key: cord-0897070-3gjiukl8 authors: Campbell, Pascal title: PESTE NOIRE (1347-1352) ET COVID-19 (2019-20-- ?) LES SIMILITUDES date: 2020-05-23 journal: nan DOI: 10.1016/j.pxur.2020.05.003 sha: 49f7c55950a1d3c959cc06c7a5c7b69cdb0f7127 doc_id: 897070 cord_uid: 3gjiukl8 nan Pascal Campbell Docteur en médecine, Membre de la SFMC, Membre de l'AAMSSA 1, impasse de la Messannée 14310 Tracy Bocage Auteur correspondant : campbell.pascal@gmail.com Nous vivons en cet an 2020 une période historique qui restera dans les manuels d'histoire au même titre que les pandémies passées et célèbres : celle de la peste noire du XIVème siècle et celle de la grippe espagnole de la fin de la Grande Guerre. Je ne ferai de comparaison qu'avec la peste car pour la grippe dite espagnole, ce fut la fin de la guerre et il est difficile de comparer les conséquences de cette épidémie sur le comportement humain, sachant qu'il était déjà fort marqué par les désastres de la guerre, désastres humains, économiques et politiques avec le traité de Versailles, suivi par la montée des nationalismes allemands, italiens et même du communistes après la révolution de 1917 en Russie. Certes, nous ne sommes qu'au début de cette pandémie de Covid-19 et nous ne connaissons pas encore quelles seront les conséquences à long terme, bien que, déjà, beaucoup sur nos ondes évoque ou imagine voire spécule sur celles-ci. La grande peste noire du Moyen Age provient elle aussi de Chine, par la route de la soie, colportée par les hordes mongoles jusqu'aux portes de l'Europe. Ces hordes se sont servis de cette infection pour déclencher une guerre bactériologique dont ils n'avaient pas conscience des conséquences mondiales, car à cette époque, le monde n'était que l'Europe, l'Afrique du Nord et bien sûr l'Asie. A titre de comparaison, en 1918, on pense que ce sont les soldats américains qui ont importé la grippe en venant secourir la France et l'Angleterre contre l'envahisseur allemand, grippe dont l'origine est aussi probablement la Chine. La peste est véhiculée par les bateaux génois de la mer Noire vers l'Occident et elle apparait d'abord en Italie à Messine. Refoulés de Gènes, mais accueillis à Marseille, c'est à partir de là qu'elle est diffusée le long des axes de communications et s'étend dans toute l'Europe. En France, la situation est très difficile du fait de la Guerre de Cent Ans qui a débuté 10 ans avant l'arrivée de la peste. Qu'est-ce que la peste : une maladie bactériologique due à un germe qui ne sera découvert qu'à la fin du XIXème siècle. Cette bactérie, Yersinia Pestis, est portée par le rat, en particulier le rat noir rattus rattus, lui-même parasité par les puces (Xenopsylla cheopsis) qui se délectent du sang de ce rongeur. Mais quand ce charmant animal meurt, la puce qui n'aime pas le froid de la mort, change de transporteur pour trouver soit un autre rat, soit un autre animal chaud, tel l'homme. En se nourrissant du sang de ce nouveau transporteur, elle injecte Yersinia Pestis dans ce corps et déclenche la maladie qui sera le plus souvent mortelle. Pour le Covid-19, l'hypothèse la plus probable actuellement est qu'il est présent chez la chauve-souris, probablement rejeté avec les matières fécales, et peut-être absorbé par un charmant animal symbolique de la nourriture chinoise, le pangolin. Nous retrouvons donc comme pour la peste, un porteur (le rat ou la chauve-souris), un transmetteur (la puce ou le pangolin) et un malade (l'homme). Il leur a fallu s'appuyer sur des dogmes et faire croire que ces dogmes étaient imposés par des forces supérieures et mystérieuses que sont les Dieux. D'où la création des religions, des rites qui ont servi partout dans le monde à organiser les sociétés, les civilisations. Nous les retrouvons partout, différentes, animistes, poly ou monothéistes mais c'est une constante. Comme actuellement, courent sur la toile, de nombreuses hypothèses qui n'ont plus les mêmes origines, encore que, sur l'origine de cette pandémie à Covid-19, le complotisme, l'action volontaire de certains hommes ou états pour la conquête du monde ou aussi la punition de Dieu dans certains milieux. Au Moyen Age, c'est le fléau de Dieu, c'est un fléau apporté par les juifs et on les brûle sur la place publique comme à Perpignan ou en Bavière, c'est un fléau donné par les invalides ou les malformés et on les chasse, enfin c'est la noblesse qui est responsable de faire mourir les pauvres. On doit conjurer le sort quelle que soit la cause du mal : processions, pénitences, culte des saints ou des reliques. Quant à la médecine de l'époque, les praticiens évoquent de nombreuses causes pour expliquer et sont souvent restés dans les théories du moment, l'astrologie, la théorie des tempéraments, les prédispositions naturelles, etc. Au niveau thérapeutique, très peu d'avancées et l'histoire retiendra surtout l'eau de vie comme la meilleure solution ! Il y a aussi l'instauration de l'isolement que l'on peut comparer à notre confinement : le pape Clément VI en Avignon, va s'isoler à Valréas, il ne sort plus et reste tout l'été entre deux cheminées après avoir consacré le Rhône pour qu'il puisse servir de cimetière ! Certaines villes italiennes se ferment et ainsi se protègent de la contagion. A cette époque, il leur était difficile de communiquer avec tout le peuple et cette communication ne se faisait que par le bouche à oreille. Il leur manquait la toile et les réseaux sociaux pour diffuser toutes ces idées. Enfin les masques, vaste polémique française consécutive à l'imprévision de nos technocrates issus de l'ENA et à l'obsession européenne du déficit budgétaire, car la santé devient dans notre monde un sujet économique et non un sujet de santé publique donc médical. Ainsi lors de la grande peste du Moyen Age, pour se protéger contre les miasmes qui n'étaient qu'obligatoirement aériens (Le pneuma d'Hippocrate), médecins, prêtres se protègent de l'air corrompu avec des masques, des cagoules, des tenues parfois imprégnées de plantes aromatiques ou autres potions (Figure 2 ). On prend conscience de la contagion et les gens fuient les zones, s'isolent, se confinent. Même pour les cadavres des pestiférés, ils sont sortis des villes où souvent ils étaient dans des aîtres* près des églises comme à Rouen pour créer les cimetières en dehors des villes ou creuser des fosses communes comme l'on fait les américains très récemment.  Un aître est un cimetière attenant à un lieu de culte chrétien, et appartenant le plus souvent à la paroisse dudit lieu de culte 1 . Même si le terme pouvait à l'origine désigner le parvis ou la cour d'entrée d'une église, il désigne couramment au moyen-âge la zone funéraire entourant celle-ci. J o u r n a l P r e -p r o o f Je ne vais pas anticiper sur les conséquences de la pandémie de Covid-19 car nous la découvrirons dans les mois à venir. Sur les plans artistiques et littéraires, suite à la peste noire, il apparut dans les églises des tableaux représentant l'omniprésence de la mort avec par exemple les Danses macabres (Figure 3 ), les représentations de l'Apocalypse ou des retables comme celui d'Issenheim en Alsace. La littérature n'est pas en reste dans l'oeuvre de Boccace (Le Décaméron) ou Pétrarque. Et au XXIème siècle, pas de peinture encore, pas de littérature mais un tsunami de messages sur les réseaux sociaux plus ou moins humoristiques qui, pour certains resteront comme les slogans que l'on a vus fleurir en mai 1968, par exemple. Certains messages sont ainsi des oeuvres d'arts : les poèmes, les chansons ou même certains petits films. Pour conclure, je suis heureux de pouvoir vivre cette pandémie malgré les conséquences qu'elle peut avoir sur notre vie quotidienne et surtout de pouvoir confirmer que l'Histoire n'est qu'un perpétuel recommencement. comment soupçonnerions-nous leur existence avant qu'elles n'aient revêtu leurs costumes de symptômes ? Il faut bien se résigner à l'ignorance des premiers cas évidents. Ils seront méconnus, confondus avec des maladies déjà existantes et ce n'est qu'après une longue période de tâtonnements que l'on Et lors d'une conférence en 2015, suite aux épidémies d'Ebola en Afrique étais gamin, la catastrophe dont on avait le plus peur était une guerre nucléaire. Mais aujourd'hui, le plus grand risque de catastrophe mondiale ne ressemble pas à ça (en montrant un champignon atomique) Si quelque chose tue plus de 10 millions de gens dans les prochaines décennies, ce sera probablement un virus hautement contagieux plutôt qu'une guerre. Nous avons énormément investi dans la dissuasion nucléaire, mais très peu dans un système pour arrêter les épidémies. Nous ne sommes pas prêts pour la prochaine épidémie. ( ) La prochaine épidémie pourrait être bien plus dramatique. Il pourrait y avoir un virus avec lequel les gens infectés se sentiraient suffisamment bien pour prendre l'avion A suivre …… Pour en savoir plus Le rat, la puce et l'homme, Presse universitaires de Rennes EAN 9782738129734 La Peste Noire et la mutation sociale de l'Occident, mémoire de recherche de l'IEP de Toulouse Conséquences et intérêt démographique de la Peste noire de 1348 [article] in Population Destin des maladies infectieuses