v.: I 5. S. LÉOXL XIII j /(?D>M^O | L’EGLISE ET LA SOCIÉTÉ I | Edite par Bf * heleri Gautier ; 35-Quai des Qfands Lugustins-33 l PARIS ' . . Directeur littéraire de la 'Nouvelle Bibliothèque Populaire ALFRED ERNST S. S. LÉON XIII On n’attend pas de nous ici une notice biographique détaillée du Souverain Pontife glorieusement régnant, pas plus qu’une étude complète sur ses œuvres. Esprit éclairé, pénétrant, fin et puissant, Léon XIII a excellé dans tous les genres d'études qu’il a abordées. Théologien, philo- sophe, politique, jurisconsulte, mathématicien, poète, il joint la culture aux dons naturels de l’intelligence, il tempère une vaste érudition par un jugement ferme et une sage prudence. Né le 2 mars 1810 à Garpinetto, dans la Sabine, d’une famille noble et très considérée, le jeune Vincent-Joachim Pecci se dis- tingua de bonne heure au collège des Jésuites à Viterbe. D’après le témoignage de l’un de ses condisciples, le P. Ballerini, de la Compagnie de Jésus, l’un des rédacteurs de la Civittci Catholica , (( tout le monde admirait déjà sa rare intelligence et son exquise bonté. » En 1824, il avait la douleur de perdre sa mère, et peu après il se rendait à Rome pour suivre les cours du Collège Romain que Léon XII venait de rendre à la Compagnie de Jésus. Docteur en théologie en 1831, à 21 ans, il se prépara à l’Académie des nobles ecclésiastiques aux diverses carrières de prélature, et, en 1837, le Pape Grégoire XVI, qui avait pris le jeune Pecci en particulière estime, lui conféra le titre de délégat à Bénévent, charge équiva- lente à celle de préfet. Les succès qu’il y obtint le firent nommer au même titre à Pé- rouse, ville renommée de tout temps pour son caractère indocile. En 1843, Grégoire XVI le préconisa archevêque de Damiette et l’envoya nonce à Bruxelles. Ses qualités diplomatiques se firent jour auprès d’un habile politique, Léopold I er , qui était devenu l’ar- bitre de presque tous les gouvernements d’Europe, et, quand le jeune nonce dont le climat et le travail avaient altéré la santé sollicita son rappel, le roi demanda pour lui au Pape la pourpre cardinalice. Grégoire XVI était tout disposé à répondre au désir de Léopold, mais il appela tout d’abord Mgr Pecci au siège archiépiscopal de Pérouse, le créant en même temps cardinal in petto. Cependant la mort du Papa retarda jusqu’en 1853 la nomination officielle. N° 449 — 326 — En 1876, l'archevêque, dont la santé toujours frêle s’était usée à Pérouse, vint chercher à Rome un climat plus doux. Pie IX lui confia la charge de camerlingue 1 . Le 9 février 1878, Pie IX mourait. Le conclave se réunit le 18 fé- vrier suivant et presque aussitôt, le 20 du même mois, le cardinal Pecci était élu Pape à la presque unanimité des voix. Un grand règne avait pris fin et un grand règne commençait. Mais l'objectif 2 du Pontife nouvellement élu différait de celui du Pontife défunt. Pie IX avait trouvé la société bouleversée par les erreurs funestes du naturalisme, du libéralisme, du rationalisme et il avait condamné ces fruits empoisonnés de la Révolution ; Léon XIII s’efforça de réédifierla société sur les bases de l’Évangile et des constitutions apostoliques. Pie IX avait guéri la société du mal qui la rongeait, mais le malade était épuisé, il fallait lui donner des reconstituants et des toniques : ce fut le rôle de Léon XIII. Rôle difficile entre tous : l’âge, le tempérament, la nature du malade ne le rendaient-ils pas rebelle à ces remèdes vieillis, surannés, et qui souvent avaient été impuissants dans le passé même sur les organismes les plus forts, sur les caractères les mieux trempés. L’accord pouvait-il se faire entre la Révolution et le Catholicisme, entre l'Église et la société moderne? Jusqu’à quel point cet accord était-il réellement possible et désirable? jusqu’à quel point Léon XIII l’a-t-il réalisé ? Nous ne pouvons l'examiner ici, mais il ne sera pas exagéré d’affirmer avec les voix les plus autorisées que la Papauté est aujourd’hui comme aux siècles de foi une puissance morale reconnue, respectée et con- sultée par les gouvernements et les peuples. Léon XIII est parti, pour développer la conception chrétienne de la société, de ce principe : L’homme est un être social, il est fait pour vivre en société. Deux conclusions découlent immédia- tement de ce principe : la première est qu’une autorité est néces- saire, la deuxième, que, pour atteindre la fin de la société qui est le bien commun, les efforts des individus doivent être combinés et agencés entre eux. L’Etat et l’individu ne sont pas des rivaux, 4. On appelle ainsi le cardinal qui préside la chambre apostolique et devient le chef du gouvernement temporel pendant la vacance du siège pontifical. 2. Au reste, on se tromperait grandement en cherchant à mettre Léon XIII en contradiction avec les Papes ses prédécesseurs. A plu- sieurs reprises, Léon XIII a cité l'Encyclique Mirari vos de Grégoire XYI et le Sylîabus de Pie IX qui sont la condamnation la plus expresse du naturalisme philosophique et du libéralisme politique. Mais d’un autre côté, il met bien en évidence la nécessité de rendre à César ce qui est à César, comme aussi la dignité de la personne humaine avec les droits naturels qu’elle suppose : droit de propriété, liberté d’associa- tion, etc. [ 2 ] — 327 - les deux forces doivent se compléter et s’harmoniser. Arrière toute fausse conception de la liberté ; arrière l’idéal de 89 incompatible avec le maintien de la société et qui voit dans la liberté l'absence de toute règle, de tout joug, pour mieux dire. Léon XIII retrouva les titres de l’État. A l’heure où les libéraux ne mentionnaient les droits de l’État que pour en accabier l’Église, celle-ci, par une piquante revanche, rappela les multiples prérogatives du pouvoir public dont la négation faisait précisément le fond des doctrines libérales. Dans le domaine social surtout, ce phénomène eut des consé- quences frappantes. Liberté du travail, liberté du contrat, laissez faire, laissez passer, telle était depuis [cent ans la maxime usuelle. Et les résultats étaient désastreux : l’individu, abandonné à lui-même, livré à ses propres forces, devenait le jouet de l’arbi- traire et de la violence de la part de ceux que guidaient uniquement leurs passions et leurs intérêts égoïstes : dominations sans frein, servitudes sans limites, théoriquememt il n’y avait pas de milieu jusqu’à ce qu’une législation éclairée, un code social, vinssent s’interposer et réglementer le monde du travail. LéonXIII indiqua la voie des réformes sociales par des conseils précis qui, demandant à une institution du passé la corporation, les bienfaits de l’avenir, s’appuient sur cette considération :« Un âge fait place à un autre, mais le cours des choses présente de merveilleuses similitudes, ménagées par cette Providence qui dirige tout et fait tout con- verger vers la fin que Dieu s’est proposée en créant l’humanité. » Obligés de nous borner extrêmement dans les extraits que nous allons donner, nous publierons d’abord d’importants passages des deux Encycliques Scipientiæ christianæ et Humcmum genus, portant, la première, sur les principaux devoirs civiques des chrétiens, la deuxième, sur la condition des ouvriers, Puis, étant Fran- çais, pourrions-nous oublier cette magnifique lettre aux Français Au milieu des sollicitudes , ou le Pape a montré le chemin à suivre et la conduite à tenir de la part d’un catholique français vis-à-vis du gouvernement de son pays. Puisse la voix du Saint-Père être entendue; puisse Marie la Reine du Rosaire qu’il aimetantà invoquer exaucer sa prière; puisse le Docteur angélique Thomas d’Aquin, qu’il a donné pour patronaux Écoles du monde entier, consommer l’accord de la science et de la foi auprès des esprits droits et des hommes de bonne volonté ; puisse le Tiers-Ordre franciscain, dont il est membre et qu’il a tant recommandé aux chrétiens du siècle, enseigner l’abnégation, la pauvreté volontaire, la charité, le dévoûment, qui grandissent les cœurs et font les nations guérissables ; puissent les nombreux saints, que Léon XIII a placés sur les autels, protéger ses jours et le con- server longtemps encore sur le trône de Pierre pour la plus grande gloire de Dieu et l’extension de son règne dans l’univers entier, pour l’unité et la prospérité de son Église! Qu’on nous permette en terminant de citer l’épigraphe suivante inscrite par Léon XIII lui-même au-dessous d’un de ses portraits. Elle en dit long, mais laisse deviner plus encore : Justitiam colui; certamina longa, labores, Ludibria, insidias, aspera quæqne tuli. At Fidei vindex non flectar ;pro grege Christi Dulce mori, ipsoque in carcere dulce mori. J'ai aimé la justice, j’en ai connu les longs combats, les labeurs, j’ai éprouvé les insultes, les outrages, tous les maux possibles à son service 1 . Mais défenseur de la foi, je ne courberai pas la tête. Il est doux de mourir pour le troupeau du Christ; même empri- sonné, il est doux de mourir 2 . Abbé R. Deschamps, Professeur de Philosophie à VInstitution Saint-Joseph d'Arras. 1. Si la douceur et la fermeté de Léon XIII ont triomphé d’immenses obstacles même auprès de gouvernements révolutionnaires, on sait, ne fût-ce que par l’exemple de la France, que la lutte est de chaque ins- tant pour le noble vieillard. Il est en particulier un Etat qui reste en lutte ouverte avec l’Eglise, c’est l’Italie. Pourtant Léon XIII aime l’Italie d’une affection traditionnelle dans la Papauté ; il veut son bien, sa pros- périté, sa gloire; il veut la paix avec elle, mais sous la réserve absolue de la restitution de Rome et du rétablissement du pouvoir temporel du Pape. Dans une lettre célèbre au cardinal Rampolla (mai 1887), il s’est exprimé assez clairement pour que l’Italie comprenne à quelles condi- tions le dissentiment existant pourrait cesser. Les deux pouvoirs, pon- tifical et royal, pourraient coexister dans la Péninsule La souveraineté effective que réclame le Pape, loin d’être une diminution pour l’Italie, serait pour elle un nouvel élément de force et de stabilité. Désormais, si le conflit subsiste, c’est que l’Italie, sourde à la voix du Souverain Pontife, n’aura pas voulu comprendre qu’il était de son intérêt même d’en finir avec la question romaine. 2. Bien des Vies de Léon XIII ont déjà été composées. Citons seule- ment les deux plus récentes qui sont des œuvres magistrales et fi- nies : Le Vatican , les Papes et la Civilisation, par G. Goyau (Firmin-Didot, 1895). Livre d’art, de science et de foi. Léon XIII , par Mgr T’Serclaés (librairie Saint-Augustin, Lille, 1895). Quant aux œuvres de Léon XIII, l’édition la moins coûteuse existe en trois volumes (un franc chaque) à l’OEuvre des Bons Livres (Paris, Roger et Chernovitz). L’ÉGLISE ET LA SOCIÉTÉ LETTRE ENCYCLIQUE (10 janvier 1890.) DES PRINCIPAUX DEVOIRS CIVIQUES DES CHRÉTIENS. Léon XIII , préoccupé à juste titre des conflits journaliers entre l’Église et l'État , trace ici la ligne de conduite du chrétien vis-à-vis du pouvoir civil. Il distingue nettement entre le principe d' obéissance au pouvoir civil , qui doit toujours être admis et qui l'a toujours été par les vrais chrétiens, et le refus d'obéissance , au cas où les lois civiles sont en contradiction avec les lois religieuses. Refuser l'obéis- sance dans ce dernier cas n’est pas faire acte séditieux , mais s'abstenir de reconnaître des préceptes dénués d'autorité puisqu'ils sont portés contre l'honneur de Dieu, par conséquent en dehors de la justice , et n'ont rien de commun avec de véritables lois. Chaque fidèle doit être sur ses gardes pour ne pas se laisser sur- prendre par les erreurs modernes. Mais il y a plus , le fidèle a des devoirs positifs à remplir , une action à exercer. Mais en cette même matière qui regarde la foi chrétienne, il est d’autres devoirs dont le fidèle et religieux accomplissement, nécessaire en fous les temps aux intérêts du salut, l’est plus par- ticulièrement encore de nos jours. Dans ce déluge universel d’opinions, c’est la mission de l’Église de protéger la vérité et d’arracher Terreur des âmes; et, cette mis- sion, elle la doit remplir saintement et toujours, car à sa garde ont été confiés l’honneur de Dieu et le salut des hommes. Mais, quand les circonstances en font une nécessité, ce ne sont pas seu- lement les prélats qui doivent veiller à l’intégrité de la foi, mais, comme le dit saint Thomas : « Chacun est tenu de manifester -publiquement sa foi, soit pour instruire et encourager les autres fidèles, soit pour repousser les attaques des adversaires. » Reculer devant l’ennemi et garder le silence lorsque, de toutes [ 5 ] 330 parts, s’élèvent de telles clameurs contre la vérité, c’est le fait d’un homme sans caractère, ou qui doute de la vérité de sa croyance. Dans les deux cas, une telle conduite est honteuse et elle fait injure à Dieu; elle est incompatible avec le salut de cha- cun et avec le salut de tous; elle n’est avantageuse qu’aux seuls ennemis de la foi; car rien n’enhardit autant l’audace des mé- chants que la faiblesse des bons. D’ailleurs, la lâcheté des chrétiens mérite d’autant plus d’être blâmée que souvent il faudrait bien peu de chose pour réduire à néant les accusations injustes et réfuter les opinions erronnées: et, si l’on voulait s’imposer un plus sérieux labeur, on serait toujours assuré d’en avoir raison. Après tout, il n’est personne qui ne puisse déployer cette force d’âme où réside la propre vertu des chrétiens; elle suffit souvent à déconcerter les adversaires et à rompre leurs desseins. De plus, les chrétiens sont nés pour le combat. Or, plus la lutte est ardente, plus, avec l’aide de Dieu, il faut compter sur la victoire : Ayez confiance, fai vaincu le monde . Tl n’y a point à objecter ici que Jésus-Christ, protecteur et vengeur de l’Eglise, n’a pas besoin de l’assistance des hommes. Ce n’est point parce que le pouvoir lui fait défaut, c’est à cause de sa grande bonté qu’il veut nous assigner une certaine part d’efforts et de mérites personnels, lorsqu’il s’agit de nous approprier et de nous appliquer les fruits du salut procuré par sa grâce. Les premières applications de ce devoir consistent à professer ouvertement et avec courage la doctrine catholique, et à la pro- pager autant que chacun le peut faire. En effet, on l’a dit sou- vent et avec beaucoup de vérité, rien n’est plus préjudiciable à la sagesse chrétienne que de n’être pas connue. Mise en lumière, elle a par elle-même assez de force pour triompher de l’erreur. Dès qu’elle est saisie par une âme simple et libre de préjugés, elle a aussitôt pour elle l’assentiment de la saine raison. Assurément la foi, comme vertu, est un don précieux de la grâce et de la bonté divine; toutefois, les objets auxquels la foi doit s’appliquer ne peuvent guère être connus que la prédication. Comment croiront- ils ceux qu’ils n’ont pas entendu : Comment entendront-ils si per- sonne ne leur prêche ? ... La loi vient donc de l'audition , et Vaudi- tion par la prédication de la parole du Christ. Or, puisque la foi est indispensable au salut, il s’ensuit nécessairement que la parole du Christ doit être prêchée. De droit divin, la charge de prêcher, c’est-à-dire d’enseigner, appartient aux docteurs, c’est-à-dire aux évêques que LEsprit-Saint a établis pour régir l’Église de Dieu. Elle appartient par-dessus tout au pontife romain, Vicaire de Jésus- Christ, préposé avec une puissance souveraine à l’Église univer- selle et Maître de la foi et des mœurs. Toutefois, on doit bien se garder de croire qu’il soit interdit aux particuliers de coopérer [ 6 ] d’une certaine manière à cet apostolat, surtout s’il s'agît des hommes à qui Dieu a départi les dons de l'intelligence avec le 1 désir de se rendre utiles. Toutes les fois que la nécessité l’exige, ceux-là peuvent aisément non certes s’arroger la mission des docteurs, mais communiquer aux autres ce qu'ils ont eux-mêmes reçu et être, pour ainsi dire, l’écho de l’enseignement des maîtres. D’ailleurs, la coopération privée a été jugée par les Pères du Concile du Vatican tellement opportune et féconde qu’ils n’ont pas hésité de la réclamer. « Tous les chrétiens fidèles, disent-ils, surtout ceux qui président et qui enseignent, nous les supplions par les entrailles de Jésus- Christ et nous leur ordonnons, en vertu de l’autorité de ce même Dieu Sauveur, d’unir leur zèle et leurs efforts pour éloigner ces horreurs et les éliminer de la Sainte Église. » — Que chacun donc se souvienne qu’il peut et qu’il doit répandre la foi catholique par l’autorité de l’exemple, et la prêcher par la profession publique et constante des obligations qu’elle impose. — Ainsi, dans les devoirs qui nous lient à Dieu et à l’Église, une grande place re- vient au zèle avec lequel chacun doit travailler, dans la mesure du possible, à propager la foi chrétienne et à repousser les erreurs. Les fidèles né satisferaient pas complètement à ces devoirs en combattanl isolément. C'est gui lés par l'Église dont ils font partie et qui est la règle de leur foi qu'ils doivent marcher à la bataille. f l?attention à la parole de l'Église et la soumission à ses enseignements est le premier de leurs devoirs : cest aussi leur / orce et leur assurance . Quant à déterminer quelles doctrines sont renfermées dans celte révélation divine, c'est la mission de l’Église enseignante, à laquelle Dieu -a confié la garde et l’interprétation de sa parole ; dans l’Église le docteur suprême c'est le Pontife romain. L’union des esprits réclame donc, avec un parfait accord dans la même foi, une parfaite soumission et obéissance des volontés à l’Église et au Pontife romain, comme à Dieu lui-même. L'obéissance doit être parfaite, parce qu’elle appartient à l’essence de la foi, et elle a cela de commun avec la foi qu’elle ne peutpas être partagée. Bien plus, si elle n’est pas absolue et parfaite de tout point, elle peut porter encore le nom d’obéissance, mais elle n'a plus rien de commun avec elle. La tradition chrétienne attache un tel prix à cette perfection de l'obéissance qu’elle en a toujours fait et en fait toujours le signe caractéristique auquel on peut reconnaître les catholiques. C’est ce que saint Thomas d’Aquin explique d’un emanière admirable dans le passage suivant : « L'objet formel delà foi est la vérité première, en tant qu’elle est manifestée dans les saintes Ecritures et dans la doctrine dem — 332 — l'Église, qui procède de la vérité première. Il suit de là que qui- conque n’adhère pas, comme à une règle infaillible et divine, à la doctrine de l’Église qui procède de la vérité première manifestée dans les Saintes Écritures, n’a pas la foi habituelle, mais possède autrement que par la loi les choses qui sont de son domaine... Or, il est manifeste que celui qui adhère à la doctrine de l’Église, comme à une règle infaillible, donne son assentiment à tout ce que l’Église enseigne; autrement, si parmi les choses que l'Église " enseigne, il retient ce qu'il lui plaît et exclut ce qui ne lui plaît pas, il adhère à sa propre volonté et non à la doctrine de l’Église, en tant qu’elle est une règle infaillible. La foi de toute l’Eglise doit être une, selon cette ' parole de saint Paul aux Corinthiens (I, Cor., i) : Ayez tous un même langage et qu'il, n'y ait pan de divisions parmi vous. Or, cette unité ne* a irait être sauvegardée qu’à la condition que les questions qui surgissent sur la foi soient résolues par celui qui préside à l’Église tout entière, et que sa sentence soit acceptée par elle avec iermeté. C’est pour- quoi à l’autorité du Souverain Pontife il appartient de publier un nouveau symbole 1 , comme toutes tes autres choses qui regardent l'Eglise universelle- » Lorsqu’on trace les limites de l’obéissance due aux pasteurs des âmes et sourtout au Pontife romain, il ne faut pas penser qu’elles renferment seulement les dogmes auxquels l’intelligence doit adhérer et dont le rejet opiniâtre constitue le crime d’hérésie. Il ne suffirait même pas de donner un sincère et ferme assenti- ment aux doctrines qui, sans avoir été jamais définies par aucun jugement solennel de l’Église, sont cependant proposées à notre foi, par son magistère ordinaire et universel, comme étant di- vinement révélées, et qui, d’après le Concile du Vatican, doivent être crues de foi catholique et divine. Il faut, en outre, que les chrétiens considèrent comme un devoir de se laisser régir, gou- verner et guider par l’autorité des évêques, et surtout par celle du Siège Apostolique. Combien cela est raisonnable, il est facile de le démontrer. En effet, parmi les choses contenues dans les divins oracles, les unes se rapportent à Dieu, principe de la béatitude que nons espérons, et les autres à 1 homme lui-même et aux moyens d’arriver à cette béatitude. Il appartient de droit divin à l’Église et, dans l’Église, au Pontife romain de déterminer dans ces deux 1. Le texte latin est plus clair. Il porte noua editio symboli , c’est-è- dire une nouvelle forme du symbole. Autrement dit, le Pape ne peut rien ajouter au symbole de la foi, aux dogmes révélés (vérité première), mais il peut mettre en lumière, rendre explicite un point de dogme contenu implicitement et comme voilé dans la révélation. C’est ce qui a eu lieu en notre siècle pour le dogme de l’Immaeulée-Conception et celui de l’Infaillibilité Pontificale. m ordres ce qu’il faut croire et ce qu’il faut faire. Voilà pourquoi le Ponlife doit pouvoir juger avec autorité de ce que renfcrn e la parole de Dieu, décider quelles doctrines concordent avec elle et quelles doctrines y contredisent. De même, dans la sphère de la morale, c’est à lui de déterminer ce qui est bien, ce qui est mal, ce qu'il est nécessaire d’accomplir et d’éviter si l’on veut parvenir au salut éternel ; autrement, il ne pourrait être ni l'in- terprète infaillible de la parole de Dieu, ni le guide sûr de la vie humaine. Guidés par le Pape, les catholiques doivent aller de Vavant % repousser l'inertie et les dissensions intestines et soutenir les hommes qui promettent de bien mériter de la cause catholique ( quelles que soient leurs opinions politiques), car sous aucun motif il ne serait permis de leur proférer des hommes hostiles à la religion 4 . Quant à ceux qui prennent part aux affaires publiques , ils devront éviter avec grand soin deux écueils : la fausse prudence et la témérité. Honneur à ceux qui, provoqués au combat, descendent dans l’arène avec la ferme persuasion que la force de l’injustice aura un terme, et qu’elle sera un jour vaincue par la sainteté du droit et de la religion! Ils déploient un dévouement digne de l’antique vertu, en luttant pour défendre la religion, surtout contre la fac- tion dont l’extrême audace attaque sans relâche le christianisme et poursuit de ses incessantes hostilités le Souverain Pontife tombé en son pouvoir.. Mais de tels hommes ont grand soin d’observer les règles de l’obéissance, et ils n’entreprennent rien de leur propre mouvement. Cette disposition à la docilité, unie à la cons- tance et à un ferme courage, est nécessaire à tous les catholiques, afin que, quelles que soient les épreuves apportées par les événe- ments, ils ne défaillent en rien. Ainsi, souhaitons-nous ardem- ment de voir s’enraciner profondément dans les âmes de tous la prudence que saint Paul appelle la prudence de l'esprit. Dans le gouvernement des actions humaines, cette vertu nous apprend à garder un admirable tempérament entre la lâcheté, qui porte à la crainte et au désespoir, et une présomptueuse témérité. Il y a une différence entre la prudence politique relative au bien géné- 1. Léon XIII prend bien soin de noter que toutes les opinions poli- tiques sont respectables, pourvu que la religion soit garantie contre toute atteinte. Mais dès que les intérêts religieux sont menacés, tout dissentiment doit cesser entre catholiques « afin que, unis dans les mêmes pensées et dans les mêmes conseils, ils se portent au secours de la religion, bien général et suprême auquel tout le reste doit être rapporté. » 11 insistera davantage encore et plus pratiquement sur ce point dans sa Lettre aux Français ; ce sera la raison d’être de son inter- vention et de son mot d’ordre dans nos affaires publiques. [ 9 ] - 334 — ral et cellè^qui concerne le bien individuel de chacun. Celle-ci se montre dans les particuliers qui, sous leur propre conduite, obéis- sent aux conseils de la droite raison : celle-là est le propre des hommes chargés de diriger les affaires publiques, et particulière- ment des principes qui ont pour mission d’exercer la puissance du commandement. Ainsi, la prudence civile des particuliers semble consister tout entière à exécuter fidèlement les préceptes de l’autorité légitime. Ces mêmes dispositions et ce même ordre doivent se retrouver au sein de la société chrétienne, et cela d’au- tant plus que la prudence politique du Pontife suprême s’étend à un plus grand nombre d’objets. En effet, il n’a pas seulement à gouverner l’Église dans son ensemble, mais encore à ordonner et à diriger les actions des citoyens chrétiens en vue de la réali- sation du salut éternel. On voit par Jà combien il est indispen- sable qu’outre la parfaite concorde qui doit régner dans leur pensées et dans leurs actes, les fidèles prennent toujours religieu- sement pour règle de leur conduite la sagesse politique de l’auto- rité ecclésiastique. Mais, immédiatement après le Pontife romain et sous sa direction, le gouvernement des intérêts religieux du chris- lianisme appartient aux évêques. S’ils ne sont pas placés au faîte de la puissance pontificale, ils sont cependant véritablement princes dans la hiérarchie ecclésiastique; et comme chacun d’eux est préposé au gouvernement d’une Église particulière, ils sont, dit saint Thomas, « comme les ouvriers principaux dans la cons- truction de l’édifice spirituel, » et ils ont les membres du clergé pour partager leurs travaux et exécuter leurs décisions. Chacun doit régler sa vie d’après cette constitution de l’Église qu’il n’est au pouvoir d’aucun homme de changer. Aussi, de même que, dans l’exercice de leur pouvoir épiscopal, les évêques doivent être unis au Siège Apostolique, de même les membres du clergé et les laïques doivent vivre dans une très étroite union avec leurs évêques. Revenons à l'obéissance, à la pratique d'une respectueuse soumis- sion. Mais afin que les efforts ne demeurent pas stériles, que la conduite de chacun soit conforme à la discipline des mœurs chrétiennes. Rie\i n abandonne jamais son Église ; elle n'a donc rien à craindre dés attentats des hommes; mais les peuples, qui ont dégénéré de la vertu chrétienne ne sauraient avoir la même garantie, car le péché rend les peuples misérables. Entretenons donc en nous la charité, amour de Dieu et du prochain, qui est le fondement de la vie chrétienne . Que les pères de famille règlent d'après ces principes le gouverne- ment de leurs maisons et la première éducation de leurs enfants (car la famille est le berceau de la société civile). Telle est la conduite que les catholiques doivent tenir et les périls qu'ils doivent éviter . [- 0 ] LETTRE ENCYCLIQUE (15 mai 1891.) PE LA CONDITION DES OUVRIERS Établir à la double lumière de la raison et de la foi la vraie na~ îure du travail et la condition du travailleur est le but de cette Encyclique . On peut la diviser en trois parties : dans la première , Léon XIII réfute le socialisme , montrant successivement qu'il est une utopie et une injustice N’admettre que la richesse et le plai- sir comme lot de l’humanité ici-bas est le rêve d'un esprit chimé- rique ; s'approprier des richesses par droit de conquête et chercher son plaisir aux dépens d'autrui est un vol et une monstruosité. Il faut bien plutôt relever le pauvre aux yeux de la société et à ses propres yeux , lui montrer ses destinées éternelles , lui faire voir en Jésus-Christ un frère et un secours; il faut aussi que le riche fasse un bon usage de ses richesses et qu'il donne aux pauvres de son superflu; il faut surtout qu’il observe à son égard les lois de la justice , tenant Gompte de ses besoins matériels comme de ses néces- sités spirituelles et religieuses , n'imposant pas à l'ouvrier un travail au-dessus de ses forces , donnant un juste salaire à chacun ... Tels sont les principes de l’Église dans cette question , tel est l'enseigne- ment qu'elle n’a cessé de faire entendre. Il fait l'objet de la seconde partie de l’Encyclique. Enfin Léon XIII détermine le rôle de l'État dans la question ouvrière. L’État a pour but et pour mission le bien- être de chacune des classes de la société; il doit donc s'occuper de chacune d'elles avec un égal soin ; négliger l'une (celle des ouvriers) pour ne s’occuper que de l'autre ( celle des propriétaires) serait un manque grave au premier devoir des gouvernements qui est de pra- tiquer inviolablement la justice distributive. Qu'on n'aille donc pas , sous prétexte de socialisme d'État , écarter systématiquement l'État de toute question économique et ouvrière ; l'État ne peut se désin- téresser de ces questions , et il a un rôle à jouer à leur égard , rôle important au premier chef mais trop méconnu depuis cent ans , depuis que l’individu vit isolé en dehors de toute corporation et ré- glementation de métier , en dehors de toute protection des pouvoirs publics. Fixation du repos du dimanche , limitation des heures de travail , question des salaires , importance de l'épargne et moyens d’en inspirer l'estime : autant de desiderata qu’il appartient à l'État d'examiner et de combler. L'Encyclique De conditione opificum est véritablement le code du [ H ] ' . - 336 — travail moderne . On peut l'interpréter , la commenter , fa reprendre en sous-œuvre, mais les principes sont là clairs , lumineux , précis et sûrs, fruit de la saine raison et de l'Évangile. Préparée par les œuvres magistrales et l'action apostolique et vivifiante des Manning , Ketteler , Gibbons, Ireland , e/c., d/e es/ venwe à son heure, ligne de conduite assurée pour la grande armée des Démocrates chrétiens , dont les chefs remarquables et les soldats chaque jour plus nombreux font espérer les plus féconds résultats , la régénération matérielle et morale de la société moderne par une législation chrétienne et la pratique des préceptes et des conseils Evangéliques *. État des choses La soif d’innovations, qui depuis longtemps s’est emparée des so- ciétés et les tient dans une agitation fiévreuse, devait, tôt ou tard, passer des régions de la politique dans la sphère voisine de l'éco- nomie sociale — Et, en effet, ces progrès incessants de l’indus- trie, ces routes nouvelles que les arts se sont ouvertes, l’altération des rapports entre les ouvriers et les patrons, l’affluence de la ri- chesse dans les mains du petit nombre à côté de l’indigence de la multitude, l’opinion enfin plus grande que les ouvriers ont conçue d’eux-mémes, et leur union plus compacte, tout cela, sans parler de la corruption des mœurs, a eu pour résultat final un redoutable conflit. Partout les esprits sont en suspens et dans une anxieuse attente; ce qui suffit à lui seul pour prouver combien de graves in- térêts sont ici engagés. Cette situation préoccupe et exerce à la fois le génie des doctes, la prudence des sages, les délibérations des réunions populaires, la perspicacité des législateurs et les con- seils des gouvernants, et il n’est pas de cause qui saisisse, en ce moment, l’esprit humain avec autant de véhémence. — C’est pour- quoi, Vénérables Frères, ce que, pour le bien de l’Église et le sa- lut commun des hommes, Nous avons fait ailleurs par nos Lettres sur la souveraineté politique, la liberté humaine, la constitution chrétienne des États et sur d’autres sujets analogues, afin de ré- futer, selon qu’il Nous semblait opportun, les opinions erronées et fallacieuses, nous jugeons devoir le réitérer aujourd’hui etpour les mêmes motifs, en vous entretenant de la condition des ouvriers. J . Il ne sera pas inutile de citer ici, à titre de renseignements, les trois ouvrages suivants où se trouve reproduite et expliquée l'Ency- clique conditione opificum : Commentaire de l'Encyclique, par le P. de Pascal (chez Lethiel- ieux). -- ld., par le chanoine Perriot (à LUnivers). VEncyclique Rerum novarum et l'action sociale catholique (à Liège, librairie Jacques Godenne)* [ 123 — 337 — Ce sujet, Nous l’avons, suivant l’occasion, effleuré plusieurs fois; mais la conscience de Notre charge apostolique Nous fait un de- voir de le traiter dans ces Lettres plus explicitement et avec plus d’ampleur, afin de mettre en évidence les principes d’une solution conforme à la justice et à l’équité. Difficulté du problème . Le problème n’est pas aisé à résoudre, ni exempt de péril. Il est difficile, en effet, de préciser avec justesse les droits et les devoirs qui doivent lier réciproquement à la fois la richesse et le proléta- riat, le capital et le travail. D’autre part, le problème n’est pas sans danger, parce que Irop souvent des hommes turbulents et astucieux cherchent à en dénaturer le sens et en profitent pour exciter les multitudes et fomenter des troubles. Quoiqu’il en soit, Nous sommes persuadé, et tout le monde en convient, qu’il faut, par des mesures promptes et efficaces, venir en aide aux hommes des classes inférieures, attendu qu’ils sont pour la plupart dans une situation d’infortune et de misère imméritée \ Causes de la condition actuelle des ouvriers . Le dernier siècle a détruit, sans rien leur substituer, les corpo- rations anciennes, qui étaient pour eux une protection ; tout principe et tout sentiment religieux ont disparu des lois et des institutions publiques, et ainsi, peu à peu, les travailleur? isolés et sans défense se sont vus avec le temps livrés à la merci de maîtres inhumains et àla cupidité d’une concurrence effrénée. — Une usure vorace est venue ajouter encore au mal. Condamnée à plusieurs reprises par le jugement de l’Église, elle n’a cessé d’ètre pratiquée sous une autre forme par des hommes avides de gain, et d’une insatiable cupidité. A tout cela il faut ajouter le monopole du travail et des effets de commerce, devenu le par- tagé d’un petit nombre de riches et d’opulents, qui imposent ainsi un joug presque servile à l’infinie multitude des prolétaires. Suit l'impuissance du socialisme à porter remède aux maux pré- sents . Léon XIII établit nettement que le travail est la base effective de la propriété privée , que la propriété privée et personnelle est pour l'homme de droit naturel. Aussi bien que les droits de l'individu , les droits de la famille antérieurs à toute loi civile et indépendants d'elle , sont parfaitement établis. Le socialisme qui va contre tous ces droits 4. Nous signalons cette phase aux optimistes qui trouvent que tout est pour le mieux dans l’état de choses actuel et que l’ouvrier, s’il est malheureux, c’est uniquement par sa faute, [ 13 ] — 338 — est donc l'erreur . Mais où est la vérité? Elle ne saurait être en dehors de ïEglise , mais elle est dans l'Eglise. Puissance de l'Église à réconcilier les riches et les pauvres. Etd’abprd toute l’économie des vérités religieuses, dont l’Église est la gardienne et l’interprète, est de nature à rapprocher et à réconcilier les riches et les pauvres, en rappelant aux deux classes leurs devoirs mutuels, et avant tous les autres ceux qui dérivent de la justice.. Parmi ces devoirs, voici ceux qui regardent le pauvre et l’ouvrier : il doit fournir intégralement et fidèlement tout le travail auquel il s’est engagé par contrat libre et conforme à l’équité ; il ne doit point léser son patron, ni dans ses biens, ni dans sa personne ; ses revendications mêmes doivent être exemptes de violences et ne jamais revêtir la forme de séditions; il doit fuir les hommes pervers qui, dans des discours artificieux, lui suggèrent des espérances exagérées et lui font de grandes promesses, lesquelles n’aboutissent qu’à de stériles regrets et à la ruine des fortunes. —Quant aux riches et aux patrons, ils ne doi- vent point traiter l’ouvrier en esclave mais respecter en lui la dignité de l’homme, relevée encore par celle du chrétien. Le travail du corps, au témoignage commun de la raison et de la philosophie chrétienne, loin d’être un sujet de honte, fait honneur à l’homme parce qu’il lui fournit un noble moyen de sustenter sa vie. Ce qui est honteux et inhumain, c’est d’user des hommes comme de vils instruments de lucre, et de ne les estimer qu’en proportion de la vigueur de leurs bras. — Le christianisme, en outre, pres- crit qu’il soit tenu compte des intérêts spirituels de i’ouvrier et du bien de son âme. Aux maîtres il revient de veiller qu’il y soit donné pleine et entière satisfaction; que l’ouvrier ne soit point livré à la séduction et aux sollicitations corruptrices; que rien ne vienne affaiblir en lui l’esprit de famille, ni les habitudes d’éco- nomie. Défense encore aux maîtres d’imposer à leurs subordonnés un travail au-dessus de leurs forces ou en désaccord avec leur âge ou leur sexe. Le patron doit donner à chacun le salaire qui convient . Mais, parmi les devoirs principaux du patron, il faut mettre au premier rang celui de donner à chacun le salaire qui convient. Assurément, pour fixer la juste mesure du salaire, il y a de nom- breux points de vue à considérer; mais, d’une manière générale, que le riche et le patron se souviennent qu’exploiter la pauvreté et la misère et spéculer sur l’indigence sont choses que réprou- vent également les lois diviues et humaines. Ge qui serait un crime [.14 1 339 - à crier vengeance au ciel serait de frustrer quelqu’un du prix de ses labeurs. Voilà que le salaire que vous avez dérobé par fraude à vos ouvriers crie contre vous , et leur clameur est montée jusqu aux oreilles du Dieu des armées. Le riche doit s'interdire tout acte de nature d porter atteinte à l'é- pargne du pauvre . Enfin les riches doivent s'interdire religieusement tout acte vio- lent, toute fraude, toute manœuvre usuraire qui serait de nature à porter atteinte à l’épargne du pauvre, et cela d’autant plus que celui-ci est moins apte à se défendre et que son avoir, pour être de mince importance, revêt un caractère plus sacré. Il faut , dit ensuite Léon XIII, penser à la vie éternelle pour savoir user des biens et des maux de la vie temporelle . User des maux comme stimulants de la vertu et source de mérite , user des biens car Dieu demandera aux riches un compte rigoureux de leurs richesses . Devoirs de charité. Sur l’usage des richesses, voici l’enseignement d’une excellence et d’une importance extrême, que la philosophie a pu ébaucher mais qu’il appartenait à l’Église de nous donner dans sa perfection et de faire descendre de la connaissance à la pratique. Le fonde- ment de cette doctrine est dans la distinction entre la juste posses- sion des richesses et leur usage légitime. La propriété privée, nous l’avons vu plus haut, est pour l’homme de droit naturel; l’exercice de ce droit est chose non seulement permise, surtout à qui vit en société, mais encore absolument nécessaire. Maintenant, si l’on demande en quoi il faut faire consister l’usage des biens, l’Eglise répond sans hésitation : « Sous ce rap- port l’homme ne doit pas tenir les choses extérieures pour privées, mais bien pour communes, de telle sorte qu’il en fasse part facile- ment aux autres dans leurs nécessités. C’est pourquoi l’Apôtre a dit : Ordonne aux riches de cé siècle de donner facilement , de com- muniquer leurs richesses » Nul assurément n’est tenu de soulager son prochain en prenant sur son nécessaire et sur celui de sa famille, ni même de rien retrancher de ce que les convenances ou la bienséance imposent à sa personne : Nul, en effet, ne doit vivre contrairement aux con- venances. Mais dès qu’on a suffisamment donné à la nécessité ou au décorum, c’est un devoir de verser le superflu dans le sein des pauvres. C’est un devoir non pas de stricte justice, sauf les cas d’extrême nécessité, mais de charité chrétienne ; un devoir, par conséquent, dont on ne peut poursuivre l’accomplissement par les [ 15 ] — 3f0 — voies de la justice humaine. Mais, au-dessus des jugements de l'homme et de ses lois, il y a la loi et le jugement de Jésus-Christ, notre Dieu, qui nous persuade de toutes les manières de faire habituellement l’aumône : II est plus heureux , dit-il, celui qui donne que celui qui reçoit; et le Seigneur tiendra pour faite ou refusée à lui-même l’aumône qu’on aura faite ou refusée aux pauvres. Chaque fois que vous avez fait Vaumône à l'un des moin- dres de mes frères que vous voyez , cest à moi que vous l'avez faite. Du reste, voici en quelques 'mots le résumé de cette doctrine : Quiconque a reçu de la divine bonté une plus grande abondance soit des biens externes et du corps, soit des biens de l’âme, les a reçus dans le but de les faire servir à son propre perfectionne- ment, et, tout ensemble comme ministre de la Providence, au soulagement des autres. C’est pourquoi «quelqu’un a-t-il le talent de la parole, qu’il prenne garde de se taire; une surabondance de biens, qu’il ne laisse pas la miséricorde s’engourdir au fond de son cœur; l’art de gouverner, qu’il s’applique avec soin à en par- tager avec son frère et l’exercice et les fruits 1 . » L'Église ne néglige point ce qui se rapporte à la vie terrestre et mortelle et la charité inspirée par l'Église ne peut être suppléée par aucune industrie humaine . Pourtant il faut recourir aux moyens hu- mains. Quelle doit être l'intervention de l'État , spécialement en ce qui con- cerne le sort des ouvriers . Or, quelle part d’action et de remède sommes-nous en droit d’at- tendre de l'État? Disons d’abord que par État nous entendons ici non point tel gouvernement établi chez tel peuple en particulier, mais tout gouvernement qui répond aux préceptes de la raison naturelle et des enseignements divins, enseignements que Nous avons exposés Nous-même spécialement dans nos Lettres Encycliques sur la constitution chrétienne des sociétés. Ce qu’on demande d’abord aux gouvernants, c’est un con- cours d’ordre général, qui consiste dans l’économie tout entière des lois et des institutions; Nous voulons dire qu’ils doivent fai-e en sorte que de l’organisation même et du gouvernement de la société découle spontanément et sans effort la prospérité tant publique que privée. Tel est, en effet, l’office delà prudence civile et le devoir propre de tous ceux qui gouvernent. Or, ce qui fait une nature prospère, 4 , Saint Grég, le Grand* In Evangel, Homilia IX, n° 1 , [ 16 ] ^rr-f 341 ce sont des mœurs pures, des familles fondées sur des bases d’ordre et de moralité, la pratique de la religion et le respect de la justice, une imposition modérée et une répartition équitable des charges publiques, le progrès de l’industrie et du commerce, une agriculture florissante et d’autres éléments, s’il en est, du même genre : toutes choses que l’on ne peut porter plus haut sans faire monter d’autant la vie et le bonheur des citoyens. De même que par tous ces moyens l’État peut se rendre utile aux autres classes, de même il peut grandement améliorer le sort de la classe ou- vrière; et cela dans toute la rigueur de son droit et sans avoir à redouter le reproche d’ingérence ; car en vertu même de son office, l’État doit servir l’intérêt commun. Et il est évident que plus se multiplieront les avantages résultant de cette action d’ordre général, et moins on aura besoin de recourir à d’autres expédients pour remédier à la condition des travailleurs. Mais voici uneautre considération qui atteint plus profondément encore notre sujet. La raison formelle de toute société est une et commune à tous ses membres: grands et petits. Les pauvres, au même titre que les riches, sont de par le droit naturel des citoyens , c’est-à-dire du nombre des parties vivantes dont se compose, par l’intermédiaire des familles , le corps entier de la nation, pour ne pas dire qu’en toutes les cités, ils sont le grand nombre. Comme donc il serait déraisonnable de pour voir à une classe de citoyens et d en négliger l’autre, il devient évident que l’autorité publique doit aussi prenai s mesures vou- lues pour sauvegarder le salut et les intérêts de ia cja.je ouvrière. Si elle y manque, elle viole la stricte justice, qui veut qu’à chacun soit rendu ce qui lui est dû. À ce sujet, saint Thomas dit fort sagement : De même que la partie et le tout sont en quelque manière une même chose , ainsi ce qui appartient au tout est en quel- que sorte à chaque partie. C’est pourquoi parmi les graves et nom- breux devoirs des gouvernants qui veulent pourvoir comme il convient au bien public, celui qui domine tous les autres consiste à avoir soin également de toutes les classes de citoyens, en obser- vant rigoureusement les lois de la justice dite distributive. Mais, quoique tous les citoyens sans exception doivent apporter leur part à la masse des biens communs, lesquels, du reste, par un retour naturel, se répartissent de nouveau entre les individus, néanmoins les apports respectifs ne peuvent être ni les mêmes ni d’égale mesure. Quelles que soient les vicissitudes par lesquelles les formes de gouvernement sont appelées à passer, il y aura toujours entre les citoyens ces inégalités de condition sans les- quelles une société ne peut ni exister ni se concevoir. A tout prix, il faut des hommes qui gouvernent, qui fassent des lois, qui rendent la justice, qui, enfin, par leurs conseils ou par voie i 17] — 342 - d’autorité, administrent les affaires de la paix et les choses de la guerre. Que ces hommes doivent avoir la prééminence dans toute société et y tenir le premier rang, personne n'en peut douter, puisqu'ils travaillent directement au bien commun et d’une ma- nière si excellente. Les hommes, au contraire, qui s’appliquent aux choses de l’industrie, ne peuvent concourir à ce bien commun ni dans la même mesure ni par les mêmes voies ; mais eux aussi, cependant, quoique d’une manière moins directe , ils servent grandement les intérêts de la société. Sans nul doute, le bien commun, dont l’acquisition doit avoir pour effet de perfectionner les hommes, est principalement un bien moral. Mais, dans une société régulièrement constituée, il doit se trouver encore une certaine abondance de biens extérieurs, dont Vuscige est requis à l'exercice de la vertu , Or, tous ces biens, c’est le travail de l’ouvrier, travail des champs ou de l’usine, qui en est surtout la force féconde et nécessaire. Bien plus, dans cet ordre de choses, le travail a une telle fécondité et une telle efficacité , que l’on peut affirmer, sans crainte de se tromper, qu’il est la source unique d’où procède la richesse des nations. L’équité demande donc que l’État se préoccupe des travailleurs et fasse en sorte que de tous les biens qu’ils procurent à la société il leur en revienne une part convenable, comme l’habitation et- le vêtement, et qu’ils puissent vivre au prix de moins de peines et de privations. D’où il suit que l’État doit favoriser tout ce qui, de près ou de loin, paraît de nature à améliorer leur sort. Cette sollicitude, bien loin de préjudicier à personne, tournera au con- traire au profit de tous, car il importe souverainement à la nation que des hommes qui sont pour elle le principe de biens aussi in- dispensables ne se trouvent pas continuellement aux prises avec les horreurs de la misère. Points très importants traités à part . Mais il est bon de traiter à part certains points de plus grande importance. 1° Protection par les lois de la propriété légitime. En premier lieu, il faut que les lois publiques soient pour les propriétés privées une protection et une sauvegarde. Et ce qui importe par-dessus tout, au milieu de tant de cupidités en effer- vescence, c’est de contenir les masses dans le devoir : car, s’il est permis de tendre vers de meilleures destinées avec l’aveu de la justice, enlever de force le bien d’autrui, envahir les propriétés étrangères, sous le prétexte d’une absurde égalité, sont choses que la justice condamne et que l’intérêt commun lui-même répu- die. Assurément les ouvriers, qui veulent améliorer leur sort par [ 18 J — 343 — un travail honnête et en dehors de toute injustice, forment la très grande majorité; mais combien n’en compte-t-on pas qui, imbus de fausses doctrines et ambitieux de nouveautés, mettent tout en œuvre pour exciter des tumultes et entraîner les autres à la vio- lence ! Que l’autorité publique intervienne alors, et que, mettant un frein aux excitations des meneurs, elle assure les mœurs de l’ouvrier contre les artifices de la corruption et les légitimes propriétés contre le péril de la rapine. 2° Des chômages voulus et concertés qu'on appelle des grèves . Il n’est pas rare qu’un travail trop prolongé ou trop pénible et un salaire réputé trop faible donnent lieu à ces chômages voulus et concertés qu’on appelle des grèves. A cette plaie si commune et en même temps si dangereuse, il appartient au pouvoir public de porter un remède; car ces chômages non seulement tournent au détriment des patrons et des ouvriers eux-mêmes, mais ils entra- vent le commerce et nuisent aux intérêts généraux de la société ; et comme ils dégénèrent facilement en violences et en tumultes, la tranquillité publique s’en trouve souvent compromise. Mais il est plus efficace et plus salutaire que l’autorité des lois prévienne le mal et l'empêche de se produire, en écartant avec sagesse les causes qui paraissent de nature à exciter des conflits entre ouvriers et patrons. Chez l’ouvrier pareillement, il est des intérêts nombreux qui réclament la protection de l’État, et, en première ligne, ce qui regarde le bien de son âme. 3<> De la vie de l'dme chez L'ouvrier , — Repos du dimanche, La vie du corps, en effet, quelque précieuse et désirable soit- elle, n’est pas le but dernier de notre existence; elle est une voie et un moyen pour arriver, par la connaissance du vrai et l’amour du bien, à la perfection de la vie de l’âme. C’est l’âme qui porte gravées en elle-même l’image et la ressemblance de Dieu; c'est en elle que réside cette souveraineté dont l’homme fut investi quand il reçut l’ordre de s’assujétir la nature inférieure et de mettre à son service ies terres et ies mers. Remplissez la terre et Vassujettissez , dominez sur les poissons de la mer et sur les oiseaux du ciel et sur tous les animaux qui si meuvent sur la terre . A ce point de vue tous les hommes sont égaux; point de différence entre riches et pauvres, maîtres et serviteurs, princes et sujets : Ils n'ont tous qu'un même Seigneur. Cette dignité de l’homme que Dieu traite lui-même avec un grand respect, il n’est permis à per- sonne de la violer impunément, ni d’entraver la marche de l’homme vers cette perfection qui répond à la vie éternelle et céleste. Bien plus, il n’est même pas loisible à l'homme, sous ce rapport, de déroger spontanément à la dignité de sa nature, ou de vouloir l’asservissement de son âme, car il ne s’agit pas de droits dont il ait la libre disposition, mais des devoirs eoms Dieu qu’il doit — 344 - religieusement remplir. C’est de là que découle la nécessité du repos et de la cessation du travail aux jours du Seigneur. Qu’on n’entende pas toutefois par ce repos une plus large part faite à une stérile oisiveté, ou encore moins, comme un grand nombre ie souhaitent, ce chômage fauteur des vices et dissipateur des sa- laires, mais bien un repos sanctifié par la religion. Ainsi, allié avec la religion, le repos retire l’homme des labeurs et des soucis de la vie quotidienne, l’élève aux grandes pensé’es du ciel et fin- vite à rendre à son Dieu le tribut d’adoration qu’il lui doit. Tel est surtout le caractère et la raison de ce repos du septième jour, dont Dieu avait fait même déjà dans l’Ancien Testament un des principaux articles de la loi : Souviens-toi de sanctifier le jour du Sabbat, et dont il avait lui-même donné l’exemple par ce mysté- rieux repos pris incontinent après qu’il eut créé l’homme : II se reposa le septième jour de tout le travail qu'il avait fait . 4° Des intérêts physiques et corporels du travailleur. Pour ce qui est des intérêts physiques et corporels, l’autorité publique doit tout d’abord les sauvegarder en arrachant les mal- heureux ouvriers aux mains de ces spéculateurs qui, ne faisant point de différence entre un homme et une machine, abusent sans mesure de leurs personnes pour satisfaire d’insatiables cupidités. Exiger une somme de travail qui, en émoussant toutes les facultés de l'âme, écrase le corps et en consomme les forces jusqu’à l’épuisement, c'est une conduite que ne peuvent tolérer ni la justice ni l’humanilé. L’activité de l’homme, bornée comme sa nature, a des limites qu’elle ne peut franchir. Elle s’accroît sans doute par l'exercice et l’habitude, mais à condition qu’on lui donne des relâches et des intervalles de repos. Ainsi le nombre d’heures d'une journée de travail ne doit-il pas excéder la mesure des for- ces des travailleurs, et les intervalles de repos devront-ils être proportionnés à la nature du travail et à la santé de l’ouvrier, et réglés d’après les circonstances des temps et des lieux. L’ou- vrier qui arrache à la terre ce qu'elle a de plus caché, la pierre, le fer et l'airain, est soumis à un labeur dont la brièveté devra compenser la peine et la fatigue, ainsi que le dommage physique qui peut en être la conséquence. 11 est juste, en outre, que l’on tienne compte des époques de Tannée, tel même travail sera sou- vent aisé dans une saison qui deviendra intolérable ou très pé- nible dans une autre. 5° Du travail imposé à la femme et a l'enfant . Enfin, ce que peut réaliser un homme valide et dans la force de fàge, il ne serait pas équitable de le demander à une femme ou à un enfant. L’enfance en particulier — et ceci demande à être observé strictement— ne doit entrer à l’usine qu’après que l’âge aura suffisamment développé en elle les forces physiques, intellec- [30 ] — 345 tuellcs et morales; si non, comme une herbe encore tendre, elle se verra flétrie par un travail trop précoce, et il en sera fait de son éducation. De même, il est des travaux moins adaptés à la femme que la nature destine plutôt aux ouvrages domestiques; ouvrages, d’ailleurs, qui sauvegardent admirablement l’honneur de son sexe et répondent mieux, par leur nature, à ce que demandent la bonne éducation des enfants et la prospérité de la famille. 6° Le repos de chaque jour et surtout Le repos du dimanche est la condition de tout contrat entre patrons et ouvriers . En générai, la durée du repos doit se mesurer d’après la_dé- pense des forces qu’il est appelé à restituer. Le droit au repos de chaque jour, et la cessation du travail le jour du Seigneur doivent être la condition expresse ou tacite de tout contrat passé entre patrons et ouvriers. Là où cette condition n’e ntrerait pas, le con- trat ne serait pas honnête, car nui ne peut ex igerou promettre la violation des devoirs de l’homme envers Dieu et envers lui-même. 7° Fixation du salaire \ Nous passons à présent à un autre point de la question d’une importance non moins grande et qui, pour éviter tout extrême, de- mande à être défini avec justesse : Nous voulons parler de la fixation du salaire. Le salaire, ainsi raisonne-t-on, une fois libre- ment consenti de part et. d’autre, le patron en le payant a rempli tous ses engagements et n’est plus tenu à rien. Al®rs seulement la justice se trouverait lésée s’il lui refusait de tout solder, ou l’ouvrier d’achever tout son travail et de satisfaire à ses engage- ments; en quels cas seulement le pouvoir public aurait à interve- nir pour protéger le droit d’un chacun. Pareil raisonnement ne trouvera pas de juge équitable qui consente à y adhérer sans 1. On remarquera que le Pape ne tranche pas la gr osse question dnsa 3aire familial, qui signifie un salaire suffisant, pour les besoins non seu le ment de l’individu mais de sa famille. Nous ne pouvons traiter ici la question, mais s’il semble difficile d’admettre qu’en stricte justice l’ou- vrier ait droit à un salaire familial, du moins est-il évident que l’ou- vrier doit être dans des conditions telles qu’il puisse fonder une famille, élever dés enfants. À quelles institutions, à quelle organisation du travail faut-il recourir dans ce but, tel est le problème ; il n’est pas sans solu- tion: <• Ceux qui connaissent l’histoire, non pas l’histoire des manuels idiots qui font tout remonter à 1789, mais la grande histoire, celle qui s’appuie sur les documents et les faits, savent que pareilles misères n’existaient pas sous l'empire du droit chrétien. Cherchez notamment, dans tout le xm e siècle, époque sombre et dure à bien des égards sans doute, et que je ne donne point comme l’idéal consommé, mais époque chré- tienne cependant; cherchez si vous trouverez une classe d’êtres com- parables à nos millions de prolétaires vivant dans l’insécurité absolue du lendemain, écrasés par des impôts énormes, ayant toujours tà redou- ter l’apparition imprévue du chômage, et ne pouvant laisser à la femme et aux enfants, dans l’hypothèse d’une disparition subite, que la misère at la faim » (Abbé Naudet Noire , œuvre sociale , p, 23, Paris, Toira)« 1 2i 3 — 346 — réserve, car il n’etfibrasse pas tous les côtés de la question et il en omet un fort sérieux. Travailler, c'est exercer son activité dans le but de se procurer ce qui est requis pour lés divers besoins de la vie, mais surtout pour l’entretien de la vie elle-même. Tu mangeras ton pain à la sueur de ton front . C’est pourquoi le travail a reçu de la nature comme une double empreinte : il est personnel, parce que la force active est inhérente à la personne et qu’elle est la propriété de celui qui l’exerce et qui l’a reçue pour son utilité; il est nécessaire, parce que l’homme a besoin du fruit de son tra- vail pour conserver son existence, et qu’il doit la conserver pour obéir aux ordres irréfragables de la nature. Or, si l’on ne regarde le travail que par le côté où il est personnel, nul doute qu’il ne soit au pouvoir de l’ouvrier de restreindre à son gré le taux du salaire; la même volonté qui donne le travail peut se contenter d’une faible rémunération ou même n’en exiger aucune. Mais il en va tout autrement, si au caractère de personnalité on joint celui de nécessité dont la pensée peut bien faire abstraction, mais qui n'en est pas séparable en réalité. Et, en effet, conserver l’existence est un devoir imposé à tous les hommes et auquel ils ne peuvent se soustraire sans crime. De ce devoir découle nécessairement le droit de se procurer les choses nécessaires à la subsistance et que le pauvre ne se procure que moyennant le salaire de son travail. Que le patron et l’ouvrier fassent donc tant et de telles conventions qu'il leur plaira, qu’ils tombent d’accord, notamment sur le chiffre du salaire. Au-dessus de leur libre volonté, il est une loi de justice naturelle plus élevée et plus ancienne, à savoir que le salaire ne doit pas être insuffisant à faire subsister l’ouvrier sobre et honnête. Que si, contraint par la nécessité ou poussé par la crainte d’un mal plus grand, il accepte des conditions dures que d’ailleurs il ne lui serait pas loisible de refuser, parce qu’elles lui sont imposées par le patron ou par qui fait l’offre du travail, c’est là subir une violence contre laquelle la justice proteste. — Mais, de peur que dans ce cas et d’autres analogues, comme en ce qui concerne la journée du travail et la santé des ouvriers, les pouvoirs publics n’interviennent pas impor- tunément, vu surtout la variété des circonstances des temps et des lieux, il sera préférable que la solution en soit réservée aux corpo- rations ou syndicats dont nous parlerons plus loin, ou que l’on recoure à quelque autre moyen de sauvegarder les intérêts des ouvriers, même si la cause le réclamait, avec le secours et l’appui de l’Etat. 8° Avantages pour Vouvrier de travailler pour devenir proprié- taire. L’ouvrier qui percevra un salaire assez fort pour parer aisément à ses besoins et à ceux de sa famille suivra, s’il est sage, le con- [ p ) — 347 — sei! que semble lui donner la nature elle-même : il s’appliquera à être parcimonieux et fera en sorte, parjde prudentes épargnes, de sc ménager un polit superflu, qui lui permette de parvenir, un jour, à l’acquisition d’un modeste patrimoine. Nous avons vu/ en effet, que la question présente ne pouvait recevoir de solution vrai- ment efficace si l’on ne commençait par poser comme principe fondamental l’inviolabilité de la propriété privée. Il importe donc que les lois favorisent l'esprit de propriété, le réveillent et le dé- veloppent autant qu’il est possible dans les masses populaires. Le résultat, une fois obtenu, serait la source des plus précieux avantages, et, d’abord, d’une répartition des biens certainement plus équitable. La violence des révolutions politiques a divisé le corps social en deux classes et a creusé entre elles un immense abîme. D’une part, la toute-puissance dans l’opulence : une fac- tion qui, maîtresse absolue de l’industrie et du commerce, dé- tourne le cours des richesses et en fait affluer vers elle toutes les sources; faction d’ailleurs qui tient en sa main plus d’un rassort de l’administration publique. De l’autre, la faiblesse dans l’indi- gence : une multitude, l’âme ulcérée, toujours prête au désordre. Eh bien! que l’on stimule l’industrieuse activité du peuple par la perspective d’une participation à la propriété du sol, et l’on verra se combler peu à peu l’abîme qui sépare l'opulence de la misère et s'opérer le rapprochement des deux classes. En outre, la terre produira toute chose en plus grande abon- dance. Car l’homme est ainsi fait que la pensée de travailler sur un fonds qui est à lui redouble son ardeur et son application. I! en vient même jusqu’à mettre tout son cœur dans une terre qu’il a cultivée lui-même, qui lui promet, à lui et aux siens, non seu- lement le strict nécessaire mais encore une certaine aisance. Et il n'y'a personne qui ne voit sans peine les heureux effets de ce redoublement d’activité sur la fécondité de la terre et sur la richesse des nations. Un troisième avantage sera l’arrêt dans le mouvement d'émigration : nul, en effet, ne consentirait à échanger contre une région étrangère sa patrie et sa terre natale s’il y trouvait les moyens d’v mener une vie plus tolérable. Mais une condition indispensable pour que tous ces avantages deviennent des réalités, c est que la propriété privée ne soit pas épuisée par un excès de charges et d’impôts. Ce n’est pas des lois humaines, mais de la nature qu’é- mane le droit de propriété individuelle; l’aniorité publique ne peut donc l’abolir; tout ce qu’elle peut, c’est en tempérer l’usage el le concilier avec le bien commun. C’est pourquoi elle agit contre l i justice et l’humanité quand, sous le nom d’impôts, elle grève outre mesure les biens des particuliers. 9 ° Œuvres diverses pour porter remède à la situation . — Les associations . • ' -[ 23 ] 318 - En dernier lieu, nous dirons que les maîtres et les ouvriers eux- mêmes peuvent singulièrement aider à la solution, par toutes les œuvres propres à soulager efficacement l’indigence et à opérer un rapprochement entre les deux classes. De ce nombre sont les sociétés de secours mutuels, les institutions diverses, dues à l'ini- tiative privée, qui ont pour but de secourir les ouvriers, ainsi que leurs veuves et leurs orphelins, en cas de mort, d’accidents ou d’infirmités; les patronages qui exercent une protection bienfai- sante sur les enfants des deux sexes, sur les adolescents et sur les hommes faits. Mais la première place appartient, aux corpora- tions ouvrières, qui, en soi, embrassent à peu près toutes tes œuvres. Nos ancêtres éprouvèrent longtemps la bienfaisante influence de ces corporations; car, tandis que les artisans y trouvaient d’inappréciables avantages, les arts, ainsi qu’une foule de monu- ments le proclament, y puisaient un nouveau lustre et une nou- velle vie. Aujourd’hui les générations étant plus cultivées, les mœurs plus policées, les exigences de la vie quotidienne plus nombreuses, il n’est point douteux qu’il ne faille adapter les cor- porations à ces conditions nouvelles. Aussi est-ce avec plaisir que nous voyons se former partout des sociétés de ce genre, soit com- posées des seuls ouvriers, soit mixtes, réunissant à la fois des ouvriers et des patrons; il est à désirer qu’elles accroissent leur nombre et l’efficacité de leur action. Bien que nous nous en soyons occupés plus d’une fois, nous voulons exposer ici leur opportunité et leur droit à l’existence, et indiquer comment elles doivent s’or- ganiser et quel doit être leur programme d’aclion. L’expérience quotidienne que fait l’homme de l’exiguité d » ses forces Rengage et le pousse à s’adjoindre une coopération étran - gère. C’est dans les Saintes Lettres qu’on lit cette maxime . Il vaut mieux être deux ensemble que tout seul, car alors ils tirent de l'a- vantage de leur société. Si l'un tombe , l'autre le soutient . Malheur à l'homme seul! car lorsqu'il sera tombé il n'aura personne pour le relever . Et cette autre : Le frère qui est aidé par son frère est comme une ville forte. De cette propension naturelle, comme d’un même germe, naissent la société civile d'abord, puis, au sein même de celle-ci, d’autres sociétés qui, pour être restreintes et impar- faites, n'en sont pas moins des sociétés véritables. Entre ces pe- tites sociétés et la grande, il y a de profondes différences, qui résultent de leur fin prochaine. La fin delà société civile embrasse universellement tous les citoyens, car elle réside dans le bien commun, c’est-à-dire dans un bien auquel tous et chacun ont le droit de participer dans une mesure proportionnelle. C est pourquoi on l’appelle publique % parce qu’elle réunit les hommes pour en former une nation. Au contraire, les sociétés [ 24 ] . • Sti -m ~ qui se constituent d ms un sein sont tenues pour privées, et le sont en effet, car leur raison d’être immédiate est l’utilité particulière et exclusive de leurs membres. Droits d’association. La société privée est celle qui se forme dans un but privé, comme lorsque deux ou trois s'associent pour exercer ensemble le négoce. Or, de ce que les sociétés privées n’ont d’existence qu'au sein de la société civile, dont elles sont comme autant dépar- ties, il ne suit pas, à ne parler qu’en général et à ne considérer que leur nature, qu’il soit au pouvoir de l’État de leur dénier l’existence. Le droit de l’existence leur a été octroyé par la na- ture elle-même, et la société civile a été instituée pour protéger le droit naturel, non pour l’anéantir. C’est pourquoi une société civile qui interdirait les sociétés privées s'attaquerait elle-même, puisque toutes les sociétés, publiques et privées, tirent leur origine d’un même principe, la naturelle sociabilité de l’homme. — Assu- rément il y a des conjonctures qui autorisent les lois à s'opposer à la fondation d’une société de ce genre. Si une société, eu vertu même de ses statuts organiques, poursuivait une fin en opposition flagrante avec la probité, avec la justice, avec la sécurité de l’État, les pouvoirs publics auraient le droit d’en empêcher la formation et, si elle était formée, delà dissoudre. Mais encore faut-il qu’en tout cela ils n'agissent qu’avec une très grande circonspection, pour éviter d’empiéter sur les droits des citoyens et de statuer sous couleur d’utilité publique quelque chose qui serait désavoué par la raison. Car une loi ne mérite obéissance qu’autant qu’elle est conforme à la droite raison et à la loi éternelle de Dieu. Léon XIII parle ensuite des Congrégations religieuses, Confréries , etc. auxquels l'autorité de l'Église et la piété des fidèles a donne nais- sance , et il flétrit les pouvoirs publics qui s'arrogent sur elles des droits et s'en attribuent Vadministration. Les Corporations . — Éloge des hommes de loi qui travaillent à ré- soudre la question sociale. Certes, il faut louer hautement le zèle d’un grand nombre des nôtres, lesquels, se rendant parfaitement compte des besoins de l’heure présente, sondent soigneusement le terrain pour y décou- vrir une voie honnête qui conduise au relèvement de la classe ouvrière. S’étant constitués les protecteurs des personnes vouéesau travail, ils s’étudient à accroître leur prospérité tant domestique qu’individuelle, à régler avec équité les relations réciproques dos patrons et des ouvriers, à entretenir et à affermir dans les uns et t 25 ] — 350 — îes aute'ôâ Je souvenir de leutfs devoirs et l’observation des pré- ceptes divins: préceptes qui, en ramenant l'homme à la modération et condamannt tous les excès, maintiennent dans les nations, et parmi les éléments si divers de personnes et de choses, la con- corde et l’harmonie la plus parfaite. Sous l’inspiration des mêmes pensées, des hommes de grand mérite se réunissent fréquem- ment en congrès, pour se communiquer leurs vues, unir leurs forces, arrêter des programmes d’action. D'autres s'occupent de fonder des corporations assorties aux divers métiers et d’y faire entrer les artisans, iis aident ces derniers de leurs conseils et de leur fortune , et pourvoient à ce qu’ils ne manquent jamais d’un travail honnête et fructueux. Les évêques, de leur côte, encouragent ces efforts et les met- tent sous leur haut patronage; par leur autorité et sous leurs aus- pices, les membres du clergé, tant séculier que régulier, se dé- vouent en grand nombre aux intérêts spirituels des corporations. Enfin, il ne manque pas de catholiques, qui, pourvus d'abondantes richesses mais devenus en quelque sorte compagnons volontaires des travailleurs, ne regardent à aucune dépense pour fonder et étendre au loin des sociétés où ceux-ci puissent trouver, avec une certaine aisance pour le présent, le gage d’un repos honorable pour l’avenir. Tant de zèle, tant et de si industrieux efforts ont déjà réalisé parmi les peuples un bien très considérable, et trop connu pour qu’il soit nécessaire d’en parier en détail. Il est à nos yeux d’un heureux augure pour l’avenir, et nous nous promettons de ces corporations les plus heureux fruits, pourvu qu’elles con- tinuent à se développer et que la prudence préside toujours à leur organisation. Que l'État protège ces Sociétés fondées selon le droit; que, toutefois, il ne s j; mmisce point dans leur gouverne- ment intérieur et ne toucha point aux ressorts intimes qui leur donnent la vie; carie mouvement vital procède essentiellement d’un principe intérieur et s’éteint très facilement sous l’action d'une cause externe. A ces corporations il faut évidemment, pour qu’il y ait unité d’action et accord df volontés, une organisation et une discipline sage et prudente. S : donc, comme il est certain, les citoyens sont libres de s’associer ils doivent l’être également de se donner les statuts et règlemen s qui leur paraissent les plus appropriés au but qu’ils poursuivent. Quels doivent être ces statuts? Nous ne croyons pas qu’on puisse donner des règles certaines et précises pour en déterminer le détail ; tout dépend du génie de chaque nation, des essais tentés et de l’expérience acquise, du genre de travail, de l’étendue du commerce, et d’autres circonstances de choses et de temps qu’il faut peser avec maturité. Tout ce qu’on peut dire, en général, c’est qu'on doit prendre pour règle univer- [ 26 ] selle et constante, de tellement organiser et gouverner les corpora- tions qu’elles fournissent à chacun de leurs membres les moyens aptes à lui faire atteindre, par la voie la plus commode et la plus courte, le but qu’il se propose, et qui consiste dans l’accroisse- ment le plus grand possible des biens du corps, de Pesprit, de la fortune. i0° Avant tout , les corporations doivent viser au perfectionnement moral et religieux de leurs membres . Mais, il est évident qu’il faut viser avant tout à l’objet principal qui est le perfectionnement moral et religieux; c’est surtout cette fin qui doit régler toute l’économie de ces sociétés; autrement, elles dégénéreraient bien vite et tomberaient, ou peu s’en faut, au rang des sooétés où la religion ne tient aucune place. Aussi bien, que servirait à Partisan d’avoir trouvé au sein de la corporation l’abon- dance matérielle, si la disette d’aliments spirituels mettait en péril le salut de son âme! Que sert à l'homme de gagner Vunivers entier s'il vient à perdre son âmel Voici le caractère auquel Notre Seigneur Jésus-Christ veut qu’on distingue le chrétien d’avecle gentil. Les gentils recherchent toutes ces choses... Cherchez d’abord le royaume de Dieu, et toutes ces choses vous seront ajoutées par surcroît. Ainsi donc, après avoir pris Dieu comme point de départ, qu’on donne une large place à l’instruction religieuse; qu’afin que tous connaissent leurs devoirs envers lui : ce qu’il faut croire, ce qu’il faut espérer, ce qu’il faut faire en vue du salut éternel, tout cela doit leur être soigneusement inculqué; qu’on les prémunisse avec une sollicitude particulière contre les opinions erronées et toutes les variétés du vice. Qu’on porte l'ouvrier au culte de Dieu, qu’on excite en lui l’esprit de piété, qu’on le rende surtout fidèle à l’observation des dimanches et des jours de fête. Qu’il apprenne à respecter et à aimer l’Église, la commune Mère de tous les chrétiens, à fréquenter ses sacrements, qui sont des sources divines où l’âme se purifie de ses tâches et puise la sainteté. Statuts des corporations. Relations entre leurs membres. La religion ainsi constituée comme fondement de toutes les lois sociales, il n’est pas difficile de déterminer les relations mutuelles à établir entre les membres pour obtenir la paix et la prospérité de la société. Les diverses fonctions doivent être réparties de la manière la plus profitable aux intérêts communs et de telle sorte que l’inégalité ne nuise pas à la concorde. Il importe grandement que les charges soient distribuées avec intelligence et clairement définies, afin que personne n’ait à souf- frir d’injustice. Que la masse commune soit administrée avec inté- grité et qu’on détermine d’avance, parle degré d’indigence de [ 27 ] chacun des membres, la mesure des secours à lui accorder: que les droits et les devoirs des patrons soient parfaitement conciliés avec les droits et les devoirs des ouvriers. Afin de parer aux ré- clamations éventuelles qui s’élèveraient dans l’une ou l’autre classe au sujet de droits Jésés, il serait très désirable que les statuts même chargeassent des hommes prudents et intègres, tirés de son sein, de régler le litige en qualité d’arbitres. Il faut encore pourvoir d’une manière toute spéciale à ce qu’en aucun temps l’ouvrier ne manque de travail et qu’il y ait un fonds de réserve destiné à faire lace non seulement aux accidents soudains et fortuits inséparables du travail industriel, mais encore à la maladie, à la vieillesse et aux coupsde la mauvaise fortune. Ces lois, pourvu qu’elles soient acceptées de bon cœur, suffisent pour assurer aux faibles la subsis- tance et un certain bien*être; mais les corporations catholiques sont appelées encore à apporter leur bonne part à la prospérité générale. Par le passé, nous pouvons juger sans témérité de l’avenir. Un âge fait place à un autre, mais le cours des choses présente de merveilleuses similitudes, ménagées par cette Provi- dence qui dirige tout et fait tout converger vers la fin que Dieu s'est proposée en créant l’humanité. Le sort des ouvriers est entre leurs mains. — Exemple des premiers chrétiens . Nous savons que, dans les premiers âges de l'Église, on lui fai- sait un crime de l’indigence de ses membres, condammés à vivre d’aumônesou detravail. Mais dénués commeilsétaientde richesses et de puissance, ils purent se concilier la faveur des riches et la protection des puissants. On pouvait les voir laborieux, diligents, pacifiques, modèles de justice et surtout de charité.Au spectacle d’une vie si parfaite et de mœurs si pures, tous les préjugés se dissipèrent, le sarcasme se tut et les fictions d’une superstition invétérée s’évanouirent peu à peu devant la vérité chrétienne. — Le sort de la classe ouvrière, telle est la question qui s’agite aujour- d’hui, elle sera résolue par la raisonou sans el e, et il ne peut être indifférent aux nations, qu’ellele soit par l’une ou par l’autre voie. Or, lesouvriers chrétiens la résoudront facilement par la raison et, unis en société et obéissant à une direction prudente, ils entreront dans la voie de leurs pères et de leurs ancêtres et ils y trouveront leur- salut et celui des peuples. Quelle que soit dans les hommes la force des préjugés et des passions, si une volonté perverse n’a pas étouffé entièrement le sentiment du juste et l’honnête, il faudra que tôt ou tard la bienveillance publique se tourne vers ces ou- vriers, qu’on aura vus actifs et modestes, mettant l’équité avant le gain et préférant à tout la religion du devoir, l 28 1 Il résultera de là cet autre avantage que l’espoir et de grandes facilités seront offertes à ces ouvriers qui vivent dans le mépris de la foi chrétienne ou dans les habitudes qu’elle réprouve. Ils com prennent d’ordinaire, ces ouvriers, qu’ils ont été le jouet d’espé- rances trompeuses, d’apparences mensongères. Car ils sentent, par les traitements inhumains qu’ils reçoivent de leurs maîtres, qu’ils n’en sont guère estimés qu’au poids de l’or produit par leur travail; quant aux sociétés qui les ont circonvenues, ils voient bien qu’à la place de la charité et de l’amour, ils n’y trouvent que les discordes intestines, ces compagnes inséparables de la pau- vreté insolente et incrédule. L’àme brisée, le corps exténué, com- bien qui voudraient secouer un joug aussi humiliant? Mais soit res- pect humain soit crainte de l’indigence, iis n’osent pas. Eh ! bien, à tous ces ouvriers, les sociétés catholiques peuvent être d’une merveilleuse utilité, si, hésitants, elle les invitent à venir chercher dans leur sein un remède à tous leurs maux, si, repentants, elles les accueillent avec empressement et leur assurent sauvegarde et protection. Que chacun fasse son devoir . Vous voyez, Vénérables Frères, par qui et par quels moyens cette question si difficile demande à être traitée et résolue. Que chacun se mette à la tâche qui lui incombe, et cela sans délai, de peur qu’en différant le remède on ne rende incurable un mal déjà si grave. Que les gouvernants fassent usage de l’autorité protectrice des. lois et des institutions ; que les riches et les maîtres se rappel- lent leurs devoirs; que les ouvriers dont le sort est en jeu pour- suivent des intérêts par des voies légitimes, et, puisque lareligion seule, comme nous l’avons dit dès le début, est capable de détruire le mal dans la racine, que tous se rappellent que la première con- dition à réaliser, c’est la restauration des mœurs chrétiennes, sans lesquelles même les moyens suggérés par la prudence humaine comme les plus efficaces seront peu aptes à produire de salutaires résultats. — Quant à l’Eglise, son action ne fera jamais défaut en aucune manière et sera d’autant plus féconde qu’elle aura pu se développer avec plus de liberté, et, ceci, nous désirons que ceux-là surtout le comprennent dont la mission est de veiller au bien public. Que les ministres sacrés déploient toutes les forces de leur âme et toutes les industries de leur zèle, et que sous l’auto- rité de vos paroles et de vos exemples, Vénérables Frères, ils ne cessent d’inculquer aux hommes de toutes les classes les règles évangéliques de la vie chrétienne; qu’ils travaillent de tout leur pouvoir au salut des peuples, et par-dessus tout qu’ils s’appliquent à nourrir en eux -mêmes et à faire naître dans les autres la cha- rité, reine et maîtresse de toutes les vertus. [ 20 ] C’est, en effet, d’une abondante profusion de charité qu’il faut principalement attendre le salut; nous parlons delà charité chré- tienne, qui résume tout l’Evangile et qui, toujours prête à se dévouer au soulagement du prochain, est un antidote très assuré contre l’arrogance du siècle et l’amour immodéré de soi-même : vertu dont l’apôtre saint Paul a décrit les offices et les traits divins dans ces paroles : La charité est patiente , elle est bénigne ; elle ne cherche pas son propre intérêt ; elle souffre tout , elle supporte tout , Comme gage des faveurs divines et en témoignage de Notre bienveillance, Nous vous accordons de tout cœur, à chacun de vous, Vénérables Frères, à votre clergé et à vos fidèles, la béné- diction apostolique dans le Seigneur. Donnée à Rome, près St-Pierre, le 15 mai de l'année 1891, de Notre Pontificat la quatorzième. Léon XIII, pape. LETTRE ENCYCLIQUE (16 février 1802) AU CLERGÉ ET A TOUS LES CATHOLIQUES DE FRANCK Nous n'avons pas l'intention d'exposer ici Vhistoire des luttes religieuses en France'., Ces luttes provenant de l'esprit sectaire , franc-maçonnique et révolutionnaire , se compliquaient de dissen- sions politiques entre catholiques et de défiances manifestes à l'é- gard du gouvernement existant. Léon XIII voulut calmer les esprits , soutenir le mouvement catholique républicain comme étant le seul qui ait actuellement chance de succès au point de vue des intérêts spiri- tuels de l'Église de France. « Il importe avant tout f dit-il , que les intérêts religieux d'un peuple soient sauvegardés , car ce sont eux qui font la grandeur morale de ce peuple : l'histoire de la France en té- moigne assez. Cette histoire si consolante doit rassurer les catholiques de France et les affermir dans la lutte contre les ennemis de Jésus - Christ . » — Mais arrivons à la question politique qui divise les ca- tholiques. - ‘ «mÊÊmmdu !» n . . • » » * " « > «y * •î. On pourrait lire avec profit sur ce sujet le livre intitulé Du Toast à l’Encyclique. In- 12, Paris, Lecoffre. [ 30 J 355 — Formes du gouvernement. Divers gouvernements catholiques se sont succédé en France dins le cours de ce siècle, et chacun avec sa forme distinctive : empires, monarchies, républiques. En se renfermant dans les abstractions, on arriverait à définir quelle est la meilleure de ces formes, considérées en elles-mêmes; on peut affirmer également en toute vérité que chacune d’elles est bonne, pourvu qu’elle sache marcher droit à sa fin, c’est-à-dire le bien commun, pour lequel l’autorité sociale est constituée; il convient d’ajouter fina- lement qu’à un point de vue relatif telle ou telle forme de gou- vernement peut être préférable, comme s’adaptant mieux au ca- ractère et aux mœurs de telle ou telle nation. Bans cet ordre d'idées spéculatif, les catholiques , comme tout citoyen , ont pleine liberté de préférer une forme du gouvernement à l'autre , précisé- ment en vertu de ce qu’aucune de ces formes sociales ne s’oppose , par elle-même , aux données de la saine raison , ni aux maximes de la doctrine chrétienne. Et c’en est assez pour justifier pleinement la sagesse de 1 Église alors que, dans ses relations avec les pou- voirs politiques, elle fait abstraction des formes qui les différen- cient, pour traiter avec eux les grands intérêts religieux des peuples, sachant qu’elle a le devoir d’en prendre la tutelle, au- dessus de tout autre intérêt. Nos précédentes Encycliques ont exposé déjà ces principes ; il était toutefois nécessaire de les rap- peler, pour le développement du sujet qui nous occupe aujour- d'hui. Que si l’on descend des abstractions sur le terrain des faits, il faut nous bien garder de renier les principes tout à l’heure établis; ih demeurent inébranlables. Seulement, en s’incarnant dans les faits, ils y revêtent un caractère de contingence , déterminé par le milieu où se produit leur application. Autrement dit, si chaque forme politique est bonne par elle-même et peut être appliquée au gouvernement des peuples, en fait, cependant, on ne rencontre pas chez tous les peuples le pouvoir politique sous une même forme; chacun possède la sienne propre. Cette forme naît de l’ensemble des circonstances historiques ou nationales, mais toujours humaines, qui font surgir dans une nation scs lois traditionnelles et même fondamentales; et par celles-ci se trouve déterminée telle forme particulière de gouvernement, tel’-0 base de transmission des pouvoirs suprêmes. Nous sommes obligés d'accepter ces gouvernements et de ne rien tenter pour les renverser. Mais il faut reconnaître que la forme du [31 ] — 356 — gouvernement dans une mi ion n’est pas tellement définitive quelle doive demeurer immuable, fût-ce l'intention de ceux qui à l'origine l’ont déterminée. Des crises politiques amènent des changements , et h nécessité sociale qui justifie la création et l'existence de nouveaux gouvernements exige aussi la soumission à ces gouvernements. Mais une difficulté se présente : La République française est si anti- chrétienne que les catholiques ne sauraient l'accepter. Le Pape relève l'objection par la distinction qui va suivre , et dont nous recom- mandons va lecture attentive . Nous citons maintenant textuellement lEncyclique jusqu'à sa conclusion. Différence entre pouvoirs constitués et législation. On eût évité ces regrettables divergences, si i’on avait su tenir soigneusement compte de la distinction considérable qu’il y a entre pouvoirs constitués et législation. La législation diffère à tel point des pouvoirs politiques et de leur forme que, sous le régime dont la forme est la plus excellente, la législation peut être détestable; tandis qu’à l’opposé, sous le régime dont la forme est la plus im- parfaite, peut se rencontrer une excellente législation. Prouver, l’histoire en main, cette vérité, serait chose facile; mais à quoi bon? tous en sont convaincus. Et qui mieux que l’Église est en mesure de le savoir, elle qui s’est efforcée d'entretenir des rapports habituels avec tous les régimes politiques? Certes, plus que toute autre puissance, elle saurait dire ce que lui ont souvent apporté de consolations ou de douteurs les lois des divers gouvernements qui ont successivement régi les peuples, de l’Empire romain jusqu’à nous. Si la distinction, tout à l’heure établie, a son importance majeure, elle a aussi sa raison manifeste; la législation est l’œuvre des hommes investis du pouvoir et qui, de fait, gouvernent la nation. D’où il résulte qu’en pratique la qualité des lois dépend plus de la qualité de ces hommes que de la forme du pouvoir. Ces lois seront donc bonnes ou mauvaises, selon que les législateurs auront l’esprit imbu de bons ou de mauvais principes et se laisseront diriger ou par la prudence politique ou par la passion. Qu’en France, depuis plusieurs années, divers actes importants de la législation aient procédé de tendances hostiles à la Religion, et par conséquent aux intérêts de la nation, c'est l’aveu de tous, malheureusement confirmé par l’évidence des faits. JNous-mème, obéissant à un devoir sacré, Nous en adressâmes des plaintes vivement senties à celui qui était alors à la tête de la République. Ces tendances cependant persistèrent, le mal s’ag- [ 32 ] grava, et l’on ne saurait s’étonner que les membres de l’Epis- copal français, placés par l’Esprit-Saint pour régir leurs différentes et illustres Églises, aient regardé, encore tout récemment, comme une obligation d'exprimer publiquement leur douleur touchant la situation créée en France à la Religion catholique. Pauvre France! Dieu seul peut mesurer l’abîme de maux où elle s’enfoncerait, si cette législation, loin de s’améliorer, s’obs- tinait dans une telle déviation, qui aboutirait à arracher de l’esprit et du cœur des Français la religion qui les a faits si grands* Et voilà précisément le terrain sur lequel, tout dissentiment politique mis à part, les gens de bien doivent s’unir comme un seul homme pour combattre, par tous les moyens légaux et hon- nêtes, ces abus progressifs de la législation. Le respect que l’on doit aux pouvoirs constitués ne saurait l’interdire : il ne peut im- porter, ni le respect, ni beaucoup moins l'obéissance sans limites à toute mesure législative quelconque, édictée par ces mêmes pouvoirs. Qu’on ne l’oublie pas, la loi est une prescription ordon- née selon la raison et promulguée, pour le bien de la communauté, par ceux qui ont reçu à cette fin le dépôt du pouvoir. En conséquence, jamais on ne peut approuver des points de législation qui soient hostiles à la Religion et à Dieu; c'est au contraire un devoir de les réprouver. C’est ce que le grand évêque d’Hippone, saint Augustin, mettait en parfaite lumière dans ce rai- sonnement plein d’éloquence : « Quelquefois les puissances de la terre sont bonnes et craignent Dieu; d’autres fois, elles ne ie crai- gnent pas. Julien était un empereur infidèle à Dieu, un apostat, un perverg, un idolâtre. Les soldats chrétiens servirent cet em- pereur infidèle. Mais, dès qu’il s’agissait de la cause de Jésus- Christ, ils ne reconnaissaient que Celui qui est dans le ciel. Julien leur prescrivait-il d’honorer les idoles et de les encenser, ils met- taient Dieu au-dessus du prince. Mais leur disait-il : Formez vos rangs pour marcher contre telle nation ennemie, à l’instant ils obéissaient. Ils distinguaient le Maître éternel du maître temporel, et cependant, en vue du Maître éternel, ils se soumettaient même à un tel maître temporel. » Nous le savons, l’athée, par un la- mentable abus de sa raison et plus encore de sa volonté, nie ces principes. Mais en définitive, l'athéisme est une erreur si nions- trueuse qu'elle ne pourra jamais , soit dit à l'honneur de l'humanité , y anéantir la conscience des droits de Dieu pour y substituer l’ido- lâtrie de l’État. Les principes qui doivent régler notre conduite envers Dieu et envers les gouvernements humains étant ainsi définis, aucun homme impartial ne pourra accuser les catholiques français, si, sans épargner ni fatigues ni sacrifices, ils travaillent à conserver t 33 ] — 358 — à leur patrie ce qui est pour elle une condition de salut, ce qui résume tant de traditions glorieuses enregistrées par l’histoire, et que tout Français a le devoir de ne pas oublier. Le Concordat . Avant de terminer Notre Lettre, Nous voulons toucher à deux autres points connexes entre eux, et qui, se rattachant de plus près aux intérêts religieux, ont pu susciter parmi les catholiques quelque division. L'un d’eux est le Concordat qui, pendant tant d’années, a facilité en France l’harmonie entre le gouvernement de l’Église et celui de l’État. Sur le maintien de ce pacte solennel et bilatéral, tou- jours fidèlement observé delà part du Saint-Siège, les adversaires de la Religion catholique eux-mêmes ne s’accordent pas. Les plus violents voudraient son abolition pour laisser à l’État toute liberté de molester l'Église de Jésus-Christ. D’autres, au contraire, avec plus d’astuce, veulent ou du moins assurent vouloir la conservation du Concordat : non pas qu’ils reconnaissent à l'État le devoir de remplir envers l’Église les engagements souscrits, mais uniquement pour le faire bénéficier des concessions faites par l'Église ; comme si l'on pouvait à son gré séparer les engagements pris des concessions obtenues , alors que ces deux choses font partie substantielle d’un seul tout. Pour eux, le Concordat ne resterait donc que comme une chaîne propre à entraver la liberté de l’Eglise, cette liberté sainte à laquelle elle a un droit divin et inaliénable. De ces deux opinions, laquelle prévaudra? Nous l'ignorons. Nous avons voulu seulement le rappeler, pour recommander aux catho- liques de ne pas provoquer de scission sur un sujet dont il appaf- lient au Saint-Siège de s’occuper. Séparation de l'Église et de l'État. Nous ne tiendrons pas le même langage sur l’autre point, con- cernant le principe de la séparation de l'État et de l’Église, ce qui équivaut à séparer la législation humaine de la législation chrétienne et divine. Nous ne voulons pas nous arrêter à démon- trer ici tout ce qu'a d’absurde la théorie de cette séparation ; chacun le comprendra de lui -même. Dès que l’État refuse de donner à Dieu ce qui est de Dieu, il refuse, par une conséquence nécessaire, de donner aux citoyens ce à quoi ils ont droit comme hommes; car, qu’on le veuille ou non, les vrais droits de l’homme [ 34 } • • — 359 — naissent précisément de ses devoirs envers Dieu. D*où H suit que l’État, en manquant, sous ce rapport, le but principal de son ins- titution, aboutit en réalité à se renier lui-meme et à démentir ce qui est la raison de sa propre existence. Ces vérités supérieure? sont si clairement proclamées par la voix môme de la raison na- turelle qu’elles s'imposent à tout homme que n’aveugle pas la violence de la passion. Les catholiques, en conséquence, ne sauraient trop se garder de soutenir une telle séparation. En effet, vouloir que l’Etat se sépare de l’Eglise, ce serait vouloir, par une conséquence logique, que l’Eglise fût réduite à la liberté de vivre selon le droit commun à tous les citoyens. Cette situation, il est vrai, se produit dans certains pays. C'est une manière d’etre qui, si elle a ses nombreux et graves incon- vénients, offre aussi quelques avantages, surtout quand le législa- teur , par une heureuse inconséquence , ne laisse pas que de s'inspirer des principes chrétiens , et ces avantages , bien qu'ils ne puissent jus- tifier le faux principe de la séparation , ni autoriser à le défendre , rendent cependant digne de tolérance un état de choses qui, pra- tiquement, n’est pas le pire de tous. Mais en France, nation catholique par ses traditions et par la foi présente de la grande majorité de ses fils, EÉglise ne doit pas être mise dans la situation précaire qu’elle subit chez d’autres peuples. Les catholiques peuvent d’autant moins préconiser la séparation qu’ils connaissent mieux les intentions des ennemis qui la désirent. Pour ces derniers, et ils le disent assez clairement, cette séparation, c’est l’indépendance entière de la législation politique envers la législation religieuse; il y a plus, c’est l’indiffé- rence absolue du pouvoir à l’égard des intérêts de la société chré- • tienne, c’est-à-dire de l’Église, et la négation même de son exis- tence. — Ils font cependant une réserve qui se forma j ainsi : Dès que l’Église, utilisant les ressources que le droit commun laisse aux moindres des Français, saura, par un redoublement de son activité native, faire prospérer son œuvre, aussitôt l’État in- tervenant pourra et devra mettre les catholiques français hors do droit commun lui-même. Pour tout dire en un mot, l’idéal de ces hommes serait le retour au paganisme : l’État ne reconnaît l'Église qu'au jour où il lui plaît de la persécuter . Ainsi sont expliqués les principaux points sur lesquels les catholi- ques français doivent pratiquer Vunion et la concorde. Puissent cette - union et cette concorde si désirables se réaliser t Le Pape en exprime le vœu et Vespoir en terminant. t 35 ] 3CÔ ~ ' Nous nourrissons l’espoir et la Confiance que réclaircissernent de ces points dissipera les préjugés de plusieurs hommes de bonne foi, facilitera la purification des esprits et, par elle, l’union par- faite de tous les catholiques, pour soutenir la grande cause du Christ qui aime les Francs. - » Le Cédant : HfiNfci Gautié* [ B6 ] PRIME DU MOIS D’AVRIL Offerte aux Abonnés directs de la Bibliothèque Populaire. Tout abonné direct à la Nouvelle Bibliothèque populaire aura droit de recevoir franco, pendant toute la durée du mois d’Avril, aux prix réduits de 3 francs brochés et de 3 fr. 60 reliés, au lieu de 6 fr. broché et de 6 fr. 60 relié que coûte cet ouvrage en librairie : , LES RÉGICIDES GRAND ROMAN HISTORIQUE PAR LE VTE OSCAR DE POLI Deux volumes in-i 2. — Prix : 6 francs en librairie . Pour recevoir la prime franco, il suffit d'envoyer à M. Henri Gautier, édi- teur, 55, quai des Grands-Augustins, à Paris, 3 francs si on veut recevoir les volumes brochés, ou 3 fr. 60 si on désire ces volumes reliés en toile grise avec ornements noirs. l e paiement doit être fait en mandat-poste, timbres français ou autre valeur sur Paris. iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiuaiiiiiuiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiifiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii En vente : DES ÉCOLES ET DES FAMILLES Prix de chaque volume s Quinze centimes chez tous les libraires, marchands de journaux, et dans les gares. Les 25 volumes parus : 4 fr. franco Vingt centimes franco, en écrivant à M. HENRI GAUTIER, éditeur, 55, quai des Augustins, à Paris. VOLUMES EN VENTE t. La Photographie, les appareils et leur usage, par A. et L. Lumière. — 2. Les Fourmis, par H. Mercereau. — 3. Les Travaux de M. Pasteur, par Gus- tave Philippon. — 4. Les parfums, par H. Coupin. — 5. Neige et GlacierB, par G. Velaiu. — 6. Lavoisier, par H. Mercereau. — 7. Les Aréostats, par Gapezza. — 8. Sucres et Sucrerie, par A. Hébert. — 9. Les Auimaux travailleurs, par Victor Meunier. — 10. Les Plantes vénéneuses, par A. Üuclos. — li. La Soie, par H. Mercereau, — 12. Les Impôts de l’ancien régime, par L. Prévaudeau. — 13. La Photographie, développement des épreuves, par A. et L. Lumière. — 14. Le Collectionneur d’insectes, par H. Coupin. — 15. L’Eclairage électrique, par E. Dumont. — ,16. L’Indus- trie de l’Alcool, par A. Hébert. — 17. Les Microbes de l’Air, par R. Cam- bier. — 18. La Fièvre, par le docteur Garrau de Balzan. — 19. Le Diamant, par H. Mercereau. — 20. La Céramique et la Verrerie, par Ch. Quillard. — 21. Hygiène du Chauflage et de l’Eclairage, par N. Gréhant. — Les Impôts modernes, par L. Prévaudeau. — Les Pierres tombées du Ciel, par S. Meu- nier. — 2 G Le Soleil, par C. Martin. — 25. Le Croup, parle docteur Lesage. 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Les pages les plus inspirées d’un tel livre doivent être connues de tous $ { J VJ. A LA Nouvelle !Bi33lio“tlioc£ia.e populaire La Xouvelle Bibhothèqy.e populaire publie un volume par semaine. On peut s’abonner aux cinquante-deux volumes d’une année. Les abonne- ments partent du 1 er de chaque mois. Tous les abonnés, aussi bien ceux de l’étranger et des colouies, que ceux de la France, recevront un volume par semaine. PRIX DE L’ABONNEMENT D’UN AN ; Paris, Départements, Algérie et Belgique ... 7 erancs. Etranger ‘(sauf la Belgique) f.t Colonies .... 8 francs. PRIME GRATUITE EXCLUSIVEMENT RÉSERVÉE AUX ABONNÉS NOUVEAUX Tout abonné nouveau a droit a recevoir, gratis et franco, dix volumes à choisir dans la liste de ceux déjà parus, ou un joli cartonnage pour conserve fes plumes. / ; ' ' ’ , • , • r . Ou s’abonne pour un an eu envoyant, en mandat-poste, timbres français ou autre valeur sur Paris, à M. 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