key: cord-0936142-yt4mjga2 authors: Richez, Christophe; Lazaro, Estibaliz; Lemoine, Maël; Truchetet, Marie-Elise; Schaeverbeke, Thierry title: Implications du COVID-19 pour la prise en charge des rhumatismes inflammatoires chroniques date: 2020-05-31 journal: Revue du Rhumatisme DOI: 10.1016/j.rhum.2020.03.008 sha: 8c56a0003f517e0eac3a3cce5b8bcc40a9f42144 doc_id: 936142 cord_uid: yt4mjga2 nan Nous l'avions pourtant vue venir de loin, mais cette pandémie de COVID-19 nous a surpris par sa brutalité et son ampleur, ainsi que par l'extraordinaire défi qu'elle pose au système de soins. Quelle trace laissera cette crise sur notre système de santé ? Que sera le monde des maladies inflammatoires chroniques après le COVID-19 ? Nous vous présentons nos réflexions actuelles, en prenant le risque que les données d'aujourd'hui soient contredites dans les semaines à venir, et peut-être même entre la rédaction de ces lignes et leur publication. Le 31 décembre 2019, l'OMS a été informée par les Autorités chinoises de cas groupés de pneumonies, tous en lien avec un marché d'animaux vivants de Wuhan. Le 9 janvier 2020, un nouveau virus émergent a été identifié comme étant responsable de ces cas groupés. Il s'agissait d'un coronavirus, officiellement désigné le 11 février 2020 par l'OMS SARS-CoV-2, responsable de la maladie COVID-19 (Coronavirus disease). Le 11 mars 2020, l'OMS a déclaré l'état de pandémie. Le SARS-CoV-2 est transmis par contact direct (peaumuqueuse) et indirect (surfaces), par inhalation de gouttelettes infectieuses émises lors d'éternuements ou de toux par le patient, et peut-être par voie aérienne. A l'heure où ces lignes ont été écrites les principales informations sur les manifestations cliniques venaient des patients chinois [1] [2] [3] [4] [5] [6] [7] [8] [9] . La principale crainte des médecins en charge de patients atteints de maladie DOI de l'article original : https://doi.org/10.1016/j.jbspin.2020.03.010. ଝ Ne pas utiliser, pour citation, la référence franç aise de cet article, mais la référence anglaise de Joint Bone Spine avec le doi ci-dessus. inflammatoire et traités par des traitements ciblant le système immunitaire, vient du risque d'une gravité potentiellement accrue chez ces patients, avec notamment un risque de pneumonie sévère. Or, les premiers résultats ont souligné l'impact des comorbidités cardiovasculaires et pulmonaires [10] plutôt que celui d'une éventuelle immunodépression, amenant même certains à envisager un rôle protecteur des médicaments immunosuppresseurs sur la pneumonie sévère [11] [12] [13] . Les informations disponibles à l'heure actuelle viennent d'une cohorte chinoise de 20000 patients atteints de maladies inflammatoires chroniques de l'intestin, et de 3 hôpitaux de Wuhan: aucun cas de patient infecté n'a été rapporté [14] . Le mystère demeure. Sont-ils vraiment non infectés par le COVID-19? Ont-ils développé des formes pauci-symptomatiques? Nos collègues chinois étaient-ils trop occupés par des patients plus sévères pour remarquer un signal dans les maladies inflammatoires chroniques? Que dire à nos patients atteints de rhumatisme inflammatoire chronique dans ce contexte épidémique? Les recommandations relatives à la prise en charge des cas confirmés d'infection au virus SARS-CoV-2 sont conditionnées par l'état de gravité des patients. Si la prise en charge symptomatique de la défaillance respiratoire prime, dès le 5 mars le Haut Conseil de Santé publique a proposé l'utilisation de traitements spécifiques à visée antivirale (lopinavir/ritonavir, remdesivir), bien qu'aucune de ces molécules n'ait bénéficié d'études cliniques dans le COVID-19. Depuis, la première étude sur l'association lopinavir/ritonavir n'a pas permis de montrer l'efficacité de cette stratégie [15] . L'urgence sanitaire justifie toutefois le déploiement de toutes les stratégies potentiellement actives, efficaces in vitro sur le SARS-CoV-2, parfois testées au cours du MERS-CoV et du SARS-CoV-1, ou proposées dans le contexte de l'infection COVID-19 en Chine malgré un faible niveau de preuve. La mise en évidence de concentrations plasmatiques très élevées de cytokines inflammatoires dans le plasma et le liquide de lavage bronchiolo-alvéolaire des patients de réanimation par rapport à d'autres patients a justifié une stratégie d'utilisation des biothérapies (tocilizumab, adalimumab). Un essai clinique en ouvert a d'ailleurs été publié, suggérant, sur une cohorte de 15 patients, une efficacité du tocilizumab sur la tempête cytokinique potentiellement responsable du syndrome de détresse respiratoire aigu [13] . D'autres médicaments, bien connus des spécialistes des maladies inflammatoires comme l'hydroxychloroquine [12] l'entrée du virus dans la cellule, et in fine diminuer la charge virale. Ces hypothèses méritent des essais cliniques, et à ce titre, une étude multicentrique sur l'hydroxychloroquine vient d'être lancée. A contrario, ces mêmes traitements prescrits au long cours, du fait de la potentielle immuno-dépression induite chez nos patients souffrant d'une maladie inflammatoire chronique, pourraient faire craindre un risque accru de développer une forme grave de l'infection. Ce risque a notamment été évoqué dans le contexte de l'hépatite B, avec des hépatites B fulminantes. Les nombreuses questions soulevées par cette crise sanitaire impulsent une recherche clinique active avec, à l'heure où nous écrivons ces lignes, près de 400 essais déclarés sur le site de l'OMS autour de l'infection COVID-19. Il ne fait aucun doute qu'aussi lourdes soient les conséquences de l'infection, les progrès dans la compréhension et la gestion des virus émergents seront majeurs. Quelles consignes donner à nos patients et aux soignants dans l'immédiat? Insister sur les consignes de prévention ou mesures barrières [16] . Ce sont les mêmes que celles proposées dans la population générale et destinées à limiter le risque de transmission (lavage des mains, éviter de serrer les mains et les embrassades, tousser dans son coude, utiliser des mouchoirs jetables). Nos patients doivent également être sensibilisés aux signes cliniques qui justifient un avis médical (fièvre et manifestations respiratoires). Il est de notre ressort qu'ils puissent facilement contacter le spécialiste qui le prend en charge, sans nécessité de se déplacer. Le déploiement de la télémédecine dans ce contexte prend tout son sens. La fragilité potentielle de nos patients, les difficultés de déplacement, la surcharge du milieu hospitalier et les peurs inhérentes à ce type de situation auront probablement pour conséquence une modification profonde de notre organisation [17] . Et le grand gagnant pourrait être la télémédecine. Des articles ont déjà suggéré son potentiel dans les situations d'urgence de santé publique [18] , et les décideurs de nombreux pays semblent avoir réalisé le potentiel de cet outil. On pourra toutefois regretter d'avoir attendu d'être au pied du mur pour que des décisions soient prises. L'utilisation de la télémédecine doit nous permettre d'éviter l'exposition de nos patients. Il s'agit là d'une réponse à l'urgence de la situation. Mais elle doit aussi nous permettre d'assurer la continuité des soins spécifiques à la prise en charge de la pathologie inflammatoire. Plongés subitement dans le grand bain, nous allons devoir nous familiariser de force avec ce nouvel outil, et nous l'approprier. Nous pouvons ainsi penser qu'au terme de cette pandémie, nous serons capables d'assurer le suivi de certains de nos patients bien connus. Nous aurons peut-être aussi développé de nouvelles compétences pour identifier des situations urgentes à distance, telles qu'une complication infectieuse ou une poussée sévère de la maladie. Nous serons peut-être capables de préparer au mieux la prochaine consultation physique. Tout ceci pourrait remettre aussi une certaine égalité dans l'accès aux soins chez nos concitoyens. Comme toujours, il y aura des excès et des dérives. Il est donc de notre devoir de s'adapter, d'analyser, de juger, puis d'améliorer le système. Les spécialistes des maladies inflammatoires ne connaissent que trop bien l'importance du contact humain dans la prise en charge des patients pour ne pas l'abandonner. L'interrogatoire en vis-à-vis, et l'examen physique sont importants pour une analyse fine de la situation clinique, peut-être aussi pour une acceptation de la prise en charge et pour assurer une bonne observance. Espérons que le retour à la normale, nous permettra d'échanger et de décider comment cadrer l'usage de la télémédecine. C'est à ce prix que nous aurons des recommandations (de la SFR, de l'EULAR ou de l'ACR) de qualité pour l'usage de la télémédecine. La presse franç aise s'est largement fait l'écho depuis quelques mois de la crise de l'hôpital public, qui résulte de la vision purement managériale et budgétaire de l'hôpital public. La technocratie s'est emparée de la médecine: L'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) fixe l'évolution des dépenses de santé et les dépenses hospitalières. La tarification à l'activité (T2A), a été introduite en 2004 pour harmoniser les modes de financement des structures publiques et privées et contraindre les structures publiques à augmenter leur activité, « oubliant » que les malades du public et du privé ont souvent des profils très différents. Les tarifs sont fixés par des GHM (groupes homogènes de malades), pondérés par la durée du séjour hospitalier. Le personnel administratif et médico-administratif ne cesse de croitre aux dépens des soignants. Nous croulons sous les agences, dont l'Agence Nationale d'Appui à la Performance qui fixe les objectifs de taux d'occupation des lits: 92 % pour un service d'hospitalisation conventionnelle, à peine moins pour un service de réanimation. Le nombre de lits d'hospitalisation a été massivement réduit. Les soignants se sentent dévalorisés, perdus dans des charges administratives. Les démissions de médecins et chirurgiens se multiplient. C'est dans ce contexte de réduction de moyens et de tension extrême à l'hôpital qu'apparaît la pandémie. Cette situation n'est pas propre à la France, et le système de soins de nombreux pays est mis en difficulté [19] . Quelle marge de manoeuvre nous est laissée dans les conditions qui sont les nôtres pour faire face à une crise sanitaire d'une telle ampleur? Comment accueillir une arrivée massive de patients présentant des troubles respiratoires imposant une prise en charge en unité spécialisée? Comment accepter d'être réduits à des décisions dramatiques de tri devant l'impossibilité de prendre en charge des patients trop nombreux? Parallèlement, la médecine de ville traverse également une crise sans précédent: diminution du nombre de praticiens et désertification médicale de régions entières se traduisent par des difficultés majeures d'accès au soin. Nos jeunes médecins renâclent à exercer en libéral, effrayés par la lourdeur des tâches administratives, la crainte de l'isolement, la difficulté à se tenir informés dans un contexte de croissance rapide des connaissances médicales. Imaginons la situation vécue par nos médecins généralistes lorsqu'ils ont été appelés à voir les premiers patients suspects de COVID-19 et que les masques chirurgicaux et les gels hydro-alcoolique étaient en rupture de stock. Leurs journées de travail, déjà lourdes en période normale, deviennent insoutenables. Le manque de structure de soutien, de coordination entre ville et hôpital est cruellement perceptible en cette période de crise. Il reste un partenaire de la santé dont nous avons peu parlé. . . le patient ! Abreuvé d'une information alarmiste par la presse grand public, inquiet à juste titre, il nous inonde de questions, de courriels. . . et nous découvrons que nous manquons de relais de communication pour nos patients chroniques, malgré l'aide des associations de patients, tout autant que de moyens de surveillance à distance [17] . Il faudra tirer les leç ons de cette épidémie, et faire du COVID une opportunité pour repenser l'organisation de notre système de soins. L'hôpital public ne peut pas être géré comme une entreprise, et la médecine de ville ne doit pas répondre à une régulation exclusivement financière de son activité. Le service de santé est la propriété de l'ensemble des citoyens, qui doivent pouvoir s'exprimer sur les grandes orientations de la politique de santé. Soyons-en sûrs : il y aura un avant et un après l'épidémie de COVID-19. C.R. a reç u des honoraires ponctuelles et a bénéficié de prises en charge de frais de participation à des manifestations scientifiques médicales par les laboratoires Abbvie, Lilly et Sanofi. E.L. a reç u des honoraires ponctuelles et a bénéficié de prises en charge de frais de participation à des manifestations scientifiques médicales par les laboratoires Lilly et Gilead. ME.T. a reç u des honoraires ponctuelles et a bénéficié de prises en charge de frais de participation à des manifestations scientifiques médicales par le laboratoire Lilly. T.S. a reç u des honoraires ponctuelles des laboratoires Abbvie, Lilly et Sanofi. M.L. déclare ne pas avoir de liens d'intérêts. Epidemiological and clinical characteristics of 99 cases of 2019 novel coronavirus pneumonia in Wuhan, China:a descriptive study Clinical characteristics of coronavirus disease 2019 in China Clinical features of patients infected with 2019 novel coronavirus in Wuhan, China Clinical characteristics of refractory COVID-19 pneumonia in Wuhan, China Clinical characteristics of 138 hospitalized patients with 2019 Novel Coronavirus-Infected Pneumonia in Wuhan, China Risk factors associated with acute respiratory distress syndrome and death in patients With Coronavirus disease 2019 pneumonia in Wuhan, China Clinical course and outcomes of critically ill patients with SARS-CoV-2 pneumonia in Wuhan, China: a singlecentered, retrospective, observational study Clinical course and risk factors for mortality of adult inpatients with COVID-19 in Wuhan Epidemiologic features and clinical course of patients infected with SARS-CoV-2 in Singapore Prevalence of comorbidities in the novel Wuhan coronavirus (COVID-19) infection: a systematic review and meta-analysis Baricitinib as potential treatment for 2019-nCoV acute respiratory disease New insights on the antiviral effects of chloroquine against coronavirus: what to expect for COVID-19? 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