key: cord-0996077-uurjhoxa authors: Belot, Alexandre; Dauwalder, Olivier; Reumaux, Héloïse; Cimaz, Rolando title: Pathogénie de la maladie de Kawasaki : quoi de neuf ? date: 2012-02-29 journal: Revue du Rhumatisme Monographies DOI: 10.1016/j.monrhu.2011.11.003 sha: ae4242ed8d4274af11bd325adfd2ce783132f321 doc_id: 996077 cord_uid: uurjhoxa Résumé La maladie de Kawasaki (MK) est une vascularite inflammatoire aiguë survenant le plus souvent chez le nourrisson et dont le pronostic est dicté par l’atteinte coronarienne. La cause de cette maladie reste inconnue mais différentes hypothèses ont été développées ces dernières années et s’associent à des travaux de recherche pour la compréhension de la physiopathologie de la MK. La présentation clinique de la MK partage de nombreux signes avec des maladies infectieuses virales et bactériennes. La possibilité d’une maladie infectieuse à superantigène a été suggérée. La fréquence augmentée dans certaines populations, la survenue précoce à l’âge pédiatrique supporte la participation de facteurs génétiques dans le développement de la maladie. Certaines anomalies immunologiques sont également retrouvées chez les sujets présentant une MK, suggérant qu’un déséquilibre immunologique est à l’origine de la vascularite. Abstract Kawasaki disease is an acute vasculitis, which occurs most commonly in infants and toddlers. It is self-limited but prognosis depends on the development of coronary abnormalities. The aetiology is unknown, but recent research has shed some light on its pathogenesis. Epidemiologic data and clinical presentation suggest that it might be a bacterial or viral infection, but attempts to demonstrate a specific pathogen have failed so far. The possibility that a superantigen-driven process might take place in this disorder has been advocated by several groups. Ethnic preference for Asian populations and early age predilection all support a genetic predisposition. Immunological abnormalities of different kinds have also been demonstrated; therefore the current concept is that an immune-mediated pathogenesis in a genetically predisposed individual could be responsible for the disease development. l'atteinte coronarienne. La cause de cette maladie reste inconnue mais différentes hypothèses ont été développées ces dernières années et s'associent à des travaux de recherche pour la compréhension de la physiopathologie de la MK. La présentation clinique de la MK partage de nombreux signes avec des maladies infectieuses virales et bactériennes. La possibilité d'une maladie infectieuse à superantigène a été suggérée. La fréquence augmentée dans certaines populations, la survenue précoce à l'âge pédiatrique supporte la participation de facteurs génétiques dans le développement de la maladie. Certaines anomalies immunologiques sont également retrouvées chez les sujets présentant une MK, suggérant qu'un déséquilibre immunologique est à l'origine de la vascularite. © 2011 Société franç aise de rhumatologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Kawasaki disease Cytokine Virus Superantigen Pediatrics a b s t r a c t Kawasaki disease is an acute vasculitis, which occurs most commonly in infants and toddlers. It is selflimited but prognosis depends on the development of coronary abnormalities. The aetiology is unknown, but recent research has shed some light on its pathogenesis. Epidemiologic data and clinical presentation suggest that it might be a bacterial or viral infection, but attempts to demonstrate a specific pathogen have failed so far. The possibility that a superantigen-driven process might take place in this disorder has been advocated by several groups. Ethnic preference for Asian populations and early age predilection all support a genetic predisposition. Immunological abnormalities of different kinds have also been demonstrated; therefore the current concept is that an immune-mediated pathogenesis in a genetically predisposed individual could be responsible for the disease development. © 2011 Société franç aise de rhumatologie. Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved. La MK est une maladie rare et représente, dans les pays développés, la première cause de maladies cardiaques acquises durant l'enfance. Il s'agit d'une vascularite qui touche principalement les vaisseaux de moyen calibre. Son étiologie reste inconnue mais l'apport des nouveaux outils de biologie moléculaire, de génétique et d'immunologie a permis une amélioration des connaissances sur les mécanismes sous-jacents impliqués. Les données épidémiologiques et la présentation clinique de la MK supportent une origine infectieuse. L'éruption morbilliforme, la conjonctivite, l'énanthème avec chéilite et les adénopathies cervicales sont les traits caractéristiques d'une maladie infectieuse ( Fig. 1 ). L'évolution aiguë sans récidive est également un élément classique des maladies infectieuses. Enfin, la bonne réponse aux Ig pourrait correspondre à la neutralisation de fractions antigéniques infectieuses. La MK survient plus volontiers par vague épidémique pendant l'hiver ou le printemps [1] . On peut supposer qu'elle est immunisante puisqu'il y a très peu de cas au-delà de 12 ans et que les récidives sont exceptionnelles [2] . De nombreuses études ont été conduites afin de détecter quels agents infectieux pourraient être responsables [3] . Parmi eux, des infections bactériennes (Propionibacterium acnes, Yersinia sp.), notamment intracellulaires (rickettsies, leptospires, spirochètes, Chlamydiae), ou sécrétrices d'exotoxines à propriétés superantigéniques (streptocoque, staphylocoque, Yersinia) ; et des virus (rétrovirus, virus d'Epstein-Barr, HHV6, parvovirus, virus para-influenza 2 ou 3, virus morbilleux) seraient impliquées dans le développement de la maladie. En 2005, une étude américaine a rapporté la présence d'un nouveau virus humain de la famille des Coronaviridae (New Haven HCoV) dans les sécrétions nasopharyngées de huit sur 11 patients atteints de MK alors qu'un seul des 22 témoins était porteur du virus [4] . Plusieurs études ont ensuite montré qu'il s'agissait de la même souche que le coronavirus NL-63 et qu'il n'y avait finalement pas d'association retrouvée entre ce virus et la MK [5] [6] [7] [8] [9] . À la phase aiguë de la MK, les études histologiques des coronaires et des bronches montrent la présence d'un infiltrat de plasmocytes sécréteurs d'Ig A, associés à des inclusions cytoplasmiques dans l'épithélium bronchique [10, 11] . L'étude ultra-structurale en microscopie électronique, retrouve des particules ressemblant à un virus dont le séquenç age n'a pas permis d'identifier de séquences virales supposées [12] . Les mêmes critères épidémiologiques soutiennent l'hypothèse qu'un facteur environnemental favoriserait la survenue de la MK. Les regroupements géographiques et temporels de cas pourraient être relatifs à une exposition à un agent toxique de l'environnement. Il existe une communauté de présentation clinique entre la MK et l'acrodynie (intoxication au mercure) faisant discuter le rôle des toxiques de l'environnement dans la physiopathologie de la MK [13] . En phase aiguë, l'intoxication mercurielle peut se manifester par l'association d'une fièvre persistante au-delà de cinq jours, d'un érythème, d'une atteinte palmo-plantaire, et d'une chéilite, dans un contexte d'altération de l'état général [14] . Une augmentation du taux de mercure urinaire a été mesurée chez les patients atteints de MK par rapport aux témoins [15] . Enfin, le traitement d'un patient par chélateurs (D-pénicillamine) a montré une évolution favorable [15] . Si la MK est retrouvée sur tous les continents et dans tous les groupes ethniques, il existe des régions où elle est particulièrement fréquente, et cette fréquence varie en fonction du groupe ethnique d'une même région. Le risque de récurrence dans la fratrie est dix fois supérieur à celui de la population générale et la MK est deux fois plus fréquente chez les enfants de parents ayant eu la MK [16, 17] . Comme discuté ci-dessus, une étude de liaison des polymorphismes de l'ensemble du génome a mis en évidence un polymorphisme dans l'intron 1 du gène codant l'ITPKC dans la population japonaise [18] . Cette kinase intervient dans la régulation de l'activation cellulaire T via la régulation de flux calciques (système Ca/NFAT)). Le polymorphisme au niveau de l'intron 1 est responsable d'une anomalie d'épissage. L'ITPKC agit comme régulateur de l'activation cellulaire T dépendante du Ca/NFAT. Il est associé à un risque majoré de MK et de développement d'anévrysmes dans une population d'enfants américains et japonais. Cependant, ce facteur de risque n'a pas été retrouvé dans une cohorte taïwanaise d'enfants atteints de MK [19] . Un variant génétique de CASP3 codant pour la caspase-3 est également associé à la survenue de MK dans une population japonaise, taiwanaise et caucasienne [20, 21] . Cette caspase joue un rôle important dans l'activation cellulaire dépendante du facteur transcriptionnel NFAT et est également utile pour le clivage du récepteur de l'ITPR1 dans les cellules apoptotiques. Il faut souligner que l'ITPR1 clivé est le substrat de l'ITPKC dans les lymphocytes T. D'autres études ont permis d'identifier des gènes susceptibles de modifier la gravité de la maladie et, en particulier, la survenue d'anévrysmes. PD-1 et CD40-Ligand sont des molécules de co-stimulation dont certains variants pourraient favoriser la survenue de la MK ou des complications coronaires [22] [23] [24] . D'autres gènes impliqués dans le recrutement cellulaire, la destruction tissulaire, ou l'activation lymphocytaire ont été également rapportés comme pouvant favoriser la MK ou ses complications cardiaques [25] . Le développement de maladies auto-immunes peut être déclenché par un agent pathogène comme un virus, qui, en raison d'une réponse immunitaire particulière, est responsable d'une activation du système immunitaire contre le soi. Le rôle du gène ITPKC est détaillé ci-dessus [18] . L'injection d'extraits de parois du Lactobacillus casei chez la souris induit une vascularite proche de celle retrouvée dans la MK. Dans ce modèle, la co-stimulation lymphocytaire (CD28 dépendante) aggrave l'atteinte coronaire et les cellules endothéliales cardiaques deviennent alors d'authentiques cellules présentatrices d'antigènes, dont l'expression des molécules de stimulation nécessite l'engagement du TLR-2 [26] . L'origine de cet état d'hyper-activation lymphocytaire est toujours débattue. En effet, il y a une dizaine d'années, certains auteurs ont proposé que la MK soit une maladie à superantigène par analogie aux effets toxiniques rencontrés dans le choc toxique staphylococcique ou streptococcique [27] . De plus, une étude sérologique conduite par Matsubara et al. a montré une élévation des titres d'IgM anti « Staphylococcal enterotoxin » (SE) A, SEB, TSST-1 et SPEA au cours des quatre premières semaines de la MK supportant cette participation superantigénique [28] . Un superantigène est un antigène capable de réaliser une activation lymphocytaire T polyclonale, indépendante de la reconnaissance spécifique d'antigènes réalisée par le récepteur T (TCR). Il réalise un pontage entre une région de variabilité limitée du TCR : boucle VBêta (V␤) et la molécule du CMH de classe II, provoquant ainsi une activation polyclonale massive (jusqu'à 20 à 30 % des lymphocytes circulants totaux contre 0,001 % lors d'une activation lymphocytaire conventionnelle). Cette activation superantigénique ne nécessite ni apprêtement, ni présentation spécifique de l'antigène, contrairement à un antigène conventionnel (Fig. 2) ; elle induit un orage cytokinique majeur responsable des principaux symptômes cutanés et cardiovasculaires. Des expansions des lymphocytes T (CD4+ et CD8+) exprimant le répertoire V␤ 2 du TCR, cible de la TSST-1 ont été mesurée dans la circulation sanguine des sujets présentant une MK [29, 30] . Par ailleurs, une étude portant sur 16 enfants atteints de MK a retrouvé une expansion clonale V␤ chez 11/16 patients. Ces résultats suggèrent que l'activation des lymphocytes T au cours de cette pathologie reste complexe, ne permettant pas d'impliquer avec certitude une action superantigénique [31] . Comme décrit ci-dessus, le modèle murin de MK repose sur la reproduction d'un effet superantigénique par des extraits de Lactobacillus, inducteur des lésions vasculaires [32] [33] [34] . Les vaisseaux atteints montrent alors un infiltrat lymphocytaire partageant la même spécificité V␤. En l'absence de lymphocytes (souris mutée pour le recombination activation gene RAG1) aucune destruction tissulaire coronarienne n'est observée [35] . De même, les souris déficientes pour le récepteur du TNF-␣ ne présentent pas d'atteinte vasculaire après injection d'extraits de Lactobacillus [36] . Le TNF-␣ est capable de catalyser une enzyme protéolytique, la MMP9, qui est impliquée dans la destruction de l'élastine et la formation d'anévrysmes [37] . Le TNF-␣, l'IL-1, l'IL-6 sont également augmentée dans les sérums de patients [38] [39] [40] . Les cellules mononucléées du sang apparaissent produire spontanément des quantités élevées de TNF-␣ et d'IL-1 [41] . Le niveau de TNF-␣ circulant est plus élevé dans le groupe de patients qui vont présenter des complications coronaires [39] . Ces éléments sont en faveur d'une implication de l'immunité innée dans la physiopathologie via une activation des cellules monocytaires/macrophagiques. Enfin, les anticorps circulants anti-endothélium pourraient participer à la destruction des cellules endothéliales activées par les cytokines inflammatoires. La MK est une vascularite des moyens vaisseaux dont la physiopathologie n'est pas encore élucidée mais qui se trouve à la confluence de facteurs génétiques individuels, d'un état d'hyperactivation du système immunitaire et d'une probable infection concomitante (Fig. 3) . Les études sur de larges cohortes (comme le registre Kawanet : http://www.kawanet.fr en France), qui associent l'étude à large échelle des caractéristiques épidémiologiques de la MK, à une étude génétique utilisant les nouvelles techniques de biologie moléculaire comme l'exome sequencing et le pyroséquenç age devrait permettre dans les années à venir de caractériser les déterminants du développement de la MK. Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d'intérêts en relation avec cet article. Kawasaki syndrome La maladie de Kawasaki : une maladie infectieuse New developments in the search for the etiologic agent of Kawasaki disease Association between a novel human coronavirus and Kawasaki disease Blinded case-control study of the relationship between human coronavirus NL63 and Kawasaki syndrome Lack of association between infection with a novel human coronavirus (HCoV), HCoV-NH, and Kawasaki disease in Taiwan Human coronavirus NL63 is not detected in the respiratory tracts of children with acute Kawasaki disease Kawasaki disease and human coronavirus Lack of association between New Haven coronavirus and Kawasaki disease IgA plasma cells in vascular tissue of patients with Kawasaki syndrome IgA plasma cell infiltration of proximal respiratory tract, pancreas, kidney, and coronary artery in acute Kawasaki disease Ultrastructural, immunofluorescence, and RNA evidence support the hypothesis of a "new" virus associated with Kawasaki disease Kawasaki's disease, acrodynia, and mercury Mercury intoxication: it still exists Urine mercury levels in Kawasaki disease Kawasaki disease in families Kawasaki disease in parents and children ITPKC functional polymorphism associated with Kawasaki disease susceptibility and formation of coronary artery aneurysms ITPKC gene SNP rs28493229 and Kawasaki disease in Taiwanese children CASP3 gene single-nucleotide polymorphism (rs72689236) and Kawasaki disease in Taiwanese children Common variants in CASP3 confer susceptibility to Kawasaki disease Genetic polymorphisms in the CD40-ligand gene and Kawasaki disease CD40-ligand gene and Kawasaki disease Programmed death-1 (PD-1) gene polymorphisms lodged in the genetic predispositions of Kawasaki disease Macrophage migration inhibitory factor -173 polymorphism and risk of coronary alterations in children with Kawasaki disease Kawasaki disease: update on pathogenesis Evidence for a superantigen mediated process in Kawasaki disease Development of serum IgM antibodies against superantigens of Staphylococcus aureus and Streptococcus pyogenes in Kawasaki disease Clonal expansion of CD8+ T cells in Kawasaki disease Kawasaki disease T cell activation profiles in Kawasaki syndrome Variable expression of Lactobacillus casei cell wall-induced coronary arteritis: an animal model of Kawasaki's disease in selected inbred mouse strains Superantigenic activity is responsible for induction of coronary arteritis in mice: an animal model of Kawasaki disease Coronary arteritis in mice following the systemic injection of group B Lactobacillus casei cell walls in aqueous suspension Involvement of innate and adaptive immunity in a murine model of coronary arteritis mimicking Kawasaki disease TNF-alpha is necessary for induction of coronary artery inflammation and aneurysm formation in an animal model of Kawasaki disease Matrix metalloproteinase 9 activity leads to elastin breakdown in an animal model of Kawasaki disease Peripheral blood monocyte/macrophages and serum tumor necrosis factor in Kawasaki disease Serial changes of serum interleukin-6, interleukin-8, and tumor necrosis factor alpha among patients with Kawasaki disease High levels of circulating interleukin-4 and interleukin-10 in Kawasaki disease Endothelial cell activation and high interleukin-1 secretion in the pathogenesis of acute Kawasaki disease