key: cord-0908468-ubow21yt authors: Denegri, Simon; Starling, Bella title: COVID-19 et participation des patients à la recherche médicale: qu’avons-nous appris? date: 2021-08-09 journal: CMAJ DOI: 10.1503/cmaj.210998-f sha: 1b0dfefe6f897177088cbf15dc276cc3c49b976a doc_id: 908468 cord_uid: ubow21yt nan JAMC | 9 AOÛT, 2021 | VOLUME 193 | NUMÉRO 31 E1231 E n cette ère de pandémie de COVID-19, le moment est particulièrement bien choisi pour analyser les récents développements en matière de participation des patients à la recherche. La science est actuellement à l'avantplan dans l'esprit des gens, et les progrès de la recherche médicale sont suivis comme jamais. Les obstacles à la participation par voie numérique, qui semblaient hier encore insurmontables, sont à présent de simples dos d'âne. L'engouement pour la participation aux essais cliniques a propulsé la recherche sur la COVID-19, permettant notamment la mise au point de vaccins à une vitesse record; c'est un rappel important de la capacité humaine à s'investir dans la recherche pour le bien commun 1 . La pandémie a par contre également mis en lumière la distance qu'il reste à franchir pour que le principe « rien pour nous sans nous » dépasse le cadre théorique lorsqu'il est question de prise de décisions en santé et en recherche 2 . Les communautés racisées et les groupes marginalisés ont subi de manière disproportionnée des effets négatifs sur leur santé et leur bien-être durant la pandémie, après des années de négligence par les systèmes de santé 3 , et certains ont dénoncé une incapacité flagrante à coproduire des stratégies anti-COVID-19 adaptées à ces populations 4 . Au cours des dernières années, la mobilisation des patients a pris une place de plus en plus grande dans les programmes de plusieurs systèmes de santé et de recherche nationaux. La participation des patients et du public à la recherche est devenue un mouvement mondial : les projets d'engagement communautaire lancés dans l'hémisphère sud sont de plus en plus solides 5 , et certains autres pays, comme le Royaume-Uni, le Canada et l'Irlande, vont même jusqu'à établir une infrastructure financée à même les fonds publics pour en appuyer le développement. En 2019, plus de 250 organisations et particuliers -de l'Australie au Zimbabwe -se sont joints au tout premier réseau international d'appui à la participation des patients à la recherche 6 . L'activisme persistant et constructif des défenseurs des intérêts des patients, éloquents et bien informés, a abouti à une reconnaissance généralisée de l'importance de la mobilisation des patients pour faire face aux défis sanitaires actuels et futurs, même si l'action concrète tarde encore un peu. Toutefois, comme le notent Biddle et ses collègues « la mobilisation des patients et du public est très inégale et n'est pas encore solidement ancrée ni adéquatement officialisée dans les systèmes de santé et la recherche médicale en Europe, possiblement par manque d'infrastructures, d'orientation et de soutien » 7 . La précarité de la participation des patients à la recherche, même dans les régions du globe où elle est le mieux établie, a été particulièrement évidente au tout début de la pandémie de COVID-19, lorsque les chercheurs se sont empressés d'adopter des solutions de facilité en mettant fin aux initiatives de participation des patients, excluant du coup leur point de vue de la recherche. Selon une étude de la Health Research Authority du Royaume-Uni, en mars 2020, le mois où le confinement a débuté dans ce pays, la proportion des études auxquelles des patients participaient est passée de 80 % à 22 % 8 . Interrogés sur ce phénomène, de nombreux chercheurs ont répondu que l'urgence du contexte les avait convaincus de mettre de côté leur structure de participation habituelle des patients aux étapes de conception, d'exécution Simon Denegri BA, Bella Starling PhD • La pandémie mondiale de COVID-19 a mis en évidence à la fois la fragilité de cette mobilisation et les développements novateurs dans ce domaine. • L'utilisation accrue des technologies numériques par les groupes de patients et le public a aboli certains obstacles de longue date à leur participation, tels que la distance, les problèmes d'accessibilité et les coûts, et a permis de nouveaux types de collaborations. • La communauté scientifique, y compris les patients, doit miser sur les leçons apprises durant la pandémie de COVID-19 pour consolider les bases de la participation des patients à la recherche et à l'élaboration de politiques. et d'évaluation, une décision fondée sur une évaluation fautive de la capacité réelle et de la volonté de participer des groupes de patients. À un moment où la science occupait une place de choix dans les conversations de tous les jours et où la coopération du public était essentielle au succès de la lutte contre la pandémie, les autorités ont manqué une occasion en or de concevoir des politiques efficaces en incitant activement le public à s'impliquer dans la prise de décisions sur les stratégies de lutte contre la pandémie. Après tout, puisqu'on sait que la confiance à l'endroit des chercheurs est particulièrement importante lorsqu'on cherche à convaincre le public d'adapter ses comportements pour réduire le risque de transmission 9 , quelle meilleure façon de gagner la confiance du public que l'inviter à participer aux décisions? La pandémie a aussi offert de nouvelles occasions de mobiliser les patients et d'acquérir des connaissances à cet égard. Tout comme les instances de réglementation ont fait preuve d'agilité en approuvant rapidement les études urgentes, les groupes de mobilisation du public ont relevé avec brio le défi de travailler rapidement et efficacement. Par exemple, après avoir observé le déclin dramatique mentionné plus haut du nombre de patients partenaires, la Health Research Authority du Royaume-Uni a mis sur pied un service national de « jumelage » rapide et novateur pour mettre en contact les chercheurs et les patients et citoyens intéressés à conclure des partenariats. La plupart des chercheurs qui ont utilisé le service en étaient à leur première collaboration avec les patients et le public. De nombreux groupes de mobilisation des patients ont aussi fait preuve d'une excellente capacité à surmonter les défis du confinement pour continuer à collaborer avec leurs partenaires de recherche. Enfin, il convient de souligner que la définition et l'étude du syndrome post-COVID (ou COVID long) n'auraient jamais pu se faire sans l'activisme des patients 10 . Mais le développement le plus important est probablement l'utilisation accrue des plateformes numériques, qui a aboli plusieurs obstacles traditionnels à la participation des patients et du public, comme la distance, l'accessibilité et les coûts, tout en facilitant comme jamais auparavant le dialogue avec des interlocuteurs de partout dans le monde. Le passage au télétravail et aux communications numériques a beau avoir été imposé par la situation, ce nouveau paradigme a énormément contribué à la mobilisation des patients; il faudra toutefois continuer d'explorer d'autres façons de rejoindre les personnes exclues de l'univers numérique. Un bon exemple de connexion virtuelle est la série Planet Divoc-91, qui a réuni des jeunes, des chercheurs, des artistes, des graphistes et des méthodologistes de la mobilisation des patients provenant du R.-U., de l'Inde et de l'Afrique du Sud pour créer un roman graphique 11 . Ce médium créatif a intégré la voix des jeunes à l'établissement des priorités et à la conception de modèles de recherche sur la COVID-19, en plus de sensibiliser cette population au fait que la mobilisation des patients a une valeur intrinsèque. Grâce au partage des expériences et des connaissances, la compréhension des conséquences de la pandémie pour chacun s'est améliorée. Le projet rappelle toutefois un autre élément de la mobilisation des patients liée à la COVID-19 : la nécessité de financer des « espaces, et non simplement des projets, où les gens ordinaires peuvent se réunir, rêver, créer et développer leur in fluence » 12 . Comme le dit Sanda (personnage du roman graphique) : « Nous faisons tous partie du savoir… Champo et moi sommes différents, et c'est ce qui fait de nous une bonne équipe. Je n'ai besoin de la permission de personne pour être moi-même, sans réserve 11 . » La pandémie de COVID-19 a fait mieux connaître la valeur de la mobilisation des patients et mis en évidence l'importance de diversifier les voix qui s'expriment dans cette sphère. En outre, elle a donné naissance à de nouvelles méthodes et approches pour abolir certains obstacles tenaces, mettre en valeur une définition différente et complémentaire du leadership et assurer la participation du public à la gouvernance. L'expérience de la COVID-19 devrait mener à une prise de conscience pour tous les partenaires de la recherche (organismes subventionnaires, gouvernements, établissements, chercheurs, patients et autres) : nous devrons intensifier cette collaboration à plus long terme afin de mettre en place les ressources nécessaires pour ancrer plus solidement la mobilisation des patients à l'avenir. La COVID-19 aurait pu être à l'origine d'une crise de la mobilisation des patients; à nous de veiller à ce que les précieuses leçons qu'elle nous a apprises ne soient pas oubliées. Collaborateurs : Les deux auteurs ont substantiellement contribué à la conception du travail, ont rédigé le manuscrit et en ont révisé de façon critique le contenu intellectuel important; ils ont donné leur approbation finale pour la version destinée à être publiée et assument l'entière responsabilité de tous les aspects du travail. Propriété intellectuelle du contenu : Il s'agit d'un article en libre accès distribué conformément aux modalités de la licence Creative Commons Attribution (CC BY-NC-ND 4.0), qui permet l'utilisation, la diffusion et la reproduction dans tout médium à la condition que la publication originale soit adéquatement citée, que l'utilisation se fasse à des fins non commerciales (c.-à-d., recherche ou éducation) et qu'aucune modification ni adaptation n'y soit apportée. Voir : https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/deed.fr. Correspondance : Simon Denegri, Simon.Denegri@acmedsci.ac.uk Case study: the UK's flagship COVID-19 treatment trial -the RECOVERY trial COVID-19: public and patient involvement, now more than ever How inequalities are affecting the response to COVID-19 University of Manchester Co-production: working together for a fairer future Effective engagement and involvement with community stakeholders in the co-production of global health research An international network on public involvement in health and social care research. The Cochrane Consumer Network Attitudes and approaches to patient and public involvement across Europe: a systematic review Public involvement in a pandemic: lessons from the UK COVID-19 public involvement matching service. London (UK) National Health Service, Health Research Authority Trust predicts COVID-19 prescribed and discretionary behavioral intentions in 23 countries How and why patients made Long Covid Manchester (UK): University of Manchester