key: cord-0913155-tci7gctr authors: de Crespin de Billy, Clément; Cazals, Cyril; Boucher, Pascale; Guingand, Pascal title: Le syndrome de Morpheus : symptômes psychotiques chez une série de cas de patients atteints de la COVID-19 date: 2022-01-14 journal: Ann Med Psychol (Paris) DOI: 10.1016/j.amp.2022.01.003 sha: 04f0aaea6a219445a9c94e5313a1195ea7770864 doc_id: 913155 cord_uid: tci7gctr During the first wave of the COVID-19 epidemic, the Colmar hospital was at the epicenter of the pandemic in France because of a religious gathering that caused a wave of contamination. In order to face the growing wave of admissions in intensive care, the state in partnership with the army set up the operation MORPHEE aiming at transferring intubated patients to other hospitals. On their return to Alsace, the inter-service liaison psychiatry team was called upon for several of them who presented psychotic disorders on waking up, even though they had no previous psychiatric history, and who had resolved spontaneously. These pictures do not correspond to the delirious pictures usually observed in the ICU, such as “reanimatory black-holes” or “near-death-experience”. No iatrogenic origin was found and the imaging examinations do not allow to explain this picture; therefore, we cannot exclude that this picture could be a neurological manifestation of COVID-19. The disorder appeared to be spontaneously resolving, so we would urge caution about a drug approach to this problem. En 2020, pour faire face au manque de place dans les services de ré animation du fait de la pandé mie au COVID-19, les É tats europé ens organisent un dispositif de transferts de patients intubé s vers les hôpitaux de pays ou ré gion moins touché s par l'é pidé mie. L'opé ration Morphé e (MOdule de Ré animation pour Patient à Haute É longation d'É vacuation) a permis d'é vacuer 644 patients intubé s entre le 18 mars et le 10 avril (Tableau 1). Dans le Grand-Est, le plan Morphé e a couvert 324 patients qui ont é té transfé ré s. À leur retour en Alsace, certains de ces patients Lors de la premiè re vague de l'é pidé mie à COVID-19, le centre hospitalier de Colmar s'est retrouvé à l'é picentre de la pandé mie du fait d'un rassemblement religieux qui avait provoqué une vague de contamination. Pour faire face à la vague grandissante d'admission en ré animation, l'É tat, en partenariat avec l'armé e, a mis un point l'opé ration MORPHEE visant à transfé rer dans d'autres hôpitaux des patients intubé s. À leur retour en Alsace, l'é quipe de psychiatrie de liaison interservices est sollicité e pour plusieurs d'entre eux qui, bien que vierges d'anté cé dents psychiatriques, ont pré senté à leur ré veil des tableaux psychotiques qui ont é té spontané ment ré solutifs. Ces tableaux ne correspondent pas aux tableaux dé lirants habituellement observé s en ré animation comme les « trou ré a » ou les « near-deathexperience », il n'a é té retrouvé aucune origine iatrogè ne et les examens d'imagerie ne permettent pas d'expliquer ce tableau ; dè s lors, on ne peut exclure que ce tableau pourrait être des manifestations neurologiques de COVID-19. Le trouble semblant être spontané ment ré solutif, nous invitons donc à la prudence quant à une approche mé dicamenteuse face à ce problè me. C 2022 Elsevier Masson SAS. Tous droits ré servé s. During the first wave of the COVID-19 epidemic, the Colmar hospital was at the epicenter of the pandemic in France because of a religious gathering that caused a wave of contamination. In order to face the growing wave of admissions in intensive care, the state in partnership with the army set up the operation MORPHEE aiming at transferring intubated patients to other hospitals. On their return to Alsace, the inter-service liaison psychiatry team was called upon for several of them who presented psychotic disorders on waking up, even though they had no previous psychiatric history, and who had resolved spontaneously. These pictures do not correspond to the delirious pictures usually observed in the ICU, such as ''reanimatory black-holes'' or ''near-death-experience''. No iatrogenic origin was found and the imaging examinations do not allow to explain this picture; therefore, we cannot exclude that this picture could be a neurological manifestation of COVID-19. The disorder appeared to be spontaneously resolving, so we would urge caution about a drug approach to this problem. C 2022 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. ont pu té moigner de leur vé cu de la prise en charge. Ils ont é té immé diatement contacté s par l'é quipe de psychiatrie de liaison inter-service qui, avec l'aide des professionnels de la thé rapie familiale, a organisé un groupe de parole pour les patients concerné s par l'opé ration [1] . Chez un bon nombre d'entre eux, un tableau clinique psychiatrique trè s particulier é merge, justifiant une é valuation aprè s leur retour en Alsace. Ce tableau se distingue entre autres des tableaux psychiatriques post-ré animation de par ses caracté ristiques cliniques de patients vierges de tout antécé dent psychiatrique connu. Plusieurs é lé ments de contexte ont rendu la prise en charge de ces patients iné dite : Une amné sie totale du transfert avec un ré veil dans une autre ville ou un autre pays ; Une prise de contact avec une é quipe parlant une langue é trangè re ; É loignement de la famille et perte de tout repè re spatial ou temporel. Le tableau clinique de ces patients regroupait : Des cauchemars traumatisants, autour du thè me de la mort et de la mutilation du corps, souvent redondants plusieurs nuits de suite ; Souvent un tableau dé lirant, avec un mé canisme imaginatif ou interpré tatif, sur le thè me de persé cution, avec une participation affective intense et une adhé sion totale du patient. Cet é tat persiste plusieurs jours aprè s le ré veil, et cè de le plus souvent grâce à l'intervention des proches pour la ré assurance ou, plus rarement, grâce à la ré assurance de l'é quipe soignante ; Dé sorientation temporospatiale persistante sur plusieurs jours, avec amné sie des é vé nements pré cé dant leur prise en charge. Ce tableau clinique ne correspond pas au syndrome de stress post-traumatique classique : aucune reviviscence diurne ou nocturne n'est constaté e (la plupart des patients ne se souviennent pas d'avoir é té à l'hôpital ou en service de ré animation) et on ne signale que trè s rarement un tableau d'hypervigilance qui, lorsqu'il est constaté , est le plus souvent secondaire à un tableau dé lirant. Le tableau clinique ne correspond pas non plus à un syndrome de « trou-ré a » [2] qui correspond plus à un sentiment de vide psychique avec un contenu é motionnel autour de la pé riode en ré animation, où des é lé ments confuso-oniriques sont possible en lien avec ce que le patient perçoit autour de lui (une potence de perfusion transformé e en crochet de boucher par exemple). Enfin, il faut le distinguer des Near-Death-Experiences [3] qui sont en gé né ral composé es de reviviscences de souvenirs (pas né cessairement lié s au traumatisme) ou de sensations de « sortie du corps » provoqué es par un sentiment de mort imminente ou rapporté es par des sujets dont le pronostic vital a é té sé vè rement engagé . La plupart des patients du groupe Morphé e n'é taient pas conscients que leur vie soit menacé e. Plusieurs hypothè ses pourraient être soulevé es quant à l'origine de ce tableau : Face à l'afflux de patients en soins intensifs, une alerte a é té lancé e concernant une rupture de stock imminente de mé dicaments hypnotiques, forçant ainsi certains services à utiliser d'autres mé dicaments pour remplacer, par exemple, le midazolam. Ce tableau clinique pourrait-il être imputé à un effet secondaire d'un de ces mé dicaments ? Cela semble peu probable car la plupart des patients de l'opé ration Morphé e ont é té envoyé s dans des centres où le nombre de cas COVID-19 é tait trè s faible. Ces centres n'avaient pas é té menacé s par une pé nurie d'hypnotiques. Les prises en charges ré animatoires lié es au COVID-19 semblaient plus intensives que la prise en charge ré animatoire moyenne [2] , avec une duré e de coma d'environ 14 jours et un recours fré quent à la traché otomie. Ce tableau pourrait-il être la consé quence d'un coma prolongé [4] ? Dé tail des transports effectué s pendant l'opé ration MORPHÉ E. Les patients atteints de COVID-19 semblaient pré senter un risque accru d'accident thrombotique, notamment au niveau pulmonaire [5] . Ces tableaux cliniques pourraient-ils être la consé quence de plusieurs micro-AVC ? Cette hypothè se est d'autant plus probable que ces patients semblent pré senter des troubles cognitifs à leur ré veil en ré animation [3, 6] . Enfin, le virus du COVID-19 s'est dé marqué trè s tôt par son tropisme pour les tissus nerveux, provoquant ainsi des troubles olfactifs ou des dysgueusies [7] . Ainsi, ce tableau pourrait é galement être la consé quence d'une atteinte neurologique virale, même s'il n'a à notre connaissance pas é té observé chez d'autres patients atteints de COVID-19 et qui n'ont pas é té en ré animation. Le tableau dé lirant pré senté par les patients interpelle par sa nature. Il ne ressemble que trè s peu au dé lire d'un patient schizophrè ne. En effet, le tableau des patients du dispositif Morphé e est plus marqué par des confabulations, notamment autour du vé cu ré cent. Il s'accompagne fré quemment d'un vé ritable tableau dé lirant, souvent persé cutif, avec une adhé sion totale, mais ces convictions dé lirantes s'effondrent lorsque le patient retrouve le contact avec une personne de confiance. Une origine né vrotique de ce tableau peut s'é voquer devant la ré solution aprè s discussion avec un proche, mais peu d'arguments permettent d'é tayer cette hypothè se. Les patients ne souffraient pas d'un trouble de la personnalité . Le vé cu traumatisant n'a pas clairement é té identifié chez les patients é vacué s. Vu la forte pré valence d'asthé nie, de dyspné e ou de trouble de la vigilance chez ces patients, les ré animateurs n'ont pas introduit de traitement antipsychotique de peur qu'il ait un effet sé datif, effet jugé trop dangereux compte tenu de l'é tat clinique des personnes concerné es. Il n'a donc pas é té possible d'observer la ré sistance potentielle de ce tableau dé lirant à un traitement mé dicamenteux adé quat. Toutefois, é tant donné la duré e brè ve du tableau et le dé lai pour l'efficacité des traitements antipsychotiques, il est probable qu'une ré mission des idé es dé lirantes aurait é té attribué e à tort à un traitement mé dicamenteux. Il serait alors prudent à l'avenir, face à ce type de tableau, de ré server la solution mé dicamenteuse aux seuls patients ayant un tableau de plus de sept jours et qui ne cè de pas aprè s un contact avec un proche. Les auteurs n'ont bé né ficié d'aucune source de financement exté rieure pour la ré daction du manuscrit. Les auteurs dé clarent ne pas avoir de liens d'inté rêts. Des rêves noirs aprè s des semaines de ré animation Les Derniè res Nouvelles d'Alsace Covid-19 in Critically Ill Patients in the Seattle Region -Case Series Ré animation et coma: soin psychique et vé cu du patient É valuation des consé quences psychologiques d'un sé jour en ré animation Acute Pulmonary Embolism Associated with COVID-19 Pneumonia Detected by Pulmonary CT Angiography Neurologic Features in Severe SARS-CoV-2 Infection