.\V-‘ 7 Petite Bibiiotheque des Peres et Meres de Famille. SERVA MANDATA r ez chretiens! La vie et ['education chretiennes. Le role de la religion dans I'education, Les ecoles- sans Dieu. LIIJ.I: GUA.MMOXT (UEUilQVK) \ j ADW |o33S" V/ ( ^ -; \ |. .T'. w;;^ . A fW- i fc) Petite Biblioth^que des P6res et M6res de Famille. Soyez chretiens! La vie et I’education chretiennes. ^ Le role de la religion dans I'education. Les ecoles sans Dieu. LILLE (nord) MaisoimBonLlTre. GRAMMONT (BELGIQUE) (EuvrefleSt-CHarles, ^ytv' iK~' — 3 IMPRIMATUR Mechliniae, i 3 Mail 1910. J. THYS, CAN., LIB. CENS. - Publications recommandees. Le Livpe du Catholique, d rigUse et dans la famille. Encyclopedic religieuse universelle^ tres uti- le a tous les fideles. Fort volume, grand in-18, d’environ goo pages, nombreuses gravures. Vaste somme du chretien, telle qu’il n*en a pas encore ete public jusqu’a present, comprenant ou resumant tout ce qui concerne la religion, I’apologetique, la morale, la liturgie, I’histoire religieuse, I’hagiographie, la vie chretienne, la piete, les ceremonies et prieres de I’Eglise, les cantiques, une direction pour chaque categoric de personnes, (enfants, jeunes gens, parents, etc.) — Veritable tresor des fideles, comme ce re- cueil contient un Paroissien, il peut leur tenir lieu de tous les autres livres de piete. Sous le regime de la Separation, on esti- me qu’il sera propage en France avec le plus grand avantage,, I’auteur ayant eu constamment en vue ce public special. « Vos livres de piete, ecrit unpretre, I’emportent, par leur cote prati- que, par leur adaptation aux besoins actuels de nos fideles, et, je dois I’ajouter, par leur extreme bon marche, sur tout ce qu'on peut trouver fen France ; mais votre Lwre du eatholique surpasse encore tous les autres. » Le jeune Apologiste de la religion. Reponses aux objections les plus rep’andnes. In-18. 3oo pages avec gravures. A I’heure qu’il est, cet ouvrage devient le vade-mecum indis- pensable des jeunes gens. Un eatholique devoue d la bonne Presse en a achete pour sa part plus de cinquante mille exem- plaires et il a propage avec un zele infatigable ce petit volume dans les Pensionnats, les ecoles, les maisons bourgeoises. S’il avait de nombreux imitateurs, on ne verrait plus tant de Chre- tiens incapables de fermer la bouche aux fanfarons d’impiete qui colportent partout les mfemes mensonges et les memes inepties contre la religion. ETC. Demancler le Catalogue. - Soyez chretiens ! I. ous craignons qu’un certain nombre de nos lecteurs ne s’etonnent d’un semblable conseil. Tons ceux qui veulent sincerement donner une education chvetienne a leurs enfants ( i) , com- ment pourraient-ils n’etre pas chretiens ? Oui, tons sont chretiens de nom ; nous ajouterons meme : tons peut-etre accompHs- sent materiellement les devoirs de la vie chretienne. Mais qu’il y a loin de la a avoir r esprit Chretien, a etre chretien de fait ! Or il est de la plus haute importance que les parents aient ce christianisme reel, effectif, car tout le succes de Teducation chretienne, de la bonne education depend de la. Suppo- sez im vrai et solide chretien, qui ne connaisse absolument rien des methodes d’education, il reussira parfaitement sans aucune methode, tandis que les autres, avec les meilleures me- (i) Ce qui est le cas de tous les lecteurs de cette Biblioth^que. 4 SOYEZ chr^:tikns. thodes du monde, n’aboutiront a aucun re- sultat serieux ni durable. lya raison en est bien simple. C’est toujours le vieux proverbe qui trouve son application : Nemo dat quod non habet : personne ne pent donner ce qu’il n’a pas. Celui qui ne possede pas le veritable esprit chretien, ne parviendra jamais a donner xme education chretienne a ses enfants. II pourra faire d’honnetes gens ; il ne fera pas des chretiens. L’ autre realisera par la pratique, par I’exemple, Tideal qui est dans son coeur. Posons-nous done une bonne fois la ques- tion : sommes-nous de vrais chretiens ? Posons-nous cette question : parce qu’il y a infiniment de chretiens qui ne sont pas de vrais chretiens et qui ont le plus grand interet a savoir ce qui leur manque pour le devenir ; 2° parce qu’aussi longtemps que nous ne serons pas de vrais chretiens, nous ne pourrons faire de bonne besogne en fait d’education chretienne. Ives illusions sous ce rapport sont incroya- bles ! Dans notre siecle ou Texterieur est tout, rinteriem: a peu pres rien, on mesure la valeur d’un chretien an nombre et a Timpor- tance de ses demonstrations religieuses. S’il va tons les dimanches a Teghse, e’est im bon chretien ; shl y va plusieurs fois la semaine, e’est un excellent chretien ; s’il y va tons les jours et qu’avec cela il communie frequem- ment, oh ! surement, e’est un saint ! SOYEZ CHRlfeTlENS. 5 Meme aux yeux de beaucoup de personnes pieuses, Tessence de la religion consiste a reci- ter un grand nombre de prieres, de chapelets et de litanies, a porter deux ou trois scapu- laires, a aller souvent en pelerinage, a assister a tons les sermons, a appartenir a diverses confreries, etc., etc. Kh bien, cette religion-la a un defaut tres grave, un defaut radical : c’est qu’elle ne vise que la surface. Et par suite, c’est seulement Tecorce de la religion, mais nullement la reli- gion elle-meme. Celui qui n’a que cela peut passer pour tres vertueux aux yeux des hommes ; mais il peut se faire qu’aux yeux de Dieu il ne soit pas un vrai chretien. Reflechissons un peu : n’est-ce pas par le coeur que nous nous mettons en rapport avec Dieu ? n’est-ce pas notre coeur qui a la faculte de se porter vers lui, et qui re9oit de lui toutes les graces ? C’est done notre coeur qui doit avant tout etre religieux et communiquer la religion a nos actes exterieurs. Nous avons beau nous observer pour etre graves dans no- tre maintien, prendre une posture recueillie, avoir tous les dehors de la vertu ; a quoi bon si, interieurement, nous nous Hvrons a mille pensees frivoles ou dangereuses ? Nous avons beau aller souvent a I’eghse ; a quoi bon, si, pendant que nous y sommes par la presence corporelle, notre esprit bat la cam- pagne et nous ne revons que vanites et plai- sirs ? En se bornant aux actes exteriems,on 6 SOYKZ chrettikns. n’a done qu’une fausse religion, une religion de mauvais aloi, de contrebande, si I'on ose s’exprimer ainsi ; et voila pourquoi les mon- dains se moquent si souvent de ces femmes qu’ils appellent « des devotes >> et qui malheu- reusement n’ont parfois d’autre piete que celle dont elles font exterieurement parade. « Ce sont des anges a I’eglise, disent-ils, et des diables a la maison. Ces femmes sont vaniteu- ses, jalouses, impatientes, susceptibles, gron- deuses ; elles dechirent la reputation du pro- chain ; elles sont a charge a leur mari et tour- mentent leurs domestiques. Apres lemrs pa- tenotres elles ne savent que tuer le temps chez elles ou dehors et elles ne valent pas mieux que celles qui ne vont pas a I’eghse. » Certes, ce sont la de fausses devotes dans toute la rigueur du terme ; de telles femmes ne sont meme nullement des chretiennes. Biles deshonorent la rehgion et la hvrent aux sarcasmes de I’impiete. Que faut-il done essentiellenient pour etre un vrai chretien, un disciple de J esus-Christ ? — Acquerir et.pratiquer les vertus que lui- meme nous a enseignees et dont il nous a donn^ I’exemple. Ces vertus constituent le fond meme du Christianisme et le Fils de Dieu en fait ime condition du salut. Pour la charite par exemple : « C’est a ce signe qu’on vous reconnaitra pour mes disciples : si vous vous aimez les uns lesautres ; » pour la mortification: « Si vous ne faites penitence, vous perirez SOYEZ chr^:tiens. / tons de la meme sorte ; » pour rhumilite : «Si vous ne devenez semblables a des enfants, vous n’entrerez point dans le royaume des cieux ; » etc. I^es vertus chretiennes sont done necessaires pour accomplir les preceptes du Sauveur ; elles le sont encore poiu: eviter les vices contraires : par exemple, un chretien qui ne pratique pas la douceur se laissera aller a des mouvements de colere ; celui qui n'est pas mortifie commettra bientot des ex- ces dans le boire ou le manger ; et ainsi des au- tres vertus ; et enfin parce que la resistance aux passions, et par consequent la perseve- rance, est impossible sans les vertus chretien- nes : il n^y a pas d’autre frein capable de mai- triser la nature corrompue et de reprimer ses convoitises. Notre ignorance a cet egard provient de ce que nous ne lisons pas Tb^vangile. Sans doute, les cantiques, les rosaires, les medailles, les processions, toutes ces choses exterieures sont excellentes et tres recommandables ; mais ne nous meprenons pas sur leur vrai caractere : ce sont des moyens de nous porter a Dieu, des manifestations de notre devouement a son egard ; ce n’est pas ce que J esus-Christ nous preche dans son l^vangile comme le point capital pour notre sanctification et notre salut. La grande affaire, e’est de songer a notre ame et de travailler sans cesse a devenir meilleurs, ce qui s’obtient par la pratique des vertus. On s’etonne parfois qu’un si grand nombre 8 SOYKZ CHRETIENS. de Chretiens abandonnent les principaux devoirs de la religion, tombent dans Tindifte- rence et Tincredulite. II n'y a rien d’etonnant a cela : ce malheur arrive parce qu’ils etaient chretiens de nom et pas de coein: et d’esprit, chretiens par quelques signes exte- rieirrs et pas par toutes les puissances de Ta- me ; en un mot, ce malheur arrive parce qu’ils ne possedaient pas les vertus chretiennes. Des lors, rien ne les attachait serieusement a la re- ligion, rien ne la leur faisait aimer, et il a suffi des perfides conseils d’lm camarade, ou de la lecture d’lm mauvais journal ou de Tentraine- ment de Texemple pour leur faire abandonner les pratiques pieuses de la jeunesse. Ne nous exposons pas a les suivre dans leurs tristes egarements. Soyons de vrais chretiens, et pour cela etudions les vertus que nous prescrit le saint E^vangile et faisons-en les actes toutes les fois que Toccasion s’en presente. II ne faut rien de plus, mais il ne faut non plus rien de moins. Nous allons done examiner successivement les vertus les plus importantes. I. — La vertu de religion. Disons d’abord que pour pratiquer les vertus chretiennes, et celle-ci tout specialement, une disposition est necessaire : e’est ceUe ou est le chretien d’agir selon les idees et les maximes de la foi, autre- ment dit, de voir Dieu dans tout ce qu’il fait, d’accomphr ce qui est bien parce que Dieu le soYEz chre:tikns. 9 . commande, d’eviter ce qui est mal, parce que Dieu le defend. On appelle cette disposition : esprit de foi. Que de personnes prient, travaillent, va- quent aux affaires, uniquement parce que, dans leur milieu, tout le monde le fait a tel moment ! On s’approche des Sacrements a certains jours, mais c’est par coutume, pour ne pas faire autrement que les autres. On as- siste aux offices pour un motif analogue. Qu’on change de residence et qu’on aille dans une localite ou la religion n'est pas pratiquee, on en negligera les devoirs. Puis, dans tout ce qu’on fait, on voit surtout son interet. Comment une telle maniere d’agir pourrait- elle etre agreable a Dieu ? Je fais tout pour moi, rien pour lui ; j’observe ses lois tant que je suis sous les yeux des autres, je les enfreins des que j’echappe a leurs regards ; en d’autres termes, je ne lui donne que ce que je ne puis pas lui refuser ; est-ce la lui rendre hommage ? est-ce repondre a ses desirs ? Une personne qui a 1’esprit de foi se com- porte tout autrement. Ce n’est pas I’interet qui I’inspire, c’est la conscience. Seule ou en presence du prochain, elle est egalement vertueuse, egalement fidele a tons ses devoirs. Meme lorsqu’elle a la certitude qu’ime faute resterait inaper9ue, elle se garde bien de la commettre, car ce qu’elle craint, ce n’est,pas I’oeil des hommes, c’est I’oeil de Dieu, dont le regard la suit partout et penetre jusqu’au plus lO SOYEZ chr^:tiens. intime de son ame. Bile prie avec autant d’attention et de recueillement dans le secret de sa chambre qu’a Teglise. Kile s’acquitte de tons ses devoirs, en quelque lieu qu’elle se trouve et sans aucune preoccupation de savoir si on la voit ou non. Nous disions done que cet esprit de foi doit sirrtout presider a la pratique de la premiere vertu chretienne que nous avons nommee : la vertu de religion. Cette vertu a pom: objet de nous faire grandement respecter les choses saintes, de nous porter a prier avec empressement, amour et ferveur. Ainsi d’abord, d Veglise : nous montrerons par notre attitude et notre recueillement que nous sommes dans la maison de Dieu. Ja- mais nous ne nous permettrons d’y causer, d’y rire, de nous y distraire et de distraire nos voisins ; ces legeretes dans le lieu saint seraient une injure a la Majeste divine. Kire un livre de piete, reciter le chapelet, mediter, telle doit etre notre occupation a Teglise. Cette meme vertu nous fera encore honorer et cherir les pratiques exterieures que la reli- gion nous recommande : le signe de la croix, Teau benite, les saintes images, etc. ; affec- tionnons-nous a toutes ces choses ; recourons a leur emploi avec confiance. Knfin, nous aurons interieurement et nous temoignerons en public une grande veneration pour N. S. P. le Pape, les P^veques, les SOYEZ chr^:tiens. 1 1 pretres, en qui nous verrons les representants vivants de Notre-Seigneur J esus-Christ. Nous accepterons volontiers leur direction, nous suivrons leurs conseils et nous serons inviola - blement attaches aux doctrines du Saint-Sie- ge, depositaire des verites religieuses. 2. —- L'humilite. I/’humilite est une vertu qui inspire arhomme de has sentiments de lui- meme et lui fait conformer sa conduite a ces sentiments, par consequent lui fait aimer les dernieres places, recevoir sans se plaindre les humiliations, etc. Dans le monde Thumilite est regardee comme ime lachete, une folie. Et pourtant i® elle est rigoureusement exigee par J esus-Christ, qui a dit : « Si vous ne deve- nez comme de petits enfants, vous n’entrerez pas dans le royaume des cieux que celui qui est le premier parmi vous devienne comme le serviteur des autres » ; 2° il est certain que rhumihte est la verite, la pure verite, vu que notre misere et notre impuissance eclatent a chaque instant ; 3° la raison elle-meme s’ac- corde avec la foi pom: nous convaincre que cette humihte est le fondement de la veritable vertu, le vrai moyen d’accomphr de grandes choses, d’entretenir la concorde avec le pro- chain, tandis que I’orgueil est la source de toutes les querelles et de tous les troubles. II faut pratiquer rhumihte en tout : dans les vetements, ne se preoccupant pas de s^ toilet- te d’une maniere exageree, evitant un luxe deplace ; dans son exterieur, n’ayant rien de 12 SOYKZ CHRETIENS. pretentieux ni d’arrogant ; dans les rapports avec le prochain, ne cherchant pas a se faire valoir, k rabaisser les autres, etc. ; dans les paroles et les pensees, n’ayant pas recours a de vaines excuses et ne se complaisant pas dans des idees presomptueuses ; etc. 3. — La douceur. La douceur est une vertu qui nous inspire des pensees de bonte, de bienveillance envers le prochain et nous fait reprimer les sentiments de vivacite et d’in- dignation. « Bienheureux ceux qui sont doux, a dit Jesus-Christ.... Apprenez de rnoi que je suis doux et humble de coem*. » « C’est encore la une vertu, remarque Silvia PelHco, que le monde meprise, comme indigne d’un grand caractere, mais le monde ne prouve par la que Tabsence de vraie generosite et rambition de paraitre meilleur que les autres. Les vertus d'humihte et de douceur ne donnent pas la gloire, mais elles Temportent sur toutes les gloires. » 4. — La mortification. La mortification est une vertu qui nous porte a reprimer la sen- suahte et a imposer, soit a notre esprit, soit a notre corps, certaines privations par un motif ^ surnaturel. Aucune vertu n’est plus meconnue de nos joiurs. Le sensuahsme a tout envahi et c’est rantipode de la mortification. Mais cela ne changera rien a la solennelle declara- tion dd Maitre : « Si quelqu'un veut venir apres moi, qu'il se renonce lui-meme, qu’il prenne sa croix et me suive. » La penitence. SOYEZ chr^:tikns. 13 c’est le fondement du Christianisme. Ne Ta- vons-nous pas trop oublie ? Rappelons-nous surtout et observons bien fidelement les grands preceptes de Tabstinence et du jeune, que FE^glise a sagement portes pour nous mettre dans la necessite de pratiquer la pe- nitence. Sachons apres cela nous commander a nous-memes dans les occasions journalieres qui se presentent de nous mortifier : souffrir le froid, le chaud, les intemperies des saisons, les indispositions physiques, les contretemps, etc. II y a mille choses dont on pent se priver, mille petits sacrifices qu’il est facile de faire dans le cours des actions ordinaires, par exemple : accepter les distractions qui plai- sent le plus a notre entourage au Heu de lui imposer celles qui sont de notre gout ; repri- mer notre cmiosite dans les sorties, les lec- tures, etc. ; nous interdire toute sensualite dans les repas, prendre un mets plus vulgaire quand on pourrait en choisir im autre plus friand, laisser une douceur, rm fruit, une boisson, ne jamais chercher les occasions de faire bonne there ; ne pas porter de vetements trop commodes ou chauds a Texces ; se lever de bon matin ; se coucher a une heure reglee, qui ne soit pas trop tardive ; enfin, retrancher en toutes choses ce qui est purement de luxe, en multiphant ces petites privations, qui, bien loin d'affaiblir le corps, Tendurcissent et le rendent plus vigoureux. 14 SOYEZ chr^:tiens. On pent encore plus facilement pratiquer le renoncement ou la mortification spirituelle. Quand, par exemple, Tavis du prochain con- tredit le notre, Taccepter neanmoins et faire taire notre amour-propre ; en conversation, ne pas defendre obstinement ses opinions, se rendre de bonne grace an sentiment d’autrui ; en un mot, triompher de ses inclinations et de ses repugnances, mortifier son jugement et sa volonte par esprit de penitence. 5. — La charite. Ce serait une grave erreur de s’imaginer que la charite consiste simple - ment a secourir les pauvres dans lems besoins. Telle est Fillusion de beaucoup de personnes du monde qui, pom le reste, se contentent de dire : « J’aime mon prochain, j’aime tons les hommes, » et croient avoir tout fait quand elles ont dit cela. L’apotre saint Jean nous donne au contraire cet avertissenient : « Ce n’est pas en paroles quhl faut aimer, c’est en reahte et par les oeuvres. » D'une maniere genepale, la regie du chris- tianisme est de faire aux autres ce que nous voudrions qu’on nous fit a nous-memes, et de ne pas lem faire ce que nous ne voudrions pas qu'ils nous fissent. Partant de ce principe, mettons-nous toujours a la place de ceux avec qui nous sommes en rapport, et pom nos pro- cedes a lem egard, recomons a ce petit raison- nement : « Serais-je content qu’on parlat, qu’on agit de la sorte envers moi ? Est-ce que je traite nies freres coninie je me traiterais SOYEZ chr^:tiens. 15 moi-meme ? » Nous pourrons suivre en toute securite la reponse de notre conscience ; elle sera conforme a ce que Dieu desire de nous. Pour descendre dans le detail, nous devons pratiquer la charite : Dans nos relations avec le prochain, nous comportant envers lui avec beaucoup de prevenance, d’egards, de douceur, evitant de rudoyer meme nos subalternes, de les apostropher avec hauteur et emportement, de letn* adresser des reproches humiliants, nous interdisant tout ce qui est inspire par la mau- vaise humeur on la colere. 2® Dans les actions. Que de petits services on pent rendre aux autres, soit dans Tordre materiel, soit dans Tordre moral ! Que d’oc- casions de lem: faire plaisir, de les obliger t Sachons saisir avec empressement ces occa- sions, et, a Texemple de ce prince dont parle rhistoire, regardons comme perdue la journee ou nous n’aurions pas fait quelque bien a Tun d’entre eux. 30 Dans les paroles. Da medisance est de- venue une chose si naturelle dans notre siecle d’egoisme qu’on ne pent manquer d’entendre souvent des discoiurs contraires a la charite. Pour etre veritablement chretien, on doit reagir contre cet esprit et smtout ne jamais dire soi-meme du mal des autres, ne pas pubher leurs defauts, ne pas les accuser de fautes imaginaires ou reelles ; ne pas se per- mettre ces railleries ameres, ces plaisanteries i6 * soYEz chre:tikns. blessantes, ou encore ces tracasseries, si fre- quentes dans le monde. 40 Dans \es pensees et les sentiments. Done, point de soup9ons, de mefiance, de jugements defavorables. Point d’aigreur, de froideur, d’antipathie, de rancune, de projets de ven- geance. De ‘christianisme demande que nous pardonnions du fond du coeur aux personnes qui nous ont manque et que nous oubliions leurs torts. 50 Bn dernier lieu, rendre au prochain des services spirituels. Le plus important est Tedi- fication, le bon exemple. Puis, prier pour nos freres, leur dormer de bons conseils, les ex- horter surtout, en cas de maladie grave, a recevoirdebonne heure les derniers sacrements. 6. — La purete. Cette vertu est le plus pre- cieux tresor du chretien ; elle a un charme inexprimable qui captive les coeurs et lem: fait gouter une joie d’une douceur infinie. Bt e’est precisement parce qu’ils ne Tout pas compris, parce que meme ils s’imaginent tout le contraire, que tant d’infortimes se laissent entrainer hors de la bonne voie : ils se per- suadent faussement que le bonheur consiste a ceder aux passions mauvaises, tandis qu’on ne trouve de paix, de repos, de contente- ment, de veritable satisfaction qu’en leur^ resistant. Mais, smtout, la purete est im gage du salut eternel : « Bienheiureux ceux qui ont le coeur pur, dit J esus-Christ, parce qu’ils verront Dieu. » SOYEZ chr^:tiens. 17 La purete etant une vertu si excellente, nous ne devons rieti negliger pour la conser- ver. II faut surtout pour cela : la crainte de Dieu, qui ne pent souffrir rien d’impur ; 20 la fuite des occasions, car c’est en les fuyant qu’on conserve la vertu intacte ; 3° la resis- tance immediate aux tentations, condition essentielle pour triompher du demon ; 40 la penitence et le travail, la priere et la frequen- tation des sacrements : preservatifs indispen- sables sans lesquels on tombera tot on tard dans le peche ! II y a bien d’autres vertus evangeliques dont il nous resterait a parler : Tobeissan- ce, la patience, la sincerite, la reconnaissance, etc., mais ne pouvant entrer ici dans le detail, nous invitons nos lecteurs a consulter un petit traite quelconque sur la matiere. Si seu- lement on veut Hre avec attention, puis reHre frequemment, le saint LJvangile, on y trouve- ra tout ce qu’il est vraiment necessaire de connaitre a cet egard. La grande affaire est d'en venir a la pratique, par conseqfuent d’accompHr les actes des vertus que Jesus- Christ nous a enseignees et ^extirpev de notre coeur les defauts qui leur sont contraires. C’est par la qu’on peut esperer, et ferme- ment esperer, devenir im chretien serieux et par consequent capable de rempHr chre- tiennement la mission d'educateur. Pour penetrer plus avant dans cette pra- i8 soYEz chre:tiens. % tique de la vie chretienne si necessaire aux parents, nous les engageons vivement a lire le petit volume intitule Dieu dans la famille, qui leur revelera tous les secrets de cette ex- istence religieuse et sanctifiante, grace a la- quelle on devient parfaitement apte a elever chretiennement les enfants. Les quelques lignes suivantes de la preface marquent d’une maniere tres nette Timmense distance qui existe entre les catholiques ordinaires, et ces vrais enfants de Dieu et de Tlfeglise, tout pleins de Tesprit de J esus-Christ et vivant de sa vie. » La maniere de vivre de la plupart des Chre- tiens contemporains ne differe presque pas de celle des gens sans rehgion. On se laisse enva- hir par le naturahsme ; on se persuade que la pensee et le service de Dieu se restreignent aux courtes stations hebdomadaires a I’egHse, ou tout simplement a une messe le dhnanche et aux paques. Bn dehors de la, c'est absolu- ment comme si Dieu n’existait pas et qu'on n'eut aucim devoir a remphr a son egard : c’est le lai’cisme complet dans les affaires, les relations, la vie pubhque et la vie privee. » Monstrueuse erreur, qui ne tend a rien moins qu’a la destruction de la foi, a I’anean- tissement de la rehgion. Un chretien doit etre chretien en tout, partout et toujours. Le jour, la nuit, dans sa maison et au dehors, au repos et au travail, dans les affaires et les divertissements, seul ou en societe, il faut SOYKZ chr^:tiens. 19 qu’il pense et qu’il agisse dans la dependance de Dieu et en conformite avec les preceptes de J esus-Christ. Se conduire autrement, c’est tomber dans une honteuse hypocrisie ou se tromper soi-meme... » Iv’auteur du Renouvellement dans la vie chretienne n’est pas moins precis lorsqu’il parle de Fabsolue necessite d’une reforme au sein de la famille pour assurer la bonne et chre- tienne education des enfants. Ses sages ins- tructions demandent a etre meditees et sur- tout rnises en pratique. « Helas ! s’ecrie-t-il, que voyons-nous au- jourd’hui? Un deluge d’abus, de mechantes in- novations, d’usages vicieux, qui pervertissent les families et preparent a la societe des maux efEroyables ! Les signaler, c’est manifeste- ment un devoir pour quiconque ecrit en vue de faire quelque bien a ses freres et de defen- dre la cause de la morale publique. » Le principe de tous ces maux, c’est que la foi s’affaiblit et s’eteint. On perd de vue les ve- rites capitales d’un bonheur etemel ou de supplices eternels, les fins dernieres et leurs terribles consequences. On a I’air de s’imagi- ner qu’en ne pensant plus a tout cela, on I’an- nule, on en supprime 1’existence ! Aberration inqualifiable dont les partisans seront les malheureuses victimes. Par suite de ces tris- tes prejuges, oubliant 1’autre vie, on ne songe plus qu’a celle-ci ; on ne cherche que le bien- etre ; on se laisse guider par la vie des sens. 20 SOYKZ CHR^:XIENS. » De la ce refroidissement de Vaffection, qui ne pent etre perseverante sans le sacrifice et qui va parfois jusqu’a Thorrible divorce ; cet- te diminution du nomhre des enfants, qui a de si lamentables consequences ; cette fai- hlesse dans les parents qui, erigeant Tenfant en idole, ne savent plus exercer Tautorite ; cet esprit d'independance dans Venfant lui-meme ; cette mollesse, ce sensualisme enervant, dans reducation ; ces divisions entre freres, au sujet des interets materiels qu’on a mis au-dessus de tout ; ces changements perpetuels et cette absence d'attachement dans les rapports entre maitres et serviteurs.,, » Voila, dans la famille, quelques fruits de ces affreuses tendances. Outre ces maux, il faudrait en enumerer bien d’autres, ayant plus ou moins d’afiinite avec ceux-la. Tels, rinsouciance pour les traditions des ancetres, ^ le mauvais exemple de la part du pere quant aux devoirs religieux, Timprudence odieuse qui lui fait introduire au foyer des publica- tions impies ou immorales, et qui donne aux enfants le triste droit de repeter le mot de saint Cyprien : « Nos parents ont ete nos bour- reaux ! » » A ces causes interieures de desorganisa- tion s’unissent encore, poru les aggraver, des causes exterieures ; notamment cette tendan- ce a rinstabilite, au deplacement, qui a pour effet de relacher de plus en plus les liens sacres de la famille, car elle vit essentiellement de soYKz chre:tiens. 21 traditions et de stabilite, et cette transfor- mation dans les usages materials, par les in- ventions continuelles de Tindustrie, en meme temps que la folie du luxe. » Sous I’influence de toutes ces causes, Tidee qui domine dans la famille, Tesprit qui resume ses tendances est devenu un esprit essentiel- lement anti-chretien, esprit de cupidite, d’am- bition, de jouissance sans retenue. Telle est ratmosphere deplorable que la famille fait respirer a tous ses membres et qui les eloigne toujours davantage de la vie chretienne. On ne pent le dire qu'avec un coeur profondement navre : etabhe par Dieu pour etre Tecole de la vertu, la famille parait presque devenue impuissante a I’enseigner ; sauf de rares ex- ceptions, ce qu'elle enseigne, c'est la vanite ou le vice. II n’est pas un esprit serieux qui ne soit frappe de cette decadence lamentable de la famille : elle semble atteinte plus encore que rindividu : on dirait ime dissolution uni- verselle. » Toutefois, si le mal est immense, la bonte de Dieu nous offre toujours un remede. Le diffi- cile, c’est qu’il soit employe. Mais en definiti- ve, cela depend de notre bonne volonte, aidee de la grace. Puisqu’il le faut, mettons-nous done resolument a Toeuvre, en comptant sur ce secours qui ne nous sera point refuse. » Le remede, ce sera de travailler a detruire resprit anti-chretien qui regne dans la famille et a le remplacer par Tesprit contraire, qui. 7 7 SOYEZ CHRE^TIEXS. aya.nt la foi pour base, fait predominer sur tout le reste la pensee de la fin celeste, et pre- munit les ames contre la triple convoitise, qui nous en detoume. » Pour preciser davantage, le remede, ce sera la pratique de la religion domestique, ex- pression naturelle et gardienne de 1’esprit Chretien ; et pour y arriver, la priere faite en commun par tous, serviteurs compris, la prie- re du soir au moins, a laquelle il est fort utile de joindre le chapelet et une lecture dans rp^vangile on dans la Me des saints ; — puis le retablissement a une place d’honneur du Crucifix et de Timage de la Sainte Yierge, qu’on relegue trop souvent dans un endroit ecarte ou qu’on supprime tout a fait. Le re- mede, ce sera encore le retour a I’estime de la tradition des ancetres et aux usages qui peuvent la raviver ( i) . Ce sera surtout avant"^ le manage, qui est rorigine de la famille, le soin de se conserver dans une jeunesse pure ; puis, le moment venu, la fidelite a consulter Dieu sur le choix de cet etat lui-meme et sur celui de la personne avec qui Ton desire en partager les devoirs ; enfin, apres le manage. (i) Nous avons public les pages les plus pratiques du Eivre de raison d’un chretien de ^deille roche, Antoine de Courtois, dans plusieurs opuscules : Le honheur pour tous, Soyez heu- reux, etc. Ea meditation de ces admirables regies de la vie de famille, telle que la concevaient nos ancetres, suffirait a elle seule pour regenerer la famille et la societe ; I’innocence. la paix, le bonheur renaitraient avec la tranche acceptation d’un tel programme. soYEz chr^:tiens. 23 le fidele accomplissement des devoirs de Tetat qu’il a inaugure. » Le remede, ce sera le retour a la simplici- te dans Tensemble des habitudes, en renon- 9ant a ce luxe maudit qui rend impossible reducation d’une famille et fait qu’on se trouve tonjours dans la gene, quels que soient les revenus ; la simphcite qui, par Tepargne, est la sauvegarde du patrimoine, et qui per- met de prelever largement sur lui la sainte part du pauvre. » De quelle importance est pour la famille, pour sa vie sous tous rapports, ce patrimoine que notre luxe insense ne sait plus amasser ou dissipe ! « La propriete de la famille, disait » eloquemment le P. Felix, le patrimoine, » qu’est-ce, sinon le culte des ancetres et » ramour des enfants, le culte et Tamour de la » famille elle-meme se transmettant avec la » terre qui le porte ?... Cest le sacrifice des peres devenu pour les enfants le pain de » chaque jour ; c’est leur amour se perpetuant » dans leurs bienfaits ; la terre qui garde la » trace de leurs pas le sol affermi par les » aieux qui s’en vont, sous les pieds de la posterity qui s’eleve en les benissant c'est la tradition encore ; ce n’en est que » relement materiel ; mais sans celui-la, les » autres se soutiennent difiicilement ; et la » famille est bientot dispersee aux souffles du » temps. » » Si beaucoup de parents aiment aujour- •24 soYKz chre:tiens. •d’hui leurs enfants d’une maniere immoderee, un grand nombre pourtant ne savent plus re- noncer a rien pour leur assurer par Tepargne une dot ou un heritage ; et de la sorte, on pent dire a la fois qu’ils les aiment trop et qu'ils ne les aiment point. Ces deux tendances ne sont- elles pas contradictoires ? Non, dans la rea- lite, car cet amour desordonne pour Tenfant est an fond un amour egoiste et toutes deux ont leur source dans I’entrainement aveugle qui ne connait que la jouissance du moment. » Le remede, ce sera encore le retour a cette conviction que les families nombreuses sont une benediction du Ciel, et I’horreur des pra- tiques infames que reprouvent la nature et la rehgion. Le sens hmnain porte a s’inquieter des charges qui resultent du grand nombre d’enfants ; mais Th^vangile defend ce qui se- rait a cet egard une inquietude serieuse : « Ne » soyez point inquiets en disant : Que mange- »> rons-nous et comment nous vetirons-nous ? . . » Votre Pere celeste sait que vous avez besoin » de ces choses. » » Oui, Dieu protege d’une maniere visible les families nombreuses, si elks marchent dans la vertu ; et le fait qu’elles sont nom- breuses favorise leur bonne conduite : car il porte au travail, a Tepargne, a Tesprit d'or- dre ; il detourne des recherches du luxe et de la sensuahte ; il rend plus facile et plus com- plete reducation des enfants. Les egarements d’un fils unique ont ruine plus de families que 25c ' SOYKZ CHRETIENS. le grand nombre des enfants ; et que de fois la mort prematuree de cet unique descendant est venue, par une severe le9on de la Provi- dence, infliger aux parents, poinr toute leur vie, une douleur amere ! Ceux qui ont une posterite nombreuse ne sont-ils pas plus- assures d’etre entoures dans leur vieillesse, et le frere qui s’appuie sur de nombreux freres ne trouve-t-il pas dans cette uniorr une force pour les epreuves de la vie ? » Je ne sais ce que deviendront mes en- » fants, ecrivait le general de Sonis, — et il en » a eu douze ; — je crois fermement que Dieu » leur donnera du pain ; mais je ne suis preoc- » cupe que de les voir fideles au Seigneur et » aux traditions que je leur laisserai. » Pour- tant,‘ il ecrivait aussi : « Je n’ai aucime fortu- » ne, rien absolument, en dehors de mon trai- » tement ; » et ce traitement, il le sacrifiait,, donnant sa demission lors des decrets qui ex- pulserent les religieux, en 1880. Voila un no- ble exemple de la vraie confiance en Dieu. » Penetrons-nous bien de toutes ces grandes pensees, de ces sages enseignements. Kn me- ditant les premieres, en nous conformant aux seconds, nous deviendrons de vrais chre- tiens, nous serous murs pour la grande oeuvre de reducation selon Dieu. II. L orsquE nous disons aux parents ; « Soyez Chretiens », cette grande regie embrasse quatre objets principaux : lo Soyez Chretiens, vous personnellement, et vivez en chretiens, parce que, pour faire des Chretiens, il faut Tetre soi-meme. C'est ce que nous avons cherche a etablir dans le premier chapitre, en exposant les moyens d’acquerir le veritable esprit et de mener la vraie vie du Christianisme. 2^ Ive second objet concerne le choix de la Maison a laquelle on doit cohfier les enfants pour leur instruction. C’est la im point si capi- tal dans la famille qu’il est impossible a des parents d’etre chretiens, s’ils optent pour un ^^tablissement qui n’est pas Chretien. Cette question du choix de I’ecole fera 1’objet de ce .second chapitre, qui doit traiter aussi de I’e- ducation famihale, preparatoire a I’ecole. 30 Le troisieme objet dont nous avons a nous occuper c’est 1’education chretienne des enfants dans son ensemble, oeuvre subhme qui nous incombe a nous-memes et qui, nous ravons dit deja, sera plus ou moins parfaite selon que nous serons plus ou moins chretiens. Si nous le sommes d’xme fa9on complete, sou- lenue, irreprochable, 1’education de nos en- tants ne laissera non plus rien a desirer en tant qu’education chretienne. La demons- SOYKZ chr^:tiens. 27 tration de cette verite, la necessite de T ele- ment religievix pour toute bonne education, les moyens a prendre pour assurer le succes de nos efforts, ce sera la matiere du troisieme chapitre de ce petit traite. J amais, a aucime epoque, dans aucun pays, le choix de I’ecole n’a ete d’lme aussi grave importance que dans le notre a Theure qu’il est. C’est un devoir qui prime tout. Peres et meres, n’est-il pas vrai que toutes les voix, celle de votre pasteur comme celles de votre P^veque et du Souverain Pontife, ne cessent de vous le rappeler ? « Iv’education de Ten- fant, ecrit Ivamennais, appartient de droit na- turel an pere, parce que Tenfant, durant le premier age, n’appartient qu'a la famille. Le pere doit pourvoir a Teducation de son fils, comme il doit pourvoir a ses autres be- soins, selon le genre de vie auquel sa naissance le destine, selon la condition, les vues et Tin- teret de la famille. Ce devoir du pere, devoir sacre, imprescriptible, est le fondement de la puissance paternelle, qui a precede toute autre puissance, hormis celle de Dieu dont elle derive. Les legislations humaines peuvent violer les droits de cette puissance ; car I’liom- me, etre libre, a le triste pouvoir de troubler bordre etabli de Dieu ; mais elles ne sauraient en aneantir bessence ; elles ne sauraient affranchir le pere d'un devoir que la nature lui impose; elles ne sauraient legiti- 28 soYEz chre:tiens. mement renverser la base de toute societe. » Oui, peres et meres, vous devez Feduca- tion a VOS enfants, non pas ime education quelconque, mais ime education en rapport avec leur caractere et leur destinee de Chre- tiens. J esus-Christ doit done en etre le centre et comme le pivot ; tout ce qu’on lem ensei- gne doit partir de lui pour revenir a lui. Bn vous pla9ant a ce point de vue, qui est le seul vrai, le seul conforme a la doctrine catho- lique, vous sentirez toute Thorreur que doi- vent nous inspirer les ecoles sans Dieu, les li- vres condamnes par Th^ghse, et ces mille in- ventions de I’impiete moderne pour perdre ou corrompre la jeunesse. Ce sujet est trop important pour que nous n’insistions pas sur la question capitale des ecoles sans Dieu. « II faut choisir et bien choisir, disait deja au siecle precedent M. MuUois, Tecole et le maitre auquel vous confierez votre enfant. Ignorez-vous que ce maitre devient un autre vous-meme, et que vous le chargez de former en meme temps Tame et Tintelligence du cher enfant ? Non seulement il devient votre egal, mais il vous devient superieur dans Fesprit de votre enfant, par la continuite de ses le- 90ns, par sa science, par son habilete a pene- trer dans cette jeime intelligence, par Fexem- ple qui entraine, de sorte qu’il ne faut plus di- re : « Tel pere, tel fils, » mais « Tel maitre, tel » eleve ! » SOYEZ chr^:tiens. 29 » Or vous voulez conserver a votre enfant les traditions d’honneur, de religion, de vertus que vous avez re9ues de vos peres : choisissez done un maitre honorable, rehgieux, ver- tueux, sous peine de voir ces tresors incom- parables, et que rien ne peut remplacer, enle- ves a VOS enfants. » J’ai connu un jeune homme que ses pa- rents aveugles avaient eu le malheur de placer dans un mauvais college. Je fis, pour les en- gager a changer d’etabhssement, tons les ef- forts que permettait la prudence, j’allai meme peut-etre au-dela. On fit la sourde oreille, on me dit que tout le monde n’etait pas de mon avis.... J’ai eu la douleur de voir ce malheu- reux jeune homme devenir la desolation de sa famille. » Vous voulez que vos enfants respectent un jour vos cheveux blancs, qu’ils soient vos batons de vieillesse, donnez-leur un maitre qui leur apprenne d’abord a respecter le grand Maitre du del et de la terre, a lui obeir, a pratiquer les commandements qu’il nous a imposes. N’oubhez pas que Tinstruction est Tarme qui donne le plus de force et de puis- sance a celui qui la possede, soit pour le bien, soit pour le mal. Vous n’aurez done pas le droit de vous plaindre un join*, quand votre fils ou votre fille vous fera verser des larmes ameres, si vous avez eu le malheur, trop sou- vent irreparable, de les jeter entre les mains d’un maitre impie ou indifferent. Vous avez 30 soYEz chre:tiens. plante un mauvais arbre, vous aurez de mau- vais fruits ; vous avez seme une mauvaise se- mence, vous recolterez de I’ivraie. » Dans les pays vraiment chretiens, les pe- res et meres se soumettent aux plus grands sacrifices pour procurer a leius enfants des maitres religieux. Ils ne veulent pas voir a leur table, dans leur maison, «im petit mon- sieur » qui viendra repeter des paradoxes im- pies ou des exemples scandaleux, troubler le repos de la famille, empoisonner lerus vieux jours, et ensuite faire le malheur de son epou- se et de ses enfants ! Voila pourtant les suites necessaires d’une mauvaise instruction.... » De choix d’une ecole chretienne n’est pas seulement un conseil, c’est im grave devoir pour tous les parents : il vaudrait mille fois mieux laisser leurs enfants sans instruction, que de leur apprendre a oublier Dieu, leur salut et lem eternite. » Helas ! combien ces sages le9ons sont peu observees ! Nul n’ignore que la fermeture d’lme multitude d’ecoles chretiennes en Fran- ce est im des maux les plus terribles qui se soient abattus sui elle en ces derniers temps ; mais combien il est triste de voir qu’im grand nombre de peres et de meres en ont philoso- phiquement pris leur parti ! « Il nous reste, disent-ils, les ecoles publiques, elles suffi- sent.... Dfinstruction y est aussi bonne et a meilleur marche ; quant a I’enseignement re- ligieux, les pretres continueront de le donner SOYEZ CHR^CTIENS. 31 au catechisme, et c’est Tessentiel. » Ainsi parlent des gens abuses et tons ceux qui n’ont pas souftert de Tecole laique pour eux-memes ou pour leurs enfants, — tous ceux enfin pour lesquels le college ou le pensionnat n'est pas autre chose qu’une usine preparatoire au bac- calaureat ou au brevet. Peres et meres de famille, vous confiez vo- tre enfant aux maitres ou maitresses de votre chob^ pour qu’ils leur enseignent les sciences humaines, c’est vrai, mais aussi et surtout pour quhls continuent votre oeuvre educatri- ce, pour qu’ils vous fassent des jeunes gens ou des jeunes filles vertueux et bien eleves. N’est-ce pas la avant tout ce que vous desirez dans votre amour pour ces chers enfants ? Kh bien ! a Vecole puhlique laique, telle qu’elle est actuellement organisee — Dieu etant raye des programmes — on ne donne pas reducation ! Ce n’est pas medisance de le dire, car c’est la ime verite universelle, re- connue des plus ardents laicisateurs eux- memes. Cette education, le pretre ne pent la donner convenablement au catechisme, car il est en relations avec vos enfants a de trop rares et de trop comrts instants. Vous ne pouvez faire seuls cette education. Lors meme que vous essaieriez de la continuer au foyer domestique entre les heures de classe, le contact journaher de compagnons quelcon- ques sous un maitre indifferent, I’influence 32 soYEz chke:tiexs. des livres neutres, sinon irreligieux, rendront votre action presque necessairement inefficace et inutile. Seuls, Tecole chretienne, le college chretien, le pensionnat chretien, en meme temps qu’ils distribuent la science, donnent la vraie, solide et tonne education, parce que seuls ils ap- puient leurs legons snr Dieu, ils enseignent la morale parfaite, la morale chretienne. I/a conclusion est facile a tirer : Puisque vous aimez vos enfants, que vous les voulez bons, vertueux et bien eleves, capables en un mot d’etre plus tard votre honneur, votre joie et votre consolation, confiez-les a des maitres Chretiens. An prix des plus penibles sacrifices, en depit des plus grandes difficultes, malgre les promesses, les menaces et les sollicitations qui vous sont faites, faites elever vos enfants dans les ecoles chretiennes, ou, quoi qu’on en dise, on donneime instruction equivalente, et de plus une education morale, qu’on ne trouve nulle part ailleurs. Aux parents qui ne seraient pas encore con- vaincus de I’importance capitale qu’il y a de nos jours a ne pas envoyer les enfants dans les ecoles sans Dieu, nous dirions : De grace, lisez done une des brochures pubhees sur ces af- freuses ecoles ! ( i) Renseignez-vous par les rapports officiels, les statistiques, etc., smr, le nombre de precoces criminels qui sortent de (i) Entre autres : Les ecoles sans Dieu par Bonnot; Telle ecole, tel citoyen, (Petite Biblioth^que chretienne), etc. SOYEZ chr^:tiens. 33 ces Maisons ! Nous ne pouvons reproduire ici des temoignages tout a la fois si nombreux et si decisifs ; qu’on nous permette du moins de citer un nom. Nous n’irons pas le chercher parmi les eveques, mais parmi les libres pen- seiu*s de bonne foi. « Je veux sincerement, declare Victor Hu- go, je dis plus, je veux ardemment, I’ensei- gnement reHgieux, et I’enseignement reli- gieux de TElglise... » On devrait trainer devant les trihunaux les parents qui envoient leurs enfants dans les ecoles sur les portes desquelles il est ecrit : « Ici on n'enseigne pas la religion. » Ce qui trompe les parents, c’est ce nom d’ecole neutre qu'on donne aux ecoles athees. Ou’ils lisent done encore une fois un des livres publics sur ce grave sujet, et ils verront que ces ecoles neutres sont ou deviennent force- ment des ecoles d’irreligion, des foyers d’athe- isme. Qu’on lise egalement les conseils que donne une revue pedagogique a Tusage des maitres enseignant dans les ecoles, VAction scolaire : le coeur se souleve de degout, Tame ne pent contenir son indignation devant les audaces impies du redacteur. « Quand les enfants, dit-il quelque part, reviennent de Te- glise, quelques minutes sufiiront pour anean- tir les ravages causes dans lem esprit par la le9on du catechisme. Le maitre les interrogera sans en avoir Tair, et il leur montrera que le cure est un mentern: ! » • t f . Soyez Chretien. 2 34 SOYEZ CHRETriEXS. \^os maitres des ecoles laiques et publiques, voila a quelle ecole eux-memes ils vont s’ins- truire ! L’experience a ete faite, respectivement a la France, d'une fa9on tellement decisive qu'il ne saurait plus rester le moindre doute a cet egard. « L'ecole sans Dieu a fait banqueroute, s’eerie tres justement un publiciste catho- lique : Banqueroute e-ffrayante, car les jour- naux de nos adversaires sont eux-memes obliges de la constater : « La generation for- mee a l’E)cole laique m’epouvante, ecrit Tun d’eux ; je sens venir un dechainement de bar- barie. » Banqueroute hideuse^ proclamee par M. Adolphe Guillot, juge d’instruction a Paris : « II ne pent echapper a aucun homme sincere, quelles que soient ses opinions, que I’efirayante augmentation de la criminalite chez les jeimes gens a Concorde avec le chan- gement apporte dans 1’organisation de I’en- seignement (laicisation) . Ce doit etre, pour ceux qui ont cru trouver le progres dans cette voie nouvelle, im lourd souci que de voir la jeune generation se distinguer par sa perver- site brutale. » Banqueroute sociale, car, dit encore M. Guillot, «en meme temps que I’ideal religieux, tout autre ideal a disparu : les sans- patrie sont de meme souche que les sans- Dieu..., et si le mal n’est pas plus grand, e’est grace aux ecoles hbres catholiques qui ont conserve a la France un noyau d’hommes craignant et servant Dieu. » Banqueroute SOYKZ CHR]feTlENS. 35 epouvantahle, constatee par M. Bonjean, juge au tribunal de la Seine : « La France s’en va aux abimes... L’education irreligieuse est evi- demment le principal facteur de cette dege- nerescence. » Banqueroute sans precedent, pro- clamee par les statistiques du ministere pu- blic de la Seine : «Sur cent enfants qui ont comparu devant le tribunal, onze sortent des ecoles catholiques, quatre-vingt-neuf sortent des ecoles laiques. » Banqueroute avouee, par M. Buisson, ce protestant qui, pendant trente ans, a poursuivi Toeuvre si nefaste de la laici- sation. Naguere Buisson lui-meme, consti- tuant un Comite pour une ecole de preserva- tion, appelait dans ce comite « des personnes d’esprit et de costume religieux. » Banqueroute confessee par des centaines de rapports ofii- ciels, emanant des inspecteurs de Tenseigne- ment primaire, lesquels proclament que Ten- seignement moral n’existe pas dans les ecoles, qu’il y est sterile, derisoire, insignifiant. « Ces le9ons de morale, dit I’un d’eux, sont de pales contrefa9ons des prones des cures : c’est gro- tesque, declamatoire, banal. » « Mes eleves, dit im autre, sont plus dissipes et plus galo- pins apres la le9on de morale qu’avant. » Voila comment la morale athee est jugee par ses professeurs. II faudrait voir mainte- nant les fruits qu’elle porte ! « Les crimes ont monte de huit mille a vingt mille, » ecrit un juge d'instruction ; les moeurs de la jeunesse sont d’une licence effrenee ; les scandales don- 36 SOYEZ chr^:tiens. nes par les enfants de ces ecoles epouvantent les impies eux-memes. I^es convenances ne permettent pas d’exposer ici des desordres aussi revoltants ; que serait-ce s’il fallait enu- merer les assassinats, les suicides et tant d'au- tres crimes commis par des enfants et des adolescents ! Sur vingt-six mille malfaiteurs arretes a Paris en une annee, seize mille n'a- vaient pas vingt ans : « Les plus grands crimes sont commis par lesjeunesFran9ais,»avouait tristement ravocat-general Cruppi. Rien d’etrange a cela : un enfant qui ne craint pas Dieil n’ecoute que ses passions ardentes ; il •est capable de tout. Nous devons ajouter ici, ou plus exacte- ment rappeler, que I’instruction donnee hors de la maison ne saurait suffire : il faut de toute necessity qu’elle soit completee par Teduca- tion familiale. Si done I’instruction donnee au college ou a I’ecole doit etre foncierement chretienne, a bien plus forte raison, celle que recevra Tenfant au foyer domestique. « Faites des savants de vos enfants, j'y con- sens, dit J ules Simon, mais faites-les croyants et vaillants. Qu’ils sachent que la vie leur est donnee pour servir Thumanite et la patrie et accompHr le devoir, a tous risques et a tout prix, sous Toeil de Dieu. » « Il ne suffit pas au pere et a la mere, — de- clarait dans une circonstance solennelle un eminent magistrat, — d’envoyer leurs enfants SOYEZ chr^:tiens. 37 a Tecole pour se croire quittes envers eux ; la partie la plus importante du role que leur a confie la Providence a pour theatre la fa- mille. C’est la, c’est au foyer domestique, pen- dant les repas, pendant les longues veilles de rhiver, au milieu des promenades du diman- che, qu'im pere et ime mere, dignes de ce nom, inspirent a leurs enfants, par leurs conseils, et surtout par leurs exemples, le gout du tra- vail et I’amour du bien. C^est la, et la seule- mei^t, quhls peuvent former le coeur de leur enfant, orner sa jeune ame de ces precieuses et ineffables croyances, qui lui seront d'lm si grand secours toute sa vie. » On se plaint du relachement des liens de la famille, on crie a Fingratitude des enfants, a leur indifference les uns pour les autres ; comment pourrait-il en etre autrement ?... Si yotre foyer ne lem rappelle rien de ces mille joies du jeime age, si le temps qu’ils ont passe avec vous n^est marque dans lem: esprit que pay des souvenirs indifferents, quelquefois meme penibles, comment voulez-vous qu'ils desirent s^en rapprocher ? » Si, tandis que des maitres chretiens s’ef- forcent d^inculquer tous les bons principes a ces jeunes intelHgences, vous soufflez sur dies le vent de TincrMuhte, comment s’eton- ner que ces jexmes tiges, fletries dans leur ra- cine, produisent de mauvais fruits ? II faut le dire bien haut, ce malaise que tout le monde signale et qui mine sourdement notre societe ; 38 SOYKZ chr§:tikns. ce trouble profond qui, depuis plus de cin- quante ans, agite notre pays et le promene de revolutions en revolutions, ne laissant sur sa route que des ruines, tout cela decoule d'une cause, une seule, — Tabsence de foi religieuse ! » I^a religion etait la, connne une sentinelle vigilante, barrant le chemin a chacune de nos mauvaises passions : on a essaye de la miner dans resprit du peuple, et pour cela on a de- verse la calomnie et les injures sur chacun de ses ministres. » La religion nous apprenait a nous conten- ter de notre sort, a supporter reciproquement nos defauts, a nous entr'aider, a nous secourir, a nous aimer ; elle nous apprenait a conside- rer la vie presente comme une comrte etape sur le chemin du ciel, notre derniere et com- mune patrie ; elle nous donnait la force de supporter courageusement les epreuves et les miseres de Texistence, et voila que de pre- tendus sages sont venus nous dire : « Tout » meurt avec Thomme, il n'y a rien au dela du tombeau. » » Au malheureux courbe tout le join: sous le fardeau du travail, a Thiunble artisan qui se consolait de sa misere presente en jetant un regard d'espoir sur un coin du ciel bleu entre- vu par hetroite fenetre de sa mansarde ou de son atelier ; au malade sans remede, a Tor- phelin sans famille, au proscrit sans asile, a la mere en deuil de son enfant, on est venu SOYKZ chr^:tikns. 39 crier : « Desespere et meurs ! il n'y a de vrai » que le neant. » Et Ton s’etonne apres cela que des idees de haine aient germe dans les masses, que le pauvre porte envie aux ri- ches, etc ?... » Ee bonheur, dites-vous, c’est le but de la vie ; eh bien, le meilleur chemin pour attein- dre ce bonheur, c’est la pratique de toutes les vertus chretiennes, c’est la mise en action de cette magnifique parole : « Aimez-vous les uns les autres ! ( i) » Nous pensons qu’il n’est aucun de nos lec- teurs qui, en ce XX® siecle, soit encore parti- san de reducation «a la Jean-Jacques, » si fort a la mode vers la fin du XVII®, education qui consiste a soustraire 1’enfant a toute idee de religion, a tout principe de morale, pour le laisser entierement livre a la vie naturelle. S’il en etait un cependant, nous nous bornerions a confier a ses meditations I’exemple suivant, choisi entre beaucoup d’autres tout aussi suggestifs. M. de Mairan, de I’Academie des sciences, raconte qu’il avait connu a Beziers im libre penseur qui, voulant tout reduire aux lois de la nature, elevait ses enfants (deux gar9ons et ime fille) dans ses opinions, leur inspirant, par ses paroles et ses exemples, le mepris de la rehgion. Cette education porta ses fruits, et il s’aper9ut trop tard des desordres qui (i) Extrait d’un discours prononce par un maire de Paris en 1873. 40 SOYKZ CHRttlENS, devaient empoisonner la vie ses enfants. Ivprsqu'arriva pour eux I’age des passions, ce fut aussi celui de Tindependance. I^e pere se hata de les emanciper ; ils voulurent se marier tons trois a leur fantaisie : rien de plus natu- rel. Les jeunes gens donnerent en effet pour raison que Ton ne doit consulter que ses in- clinations, comme leur pere le leur avait ap- pris. Celui-ci n’eut pas un mot a repliquer. A peine maries, ces jeimes impies lui de- manderent compte de I’heritage de leiu: m^re, et ils le demanderent exact et rigoureux. Le devoir filial aurait du les porter a donner a leur pere au moins de quoi vivre ; ils crurent faire beaucoup en lui laissant de quoi ne pas mourir... II voulut inutilement leur rappeler les soins qu’il avait pris de leur epfance. Ils I’ecoutaient avec un froid silence, et ils lui\ demanderent s’il avait fait pour eux plus que ne font pour leurs petits les animaux sau- vages. Tandis que le malheureux pere vieillissait dans la misere et Tabandon, ^n fils aine, li- vre aux plus honteux dereglements, se ruina. Alors il trouva commode et juste d'user d’expedients pour relever les debris de sa for- tune ; il devint assassin et mourut sur Techa- faud. La fille, ayant epouse un homme dont elle fut bientot lasse, se souvint que tout engage- ment perpetuel est temeraire, et que le droit de la liberte naturelle est imprescriptible ; elle SOYEZ CHRETIENS. 41 usa tant de cette liberte, qu'il fallut I’enfer- mer dans une maison de refuge ; elle s’echap- pa de sa prison et vint a Paris, on bientot elle fut jetee dans le triste et honteux asile de Bicetre. Le second des fils, en vertu- de I’egalite naturelle, avait pris dans le peuple une femme degagee comme lui de prejuges ; excessive - ment Hbre dans ses gouts, elle plongea son mari dans I’amertume... Ayant pris dans le menage, par droit de bienseance et de com- mimaute, ce qu'il y avait de plus riche et de plus mobile, elle delaissa son mari et se retira a Marseille. Lt le pere, que devint-il ? Au miHeu des mines d*ime famille deshonoree, accable de misere, de honte et de remords, il devint fou. Dans son delire, il semblait devoir se pmiir lui-meme ; apres s’etre meurtri la poitrine et le visage, il tendait les bras et regardait d’un ceil qui demandait grace. Il avait des mo- ments lucides, dit M. de Mairan, et je recueil- lais alors avec soin les sentiments qui lui .^happaient. « Monsieur, disait-il, mes en- fants ! que sont-ils devenus ? Je n’en ai plus... C’est moi, oui, c’est moi... Mais j'en suis pu- ni. Ah ! dites-lem: que je leur pardonne... Mais Dieu que j'ai meconnu, ce Dieu dont je n'ai jamais parle a mes enfants, me pardon- nera-t-il ? Ou sont-ils, ou sont-ils ?... Dans Tabime !... Cest moi qui le leur ai creuse !... Ayez pitie de moi ; ma malhexureuse tete est \ 42 SOYKZ chr^:tiens. perdue, je le sens bien... Mais non, ce n’est pas a present que je suis fou. Ah ! je Tetais bien davantage quand je me croyais sage et que je me glorifiais de mon titre de libre pen- seur !... » Qu’on nous permette d’entrer dans quel- ques details plus speciaux relativement a Te- ducation familiale. Dans cette oeuvre si belle et si consolante, la mere joue \m role immense. Un des plus grands philosophes du siecle dernier, Joseph de Maistre, a dit : « D'education de I’homme se fait et se complete sur les genoux de sa mere. » \ La mere de famille est, en effet, la premiere educatrice de Tenfant. Des qu’il est entre ses bras, si c’est une vraie chretienne, elle ne le couche point sans faire sur lui le signe de la croix ; elle fait tomber Teau benite sur la couche ou elle Fa depose et le recommande a la Vierge Marie, au saint patron. Avant de le^ sortir du berceau, elle trace encore sur son fils le signe de la redemption et, du fond de son coem, elle Toffre a Dieu qui le lui a donne. Quand Tenfant commence a begayer, elle lui apprend a balbutier les noms de Jesus, de Marie, de Joseph, avec ceux de maman et de papa, et prenant la croix suspendue au mur ou le crucifix pose sur la cheminee, la pieuse mere fait baiser a son fils I’image du Redempteur. SOYKZ chr^:tiens. 43 Quand Tenfant peut articuler TOraison do- minicale et la Salutation angelique, la mere lui procure un chapelet dont elle lui fait dire une dizaine a genoux, les mains jointes, Tame tournee vers le ciel ; apres lui avoir fait re- citer les prieres du chretien, elle lui fait offrir a Dieu son coeur, ses pensees et ses actions ; en meme temps elle lui expose nos divins mys- teres. Mais deja Fenfant de cette mere chre- tienne connait 'le chemin de Teglise ; avant que ses pas chancelants puissent Vy conduire, la mere Ty a porte bien des fois ( i) . Dans le lieu saint se deroule, en effet, sous les yeux de Fenfant, tout un catechisme en images. Des que la porte est ouverte, la mere lui presente Feau benite, et apres la genu- flexion, qu’elle lui apprend a faire, elle le fait mettre a genoux pour dire une priere a Jesus. Puis elle le conduit aux fonts baptismaux oii elle lui rappelle pourquoi et comment il est devenu clietien ; c’est la qu’on lui a donne le nom qu’il porte ; la mere lui indique la place a occuper dans la maison de Dieu, ce qu'il doit y faire et comment il doit s’y tenir ; elle lui montre la chaire d’ou le pretre instruit le peu- (i) Quelques m^res se permettent d’apporter leurs bebes a Teglise pendant les offices : c’est un abus ; I’enfant derange et ne peut etre qUe derange ; trop souvent aussi la m^re ne le porte que pour le faire voir. Ea m^re pieuse et sage salt le porter dans le lieu saint quand il y a peu de personnes, en allant faire sa promenade ; et la, tandis que le petit fr^re de Jesus semble sourire aux anges du saint lieu, la m^re, par une fervente priere, renouvelle I’offrande qu’elle a faite avant que I’enfant jouit de la lumi^re du jour. 44 soYEz CHR:feTrE:xs. pie sur tons ses devoirs et au pied de laquelle il viendra bientot avec les enfants de son age ecouter les instructions du pasteur. Du reste, s’il n'etait pas sage, mais dissipe, paresseux et mechant, Dieu le punirait ; ce- pendant s’il commet quelques fautes par megarde, le bon Dieu lui pardonnera, pour^m toutefois qu’il aille en faire I’aveu a un pre- tre ; et sa mere le conduit au confessionnal ou elle lui indique ce qu’il fera plus tard ; elle le mene ensuite vers la table sainte ou le pretre lui dormera J esus en nourriture ; elle s’avance enfin avec lui j usque dans le sanctuaire et lui montre les lampes qui brulent en presence du Roi des rois, la petite prison du Taber- nacle ou Jesus demeure par amour pour nous. Elle conduit encore 1’enfant a I’autel de la ^"ierge Marie. Apr^ lui avoir parle du Fils, elle lui fait connaitre la mere. Si au bapteme il est devenu im frere de J esus, Marie est de- venue sa mere du ciel. En faisant le tour de I’eglise, en lui montrant les statues, les ta- bleaux, la pieuse mere n’oublie pas le chemin de la croix ; elle lui apprend meme a le faire a cote d’elle et, dans un moment de loisir, elle lui raconte toute rhistoire de la vie souffrante du divin Maitre. Ainsi la m^e chretienne forme son enfant, et, si elle revient souvent avec lui devant le Seigneur, 1’enfant aimera I’eglise ; son esprit se toumera vers Dieu, et quand sa mere le SOYKZ chr^:tiens. 45 conduira a Foffice divin, il ne sera plus un etranger dans le saint lieu. Voila la niere qui prepare poiu: Tavenir un fidele serviteur de Dieu et de TEJglise, un Chretien vertueux et soHde. A la maison, elle s’attachera surtout a for- mer la conscience de son enfant. C’est un point essentiel, sinon Tegoisme, les mauvais in- stincts pervertiront ce petit etre ; plus tard ce sera un homme sans conscience, d’autant plus dangereux qu’il aura plus de force phy- sique, d’esprit et d’instruct-ion. Comment former la conscience de Ten- fant ? Tout d’abord, en affirmant en toute occasion devant lui les grands principes, base de toute vie humaine, civile et rehgieuse. « A votre afiirmation repondra Fame de votre enfant, a mesure qu’elle s’eveillera. II vous croira parce quhl se sentira aime et qu’il vous aimera. Affixmez : et faites agir votre enfant conformement a vos affirmations. Afifimez : plus tard, a mesure que son intelligence pren- dra du developpement, vous lui donnerez des explications. Alors il apprendra pourquoi il faut agir de telle maniere, et non pas de telle autre. » Parlez-lui de Dieu qui Fa mis au monde. Dites-lui, avec ce langage penetre de tendres- se que vous surtout, mere, vous savez si bien employer : « Mon enfant, le bon Dieu est tou- » jours avec toi. Il voit tout ce que tu fais, » meme quand il fait bien noir ; il voit tout 46 SOYKZ chr^:tiens. » ce que tu penses. Sois done toujours sage, » tiens-toi bien toujours. II te punirait si tu » faisais mal ; il te recompensera si tu fais ^ bien. » Iv’enfant commet-il une faute, vous prend-il du sucre, des confitures, ajoute-t-il un mensonge pour couvrir sa faute ? Com- mencez par faire appel a sa conscience : « Qu'as-tu fait ? N’as-tu rien senti dans ton » petit coeur quand tu as touche a cela, malgre » ma defense ? » Cette fa9on d’agir I’habituera a ecouter sa conscience et a la suivre. » Si vous avez, de par Dieu meme, une telle puissance d’affirmation pour former la cons- cience de votre enfant, ne voyez-vous pas, mere chretienne, avec quelle sagesse, quel discernement il vous faut en user ? combien il importe qne vos affirmations soient tou- jours conformes a celles de Dieu et de la sainte 6glise, par consequent toujours vraies, tou- jours justes ? Qu’arriverait-il s’il n’en etait pas ainsi ? Il arriverait qu’au lieu de former la conscience de votre enfant, vous la fausse- riez. Bt alors ? Bh bien ! alors vous lui donne- riez une fausse regie pom: agir. ^"oyez quel homme, quel citoyen, quel chretien vous prepareriez ! Voyez a quel malheur vous le voueriez, ainsi que vous-meme ( i) ! » Ainsi done, inspirez constamment a votre enfant la crainte de Dieu, Thorreur du peche, et deja meme, avec une sage discretion pour (i) ly. Poitou, Devoirs principaux des parents. SOYEZ chr^:tiens. 47 ne pas Tepouvanter a tort, les grandes pen- sees de Tenfer et de Teternite. Dites-lui com- me la reine Blanche a son fils : « Je vous ainie beauQoup, mais je prefererais vous voir niort que souille d’un peche mortel. » Knfin, pre- servez soigneusement votre enfant detoutes ces fausses maximes du monde qui sont le fieaude notre societe moderne.N’ayez jamais cette crainte absurde et presque impie que votre fils ne devienne « devot. » C’est bien le contraire qu’il faut uniquement craindre. Nous citerons, en passant, un exemple con- temporain de Theureuse et durable influence d’une education donnee par une mere chre- tienne. Be regrette Fran9ois Coppee, de TAcade- mie fran9aise, disait dans une cirConstance des plus solennelles : « Si, sur le declin de ma vie, je suis devenu un Chretien, oh ! certes, tres mediocre, tres imparfait, mais... ayant le courage de sa foi, c’est parce que ma sainte mere a mele les noms de Jesus et de Marie a mes premiers balbutiements. » Biles sont innombrables en France les meres chretiennes, et meme dans le peuple des travailleiurs, malgre tout ce qu’ont fait les ennemis de Dieu pour pervertir son coeur et sa raison ; et c’est ce qui permet d'avoir confiance dans Tavenir. » Un condamne a mort, sur le point de payer sa dette a la justice humaine, fit cette decla- 48 SOYEZ chr^:tikns. ration a un journaliste qui avait passe avec lui une partie de sa derniere nuit : « Cest parce que j’ai oublie les bons conseils de ma mere que je suis devenu criminel ; c’est parce que je me les suis rappeles qiie j’ai demande un pretre et que je me suis converti. » Ces simples paroles, cet aveu fait a un mo- ment solennel, ont plus d’eloquence encore que les plus touchants discours. Bn ce qui concerne I’instruction religieuse de I’enfant, la mere, nous I’avons dit deja, doit etre aussi son premier professeur. Divers ouvrages ont ete publies pour lui faciliter sa tache sous ce rapport. Disons en outre qu’il y a pour les parents un devoir serieux d’en- voyer leurs enfants an catechisme lorsqu’ils ont I’age de le suivre, de s’assurer s’ils s’y rendent regulierement et de les surveiller d’une maniere toute speciale sous ce rapport. ' Ils ne negligeront pas non plus de leur faire apprendre les le9ons donnees, de les leur expliquer, et enfin de s’informer de temps en temps s’ils se comportent bien a I’eglise. Un mot maintenant de la vocation des en- fants, avant de terminer ce chapitre (i). Les parents ont a etudier de bonne heure les indices qui peuvent manifester la voca- tion que Dieu destine a leur enfant, et a le (i) Sur ce grave sujet lire les opuscules spedaux publies pour les parents. SOYEZ CHRETIENS. 49 former particulierement dans cette perspec- tive. Si ces indices font entrevoir une vocation sacerdotale ou religieuse, ils doivent s’en tenir honores et se garder d’entraver Tessor de Ten- fant vers ce noble but. II est meme tres loua- ble pour les parents, d’appeler ime telle vo- cation de leurs voeux, d’offrir des sa naissance et avant sa naissance, un enfant a Dieu, pour le cas ou il daignerait la lui donner. Ce desir est, de sa nature, agreable au Seignem:, et peut contribuer a obtenir de lui pour Tenfant la grace de cette vocation. Lorsque Tenfant, le jeune homme, ne pa- rait point appele a ces vocations d’ elite, les parents doivent neanmoins etudier ses apti- tudes et rengager a les etudier lui-meme, pour le choix d’une carriere. Ce choix doit etre determine par des motifs raisonnables et Chretiens, non par le hasard, par un engoue- ment passager, par des vues de pur interet ou d’ambition qui ne tiendraient point comp- te des risques que courrait le salut. Dans la question si grave du manage surtout, il faut se laisser guider par les motifs de la foi ; les pa- rents doivent, en outre, faire ce qui depend d’eux pour que leurs fils n’attendent point trop tard pour entrer dans cet etat, quand ils y semblent destines, car c’est Tordre provi- dentiel, et nul n’ignore combien peu edifiante est pour rordinaire la vie de gar9on. — — III. C HACUN sait combien la tendance generale est eloignee de la religion dans Teduca- tion a notre triste epoque de laicisme ; aussi n'est-ce pas a un pretre que nous em- prunterons les graves avertissements que nous voulons ici donner aux parents ; c’est a un professeur de TUniversite, Th. Barrau (i). Nos conseils, venus d’une telle soiurce, auront assurement bien plus d’autorite et ne seront suspects a personne. « J e le declare sans hesiter : les principes d’education que j’ai poses, les regies que j’en ai deduites, ne produiront leur efEet que si la religion les vivife : autrement, il est bien a craindre qu’ils n’aboutissent qu’a des oeuvres mortes. » C’est en vain que nous mettrons tous nos soins a elever notre edifice ; il s’ecroulera si Dieu ne le soutient pas. » C’est en vain que, pour defendre notre eleve contre les assauts du vice, nous entoure- rons son coeur d’un triple rempart ; vSi Dieu ne le garde pas, ce coeur sera bientot pris ( 2) . » Appelons done aussitot que possible la religion a notre aide. (1) De Veducation dans la famille et au college. (2) Nisi Dominus aedificaverit domum, in vanum labora- verunt qui aedificant earn. — Nisi Dominus custodierit civi- ttam, frustra vigilat qui cuStodit'eam. {Psaumes.) SOYEZ CHRETIENS. 51 » M’etendrai-je siir cette necessite ? Ne serait-ce pas abuser du temps de mes lec- teurs ? Bst-il a propos de refuter Topinion op- posee ? Pouvez-vous croire serieusement, qui que vous soyez, que vous ayez le droit de ca- cher Dieu a votre enfant et d’intercepter la lu- miere que Dieu fait passer a son coeur par le votre ? » Si je veux que, pour mettre Tenfant en communication avec les dogmes divins, Ton ne perde pas de temps, je ne veux pas non plus qu’on se hate trop. Pour que le sentiment religieux agisse dans Teducation, il ne faut pas, comme on Ta fait dans quelques salles d’asile, en abuser d’une maniere indiscrete. Sans doute les enseignements de la religion doivent etre mis a la portee du jeune age ; mais rien de pueril ne doit s’y meler. Laissons a la pensee divine sa saintete auguste : toute grande, tout imposante qu'elle est, elle attire- ra renfant par un charme ineffable ; elle se pretera a sa faiblesse, loin de I’accabler ; car heternelle lumiere modifie au besoin son in- tensite ; et en meme temps qu’elle inonde de ses rayons les yeux capables de les supporter, elle eclaire comme d’un doux crepuscule les yeux les plus faibles. » Voila ce que ne veulent pas admettre quel- ques adeptes de Rousseau, Rousseau lui- meme. « Quoi ! disent-ils, un enfant comprer- » dre Dieu ! » Vraiment, philosophe ! Et etes- vous davantage en etat de le comprendre. 52 SQYKZ CHR§n:iENS. vous ? Bn presence de Tinfini, toutes nos pe- titesses et toutes nos grandeurs sont egales. Sans doute vous avez plus d'esprit que cet enfant, plus de science ; mais il a, lui, une in- nocence et ime piurete qui rendent son ame plus sympathique que ne peut Tetre la votre a reternelle saintete. Vous savez mieux que hn expliquer Dieu : qui de vous deux sait mieux le sentir ? » Non, la religion n’a rien qui ne soit a la portee du jeune age : rien ne s’oppose a ce que de bonne heure on en fasse le mobile et I’ame de 1’education. C’est sous sa tutelle a la fois si douce et si puissante que je placerai les jeunes annees de mon eleve. Toutes les ve- rites que mon autorite fait accepter a son obeissance, la religion les lui fera voir placees au-dessus de toute autorite humaine, au- dessus de la raison meme ( i), en lui montrant bien au dela de tous les- temps, bien au dela de tous les espaces, le principe eternel dont elles emanent. » Independamment de cet avantage, le sen- timent religieux, c’est-a-dire I’adoration d’xm Dieu souverainement grand et souveraine- ment bon, a pour le perfectionnement d’lme jeime ame ime force que Ton ne samrait trop tot faire agir. » Chacun sait combien le sentiment du res- pect ennoblit et purifie le coeur qui I’eprouve ; . (i) Quoiqu’elles ne lui soient jamais contraires. SOYKZ CHRETIENS. 53 il en est de meme du sentiment de 1!adoration, et a un degre superieur. Dans Tadoration il y a a la fois un respect sans bornes, un amour ardent, une admiration immense ; ce senti- ment attendrit le coeur en meme temps qu’il I’eleve, et il ne le fatigue jamais ; seul il peut amender incessamment cette jeune ame, trop disposee, par les soins continuels dont on I’en- toure, a se regarder comme le centre de tout, et a etre a elle-meme son Dieu. » En effet, c’est en vain que Dieu fait ap- paraitre son nom ecrit en caracteres indele- biles dans les varietes infinies qu'offre la na- tmre, dans les merveilles de la civilisation, dans les tendresses de la famille : quelque lu- mineux que soient ces caracteres, le senti- ment religieux donnera seul a Tenfant des yeux pour les lire ; et ce sentiment, ne nous y trompons pas, c’est aux parents et a ceux qui les remplacent qu’a ete donnee la mis- sion de rinspirer. Autrement, Tenfant regarde tout sans rien voir ; il jouit de tons les biens comme lui etant naturellement dus ; il rap- porte tout a lui ; et plus il est heureux, plus il tend a devenir egoiste : deplorable disposi- tion, trop natmrelle a cet age, trop peu remar- quee, et sur laquelle, dans les families, on se fait continuellement illusion. Mais, par Tado- ration de la grandeur infinie et de Tinfinie bonte, benfant s’arrache a cette basse idola- trie de lui-meme et aux vices sans nombre qu'elle produit. Il devient bon d’une bonte 54 SOYEZ CHR]feTlKNS. vraie, il apprend a aimer d'rni sincere amour. »La religion catholique, en admettant Ten- fant aux exercices de la piete, a institue pour son perfectionnement moral une sorte de gynmastique d’une efficacite incomparable. Dieu, tout grand qu’il est, se donne tout entier a cet enfant ( i), et il est toujours pret a Tecouter et a lui repondre. Entre Dieu et Fen- fant s’etablit un continuel echange d'amour, qui provoque de la part du jeune fidele une foule d’actes interieurs : ferme resolution de le servir et de lui plaire, douleur de Favoir offense, regrets, expiation, demandes, re- merciments, larmes de repentir, larmes de reconnaissance : c’est tout un drame, drame intime dont chaque peripetie fait penetrer plus profondement dans Fame les racines sa- crees de la vertu. » Il estdes gens dans le monde qui ont oublie tout cela ; ils se figment vaguement la reli- gion comme asservissant Fenfance a des pra- tiques minutieuses, a de dmes austerites. » Des pratiques minutieuses !... les prieres sans doute ?... i^coutez de Maistre : « La » priere est la respiration de Fame, et qui ne (i) « Tu sais combien je t’aime, ecrit Fenelon a son neveu, age de quatorze ans : ah ! combien le Fere celeste est plus aimant que moi ! Toute mon amitie pour toi n’est qu’un faible ecoulement de la sienne. Fa mienne n’est qu’empruntee de son coeur ; ce n’est qu’une goutte qui vient de cette source intarissable de bonte... Celui qui a compte les chevevs de no- tre tete, compte aussi nos douleurs et les heures de nos ^preu- ves. Il est fiddle a ses promesses et a son amour. Abandonne- loi done a lui ; laisse-le faire !... » SOYEZ chr^:tiens. 55 ' » respire pas ne vit plus. » Ou, si ce nom vous est suspect, ecoutez Cuvier : « Dieu, qui n’a » pas besoin denos hommages, nous commande » cependant de le prier, parce que nous ne » pouvons approcher de lui par la pensee sans » devenir plus purs. » » De dures austerites !... Des austerites pro- prement dites sont interdites aux adolescents, parce que la religion veut que toutes ses pra- tiques soient reglees par une vertu particulie- re, qu’elle appelle vertu. de discretion. Bile dispense done le jeune age des jeunes qu’elle prescrit ou recommande aux fideles ; elle mortifie surtout en lui les dereglements de la volonte. » Ba religion avec ses dogmes, ses sacre- ments, ses prieres, constitue pour le jeune age I’enseignement le plus vrai et le plus saint de la morale. II n’en est pas qu’on puisse lui comparer. » Prenons un exemple familier. » Votre enfant a bu ou mange avec exces. De la tme maladie. II regrette amerement . sa faute a cause des suites qu’elle a eues, et vous vous ecriez : « Be voila bien corrige ! » Vous le croyez ?... Bh bien, e’est en eprou- vant des regrets de ce genre et en se corrigeant ainsi qu’on pent devenir le plus mauvais sujet de la terre. Mais envoyez 1’enfant au pretre, vous verrez si le pretre lui parlera comme vous. Pensez-vous qu’a ses yeux la maladie expiera le vice, et qu’il acceptera un regret 5^ SOYEZ chr^:tiens. ainsi motive ? II s'en faut bien. Votre enfant a manque aux regies de la temperance ; que par suite il ait ete malade ou non, la religion ne s’en occupe pas. Mais par la il a blesse la loi divine, la loi morale : la religion lui dit de s’en repentir, c’est-a-dire d’eprouver de la douleur', non a cause des suites materielles de la faute, mais a cause de la faute meme. BUe veut que cette douleur soit sincere, et en meme temps surnatureUe et souveraine, c’est- a-dire excitee par 1’amour de Dieu et de la vertu. Bt a ce prix seulement il obtient son pardon. » Bcoutez... Tandis que vous etes occupe au travail, un pas timide se fait entendre a la porte de votre cabinet : c’est votre jeune fils ; il entre d’un air inquiet. Qu’y a-t-il done ?... Il s’approche lentement de vous ; il a ime confidence a vous faire : quittez votre plume un instant, ecoutez-le. Voici ce qu’il a a vous dire. Il a commis une desobeissance dont vous n’avez rien su, dont jamais vous n’auriez pu rien savoir. Il s’est livre a un divertissement defendu, et ce plaisir n’a eu pour lui aucime mauvaise suite ; entendez bien ! C’est cette desobeissance qu’il vient vous reveler, parce que sa conscience, eclairee par la religion, lui dit qu’il est coupable, et que son aveu, quelles que doivent en etre les consequences, pent seul expier sa faute. Vous, vous jouissez et vous tremblez a la fois : vous jouissez en ecoutant cette confidence naive ; vous trem- SOYEZ chr^:tikns. 57 blez en pensant qu^un acte de desobeissance, un seul, qui serait reste inconnu et impuni, aurait pu, par line consequence presque ne- cessaire, souiller pour tpujours Tame de votre enfant et miner son education a jamais. Le voila done devant vous cet enfant qui a deso- bei, qui s’en repent, qui vient s'en accuser, et qui, j'en suis sur, ne desobeira plus. Qu’allez- vous faire ? le gronder ? Cela ne vaudrait rien. L’embrasser ? Vous en mourez d’envie, mais ce n'est pas le moment. Vous le renvoyez apres quelques avis sages et tendres, et vous rendez graces a la religion, qui vous seconde sibien. » C’est une doctrine trop repandue, e’est une doctrine dangereuse et corruptrice que celle qui apprecie les actes humains autrement que d’apres la loi qui doit les regir. Les plus celebres moralistes induiraient nos enfants dans d’etranges erreurs si la religion n’etait pas la pour les redresser. J e lis dans La Fon- taine : . II faut autant qu’on pent obliger tout le monde. » Pourquoi ? On pent avoir besoin d'un plus petit que soi. (i) (i) Et dans une autre fable : II ne se faut jamais moquer des miserables : Car qui peut se flatter d'etre toujours heureux ? Ee fabuliste est constamment paien dans ses fables. Rap- pelez-vous Le renard et la cigogne, La cigale et la fourmi, etc. II n’y a pas un grain de charite dans tout cela ; c’est toujours ’amour de soi, le mepris d’autrui, le besoin de rendre la pa- reille, etc. soYEz chre:tiens. o 58 - » O notre poete bien-aime ! tout admirable philosophe que vous etes, quelle mauvaise morale vous nous prechez la ! La religion dit autre chose a nos enfants : « II faut obliger » tout le monde, parce que nous sommes tous ^ freres, parce que nous devons aimer Dieu de > tout notre coeur, et le prochain comme nous- ^ memes pour Tamour de Dieu. Et qui est le i» prochain ? Celui, quel qu’il soit, a qui nous pouvons rendre service. » » Ne voit-on pas la difference qu’il y a entre ces deux sortes de doctrines ? Autant I’une rapetisse Tame, autant 1’autre I’eleve : I’une » Ce serait done bien vainement qu’on vou- drait substituer tm enseignement purement rationnel de la morale a 1’enseignement que donne la religion et qu’elle fonde sur ses dogmes. « Mais, dit-on, la loi morale est dis- ^ tincte des verites de la foi... elle est directe- ment accessible a la. raison de chacun... Nous voyons souvent la foi la plus ardente ^ dans les premieres annees s’affaibhr et » s’eteindre au contact de la vie du monde. » Donner la foi pour base a I’enseignement ^ moral, e’est s’exposer a voir disparaitre » avec elle les verites morales auxquelles eUe » servait d’appui ( i). » » Erreur 1 ce danger n’existe pas, il ne sau- (i) Ced est extrait littdalement d’un livre de nos modernes philosophes. fomente Tegoisme, 1’autre tu. soYKz chr^:tikns. 59 rait exister, En effet, dans ce qui concerne la pratique des devoirs humains, la religion chretienne n’a pas cree une morale qui soit fondee uniquement sur les dogmes qu’elle enseigne. Elle ne fait que consacrer par T au- torite de la foi les principes et les corollaires de la loi eternelle, elle ne fait qu’aviver les rayons de cette lumieve qui eclaire tout homme venant en ce monde (i),. Ce que notre raison nous fait parfaitement comprendre sans le secours des philosophes ni de leurs livres, la religion nous le present au nom d'une autorite divine, et en meme temps nous le fait aimer. Elle ne depose dans notre ame aucim germe etranger, elle fait E^^tifier ceux qui y existent. Si, plus tard, la foi s'aifaiblit ou eprouve meme une eclipse momentanee, ces principes ne conservent pas moins en nous la certitude qui leur est propre, et que Tha- bitude de nous y conformer par im senti- ment de religion n'a pu que fortifier. » Ee systeme purement rationnel qu’on s'acharnea faireprevaloir est egalement nuisi- ble a la religion et a la morale : a la religion, a laquelle on ote ainsi, aux yeux des jeunes gens, son autorite et sa puissance, en cher- chant pour eux, hors d’elle, la loi qu’ils doi- vent pratiquer et aimer ; a la morale, qu'on fait par la retrograder jusqu’aux temps ante- rieurs a T^lvangile ! (1) Bvangile selon saint Jean, I. 9. 6o SOYEZ chr^:tiens. Non, en verite, je ne puis comprendre pour- quoi Ton veut creer pour la jeunesse un en- seignement classique des devoirs qui n'est pas celui de I’E^glise catholique. » J e dirai a ceux qui se laissent seduire par ces nouvelles doctrines : Venez assister avec nous, dans quelque humble eglise de campa- gne, a la premiere communion des enfants. Regardez-les, ces enfants. Pendant trois ans ils ont ete nourris de la parole de rRvangile ; pendant trois ans ils ont du acheter par une conduite reguhere et par de continuels efforts sur eux-memes le bonheur dont ils jouissent en ce moment. Voyez ce reflet de la vertu divine qui iUimiine leurs jeunes fronts, et qui donne a Texpression de leurs traits un char- me inexprimable ! ^Icoutez ! Tun d'eux, au nom de tons ses camarades, se leve, et, au milieu de la foule attendrie, en presence de I’autel, d’une voix emue il prononce ces mots : « Nous demandons pardon a nos parents de » toutes les fautes que nous avons pu com- » mettre envers eux ; nous en eprouvons un » sincere repentir, et nous lem: promettons, » devant Dieu, d’etre toujours a ravenir res- » pectueux et dociles. » » Voila comme on enseigne aux enfants leurs devoirs, ou plutot voila comment on en penetre leur ame : car, ne I’oublions pas, I’en- seignement moral doit s’adresser a la volonte bien plus qu’a I’intelligence. La vie humaine est vm combat, dans lequel le principe du SOYEZ CHEi:TlKNS. 6l bien et le principe du mal se disputent Tame. L’ame les distingue presque toujours Tun de I’autre, et sait donner a chacun d^eux son veritable nom ; mais le mal Tattire et la se- duit. II faut done, s’il est possible, allumer en elle cette ardeur genereuse qui immole le plaisir au devoir, et qui finit par trouver le plaisir dans le devoir meme. C’est a quoi les raisonnements ne servent guere. Ont-ils ja- mais apaise les tempetes de Tame ? Que peuvent-ils pour adoucir ses amertumes, pour eteindre ses fievres, pour consoler ses ennuis ? Mais la religion a ce pouvoir : ne contrarions pas son empire sur un age d'innocence et de foi, qui se donne si volontiers a elle. » Concluons : la morale doit etre inspiree a la jeunesse plutot qu’enseignee ; elle lui sera inspiree par Texemple des parents, par rinfluence des maitres, et surtout par la foi religieuse. » II suit de la que, soit dans les families, soit dans les colleges, la piete doit etre le principal mobile de 1’education ; que son influence doit se faire continuellement sentir ; que Tinspirer a la jeunesse par tons les moyens possibles est un devoir pour tous les hommes appeles a rhonneur de Tinstruire ; que ce devoir ne saurait etre rempli froidement ; qu’il doit etre embrasse avec conviction, accompli avec amour ; en un mot, que, pom: etre veritable - ment morale, Teducation doit etre essentielle- ment chretienne. 62 SOYEZ chr^:tiens. » On pent tonjours recommander sans crainte les pratiques pieuses aux adolescents : car si leur education a ete convenablement dirigee, ces pratiques, de leur part, sont toujours sin- ceres. Le doute, Tincredulite, et a plus forte raison Timpiete, ne sont jamais les fruits^ spontanes de cet age. Les faits surnaturels saisissent vivement leur imagination ; et leur raison hesite d’autant moins a les admettre que, nouvellement inities a la vie, qui leur semble etre, comme elle Test en effet, pleine de miracles, ils ne voient dans des miracles d'rm autre ordre rien qui puisse les troubler. A I’epoque de leur premiere communion, leur foi est aussi ardente que sincere ; et jusqu'au moment ou ils quitteront le college pour le monde, elle restera telle, si Ton a soin d’ecar- ter d'eux toutes les mauvaises impressions, et si leurs etudes et leurs lectures sont sage- ment dirigees. » Conclusion. P ITRES et meres de famille, c’est a vous que I’E^glise s’adresse en ces jours de deso- lation et de deuil, ou tout semble cons- pirer pour la mine de la religion et le triom- phe de Tesprit du mal. La societe n’est plus chretienne. Mais ce sont les families qui font la societe. Avant que rindifference penetrat dans les masses, elle a exerce sourdement son influence desastreuse an foyer domestique. Elle n’a pu si univer- sellement envahir le peuple que parce qu’elle avait mine d'abord les individus au sein de la famille. Ne nous faisons pas illusion : les meilleurs esprits eux-memes ont ressenti les atteintes de ce mal funeste. Un souffle antichretien a passe sur le monde ; tons, plus ou moins, il nous a touches. Une vie naturelle, sensuelle, paienne, a succede aux habitudes austeres et tout impregnees d’esprit religieux qu’a- vaient nos ancetres ; les maximes du siecle sont bien plus nos maximes que les verites de TE^vangile ; et si nous croyons en J esus- Christ et a son royaume eterhel, nous vivons bien plutot comme si rien n’etait a attendre dans un monde meilleur. Ouvrons les yeux, et nous verrons que trop souvent nous nous sommes contentes, pour tout hommage a notre Bieu, de quelques pra- / 64 SOYEZ chr^:tiens. tiques exterieures, et pour toute religion, de la religiosite, , Voila le mal. Ou est le remMe ? Dans le re- tour pur et simple aux devoirs de la vie cllre^ tienne. Que tous ceux qui se disent catho- liques se remettent courageusement a la pra- tique de ces devoirs. Bn regenerant la fa- mille, ils referont la societe. Peres et meres, croyez-le : le salut de notre patrie n’est pas dans les reves des politiques ni les declamations des sophistes : le voila dans ce court programme ! B’P)glise compte sm vous pour le remplir. Puissiez-vous reali- ser ses esperances en donnant Texemple d’une vie toute chxetienne, en elevant chretienne- ment vos enfants ! Vous preparerez ainsi a la societe des hommes vertueux ; a la reli- gion, des defenseurs ; vous vous menagerez a vous-memes les consolations les plus douces pour les jours de votre vieillesse, avec les joies infinies de la recompense eternelle. Turnhout (Belgiq>^e) — Impr. Brepols & Dierckx zoon. Vx tL