key: cord-1007272-sc1esan9 authors: Derré, G.; Vanbrugghe, B. title: Amyloïdose féline à expression hépatique chez 2 chats date: 2014-06-30 journal: Revue Vétérinaire Clinique DOI: 10.1016/j.anicom.2014.02.002 sha: 960e1855b3b8b29833808ddb6bf27d75915448b3 doc_id: 1007272 cord_uid: sc1esan9 Résumé L’amyloïdose hépatique est une maladie très rare et fatale, touchant le Sharpeï dans l’espèce canine et principalement les races Siamois, Abyssin et Orientaux dans l’espèce féline. Un phénomène inflammatoire chronique est le plus souvent à l’origine d’un dépôt de substance amyloïde au sein des organes, en particulier les reins et le foie ; l’infiltration d’amyloïde peut être majeure et conduire à des signes cliniques d’insuffisance rénale et/ou hépatique. Ces symptômes sont peu spécifiques, le diagnostic est souvent tardif et le pronostic sombre. Les traitements sont peu efficaces à ce jour. Summary Hepatic amyloidosis is a very rare and fatal disease, affecting Sharpeï in canine species and mainly the races Siamese, Abyssinian and oriental in the feline species. Most frequently, an inflammatory chronic phenomenon is at the origin of the warehouse of amyloid substance in organs, in particular in liver and kidney, until the complete invasion of the organ, causing then clinical signs of hepatic and/or renal insufficiency. The clinical signs are little specific and when the disease is discovered, the life expectancy is very limited. Treatments are poorly effective at this day. L'amyloïdose a plus fréquemment été décrite au niveau hépatique et rénal chez le chat ; elle consiste en une infiltration de substance amyloïde au sein des organes cibles générant des insuffisances organiques. Deux cas cliniques sont présentés ci-dessous. Une chatte de race orientale (cas n o 1) non stérilisée de 3 ans est présentée pour dysorexie et gêne à la déglutition depuis quelques jours. L'animal présente une température rectale dans les valeurs usuelles (38,9 • C), un indice corporel diminué (2/5), une persistance du pli de peau, une halitose et des noeuds lymphatiques rétromandibulaires palpables. Le reste de l'examen clinique est normal. Elle est vermifugée régulièrement (2 fois par an avec de la milbémycine oxime), vaccinée (dernier vaccin 7 mois auparavant avec les valences coryza, typhus et leucose) et vit en collectivité dans un élevage familial. Le cas n • 2 est illustré par une chatte stérilisée européenne de 2 ans qui présente une anorexie et une halitose depuis 15 jours, sans hyperthermie ( Fig. 1 ). L'examen clinique révèle un ictère franc, sans autre anomalie décelable. L'animal est également vermifugé et vacciné régulièrement et de manière identique au précédent cas et vit au contact de chats atteints du virus de l'immunodéficience féline (FIV). Une numération formule révèle dans chaque cas une anémie hyporégénérative (Tableau 1). En effet, le comptage réticulocytaire est inférieur aux valeurs usuelles. À ce stade, les valeurs de l'hémoglobinémie, les signes cliniques de l'animal d'évolution chronique, et l'absence d'auto agglutination sur le frottis, ne sont pas faveur d'une anémie hémolytique à médiation immune mais cette hypothèse ne peut être exclue. L'anémie est normochrome normocytaire pour le cas 1, et hypochrome et microcytaire pour le cas 2. Notons la présence d'une thrombocytopénie pour le cas n o 2. Les frottis sanguins ne présentent pas d'hémoparasites. Une analyse d'urine est présente uniquement dans le cas n o 1 et met en évidence une petite quantité de bilirubinurie (1+ sur la bandelette urinaire) sans évidence de protéinurie. La densité urinaire est de 1,034. Un bilan biochimique révèle dans les deux cas une hyperbilirubinémie, sévère dans le cas n o 2 (45,3 mg/L VU : 1-5 mg/L). Les deux chats présentent une hypoalbuminémie et une hyperglobulinémie, caractérisée par un pic gamma à l'électrophorèse sérique. La chatte européenne présente une élévation de l'urémie. Les tests rapides Elisa pour le FeLV et le FIV sont négatifs chez les deux chats. Un examen PCR sur sang, recherchant la présence de coronavirus, s'est révélé négatif chez le chat n o 1. L'examen échographique abdominal met en évidence dans les deux cas, un discret épanchement, non ponctionnable, entre les lobes hépatiques (Fig. 2) . Le foie est de taille augmentée et ses limites sont bosselées. Son parenchyme est hypoéchogène et hétérogène (Fig. 3 Pour le cas n o 2, la laparotomie met en évidence un hématome de 8 × 5 cm dans le lobe hépatique médial gauche. Le foie présente une couleur pâle, et un aspect très friable avec nombreux saignements provoqués à son contact (Fig. 6 ). Après discussion avec les propriétaires, le chat est euthanasié (T61, MSD) et l'autopsie refusée. Les analyses histologiques montrent des parenchymes hépatiques composés de travées hépatocytaires dissociées par la présence dans les espaces de Disse d'un abondant matériel éosinophile amorphe d'aspect cotonneux positif au rouge Congo. Ces résultats histologiques se trouvent en territoire d'une amyloïdose hépatique diffuse ( Fig. 7 et 8) . Des prélèvements sont envoyés pour recherche génétique au laboratoire Antagène (laboratoire participant au programme de recherche international afin de tenter de déterminer la ou les causes génétiques de cette maladie et de mettre au point un test de dépistage). Étiologie L'amyloïdose n'est pas considérée comme une maladie unique, mais comme un groupe de maladies ayant comme point commun un depôt protéique similaire dans un ou plusieurs organes. L'amyloïdose systémique est classée comme chez l'homme selon la nature de la protéine fibrillaire, précurseur de la substance amyloïde. L'amydoïdose peut être systémique (impliquant plusieurs système ou organes), ou localisée (dans un seul organe). Elle peut être « primaire » lors de défaillance immunologique ou « secondaire » et apparaît alors comme une Un phénomène inflammatoire chronique est la cause principale de l'amyloïdose dans l'espèce féline (amyloïdose réactionnelle de type AA), tandis que le myélome multiple est l'une des causes majeures dans l'espèce humaine (amyloïdose de type AL). Plusieurs affections sous-jacentes ont été décrites chez le chat ayant entraîné une amyloïdose de type AA : blastomycose, tuberculose, infection à Mycoplasma haemofelis, maladie inflammatoire chronique de l'intestin, lupus systémique. Une étude récente a détecté des dépôts d'amyloïde dans différents organes chez un tiers de chats atteints du virus d'immunodéficience féline (FIV) (12/34 chats). Les analyses histochimiques et immunohistochimiques montraient alors des amyloïdoses secondaires de type AA [3] . La distribution du dépôt de substance amyloïde se fait de manière diffuse et de nombreux organes sont ainsi affectés : les reins principalement, mais aussi le coeur, le tube digestif, les glandes, le système nerveux. . . L'amyloïdose rénale familiale est bien connue chez l'Abyssin (type AA) et chez le Shar Pei. La substance envahit principalement les reins, mais peut également atteindre le foie [2] . Ainsi une atteinte rénale se manifestant par une azotémie ou plus rarement une protéinurie peut accompagner des amyloïdoses hépatiques. L'amyloïdose hépatique est une hépatopathie réactive et non spécifique. Dans le foie, le dépôt de substance amyloïde a lieu au niveau de l'espace de Disse du sinusoïde hépatique. Une augmentation de la taille du foie est en général associée au dépôt progressif de la substance amyloïde. Des chats de race Devon Rex et des chats européens à poils courts ont été également cités dans l'étude de Beatty et al. [4] . Les chats présentaient des ruptures spontanées hépatiques générant un hémopéritoine secondaire à une amyloïdose systémique. Dans cette même étude, 4 chats sur 6 présentaient à la fois une atteinte hépatique et une atteinte d'un autre organe Des cas de péritonite infectieuse féline associée à une amyloïdose systémique a également été décrit (Hauck et al. [5] et Van Der Lindesipman et al. [6] ) et plus récemment dans l'étude de Beatty et al. [4] . Enfin, l'étude de Asproni et al. souligne l'intérêt de rechercher une amyloïdose lors d'atteinte hépatique et rénale sur des chats FIV positifs [3] . Les chats sont généralement de jeune âge (2 à 5 ans), et présentent un tableau clinique frustre et non spécifique. Les signes cliniques les plus fréquemment observés sont de l'abattement, de l'axorexie ou de la léthargie. À l'examen clinique, les chats peuvent présenter des muqueuses pâles, une hépatomégalie voire une hypothermie [4] . Les modifications biologiques dépendent du ou des organes affectés. On observe dans de nombreux cas une élévation des marqueurs de cytolyse (ALT) (notons que dans nos 2 cas une telle augmentation n'était pas observée), de la cholestase, voire dans les cas avancés des marqueurs d'une insuffisance hépatique (augmentation des acides biliaires, hyperammoniémie, diminution de l'urée, de l'albuminémie et de la cholestérolémie). Le frottis sanguin montre habituellement une polychromatophilie, et une réticulocytose, signes de régénération. Lors d'atteinte rénale, des signes d'insuffisance rénale chronique sont présents, et des cas de syndrome néphrotique, de thrombose, d'arthrite ou encore de diabète sucré sont relatés [2] . Les anomalies hémato-biochimiques fréquemment rencontrées sont alors une anémie, une neutrophilie, une augmentation de l'ALT, et des dysprotéinémies. Dans les cas rapportés dans la littérature, des anémies hémolytiques à médiation immunitaire ou encore des anémies à M. haemofelis sont fréquemment suspectées dans un premier temps par le vétérinaire traitant. Des traitements symptomatiques sont mis en place (généralement de la doxycycline et une corticothérapie) permettant une amélioration sporadique des symptômes de dysorexie et d'abattement, avant l'apparition d'autres signes cliniques ou biologiques plus graves. Une fragilité hépatique comme dans le cas n o 2 peut conduire à la mort de l'animal par rupture hépatique spontanée. Zuber en 1993 avait ainsi rapporté 23 cas d'amyloïdose systémique dans les races Siamoise et Abyssin présentés avec des hémorragies hépatiques spontanées [7] . L'histologie par laparotomie est privilégiée compte tenu des saignements spontanés fréquents. Des biopsies échoguidées ou par laparotomie peuvent engendrer une rupture traumatique d'un lobe hépatique, lorsque le dépôt d'amyloïde est très marqué. Le foie apparaît macroscopiquement gros, friable [4] et les saignements sont difficilement contrôlables même en présence de temps de coagulation dans les valeurs usuelles [2] . Le diagnostic est cytologique ou histologique et repose sur la mise en évidence de la substance amyloïde par un colorant spécifique : le Rouge Congo. Le degré de dépôt d'amyloïde détecté par l'histopathologie n'est pas toujours corrélé avec la clinique, les examens biochimiques ou les modifications morphologiques. Un pré-traitement des lames au permanganate de potassium peut révéler la forme AL de l'amyloïdose. À l'avenir, l'identification des formes génétiques familiales par dépistage permettra peut-être de limiter encore plus l'incidence de cette maladie à l'issue fatale. En résumé, le diagnostic apparaît difficile en raison de l'absence de signes cliniques spécifiques, et par la variabilité des modifications hémato-biochimiques et cliniques qui demeurent non spécifiques. Le pronostic de cette maladie est très réservé avec des espérances de vie très faibles. Le traitement des chats atteints d'amyloïdose comprend un repos en cage afin d'éviter les saignements, et une supplémentation en vitamine K1. La colchicine permettrait de réduire l'évolution vers l'amyloïdose bien que l'efficacité chez le chat soit non établi. Ce traitement en cas de fièvre méditerranéenne du Sharpeï présente de meilleurs résultats et demeure le traitement de choix. Notons qu'un cas félin diagnostiqué avec une amyloïdose hépatique ayant présenté par la suite des troubles de la coagulation, a été stabilisé avec de la vitamine K1 administrée quotidiennement et a permis une survie de plus de 10 mois [2] . Des traitements associant cyclosporine et/ou chlorambucil sont utilisés en médecine humaine mais aucune étude n'existe à ce jour en médecine vétérinaire. Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d'intérêts en relation avec cet article. The pathogenesis of reactive systemic amyloidosis Generalised amyloidosis in two Siamese cats: spontaneous liver haemorrhage and chronic renal failure Amyloidosis in association with spontaneous feline immunodeficiency virus infection Spontaneous hepatic rupture in six cats with systemic amyloidosis Concurrent generalized amyloidosis and infectious peritonitis in a cat Generalized AA amyloidosis in Siamese and oriental cats Systemic amyloidosis in Oriental and Siamese cats