key: cord-0890890-itvvg64c authors: Brouard, J.; Dupont, C.; Tran, L.; Ribault, M.; Vabret, A. title: Rhinovirus durant l’enfance : asthme à l’adolescence ? Paradoxe de l’œuf et de la poule ? date: 2016-03-24 journal: Arch Pediatr DOI: 10.1016/j.arcped.2016.02.022 sha: 0d6d4b941477fa0bd6f58038209c6bffda3b33cd doc_id: 890890 cord_uid: itvvg64c nan L es études épidémiologiques soulignent l'association entre une infection respiratoire basse durant la petite enfance et le risque ultérieur de développement d'un asthme. L'avènement des techniques moléculaires d'identification virale a permis d'élargir considérablement la reconnaissance des différents virus en cause lors de ces infections. Les rhinovirus (HRV) sont responsables de la majorité des infections des voies respiratoires hautes d'évolution habituellement bénigne mais possèdent un tropisme pour les voies aériennes basses parfois marqué. Ils évoluent sur un mode épidémique avec généralement 2 pics, à l'automne et au printemps, mais peuvent être observés durant toute l'année. Ce sont des virus d'une grande diversité puisque plus de 100 sérotypes sont actuellement connus. Ils utilisent 2 types de récepteurs pour entrer dans la cellule. En fonction de cette spécificité, ils ont été divisés en 2 groupes. Le groupe majeur comporte 91 sérotypes dont le récepteur principal est CD54 ou intercellular adhesion molecule 1 (ICAM1) ; le groupe mineur regroupe 10 sérotypes et comporte les virus utilisant le low density lipoprotein receptor (LDLR). Ils appartiennent à la famille des picornaviridae, comme les entérovirus dont ils sont génétiquement très proches, et dont il est parfois difficile de les différencier. Les études phylogénétiques ont permis de séparer les rhinovirus en plusieurs groupes, HRV-A, HRV-B, HRV-C et récemment HRV-D [1] . Le rhinovirus 87 avait été classé à part ; il était apparenté aux entérovirus du groupe D et a été récemment reclassé comme entérovirus (EV68) responsable de bouffées épidémiques avec tropisme neurologique (paralysie flasque) mais aussi respiratoire plus sévère. Il n'y a donc pas « un » rhinovirus mais « des » rhinovirus avec une répartition des sérotypes très différente d'une année à l'autre, d'une saison à l'autre, mais également au cours d'une même saison. Les HRV peuvent infecter plusieurs fois un même enfant avec des sérotypes différents en raison d'une immunité croisée faible. La réponse antivirale implique les cellules de l'immunité amenant la synthèse et la libération de médiateurs immuno-inflammatoires, la cellule épithéliale bronchique y participe également. L'initiateur primaire de l'asthme est-il le virus ? Les sifflements viro-induits ne révèleraient-ils que les enfants déjà prédisposés à un asthme ultérieur ? Le phénotype siffleur épisodique viroinduit durant la prime-enfance est-il fixé ou n'est-il qu'une étape évolutive vers un asthme tardif déclenché par des facteurs multiples ? 1. Impact des HRV sur la symptomatologie respiratoire sifflante De nombreuses études ont montré la grande part de responsabilité des infections respiratoires virales, particulièrement des HRV, dans l'exacerbation de l'asthme chez les enfants, le taux d'identification se situant autour de 80 % [2] . Le suivi prospectif en Australie d'une cohorte d'enfants asthmatiques durant 10 semaines, avec prélèvements virologiques 2 fois par semaine, a souligné la causalité des HRV sur les symptômes respiratoires, cependant la prévalence du portage asymptomatique était de 25 % [3] . Il n'avait pas été mis en évidence de différence majeure de sévérité selon les 3 principaux types de HRV (A, B, C), à la différence d'études antérieures révélant que les exacerbations sévères étaient en lien avec HRV-C, l'hypothèse étant une différence de réplication virale ou une mauvaise réponse cytokinique antivirale [1] . La responsabilité des virus lors des bronchiolites est une évidence avec également un taux d'identification autour de 80 % [4] . En France, une analyse de 10 années de recueil virologique chez les nourrissons hospitalisés pour une bronchiolite aiguë avait identifié le virus respiratoire syncytial (VRS) dans 64,1 % des cas, les HRV dans 26,8 %, le métapneumovirus humain dans 7,6 % et les virus para-influenza dans 3,4 % [5] . Les données épidémiologiques non hospitalières sont rares. Les collectivités d'enfants constituent un cadre propice à la transmission des agents infectieux. Une étude a été menée dans trois crèches d'une base militaire américaine (Tacoma) auprès de 225 enfants âgés de 5 semaines à 30 mois [6] . Cent soixante-trois avaient présenté une atteinte respiratoire à un âge moyen de 12 mois, dont 67 % à plus d'une reprise (455 épisodes infectieux). Une identification virale lors d'une atteinte respiratoire a été possible dans 84 % des cas. L'épidémiologie virologique par l'utilisation des techniques moléculaires a donné les résultats suivants : 30 % HRV, 15 % adénovirus, 15 % bocavirus, 12 % para-influenza, 10 % VRS, 10 % coronavirus, 4 % métapneumovirus, 4 % influenza. Le rôle des HRV dans l'ontogenèse de l'asthme reste un terrain de recherche dynamique. Certaines études épidémiologiques semblent souligner ce lien. En Finlande, une cohorte prospective néonatale (Espoo Cohort Study) a permis d'évaluer l'impact de l'exposition environnementale durant l'enfance sur le développement d'un asthme à l'âge de 27 ans [7] . Les informations avaient été recueillies par questionnaires sur les 12 derniers mois (n = 2228) et par les registres d'hospitalisation en rapport avec des atteintes respiratoires basses (n = 2568). Les atteintes respiratoires basses durant l'enfance étaient prédictives d'un risque 2 fois plus élevé de développer un asthme à l'âge adulte (hazard ratio : 2,11 ; IC95 % : 1,48-3,00). Aux États-Unis, un quart des enfants nés dans le Tennessee entre 1995 et 2000 (n = 95 310) ont été inclus dans la cohorte TABS (Tennessee Asthma Bronchiolitis Study) et évalués à l'âge de cinq ans et demi [8] . Une naissance quatre mois avant le pic épidémique hivernal était associée à une augmentation du risque de 29 % de développer un asthme, ces résultats ont été confirmés sur les cinq années du recueil alors que les épisodes épidémiques avaient vu un glissement temporel, parfois de 6 semaines, d'une année à l'autre. L'âge du nourrisson lors du pic épidémique hivernal est donc un facteur de risque d'asthme au moins comparable -sinon supérieur -aux autres facteurs connus. À l'âge d'un an, 82 % des nourrissons de la cohorte TABS [8] n'avaient pas eu de consultation médicale pour bronchiolite, 14 % avaient eu une bronchiolite en période épidémique à VRS, 4 % une bronchiolite en période où prédomine le HRV. Le diagnostic de bronchiolite par un médecin durant la prime enfance est associé au doublement du risque d'avoir un asthme infantile, ce risque différant avec la saison d'apparition de la bronchiolite. Comparée à la période du VRS, une bronchiolite s'exprimant durant les mois où prédominent le HRV est associée à une augmentation de 25 % du risque estimé d'asthme infantile [9] . Le VRS est l'agent infectieux majeur des bronchiolites hospitalisées, mais une même sévérité de la sémiologie respiratoire due aux HRV est prédictive d'un asthme ultérieur. Ainsi dans la cohorte américaine COAST, l'odds ratio (OR) d'asthme ultérieur était de 3,0 si l'infection était à VRS et de 6,6 en cas d'infection à HRV. En outre, 63 % des nourrissons de moins d'un an ayant sifflé lors de la saison hivernale continueront à le faire à l'âge de trois ans, alors que 20 % de ceux qui n'ont pas sifflé durant leur première année le feront à l'âge de trois ans. Ces données ont été confirmées par le suivi à six ans, les infections respiratoires à HRV responsables d'une respiration sifflante au cours de la petite enfance constituent le facteur prédictif le plus significatif de développement d'un asthme [10] . Une étude danoise portant sur 8280 paires de jumeaux, couplée à l'étude des bases de données hospitalières, a souligné que la prédisposition à l'asthme résidait dans la nécessité de prise en charge hospitalière d'un épisode viroinduit. Les hospitalisations liées au VRS et l'apparition d'un asthme étaient certes corrélées positivement (r = 0,43), mais les déterminants génétiques pour l'un et l'autre se confondaient. La modélisation du sens du lien de causalité entre l'hospitalisation liée au VRS et l'asthme a révélé que le modèle « asthme causalité de l'hospitalisation VRS » était plus robuste que le modèle « hospitalisation liée au VRS causalité de l'asthme », y compris en tenant compte de facteurs de confusion (sexe, poids de naissance, tabagisme maternel durant la grossesse) [11] . La même équipe a étudié ensuite les jumeaux monozygotes discordants eu égard à la nécessité d'une hospitalisation liée au VRS. Après un suivi moyen de 7,6 années, l'analyse n'a identifié entre ces jumeaux (37 paires) aucune différence de prévalence de l'asthme (18 % de survenue dans le suivi), d'utilisation des traitements antiasthmatiques, de survenue d'une sensibilisation, d'atteinte de la fonction respiratoire dont l'étude du monoxyde d'azote (NO) exhalé [12] . Ce résultat, de la même équipe, s'oppose donc à un effet spécifique de la sévérité d'une infection virale sévère dans le développement de l'asthme et de l'allergie. L'analyse des données de patients hospitalisés pour atteintes respiratoires sifflantes, stratifiés selon l'âge et le mois de survenue, le statut atopique, a permis d'identifier 2 populations [9] . Les enfants de moins de 3 ans étaient principalement hospitalisés entre décembre et mars, avec un taux d'identification virale supérieur à 80 % où le VRS dominait sans que ces patients soient plus atopiques que les témoins. Ceux âgés de 3 à 18 ans étaient hospitalisés particulièrement de septembre à novembre, l'identification virale n'étant que de 60 % et quasiment exclusivement de HRV, et le terrain atopique prédominait par rapport aux témoins (taux d'IgE et sensibilisation). Une synergie entre l'exposition allergénique et l'agression virale était suggérée. L'épithélium respiratoire est la cible principale des virus pneumotropes où s'effectuent la réplication et le commencement de la réponse immune. Les interférons de type I (IFN a et b) , II (g) et III (l) y tiennent une place essentielle dans l'immunité innée. L'orientation de la réponse immunitaire T vers le phénotype TH2 ferait intervenir les lésions épithéliales permettant une exposition accrue aux aéro-allergènes. L'augmentation des lymphocytes T produisant l'interleukine (IL)-4 après stimulation par certains aéro-allergènes serait un phénomène acquis en raison du système immunitaire encore modulable. L'analyse du profil de cytokines et de chémokines dans les sécrétions nasopharyngées, selon le statut virologique et l'âge du nourrisson, montre qu'il existe une fenêtre de vulnérabilité. Un nourrisson infecté par le VRS durant ses 3 premiers mois a des concentrations locales plus importantes d'IL-4 que des enfants plus âgés. Ce profil TH2 est retrouvé chez les nourrissons de moins de 3 mois infectés par les virus influenza et para-influenza. Ceci suggère que les virus orientent les réponses immunitaires locales vers des réponses de type TH2 chez le nourrisson. Par conséquent, la réponse immunitaire adaptative est dépendante de l'âge, le VRS n'étant pas l'unique responsable d'une orientation vers une réponse de type TH2 post-virale [13] . L'orientation TH2 favoriserait une sensibilisation par des aéroallergènes présents dans le proche environnement. Au sein d'une cohorte néonatale d'enfants à risque, une corrélation positive a été trouvée entre la prévalence d'une sensibilisation ou d'un asthme et le portage viral dans les deux premières années de vie [14] . Un terrain atopique préexistant aux infections virales pourrait être responsable de l'augmentation de la fréquence des infections. Ainsi, le risque d'asthme persistant à l'âge de 5 ans semble n'être augmenté après une bronchiolite aiguë que si les tests cutanés étaient positifs avant l'âge de 2 ans [15] . Il existe un effet synergique entre l'infection virale et l'exposition allergénique avec une augmentation significative et considérable des hospitalisations : l'OR passe de 8,4 lors d'une forte exposition allergénique chez le sujet sensibilisé à 32,8 si une identification virale s'y associe [16] . Caliskan et al. ont décrit que des variants (single nucleotide polymorphisms [SNP]) du locus 17q21 étaient associés à l'asthme chez les enfants ayant des sifflements liés aux HRV avec l'expression de deux gènes, ORMDL3 et GSDMB, de ce locus (OR 26,1 ; IC95 % : 5,1-133,0) [17] . Le génotypage avait porté sur les cohortes pédiatriques COAST et COPSAC, et l'expression de ces polymorphismes avait ensuite été évaluée sur les cellules mononucléées du sang périphérique (PBMC) de 100 adultes après stimulation ou non par le HRV. Les récepteurs intracellulaires RIG-I-like (RLRs) y compris RIG-I, MDA-5 et LGP2, reconnaissent l'ARN viral comme motifs moléculaires associés aux pathogènes (PAMPs) pour induire une réponse immunitaire antivirale. Lors de la reconnaissance de leur ligand ARN, RIG-I et MDA5 activent la réponse interféron (IFN) en se liant à MAVS, noeud central dans la signalisation. La fonction de RIG-I n'est pas redondante, l'atteinte de sa voie d'activation (par exemple : souris KO, inactivation de RIG-I, inhibition de l'expression de RIG-I) conduit à l'inhibition de la synthèse d'IFN de type I. Certaines protéinases des HRV sont capables de dégrader RIG-I et MDA5, réduisant la formation des homodimères IRF3 (facteur de transcription interferon regulatory factor 3) et par conséquent la production d'IFN de type I. La plupart des souches HRV répliquent mieux aux températures basses des fosses nasales (33 à 35 8C) qu'à celles du poumon profond (37 8C). La réponse IFN à l'infection HRV serait dépendante de la température par l'intermédiaire de la protéine MAVS, adaptateur clef de la signalisation des récepteurs RIG-I-like. Les cellules des voies aériennes ayant un déficit génétique des RLR ou des récepteurs de la signalisation IFN de type I permettent des niveaux plus élevés de réplication virale à 37 8C, donc pulmonaire [1] . L'immunité innée, représentée par la production d'IFN, a été étudiée lors de pathologies respiratoires sifflantes. Une diminution de la production d'IFN-g après stimulation aux mitogènes par les cellules mononucléées du sang périphérique (PBMC) de nourrissons de la cohorte de Tucson âgés de 9 mois était corrélée à un risque de respiration sifflante entre 2 et 13 ans significativement plus élevé (risque relatif : 2,29 ; IC95 % : 1,35-3,89) [18] . Une étude récente a montré que l'administration de 3 mois d'omalizumab avant le retour à l'école diminuait plus efficacement chez les enfants asthmatiques modérés à sévères le pic d'exacerbation de septembre classiquement attribué aux infections à HRV qu'un doublement de la dose de corticoïdes inhalés [19] . L'omalizumab améliore les réponses IFN-a à l'infection à HRV et, au sein du groupe omalizumab, une augmentation plus intense de la réponse IFN-a était associée à une diminution des poussées (OR : 0,14 ; IC95 % : 0,01-0,88). Cette étude, non applicable en l'état, apporte des arguments sur les interactions entre facteurs déclenchants viraux et le taux des IgE qui est soit viro-induit, soit lié à une sensibilisation. La diversité des sérotypes rend l'élaboration d'un vaccin antirhinovirus très hypothétique. Des molécules à activité antivirale sont disponibles. Les études ont été effectués avec l'IFN a 2b et l'ICAM1 recombinant mais n'ont pas abouti en pratique clinique malgré quelques résultats favorables. Un anti-picornavirus, le pléconaril, inhibe l'attachement et la décapsidation du virus. Les essais cliniques ont montré une efficacité clinique et le contrôle d'infections à picornavirus notamment lors de méningites à entérovirus. Mais ses interférences médicamenteuses, son induction du cytochrome P450 3A, en limitent l'utilisation. Les infections virales et l'inflammation allergique des voies aériennes ont des effets synergiques sur le risque de développement d'un asthme ainsi que dans la pathogénie des exacerbations aiguës chez l'asthmatique. La compréhension des interactions entre les réponses immunitaires antivirales innées et l'inflammation TH2 permettrait d'identifier les mécanismes de survenue de l'asthme et des phénomènes obstructifs aigus. Les données existantes sur les interactions virus-atopie suggèrent que les stratégies optimales pour prévenir les sifflements viro-induits sont à deux niveaux : augmentation de la réponse antivirale et réduction de l'inflammation allergique, voire de l'acquisition d'une sensibilisation. Astra-Zeneca participation réunion d'experts, Novartis participation réunion d'experts. Rhinoviruses and respiratory enteroviruses: not as simple as ABC Detection of viral, Chlamydia pneumoniae and Mycoplasma pneumoniae infections in exacerbations of asthma in children Rhinoviruses significantly affect day-to-day respiratory symptoms of children with asthma Viral epidemiology and severity of respiratory infections in infants in 2009: a prospective study Les virus des bronchiolites aiguës Epidemiology of multiple respiratory viruses in childcare attendees Early respiratory infections and the development of asthma in the first 27 years of life Evidence of a causal role of winter virus infection during infancy in early childhood asthma Season of infant bronchiolitis and estimates of subsequent risk and burden of early childhood asthma Wheezing rhinovirus illnesses in early life predict asthma development in high-risk children Exploring the association between severe respiratory syncytial virus infection and asthma: a registry-based twin study Causal direction between respiratory syncytial virus bronchiolitis and asthma studied in monozygotic twins Respiratory syncytial virus and other respiratory viruses during the first 3 months of life promote a local TH2-like response Relationship of early childhood viral exposures to respiratory symptoms, onset of possible asthma and atopy in high risk children: the Canadian Asthma Primary Prevention Study Early-life respiratory viral infections, atopic sensitization, and risk of subsequent development of persistent asthma Synergism between allergens and viruses and risk of hospital admission with asthma: case-control study Rhinovirus wheezing illness and genetic risk of childhood-onset asthma Low IFN-gamma production in the first year of life as a predictor of wheeze during childhood Preseasonal treatment with either omalizumab or an inhaled corticosteroid boost to prevent fall asthma exacerbations