key: cord-1028098-m2cysoci authors: Lalau, Jean-Daniel; Al-Salameh, Abdallah; Wiernsperger, Nicolas; Goronflot, Thomas; Pichelin, Matthieu; Wargny, Matthieu; Desailloud, Rachel; Hadjad, Samy; Gourdy, Pierre; Cariou, Bertrand title: La metformine est associée à une moindre mortalité chez les patients diabétiques hospitalisés pour la COVID-19 date: 2021-02-25 journal: nan DOI: 10.1016/j.mmm.2021.02.013 sha: 98220dd5f7f73d84e2642ea7388bee5a07077bd2 doc_id: 1028098 cord_uid: m2cysoci Les effets anti-inflammatoires et modulateurs de l’immunité de la metformine légitimaient la recherche d’un meilleur pronostic chez les diabétiques hospitalisés pour la maladie à coronavirus 2019 (COVID-19) traités par metformine, comparativement à ceux qui ne le sont pas. Une telle recherche a pu être menée à partir de la cohorte nationale CORONADO, qui a inclus les patients diabétiques de type 2 hospitalisés pour la COVID-19, entre le 10 mars et le 10 avril 2020 et avec une méthodologie robuste : un critère de jugement principal combinant à J7 l’intubation trachéale et le décès ; une courbe de survie Kaplan–Meier ; et, surtout, une analyse de régression logistique pondérée par un score de propension. Ce sont, au total, près de 2500 patients qui ont été étudiés, dont près des deux-tiers traités par metformine. Ces derniers avaient globalement moins de comorbidités, liées au diabète ou non, mais, en revanche, des signes de la COVID-19 plus francs. Parmi les résultats, le fait plus marquant a été une mortalité nettement moindre dans le groupe traité par metformine que dans le groupe non traité par metformine, et ce, dès J7 (8,2 % versus 16,1 %, respectivement). Ce différentiel persistait à J28 (16,0 % versus 28,6 %, respectivement). L’hypothèse d’un bénéfice lié à la metformine doit maintenant être confirmée par une étude d’intervention, dont dans la population générale. Metformin exerts anti-inflammatory and immunosuppressive effects. We addressed the impact of prior metformin use on the prognosis of patients with type 2 diabetes hospitalised for COVID-19. We used data from the nationwide observational CORONADO cohort that included patients with diabetes hospitalised for COVID-19 between March 10 and April 10, 2020 in 68 French centres. The primary outcome was combined tracheal intubation and/or death within 7 days of admission. A Kaplan–Meier survival curve was reported for death up to day 28. The association between metformin use and outcomes was then estimated in a logistic regression analysis after applying propensity score weighting approach to account for treatment allocation. Among the 2449 patients included, 1496 were metformin users and 953 were not. Compared with non-users, metformin users were younger with a lower prevalence of diabetic complications, but had more severe features of COVID-19 at admission. The most striking feature was a lower mortality rate in metformin users vs. non-users on day 7 (8.2 % vs. 16.1 %, respectively; P <0.0001) and on day 28 (16.0 % vs. 28.6 %, respectively: P <0.0001), even after propensity score weighting was applied. Randomised, controlled studies are now needed in order to confirm the benefits associated with metformin and to establish to what extent these protective effects, if any, can be generalised to non-diabetic patients with COVID-19. La metformine est associée à une moindre mortalité chez les patients diabétiques hospitalisés pour la COVID-19 Jean-Daniel Lalau 1,2 , Abdallah Al-Salameh 1,2 , Nicolas Wiernsperger 3 Une histoire ancienne, des faits plus récents, et une hypothèse Le diabète, celui de type 2 en particulier, et l'obésité, si fréquente dans ce type de diabète, ont très tôt été pointés comme des facteurs de risque, plus précisément comme des facteurs de sévérité de la maladie à coronavirus 2019 (COVID-19) [1] . Aussi était-il nécessaire de nous interroger sur la place possible des médications antidiabétiques au regard à la fois des recommandations générales, lesquelles donnent une large place à la metformine [2] , et de cette infection . La metformine, en effet, est efficace sur le contrôle glycémique ; elle ne fait pas courir de risque d'hypoglycémie ; elle est aisément accessible et peu onéreuse ; elle offre aussi une protection vasculaire, et même vis-à-vis de la mortalité globale, chez les patients diabétiques [3] . En fait, la metformine est plus que cela. Si l'on joint les études précliniques et les études cliniques, il est possible de faire état d'effets néphroprotecteurs [4] , d'un effet préventif ou thérapeutique adjuvant dans certains cancers [5] , d'un effet préventif aussi des maladies neurodégénératives [6] et du vieillissement [7] . Tout ceci parce qu'en définitive la metformine exerce un effet protecteur cellulaire, et ce, indépendamment de la glycémie ambiante [8] (nous renvoyons à la référence qui suit pour les aspects mécanistiques [9] ). De tels effets globaux, et les effets macro-et microvasculaires assez impressionnants en particulier [10] , sont certainement l'explication du fait qu'en médecine d'urgence la mortalité des sujets diabétiques est nettement moindre chez ceux traités par metformine [11] . Metformin use is associated with a reduced risk of mortality in patients with diabetes hospitalized for COVID-19 Metformin exerts anti-inflammatory and immunosuppressive effects. We addressed the impact of prior metformin use on the prognosis of patients with type 2 diabetes hospitalised for COVID-19. We used data from the nationwide observational CORONADO cohort that included patients with diabetes hospitalised for COVID-19 between March 10 and April 10, 2020 in 68 French centres. The primary outcome was combined tracheal intubation and/or death within 7 days of admission. A Kaplan-Meier survival curve was reported for death up to day 28. The association between metformin use and outcomes was then estimated in a logistic regression analysis after applying propensity score weighting approach to account for treatment allocation. Among the 2449 patients included, 1496 were metformin users and 953 were not. Compared with nonusers, metformin users were younger with a lower prevalence of diabetic complications, but had more severe features of COVID-19 at admission. The most striking feature was a lower mortality rate in metformin users vs. non-users on day 7 (8.2 % vs. 16.1 %, respectively; P < 0.0001) and on day 28 (16.0 % vs. 28.6 %, respectively: P < 0.0001), even after propensity score weighting was applied. Randomised, controlled studies are now needed in order to confirm the benefits associated with metformin and to establish to what extent these protective effects, if any, can be generalised to non-diabetic patients with COVID-19. Mais ce n'est toujours pas tout ! Dans le contexte plus particulier de la COVID-19, il est important de rappeler que la diméthylbiguanide a d'abord été diffusée à titre anti-grippal (en 1947 en Indonésie, à l'époque sous le nom de « flumamine ») [12] . Depuis lors, de multiples publications ont rapporté un effet thérapeutique adjuvant dans le traitement d'infections aussi diverses que la malaria, la tuberculose, la légionellose, l'hépatite C, ou encore l'infection à virus Zika ; au point qu'il a pu être suggéré que la metformine pouvait vivre une seconde carrière en tant qu'agent antimicrobien [13] . S'agissant maintenant du syndrome respiratoire aigu sévère du coronavirus 2 (SRAS-CoV-2), la metformine figure parmi les agents ayant pour cible des facteurs impliqués dans l'interaction entre le SRAS-CoV-2 et l'hôte humain [14] . À ceci, il convient encore d'ajouter que la metformine exerce des effets immunosuppresseurs directs et indirects [15] avec, en particulier, une réduction de la sécrétion par les macrophages de cytokines pro-inflammatoires, une nouvelle fois indépendamment de l'état diabétique [16] . De façon plus précise encore, il a pu être montré que la metformine intervenait sur la cascade espèces réactives de l'oxygène (ROS)/ canaux calciques activés par la libération de calcium/interleukine (IL)-6 et atténuait ainsi l'effet pro-inflammatoire et prothrombotique de la COVID-19 [17] . Enfin, fait important pour le pronostic, cette fois à plus long terme de cette COVID-19, la metformine participe à la restauration des lésions de fibrose pulmonaire provoquées dans différents modèles expérimentaux [18] . Voici donc, au total, un corpus conséquent pour soutenir l'hypothèse d'un effet protecteur de la metformine vis-à-vis des complications de la COVID-19 ! Cette hypothèse, nous l'avons publiée [19] . Il ne restait plus. . . qu'à la démontrer. C'est dans cette visée que nous avons pris appui sur l'étude « Coronavirus SARS-CoV-2 and Diabetes Outcomes » (CORO-NADO) [20] et la formidable synergie nationale que la constitution de cette cohorte a générée (en ralliant 68 centres français !). Le présent travail est donc une étude complémentaire, une étude dite « post hoc ». Une population large Aujourd'hui, l'étude CORONADO n'est plus à présenter aux diabétologues français. Précisons simplement, pour la comparaison avec la présente étude, que la publication première avait porté sur la période qui s'était écoulée entre les 10 et 31 mars (de l'année 2020, bien sûr) et plus de 1300 patients [20] ; la présente, elle, a concerné un mois entier : du 10 mars au 10 avril 2020, et près du double de patients. Le diagnostic de la COVID-19, basé sur la clinique et la radiologie, a été confirmé par une analyse virologique (amplification en chaîne par polymérase [PCR]) du prélèvement nasopharyngé dans la quasi-totalité des cas. Un premier point fort de cette étude CORONADO a assurément été la collecte soigneuse de nombreux paramètres. Des précisions à ce sujet pour quelques points : la valeur d'hémoglobine glyquée (HbA 1c ) retenue a été celle obtenue dans les 7 premiers jours de l'hospitalisation et, à défaut, la valeur la plus récente dans les 6 mois précédant l'hospitalisation ; la valeur du débit de filtration glomérulaire estimé (DFGe) retenue a été la plus récente obtenue avant l'hospitalisation ; enfin, et ce point est essentiel, la vérification de la prescription effective des médications prises par les patients à leur entrée à l'hôpital a été faite lors de l'examen, à l'admission à l'hôpital, des ordonnances et des données du dossier médical, complété si nécessaire en contactant le médecin traitant ou le pharmacien. Le critère de jugement principal combinait deux événements recueillis à J7 : l'intubation trachéale et/ou le décès. Les critères secondaires ont été les suivants : les mêmes éléments combinés à J28, et ces mêmes éléments encore mais considérés séparément cette fois à J7 et à J28. Tout ceci, bien sûr, pour comparer deux groupes : selon que les participants recevaient à l'admission, ou pas, de la metformine. L'étude a comporté, successivement : la comparaison des deux groupes (« metformine + » versus « metformine À ») au regard des critères de jugement sans tenir compte des facteurs de confusion ; une courbe de survie Kaplan-Meier ; une nouvelle comparaison des groupes d'intérêt, mais cette fois après application d'un score de propension pour tenir compte de la confusion, en réalisant en parallèle des analyses de sensibilité. Les caractéristiques démographiques et cliniques à l'admission pouvant interférer dans l'estimation de l'effet traitement, il était nécessaire de les prendre en compte dans l'analyse. Aussi, avons-nous construit dans un premier temps un modèle de régression logistique pour décrire l'association entre la prise de metformine et l'ensemble des variables connues ou suspectées d'être des facteurs de confusion, ces dernières ayant été sélectionnées par les cliniciens ou de manière statistique (p 0,15 en association univariée avec le critère de jugement principal). Ce modèle a permis de calculer le score de propension pour chaque patient, c'est-à-dire leur probabilité d'appartenir au groupe traité par metformine en fonction de leurs caractéristiques à l'admission. Dans un deuxième temps, nous avons utilisé l'inverse de ce score de propension pour pondérer chaque individu dans les modèles afin d'estimer l'effet traitement tout en minimisant l'effet de ces facteurs de confusion (méthode dite IPTW, pour inverse probability of treatment weighting) [21, 22] . Des analyses de sensibilité ont enfin été réalisées complémentairement, après ajustement supplémentaire, selon les paramètres suivants : le taux d'HbA 1c , la valeur du DFGe, et la durée du diabète (voir en partie sur la figure 1). La metformine est associée à une moindre mortalité chez les patients diabétiques hospitalisés pour la COVID-19 Les analyses statistiques ont été réalisées en utilisant le logiciel R (v 3.6.2), en particulier à l'aide du package « Propensity Score Weighting » (PSW) [23] . Et des résultats au rendez-vous ! Au terme de la période d'étude, 2951 patients ont pu être recrutés à partir des 68 centres participant à l'étude. Les critères d'exclusion sont détaillés sur la figure 1. Les caractéristiques démographiques des patients retenus sont présentées dans le tableau I. À l'évidence, le groupe des patients traités par metformine avant l'admission présentait des différences notables, comparativement aux sujets diabétiques non traités par metformine (nettement moins nombreux, à 38,9 % de la population globale) : les premiers étaient plus jeunes, plus souvent des hommes, avec un peu moins d'ancienneté du diabète, un taux d'HbA 1c un peu plus élevé, moins de comorbidités (qu'elles soient liées au diabète ou non), et avec des différences encore s'agissant des traitements (antidiabétiques et autres). En revanche, les patients traités par metformine présentaient des signes plus nets de la COVID-19 (au plan clinique, radiologique, et biologique), il est vrai avec un délai de temps plus long entre les signes inauguraux et l'admission à l'hôpital (avec une médiane de 6 jours, versus 4 jours pour les non traités par metformine), comme indiqué dans le tableau II ; à noter en particulier les taux de protéine C réactive (CRP) et de fibrinogène plus élevés. Les fameux « outcomes » sont présentés dans le tableau III. Une différence d'événements combinés (intubation et/ou décès) a été observée à j28 (32,6 % versus 38,7 % pour les sujets non traités par metformine ; p = 0,0023). Cette différence tient à un taux de décès nettement moindre, dès j7 (8,2 % versus 16,1 %, respectivement ; p < 0,0001) et de façon durable dans le temps, puisque ce taux était moindre aussi à J28 (16,0 % versus 28,6 %, respectivement ; p < 0,0001), et non au taux d'intubation puisque ce taux s'est avéré, au contraire, plus élevé. La courbe de survie montre aussi un bien meilleur taux de survie chez les patients traités par metformine, le différentiel entre les deux groupes étudiés apparaissant dès les premiers jours de l'hospitalisation (figure 2). Fait important, ces observations favorables pour la metformine se voient confirmées après application du score de propension, au moins pour j28 (tableau IV), et ce, alors même que, par la force des choses, la taille de population s'est vue réduite par la prise en compte pour le calcul du score de propension de paramètres non nécessairement disponibles pour tous les patients. Aussi ne détaillerons-nous pas les études de sensibilité complémentaires, réalisées à partir de sous-groupes de taille encore plus réduite (voir par exemple pour l'HbA 1c dans le tableau IV ; pour les autres résultats, nous renvoyons à notre publication [24] ). Matière maintenant à discuter. . . Depuis l'émergence de la COVID-19, des travaux ont été consacrés aux possibles effets sur le pronostic de la COVID-19 (avec des hypothèses mécanistiques à la clé) des bloqueurs du système rénine-angiotensine [25] et des statines [26] . Il était temps de se pencher sur la metformine, cette médication de 1 re intention dans le diabète et, notamment, au regard des arguments en sa faveur présentés en introduction. Nous avons obtenu de nombreux résultats avec la présente étude ; tentons ici d'en faire la synthèse et, surtout, de problématiser. Nous ne pouvons pas, en effet, nous limiter au fait brut, même si un fait en l'occurrence est, en soi, d'une TABLEAU I Principales caractéristiques démographiques des participants à leur admission à l'hôpital (selon la distribution : moyenne W DS, ou médiane [25-75 percentiles] à risqueparce que moins âgés et avec nettement moins de comorbiditéset nettement. . . plus à risque, parce que présentant des signes de la COVID-19 plus sévères (à l'exception notable de l'état dyspnéique). Expliquons-nous, puisqu'il n'est bien sûr pas possible de présenter à la fois un risque plus faible et un risque plus élevé. Il n'est donc pas question de degré, mais de nature : il y avait bien un risque plus faible, au regard du statut chronique, en termes de comorbidités ; et bien aussi un risque plus élevé, au regard cette fois de la condition aiguë, celle du statut infectieux. Mais alorsnouveau paradoxe ?comment la metformine pourrait-elle être protectrice, si le statut infectieux est plus sévère chez les sujets traités par metformine, au point que le taux d'intubation se soit avéré plus élevé chez eux ? L'explication tient certainement au fait que ces sujets traités par metformine ont été hospitalisés à une date beaucoup plus proche de la phase dangereuse de la COVID-19, comparativement aux autres patients. En effet, le délai médian entre les premiers signes de l'infection et l'admission à l'hôpital était de 6 jours chez les premiers, et de 4 jours chez les seconds ; or, il est désormais connu que la plupart des formes graves se développent dans la 2 e semaine suivant l'apparition des symptômes. Reste à expliquer pourquoi une telle différence de délai pour l'admission, entre nos deux groupes d'étude. À ce sujet, nous ne pensons pas que la metformine ait pu masquer quelque signe clinique que ce soit ; nous pensons plutôt que le groupe non traité par metformine a dû faire l'objet de plus d'attentions pour la raison de son risque élevé. En effet, ce groupe était plus âgé (de 6 ans en moyenne), était âgé tout court même (de près de 75 ans en moyenne), et présentait donc plus de comorbidités. La question la plus pressante maintenant est celle de savoir si le bénéfice que nous voudrions conférer à la metformine tient à un « effet d'empreinte ». Expliquons-nous à nouveau : le bénéfice tiendrait-il au fait que les patients ont été traités par metformine avant l'hospitalisation, avec un effet d'empreinte ensuite, car la metformine n'aura pas été nécessairement continuée pendant cette hospitalisation, a fortiori dans le cas de la dégradation générale en réanimation ? Et/ou tient-il plutôt à la continuation du traitement tout au long du séjour chez certains patients, à tout le moins à la continuation de l'effet du traitement chez la majorité des patients ? Ici, nous pourrions nous perdre en conjectures, dans la mesure où nous ne disposons malheureusement pas de l'information sur les pratiques de continuation du traitement par metformine dans chaque centre, ni du relevé quotidien des prescriptions de metformine pendant l'hospitalisation. Nous pensons, néanmoins, que la metformineou l'effet de la metforminea été maintenue pendant une durée de temps significative sur la base des arguments suivants : le traitement par metformine n'a pas nécessairement été arrêté systématiquement à l'entrée à l'hôpital ; même dans l'hypothèse où le traitement aurait été suspendu dès l'entrée, les patients n'en auraient pas été sevrés totalement pendant plusieurs jours, eu égard à la demi-vie de la metformine, au moins au niveau cellulaire (et si nous faisons aussi l'hypothèse que nos travaux sur les érythrocytes puissent être un bon marqueur pour les « cellules cibles ») : il faut compter pratiquement une semaine, en effet, pour une élimination totale de la metformine de l'organisme [27] , et donc au moins autant pour la disparition de son effet biologique ; la demi-vie de la metformine devait être encore allongée chez les nombreux patients présentant une altération de la fonction rénale (à un degré n'interdisant toutefois pas la poursuite du traitement par metformine). Il suffit de voir à cet égard les intervalles de confiance du DFGe ; des arguments expérimentaux plaident en faveur du fait que les effets protecteurs cellulaires requièrent une dose de metformine moins importante que celle requise pour lutter contre l'insulinorésistance [10] . Aussi, pouvons-nous soulever raisonnablement l'hypothèse selon laquelle l'effet de la metformine a pu être maintenu pendant une durée significative, dont pendant la « fameuse » phase inflammatoire dangereuse, sur nombre de cellules impliquées dans la lutte contre les infections et leurs conséquences (telles que les cellules endothéliales, les neurones et les cellules gliales, les cardiomyocytes, les hépatocytes, les macrophages ; revues in [8, 9] ). Une telle hypothèse se voit renforcée par l'observation d'une association entre le traitement par metformine et la mortalité globale chez des patients présentant un sepsis sévère, parfois avec syndrome de choc [11] . Ajoutons que nous tenons jusqu'à présent pour acquis que les patients prenaient bien leur traitement au moins jusqu'à leur admission. Mais, dans les faits, l'observance était-elle pleine et entière ? Dans le cas contraire, pourrait-on imaginer que le bénéfice avec la metformine aurait été encore plus net ? Nous apportons à ce sujet un élément d'information : nous avons dosé la metformine dans le plasma et les érythrocytes à l'entrée dans le centre d'Amiens chez 30 patients consécutifs supposés être traités en routine par metformine. Au bout du compte, la metformine s'est avérée indétectable dans le plasma chez cinq patients (soit 17 %) et dans les érythrocytes chez quatre d'entre eux (13 %) [données non publiées]. Il nous reste maintenant à nous pencher sur un dernier point : nous parlons de notre travail ; mais que dit la littérature sur ce sujet, de la metformine dans la COVID-19 ? Et si, d'aventure, d'autres études avec la metformine ont été publiées, comment nous situons-nous par rapport à elles ? S'agissant de « l'hypothèse metformine », plusieurs publications ont paru, tantôt en faveur de la metformine, tantôt pour dissuader au contraire de son usage. Penchons-nous plutôt sur les autres études publiées, en tentant d'être objectiftant il est difficile d'être à la fois juge et partie. Il apparaît patent que certaines études ont paru dans la précipitation, dans le contexte de l'urgence sanitaire, certes, mais sans doute aussi dans une ambiance de compétition et avec la volonté d'être « the first ». Au prix parfois de manquements majeurs : ici, une population bien trop modeste pour montrer quoi que ce soit ; là, une méthodologie insuffisamment robuste, ou même inadaptée ; là encore, un diagnostic de la COVID-19 qui n'est pas confirmé pour l'ensemble des patients, etc. En définitive, nous n'avons identifié qu'un seul travail comparable au nôtre, en raison de l'importance de la population étudiée : 6256 patients, dont 2333 traités par metformine, et avec application aussi d'un score de propension [28] . Nous émettons cependant des réserves majeures à son sujet : le diagnostic de la COVID-19 n'a pas confirmé dans un tiers des cas ; des données phénotypiques majeures sont manquantes dans la grande majorité des cas, telles que l'indice de masse corporelle (IMC) ou encore la fonction rénale, de sorte que le score de propension n'a pu être appliqué sur des données d'intérêt en diabétologie qu'à propos, au mieux, de quelques centaines de patients. Ce sont sans doute ces insuffisances qui sont à l'origine d'un résultat étonnant dans cette étude : le traitement par metformine n'a été associé à un effet favorable que dans le sexe féminin, résultat en effet étonnant puisqu'on est en droit d'attendre un bénéfice plus marqué dans le sexe le plus à risque, qui est en fait le sexe masculin [28] . Si nous pouvons dire, sans forfanterie aucune, que notre étude est la mieux construite à ce jour, nous n'en reconnaissons pas moins qu'elle souffre malgré tout de certaines insuffisances. Plusieurs points ont déjà été soulignés : son caractère observationnel ; le fait que, pour tenter de compenser cette faiblesse par un score de propension, nous avons perdu un nombre important de données, dont des données relatives au statut et à la fonction rénale. En outre, même si nos paramètres pour le calcul de ce score ont été nombreux, nous ne pouvons pas prétendre à l'exhaustivité de la prise en compte des facteurs confondants. Ajoutons à cela un manque d'informations aussi quant au statut glycémique pendant l'hospitalisation, statut dont on sait désormais qu'il a un impact sur le pronostic de la COVID-19 [29] , et aux médiateurs pro-inflammatoires (telle que l'IL-6). Nous soulignons pour autant la véritable prouesse qu'aura été, en un temps record, la collecte de données auprès de 68 centres, au demeurant en nombre si important que l'on s'affranchit ainsi du risque de « l'effet centre », au regard des pratiques de réanimation (nous pensons en particulier à l'indication de l'intubation). Enfin, si nous recommandons évidemment la réalisation d'une étude d'intervention randomisée, nous n'en soulignons pas moins l'intérêt d'une étude observationnelle. Car, après tout, tel est bien le reflet de ce qui se passe dans la vie courante ! Et force est de reconnaître que l'étude randomisée est aussi nécessaire que difficile, sinon impossible, à réaliser, à l'heure où la vaccination contre le SRAS-CoV-2 se met en place. En guise de conclusion, un questionnement pour la pratique clinique Terminons donc avec un grand point d'interrogation, pour l'ensemble des questions qui demeurent, si l'hypothèse d'un effet bénéfique de la metformine se voit confirmée : quelle est la durée minimale du traitement par metformine requise pour offrir une protection contre la (gravité de la) COVID-19 ? ; quelle pourrait être la posologie optimale de metformine ? ; comment gérer le traitement par metformine chez le sujet fragile et, notamment, chez le sujet âgé, et qui relève, à ce titre, plus qu'un autre d'un effet protecteur mais, dans le même temps, qui est à risque aussi d'instabilité et, partant, d'accumulation de metformine ? Faisons rappel à ce sujet quetoujours dans des études d'observation certesla metformine a été associée à un pronostic vital nettement, et parfois rapidement, plus favorable chez des sujets insuffisants rénaux, insuffisants cardiaques, ou encore insuffisants hépatiques, comparativement aux autres options antidiabétiques [30, 31] ; enfin, une dernière question pressante : dans quelle mesure nos résultats peuvent-ils être extrapolés à la population générale, non nécessairement diabétique, et ce, tant pour la gravité que pour l'incidence même de la COVID-19 ? Remerciements : Jean-Daniel Lalau tient à exprimer une nouvelle fois toute sa gratitude aux référents de l'étude CORONADO. Déclaration de liens d'intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d'intérêts. Factors associated with COVID-19-related death using OpenSAFELY A consensus report by the American Diabetes Association (ADA) and the European Association for the Study of Diabetes (EASD) Diabetes medications as monotherapy or metformin-based combination therapy for type 2 diabetes: a systematic review and meta-analysis Renoprotective effects of metformin Repurposing metformin for the prevention of cancer and cancer recurrence The therapeutic potential of metformin in La metformine est associée à une moindre mortalité chez les patients diabétiques hospitalisés pour la COVID-19 Benefits of metformin in attenuating the hallmarks of aging Metformin as a cellular protector; a synoptic view of modern evidences Understanding the glucoregulatory mechanisms of metformin in type 2 diabetes mellitus Review: 50 years later: is metformin a vascular drug with antidiabetic properties? Association of preadmission metformin use and mortality in patients with sepsis and diabetes mellitus: a systematic review and meta-analysis of cohort studies Metformin: historical overview Is metformin poised for a second career as an antimicrobial? A SARS-CoV-2 protein interaction map reveals targets for drug repurposing Context-dependent pharmacological effects of metformin on the immune system Anti-inflammatory effects of metformin irrespective of diabetes status Metformin and SARS-CoV-2: mechanistic lessons on air pollution to weather the cytokine/thrombotic storm in COVID-19 Metformin induces lipogenic differentiation in myofibroblasts to reverse lung fibrosis Management of diabetes in patients with COVID-19 Phenotypic characteristics and prognosis of inpatients with COVID-19 and diabetes: the CORONADO study The performance of different propensity-score methods for estimating differences in proportions (risk differences or absolute risk reductions) in observational studies The relative ability of different propensity score methods to balance measured covariates between treated and untreated subjects in observational studies Propensity score weighting methods for dichotomous treatments. R package "PSW'' version 1.1-3 Metformin use is associated with a reduced risk of mortality in patients with diabetes hospitalised for COVID-19 COVID-19 and renin angiotensin blockers: current evidence and recommendations Routine use of statins and increased mortality related to COVID-19 in inpatients with type 2 diabetes: results from the CORONADO study Kinetics of plasma and erythrocyte metformin after acute administration in healthy subjects Metformin and risk of mortality in patients hospitalised with COVID-19: a retrospective cohort analysis Association of blood glucose control and outcomes in patients with COVID-19 and pre-existing type 2 diabetes Clinical outcomes of metformin use in populations with chronic kidney disease, congestive heart failure, or chronic liver disease: a systematic review Reduction of Atherothrombosis for Continued Health (REACH) Registry Investigators. Metformin use and mortality among patients with diabetes and atherothrombosis La metformine est associée à une moindre mortalité chez les patients diabétiques hospitalisés pour la COVID-19