key: cord-1012700-wbzexx4s authors: Marehin, Marie-Stella; Hinnouo, Amadossi Mboumba; Obiang, Pierre Auguste title: Organisation des soins en psychiatrie au Gabon durant l’épidémie du Covid-19 date: 2020-08-22 journal: Ann Med Psychol (Paris) DOI: 10.1016/j.amp.2020.08.015 sha: 5b76076fc9dee2022e18c826273fcb4b0fcf94dc doc_id: 1012700 cord_uid: wbzexx4s Résumé Objectifs.- L’épidémie du Covid-19 est survenue au Gabon à une période où l’hôpital psychiatrique vit une crise sans précédent du fait d’une baisse des moyens matériels et humains. À partir de l’expérience clinique des soignants nous présentons les difficultés que rencontrent ces acteurs du soin pour maintenir l’alliance thérapeutique. Méthode.- L’article expose une synthèse de travaux sur le confinement, le Covid-19 et les troubles psychiques. Résultats.- Globalement, on observe une baisse des consultations en ambulatoire. En zone rurale, la crise sanitaire a occasionné une suppression des suivis au domicile des patients ainsi qu’une difficulté d’accès aux médicaments psychotropes onéreux, favorisant l’inobservance du traitement avec comme conséquence des décompensations psychiatriques. Abstract Gabonese psychiatry is facing a crisis, which results in a decrease in material and human resources. Hospital beds are closed and consultations are mainly on an outpatient basis. This article shows how health care workers are coping with this pandemic, and the challenges of maintaining the therapeutic alliance. It presents a synthesis of works on confinement, covid19 and mental disorders. Clinical observations reveal that the covid-19 epidemic has strengthened the dysfunctions observed in care. In rural areas, there is a suppression of follow-up at home. In general, this health crisis had an impact on the purchasing power of patients. What caused a difficulty of payment of the psychiatric consultations in liberal, a difficulty of access to the expensive psychotropic drugs thus favoring a nonobservance of the care, and a decompensation of the psychiatric picture. In urban areas there is a considerable decrease in outpatient consultations. There is still concern about the inter and post covid-19 psychiatric care. This pandemic calls on leaders leading to a reorganization of the psychiatric care system (decentralization of establishments throughout the country, training of qualified nursing staff, fall in the prices of expensive psychotropic drugs). The establishment of help lines in psychiatric facilities, the opening of hospital beds, covid-19 devices in public and private facilities for patients with mental disorders are essential. Le 12 mars 2020, le Gabon déclarait son premier cas de Covid-19. Pour faire face à cette crise sanitaire, un Comité de Pilotage (COPIL) indépendant composé d'universitaires, de biologistes, d'épidémiologistes, de médecins de la santé publique et de la santé militaire ainsi que des membres de l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) voyait le jour. Dans le même élan, des mesures gouvernementales de restriction des déplacements, le confinement total puis partiel du grand Libreville, la fermeture des frontières aériennes, maritimes, terrestres, etc., devenaient effectifs. La pandémie du Covid-19 représente un réel danger pour le Gabon, au regard de la fragilité de son système sanitaire, des dangers liés aux représentations de la maladie par les populations, des difficultés liées à la non-application des gestes barrières, et de la précarité dans laquelle se trouve une frange considérable de la population (600 000 personnes vivent avec moins d'un euro par jour, selon les estimations de la Banque Mondiale, 2019). Parmi les sept recommandations formulées par le COPIL dans le rapport du 21 mars au 3 avril 2020, nous retenons la répartition adéquate des équipements aux régions sanitaires. Cependant, force est de constater que les structures de prise en charge des malades mentaux, c'est-à-dire le Centre Plusieurs études ont démontré l'impact négatif du confinement sur la santé mentale des individus, avec ou sans antécédents psychiatriques. Le confinement, à l'origine de l'ennui et de l'isolement social, serait potentiellement générateur de nombreux troubles, troubles du sommeil, anxiété, trouble stress post-traumatique (TSPT), dépression, suicide, stress aigu, conduites addictives . Les situations de confinement, à l'exemple du milieu carcéral [19] , seraient propices à l'éclosion des troubles cités précédemment. Les mesures de confinements très stricts ont des conséquences désastreuses sur la santé mentale des détenus. C'est le cas par exemple du système carcéral américain qui durant des années a eu recours à l'isolement comme moyen de punition (prisonnier seul dans une cellule, avec des stimulations environnementales et des interactions sociales limitées au strict minimum) [13] . Le tableau clinique présenté par ces prisonniers, aussi appelé security housing unit (SHU) syndrome [14] [15] , incluait un état confusionnel agité associé à des idées délirantes (paranoïa) et des phénomènes hallucinatoires (chez plus de 40 % des individus), mais également une forte agitation, de l'impulsivité et souvent des épisodes de violence autodirigée [5] [6] [7] [8] [9] [10] [11] [12] [13] [14] [15] [16] . Ces symptômes étaient très souvent observés chez des individus sans antécédents psychiatriques. La prévalence des troubles en milieu carcéral pourrait s'expliquer non seulement par les mauvaises conditions de détention et probablement par les antécédents personnels, surtout la personnalité prémorbide. Par ailleurs, le confinement solitaire engendrerait plus de morbidité psychiatrique que l'emprisonnement non solitaire (29 % vs 15 %), avec principalement de l'anxiété et de la dépression [1] . Des observations de confinement en petits groupes (allant de deux à six personnes lors d'expéditions polaires, sous-marines ou insulaires) rapportent une augmentation de la paranoïa et des expériences de type hallucinatoire (flash lumineux, impression de mouvements), entre autres symptômes psychologiques [9] [10] . Les symptômes psychiatriques développés dans ces conditions sont liés à la durée de confinement mais disparaissent, en tout cas pour les symptômes psychotiques, après la fin de celui-ci. Les patients atteints de troubles psychiques sont une population très exposée au Covid- 19 . Une recension d'études souligne que hors contexte épidémique, les patients hospitalisés en psychiatrie souffrant de schizophrénie, de trouble bipolaire, de dépression, de troubles anxieux ou d'autisme présentent un risque d'infection à pneumocoques [20] . Ils sont beaucoup plus souvent que la population générale atteints de comorbidités (pathologies cardiovasculaires et pulmonaires, diabète, obésité, consommation de tabac inhalé) qui sont des facteurs de risque d'infection sévère à SARS-CoV-19 [21] . La prévalence des maladies cardiovasculaires est comprise entre 30 et 60 % avec une prévalence 1,5 à 2 fois plus élevée chez les personnes souffrant de pathologies psychiatriques comparativement à la population générale [11] . La vulnérabilité cognitive et comportementale dans cette population n'a pas fait l'objet d'étude. Néanmoins, l'expérience clinique démontre que le défaut d'insight notamment dans les troubles psychotiques serait un obstacle aux respects des mesures barrières qu'impose cette épidémie. Une étude chinoise portant sur des séances de psychothérapies dynamiques a démontré que le confinement lié au Covid-19 déstabilise le fonctionnement mental des personnalités limites. La mise en quarantaine et la distanciation sociale intensifient le sentiment de vide intérieur, et aggravent la peur de l'abandon associées à d'autres émotions pénibles [7] . Ce sentiment de vide subjectif est transformé en une certitude absolue déformant ainsi la réalité. C'est pourquoi les personnalités limites réagissent facilement et intensément à toutes les possibilités de rejet social. Leur penchant pour l'expérience et leur intolérance douloureuse à la solitude les rendent hypersensibles aux situations sociales [12] . La pandémie du Covid-19 a entraîné une large réorganisation du système sanitaire, particulièrement dans les pays développés. La restructuration affecte toute la chaîne de production des soins, notamment sur le plan des organisations des ressources humaines et La psychiatrie gabonaise s'efforce à offrir des soins au regard des faibles moyens dont A longitudinal study of prisoners on remand: psychiatric prevalence, incidence and psychopathology in solitary vs-non solitary confinement Libreville: université des sciences de la santé La place des Églises éveillées dans la prise en charge des patients à Libreville Réactivité et pérennité des soins psychiatriques en France à l'épreuve du COVID Inmates in protective custody: first data on emotional effects Assurer les soins aux patients souffrant de troubles psychiques en France pendant l'épidémie à SARS-CoV-2 Psychological impact of coronavirus outbreak on borderline personality disorder from the perspective of mentalizing model: A case report Les professionnels de santé face à la pandémie de la maladie à coronavirus (COVID-19) : quels risques pour leur santé mentale ? The health of prisoners Metabolic syndrome in a French cohort of patients with bipolar disorder: results from the FACE-BD cohort BPD's interpersonal hypersensitivity phenotype: A geneenvironment-developmental model Psychiatric effects of solitary confinement Psychopathological effects of solitary confinement Prison madness: the mental health crisis behind bars and what we must do about it Follow-up report on the effects of confinement in the high security unit at Lexington Factors Associated with Mental Health Outcomes Among Health Care Workers Exposed to Coronavirus Disease Aspects épidémiologiques et cliniques des troubles psychiatriques en milieu carcéral à Ouagadougou Risk of pneumonia and pneumococcal disease in people with severe mental illness: English record linkage studies Clinical course and risk factors for mortality of adult inpatients with COVID-19 in Wuhan, China: a retrospective cohort study