthrow. repandre, to pour out, spread; se , to scatter. reparateur, reparative. reparation (f.), amends. reparer, to repair, retrieve. repartir, to start again. repas (m.), repast, meal. repasser, to repass, rub over, p. 122 repecher, to fish up, get out. repentir, to repent. repeter, to repeat. repii (m.),fold. replier, to fold up ; se , to fall back repliquer, to reply. repondre, to reply, answer. reponse (f.), reply. reporter, to carry back. repos (m.), repose. reposer, to repose, rest. repoussant, repulsive, forbidding. repousser, to push, thrust back, reject reprenant, pres. part, of reprendre reprendre (irr.), to take, resume, re- cover, return, reply, reprove, rebuke , se , to correct one's self. representant (m.), representative. representer, to represent; se , tc picture to one's self. reprimander, to reprove, rebuke. reprimer, to repress, check. repris, ind. pret. 1st sing, of re- prendre, also past part. reprit, ind. pret. 3d sing, of re prendre. reproche (m.), reproach; faire , to reproach. reprocher, to reproach. reproduire ; se (irr.), to reappear ' ; recur. reproduisait, ind. imperf. 3d sing of reproduire. reseau (m.), net-work, plexus. re'server, to reserve. resister, to resist. resolu, past part, of resoudre. resonner, to resound. resoudre (irr.), to resolve. respecter, to respect. respectif ; ve, respective. respirer, to breathe, rest. ressemblance (f.), resemblance. ressembler, to resemble. 282 VOCABULARY. ressort (m.), spring. ressortir, to come out again. ressource (f.), resource, expedient. reste (m.), rest, remainder; au , besides, moreover, nevertheless; en avoir de , to have some left over. rester, to remain. resulter, to result. retablir, to restore. retard (m.), delay ; en , late. retarder, to retard, delay. "re tenant, pres. part, of retenir. retenir (irr), to retain, keep, restrain, //old, remember, secure. retentir, to resound. retenu, past part, of retenir. retient, iiid. pres. 3d sing, of re- tenir. retinrent, ind. pret. 3d pi. of retenir. retire, wrapped up, p. 71. retirer, to pull out ; se , to retire, withdraw. retomber, to fall back. retour (m.), return, requital. retourner, to return, turn over ; la terre, to dig up the ground ( with a spade). re tracer, to retrace. retraite (f.), retreat. retraiter, to retreat. retrouver, to find again. reunion (f.), party, ass reunir, to unite again. reussir, to succeed. reve (m.), dream. re veil (in.), awaking; au , on awaking. reveiller, to awake. reveler, to reveal. revenant^ pres. part, of revenir. revenir (irr.), to return, recur, recover. revenu, past part, of revenir. rever, to dream. reverer, to revere. reverrons, ind. fut. 1st pi. of revoir. revers (ra.), back, opposite side. revet, ind. pres. 3d sing, of revetir. revetir (in*.), to clothe. revetu, past part, of revetir. reveur ; se, dreamy. revicndra, ind. fut. 3d sing, of re venir. revient, ind. pres. 3d sing, of* re venir. revins, ind. pret. 1st sing, of re venir. revint, ind. pret. 3d sing, of revenir. revit, ind. pres. 3d sing, of revivre. revoir (m.), seeing, meeting again, au, a , we will meet again, good- by for a while. revoir (irr.), to see again. revois, ind. pres. 1st sing, of revoir. revolutionnaire (m.), radical. Khin (m.), Rhine, a river of Ger- many. rlium (in.), rum. ri, past part, of rire. riait, ind. imperf. 3d sing, of rire. riant, gay, laughing. ricaner, to sneer. richesse (f.), riches. ride (f.), wrinkle. rideau (m.), curtain. ridicule, ridiculous. rien, any thing ; ne . . . rien, nothing riez, ind. pres. 2d pi. of rire. rimer, to rhyme. riposter, to reply. rire (m.)-, laugh. rire (irr.), to laugh, joke ; sans , without joking, seriously. risible, laughable, ludicrous. risquer, to risk. rivage (m.), shore, bank. rive (f.), bank, shore. riviere (f.), river. robe (f.), dress. roc (m.j, rock. roche (f.), rock. rocher (m.), rock. roi (m.), king. roide, raide, stiff, steep. remain ; ne, Roman. ronce (f.), brier. rond, round. ronde (f. ), rouna officers of a police or military force), ronger, to gnaw. VOCABULARY. 283 rose, pink. roseau (m.), reed. rossignol (m.), nightingale. rotin (m.), rattan. rotir, to roast. roue (f.), wheel. rouge, red. rougeur (f.), blush. rougir, to blush. rouillc, rusty. rotileinent (m.), rolling, roll. rouler, to roll. rousse, fern, of roux. route (f.), road, way, course; grande , h i^ h way ; en ! let's be off! faire , to travel ; se mettre en , to start. rouvrant, pres. part, of rouvrir. rouvrir, to open again. roux ; rousse, red-haired. royaume (m.), kingdom. royaute (f.), royalty, kingly office. ruban (m.), ribbon. rubis (m.),*ruby. rue (f), street. ruelle (f.), lane, alley. rugir, to roar. rugissement (m.), roaring. ruiner, to ruin. ruisseau (m.), gutter. rurneur (f.), uproar. ruse (f.), artifice. Kusse, Russia. rustique, rustic. Sa, fern, of son. sable (m.), sand. sabot (m.), wooden shoe. sabre (m.), sword. sac (m.), bag, satchel. sac de nuit, travelling-bag. sachant, pres. part, of savoir. sacramental, received, accepted. saere', sacred. sacristain (m.), sacristan, sexton. sacristie (f.), sacristy, vestry. sage, wise, good. sagosse (f.), wisdom. saiguer, to bleed. saint, holy. saint (m.) ; e (f.), saint. saintement, holily. saintete (f.), sanctity. sals, ind. pres. 1st sing, of savcir. saisir, to seize. saison (f.), season; nouvelle spring. salt, ind. pres. 3d sing, of savoir. salir, to soil. salle (f.), hall t room. salle-a-manger, dining-room. salon (m.), drawing-room, parlor. salubrite (f.), health. saluer, to bow to, bid farewell, tak& leave of. salut (m.), safety, bow. sang (m.), blood. sang-froid (m.), coolness, composure. sanglant, bleeding. sanglot (m.), sob. sangloter, to sob. sans, without, but for; santc (f.), health. Saone (f.), a river of France, sap in ( m. ) , pine, fir. satisfaire (irr.), to satisfy. satisfait, past part, of satisfaire. sauf ; ve, safe. saule (m.), willow. saura, ind. fut. 3d sing, of savoir. sauter, to jump, leap ; faire dans la main, to toss. sauterelle (f.), grasshopper. sauvage, savage, wild. sauvegarde (f.), safeguard. sauver, to save. sauveur (m.), saver, deliverer, pro* lector. savait, ind. imperf. 3d sing, of savoir. savant (m.), scholar, learned man. savent, ind. pres. 3d pi. of savoir. savez, ind. pres. 2d pi. of savoir; savez-vous, you must know, p. 79. savoir (in*.), to know. savourer, to taste. savoureux ; se, savory. scandale (m.), scandal, offence. scelcrat (m.), villain, scoundiel. 284 VOCABULARY. ecie (f.), saw. Bcier, to saw, reap. Scipion, Scipio. sciure (f.), saw-dust. scolopendre (f.), hart' s-tongue. scrupule (m.), scruple. scrutateur; 'trice, searching, scru- tinizing. se, one's self, himself, herself, itself, themselves, each other, one another. seance (f.), sitting, session. Beau (m.), b ticket, pail. sec ; seche, dry, shrivelled. sechement, dryly. seeher, to dry. secondaire, secondary. seconder, to assist, help. gecouer, to shake. secourir. to succor, aid. secours (m.), aid, help. secousse (f.), shake. secretaire (m.), secretary. seduire (irr. ), to win, allure, seduce. seduisait, ind. imperf. 3d sing, of seduire. seigneur (m.), lord. sein (ra ), bosom, breast, heart. sejour (in.), sojourn. sel (m.j, salt. selon, according to; ce qu.e,from, p. 138. semaine (f.), week. sembiable, like, similar. semblable (in.), fellow-creature, fel- low-man. semblant (m.), appearance, show; faire , to pretend. sembler, to seem. seraer, to sow. s'en aller, to go away. senateur (m.), senator. Seneque, Seneca. sens, ind. pres. 1st sing, of sentir. sens (ni.), sense, meaninq, side, way, intelligence, judgment. " sense', judicious. sensible, sensible, full of feeling. sensiblement, sensibly. Bent, ind. pres. 3d sing, of sentir. en tan t, pres. part, of sentir. sen tier (m.), path. sentir (irr.), to feel. separer, to separate sept, seven. sera, ind. fiit. 3d sing, of dtre. sera it, cond. 3d sing, of etre. sergent (in.), sergeant. serie (f.), series. serieusement, seriously. serieux ; se, serious. serions, cond. 1st pi. of etre. serment (in.), oath. seront, ind. fut. 3d pi. of etre. serpenter, to wind. serre', tight. serre-fiie (in.), close file. serrer, to clutch, grasp ; le coeur. to move deeply; les dents, U clench the teeth. serrure (f), lock. sers, ind. pres. 1st sing, of servir. sert, ind. pres. 3d sing, of servir. serve, subj. 1st & 3d sing^ of servir, servent, ind. pres. 3d pi. of servir. servi, past part, of servir. serviette (f.), napkin. servir (irr.), to serve. ses, pi. of son. seuil (m.), threshold. seul, single, alone, only, mere, very. seulement, only, merely, solely. seve (f.), sap. shako (m.), shako, a military cap. si, yes ; fait, yes indeed. si, if, whether, so; si je le permeta of course I allow it ! Siberien; ne, Siberian. siecle (m.), century, age. siege (m.), seat. sien; ne, le sien, la sienne, his^ hers, its, one's own. sieur (m.), Mr. (law term), siiflement (m.), whistle. s-iffler, to vmistle. signaler, to point out, inform. signe (m.), sign. signer, to sign. signiner, to signify, mean. silencieusement, silently. silencieux ; se, silent. VOCABULARY. 285 sillon (m.), furrow, flash (of light). sillonner, to furrow. simpiement, simply. sincerite (f.), sincerity. singe (m.), ape, monkey. singer, to ape. singulier ; ere, singular. eingulierementj singularly. situe, situated. sixienie; sixth. socle te (f.), society. soeur (f.), sister. soi. one's self, himself. soie (f.), silk. soient, subj. pres. 3d pi. of etre. soif ( f. ) , thirst ; avoir , to be thirsty. soigneusement, carefully. soi-nieme, one's self. soin (m.), care; petits s, kind at- tentions. soir (m.) ; soiree (f.), evening. sois, subj. pres. 1st sing, of etre. soit, suflj. pres. 3d sing, of 6tre. soit, so be it, all right ; soit que . . . soit que, whether ... or (be it that ... or be it that). soixante, sixty ; douze, seventy- tico. sol (m.), soil, ground. soldat (m.), soldier. soldatesque, soldierly. soleil (m.), sun. solennel ; le, solemn. solitaire, solitary. solive (f.), joist. sombre, gloomy. somme (f.), sum. sommeil (ni.), sleep; avoir , to be sleepy. soramer, to summon, call upon. somrnes, ind. pres. 1st pi. of etre. somniet (ni.), summit, top. son, sa (pi. ses), his, her, its. son (HI.), sound, bran. sender, to sound. ponger, to dream, think. souner, to sound, strike, ring. scnnette (f.), bell. sonneur (m.), bell-ringer. sont, ind. pres. 3d pi. of etre. sort, ind. pres. 3d sing, of sortir sort (m.),fate, lot. sortant, pres. part, of sortir. sorte (f.), kind; de la , in this way ; de que, so that ; en quelque -, as it were. sorti, past part, of sortir. sortir (irr.), to go or come out, take out, leave, make one's exit ; il sort, exit; ils sortent, exeunt. sot ; tQ, foolish, silly. sotttee (f.), folly. sou (m.), French coin of the value of a cent. soubresaut (m.), shock. souci (m.), care. soutfert, past part, of soutFrir. souffle (m.), breath. souffler, to blow, breathe. souffrance (f.), suffering. souifre, ind. Dres. 3d sing, of souf- frir. souffrir (irr.), to suffer, endure, bear, allow. souliaiter, to wish. souiller, to soil. soulager, to relieve, assist. soulever, to lift, raise. soulier (m.), shoe. soumettre, to subdue, subject, sub- mit. soup9on (m.), suspicion. soup9onner, to suspect. souper (m.), supper. soupirail (m.), air-hole. soupirer, to sigh, groan, p. 106. source (f.), spring. sourcil (HI.), eyebrow; s noirs et joints, black eyebrows which met. sourd, deaf. souriant, pres. part, of sourire. sourire (irr.), to smile. souris (f.), mouse. sourit, ind. pres. and pret. 3d sing. of sourire. sous, under. sous-lieutenant (m.), suo-lieutenant t ensign. sous-sonneur (m.), under bell-rinyer soustraire (irr.) ; se , to hide. "286 VOCABULARl. soutenait, ind. imperf. 3d sing, of soutenir. Boutenir (irr.), to sustain, maintain. soutenu, past part, of soutenir. soutien (m.), support, assistance, sympathy. soutiens, ind. pres. 1st sing, of soutenir. souvenez, ind. pres. 2d pi. of souvenir. souvenir ; se , to remember, recol- lect. souvenir (m.), remembrance. sou vent, often. souviens, ind. pres. 1st sing, of souvenir. soyez, subj. pres. and imper, 2d pi. of etre. spectacle (m.), spectacle, sight. speetateur (m.), spectator. spherique, spherical. sj>irituel ; le, spiritual, intelligent. splendidetuent, splendidly. spontane, spontaneous, voluntary. squelette (m.), skeleton. store (m.), spring-roller blind, win- dow-blind or curtain. stupefait, stupefied. stupe ur (f.), stupor. stupidite (f.), stupidity. su, past part, of savoir. subir, to endure. subit, sudden, unexpected. subitement, suddenly. subsister, to subsist. succcder, to succeed. succes (m.), success, result, issue. sucre (m.), sugar. sucrer, to sugar. suer, to siveat ; 9a fait (pop.), it is a perfect shame. sueur (f.j, sweat, perspiration. suffire, to suffice, be enough. suffit, ind. pres. and pret. 3d sing, of suffire. suis, ind. pres. 1st sing, of etre. suis, ind. pres. 1st sing, of suivre. suisse (ni.), beadle, Swiss (f aller ; va-t'en, go off, begone. vacher (m.), cow-boy. vague (m.), wave. vaincre (irr.), to conquer. vaincu, past part, of vaincro. vainement, vainly. vainqueur (m.), conqueror. vais, ind. pres. 1st sing, of alk-r. vaisseau (in.), vessel, ship. valent, ind. pres. 3d pi. of valoir. v a I lee (f.), valley. vallon (in.), dale. ' T aloir (irr.), to be worth, be as g-.to, as. vanner, to ivinnow. vanter, to boast, extol. vapeur (f.), vapor, air, mist. varier, to vary. vas, ind. pres. 2d sing, of aller, also imper. sing, vaudrait, cond. 3d sing, of valoir. vaut, ind. pres. 3d sing, of valoir. vautour (m.), vulture. veau (m.), calf, veal. vccu, past part, of vivre. vegetale, vegetable. veille (f), the day before, the eve, to-day, p. 22. veiller, to watch. veine (f.), vein, luck. velours (m.), velvet. veuaient, ind. imperf. 3d pi. cf venir. venant, pres. part, of venir. vendre, to sell. venez, ind. pres. 2d pi. of venir, also imper. 2d pi. venger, to revenge, avenge. veiiions, ind. imperf. 1st pi. of venir venir (irr.), to come, reach, occur ; de, see XXIV. 4. venous, ind. pres. 1st pi. of venir also imper. 1st pi. vent (m.), wind. ventre (m.), belly, stomach, breast. venu, past part, of venir. vepres (f.), vespers. ver (m.), worm. verdir, to turn green. verger (m.), orchard. veritable, true, real, rjemiini'. v entablement, truly, really. verite (f.), truth. vermisseau (m.), little grub. 19 290 VOCABULARY. vernis (m. ) , furniture-polish. verra, ind. fut. 3d sing, of voir. verre (m.), glass; petit , half- glass , a drink (of liquor). verrouiller, to bolt. verrue (f.), wart. vers, toward, to. vers (m.), verse. verse ; pleuvoir a , to rain torrents, to pour. verser, to pour, sited. verste, verst or werst, a Russian measure 3501 feet in length. vert, green. vertu (f.), virtue. verve (f.), spirit. veste (t), jacket. vetement (m.), garment ; s, clothes. vetu, past part, of vetir. veuilles, subj. pres. 2d sing, of vouloir. veuillez, subj. pres. 2d pi. of vou- loir, also imper. 2d pi. veulent, ind. pres. 3d pi. of vouloir. veut, ind. pres. 3d sing, of vouloir. veuve (f.), widow. veux, hid. pres. 1st and 2d sing. of vouloir. vibrer, to vibrate. vicieux ; se, vicious. vietoire (f.), victory. victorieux ; se, victorious. vide, empty. vie (f.), life. vieil, see vieux. vieillard (m.), old man. vieille, fem. of vieux. vieillesse (f.), old age. vieillir, to grow old. vieiidra, ind. fut. 3d sing, of venir. Vienne (f.), Vienna. vienne, subj. pres. 1st and 3d sing, of venir. viennent, ind. pres. 3d pi. of venir. viens, ind. pres. 1st sing, of venir. vient, ind. pres. 3d sing, of venir. vieux (vieil) ; vieille, old. vif ; vive, quick, rapid, lively, bright. vigne (f.), vine. vigoureux ; Sb, villageois (in.), villager. ville (f.), city, town. vimes, ind. pret. 1st pi. of Toir. vin (m.), wine. vinaigre (m.), vinegar. vingt, twenty. vins, ind. pret. 1st sing, of venir. vint, ind. pret. 3d sing, of venir. violette (f.), violet. vis, ind. pres. 1st sing, of vivr also pret. of voir. visage (m.),face, countenance, look. vis-a-vis, opposite. visite (f.), call, caller. visiter, to visit, call upon, inspect^ search, examine. vit, ind. pres. 3d sing, of vivre, also pret. of voir. vite, quick, quickly. vites, iud. pret. 2d pi. of voir. vitraux (m.), glass window. vitre (f.),pane of glass. vitrier (m.), glazier. vivacite (f.), vivacity, liveliness, sprightliness, animation. vivait, ind. imperf. 3d sing, vivre. vivant, pres. part, of vivre. vive, fem. of vif. vive, subj. pres. 3d sing, of vivre ! long live ! vivernent, quicMy. vivent, ind. pres. 3d pi. of vivre. vives, ind. pres. 2d sing, of vivre. vivifier, to vivify. vjvons, ind. pres. 1st pi. x>f vivre, also imper. 1st pi. vivre (irr.), to live. voici, behold, here is, here are, thin is } : these are ; me , here I am. voie (f.), way, road. voie, subj. pres. 1st and 3d sing of voir. voient, ind. pres. 3d pi. of voir. voila, behold, there is, there are, thai is, those are ; te bien main- tenant, now you're nicely off; ' pourtant, but such is. voile (f.), sail. voile (m.), veil. VOCABULARY. 201 to see, look at, notice; H&re , to show. . 1. pres. 1st sing, of voir. yoisin (m.), neighbor. voisinage (m.), neighborhood, sur- roundings. voit, ind. pres. 3d sing, of voir. voiture (f.), carnage. voix (f.), voice, vocal sound, vocal. vol (m.), flight, theft. volant (m.), shuttlecock. volcan (m.), volcano. volee (f.), flight. voler, to jit/, steal, rob. volet (m.), shutter. voleur ; se, robber, thief. voliere (f.), aviary. volontaire (m.), volunteer. volonte (f. ), will. volontiers, willingly. voltiger, to flutter. vont, ind. pres. 3d pi. or alier. vorace, voracious. vos, pi. of^ votre. votre, your ; le votre, la , les s, yours. voudra, ind. fut. 3d sing, of vouloir. voulais, ind. imperf. 1st sing, of vouloir. voulant, pres. part, of vouloir. voulez, ind. pres. 2d pi. of vouloir. Vouloir (irr.), to will, order, intend, wish, like choose, need; dire, to mean ; bien, to insist upon. voulu, past part, of vouloir. "voulurent, ind. pret. 3d pi. of YOU loir, voulut, ind. pret. 3d sing, of von loir. vouSj you, to you. voute (f.), vault, arch. voyage (m.), journey, travels. voyager, to travel. voyageur (m.), traveller. voyais, ind. imperf. 1st sing, of voir. voyant, pres. part, of voir. voyelle (f.), vowel. voyez, ind. pres. 2d pi. of voir, aU-c imper. 2d pi. voyons, ind. pres. 1st pi. of voir, also imper. 1st pi. vrai, true, real. vraiment, truly, really. vraisemblance (f.), probability. vu, past part, of voir. vu, considering. vue (f.), sight; a d'oeil, per ceptibly. vulgaire, vulgar, common. Wagon (m.), railway-carriage. Y, see Gram. p. 259 ; avoir, sue avoir, yeux, pi. of oeil, r YB 01