key: cord-0992478-qudrh1tq authors: nan title: Genèse d’un site d’information sur le bon usage du médicament au cours de la pandémie date: 2020-10-20 journal: Actual Pharm DOI: 10.1016/j.actpha.2020.08.008 sha: 7e6ead2ecd29693bb00649ac78b5a44ff21cfa31 doc_id: 992478 cord_uid: qudrh1tq In the context of COVID-19, the French Society of Pharmacology and Therapeutics opened a question-and-answer website on 17 March 2020 to provide clear and reliable answers to patients’ questions about the treatment of their chronic pathologies, to inform the general public about the proper use of medicines and to fight against misinformation. On May 13, 152 questions and answers were published and updated on this website, which was visited more than 154,000 times in two months. F ace à la pandémie de Covid-19, le président de la République française, Emmanuel Macron, présentait, lors d'une allo cution télévisée diffusée le 12 mars 2020 à 20 heures, les priorités de l'action publique, impliquant la mobilisation totale du système de santé français. Le lundi 16 mars 2020, à 20 heures, il annonçait la mise en place du confinement de la population afin de contenir la propa gation du virus sur le territoire français. Cette mesure est devenue effective le mardi 17 mars 2020 à midi. La Société française de pharmacologie et de thérapeutique (SFPT) a pris très tôt en compte la gravité de la situation sanitaire, en particulier pour les patients atteints de pathologies chroniques. Le jour de la seconde allocution présidentielle, le conseil scienti fique de la SFPT s'est réuni en urgence et a décidé de créer un site national de questions-réponses (Q&R) dans les vingtquatre heures [1] . Le premier objectif était d'apporter une information claire et documentée aux questions des patients concernant le traitement de leurs patho logies chroniques dans le contexte de cette pandémie. Le deuxième objectif était d'informer le grand public sur le bon usage des médi caments dans le cas d'une éventuelle infection au severe acute respiratory syndrome coronavirus 2 (Sars-CoV-2). Les premières Q&R ont été publiées le mardi 17 mars 2020. Nous décrivons ici la genèse, en urgence, de ce site d'infor mation grand public sur le médicament et la Covid-19, et son bilan huit semaines après sa création. Le groupe de travail "Médicaments et Covid-19" a été constitué le 16 mars 2020. Il est composé d'un conseil scientifique, d'une équipe éditoriale et d'experts thématiques. F Le conseil scientifique a pour missions de définir les thématiques abordées, de superviser la gestion des sites internet et d'interagir avec les autorités sanitaires françaises, la Direction générale de la santé (DGS) et l'Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé (ANSM). Responsable de l'ensemble du contenu, il décide aussi de la stratégie de communication et des outils pour atteindre un public le plus large possible. Son rôle est également de faire connaître ses positions et ses actions, et d'échanger avec les autorités sanitaires françaises, afin de se distinguer des sites commerciaux et/ou non scientifiques. F La première réunion du conseil scientifique s'est tenue le 16 mars, sous l'égide de la SFPT. Le conseil était alors composé de la présidente et de l'ancien président Covid-19, faire face à une crise sanitaire inédite dossier de la SFPT, ainsi que du président de son conseil scientifique, des deux vice-présidents et de l'ancien président du Collège national de pharmacologie médicale, de la présidente de l'Association nationale pédagogique des enseignants en thérapeutique et de la présidente du réseau français des centres régionaux de pharmacovigilance (CRPV). Un peu plus tard, le président de l'Association nationale des enseignants de pharmacie clinique, la présidente de l'Association française des centres d'addicto vigilance et un repré sentant du groupe Avenir de la SFPT l'on rejoint. Le 29 mars 2020, le conseil scientifique comptait quinze membres. F Pour chaque question, un binôme d'experts de la thématique a été constitué à partir d'un panel de quarante spécialistes, principalement composé de médecins et de pharmaciens, dont le nom avait été suggéré par le conseil scientifique 2 . Ils ont ensuite été contactés par l'équipe éditoriale. F Leur mission était de valider la réponse proposée par l'équipe éditoriale en vingt-quatre heures, en la corrigeant ou en la complétant si nécessaire, pour finalement aboutir à un consensus, obligatoire. Analyse globale de la fréquentation du site F Les Q&R relatives à l'usage controversé de l'hydroxy chloroquine et, dans une moindre mesure, de l'azithromycine, ont été les plus consultées ( figure 1 ) , à la suite de la diffusion publique des données de la cohorte française sur l'hydroxychloroquine associée à l'azithromycine comme traitement potentiel de la Covid- 19 [8] . Les Q&R les plus lues concernaient les traitements des pathologies chroniques [4] Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). COVID-19. Des questions sur votre traitement dans le contexte de l'épidémie COVID-19 ? 2020. www.ansm.sante.fr/ Dossiers/COVID-19/ Des-questions-sur-votretraitement-dans-le-contextede-l-epidemie-COVID-19. [5] Cracowski JL , Molimard M , Richard V . Ultrafast response of the french society of pharmacology and therapeutics to the COVID-19 pandemic . Therapie 2020 ; S0040-5957(20)30105-0 . [6] Veille scientifi que sur la Covid-19. 2020. https://bibliovid.org/. [7] Meta-Evidence on COVID-19. http://metaevidence.org/ COVID19.aspx. Analyse détaillée des Q&R les plus consultées F L'analyse détaillée des Q&R les plus consultées montre l'intérêt du public pour les traitements de la Covid-19 ( figures 3-5 ). En effet, après la communication d'une étude clinique concernant l'usage de l'hydroxychloroquine comme traitement potentiel de cette maladie [8] , l'utilisation de cette molécule est rapidement devenue le sujet d'actualité phare dans les médias. Ainsi, nos deux Q&R relatives à l'hydroxychloroquine (#018 et #019) ont été parmi les plus consultées ( figure 4 ). F L'annonce des effets indésirables graves cardiaques associés à la bithérapie hydroxychloroquine-azithromycine a alerté la population sur son éventuel effet délétère. À la suite de la diffusion des premiers résultats de la cohorte française de 1 061 patients traités par cette association, le 20 mars 2020, nous avons publié la Q&R #036 relative à l'azithromycine ( figure 4 ) . Google l'a rapidement placée en première page dans ses résultats de recherche sur l'azithromycine ; elle a été consultée de façon constante et toujours importante, même après son premier pic de visibilité ( figure 4 ). F Certaines communications ont eu un impact considérable, comme la Q&R #005 relative à l'asthme allergique saisonnier, dont le nombre de vues est passé de 42 à 1 284 après que le ministère des Solidarités et de la Santé l'a relayée ( figure 5 ). Par ailleurs, ce relais a engendré une meilleure visibilité et un référencement [9] Authier N. Quels médicaments peut-on encore prendre pendant l'épidémie de Covid-19 ? The Conversation. https://theconversation.com/ quels-medicaments-peuton-encore-prendre-pendantlepidemie-de-covid-19-134276. [10] Food and Drug Administration (FDA). COVID-19 frequently asked questions. www.fda.gov/ emergency-preparednessand-response/coronavirusdisease-2019-covid-19/ coronavirus-disease-2019covid-19-frequently-asked-questions#drugs. [11] The Italian Ministry of Health. FAQ-Covid-19, questions and answers. www.salute.gov.it/portale/ nuovocoronavirus/ dettaglioFaqNuovoCoronavirus. jsp?lingua=english&id=230#6. [12] World Health Organization. Q&A on coronaviruses ( COVID-19). www.who.int/ news-room/q-a-detail/q-acoronaviruses. [13] World Health Organization. Model web site for medicines regulatory authorities. 2020. www.who. int/medicines/areas/quality_ safety/regulation_legislation/ model_site/en/ Covid-19, faire face à une crise sanitaire inédite dossier accru sur les moteurs de recherche pour les deux sites. Par exemple, la publication de la Q&R #126 relative à la povidone iodée s'opposait aux fausses infor mations recommandant son usage en bain de bouche dans le but de faire diminuer le portage oro pharyngé en Sars-CoV-2. Le ministère des Solidarités et de la Santé a immédiatement diffusé cette Q&R sur les réseaux sociaux où elle a été vue 1 714 fois dans les quarantehuit heures suivantes ( figure 5 ). F Devant l'incompréhension du grand public sur la méthodologie des essais cliniques en cours sur la Covid-19, nous avons publié la Q&R #136. La SFPT et ses partenaires l'ont immédiatement relayée via leurs réseaux sociaux, permettant ainsi d'enre gistrer la plus grande progression du nombre de vues, toutes Q&R confondues (2 378 en quarante-huit heures). Deux semaines après sa mise en ligne, nous avons publié une vidéo pédagogique reprenant ses grands messages, promus sur les réseaux sociaux, d'où un regain de consultations ( figure 5 ). F Le 19 mars 2020, nous avons permis à toute personne visitant notre site de poser anony mement une question. Le 13 mai 2020, soit deux mois après sa création, 599 questions ont été déposées par ce biais : 71 ont été à l'origine de l'édition de questions, soit près de la moitié des Q&R consultables sur le site ; 59 ont permis de mettre à jour des questions déjà en ligne. En revanche, près de la moitié avaient été traitées précédemment et les questions restantes ont été considérées comme non adaptées à notre site. F En termes de cinétique, un peu plus de la moitié des questions ont été déposées au cours des quatorze premiers jours ( figures 2 et 6 ) . Cela suggère que nous avions répondu, dans cette période, à la grande majorité des préoccupations du grand public. F Nous décrivons ici la genèse du plus important site d'information grand public sous forme de Q&R répondant spécifiquement aux problématiques de bon usage du médicament pendant la pandémie de Covid-19. En effet, avec 154 658 consultations en cinquante-six jours, ce site semble avoir correspondu à un besoin. Sa visibilité a été optimisée grâce, notamment, au timing idéal des posts effectués par la SFPT sur Twitter et Facebook, ainsi que de ses communications dans la presse écrite, papier ou numérique. De plus, le soutien précoce du ministère des Solidarités et de la Santé et de l'ANSM a eu un impact considérable sur la consultation du site. F Pour les autorités françaises, le risque d'automédication lié à la prise de médicaments dont l'efficacité et le profil de sécurité dans l'indication ne sont pas documentés faisait l'objet d'une attention prioritaire. La mise en place de ce site internet a permis de quantifier les tendances concernant la nature des questions posées par les patients et le grand public. Il a donc constitué à la fois un outil d'information fiable et un indicateur des pré occupations des usagers sur le médicament. F Dans d'autres pays, des sites internet officiels répondaient au même objectif. À la date du 28 avril 2020, ceux de la Food and Drug Administration, du ministère italien en charge de la santé et de l'Organisation mondiale de la santé avaient publié respectivement 36, 24 et 2 Q&R relatives au médicament et aux produits de santé dans le contexte de la pandémie de Covid-19 [10-12] . F L'OMS a émis des recommandations concernant les caractéristiques et le contenu des sites internet relatifs à l'information sur le médicament publiés par les autorités d'un pays [13] . Elles incluent la nécessité de fournir un service sûr et impartial, devenant ainsi un outil de lutte contre la désinfor mation. En Europe, avant la pandémie, l'offre fiable, basée sur des données scientifiques de qualité et adaptée au grand public sur les médicaments, était décrite comme hétérogène [14] . Le contexte anxiogène de la crise sanitaire a favorisé la propagation d'infox dans le monde entier. Ce flot de données a considérablement impacté la communication des autorités sanitaires dans de nombreux pays, comme cela a été rapporté en Irlande [15] , en Italie [16] , au Japon [17] et en Inde [18] . Le rôle de la SFPT en tant que société savante a été de contribuer à l'effort national en fournissant une information sécurisée sur le médicament. F La surveillance des réseaux sociaux permet d'anti ciper les questions de la population et l'émergence d'infox, qu'il convient de clarifier [19] . Avant la pandémie, les actions de lutte contre la désinformation sur Internet, notamment sur les réseaux sociaux, étaient bien décrites [20] . Cependant, une étude rapporte qu'au cours de la crise sanitaire relative à la Covid-19 [21] , non seulement la demande de renseignements s'est accrue, mais celle de traitements non validés dans la Covid-19 et potentiellement dangereux a été considérable ; elle était directement en lien avec les propos tenus par les hommes politiques. En 2014, nous avions déjà alerté sur le fait qu'en France, un effort majeur était indispensable pour informer et éduquer, tant les professionnels de santé que le grand public, au bon usage du médicament [22] . Les événements récents mettent en évidence la nécessité, pour les sociétés savantes, les grandes instances, les leaders de la santé publique et les médias, de promouvoir et de diffuser des informations précises autant que fiables sur ce thème. F Notre expérience présente plusieurs limites, la première étant notre priorité initiale de nous adresser au grand public. Nous avons constaté que de nombreux médecins généralistes, pharmaciens ou professionnels de santé utilisaient les Q&R pour euxmêmes ou pour informer leurs patients. À l'origine, nous avions envisagé deux niveaux d'infor mation : le site https://sfpt-fr.org/covid19 pour le grand public et nos revues scientifiques, en temps réel, au nom de la SFPT [23-27] pour les professionnels de santé. Cependant, de nombreux médecins et pharmaciens libéraux ont recherché une information synthétique et ont donc consulté le site. F La deuxième limite est que l'ampleur du contenu disponible sur le site de la SFPT pourrait avoir dilué l'information. En effet, le nombre de questions déposées par le grand public alors qu'elles étaient déjà traitées est resté important, malgré la mise en place de rubriques et d'un moteur de recherche. Néanmoins, un biais probable réside dans le fait que de nombreux accès se sont faits directement via un moteur de recherche sur la page de la question. F Une autre limite est que, dans un contexte d'urgence, nous n'avons pas pu demander de décla ration de conflits d'intérêts publique à tous les membres du conseil scientifique et à tous les experts. À ce jour, seules les personnes impliquées dans une action publique ont publié une déclaration sur le site internet du gouvernement. Cela serait corrigé si ce service public d'information sur le médicament faisait l'objet d'une collaboration formelle avec le mini stère en charge de la santé. F Par ailleurs, cette collaboration aurait pu être plus importante que le simple usage du canal ministériel de communication en ligne. En effet, le ministère a relayé les informations de la SFPT, mais ces dernières relevaient de son initiative, de sa responsabilité et de son financement. Notre hypothèse initiale était que le succès du site déclinerait de façon majeure dès le pic de la pandémie passée. Cependant, en analysant les deux dernières semaines de consultation par rapport aux six premières semaines [28] , il apparaît que la fréquentation baisse peu, probablement du fait de la mise à jour permanente des questions. Le maintien à long terme de ce site et surtout l'ouverture éventuelle de son domaine scientifique, actuellement restreint à la Covid-19, reste un objet de débat. Il est urgent de répondre au besoin d'informations fiables de la population, en proposant un service public sur le médicament, combinant l'expertise de la société savante de pharmacologie et de théra peutique, du réseau de pharmacovigilance et du ministère des Solidarités et de la Santé. Cette démarche a offert la possibilité d'apporter des réponses claires, rapides, compréhensibles et expertes aux préoccupations des patients et de la population générale concernant le bon usage du médicament dans le contexte de la Covid-19, et de combattre la désinformation. ◗ Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d'intérêts. • Il existe un besoin d'informations fi ables sur le médicament, notamment en période de crise sanitaire. • La Société française de pharmacologie et de thérapeutique a développé précocement un important site d'information relatif au médicament et à la Covid-19 mis à jour en continu. • Cette initiative a été le fruit d'une collaboration exceptionnelle des pharmacologues, des thérapeutes, des pharmaciens cliniciens, des centres de pharmacovigilance, de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé et de la Direction générale de la santé. • Avec 154 658 consultations en cinquante-six jours, cet outil semble avoir répondu à un besoin. • De nombreux médecins et pharmaciens libéraux ont recherché une information synthétique et ont donc consulté le site, initialement destiné au grand public. 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