key: cord-0898634-55cq50h2 authors: Freynet, Anne; Decloedt, Carole; Dominguez-Sanz, Sergio; Grandet, Pierre title: Décision kinésithérapique: Alexandre L. 57 ans: Kinésithérapie et Covid-19 en réanimation, de la phase aiguë à la réhabilitation date: 2020-05-11 journal: nan DOI: 10.1016/j.kine.2020.05.009 sha: ecb889ee02dbc6254c2bb7fcc87ea6dd18a1acd1 doc_id: 898634 cord_uid: 55cq50h2 Résumé Un homme de 57 ans est hospitalisé en réanimation pour un syndrome de détresse respiratoire aigüe (SDRA) lié à une infection à Covid-19. Après une première phase au cours de laquelle le patient est sédaté et curarisé, la kinésithérapie consiste à mobiliser passivement le patient, à participer au décubitus ventral; la kinésithérapie respiratoire n’étant pas forcément nécessaire. Dans un second temps, l’extubation est possible et plusieurs aspects sont développés : la kinésithérapie respiratoire, l’oxygénation, la déglutition et surtout la réhabilitation. Cependant, des atteintes du parenchyme pulmonaire abaissent de façon importante la saturation en oxygène au cours des exercices. L’oxygénation à haut débit et/ou la ventilation non-invasive (VNI) permettent d’optimiser la réhabilitation chez ce patient avec une réserve respiratoire encore précaire. Indice de factualité (i-FACT): 3.2 Abstract A 57-year-old man is hospitalized in intensive care for an acute respiratory distress syndrome related to a Covid-19 infection. After a first phase during which the patient is sedated and nerve-blocked, physiotherapy consists in passively mobilizing the patient, participating in the prone position, respiratory physiotherapy is not necessary. In a second step, extubation is possible and several aspects are developed: respiratory physiotherapy, oxygenation, swallowing and rehabilitation. However, damage to the lung significantly decreases oxygen saturation during exercise. High-flow nasal oxygenation and / or non-invasive ventilation (NIV) can optimize rehabilitation in this patient with a still precarious respiratory function. Evidence index (EVID-i): 3.2 Les auteurs déclarent n'avoir aucun conflit d'intérêt en lien avec le présent article. Un homme de 57 ans est hospitalisé en réanimation pour un syndrome de détresse respiratoire aigüe (SDRA) lié à une infection à Covid-19. Après une première phase au cours de laquelle le patient est sédaté et curarisé, la kinésithérapie consiste à mobiliser passivement le patient, à participer au décubitus ventral ; la kinésithérapie respiratoire n'étant pas forcément nécessaire. Dans un second temps, l'extubation est possible et plusieurs aspects sont développés : la kinésithérapie respiratoire, l'oxygénation, la déglutition et surtout la réhabilitation. Cependant, des atteintes du parenchyme pulmonaire abaissent de façon importante la saturation en oxygène au cours des exercices. L'oxygénation à haut débit et/ou la ventilation non-invasive (VNI) permettent d'optimiser la réhabilitation chez ce patient avec une réserve respiratoire encore précaire. Indice de factualité (i-FACT) : 3.2 Traduction anglaise du résumé : A 57-year-old man is hospitalized in intensive care for an acute respiratory distress syndrome related to a Covid-19 infection. After a first phase during which the patient is sedated and nerve-blocked, physiotherapy consists in passively mobilizing the patient, participating in the prone position, respiratory physiotherapy is not necessary. In a second step, extubation is possible and several aspects are developed: respiratory physiotherapy, oxygenation, swallowing and rehabilitation. However, damage to the lung significantly decreases oxygen saturation during exercise. High-flow nasal oxygenation and / or non-invasive ventilation (NIV) can optimize rehabilitation in this patient with a still precarious respiratory function. -La prise en charge en kinésithérapie des patients Covid-19 doit être réfléchie en termes de bénéfices/risques. -Le désencombrement bronchique n'est pas indiqué en première intention, sauf en cas de surinfection bronchique ou de demande de prélèvement cytobactériologique des crachats. -Les mobilisations passive et active au lit du patient doivent être débutées précocement, en dehors de contre-indications cardio-vasculaires. -La réhabilitation est possible, en surveillant et en palliant aux difficultés respiratoires, par oxygénation à haut débit ou sous VNI. Cette collection présente depuis 2014 des processus décisionnels en kinésithérapie à partir de cas cliniques réels. Après une première phase d'illustrations de la Fiche de Décision Kinésithérapique (FDK) par son concepteur (2014-2015), puis une deuxième phase d'appropriation par les spécialistes de la profession (2016-2017), cette troisième phase partage quelques FDK rédigées par des professionnels de terrain. Il s'agit d'exemples instantanéspubliés sans bibliographie ni autre développement -à l'instar des fiches que produit le praticien de terrain pour alimenter le dossier du patient. Dans cette situation spécifique de l'épidémie Covid-19, le kinésithérapeute de réanimation doit respecter les règles d'hygiène spécifique. Les mesures de protection sont « gouttelette, air et contact ». Tout soin à risque d'aérosolisation (notamment la kinésithérapie respiratoire, l'aérosolthérapie, l'oxygénation à haut débit, la ventilation non-invasive) nécessite un masque FFP2, des lunettes de protection, une sur-blouse, une charlotte et des gants. En dehors de ces soins à risque, la tenue est la même, le masque FFP2 étant remplacé par un masque chirurgical [1] . Au cours de la réhabilitation, la dyspnée lors d'exercices aérobies, ne doit pas dépasser 3/10, et 5/10 sur l'échelle de Borg modifiée pour les exercices anaérobies [2, 3] . Deux phases peuvent être décrites dans le cadre de ce cas clinique : une première phase aiguë et une seconde de sevrage ventilatoire et réhabilitation. Un scanner initial, réalisé le 02/04/20, montre une image de verre dépoli diffus dans les deux champs pulmonaires sur une surface supérieure à 70 % du parenchyme, sans condensation franche ( Figure 1 ). À ce stade, Alexandre L. est sédaté et curarisé. Une Fiche de Décision Kinésithérapique (FDK) a été établie selon le modèle « Tpro » [9] (Figure 2 ). Au cours de cette phase, Alexandre L. ne présente pas d'encombrement bronchique. La kinésithérapie respiratoire n'est d'ailleurs pas indiquée lors de la phase aiguë de cette pathologie [4, 5] . Un épisode de sonde d'intubation obstruée est tout de même à noter, nécessitant une ré-intubation. À ce stade, la kinésithérapie consiste essentiellement à la mobilisation passive des quatre membres, la surveillance de l'installation du patient, et éventuellement la réalisation d'un Examen Cytologique et Bactériologique des Crachats (ECBC). Le patient bénéficie de séances de décubitus ventral (six au total), afin d'améliorer l'oxygénation (rapport PaO2/FiO2 <150). Le kinésithérapeute est aussi impliqué dans ces procédures de retournement. Le scanner suivant, réalisé le 08/04/20, montre une extension légère des lésions, avec apparition de traction évoquant une fibrose débutante. Des condensations partielles des plages en verre dépoli sont visibles sur l'examen du 21/04/20, avec des lésions de fibrose associées. Durant cette période, de nombreuses tentatives de réveil et d'initiation au sevrage ventilatoire sont réalisées, sans succès. Le patient se désadapte alors du respirateur, et/ou se dé-recrute, abaissant de nouveau le rapport PaO2/FiO2. Quatre séances de décubitus ventral sont ré-initiées, d'une durée de seize heures chacune. Elles permettent d'améliorer l'oxygénation, mais aussi les condensations pulmonaires et les tractions parenchymateuses favorisant la fibrose. À compter du 25/04/20, le patient est ventilé sous un mode assisté, déclenchant lui-même le respirateur. En parallèle, le réveil se passe mieux, et la coopération est bonne. La kinésithérapie respiratoire devient nécessaire, en lien avec une pneumopathie acquise sous ventilation mécanique (PAVM), avec des sécrétions bronchiques peu abondantes mais collantes. La séance comprend des manoeuvres d'Augmentation du Flux Expiratoire (AFE) associée aux efforts expiratoires participatifs du patient, suivie d'une aspiration endo-trachéale sur système clos [4] . Les sécrétions buccales sont aussi abondantes. Au niveau musculaire, un MRC sum-score 1 est réalisé le 29/04/20, dès qu'Alexandre L. peut répondre de façon satisfaisante aux cinq questions recommandées par De Jongue et al [6] . Il obtient un score de 56/60, démontrant une faiblesse localisée aux épaules (abduction). Le test fonctionnel PFIT 2 est de 7/12, marquant un état fonctionnel moyen [7] . Enfin, l'échographie des muscles quadriceps montre une trophicité satisfaisante des muscles droits fémoraux, mais une atrophie des muscles vastes intermédiaires (hyper-échogénéité) (Figure 3 ). L'échographie pulmonaire montre essentiellement des lignes B confirmant le syndrome interstitiel inflammatoire et expliquant probablement la difficulté d'oxygénation à l'effort ( Figure 4 ). Ce même jour, une tentative de mise au fauteuil en actif, patient intubé et ventilé, déstabilise Alexandre L. qui est angoissé, mais aussi au niveau respiratoire (passage d'une FiO2 à 40 % à 80 %). Cette discordance entre la force musculaire périphérique et l'oxygénation, lors de transferts ou d'efforts minimes, nous contraint à une surveillance accrue des paramètres respiratoires lors des transferts ou exercices de réhabilitation. Une augmentation de l'oxygène est alors nécessaire. Une prise en charge segmentaire contre résistance est réalisée quotidiennement, ainsi que des transferts au fauteuil sous oxygène optimisé. L'extubation a lieu le 01/05/20, nécessitant un support en oxygène de 4 L/min aux lunettes, et une séance de ventilation non-invasive (VNI) toutes les huit heures. Le patient doit porter un masque chirurgical par-dessus les lunettes à oxygène. Un test de déglutition est réalisé le lendemain de l'extubation : il met en évidence une déglutition satisfaisante aux liquides et aux solides, mais accompagnée d'une dyspnée légère (3 sur l'échelle de Borg modifiée). Depuis, la réhabilitation se poursuit en segmentaire contre résistance, et en fonctionnel de façon très progressive, en compensant cette absence de réserve pulmonaire par une augmentation de l'oxygène pour atteindre l'objectif de saturation. Ainsi, la verticalisation doit se faire sous oxygénation à haut débit (30 L/min et FiO2 60 %) pour obtenir une saturation en oxygène à 91 % ( Figure 5 ). La déambulation dans la chambre est possible mais anxiogène pour Alexandre L. L'utilisation de la VNI en mode CPaP (peep à 7 cm H20 et FiO2 à 60 %) pour faire pédaler le patient installé au fauteuil permet une meilleure oxygénation à l'effort (92 % de saturation au début de l'effort, puis rapidement Alexandre L. remonte à 96 %). Cette stratégie nous parait intéressante pour optimiser la réhabilitation d'Alexandre L. (Figure 6 ). Néanmoins, le patient décrit aujourd'hui un inconfort sous VNI, confortant la présence de lésions de fibrose pulmonaire mises en évidence sur le dernier scanner datant du 21/04/20. Les lésions pulmonaires expliquent nos difficultés lors de la réhabilitation. La kinésithérapie en réanimation des patients atteints de Covid-19 est spécifique et guidée par l'état respiratoire et fonctionnel du patient. L'hypoxie sévère présente à la phase aiguë, sans encombrement bronchique, contre-indique plutôt la kinésithérapie de désencombrement chez ces patients très dé-recrutables. La mobilisation précoce, l'installation et la participation au décubitus ventral constituent l'arsenal thérapeutique des kinésithérapeutes à la phase aiguë. Après extubation, le désencombrement bronchique, l'oxygénation adéquate, la lutte contre l'hypoventilation alvéolaire et la réhabilitation sous oxygénation optimisée sont indiquées. Il faut néanmoins garder à l'esprit les séquelles inflammatoires sur le parenchyme pulmonaire et les possibles atteintes cardio-vasculaires pour limiter les évènements indésirables, notamment en termes de dyspnée, de fatigue et de désadaptation à l'effort. Les tests musculaires (MRC), fonctionnels (PFIT), voire un test d'effort (Five times sit to stand test -FTSST) [8] , avec évaluation et contrôle de la dyspnée (échelle de Borg modifiée), doivent être réalisés avant la sortie de réanimation, afin de permettre une réhabilitation post-réanimation optimale. Lors de la dernière séance, une Fiche de Décision Kinésithérapique (FDK) a été établie selon le modèle « Tpro » [9] (Figure 7 ). De nombreuses inconnues existent encore pour la prise en charge de ces patients et sur leurs capacités de récupération pulmonaire. L'avenir nous fournira probablement des réponses. Un formulaire de Fiche de Décision Kinésithérapique (FDK) vierge est mis en ligne pour permettre à chacun de s'habituer à structurer en ce sens sa démarche thérapeutique. Il est librement téléchargeable en consultant, sur le site de la revue, l'article introductif mentionné dans l'encadré en début d'article, ou en cliquant sur ce lien http://fdk.kinedoc.org ou en flashant le QR code ci-dessous avec un téléphone mobile ou une tablette. N'hésitez pas à nous soumettre vos propres fiches de décision, quel que soit le support utilisé, pour valoriser vos investigations, partager vos expériences ou même solliciter un avis : nous publierons celles les plus susceptibles d'intéresser la communauté. Vous pouvez accéder au formulaire en flashant le code ci-dessous. Clinical course and risk factors for mortality of adult inpatients with COVID-19 in Wuhan, China: a retrospective cohort study Psychophysical bases of perceived exertion Report of an ad-hoc International Task Force to develop an expert-based opinion on early and short-term rehabilitative interventions (after the acute hospital setting) in COVID-19 survivors Recommandations SKR sur la prise en charge kinésithérapique des patients COVID-19 en réanimation Physiotherapy management for COVID-19 in the acute hospital setting. Recommendations to guide clinical practice Paresis acquired in the intensive care unit: a prospective multicenter study A physical function test for use in the intensive care unit: Validity, responsiveness, and predictive utility of the physical function ICU test (scored) Physical performance impairments and limitations among hospitalized frail older adults Atelier de décision kinésithérapique : un espace de progression collective