■Ul: ■£*«^-\ -'..^'-.^^ CONSOLATIONS CEUX QUI PLEURENT i'. ■ I. :% ""' ^ • - pxiez jicxirc noiUiL. CONSOLATIONS f ■■■ f 11 ÎT tr ■'•-T'-: (101 PIll! OU H, '■. RÉSOR DES MALADES fcV 4:*iw^ifc. . ^^ **«Bi|HÇ(|J*^ «MMMi««IMWM« 1: Jl^4 HONTREAL ] ^m S* YlnceDt Ii-^« 6, 8 et 10. .. 1872 r^ -■•■ Y< ^. m. A .■ïj* ■- f .i ' » i, I n' ii«i< i; ii i i|ii CONSOLATIONS CEUX QUI PliURENT OU ''^'^* : i .' .'■'"' TRÉSOR DES MALADES '.,■ '>■"> '■*'■ MONTREAL EUSÈBE SÉNÉGAL, IMPHIMEUB-ÉDITEUB Rue s» Vincent N« 6, 8 et 10. 1872 ûù>f '■ y :. li ■ •'> y. > -i' y 1 i Enregistré, conformément à l'acte du Par. lement du Canada, en l'année mil huit cent soixante et douze, par le propriétaire de cet ouvrage, au bureau du Ministre de l'Agriculture, â Ottawa. -V. ■•-•'■•■'••.: '^^Vf;-» '■■y, ■i(j,'V';J,.fO«l,«ir-'fwV,,;v,V'.' » -/ APPROBATION > > Mgr. l'eveque de Montréal ':^t' Noua approuvons et recommandons le pré" sent opuscule ; recueil excellent de maximesi sentences et prières, tirées des meilleurs au" teurâ, qui ont adressé des paroles de consola- tion aux âmes affligées ; nous avons Tintimc conviction que cet ouvrage produira le fruit que promet son titre : Consolation à ceux qui pleu- rent^ ou Trésor des Malades: S'il est un temps où un écrit de ce genre doive être accueilli avec empressement et actions de grâces, c'est assurément celui que nous traver- sons maintenant, au milieu des pleurs et des gémissements, celui où tant de malades en- durent de si cruelles soufiFrances, et où tant de familles sont dans le deuil et la désolation. Ce petit livre, fait expressément pour adoucir les maux de ces jours mauvais, sera donc reçu partout comme un ange consolateur, inspirant IV APPROBATION. de la patience aux malades, de la confiance aux mourants, de la résignation à ceux et celles qui ont à pleurer des enfants, des époux, des parents et des amis que la mort leur a enlevés. Nous souhaitons donc à ce bon livre tout le succès qu'il peut et qu'il doit avoir ; et nous prions Jésus, Marie et Joseph de répandre sur chacune des paroles qui le composent cette divine onction qui fait tant de bien aux âmes affligées. Montréal, le 22 mars 1872^ f IG., Ev. DB Montréal PRÉFACE. Si Tutilité d*un ouvrage dépend, en grande partie, de la matière qu*il renferme, qui pourrait imaginer le bien qu'est appelé à faire celui que nous offrons aujourd'hui aux fidèles de notre paroisse ? Les pensées et les sentiments qui s'y trouvent exprimés, peuvent tout à la fois édifier et soutenir les malades, consoler les familles éprouvées par la mort de leurs proches, porter dans tous les cœurs ces im- pressions si salutaires qui font songer à la fragilité de la vie présente et à la grandeur de notre immortel avenir. Ce livre renferme un choix de pensées et de sentiments qui s'emparent doucement et fortement de l'âme, en montran-t le but suprême auquel doit tendre toute existence humaine. VI PRÉFACF. Les hommes àa monde sont en généra trop oublieux de leur âme et de leur salut cependant il est dans la vie des occasions qui les ramèneraient à la pensée de Dieu, s'ils voulaient en profiter; ce sont ces deuils, hélas, si fréquents, qui les appel- lent à Téglise devant un cercueil pour les funérailles d'un parent ou d'un ami : et qui leur feraient entendre, s'ils y prê- taient Toreille, les salutaires enseigne- ments de la mort. En eflfet, pour qui- conque veut y réfléchir, jamais ces heures solennelles, ces occasions favorables ne passent sans produire les plus heureux fruits. Elles servent à Taccomplissement de cet oracle de TEsprit-Saînt : pensez à vos fins dernières et vous ne pécherez pas. C est pour atteindre ce but si désirable que Ton a voulu réunir sous un format commode un recueil de considérations, de prières et d'instructions courtes, variées PRÉFACE. VII et touchantes, tîrées des auteurs les plus recommandables et qui nous ont semblé propres à produire sur les cœurs, les plus yives et les plus salutaires impressions. Pour arriver à cette fin, nous avons divisé notre petit ouvrage en trois livres dont le premier renferme des avis et des conseils, aux malades et aux personnes chargées d'en avoir soin. Le second met devant les yeux du lec- teur les graves enseignements de la mort, et les consolations que la religion et la foi peuvent seules faire naître. Le troisième, un choix de prières et de méditations en rapport avec le but de Touvrage qui n'est autre que d'apprendre à vivre chrétiennement pour mériter de mourir saintement. Puisse ce petit travail que nous dédions aux Associés de l'Union de Prières, et que nous mettons sous la protection de Marie VIII PRÉPAGE. Immaculée et de son glorieux époux St. Joseph, patron de cette œuvre, obtenir à tous ceux qui le liront, la grâce par excel- lence, d'une bonne et sainte mort : — Moriatur anima mea morte jus torum. PREMIERE PARTIE LIVRE PREMIER DIRHCTION PRATIQUE POUU LE SOIN DES MALADES. CHAPITRE I LES MALADES. Incipiebat morî. Il commençait à mourir. (Joan., TV, 47 ) Les leçons importantes et essentielle- ment pratiques qui vont faire la matière des chapitres suivants, sont d*un tel inté- rêt qu'on ne saurait trop y r Nous pouvons soulager les âmes soujQFrantes. 2° Nous le devons. 3^ Movens de les soulager. A CEUX QUI PLEURlilNT. 27 I. Nous pouvons, par nos priores et nos larmes, soulager, délivrer les anics qui souflfrent dans le purjçatoire : c'est une vérité de Foi ; vérité sainte et sublime, par- faitement conforme d'ailleurs à la raison. Mais il ne peut être question pour nous de prouver ce dogme sacré : nous devons seu- lement le rappeler, et, pour cela, il suffit de citer la parole du saint concile de Trente : SI guis ncgaverit purgatorium esse... ani- masque ihi detentas^ fideUam suffragUs possG juvarL.,, slt anathema /... " Si quelqu'un ose nier qu'il y ait un purga- toire... et que lcsa.mes qui y sont détenues peuvent erre soulagées par la prière des iiJùles... qu'il soit anatliùme ! " Ah! je comprends bien que l'orgueil puisse entraî- ner un esprit à repousser cette belle foi au purgatoire, mais un cœur, un cœur de mère sjrtout qui refuserait d'admettre ce dogme, et de prier pour ce qu'il aime, je ne le concevrais pas, et je le plaindrais bien. II. Nous devons nous cfibrccr de sou- lager et de délivrer ces âmes ; notre cœur nous le dit : ce sont nos frères... Il suffit, pour être touché de leurs souffrances, de nous rappelé]: i\Q\xx choses ; CONSOLATIONS le. Ce que Ton souffre dans ces lieux d'expiation, et 2o qui sont ceux qui im- plorent notre compassion. Ce que l'on souffre en purgatoire : les saints docteurs ont des paroles effrayantes, des peintures terribles. — On y souffre, en un sens, comme dans l'Enfer, c'est-à-dire des tortures qui ont quelque analogie avec celles de l'Enfer même. C'est, disent-ils avec sainte Catherine de Gènes, c'est un feu vengeur semblable à celui des abîmes ; seulement, il n'est pas éternel. — On y souffre par la privation du Ciel dont on est encore (éloigné, et cotte privation, cet exil qui ne bannit pas l'espérance, il est vrai, est pourtant : un supplice horrible pour des âmes qui ont vu Dieu, et qui l'aiment. 2® Mais quelles sont donc ces âmes et ces infortun(?es victimes de la justice divine ? Ah ! ce sont nos frères, nos amis ! C'est un enfant peut-être : ou bien c'est votre père, enfant ingrat ; c'est votre mère, fille dénaturée ; et c'est peut-être pour vous avoir trop aimd qu'ils souffrent si cruelle- ment, et vous n'y pensez plus depuis, qu'ils sont entrés dans la terre d'oubli, In tcrrâ ohllrwib (Ps. 1.x XXV rr, 11]); vous les A CEUX QMl IM.KÎJRKNT. 29 délaissez, et c est en vain qu'ils pleurent dans ces feux qui les consument, et que vous pourriez éteindre si facil amont ! Ml- .€iyi^^^ danmvitj et Domimis exavdl- A CEUX QUI PLEURENT. . 31 vit eum ( Ps. XXJCiii, 7) ; Date dmnosij- nam. (Luc, xi, 41.) Donnez donc, faites raumôoe^ surtout dans les jours de deuil, donnez un peu de cet or que vous a laissé votre père, votre mère, et vous les arra- cherez au feu dévorant. Miseremlni^ aj-ez donc pitié d^eux ! 5o Les indulgences. C'est un trésor immense où vous pouvez puiser pour payer la dette que ces âmes ont contractée envers Dieu. Ah ! ne perdez pas Toccasion qui vous est offerte. Eh quoi! si votre père sur la terre avait été enfermé dans une horrible prison, dans un obscur cachot, et si, pour lui rendre la liberté, il eût suffi de payer quelque argent à un créan- cier rigoureux... n'auriez-vous pas fait des efforts pour le délivrer, des sacrifices pour le sauver?... Et aujourd'hui que cette âme, Tâme de votre père, de votre mère, gémit dans les prisons de la justice de Dieu, et qu'elle est en proie aux plus cuisantes souffrances,aii milieu des flammes vengeresses... aujourd'hui qu'il vous serait si facile de lui ouvrir la porte de sa pri- son, que dis-je, la porte même de la lu- mière, la porte du Ciel, en appliquant à 32 CO.NSOLATIO.VS cette anie souffrante la grâce et le mé- rite de vos indulgences, vous n'y pense- riez pas, vous la laisseriez languir dans l'exil et souffrir dans le feu ! Ah ! ce serait être trop ingrat, trop cruel!... Miseremlni, saltem vos (Job S Ayez pitié de ces pauvres âmes, vous du moins, qui Taimiez autrefois, et un jour, on priera aus.si pour vous. ,,..,.„-..-„ lléciter le Dp p'rofimrJîs îivoc piété et ferveur. ..^.ji^'.-t. :-:.",■:■ ..,..:....^ .m .CA •^-. A CEUX QUI PLEURENT. 33 CHAPITRE VI LE TOMBEAU. Solum mihi superest sepulchrum, Il ne me reste plus que le tombeau. (Job, XVII, 1.) C*est là, en effet, le terme du voyage, la fin de toute gloire. Un tombeau !.., Et c'est un des plus grands malheurs de la TÎe qu'on y pense si peu. Interroger la tombe, ce sera certainement une des plus graves et des plus utiles leçons de ce cours religieux ; c'est le sujet d'une méditation très-importante. Appliquez-vous sérieuse- ment, et profitez de toutes les pensées saintes qui vont être proposées à votre cœur. T. D'abord une réflexion générale : n'est-il pas bien remarquable que, partout et dans tous les siècles, on ait conservé tant de vénération pour les tombeaux? c'est un vrai culte, un culte universel, un culte d'amour et de larmes. Les patriar- ches ne se bâtissaient sur la terre que de» 3 34 0XS0LA7I0XS tombes, dernière demeure où ils devaient, en citet, rester bien plus de temps que dans la vie ; pendant la vie, qu'ils appe- laient un pèlerinage, ils se contentaient d'une tente. Les barbares môme et les sauvages tenaient plus aux cendres de leurs pères qu'à toutes les douceurs de la patrie, et j'aime cette parole des Scythes à Alexandre : '• Laissez-nous seulement emporter les tombes de nos ancêtres, et puis faites do la terre tout ce que vous voudrez." C'était leur trésor. Et qui ne verrait dans ce témoignage sacré, dans ce culte des tombeaux, une preuve su- blime de la foi de tous à l'immortalité, une magnifique espérance de la résurrec- tion ? I II. Mais exposons de suite toute notre pensée sur les tombeaux. Je prétends qu'on peut juger une religion, un peuple, une cité, une famille, à la première vue de ses tombeaux. Veni et vide (Joann. 11. 34) Je vous dirai ce que c'est qu'un tombeau • profane, — un tombeau chrétien, — un tombeau glorieux. lo Un tombeau profane, mondain ; c'est pitié, vraiment, et il y en a beau- À CEUX QUI PLEURENT. 35 coup de côs tombes, où Ton ne peut pas trop gémir, car rien n'y rappelle Dieu ; il n'y a pas même de croix, pas un mot d'es- pérance du ciel, mais des paroles vaines, des éloges ridicules : bon père, bon époux^ hon fils /... des figures qui pleurent, l'i- mage du temps avec sa faux, des oiseaux de nuit, des colonnes brisées, des urnes vides, des larmes qui coulent sur le marbre... Oh! pitié profonde! et que je plains les enfants qui ne voient pas autre chose sur le tombeau d'un père, d'une mère... que je plains ces pauvres familles, et il y en a tant aujourd'hui ! Oh ! de grâce, une croix, au moins une croix, pour que mes larmes ne coulent pas dans le désespoir ! 2^ Un tombeau chrétien. Là, au moins, il y a de l'espérance, des prières et des consolations: Farbre de vie, la croix domine, et quelquefois l'image de la vierge Marie, mère de douleurs: et quelles paroles de foi et d'amour vous pourriez lire sur la pierre, quels vœux touchants, quelles sublimes prières ! Requiescat in pacCy — Deprofundis — Miseremini met, 3o Un tombeau glorieux, A propre- 36 CONSOLATIONS ment parler, il n'y en a qu'un, c'est celui du Christ vivant, sepulchrum ChnsH viventis — Erit sepulchrum ejus gloriosum Isaïe 11. 10.,et puis celui de sa mère.. .Jésus s'est levé du sépulcre par sa propre vertu... et Marie a été rappelée par lui à la vie, et elle a été portée au ciel sur les ailes des anges. Mais encore, il y a sur la terre quelques autres tombes glorieuses, celles des saints, des amis de Dieu; on y prie, à ces tombeaux, et c'est parce qu'on sait que souvent, il s'en échappe une vertu merveilleuse, qui sauve les âmes ou qui guérit les maladies, ou même qui ressus- cite les morts. Ainsi, à Paris, la tombe d'une petite et humble bergère, Geneviève de Wanterre, est assurément bien plus glo- rieuse que celle des rois et des empereurs, et que les mausolées superbes de tous les Pharaons en Egypte, ces hautes pyrami- des, les plus fastueux monuments de l'or- gueil humain; car on ne peut rien en attendre ; on n'y prie pas, que dis-je ? on ne sait même pas le nom de celui qui a pourri dans la plus belle de ces pyramides fameuses ! Concluons ; que votre tombe soit chré- À CEUX QUI PLEUUENT. 37 tienne, et qu'on puisse y prier pour vous ! Au moins une Croix ! LA MORT. Notre-Seigneur, au moment de ressus- citer la fille de Jaïre, donne à la mort le nom de sommeil ; expression consolante, bien propre à fonder nos espérances. Après le sommeil vient le réveil, et la mort, qu'est-elle autre chose qu'un plus long sommeil ? — Mais quand on est mort, m' allez-vous dire, on ne parle point, on ne voit ni on n'entend, on ne sent plus rien. Je réponds : Ni quand on dort non plus. J'ajoute (la chose vous semble peut-être étrange), j'ajoute : Durant le sommeil, l'âme est comme endormie ; à la mort elle s'éveille. — Vous insistez : ce corps que la mort a frappé se corrompt, il se dissout et devient cendre et poussière. — Qu'en concluez-vous, mon frère? J'en conclus, moi, que c'est cela même qui doit faire notre joie. Lorsque l'on veut rebâtir une maison que le temps fait tomber en 38 CONSOLATIONS ruines, on commence par en faire déloger les habitants, ensuite on la démolit pour la reconstruire après, avec plus de magnifi- cence ; et ceux qui en sortent, bien loin de s'en désoler, s'en réjouissent, parce que leur vue ne s'arrête pas à sa destruction actuelle, mais que leur pensée embrasse à l'avance le nouvel édifice qui doit sortir du milieu de ces ruines. C'est là la con- duite de Dieu. Il commence par abattre . ce corps, d'où il a fait sortir l'âme qui y résidait, pour le reconstruire ensuite sur un dessin beaucoup plus élevé, et le res- tituer à la compagne qui l'avait habité autrefois, et qui doit être réunie à lui pour jamais. Empruntons une autre similitude. Si vous voyiez fondre une statue de bronze que la rouille et la vétusté auraient dégradée, mutilée même dans plusieurs de ses parties, mais avec l'intention de la refaire en la perfectionnant, vous ne croi- riez pas que ce fût la perdre que de la détruire pour un moment, et vous estime- riez, au contraire, qu'elle gagnerait à ce changement qui lui donnerait un nouvel être. De même, à la vue de ce corps frappé par la mort qui le dissout, ne vous en tenez A CEUX QUI l'LEUBKNT. BU pas au seul aspect qui saisit vos regards, mais attendez la refonte. Encore cette comparaison elle-même est incomplète. Ne vous bornez pas à ces simples rapports;, car ce statuaire, en renouvelant son ou- vrage, ne le fera pas d'un autre métal, ni plus durable que le premier. Mais de ce corps de boue et condamné ii la mort, Dieu fera un corps nouveau, pur et immortel ; la terre, qui aura reçu dans son sein cette substance corruptible et périssable, la rendra désormais inaltérable. Ne considé- rez donc pas seulement ce cadavre, étendu sans mouvement et sans vie ; mais, du milieu de ces débris, voyez sortir un homme nouveau, qui s'éveille en smto, à une existence toute de gloire, à une vie si belle que tous les efforts de l'imagina- tion ne sauraient vous en fournir l'idée. Que votre esprit se transporte, de l'objet que vous avez sous les yeux, dans un meil leur avenir. Ce mort que vous pleurez, vous ne sauriez, dites-vous, vous consoler du regret de sa perte. Votre désespoir est-il raisonnable ? Quand vous établissez votre fille en la donnant en maringe à un époux qui l'emmùne dans une contrée lointaine, 40 COxNSOLATIONS pour Ty faire jouir d'une brillante fortune, vous ne regardez point son absence comme un malheur pour vous; mais votre cha- grin se calme bientôt par la pensée du bonheur qui Tattend ailleurs. Or ici, ce n*est pas un homme, votre semblable, qui vous impose cette séparation : c'est le Sei- gneur qui l'ordonne, le Seigneur qui ne fait que reprendre son propre bien, et qui ne le reprend que pour le transformer et l'enrichir infiniment ; et vous vous aban- donneriez à d'inconsolables regrets ! Ah ! efforcez-vous plutôt de faire ici-bas» bien parfaitement la volonté du Seigneur, afin d'aller retrouver dans un monde meil- leur, tout ce que vous avez aimé sur la terre ! Dieu et ces âmes vous attendent ! DOCTRINE CHRETIENNE. Ecoutons l'ange de l'école, saint Tho- mas, sur l'état des corps après la résurrec- tion ; A CEUX QUI PLEURENT. 41 BÉATITUDE DU CORPS. Les corps des bienheureux sont revêtus de quatre qualités qui les mettent au plus haut point d'excellence qu'ils sont capables d'avoir. La première de ces qualités est TiMMORTALiTÉ, qui Comprend aussi l'im- passibilité, en vertu de quoi ces corps ne peuvent plus ni être blessés, ou fatigués, ni mourir. S'ils passaient par le feu, ils n'en seraient point blessés, et, s'ils passaient par les glaces, le froid n'aurait point d'at- teinte sur eux, parce qu'ils sont invulné- rables et immortels. La seconde est la CLARTÉ, qui les rend plus brillants que le cristal illuminé des rayons du soleil. Les justes brilleront comme le soleil dans V éternité {Matlh.^ Xli) ; c'est pourquoi toutes les parties de ces corps paraîtront dans leur propre et vive couleur, d'où résultera un éclat de beauté, qui fera admi- rer la sagesse du Créateur dans leur com- position et leur assortiment. Ils ont encore 1 AGILITÉ, qui est la vertu de se trans- porter avec une vitesse incroyable d'un lieu à un autre fort distant, sans peine et sans lassitude aucune. Ils ont enfin la 42 GONSOLM'IO.NS SUBTILITÉ, qui les fait passer au travers des corps solides sans obstacle, de même ainsi que le rayon du soleil pdnètre le cris- tal. ' .-,,,..:.■,,,-,.: -:--^ ■...-.■-;.■.• L'âme se sentant unie à un corps SI beau et si parfait, n'a pas de quoi se plaindre de lui, comme elle fait sou- vent en cette vie, parce qu'en cet état, il n'embarrasse aucune de ses fonc- tions spirituelles, ni ses mouvements pour se transporter où elle veut. Elle ressent, au contraire, une très grande béatitude, de cette union qui lai cause une joie que les Anges même ne ressentent pas ; le tout, à cause de la lumière de gloire, et des diverses satisfactions de tous ses sens, lesquels y sont rassasiés de leurs plaisirs propres, tous plaisirs très- purs et très convenables à l'état de la gloire ; car les yeux y contemplent les objets les plus admirables, liiumanité SACRÉE DE Jésus-Christ, la très- sainte Vierge, tous les saints et les saintes {par conséquent les membres de notre famille') et toutes les autres beautés du parodis. L'ouïe y est délectée par le perpétuel concert dos Anges, con- A CEUX QUI PLEURENT. 43 cert qui célèbre les louanges divines ; c'est pourquoi, si la musique des hommes est quelquefois si charmante, et si la voix d'un rossignol donne tant de plai- sir sur la terre, quelles délices ne recevront pas les bienheureux dans le ciel ? L'odorat aura son contentement ; car les corps des saints répandront des odeurs plus douces que le lis, à l'imitation de celui de Jésus- Christ, dont saint Denis dit : — Nous sommes persuadés que Jésus, le Prince- Dieu, y répand les plus suaves parfums. (i>e Eccles. Hierarc, iv) — Le goût aura sa satisfaction propre, bien que Ton no mange ni ne boive dans le ciel, parce que Dieu épanchera dans ces corps bien-heu- reux quelque substance très-suave, qui les entretiendra toujours dans leur fraîcheur, et dont un goût délicieux reviendra au palais et à la langue et les remplira de douceur. — Le toiiclier recevra sa satis- ftiction, tant par l'attouchement du corps céleste que par la douceur et la tempéra- ture de l'air, et par le sentiment de la parfaite complexion du corps. Enfin il n'y aura rien de contraire aux sens et qui les puisse offonsQr. A toutes ces choses si 44 CONSOLATIONS ron ajoute la douceur de leur occupation, on comprendra qu'il n'y a et ne saurait y avoir d'état aussi accompli sur la terre ; car les Saints ne seront plus occupés aux labeurs de cette vie pour pourvoir à leurs nécessités, ni aux rigueurs de la pé- nitence pour expier leurs péchés, ni aux œuvres de miséricorde spirituelle ou tem- porelle pour assister les nécessiteux. Ce qu'ils auront à faire sera de servir, par des offices très-solennels, le Dieu qui les a remplis de tant de grâces. Cependant ils converseront dans une grande douceur Vun avec Vautre^ s* entr'' aimant cordialement plus qu'aune tendre mère n'aime son fils, et se réjouissant réciproquement de leur bon- heur. Ils se transporteront où il leur plaira dans ce séjour de délices, où il n'y aura jamais de nuit et d'obscurité, ni de deuil, ni de cris, ni de larmes ; mais où tout sourira à leurs vœux. — Apoc. BÉATITUDE DE l'aME. Quant à l'âme, elle est remplie de la grâce sanctifiante, consommée et accom- plie ; ce (|ui la rend belle et agréable à A CEUX QUI PLEURENT. 45 tous les yeux qui la contemplent. Cette grâce consommée est la gloire même, la splendeur de Tâme et la source de tous ses biens et de tous ses avantages ; et pre- mièrement de ceux qui sont dans T enten- dement, lequel est enrichi, fortifié et élevé par la lumière de gloire, qui le ravit à la vision claire et intuitive de l'essence divine et de toutes ses perfections infinies ; en- suite Tentendement connait clairement tout ce que l'âme peut raisonnablement souhaiter de connaître, soit de l'état des autres bienheureux, anges ou hommes, soit des secrets de la nature et des effets merveilleux de la Providence divine. Et toutes ces connaissances sont sans erreur, sans incertitude et sans opinion sujette à faillir; car Terreur est une imperfection de l'esprit qui ne peut trouver place dans un état de perfection, comme celui de la béatitude ; puis, s'ils avaient des doutes ou des opinions fautives, il se pourrait faire que, sans aucune malice, ils eussent des avis contraires, et se trompassent l'un l'autre, ce qui est une chose très-répu- gnante à leur société très-parfaite. En vertu de la vision, qui est dans l'entende- 46 eoNSOLxVTiox» ment, la volonté est ravie et emportée, par une suite nécessaire, à l'acte de l'amour béatifique ; car un objet tout aimable et tout ravissant étant présenté à la volonté, qui ne rencontre d'ailleurs aucun obstacle et aucun empêchement à l'aimer, se porte nécessairement à cet amour. Si bien qu'il est impossible à la volonté de se refuser à cet attrait. Aussi est-elle remplie de la cha- rité qu'elle avait en cette vie, et cette cha- rité n'étant point distraite par les occu- pations de la terre, ni appesantie par la masse d'un corps infirme et mortel, et son objet lui paraissant à découvert, sans voile et sans obscurité, produit des actes d'a- mour d'une excellence toute autre qu'elle ne le pouvait faire ici-bas. Ces actes regar- dent Dieu premièrement en lui-même, et sont des complaisances et des bienveil- lances indicibles; ils regardent aussi les créatures en Dieu, et comme bien de Dieu et choses de son domaine ; c^est pourquoi comme celui qui aime bien le père aime ses enfants, à proportion, il en est de même des bienheureux qui aiment Dieu comme Itur père très-aimable et tous leurs frères comme ses enfants, et tout le reste du A CEUX (jUî PLEURENT 47 monde comme ses créer tures et cJwses à lui appartenant. Or de cet amour naît la joie dans la volonté ; et même le principal acte de l'amour est la complaisance et la joie, dont ils sont comme inondds et tout rem- plis. De plus leur joie est double, parce qu'ils en ont de la félicité de Dieu, et de leur félicité propre. Ils ont de la joie de Dieu de ce qu'il est si heureux et si parfait en son Être suprême, et ils ont de la joie d'eux- mêmes, de ce qu'ils sont si heureux et si parfaits. (St. Thom., Tkcoh affective. De V état des bienheureux.^ .„. --.^ ADIEU î! C'est le mot suprême de la vie, c'est la dernière parole que nous adressent ceux qui vont nous attendre dans les cieux ! Oui, quand le terme fatal est arivé, toutes les illusions de la vie tombent en présence de la mort, et il faut dire un éternel adieu à tout ce qui nous entoure, à tout ce que nous aimons. Adieu I... ah! avez-vous quelquefois réfléchi, ô vous qui 48 CONSOLATIONS lisez ces lignes, avez-vous réfléchi sur ce mot, sur le sens mystérieux qu'il cache ? Il n'y a rien il faut l'avouer, qui soit de na- ture à faire plus d'impression qu'un adieu ; car un adieu, c'est la mort ; un adieu, c'est peut-être une séparation éternelle ; ce mot nous dit du moins que nous ne nous rever- rons qu'en présence de Dieu ; mais nous sommes si légers, nous réfléchissons si peu que nous le prononçons tous les jours sans y faire attention. Une personne un jour disait : — Je puis bien faire tous les sacrifices, m'imposer toutes les privations, mais je ne puis dire : Adieu ! — Ah ! en effet, pour un cœur aimant, pour le cœur d'une mère surtout, ce mot est comme un coup de poignard ; il tue quand il est pro- fondément senti ! Adieu! L'infortuné condamné à l'exil jette un dernier regard sur la côte qui va bientôt disparaître à ses yeux ; il lui dit adieu, mais il espère que cet adieu ne sera pas éternel ; et l'espérance qu'il emporte au fond de son cœur, la pensée qu'il re- verra sa patrie, le berceau de son enfance, lui rendent moins pénible la séparation de ses parents et de ses amis. Mais, dans l'a- A CKIIX yUI PLXKUENT. 49 dieu «Qionuel de la mort, rruiie est dé- eliiroe avec une telle violence qu'aucune douleur ne peut lui être comparée. Ah ! en est-il quelques uns parmi nous qui aient perdu un père ou une mère ? Se rappellent- ils CCS terribles moments d'angoisses, de désolation, lorsque penchés sur la couche où se mourait tout ce qui leur était cher, interrogeant ces traits qui se décompo- saient, comptant une à une ces dernières pulsations de la vie, ils essayaient de rat- tacher à rexistence ces d'^rniers fils qui se brisaient, et disputaient à Vhorrible mort les dernièa'es fore :s de la nature. Et ce- pendant il fallut se séparer pour jamais de cet être chéri. Mon fils, ma fille, adieu ! ! !... paroles terribles qu'on n'oublie jamais, et qui, dans la suite des jours, retentissent encore à nos oreilles comme un «il as funè- bre qui nous perce le cœur ! Adieu! ah! il fuut le d're non-seule- ment à tout ce qui nous est cher, mais encore aux plus doux souvenirs ! Avec quel charme cependant ne voit-on pas tout ce qui a appartenu à un Cire bien aimé ; avec quel : jin une épouse, une mère, ae cachent-elles pn.., comme pour le dérober • 4 r)0 CONSOLATIONS aux regards des profanes, tout ce qui a été à l'usage d'un mari qui a fîit le bon- heur de sa vie, tout ee qui a appartenu à un fils, à une fille ehdrie ! Il y a sur tout ce qui a servi à une per- sonne qu'on pleure je ne sais quelle teinte funèbre qui en rappelle le souvenir. Cette personne avait d'ailleurs tant de ma- nières qui nous rappelaient sa présence; c'é- tait sa marche, c'était sa voix, c'était l'ar- rangement et la disposition de sa cham- bre. Écoutez à la porte de ce cabinet de travail : au léger bruit qui s'y fait, vous jugez de suite qu'une personne bien con- nue est là, à deux pas de vous. Mais lais- sez entrer la mort, attendez que des mer- cenaires aient débarrassé de ce cadavre im- portun, peut-être d'avides héritiers, puis écoutez encore. N'est-il pas vrai qu'un froid glacial parcourt alors tous vos membres, que la mort semble avoir mis son cachet sur tout ce qui vous entoure ? Plus rien ! . . .Un silence morne et solennel a succédé à cette agitation d'autrefois. homme ! aviez-vous réfléchi à cet adieu de la mort, à cette séparation qui nous arrache à tout ce qui attache ici-bas ? Le cœur de l'hom- A CEUX QUI PLKURENT. 51 me est si aimant, son origine est si divine, qu'il est impossible do ne pas voir que la mort est une punition, et que cotte horri- ble séparation n'est pas l'ouvrage de Dieu, mais l'œuvre du péchd. Aussi, pour nous consoler, pensons que chacun de nous, après avoir payé cette dette à la justice de Dieu, retrouvera dans les cieux ceux dont il a été si cruellement séparé sur la terre ! L'ESPERANCE. l'espérance de se retrouver au ciel est le soutien de ceux qui souf- FRENT. Demandez au vrai croyant ce que c'est que l'espérance ? Il vous répondra : Pour moi, c'est l'image d'une riante perspective qui flatte la vue, réjouit le cœur, élève Tâme jusqu'au Créateur de tant de mer- veilles, soutient ainsi les forces, ranime le courage et donne de la consolation au ^^^;5Î/;,; ■ CONSOLATIONS ; . r malheur. Pour tdoî, lo passe est mort ; ' le présent n'est qu'un î^^onge pénible qui va bientôt n'évanouir, lavenir seul est quelque chose. L'avenir est mon espé- rance. , Une espérance, ô niorteL voilà ta gran- deur ! Au milieu d'un monde de destruc- tion, en présence de la mort et de l'oubli, lorsque tout passe autour de toi, que tu vois cens qui te sont chers disparaître tour à tour, tu espères les revoir dans une . vie qui ne doit point finir; le met éternité n'étonne point ton âme ; car Famé a l'idée de l'infini ; sentiment sublime qui nous dé- tache de cette terre et nous ravit au sein de Dieu ! L'espérance! c'est le soutien de notre volonté ;" c'est elle qui met sans cesse un but devant nos efforts, qui nous console dans rinfortune et nous encourage dans le triomphe. Tous les hommes, chacun dans la route que lui a tracée la Providence, •^ marchent à la lumière de ce flambeau. Grâje à ce sentiment consolateur, qui nous promet toujours un lendemain plus pros- père, nous soutenons les maux, les traver- ses de la vie présente, qui sont parfois si : A CEUX QUI PLEURENT. • 53 amères que nous pourrions être tentés de nous jettter dans le découragement; mais Tespérance est là devant nous, qui nous tend la main, nous promettant le bonheur, et nous la saisissons avec joie. D'ailleurs, le chrétien qui ne s'abuse pas sur la destinée de l'homme, et qui met son espérance plus haut que la terre, accepte les misères dici-bas comme un calice d'ex- piation ; il sait que Dieu lui paiera en félicités suprêmes la dernière de ses larmes et la moindre de ses douleurs, et il se réjouit d'avoir à souffrir. Qu'elle est donc sublime l'espérance qui produit ainsi la résignation d'esprit, ferme la bouche au murmure, ouvre le cœur aux sacrifices de toutes sortes, et verse sur les douleurs du temps qui s'envole, le baume des consola- tions éternelles ! Quel remède que l'espé- rance pour l'âme chrétienne et pieuse ! pauvre mère! qui avez perdu toutes les joies de votre âme par la mort de votre enfant chéri, quel baume que l'espérance ! Comme elle adoucit les maux de la vie, comme elle tempère la douleur, comme elle la fait supporter ! Oui, l'espérance est le plus beau présent qu'un Dieu plein d'à 54 CONSOLATIONS mour ait fait à sa créature ; c'est l'ange in- visible qu'il a envoyé sur la terre pour que l'âme inquiète se repose et se délecte dans la vie à venir, oubliant les maux pré- sents. Ce sont ces consolantes promesses qui adoucissent notre existence ; l'espé- rance du bonheur est presque le bonheur lui-même ! Aussi l'espérance offre-telle en elle même, dit Chateaubriand, un caractère particu- lier ; c'est celui qui le met en rapport avec nos misères. Sans doute, elle fut révélée par le ciel, cette religion qui fit une vertu de l'espérance. Cette nourrice des infor- tunés, placée auprès de l'homme, comme une mère auprès de son enfant malade, le berce dans ses bras, et l'abreuve d'un lait qui calme ses douleurs. Elle veille à son chevet solitaire, elle l'endort par des chants magiques. N'est-il pas surprenant de voir l'espérance, qu'il est si doux de garder, et qui semble un mouvement naturel de l'âme, do la voir se transformer, pour le chrétien, en une vertu rigoureusement exigée ; en sorte que, quoi qu'il fasse, on l'oblige de boire à longs traits à cette coupe enchan- tée, où tant de misérables s'estimeraient A CEUX QUI PLEURENT. 55 heureux de mouiller un instant leurs lèvres. Il y a plus (et c'est ici la merveille), l'homme sera récompensé d'avoir espéré, en d'autres termes d' avoir /ait son propre bonheur. Le fidèle, toujours militant dans la vie, tou- jours aux prises avec Tennemi, est traité par la religion, dans sa défaite, comme ces généraux vaincus que le sénat romain recevait en triomphe, pour cette seule raison qu'ils n'avaient pas désespéré du salut de l'Etat. Mais, si les anciens attribuaient quelque chose de merveilleux à l'homme que l'espoir n'abandonne jamais, qu'au- raient-ils pensé du chrétien qui, dans son étonnant langage, ne dit plus entretenir mais pratiquer l'espérance? Voyez cette jeune mère caressant sor? unique enfant; comme elle est heureuse ! Elle vit de présent et d'avenir dans ce ten- dre objet de son amour. Quels soins, quelle vigilance ! Sa sollicitude écarte de devant les pas de son enfant tout ce qui pourrait blesser ses pieds, attrister son cœur. Elle s'est en quelque sorte incarnée en lui ; elle respire par sa bouche, elle voit par ses yeux, elle aime dans son cœur. Pauvre mère ! ton amour est-il donc un soleil trop 50 CONSOLATIONS t ardent, qui fasse languir et mourir la fleur sur sa tige ! Peu à peu celle-ci se penche et se flétrit ; quelque insecte meurtrier Taura piquée au cœur. En vain tu l'arroses de tes larmes ; en vain tu mets ce cher enfant sur ton sein qui est plein de prières. Bier.- tôt los cieux ont un ange do plus, et la terre une tombe. Un ange, au radieux visage, Penché sur le bord d'un berceau, Semblait contempler son image, Comme dans Tonde d'un ruisseau. " Charmant enfiiut qui me ressemble, '' Disait-il, oh ! viens avec moi ; ** Viens, nous serons heureux ensemble. '' La terre est indigne de toi. *' Liî, jamais d'entière allégresse; *' L'amc 7 souffre de ses plaisir.^, *' Les cris de joie ont leur tristesse, • . *' Et les voluptés leurs soupirs. *' La crainte est de toutes les fêtes ; » Jamais un jour calme et serein '' Du choc ténébreux des tempêter " N'a garanti le lendemain. A CEUX QUI PLEimi^.NT. 57 << Fihquoi ! Ic3 chagrins, les'alarino?, « Viendraient troubler ce front si pur ! <' Et par l'amcrtunie clos larmes " Se terniraient ces yeux d'azur ! " Non, non : dans les champs do l'espace ' '' Avec moi tu vas t'en voler! " [ja Providence te fait grâce '' Des jours que tu devais couler. '' Que personne dans ta demcnro << N'obscurcisse ses vêtements ; «« Qu'on accueille ta dernière heure " Ainsi que tes premiers moments. '^ Que les fronts y soient sans nuage, *' Que rien n'y révêle un tombeau : << Quand on est pur comme à ton âge, " Le dernier jour est le plus beau. " Et, secouant ses blanches ailes, L'augo à ces mots à pris Tessor V^ers les demeures éternelles. . . Pauvre mh-e!.... ton fils est mort!.... - . n. Mauitotiaiît pour toi, tout est bilso. Le présent csl rempli de larmes, l'avenir en ce monde na plus d'ctoiles qui brillent, le passé revient avec son bonheur évanoui, il 58 CONSOLATIONS se fait une nuit dans ton cœur, peu s'en faut que tu n'invoques le trépas. Mais une clarté que Dieu t'envoie vient luire au sein de la nuit obscure. Proster- née au pied des autels, tu y as puisé la force de supporter ton malheur ; tu dis en priant : Consolatrice des affligés, priez pour moi ; rendez-moi mon enfant ! Le calme appaise ton imagination, la sérénité et la paix reviennent sur ton front, tu sais maintenant qu'un ange est au ciel, qu'il prie pour toi et qu'il te dit : ** Viens, ma mère, viens, je t'attends ! Oh ! comme nous serons heureux lorsque tu seras venue me rejoindre ! Qu'il fait bon jouir de Dieu ! qu'il fait bon aimer sa mèje pour l'é- ternité, sans crainte de la perdre jamais. " Oui, dès que la mort nous ravit ceux que nous aimions le plus, Dieu nous en- voie, pour modérer nos regrets, l'espérance de les revoir, de les reconnaître, de les aimer encore dans le ciel et d'en recevoir aussi les témoignages d'une spéciale affec- tion. Combien de fois cet espoir ne fut-il pas un remède à nos blessures et un baume à nos douleurs I A CEUX QUI PLEURENT. 59 LETTRE DE SAINT JEROME. A SAINTE PAULE POUR LA CONSOLER SUR LA MORT DE BLESILLA, FILLE DE CETTE SAINTE dame; HISTORIQUE DE LA MALADIE DE LA PIEUSE VEUVE. — (Extrait de ia vie de Sainte Paule d'après Saint Jérôme, par Lagrange.) Depuis sa dernière maladie, la santé de Blesilla paraissait plus affermie que jamais, et elle marchait avec l'ardeur que nous avons vue, dans la voie de sa mère et de sa sœur, comblant de joie Paula, remplis- sant d'admiration Marcella et saint Jérôme. Hélas 1 les larmes étaient bien près de cette joie. Peu de temps après la mort de Praetextatus, vers le mois de novembre de cette année SS^, la fièvre, comme il arrive souvent aux malades à cette époque redou- tée de la chute des feuilles, ressaisit Ble- silla, et la mit en peu de jours aux portes du tombeau. La nouvelle que la fille de Paula était encore une fois en danger jeta la conster- nation, non-seulement au palais de Paula et à l'Aven tin, mais encore dans toute la société patricienne, où^Paula était vénérée. 60 CONSOLATIONS et où Blcsilla, par ses rares et charmantes qualités, s'dtait fait tant d'amies. Le peuple même, qui la connaissait et l'ai- mait, en fut affecté. Le mal cependant marcha avec une effrayante rapidité, et bientôt, il n'y eut plus d'espérance. Dieu avait agréé la bonne volonté de la jeune femme ; sa générosité avait compensé la courte durée de sa pénitence. Quatre mois s'étaient à peine écoulés depuis sa conver- sion à la vie fervente, et déjà Dieu la jugeait mûre pour la couronne, et cueillait cette fleur pour le ciel ^ Sa mort fut de celles dont l'histoire seule des Saints offre l'exemple, qui ravis- sent et qui font pleurer. Elle avait vingt ans, et elle allait mourir ! Sa mère, ses sœurs, ses proches, ses amies, Marcella et saint Jérôme, tous ceux qui l'avaient aimée sur la terre, entouraient son lit funèbre et fondaient en larmes. Seule Blcsilla ne pleurait pas. En vain la fièvre la dévorait, en vain elle était là, haletante sous les étreintes de la maladie : un reflet 1 Blesilla est honorée oomme Sainte, dans quelques martyrologes, le 22 janvier. (Baro- nius, tom. IV, ad annum 384.) .'/ ' A CEUX QUI PLEURIZNT. 61 ccloste illumitrait son pale visage; je ne sais quelle beauté qui n'dtait pas de la terre, coaiine un dernier rayon de rame prèle îl ^'échapper, la trani-fîgnrîut. Une ombre cependant passa tout à coup sur Sun frontj iino larme apparut dans s 'S yeux; mais ce n'était pas de quitter la vie qu'elle pleurait, Tadmirable jeune femme, c'était de n'avoir pas à présentera Dieu une as=^ez longue pénitence ni un sulllsant trésor de mérites. On l'entendit alors se reconnnander avec instance à toiis ceux qui l'entouraient. '' Oh! priez bien le Seigneur Jésus^ leur dit-elle, d'avoir compassion de mon âme, puisque je meurs avant d'avoir pu accomplir ce qui ét-iit dans mon cœur pour lui ^ " Ce furent ses dernières paroles. Ce regret de la jeune mourante émut tout le monde jusqu'aux larmes. Jérôme s'empressa de lui répondre et de la consoler. '' Ayez con- fiance, cbèrc Elesilla, lui dit-il ; ces vête- ments blancs que vous portez depuis votre consécration au Seigneur, . doivent vous 1 Orale Domlnum Jesum ut mihi igaoscat, quia implore uoii potui quod volebim. (Epist. '22, ad Paul a m, siq)p,r ohitii BlcHillie ) G2 CONSOLATIONS rassurer. Comme eux, votre âme est pure. Votre retour à Dieu ne date pas, il est vrai, de bien loin ; mais il a été si gëndreux, qu'il n*est pas venu trop tard. ^ " Ces paroles firent entrer une profonde paix dans l'âme de la fille de Paula. Bien- tôt après, comme s'exprime saint Jérôme, *^ se dégageant des liens du corps, la blanche colombe s'envolait au ciel, la fille de Dieu exilée ici-bas rentrait dans Théri- tage paternel M " Le coup fut affreux pour Paula. Tant d'affections saintes, de pieuses joies et d'espérances maternelles étaient en un mo- ment, dévorées par cette tombe ! Son âme si forte n'y tint pas, et sa douleur passa même toutes les bornes. La sainte la cou- rageuse veuve disparut entièrement èous la mère. Elle voulut au moins, triste conso- 1 Secura este, mi Blesilla, sentiens vesti- menta tua candida. Candor vestium sempiter- nse virginitatis est puritas. Confidimus probare vera qaae dicimus : nuraquam est sera conver- sio. [Ibid.) 2 Sarcinâ carnis abjectâ ad suum anima revolavit auctorem, et in antiquam possessionem diu peregrinata conscendit. [Ibid.) _. A CEtlX y in PLEURENT, 63 lation d'un deuil inconsolable, dernier témoignage d'un amour à jamais brisé, que des obsèques magnifiques fussent faites à sa fille chérie. A Rome d'ordinaire ces cérémonies funèbres avaient lieu, pour les patriciens surtout, avec beaucoup d'appa- reil. Tous les parents et tous les amis du mort se faisaient un devoir d'y assister. Et ici, un intérêt particulier pour cette jeune femme, si brillante autrefois dans le monde, et si généreuse au service de Dieu, récemment revenue des portes de la mort, et de nouveau et si soudainement frappée, et aussi une compassion pleine de respect pour sa vénérable et malheureuse mère, attirèrent une grande foule aux funérailles de Blesilla. Le long cortège, composé de toute la noblesse romaine, s'avança à tra- vers les rues, remplies d'un peuple immense et attendri ; à la suite du cortège venait le cercueil de la jeune défunte, recouvert d'un voile d'or : Taustére saint Jérôme, qui approuvait peu cette pompe, n'osa pourtant rien empêcher K 1 Ex more parantur exequiae, et nobilium ordine praseunte, aureum feretro velaraen obten- ditur. (Ibid.) „ . ' _. .:. . -^ - . — Gi CONSOLATIONS l\iuLi sY'tîiit criifî 118807: do force pour îicconipngiier Ble.^illa à sa deniiùro dc- uiourc ; elle s'était trompée ; après avoir fait quelijncs pas, clic s'évanouit, et il fallut la ramener demi-morte, à la maison. Ce^spectacle émut jiéniblement la foule, toujours si prompte i\ se ])revenir, et des murmures excessifs et violents comme tous les murmures populaires, se firent entendre. Le pcuj.le interprétait à sa f iC'on, cette douleur nintc^riielle : '' N'c.4ce pas ce qu'on a dit souvent ? Cette pauvre ffuime pleure sa fille, qu'on lui a tuée par les jeûnes, et qui ne lui laisse pas de petits-enfants parce (|u'on l'a em[)ecliée de se marier. Il faudrait chasser de la ville cette détestable raco des nioines ! les la- pider ! les jeter dans le Tibre ! Ce sont eux qui ont séduit cette pauvre matrone. On voit bien qu'on l'a faite moinesse mal- gré elle ; car jamais femme païenne n'a pleuré autant ses enfants. ^" Cette douleur dont Paula n'avait pas 2 Matronam miserabik.*m seduxeruat ; cjurc, quùm monacba esse noluerit, liinc probatur. quod iiulla genliliam ita suos iinquàm llcverit iilios. [lôidj) ^ _ : •. _ ;,;; ^ ; ^ • i *..::■•. Il . '• A CEUX QUI PLEURENT, 15 dt(5 maîtresse aux fun(:'railles de sa fille, les jours qui s'dcoulaient, loin de Tadou- cir, no faisaient que l'augmenter. Elle en dtait accabl(ie. En vain, pour se fortifier elIe-niCMne, et en siré elle îson cœur succombait ^ " L'i- mage de sa fille chérie ne pouvait pas quit- ter ses yeux. Sans cesse elle se rappelait les paroles de Blesilla, ses caresses, ses pré- venances, sa charmante conversation. Avoir perdu cela pour jimais ! cette pen- sée lui était insupportable, et ses larmes recommençaient sans fin à couler, et à de certains moments, quand un souvenir plus vif la vsaisissait, elle ne pleurait pas seule- ment, la pauvre mère, elle poussait des cris déchirants, ne pouvait plus prendre aucune nourriture, et on craiguait sérieu- sement pour ses jours ^" 1 Gum os stomachiimqne pîjçîifiret, et matrîa dolorem C£^|Éli»tcrt'tur imprcssione lenire, su- perabat#|ll^tu. Œpitai)h Paulx.) 2 Ante oculos lues filia semper imngo versa, tur... Bedit tibi in memoriam oonfabulatio ejui- • V 6 . CONSOLATIONS C'en était trop, et Jérôme comprît qu'il fallait absolument arrêter ces laimcs, et f.ppeler toutes les puissijnces de la foi et de la charité au secours de ce cœur brisé. Mais lui-même aurait eu besoin d'être consolé. De toutes ses discij)les, Ble.-illa était celle à qui il s'était le plus dévoué ; c'était lui qui avait, plus que personne, décidé et soutenu sa conversion ; il en poursuivait l'œuvre avec bonheur, en dépit des colères patriciennes; il connaissait toutes les vertus de cette rare jeune femme, et jusqu'où elle pouvait aller un jour dans le bien : cette mort qui anéantissait toutes ces belles et chères espérances, le frappait vivement lui même, et il souftVuit dans son âme toutes les tortures de Paula. Mais, juf^eant nécessaire, et avec raison de faire un effort sur son cœur pour venir au secours de Paula, il écrivit à cette mère, désolée, avec ses larmes, comme il le dit lui-même, ^ une lettre, admirable de déli- blanditiœ, serrao, consortium ; et qiiod his cares pati non potes... Uluhis et exclamitas, et quas, quibusdam facibus accensa, quantum in te esti lui semper homicidaes. (Epist. 22, ad Paulam. ;i Totus hic liber flelibus scribitur. [Ibid,) A CEUX QUI PLEURENT. 67 catesse, de sensibilité et de foi chrétienne. L'antiquité ecclésiastique a peu de pages aussi tendres et aussi belles, et elles peu- vent servir à consoler encore non-seule- ment ces ineffables douleurs des mères, auxquelles rien n'est comparable, mais tout pauvre cœur dans ces cruelles épreu- ves, dans ces séparations affreuses dont la vie abonde, et que toute âme humaine connaît à son heure ici-bas. Car enfin, dans ces coups qui étourdis- sent et où, tout d'abord, on ne voit rien, il y a pourtant une raison à se faire ; dans ces ténèbres que les grandes douleurs ré- pandent sur Pâme, il y a pourtant des lumières à chercher ; il ne faut pas qu'un deuil, si sacré qu'il soit, voile tout de ses ombres ; l'âme chrétienne doit se courber, mais se relever aussi sous la main de Dieu : c'est ce que saint Jérôme essaie pour Paula et pour lui-même. Il commence, comme il faut commencer toujours avec ceux qui souffrent, par pleurer avec Paula* *^ Qui donnera de Veau à ma tête ; et à mes yeux^ une source de larmes ? et je pleurerai, non pas comme Jérémie, les mort3 de mon peuple, ni 68 CONSOLATIONS comme le Sauveur, les malheurs de Jéru-^ salem ; mais je pleurerai la saintet(5, la douceur, l'innocence, la chasteté, toutes les vertus emportées avec Blesilla dans la tombe I Ce n'est pas cependant celle qui nous a quittés non, ce n'est pas elle qu'il faut plaindre, mais nous, qui l'avons per- due!... '^ Puis il ajoutait : *< Mes joues sont baignées de larmes, les sanglots étouf- fent ma voix, l'émotion retient la parole sur mes lèvres... Hélas ! qu'est-ce que je fais ? Je veux arrêter les larmes d'une mère, et je pleure moi-même. Pauvre consolateur que celui qui ne sait pas do- miner sa douleur, et qui ne trouve, au lieu de paroles, que des gémissemetits. Pour- tant Jésus lui-même pleura L lare, parce qu'il l'aimait. J'en atteste, ô Paula, ce Sauveur à la suite duquel marche main- tenant votre fille, et ses saints anges, dont elle est devenue la compagne, je ressens tout ce que vous soufFrei : n'étais-je pas aussi son père ? N'avais je pas formé et nourri tendrement son âme par toute la charité que Jésus- Christ ' vait mise dans mon cœur pour elle^ ? '* 1 Lacrymis ora complentur, singultus occupât n À CEUX QUI PLEURENT. 69 Mais enfin, malj^ré cette douleur si vive- ment exprimée, il faut bien chercher à relever cette mère. D'où Jérôme tirera-t- il les fortes consolations qu'il veut appor- ter à Paula ? Il était nécessaire d'abord de répondre à cette plainte douloureuse, à ce doute affreux qui assaille les âmes, même les meilleures, dans les coups en apparence immérités, devant l'abîme dos jugements de Dieu et le mystère impénétrable de ses voies. Ce doute, saint Jérôme l'éprouvait comme Paula elle même: '''Etfai dit ; C'est donc en vain que fai purifié mon cœur et lavé mes mains parmi les inno^ cents, Et fai cherché à pénétrer ce mys- tère^ et mes yeux riront va là quun gmnd travail] jusqu^ à ce que je fusse entré dans le sanctuaire de Dieu^ et que f eusse re- gardé la fin des choses, " vôèénj, et haerenteni linguara commota viscera non laxant. Quid aiïimns ? Matris prohibituri lacrymas, ipsi plangimus,.. Non est optimus consolator quem proprii vincunt jçoniitns. Tes- ter, mi Pailla, Jesum, quem nunc Blesilla se- quitur, eadem medolorum pcrpeti tormenta quaa pateris, patrem spiritu, nutritium charitate, \Ibid.) 70 CONSOLATIONS Ce sanctuaire de Dieu, c'est la foî seule qui l'entr'ouvre ; cette fia des choses, c'est la foi seule qui en a le secret. Au doute de la nature, Jérôme répond par la certi- tude de la bonté de Dieu : ** Dieu est bon, et tout ce qui vient d*un Dieu bon est nécessairement bon, et pour notre bien. Voilà ce que doit se dire, avec une pleine acceptation, la mère qui perd son enfant, comme l'épouse qui perd son mari, comme quiconque est at- teint par quelques-uns de ces maux qui pleuvent sur la vie humaine, la pauvreté, la maladie, la souffrance. Nous disons que nous croyons au Christ : eh bien ! sachons donc nous abandonner à ses saintes volon- tés. 1 " Cette pensée si simple et si vraie aurait pu suffire à Paula pour se plonger, les yeux fermés et le cœur confiant, dans Ta- bime des jugements de Dieu; mais, à ce premier motif de consolation, pris dans les certitudes de la foi, saint Jérôme en 1 Bonus est Deus, et omnfa qnae bonus facit bona sint necesse est.. Qui se credere dicit Christo, ia omnibus Christi judiciis gaudeat. {laid.) A CIZVX QUI PLEURENT. 71 ajoute un autre, pris dans les certitudes de Tespéranco, et il le développe à Paula dans ce puissant langag'î et ces profondes allégories des saintes Ecritures qu'elle aiiiJMît tant: *^ Que l'on pleure les morts, mais ceux que l'abîme reçoit dans ses feux. Nous, fidèles, que la troupe des anges environne au sortir du monde, et au- devant desquels vient le Christ, affligeons- nous plutôt d'habiter si longtemps dans ces tabernacles de mort; car, tant que nous sommes ici-bas, nous sommes exilés loin du Seigneur. Désirons, désirons aller à lui ! Ecrions-nous : Ah ! que notre exil dure longtemps ! Jui hibité avec les habitants de Cédar : Combien mon âme y était étrangère ! Car si Cédar veut diro ténèbres, et à cause de cela désigne le monde, dont il est dit : La lumière a lui dans les ténèbres^ et les ténèbres ne l'ont pus compriae^ félicitons notre chère Ble- fcilla, qui des ténèbres a passé à la lumière, et. commençant à peine, a iiiérité la cou- ronne d'une vertu consommée. Ah ! si une mort prématurée, ])ieu en préserve à jamais ceux qui l'aiment ! l'eût surprise quand elle était tout occupée du siècle ^ Réjean 71 CONSOLATIONS tout énîvrée de ses plaisirs, c'est alors qu'il faudrait la pleurer de toutes nos larmes. ^ Mais, par la grâce de Jésus-Christ, il y a quatre mois que, foulant aux pieds le inonde, elle s'est donnée tout à Dieu. Ne craignea-vous donc pas que le Seigneur ne vous dise : ** Paula, est-oe que vous regrettez que votre fille soit devenue ma fille ? Vous vous indignez de mes jugements : vos larmes rebelles outragent l'amour qui m'a fait rappelw à moi Blesilla. Vous vous refusez la nourriture non par pénitence, mais par un excès de votre douleur : ch bien I je n'aime pas cette abstinence là ; ces jeûnes ne réjouissent que mon ennemi. Est-ce donc !à ce que vous me promettiez en faisant profession de la vie monastique ? Est-ce pour cela que vous vous êtes sépa- rée des matrones ? Laissez pleurer ainsi celles qui portent des robes de soie. Si ce n'était pas la défaillance de votre foi sous 1 Rêvera si saeculare desidorium, et, quod Deus à suis -averUil, delicias vitœ hujus co^i- tantem, mors iramaiura rapuisset, plangenda erat, et oaini lacrv-aiarum fonte ploranda,. A CEUX QUI PLEURENT. 73 Pdpreuve, si vous croyiez bien que votre fille est vivante, plourcriez-vous îiinsi de ce qu'elle est passée à une vie meilleure ^ ? " Mais quoi ! ne faut-il rien accorder à la nature dans ces dures épreuves ? Certes, il n'en est pas ainsi. " La foi ne défend pas de pleurer, mais de pleurer comme les gentils." Et, en effet, il vient de Dieu même ce grand don des larmes, noble et riche trésor de liime humaine, source qui jaillit en nous des profondeurs de la sen- sibilité et de l'amour. Cette source, quand le coup de la douleur l'entr'ouvre, elle peut couler. Pleurez donc, ô mères qui avez perdu vos enfants, mais non pas sans mesure et sans consolation. ^' Nous par- donnons, dit Jérôme, aux larmes d'une mère, mais nous voulons une mesure dans les larnif'S. Quand je songe que vous êtes mère, oh ! non, je ne vous blâme pas de pleurer ; mais quand je songe que vous êtes chrétienne, je voudrais, ô Paula, 1 Mens ista qnoc plangit,sencariim veslium est. Si vi ventera crederes filiam, riunquàm plangeres ^d meliora migrasse. {^Ibid.] * 74 GONSOLATIO.XS que la chrétienne consolât un peu la mère i." *' Mais, continue-t-il, la blessure est trop récente, et j'irrite peut-être, malgré mes efforts pour la toucher doucement, la • plaie que je veux guérir. ^ " Cherchant alors un fort cxenipb à placer sous les yeux de Paula : " Voyons-donc, lui dit-il, le grand modèle que vous donne Job : tous les malheurs, tous les deuils fondent sur lui à la fois; et cependant que fait-il? Il ne cesse pas un seul inst:int de reg irder le ciel avec espérance. C'était un juste, me dircz-vous, et Dieu ne le châtiait pas ; il l'éprouvait. Eh bien, vous, Paula, pour tout vous dire en un seul mot : vous êtes juste, ou vous êtes pécheresse. Si vous êtes juste, votre malheur est une épreuve ; et si vous avez péché, pourquoi vous 1 Ignosçîmns matrîs lacryrais, scd quœrimus modum in dolore, Si parentem cogito, non re- prehendo quod j)langi3 ; si christianam et mo- riacbam, istis nominibus mater excluditur. Ubid.) 2 Recens vulaus est, et tactus iste quod " blandior, non tam curât quàm exaspérât. (^Ibid.) A CEUX QUI PLEURENT. 75 plaindre ? Vous souflfrez moins que vous ne méritez. ^ " S'adressant ensuite au cœur maternel, et ramenant la pensée de la pauvre mère, de la fille qu elle avait perdue à celle qui lui restait, il lui demandait au nom d'Eustochium de ne pas pleurer avec cet excès Blesilla : *^ Si ce n'est pas «ssez, pour tarir ces pleurs, de la gloire certaine de votre fille Blesilla, épargnez au moins cette jeune et douce Eustochium, dont l'âge est si tendre encore, et qui a tant be- soin de sa mère pour guide et pour appui dans la voie oii elle marche. "^ " Et, parlant enfin avec toute Tautorité de son sacerdoce, comme il le faut bien quelquefois, quand on a tout essayé, avec ces douleurs sans limites, et sans force contre elles-mêmes, qui s'oublient et s'a- 1 Et tu è duobus elige quod 'velis ; aut sancta es, et probaris ; aut peccatrix, c^. injuste quereris, minora sustiaens quam mereris. (Ibid.) 2 Parce filiae cum Christo regnantî ; parce saltem Eustochio tuae, cujus parva adhiic œtas et rudis peue iafantia te magistrâ dirigitur. (Ibid.) 76 lONlOLÀTIONi bandonnent, il allait jusqu'à dire à Paula de sévères et dures paroles : ^^ A force d'aimer vos enfants, prenez garde de ne pas assez aimer Dieu ^ Il y a là une ruse de Satan. I^ cherche à vous prendre par ce charme étrange des larmes, et, vous mettant sans cesse sous les yeux l'imaire d'une fille chérie, il espère tout à la fois tuer la mère de celle qui l'a vaincu, et triompher ensuite de sa sœur orpheline et délaissée. Je ne veux pas vous donner de vaines terreurs, et Dieu m'est témoin que je vous parle comme si nous étions au pied de son tribunal : ces larmes qui n'ont point de mesure, et qui vous conduisent au seuil du tombeau, sont un sacrilège et une in- crédulité. Vous pouss'jz des cris et des sanglots, on dirait que vous voulez vous faire mourir. Ecoutez donc Jésus qui vient à vous, plein de bonté, et vous dit : *' Votre fille n'est point morte, elle dort.'* Vous ne cessez de vous pencher en pleu- rant sur son tombeau, comme Marie Ma- 1 Grandis in suos pietas impietas in Deum est... Detestanda3 sunt lacrymaa, plenae sacrile- gio, incredulitate, quae non habent modura, et . us^ue ad vicinLam moriis accedunt. {Ibid,} X CEUX QUI PLEURENT. ît\ deleîne sur celui du Sauveur. Eh bien I comme Pange à Madeleine, je vous dis : Pourquoi cherchez-vous une vioanfe parmi Us morts ^ " Oui, Blcsilla <5taît vivante ; et, par une fiction touchante qui n'était pas un artifice oratoire, mais une certitude de la foi chrétienne, Jérôme la montrait i\ Paula dans la gloire céleste, et faisait entendre à la mûre désolée le lanj^age de la fille heureuse : " Vous qui verseï sur votre fille tant de larmes, ne reutcndez-vous pas qui vous crie : ^^ Si vous m'avez jamais aimée, ô ma mère, si vous m'avee nourrie de votre lait, si vous are» formé mon itme par vos paroles et par vos vertus, oh ! je vous en conjure, ne m'enviei pas la gloire et le bonheur dont je jouis ! Vous crojez que je n'ai plus de mère ; j'en ai une ici, celle du Sauveur ; plu^ de soeurs? j'en ai ici une foule que je ne connaissais pas. Vous pleurez parce que j'ai quitté le monde : je vous plains bien plus d'y être encore, exposée à sefc douleurs, à ses périls de toutes sortes. Oh ! voulei-vous rester ma môre, et me retrouver un jour ? Ne songez qu'à une ehose : aimer le Seigneur 78 CONSOLATIONS et en être aimée. ^ C*est à ce prix que vous resterez ma vraie mère. *' Que de choses encore vous dit Blesilla 1 et quelles prières elle adresse pour vous à Dieu ! '' Et ici le vieux prêtre qui vient de faire sur lui-même ce grand effort pour offrir à une mère aiffligée toutes les consolations les plus élevées et les plus fortes de la foi, retombe en quelque sorte sur son cœur, attendri par ses souvenir.^, donnant encore à Paula ce témoignage de sympathie, le plus vrai et le plus doux qu'on puisse offrir à la douleur, qui est de montrer qu'en consolant les autres on ne se console pas soi-même, et que Ton compatit toujours : " Elle prie bien aussi pour moi, je l'es- père, en retour de ce que j'ai fait pour elle, et elle m'obtiendra le pardon de mes péchés ; car vous savez, ô Paula^ combien 1 Clamât nunc illa lugenti : Si unquam me amasti, mater, si tua ubera suxi, si in tuis insti- tuta sum mrcitis, ne iarideas gloriae meœ... At ego vestrî sortem doleo, quos adhuc sœculi carcer includit. Si ris ut mater mea sis, cura placere Ghristo. {Ibid.} À CEUX QUI PLEURENT. 79 j'étais dévoué à son âme, et ce que je n'ai pas craint de braver pour la sauver*.*' Certes, il est permis de le dire, après ces belles p:i<2;es d'un éloquent interprète du christianisme, rien pour l'âme dms les douleurs ne vaut les consolations de la religion. Elles ne sont pas vaines ; elles reposent sur des rérités solidiis, sur des certitudes inébranlables, et c'est pourquoi elles pénètrent profondément. Bien mal- heureux ceux qui ne les ont pas 1 II n'y ' a rien en dehors d'elles à quoi Tâine puisse se prendre, et le cœur sans appui retombe écrasé sur lui-même. Ni le stoïcisme phi- losophique, ni la légèreté mondaine ne peuvent quelque chose ici. La religion seule, appuyée sur les promesses de Dieu, montre à notre cœur avide, au delà du tombeau, une réalité assurée, un bonheur qui ne trompera point. La séparation n'est plus qu'une absence ; on se reverra un jour dans une vie meilleure. Et parce que la religion maintient cea liens de l'es- 1 Mihique, ut de ejus mente secnfus sîm, ve« niam impetral peccatonim ; quod monui, quod uorratus sum, quod invidiam propinquorum, ut salya esset, excepi. (Ibid.) 80 CONIOLATIONS pérance, entre ceux qui s'en vont et ceux qui restent, elle maintient entre eux, vivante, indestructible, immortelle, Taf- fection qui les unissait. Non, jamais la religion ne paraît plus divine que sur un tombeau. À CEUX QUI PLEURENT. 81 LETTRES DE ST. FRANÇOIS DE SALES A une mère* '* Or sus, voilà don^î votre petit enfant au ciel avec les anges et les saints inno- cents ! Il vous sait gré du soin que vous avez pris de lui, ce peu de temps qu'il a été en votre charge, et surtout des dévo- tions faites pour lui. En contre-échange il prie Dieu pour vous et répand mille souhaits sur votre vie, afin qu'elle soit de plus en plus conforme à la volonté céleste, et par icelle vous puissiez gagner celb dont il jouit. Demeurez en paix, ma très- chère fille, et tenez bien votre cœur au ciel, où vous avez ce brave petit saint..." LETTRES DE FÉNÉLON. A ikne dame affligéei " C'est, madame, une triste consolation que de vous dire qu'on ressent votre dou- leur. C'est pourtant tout ce que peut l'impuissance humaine : et pour faire 6 82 CONSOLATIONS quelque chose de plus, il faut qu'elle ait recours à Dieu. C'est donc à lui, ma- dame, que je m'adresse, à ce consolateur des aflSgés, à ce protecteur des infirmes. Je le plie, non di; vous ôter votre douleur mais qu'il fasse qu'elle vous profite, qu'il voijs donne des forces pour la soutenir, qu'il me permette pas qu'elle vous accable. Le souverain remède aux mnux extiêmes de notre nature, ce sont les grandes et vives douleurs ; c'est parmi les douleurs que s'accomplit le grand mystèie du christianisme, cest-àdire, le crucifie ' ment intérieur de Thomme. C'est là que se développe toute la vertu de la grâce, et que se fiit son opération la plu intime, qui est celle qui nous apprend à nous arra- cher à nous-mêmes ; sans cela, l'amour de Dieu n'est point en nous. Il faut sortir de nous-mêmes pour être capables de nous donner à Dieu. Afin que nous soyons contraints de sortir de nous-mêmes il faut qu'une plaie profonde de notre cœur fasse que tout le créé tourne pour nous en amer- tume. Ainsi notre cœur blessé dans la partie la plus intime, troublé dans ses at- taches les plus douces, les plus honnêtes, A CEUX QUI PLEURENT. 83 les plus innocentes, sent bien qu'il ne peut plus se tenir en soi-même, et s'échappe de soi-même pour aller à Dieu. <* Voilà, madame, le grand remède aux grands maux dont le péché nous accable. Le remède est violent, mais aussi le mal est profond. C'est là le véritable sou- tien des chrétiens dans les afflictions. Dieu frappe sur deux personnes sainte- ment unies ; il leur fait un grand bien à toutes deux : il en met l'une dans la gloire, et de sa perte il fait un remède à celle qui reste au monde C'est, madame, ce que Dieu a fait pour vous. Puisse-t-il, par son Saint-Esprit, réveiller toute votre foi pour vous pénétrer de ces vérités ! Je l'en prierai sans cesse ; et comme j'ai beaucoup de confiance aux prières des gens bien affligés, je vous conjure de prier pour moi au milieu de vos douleurs. Votre charité saura bien vous dire de quoi j'ai besoin et vous le faire demander avec ins- tance." 84 CONSOLATIONS EXTRAITS DE QUELQUES LETTRES DE FÊnÉLON. *i ...Dieu veuille mettre au fond de votre cœur blessé sa consolation 1 La plaie est horrible; mais la main du consolateur a une vertu toute puissante. Non, il n*y a que les sens et Timagination qui aient perdu leur objet. Celui que nous ne pouvons plus voir est plus que jamais avec nous. Nous le trouvons sans cesse dans notre centre commun. Il nous y voit, il nous y procure les vrais secours, il con- nait mieux que nous no» infirmités, lui qui n*a plus les siennes, et il demande les remèdes nécessaires pour notre guérison. Pour moi qui étais privé de le voir... je lui parle, je lui ouvre mon cœur, je crois le trouver devant Dieu ; et, quoique je Taie pleuré amèrement, je ne puis croire que je Taie perdu. Oh ! qu'il y a de réa- lité dans cette société intime et invisible où les enfants de Dieu se trouvent ! " ...Nous retrouverons bientôt ce que nous n'avons point perdu, nous nous en approchons tous les jours à grands pas. A CEUX QUI PLEURENT. 85 Encore un peu de temps, et il n'y aura plus de quoi pleurer. C'est nous qui mourrons : ce que nous aimons vit et ne mourra plus ; voilà ce que nous croyons, mais nous le croyons mal : si nous le croyions bien, nous serions pour les per- sonnes les plus chères comme «lésus-Christ voulait que ses disciples fussent pour lui quand il montait au ciel : Si vous m'ai- miez, disait-il, vous vous réjouiriez de ma gloire^. Mais on se pleure en pleurant les personnes qu'on regrette. On peut être en peine des personnes qui ont mené un vie mond ine ; mais pour un véritable ami de Dier qui a été fidèle et petit, on ne peut voir que son bonheur et les grâces qu'il attire sur ce qui lui reste de cher ici- bas. Laissez donc apaiser votre douleur par la main de Dieu même qui vous a frappé. ** ...Je prie Dieu tous les jours qu'il vous console. Il y a une consolation que notre cœur ne veut point, et c'est avec rai- son : elle est vaine et indigne de l'esprit de grâce. Mais il y a une autre consola- 1 St. Jean, XIV, 28. 86 CONSOLATIONS tion qui vient de Diea seul. Il apaise la nature désolée; il fait sentir qu*on n'a rien perdu et qu'on retrouve en lui tout ce qu'on semble perdre ; il nous le rend présent par la foi et par Tamour, il nous montre que nous suivons de près ceux qui nous précèdent; il essuie nos larmes de sa propre main. J'espère que celui qui vous a affligé par un coup si accablant modére- ra votre douleur ; il n'y a que lu'. qui le puisse faire. *' ...Unissons-nous de cœur à celui que nous regrettons. 11 nous voit, il nous aime, il est touché de nos besoins et prie pour nous... Loin de l'avoir perdu, vous le trouverez plus présent, plus uni à vous, plus secourable pour votre consolation, plus efficace dans ses conseils de perfec- tion, si vous voulez bien changer en socié- té de pure foi la société visible où vous étiez à toute heure avec lui. Pour moi, je trouve un vrai soulagement de cœur d'être ainsi très-souvent avec lui en es- prit... Que le courage de 1^ foi vous sou- tienne I c'est un courage qui n'a rien de haut, et qui ne donne point une force sensible sur laquelle on puisse compter : A CEUX QUI PLEURENT. 87 on no trouve nulle ressource en soi, et on ne manque de rien dans roccasion. On est riche de sa pauvreté, on se livre à Dieu, ne se renfermant plus en soi et n*o- sant plus s'y fier. Alors tout devient peu à peu recueillement, silence, dépendance de la grâce pour chaque moment, et vie intérieure en mort perpétue'^. En cet état, on ne possède plus rien de ce qu'on voit, et on retrouve .en Dieu, avec Tu- nion la plus simple et la plus intime, tout ce qu'on croyait avoir perdu/* 88 CONSOLATIONS PENSONS AU CIEL Les cloclies gonnant à toute volée appel- lent les iidôles à une solennité sainte. Ré- jouissons-nous, chrétiens I L Eglise notre mère, entr'ouvrant aujourd'hui un coin du voile qui cache la céleste Jérusalenci, montre à tous ses enfants les saints de tous les temps, de tous les pays, de tous les âges de toutes les conditions. Quelle multitude innombrable I Quel magnifique cortège entoure le trône du divin Agneau I Pourquoi cette solennité joyeuse et ces chants d'allégresse? Quelle est, dans cette belle fête de la Toussaint, la pensée de l'Eglise ? Etudions un instant- ce qu'elle nous enseigne, en prêtant l'oreille à sa voix maternelle, qui est toujours celle de la miséricorde et de l'amour. Un grand nombre de saints on leur fête À CETTX QUI PLEUREIfT. 89 p 0pëoiale. Mais que d'autres, en bien plus grand nombre encore, sont inconnus, ignorés du monde, et connus de Dieu seul I « 7 L'Eglise a voulu célébrer aussi leur triom- phe. Voilà donc qu'aujourd'hui elle con- temple dans le ciel cette grande foule que personne ne pourrait compter^ comme dit l'Apôtre bien-aimé, de toutes les nations^ tribus, peuples et langues^ se tenant devant le trône et en jyrésence de V Agneau^ avec des robes blanches et des palmes dans les mains K Elle chante l'insigne victoire de chacun de ces élus, et leur paye à tous un juste tribut d'hommage et de vénération. Sur nous, fidèles, l'Eglise abnisse en- suite ses regards maternels. Elle dit à chacun de nous, dans un amoureux et tendre langage : Voyez, mon fils, ces éclatantes couronnes. Elles sont le prix des efforts de vos compagnons qui vous cnt précédé dans la vie. Beaucoup d'entre eux ont partagé vos travaux, vos prières, vos fatigues ; beaucoup ont vécu dans la même condition que vous-même. Un grand nombre peut-être a vaincu des t Apocal., VII. 90 CONSOLATIONS obstacles bien plus' insurmontables que les vôtres. Ah ! courage donc ! Pourquoi^ mon fils, ne feriez-vous pas ce quant fait ceux-ci et ceux-là ? Compagnon de leurs travaux, ne voulez-vous pas l'être aussi de leur bonheur et de leur gloire ? Je connais un^vdnérable religieux qui termine toujours son entretien avec ses visiteurs par ce salut gracieux : Allons, mon enfant^ courage, nous irons au Para- dis, Tel est aussi le langage que tient TEglise à chacun de nous dans cette au- guste solennité. Courage, nous dit-elle, voilà le ciel, voilà votre couronne qui vous attend. Encore quelques jours, et nous serons au paradis ! Pensons au ciel. Eh quoi I devrait-il être si nécessaire qu'un jour dans Tannée la voix de notre mère nous fit cette douce et aimable invitation ? Tous les jours de notre vie ne devraient-ils pas s'écouler dans la pensée presque constante de ce fortuné séjour qui sera notre héritage ? Qu'a donc de triste cette pensée?... Le pauvre exilé* qui rêve de sa patrie absente où il doit revenir un jour, chante pour s'égayer, des airs de son pays ; il célèbre K CEUX QUI PLEURENT. 91 le bonheur du retour, les joîes du foyer paternel. Irez-vous donc lui dire : " Mon ami, ces airs sont tristes, chantez plutôt les charmes de cette demeure étrangère...'* Ah 1 le pauvre exilé ne vous comprendra pas, il poursuivra le chant de sa montagne, et, 8*il semble s'attrister, et pleurer, ce sont des larmes d'attendrissement et de joie qu'il versera. On a vu de jeunes sol- dats au service étranger, en écoutant un Ranz des vaches ou quelques chansons de leur pays lointain, tomber presque en dé- faillance, dans l'excès de leur joie, comme une heureuse mère qui, après des années d'absence, retrouve dans ses bras son bien- aimé fils. Pensons au ciel, et, comme disait saint Bernard, si le travail nous effraye^ que la récompense nous anin^e *. Mais les enfants du siècle, Pœil toujours tourné vers la terre, ne veulent point y penser. Comme ces esclaves infortunés que Rome payenne condamnait aux mines, et qui, loin du so- leil, cachés dans les entrailles de ta terre, arrachaient l'or enfoui dans son sein, la 1 Si labor terret, merces invitet. 92 CONSOLATIONS plupart des hominet^, se condamnant vo- îontaîrenient à un labeur analogue, voîcnt s'écouler leurs pénibles et sombres jours loin du brillant soleil de lespérance. Et {)Ourtant elle est belle, cette espérance ; et 'un des plus étranges mystères de la vie humaine est cette insouciance inouie qui la dédaigne. Quoi donc ! autant qu'il Î)eut être donné à une créature, posséder a plénitude de l'être, de la connaissance, de Tamour, contempler d'nne claire vue Tessence divine, être inondé des torrents des plus pures délices, être heureux du bonheur de Dieu même, et jouir éternelle- ment de ce bonheur sans mesure, dans la belle compagnie de Marie, des Anges et des Saints, ô chrétiens, quel avenir I quelle es- pérance 1 Gomment notre âme si avide^ si haletante, si insatiable, peut-elle ne point sentir le prix d'une si merveilleuse féli- cité ! Pensons au ciel. Non, cette pensée, en- core une fois, ne saurait nous attrister. C'est l'arc radieux du firmament qui ré- jouit la vue après l'orage ; c'est la source limpide qui désaltère le pèlerin dans un aride désert ; c'est le rayon de miel qui À CEUX QUI PLEURENT. dS nourrît le voyageur épuisé de fatîgue. Le ciel ! mais savez-yous que c'est la patrie des amis de Dieu, où ce Dieu libéral, magnifique, a déployé tous les trésors de sa puissance et de son amour 7 Dans com- bien d 'œuvres ne brillent pas sa grandeur et sa magnificence I Tout Punivers est rempli de ses merveilles Lts deux ra- content la gloire de DieUy et le firmament annonce ses œuvres ^, Sur la terre, sa main a répandu d'innombrables trésors, tous appropriés au service de l'homme. Et cependant la terre est un lieu d'exil et la prison de l'homme prévaricateur ; le ciel est la véritable patrie promise à Tes- pérance du juste. Le ciel est le royaume des anges et des élus, le trône même d'un Dieu. G^est là seulement que Dieu est magnifique^, comme dit l'Ecriture... mon Dieu I s^écriait dans son ravissement le prophète royal, 7e serai rassasié quand votre gloire m' apparaîtra. Pensons au ciel, et contemplons le bon- heur qui nous y attend. Ah ! sans doute, l Ps. XVJUI. 2 Ibi solummodo magalû^us. 94 CONSOLATIONS nous ne pouvons avoir ici-bas qu'une idée très-imparfaite de ce bonheur futur. Mais cependjint nous l'entrevoyons assez dans Tinfirmité de notre nature, pour apprécier sa valeur infinie. Nous concevons très- clairement que rhomme, possédant trois facultés éminentes, celles de connaître^ A' aimer et d^agir^ ces facultés sont per- fectibles à un degré indéfini, et que do leur perfection doit jaillir pour l'âme, dans le ciel, une source incomniensurabh de félici- té. ''■ Si la souveraine bonté s^est plue, à parer si richement la première demeure de l'homme, dit le savant et religieux Charles Bonnet, si elle y a répandu d'aussi grandes beautés, prodigué tant de douceurs, accu- mulé tant de biens; si toutes les parties de la nature conspirent ici-bas à fournir à l'homme des sources intarissables de plai- sir ; que dis-je? si cette bonté ineffable enveloppe et serre l'homme de toutes parts ici-bas, quel ne sera point le bonheur dont elle le comblera dans la Jérusalem* d'en haut I quelles ne seront point les beautés, la richesse et la variété du magnifique spectacle qui s'offrira à ses regards, dans la maison de Dieu, où VJEtre existant par A CEUX QUI PLEURENT. 95 soi donne aux hiérarchies célestes les si«rnes les plus augustes de sa présence ado- rable ! *• Ce sera dans ces demeures éternelles, au sein de la lumière de la perfection et du bonheur, que nous lirons l'histoire gé- nérale et particulière de la Providence. Initiés alors, jusqu'à un certain point, dans les mystères profonds de son gouver- nement, de ses lois, de ses dispensa tions, nous verrons avec admiration les raisons secrètes do tant d'événements jzénéraux et particuliers, qui nous étonnent, nous con- fondent, et nous jettent dans des doutes que la philosophie ne dissipe pas tou- jours, mais sur lesquels la religion nous rassure toujours. Nous méditerons sans cesse ce grand livre des destinées du monde. Nous n'y découvrirons point sans surprise les diife rentes révolutions que ce petit globe a subies avant de revêtir sa forme actuelle, et nous y sui- vrons de l'œil celles qu il est appelé à su- bir dans la durée des siècles. Mais ce qui épuisera notre admiration et notre re- connaissance, ce seront les merveilles de cette grande Rédemption qui renferme 96 gonsolâlions encore tant de choses au-des=5us de notre faible portée, qui ont été l'objet de Teii- acte recherche et de la profonde médita- tion des prophètes, et dans lesquelles les anges désirent de voir jusqu'au fond. Un mot de cette page nous retracera aussi notre propre histoire, et nous développera le pourquoi et le comment de ces calamités, de ces épreuves, de ces privations, qui exercent souvent ici-bas la patience du juste, épurent son âme, rehaussent ses ver- tus, ébranlent et terrassent les faibles. Parvenus à ce degré si supérieur de con- naissances, l'origine du mal physique et du mal moral ne nous emharrassera plus ; noua les envisagerons distinctement dans leur source et dans leurs effets les plus éloignés ; et nous reconnaîtrons avec évidence que tout ce que Dieu avait fait était bon. Nous n'observons sur la terre que des effets ; nous ne les observons même que d'une manière très-> superficielle ; toutes les causes nous sont voilées: alors nous verrons les effets dans leurs causes^ les conséquences dans leurs principes etc. Présentement nous ne voyons les choses que confusément et eomme au travers A CEUX QUt PLEURENT. 97 d*un verre obscur; maïs alors nous ver- rons face à face, et nous connaîtrons, en quelque sorte, comme nous avons été connus. Enfin, parce que nous aurons des connaissances incomparablement plus complètes et plus distinctes de V ouvrage, nous en acquerrons aussi de beaucoup plus profondes des perfections de V ouvrier. Et combien cette science la plus sublime, la plus vaste, la plus désirable de toutes, ou plutôt^ la seule science, se perfection- nera-t-elle sans cesse par un commerce plus intime avec la source éternelle de toute perfection ! Je n'exprime point assez, je ne fais que bégayer ; les termes me manquent ; je voudrais emprunter la langue des anges : s'il était possible qu'une intelligence finie épuisât jamais Vunivers, elle puiserait encore d'éternité en éternité dans la contemplation de son Auteur, de nouveaux trésors de vérités, et, après mille myriades de siècles consumés dans cette méditation, elle n'aurait qu'effleuré cette science, dont la plus élevée des intelli- gences ne possède peut-être que les pre- miers rudiments \'* 1 Ch. Bonnet; Palingênésie jah{h9ophiçti€f piirt, xxii. 7 98 CONSOLATIONS Il y a, dans les Confessions de saint Augustin^ une scène touchante, solennelle, qui pourrait fournir à l'artiste chrétien le sujet d'un gracieux et sublime tableau. Mous laisserons parler le fils do Monique : " Peu de jours avant sa mort,.., il arriva qu'à Ostie, où nous étions en repos, hors du tumulte du monde, après les fatigues d'un grand voyaîie,n'«yant qu'à nous prépa- rer à nous embarquer, nous nous trou- vâmes seules, elle et moi, appuyés sur une fenêtre qui regardait sur le jardin de la maison où nous étions logés, nous entrete- nant tous deux avec une merveilleuse douceur, et portant toutes nos pensées et affections vers ce qui était devant nous, dans un entier oubli de tout ce que nous avions laissé derrière. *^ Nous cherchions donc entre nous, à la faveur des lumières de la vérité éter- nelle,... ce que sera cette vie bienheureuse qui doit être le partage des saints durant toute l'éternité. Nous savions bien que c'est ce que Tœil n*a point vu, ce que IV reille n^a point entendu, et ce que le cœur de rhomme n'a point senti ; mais nous ne laissioQS pas de présenter encore la bouche A CEUX gui PLfclUHENT. 99 de notre cœur au courant dos eaux cé- lestes de la fontaine de vie qui se trouve en vous, ô mon Dieu, afin qu'en étant abreuvés, autant que notre capacité le comportait, nous pussions porter nos pen- sées assez haut pour comprendre en quel- que sorte une chose si élevée... " ...Dans le temps que nous parlions de cette vie, qui n'est autre que la sagesse éternelle, et que le mouvement de nos affections nous portait tout entiers vers elle, un soudain transport de nos cœurs nous fit arriver jusqu'au point de l'entre- voir et de la goûter en quelque sorte ; et la vue de ce grand objet nous fit soupirer d'amour et de douleur de n'être pas encore en état d'en jouir pleinement... ** ...Vous savez, ô mon Dieu, que ce même jour, pendant que nous parlions de la sorte, et que ce que nous disions nous donnait plus de mépris que jamais pour le monde et pour tous ses plaisirs, elle me dit: *^ Pour moi, mon fils, je ne vois plus '^ rien dans la vie dont je puisse être tou- ^* chée: qu'y feraîs-je davantage ? et pour- 100 cu^soLATIo^'S *' quoi y suis-je désormais qu'il no nie ** reste plus rien à ddsirer ? La seule ** chose qui nie faisait souhaiter de vivre, ** c'était l'envie que j'avais de vous voir " chrétien et enfant de l'Eglise catholique, ^' avant de mourir. Dieu a rempli sur ** ce point mes désirs, et avec surabon- ** dance, puisque je vous vois même en- *^ tièrement dévoué à son service, et mé- " prisant pour l'amour de lui tout ce que *' vous auriez pu prétendre d'heureux et " d'agréable dans le monde. Que fais-je *' donc ici davantage ? '' A quelques jours de là. Dieu avait exaucé le vœu de l'heureuse mère d'Au- gustin, et elle contemplait face à face cette Sa ff esse éternelle dont elle venait avec son fils d'entrevoir quelques faibles rayons. Si, comme la pieuse Monique, nous ne pouvons dire encore : Que fais-je ici davantage f et soupirer après la fin de notre course, du moins contemplons quel- quefois, comme elle, les trésors de l'éter- nelle Sagosse ] pensons au cie^pour appré- cier à leur juste valeur les biens, les plai- sirs de la terre et pour reprendre force et A CEUX QUI PLEURENT. 101 courage, afin de conquérir la riche cou- ronne qui nous y attend. M. DE MoNTBOND^ Mcê païllettez d'or. LETTRE DE St. LÉGER A Ste. SIGRADE SA MÈRE. (Extrait de THistoire de l'Eglise de France.) Pendant que le cruel Ébroin, Ministre du Roi en 700 persécutait St. Léger, Évo- que d'Audun. Ste. Sigrade, mère de ce saint, vivait encore et elle avait part à ses souffrances. Ebroin, qui persécutait toute cette famille ayant confisqué les biens de cette dame, lui ordonna pour mieux s'ar- surer d'elle, de se retirer au monastère qu'il avait fondé a Soissons. Sigrade embrassa la vie religieuse avec une ferveur qui lui laissa moins sentir ses disgrâces que celles de ses enfants. St. Léger lui écrivit une fort belle lettre pour la consoler, ou plutôt il la lui fit écrire par quelqu'un à qui il la dicta. Après lui avoir montré les avantages des 102 OONSOLATIOMS souffrances par l'autorité des Stes Ecri- tures, il lui parle de ceux de la vie Reli- gieuse. Nulle langue, lui dit-il, ne peut expri- mer la joie que vous devez ressentir dans le Seigneur : vous avez quitté ce qu'il fallait abandonner... le Seigneur a exaucé vos prières, il a vu les larmes que vous avez répandues en abondance en sa pré- sence, il vous a retranché ce qui parais- sait vous retarder dans la voie du salut, afin que, dégagée des liens qui vous attachaient au monde, vous viviez pour Dieu et que vous goûtiez combien le Seigneur est doux.. heureuse mort, qui donne la vie I heureuse perte des biens qui mérite des richesses éternelles I heureuse tristesse qui procure la joie des anges I Vous avez déjà éprouvé les miséricordes du Seigneur. Il vous a inspiré le mépris du monde pour vous faire pratiquer les observances d'une sainte règle. Il a délivré vos enfants des misères du siècle et leur a donné Tespéranoe d'une vie éternelle : au lieu que vous auriez dû les pleurer comme morts si en moiirapt Yom les eussiez laissé %\xx U (QrrQ« LIVRE DEUXIEME CONSOLATIONS. On se retronve dans le Ciol. Preoteril figura hujus mundi. Tout passe, tout disparaît, tout s'éva- nouit ici bas ; la figure de ce monde, pour parler le langage des Livres saints, est comme une tente qui sera h tentât enlevée Un peu plus tôt, un peu plus tard, tous s'en vont par le même chemin. Mais, quand tout disparaît, quand tout s'efface, rien ne périt de ce qui a été animé un instant du souffle de Dieu. Notre âme immortelle, dégagée do Tenveloppe du corps, recommence alors une nouvelle vie. Que dis-je ? C'est seulement alors qu'elle vit pleinement. L'homme ne vit qu'à moitié durant sa vie. On pourrait donc dire que la vie de Tâme ne commence en quelque sorte qu'à la mort du corps, si ce corps lui-même ne devait un jour ressus- citer glorieux pour vivre avec l'âme, si^ 104 ^ CONSOLATIONS compagne d'exil, d'une vie immortelle et bienheureuse. Mais, au-dessus de toutes ces dispari- tions d'ici-bas, tristes, déchirantes, le pieux fidèle voit planer une célep figure dont la vue le console. C'est 1 ge de Fespérance ; sous ses blanches h, es, il porte de mystérieux trésors qu'il étale de- vant nos yeux ou verse dans notre âme. Parmi eux, je distingue une banderole rayonnante d'or sur laquelle je lis ces mots : On se retrouve dans le ciel. Il est très-permis de croire et d'espérer que nous nous retrouverons et reconnaî- trons dans le ciel, et que notre félicité s'accroîtra de celle de nos amis. Le doute même à cet égard répugne à la na- ture de notre âme, et la raison s'accorde ici merveilleusement avec la foi pour nous attacher à cette croyance si douce, si con- solante. Oui, dans le ciel, si nous avons le bonheur d'y être introduits, nous rever- rons nos parents, nos amis nous les aime- rons d'un ameur plus vif, plus tendre, plus parfait ; et cet omour, qui faisait dé- jà ici-bas une grande part de notre félicité, contribuera encore à augmenter pour noi^s A CEUX QUI PLEURENT. 105 celle des cieuz. Et pourquoi n'en serait- il point ainsi ? Nos facultés ne seront point changées dans le monde futur ; mais elles seront agrandies, développées, et re- cevront le complément qui leur manquait. Possédant^ autant qu'il peut être donné à des créatures, la plénitude de Têtre, de la connaissance, de Tamour, les âmes des élus ne perdront aucune de leurs affections légi- times, elles les ressentiront, au contraire, beaucoup plus vivement. Elles aimeront, en Dieu et selon Dieu, d'un amour de bien- veillance tous ceux qu'elles auront aimés sur la terre ; et cet amour, ainsi épuré, per- fectionné, n'en sera que plus fort, plus so- lide, plus sublime. C'est là que la recon- naissance et l'amour seront enfin au large, et payeront à Têtre aimé le véritable tri- but dont tous ceux dlci-bas n'étaient que de faibles et impuissantes arrhes. Un jeune savant, enlevé récemment, à la fleur de l'âge, à la religion et à ses nombreux amis, faisait ainsi ses adieux à sa bien- aimée compagne : '^ A ma tendre Amélie, qui a fait la joie et le charme de ma vie,... j'adresse des adieux courts comme toutes les choses de la terre, Je la remercie, je 106 CONSOLAtlÛMS la bénis et je Tattends. Au ciel seulemait Je pourrai lui rendre autant d'amour que je lui en dois ^" Ainsi parle le cœur du chrétien. C'est là haut, et non point ici-bas, qu'il se dila- tera pleinement, et qu'il rendra à Dieu d'abord et par-dessus tout, ensuite à ses amis de la terre, le vrai culte de la recon- naissance et de Tamour. Il semble superflu d'insister sur ce point. Tous les docteurs, tous les saints ont re- gardé la terre comme un exil, un lieu de passage, et le ciel comme la patrie, le bienheureux séjour de V éternelle réunion. Citons seulement quelques lignes du bon saint François de Sales. Voici comment il écrivait à une pieuse dame, contre la crainte de la mort : " Considérez les per- sonnes que vous aimez le plus, desquelles il vous fâcherait d'être séparée, comme des personnes avec lesquelles vous serez éternellement au ciel ; par exemple, votre mari, votre petit Jean, monsieur votre père. Oh ! ce petit garçon qui sera, un jour 1 Testament de A. Ozanam. Voir Bulletin de la Société de Saint-Vincent de Paul, Octobre 1853, A CEUX QUI PLEURENT. 107 Dieu aidant, bienheureux en cette vie i'^ternelle, en laquelle il jouira de lua féli- cité et s'en réjouira ; et je me réjouirai de la sienne, et m'en réjouirai sans jamais plus nous séparer! Ainsi du mari, ainsi du père et des autres ^" . Je connais une autre mère, pieuse et tendre comme la plupart d'entre elles, qui revint un jour d'un sermon sur le ciely l'âme toute bouleversée. D'après certains passages où l'orateur s'était mal expliqué sans doute, ou plutôt qu'elle avait mal compris, elle se figurait que notre âme dans le ciel serait tellement absorbée dans la contemplation des perfections de Dieu et dans le ravissement du divin amour, que tout le reste ne lui serait plus rien, et qu'elle serait dès lors étrangère à toute autre créature comme à tout autr ) amour. Et cette pauvre mère, qui avait perdu naguère une fille bien-aimée, s'afBli- geait à la triste pensée de ne pas la retrou- ver, la reconnaître et l'aimer encore au céleste séjour. Et ce beau ciel, dont on 1 Œuvres de Saint Françoise «Sa/^t. lettre 787. 108 GOffSÔLATIOMS venait de lui vanter les charmes ravissants, ne lui semblait plus désormais Tasile du parfait bonheur... Ma muse chrétienne se sentit émue de pitié pour cette mère, et ce sentiment lui inspira quelques simples strophes qu'on me permettra de rappeler ici: A une Mère. C'en est donc fait, dis-tu dans ta douleur pro- fonde : Quand pour voler aux cîeux elle quitta ce monde. Mon adieu d'ici-bas était donc éternel I... Je me disais : Après l'exil de cette vie, Oh ! je la reverrai dans la sainte patrie ; On se retrouve dans le ciel. Hélas I non, ô mon Dieu I Cette douce espérance Qui venait de mon cœur alléger la souffrance, Et de ce dur calice adoucissait le fiel, La voilà donc perdue I Elle m'est donc rayie ! Plus ne m'est donc permis de dire : Après la vlo On se retrouve dans le ciel !. , • A GKUX QUI PLEUIlENT. lûî) Quel étrange langage, ô pauvre et tendre mère ! Ohl non, rassure-toi ; dans cette coupe amcre, Dieu, qui créa ton cœur, mit un rayon de miel. Tn reverras ta fille ; oh ! reprends confiance ; Rattache ta pensée à l'ancre d'espérance ; On se retrouve dans le ciel I... Quoi ! l'amour maternel, si fort et si sublime, S'étuindrait-il alors qu'en nous tout se ranime, Et près de Dieu revêt un éclat immortel ; Alors que notre cœur, dilatant sa puissance,' Se remplit, comme Dieu, d'une tendresse im- mense ?... On seretrouve dans le ciel I... Tout me le dit: la foi, la raison, la nature. Quand Dieu met dans nos cœurs une croyance pare. Et l'y grave d'un sceau permanent, immortel. Pourrait-il nous tromper ?... Lui le Maître ia- faillible, Quand il met dans nos cœurs cet espoir invin- cible : On se retrouve dans le ciel ?... Laisse donc là, crois-moi, ta crainte imaginaire : Le divin Créateur, dont le cœur de la mère Est, en ce lieu d'exil, le chef-d'œuvre immortel, L'aurait-il enrichi de cet amour immense, S'il l'eât déshérité de ce cri d'espérance : On se retrouve dans le ciel ?... IIO CONSOLATIONS Jadis le monde a vu la mère la plus sainte Perdre un Fils bien-aimô; sans que jamais la plainte Sortît un seul moment de son cœur maternel : Pleine foi, d'amour, oubliant sa souffrance, Elle bénissait Dieu, dans la ferme assurance Qu'on se retrouve dans le ciel. .Comme la Vierge Sainte et la plus tendre mère, Bénis Dieu, prie, attends, et que ta plainte amère Ne monte plus dès lors au séjour éternel .... Sans crainte au Paradis que ton cœur s'ache- mine : Là, tu retrouveras ta chère Clémentine .... On se retrouve dans le ciel I... M. DE MoNTROND, Mes soiivcnirs. (Voyez l'article ci-dessous: Au Ciel on se Méconnaît page 137 et suivantes.) A CEUX QDI PLEURENT. 111 REFLEXION SUR UNE TOMBE Li n'y a que deux demeures ou rien ne PASSE. (Mgr. Gerbel.) Voilà donc tout ce qui reste en ce monde de celui qui y fut et y sera tou- jours tant aimé ! Voilà où vient aboutir une vie qui peut-être se promettait encore de longs jours ! ÂdoiTons la volonté de Dieu au bord de cette fosse, et élevons nos pensées ^ers le seul séjour qui ne soit pas un lieu de passage. Bedisons-nous ici avec une foi vive que nous ne faisons que confier à la terre un germe d'immortalité... Ce pauvre corps va bientôt se dissoudre ; mais tandis que la main de la mort le décompose, il y a une indicible et toute-puissante main qui travaille à le réparer. Nous semons dans cette tombe un corps corruptible^ il en 112 CONSOLATIONS sortira incorruptible, nous le semons dans la bassesse, il en sortira dans la gloire ; nous le semons dans l'infirmité, il en sor- tira dans la puissance; nous semons un corps animal, il en sortira un corps spiri- tuel... Ainsi, cette fosse que nous appe- lons la dernière demeure de ce corps, n'est pas la dernière ; il ne fera qu'y passer. . NÉANT DES ESPÉRANCES HUMAINES ! (Bossuet.) Qu'ont à espérer les enfants d'Adam ? Tout passe, tout s'évanouit ; nos jours ne sont qu'une ombre sur la terre, et rien ne demeure ; nos vains plaisirs nous échappent, et notre gloire s'efface en un moment. Où sont les rois anciens qui ont fait tant de bruit dans le monde ? Ils gî- sent dans leurs tombeaux, et leur âme peut-être est dans les tourments. néant des espérances humaines! mon âme, viens goûter avec Jésus- Christ une meil- leure espérance. A CEUX QUI PLEURENT. Il.l Qu'est ce que les biens du monde ? Qu'est-ce qu'un royaume sur la terre ? une vaine pompe, un éclat d'un jour, une terrible obligation de conscience. Sei- gneur, je régnerai un jour avec vous ; mon âme sera heureuse, parce qu'elle verra votre lumière ; mon corps sera plein de gloire et de vie, car votre corps, que je recevrai, déploira sur moi sa vertu. Un jour, quand la mort viendra, vous me serez, ô Jésus, un doux viatique ; au milieu des ombres de la mort je ne crain- drai point les maux, parce que vous serez avec moi ; ma chair se reposera en paix, et la corruption ne me retiendra pas ; vous me montrerez les voies de la vie, vous me remplirez de joie avec votre face ; je serai comblé éternellement de plaisirs célestes. Il m^est bon de m'attacher à mon Dieu, et de mettre en lui mon espé- rance, ï l Ps. Lxii, 28. 8 114 CONSOLATIONS EN FIN FINALE, MON AME LAI&SEHA AUSSI SON MISÉRABLE COUPS. (Saint François do Sales.) Mon âme sortira un jour de ce corps ; mais quand, comment et de quelle ma- nière cela arrivera, il n'y a que Dieu qui le connaisse. D'une chose seulement je suis assuré, c'est que nous mourrons tous, et qu'à mon égard ce sera toujours plus tôt que je ne pense ; qu'alors le monde finira pour moi, avec toutes ses vanités, ses divertissements, ses pompes et ses con- voitises. Ah ! Seigneur, je verrai alors pour quelles bagatelles et chimères je vous ai si lâchement offensé. Alors aussi j'expéri- menterai, mais peut-être trop tard, ô mon Dieu, que les péchés qui me semblaient ; ici-bas fort petits, me paraîtront là, gros comme des montagnes, tandis que mes bonnes œuvres et ma dévotion me paraî- tront fort petites. A CEUX QUI PLEURENT. 115 L'EXPIATION TEMPORAIRE. (Mgr. Gerbet.) * Le dogme du purgatoire est lié au dogme de la pénitence, qui tient lui même au fond du christianisme ; car, si la péni- tence est nécessaire, le plus simple bon sens nous suggère Tidée d*une expiation temporaire placée au delà de cette vie. N*arrive-t-il pas assez souvent que la mort, survenant à Timproviste, est inutile à la pénitence, parce qu'elle est reçue sans pouvoir être acceptée, et qu'elle fait une victime sans qu'il y ait d'holocauste ? Et lors même que Dien laisse entre le pre- mier jour de la conversion du cœur et le dernier jour de la vie un assez long espace pour l'expiation, il est toujours très-vrai- semblable qu'on arrive fréquemment au terme de Tépreuve terrestre avant d'avoir atteint les limites de la pénitence ; il faut bien dès lors, qu'il y ait, au delà des limi- tes de ce monde, une station dernière où 1 Du dogme générateur de la piété catholique. 116 CONSOLATIONS tout 80 régularise et s'achôvo. Et u'cst-il pas rûisonnablo do croire quo Dieu fait pour le chrëtien co que fait un pôro pour un de SCS enfants qui doit expier quelques torts envers ramoui* paternel î II le con- damne à une absence. PIÉTÉ ENVERS LES MORTS. (P. Fôlix.) La ddvotion envers les morts n*est pas seulement Texpression d*un dogme et la manifestation d'une croyance, c'est un charme de la vie, une consolation du cœur ; et de tous les retranchements que le Protestantisme a fait subira Tintégrité de la doctrine catholique, le plus éton- nant et le plus inconcevable est sans con- tredit celui qui, en supprimant la prière et le sacrifice pour les fidôles trépassés, brise ce commerce sacré qui nous unit, en- core après leur mort, à ceux que nous avons aimés pendant leur vie. Qtt*y a-t il, en effet, de plus suave au A «Kt'X QUI PLEURENT. 117 cœur que ce culte pieux qui nous ratta- che à la iiiëmoirc et aux souffrancca des morts ? Croire à l'efficacité de la prière et des bonnes œuvres pour le soulagement de ceux qu'on a perdus; croire, quund ou les pleure, que ces larmes versées sur eux peuvent encore leur Ctrô ôecourables ; croire enfin que même dans ce monde in- visible qu'ils habitent, notre amour peut encore les visiter par ses bienfaits : quelle douce, quelle aimable croyance I et dans cette croyance, quelle consolation pour ceux qui ont vu la mort entrer sous leur toit et frapper tout près de leur cœur ! Ce mélange de la religion et de la douleur, de la prière et de l'amour, a Je ne sais quoi d'exauis et d'attendrissant tout ensemble. La foi, l'espéFance et la cha- rité ne se rencontrent jamais mieux pour honorer Dieu en consolant les hommes, et mettre dans le soulagement des morts la consolation des vivants ? 118 CONSOLATIONS MOYENS DE SOULAGER LES MORTS. LA PRIÈRE, ^^ Ensevelir les morts avec uq respect *f pieux, honorer de tout son pouvoir leur '* dépouille mortelle, ce sont là des devoirs *' que TEcriture Sainte place au rang des '* œuvres méritoires et louables. Que les ** hommes s'acquittent donc, à l'égard de ** ceux qu'ils aimèrent, de ce devoir sacré ; ** qu'ils accordent cet adoucissement à " leur humaine tendresse^ pourvu qu'avec " beaucoup plus de zèle encore ils offrent " à Dieu des prières qui puissent être ** utiles à leurs amis, à leurs proches, *' morts selon la chair et non selon Tcsprit. '* La pompe des funérailles, la foule qui " les accompagne, le soin de la sépulture, *' le luxe des tombeaux, peuvent bien, à " leur manière, consoler les vivants dans " leur douleur, mais ne peuvent rien pour *' les morts. Ce qui les soulage véritable- A CEUX QUI PLEURENT. 119 " ment, c*est la prière, le sacrifice de Tau- " tel, et les aumônes versées dans le sein *^ des pauvres. ^ '* Tel est renseignement laissé par les Pères, et qui remonte aux temps aposto- liques. Fidèle à sa tradition, rÉglisc, mère incomparable, élève chaque jour vers le ciel sa voix suppliante en faveur des âmes du purgatoire, qui n'ont pas <3essé de compter parmi ses enfants. Sa tendresse, émue par leurs soufiFrances, les suit au delà du tombeau, et dans le lieu de leur expiation douloureuse, suppléant par la constance de ses prières à l'insuffisance des nôtres. Et quand nul ne se souviendra plus ni d'eux ni de nous ici-bas, l'Eglise priera encore, et elle priera toujours. Pas un seul de ses offices publics ou particu- liers où le souvenir des morts n'ait une place à part dans les prières du prêtre. Le doux souhait du repos. Requiem^ du repos éternel, Requiem œternam^ du repos dans la paix, Requiescat in pace, y est sans cesse répété pour les fidèles qui sont morts dans la foi. 1. Saint Augustin. 120 , CONSOLATIONS Chaque jour aussi, à toutes les messes qui se célèbrent dans le monde, le prêtre applique aux fidèles défunts la prière tou- chante qui ouvrit au bon larron las portes du ciel : Mémento Domine : Souvenez- vous Seigneur de vos serviteurs et de vos servantes qui nous ont précédés avec le signe de la f^\. Souvenez-vous d'eux ; mais ne vous souvenez plus de leurs pé- chés. Versez sur eux le sang de Jésus- Christ ici présent sur Tautel, et que ce sang précieux les introduise au lieu du rafraîchissement, de la lumière et de la paix. '* C'est donc une sainte et salutaire ** pensée de prier pour les morts, afin " qu'ils soient délivrés de leurs péchés. *" Mais entre toutes les prières, il n'en est pas de comparables à celles qui montent vers Dieu par le Saint Sacrifice de la Messe, continuation réelle, et non pas seulement figure du sacrifice de la croix. Sur l'autel comme sur le Calvaire, Notre-Seigneur Jésus-Christ s'offre en victime pour le salut des vivants et des morts. Allons donc 1. II Mach. XII, 46. A eaux QUI PLEURENT. • 121 puiser souvent pour nos morts bien aimés à cette source de grâces, en faisant célé- brer la sainte messe à l'intention de leurs Times. Les mérites du divin sacrifice sont infinis, et notre indignité ne saurait rien leur enlever : grande consolation pour nous qui pouvons si justement douter de l'effi- cacité de nos pauvres prières. II LES BONNES OEUVRES. '^ Qui pourrait mettre en doute," écrit encore saint Augustin, " que les œuvres ** de miséricorde faites à l'intention des " morts ne servent à leur délivrance, " puisque ce n'est pas vainement que '^ nous offrons pour elles à Dieu nos priè- " res ? " Dans cette pensée jqui a été de tout temps la pensée de l'Eglise, les chrétiens des premiers siècles avaient coutume, au jour des funérailles, de faire des largesses aux pauvres. On leur donnait le festin nommé Agape^ repas de charité, et on leur distribuait des aumônes. 122 COiNSOLATIONS Saint Paulin, contemporain de saint Jé- rôme \ écrivant à un sénateur romain que la mort de sa femme avait plongé dans la douleur, cherchait à le consoler par ces touchantes paroles : *' Tout ce que vous donniez aux pau- *' vres, disait-il, la main de Jésus-Christ *' le rendait incontinent à vous et à elle ; " car la voix des indigents trouve une " route facile pour arriver à Toreille de '^ Dieu, et il est écrit : Lajnière dupau- ' ^' vre perce les nuées. Votre épouse est bien- " heureuse, elle pour qui tant de choses " plaident en ce moment auprès de Jésus- ** Christ, vos mérites et les siens, les ** bonnes œuvres que vous faites pour son *' âme et ses vertus héréditaires. ^ " Notre Seigneur n'a-t-il pas attribué à r aumône une puissance en quelque sorte souveraine, quand il a déclaré qu'il regar- dait comme fait à lui-même tout ce qu'on fait pour Tamour de lui au plus petit des 1 IV* siècle. 2 Ilisloire de sainte Punie, par M. l'abbô La- grange, vicaire général d'Orléans. À CEUX QUI PLEURENT. 123 siens, tout, jusqu'à un verre d'eau froide donné à celui que la soif tourmente ? Un verre d'eau froide ! quel symbole encoura- geant de Taumône même légère et facile à tous ! Et ce pauvre désaltéré n'est-il pas rimage sensible d'une âme soulagée dans sa souflFrance par notre charité ? NOUS OUBLIONS TROP NOS MORTS. " Nous oublions trop nos morts, nos '< chers défunts, *' avait coutume de dire saint François de Sales. Nous ne prions pas assez pour leurs âmes. Le be- soin de croire au bonheur, à Tentière dé- livrance de ceux dont nous pleurons la perte, fait que nous aimons à nous persua- der qu'ils ont passé sans transition de la terre au ciel, et que nos prières sont désor- mais superflues. Aussi, lorsque la lutte suprême s'achève, et que ce moment de solennel silence qui suit le dernier soupir a fait place à l'explosion des regrets, que de fois on entend s'écrier autour d'un lit de mort : Enfin il ne souffre plus, il est 1Î4 CONSOLATIONS heureux, il se repose! Et Ton cherche dans cette assurance un allégement à sa douleur ; et Ton ne songe guère, hélas ! que, retenus peut-être dans le séjour de Texpiation, la pauvre âme y souffre plus cruellement encore que dans sa cruelle agonie. Maïs qui donc a pénétré dans les conseils de Dieu ? A qui Dieu a-t-il ré- vélé le secret de sa justice envers cette âme ? Éclairés des lumières de la foi, les Saints tremblaient bien plus que nous, sur eux-mêmes et sur les autres. Le grand évêque saint Cyprien, sur le point de souffrir le martyre, s'écriait en livrant sa tête au bourreau : Malheur à moi qui vais paraître au jugement de Dieu ! Et saint Augustin, longtemps après la mort de son admirable mère, priait encore pour elle, et il demandait des prières. Sei- gneur^ écrivait-il, inspirez à vos serviteurs qui sont mes frères, de porter à votre autel le souvenir de Monique^ votre servante, et de Patrice qui fut son époux. A CEUX QUI PLEURENT. 125 A Dieu seul il appartient de juger les âmes, parce que seul il connaît tous les replis des cœurs. Seul il pénètre dans cette vie intérieure de Tâme qui, ne se révélant pas au dehors, est cause que nos jugements sur autrui sont injustes souvent, et tout au moins téméraires. Là où l'œil de l'homme n'aperçoit que des sujets d'édifi- cation ou do scandale, Tœil de Dieu dé- couvre peut-être, soit un orgueil secret qui gâte les plus belles vertus, soit des cir- constances cachées qui atténuent les plus grandes fautes. Et il ne faut point Tou- blier: si Dieu a promis le pardon au pécheur, s'il accueille avec indulgence les ouvriers de la dernière heure, il déclare aussi qu'il demandera compte d'une pa- role oiseuse *, et qu'il jugera même les justices, ' Car, rien de souillé ne peut entrer dans le royaume des deux ' , et il reste le plus souvent, même après îe par- 1 Matth. XII, 36. 2 Ps. LXXIV, 3. 3 Apec. XXI, 27. 126 CONSOLATIONS don, quelques fautes à expier et une peîne temporelle à subir. Gardons-nous donc de prévenir les arrêts divins par nos jugements aveugles. Espérons en l'infinie bonté de Dieu ; mais, tout en gardant la douce confiance qu'autorise la foi pour les vies pures et pour les morts chrétiennes, prions pour tous nos frères défunts, quelle qu'ait été leur vie, quelle qu'ait été leur mort. Si, par bonheur, notre prière est inutile à l'âme qui en était l'objet, elle ira chercher quelqueautre pauvre âme en détresse, et, lorsqu'à notre tour nous aurons be- soin de prières, ceux dont nous aurons hâté la délivrance s'intéresseront à notre bonheur. Dès à présent et sur la terre, une prière persévérante pour les morts portera ses fruits dans notre cœur. Elle lui rap- pellera ce dernier de nos jours qui va bientôt venir. Elle y continuera ces douces relations d'une intime tendresse ; elle y protégera des mémoires vénérées contre l'oubli, le triste oubli, cette grande fai- blesse de notre nature ; et nous pourrons A CEUX QUI PLEUREiNT. 127 dire avec saint Ambroîse pleurant un ami : je Vai aimé, et je ne h délaisserai pas que maj^rière ne l'ait fait entrer dans la maison du Seigneur, "■^F*.. Il a passé par la mort, mais il ne s^y est point arrêté* (Saint François de Sales.) Mon Dieu, que cette vie est trompeuse et que ses consolations sont courtes 1 Elles paraissent en un moment, et un autre moment les emporte. Petit à petit, Dieu nous sèvre des contentements de ce monde, et il nous attire de cette sorte au désir du ciel, en y attirant peu à peu tout ce qui nous était cher ici-bas. Il faut donc aspirer ardemment au jour de l'immortalité, et tenir nos cœurs élevés vers le ciel, où nous avons maintenant une partie de nos âmes bien-aîmées. Ah I si une fois nous avions notre cœur bien engagé à cette sainte et bienheureuse éternité : *^ Allez, dirions- *' nous à tous nos amis, allez, chers amis, 128 CONSOLATIONS " en cet Être éternel, à l'heure que le " Roi de réternitd vous a marquée. Nous ** irons après vous. ** Et puisque le temps ne nous est donné que pour cela, et que le monde ne se peuple que pour peupler le ciel, quand nous allons 15, nous faisons tout ce que nous avons à faire. Dieu ! la mort est épouvantable ainsi qu'on nous la propose. Car on vient nous dire : Votre père est mort, ou, Votre fils est mort ; et ce n*est pas bîen parler entre nous autres chrétiens. Il faut dire : Votre père s'est retiré en son pays et au nôtre, et, parce qu'il le fallait, il a passé par la mort, en laquelle il ne s'est point arrêté. Et nous, quand irons- nous dans notre patrie ? En peu de jours, tôt ou tard, en peu d'années nous les suivrons en ce pas- sage, et les amitiés commencées en ce monde se reprendront pour ne plus se quitter. Toutes nos pertes et nos sépara- tions ne sont que pour ce petit moment : ah I vraiment, pour si peu que cela, il faut avoir patience. Tâchons donc d'attendre avec courage que l'heure de notre départ sonne, pour A CEUX gui PLEUnENT. 129 aller où ces amîs sont déjà arrivés ; et puisque nous les avons si fort aimés, per- sévérons à les aimer encore, taisant pour l'amour d'eux ce qu'ils ont désiré que nous fissions, et ce que maintenant ils souhaitent pour nous, qui est de modérer notre douleur, en conservant nos yeux pour un sujet meilleur que les larmes, et notre esprit pour de plus désirables occupations que celles de la tristesse. Et' puisque la vraie amitié se plaît à complaire à la per- sonne aimée, pour lui complaire, soulagez votre esprit et relevez votre courage. Imaginez-vous qu^clle vous en a prié à son départ. Pleurez-vous la semenoe quand vous la confiez au sillon ? (Saint Augustin.) ^ Vous êtes triste d'avoir porté au sépul- cre celui que vous aimiez, et parce que tout à coup vous n'entendez plus sa voix. Il vivait, et il est mort I 1 Ozanam, Éloquence chrétienne , 9 130 CONSOLATIONS Mais pleurez-vous doue la semence quand vous la confiez au sillon ? Si un homme était assez ignorant de toutes cho- ses pour pleurer le grain qu'on apporte aux champs, qu*on met dans la terre et qu'on ensevelit sous la glèbe brisée ; et si cet homme disait en lui-même : Comment donc a-t-on enterré ce blé moissonné avec tant de peine, battu, émondé, conservé dans le grenier ? Nous le voyions, et sa beauté faisait notre joie : maintenant, il a disparu de nos yeux!... S'il pleurait ainsi, ne lui dirait-on pas : ^* Ne t'afflige point, ce grain " enfoui n'est assurément plus dans le *' grenier, il n'est plus dans nos mains ; " mais nous viendrons plus tard visiter ce *' champ, et tu te réjouiras de voir la ri- ** chesse de la récolte, là où tu pleures '• l'aridité du sillon. Les moissons se voient *^ chaque année; celle du genre humain ne ^y se fera qu'une fois, à la fin des siècles. " En attendant, toute c réature, si nous ne sommes pas sourds, nous parle de la résur- rection. Le sommeil et le réveil sont de tous les jours ; la lune disparaît et se re- nouvelle tous les^mois. Pourquoi viennent, pourquoi s'en vont les feuilles des arbres ? A ClUX QUI PLEURENT. 131 Voici Thiver ; assurément ces arbres des- séchés reverdiront au printemps. Sera-ce la première fois, ou ne Tavez-vous pas vu l'an passé ? Vous l'avez vu : l'automne amè- nera l'hiver, le printemps ramène Tété. L'an- née . recommence dans un temps qui lui est marqué ; et les hommes, faits à l'image de Dieu, ne pourraient plus re- vivre?... Ce qui finit sitôt est toujours court, (Sainte Thérèse.) La grâce du Saint-Esprit soit avec vous, et vous donne la force qui vous est néces- saire pour supporter une telle perte, un si terrible coup ! Dieu qui Va permis, et qui nous aime plus que nous ne saurions ja- mais nous aimer nous-mêmes, vous éclai- rera de plus en plus pour vous amener à comprendre quelle grâce singulière il accorde à ceux qui le connaissent et qui l'aiment, lonsqu'il les retire de cette vie de migèreg. 132 CONSOLATIONS Les lumières de la foi ne nous permet- tent pas de douter que cette sainte ame ne soit actuellement dans le lieu du repos, y recevant la récompense des grandes épreuves de sa vie, et do la patience avec laquelle elle les a suppor- tées. Et vous, gardez- vous bien de vous lais- ser abattre par cette pensée, qu'il vous reste encore de longs jours à passer, isolé sur la terre. Ce qui finit sitôt est toujours court. Dites-vous bien que le temps qui peut vous rester à vivre sans cette chère compagne n'et^t en réalité qu'un moment j et remettez-vous entre les mains de Dieu, qui fera tourner toutes choses à votre plus grand bien. Croyez que celle que vous avez perdue pour la vie présente, vous est bien plus secourable en l'autre, où elle priera Dieu pour vos enfants. Ces pauvres enfants, il me font bien de la peine ; mais j'espère que Dieu les assistera, en faveur de leur mère. A CEUX QLI PLEURENT. 133 Ail ! que nous serons heureux si nous sommes tous ensemble au Ciel ! (Fénôlon.) On serait tenté de désirer que tous les bons amis s'entendissent pour mourir en- semble le même jour. En perdant de vrais amis, on perd trop. Mais la religion nous console en nous apprenant qu'ils ne sont pas perdus pour nous, et qu'il y a une patrie dont nous nous approchons tous les jours, qui nous réunira tous. Ne nous affligeons donc jyas comme ceux qui n^ont point â/ espérance, i Ceux qui meurent ne sont à notre égard qu'absents pour un peu de temps. Leur perte apparente doit servir à nous dégoûter du lieu où tout se perd, et à nous faire aimer celui où tout se retrouve. Oli ! que nous se- rons heureux si nous sommes un jour tous ensemble au ciel, devant Dieu, ne nous aimant plus que de son seul amour, ne nous réjouissant plus que de sa seule joie, et ne pouvant plus nous séparer les 1 1 Thessal. iv, 12. 134 CONSOLATIONg uns des autres! Nous sommes heureux déjà, au milieu de nos peines, par Tattente certaine de ce bonheur. L'espc^rance d'un si grand bien est, dès cette vie même, notre plus grand bien. No vous affligez pas coxume ceux qui n'ont pas d'ospéranoe. ^ "f'-jt" (Saint-Augustin.) Le saint apôtre nous avertit " de ne pas " nous affliger sur ceux qui dorment^ c'est- ^^ à-dire les morts qui nous étaient chers, *^ comme s'affligent les autres hommes qui '^ n'ont pas d'espérance;" Tespérance de la résurrection et do la vie éternelle. Car l'usage des saintes Ecritures est d'appeler les morts *^ ceux qui dorment, dormientes^^^ afin que lors qu'on vient nous dire qu'ils se sont endormis, nous espérions les voir se réveiller un jour. Et nous chantons aussi dans les Psaumes : Celui qui dort ne pourra-t'il donc paB se réveiller ? ■'% 1 I Thessal. IV, 12. ' ▲ CEUX QUI PLEURENT. 135 Il est vrai que la tristesse que nous ressentons à la mort de nos proches est en quel(^ue sorte naturelle. Ce n'est pas un simple prdju^d qui nous inspire Thorrcur de la mort ; c'est bien moins aussi la raison que la nature. L'amour de la vie est instinc- tif chez Thomme, qui n'avait pas 6t6 fait pour mourir, et qui, jamais, n'y aurait été condamné ^ans le châtiment qu'avait pré- cédé sa faute. Il faut donc que nous soyons tristes quand la mort nous enlève des personnes aimées ; car, bien que nous sachions qu'elles ne nous laissent pas pour toujours sur la terre, et que nous devons bientôt les rejoindre, néanmoins leur absence cen- triste notre cœur, dans son amour. Mais si d'une part nous vient l'affliction, de l'autre la consolation nous arrive ; si l'infirmité do la nature nous abat, la foi nous relève ; si la condition de Thumanité nous plonge dans la douleur, la promesse de Dieu nous guérit. C'est pourquoi TApôtre ne défend pas do s'affliger, mais seulement de s'af- fliger comme les autres hommes qui n'ont pas d'espérance. Que la douleur soit donc permise à notre 136 CONSOLATIONS tendresse, mais une douleur que l'espé- rance tempère. Pleurons nos morts, mais que les joies de la foi viennent prompte- ment sécher nos larmes ; car les âmes fidèles ont échangé leur sort contre un sort plus heureux. Non, nous n'avons pas perdu ceux qui abandonnent cette terre, que nous devons dans peu quitter nous-mêmes. Nous les avons seulement envoyés devant nous dans un monde meilleur, où ils nous seront d'autant plus chers que nous les connaî- trons encor mieux. \Cî»»2 A CEUX OUI l'LEURENT. 137 AU CIEL ON SE RECONNAIT. Oui certainement Ton se reconnaîtra et Ton s'aimera au ciel, et cet amour réci- proque fera partie du bonheur accidentel du ciel. Cette doctrine soutenue et con- , firmée par les témoignages les plus flat- teurs prodigués par les plus grands Evoques de France à l'auteur d'un excel- lent opuscule intitulé : Au Ciel on se Re- œnnait répandra dans les cœurs de tous ceux qui le liront le baume de l'espérance chrétienne et tout en faisant sentir les liens spirituels, qui nous unissent entre nous cet excellent ouvrage servira à nous unir davantage au Seigneur. Monseigneur Malou Evoque de Bruges a écrit en répondant à un ami des pa^ rôles si frappantes sur ce sujet qu'il nous a semblé que nous ne saurions rien citer de plus fort ni de plus capable de jeter des flots de lumière sur cette Thèse. Je 138 CONSOLATIONS viens de lire dit cet Evêque à son ami ropuscule Au Ciel on se Reconnaît : vous me demandez ce que j'en pense. Tous les ouvrages qui traitent du ciel, de son bonheur, de son éternité, etc., me font plaisir, parce que ce sont ceux qui de nos jours font le plus de bien aux ameSi Autrefois, on recueillait plus de fruit, à ce qu'il paraît, en parlant de la mort, du jugement et de Tenfer. La crainte avait alors plus d'empire que l'amour. Aujour- d'hui, l'amour est plus puissant pour con- vertir les coeurs. C'est donc l'amour qu'il faut inspirer, et pour affermir les justes et pour ramencT les pécheurs. '' Le sujet traité dans cet opuscule est plein d'intérêt. Il répond à une ques- tion que les personnes pieuses nous adres- sent souvent : Au Ciel se reconnaîtra- t-on ? Oui, certainement, Ton se re- connaîtra et Ton s'aimera, et cet amour réciproque fera partie du bonheur acci- dentel du ciel. A mon avis, l'auteur est exact et n'exagère rien. S'il a un défaut, o'est peut-être celui de n'avoir point épui- sé son sujet. . À CEUX QUI PLEURENT. 139 '' La sociétd des saints, me disais-jo, continue h Jérusalem céleste, la sainte Sion, la cite de Dieu. Mais une ville a ses magistrats et ses princes, comme elle a ses citoyens. Elle suppose entre les per- sonnes qui la composent des rapports de supériorité et de subordination d'ordre moral, rapports qui n'existent point sans connaissance mutuelle. ' "La société des Saints est la famille de Dieu ; famille spirituelle, transportée de la terre au ciel, famille où Marie est en- core Mère et distingue ses enfants bicn- aimés. Or conçoit-on une famille dont les membres ne se connaissent point entre eux ? Peut-il se faire que les enfants con- naissent leur père et leur mère, sans que les frères et les soeurs aient dos rapports fraternels ? " La société des Saints forme une hié rarchie céleste, à l'imitation de celle des angos, si toutefois elle ne se confond pas avec celle-ci. Or nous savons que les anges se connaissent entre eux, puisque les ordres supérieurs éclairent, illuminent les ordres inférieurs, et que tous s'aident 140 CONSOLATIONS mutuellement à louer, à bénir, à adorer le Dieu trois fois Saint. Les bienheureux en agiront de môme, et puisque les saints anges les connaîtront comme les rempla- çants des anges tombés, eux aussi connaî- tront les anges, et se connaîtront récipro- quement. ^^ D'ailleurs, l'Eglise militante n'cst-clle pas une image imparfaite de l'Eglise triomphante ? S'il en est ainsi, l'Eglise triomphante conservera donc dans son sein le cachet, si je puis parler ainsi, de l'Eglise militante. Je veux dire que l'ordre et l'harmonie qui régnent ici-bas parmi les enfants de Dieu, pour les prépa- rer au bonheur du ciel, passeront avec eux dans le séjour des élus. Ainsi les pasteurs, au ciel, se trouveront à Ui tête de leurs troupeaux ; les évêques, à la tête des fidèles de leurs églises; les souverains Pontifes, à la tête de toute l'Eglise catho- lique ; les patriarches desOrdres Religieux, à la tête de leurs familles spirituelles de tous ceux qui ont suivi leur règle, porté leur habit, imité leur exemple. Mais cet ordre et cette harmonie reposent sur la connaissance réciproque des personnes, et A CEUX QUI PLEURENT. 141 sur des relations de l'ordre moral qui, sans connaissance réciproque sent impossibles. '^ La nature même de la Béatitude cd- Icste fournit à ce sujet des preuves irréfu- tables. Cette Béatitude repose toute entière sur la vision béatifique, c'est-à-dire sur la vue intellectuelle de la Divinité. Et qu'est-ce que la vue intellectuelle, sinon la connaissance, l'action de l'esprit? Le développement de l'intelligence sera donc en quelquu sorte la mesure du bonheur du ciel. Le bonheur résulte, il est vrai, de l'amour; mais l'amour lui-même est né- cessairement proportionné i\ la connais- sance que l'on a de l'objet de son bonheur. On n'aime point ce que l'on ignore, et l'on aime infiniment ce que l'on connaît comme infiniment aimable. L'intelligence est donc la faculté par laquelle les bienheureux saisissent le bonheur ; et l'on suppo- serait chez les élus une ignorance com- plète de ce qui les entoure, et de ce qui les intéresse au plus haut degré? L'on pourrait croire qu'ils jouissent de la connaissance de l'essence, de Dieu, et que dans cette essence, ils ne contemplent point les jouissances qu'y puisent les 142 CONSOLATIONS autres bienheureux ? Cela est tout à fait impossible. La puissance qu'a acquise leur esprit pour contempler la Divinité, source de tout bonheur, les aide puissam- ment à connaître ceux que l'essence divine béatifie, comble de bonheur autour d'eux. Ils ne jouissent pas seulement du rayon de lumière qui les met en contact avec la Divinité, mais de l'océan de clarté qui les inonde, et qui les met en rapport avec toutes les félicités' du ciel. ** Quoique le bonheur essentiel des élus consiste dans la vision et la possession de l'essence divine, cependant leur béatitude se complète et s'achève, si je puis parler ainsi, par la connaissance qu'ils acquièrent de la béatitude des amis de Dieu. Au ciel comme sur la terre, Dieu reçoit non- seulement des hommages isolés, mais aussi les louanges collectives de tous ses enfants réunis. *^ Pourquoi d'ailleurs dans le ciel ces auréoles ou signes particuliers de vertu et de gloire? Pourquoi les martyrs, les vierges, les confesseurs, les docteurs, etc., porteront-ils une marque distinctive au milieu de la lumière commune, sinon A CEUX QUI PLEURENT. 143 pour être plus facilement reconnus et p^lo- rifids par leurs frères ? Certes, ce n'est point pour fixer l'œil de la l)ivinit(^ ou des anges que ces sceaux particuliers de mérite et de gloire sont nécessaires ; c'est pour attirer les regards des autres élus. Les bienheureux reconnaîtront donc, et distingueront les martyrs des confesseurs et des vierges; et tout en reconnaissant^ leurs mérites, ils reconnaîtront aussi leurs' personnes. Il y a donc entre les bienheu- reux toute une suite de rapports mutuels d'admiration, de félicitations, d'applaudis- sements, de reconnaissance, qui supposent évidemment une connaissance personnelle claire et directe. Ce n'est pas tout, nous croyons à la résurrection des corps. Celle-ci n'est point rigoureusement nécessaire pour que les élus se reconnaissent entre eux. Les âmes, dépouillées de leurs corps, revêtent des formes intellectuelles que les intelligences dégagées de la chair peuvent apercevoir, distinguer, connaître. Cependant il est certain que la réunion du corps à l'ame, qui reconstitue l'individualité terrestre, brisée par la mort, est un moyen puissant 144 CONSOLATIONS de distinguer les élus les uns des autres ; et, quoique hi résurrection de la cliair ait d'autres fins sublimes, il est permis de croire que la résurrection de la chair con- tribuera aussi, pour une part, ù. faciliter aux bienheureux la connaissance qu'ils posséderont de leurs parents^ de leurs amis et de leurs bienfaiteur?. , ^^ A cet éf^ard, le dogme de l'invo- cation des Saints nous fournit aussi des lumières. ^^ De son vivant, Tapôtre saint Pierre écrivait aux fidèles qu'il avait convertis, qu'après sa mort, il se souviendrait d'eux. Ces fidèles avaient donc un droit tout par- ticulier de l'invoquer après sa mort. Ce droit, nous l'avons dans une certaine me- sure à l'égard de tous les saints, mais sur- tout à l'égard des saints dont nous por- tons le nom, ou qui, à un titre quelconque, sont devenus nos patrons particuliers. Arrivés au ciel, les saints que nous avons connus sur la terre nous connaissent en- core. Que dis-je, les saints qui régnent au ciel depuis des siècles, les saints martyrs qui ont versé leur sang au premier âge de l'Eglise, longtemps avant notre naissance, CEUX QUI PLEUnENT. l45 nous connaissent et nous aiment en Jésus- Christ. Nous les invoquons avec confiance et avec succès. ^^ Que si les élus ne se connaissent pas au ciel, il faut que ces bienheureux pa- trons, qui nous ont suivis do l'œil sur la terre, nous perdent de vue quand nous montons au ciel, et cessent de s'intéresser à notre bonheur. Or cela est impossible. Loin de se briser, quand nous ^ montons au ciel, les liens d'amour qui nous unis- sent aux Saints se fortifient et se resser- rent. La foi et l'espérance cessent alors ; mais la charité demeure toujours. Les Suints qui nous connaissent sur la terre, nous connaissent donc encore quand nous arrivons au ciel ; et comme cette préroga- tive est essentiellement commune à tous les élus, tous les élus se connaissent mu- tuellement pendant toute l'éternité. *^ Enfin, si les bienheureux ne se recon- naissent pas les uns les autres, quelle idée pourrait-on se faire du bonheur du ciel ? Il faudrait nécessairement s'imaginer une multitude d'êtres isolés les uns les autres, sans action ni rapports réciproques, im- mobiles, absorbés dans une comtemplation 10 146 CONSOLATIONS immuable, et en quelque sorte matériali- sée. L'esprit et le cœur des élus seraient absorbés, je le veux, dans la connaissance et dans Tamour de la nature divine ; mais leur ensemble ne formerait plus ni une société d'amis, ni la famille spirituelle, ni la cité de Dieu. Le ciel ne serait plus le séjour des délices, où toutes les facultés de Tâme raisonnable ont une action pro- pre, concourant au bonheur de cette âme et au bonheur des autres élus ; mais il de- viendrait, qu'on mo passe l'expression, une espèce de prison cellulaire, où les âmes, captivées par le bonheur essentiel de la vision béatifique, ne sauraient point ce qui se passe autour d'elles, et vi- vraient dans une espèce d'isolement sans motifs. rv " Tenons-nous-en donc à l'image de la société des saints, où la charité règne en souveraine ; à celle de la famille de Jésus et do Marie, dont tous les membres se con- naissent et s'aiment; à celle du royaume de Dieu, où tout se passe avec ordre et harmonie, pour le plus grand bonheur de tous ^^ Ces idées, et quelques autres encore A CEUX QUI PLEURENT. 147 se sont présentées à mon esprit pendant que je lisais l'opuscule du 11. P. Blot ; je conclus que c'est à lui que je les dois. Je le remercie bien sincèrement de ce qu'il me les a suggérées, et je les lui renvoie comme une dette de reconnaissance. Puisse son excellent opuscule répandre le baume de l'espérance chrétienne dans beaucoup d'âmes affligées, et, tout en faisant sentir les liens spirituels qui nous unissent entre nous, nous unir tous davantage au Sei- gneur ! Après ces ligues, il est fort inutile de dire que j'approuve l'opuscule, et que je désire le voir se répandre dans mon dio- cèse. La chose parle de soi." Au ciel on se reconnait. Cette vérité est très propre à consoler grand nombre d'âmes affligées qui, ayant goûté ici-bas le bonheur d'aimer certaines personnes chères, ont peine à concevoir qu'on puisse être heu- reux loin d'elles. Sans doute Dieu suffit en- core, mais la partie sensible de notre âme a peine à s'élever à cette haute vérité ; et si la connaissance qu'on aura au ciel les uns des autres n'ajoute pas à notre bonheur essen- tiel dans le sein de Dieu, l'espoir de cette 148 CONSOLATIONS connaîssance ajoute immensément à notre consolation sur la terre. Saint Augustin écrivait à une veuve : *' Nous n'avons point perdu ceux qui sortent d'un monde dont nous devons sortir nous-mêmes; mais nous les avons envoyés avant nous dans cette autre vie, où ils nous seront d'autant plus cliers qu'ils nous seront plus connus : TJhinohis €runt^ quanta notiores tanto ntique cario- res. Votre mari se connaissait mieux que vous ne le connaissiez. Vous voyiez mieux son visage, mais il voyait mieux son cœur. Or, quand le Seigneur viendra, il mettra à la lumière ce qui était enveloppé dans les ténèbres et manifestera les pensées du cœur. Alors rien dans le prochain ne sera caché au piochain, et chacun n'aura nulle distinction à faire entre les siens et les étrangers, pour découvrir une chose aux premiers et la tenir secrète aux seconds puisqu'il n'y aura plus d'étrangers. Mais quelle sàvti la nature, quelle sera l'inten- sité de la lumière aui illuminera ainsi tout ce que notre cœur enferme mainte- nant dans l'obscurité ? Qui peut le dire ? qui peut seulement le concevoir? " A CEUX QUI PLEURlilST. 149 L'angdliquc docteur, saint Thomas d'A- quin, enseigne que les bienheureux s'ai- ment d'autant plu.^ les uns les autres, ou'ils sont plus unis à Dieu, tandis que sur la terre, nous nous aimons plus ou moins, selon que nous sommes plus ou moins unis entre nous, par les différentes liaisons qui nous sont nécessaires ou permises. Cepen- dant, bien que nous n'ayons plus au ciel à pourvoir aux besoins les uns des autres, chacun conservera une affection spéciale pour ceux qui lui furent unis, et il con- tinuera de les aimer en plusieurs manières, à cause de la parenté, de l'amitié, de Fal' liance, des bienfaits accordés ou reçus, do la même patrie et de la même vocation. Car les motifs d'honnête dilection ne cesse- ront pas d'agir sur le cœur d'un bienheu- reux : Non eiiirn cessahitnt ah animo Beatl) hoïiestœ dllectionis causœ. IfJO CONSOLATIONS DOULEUR ET RÉSIGNATION .'■'.*■ ;■ d'une mère qui pleure la mort de son ENFANT. " Depuis que j*aî perdu ma fille, je ne cesse de pleurer, de prier et de gémir! ma fille, c'était ma joie, mon orgueil et mon espérance ! Penser à elle, c'est main- tenant ma vie. Quelquefois je la vois sou- riante et afiectueuse, je m'abandonne au bonheur de la retrouver, mais cela ne dure pas longtemps, ma douleur recommence avec le vide qui se fait autour de moi^ " Où est-elle ? Dans le ciel sans doute... Elle jouit de la vue de Dieu... Elle est revêtue de splendeur et de beauté, elle prie pour moi, elle m'appelle! " "Ah ! ma fille, pourquoi faut-il que je demeure sur la terre ! , . , que je voudrais mourir pour partager ton bonheur !... '* Je me sens si malheureuse loin de toi, qu'il me tarde de briser mes liens, de fuir ce monde qui m'est en horreur, de me mêler aux bienheureux et de te revoir !.,, A CEUX QUI PLEURENT. 151 " Cependant, pourquoi me plaindraîs-je de ce que tu m*as été enlevée? Ai-je le droit de reprocher à Dieu de t'avoir épar- gné les maux de cette vie et dq t' avoir transportée de ton berceau, où te mena- çaient peut-être de nombreuses souffrances, pour te placer au séjour de la paix et de la joie inaltérable?... Il est vrai, tu n'es plus à moi, je t'ai perdue... Ah ! c'est ta mère qui est la plus malheureuse ! " Parfois j'oublie ton bonheur ; mes yeux se mouillent de pleurs, je me plains, je reproche à Dieu de t' avoir ravie à mon amour ; je devrais me réjouir, ou du moins me résigner, car une mère doit savoir souffrir, et payer au prix de toutes ses larmes, la félicité dont jouit son enfant. ** Seigneur I vous possédez mon trésor ; gardez-le auprès de vous ; en échange don- nez-moi le courage... Ma fille sera peut- être la cause du salut de mon âme, puis- que désormais mes pensées, mes désirs et mes affections se porteront vers le ciel, puisque vous avez promis de consoler ceux qui pleurent!... 152 _ CONSOLATIONS . ,v ♦■ ; LE MYSTÈRE DES DOULEURS ' ; ' ^ IMPOSÉES AUX MÈRES. * L'homme est condamné à la douleur, et ses efforts n'en triompheront jamais. L'in- telligence et l'énergique persévérance peu- vent bien servir son ambition avec succès, elles ne lui assurent point le bonheur. L'habileté, la force et le travail réussis- sent à maîtriser la fortune, à payer les plaisirs et à conquérir des couronnes; * mais ni la fortune, ni les plaisirs, ni la gloire n'échappent aux traits du malheur. Il les poursuit partout et les atteint tou- jours ; on peut dire de lui ce que le poëte disait de la mort : Et la garde qui veille aux barrières du Louvre, N'en défend pas nos Rois. Comment se réjouir quand on contemple le monde et qu'on écoute en silence les gémissements de sa douleur ? Enumérez les souffrances auxquelles 1er hommes sont condamnés ; vous serez convaincus que la vie, hélas! n'a que peu de joies, A CEDX (JlJI PLblURlîlNT, 153 tandis qu'elle est remplie d'amertumes. Quand l'enfant apparaît sur la terre, son premier cri est un cri de détresse ; de combien d'autres celui là sera-t-il suivi ! Aussitôt, quelquefois, la maladie s'empare de lui, et ne le quittera peut-être jamais plus. A mesure qu'il grandit, sa tristesse augmente, et la source des larmes devient plus amèie... Que de chagrins passeront sur sa tête, avant qu'elle se courbe sous le poids des ans ! ♦ Le voilà homme, cependant ; il s'dtait promis pour cet âge la félicité et le bonheur ; mais les adversités n'ont fait que gran« dir, bientôt peut-être, il sentira son corps frappé d'une maladie qui l'enchaîne et le torture ; car les maladies auxquelles nous sommes exposés sont innombrables, il en surgit de nouvelles à chaque instant, et la mort n'est vraiment que la fin d'un long supplice ! Voyez : ici c'est un père, une mère de famille qui travaillent péni- blement pour gagner le pain de leurs en- fants ; ce sont des enfants abandonnés, à côté d'eux des vieillards sans gîte... Ah ! jetons plutôt un voile sur tant de mal- heureux, et détournons-en nos regards ! 154 CONSOLATIONS L'homme souffre dans son esprit par les préoccupations et les sollicitudes ; il subit des offenses, il en médite contre ses sem- blables... Envie, haine, vengeances; lé- gions affreuses, ennemis acharnés, qui vous précipitez sur l'humanité, n'etes-vous pas pour elle, la cause d'amôres douleurs ?... Oui mais il en est encore de pires; les pri- vations et les tourments de la faim, le sang répandu, les traits de la haine, sont moins amers que les peines qui déchirent le coeur!... Uu cœur simple et confiant, mais affectueux et dévoué, quand il est trahi dans ses affections, quand il est accablé par le malheur de ceux qu'il aime, arrive au dernier degré des maux que nous pou- vons souffrir. Or, parmi tous ceux qui portent ce pesant fardeau, c'est la mère de famille qui est la plus accablée ; car c'est elle surtout qui, avec ses propres douleurs, porte encore les afflictions et les douleurs de ses enfants ; elle souffre avec eux, plus qu'eux peut être ; si elle survit aux uns, en se dévouant, en s'immolant pour eux, elle ne recueillera parfois de ce qui lui reste qu'ingrati- tude çt délaissement ; sa vie se terminera A CEUX QUI PLEURENT. 155 comme elle a commencé, par un surcroît de douleurs. Cependant Dieu ne peut l'abandonner tout à fait, et les consola- tions qu'il lui prépare seront quelque fois assez puissantes pour changer ses dou- leurs en joies, et ce seront celles qu'elle tirera non de la raison mais de la religion et de la foi. . Si une mère n'avait que la raison pour lutter contre l'adversité, elle serait vain- cue, car la raison ne comprendra jamais le mystère de la douleur. Elle le reçoit avec haine et indignation, maudit la main qui frappe, accuse le destin et la fatalité, s'a- bandonne au désespoir, et succombe en blasphémant. Mais la foi, l'espérance et la charité, qui viennent de Dieu, portant avec elles des pensées consolatrices et for- tifiantes, viennent ranimer la mère chré- tienne qui succombe. " C'est Dieu qui nous envoie, disent- elles, pour t'aider à souffrir et te promettre en son nom les récompenses du ciel..." A ces mots, l'âme revient à la vie et se ra- nime comme la nature qui s'éveille au souffle du printemps ! ^^ . 15G co: '^ A ces dernières paroles, la jeune fille toute émue tomba aux genoux de sa mùro, prit ses mains, les baisa, et se pencha sur son sein en pleurant. . — '=^<^r*-\ 170 (JONSOLATIOMS ** Et la mère, faisant un cflbrt pour éle- ver la voix : Ma fille, dit-elle, le bonheur n'est pas de posséder beaucoup, mais d'es- pdror et d'aimer beaucoup. *' Notre Esp(5rance n'est pas ici-bas, ni notre amour non plus, ou s'il y est, ce n'est qu'en passant. ** Après Dieu, vous m'êtes tout en ce monde ; mais ce monde s'évanouit comme un songe, et c'est pourquoi mon amour s'élève, avec vous vers un autre monde. '' Lorsque je vous portais dans mm sein, un jour jo priai avec plus d'ardeur la vierge Marie ; elle m'apparut pendant mon sommeil, et il me semblait qu'avec un sourire céleste elle me présentait un petit enfant. *^ Et je pris l'enfant qu'elle me présen- tait, et lorsque je le tins dans mes bras, la Vierge Mère posa sur sa tête une cou- ronne de roses blanches. ** Peu de mois après vous naquîtes, et la douce vision était toujours devant mes yeux. *^ En disant cela, la femme aux cheveux blancs tressaillit, et serra sur son co^ur la jeune fille, 7 " A CICUX nui l'LEUHfciNT. 171 A quelque temps de là, une âme sainte vit deux formes lumineuses monter vers le ciel ; une troupe d'anges les accor^pa- gnaient, et l'air retentissait de leurs chants d'allégresse. Ne cherchez donc pas, dit l'Imitation de J. C, des joies sur la terre ; la terre n'en possède pas, il n'y en a qu'auprès de Dieu. Ayez donc un peu de patience ; cet exil cessera, et le ciel que vous cspdrez vous sera donné ; qu'importe les rigueurs du présent, si le ciel ne doit pas finir?.,. La Charité. Sous les insinuations de la Foi et de l'Es- pérance, la douleur a perdu de ses aspéri- tés, mais cela ne suffit point : Dieu appelle hienheiireuXj ceux qui pleurent. La douleur a donc des charmes qui la changent en bonheur ? Oui, et c'cist la Charité qui les lui donne. L'amour, est-ce l'attachement produit dans le cœur par l'attrait du plaisir, l'es- poir de la reconnaissance ou d'un intérêt quelconque ? ^^ .^^ . -..^. ■--àf? ■- 172 CONSOLATIONS Non... cet attachement n'est que l'inspi- ration de Tégoïsme qui, pour se justifier, emprunte le nom le plus beau. S'il est un sentiment humain qui mérite mieux le nom d'amour, c'est celui qu'é- prouve une mère pour ses enfants. Ce n'est point l'intérêt ni le plaisir qui l'inspire, c'est le dévouement, le sacrifice ; or, ce sentiment ne semble-t-il pas con- damné à des afflictions constantes, et ne juge-t-on pas de sa grandeur par leur nom- bre et leurs rigueurs ? On dit que plus une mère a souffert pour ses enfants, plus elle a fait preuve d'amour pour eux. L'amour, c'est la souffrance... Quand même cette mère généreuse aurait été payée par la reconnaissance filiale, quand elle aurait été la plus heureuse des mères, son amour n'en posséderait pas moins le caractère qui constitue sa nature. N'a-t- elle point souffert au moment de la nais- sance de ses enfants ? Leurs maladies ne l'ont-elles pas torturée comme eux ? Leurs peines n'ont-elles pas été les siennes ? Et aujourd'hui, ne vit-elle pas dans les craintes continuelles, appréhendant que le malheur ne vienne à les accabler ! A CEUX QUI PLEUREiNT 173 Oui; aimer, c'est souffrir... Nos sentiments, quand ils ont Dieu pour objet, se produisent de la même manière que lorsqu'ils s'adressent aux hommes, avec cette différence cependant, qulls sont surnaturalisés par la grâce. Celui qui aime Dieu ne peut mieux manifester son amour, que par sa résignation dans sa douleur ; c'est la preuve la plus parfaite qu'il puisse en donner. Ce qui nous assure la vérité de cette doctrine, ce sont les exemples de Dieu lui- même. Il a tant aimé le monde, dit la sainte Ecriture, qiCil lui a donné son Fils unique (1) ! Le Sauveur est appelé par le prophète, V Homme des Douleurs ; et celui qui étudie sa vie ne peut s'empêcher de verser des larmes en contemplant tout ce qu'il a souffert. C'est l'amour, qui l'a dé- posé dans son berceau à Béthéléem, et entraîné jusqu'au Calvaire ; c'est l'amour, qui l'a attaché à la croix et l'y a fait mou- rir I Ah I quand nous n'aurions point d'autre témoignage pour nous assurer que l'expression de la Charité c'est la souf- (1) Jean., III, 16. 174 CONSOLATIONS franco, le spectacle d'un Dieu crucifié nous suffirait I D'ailleurs, les âmes qui ont le plus aimé Dieu, et qu'il a lui-même préférées, ont été les plus affligées. Marie, nous ne pouvons en douter, fut Tobjet des prédi- lections divines, aussi quelle existence que la sienne I Que d'angoisses, que de dou- leurs, que de soufiFrances ont pesé sur elle ! Que de larmes elle a versées ! Sa constance ne se démentit jamais malgré ces luttes ; elle ne cessa de répéter à Dieu par sa résignation et sa patience : " Mon Dieu, je vous aime ! '' Contemplez vjeux qui depuis dix-huit siècles se pressent sur le chemin du Cal- vaire, et suivent Jésus en portant leur croix ; vous serez effrayés des prodiges de souffrances inventés par l'amour, avide de s immoler, de mourir pour Jésus-Christ, et avec lui. Leurs larmes réunies feraient des tor- rents, et leur sang formerait des fleuves. Ah I tous les Saints ont beaucoup souffert, parce qu'ils ont beaucoup aimé ! Une mère que la Charité anime ne sui- vra pas une autre voie. Si Dieu ne lui demande pas des œuvres de piété extraordi- A CEUX QUI PLEURENT. 175 naîres parce qu'il sait qu elle ne s'appar- tient point ; souvent il la privera de ces satisfactions spirituelles, qui consolent et fortifient le cœur ; et elle trouvera dans ces sacrifices, Toccasion de réparer bien des fai- blesses. Dieu craint d'être oublié, pen- dant qu'ell" se livre avec ardeur à Vaccom- plissement de ses devoirs maternels, et que son âme s'endorme au milieu des intérêts terrestres ; mais il va faire surgir la vie du sein de la mort. mères chrétiennes, vous ne savez point ce qui purifiera votre âme ! C'est la Charité ! Dites à Dieu que vous l'aimez par votre impérissable résignation... On vous calomnie, on vous outrage... regardez la croix et remerciez-la. Les infortunes, les adversités vous as- saillent de toute part, abritez-vous dans l'étable de Bethléem ; vos enfants succom- bent et sont frappés par la mort, regardez Jésus dans les bras de sa Mère, en disant : "Mon Dieu, vous êtes juste et bon ! " Si vous ne pouvez parler, soyez comme la vic- time qui s'incline sous le glaive du sacri- ficateur!..." Encore plus, encore plus, s'é- criait une grande âme. " 176 CONSOLATIONS Épreuve sainte... oh! vous ne sauriez tromper !... Dieu a comblé le vase des adversités ; le vase déborde, il se répand. Les mères qui aiment, bénissent encore le Seigneur, et le béniraient quand tous les maux se précipiteraient sur elles. Pendant l'agonie du Sauveur, un ange descendit du ciel pour ranimer ses forces ; et Jésus, qui avait redouté le calice d'amer- tume, Taccepta cependant avec soumission en disant : ^* Mon Père, que votre volonté s'accomplisse et non la mienne ! " L'ange de Gethsémani représentait tous ceux qui devaient s'associer dans les siècles futurs, aux douleurs de Jésus. Le Sauveur lui-mênae les a vus autour de lui, et leur participation généreuse consolant son âme, l'a inclinée à se soumettre aux ordres de son Père : car, c'est toujours une consola- tion de rencontrer dans le malheur la com- passion et l'amour. Les mères soumises à la rigueur des ordres de Dieu, s'unissent à l'agonie du Rédempteur et sont comptées parmi les âmes d'élite, qui reproduisent et continuent sa passion • . . . • A CEUX QUI PLEURENT. 177 Je considérais les yeux des mères, et les apercevant baignés de larmes, je m'éton- nais en voyant que celles, dont la vie est un continuel dévouement, semblaient délaissées et abandonnées à la souffrance. Et mon cœur attendri se plaignait a Dieu... " Seigneur, lui disait-il, pourquoi leur avoir imposé tant de larmes ? '* Et le Seigneur m'a répondu : ** Les larmes purifient, elles sont le témoignage de la charité, et un signe de prédestina- tion. " Et j'ai compris ce langage... Oui, les larmes sont un don de Dieu... loin d'aigrir elles rafraîchissent le cœur, puisque celles qai pleurent si souvent ne cessent de se dévouer et d'aimer. Oui, les larmes sont un bienfait du Ciel; elles enlèvent à la souffrance son amertume et sa dureté. Le cœur opprimé respire plus à l'aise, quand les pleurs s'échappent des yeux. Les larmes, ce sang de l'âme, comme dit saint Augustin, révèlent souvent dans le cœur la présence de la grâce et sont accompagnées des consolations divines. 12 178 CONSOLATIONS C'est une prière muette, une tendre et silencieuse offrande, qui associe aux dou- leurs et aux mérites de Jésus-Christ et de ses Saints. Oh I qui dira la puissance des larmes ? Eîen ne leur résiste! C'est la force du faible et le trésor de Tindigent. Qu'elles sont vraies ces paroles du Sauveur : ** Bienheureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés ! " C'en est assez ; la Foi, l'Espérance et la Charité ont triomphé ; l'Eglise catholique vient d'offrir aux mères les plus douces consolations, et leur donner autant de joie qu'il est possible d'en trouver en cette vie. A ClUX QUI PLEURENT. 179 C;ONSOLATIONS DANS LES SOUFFRAI^OES. Naître, et souflFrîr et mourir, voilà This- toire de tout homme venant au monde. Qu'est-ce, hélas ! que notre vie sur la terre ? Une souffrance continuelle. Vous souffrez depuis longtemps, âme affligée ; ^ous gémissez sous le -poids de vos lou- eurs ; les chagrins naissent sous vos pas ; vous marchez par un chemin semé de croix ; vous ne vous nourrissez que d'un pain dé- trempé de vos larmes ; vous ne comptez*vos jours que par des douleurs; vos parents vous abandonnent, vos amis vous trahis- sent, vos projets échouent, vos jours se passent dans la tristesse et dans le deuil ; chaque moment voit croître le torrent d'a- mertume qui vous inonde ; vous semblez n'être au monde que pour souffrir. J'en- tends la voix de vos plaintes et de vos soupirs. Je prends part à vos peines, jo 180 CONSOLATIONS suis touché de vos douleurs ; je vous plaîns, Cependant je ne vous plains point précisé- ment parce que vous souflFrez, mais parce que vous ne savez pas mettre à profit vos souffrances, en vous rappela^ t les grands motifs de consolation que votre religion vous présente. Pensez-y ; vous pleurez sur vos aflSictions : hélas ! avez-vous pleuré sur vos péchés ? Vous souffrez, et vous vous plaignez ; considérez ce qu'un Dieu a souffert pour vous ; et, à la vue de sa croix, de son sang et de ses douleurs, voyez si vous avez droit de vous plaindre. • Vous avez péché, et par vos péchés vous avez mérité Tenfer ; si Dieu vous avait en- levé de ce monde dans un certain temps, ne seriez-vous pas actuellement plongé dans des feux éternels ? et vous vous plaignez de quelque affliction passagère ! Vous souffrez : et les Saints, que n^ont- ils pas souffert ? vos peines sont-elles com- parables à leurs sacrifices ? Comme eux, vous désirez être saint, et vous ne voulez rien souffrir avec eux pour le devenir. Vous souffrez ; par vos souffrances vous pouvez expier vos péchés, attirer les misé- h A CEUX QUI PLEURENT. 181 ricordes de Dieu, mériter le ciel : dès lors vos souflfrances, dans les vues de Dieu, no sont-elles pas des grâces bien précieuses ? Y a-t-il un autre chemin pour aller au ciel que celui des croix ? Vous soufiFrez, et vous vous inquiétez, vous vous plaignez, vous êtes tenté de murmurer. Mais, par vos inquiétudes, adoucissez-vous vossoufiFrances ? Ne voyez- vous pas que vous ne faites que les aigrir, en perdre devant Dieu le mérite,vous rendre d'autant moins digne de ses grâces et de son secours, peut-être même vous attirer de nouvelles épreuves et de nouvelles dou- leurs ? Enfin vous souffrez ; mais voudriez-vous n'avoir rien à mettre au pied de la croix de votre Sauveur ? Vous y trou- veriez son sang : est-ce trop d'y mêler vos larmes ? Hommes pécheurs et coupables, remon- tons à la source du mal, rentrons en nous- mêmes, et voyons ce que nous méritons devant Dieu ; reconnaissons que, si nous souffrons, ce sont nos péchés qui ont attiré nos souffrances ; et, loin d'éclater en plain- tes, loin d'accuser le Ciel de rigueur, les 182 COISSOLATIONS créatures d'injustice, la fortune d'aveugle- ment, ne nous en prenons qu'à nous-mêmes et à nos péchés. C'est là le funeste flam- beau qui a allumé la colère de Dieu et le feu de ses vengeances. C'est là le poison mortel qui, se répandant sur la terre, a produit l'affliction dans les âmes, l'amer- tume dans les cœurs, la désolation dans les familles, la ruine dans les province, la dé- cadence dans les empires. Dieu se dresse un tribunal de vengeance sur la terre, d'où il exerce ses jugements redoutables sur les hommes pécheurs, soit pour punir les désor- dres, soit pour arrêter les scandales, soit pour ramener les prévaricateurs à l'obser* vation de sa loi. Ouvrons donc les yeux sur nos malheurs^ et loin de les imputer, en païens, comme nous le faisons souvent, au hasard aveugle, à la malice de nos ennemis, à notre mau- vais sort, à je ne sais quelle fatalité que nous appelons notre mauvaise étoile, remon- tons plus haut, allons au principe du mal ; voyons le bras de Dieu justement armé contre nous ; nous avions péché, et il nous a affligés; nous avions abandonné sa loi, et il nous a abandonnés à nos calamités j A CEUX QUI PLEURENT. 183 nous avions méprisé ses miséricordes, et il nous a livrés aux rigueurs de sa justice. Pgut-être que nos misères augmentent, parce que nos iniquités se multiplient ; peut-être devenons-nous tous les jours plus malheureux, parce que nous deve- nons tous les jours plus coupables. Les fléaux de Dieu ne ^ sont point arrêtés ni ses trésors de colère épuisés ; sa main est encore levée contre nous : adhuc manus ejus extenta. ^ Voulons nous donc faire cesser nos misères, renon- çons à nos crimes, déplorons nos iniquités, humilions-nous sous la main de Dieu ; et baisons la main qui nous frappe ; alors le Ciel irrité s'apaisera, le Dieu vengeur cal- mera sa colère, et les nuages sombres qui annonçaient les foudres et les éclairs pour^ nous perdre, se résoudront en une douce rosée pour nous sanctifier. Ce qu'il y a de plus consolant pour nous, c'est que, comme nos péchés ont attiré nos souffrances, nos souffrances serviront à expier nos péchés, contribueront à notre salut, et nous atti-^ reront un jour les récompenses promises aux âmes souffrantes : Beati qui lugent 184 CONSOLATIONS Voici donc les sentiments dans lesquels nous devons recevoir nos souffrances, si nous sommes chrétiens : Sentiment de pénitence : nous sommes pécheurs ; nous sommes donc heureux d'a- voir un moyen d'expier nos péchés en ce monde plutôt que d'en subir la peine éter- nelle ! Sentiments de patîeYice : Dieu le veut, ce mot nous dit tout. Dieu le veut ou le per- met ; en vain nous plaindrions-nous, mur- murerions-nous : pourrons-nous jamais nous soutraire à la main toute puissante de Dieu ? Sentiments de confiance : Dieu nous afflige pour notre bien; il nt)us soutiendra, noup consolera, nous sanctifiera dans nos souffrances et par nos souffrances. TJq Dieu a souffert avec joie pour nos péchés, souffrons avec joie pour son amour; semons à présent dans les larmes, nous moissonne- rons un jour dans la joie, et une éternité do bonheur et de gloire sera la récompense de quelques années d'épreuves et de combats. Pensons-y, et consolons-nous dans toutes nos peines : nos péchés méritent encore plus que nous ne souffrons. LIVRE TROISIEME PRIERES POUR LES MORTS ASSOCIATIONS MESSE POUR DEMANDER LA GRACE D'UNE BONNE MORT (tirée du Missel Romain») INTROÏT. Éclairez mes yeux, Seigneur, afin que je ne m'endorme jamais dans la mort, de peur que mon ennemi ne dise : '' J'ai eu l'avantage sur lui. " Ps. Jusques à quand, Seigneur, m'ou- blierez-vous ? Sera-ce pour toujours? Jus- ques à quand détour nerez-vo us de moi votre face ? -rrr^ -^ Gloire au Père, au Fils et au Saint- Esprit. Ainsi qu'il était, etc. On répète : Eclairez mes yeux, etc. 186 CONSOLATIONS ORAISON. Dieu tout puissant et miséricordieux, qui avez gratifié le genre humain des re mèdes du salut, et des dons précieux de la vie éternelle, jetez un regard favorable sur nous qui sommes vos serviteurs, et ranimez les âmes que vous avez créées, afin qu'à Theure où elles sortiront de ce monde, elles méritent de retourner à vous, leur Créateur, et de vous être représen- tées, par les mains des saints anges, sans aucune souillure du péché. Par Jésus- Christ Notre-Seigneur, qui vit et règne avec vous dans Tunité du Saint-Esprit pendant tous les siècles des siècles. Ainsi soit il. LEÇON DE L^ÉPITRE DE SAINT PAUL AUX RO- MAINS. Mes frères, personne de nous ne vit pour soi-même, et personne ne meurt pour soi-même. Mais, soit que nous vi- vions, c'est pour le Seigneur que nous vi- vons ; soit que nous mourions, c'est pour le Seigneur que nous mourons. Soit dpnç A CEUX QUI PLEURENT. 187 que nous vivions, soit que nous mourions, nous sommes toujours au Seigneur ; car c*est pour cela même que J.-C. est mort et qu'il est ressuscité, afin d'avoir un em- pire souverain sur les morts et sur les vi- vants. Vous donc, pourquoi condamnez- vous votre frère ? Et vous, pourquoi mé- prisez-vous votre frère ? Car nous com- paraîtrons tous devant le tribunal de Jésus- Christ, selon cette parole de l'Ecriture : " Je jure par moi-même, dit le Seigneur, que tout genou fléchira devant Moi, et que toute langue confessera que c'est Moi qui suis Dieu." Ainsi chacun de nous rendra compte à Dieu de soi-même. GRADUEL. Quand même je marcherais au milieu de l'ombre de la mort, je ne craindrais aucun mal, parce que vous êtes avec moi. Seigneur. La verge dont vous avez châtié mes fautes, le bâton que vous m'avez don- né pour me soutenir, ont été pour moi le sujet d'une grande consolation, Alléluia^ Alléluia. C'est en vous, Seigneur, que j'ai çspéré ; que je ne sois pas confondu mniç 188 CONSOLATIONS toujoiws : délivrez-moî, selon votre justice, et arrachez-moi au danger. Rendez votre oreille attentive à mes prières : hâtez-vous de venir me délivrer, Alléluia, (Après la Septuagésime on omet V Allé- luia, avec le verset qui suit, et Ton dit à la place:) TRAIT. Délivrez-moi, Seigneur, des maux qui me pressent : regardez Tétat d'humilia- tion et de peine où je me trouve, et remet- tez-moi tous mes péchés. V. J'ai élevé mon âme vers vous, Sei- gneur, je mets ma confiance en vous, ô mon Dieu : ne permettez pas que je tombe dans la confusion, ni que je devienne un sujet de dérision pour mes ennemis. R. Car tous ceux qui espèrent en vous ne seront point confondus : qu'ils le soient, au contraire, ceux qui commettent folle- ment riniquité. (Dans le temps Pascal, on omet le Gra- duel, et l'on dit à la place :) Alléluia, Alléluia, Comme lorsque Israël sortit d'Egypte, et la maison de Jacob du milieu d'un peuple barbare, mon A CEUX OUI PLEURENT. 189 cœur est prêt : je chanterai vos louanges, et je les ferai retentir sur les instruments^ ô Dieu qui êtes toute ma gloire. Alléluia. SUITE DU SAINT EVANGILE SELON SAINT LUC. En ce temps-là, Jésus dit à ses dis- ciples : Prenez garde à vous, de peur que vos cœurs ne s'appesantissent par Texcès des viandes et du vin, et par les soucis de C3tte vie, et que le dernier jour ne vienne tout d'un coup vous surprendre ; car il enveloppera, comme un filer, tous ceux qui habitent^ la surface de la terre. Veillez donc, priant en tout temps, afin que vous soyez trouvés dignes d'éviter tous ces maux qui arriveront, et de paraître avec confiance devant le Fils de l'homme. OFFERTOIRE. J'ai espéré en vous. Seigneur; j'ai dit : Vous êtes mon Dieu, ma vie est entre vos mains. SECRÈTE. ^ Nous vous prions, Seigneur, de recevoir l'hostie que nous vous offrons, pour la fin 190 CONSOLATIONS de notre vie; et accordez-nous par elle, que nous soyons purifiés de toutes nos fautes, afin qu'après avoir été courbés, pen- dant cette vie, sous les coups de votre juste Providence, nous obtenions le repos éternel dans la vie future. Par J.-C.-N.-S., qui vit et règne etc.. COMMUNION. Seigneur, je ne me souviendrai plus que de votre justice : 6 Dieu, vous m'avez instruit dès ma jeunesse ; soyez avec moi, sans m'abandonner, jusqu'à ma dernière vieillesse. POST-COMMUNION. Nous supplions votre clémence. Dieu tout-puissant, de daigner, par la vertu de ce sacrement, nous affermir par votre grâce, afin qu'à l'heure de notre mort notre ennemi n'ait pas l'avantage sur nous, mais que nous méritions, au contraire, de passer à la vie, en compagnie de vos Anges. Par J.-C.-N.-S., qui vit et règne etc.. A CEUX QUI PLEURENT. 191 MESSE POUR LES MORTS. INTROÏT. Donnez-leur le repos éternel, Seigneur ; et que la lumière qui ne s'éteint point luise sur eux. — Ps. C'est dans Sion qu'il convient de vous louer, mon Dieu, c'est dans Jérusalem qu'on vous offrira des vœux : exaucez ma prière : toute chair viendra devant vous. — Donnez-leur... PRIONS. Dieu, dont l'attribut propre est de faire miséricorde et de pardonner tou- jours; nous vous adressons nos humbles prières pour l'âme de votre serviteur (ou de votre servante) N., que vous avez fait aujourd'hui sortir de ce monde ; ne la livrez pas aux mains de l'ennemi, et ne l'oubliez pas éternellement: mais ordon- nez qu'elle soit reçue par vos saints Anges et conduite au Ciel, sa patrie; afin qu'ayant espéré et cru en vous, elle échappe 192 CONSOLATIONS aux peines de Tenfer, et possède les joies éternelles, par J.-C. N.-S. qui vit et règne etc... LEgON DE l'ÉpItRE DE l'aPÔTRR SAINT PAUL AUX THESSALONICIENS (ch. IV). Mes frères, nous ne voulons pas que vous ij^noriez ce qui regarde les morts, afin que vous ne vous ne vous attristiez pas, comme les autres qui n'ont point d'espérance. Car, si nous croyons que Jésus est mort et ressuscité, nous devons croire aussi que Dieu amènera avec Jésus, ceux qui se seront endormis en lui. Ainsi, nous vous déclarons, comme l'ayant appris du Seigneur, que nous qui sommes vivants et qui sommes réservés pour l'avènement du Seigneur, nous ne devancerons point ceux qui sont morts. Car, aussitôt que le signal aura été donné par la voix de l'Ar- change, et par la trompette de Dieu, le Seigneur lui-même descendra du ciel, et ceux qui seront morts en Jésus-Christ res- susciteront les premiers. Puis nous autres qui sommes vivants, et qui aurons été réservés jusqu'alors, nous serons emportés sur les nuées avec eux, pour aller dans les A CEUX QUI FLEURENT. 193 airs au-devant de Jésus-Christ, et ainsi nous serons pour jamais avec le Seigneur. Consolez vous donc les uns les autres par ces vérités. ^ GRADUEL. Donnez-leur, Seigneur, le repos éternel, et que la lumière qui ne s'éteint point luise ?ureux. La mémoire du juste sera éternelle il ne craindra point les discours mauvais. TRAIT. Délivrez, Seigneur, de tous les liens du péché les âmes de tous les fidèles défunts. Et que, par le secoiirs de votre grâce, ils méritent d'échapper au jugement de la vengeance ; et de jouir du bonheur de la lumière éternelle. PROSE. Jour de colère que celui qui réduira l'univers en cendres, témoin David et les oracles de la Sibylle. Qu'elle sera grande la terreur, quand le juge viendra discuter tout dans la plus stricte justice ! 13 194 GONSOLATIONS Le son de la trompette, réveillant les morts de toutes les nations au sein de leurs tombeaux, les rassemblera au pied du trône. La Mort et la Nature seront dans la stupeur, quand Thomme ressuscitera pour répondre à son juge. Alors sera produit le livre où est écrit tout ce qui doit faire la matière du juge- ment du monde. Lorsque le juge sera assis sur son tri- bunal, tout ce qui était caché sera dévoi- lé ; aucun péché ne restera impuni. Et moi, malheureux, que dirai-je ; quel protecteur invoquerai-je, quand à peine le juste lui-même sera en sûreté ? Roi dont la majesté est redoutable, vous qui sauvez gratuitement vos élus, sauvez-moi, source de bonté. Souvenez-vous, miséricordieux Jésus, que c'est pour moi que vous êtes descendu du ciel, ne me perdez pas en ce jour. Vous vous êtes tant fatigué à me cher- cher ; vous m'avez racheté par votre mort sur la croix ; que de si grands travaux ne me soient pas inutiles. A CEUX QUI PLEURENT, 195 Juste Dieu des vengeances, accordez- moi la grâce du pardon, ayant le jour du jugement. Je gémis comme un coupable ; mes pé- chés me font rougir de honte : pardonnez, ô mon Dieu, à mes humbles prières. Vous avez absous Madeleine, vous avez exaucé le bon larron ; à moi aussi vous avez donné l'espérance. Mes prières ne sont pas dignes d'être écoutées; mais, vous ô Dieu de bonté, faites par votre grâce, que je ne brûle pas dans les feux éternels. Donnez-moi une place ti votre droite parmi vos brebis, et séparez-moi des boucs. Après avoir confondu les maudits, et les avoir livrés aux flammes dévorantes, ap- pelez-moi avec les bénis de votre Père. Suppliant et prosterné, je vous implore, mon cœur est broyé comme la poussière, prenez soin de ma fin. Quel jour lamentable que celui où l'homme coupable sortira de la poussière pour être jugé I Pardonnez-lui donc, ô mon Dieu. 196 CONSOLATIONS Miséricordieux Jésus, notre Seigneur, donnez-leur le repos éternel. Ainsi soit-il. SUITE DU SAINT ÉVANGILE SELON SAINT JEAN « (ch. XI). En ce temps-là, Marthe dit à Jésus : Seigneur, si vous eussiez été ici, mon frère ne serait pas mort : mais je sais que, présentement même, Dieu vous accordera tout ce que vous lui demanderez. Jésus lui répondit : votre frère ressuscitera. Marthe lui dit : Je sais qu'il ressuscitera à la résurrection qui se fera au dernier jour. Jésus lui dit : Je suis la résurrec- tion et la vie : celui qui croit en moi, quand même il serait mort, vivra. Et quiconque vit et croit en moi, ne mourra point à jamais. Croyez-vous cela? Elle lui répondit : Oui, Seigneur, je crois que vous êtes le Christ, le Fils du Dieu vivant, qui êtes venu dans ce monde. OFFERTOIRE. Seigneur Jésus-Christ, Roi de gloire, délivrez les âmes des fidèles défunts des peines de Tenfer et des profondeurs de A CEUX (JUI PLKUliENT. 197 Tabîmc; d($livrez-lcs de la guctilo du lion ; que Tenfer no les engloutisse pas, qu'elles no tombent pas dans les ténèbres, mais que le prince des Anges, saint Michel, les conduise dans la sninte lumière que vous avez promise autrefois à Abraham et à sa postérité. Nous vous offrons, Seigneur, des prières et des hosties de louanges : recevez-les pour ces amcs dont nous faisons aujour- d'hui mémoire ; faites-les passer, Seigneur, de la mort à la vie, que vous avez pro- mise autrefois à Abraham et à sa posté- rité. SEcnrrrR. Nous vous en conjurons, Seigneur, soyez propice i\ litme de votre serviteur (servante), N., pour laquelle nous offrons humblement à votre majesté co sacrifice de louanges ; afin que, par ces pieux hom- mages d'expiation, elle mérite d'arriver au repos éternel. Par J.-C. N.-S., qui vit et règne avec vous dans l'unité du Saint- Esprit : 198 CONSOLATIOxNS PRÉFACE. P. Par tous les siècles des siècles, R, Ainsi soit-il. P. Le Seigneur soit avec vous, R. Et avec votr Esprit. P. Elevons nos urs en haut, R. Nous les teno ' élevés vers le Sei- gneur. P. Rendons grâces au Seigneur notre Dieu, R. C'est digne et juste. P. Oui c'est une chose vraiment digne et juste, équitable et salutaire que nous vous rendions grâces en tout temps et en tout lieu. Seigneur saint, Père tout-puissant, Dieu éternel, par J.-O. N.-S. : par qui les anges louent votre majesté, les dominations l'adorent, les puissances la révèrent, les cieux, les vertus des cieux et les bienheu- reux séraphins la célèbrent avec de com- muns transports. Souffrez que nous unis- sions nos voix à celle de ces esprits célestes, pour redire avec eux, humblement proster- nés : Saint, Saint, Saint est le Seigneur Dieu des armées. Les cieux et la terre sont A CEUX QUI PLEURENT. 199 pleins de votre gloire. Hosanna au plus haut des cîeux. Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ; Hosanna au plus haut des cieux. Suit le Canon, ^comme à V ordinaire delà Messe. COMMUNION. Que la lumière éternelle luise sur eux, Seigneur, avec vos Saints, dans tous les siècles, parce que vous êtes bon. v. Don- nez-leur le repos éternel, Seigneur, et que la lumière éternelle luise sur eux, avec vos Saints, dans tous les siècles : parce que vous êtes bon. POST-COMMUNION. Faites, s'il vous plaît. Dieu tout-puis- sant, que l'âme de votre serviteur (ser^ vante) N., qui est sortie aujourd'hui de ce monde, étant purifiée par ces sacrifices et délivrée de ses péchés, obtienne le par- don et le repos éternel. Par J.-C. N.-S. qui vit et règne avec vous, etc. ?00 . CONSOLATIONS CHEMIN DE LA CROIX, Pour un chrétien qni vie^t de perdre nne personne qui lui est chère* PRIÈRE DEVANT l'AUTEL. Je viens à vous, ô mon Dieu ! plein de larmes et de sanglots, répandre ma dou- leur sur la voie de vos douleurs divines ! Ah ! je sens maintenant que le Calvaire et votre croix sont le rendez-vous de toutes les souflFrances, et que là seulement se trouve la consolation ! C'est peut-être pour me le faire comprendre que vous m'avez affligé, Seigneur, et que vous avez porté dans mon âme la désolation et le deuil. Hélas! j'avais un père, un frère, une épouse, nnjils, un ami, etc., qui faisaittout mon bonheur en ce monde,et possédait toute ma tendresse ! La mort me l'a ravi, et il ne me reste après cette perte, que pleurs et tristesse profonde. Ah ! mon affliction, 6 Dieu ! serait du désespoir, si je ne pen- sais à votre croix^ à vos douleurs^ à votre A CEUX gui PLEUUENT. 201 volonté souveraine, au jour de votre dter- nité ! Gravez, Seigneur, gravez toujours plus profondëment dans mon cœur, ces consolantes pensées, qui seules peuvent adoucir mon amertume ! Faites que médi- tant vos souffrances, et mêlant mes larmes à votre sang, je sente naître dans mon âme le calme et la résignation ! Faites que, songeant à la vie d'immortalité où vous devez nous réunir tous un jour, j'y suive en esprit celui qui m'y a précédé, et appelle chaque jour de mes vœux T heu- reux instant où il me sera donné de le retrouver en vous ! Faites enfin qu'ado- ant vos éternels décrets, je m'écrie dans ma tristesse comme votre serviteur Job : *' Le seigneur me Tavait donné, le seigneur me l'a enlevé, il a été fait selon sa volonté sainte ; que son saint nom soit à jamais béni!... (1) " (1) Dominus dédit, Dominus abstulît; sicut Domino placuit ità factum est : sit nomen Domi- ni benedictum^ Job., ch. 1, v. 21. 20*^ CONSOLATIONS PREMIERS STATION JESUS CONDAMNÉ PAR PILATB. Vous êtes condamné à mourir dans les tourments, ô Jésus ! et moî, je le suis au tourment de vivre pour voir mourir celui dont la vie m'était si chère ! Vous allez mourir pour faire vivre vos frères morts ; et moi je vis pour assister à la mort d*un N., que j'aurais voulu sauver au prix de tout mon sang ! Hélas ! mes péchés m'avaient déjà mé- rité bien des chagrins, Seigneur; mais aucun comme celui où me plonge une perte qui me désole ! Ah ! je n'ai que vous pour me consoler, ô Jésus ! et que vos dou- leurs pour adoucir la mienne. Je viens à vos pieds, me remplir et m'enivrer de vos souffrances, pour oublier ce que je souffre ! J'écoute et j'adore le cruel arrêt qui vous condamne, pour apprendre à me soumettre à celui qui m'a frappé ! Pater^ Ave, Gloria Patri, A CEUX OUI PLEURENT. 203 DEUXIÈME STATION JESUS EST CHARGÉ DE SA CROIX. croix adorable ! que je vois sur les épaules de mon Sauveur votre seul aspect m'est une consolation ! Je cours à vous, et vous embrasse avec le même trans- port que mon divin maître, quand il vous vit en sortant du Prétoire, et que, vous soulevant, il se courba sous votre bois ! c'était de l'amour et du dévouement en Jésus ! c'est en moi de l'espoir, de l'attrait, de l'effusion, de la reconnaissance. Yous m' apparaissez comme symbole de la douleur, consacrée par les douleurs d'un Dieu ; et vous m'attirez et consolez par cela même. J'ai vu mon N.,expirer dans \ os bras, et fonder en vous son espérance ; vous avez reçu son dernier soupir, vous l'avez accompagné au tribunal du juste juge ! je vous rends grâce et vous bénis, ô croix adorable! je viens à vos pieds vous de- mander ce que vous avez conservé de celui que j'ai perdu; sa foi, son dernier souffle, l'empreinte de ses lèvres, son espérance et son salut ! Pater ^ Ave^ Gloria Patri, 204 CONSOLATIOxNS TROISIÈME STATION JÉSUS TOMBE POUR LA PREMIÈRE FOIS, croix ! vous accablez et renversez sous votre poids le divin rédempteur qui vous porte, afin d'être pour moi un allègrement dans la peine, un appui dans la faiblesse, une consolation dans la douleur. Ah ! dans Taffliction qui me désole, je viens à vous comme à mon souverain refuge ! Je vous invoque, et implore en vous les maux de mon Jésus, ses chûtes, ses défaillances, sa détresse; j'adore et arrose de mes larmes les vestiges sacrés qu'il a baignés de ses sueurs et de son sang ; je n'attends ma force que de ces divines sources ; et laissant là les distractions et vaines res- sources des hommes, je ne cherche qu'en vous, ô croix adorable, la paix et la conso- lation ! Pater , Ave^ Gloria Patrî, A CEUX QUI PLEURENT. * 205 QUATRIÈME STATION JESUS RENCONTRE SA TRÈS-SAINTE MÈRE. Je VOUS rencontre sur mes pas, ô Marie ! dans le sentier que je gravis en gémissant, à la suite de votre fils. Hélas ! vos larmes et votre désolation me rappellent et néan- moins adoucissent les miennes ! Vous pleurez un fils qui va mourir, ô mère ! et moi je pleure un N. déjà mort, et que mes prières et mes sanglots n'ont pu retenir plus longtemps en ce monde ! Ce n'est pas sans doute un égal sujet de larmes, mais c'est toujours pour moi une amère déso- lation I Ah ! pour tempérer ma douleur, ô Ma- rie ! mettez en mon âme les sentiments d'a- mour et de résignation qui pénétraient la vôtre pour les décrets et la sainte volonté du bon maître ! Pater^ Ave^ Gloria PatrL 206 • CONSOLATIONS CINQUIÈME STATION JÉSUS REÇOIT l'aide DU CYRENEEN. Les hommes n'ont pas de remède à ma douleur, ô Jésus I et ce n*est point à leurs importunes joies que je recourrai dans ma tristesse. Vous seul pouvez, Seigneur, me consoler et fortifier, par la pensée et la vertu de vos souffrances ; vous seul pou- vez me tenir lieu de celui que j*ai perdu, me le rendre un jour pour ne plus jamais le perdre, et d*ici là, par l'espérance, rem- plir le vide qu'il a laissé au dedans et au- tour de moi. C'est aussi vous seul que j'implore, ô mon maître ! vous seul de qui j'attends le secours avec confiance, ce sont vos douleurs dont je veux uniquement me nourrir I Vous ne me délaisserez pas, Seigneur I mais vous ressouvenant de vos moments d'angoisse, vous m'aiderez, comme autre- fois on vous aida sur là voie du Calvaire I Vous serez mon secours, ma force et ma consolation I Pater^ Ave^ Gloria Patrù A CKUX QUI PLEURENT. 207 SIXIÈME STATION JÉSUS IMPRIME SA FÂOE SUR UN LINGE. Vous m'avez montré, ô Jésus ! votre face du Calvaire, et vous voulez que je l'imprime dans mon cœur. Le deuil et Taffliction m*ont enveloppé comme un vêtement, et ont passé jusque dans mes os comme Taliment qui me nourrit ; les lar- mes sont devenues tous les jours mon pain et mon breuvage; et je ne trouve d'a- doucissement à tant d'amertume que dans la contemplation de votre visage outragé et souffrant. Couvert de sang, meurtri de coups, sillonné de blessures, et néanmoins calme et résigné, il m'apprend à habiter avec la douleur, à me plier à ses rigueurs et à sa tristesse ; il m'aide à en subir et en endurer en paix les désolantes étreintes. Ah ! ne me cachez pas. Seigneur, les traits de cette face adorable! tenez-la moi toujours en perspective I gravez-la profondément dans mon âme, afin qu'elle soit à jamais ma force, ma paix et ma résignation ! Pater, Ave, Gloria Patri, '208 CONSOLAtlONS SEPTIÈME STATION JÉSUS TOMBA POUR LA^DEUXlÈM^ FOIS. Il fleurissait, ô Dieu ! beau de sagesse ^ et de vertu ; il aimait et était aimé ; pro- mettait à ses amis et aux siens, encore des années ^ de prospérité et de bonheur, et tout à coup il est tombé comme le Cèdre sous la coignée. ^ Ah ! que vos chûtes et vos défaillances, ô Jésus ! l'aient du moins sauvé de la mort éternelle, qu'elles lui aient mérité la vie des bienheureux ! et que, me soute- nant dans les larmes et la douleur qui seules me restent désormais, elles me conduisent un jour après lui, au séjour immortel où vous avez couronné ses vertus ! Pater ^ Ave, Gloria Patri 2 De sagesse (s'il s'agit d'un jeune homme.) 3 De [^longues années (s'il s'agit d'un jeune homme.) 4 Comme la fleur dos champs (s'il s'agit'd'un jeune homme ou d'un enfant.) A CEUX QUI PLEURENT. 209 HUITIÈME STATION JÉSUS CONSOLB LES FILLES DB JÉRUSALEM. Ce sera alors la véritable consolation , Seigneur, et je n'en attends que là de par- faite. C'est celle que vous avez promise et que vous préparez à ceux qui, dans leur voyage, auront semé comme vous dans les larmes et les travaux. Ils recueilleront alors le fruit de leurs années de peine et de leur longues tribulations ; ils reverront dans cette nouvelle terre, les chers objets qu'ils ont perdus, et y trouveront, pour en jouir à jamais ensemble, le bonheur véri- table, qu'ils n'avaient fait dans la vie qu'entrevoir par la foi, et saluer de loin par l'espérance. Ah ! réservez-moi cette consolation, ô Jésus ! et laissez-moi jus- que là vos souffrances^ le deuil et l'af- fliction, Pater^ Ave, Gloria Patri. U 210 CONSOLATIONS NEUVIÈME^STATION JÉSUS TOMBB POUR LA TROISIÈME FOIS. Comment est mort celui qui était mon appui et ma force ^, et après vous, ô Jésus I tout mon bonheur en cette vie ! Comment a-t-il disparu comme l'ombre, dé- failli comme Teau qui s'écouie, ou comme un roseau qui se brise sous la main I... Ainsi devait-il donc succomber et renverser dans sa chute tout le présent, l'avenir, dissiper jusqu'aux illusions de mon exis- tence ! Ô vanHé des vanités humaines 1 non, Seigneur, tout n'est ici-bas que va- nité I ^ * Fallait-il séparer, ô bon maître ! ce que votre amour et tant de liens sacrés avaient uni ! et ainsi donc l'amère mort défait et divise toutes choses ! ^ Fallait-il détruire 1 Ou bien : l'objet de toute ma tendresse. 2 Yanitas vanitatum et omnia vanitas ! Eccles., ch. 12, V. 8. 3 Siccine séparât amara mors ? I Liv. des Rois, ch. 15, V. 32. A CEUÎC QUI PLEURENT. 211 ce qui existait par votre volonté sainte, et semblait n'avoir de but que votre gloire I Ah I vous vous plaisez à confondre toutes les pensées de Thomme, Seigneur, à boule- verser les positions les plus belles, à répan- dre l'amertume sur les plus douces et les plus heureuses,à imprimer sur toutes, le ca,« chet du néant et surtout celui de vos dou- leurs et de votre croix ! parce que la pros- périté nous corrompt et nous éloigne de vous, ô Jésus ! parce que les situations les plus pures ont toujours des taches à vos yeux, tant que le malheur et l'affliction n'ont point passé sur elles ; parce que notre cœur s'attache par mille liens à cette terre, alors même qu'il en parait le plus dé- gagé ; et que vous voulez, ô Dieu I que nous n'aimions et ne servions que vous seul 1 Pater^ Avcy Gloria Patri. DIXIEME STATION JÉSUS B3T DÉPOUILLÉ DE SES VÊTEMENTS. On VOUS dépouille pour vous immoler, ô Jésus ! et, quand vous frappez autour de nous et nous enlevez ce qui nous est cher, 212 CONSOLATIONS je sens que vous nous dépouillez à notre tour pour nous préparer au dernier sacri- fice ! Me voici prêt, Seigneur ! après ce que j'ai perdu, rien ne peut plus m'attacher désormais, ni me retenir sur la terre. Me voici dépouillé comme vous, pour être vic- time avec vous ! Après ce que la mort m'a ravi, que me peuvent être les biens et le monde entier lui-même? Oui je vous suis à la croix, ô Jésus ! je vais à vous jusqu'à l'immolation dernière ! disposez de moi î tranchez, coupez, brisez-moi de souffrances, prenez mon sang et ma vie ! aidez-moi à mourir, comme vous m'y avez disposé par le plus sévère dépouillement ! Pairi, Ave^ Gloria Patri, ONZIÈME STATION JÉSUS EST ATTACHÉ A LA CROIX. Nous voici à votre croix. Seigneur ; elle est rude et cruelle, puisqu'elle déchire et fait mourir; mais elle est salutaire et pleine d'une vertu secrète, puisqu'elle A CEUX QUI PLEURENT. 213 sauve par votre sang, adoucit les tr^aux par votre amour, leur donne du prix par vos mérites. Ah ! je m'y étends donc et m'y laisse clouer avec vous ô divin maître ! soyez-moi bon et propice, mettant mes douleurs avec vos douleurs ! et vous, ô croix ! soyez-moi dure et déchirante, faites couler mon sang, bri- sez et torturez mes membres ; mais sanc- tifiez mefj angoisses, et purifiez par elles les taches et les infidélités de ma vie ! Pater ^ Ave^ Gloria Patri, DOUZIÈME STATION JESUS MEURT EN CROIX. La mort viendra bientôt, ô Jésus ! me réunir à vous et à celui que je pleure ; car on ne vit pas longtemps sur la Croix. Vous y avez souflFert trois heures avant d'expirer. Seigneur ! j'y souffrirai le temps qu'il plaira à votre volonté sainte de m'y tenir attaché ! Ah ! faites que ce ne soit pas long, moins pour m'exempter de souffrir que pour 214 CONSOLATIONS me laisser voler vers vous et revoir près de vous celui que vous avez ravi à la terre ! ô mort ! hâtez-vous d'achever votre victime et de me visiter dans le tourment ! non vous n'êtes plus amère depuis que mon maître a subi et adouci vos rigueurs ! je ne vous repousse plus, mais vous invoque, depuis que j'ai vu mourir mon N ! vous n'êtes plus une angoisse, mais un besoin, une consolation bien réelle, quand la vie n'est plus qu'un exil, l'existence qu'une longue immolation ! Pater, Ave, Gloria Patri. TREIZIÈME STATIOIN JÉSUS EST DÉTACHE DE LA CROIX. Quand la vie n'est qu'une croix, c'est la mort qui en détache ; et dès-lors elle est, un bienfait : elle met fin aux douleurs et à la misère, pour nous ouvrir Timmortelle félicité. Que je comprenais peu ces choses. Sei- gneur, quand j'étais inconsolable de celle de N, que j'aimais! Ah! j'étais épris, A CEUX QUI PLEURENT. 215 sans le savoir, des charmes de la vie pré- sente ! Je la voulais pour lui, je la désirais pour moi-même. Vous avez rompu le pres- tige, ô Jésus ! en m'appelant désolé aux consolations de votre voie douloureuse ! Soyez-en à jamais béni, Seigneur ! et cette vie que j'aimais tant, rendez-la moi tou- jours plus insipide et plus amère ! Cette mort tant abhorrée, faites qu'elle me de- vienne de jour en jour plus désirable ! Pater^ Ave, Gloria Patri. QUATORZIÈME STATION JÉSUS EST MIS DANS LE TOMBEAU. Dans le tombeau où vous descendez, ô Jésus I je vois'celui qui m'attend au terme do mes douleurs et de mes angoisses. Vous m'y avez précédé, Seigneur, et vous en avez consacré le repos : j'adore et invo- que, pour l'heure où j'y descendrai moi- même, le sommeil que vous y avez- pris ! Déjà celui que je pleure y dort en paix à l'ombre de votre croix qui le protège ! Ah I que bientôt j'aille l'y rejoindre et reposer sous la même pierre avec lui I 216 CONSOLATIONS Nous aurons aînsî vécu en sainte amitié sur la terre, dans la tombe nos cendres se seront confondues ; et au grand jour de la résurrection dernière, nous nous lèverons ensem'ble pour paraître devant votre tri- bunal, ô Jésus ! et de là par votre grâce, posséder dans la gloire la bienheureuse éternité ! Pater ^ AvCj Gloria Patri, A CKIJX QUI PLEURENT. 217 ADMINISTRATION PES DERNIERS SACREMENTS ET PRIÈRES DES AGONISANTS. PRÉAMBULE. L'Eglise toujours inspirée et conduite par le St. Esprit, a trouvé dans sa sollici- tude maternelle le moyen de formuler en faveur de ses enfants des prières pour tous leurs besoins de l'âme et du corps. S'il est un moment dans la vie, où le chrétien soit plus obligé de recourir à ce moyen pour obtenir les grâces qui lui sont néces- saires, c'est, sans contredit, le moment so- lennel de l'agonie. Si alors, il ne peut plus prier lui même, rien n'empêche que l'on ne prie pour lui, en récitant à son inten- tion les prières des agonisants. Quelles grâces et quelles bénédictions sont atta^- chées à ces prières faites et composées exprès par la Ste. Eglise, sous l'inspiration du St. Esprit et pour obtenir au chrétien, 218 CONSOLATIONS qui va cesser de vivre, la plus grande de toutes les faveurs, la grâce d'une bonne mort! Qui ne désirerait participer à ces grâces et à ces faveurs, en ayant soin de pourvoir à ce que ces belles prières soient récitées à son intention à ce moment suprême ? Et cependant combien de fidèles qui négligent ce moyen de salut ! combien qui meurent tous les jours sans qu'on s'occupe de faire pour eux ces belles prières ! Comment expliquer l'indifférence de tant de chrétiens qui laissent tous les jours mourir sous leurs yeux un grand nombre de leurs frères sans s'inquiéter qu'on remplisse pour eux ce devoir de charité ! Quelqu'un est arrivé à sa dernière heure : c'est à qui se fera prier pour l'ac- complissement de ce devoir; c'est à qui ne le fera pas. Où est donc la foi ? Où est donc la charité?... Quoi ! sur toutes ces personnes qui viennent assister à la mort d'un de leurs semblables, pas une qui s'offre pour dire les prières des agoni- sants I Fidèles qui lisez ces pages, prenez la résolution de ne jamais vous refuser, si vous le pouvez, à l'accomplissement de cet A CEUX QUI PLEURENT. 219 office de charité. Ce sera le moyen le plus sdr d'obtenir que Dieu suscite, à votre der- nière heure, quelqu'âme charitable, qui fasse pour vous ce que vous aurez fait pour les autres. Alors, vous pourrez espé- rer que vous ne serez pas privé, au moment décisif de votre mort, de ce puissant secours; on fera pour vous ce que votre charité vous aura fait faire pour les autres. Le respect, la vénération, Tamour que méritent le St. Sacrement de T Eucharistie, et celui de TExtrême-Onction, dentandent que tous les Chrétiens apportent les plus grands soins à les entourer d'honneur dans leurs maisons. Pour cela, on aura soin de nettoyer la chambre du malade, d'y placer une table couverte d'une nappe blanche, et sur cette table, un crucifix, des cierges, un verre d'eau bénite, avec un rameau béni, un autre verre plein d'eau, un linge propre pour mettre devant le malade pendant la communion, une mie de pain et quelques boules de coton. Autant que possible les assistants répon- dront aux prières que fait le Prêtre. 220 CONSOLATIONS POUR LE SAINT SACREMENT. En entrant dans la maison, le Prêtre dit : Pax huic domui. Réponse : Et omnibus habitântibus in câ. p. Adjutôrium nostrum in nômine Dômini. K. Qui fecit cœlum et terram, p. Domine exaudi orationem meam. B,. Et clamor meus ad te veniat. p. Dominus vobiscum. R. Et cum spiritu tuo. p. Oremus. — Per Christum Dominum nostrum. R. Amen. Les assistants récitent le Confiteor. DE PLUS POUR l'bxTRÉME-ONCTION Après les Onctions : p. Kyrie eleison. R. Christe eleison. p. Kyrie eleison. Pater nostcr... Etne nos inducas in tentationem. R. Sed libéra nos à malo. p. Salvum fac servum tuum. R. Deus meus, sperântem in te. A CEUX QUI PLEURENT. 221 P. Mitte eî, Domine, auxilîum de Sanc- to. R. Et de Sion tuère eum (ou eam). p. Esto ei, Domine, turris fortitudinis. R. A facio inimici. p. Nihil profîciat inimicus in eo (ou in eâ). R. Et filius iniquitâtis non apponat nocêre ei. p. Domine exaudi orationem meam, {comme ci-dessus.) LITANIES DES AGONISANTS. Seigneur, ayez pitié de nous. Jésus, ayez pitié de nous. Seigneur, ayez pitié de nous. Sainte Marie, priez pour lui (ou pour elle). Saints Anges et Archanges, priez pour lui {ou pour elle). Saint Abel, priez pour lui. Chœur des Justes, priez pour lui. Saint Abraham, priez pour lui. Saint Jean-Baptiste, priez pour lui. Saint Joseph, priez pour lui. Saints Patriarches et Prophètes, priez pour lui. 222 CONSOLATIONS Saint Pierre, priez pour lui. Saint Paul, priez pour lui. Saint André, priez pour lui. Saint Jean, priez pour lui. Saints Apôtres et Évangélistes, priez pour lui. Saints Disciples du Seigneur, priez pour lui. Saints Innocents, priez pour lui. Saint Etienne, priez pour lui. Saint Laurent, priez pour lui. Saints Martyrs, priez pour lui. Saint Sylvestre, priez pour lui. Saint Grégoire, priez pour lui. Saint Augustin, priez pour lui. Saints Pontifes et Confesseurs, priez pour lui. Saint Benoit, priez pour lui. Saint François, priez pour lui. Saints Moines et Ermites, priez tous pour lui (ou elle). Sainte Marie-Madeleine, priez pour lui (ou elle) . Sainte Luce, priez pour lui. Saintes Vierges et Veuves, priez pour lui. Saints et Saintes de Dieu, intercédez pour lui, A CEUX QUI PLEURENT. 223 Soyez lui propice, pardonnez-lui Seigneur. Soyez-lui propice, délivrez-le Seigneur, Soyez-lui propice, délivrez-le S. De votre cblère, délivrez-le S. Du péril de la mort, délivrez-le S. D*une mauvaise mort, délivrez-le S. Des peines de Tenfer, délivrez-le S. De tout mal, délivrez-le S. De la puissance du ^émon, délivrez-le S. Par votre Nativité, délivrez-le S. Par votre Croix et votre Passion, délîv. Par votre Mort et votre Sépulture, déiiv. Par votre glorieuse Résurrection, déliv. Par votre admirable Ascension, déliv. Par la grâce du St, Esp. consolateur déliv. Au jour du jugement, délivrez-le S. Pécheurs, nous vous supplions, exaucez- nous. Pardonnez-lui ses péchés, nous vous sup- plions, exaucez-nous. Seigneur, ayez pitié de nous. Jésus, ayez pitié de nous. Seigneur, ayez pitié de nous. ^1k CONSOLATIONS Partez do ce inonde, dme chrétienne, au nom de Dieu le Père tout-puissant, qui vous a cré(^»e ; au nom de Jésus-Christ Fils du Dieu vivant, qui a souffert pour vous ; au nom du Saint-Esprit, qui s'est donné à vous; au nom des Anges et des Archanges ; au nom des Trônes et des Dominations; au nom des Principautés et des Puissances ; au nom des Chérubins et des Séraphins ; au nom des Patriarches, des Prophètes et Evangélistes; au nom des saints Religieux et Anachorètes; au nom des saintes Vierges et de tous les Saints et Saintes. Que vous habitiez au- jourd'hui dans le séjour de la paix, et que la Jérusalem céleste devienne votre demeure. ou AI SON. Dieu miséricordieux. Dieu clément, Dieu qui, selon Tétendue immense de votre miséricorde, efifacez les crimes des pécheurs pénitents, et qui abolissez leurs iniquités, en leur accordant le pardon, regardez favorablement votre serviteur (ou ser- yante) K. exaucez-le, . et accordez-lui la À CEUX QUI PLEURENT. 225 rémission de ses fautes, oar il vous le demande de tout cœur, en les confessant humblement. Père infiniment miséricor- dieux, réparez en lui tout ce qu'il y a eu de gâté par la fragilité humaine, ou par la mtilice du démon ; réunissez-le pour tou- jours au corps de votre Eglise, comme un membre sauvé par Jésus-Christ. Soyez touché de ses gémissements et de ses larmes ; et comme il ne s'appuie que sur votre miséricorde, réconciliez-le parfaite- ment avec vous. Par Jésus-Christ Notre- Seigneur. Ainsi, soit-il. Je vous recommande à Dieu tout-puis- sant, mon cher frère, et je vous remets entre les mains de celui dont vous êtes la créature, afin que lorsque vous aurez subi l'arrêt de mort porté contre tous les hommes, vous retourniez à votre Créateur qui vous a formé de terre. Quand donc votre âme sortira de ce monde, que les glorieux Chœurs des Anges viennent au- devant de vous ; que vous trouviez à votre passage les Apôtres qui doivent vous juger. Que vous soyez rencontré par la troupe triomphante des généreux Martyrs ; que vous soyez uni pour toujours aux saint» 16 226 CONSOLATIONS Patriarches dans le séjour de la bienheu- reuse paix ; que Jésus vous regarde avec un œil de douceur et de bonté, et qu'il ordonne que vous soyez à jamais parmi ceux qui sont auprès de son trône. Que vous ne connaissiez jamais par votre expé- ■ rience T horreur des ténèbres, l'activité du feu éternel, et tous les tourments que souffrent les damnés; que Satan, tout terrible qu'il est, soit contraint de luir avec toute sa suite; qu'il tremble à la vue des Anges dont vous serez environné, et qu'il se retire dans la funeste demeure où règne une éternelle nuit. Que Dieu se lève, et que tous ses ennemis soient mis en fuite ; qu'ils soient dissipés comme la fumée, et que, comme la cire se fond devant le feu, de même tous les méchants périssent devant Dieu : mais que les Justes soient comme dans un festin perpétuel, et, qu'ils se réjouissent en la présence de Dieu; que toutes les légions infernales soient confondues, et que les ministres de Satan n'osent pas s'opposer à votre pas- sage. Que Jésus-Christ, qui a été crucifié pour vous, vous préserve de la damnation ; que ce Jésus, qui a daigné mourir pour A CEUX QUI PLEURENT. 227 VOUS, vous délivre de la mort ëternelle Que Jésus-Christ, Fils du Dieu vivant, vous reçoive dans l'agréable demeure de son Paradis, et que ce vrai Pasteur vous reconnaisse pour une de ses brebis ; qu'il vous remette miséricordieusement tous vos péchés, et qu'il vous place à sa droite parmi les Elus. Que vous voyez votre Rédempteur face à face ; qu'étant toujours près de lui, vous puissiez contempler la souveraine vérité, et qu'assis parmi les bienheureux, vous jouissiez de la douce vue de Dieu dans tous les siècles des siècles. Ainai soit-il. ORAISON. Recevez, Seigneur, votre serviteur (ou servante) dans le lieu du salut qu'il espère de votre miséricorde. Ainsi soit-il. Délivrez, Seigneur, l'âme de votre ser- viteur, de tous les dangers de l'enfer, de toutes les tribulations qui peuvent lui arriver. Ainsi soit-il. Délivrez, Seigneur, l'âme de votre ser- viteur, comme vous avez délivré Hénoc et Élie de la mort, à laquelle tous les hommes sont sujets. Ainsi loit-il. 228 CONSOLATIONS Délivrez, SeigQeur, Tâme de votre ser- viteur, comme vous avez délivré Noé du Déluge. Ainsi soit-il. Délivrez, Seigneur, l'âme de votre ser* viteur, comme vous avez délivré Abraham de la terre des Chaldéens. Ainsi soit-il. • Délivrez, Seigneur, Tâme de votre ser- viteur, comme vous avez délivré Job de ses afflictions. Ainsi soit-il. Délivrez, Seigneur, Tâme de votre ser- viteur, comme vous avez délivré Isaac des mains de son père Abraham, qui voulait rimmoler. Ainsi soit-il. Délivrez, Seigneur, l'âme de votre ser- viteur, comme vous avez délivré Loth, de Sodome et du feu qui la consuma. Ainsi soit-il. Délivrez, Seigneur, Tâme de votre ser- viteur, comme vous avez délivré Moïse des mains de Pharaon, Eoi d'Egypte. Ainsi soit-il. Délivrez, Seigneur, l'âme de votre ser- viteur, comme vous avez délivré Daniel de la fosse aux lions. Ainsi soit-il. Délivrez, Seigneur, l'âme de votre ser viteur, comme vous avez délivré les En- A CEUX QUI PLEURENT. 229 fants de la fournaise ardente, et des mains d*un roi impie. Ainsi soit-il. Délivrez, Seigneur, l'âme de votre ser- viteur, comme vous avez délivré Suzanne du crime qui lui était imputé. Ainsi soit-il. Délivrez, Seigneur, l'âme ne votre ser- viteur, comme vous avez délivré David des mains du roi Saûl, et de celles de Goliath. Ainsi soit-il. Délivrez, Seigneur, l'âme de votre ser- viteur, comme vous avez délivré vos apôtres St. Pierre et St. Paul de leurs prisons. Ainsi soit-il. Et de même. Seigneur, que vous avez délivré la bienheureuse Thècle, Vierge et Martyre, de trois horribles tourments, ainsi ayez la bonté de délivrer l'âme de votre serviteur, et faites-la jouir avec vous des biens éternels. Ainsi soit-il. ORAISON. Nous vous recommandons, Seigneur, l'âme de votre serviteur, JV] Divin Jésus, notre Souverain Maître et l'unique Sau- veur du monde, nous vous conjurons de 230 CONSOLATIONS ne pas refuser à cette âme une place parmi vos saints Patriarches ; c'est pour elle que, par une miséricorde ineffable, vous avez daigné descendre sur la terre. Reconnaissez, Seigneur, votre créature, qui n'est pas l'ouvrage de Dieux étrangers, mais de vous, qui êtes le seul Dieu véri- table ; car il n'est point d'îiutre Dieu que vous, et rien ne vous égale en puissance ; que votre douce présence la remplisse de joie; oubliez ses anciens péchés et les trans2:ressions où elle a été entrainée par l'emportement de ses passions ; car, quoiqu'elle ait péché, elle n'a pas cepen- dant renoncé au Père, au Fils et au Saint- Esprit, mais elle a toujours cru en eux ; elle a eu dans son cœur du zèle pour l'honneur de son Dieu, et elle a fidèlement adoré !c Créateur de toutes choses. ORAISON. Oubliez, Seigneur, les péchés de sa jeu- nesse, et toutes les fautes que son ignorance lui a fait commettre ; mais selon votre grande miséricorde, souvenez-vous de lui dans la splendeur de votre gloire ; que le A CEUX QUI PLEURENT. 231 ciel lui soit ouvert ; que les Anges pren- nent part à sa joie. Seigneur, recevez votre serviteur dans votre Royaume ; qu'il y soit introduit par l'Archange Saint-Michel, qui est le Prince de toute la Milice céleste; que les saints Anges viennent au-devant de lui, et le conduisent dans la céleste Jérusalem ; qu'il soit reçu favorablement par le bienheureux Apôtre St. Pierre, à qui Dieu confia les clefs du ciel ; qu'il soit secouru par St. Paul, qui a eu l'honneur d'être un vase d'élection ; que St. Jean, ce Disciple bien-aimé, à qui le Seigneur a révélé les secrets célestes, in- tercède pour lui ; qu'il soit aussi soutenu par les prières de tous les autres Apôtres, à qui le Seigneur a donné le pouvoir de lier et de délier ; enfin, qu'il ait pour intercesseurs tous les Elus de Dieu, qui en ce monde ont soufiert tant de tourments pour la gloire de Jésus- Christ, afin que son âme, dégagée des liens du corps, arrive heureusement à la gloire du Royaume céleste, par la grâce de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui, avec le Père et le Saint- Esprit, vit et règne dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il. 232 CONSOLATIONS Si l'agonie se prolonge, on peut lire la Passion de N. S. J. 0. Lorsque le malade est prêt à rendre le dernier soupir^ il est bon de répéter à son oreille les noms de JésuS) Marie, Joseph ; et encore : Seigneur, je remets mon âme entre vos mains, Seigneur Jésus, recevez mon esprit. Sainte Marie, priez pour moi; Marie, Mère de TAuteur de la grâce, Mère de Miséricorde, protégez-moi contre Tennemi de mon salut et recevez-moi, à l'heure de ma mort. St. Joseph, priez pour moi. PRIÈRE APRÈS QUE LE MALADE A RENDU LE DERNIER SOUPIR. Saints, amis de Dieu, accourez à son secours ; Anges du ciel, venez au devant de lui, pour recevoir son âme, et pour la présenter au Très-Haut. Que Jésus-Christ qui vous a appelé, vous reçoive, et que les Esprits bienheureux vous conduisent dans le sein d'Abraham. V. Seigneur, donnez-lui le repos éternel. R. Et que la lumière qui ne s'éteint point luise pour lui. V. Qu'il repose en paix. R. Ainsi soit-il. A CEUX QUI PLEUUE.VT. 233 Seigneur, faites-lui miséricorde. Jésus-Christ, faites-lui miséricorde. Seigneur, faites-lui miséricorde. Notre Père, etc. V. Et ne nous laissez pas succomber à la tentation. R. Mais délivrez-nous du mal. V. Seigneur, écoutez ma prière ; r. Et que mes cris s^élè vent jusqu'à vous. PRIONS. ^ V Faites vivre en vous, Seigneur, cette âme que vous venez de retirer de ce monde : pardonnez-lui les péchés que la fragilité de sa nature lui a fait commettre, et ne consultez que votre bonté, en jugeant celle que vous avez créée et rachetée par votre sang. Vous qui vivez et régnez éternellement avec Dieu le Père et le Saint-Esprit. Ainsi soit-il. PRIERE POUR LES AMES DU PURGATOIRE. Dieu de toute consolation, auteur du salut des âmes, ayez pitié de celles qui souffrent dans le purgatoire ; laissez-vous 234 CONSOLATIONS toucher, Seigneur, par la considération du sacrifice de Jésus-Christ, votre Fils, et oubliez les fautes que la fragilité de notre nature leur a fait commettre ; tirez-les de ce lieu de suppliées et de ténèbres pour les introduire dans un lieu de lumière et de repos. Ecoutez, 6 mou Dieu ! Thunible prière que je vous en fais, et accordez sur- tout cette grâce à celles pour lesquelles je dois particulièrement prier. Je vous en conjure par le nom et les mérites de Jésus- Christ, qui s'est chargé de satisfaire ponr nous tous, et qui vit et règne avec vous dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il. De profundis, etc., page OREMUS. FJdélium Deus omni- um conditor et redem- ptorfc animâbus famulo- riim famulârumque tua- rum remissionem cunc- torum tribue peccato- rum, ut indulgentiam quam semper optavê- runt piis supplicationi- PHIONS. 0' Dieu qui êtes le créateur et le rédemp- teur de tous les hom- mes, accordez aux âm»îs de vos serviteurs et de vos servantes la rémis- sion de toutes leurs fautes ; qu'ils obtien- nent par les prières et les supplications de votre Eglise l'indul- A CEUX QUI PLEURENT. 235 bus conscquantur ; qui vivis et régnas cum Deo Pâtre in unitate Spiri- tus sancti, Dens, per omnia soccula saDculo- rum. Amen. gence qu'ils ont tou- jours désirée ; vous qui, étant Dieu, vivez et régnez avec le Père et le St. Esprit, dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il. ?^4^^^^ 236 CONSOLATIONS ACTE HEROÏQUE DE CHARITE ENVERS LES AMES DU PURGATOIRE. L'acte héroïque est une offrande ou un don volontaire que nous faisons de toutes nos œuvres satisfactoires personnelles pendant notre vie, et des suffrages qui nous seront appliqués après notre mort, et que nous déposons dans les mains de la Très-Sainte Vierge, afin que cette tendre mère en soit la distributrice, les dispen- sant selon son gré aux âmes du Purgatoire qu'elle veut délivrer de leurs peines. Ce que nous donnons par cet acte, c'est le fruit spécial et personnel qui nous revient de ces satisfactions et suffrages. Cette donation n'empêche point de prier pour soi, pour ses parents, d'accomplir ses pra- tiques de piété, etc. Par ce don, l'on applique ou l'on donne le seul fruit satis- factovre de ses œuvres ; les fruits de mé- rite, de propitiation et d'impétration nous restent toujours, ne pouvant se communi- quer à d'autres, A CEUX QUI PLEURENT. 23f Croyons-le bien, loin de nous être pré- judiciable, notre charité pour les morts nous sera très avantageuse. Car le mérite est en raison de la charité, et sans doute, on est plus charitable, lorsqu^au lieu de garder son bien pour soi-même, on le sa- crifie au soulagement de ses frères mal- heureux. Il y a peu de vertu à donner son superflu aux pauvres, il y en a beau- coup à leur donner de son nécessaire. Comp- tons aussi sur une protection spéciale des justes dont nous aurons adouci les souf- frances ou hâté l'heure de la délivrance. Une fois entrés dans la gloire, ils se feront auprès de Dieu nos plus fidèles înterces seurs. Et encore, ne seront-ils point •seuls à reconnaître et à acquitter cette dette de reconnaissance. Notre-Seigneur lui-même, dont notre dévotion envers les morts procure et avance immensément la gloire et les intérêts, les aidera à nous payer les services que nous leur aurons ren- dus.On ne perd jamais rien en perdant pour Dieu, et pour ceux qu'il aime de l'amour le plus véritable et le plus tendre. Tout ce que nous donnons par charité aux âmes des défunts, dit St. Ambroise, se change 238 CONSOLATIONS en grâce pour nous, et après notre mort nous en retrouverons le mérite cent ibis double. L'acte héroïque de charité a été enrichi des plus précieuses faveurs. Les fidèles qui l'ont accompli peuvent gagner Tindulgence pléniùre applicable seulement aux âmes du Purgatoire, toutes les fois qu'ils feront la communion, visi- tant ce jour-là une Eglise ou oratoire pu- blic, et y priant selon l'intention de Sa Sainteté. Ils gagneront aussi une indul- gence pléniùre tous les lundis, en enten- dant la messe pour le soulagement de ces mêmes âmes, moyennant la visite d'une Eglise, et la prière comme ci-dessus. Ils peuvent enfin appliquer aux âmes des dé- funts toutes les indulgences qui ne leur sont point applicables en vertu des pre- mières concessions, et qui ont été accordées dans la suite. (Pie IX, 30 Sept. 1852.) Aucune formule n'est prescrite pour faire cet acte ; il sufi&t de le faire de cœur. On pourrait adopter la suivante : Marie, Mère de miséricorde, je fais entre vos mains, en faveur des saintes âmes du Purgatoire, l'entier abandon de A CEUX QUI PLEURENT. 239 mes œuvres satisfactoires pendant ma vie, et des suflFragcs qui me seront appliqués après la mort, et ne me réserve que la compassion de votre cœur maternel. Prière pour les défunts, De Frofundis^ pngo 404. ,\ . . . ';' ^40 CONSOLATIONS ASSOCIATION L'UNION DE PRIERES ;" V; ;■ * , ET DE LA f BONNE MORT ; AVANTAGES DE CES ASSOCIATIONS. LEURS REGLE- MENTS. .,:.,,. Les avantages immenses qui résultent des deux Associations dont nous voyons les règlements dans ce livre sont si mani- festes et se font si bien sentir tous les jours que nous n'avons pas cru nécessaire d'en parler en tête de cet ouvrage ; nous nous contenterons de faire seulement à cette oc- casion les réflexioms suivantes.C'est que,en toutes sortes d'affaires si les efforts isolés se réduisent souvent à peu de chose, quand un grand nombre s'entendent et se concertent pour un même but, les résultats en sont A CEUX QUI PLi:UllEiNT. 2il merveilleux. Un seul soldat, quelle que soit sa valeur personnelle, ne peut rien contre l'ennemi, mais une armée nombreuse com- pacte et bien disciplinée est a peu près certaine de remporter la victoire. Pourquoi ne ferions-nous pas pour sau- ver notre âme et celles de nos frères tous les sacrifices possibles : la religion sainte que nous pratiquons ne saurait-olle nous inspirer autant de courage pour gagner des âmes à Dieu que le démon en donne à ses partisans pour les perdre ? Pourquoi faut-il que les enfants de lumière ne soient pas aussi prudents que les enfants du siècle et qu'ils ne sachent pas s'unir pour le bien, comme les méchants le font pour perdre les âmes et ruiner la société ? Cependant pour nous encourager, jettons les yeux sur les statistiques suivantes : L'Union de Prières et de Bonnes Œuvres, établie en 1851, compte aujour- d'hui au moins 50,000 Associés dans notre province ecclésiasti(|ue ; elle fait chanter chaque année dans la seule Paroisse de Notre Dame, 400 services, corps présent; elle a, actuellement affiliées à elle, près de 50 Paroisses dans chacune desquelles se 16 Vkl CONSOLAT.ONS chantent encore un grand nombre de ser- vices et de messes pour les défunts. Cette Association jouit du grand privi- lège d'être affiliée elle même à l'ordre des Religieux de Prémontré, ce qui lui donne une part réelle aux messes, communions et bonnes œutrcs de plus de 60,000 Keligieux et Religieuses, et de millions de Lïques qui mettent suivant les conventions éta- blies, leurs bonnes œuvres en conmiimica- tion avec les nôtres. ■ - ^ ^^ Quels trésors pour obtenir une sainte mort K.. lîÈGLEMENTS PRATIQUES ET INDULGENCES DE LA SOCIÉTÉ D'uMON de PRIÈRES ET DE BONNES OEUVRES. ,^; .. P L'Association s'engage à faire chan- ter un service, corps présent, pour chaque Associé défunt, qui ne laisse pas, après sa mort, des moyens suffisants pour cela. 2^ Quand la famille d'un défunt fait chanter un service à ses frais, l'Association a le soin de faire célébrer une messe basse à rintention du défunt, avec tous les orne- ments qu'elle employé aux services qu'elle fait chanter elle-même. A CEUX QUI PLEURENT. ^43 3° En temps d épidéiDÎe où, suivant l'usage de cette paroisse, on cesse de faire chanter des services aux défunts, l'Associa- tion fait toujours célébrer une messe basse pour chaque Associé qui décédera en ce temps ; et, Tépidémie passée, l'Association fait célébrer un service solennel pour tous les membres décédés pendant le même temps. Tous les ans dans l'octave des morts, la Société fait chanter un service solennel pour tous les défunts de l'Ai^sociation. La contribution annuelle de chaque As- socié est FoiFrandc de 30 sous, le jour de l'entrée; à renouvcUer chaque année dans le courant d'octobre. — Les contributions des associés forment le fonds sur lequel l'Association fait les frais des services. — La contribution devra être aouble si Ton désire qu'outre le service, l'Association fasse les frais de cercueilj de transport du corps, et de la fosse. "^ / ? DKVOmS DES ASSOCIÉS. Le succès de toute^Association dépen- dant de la fidélité à en observer les règles chaque Associé sera exact : 244 CO.NSOLATIOXS * 1*^ A reciter chaque jour, un Fater et un Ave pour la dernière personne défunte dtms l'Association et ini autre Fater et Ave pour la personne qui doit mourir la preniièie dans la même Association, et de plus à faire l'invocation suivante: Saint Joseph, priez pour nous..; # ;j'^.iv 2^ A offrir aux intentions des Associés vivaîits et défunts ses ConîmunionSj Prières et autres bonnes œuvres. . ... . ..v. ...r^. 3^ A assister autant que possible aux services des Associés défunts, et surtout aux assemblées générales qui ont lieu pour focuvre, à l'Eglise Paroissiale, cha- cun des Dimanclics qui suit l'annonce des quatre-temps. 4*^ A engager ceux qui n'appartiennent pas à l'ccuvre à s'y aggréger, en leur en faisant connaître la fin et les avantno'es. 5^ Les Associés étant d'une manière spéciale sous la; protection de St Joseph qu'ils ont choisi pour leur patron, ils seront fidèles à 1 invoquer tous les jours, et auront recours à lui dans tous lejrs besoins. A CEUX QUI PLEURENT. 245 INDULGENCES I'LIÎXIÎÎRES QUE PEUVENT GAGNER LES ASSOCIÉS. Une indulgence plcniôro pour les Supé- rieurs, les Directeurs et Directrices, les Officiers et les Membres de l'As.sooiution de Prières et de Bonne (Euvres sous le pa- tron nge de St. Josepljj les quels étant con- trits, s'étant confesh:c et ayant couimunie, prieront pieusement à Fintention du Souve- rain Pontife. 1^ Les jours de grand* messes et services célébrés nour les défauts. ' 2^ Un jour dans chaque mois. :; ^ . Pie ZX, 1er mars 1853. IXDL'LGKNGES PARTIELLES QUiC PEUVENT GAGNER ..;:■:;: LES ASSOCIÉS. ::-^i,_,:hp.Tyr: Une indulgence de trois cents jours, pour les mornes personnes de l'Union de Prières : 1^ Pour chaque assistance soit aux as- semblées générales, soit aux conseils do l'Association. 2^ Pour chaque visite faîte, ou soins donnés aux midades. Pie TX^ \cr m irs 1853. 216 CONSOLATIONS [g.O bon et très-doux Jésus ! prosterné à- genoux en votre présence, je vous prie et vous conjure, avec toute la ferveurjde mon ame, de daigner graver dans mon cœur la foi, Tespérance et la charité, un vrai re- pentir de mes égarements et une volonté très-ferme de m'en corriger, pendant que je considère en moi-même et que je con- temple en esprit vos cinq plaies, avec une grande affection et une grande douleur, ayant devant mes yeux ces paroles prophé- tiques que déjà le saint roi David pronon- A CEUX Qirr Pl.EURKXT, 247 çait do vous, ô aiinablo Jésus! Un ont percé mes mains et mes ineds ; ils ont compté tous mes os. Oti peut gagner nue indulgence plénière, tippliqnable aux urnes du purgatoire, en récitant la prière ci-dessus devant un Crucifix, chaque jour de communion, et en priant à l'intention du Souverain Pontife. ■ rie VIT, 10 aoril 1821. EXERCICE DE LA RETRAITE DU MOIS. Le saîat Exercice de la retraite du mois, considéré comme un moyen assuré de se préparer à faire une bonne mort, consiste : 1^ A prendre un jour dans chaque mois pour examiner sérieusement la manière dont on a rempli ses devoirs, pour se re- nouveller dans ses bonnes résolutions, et surtout pour se préparer à une bonne mort. 2P Au jour que Ton aura ainsi choisi pour la retraite du mois, dès son réveil, après avoir fait le signe de la croix et pro- noncé avec respect les Saints Noms do Jésus, Marie et Joseph, il faut se figurer que ce jour est accordé à chacun pour régler 'M 8 COiNiOLATIONS fes compios avec Dieu, et f.iirc ses prières et toutes ses actions comme si elles devaient être les dernières de sa vie. 3^ Ce jour-là. ou la veille, se confesser et coniniunier dans les nicuics dispositions oii Ton voudrait Ctre sur son lit de mort. 4^ Dunsco DiOmcjour, examiner sérieu- sement comment on a fiiit dans le mois qui vient de s'écouler, ses devoirs de piété, les prières du matin et du soir, avant et après les repas, ses confessions, communions, et en oéiiéral tous les autres devoirs relatifs à sa condition. 5^ Faire ce même jour un acte de rési- gnation à la mort. On peut se servir pour cola do la prière suivante. '^ mon Dieu, comme je ne sais pas l'heure do ma mort, et que je ne puis sa-* voir si j'aurai du temps pour me préparer, et aesez de force et de connaissance pour appliquer mon esprit^ à TafFaire do mon salut, je vous supplie très-humblement d'accepter les résolu lions que je forme à présent, et de recevoir cette préparation, au déftiut de celle que je ne pourrai peut- être pas faire i\ la fin de ma vie." A CKL'X 0"I PLEîir.TJNT. .40 ACTE DE RESIGNATION ' Alon cœur est préparé ô mon Dieu, mon cœur est prépare. Que votre volonté soit faite et non pas la mienne ; je m'abnn- clonnc entiùrcmont à vous pour recevoir la mort iui temps et en Iti manière qu'il vous plaira mo Tenvoyer. On peut gagner 300 jours d'indulgence, appliquable aux âmes du Purgatoire pour la récitation des trois oraisons suivantes, et cent jours pour la récitation de cha- cune d'elle.— Pie VII. 1807. Jésus, Marie, Joseph, je vous donne mon cœur, mon esprit et ma vie. Jésus, Marie, Joseph, assistez-moi dans ma dernière agonie. Jésus, Marie, Joseph, que je meure paisibl ornent dans votre sainte Compagnie. 250 CONSOLATIONS Souvenez-vous, 6 très-pieuse vierge Ma- rie, qu'on n'a jamais entendu dire qu'au cun de ceux qui ont eu recours à votre protection, imploré votre secours et de- mandé vos suflFrages, ait été abandonné Animé d une pareille confiance, ô vierge des vierges, je recours à vous, et gémissant sous le poids de mes péchés, je me pros- terne à vos pieds. mère du Verbe, ne A CEUX QUI PLEURENT. 251 méprisez pas mes prières, mais écoutez-les favorablement, et daignez les exaucer. Ainsi soit il. Cent joursid'indulgence une fois par jour et une indulgence plénière une fois par mois, si on est fidèle à réciter tous les jours la prière ci- dessus. — Pie IX, 252 CONSOLATIONS RÈGLEMENTS DE LA CONFBÉRIE DE l'AilOllATlÔN PERPETUELLE ilii U. SACRIISIEST i ". 1;' .■[ ■Hy Eï ""'"■■■■ DELA BONNB: mort Erigée en la Paroisse de VU le- Marie , dam rik-Monlréaf, Canada. FIN DE L ASSOCIATION. La fin principale de cette Association est de s'aider mutuellement à se procurer une bonne mort ; les diverses prières et les pieuses pratiques que l'on fait dans cette oeuvre, soijt pour obtenir cette grâce à tous les Associés en gênerai, et en par- ticulier à la personne de la Confrérie qui doit mourir la première. A CEUX QUI PLEURENT. 233 Los A}?socî(5s doivent faire une profes- sion spdciiile d'honorer Jesu.s-Clirist au St. SîJcrcment, qu'il a institua pour se donner à nous, et être en pjirtieiilier lo viatique et la consolation dos mourants. Ils' procureront aussi, par tous les moyens qu'ils pourront, k soulagement et la déli- vrance des iiuies du Purgatoire, afin que ces sainte.^ âmes étant délivrées par leurs prières et leni'S bonnes œuvres, elles soiciit leurs protrctrices dans le Ciel, et leur ob- tiennent de mourir comme elles, dans la grâce de Dieu. Ainsi la dévoûou au St. Sacrement, et le zèle pour la délivrance des âmes du Pur- gatoire, sont comme l'âme et lo fond de l'Assèciation, et en même temps les moyens dont doivent se servir les Associés pour se procurer une bonne mort. Les Associés auront une particulière dévotion au Sacré Cœur de Jésus à qui est ?iédiée la Chapelle de la Confrérie ; à la sainte Vierge, aux saints Anges Gar- diens, et à saint Joseph; ils prendiont ces Saints pour Protecteurs de la bonne mort. L'on recevra dans cette Association toute sorte de personnes, de quelqu'- ^54 CONSOLATIONS état, do quelque condition, de quelque sexe, de quelqu'âge qu'elles soient, pourvu qu'elles aient fait leur première commu- nion, qu'elles soient de bonne volonté et de bonnes mœurs. -f Quand on voudra en être reçu, on s'a- dressera au Directeur de l'Association, qui déterminera le jour auquel on pourra l'être ; on s'y préparera par lexercice de quelques bonnes œuvres, et surtout par une bonne confession et une fervente communion que l'on fera ce jour -là, pour gagner l'Indulgence plénière accordée aussi pour ce jourJà, par les Sonverains Pon- tifes ; après quoi Ton récitera devant le S. Sacrement, en tenant un cierge allumé, l'O- raison suivante. * ià . .■ . •■'- ■ ''^- ■'':'*■'■.■" '. ■ ■ ' , ■ '','■■ "■'■" "*'" ■'■■ '^■"\- CONSÉCRATION À NOTIIE-SEIGNEUR AU ST. SACREMENT. Prosterné à vos pieds, adorable Jésus, je me consacre entièrement à vous, et je vous fais une promesse solennelle de vous rendre tous les jours de ma vie les hommages, les adorations, et les respects qui qui vous sont dûs ] et do travailler à réparer A CEUX QUI PLEURENT. 255 autant qu'il dépendra de moi les outrages et les insultes qui vous sont faites dans le Sacrement adorable do votre amour. Je m'unis, à cet effet, aux saintes ardeurs du cœur sacré de votre divine Mère ; je prie cette Mère de bontd d'être mon Avocate, et de vous présenter le sacrifice que je vous fais de mon cœur et de ma vie. Puisque vous ne m'avez fait naître que pour mou- rir, accordez-moi la grâce, ô divin Sau- veur, de pouvoir mourir entre vos bras ; ne permettez pas que je sois privé à la mort de ce Viatique, que vous avez préparé pour être la force et la consolation des Chrétiens, dans les derniers moments de leur vie ; je tâcherai de mériter cette grâce par la vie sainte que je suis résolu de menCi. Pour m'aider dans cette résolu- tion, appliquez-moi s'il vous plait le fruit et les mérites de votre Sang précieux, appli- quez-le aussi aux âmes qui souffrent dans le Purgatoire, abrégez leurs peines, et don- nez-leur le repos éternel ; je vous offre pour leur délivrance, toutes les Prières et autres bonnes œuvres (jui se font dans l'Associa- tion : faites, qu'après vous avoir adoré présjnt sur nos Autels Je puisse avec ces 256 CONSOLATIONS sjiintes âmes vous po?îK(;(lcr et voub aimer éternellement dan^ lo Ciel. Ainsi 8oit-il. V U AT iqUVS, ■' y ,'>:V,î;*;.v>iï /! ' Les As.soei(3.s penseront eliaquo jour à la mort, et dc^termineront en particulicir quelque petite Pnitlfjae, qui puÎHse sou- vent leur rjîppoler eetto pon.sée, cliacun Hclon son îr.triitt et sa dévotion. Ils réei- teront ehaquc jour hept foi.s. Jiequiem œternam^ etc. Ils passeront eliaque semaine unedomîc- lieure devant le St. Sacrement, au jour et à l'heure qui leur seront marqués ; et ou ire eula, uiie heure eliaquo année, pour l'Adoration perpétuelle. Ils aecomp:!gneront autant ((u'ils pour- ront le St. Sacremoîit,({uand on le portera aux Malados surtout aux Associés ; s'ils ne peuvent lo fnire, ils diront du moins pour le liiilade, un rater et un Ave Maria, lis auront aussi une heure marquée pour venir devaîit le St. ■■ Sacrement, toutes les fois qu'il sera exposé à la Pa- roisse. , , ;- A CEUX QUI PLEURENT. 257 Ils se confesserout et communieront au moins une fois chaque mois, pour la fin de r Association ; ce jour- là, ou quelqu'autre, qui leur sera plus commode, ils pourront l'aire un jour def etraite, pour se préparer à la mort, ils en demanderont la méthode à leur Confesseur. Comme le principe de U bonne mort, est une bonne vie ; les personnes associées auront soin de régler la leur selon les maximes de TEvangile et l'esprit de Chris- tianisme. L'on ne recevra point dans l'Association les personnes qui auraient fait, avec scan- dale, quelque faute considérable contre la pureté, à moins que lo scandale ne fut réparé, et que la personne n'eut donné des preuves de la réforme de ses mœurs, et de la régularité actuelle de sa conduite. L'on ne recevra pas non plus ceux, qui fréquentent des maison» ou des personnes suspectes, qui vont souvent au cabaret, ou sont sujettes à s'enivrer, qui vendent de l'eau-de-vie aux Sauvages, qui tiennent pu- bliquement dans leurs maisons des bals, assemblées de danses, ou y reçoivent des masques, ou qui se masquent ; ceux et 17 258 "V CONSOLATIONS -■■ 'i- '.■','-■''■■'■'': '':^-''"'^[ ■,''.'.'•■ , 'i T. , . ' celles qui profèrent publiquement des blasphèmes, ou des paroles injurieuses à Dieu et à sa Religion ; qui entre- tiennent des inimitiés, sans vouloir se réconcilier. Les personnes qui seraient sujettes à quelques-unes des fautes susdites, ou qui, en quelque autre manière causeraient du scandale, ne seront point reçues dans l'As- sociation ; ou si y étant admises, elles se rendaient coupables en quelqu'une des ma- nières susdites, elles en seraient exclues, sans pouvoir y rentrer, à moina qu'elles ne donnassent des marques certaines de péni- tence, et qu'elles ne changeassent sincère- ment de conduite: on ce cas, si elles désiraient y rentrer, elles pourraient être reçues avec l'approbation des Officiers du Conseil. Comme les plus pieuses institutions dé- génèrent souvent de leur première ferveur, si l'on n'a un soin particulier de la renou- veler, l'on s'assemblera chaque premier Sa- medi du mois dans la Chapelle de la Bonne Mort, à quatre heures en Été, et à trois heures en Hiver ; on commencera l'assem- blée, par le Veni sancte spiritus etc,^ l'on ^ • \ A CEUX QUI PLEURENT. . 259 - dira ensuite le Chapelet de la Sainte Vierge, après quoi on lira quelques uns des Statuts de l'œuvre, ou quelqu'autro Livre de piété, ou bien l'on fera une exhortation selon le temps et la commodité du Direc- teur de l'Association ; après la lecture ou exhortation Ton dira le Chapelet des Morts et les Litanies de la Bonne Mort, ensuite le Sub (uum prctstcUiinij etc. .,„ Le troisième Dimanche de chaque mois l'on fera dans l'Eglise de la Paroisse, im- médiatement après les Vêpres, la Proces- sion du très-Saint Sacrement, à laquelle assisteront tous les As^:ociés ; l'on choisira douze hommes, pour représenter toute la Confrérie, lesquels suivront le St. Sacre- ment, ayant à la main un cierge allumé. Le Jeudi Saint de chaque année, tous les Associés assisteront à la grand'Messe de la Paroisse et à la Procession du St. Sacrement, qui se fait ensuite; ils feront ^ tous ensemble leur Communion Pascale à f la même Messe, autant que cela se pourra; ce jour-là on pourra présenler un Pain béni, qui sera donné par les personnes de TAssociation qui auront cette dévotion, 260 CONSOLATIONS T- ou par l'un des Assocîds, chacun à son tour, ou enfin aux dépens de la Confrérie. Chaque année, le Samedi dans l'Oc- tave du St. Sacrement, tous les Associés renouvelleront la consécration quils ont faite à notre Seigneur dans le St. Sacre- ment, au jour de leur réception : cette cérémonie se fera devant le St. Sacrement . exposé. Chaque Associé après sa réception, of- frira toutes les prières et bonnes œuvres qu'il pourra faire pendant huit jours, pour la personne de la Confrérie qui doit mou- rir la première. Si quelqu'un des Associés tombe ma- lade, les personnes préposées pour cela auront soin de le visiter, de l'exhorter, s'il est en danger, à recevoir les Sacre- ments, et se préparer à gagner les Indul- gences accordées aux Associés ; on aura soin aussi de faire avertir le Directeur de l'Association de l'état du malade. ^ v,:sr; Autant que possible suivant les localités, si l'on porte le saint Viatique aux ma- lades, les deux Administrateurs de la Con- frérie, ou si ceux-ci ne peuvent s y trouver, quelque» autres des Confrères, y assiste- - \( ■ '■■ *^ : A CEUX QUI PLEURENT. ' " 261 ront, chacun un flambeau à la main, et suivront le St. Sacrement immédiatement après le Dais ; les autres Associés tacheront aussi de s'y trouver. L'on avertira par quel- ques coups de la petite cloche que c'est un Confrère, à qui on porte le St. Sacrement. Si le malade tombe dans Pagonie, Ton son- nera quelques coups de la grosse cloche, pour avertir les Associés, qui se rendront à la Chapelle de la bonne Mort, pour y faire les prières des agonisants, ou quelques autres à leur dévotion pour le moribond ; ceux qui ne pourront pas venir à l'Eglise, feront chez eux les mêmes prières, ou di- ront du moins cinq Vattr et Ave. . Quand il mourra quelqu'un des Associés, tous les autres assisteront à son enterre- ment, ils feront pour lui une Communion, et offriront à Dieu pour le repos de son ame, toutes les prières et bonnes œuvres qu'ils feront pendant huit jours; quatre députés de l'Association porteront les coins du drap, chacun un cierge à la main. L'on fera chanter un petit service, et célébrer trois Messes basses, pour chaque Associés décédé, autant que la Confrérie sera en état de le faire. Après huit jours 262 * CONSOLATIONS ' / depuis la mort d'un des Associas, tous les autres ofiriront à Dieu pendant les huit autres jours suivants toutes les prières et bonnes œuvres qu'ils feront, pour la personne de la Confrérie qui doit mourir la première. La Confrérie ou Association de la bonne Mort sera gouvernée par un des Prêtres du Séminaire de St. Sulpice, qui desser- vent la Paroisse de Ville-Marie, conjointe- ment avec deux Administrateurs que l'on élira chaque année. Le premier des Administrateurs pré- sidera aux Assemblées en l'absence du Directeur ; le second aura les clofs et les registres de la Confrérie, dont il sera Trésorier : il écrira dans un registre les noms de ceux qui seront reçus, le jour et l'année de leur réception, et ce qui se passera de plus considérable dans chaque assemblée, il recevra les quêtes et les of- frandes, il fournira aux dépenses qui se feront, et tiendra en ordre tout ce qui ap- partient à la Confrérie ; il aura un autre registre où il tiendra compte de la .recette et de la dépense ; en sortant de charge, il ' devra, en présence des Administrateurs / A CKUX QUI PLKURKNT. 263 assembles remettre à la personne qui doit lui succéder, les Livres, Registres, et tout ce qu'il aura eu entre les mains. Il y aura pour mettre les registres et tout ce qui appartient à TAssociation une armoire à deux clefs, dont Tune sera entre les mains du Directeur et Tautre entre celles du Trésorier. , L'on tiendra chaque mois rassemblée du Conseil, laquelle sera composée de tous c«ux qui auront été choisis pour cela ; dans la suite, tous ceux qui auront été Adminis- trateurs auront droit de s'y trouver ; l'on y proposera le nom des personnes qui de- mandent à être reçues dans la Confrérie ; Ton y réglera tout ce qui peut servir au progrès de l'Association, Chaque année, le Samedi dans l'Octave du St. Sacrement, ou autre jour qui sera trouvé plus convenable, on fera l'élection des Administrateurs, que l'on pourra con- tinuer deux ans et même plus, si la néces- sité ou l'utilité de la Confrérie le deman • dent ; outre les Administrateurs, il y aura un Sacristain nommé par le Conseil, pour être aide du Trésorier ; quatre Assistants pour visiter les malades, savoir quatre 264 CÛNSOI.ÀTIONS y" ' , ■ messieurs pour visiter le» lionimoH, et quatre dames pour visiter les femmes, cousoler les affligés ; ces Assistants aver- tiront les Directeurs ou le Supérieur, des différents besoins qu'ils auront remarqué chez les personnes qu'ils visitent. ' ^ Les Associés auront particulièrement soin que les corps morts des pauvres aban- donnés soient enterrés d'une manière con- venable ; si la Confrérie se trouve en état, elle fournira ce qui sera nécessaire pour cela. Chaque Associé donnera en entrant, et puis tous les ans, vingt ou trente sols pour les Services et Messes pour les Défunts, pour les cierges et autres dépenses de la Confrérie. Toutes les susdites llèglcs et Statuts n'obligent sous aucune peine de péché mortel ni véniel ; ce qui vo doit pas em- pêcher les Associés de les garder fidèlement, pour participer aux Indulgences, et méri- ter par cette fidélité, une bonne et sainte mort, . , A CEUX QUI PLlîlUUENT. ; 205 AMKKDB IIONORADLE Air SACUH: CQâUU DE jkiiUS. Très adorable Jdsus, je me prosterne à vos pieds, en présence de tous les Anii;es, qui vous environnent, saisi d'une extrême douleur, à la vue des ingratitudes, des mépris, des sacrildgcs, des profanation? , ou des simples irrévérences, et de Foubli dont tant d'hommes payent l'amour immense que vous nous témoignez dans votre ado- rable Sacrement. Faut-il, mon aimable Sauveur que, vous immolant sans censé sur nos Autels, qu'y reposant jour et nuit, tout occupé du soin de nous communiquer vos grâces, et du désir de venir à nous ; vous épuisant, vous consumant pour nous 5 vous voyez encore dos ingrats qui vous ou- tragent par mille irrévérences ; des persécu- teurs qui vous traitent avec la dernière indignité, par tant de sacriléj2;es, et tant d'impiétés abominables. Ah ! je confesse, Seigneur, qu'il ne fut jamais d'ingratitude plus détestable. Abuser de cet excès inoui de votre amour, qui vous porte à vous anéantir pour demeurer avec nous, et pour vous donner vous-môme à nous ; porter le crime jusque sur votre personne adorable; 266 CONSOLATIONS la seule pensée en fait frémir d*horreur ! quels doivent être les sentiments de votre cœur, vous voyant ainsi oublié, abandonné et traité d'une manière si criminelle par un si grand nombre d'hommes ? Je les déteste, mon aimable Jésus, ces opprobres, dont on vous déshonore, et je les déteste de tout mon cœur ; c'est avec tous les sentiments de douleur, d'humilité et de confusion, dont je suis capable, que je fais maintenant amende honorable à votre divine Majesté pour tous les outrages qu'on commet contre vous. Oui, c'est avec un cœur tout humilié, et tout percé de douleur, que je vous en demande mille fois pardon : que ne puisje, Seigneur, arroser de mes larmes et démon sang tous les lieux où votre sacré cœur a été si indignement outragé ! que ne puisje par quelque nouveau genre d'hommage, réparer tant de profanations ! que ne puis- je enfin porter tous f^eux qui en sont cou- pables, à entrer dans les voies de la péni- tence, et à vous honorer à l'avenir autant qu'ils vous ont oflFensé. Mais comme j'ai été moi-même à quelques égards, du nombre de ces ingrats, je viens vous témoigner le sen- A CEUX QUI PLEURENT. 267 sible regret que j*en aï, et m*offrir à vous pour souffrir tous les châtiments, dont il vous plaira de me punir. Frappez, Seigneur, je baiserai toujours la main qui exercera sur moi une si juste punition. Trop heureux ! si je pouvais, par n^mporte quelles peines, réparer les injures que j'ai faites à votre sacré Cœur. ::^-^- ^-,,, -■:,::,,_ ,i.\.:-,/:a Recevez, mon aimable Jésus, cette amende honorable en l'union de celle, que vous fîtes à votre Père sur la Croix pour les péchés de tous les hommes ; recevez-la, et en môme temps par4onnez-moi «ant d'ingratitudes, que je ne puis expier qu'en m'attachant désormais à vous aimer, et à vous honorer en toutes les manières dont je serai capable ; c'est à quoi je suis entière- ment résolu : mais, Seigneur, fortifiez ma faiblesse par votre grâee, et faites qu'après avoir trouvé dans votre Sacré Cœur une retraite assurée pendant la vie, je puisse à l'heure de ma mort rendre les derniers soupirs dans ce même cœur. Ainsi soit-il. 268 • CONSOLATIONS ACTE D^OFFRANDB ET DE OONSÉCRATION AU SACRÉ CŒUR DE JÉSUS. Cœur adorable de Jésus, pour réparer les outrages qu'on vous fait en tous les lieux du monde, dans votre adorable Sa- crement, et pour éviter autant que j'en serai capable de tomber dans le même malheur, je m'offre, je me dévoue, et je me consacre sans réserve à vous aimer et à vous honorer sous ces saintes espèses, et cela de toute l'étendue de mes forces et par toutes les voies que je pourrai. Agréez, Seigneur, la donation que je vous fais, avec toute Tardeur de mon âme, de tout ce que je suis, et de tout ce que je puis. Ah ! que je souhaiterais de pouvoir expier par mes adorations et par mon ap- plication à vous honorer tous les ou- trages qu'on commet contre vous. Daignez, aimable Jésus, regarder désormais ma per- sonne, ma vie, mes actions, mes peines, mes souffrances, le mérite et la satisfac- tion de mes bonnes œuvres, comme des choses consacrées à votre honneur, pour réparer les outrages qu'on vous fait dans le Se. Sacrement. Disposez de moi dans A CEUX QUI PLEURENT. 269 cette vue selon votre bon plaisir, et comme vous le jugerez plus à propos pour expier les profanations, les irrévérences, l'oubli, l'ingratitude dont on vous outrage sur nos Autels. Je m'offre entièrement à vous, et je ne veux désormais plus avoir d'autre désir Ah ! que je serai heureux si je puis être une victime agréable à vos yeux, toute immolée à votre : loire, brûlée et consumée par les flammes de votre amour ; je le serai, ô mon Jésus, s'il vous plaît de me favoriser de vos grâces, et de me donner entrée dans votre Sacré Cœur. C'est là que je puiserai des lumières pour vous connaître, et de saintes affections pour vous aimer. C'est là qu'oubliant tout l'u- nivers et m'oubliant moi-même, je ne m'occuperai qu'à vous honorer et à vous glorifier. Ouvrez-le moi, Seigneur, ce Cœur adorable, et faites tomber sur moi quel- ques étincelles de ce feu divin dont il est consumé, pour embraser le mien de votre amour, et pour consumer en moi tout ce qui pourrait me fermer l'entrée du vôtre. Je n'ai et je ne veux avoir jamais d'autre désir que d'y vivre, et d'y mourir avec vos plus fidèles serviteurs. Ainsi soit-il. 270 CONSOLATIONS Cor JesUy amoris victima^ sis mihi salus in tempore tribulationis^ et in horâ mortiSj et die animœ meœ^ salus tua ego sum. cœur de Jésus, victime d'amour, soyez moi favorable dans les temps de tri- bulation, et à l'heure de ma mort ; et dites à mon âme: je suis ton salut. UNION dp: PRIERES ET DE BONNES ŒUVRES SOUS LE PATRONAGE DE SAINT JOSEPH, POUR OBTE- NIR UNE BONNE MORT, ET PROCURER UN SER- VICE, CORPS PRÉSENT, AUX ASSOCIÉS QUI MEURENT SANS LAISSER AUX PARENTS DE QUOI EN FAIRE LES FRAIS. L'Association recevra comme membres, des personnes de tout âge, pourvu qu'elles soient de bonnes mœurs et qu'elles ne soient pas attaquées de maladies réputées mortelles. La mort des saints est précieuse aux yeux du Seigneur. Ps. 115 : 5. ^ Pretiosa in conspectu Domini mors Sanctorum ejus. Ps. 115 : 5. SAINT JOSEPH, PRIEZ POUR NOUS A CEUX QOJI PLEURENT. 271 Faites-vous des trésors dans le ciel que la rouille ne dévore pas, que la méchance- té des hommes ne saurait atteindre. Soyez fidèles à Dieu, soyez-le dans les plus petits devoirs dans les moindres obli- gations faites sa volonté jusque dans les plus petits détails, rien n*est petit quand il s'agit de plaire à celui devant lequel l'a- mour seul est quelque chose : ne compte-il pas nos cheveux ? oublie-t il la fleur des champs; celu^* qui donne à l'oiseau la goûte d'eau qui le désaltère, aux lis des champs leur éclat et leur parure, ne vous a-t-il pas dit de chercher d'abord le royaume de Dieu et sa justice, et que le reste vous serait donné par surcroît ? faites en l'expérience, et vous serez consolée. L'homme dans sa folie, croit que l'éter- nel ne compte que les empires, et les em- pires s'effacent de la terre, tandis que les larmes du sacrifice, pieusement versées, tandis que les larmes de la brûlante cha- rité sont recueillies par les Anges et gar- dées pour le jour du jugement; rien ne vivra que ce que le souffle de la vie ?ura animé. Les cieux eux mêmes, ces cieux qui ne sont pas purs devant l'Eternel se- 272 CONSOLATIONS ront roulés comme un vêtement, ils passe- ront ; mais vos généreux efforts vos prières, votre active charité, le plus petit service rendu au nom de Jésus, vos amertumes dévorées pour Tamour de Lui, vos renon- cements pour lui attirer des âmes ne pas- seront point. Ils vivront, ils seront ohers à celui qui donna sa vie pour nous rendre capables de vivre en lui. : .. ^^ ^.,. :^':?:.r"'4»!--j -■'■ . ■', ••■ ■•■• '■' ■ '. ■' ■ '•'■ ■'^nj^j UNE PRIÈRE DE PIE ix. ATAudience du 25 novembre (1871,) au Vatican, Notre Saint-Père le Pape as distribué à tous les assistants la formule de prière ci-jointe : '* bon Jésus I notre maître et notre législateur, délivrez-nous des persécutions de nos ennemis. Seigneur, Seigneur, roi tout-puissant, tout est soumis à votre do- mination et nul ne peut résister à votre volonté ; si vous^ avez décrété de sauver Israël, vous êtes le maître de toutes choses, non, personne ne résistera à votre majesté. Et maintenant, Seigreur, prenez pitié de A CEUX QUI PLEURENT. 273 votre peuple, car nos ennemis veulent nous perdre et détruire votre héritage que vous avez racheté pour nous. Chan- gez en joie notre affliction, afin que nous vivions, Seigneur, et que nous puissions louer votre nom. Dans ce triste boule- versement de toutes choses, je n*ai per- sonne que je puisse invoquer, sinon vous. Seigneur, qui êtes seul notre roi. Souve- nez vous de votre Eglise qui pleure et que nul autre ne peut secourir que vous. Des novateurs et des chefs aveugles veulent faire mentir vos promesses, détruire votre héritage, fermer la bouche de ceux qui vous louent, ternir la gloire de votre temple et de vos autels. Seigneur, ne li'Tez pas vos serviteurs à ceux qui nous ^ lissent, afin qu'il ne se rient pas de notre /uine; mais retournez contre eux leurs desseins pervers. Souvenez-vous de nous, Seigneur, et montrez-vous favorable au milieu de nos tribulations, vous qui vivez et régnez dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il. " FIN. 18 rN- TABLE DES MATËRES LIVRE PREMIER Approbation m Préface v Chapitre I. — Les malades 1 Chapitre IL — Les agonisants 9 Chapitre IIL — Les derniers sacrements... . 15 Chapitre IV. — Les morts. Le corps 21 Chapitre V.— Les iiiorts. L'ame 26 Chapitre VL — Le tombeau 33 La mort 37 Doctrine Chrétienne sur l'état des corps et des âmes ...» 40 Béatitude du corps 41 Béatitude de l'âme 44 Adieu 47 LEspérance 6l Lettre de saint Jérôme 59 Lettre de St. François de Sales à une mère 81 Lettre de Pénélon, à une dame affligée ... 81 Extraits de quelques lettres de Pénélon. ... 84 Pensons au Ciel 88 Lettre de St. Léger à Ste. Sigrade, sa mèrelOl LIVRE DEUXIÈME. • On se retrouve dans le Ciel 1Q3 A une mère 108 276 TABLE DES MATIÈIŒS. Réflexion sur une tombe 111 néant des espérances humaines '..•112 En fin finale, mon âme laissera aussi son mi- sérable corps 114 L'Expiation temporaire. ^ 115 Piété envers les morts 116 Moyens de soulager les morts 118 Les bonnes œuvres 121 Nous oublions trop nos morts , 123 Il a passé par la mort, mais il ne s'y est point arrêté 127 Pleurez-vous la semence quand vous la con- fiez au sillon 129 Ce qui finit sitôt est toujours court 131 Ah! que nous serons heureux si nous sommes tous ensemble au Oiel 133 Ne vous affligez pas comme ceux qui n'ont pas d'espérance , 134 Au ciel on se reconnait 137 Douleur et résignation d'une mère qui pleure la mort de son enfant 150 Le Mystère des douleurs imposées aux mères 152 La Foi 156 L'Espérance 164 La Charité 171 Consolations dans les souffrances 179 LIVRE TROISIÈME Prières pour les morts, messe pour deman- der la grâce d'une bonne mort 185 TAULE DES MATIÈRES. 277 Messe pour les morts 191 Chemin de la croix , . 200 Administration des derniers sacrements et prières des agonisants 217 Pour le St. Sacrement 220 De pins pour TextrCme onction .220 Litanies des agouisunts 221 Oraisons.... , 224, 222, 229, 230 Prière après que le malade a rendu le der- nier soupir 232 Prière pour les ûraes du purgatoire 233 Acte héroïque de charité (iuvers les umes du purgatoire 236 Associations de l'U.sion de Prières et de la bonne mort Avantagea de ces associations, leurs règle- ments 240 Règlements pratiques et indulgences de la société d'union de prières et de bonnes œuvres , 242 Devoirs des associés 243 Indulgences plénières que peuvent gagner les associés 245 Indulgences partielles que peuvent gagner les associés • . .245 Exercices de la retraite du mois 247 Acte de résignation , 249 Règlement de la Confrérie de l'Adoration perpétuelle du St. Sacrement et de la bonne mort Fin de l'Association , 252 278 TABLE DES MATIÈRES. Consécration à notre Seigneur au St. Sacre- ment , 254 Pratiques 256 Amende honorable au sacré cœur de Jésus.265 Acte d'offrande et de conservation au sacré cœur de Jésus • 268 Union de Prières et de bonnes œuvres sous le patronage de St. Joseph 270 Une prière de Pie IX... 272 « # FIN DE DA TABLE. .*■ •vt ^