key: cord-0903380-putv1b6d authors: Mrozovski, Jean-Michel title: Tirer les leçons de la pandémie pour une nouvelle pratique officinale date: 2020-10-20 journal: Actual Pharm DOI: 10.1016/j.actpha.2020.08.010 sha: b52be1d2a2c8e089f1a1d9bfd84f257f53fd1c04 doc_id: 903380 cord_uid: putv1b6d The COVID-19 pandemic will long be remembered as a staggering period, a reminder of our fragility, both in health and economic terms. Pharmacists have been at the forefront of patient management. This health crisis has demonstrated that our healthcare system can be improved. L a pandémie de Covid-19 n'est pas la première qui s'abat sur nous. Au siècle précédent, l'Europe a eu à subir au moins trois épisodes de ce type, conséquences de la circulation de nouveaux virus contre lesquels les populations n'étaient pas immunisées, qui ont entraîné un nombre de décès qui nous paraît aujourd'hui inimaginable [1, 2] . La grippe espagnole (1918-1919) a tué près de 50 millions de personnes, soit 1 à 3 % de la population mondiale. Les deux épidémies suivantes (grippe asiatique en 1957 et de Hong Kong entre 1968 et 1970) ont atteint un taux de létalité de l'ordre de 0,4 %, provoquant entre 1 et 4 millions de morts. Il est étonnant que la mémoire collective n'ait retenu que la grippe espagnole qui, après être apparue au Mexique, est arrivée en Europe dans les bagages des soldats américains lors de la Première Guerre mondiale, comme si la surmortalité du temps de Mai 1968 était socialement acceptable, alors qu'en France, 31 000 personnes sont décédées en moins d'un mois. Heureusement pour la population française, la contagion s'est arrêtée d'elle-même. ✦ La politique de soins doit évoluer pour s'adapter à la vie "d'après". Les comptes de l'Assurance maladie resteront durablement dans le rouge pour reconstruire un système de santé dont les orien tations doivent changer. L'innovation thérapeutique destinée à prolonger la durée de vie d'un petit nombre de patients sera mise en balance avec la gestion plus prosaïque des conséquences de la pandémie. ✦ Certains services hospitaliers nécessaires à la santé publique ne pourront plus, demain, être les parents pauvres de la répartition des ressources. Depuis plusieurs années, les médecins choisissent préfé rentiellement les filières de l'ophtalmo logie et des chirurgies rapides sans complications, encou ragés par une tarification à l'activité attractive ; l'objectif étant de réaliser des actes économi quement rentables. Les pouvoirs publics auront à l'avenir à réorga niser l'offre de soins vers les filières les plus utiles à la collectivité. ✦ La médecine de ville devra suivre le même chemin en assurant non plus une gestion de flux, parfois inefficace, mais une qualification des parcours de soins plus efficiente. La majorité des moyens nécessaires à cette transformation existe d'ores et déjà. Les équipes de soins, les maisons de santé et les communautés professionnelles territoriales de santé seront certainement les pierres angulaires de cette transformation des pratiques et, peut-être, des comportements. Les pharmaciens ont bien évidemment un rôle majeur à jouer dans cette version plus collective de la santé. ✦ Avec cette nouvelle offre de soins , les patients seront reconnus massivement comme des interlocuteurs actifs. Pour cela, les professionnels de santé doivent mieux les écouter. Covid-19, faire face à une crise sanitaire inédite dossier s'attachent à protéger leur population. Hier, la recherche et les laboratoires de haute technologie proposaient des traitements à des prix inédits, aujourd'hui, les achats de masques se comptent en milliards d'euros. ✦ Avant l'épidémie de Covid-19, il était inima ginable que l'équipe officinale porte des masques et ait un recours régulier au lavage des mains. Aujourd'hui, chaque titulaire est pleinement conscient du risque infectieux. Combien de morts aurions-nous pu éviter en période d'épidémie de grippe en généralisant ces gestes barrière ? ✦ La pandémie a relégué les traitements chroniques loin dans l'ordre des priorités. La crainte d'une mort immédiate est entrée en collision avec l'annonce d'une morbidité statistique, donc virtuelle, au risque que les patients oublient que fragilité rime avec maladie chronique. ✦ Le confinement a révélé ce que beaucoup de pharmaciens pressentaient : l'accroissement du risque d'usage inadéquat des médicaments par les personnes fragiles ne pouvant ou ne devant pas se déplacer. Le vieillissement de la population et son corollaire, la dépendance, sont en effet une réalité à prendre en compte. Selon les estimations, 10,1 % des personnes âgées de 60 ans ou plus vivant chez elles sont en perte d'autonomie [3] (1 459 000 personnes) et 90 % des plus de 70 ans vivraient encore à leur domicile et fréquemment seuls. ✦ La pandémie a donc mis en relief deux problématiques de santé publique : • celle de la continuité des soins et du suivi des traitements pour une population empêchée de se déplacer en officine ; • celle de la caractérisation de la fragilité. ✦ Malgré la prise de décision, rapide au début du confinement, de renouveler les traitements pour un mois supplémentaire , les patients se sont trouvés devant un choix complexe : sortir de chez eux pour faire renouveler leurs ordonnances par leur médecin traitant ou devenir, de fait, inobservants. Selon une enquête de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques d'avril 2020, pour les 90 % de médecins alors en exercice, le volume horaire déclaré a diminué, entraînant une baisse du temps de travail moyen estimée entre 13 % et 24 % [4] . ✦ La situation a rendu plus complexe le strict suivi des traitements tant les jours se ressemblaient pour les personnes souffrant d'une pathologie chronique en temps de confinement. Or, l'oubli favorise les surdosages (double prise pour rattraper…) ou l'inob servance. Par ailleurs, les suivis biologiques, d'autant plus nécessaires, ont été rendu difficiles par la variation des régimes alimentaires et la sédentarité. La prise de poids inhérente à la baisse des activités de plein air a représenté un surrisque dans un grand nombre de patho logies. Enfin, le déficit de relations sociales et affectives a entraîné des troubles de l'humeur et des pertes de repères, aux conséquences néfastes. ✦ Bien que la proportion des personnes fragiles et dépendantes s'accroisse avec l'âge, il est aberrant de conclure que l'âge est le seul critère de la fragilité. La crise sanitaire a sans doute rendu fragiles des personnes qui, en dehors de ce contexte, auraient conservé leur pleine autonomie. Il est d'ailleurs tout à fait possible que le travail des aidants ait été majoré ou rendu plus difficile. Il est pourtant une question qu'il est aujourd'hui nécessaire de se poser : comment pouvons-nous caracté riser le plus précisément possible la fragilité ? Y répondre nous permettrait de prioriser notre intervention, ne serait-ce que pour la rendre efficace. ✦ Le pharmacien est un acteur de soins de pointe dans la détection des signes de fragilité. Des tests comme celui de Linda P. Fried peuvent l'aider dans cette démarche ( tableau 1 ) [5] . La perte de poids est aussi un critère d'importance dans la définition de la fragilité. En outre, la survenue d'une inobservance signe fréquemment un risque de décompensation chez une personne vulnérable et ce, quel que soit l'âge. ✦ Assurer la continuité des soins , plus particulièrement des personnes qui ne peuvent pas se déplacer, n'est certainement pas chose aisée. Cela nécessite de récupérer des informations pertinentes et de documenter le suivi de chacun des patients à risque. Covid-19, faire face à une crise sanitaire inédite dossier ✦ Cette nouvelle pratique de dispensation à distance bénéficie déjà de ses outils. La livraison à domicile, la préparation des doses à administrer ou la téléconsultation en font certainement partie. Il faut tout de même ajouter les valeurs de la pertinence et de la faisabilité. La collecte d'informations utiles est le seul moyen efficace de proposer une dispensation à distance à la bonne personne et au bon moment. ✦ La première question à se poser est de s'assurer qu'il est possible de communiquer facilement avec le patient et, si nécessaire avec son aidant. L'action initiale consiste en l'établissement d'une liste de personnes à risque, comme celles qui n'ont pas renouvelé leur traitement. Les prises de contact nécessaires se feront en fonction des critères de priorisation déterminés et du "temps compétence" disponible, c'està-dire du niveau de connaissance et de pratique que l'on souhaite attribuer à des demandes spécifiques. Les personnes les plus fragiles pourront ainsi être systématiquement appelées par téléphone. Il est aussi possible d'imaginer de généraliser cette approche à une cible plus importante en envoyant un questionnaire par courriel. • Les pharmaciens ont un rôle majeur à jouer dans une nouvelle offre de soins favorisant des parcours de soins plus effi cients. • Le paradigme d'une politique de santé uniquement orientée vers les pathologies chroniques a montré ses limites. • La pandémie met en relief des problématiques de santé publique : celle de la continuité des soins et du suivi des traitements pour une population empêchée de se déplacer en offi cine ; celle de la caractérisation de la fragilité. • La délivrance à domicile est un bon moyen d'apporter des médicaments à des personnes qui ne peuvent se rendre à l'offi cine, d'autant plus si les livreurs sont formés à l'approche patient. • La dispensation à distance nécessite de récupérer les adresses électroniques ou de faciliter le contact téléphonique, de recueillir les réponses à un autoquestionnaire ou encore de favoriser la pratique de la visioconférence entre le patient et son pharmacien. Déclaration de liens d'intérêts L'auteur déclare ne pas avoir de liens d'intérêts. Épidémiologie des pandémies grippales Les personnes âgées dépendantes vivant à domicile en 2015. Premiers résultats de l'enquête CARE "ménages Comment les médecins généralistes ont-ils exercé leur activité pendant le confi nement lié au Covid-19 ? Le syndrome de fragilité