key: cord-0932259-ll4cmf98 authors: Martinez, V. title: Réflexions et perspectives sur les menaces infectieuses émergentes, à partir du séminaire du Val de Grâce de 7 décembre 2012, Paris date: 2014-01-30 journal: Med Mal Infect DOI: 10.1016/j.medmal.2014.01.001 sha: ac6a3ec26ec271c0610aad78c7ae93781d78b272 doc_id: 932259 cord_uid: ll4cmf98 nan La préparation des sociétés aux MIE reste une priorité non seulement médicale, mais aussi environnementale, et politique, comportant l'évolution appropriée des systèmes de santé. Savoir s'y préparer est un enjeu central car quels que soient les scénarios envisagés, il apparaît quasiment impossible de prévoir avec exactitude la réalité d'un phénomène à venir et son impact sur le terrain. La tendance première est alors de se protéger des situations les plus défavorables et les plus alarmistes. De ce fait, la gestion de la crise reste un réel problème. En juillet 2012, Fabienne Keller, sénatrice, a proposé 10 leviers d'action dans un rapport intitulé « Les nouvelles menaces des maladies infectieuses émergentes » [3] . En janvier 2013, Fabienne Keller a présenté cette analyse aux groupes politiques au sénat en présence de Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales et de la Santé [4] . Les 10 leviers d'action proposés pour lutter contre ces nouvelles menaces sont : • faire prendre conscience aux opinions publiques de la globalisation du phénomène des maladies infectieuses émergentes et de l'importance des rapports Nord Cette mission avait pour objectif d'identifier les moyens de : • faire des patients des acteurs de la politique de santé et de la sécurité sanitaire, en facilitant les signalements qu'ils effectuent ; • promouvoir l'implication des professionnels de santé dans le signalement des « événements indésirables » ; • préciser le rôle des agences régionales de santé (ARS) dans la gestion des signaux et alertes sanitaires ; • améliorer la coopération entre l'ensemble des acteurs régionaux et nationaux (notamment les agences nationales, au premier rang desquelles l'ANSM et l'InVS) concernés. À l'issue d'une consultation des administrations centrales, des ARS et des agences sanitaires, le rapport formule plusieurs propositions, parmi lesquelles : • la simplification de la déclaration des événements sanitaires indésirables par la population et les professionnels par la création d'un portail commun de déclaration ; • l'optimisation du dispositif en région autour des ARS ; • la modification de l'organisation des agences sanitaires autour de trois axes majeurs : « produits », « prises en charge » et « pathologies ». Ces propositions seront analysées dans le cadre de la stratégie nationale de santé et serviront à l'élaboration de la loi de Santé Publique de 2014. En perspective, ces interactions multiples doivent être soutenues et organisées non seulement au niveau sanitaire, local et national, mais aussi aux niveaux européen, international et au niveau trans-sectoriel. Il faut favoriser les interactions à différents niveaux dont celui de la surveillance, en particulier, entre les praticiens cliniciens, vétérinaires, spécialistes de l'environnement, et des sciences humaines et sociales (SHS) et mettre en place une culture du retour d'expériences, trop négligée aujourd'hui en France, notamment parce que ses effets attendus peuvent être perçus par les décideurs voire l'ensemble des personnels comme étant trop éloignés de l'action et des applications qui en découlent. À l'heure actuelle, différents signaux, issus de la veille scientifique ou médiatique, de la veille internationale, ou des réseaux organisés ou informels d'acteurs de la surveillance peuvent être transmis à l'Institut de veille sanitaire (InVS). Après vérification des sources d'information et évaluation exploratoire du risque potentiel, l'InVS met en oeuvre, une démarche d'analyse de risque en s'appuyant sur un référentiel partagé avec les partenaires [5] . Sur la base de cette analyse, l'alerte peut être signalée aux autorités sanitaires et la transmission des informations nécessaires pour la gestion et la prise en charge du risque est organisée. L'appréciation du risque lié à une MIE reste une démarche difficile, intégrant les informations disponibles sur l'agent infectieux ( Pour cela, une coordination est nécessaire à l'échelon national, mais aussi européen. Depuis 1998, 2 axes sont sous la responsabilité de la Commission (CE) et du Parlement européens : la surveillance, confiée à l'European Centre for Disease Prevention and Control (ECDC), créé en 2005, et la réponse aux évènements à impact trans-frontalier. Les deux piliers de l'ECDC sont la notification des maladies communes (52 actuellement) et le renseignement épidémique. Le rôle de l'ECDC est de détecter, évaluer et communiquer sur les menaces émergentes de santé publique liées aux maladies transmissibles. L'ECDC fournit des données épidémiologiques regroupées des différents pays de l'Union européenne, des études de risque et donne un avis scientifique. L'ECDC dispose d'un système d'alerte rapide partagé par tous les pays de la zone, et peut apporter aussi un soutien technique de formation, de communication scientifique et de communication vers le grand public. L'intérêt de cette agence est d'assurer les partages d'information et d'avoir aussi des agents de liaison se déplaçant dans les agences de différents pays, permettant une plus grande cohésion à l'échelon européen. Une proposition d'organisation nouvelle est en cours de négociation pour améliorer les échanges et les travaux transsectoriels à l'échelon international sur les nouveaux programmes 2014-2020, le but étant la centralisation de la préparation, avec des pratiques standardisées. En définitive, après partage des informations, les décisions relèvent aujourd'hui des états membres. Une révision de la directive des essais cliniques est en cours par le Parlement Européen, visant à améliorer l'hétérogénéité des règles selon les pays, la baisse des inclusions dans les essais, les coûts croissants, et une délocalisation de la recherche clinique dans certains pays. L'objectif de la CE est de mettre en place un règlement ayant force de loi dans les différents états. Les 4 grands objectifs de ce projet sont de : • harmoniser et standardiser ; • renforcer la coopération entre les états membres ; • permettre une approche fondée sur le risque (notion de d'essai à faible risque) avec le développement d'une recherche dédiée ; • renforcer la sécurité et la transparence. Les délais d'acceptation des essais seraient raccourcis, et leur mise en place serait simplifiée grâce à une soumission par le promoteur à un portail européen unique. Un premier avis scientifique et technique sur la faisabilité rendu par un état membre rapporteur sous 6 jours s'imposerait à tous, tandis que les considérations éthiques seraient traitées par chaque état membre (10 jours). En cas de pandémie ou de crise sanitaire, il n'y aura pas de délai minimal d'acceptation afin d'accélérer au maximum la mise en place d'un essai. Les résultats des essais seraient publiés sur une base accessible au grand public dans l'année. Il apparaît essentiel d'avoir une réglementation spécifique pour la recherche en situation d'urgence sanitaire, étendant le champ de la directive aux essais épidémio-cliniques, étroitement couplés à la recherche thérapeutique, dont l'encadrement est particulièrement important dans ce contexte. Les comités de protection des personnes (CPP) pourront en cas de pandémie traiter en priorité les dossiers concernés par l'urgence sanitaire, sans altérer la qualité des avis. De même, le Ministre dispose des outils législatifs et juridiques pour prescrire des mesures d'exception adaptées. Par contre, le financement de la recherche clinique dans le cadre des MIE, n'entrant pas dans le cadre du PHRC ni de l'ANR, a été, et reste une question non résolue. L'idéal serait un fond pérenne ciblé pour les urgences sanitaires, mobilisable en cas de besoin. En perspective, il faut préparer la recherche en situation de pandémie, en particulier la recherche épidémio-clinique, en SHS et en sciences politiques, impliquant les personnes malades ou exposées, comportant des contraintes spécifiques fortes en cas de crise, et ses interactions avec les recherches pouvant se développer plus à distance, à partir d'informations stockées (développement de modèles mathématiques et informatiques testant des hypothèses/scénarios, analyses génétiques à partir de bio-banques. . .). Des protocoles « prototypes » doivent être préparés pour être rapidement activables si besoin. Des projets portant sur des situations épidémiques doivent être soutenus par les décideurs et les agences de financement dans cette perspective, et ce pour tester et entraîner les acteurs de recherche à tous les niveaux, investigateurs, promoteurs, centres de méthodologie et de gestion publics et privés, comités de protection des personnes, agence des médicaments, pour étudier et développer le plus précocement possible, anti-infectieux et vaccins. Dans cette perspective, un consortium de recherche multidisciplinaire « REACTing » est en cours d'élaboration. Il a pour but de préparer la recherche au cours des menaces épidémiques infectieuses émergentes, optimiser et coordonner les capacités de recherche des structures et des acteurs existants : systèmes de surveillance, laboratoires de recherche, services hospitaliers (urgences, réanimations, services des maladies infectieuses) et entre Pays du Nord et Pays du Sud. Cette organisation de la recherche cible les MIE y compris les zoonoses à la fois sur la surveillance et l'alerte, le développement des outils mathématiques et économiques, le développement des outils diagnostiques, la mise en place des réseaux et des outils pour faciliter la recherche clinique et les sciences sociales et les aspects liés à la communication. En France, il s'est construit, au décours de l'épisode du SRAS, une approche clinique pour la prise en charge des personnes à risque ou atteintes d'une MIE, avec un réseau, aujourd'hui national, de coordination du risque épidémique et biologique (COREB), conçu comme une cellule opérationnelle d'expertise et d'appui, en priorité auprès des SAMU et urgentistes, s'appuyant sur une coopération civilo-militaire. La mission générale du COREB est la mise en place d'un dispositif de coordination des urgences infectieuses, avec un plan de fonctionnement simple à activer. Le COREB assure l'élaboration et l'actualisation de procédures rapidement mises à disposition en cas de besoin, et a aussi des missions d'enseignement, d'information et de recherche pour améliorer la dimension clinique de cette gestion du risque. En 2010, le COREB a mis à disposition une procédure standardisée de prise en charge, par les urgences et par les SMUR, des patients suspects d'infections émergentes en Île-de-France. Celle-ci permet d'isoler un patient suspect et de déclencher l'alerte, articulant de façon cohérente, les mesures individuelles et collectives à appliquer : dépister, protéger, prendre en charge, alerter et orienter. Une des difficultés rencontrée par le COREB concerne la modestie des moyens dont il dispose. La structuration d'une coordination en réseau sur ce thème sous l'impulsion des autorités sanitaires permettrait de rendre plus efficace et plus sûre la préparation à une alerte. En parallèle, l'établissement public de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS), mis en place en 2007, sous-tutelle du ministère de la Santé, est chargé d'assurer l'organisation et l'appui logistique avec 3 missions principales : • la gestion administrative, opérationnelle et financière de la réserve sanitaire ; • la constitution et la gestion des stocks stratégiques (définis chaque année avec la Direction générale de la santé) et des produits de santé et ; • l'apport d'une expertise logistique et médicale à la cohérence des plans de défense et de secours. Afin d'assurer une réponse intégrée aux urgences sanitaires, l'EPRUS travaille notamment avec le service de santé des armées pour mettre en commun le stockage des produits et matériaux et essayer d'instaurer une collaboration permettant une complémentarité et une mobilisation cohérente des moyens. La complexité de ses activités souligne la nécessité d'une coopération à l'échelon politique, médical, et logistique pour essayer de répondre au mieux à la survenue d'une crise potentielle de grande ampleur. Cette organisation purement française, fait l'objet d'une réflexion de partage avec l'Europe dans la perspective d'une proposition législative européenne. En perspective, il faut s'appuyer sur la coopération civilomilitaire pour promouvoir des procédures partagées de réponse de première urgence, des organisations logistiques flexibles et efficientes, et l'impérieuse nécessité de l'entraînement, essayer développer des exercices et entraînements par simulation de scénarios. Les intervenants au Séminaire du Val de Grâce du 7 décembre 2012 Les intervenants aux Journées Nationales d'Infectiologie de juin 2013 à la session « Viroses respiratoires émergentes : Actualité Les maladies infectieuses émergentes : état de la situation et perspectives. Haut Conseil de la santé publique -Current trends and proposals Rapport d'information fait au nom de la délégation sénatoriale à la prospective sur les nouvelles menaces des maladies infectieuses émergentes par Mme. Fabienne Keller Intervention en séance publique au Sénat Public health surveillance and assessment of emerging infectious threats: method and criteria for risk analysis service de médecine interne et immunologie clinique Adresse e-mail : valerie.martinez@abc.aphp.fr En collaboration avec : le comité de pilotage du séminaire maladies infectieuses émergentes: François Bricaire Disponible sur Internet le 30 janvier