key: cord-0995040-dppo65xy authors: Krebs, M.-O.; Demars, F.; Frajerman, A.; Kebir, O.; Jay, T. title: Cannabis et neurodéveloppement date: 2020-04-17 journal: Bull Acad Natl Med DOI: 10.1016/j.banm.2020.04.002 sha: d5ec933a4665a36bb4791189589fd12470c79908 doc_id: 995040 cord_uid: dppo65xy Résumé Le développement cérébral est un phénomène complexe, qui s’étend de la vie fœtale à l’adolescence, pendant laquelle la maturation cérébrale suit une série d’événements ordonnés incluant des périodes critiques de plasticité. Le cerveau est particulièrement sensible à l’environnement pendant ces remaniements. Le système endocannabinoïde participe directement et indirectement à ces processus de plasticité et de maturation. Le delta-9-tetrahydrocanabinol, principal composant psychoactif du cannabis, diffuse dans le placenta, le lait maternel et le cerveau. Il interagit avec le système endocannabinoïde, notamment par l’activation des récepteurs aux cannabinoïdes 1 CB1R, ce qui peut entraîner des altérations du neurodéveloppement et du fonctionnement des circuits neuronaux. Par conséquent, l’exposition au cannabis in utero, en période périnatale ainsi qu’à l’adolescence est susceptible d’entraîner des perturbations de la maturation cérébrale dont les conséquences, sur le plan cognitif, psychotique et addictif, persistent bien au-delà de la période d’exposition. Plusieurs facteurs modulent le risque de telles complications mais les études réalisées sur des modèles animaux ainsi que chez l’homme ont montré qu’une exposition durant les phases critiques, en particulier durant la phase de développement périnatal et à l’adolescence, constitue en soi un facteur de risque. Les données actuelles incitent à diffuser une information objective aux jeunes, pour prévenir et limiter les consommations précoces. Summary Brain development is a complex phenomenon, stretching from fetal life to adolescence, during which brain maturation proceeds through a series of ordered events including critical periods of plasticity. The brain is particularly sensitive to the environment during these changes. The endocannabinoid system participates directly and indirectly in these plasticity and maturation processes. The main psychoactive component of cannabis, the delta-9-tetrahydrocanabinol, can cross the placental barrier, is present in breastmilk and diffuses in the brain. It interacts with the endocannabinoid signaling, especially through the activation of cannabinoid receptors 1 CB1R, which can lead to abnormal neurodevelopmental processes and neuronal circuits functions. Therefore, exposure to cannabis in utero, in perinatal phase, as well as during the adolescence disrupts the brain maturation and can cause disturbances on the cognitive, psychotic and addictive levels that persist far beyond the period of exposure. Several factors modulate the risk of such complications, but studies performed in animal models as well as in human cohorts have shown that exposure during both the critical perinatal and adolescence phases is a risk factor per se. Current knowledge encourages the dissemination of objective information to young people, to prevent and limit early exposure and its consequences. La consommation de cannabis à l'adolescence ou chez Q4 l'adulte jeune est fréquente, pour ne pas dire banale. Pourtant des conséquences à long terme peuvent survenir pour la personne, notamment en cas de consommation précoce ou massive. En cas de grossesse, la consommation de cannabis perturbe dans son développement le foetus à naître. À l'heure où le « cannabis thérapeutique » est expérimenté et où un changement de législation est envisagé pour le cannabis dit « récréatif », il est plus que jamais nécessaire d'identifier les conséquences de sa consommation au cours du développement, en particulier en période périnatale et à l'adolescence. Nous faisons ici une mise à jour des données actuelles de la littérature concernant les effets des composés du cannabis sur le développement cérébral précoce et au cours de l'adolescence. Le développement cérébral est un phénomène complexe, qui définit la spécialisation spatio-temporelle de régions cérébrales et sous-tend leurs relations fonctionnelles actuelles et futures. Il s'étend de la conception jusqu'à la maturité, non pas de façon linéaire mais en fonction de phases « critiques », qui définissent des périodes pendant lesquelles certaines étapes doivent se produire, ne pouvant être compensées ultérieurement. La période périnatale et l'adolescence sont des périodes critiques, au même titre que les phases du développement précoce : perturber des processus devant avoir lieu durant cette période peut avoir des conséquences à long terme. L'exemple prototypique est l'amblyopie, où l'absence de stimulation visuelle avant 5 ans aboutit à une cécité corticale, même quand l'obstacle est levé, du fait de la non-maturation des circuits corticaux pendant la période critique [1] . Les périodes critiques sont des périodes où l'environnement joue un rôle crucial dans la modulation du bon développement des circuits neuronaux. Ce sont aussi des fenêtres de vulnérabilité accrue. Toute déviation dans la séquence ordonnée des événements entraîne des conséquences fonctionnelles révélées plus tard dans la vie : retard, décrochage ou accélération de maturation, perturbations de l'équilibre des afférences excitateur/inhibiteur ou de la synchronisation des événements critiques peuvent découpler la progression du développement des régions et circuits cérébraux et provoquer des troubles cognitifs ou mentaux durables. Durant la période périnatale, qui inclut la période d'allaitement, divers processus de développement surviennent comme la dendritogenèse ou la formation synaptique, la répartition des canaux ioniques excitateurs/inhibiteurs, faisant de cette période une fenêtre temporelle de forte sensibilité aux influences environnementales. Le delta-9-tétrahydrocanabinol (THC), principal composant psychoactif présent dans le cannabis, est hautement lipophile et diffuse dans le cerveau, le placenta et le lait maternel. Du fait de la longue demi-vie des cannabinoïdes et de la rapidité du neurodéveloppement au cours de cette période, même des niveaux d'exposition apparemment faibles peuvent avoir des conséquences importantes sur le développement cérébral [2] . Durant l'adolescence, les régions temporales et surtout les circuits du cortex préfrontal subissent d'importants remaniements (myélinisation, élimination synaptique, réduction de la substance grise [3] . Cette période s'étend de la puberté (10-12 ans) jusqu'à 25 voire 30 ans pour la myélinisation des dernières régions. Ces processus ne sont ni linéaires, ni homogènes, engendrant « physiologiquement » des déséquilibres dans la régulation du comportement : la maturation des circuits sous corticaux est plus précoce que celle des régions impliquées dans la planification et la capacité d'inhibition (régions préfrontales) ce qui entraîne une hypersensibilité émotionnelle (sensibilité à la récompense). Ce déséquilibre fonctionnel cortico-sous cortical peut expliquer les changements comportementaux de l'adolescence, en particulier l'impulsivité, l'absence de planification, la recherche de nouvelles expériences et inciter à l'expérimentation de substances, notamment la prise de cannabis. Parmi les nombreux signaux chimiques permettant la transmission synaptique dans le cerveau, le système cannabinoïde endogène est largement distribué et comprend des récepteurs aux cannabinoïdes (CB1R et CB2R) activés par des substances endogènes, les endocannabinoïdes (eCB). Ce système remplit des fonctions clés pendant le développement cérébral notamment par l'activation des récepteurs CB1R dont l'expression dans les diverses zones cérébrales est précisément contrôlée au cours du temps dès le développement précoce [2, 4] . Il est également impliqué dans la prolifération et la différenciation des progéniteurs neuraux, dans la migration neuronale, dans la guidance des axones et dans la mise en place des connexions synaptiques entre régions cérébrales [2, 5, 6] . Les eCB sont synthétisés « à la demande » au niveau postsynaptique à partir de précurseurs phospholipidiques de la membrane et agissent sur les récepteurs CB1R du neurone présynaptique ce qui régule la libération de neurotransmetteurs [7] . Ce système module l'efficacité et la plasticité synaptiques. Il joue donc un rôle majeur dans le fonctionnement et dans les processus neurodéveloppementaux de mise en place et de maturation des connexions synaptiques [8, 9] . Les pics d'expression des CB1R surviennent lorsque la connectivité synaptique est établie par les cellules pyramidales corticales et interneurones GABAergiques. Les CB1R influencent la prolifération des progéniteurs neuronaux, la croissance axonale et l'orientation de l'axone. Chez l'homme et les rongeurs, ce pic d'expression CB1R est étroitement corrélé avec les niveaux de l'eCB 2-Arachidonylglycérol (2-AG) [2] . Le rôle de CB1R dans le neurodéveloppement précoce est révélé chez des souris génétiquement modifiées dépourvues de ces récepteurs. Les souris dépourvues de CB1R sont prédisposées à des comportements de type dépressif et présentent des caractéristiques du développement cérébral aberrant, telles que des niveaux diminués de facteurs neurotrophiques, des altérations de l'axe hypothalamo-hypophyse-surrénalien (HPS) et des cytokines pro-inflammatoires. À l'adolescence, le système endocannabinoide subit des modifications parmi lesquelles des modifications des niveaux d'endocannabinoïdes et de CB1R variable selon les régions cérébrales : l'expression de CB1R augmente dans les zones clés impliquées dans la maturation (cortex frontal, le striatum et l'hippocampe, le noyau Accumbens. . .) [10, 11] . Ces zones du cerveau jouent un rôle dans le traitement de l'information émotionnelle, l'apprentissage et la mémoire et sont impliquées dans de nombreux troubles neuropsychiatriques [12] . Parmi les nombreux composants du cannabis, le THC est le principal composant psychoactif. Il se lie au CB1R et agit comme un agoniste partiel. Sa concentration varie grandement dans les différentes souches de cannabis, allant de 6-14 % à 20 % dans certaines souches, de plus en plus utilisées. À l'inverse, le cannabidiol (CBD) est dépourvu d'activité sur les récepteurs cannabinoïdes, mais le CBD atténuerait certains effets indésirables (anxiété, attaques de panique, symptômes psychotiques, troubles cognitifs). Les cannabinoïdes de synthèse sont des agonistes complets et puissants des CB1R, avec des effets encore plus marqués que le THC. Le THC peut perturber le fonctionnement du système endocannabinoïde, soit directement en tant qu'agoniste partiel des récepteurs cannabinoïde de type 1 CB1R, soit par le biais de processus de régulation indirect inhibant la signalisation CB1R [13] ou encore via son activité de régulation d'autres systèmes de neurotransmission, notamment dopaminergique, glutamatergique NMDA ou GABAergiques [11, 14] . Les expériences sur l'animal présentent un grand intérêt car elles évitent des facteurs confusionnels potentiels comme la consommation associée (alcool, tabac, autres substances). L'exposition au THC in utero ou en périnatal chez les rongeurs a été directement associée à de nombreux déficits cognitifs et émotionnels à long terme [15, 16] . Les perturbations structurelles et fonctionnelles des systèmes dopaminergique et GABAergique observées [17] [18] [19] sont cohérentes avec celles observées chez l'homme, montrant que l'exposition au cannabis in utero entraîne une expression anormale des récepteurs dopaminergique D2 dans l'amygdale [4] . Des altérations de l'excitabilité des neurones et de la plasticité synaptique au niveau cortex préfrontal et de l'hippocampe ont aussi été rapportées [20] . L'exposition au cannabis durant la gestation et période périnatale perturbe le rôle physiologique de la signalisation eCB dans la programmation du développement et altère la synaptogenèse et le bon développement des circuits neuronaux Q5 (Tableau 1). Chez l'homme, une revue incluant 3 études de cohortes prospectives a montré que les enfants exposés in utero au cannabis présentent plus d'impulsivité et d'hyperactivité à 6 ans et après 9 ans, des altérations du raisonnement abstrait et du fonctionnement visuo-perceptuel [21] . Dans une étude de cohorte de 4361 enfants, la consommation de cannabis après la connaissance de la grossesse était associée à une prédisposition accrue à la psychose chez les enfants évalués à l'âge de 10 ans par questionnaire [22] . L'exposition prénatale au cannabis a aussi des effets persistants jusqu'à l'âge adulte sur la mémoire de travail et les fonctions exécutives [15, 23] et elle augmenterait la vulnérabilité aux addictions [24] . De plus, des études d'imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) ont montré que l'exposition prénatale est associée à une altération du fonctionnement de plusieurs zones du cerveau chez le jeune adulte lors de tests impliquant la mémoire de travail visuospatiale et l'inhibition [15, 25] . Ces travaux confirment les risques associés à l'exposition au cours du développement précoce au cannabis. Comme cela a déjà été décrit avec certains perturbateurs endocriniens [26] , cette exposition au cannabis au cours du développement est considérée par certains comme une première atteinte, augmentant la vulnérabilité ultérieure aux stresseurs environnementaux, qui révèlent secondairement ces altérations précoces par l'expression de troubles psychiatriques (dépression, psychose) et/ou cognitifs [2] . Les modèles animaux sont utiles pour étudier les bases neurobiologiques des effets à long terme de l'exposition au cannabis pendant l'adolescence sur le comportement à l'âge adulte, à distance de l'exposition. Alors que des rongeurs exposés à l'âge adulte à des agonistes CB1R ou au THC ont peu de déficits qui persistent à distance, l'exposition à l'adolescence entraîne des troubles de la mémoire à court terme, de la mémoire de travail spatiale et des interactions sociales à l'âge adulte [11, 27] . Ces anomalies s'accompagnent d'une diminution des protéines impliquées dans la plasticité synaptique et de l'expression de CB1R, ainsi que d'une perturbation de la maturation des systèmes dopaminergiques, glutamatergiques, sérotoninergique et GABAergique dans l'hippocampe et le cortex préfrontal [15, 28] et même de la morphologie dendritique au niveau préfrontal [28] . Le THC à l'adolescence altère aussi l'expression de réseaux de gènes impliqués dans la morphogenèse cellulaire, le développement dendritique et l'organisation du cytosquelette au niveau préfrontal [29] . Cependant, il existe des différences interindividuelles dans la réponse à une exposition au THC. À titre d'exemple, une prédisposition génétique, restreinte aux astrocytes, a récemment été impliquée dans la sévérité des altérations cognitives d'animaux adultes ayant été exposés au THC à l'adolescence, révélant le rôle de certaines voies de signalisations dans ce phénomène de résilience/vulnérabilité [30] (Tableau 2). La majorité des études évaluant les effets chroniques du cannabis montre que les utilisateurs réguliers présentent des performances cognitives altérées par rapport à des non-consommateurs dans un large éventail de domaines cognitifs [31] . L'apprentissage verbal et la mémoire, l'attention et la fonction psychomotrice sont systématiquement altérés par une exposition aiguë et chronique au cannabis et ces effets sont plus marqués pour une consommation précoce [32] . Dans la cohorte de naissance de Dunedin, la poursuite de la consommation de cannabis est associée à un déclin du fonctionnement général (en moyenne 10 points de QI) et particulièrement chez les consommateurs ayant débuté à l'adolescence [33] . Le déclin cognitif est moindre chez les personnes ayant débuté leur consommation à l'adolescence puis cessé à l'âge adulte, mais ce déclin reste néanmoins significatif malgré l'arrêt, par rapport à des non-consommateurs. Cependant, cet effet est influencé par d'autres facteurs, notamment la durée : dans un échantillon limité de jumeaux, il n'a pas été retrouvé d'association entre consommation de cannabis à court terme à l'adolescence et déclin durable du QI ou des fonctions exécutives [34] . Les études d'imagerie cérébrale chez l'homme montrent que l'exposition chronique au cannabis induit une réduction de volume de matière grise dans les régions cérébrales présentant une concentration élevée de CB1R, c'est-à-dire, dans l'hippocampe, le cortex préfrontal, l'amygdale et le cervelet [35] [36] [37] . Plusieurs études font état d'une altération de la substance blanche dans de nombreuses zones du cerveau (tractus préfrontal, limbique, pariétal et cérébelleux) chez les consommateurs de cannabis adolescents. Les modifications sont plus marquées pour une concentration élevée en THC et une consommation précoce, ce qui souligne l'interaction entre THC et développement cérébral [38] . En outre, chez les adolescents, la consommation de cannabis chronique altère l'activation cérébrale dans des tâches impliquant le fonctionnement exécutif, l'attention, la mémoire de travail, l'apprentissage verbal, le traitement affectif et le traitement des récompenses. Le profil d'activation est différent entre consommateurs adultes et adolescents chez qui les altérations touchent le gyrus pariétal inférieur et le putamen [10] . À nouveau, l'utilisation plus précoce et plus intense de cannabis est associée à des altérations plus marquées de la structure et de l'activation des régions cérébrales mises en jeu lors de tâches cognitives nécessitant une prise de décision et une inhibition, tel que le cervelet [38, 39] . Enfin, une méta-analyse récente suggère qu'une activation anormale des réseaux central exécutif et du mode par défaut persiste chez des adolescents consommateurs de cannabis après 25 jours d'abstinence [40] . Il est aujourd'hui bien démontré que les troubles psychiatriques, ceux de l'enfant comme ceux de l'adulte, sont favorisés par une altération du neurodéveloppement et sont en lien avec la maturation cérébrale. Plus précisément, les trois-quarts des troubles psychiatriques débutent avant l'âge de 25 ans, avec un pic entre 12 et 30 ans, reflétant la vulnérabilité associée à cette période critique de l'adolescence. Notons que la modification de la législation aux USA a entraîné une augmentation de la prévalence des troubles de la consommation du cannabis particulièrement chez les jeunes de 12-17 ans [41] . L'induction d'un syndrome amotivationnel est très fréquente lors d'une consommation chronique. Il est caractérisé par l'anhédonie, le désintérêt, le détachement émotionnel, la perte de l'initiative, l'apragmatisme, la passivité, l'apathie, l'appauvrissement intellectuel et le retrait social. Il peut persister quelques semaines après le sevrage et régresse ensuite spontanément. Les premières données faisant un lien entre consommation de cannabis et schizophrénie remontent à plus de 30 ans [31] . La première étude prospective a été menée auprès de jeunes appelés de l'armée suédoise par Andreasson et al., en 1987. Les auteurs pointent que la consommation de cannabis plus de 50 fois à ou avant 18 ans (soit approximativement une fois par semaine pendant un an) multiplie par six le risque de schizophrénie 15 ans plus tard. En élargissant l'échantillon (plus de 50 000 personnes), la durée du suivi et l'analyse visant à traiter tous les facteurs confondant possibles, les auteurs confirment un risque accru de schizophrénie après une exposition au cannabis, même après avoir éliminé une éventuelle psychose débutante, le rôle des autres drogues, l'influence d'une vulnérabilité familiale. . . La consommation précoce de cannabis (15-18 ans) multiplie encore plus le risque de développer des symptômes psychotiques (risque supplémentaire entre 2 à 4 fois) [35, 42] . Une étude de cohorte de naissance sur 50 000 sujets suivis pendant 35 ans retrouve que le risque accru de schizophrénie chez les consommateurs fréquents de cannabis à l'adolescence était de 3,7 par rapport aux non-utilisateurs [43] . Certains auteurs estiment que 8 à 13 % des patients n'auraient jamais développé de symptômes schizophréniques s'ils n'avaient pas consommé de cannabis [44] . Une méta-revue récente rapporte que la consommation de cannabis est associée à un début plus précoce de la psychose, à une augmentation du taux de rechute, à un plus grand nombre d'hospitalisations et à des symptômes positifs prononcés chez les patients psychotiques [45] . Elle confirme aussi l'impact de la dose consommée. Par ailleurs, l'association entre la consommation de cannabis et les troubles de l'humeur et d'anxiété est démontrée, en particulier chez les femmes, et dépend de l'importance de la consommation de cannabis. Néanmoins, au-delà de ces études montrant une possible causalité, l'association entre troubles psychiatriques et consommation de cannabis pourrait aussi refléter une prédisposition partagée (pour revue [31] ). Le potentiel addictif du cannabis, un temps discuté, est maintenant bien établi. Le trouble de l'usage de cannabis (abus et dépendance) se manifeste à travers plusieurs dimensions : l'impact sur les obligations scolaires et professionnelles (fléchissement des résultats, absentéisme, désinvestissement) ; conduites à risque et transgressions pouvant donner lieu à des poursuites judiciaires ; le changement de l'entourage amical, avec désinvestissement des amitiés de longue date et un retrait voire une opposition franche vis-à-vis de l'autorité parentale et enfin la tolérance, entraînant une moindre sensibilité et augmentation des doses en quête de nouveaux effets (ou recherche de produits plus fortement dosés). Il existe une utilisation compulsive (un craving) et des efforts infructueux pour diminuer ou contrôler sa consommation. On estime qu'un expérimentateur sur 11 développera un trouble addictif sur la vie, ce risque étant doublé si l'initiation se fait pendant l'adolescence [31] . Dans une étude américaine récente, trois fumeurs de cannabis sur 10 remplissent les critères d'un trouble lié à l'usage de cannabis selon les critères du DSM-IV et, la prévalence du trouble lié à l'usage de cannabis évalué sur l'année dernière a doublé chez les adultes américains depuis 2001 [46] . À l'inverse, le cannabidiol pourrait avoir des propriétés « protectrices » [47] mais les résultats à ce jour restent controversés [48, 49] . En particulier, un essai a suggéré l'intérêt du CBD pour atténuer les troubles psychotiques [50] mais une autre étude a obtenu des résultats négatifs [51] . Des études sont en cours pour étudier plus précisément les effets du CBD. Certains travaux réalisés chez des modèles animaux pour la schizophrénie [52, 53] ou exposés au THC [54, 55] ont montré que l'injection de CBD pendant l'adolescence peut prévenir l'apparition de certaines anomalies neurobiologiques et comportementales à court ou long terme telles que l'hyperactivité locomotrice, la baisse des performances mnésiques, la réduction des interactions sociales ou l'augmentation de l'anxiété des animaux. Cependant, ces résultats n'ont pas toujours été répliqués et il convient de rester prudent car certaines études ont mis en évidence des conséquences délétères telles qu'une aggravation des anomalies dans le groupe modèle, voire la diminution des interactions sociales dans le groupe contrôle exposé au CBD [55, 56] La consommation de cannabis est susceptible d'entraîner des perturbations durables du développement et de la maturation du cerveau, persistant au-delà de la période de consommation, avec des conséquences sur le plan cognitif, psychotique et addictif. Plusieurs facteurs modulent le risque de telles complications (comme la dose, la durée, la proportion de THC, et une vulnérabilité individuelle) mais l'exposition in utero, en post natal et durant la période de la maturation cérébrale de l'adolescence et du jeune adulte constitue en soi un facteur de risque majeur. Les données actuelles incitent à poursuivre les travaux de recherche pour affiner l'estimation du risque de complication en cas d'exposition, mais aussi à d'ores et déjà entreprendre une véritable politique de diffusion d'informations objectives aux jeunes, et ce dès la fin du primaire, pour prévenir et limiter les consommations précoces, dans un contexte où l'on peut craindre une augmentation de la prévalence des troubles de la consommation du cannabis chez les jeunes de 12-17 ans si le cannabis devient plus accessible. Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d'intérêts. 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How does cannabidiol (CBD) influence the acute effects of delta-9-tetrahydrocannabinol (THC) in humans? A systematic review Cannabinoids for the treatment of mental disorders and symptoms of mental disorders: a syste-Q13 matic review and meta-analysis Cannabidiol (CBD) as an adjunctive therapy in schizophrenia: a multicenter randomized controlled trial The effects of cannabidiol (CBD) on cognition and symptoms in outpatients with chronic schizophrenia a randomized placebo controlled trial Cannabidiol administered during peri-adolescence prevents behavioral abnormalities in an animal model of schizophrenia Peripubertal cannabidiol treatment rescues behavioral and neurochemical abnormalities in the MAM model of schizophrenia Chronic adolescent 9-tetrahydrocannabinol treatment of male mice leads to long-term cognitive and behavioral dysfunction, which are prevented by concurrent cannabidiol treatment Cannabidiol improves behavioural and neurochemical deficits in adult female offspring of the maternal immune activation (poly I:C) model of neurodevelopmental disorders Cannabidiol potentiates 9 -tetrahydrocannabinol (THC) behavioural effects and alters THC pharmacokinetics during acute and chronic treatment in adolescent rats Nos travaux dans ce domaine ont reçu un soutien par les contrats ANR Scanepi ; EPINEP et EPIYoung ; le PHRC ICAAR ; et par la Fondation pour la recherche sur le cerveau. F.D. reçoit une bourse de la Fondation pour la recherche médicale ; A.F. est financé sur l'ANR JC EPI-Young.