key: cord-0944985-5r02dcnj authors: Vigué, Bernard; Radiguer, François title: Dialogue avec l’entourage des patients en réanimation date: 2020-09-22 journal: Prat Anesth Reanim DOI: 10.1016/j.pratan.2020.09.002 sha: e272a80fed8d84bf88a1c0219364bc9a8456ece7 doc_id: 944985 cord_uid: 5r02dcnj The place of relatives of our patients is the deepest change in intensive care units in 20 years. Working on collegial discussions and recognizing the voices of patients and their loved ones in care projects have become a mandatory part of our daily work. This change is also related to the attention and time given to ethical decisions in the daily life of resuscitation. We need to recognize the need for trust in the health care system as well as with medical providers so that the therapeutic relationship can be achieved peacefully. We must therefore organize ourselves to improve reception of the families, place of the team members, regular formal meetings of information with relatives or the representative of our patient. Post-traumatic stress is not only a prerogative of our patients, it is also described in accompanying people. If trust is acquired few conflicts are challenging, only interfamily conflicts force medical team to defend its opinion. The realization that a specific care project after intensive care is more likely to succeed when it is done with the support of the entourage makes possible to understand the importance to take care to the stress of the relatives. L'évènement épidémique (COVID 19) de ces derniers mois restera une expérience qui marquera longtemps les soignants de réanimation. La nécessité médicale d'écarter les proches de tous les patients hospitalisés aura été une épreuve acceptée par eux mais difficile à vivre. L'importance des traumatismes infligés dans la population touchée restera à évaluer. L'organisation, malgré tout, d'une visite après décès a semblé indispensable à de nombreuses équipes pour pouvoir réaliser un deuil. Nous espérons que nous pourrons reprendre le chemin que nous avons du quitter temporairement, celui d'une participation active de l'entourage à un projet de soin adapté et respectueux du patient. Le changement le plus profond vécu dans les réanimations au cours des 20 dernières années concerne la place laissée à l'entourage des patients. L'entourage se définit par la structure familiale et/ou les proches amis de notre patient. Les constats faits depuis 20 ans montrent l'incompréhension de la moitié des familles au discours médical témoignant de l'ampleur du fossé séparant professionnels du soin et proches [1, 2] . C'est la certitude d'améliorer le devenir du patient pendant et après la réanimation qui a motivé certains professionnels à remettre en question l'environnement direct de chaque patient en réanimation. Parmi un ensemble d'autres règles (interrompre la sédation, réveiller le patient dès que possible, le sortir du lit, démarrer précocement une kinésithérapie adaptée) l'impératif de favoriser présence et participation des familles au processus de soin s'est imposé [3] [4] [5] jusqu'à devenir recommandations [6, 7] . Ce changement de positionnement de l'entourage concerne aussi bien des aspects pratiques (heures de visites élargies à 24 h sur 24, présence au cours des soins [8] [9] [10] ) que théoriques (considération du personnel soignant comme des médecins, droit aux informations liées aux patients, place comme témoins « représentants » leur proche) [11] . Ce changement de considération accompagne une autre « révolution » : l'attention et le temps accordés aux décisions d'ordre éthique dans le quotidien des réanimations. Ceux-ci ont considérablement augmenté. Les questions éthiques ont toujours été très présentes en réanimation de part la question évidente de la dépendance et de la qualité de vie après réanimation parfois biaisée par la part d'impréparation de la société en structures post-réanimation affectées aux handicaps lourds. Mais ces questions étaient traitées discrètement le plus souvent en conciliabules médicaux, interventions dérobées et humour distancié. Quelques affaires judiciaires transformées en feuilleton à rebondissements, le positionnement intelligent de nouvelles lois et l'exigence d'une plus grande transparence ont modifié ces pratiques. L'ouverture de la parole (réunions collégiales, discussions ouvertes) a permis la « mise sur table » des problèmes et la participation de tous (infirmières, aides-soignantes, rééducateurs). Cela nous a aussi contraint à reconnaître une parole au patient et donc au témoignage de sa famille en cas d'incapacité du patient (atteinte neurologique : traumatisme, accidents vasculaires, troubles cognitifs lié ou non à l'âge). Les changements vis-à-vis de l'entourage des patients sont donc intimement liés aux changements de point de vue sur la question du respect de l'individu qu'est notre patient. Dérangeant les habitudes, ces évolutions sont parfois accueillies avec réticences et ressenties avec tension de la part des équipes, cassant un certain confort de l'entre soi qui est, il faut le reconnaître, parfois propre à temporiser la dureté du travail en réanimation. Ces changements répondent à deux exigences. La première est liée à l'influence d'une philosophie anglo-saxonne très présente culturellement où les droits individuels sont mis en avant par rapport aux droits collectifs. Cette rhétorique est, dans ces pays, restreinte par une moindre place des financements collectifs de la santé, si bien que cette liberté individuelle y est limitée par des exigences financières portées, soit par un financement public restreint (Royaume-Uni) [12, 13] , soit par la capacité financière des proches (USA) [14, 15] . De telles contraintes poussent évidemment à une judiciarisation plus forte. La seconde exigence est plus puissante et se résume en une nécessité ressentie de nommer les choses, de « dire la vérité » au patient et à son entourage. Cette exigence de transparence est forte d'un niveau de compréhension culturelle de la population de par l'éducation, phénomène amplifié ces dernières années par la facilité d'accès aux informations (Internet). Ce changement est donc plus profond qu'une simple influence culturelle extérieure. Elle est devenue une condition de la confiance de la population envers la médecine et son organisation. Et il est très important, dans les rapports personnels d'un entourage face à une équipe médicale, que le sentiment sociétal d'être « bien traité », de façon juste, sans discrimination, en bénéficiant de ce que la science médicale peut faire de mieux soit présent. La fin du fatalisme et la confiance dans le système de soins, est une donnée fondamentale. Cela permet l'existence d'un socle autorisant à construire une relation de confiance individualisée entre patient, entourage et équipe médicale. Il est important de comprendre que ces exigences sont le cadre réel de notre exercice. Construire une relation où la place de l'entourage est ouverte et tolérante permet d'instaurer un climat de confiance de base propice aux soins et aux réflexions sur l'avenir de nos patients. Il demande d'abord une « bonne médecine » et des « bons soins ». La première demande est d'avoir le sentiment que l'on se soucie de leur proche, du point de vue du soin médical et des technologies offertes, mais aussi de l'intégrité physique, l'installation au lit, la prise en charge de la douleur, le confort. Bien souvent l'entourage éprouve le besoin d'avoir un rôle de contrôle de ce qui se passe. Et il est parfois vrai que sa simple présence autour du lit du patient, les questions simples de « s'il a bien dormi ? » ou « manger correctement ? » mobilisent l'attention et aide la prise en charge. Même si le confort du patient est amélioré par les proches (livres, musique, plats, gâteaux), la première exigence de l'entourage est, à juste titre, la qualité des soins médicaux et la mise en oeuvre du « mieux possible » technique. Par exemple, la place des examens complémentaires est souvent idéalisée par les familles (souvent aidé par les sources d'informations), la réflexion autour des examens complémentaires utiles et surtout inutiles sera développée auprès du patient et/ou de ses proches et la politique choisie sera expliquée. Le lien de confiance avec l'organisation générale et l'équipe médicale est aussi essentiel dans la problématique du don d'organe. Plus la famille pensera que le maximum a été mis en oeuvre pour sauver leur proche plus ils seront enclins à comprendre la demande de don d'organe et à considérer cette possibilité. Il paraît évident qu'une raison des réticences de la population vient des situations où la médecine est soupçonnée de ne pas faire le maximum pour votre proche pour qu'en plus on vous demande un geste altruiste une fois l'échec constaté. Que signifie « dire la vérité » ? « Vous nous dites la même chose que votre collègue mais vous le dites de façon plus optimiste ». Il y a plusieurs façons de dire la même chose. Comme il y a aussi plusieurs façons de les entendre. Conserver la diversité des attitudes et paroles médicales est le meilleur procédé pour répondre à la diversité des patients, de leurs proches et des situations (Fig. 1) . Cela n'empêche nullement de réfléchir aux mots adressés aux familles ou de copier l'attitude d'un collègue qui nous semble juste. Parler de ses expériences, échanger, écouter un cours, réfléchir et travailler à partir de situations simulées [16] , tout cela permet d'accumuler expérience et savoir-faire. Comment dire les choses ? Il est évident que suivant la façon de poser la même question, on peut obtenir des réponses différentes voir opposées. Il est donc nécessaire de bien réfléchir à la situation et à sa présentation. Une demande large et générale faite aux proches : « Voulez-vous que tout soit fait ? » appelle la réponse « oui ! » [17] . Il est donc important de penser concrètement en terme de soins ou de traitements à faire et de séquelles à attendre [17] . La parole médicale porte la crédibilité des médecins, cette parole est facilement fragilisée. Il est bon d'y réfléchir avant un entretien. Apprendre à ne pas déconsidérer la parole médicale est important. Par exemple, la crainte d'un échec à réanimer quelqu'un nous amène souvent à dire à des proches : « Je crains que l'on n'y arrive pas ! Mais nous faisons tout ce que nous pouvons ». Ces mots, sincères, nous aident à nous alléger d'un poids, nous commençons à préparer la famille à un décès redouté, partageons et diminuons ainsi la pression que nous ressentons. Mais si notre réanimation marche, et que le patient survit, nous avons déconsidéré la parole médicale. Cela peut, à l'avenir, créer des difficultés pour nous ou pour d'autres spécialités : « Déjà les réanimateurs nous avaient dit qu'il ne survivrait pas et ils se sont trompés, il est là. . . Alors maintenant, vous nous dites qu'il ne se réveillera pas ! Vous pouvez très bien vous tromper aussi ». L'information : « Nous faisons tout pour le sauver », suffit et elle protège la parole médicale. Le danger est exprimé et, en cas d'échec, l'idée que nous avons « fait le maximum » restera. Ainsi, il apparaît évident qu'il faut aussi s'adapter aux personnes qui ne comprennent pas toujours les logiques dominantes de notre pays, leur permettre de s'adapter à nous. L'entourage d'un patient, éduqué dans une autre culture, peut ne pas comprendre nos discours. La demande de témoignage de ce que le patient aurait pensé ou aimé vivre peut paraitre déplacée et un chantage exercé par les médecins sur la partie de la famille installée en France, qui, même si elle perçoit le dilemme, ne peut l'expliquer à la partie restée au pays (ou à un deuxième cercle) qui ne peut comprendre, ni même accepter de comprendre. Les tensions peuvent alors être fortes pour les présents et les incompréhensions s'accumuler jusqu'au conflit. Beaucoup de choses peuvent être ressenties différemment : la perception de la mort prochaine, la gravité d'un handicap, la puissance de la médecine à décider de qui va mourir ou encore les forces décidant notre temps sur terre [18] . Il faut donc arriver à ce que l'expression du ressenti puisse se faire avec le (ou les) représentant(s) afin d'arranger un compromis et adapter le projet médical. Le médecin doit évidemment tout d'abord renseigner de l'état du patient. Passée la phase suraiguë de stress, au cours des tous premiers contacts, le médecin définit les règles générales des contacts entre entourage et équipe médicale. Il est très important de bien expliquer les règles définies par l'équipe. Ces règles doivent être précises pour éviter les ambiguïtés : désigner un représentant des proches qui diffusera les informations auprès des autres, heures de rendez-vous possibles avec le médecin, comprendre que ces rendez vous sont importants et qu'il faut éviter de multiplier les informations, heures s'il y a lieu et règles des visites, les limites des renseignements par téléphone. Ces règles peuvent être adaptés suivant les cas (éloignement, nombre de personnes, conflit dans les familles) mais une fois posées, elles seront à respecter par tous. Evidemment, la présence de l'équipe infirmier, aide-soignant, kinésithérapeute, au cours des entretiens est toujours utile et témoigne de l'harmonie de l'équipe. L'écrit, le livret d'accueil, est proposé. Il apporte des renseignements généraux. Ces renseignements sont indispensables et diminuent le stress inhérent à l'organisation de l'hôpital (autorisation pour se garer) et du service de réanimation (téléphones, nom des médecins, organisation interne du service, rendez-vous). Sur les murs, la signalisation de la réanimation est aussi importante (noms des salles, couleur affectée aux éventuelles zones, plan) pour pouvoir repérer les lieux. L'individualisation de la chambre (objets, photos ou dessins aux murs) réalisée par les proches, permet de présenter le patient dans son intégrité, et aide à l'individualiser. Par ailleurs, il ne faut pas négliger l'intérêt de brochure spécifique préparant une réunion délicate autour d'un éventuel arrêt des soins. Ceci peut être, pour des familles, un support de réflexion important avant de rencontrer l'équipe médicale [19] . L'organisation de l'accueil est cruciale. Il s'est heureusement développé ces dernières années. Des membres du personnel sont très souvent affectés à cette tache. Renseigner évidemment mais aussi assurer les premiers contacts si importants pour la suite, rassurer parfois, faire le lien avec le service (salle, secrétariat, médecin), traduire la situation pour arranger un problème, soutenir les familles auprès du personnel, ou soutenir le service auprès des familles : ce rôle est crucial et défend le lien entre proches et équipe soignante. Il est donc nécessaire de choisir avec grand soin le personnel en charge de l'accueil et, comme il n'existe aucune formation, c'est sur le terrain que se fera l'apprentissage de ce métier difficile d'interface. Chaque membre du personnel doit se sentir dans ces rapports avec l'entourage des patients comme représentant le service. Le personnel soignant est très souvent sollicité, les questions sur l'état de santé, les éventuels progrès ou, au contraire, les aggravations, sont d'abord posées aux professionnels qui entourent le patient. Le contact entre personnel et famille est crucial et nous devons tous apprendre à répondre aux sollicitations. Parfois un proche peut traduire l'angoisse du patient, sa souffrance. Il est important de le comprendre et de le traiter. Jetée avec exaspération, « il est beaucoup moins bien quand vous êtes là » est une phrase d'exclusion très dure à entendre qui nie la réalité de l'angoisse soit du patient soit de son accompagnant. Il est donc important que l'ensemble des soignants saisissent les enjeux du dialogue avec les proches et les conséquences sur le soin aux patients. C'est en travaillant avec l'équipe médicale que se font ses liens où une équipe travaille ensemble à diminuer le stress inhérent à la situation. Ce travail est un perpétuel travail sur soi. Les médecins sont les représentants les plus attendus de l'équipe. Passée la phase d'accueil, l'existence d'un médecin réfèrent, qui construit ses contacts avec la famille, est important. Ses collègues, s'ils doivent intervenir, respectent les décisions prises par ce médecin. Il est très important d'apparaître homogène dans les décisions. Les discussions et décisions de staff servent à cette homogénéisation indispensable. Revenir sur une décision prise est toujours possible mais ouvre la porte aux questionnements et à une possible perte de confiance de la famille. Les autres familles peuvent jouer un rôle d'information : des liens se créent entre familles, des échanges, dans les salles d'attente qui permettent parfois de partager des réactions sur des situations proches. Les réactions peuvent être différentes et les discussions utiles. Parfois des liens se tissent, les visites se mélangent et des familles partagent leurs sentiments. Il arrive même qu'un proche, qui se perçoit en conflit avec l'équipe médicale, cherche à partager son ressentiment et à convaincre des aidants d'autres patients de nos errements. Il est rare que ces proches entraînent des réactions en chaîne mais des interrogations peuvent devoir être levées. Le lieu et la façon d'informer chaque famille doivent être préparés. Il existe des points importants : créer un environnement, un cadre favorable, réfléchir à comment donner les nouvelles, prendre du temps pour discuter d'informations supplémentaires que le patient ou ses proches désireraient avoir et, enfin, apporter réassurance et aide affective [20] [21] [22] . Une étude a sélectionné les 21 importantes questions que les familles se posent le plus souvent (Tableau 1) [23] . Il faut être prêt à y répondre parfois les devancer. Le rôle du médecin vis-à-vis des proches est un rôle d'accompagnant, d'organisateur des soins, en expliquant et rationalisant ce qui arrive qui semble à tous irréel. Les choix médicaux doivent être, pas à pas, précisément et clairement expliqués. Quitter ce rôle peut ne pas être bien compris. Il peut, par exemple, paraître curieux ou déplacé d'exprimer des condoléances en cas de décès. Quitter le rôle social médical pour choisir un autre rôle, avec de bonnes intentions, peut apparaître inadapté [24] ou même étrange jusqu'à faire douter de la valeur des soins. Un témoignage de regrets peut laisser suggérer qu'on aurait pu faire mieux. La bonne distance est utile à trouver. La nécessité de définir l'interlocuteur privilégié pour le dialogue avec les médecins est importante puisque cela permet d'organiser les contacts, de hiérarchiser les informations et les rapports, de ne pas s'épuiser en informations en créant des tensions entre proches. La compagne ou le compagnon est l'interlocuteur le plus évident mais, avec son accord, d'autres solutions sont possibles. Sa présence est toutefois souhaitable. Les contacts avec le reste de la famille seront organisés à partir d'un accord avec l'interlocuteur principal (la présence de proches pendant l'entretien, par exemple). Les conflits forts dans une famille peuvent contraindre à avoir deux interlocuteurs mais cette situation doit rester exceptionnelle. Les objectifs thérapeutiques sont précisés lors des entretiens réguliers décrivant les choix médicaux. L'agressivité doit être comprise et discutée, elle peut être lié à un ressentiment justifié qu'il faudra rapidement rectifier ou à une culpabilité sous-jacente qu'il est nécessaire de comprendre pour désamorcer les incompréhensions. Si elle existe, il est très important de repérer l'influence d'un médecin dans l'entourage et de provoquer un lien direct avec lui pour qu'il puisse être une aide plutôt qu'une gêne. Il est utile d'être attentif aux différents liens familiaux. Les proches peuvent avoir un rôle thérapeutique : réassurance, aide à la confiance de l'équipe, alerte d'un stress, douleur ou inconfort, sentiment d'une aggravation nouvelle, description de troubles cognitifs récents, et même apparition d'un contact avant le constat de l'équipe [10] . Ces interactions sont à prendre au sérieux et peuvent être utiles à l'évaluation de la situation, pour l'équipe médicale comme pour l'entourage qui perçoit, à travers les discussions avec l'équipe, la réalité de l'atteinte (« l'avoir vu bouger n'est pas suffisant, il faut un réel échange avec vous »). Bien sûr, si nous admettons un rôle positif potentiel, cela veut dire qu'un rôle négatif peut exister aussi : tensions entre individus, augmentation du stress et réactivation de problèmes familiaux sont possibles et l'équipe doit aussi être capable d'expliquer doucement la situation pour essayer d'atténuer ces perturbations. Le cadre de l'accueil doit être assez strict, ainsi il peut protéger le patient des troubles et problèmes familiaux (discussion avec le patient si possible et limitation du nombre de personnes par visite). Mais le médecin peut aussi intervenir pour expliquer aux proches les limites utiles. En cas d'impossibilité pour le patient d'exprimer sa volonté, on demande aux proches (ou, si elle existe, à la personne de confiance) d'être le témoin de la volonté du patient. Dans le dialogue avec les proches, il est important B. Vigué, F. Radiguer , sinon on s'expose au risque que la famille se perde dans des considérations générales loin de la réalité du moment [25] . Cette optique permet de se demander ce que le patient va supporter concrètement comme soins, comme contraintes sur son corps. La question des aidants issus de l'entourage et de leurs dévouements futurs se pose aussi et doit être intégrée dans les raisonnements médicaux. Enfin, dans les réanimations européennes, les progrès techniques des soins intensifs font que le pourcentage de décès succédant à des décisions de limitation de soins ou de fin de vie est proche de 90 % [26] . Il est nécessaire de construire un réel climat de confiance entre équipe médicale et entourage pour mener à bien une réflexion et construire des décisions adaptées. L'évaluation des lourdes difficultés (le fardeau) portées par les proches des patients est important à prévoir [27] . Le travail au sein de la réanimation permet de prévenir une part du traumatisme ressenti par la famille. Mais il faut aussi construire l'avenir. La dépendance d'un patient au sortir de réanimation et ses conséquences seront discutées avec son entourage. Les moyens humains et financiers nécessaires seront évalués pour juger de la faisabilité d'un projet de soin. C'est en construisant précisément avec l'entourage, et/ou le patient, un projet de soin que l'on approchera de ce qui est faisable ou non. Le fardeau à porter par l'entourage doit être estimé. Il est difficile de faire sortir de réanimation nos patients sans un projet construit, en laissant celui-ci et ses proches à l'abandon. En accord avec les proches, des prises de risque sont possibles en définissant la conduite à tenir en cas d'échec. Des décisions éthiques médicales apparaissent souvent évidentes par ces discussions qui mêlent situations concrètes et perspectives. Le stress post traumatique (PTSD) est une complication diagnostiquée plusieurs mois après la réanimation, liée au traumatisme initial mais aussi au passage en réanimation. Ce syndrome ne touche pas seulement les patients mais aussi leur entourage [28, 29] . Notre travail en réanimation consiste, au delà de la conduite des soins nécessaires et évidents, à ce que notre environnement ne soit pas une cause d'aggravation de la situation. Le PTSD est diagnostiqué chez les anciens patients et chez leurs proches. Sa fréquence est très variable. Son traitement fait l'objet de nombreux travaux [30, 31] . Chez les proches, une diminution de fréquence est décrite après l'ouverture 24/24 des visites [28, 29] . Cela démontre que travailler l'environnement des patients est un élément indispensable à la recherche du meilleur soin possible. L'ouverture large des heures de visite (24/24) peut jouer un rôle important dans la compréhension par les proches de la pathologie et de l'avenir du patient. Etre présent au quotidien, assister aux soins et aux problèmes qu'ils posent, aider, sans obligation, à la prise en charge, permet à la famille de mieux comprendre la situation de dépendance du patient et l'importance de l'effort collectif pour le maintenir en vie. Comprendre concrètement, au plus près du corps, cet état de dépendance est important pour percevoir la situation et témoigner de l'acceptation de ce quotidien pour le patient comme pour les aidants. Il est important de comprendre que la maladie n'est pas seulement une chose dont on discute à l'abri d'une salle mais aussi que l'on vit avec son corps dont l'atteinte (spasticité, rétractions, ostéomes, amyotrophie, douleur) peut progressivement compliquer la situation malgré l'impression de progrès sur la maladie elle-même. L'importance, dans l'équipe, des soignants présents au plus prêt du corps du patient (infirmières, aides-soignantes, kinésithérapeutes), apte à prévenir mais aussi à évaluer concrètement aggravation ou progrès, est ici primordiale. De même, le travail de toute l'équipe, si l'échec est admis, vers la famille pour que le deuil envisagé soit vécu le moins durement possible est évidemment très important. Les jeunes professionnel(le)s qui choisissent la réanimation sont tous et toutes motivé(e)s pour faire leur travail du mieux possible. La maîtrise de l'urgence et le soin aigu sont au centre de leurs préoccupations. Le respect du patient peut parfois passer après la sécurité de la situation (attaches, sédation, organisation des soins). La patience avec les familles peut être limitées par le sentiment de l'importance de leur rôle de soignant-sauveur. Cette perception peut être renforcée par mimétisme de l'attitude de certains médecins. Même le langage appris professionnellement et utilisé sans nuances peut renforcer l'impression de dépersonnalisation vécue par le patient et ses proches [32] . L'apprentissage de l'attention et du respect des familles n'est donc pas un chemin évident et facile. Les réticences aux changements provoquent aussi des freins pour appliquer de nouvelles recommandations [33] . Il faut insister sur l'importance de la participation des infirmiers aux entretiens pour faire comprendre et appuyer les objectifs décidés, apporter leur avis sur l'évolution et parfois même re-traduire la parole médicale une fois l'entretien terminé. L'importance mise en avant des rôles de tous dans l'équipe soignante permet d'obtenir une meilleure adhésion. Une collaboration étroite avec les autres spécialités du service (kinésithérapie, orthophonistes) permet d'apprendre à répartir le temps au profit des patients. L'ouverture des heures de visites et la présence des familles permet d'ouvrir la réflexion sur le programme d'une journée de chaque patient et les tâches à organiser, prenant en compte parmi les autres paramètres, le désir du patient voire la disponibilité de ses proches [34] . Le quotidien n'est plus organisé autour du seul travail infirmier mais autour de la journée de chaque patient, de ses capacités propres et du détail des soins qui lui sont nécessaires [35] [36] [37] . La place des proches participe, de façon importante, à cette révolution en cours dans les réanimations du déplacement du centre d'intérêt de l'organisation vers une plus grande attention au patient obtenant des résultats prometteurs [38] . Il existe deux types de conflits différents. Le premier a lieu entre famille et équipe de soins quand il existe un désaccord sur un arrêt de soins ou sur l'appréciation de l'importance du handicap. Ce conflit peut aussi être lié à des différences culturelles ou religieuses sur ce qu'est la vie et où s'arrêtent les choix des médecins. Le second, beaucoup plus difficile, est quand le conflit est présent dans la famille et oppose des membres entre eux. On ne doit pas laisser le premier type de conflit être un problème. Il est clair qu'un désaccord entre l'équipe médicale et un entourage ne doit pas être un enjeu pour l'équipe. Nous ne pouvons pas interrompre les soins dans ces conditions. La première chose importante à énoncer est l'absence d'enjeu pour l'équipe médicale quand l'entourage est d'un avis contraire. Notre tache est de tenter de respecter l'avis collectif de la famille. Cependant, le plus souvent, si les choses ne se sont pas crispées, la famille peut comprendre certains arguments comme, par exemple, ne pas accepter d'aggraver la dépendance aux machines ou traitements. Ainsi, une limitation des soins peut être définie et expliquée tout en écartant un arrêt de soins. Il est juste de tenter de responsabiliser la famille à la prise en charge. Elle peut apprendre à participer aux soins et se préparer à un retour accompagné à domicile ou encore aider à la recherche d'un centre d'accueil. Les centres d'accueil de patients chroniques s'étant développés, il est envisageable de proposer le patient à un de ces centres et d'attendre. Le problème le plus difficile est de se retrouver au milieu d'un conflit familial. Il faut, bien sûr, éviter de se laisser entraîner dedans, tacher de ne pas envenimer les choses et tenter de trouver un équilibre. La loi française ne hiérarchise pas les avis et, en cas de blocage, seule la justice peut trancher. L'exemple d'un désaccord aigu opposant mère et femme sur le devenir d'un patient après traumatisme est un conflit caractéristique et difficile. En accidentologie, la part d'hommes jeunes (15-40 ans) touchés est 3 fois plus forte que celle des femmes. Dans notre pays, il n'existe pas de préférence juridique entre les témoignages d'une mère ou d'une compagne sur les volontés d'un patient. Cela rend difficile l'application de décisions médicale quand l'une des deux (souvent le mère) s'oppose au protocole d'arrêt des traitements ou de fin de vie. Même si cette situation paraît peu liée à la responsabilité médicale, nous sommes confrontés à ce type de conflit. Ne pas choisir de hiérarchiser légalement le cercle intime des patients revient tout d'abord à donner une préférence aux attentistes mais aussi à casser des familles durablement avec les reproches d'un choix non soutenu par une loi (« c'est toi qui a décidé »). Notre travail est de diminuer le stress de nos patients pour pouvoir travailler efficacement au plus proche d'eux et avec eux, prévenir un délirium et ne pas favoriser de syndrome post-traumatique. Les attitudes préventives (limiter bruits, lumières, attaches) sont des méthodes reconnues efficaces pour diminuer le stress inhérent à la réanimation [6, 7, 39] . Cette attitude doit aussi être orientée vers l'entourage. La qualité des relations établies avec l'équipe, le sentiment d'un soin juste, adapté et respectueux, permet de limiter les conséquences post réanimation des patients et de leurs proches. Comme nous l'avons abordé, accueil et façon d'informer doivent être réfléchis : créer un cadre favorable, présenter des objectifs thérapeutiques, laisser les proches poser leurs questions et apporter réassurance et aide affective [20] . Apparaître une équipe soudée où tout le monde participe aux objectifs définis est un gage de réussite pour le patient mais crée aussi un sentiment de sécurité pour les proches. Construire un projet de soins pour organiser la sortie de réanimation est crucial. Il doit être construit avec le soutien de l'entourage. Chercher un compromis entre un centre d'accueil adapté et la famille, discuter de l'avenir possible, des solutions de prise en charge et du fardeau éventuellement à envisager est important. Il faut que la famille, et évidemment quand c'est possible le patient, réfléchisse à la suite, réalisant le plus possible les conséquences concrètes du handicap (séquelle de traumatisme, tétra ou paraplégie, troubles cognitifs). La sortie du patient de réanimation s'organise tôt. Le travail de réanimation n'est pas seulement de sauver une vie mais aussi de préparer un projet pour l'après, de construire la meilleure réadaptation tenant compte de chaque situation. Dans la mise au point de ce projet, il apparaît évident que l'entourage joue un rôle crucial « pour le meilleur et » contre « le pire ». C'est en soignant ce partenariat avec l'entourage qu'on donnera toutes ses chances au patient de redevenir un vivant actif et autonome. Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d'intérêts. The ABCDEF bundle in critical care Involvement of ICU families in decisions: fine-tuning the partnership Guidelines for familycentered care in the neonatal, pediatric, and adult ICU Clinical practice guidelines for the prevention and management of pain, agitation/sedation, delirium, immobility, and sleep disruption in adult patients in the ICU Offering the opportunity for family to be present during cardiopulmonary resuscitation: 1-year assessment Family presence during cardiopulmonary resuscitation Family presence during resuscitation: extending ethical norms from paediatrics to adults The untapped potential of patient and family engagement in the organization of critical care Devolution and health in the UK: policy and its lessons since 1998 Public health in England in 2016-the health of the public and the public health system: a review Hospitalizations for critically ill children with traumatic brain injuries: a longitudinal analysis Severe traumatic brain injury in children: the good, the bad, and the ugly Learning empathy through simulation Eight things we would never do regarding end-of-life care in the ICU L'influence qui guérit. Édition Odile Jacob Poches A communication strategy and brochure for relatives of patients dying in the ICU Interventions to improve the breaking of bad or difficult news by physicians, medical students, and interns/residents: a systematic review and meta-analysis SPIKES-A six step protocol for delivering bad news: application to the patient with cancer Measuring the ability to meet family needs in an intensive care unit Important questions asked by family members of intensive care unit patients It was the only thing i could hold onto, but. . .: receiving a letter of condolence after loss of a loved one in the ICU: a qualitative study of bereaved relatives' experience You can't get what you want: innovation for endof-life communication in the intensive care unit Changes in end-of-life practices in european intensive care units from 1999 to 2016 Assessing burden in families of critical care patients Risk of post traumatic stress symptoms in family members of intensive care unit patients Effect of flexible family visitation on delirium among patients in the intensive care unit: the ICU visits randomized clinical trial Psychotherapy versus pharmacotherapy fot posttraumatic stress disorder: systemic review and meta-anamysis to determine first line treatments Les états de stress post traumatiques How nurses use of language creates meaning about healthcare users and nursing practice Barriers to implementing expert safety recommendations for early mobilisation in intensive care unit during mechanical ventilation: a prospective observational study Early mobilization of patients in intensive care: organization, communication and safety factors that influence translation into clinical practice Improving patient care through the prism of psychology: application of Maslow's hierarchy to sedation, delirium, and early mobility in the intensive care unit Bundle in critical care Implementing the ABC-DEF bundle: top 8 questions asked during the ICU liberation ABCDEF bundle improvement collaborative Caring for critically Ill patients with the ABCDEF bundle: results of the icu liberation collaborative in over 15,000 adults Occupational health professionals and 2018 NICE post-traumatic stress disorder guidelines