key: cord-1025669-1dmvpsrc authors: Zebdi, Rafika; Plateau, Eve; Delalandre, Alicia; Vanwalleghem, Stéphanie; Chahed, Myriam; Hentati, Yassamine; Chaudoye, Guillemine; Moreau, Elodie; Lignier, Baptiste title: Etude CONFAMI : Effets du confinement durant l’épidémie de la COVID19 sur la vie des enfants et leur famille date: 2021-10-05 journal: Encephale DOI: 10.1016/j.encep.2021.06.021 sha: 5308e442ecae25a6f99aba1866498fad46d711a6 doc_id: 1025669 cord_uid: 1dmvpsrc Objectifs : L’objectif est de comprendre les changements au sein des familles durant le confinement motivé par la pandémie de la COVID-19 et explorer le vécu psychoaffectif des enfants et de leurs parents face à cette situation. Méthode : Il s‘agit d’une enquête en ligne anonyme avec méthodologie associant des analyses quantitatives et qualitatives. Les questions ciblaient plusieurs thèmes tels que le contexte de vie, le vécu émotionnel et les répercussions sur les habitudes quotidiennes chez les enfants et adolescents, tels que perçus par les parents. Résultats : Au total, 439 parents ont répondu au questionnaire. Les familles sont globalement restées dans leur lieu de vie habituel et ont réussi à bien s’adapter. En moyenne, le niveau d’inquiétude des enfants (estimé par les parents) était moins élevé que celui que les parents s’attribuent. L’état psychologique des enfants et adolescents était globalement stable mais pour ceux qui ont vécu davantage d’émotions négatives que d’habitude, il s’agissait d’une augmentation de l’ennui, de l’irritabilité et de la colère. Une baisse de la qualité de sommeil a aussi été constatée par un tiers des répondants. En revanche, une progression de l’autonomie a été soulignée. Les parents ont aussi rapporté une amélioration des relations familiales, mais aux dépens des liens sociaux habituels induisant un sentiment de privation. Conclusion : Malgré des émotions négatives ressenties chez certains enfants, le confinement a permis de développer de nouvelles ressources dans la plupart des familles. Certains facteurs rapportés, tels que le renforcement des liens, pourraient être des facteurs protecteurs et constituent de bonnes pistes dans les interventions à proposer aux enfants et leur famille. Objectives: The aim of this study is to understand the changes within families during confinement motivated by the COVID-19 pandemic and to explore the psycho-emotional experiences of children and their parents in this new situation. Confinement necessarily induced significant changes in daily family routines, particularly for work, education, leisure and social activities. In the more vulnerable pediatric population, several authors have warned of the need to consider the impact of lockdown measures during COVID-19 on the psychological impact and well-being. Method: This is an anonymous online survey with methodology combining quantitative and qualitative analyses. The questions targeted several themes such as life context, emotional experience and the impact on daily habits in children and adolescents, as perceived by parents. Participants are adults and parents of at least one child. They were recruited through social media and email. Results: A total of 439 parents responded to the questionnaire. The families generally stayed in their usual place of residence and managed to adapt well. On average, the children's level of worry (as estimated by parents) was lower than the level of worry parents attributed to themselves. For the majority, the parents did not observe any change, the psychological state of the children and adolescents was generally stable, but for those who experienced more negative emotions than usual, it was an increase in boredom, irritability and anger. A decrease in the quality of sleep was also observed by a third of the respondents. On the other hand, an increase in autonomy was noted. Regarding the quality of family cohabitation, an important result showed that confinement had improved family relationships for 41 % parents but at the expense of usual social ties inducing a feeling of deprivation. Indeed, the participants evoke a lack of "social link" and "social contact with friends". Lack became synonymous with absence, a feeling of loneliness and separation. Conclusion: Our results confirm European and international data collected in children in countries where strict lockdown measures have been applied. Despite the negative emotions felt in some children, confinement has helped develop new resources in most families. Families seem to have been successful in maintaining a stable and secure routine which has certainly been a protective factor against anxiety. Some reported factors, such as bonding, could be protective factors and constitute good leads in interventions to be offered to children and their families. Objectifs : L'objectif est de comprendre les changements au sein des familles durant le confinement motivé par la pandémie de la COVID-19 et explorer le vécu psychoaffectif des enfants et de leurs parents face à cette situation. Méthode : Il s'agit d'une enquête en ligne anonyme avec méthodologie associant des analyses quantitatives et qualitatives. Les questions ciblaient plusieurs thèmes tels que le contexte de vie, le vécu émotionnel et les répercussions sur les habitudes quotidiennes chez les enfants et adolescents, tels que perçus par les parents. Résultats : Au total, 439 parents ont répondu au questionnaire. Les familles sont globalement restées dans leur lieu de vie habituel et ont réussi à bien s'adapter. En moyenne, le niveau d'inquiétude des enfants (estimé par les parents) était moins élevé que celui que les parents s'attribuent. L'état psychologique des enfants et adolescents était globalement stable mais pour ceux qui ont vécu davantage d'émotions négatives que d'habitude, il s'agissait d'une augmentation de l'ennui, de l'irritabilité et de la colère. Une baisse de la qualité de sommeil a aussi été constatée par un tiers des répondants. En revanche, une progression de l'autonomie a été soulignée. Les parents ont aussi rapporté une amélioration des relations familiales, mais aux dépens des liens sociaux habituels induisant un sentiment de privation. Conclusion : Malgré des émotions négatives ressenties chez certains enfants, le confinement a permis de développer de nouvelles ressources dans la plupart des familles. Certains facteurs rapportés, tels que le renforcement des liens, pourraient être des facteurs protecteurs et constituent de bonnes pistes dans les interventions à proposer aux enfants et leur famille. Mots-clés (3 à 5) : confinement, enfant/adolescent, famille, pandémie Covid-19, retentissements psychologiques Introduction La pandémie de SARS-COV-2 (COVID-19) a émergé en Chine en décembre 2019, puis a atteint la France début février 2020. L'évolution rapide de ce nouveau coronavirus a incité le gouvernement français à mettre en place des mesures de protection exceptionnelles pour la population, incluant notamment un confinement strict au domicile pendant deux mois (du 17 mars au 11 mai 2020). Celui-ci a nécessairement induit des changements importants dans les routines quotidiennes familiales, particulièrement au niveau du travail, de la scolarité, des loisirs et des liens sociaux. Les mesures de confinement peuvent aussi exercer une pression sur la santé mentale, en générant notamment des troubles anxieux, dépressifs, addictifs, du sommeil ou bien encore être à l'origine d'une majoration des violences à domicile [1] . En Chine, une augmentation des problèmes psychopathologiques a effectivement été constatée en février 2020, période de confinement et de progression du virus vécue de manière très anxiogène au sein de la population adulte [2] . Dans la population pédiatrique, plus vulnérable [3] , plusieurs auteurs alertent sur la nécessité de considérer l'impact des mesures du confinement durant la COVID-19 sur le retentissement et le bien-être psychologiques, que ce soit en Asie [4] [5] [6] [7] ou en Europe [8, [11] [12] . Les données principalement recueillies auprès des parents indiquent des changements sur le plan émotionnel (ex : irritabilité, sentiment d'impuissance), comportemental (ex : agitation, opposition, régression), cognitif (ex : inattention) et physiologique (ex : perturbation du sommeil, de l'alimentation). De manière générale, les auteurs rapportent tous une augmentation des préoccupations anxieuses et des symptômes dépressifs chez les enfants et adolescents. Les facteurs susceptibles de favoriser ces manifestations sont multiples : la diminution des rapports sociaux, la réduction de l'activité physique, la désynchronisation du rythme circadien ou encore l'augmentation du temps d'ennui prolongé ainsi qu'une consommation plus importante d'écrans [2, 6] . L'intensité des symptômes dépend également d'autres facteurs externes, tels que le degré de restriction des mesures prises par le gouvernement, l'environnement familial ou encore la durée du confinement [7, 8] . L'enquête CONFAMI -CONfinement en FAMIlle-a pour objectif d'explorer le vécu émotionnel des enfants face à la COVID-19 et au confinement, en lien avec le vécu subjectif des parents quant à cette situation exceptionnelle. L'étude s'intéresse aux changements familiaux en fonction du contexte de vie, du niveau de La consigne du début de l'enquête indiquait aux participants (parents) que l'objectif de l'étude était de recueillir des informations sur les habitudes de vie, leur vécu émotionnel et la perception qu'ils ont de celui de leur(s) enfant(s) (émotions, sentiments, ressentis) ainsi que les changements d'habitudes quotidiennes pendant le confinement (ex : scolarité, loisirs, sommeil, alimentation, autonomie). Enfin, les questions ouvertes proposaient aux parents de citer aussi les aspects positifs de cette situation exceptionnelle (par exemple : "D'après vous, quels sont les aspects POSITIFS du confinement ? entre 1 et 5 mots"). Cet outil a été adapté à partir d'un consensus entre les co-auteurs, experts des troubles psychologiques de l'enfant et de la famille, après avoir mené des consultations spécialisées auprès de familles en difficultés dès les premiers instants du confinement. De plus, la forme de certaines questions (échelles analogiques, questions ouvertes, réponses par mots-clés) a été notamment adaptée d'autres études sur le confinement [8] ou ses suites [9] . Le logiciel SPSS® a été utilisé pour l'analyse des données quantitatives. Les analyses descriptives permettent la description de l'échantillon ainsi que les réponses aux questions et les échelles visuelles analogiques (moyenne, écart-type, fréquence). Les données numériques sont représentées à l'aide de boîtes à moustache. À la fin du questionnaire, les participants ont eu à répondre à deux questions ouvertes sur les avantages et les inconvénients du confinement. Pour ce faire, ils ont écrit trois mots décrivant les aspects positifs et trois mots pour les aspects négatifs du confinement. Les corpus de chacune des questions ont été analysés grâce au logiciel Tropes (version 8.5.0). Ce dernier est un logiciel d'analyse sémantique de textes choisi pour analyser les catégories de mots avec l'intention de construire un lexique d'une notion [10] . Ainsi, les mots sont regroupés en catégories rattachées à une thématique. Seules les catégories qui renferment le plus de fréquences de mots ont été prises en considération dans les résultats. Description de la population La majorité des parents ont évoqué le terme « temps » dans la liste des avantages du confinement en lien avec la famille ou avec eux-mêmes. Ce terme devient ainsi multiple et renferme plusieurs sous-catégories. Tout d'abord, il y a le temps en famille (« temps passé ensemble », « plus de temps pour les enfants » …). Ce temps est donc investi dans le relationnel, dans les activités et dans les échanges avec le partenaire, avec les enfants et l'occasion de « renforcer les liens familiaux ». C'est un temps ralenti dans lequel le parent peut « prendre le temps » de « voir les enfants grandir », un « temps qualitatif ». Le terme « temps » a aussi été associé au singulier. Les parents trouvent que le confinement a permis de rompre avec le rythme du quotidien et ainsi avoir du temps pour eux-mêmes. Certains évoquent le fait que le confinement a été l'occasion de trouver le « temps pour se reposer », un « temps pour soi ». Le temps devient un gage d'une qualité de vie grâce à la réduction des temps de trajets et en passant plus de temps chez soi. Certains évoquent le fait qu'ils ont eu le temps de « terminer des travaux » de réparer, de bricoler. Notons la présence de l'adverbe « plus » qui souligne une comparaison avec un temps passé dans lequel le parent n'avait pas suffisamment de temps. D'ailleurs ce gain de temps coïncide avec la présence d'émotions positives (ex. rire, amour, joie…) et la baisse des émotions négatives avec l'adverbe moins ("moins s'énerver", "moins de stress par rapport au rythme du travail", "moins de stress concernant les horaires", "se sentir plus calme", "prendre du recul par rapport au travail"…). Le terme le plus récurrent lorsqu'il s'agit d'évoquer les aspects négatifs est le « manque » au sens de privation. Certes le confinement a été l'occasion de consolider les liens parents/enfants mais il a distendu les liens familiaux et amicaux. Les participants évoquent un manque de « lien social » et de « contact social avec les amis ». Le manque devient synonyme d'absence, de sentiment de solitude et de séparation. L'absence de relation avec les amis est associée à son tour à un autre aspect : le manque de liberté. En effet, le confinement est vécu par certains comme une privation de la liberté « individuelle », « de circulation » et « de sortie ». Cette situation devient donc génératrice d'émotions négatives telles que l'ennui, l'angoisse, ou encore la frustration mais aussi à des états psychopathologiques tels que la paranoïa, la psychose ou encore l'agoraphobie (termes cités par les participants). Nous relevons des verbalisations telles que "stress des informations journalières télévisées concernant le nombre de morts", "attitudes des gens psychotiques et paranoïaques", "agressivité des autres", "méfiance des personnes", "destruction de l'économie", "tensions et énervements dus à la promiscuité et à l'enfermement". L'inquiétude est aussi associée à toutes ces pertes (relationnelles, des libertés…) mais aussi à l'avenir. En effet, les participants ont « peur » des conséquences « économiques » du confinement sur leur activité professionnelle et donc sur leur vie ("intrusion du travail dans la sphère privée", "pauvreté", "travailler tard pour compenser", "frustration par rapport au travail"). Certains parlent du télétravail comme une situation de limitation des possibilités et d'efficacité tandis que d'autres évoquent leur chômage partiel comme une situation anxiogène ("télétravail difficile à organiser", "le télétravail est inefficace"). L'activité professionnelle est « en baisse » ou devient difficile à gérer en raison de la présence des enfants qui demandent une attention permanente surtout en bas âge ("intrusion du travail dans la sphère privée" ; "difficulté du télétravail avec un enfant en situation de handicap"). Nos résultats confirment les données européennes et internationales recueillies chez des enfants dans des pays où des mesures strictes de confinement ont été appliquées [2, [5] [6] [7] [8] [11] [12] [13] car certaines familles notent une moins bonne qualité de sommeil chez leurs enfants, une augmentation de l'anxiété et du stress, de l'ennui et de l'irritabilité ou de la colère. Du point de vue émotionnel, nous constatons que les parents se sont décrits comme ayant vécu la situation du confinement de manière plus anxiogène que leurs enfants. Ils estiment leur inquiétude plus importante lorsqu'il s'agit de leurs proches. Ce dernier point semble être en faveur de la préservation du bien-être et de la santé mentale des enfants par les parents. Ceux-ci font probablement l'hypothèse que l'incapacité de compréhension de la situation par les enfants les protège d'une certaine anxiété. Cette étude comporte plusieurs limitations. Tout d'abord, liées à la méthodologie, il s'agit d'une difficulté à déterminer le taux de réponse souvent plus faible via les enquêtes en ligne [14] . Cependant, ce choix se justifie par la situation imprévue et inédite, tout comme l'impossibilité d'accéder directement aux familles. De plus, notre échantillon ne correspond pas à la population française car nous observons une surreprésentation des femmes, des cadres, et des personnes vivant en maison. Il est donc difficile de généraliser les résultats au niveau national. Cette répartition est cependant bien connue dans la littérature [15] . Enfin, il s'agit d'une étude subjective qui ne prend en considération que le point de vue des parents. Une étude qualitative portant sur des entretiens menés avec les parents est en cours grâce à une méthodologie d'approche phénoménologique interprétative (IPA) pour mieux comprendre le vécu subjectif comme l'étude de Tiwari et al. [16] . Il serait aussi intéressant de recueillir celui des enfants et des adolescents. Les facteurs qui peuvent être perçus ou considérés comme protecteurs (renforcement des liens familiaux, maintien des contacts, …) doivent être soulignés pour être pris en compte par les professionnels. Il s'agit alors de promouvoir ces conseils, d'assurer la continuité des soins pour les familles concernées, de proposer du soutien et de la guidance parentale pour répondre aux besoins des enfants et de les aider à développer les ressources personnelles et familiales. Pendant ces périodes de stress, l'objectif est finalement d'éviter le J o u r n a l P r e -p r o o f burn-out parental [17] [18] [19] . En effet, ces périodes sont propices à de multiples déséquilibres au sein des familles. Cependant, dans notre échantillon, selon les participants, une majorité des enfants ont bénéficié, durant le confinement, d'un contexte familial structuré : ils ont vécu dans de bonnes conditions matérielles, ont conservé leurs habitudes de vie, ont eu accès à un environnement extérieur, et les deux parents étaient présents. Ces caractéristiques ont participé à la stabilité du cadre familial. Les habitudes des enfants et la Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d'intérêts relatifs à la réalisation de cette étude. Conséquences psychopathologiques du confinement. L'encephale Generalized anxiety disorder, depressive symptoms and sleep quality during COVID-19 outbreak in China: a web-based cross-sectional survey Mental health considerations for children quarantined because of COVID-19 Mitigate the effects of home confinement on children during the COVID-19 outbreak Behavioral and emotional disorders in children during the COVID-19 epidemic An investigation of mental health status of children and adolescents in china during the outbreak of COVID-19 Impact of COVID-19 pandemic on the mental health of children in Bangladesh: A cross-sectional study Immediate psychological effects of the COVID-19 quarantine in youth from Italy and Spain Perceptions of the Post First-Lockdown Era in the Current Covid-19 Pandemic: Quantitative and Qualitative Survey of the French Population Une analyse comparative à partir des deux questions ouvertes sur les raisons de ne pas trier les déchets et de ne pas faire d'économie d'énergie A qualitative report on exploratory data on the possible emotional/behavioral correlates of Covid-19 lockdown in 4-10 years children in Italy Parents' stress and children's psychological problems in families facing the COVID-19 outbreak in Italy Rapid systematic review: the impact of social isolation and loneliness on the mental health of children and adolescents in the context of COVID-19 Comparison of e-mail, fax, and postal surveys of pediatricians A comparison between mail and web surveys: Response pattern, respondent profile, and data quality Understanding the perceived health outcomes of children during COVID-19 pandemic. Authorea Preprints The Effect of Concerns About COVID-19 on Anxiety, Stress, Parental Burnout, and Emotion Regulation: The Role of Susceptibility to Digital Emotion Contagion. Front. public health O impacto psicológico da quarentena e como reduzi-la: revisão rápida das provas Risk and resilience in family well-being during the COVID-19 pandemic