key: cord-0919433-uq9c0be9 authors: Vasseur, Mélanie; Tambon, Marine; Gony, Mireille; Lebrun, Nicolas; Bagheri, Haleh title: Pneumopathie médicamenteuse ou liée à la COVID-19 : un train peut en cacher un autre ! date: 2021-03-06 journal: Therapie DOI: 10.1016/j.therap.2021.03.001 sha: 6771f5c1f97a496abc6693216f66fae1ef74c1a5 doc_id: 919433 cord_uid: uq9c0be9 nan Le 11 mars 2020, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) qualifie l'épidémie à severe acute respiratory syndrome coronavirus 2 (SRAS-CoV2) de pandémie. Le diagnostic se base essentiellement sur la clinique des patients atteints (fièvre, toux, dyspnée, agueusie. . .), sur l'imagerie et un prélèvement nasopharyngé (reverse transcriptionpolymerase chain reaction [RT-PCR]). Toutefois, la RT-PCR présentant des faux négatifs, le diagnostic de coronavirus disease2019 (COVID-19) ne peut être exclu, lorsque les patients présentent une forte symptomatologie clinique [1] . Sur le plan imagerie, le scanner thoracique sans injection s'est imposé comme l'examen d'imagerie pulmonaire de première intention en cas de diagnostic suspecté ou confirmé de COVID-19. Certaines images sont très évocatrices de la COVID-19 : plages de verre dépoli à prédominance sous-pleurale, bilatérales et multifocales, plutôt périphériques et dans les régions inférieures et postérieures. En contexte épidémique, elles signent quasiment le diagnostic mais peuvent parfois être atypiques, unilatérales, siégeant au niveau des sommets ou centrales. Il peut aussi y avoir une pathologie pulmonaire sous-jacente (bronchopneumopathie chronique obstructive, fibrose), rendant plus complexe l'analyse sémiologique [2] . Nous présentons un cas de pneumopathie médicamenteuse pour lequel le diagnostic a été largement retardé du fait d'une confusion avec la pneumopathie liée à la COVID-19. Il s'agit d'une patiente de 83 ans ayant pour antécédents médicaux plusieurs épisodes d'insuffisance rénale (liée à une atrophie rénale bilatérale) avec des troubles hydroélectrolytiques, une maladie de Crohn depuis l'âge de 15 ans conduisant à deux résections digestives traitée par mésalazine et lopéramide et une hypothyroïdie, traitée par lévothyroxine 150 g par jour. En janvier 2018, elle présente un arrêt cardiorespiratoire avec fibrillation ventriculaire puis auriculaire motivant l'instauration de l'amiodarone 200 mg par jour après échec de choc électrique externe. Par ailleurs, elle est traitée au long cours par bisoprolol 1,25 mg par jour, apixaban 5 mg par jour, chlorure de potassium 600 mg, 2 par jour, alfacalcidol, pantoprazole 40 mg par jour et paroxétine 20 mg par jour. En avril 2020, devant une asthénie et une altération de l'état général associée à des épisodes de diarrhée sans fièvre, évoluant depuis 2 semaines, elle est adressée aux urgences gériatriques, une dyspnée d'apparition progressive avec désaturation est constatée. Par ailleurs, la patiente est somnolente et confuse depuis 48 h. Sur le plan respiratoire, on retrouve un murmure bilatéral et symétrique, une tachypnée à 26 par min, une dyspnée NYHA3 sans signe de toux. Le scanner thoracique retrouve des lésions bilatérales en verre dépoli en plage avec réticulation intralobulaire compatible avec la COVID-19 et le compte rendu d'hospitalisation conclut à l'absence de diagnostic différentiel (autre type de pneumopathie infectieuse, épanchement pleural, nodule pulmonaire, épanchement péricardique, anomalie du parenchyme pulmonaire sous-jacent, absence d'hypertrophie ganglionnaire médiastinale et de lésion osseuse évolutive). Il n'y a pas eu de recherche de mycobactérie ou autres infections bactériennes ou parasitaires. Devant la dyspnée dans un contexte de pandémie au SRAS-CoV2 et au vu de la situation épidémiologique en France, l'hypothèse d'une pneumopathie type COVID-19 avec atteinte modérée est posée malgré le retour d'une première RT-PCR nasopharyngée négative [3] . Devant la dégradation récente Deux mois après sa sortie, devant la persistance de la pneumopathie avec persistance de la dyspnée, elle est adressée en consultation pneumologique. En reprenant les antécédents de la patiente avec et, en particulier un scanner de 2019 et un cliché thoracique simple réalisé en février 2020, on retrouve des lésions identiques à celles constatées récemment : lésions interstitielles plutôt mixte avec verre dépoli en plage de réticulations, lésions étendues à quatre lobes avec des lésions interstitielles mixtes. L'argument en faveur d'une pneumopathie infectieuse ou à COVID 19 est alors écartée et l'hypothèse iatrogène d'une pneumopathie à l'amiodarone est alors retenue. L'arrêt de l'amiodarone est alors conseillé avec réalisation d'un scanner à distance. Le suivi de la patiente fin octobre 2020 révèle une amélioration clinique sur le plan respiratoire. Il n'y a pas eu d'évènements particuliers dans cet intervalle de temps type hospitalisation ou consultation. Un scanner était prescrit en janvier 2021. La patiente a été revue en consultation le 4 février 2021 où on constate une diminution significative des râles crépitants bilatéraux et une amélioration de l'état général depuis la consultation du mois d'octobre. Pour des raisons logistiques, le scanner prévu n'a pas pu être réalisé et compte tenu de l'amélioration clinique, la patiente n'a pas souhaité refaire l'examen. L'amiodarone est un anti-arythmique de classe III indiqué dans le traitement de la fibrillation auriculaire dont les effets indésirables pulmonaires sont connus et bien décrits atteignant environ 5 % des patients exposés avec un caractère de gravité du fait du risque de mortalité liée à une fibrose irréversible [4, 5] . Du fait de sa lipophilie et son affinité pour le tissu adipeux et sa longue demi-vie, la régression de l'effet indésirable nécessite aussi un certain délai (1 à 3 mois) avec une évolution lente. La pneumopathie liée à l'amiodarone se développe en moyenne dans la première année de traitement, mais peut apparaître aussi après plusieurs années de traitement. Dans un tiers des cas, la pneumopathie à l'amiodarone se manifeste par une dyspnée qui s'installe sur plusieurs semaines, une toux sèche, des douleurs de type pleural. La radiographie de thorax montre des images alvéolaires, interstitielles ou mixtes, le plus souvent asymétriques. Dans les deux autres tiers, la radiographie montre alors des opacités bilatérales en mottes ou plus diffuses, denses, prédominant parfois dans les bases, le plus souvent sous-pleurales [6] . L'hypothèse d'une pneumopathie à l'amiodarone aurait possiblement été en dehors du contexte de la pandémie COVID-19. Néanmoins, malgré 5 tests à la COVID-19 négatifs, à aucun moment durant l'hospitalisation, cette étiologie n'a été évoquée. Ceci peut être lié d'une part, à la similitude des tableaux cliniques et radiologiques des deux types de pneumopathie et d'autre part, à la pression médico-sociale de cette pandémie dans le contexte du printemps 2020 ainsi que le terrain de la patiente avec l'âge et des facteurs de risque cardiovasculaires pouvant évoluer vers une COVID grave. Par rapport à l'évolution de l'effet indésirable à l'arrêt de l'amiodarone, on constate une amélioration clinique du patient après un recul de quelque mois mais malheureusement on ne dispose pas d'imagerie récente pour mieux objectiver la régression. L'amélioration clinique fut convaincante pour le pneumologue pour confirmer l'étiologie médicamenteuse. Par rapport à l'évolution des pneumopathies liées à la COVID, les données restent encore parcellaires. Chez certains patients, le scanner thoracique de suivi montre la régression des lésions aiguës (plages en verre dépoli, foyers de condensation alvéolaire. . .) et l'apparition progressive, sur quelques semaines, de lésions de fibrose plus ou moins étendues avec des facteurs favorisant comme l'âge, la sévérité de la maladie, le tabagisme, la durée de séjour en réanimation, alcoolisme chronique [7] . À notre connaissance, aucune étude histologique suffisamment complète n'a été publiée permettant de comparer cette fibrose post-Covid-19 avec la fibrose pulmonaire idiopathique ou d'autres maladies pulmonaires fibrosantes. Le non-diagnostic de la pneumopathie à l'amiodarone chez cette patiente a entraîné des examens complémentaires avec une dégradation clinique de la patiente nécessitant une longue hospitalisation, passage au SSR et une nouvelle consultation médicale. Nombreuses études montrent l'impact clinique et économique des effets indésirables pouvant être associés à des réhospitalisations et des surcoûts théoriques qui en découlent [8, 9] . Le sous diagnostic de l'effet indésirable ne peut qu'aggraver les effets défavorables sur le plan clinique et économique. Néanmoins, nous n'avons pas trouvé d'études évaluant spécifiquement les impacts médicaux et/ou économiques d'un sous diagnostic de l'iatrogénie médicamenteuse. En conclusion, malgré le contexte exceptionnel de la pandémie, il est utile de garder le réflexe iatrogène, à la fois pour un meilleur pronostic du patient et pour minimiser les coûts inutiles d'explorations ou d'hospitalisation. Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d'intérêts. Mélanie Vasseur a , Marine Tambon a , Mireille Gony a , Nicolas Lebrun b , Haleh Bagheri a, * Dépistage et diagnostic dans le cadre de la Covid -19 Haute Autorité de santé Coronarovirus : qui sont les personnes fragiles ? Base de données publique des médicaments. RCP Cordarone. Cordarone 200 mg, comprimés sécables Amiodarone: review of pulmonary effects and toxicity Amiodaroneinduced pulmonary toxicity-a frequently missed complication Complications respiratoires des medicaments cardiovasculaires Pulmonary fibrosis in COVID-19 survivors: predictive factorsand risk reduction strategies Hospital re-admission associated with adverse drug reactions in patients over the age of 65 years The economic burden of preventable adverse drug reactions: a systematic review of observational studies