key: cord-1042434-bebj83p1 authors: Koenig-Zores, C.; Stoll-Keller, F.; Ammouche, C.; Donato, L. title: L’analyse virologique des aspirations nasopharyngées reflète-t-elle l’infection respiratoire basse chez l’enfant ? Étude en PCR multiplex date: 2013-03-31 journal: Revue Française d'Allergologie DOI: 10.1016/j.reval.2012.11.007 sha: 57e597324fcf9c5309541ae6f423bcd313a59ffb doc_id: 1042434 cord_uid: bebj83p1 Résumé Les infections respiratoires sont un problème de santé publique. Leur cause en est majoritairement virale chez le jeune enfant. La mise au point de techniques de détection par biologie moléculaire a permis d’en élargir le spectre virologique. L’objectif de notre travail est d’évaluer la corrélation entre les résultats des prélèvements effectués par aspiration rhinopharyngée et par lavage bronchoalvéolaire. Trente enfants présentant une symptomatologie d’infection respiratoire basse ont ainsi été prélevés aux deux sites au cours d’une même séance. Les échantillons ont été analysés par Polymerase chain reaction (PCR) virale multiplex (xTAG™RVP). Une corrélation forte est retrouvée entre la positivité de la PCR virale dans les voies respiratoires hautes et basses (p =0,0002). Le virus le plus fréquemment isolé est l’entéro-rhinovirus. Ces résultats confirment que l’infection virale touche l’appareil respiratoire de façon diffuse, et suggèrent que le prélèvement par aspiration rhinopharyngée suffit au diagnostic virologique d’une infection respiratoire virale basse chez l’enfant immunocompétent. Abstract Respiratory tract infections are frequent in young children and are related to viruses in most cases. Multiplex Polymerase chain reaction (PCR) based techniques are valuable tools for describing the spectrum of such viruses. The goal of this study was to assess the correlation of virus detection in samples obtained by nasopharyngeal aspiration and by bronchoalveolar lavage. Both samples were taken at the same time in 30 children with lower respiratory tract infection, and were analyzed by multiplex virus PCR (xTAG™RVP). A strong correlation has been found (P =0.0002) and the most frequently isolated virus was the entero-rhinovirus spp. These results strengthen the opinion that viruses colonize both the upper and lower respiratory tract. Nasopharyngeal samples should be sufficient to the diagnosis of lower respiratory tract viral infection in immuno-competent children. Les virus sont responsables d'environ 80 % des infections respiratoires de l'enfant : infections hautes (rhinite, laryngotrachéite) et basses (bronchite, bronchiolite, pneumopathie). L'incidence annuelle des pneumopathies communautaires de l'enfant de moins de cinq ans est de 34 à 40 pour mille [1] . Les virus en sont principalement responsables chez les nourrissons [2] . Les nouveaux outils du diagnostic virologique permettent d'affiner les données épidémiologiques. Comparées à l'immuno-histochimie et aux cultures, les techniques de Polymerase chain reaction (PCR) mettent en évidence un spectre viral beaucoup plus large, incluant des organismes déjà connus, mais aussi des virus dits « émergents » issus le plus souvent d'une recombinaison génétique. Chez l'enfant, la méthode de prélèvement la plus largement employée est l'aspiration rhinopharyngée (ARP) à l'aide d'un dispositif stérile. L'écouvillonnage nasal a une moins bonne sensibilité pour certains virus [3] . Les virus peuvent également être recherchés par prélèvement pulmonaire notamment dans le liquide de lavage bronchoalvéolaire (LBA), par brossage endoscopique ou même par biopsie. À notre connaissance, aucune étude n'a comparé à ce jour les résultats de l'analyse virologique de l'ARP et du LBA en PCR multiplex. Notre étude a comme objectif principal d'en évaluer la corrélation chez des enfants immunocompétents, présentant une infection respiratoire basse, et chez lesquels une indication d'endoscopie bronchique a été posée. L'objectif secondaire est d'explorer l'existence ou non d'un portage viral chez les patients présentant une symptomatologie d'asthme. Cette étude a été menée de janvier 2008 à avril 2010 dans les hôpitaux universitaires de Strasbourg principalement en hospitalisation de jour, mais également en réanimation pédiatrique. Les enfants inclus dans l'étude devaient présenter une symptomatologie respiratoire chronique pour laquelle une bronchofibroscopie était requise : bronchopneumopathie traînante, asthme mal contrôlé, et où le diagnostic d'infection bronchique était optiquement porté au cours de l'examen. Parmi les 30 patients inclus, sept avaient un asthme déjà diagnostiqué au moment de l'examen et au moins trois d'entre eux ont eu des symptômes d'hyperréactivité bronchique dans les mois qui ont suivi. Aucun enfant porteur ou suspect de l'une des affections suivantes n'a été inclut dans l'étude : déficit immunitaire, constitutionnel ou acquis ; maladie génétique de l'arbre respiratoire (mucoviscidose, dyskinésie ciliaire primitive) ; syndrome polymalformatif ; infection nosocomiale ; d'un corps étranger inhalé. La fibroscopie bronchique a été réalisée en ambulatoire ou en hospitalisation si nécessaire, après obtention de l'accord des parents. Vingt minutes avant l'examen, l'enfant a reçu une prémédication par voie intrarectale (sulfate d'atropine et benzodiazépine à courte durée d'action). Chez l'enfant de plus d'un an, une sédation complémentaire par protoxyde d'azote inhalé a été délivrée au masque pendant toute la durée de l'examen. Le geste a été complété par une anesthésie locale à la lidocaïne. L'endoscopie, réalisée par voie naso-trachéale, est précédée d'une pulvérisation nasale de lidocaïne. Dans notre protocole habituel cette pulvérisation est suivie d'une aspiration nasopharyngée visant à éliminer l'excédent de lidocaïne. Dans le présent travail, le produit de cette aspiration a été collecté pour étude virologique. Après exploration de l'arbre bronchique, le LBA a été effectué dans le territoire le plus suspect ou dans la bronche lobaire moyenne en cas d'infection diffuse. Trois à cinq seringues de 1 mL/kg de sérum physiologique stérile ont été injectées successivement par le canal opérateur, puis ré-aspirées et homogénéisées sur flacon piège. Des échantillons ont été envoyés aux laboratoires pour analyses virologique, cytologique et bactériologique. Les deux prélèvements ont été acheminés dans un milieu de transport spécifique (universal transport medium [UTM-RT, milieu de transport universel]) au laboratoire de virologie où a été réalisée une PCR multiplex pour la détection d'un panel de virus respiratoires 1 Les données sont traitées à l'aide du logiciel Statistica 8.0 2 . Les résultats sont exprimés en variables qualitatives et leur association est mesurée en analyse de corrélation (Spearman R) ainsi qu'en régression logistique. Les comparaisons sont faites en X 2 ou en probabilité unilatérale de Fisher en cas d'effectifs 1 La technique utilisée dans notre centre est commercialisée sous le nom de « xTAG TM RVP ». 2 Statsoft Inc. théoriques insuffisants. Le seuil de significativité est fixé pour un risque a inférieur à 5 %. Trente enfants âgés de 11 Tous virus confondus, la positivité de la PCR multiplex effectuée au niveau des ARP est significativement corrélée à sa positivité sur le LBA (Spearman R = 0,63 ; p = 0,00017) (Fig. 2) . En régression logistique, l'ARP positive fournit un bon modèle prédictif pour un LBA positif (OR 26 ; Wald-Chi 2 = 10,7 ; p = 0,001). La positivité de la PCR pour l'entéro-rhinovirus au niveau des ARP est statistiquement corrélée à celle du LBA (Spearman R = 0,73 ; p = 0,00001) (Fig. 3) . La signature moléculaire des virus influenza B, virus respiratoire syncytial A et B et du CoVa été identifiée de manière concordante dans quatre paires de prélèvements. Cinq prélèvements discordants entre les deux sites ont été mis en évidence. Trois PCR virales multiplex ne sont positives qu'au niveau du LBA. L'entéro-rhinovirus est impliqué dans tous les cas, dont une fois en association avec un métapneumovirus (Fig. 1 ). Le diagnostic d'asthme a été retenu dans sept cas sur 30 (23 %). Afin de confronter la validité de nos données à celle de la littérature, nous avons comparé les résultats virologiques des échantillons selon le statut d'asthme [4, 5] . On retrouve bien une différence de portage de Rhinovirus entre les asthmatiques et les autres (respectivement : 85 % vs 25 % sur les ARP ; 71 % vs 40 % sur les LBA) (Fig. 4) . Notre choix s'est porté vers l'étude de l'épidémiologie virale de nos patients par le biais d'une analyse moléculaire (PCR) virale multiplex. Le diagnostic virologique est dépendant de la qualité du prélèvement (caractère intracellulaire obligatoire), de sa rapidité de prise en charge et de la technique d'analyse utilisée. La PCR, très sensible, a supplanté les deux autres techniques utilisées auparavant pour le diagnostic viral : la culture et la recherche d'antigènes [6] . Elle est plus sensible notamment pour certains virus pneumotropes (Rhinovirus, Bocavirus, et certains CoV) qui peuvent mettre en défaut les autres techniques de diagnostic [7] . La PCR multiplex permet de rechercher dans le même temps un panel de virus. Son utilisation a permis d'accroître nos connaissances sur les causes des infections des voies respiratoires. La principale limite de cette technique est qu'elle ne peut témoigner du caractère actif de l'infection. La présence d'acides nucléiques appartenant au Rhinovirus peut se retrouver de façon prolongée, pouvant positiver la PCR plusieurs semaines après une infection [8] . Le développement de techniques quantitatives, malheureusement non encore disponibles en PCR multiplex, pourrait remédier à cet écueil. En cas de forte suspicion clinique et de négativité de cet examen, il reste donc préconisé d'effectuer une culture cellulaire qui reste la référence pour détecter un virus infectieux. Cette technique est particulièrement adaptée aux jeunes enfants, dont le taux d'infections virales est extrêmement élevé, non seulement à des fins épidémiologiques, mais également thérapeutiques, pronostiques et pour la mise en place de procédures d'isolement adéquates [2, [9] [10] [11] [12] . Un taux important de co-infection virale et bactérienne est retrouvé dans notre étude dévoilant le lien étroit, probablement potentialisateur, existant entre les deux types de pathogènes [13, 14] . Le recours à cette technique nous a permis de retrouver l'association classique entre asthme et présence d'entérorhinovirus dans les prélèvements rhinopharyngés ( p = 0,009). Dans notre étude, le lien est moins fort au niveau du LBA ( p = 0,16) dans cette population particulière, probablement lié à l'effectif réduit. Néanmoins, la même tendance se dessine. La technique de biologie moléculaire utilisée dans notre centre ne nous permet pas de distinguer les Rhinovirus des entérovirus. En cas de positivité de celle-ci, nous avons considéré qu'il s'agissait d'une infection à Rhinovirus comptetenu du terrain, de la saisonnalité des examens et de l'épidémiologie des Rhinovirus. Dans de nombreux centres, la technique de choix concernant le site de prélèvement à visée virologique dans le cadre d'une infection respiratoire basse est la réalisation d'une ARP, l'indication d'endoscopie n'étant pas posée chez le tout venant. À l'instar de ce qui a été montré dans les dyskinésies ciliaires primitives [15] , nous cherchons à déterminer si l'infection bronchopulmonaire virale peut être mise en évidence par un prélèvement peu invasif effectué dans un site facilement accessible en pratique courante. Notre étude montre une corrélation forte entre la positivité de la PCR virale multiplex au niveau des ARP et sa positivité au niveau du LBA ( p = 0,00017). Ainsi, le risque d'avoir un LBA positif est 26 fois plus important si l'ARP est positive. L'association est clairement établie pour le Rhinovirus, microorganisme largement majoritaire sur notre set de prélèvements ( p = 0,00001). Ces résultats confortent l'idée que l'infection virale touche l'appareil respiratoire haut et bas de façon diffuse. Néanmoins, ils ne montrent pas une concordance totale entre les deux sites de prélèvement, principalement liée à la faible représentativité de certains virus, ne permettant pas de conclure hormis pour l'entéro-rhinovirus. Nous continuons à ce jour les inclusions afin de pouvoir affiner les corrélations virus par virus. À la vue de ces résultats, la PCR virale multiplex sur l'ARP est un bon reflet du prélèvement dans le bas appareil. Elle devrait suffire au diagnostic de bronchopneumopathie virale chez l'enfant immunocompétent. L'accès au poumon profond par le LBA est un examen invasif, toutefois difficilement contournable chez l'enfant immunodéprimé ou en cas de pneumopathie grave sans germe identifié par d'autres techniques. La biologie moléculaire permet de préciser le spectre épidémiologique des infections respiratoires. La PCR virale multiplex, peu invasive au niveau rhinopharyngé, paraît bien corrélée aux résultats du LBA et plaide pour un continuum de l'infection virale tout au long de l'arbre respiratoire. L'ARP devrait suffire au diagnostic virologique d'une bronchopneumopathie chez l'enfant immunocompétent. Néanmoins, sa réalisation ne doit pas faire retarder la pratique du LBA en cas d'infection respiratoire basse traînante ou d'une pathologie sous-jacente associée (autre type de microorganisme, bactérie ou parasite). Prédominant dans notre étude, le Rhinovirus est connu pour produire de petites lésions tissulaires avec production de médiateurs pro-inflammatoires induisant un afflux de polynucléaires neutrophiles. Cette réponse immune, qui pourrait augmenter la réactivité bronchique chez l'asthmatique, est un facteur supposé d'exacerbation. Le sens de l'association Rhinovirus et asthme, bien démontrée par de larges échantillons de population [16] , n'est toutefois pas clair. On sait que la fonction des cellules T régulatrices est perturbée chez l'atopique, et pas seulement au niveau de la réponse Th2. Le suivi de la cohorte COAST montre que le nombre d'épisodes de viroses sifflantes dans la première année de vie et le portage ultérieur de Rhinovirus dépendent de la qualité de la réponse Th1 mesurée dès la naissance [17] . Ces travaux semblent indiquer que l'asthme du jeune enfant prédispose au portage de microorganismes dans les voies aériennes et remettent en question le rôle déclenchant des virus, qui seraient plutôt des marqueurs : viroses asthmo-induites ? Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d'intérêts en relation avec cet article. Community-acquired pneumonia in children Etiology of community-acquired pneumonia in 254 hospitalized children Nasal swab versus nasopharyngeal aspirate for isolation of respiratory viruses Rhinovirus illnesses during infancy predict subsequent childhood wheezing Rhinovirus and the initiation of asthma Diagnosis of viral respiratory infections Viral etiology of acute respiratory tract infections in children presenting to hospital: role of polymerase chain reaction and demonstration of multiple infections Persistence of rhinovirus and enterovirus RNA after acute respiratory illness in children A randomized, controlled trial of the impact of early and rapid diagnosis of viral infections in children brought to an emergency department with febrile respiratory tract illnesses Cost-effectiveness of rapid diagnosis of viral respiratory tract infections in pediatric patients In very young infants severity of acute bronchiolitis depends on carried viruses Report of a workshop on respiratory viral infections: epidemiology, diagnosis, treatment, and prevention Virus bacteria interactions in acute viral pneumonia in infancy: clinical and therapeutic consequences Respiratory viral infection predisposing for bacterial disease: a concise review Do nasal ciliary changes reflect bronchial changes? An ultrastructural study Wheezing rhinovirus diseases in early life predict asthma development in high-risk children Viral infection, cytokine dysregulation and the origins of childhood asthma and allergic diseases