key: cord-0943497-0z4ntb5l authors: Gornet, Jean-Marc; My, Linh Tran Minh; Leleu, Florian; Hassid, Deborah title: Que doivent savoir les chirurgiens à propos des troubles digestifs et des anomalies paracliniques induits par le COVID 19? date: 2020-04-27 journal: Journal de chirurgie viscerale DOI: 10.1016/j.jchirv.2020.04.013 sha: 43e9fddd5958ee6a00e553db81c7c3594fba8b21 doc_id: 943497 cord_uid: 0z4ntb5l Resume Les symptômes liés au COVID-19 sont principalement caractérisés par la triade fièvre, toux sèche et dyspnée. Toutefois, des symptômes digestifs ont également été rapportés dont la fréquence initialement considérée comme faible semble toucher plus de la moitié des patients à des degrés divers. Ceux-ci se manifestent principalement par une anorexie, une diarrhée, des nausées et ou vomissements et des douleurs abdominales. Bien que le pronostic soit lié à l’atteinte pulmonaire, les troubles digestifs semblent significativement plus fréquents chez les patients ayant une infection sévère à COVID-19. Des formes digestives isolées ou pouvant précéder les symptômes pulmonaires sont désormais bien décrites avec de la diarrhée au premier plan clinique. Les principales anomalies biologiques pouvant orienter précocement vers une infection à COVID-19 sont la lymphopénie, une CRP augmentée et une augmentation des transaminases prédominant sur les ASAT. Le scanner thoraco-abdominal semble utile dans ce cas pour éliminer une pathologie digestive non liée au coronavirus et pour rechercher des images pulmonaires compatibles avec une infection à COVID-19. Il n’existe pas de données sur l’intérêt de l’endoscopie digestive en cas de symptômes digestifs persistants. Le risque de contamination de l’endoscopiste semble par ailleurs significatif. Un mode de transmission oro-fécale de l’infection est possible ce d’autant que l’excrétion virale dans les selles semblent fréquente et durer plus longtemps qu’au niveau ORL, y compris chez des patients avec prélèvement pharyngé négatif ou sans symptômes digestifs. Ainsi, dans certains cas douteux, une analyse virologique des selles peut permettre de porter un diagnostic de certitude. La contagiosité persistante d’un patient en cas d’excrétion virale prolongée dans les selles est possible mais pas parfaitement établi. L’avènement proche de la sérologie devrait permettre d’identifier les malades ayant été infectés par l’épidémie de COVID-19 notamment les sujets pauci-symptomatiques non détectés au sein du personnel de santé. La reprise de l’activité médico-chirurgicale devra faire l’objet d’une stratégie dédiée en amont du déconfinement. Abstract The symptoms associated with COVID-19 are mainly characterized by a triad composed of fever, dry cough and dyspnea. However, digestive symptoms have also been reported; at first considered as infrequent, they in fact seem to affect (to some extent) more than half of patients. The symptoms are mainly manifested by anorexia, diarrhea, nausea and/or vomiting and abdominal pain. Even though prognosis is associated with lung injury, digestive symptoms seem significantly more frequent in patients presenting with severe COVID-19 infection. Digestive forms, which may be isolated or which can precede pulmonary symptoms, have indeed been reported, with diarrhea as a leading clinical sign. The main biological abnormalities that can suggest COVID-19 infection at an early stage are lymphopenia, elevated CRP and heightened ASAT transaminases. Thoraco-abdominal scan seems useful as a means of on the one hand ruling out digestive pathology not connected with coronavirus and on the other hand searching for pulmonary images compatible with COVID-19 infection. No data exist on the interest of digestive endoscopy in cases of persistent digestive symptoms. Moreover, the endoscopic surgeons may themselves be at significant risk of contamination. Fecal-oral transmission of the infection is possible, especially insofar as viral shedding in stools seems frequent and of longer duration than at the ENT level, including in patients with negative throat swab and without digestive symptoms. In some doubtful cases, virologic assessment of stool samples can yield definitive diagnosis. In the event of prolonged viral shedding in stools, a patient’s persistent contagiousness is conceivable but not conclusively established. Upcoming serology should enable identification of the patients having been infected by the COVID-19 epidemic, particularly among previously undetected pauci-symptomatic members of a health care staff. Resumption of medico-surgical activity should be the object of a dedicated strategy preceding deconfinement. Les symptômes liés au COVID-19 sont principalement caractérisés par la triade fièvre, toux sèche et dyspnée. Toutefois, des symptômes digestifs ont également été rapportés dont la fréquence initialement considérée comme faible semble toucher plus de la moitié des patients à des degrés divers. Ceux-ci se manifestent principalement par une anorexie, une diarrhée, des nausées et ou vomissements et des douleurs abdominales. Bien que le pronostic soit lié à l'atteinte pulmonaire, les troubles digestifs semblent significativement plus fréquents chez les patients ayant une infection sévère à COVID-19. Des formes digestives isolées ou pouvant précéder les symptômes pulmonaires sont désormais bien décrites avec de la diarrhée au premier plan clinique. Les principales anomalies biologiques pouvant orienter précocement vers une infection à COVID-19 sont la lymphopénie, une CRP augmentée et une augmentation des transaminases prédominant sur les ASAT. Le scanner thoraco-abdominal semble utile dans ce cas pour éliminer une pathologie digestive non liée au coronavirus et pour rechercher des images pulmonaires compatibles avec une infection à COVID-19. Il n'existe pas de données sur l'intérêt de l'endoscopie digestive en cas de symptômes digestifs persistants. Le risque de contamination de l'endoscopiste semble par ailleurs significatif. Un mode de transmission oro-fécale de l'infection est possible ce d'autant que l'excrétion virale dans les selles semblent fréquente et durer plus longtemps qu'au niveau ORL, y compris chez des patients avec prélèvement pharyngé négatif ou sans symptômes digestifs. Ainsi, dans certains cas douteux, une analyse virologique des selles peut permettre de porter un diagnostic de certitude. La contagiosité persistante d'un patient en cas d'excrétion virale prolongée dans les selles est possible mais pas parfaitement établi. L'avènement proche de la sérologie devrait permettre d'identifier les malades ayant été infectés par l'épidémie de COVID-19 notamment les sujets pauci-symptomatiques non détectés au sein du personnel de santé. La reprise de l'activité médico-chirurgicale devra faire l'objet d'une stratégie dédiée en amont du déconfinement. Mots clés : COVID-19, diarrhée, troubles digestifs The symptoms associated with COVID-19 are mainly characterized by a triad composed of fever, dry cough and dyspnea. However, digestive symptoms have also been reported; at first considered as infrequent, they in fact seem to affect (to some extent) more than half of patients. The symptoms are mainly manifested by anorexia, diarrhea, nausea and/or vomiting and abdominal pain. Even though prognosis is associated with lung injury, digestive symptoms seem significantly more frequent in patients presenting with severe COVID-19 infection. Digestive forms, which may be isolated or which can precede pulmonary symptoms, have indeed been reported, with diarrhea as a leading clinical sign. The main biological abnormalities that can suggest COVID-19 infection at an early stage are lymphopenia, elevated CRP and heightened ASAT transaminases. Thoraco-abdominal scan seems useful as a means of on the one hand ruling out digestive pathology not connected with coronavirus and on the other hand searching for pulmonary images compatible with COVID-19 infection. No data exist on the interest of digestive endoscopy in cases of persistent digestive symptoms. Moreover, the endoscopic surgeons may themselves be at significant risk of contamination. Fecal-oral transmission of the infection is possible, especially insofar as viral shedding in stools seems frequent and of longer duration than at the ENT level, including in patients with negative throat swab and without digestive symptoms. In some doubtful cases, virologic assessment of stool samples can yield definitive diagnosis. In the event of prolonged viral shedding in stools, a patient's persistent contagiousness is conceivable but not conclusively established. Upcoming serology should enable identification of the patients having been infected by the COVID-19 epidemic, particularly among previously undetected pauci-symptomatic members of a health care staff. Resumption of medico-surgical activity should be the object of a dedicated strategy preceding deconfinement. Keywords : COVID-19, diarrhea, digestive disorders Les coronavirus sont des virus enveloppés à ARN à transmission inter-humaine. Parmi eux, trois types de coronavirus sont responsables de graves pneumopathies. Le SARS-CoV fut responsable d'une épidémie survenue en Asie de 2002 à 2004 (SARS-CoV-1). Le MERS-CoV provoqua une épidémie survenue au Moyen-Orient en 2012. Le SARS-CoV-2 apparu en Chine et actuellement responsable de la pandémie est le virus responsable de la maladie à coronavirus 2019 d'où son appellation de COVID-19. La communauté médicale a dû apprendre en quelques semaines la sémiologie et l'histoire naturelle à court terme de l'infection à COVID-19 en se basant essentiellement sur les données issues de la littérature chinoise, épicentre initial de l'épidémie. Le taux de mortalité de cette infection a été évalué en Chine à 3,6% et hors-Chine à 1,5% de la population contaminée. Toutefois les projections de la World Health Organisation estiment que le taux de mortalité dans le monde sera de 5,7% [1] . Aucun traitement à visée curative n'a été validé à ce jour. Trois profils de patients semblent se dégager : infection pauci-symptomatique avec charge virale initialement élevée, aggravation respiratoire secondaire au dixième jour malgré une diminution de la charge virale suggérant une réponse immunitaire inadaptée de l'hôte et une infection rapidement évolutive avec défaillance multiviscérale et persistance d'une charge virale élevée [2] . Si les signes généraux et respiratoires sont connus de tous, l'atteinte des organes digestifs l'est moins. Le but de cette revue est de les décrire afin de mieux informer les médecins susceptibles d'être en contact avec des patients présentant de tels symptômes. La protéine spiculaire du coronavirus est capable de se fixer sur le récepteur de l'enzyme de conversion de l'angiotensine 2 (ACE2) pour entrer dans la cellule infectée puis d'interagir avec la sérine protéase TMPRSS2 et provoquer ainsi une réplication virale dans le tissu contaminé. Or l'ACE2 intervient dans la régulation de la réponse inflammatoire et est fortement exprimé dans les cellules épithéliales des entérocytes du grêle proximal et distal. Cela suggère donc un rationnel pour une surincidence des troubles digestifs et notamment de la diarrhée liée à l'infection à COVID-19 [3] . Ainsi, dans le seul cas rapporté de biopsies endoscopiques pour une diarrhée attribuée au COVID-19, on notait un infiltrat lymphoplasmocytaire et un oedème du chorion ainsi que la présence d'ACE2 et d'une protéine de la capside virale cytoplasmique dans l'estomac, le duodénum et le rectum [4] . De ce fait, on peut donc faire l'hypothèse que l'ingestion d'aliments contaminés représente un possible mode de contamination. Dans la série princeps de Huang et al. rapportant une série de 41 patients hospitalisés dans un centre hospitalier de Wuhan, l'incidence des troubles digestifs semblait anecdotique. Seule la survenue d'une diarrhée était rapportée chez 3% des patients [5] . Une autre étude chinoise sur un large effectif de 1099 patients semblait confirmer ces données avec une incidence des nausées et/ou vomissements de 5% et de la diarrhée de 3,8% [6] . Elle permettait par ailleurs de fournir des données épidémiologiques intéressantes telles que l'âge médian : 47 ans, les comorbidités : 23,7%, la médiane d'incubation : 4 jours, le personnel soignant atteint : 3,5% de la cohorte, l'imagerie pulmonaire normale chez les patients non sévères : 17,9%, le recours à une oxygénothérapie : 41,3%, la nécessité d'une ventilation mécanique : 6,1%, les facteurs de risque des formes sévères : âge et comorbidités. La forme digestive pure est également possible et initialement considérée comme rare. Ainsi, il avait été rapporté au début de l'épidémie le cas d'une patiente de 22 ans présentant une diarrhée fébrile isolée avec un bilan sanguin normal et une coproculture négative chez qui le scanner thoracique montrait une pneumopathie bilatérale suspecte de COVID-19 [7] . Le prélèvement pharyngé confirmait le diagnostic et durant les 18 jours de son hospitalisation, la diarrhée s'était progressivement amendée sans que la patiente ne développe de signes extra-digestifs. Toutefois, il existe des données récentes concordantes suggérant que les troubles digestifs seraient en fait bien plus fréquents. Ainsi dans une étude rétrospective récente portant sur 1141 patients présentant une infection documentée, la fréquence des troubles digestifs initialement isolés s'élevait à 16% bien qu'il existe une atteinte pulmonaire au scanner dans 96% des cas [8] . Chez ces patients, les symptômes observés étaient les suivants : anorexie 98%, nausées 73%, diarrhée 37%, douleurs abdominales diffuses 25%, nausées et vomissements 20%, douleurs abdominales et diarrhée 9%, l'ensemble des symptômes était présent dans 7%. Le taux de mortalité était de 3,8% et uniquement liée à une insuffisance respiratoire aigüe. Il faut noter que la diarrhée rapportée dans les diverses études est constamment liquidienne, que des troubles hydro-électrolytiques sévères secondaires à cette diarrhée n'ont pas clairement été décrits et qu'il n'a pas été publié de cas de diarrhée glairo-sanglante secondaire à l'infection virale. Les douleurs abdominales ne sont pas clairement caractérisées dans la littérature et semblent peu spécifiques. Les données épidémiologiques chinoises les plus récentes rapportent que l'incidence des troubles digestifs au cours de l'évolution de l'infection est de 79% avec par fréquence décroissante : anorexie, diarrhée, nausées/vomissements, douleurs abdominales et saignement digestif [9] . Dans une cohorte de 305 patients en provenance de Wuhan, une diarrhée d'une durée médiane de 4,1 jours +/-2,5 jours (extrêmes 1 à 14 jours) était observée chez la moitié des patients au cours de leur hospitalisation. La fréquence des vomissements semblait plus fréquente chez les enfants que chez les adultes. L'étude de Jin et al a comparé le devenir d'un groupe de 577 patients sans symptômes digestifs à un groupe de 74 patients ayant présenté au moins l'un des trois symptômes digestifs suivants : diarrhée définie par l'émission de plus de 3 selles par jour avec coproculture négative, nausées et vomissements [10] . L'existence d'un contage familial (31% vs 20%) et une forme plus grave de la maladie (23% vs 8%) incluant la nécessité d'une hospitalisation en réanimation (6,8% vs 2,1%) étaient significativement plus fréquents dans le groupe « symptômes digestifs ». Sur le plan clinique, une fièvre ≥ 38,5, une asthénie, une dyspnée et des céphalées étaient significativement plus fréquents dans le groupe « symptômes digestifs ». Sur le plan biologique, une lymphopénie ainsi qu'une élévation des ASAT et de la CRP étaient significativement plus fréquents dans le groupe « symptômes digestifs ». Une toux productive et une élévation des LDH étaient les deux principaux facteurs prédisant l'évolution vers une forme sévère de COVID-19 chez les patients présentant des symptômes digestifs. Ainsi, on peut schématiquement distinguer deux présentations cliniques en zone d'endémie. Certains patients sans infection connue ont des symptômes digestifs aigus inauguraux isolés aspécifiques pour lesquels une infection à COVID-19 peut être évoquée. D'autres patients ayant une infection à COVID-19 documentée révélée par des signes respiratoires vont présenter secondairement des troubles digestifs. Dans ce dernier cas, il ne faudra pas se laisser piéger par une maladie digestive non liée au COVID-19 notamment en cas de fièvre persistante. Une attention particulière sera portée à la diarrhée afin de ne pas méconnaitre une autre cause (médicament, infection à Clostridium Difficile….). On observe par ailleurs chez les patients infectés une augmentation des hémorragies digestives de cause usuelle en raison de la nécessité fréquente d'une anticoagulation efficace liée au sur-risque documenté de complications thromboemboliques associées au COVID-19. Les principales données de la littérature sont résumées dans le Tableau 1. La virémie à COVID-19 semble être anecdotique. Ainsi une étude publiée dans Nature ne décrit aucun cas de virémie chez des patients ayant eu des prélèvements itératifs [11] . Ceci est en accord avec les données précédemment observées avec le coronavirus du syndrome respiratoire du Moyen Orient (MERS-CoV) et le SARS-CoV responsables de précédentes épidémies. Ces données sont rassurantes sur l'innocuité des dons de sang chez les patients ayant été touché par la maladie. La sérologie semble être une méthode fiable pour détecter les patients infectés. Ainsi une étude récente montre que 100% des patients infectés testés présentaient une sérologie positive en Ig G par technique ELISA [12] . Il n'existe à ce jour aucun kit validé mais il est clair que cette méthode devrait rapidement émerger en routine notamment pour détecter les soignants ayant pu contracter la maladie sans le savoir. La transmission oro-fécale du corona virus est connue de longue date. Ainsi dans une étude publiée en 2003, 100% des patients présentaient une excrétion virale dans les selles et 67% des patients avaient encore du virus détectable 3 semaines après le début des symptômes cliniques [13] . Cela a également été rapporté avec le COVID-19 avec un cas bien documenté de RT-PCR isolément positive dans les selles (4 autres RT-PCR négatives dont 2 sur un prélèvement pharyngé et 2 sur des crachats) chez un patient présentant une pneumopathie bilatérale non grave [14] . Il semble par ailleurs, que l'excrétion virale dans les selles du coronavirus soit fréquente. Ainsi dans une étude portant chez 73 patients, on retrouvait du RNA viral dans les selles chez 53,4% de la population avec un délai de clearance virale de 1 à 12 jours [4] . Parmi les patients ayant une analyse de selles positive, la fréquence de la diarrhée n'était toutefois de que de 43,5%. Il faut noter que l'analyse de selles montrait la persistance d'ARN viral alors que le prélèvement pharyngé initialement positif s'était négativé dans un quart des des cas. De ce fait, le critère de guérison actuellement admis en Chine (négativation de 2 RT-PCR à un intervalle d'au moins 24 heures sur un prélèvement pharyngé) sera peut être prochainement réévalué [15] . Il reste toutefois incertain que la quantité de virus résiduel retrouvée dans les selles s'accompagne d'une contagiosité persistante du patient. Pour la protection des proches au domicile, il est néanmoins recommandé de nettoyer et désinfecter quotidiennement les toilettes utilisées par les patients infectés jusqu'à deux semaines après disparition des symptômes respiratoires en utilisant des pastilles de Javel concentrées prêtes à l'emploi ou un désinfectant ménager équivalent. Certaines anomalies biologiques sont rapportées de façon constante dans plusieurs études et doivent être connues car elles peuvent orienter vers une infection chez un patient à la symptomatologie fruste. Ainsi dans la série de Guan et al [6] , la fréquence des principales anomalies biologiques étaient : lymphopénie < 1500/mm 3 (valeur médiane 1000/mm3) : 83,2%, thrombopénie < 150 000/mm 3 : 36,2%, leucopénie < 4000/mm 3 Les anomalies des tests hépatiques sont rapportées dans la plupart des études. Dans la série de Shi et al, il est suggéré que les patients présentant des symptômes depuis moins d'une semaine présentaient une moindre élévation des transaminases que chez les patients présentant des symptômes depuis 1 à 3 semaines [16] . Les anomalies des tests hépatiques sont par ailleurs plus marquées chez les patients présentant une infection sévère notamment dans la population des patients hospitalisés en réanimation [17] . En l'absence de données histologiques disponibles, il n'a pas été démontré à ce jour la présence d'ARN viral dans le foie. On peut par ailleurs supposer que la perturbation des tests hépatiques soit plurifactorielle (toxicité médicamenteuse, cascade inflammatoire, hypoxémie). Il faut toutefois noter que malgré la présence de récepteur de l'ACE2 dans les cholangiocytes, les patients ne présentent pas de cholestase associée au virus (absence d'élévation de la Gamma Gt et des PAL chez les patients sans hépatopathie préexistante dans les études). Par ailleurs, chez les patients de réanimation, l'insuffisance hépatique aigue n'a pas été rapportée à ce jour comme un mode de complications des infections sévères à COVID-19. Les patients cirrhotiques sont possiblement plus à risque de faire une infection sévère à COVID-19 bien que cela ne soit pas encore documenté dans la littérature. L'AFEF (Société Française d'Hépatologie) conseille néanmoins de mettre en arrêt de travail les patients cirrhotiques ne pouvant pas effectuer de télétravail et d'effectuer de façon systématique un scanner thoracique devant toute décompensation de cirrhose afin de ne pas méconnaitre une infection à COVID-19. Aucune donnée n'a été rapportée à ce jour dans la littérature. Bien que la fréquence soit inconnue, un tableau de gastroentérite banale peut s'accompagner d'anomalies scannographiques à type d'épaississement et/ou de prise de contraste pariétale. Ainsi une série estimait que sur une analyse systématique de 446 scanners pathologiques, un épaississement du jéjunum et/ou de l'iléon était d'origine probablement infectieuse dans 25% des cas [18] . Une analyse rétrospective récente de l'imagerie abdominale chez des patients admis à l'Hôpital Saint-Louis avec une infection à COVID-19 documentée ne semble pas montrer d'anomalies pariétales (données personnelles). Nous avons simplement observé chez certains patients présentant des symptômes digestifs une stase liquidienne grêlique et/ou colique jugée inhabituelle (Figure 1 et 2) . Il faut également noter qu'un tableau initialement d'origine digestive peut faire méconnaitre une infection virale évolutive. Ainsi une femme de 67 ans suivie dans notre service pour un cancer du côlon métastatique en cours de chimiothérapie a été hospitalisée pour fièvre et douleurs abdominales en rapport avec une septicémie à Streptocoques compliquant l'évolution d'une fistule sigmoïdienne sur probable récidive locorégionale. Les coupes thoraciques systématiques montraient un aspect typique d'infection à COVID-19 ( figure 3) . Ce scanner thoracique a permis de suspecter l'infection, confirmé par le prélèvement pharyngé. En reprenant l'interrogatoire, la patiente rapportait une toux sèche depuis 24 heures et une anosmie avec agueusie depuis 4 jours. Malgré l'obtention rapide d'une apyrexie en 48 heures sous antibiothérapie, son état respiratoire s'aggravait rapidement conduisant finalement à son décès à J9 d'hospitalisation. Ce cas illustre l'intérêt potentiel d'un scanner thoracique systématique chez un patient présentant des troubles digestifs fébriles. Aucune donnée n'a été rapportée à ce jour dans la littérature. L'extrême contagiosité induite par l'aérosolisation des gouttelettes de salive ou la survenue d'une toux lors de l'endoscopie digestive haute et la contagiosité potentielle des selles en cas d'endoscopie digestive basse incite à ne réserver ces procédures qu'aux seules endoscopies d'urgence [19] . En pratique, les indications sont les suivantes : hémorragie digestive avec déglobulisation, impaction de corps étrangers, sténose digestive et obstruction biliaire symptomatiques, nécrosectomie ou drainage de collection pancréatique, volvulus du sigmoïde. Bien que la société française d'endoscopie digestive conseille de maintenir autant que possible les coloscopies de dépistage pour test de recherche de sang dans les selles positif et exploration d'une anémie ferriprive, il semble illusoire d'appliquer ces recommandations en zone de forte endémie. Ainsi, en Ile de France, la quasi-totalité des structures publiques et privées ne prennent en charge que les urgences vitales. Dans l'état actuel de nos connaissances, les patients atteints de MICI ne semblent pas plus exposés aux risques de cette infection que la population générale [20] . Il n'a à ce jour été rapporté aucun cas d'infection sévère liée au COVID-19 chez des patients atteints de MICI et exposés soit à un traitement immuno-suppresseur (azathioprine, méthotrexate) soit à un anti-corps monoclonal (anti-TNF, ustékinumab, védolizumab). Il est donc recommandé de ne pas interrompre les traitements immunomodulateurs dans un but préventif, car cette démarche mettrait les malades en danger d'une reprise évolutive de leur maladie avec une perte de chance supplémentaire liée aux difficultés de prise en charge dans l'urgence en raison de la crise sanitaire. Un registre mondial des patients atteints de MICI infectés par le COVID-19 a été mise en place par l'IOIBD (International Organization for the Study of Inflammatory Bowel Diseases) qui devrait fournir des données complémentaires dans les mois à venir. Deux études semblent montrer que les patients atteints de cancer ont un risque plus élevé d'infection à COVID-19 avec un âge plus avancé au diagnostic et un pronostic possiblement plus défavorable que chez les patients non cancéreux [21, 22] . Toutefois, parmi les 3114 patients analysés dans ces deux études, seuls 30 présentaient un cancer dont 11 en traitement (chimiothérapie +/-immunothérapie N=5, chimiothérapie et/ou chirurgie dans le mois précédent N = 4, radiothérapie N = 2) et aucun cas décrit de cancer digestif. Bien que ces données soient très parcellaires, il est probable que les patients atteints de cancer digestif aient un risque significatif d'infection à COVID-19, notamment les patients actuellement en cours de chimiothérapie intra-veineuse du fait du risque de contamination lors de leur parcours de soins (hospitalisations répétées, bilan d'imagerie et prise de sang dans des structures médicalisées). Par ailleurs, l'âge moyen au diagnostic de cancer dans les localisations tumorales les plus fréquentes étant de 70 ans, cette population qu'elle soit en cours de traitement ou en surveillance est clairement plus à risque de développer une infection sévère. Ainsi parmi les 6 patients infectés de notre cohorte (âge moyen 62,6 ans, chimiothérapie en cours N = 5, prise en charge palliative au domicile N =1, cancer colo-rectal N = 4, cancer du pancréas N =1, cancer de l'oesophage N =1), 3 sont décédés d'insuffisance respiratoire et 2 ont nécessité une oxygénothérapie. Il est mentionné dans le thésaurus national de cancérologie digestive que les modalités de chimiothérapie doivent être revues en tenant compte du rapport bénéfice/risque (accord d'experts). Cela est d'autant plus vrai que les critères d'admission en réanimation chez les patients présentant une infection sévère à COVID-19 sont stricts. De ce fait, les patients présentant un cancer métastatique non curable ont un accès restreint à la ventilation mécanique. Il est également nécessaire d'adapter les traitements en fonction du niveau de contamination dans la structure prenant en charge le patient. Pour ces deux types de population à risque, le GETAID (Groupe d'Etude Thérapeutique des Affections Inflammatoires du Tube Digestif) et le TNCD (Thésaurus National de Cancérologie Digestive) recommandent l'interruption de tout traitement en cas d'infection à COVID-19 et ce jusqu'à la résolution complète des symptômes. Bien que cela ne soit pas encore validé, il semble souhaitable de s'assurer immédiatement avant la reprise du traitement de la négativation d'au moins un prélèvement pharyngé soit à l'issue de la quarantaine (patient ambulatoire) soit après résolution des symptômes chez un patient hospitalisé. Il est actuellement effectué de la téléconsultation dans l'immense majorité des cas pour tout type de pathologie digestive. Bien qu'il n'y ait pas eu d'études dédiées, l'acceptabilité par les patients suivis en file active semble bonne et l'utilisation du téléphone suffisante (données personnelles). Chez les patients nécessitant une hospitalisation, une recherche systématique d'infection à COVID-19 est effectuée à l'admission dans certains centres même en l'absence de symptômes afin d'éviter le risque potentiel de dissémination au sein de la structure hospitalière. L'épidémie de COVID-19 nécessite une mise à jour constante de nos connaissances sur cette infection. La multiplicité des publications et leur accès en ligne gratuit montre l'activité intense de la communauté médicale sur cette thématique. Les troubles digestifs ne sont pas au premier plan clinique mais sont probablement plus fréquents qu'initialement rapportés. Ils peuvent notamment précéder les autres symptômes ou être présents isolément. Des anomalies biologiques et notamment la lymphopénie et l'élévation modérée de la CRP et des transaminases peuvent alors orienter vers le diagnostic. L'imagerie digestive est peu contributive. Toutefois, l'atteinte pulmonaire peut être découverte de façon fortuite sur les coupes thoraciques basses d'un scanner abdominal. De ce fait, certains discutent l'intérêt d'un scanner thoracique systématique quand l'indication d'une imagerie abdominale est retenue surtout en cas de fièvre. La reprise de l'activité médico-chirurgicale au décours de l'épidémie sera difficile compte-tenu de la multiplicité des gestes endoscopiques et des interventions à reprogrammer et du retard de prise en charge chez les patients non COVID n'ayant pas consulté durant l'épidémie du fait du confinement. Après résolution de la première vague épidémique, une stratégie de dépistage devra être discutée chez les patients atteints de pathologie digestive nécessitant une prise en charge hospitalière afin de limiter le risque de nouvelles contaminations. Tableau 1 : principales données de la littérature sur l'atteinte digestive liée au COVID-19 Real estimates of mortality following COVID-19 infection Clinical and virological data of the first cases of COVID-19 in Europe: a case series Diarrhoea may be underestimated: a missing link in 2019 novel coronavirus Evidence for gastrointestinal infection of SARS-CoV-2 Clinical features of patients infected with 2019 novel coronavirus in Wuhan Clinical Characteristics of Coronavirus Disease 2019 in China SARS-CoV-2 induced diarrhoea as onset symptom in patient with COVID-19 Don't overlook digestive symptoms in patients with 2019 novel coronavirus disease (COVID-19) Review article: gastrointestinal features in COVID-19 and the possibility of faecal transmission Epidemiological, clinical and virological characteristics of 74 cases of coronavirus-infected disease 2019 (COVID-19) with gastrointestinal symptoms Virological assessment of hospitalized patients with COVID-2019 Molecular and serological investigation of 2019-nCoV infected patients: implication of multiple shedding routes Clinical progression and viral load in a community outbreak of coronavirus-associated SARS pneumonia: a prospective study COVID-19 Disease With Positive Fecal and Negative Pharyngeal and Sputum Viral Tests Responding to COVID-19: Perspectives from the Chinese Society of Gastroenterology Radiological findings from 81 patients with COVID-19 pneumonia in Wuhan, China: a descriptive study Liver injury in COVID-19: management and challenges Etiology of small bowel thickening on computed tomography Prevention of nosocomial SARS-CoV-2 transmission in endoscopy: international recommendations and the need for a gold standard What Should Gastroenterologists and Patients Know About COVID-19? SARS-CoV-2 Transmission in Patients With Cancer at a Tertiary Care Hospital in Wuhan, China Cancer patients in SARS-CoV-2 infection: a nationwide analysis in China