key: cord-0926576-1c26qrp7 authors: Siméon, L.-A.; Mercier, P.; Mazière, P.; Bongrain, G. title: Panleucopénie féline aiguë : à propos d’un cas traité avec succès par l’interféron-ω date: 2009-12-31 journal: Pratique Médicale et Chirurgicale de l'Animal de Compagnie DOI: 10.1016/j.anicom.2009.09.001 sha: bb08e7e07280159602b2ec28167d7562139ed10c doc_id: 926576 cord_uid: 1c26qrp7 Résumé La panleucopénie féline est une infection virale (due à un petit parvovirus FPV). Ce virus est très stable et capable de survivre une année à température ambiante dans les matières organiques sur un support solide. Quasiment tous les chats sensibles sont exposés et infectés au cours de leur première année de vie. La forme aiguë de la maladie est fréquente, avec hyperthermie, anorexie et léthargie, précédant de trois ou quatre jours les premiers signes cliniques. Dans la plupart des cas, la mortalité peut être évitée par un traitement symptomatique et des soins appropriés. Cependant, la maladie, dans sa forme aiguë, est souvent associée à une bactériémie chez les jeunes chats non vaccinés, pouvant se révéler mortelle. Lorsqu’un traitement symptomatique n’est pas suffisamment efficace, le recours à une thérapie antivirale pourrait être une alternative. L’interféron recombinant félin oméga a été utilisé avec succès selon un protocole d’administration décrit, le statut médical du chat étant suivi avant, pendant et après le traitement mis en place. Summary Feline panleukopenia is caused by a small parvovirus (FPV) which is very stable and able to survive for one year at room temperature in organic material on solid fomites. Virtually all susceptible cats are exposed and infected within the first year of life. The acute form is common, with hyperthermia, depression and anorexia occurring within three to four days before presentation. In most cases, mortality caused by FPV infection can be avoided with appropriate symptomatic therapy and nursing care. However, severe clinical illness associated with bacteraemia is often the rule in young unvaccinated cats and frequently fatal. If a symptomatic therapy is not enough efficient, then it must be quickly associated with antiviral treatment. The feline recombinant interferon omega was used successfully, according to a published protocol design, the status of the cat being monitored before, during and after treatment. La prévalence de la panleucopénie féline (encore appelée typhus) a diminué ces dix dernières années [1] . Cette diminution s'explique en grande partie par une large utilisation de vaccins à souches vivantes atténuées. En effet, en dehors de la protection conférée par le vaccin, la faible excrétion virale post-vaccinale dans les fèces contribue à stimuler le système immunitaire de chats congénères non vaccinés [1] . Malgré cela, cette maladie reste toujours d'actualité dans notre pratique courante. Le typhus du chat, dont l'agent causal est le parvovirus félin (feline panleukopenia virus FPV), doit toujours faire l'objet d'un pronostic réservé [2] . La réplication virale du FPV requiert des cellules à forte activité mitotique (cellules intestinales, cellules souches de la moelle osseuse, cellules lymphoïdes) [3] . Des infections concomitantes, notamment bactériennes, peuvent aggraver à la fois le tableau clinique et le pronostic, situation tout à fait identique à celle retrouvée chez le chien lors d'infection à parvovirus (Canine parvovirus CPV-2) [4] . Ce compte rendu décrit l'utilisation de l'interféron oméga recombinant félin de type I, en complément d'un traitement symptomatique chez un jeune chat atteint de panleucopénie. Le suivi de l'animal repose sur l'évolution des signes cliniques et sur des paramètres biologiques mesurables (hématologie et charges virales fécales). L'interféron oméga félin a montré tout son intérêt dans le traitement des infections à parvovirus chez le chien [4] , mais n'a jamais été rapporté chez le chat présentant une entérite virale à FPV. Un jeune chat européen mâle entier de six mois, pesant trois kilos est présenté à la consultation (j1) pour une gastroentérite hémorragique aiguë. Ce chat n'est ni vacciné ni vermifugé. L'animal est abattu, déshydraté (persistance du pli de peau) et présente une hyperthermie à 40,1 • C (Tableau 1). L'examen de l'appareil cardiorespiratoire ne révèle pas d'anomalie. La palpation abdominale est douloureuse, mais l'abdomen reste souple : les anses intestinales sont dilatées et remplies de liquide. On note la présence de liquide malodorant sur le pourtour de l'anus ainsi que des traces de mucus à la base de la queue. Les commémoratifs de gastro-entérite et l'examen clinique nous amènent à éliminer le simple parasitisme intestinal ou les troubles digestifs d'origine alimentaire, et à s'orienter plutôt vers une entérite bactérienne aiguë (salmonellose, campylobactériose) ou virale (parvovirose). Un test rapide pour recherche de parvovirus canin par écouvillon rectal (Witness Parvo ® ), test récemment validé chez le chat [5] (Discussion), s'avère positif et oriente notre hypothèse diagnostique. Des recherches ultérieures de la présence du FPV dans les matières fécales de cet animal par PCR confirmeront le diagnostic (Discussion). À j1, aucun autre examen complémentaire n'est effectué (d'autres examens seront réalisés ultérieurement, Traitement et Suivi). La mise en place d'un traitement symptomatique doit permettre la récupération du patient, mais le pronostic de cette maladie doit toujours être réservé, surtout chez les jeunes chats car les complications sont nombreuses (bactériémie, intoxication) [1, 2] . L'animal est immédiatement hospitalisé (j1), isolé des autres patients, dans une zone d'hospitalisation dédiée aux animaux contagieux. En effet, l'excrétion virale du FPV dure environ un ou deux jours, mais des chats malades peuvent excréter le virus dans les urines et les selles jusqu'à six semaines après la guérison [6] . La cage d'hospitalisation est désinfectée chaque jour à l'aide d'antiseptiques spécifiques (eau de Javel associée à des ammoniums quaternaires [2] ). Le traitement mis en place est symptomatique (Tableau 2), l'objectif étant de maintenir l'animal en vie. Une fluidothérapie (lactate de Ringer, 250 ml/j) est administrée par voie intraveineuse, associée à une antibiothérapie large spectre (amoxicilline/acide clavulanique retard, Synulox ® suspension injectable, 12,5 mg/kg SID par voie sous-cutanée, hors AMM) et marbofloxacine (Marbocyl ® ND, 2 mg/kg SID IV). Des antivomitifs sont injectés : métoclopramide (Primperid ® 0,25 mg/kg BID IV) et cimetidine (Tagamet ® 5 mg/kg BID IV), ainsi qu'un antiparasitaire en spot-on à base de moxidectine (Advocate ® chats, 1,3 mg/kg). L'état de l'animal se dégrade dans les 48 heures qui suivent l'hospitalisation (Tableau 1). Il est prostré avec une hyperthermie persistante (39,8 • C). Les vomissements et la diarrhée hémorragique sont toujours présents. De plus, l'hémogramme révèle une leucopénie marquée, associée à une forte neutropénie (Tableau 3). La biochimie sanguine Tableau 1 Suivi clinique à partir du premier jour d'hospitalisation (j1). met également en évidence une hypoprotéinémie due à une hypo-albuminémie sévère (Tableau 4), signe d'une forte entéropathie exsudative (une hyperhydratation éventuelle étant écartée par la mise en évidence à l'examen clinique d'une déshydratation, par l'observation sur l'animal de la persistance du pli de peau) (Tableau 5). Nous décidons (j3) de mettre en place un traitement antiviral à base de Virbagen Omega ® (rFe IFN , à raison de 1 million d'unité/kg par jour par voie s.c., pendant cinq jours, hors AMM) selon un protocole décrit. En parallèle, des écouvillons fécaux sont réalisés à j3 (avant injection d'interféron), j4, j6 et j7. Le suivi de l'animal est principalement basé sur l'évolution des signes cliniques et des paramètres biologiques. La numération formule des leucocytes permet d'évaluer la réponse au traitement au cours du temps. De même, la charge virale excrétée (mesure semi-quantitative) reflète la réplication virale et permettra donc de suivre l'évolution de la maladie a posteriori (en raison du délai entre le prélèvement et le résultat de l'analyse). Dès le deuxième jour de traitement à l'interféron (j5), l'état de l'animal s'améliore nettement (Tableau 1). Une augmentation très marquée du nombre de leucocytes est visible de j3 à j5, attestant une reprise de la leucopoïèse et un retour à la normale dans les 24 heures suivant la première injection d'interféron. Nous observons le passage d'une leucopénie à un leucogramme « normal » dès la première injection. De même, une diminution très importante de la charge virale excrétée sera visible dès la première injection d'interféron (une fois les résultats PCR obtenus), permettant de supposer une relation de cause à effet avec le traitement. Le chat est rendu à ses propriétaires trois jours après, soit après la dernière injection de rFe IFN (j7), avec une antibiothérapie (marbofloxacine, Marbocyl ® ND, 3,3 mg/kg SID pendant six jours) et de la montmorillonte (Diarsanyl ® ND, 400 mg/kg toutes les 12 heures) par voie orale (Tableau 2). Seule une légère diarrhée persiste. Par la suite, l'animal est vacciné contre le FPV dix jours après la fin d'hospitalisation (j17), avec un rappel un mois plus tard (j48) ; il est alors asymptomatique. Un dernier contrôle est réalisé à j104 ; l'animal ne présente aucun signe clinique et a un état d'embonpoint normal (Tableau 1). L'animal a été revu en consultation six mois et un an après, et présente un parfait état de santé. Malgré l'absence de données sur la prévalence de la panleucopénie féline en France, cette maladie reste d'actualité, particulièrement dans les collectivités (élevages, refuges) [7, 8] . La vaccination contre la panleucopénie féline reste très efficace, le virus n'existant que sous un seul sérotype [9] . L'immunité, qu'elle soit naturelle ou d'origine vaccinale, est solide et de longue durée [3] . Lorsqu'un chat développe cette maladie, le virus se réplique, d'une part, dans les cellules intestinales au niveau des cryptes de la muqueuse, causant de nombreux dommages [10] , et, d'autre part, dans les tissus lymphoïdes et la moelle osseuse, résultant en une leucopénie et une immunodépression fonctionnelle [11, 12] . De plus, lors d'infection foetale, ce virus peut être à l'origine d'aplasie cérébelleuse [13] . Chez l'animal infecté, l'endotoxémie, avec ou sans bactériémie, est une des complications fréquentes de l'infection à parvovirus [2] . La panleucopénie féline étant très contagieuse, lors d'hospitalisation de chat présentant des signes évocateurs (gastro-entérite aiguë avec atteinte de l'état général), il est important (en clinique vétérinaire) de s'assurer de la contagiosité ou non du malade afin de protéger les autres animaux et l'environnement de la clinique. La confirmation de cette maladie virale in vivo s'effectue en microscopie électronique (méthode de référence) ou par PCR (méthode beaucoup plus accessible en routine) sur des échantillons sanguins ou fécaux, mais toutes ces analyses requièrent du temps. Les tests rapides mis à la disposition des praticiens (par méthode Elisa ou par technologie immunochromatographique) permettent d'avoir un résultat presque immédiat, très spécifique et fiable. La relation structurale antigénique entre le FPV et le CPV permet d'utiliser les tests rapides canins disponibles sur le marché vétérinaire sur le chat, avec une spécificité de 100 % et une sensibilité de 97,4 % pour le Witness Parvo ® [5] , test que nous avons ici utilisé. Dans le cas présent, le traitement symptomatique, essentiellement basé sur une antibiothérapie, une fluidothérapie et sur des agents anti-émétiques, s'est avéré insuffisant. La décision d'utiliser l'interféron oméga de type I [14] s'est justifiée essentiellement pour son activité antivirale [15] [16] [17] . En effet, l'interféron provoque une inhibition temporaire de la synthèse protéique virale par destruction de l'ARN messager viral (système 2-5 oligo A-synthétase) et empêche la traduction protéique (système PKR protéine kinase). Pour des virus non intégratifs (parvovirus, coronavirus), l'effet est virulicide, alors que, pour des virus intégratifs (rétrovirus), l'effet est virostatique [15] . L'interféron stimule également le système immunitaire cellulaire en soutenant l'activité des natural killers (NK), en potentialisant leur activité cytotoxique, en augmentant la production des complexes majeurs d'histocompatibilité (CMH) et en renforçant l'activité oxydase des neutrophiles. La diminution de l'excrétion virale visible (en PCR) dès le lendemain de l'utilisation de l'interféron pourrait s'interpréter, d'une part, par son activité antivirale, et, d'autre part, par un effet inhibiteur (démontré in vitro), dose-dépendant, sur la croissance cellulaire [18] , le virus trouvant moins de cellules intestinales hôtes pour se répliquer. L'activation du système immunitaire par l'interféron oméga a déjà été décrite chez le chien [19] mais jamais chez le chat. Dans le cas présent, la reprise de la leucopoïèse est rapide et importante. Dans l'espèce féline, seule l'influence de l'interféron sur les marqueurs sanguins de l'inflammation (alpha globulines) et sur le système immunitaire humoral (IgG ou IgM spécifiques anti-parvovirus félin) a été décrite dans une chatterie contaminée par le typhus [20] , avec une production importante d'immunoglobulines. Dans notre observation, la production d'immunoglobulines n'a pas été mesurée. De plus, l'avantage de l'interféron recombinant oméga félin par rapport à un interféron recombinant d'origine humaine est qu'il n'est pas reconnu par l'organisme du chat comme une protéine étrangère, l'interféron oméga étant très spécifique d'espèce. Ainsi, le système immunitaire du chat ne produit pas d'anticorps anti-interféron [21, 22] et son activité reste orientée vers la pathologie incriminée. Enfin, dans notre cas, une vaccination contre le FPV a été mise en place à j17 avec un rappel un mois après, malgré l'immunité naturelle désormais acquise pour ce chat [3] . Ce choix a été motivé par le mode de vie de celui-ci. En effet, il est entouré de nombreux chats non vaccinés ; la vaccination a ainsi été utilisée dans le but de limiter l'excrétion virale dans le milieu extérieur, même si aucune donnée n'existe attestant un tel effet. Il est bien difficile de connaître la part imputable au traitement à l'interféron sur l'évolution favorable de la maladie chez notre animal alors que celui-ci a reçu un traitement classique en tout début d'hospitalisation, contribuant certainement à stabiliser l'état clinique. À notre connaissance, c'est la première fois que les variables hématologiques et l'excrétion virale sont décrites lors d'un cas de typhus du chat traité par l'interféron oméga. La panleucopénie du jeune chat (non vacciné ou mal vacciné, la prophylaxie médicale étant le moyen de lutte le plus efficace vis-àvis de cette maladie) est rencontrée en pratique courante, et l'utilisation d'une thérapie antivirale devrait très certainement influencer le taux de survie de ces animaux. Le protocole utilisé dans ce cas doit être validé à une plus grande échelle pour démontrer pleinement l'intérêt de l'interféron. Infectious diseases of the dog and cat Other feline viral diseases. Textbook of veterinary internal medicine. Philadelphia: Saunders WB Virologie clinique du chien et du chat. Paris: Éditions Le Point Vétérinaire Treatment of canine parvoviral enteritis with interferon omega in a placebocontrolled field trial Comparison of different in-house test systems to detect parvovirus in faeces of cats A field trial to assess the effect of vaccination against feline herpesvirus, feline calicivirus, and feline panleukopenia virus in 6-week-old kittens Detection of feline parvovirus in dying pedigree kittens Kitten mortality in the United Kingdom: a retrospective analysis of 274 histopathological examinations Long-term immunity in cats vaccinated with an inactivated trivalent vaccine Pathogenesis of feline panleukopenia virus and canine parvovirus Pathogenesis of feline panleukopenia virus and canine parvovirus. Baillière's Epidemiology and pathology of autonomous parvoviruses Feline medicine and therapeutics, 21. London: Blackwell Science Homogeneous production of feline interferon in silkworm by replacing single amino acid code in signal peptide region in recombinant baculovirus and characterisation of the product Untersuchung der antiviren Wirksamkeit von Interferon-omega gegen ausgewählte Viren von Hund und Katze Feline interferonomega treatment of canine parvovirus infection Treatment of canine parvoviral enteritis with interferon-omega in a placebo controlled challenge trial Inhibitory effects of recombinant feline interferon on the replication of feline enteropathogenic viruses in vitro Immunological effects of recombinant feline interferon-omega (KT-80) administration in the dog Evaluation of inflammation and immunity in cats with spontaneous parvovirus infection: consequences of recombinant feline interferon-omega administration Alpha interferon (2b) in combination with zidovudine for the treatment of presymptomatic feline leukemia virus induced immunodeficiency syndrome Antiviral therapy in cats: current rationale and recommendations