key: cord-0932995-xl8gfkjs authors: Laprie, C.; Duboy, J.; Martinez, J. title: Coronavirose systémique chez le furet (Mustela putorius) : intérêt de l’analyse histologique et immunohistochimique. À propos de trois cas date: 2009-12-31 journal: Pratique Médicale et Chirurgicale de l'Animal de Compagnie DOI: 10.1016/j.anicom.2009.07.004 sha: e120dc55f9304731be91f259ba840ca06f2a1c08 doc_id: 932995 cord_uid: xl8gfkjs Résumé Contexte Une nouvelle coronavirose a été décrite chez le furet, notamment en Espagne et aux États-Unis, induite par un Coronavirus du groupe 1, proche du Coronavirus responsable de l’entérite catarrhale enzootique et à l’origine de lésions histologiques similaires à celle de la péritonite infectieuse féline (PIF) dans l’espèce féline. Objectif Démontrer l’origine virale de lésions pyogranulomateuses sévères au sein de tissus lymphoïdes ou viscéraux de trois furets. Méthodes Analyse histologique et immunohistochimique de lésions reçues au laboratoire suite à des autopsies ou des laparotomies exploratrices pratiquées par des vétérinaires. Résultats L’analyse histologique révèle une inflammation pyogranulomateuse multicentrique, touchant préférentiellement les nœuds lymphatiques abdominaux et différents organes abdominaux. L’analyse immunohistochimique permet la mise en évidence d’antigènes viraux de Coronavirus en position intramacrophagique au sein de lésions pyogranulomateuses ganglionnaires. Conclusion Ces trois cas d’inflammation pyogranulomateuse multicentrique sont dus à une coronavirose qui présente de nombreux points de ressemblance avec la PIF. Summary Background A disease resembling feline infectious peritonitis (FIP) has been recognized recently in ferrets, mostly in United States and in Spain. This disease is due to a Group 1 Coronavirus, closely related to the ferret enteric Coronavirus. Objective To demonstrate the viral origin of severe pyogranulomatous lymphoid and visceral lesions in three ferrets. Methods Histopathology and immunohistochemistry of lesions received in our laboratory. Results Severe pyogranulomatous inflammation was observed in the abdominal lymph nodes and in various organs. Positive labelling of Coronavirus antigen was demonstrated in macrophages in the pyogranulomatous lesions by immunohistochemistry. Conclusion The three cases of severe pyogranulomatous disseminated inflammation were due to a Coronavirus, causing a systemic coronavirosis in ferret with a high similarity to FIP. Ferret; Coronavirus; Pyogranulomatous; Feline coronavirosis; Immunohistochemistry Les Coronavirus sont des virus enveloppés à ARN à simple brin de polarité positive. En microscopie électronique, les particules virales présentent des protubérances de surface leur donnant un aspect « en couronne » (corona, en latin) qui a servi à la dénomination de ces virus [1] Le groupe 3 est constitué de virus réputés exclusivement aviaires (virus de la bronchite infectieuse aviaire, Coronavirus du dindon) [2] . Le Coronavirus à l'origine de l'épidémie de syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) humain, transmis à l'homme probablement par la civette masquée (Paguma larvata), appartient à un nouveau groupe [3, 4] . Chez les carnivores domestiques, les coronaviroses peuvent se traduire soit par une affection digestive paucisymptomatique, soit par l'évolution d'une maladie systémique, qui est toujours fatale chez le chat. Cette variante systémique est dénommée PIF dans l'espèce féline et se développe à la faveur d'une mutation du virus FECV en FIPV, apparue au hasard des erreurs de réplication du virus dans l'entérocyte [5] . Récemment, une atteinte viscérale grave associée à un mutant du CCV et une entérite fatale due au CCV ont été décrites [6, 7] chez le chien. Deux maladies causées par les Coronavirus sont décrites chez le furet : le SRAS et l'entérite épizootique catarrhale [2] . Le SRAS a été transmis expérimentalement au furet, et aucune infection naturelle n'est à notre connaissance rapportée à ce jour. Le virus, contenu dans le tractus respiratoire, urinaire et gastro-intestinal, induit de graves lésions pulmonaires. L'entérite épizootique catarrhale est due à un Coronavirus entérique. Les symptômes correspondent à des signes digestifs peu spécifiques, de type diarrhée. Les lésions sont digestives et le virus est isolé dans la salive, les selles et les entérocytes mais pas au sein du système lymphoïde. Récemment, une affection similaire à l'évolution de la PIF a été rapportée chez le furet [8] . Cet article rapporte cette coronavirose systémique sur trois furets. Les trois furets sont âgés de dix à 13 mois. Ils présentent des symptômes globalement similaires, évoluant depuis quelques mois, avec un amaigrissement, un abattement, parfois une diarrhée chronique. Une fièvre est remarquée dans deux des cas. Au niveau de l'abdomen, ces furets présentent tous une masse palpable, qui a motivé dans deux des cas une laparotomie après échographie en vue de pratiquer des prélèvements histologiques. Ces deux furets ont été euthanasiés, lors de la laparotomie pour le premier, quatre mois après en raison d'une aggravation et de l'absence de réponse au traitement symptomatique pour le deuxième. Le troisième furet a été euthanasié sans laparotomie exploratrice et autopsié. Deux des furets vivaient avec d'autres, qui n'ont pas à ce jour présenté de signes de la maladie et l'un des furets vivait avec un chat en bonne santé. Ces furets avaient été achetés en animalerie, à quelques mois. Deux des furets provenaient d'un élevage identique. Aucune analyse sanguine ni test pour la recherche de la maladie aléoutienne n'ont été effectués. Les prélèvements histologiques sont lus après traitement technique classique par les deux pathologistes du laboratoire. À l'autopsie, les ganglions mésentériques sont hypertrophiés, pouvant atteindre 4 cm de diamètre, et sont ponctués de nodules blancs, de quelques millimètres à 2 cm de diamètre environ, également visibles au niveau du foie, de la rate, du rein, du tissu adipeux mésentérique (Fig. 1 ). L'analyse histologique révèle dans les trois cas une inflammation de nature pyogranulomateuse, mêlant neutro- . Cet infiltrat inflammatoire réalise parfois des pyogranulomes constitués, qui correspondent à de petites collections de neutrophiles, entourées par des macrophages (Fig. 3) . Aucune lésion vasculaire de type vascularite n'est mise en évidence, mais les pyogranulomes sont parfois étroitement accolés à des sections vasculaires. Les colorations complémentaires visant à mettre en évidence des éléments pathogènes figurés sont restées négatives, notamment le PAS permettant l'identification d'éléments mycosiques et le Fite Faraco, coloration de Ziehl modifiée, visant à démontrer la présence d'éventuelles mycobactéries. L'analyse immunohistochimique, pratiquée sur nos trois cas au service d'anatomie pathologique de l'université autonome de Barcelone, utilise l'anticorps monoclonal FCV3-70 (Custom Monoclonal Internationals, West Sacramento, CA, États-Unis) selon une technique immunohistochimique clas- sique [9] , incluant des contrôles négatifs et positifs. Cette technique permet la mise en évidence d'une coloration intramacrophagique, correspondant au couple anticorps-système de coloration, qui reconnaît la présence d'antigènes viraux de Coronavirus au sein des macrophages (Fig. 4 ). La littérature décrit des cas de coronaviroses systémiques chez le furet aux États-Unis et en Espagne [2, 8, 10] . Il s'agit à notre connaissance des premiers cas rapportés en France. Des maladies systémiques causées par des mutants de Coronavirus très proches d'un Coronavirus intestinal de l'hôte sont décrites chez le chat avec la PIF et récemment chez le chien [6, 7] . Des coronaviroses viscérales causées par des Coronavirus mutés, sans relation nécessaire avec un Coronavirus intestinal, sont également rapportées dans d'autres espèces comme la souris, le porc et l'espèce humaine (apparition du SRAS). Il n'est donc pas surprenant que le furet, sujet à des coronaviroses intestinales, soit également exposé à des mutations de ce type de virus qui entraînent l'émergence d'un mutant hautement pathogène à l'origine d'une atteinte systémique. Les furets atteints d'entérite catarrhale épizootique sont jeunes et il est probable, à l'instar de ce qui se passe chez le chat, qu'une contamination orofécale avec infection persistante chez des sujets porteurs du virus favorise l'émergence de la forme systémique de coronavirose [2] . Chez le chat, l'émergence de PIF peut être favorisée par la collectivité, qui fait le lit d'une circulation intense de Coronavirus intestinaux et augmente ainsi le risque d'une mutation vers la forme FIPV. Le fait que deux des furets de l'étude proviennent d'un seul élevage avant d'être achetés par des animaleries différentes puis par les propriétaires pourrait également suggérer le rôle favorisant de la collectivité dans une éventuelle mutation du Coronavirus intestinal pour sa forme hautement pathogène. De nombreux parallèles peuvent être établis entre la PIF et la coronavirose systémique du furet : le jeune âge d'apparition de la maladie qui est de 11 mois d'après la littérature comme dans cette série de cas, une évolution chronique, débilitante, conduisant à de très rares exceptions près, à une mort naturelle ou par euthanasie en raison d'un état général très dégradé et d'un échec des traitements symptomatiques. Comme lors de PIF, les signes cliniques ne sont pas spécifiques : les symptômes évoluent généralement en deux mois et incluent une perte de poids, une masse intra-abdominale palpable (qui correspond au noeud lymphatique mésentérique), une léthargie, une anorexie et plus rarement des vomissements, une spléno-ou néphromégalie, un jetage nasal, une adénomégalie périphérique ou des urines de coloration verte. Des signes nerveux ont été rapportés dans deux cas et correspondent à une parésie des membres postérieurs ou à une ataxie. La fièvre est rapportée dans environ un tiers des cas. L'évolution est fatale pour la plupart des cas [2] . Ces trois cas montrent des symptômes globalement identiques à ceux déjà décrits, principalement un amaigrissement, une baisse de l'état général et une masse abdominale palpable. Dans cette étude, aucune analyse hématologique n'a été pratiquée. Les tendances observées dans les autres recueils de cas mettent en évidence des modifications hématologiques et biochimiques peu spécifiques, liées à une inflammation persistante, avec leucocytose, anémie et thrombocytopénie, qui peuvent être similaires à celles observées lors de PIF. La leucocytose peut être secondaire au recrutement accru de leucocytes au sein des lésions, avec hyperproduction compensatrice. L'anémie peut être due au caractère chronique de la maladie (anémie non régénérative) ou à une malabsorption possible de la vitamine B12 à cause de l'inflammation intestinale (anémie alors régénérative). La thrombocytopénie peut être causée par une surconsommation plaquettaire associée à la CIVD liée à la vascularite. L'anomalie la plus fréquente était l'hyperprotéinémie attribuée à une hyperglobulinémie (gammopathie polyclonale), ce qui rappelle également la PIF. Les autres cas décrits montraient, quand ils avaient été effectués, des tests négatifs pour la recherche de maladie aléoutienne [2] . Les lésions macro-et microscopiques constituent de toute évidence le point de ressemblance le plus frappant entre ces deux coronaviroses systémiques et ont d'ailleurs été le signe d'appel pour une recherche de Coronavirus dans la genèse de ces lésions chez les furets [8] . Les nodules blanchâtres observés macroscopiquement rappellent la « forme sèche » de PIF et répondent histologiquement à des pyogranulomes de différentes tailles, parfois nécrotiques et à teneur variable en neutrophiles. De telles lésions pyogranulomateuses peuvent aussi être dues à des mycobactérioses ou à des nocardioses et les cas inclus dans cette étude montraient des lésions négatives à la coloration de Ziehl modifiée (Fite Faraco) qui permet l'identification de ces bactéries. Lors de coronavirose systémique du furet, des lésions de vascularite sont également décrites. Dans cette étude, ces lésions vasculaires n'étaient pas identifiables ; ce qui pouvait être dû à un diagnostic tardif au sein d'organes fortement remaniés par cette inflammation pyogranulomateuse pouvant occulter des lésions vasculaires primitives, comme il a été constaté dans certaines études [10] . Lors de PIF, la lésion principale consiste en une vascularite causée par l'action de monocytes sanguins infectés et activés qui lèsent les parois vasculaires. Cette activation induit une capacité d'adhésion accrue aux cellules endothéliales et aux autres monocytes par le biais de cytokines. La sécrétion par les monocytes d'une enzyme, la métalloprotéinase B, participe aussi à l'atteinte vasculaire en initiant une dégradation du collagène IV, constituant de la lame basale vasculaire [11] . Cette atteinte vasculaire conduit ensuite à la constitution de granulomes ou pyogranulomes angiocentrés ou situés en périphérie de sections vasculaires lésées. Lors de coronavirose systémique du furet, l'analyse immunohistochimique met en évidence des résultats similaires à ceux observés lors de PIF avec marquage des antigènes viraux au sein des cellules macrophagiques [2, 8, 10] , il est donc possible que le mécanisme d'apparition des lésions soit similaire à celui décrit chez le chat. Les études précédentes ont prouvé par typage PCR que le virus en cause n'était pas le Coronavirus félin. Toutefois, l'apparition de cette maladie chez le furet suggère une mutation du Coronavirus causant l'entérite catarrhale épizootique, comme tel est le cas chez le chat avec une mutation du Coronavirus intestinal à l'origine de la PIF ; le virus muté acquérant un tropisme pour les macrophages et la capacité de se répliquer au sein des macrophages ou monocytes [2] . Cet article souligne l'importance de l'histologie pour le diagnostic de cette affection. Comme lors de PIF, l'histologie reste la pierre angulaire du diagnostic de cette virose et la détection sérologique d'anticorps pourrait être d'interprétation délicate comme elle l'est chez le chat, espèce dans laquelle elle ne permet pas de différencier les anticorps dirigés contre le Coronavirus intestinal de ceux dirigés contre sa variante FIPV [12] . Il est par ailleurs intéressant de détecter les nouvelles coronaviroses animales qui peuvent, dans certains cas, constituer un risque zoonotique, comme lors de l'épidémie de SRAS en 2002 et 2003, causée par la transmission de la civette à l'homme d'une variante mutée d'un Coronavirus, dont le réservoir naturel est la chauve-souris [13, 14] . Aucun. Alimentary system Clinicopathologic features of a systemic Coronavirus-associated disease resembling feline infectious peritonitis in the domestic ferret (Mustela putorius) Detection of a novel and highly divergent Coronavirus from Asian leopard cats and Chinese ferret badgers in Southern China Isolation and characterization of viruses related to the SARS Coronavirus from animals in southern China Feline infectious peritonitis and feline enteric Coronavirus Canine Coronavirus-associated puppy mortality without evidence of concurrent canine parvovirus infection Canine Coronavirus highly pathogenic for dogs Detection of feline infectious peritonitis virus-like antigen in ferrets Cellular composition, Coronavirus antigen expression and production of specific antibodies in lesions in feline infectious peritonitis Identification of group 1 Coronavirus antigen in multisystemic granulomatous lesions in ferrets (Mustela putorius furo) Morphologic features and development of granulomatous vasculitis in feline infectious peritonitis Diagnostic de la péritonite infectieuse féline (PIF) Bats are natural reservoirs of SARS-like Coronaviruses What links bats to emerging infectious diseases? Les auteurs remercient les docteurs Bayol et Romani de la clinique vétérinaire Grand Littoral à Marseille (13016) et les docteurs Spilmont et Molet de la clinique vétérinaire à Carnoux (13470) pour la confiance qu'ils nous ont accordée dans l'exploration de ces cas, ainsi que Mme Fabienne Clément pour son assistance technique.