key: cord-0990190-0dut550o authors: Riachy, M.; Baaklini, C.; Ibrahim, I.; Azar, H.; Yaghi, C.; Dabar, G.; Bazarbachi, T.; Nasnas, R.; Karam-Sarkis, D.; Germanos, M.; Maacaron, N.; Khayat, G.; Choucair, J. title: SDRA par pneumonie à EBV date: 2007-05-31 journal: Revue des Maladies Respiratoires DOI: 10.1016/s0761-8425(07)91134-1 sha: ea5727a303e15d83277d3a70972006599442dbcf doc_id: 990190 cord_uid: 0dut550o Résumé Introduction Chez l’adulte immunocompétent, l’Epstein Barr (EBV) entraîne une maladie autolimitée spontanément résolutive. Observation Un syndrome de détresse respiratoire aigu (SDRA) compliquant une pneumonie grave à EBV est rapporté avec le recours à une ventilation artificielle prolongée. Le diagnostic était confirmé par l’usage des sérologies spécifiques et la recherche de la charge d’ADN virale par PCR. À part la stratégie protectrice de la ventilation mécanique, le traitement médical a compris l’utilisation de l’Acyclovir et les immunoglobulines polyclonales dans la phase précoce ainsi que des corticoïdes systémiques dans la phase tardive. La guérison était progressive et complète. Conclusion La pneumonie à EBV compliquée d’un SDRA chez les immunocompétents existe. Sa prise en charge est un défi diagnostique et thérapeutique. Summary Introduction In the immuno-competent adult Ebstein-Barr virus (EBV) infection is a self-limiting disease that resolves spontaneously. Case report We report a case of acute respiratory distress syndrome (ARDS) complicating severe EBV pneumonia and requiring prolonged artificial ventilation. The diagnosis was confirmed by specific serology and estimation of the viral load by PCR. Apart from supportive treatment with artificial ventilation the medical treatment included the use of Acyclovir and polyclonal immunoglobulins in the early phase and corticosteroids in the late phase. Recovery was progressive and complete. Conclusion ARDS can complicate EBV pneumonia in an immuno-competent subject. Its management represents a diagnostic and therapeutic challenge. Introduction Chez l'adulte immunocompétent, l'Epstein Barr (EBV) entraîne une maladie autolimitée spontanément résolutive. Observation Un syndrome de détresse respiratoire aigu (SDRA) compliquant une pneumonie grave à EBV est rapporté avec le recours à une ventilation artificielle prolongée. Le diagnostic était confirmé par l'usage des sérologies spécifiques et la recherche de la charge d'ADN virale par PCR. À part la stratégie protectrice de la ventilation mécanique, le traitement médical a compris l'utilisation de l'Acyclovir et les immunoglobulines polyclonales dans la phase précoce ainsi que des corticoïdes systémiques dans la phase tardive. La guérison était progressive et complète. La pneumonie à EBV compliquée d'un SDRA chez les immunocompétents existe. Sa prise en charge est un défi diagnostique et thérapeutique. La mononucléose est une pathologie infectieuse fréquente secondaire au virus Epstein Barr (EBV), aussi responsable d'un grand nombre de néoplasies. Il appartient à la famille des gammas herpès virus, infectant environ 90 % de la population mondiale [1]. Chez l'adulte immunocompétent, il entraîne en général un tableau autolimité et spontanément résolutif associant fièvre, douleur de gorge, pétéchies au niveau du voile du palais et adénopathies [2] . Une évolution plus grave nécessitant une hospitalisation, avec atteinte de plusieurs organes systémiques dont le coeur, le cerveau, le foie, ou le poumon est retrouvée dans moins de 5 % des cas. Les décès sont le plus souvent secondaires à une hépatite fulminante, une encéphalite, un syndrome d'hémophagocytose ou une rupture de rate [3] . Plusieurs cas d'atteinte pulmonaire sévère par EBV sont rapportés dans la littérature chez des personnes immunocompétentes [4] [5] [6] . Toutefois le développement d'un syndrome de détresse respiratoire de l'adulte (SDRA) et le recours à une ventilation artificielle sont exceptionnels. Une patiente âgée de 29 ans, sans aucun antécédent notable, est hospitalisée à la suite d'un voyage au Canada (en dehors de l'épidémie du SARS) pour une toux irritative associée à une fièvre traînante depuis 10 jours sans réponse au levofloxacine. À l'admission, l'examen révélait une fièvre à 39°C, des adénopathies douloureuses de la chaîne cervicale postérieure et des amygdales pultacées. Le bilan biologique sanguin retrouvait des leucocytes à 6 100/mm3 avec 52 % de lymphocytes atypiques sur le frottis, une cytolyse hépatique (ASAT 342 UI/ml, ALAT 320 UI/ml, γGT 263 UI/ml, Phosphatase alcaline = 221 UI/ml) et une CRP à 90 mg/l. Les gaz du sang à l'air libre montraient une hypoxémie légère (pH 7,43 ; pO 2 71 mm Hg ; pCO 2 37 mm Hg). Le reste du bilan était sans particularité. La radiographie du thorax révélait un épaississement bronchique aux deux bases avec un foyer alvéolaire basal droit. La bronchoscopie objectivait la présence de sécrétions muqueuses peu abondantes avec une inflammation sévère diffuse des parois bronchiques. Le lavage bronchoalvéolaire était stérile, mettant en évidence des cellules géantes multinucléées, faisant suspecter un syndrome mononucléosique. Les hémocultures, le Monospot, les sérologies de l'hépatite A et B, du VIH et du mycoplasme, l'antigène urinaire pour Légionella Pneumophila et l'intradermoréaction à la tuberculine étaient négatifs. La sérologie pour le Cytomégalovirus (CMV) était équivoque (IgM 1,16 et IgG 138 UA/ml pour un index de positivité à 0,5 et 15 respectivement) mais l'antigénémie précoce (PP65) négative. La sérologie pour le virus d'Epstein Barr (EBV) en IgM VCA était en densité optique de 1,93 (seuil à 0,30). Un traitement symptomatique est débuté avec une antibiothérapie probabiliste par Azithromycine. À J3, l'état respiratoire s'était franchement détérioré. La radiographie thoracique retrouvait une extension de la pneumonie basale droite et l'apparition d'images alvéolaires bilatérales ( fig. 1) . Ce tableau clinico-radiologique associé aux résultats de la sérologie à CMV a fait retenir comme possible une pneumopathie à CMV. Compte tenu de la gravité un traitement par ganciclovir IV (480 mg/jour) a été débuté. Le diagnostic de syndrome mononucléosique se base sur un cortège de signes cliniques et biologiques simples [2] . Les infections sévères avec une atteinte systémique compromettant la vie du sujet restent rares chez les immunocompétents et sont souvent secondaires au cytomégalovirus [3] . L'infection submortelle à EBV est exceptionnelle et l'atteinte pulmonaire si elle existe reste autolimitée [4] [5] [6] . Chez notre malade d'âge jeune, la pneumonie étendue à EBV était compliquée d'un SDRA sévère ayant nécessité le recours à une ventilation artificielle difficile durant 7 jours. Plusieurs examens paracliniques évoquent le diagnostic d'une infection à EBV. La présence de lymphocytes atypiques dans le sang périphérique à l'examen sur lame n'est pas spécifique d'une infection à EBV. La culture virale n'est pas réalisée en routine mais dans des laboratoires spécialisés ou de référence. La recherche d'anticorps hétérophiles et d'anticorps spécifiques contre les antigènes du virus d'Epstein Barr est utile pour le diagnostic d'une infection aiguë surtout en présence d'un haut index de suspicion clinique [7] . Toutefois une possible réaction croisée avec la sérologie du CMV nécessite une interprétation avec précaution [8] . Chez notre malade, l'évolution temporelle de ces sérologies pouvait aider à discerner entre les deux virus. Une infection aiguë est suggérée par la positivité des anticorps IgM dirigés contre la capside virale (VCA), avec positivité des anticorps dirigés contre la partie D des antigènes précoces (EA-D). Le taux des IgG anti-VCA augmente lentement au cours d'une infection aiguë, mais persiste tout le long de la vie. Durant la phase aiguë de l'infection, l'ADN viral peut être détecté dans le sang par une méthode PCR avec une sensibilité de 94,9 % et une spécificité de 97,4 % lors d'une primoinfection [9] . Il disparaît après 22 jours de l'apparition des symptômes [9] . Ainsi la mesure de la charge virale est utile dans le diagnostic et le suivi des maladies associées à l'EBV [10] . Le traitement de l'infection non compliquée à EBV est généralement symptomatique. Le repos relatif pour 2 à 3 semaines est recommandé surtout en présence d'une splénomégalie. Le traitement des infections virales à EBV par les corticoïdes est controversé. Ils sont utilisés à la dose de 1 mg/kg/j en cas d'obstruction des voies aériennes, d'anémie hémolytique, de thrombopénie sévère et parfois dans les atteintes systémiques du cerveau et du coeur [11] . Par ailleurs, les données concernant l'utilisation des corticoïdes chez l'homme pour traiter les pneumonies virales sont limitées. Le bénéfice des corticoïdes dans le traitement des détresses respiratoires secondaires au coronavirus dans l'épidémie du SARS n'est pas prouvé. Dans une étude rétrospective menée chez des malades atteints de pneumonie sévère varicelleuse, les corticoïdes ont réduit le séjour hospitalier [12] . D'autre part l'utilisation des corticoïdes systémiques dans le cadre d'un SDRA est discutable. L'effet néfaste d'une corticothérapie systémique empirique dans le sepsis et le choc septique est démontré [13] . Une méta analyse plus récente [14] montre le bénéfice probable des corticoïdes sur la mortalité dans les phases tardives du SDRA, se basant sur une seule étude prospective randomisée en double insu [15] . Toutefois les résultats préliminaires de l'ARDSNET sponsorisé par le « National Institute of Health » montre l'efficacité potentielle des corticoïdes dans la phase tardive du SDRA à condition d'être débutés avant 14 jours d'évolution [16] . La corticothérapie chez notre malade dans la phase tardive était accompagnée d'une amélioration de l'atteinte pulmonaire et une extubation rapide. L'utilisation des antiviraux dans les infections aiguës à EBV reste peu étudiée. L'acide phosphonoacétique, l'adénine arabinoside, l'acyclovir, le desciclovir, le ganciclovir, le moribavir (1263W94) l'interféron-α et l'interféron-γ inhibent la réplication de l'EBV in vitro [17, 18] . Cependant, les études cliniques de la thérapie antivirale restent insuffisantes pour établir des recommandations. L'acyclovir et le descyclovir ont tous les deux montré une action thérapeutique temporaire sur la leucoplasie chevelue orale chez des patients infectés par le VIH [18] . L'acyclovir a induit une rémission temporaire d'une lymphoprolifération à cellules B chez un transplanté rénal et chez deux patients atteints de pneumonie interstitielle à l'EBV [19, 20] . De plus l'acyclovir a été rapporté seul ou en combinaison efficace dans le traitement des pneumonies à EBV [21] . Le phosphonoformate trisodique (foscavir) inhibe la multiplication virale de l'EBV in vitro à la dose de 80 à 100 µmol/l [22] . La vaccination contre l'EBV reste décevante avec le risque oncogène potentiel de l'EBV.98. Une étude utilisant la GP350 virale pour vaccination semble prometteuse [23] . Les malades immunodéprimés et transplantés d'organes peuvent être traités par des immunoglobulines polyclonales lors des pneumonies virales sévères [24] . Plusieurs cas dans la littérature rapportent l'utilisation des immunoglobulines dans des pneumonies sévères chez des immunocompétents, liés au virus de la varicelle [25] , de l'adénovirus [26] et du virus respiratoire syncytial, mais pas dans l'EBV. Toutefois, les préparations commerciales d'immunoglobulines polyclonales, contenant une forte activité contre l'HSV1,2,6,7, le VZV, l'EBV, les virus de la rubéole, des oreillons et du parvovirus B19 en plus de certains types spécifiques de bactéries [27] , nous ont incité à les utiliser chez notre malade. La ventilation mécanique dans le SDRA est bien standardisée et suit une stratégie protectrice à petits volumes avec une PEP élevée [28] . Des manoeuvres de recrutement alvéolaires sont utilisés parfois en pratique courante. Néanmoins leur bénéfice sur la mortalité n'est pas prouvé. Ce cas clinique rapporte une pathologie peu commune de SDRA par pneumonie à EBV chez un immunocompétent. Le diagnostic suspecté cliniquement doit être confirmé par l'usage des sérologies spécifiques et la PCR dans les meilleurs délais. Le traitement médical n'est pas standardisé. L'utilisation de l'acyclovir et éventuellement les immunoglobulines polyclonales peuvent être envisagé dans la phase précoce de la maladie et les corticoïdes dans la phase tardive. Infectious mononucleosis and Epstein-Barr virus Epstein-Barr virus infectious mononucleosis Infectious mononucleosis; review of complications in hospitalized series Infectious mononucleosis, diffuse pneumonia and acute respiratory failure in an elderly woman Diffuse pneumonia and acute respiratory failure due to infectious mononucleosis in a middle-aged adult Severe respiratory insufficiency complicating Epstein-Barr virus infection: case report and review Diagnostic virology Antigenic cross-reactions among herpes simplex virus types 1 and 2, Epstein-Barr virus, and cytomegalovirus Puchhammer-Stockl E : Serum Epstein-Barr virus DNA load in primary Epstein-Barr virus infection Comparison of commercial real-time PCR assays for quantification of Epstein-Barr virus DNA Lymphocytic interstitial pneumonitis associated with Epstein-Barr virus in Systemic Lupus Erythematosus and Sjogren's Syndrome. Complete remission with corticosteriod and cyclophosphamide Corticosteroids in life-threatening varicella pneumonia Steroid controversy in sepsis and septic shock: a meta-analysis Pharmacologic treatments for acute respiratory distress syndrome and acute lung injury: systematic review and meta-analysis Effect of prolonged methylprednisolone therapy in unresolving acute respiratory distress syndrome: a randomized controlled trial Ancukiewicz M ; National Heart, Lung, and Blood Institute Acute Respiratory Distress Syndrome (ARDS) Clinical Trials Network: Efficacy and safety of corticosteroids for persistent acute respiratory distress syndrome Transformation of human lymphocytes by Epstein-Barr virus is inhibited by phosphonoacetic acid Efficacy of desciclovir in the treatment of Epstein-Barr virus infection in oral hairy leukoplakia Treatment of life-threatening Epstein-Barr virus infection with acyclovir Chronic Epstein-Barr virus infection associated with fever and interstitial pneumonitis. Clinical and serologic features and response to antiviral chemotherapy Interferon gamma (IFN-gamma) deficiency in generalized Epstein-Barr virus infection with interstitial lymphoid and granulomatous pneumonia, focal cerebral lesions, and genital ulcers: remission following IFN-gamma substitution therapy Sensitivity of Kaposi's sarcoma-associated herpesvirus replication to antiviral drugs. Implications for potential therapy Sensitivity of the transforming and replicative functions of Epstein--Barr virus to inhibition by phosphonoacetate Intravenous immunoglobulin in adult varicella pneumonia complicated by acute respiratory distress syndrome Treatment of adenoviral pneumonitis with intravenous ribavirin and immunoglobulin In vitro antiviral and antibacterial activity of commercial intravenous immunoglobulin preparations -a potential role for adjuvant intravenous immunoglobulin therapy in infectious diseases Ventilation with lower tidal volumes as compared with traditional tidal volumes for acute lung injury and the acute respiratory distress syndrome. The Acute Respiratory Distress Syndrome Network