key: cord-0887796-bdzx4hzk authors: Pessaux, P. title: Réponse à « Stratégie pour la pratique de la chirurgie digestive oncologique en situation d’épidémie de COVID-19 » date: 2020-04-09 journal: Journal de chirurgie viscerale DOI: 10.1016/j.jchirv.2020.04.005 sha: 82682da874045886409c4b8544894a7adb50a648 doc_id: 887796 cord_uid: bdzx4hzk nan J'ai lu avec beaucoup d'intérêt le manuscrit sur la « Stratégie pour la pratique de la chirurgie digestive oncologique en situation d'épidémie de COVID-19 » [1] . L'objectif de cette lettre n'est pas de faire des commentaires argumentés sur les propositions émises. Il s'agit avant tout d'une réflexion sur la méthodologie et sur une analyse des ressources de notre système de santé. Actuellement, l'ensemble des « recommandations » sur l'adaptation thérapeutique de la prise en charge des cancers digestifs sont basées sur l'analyse du travail de Liang et al. [2] . Les auteurs [2] ont rapporté un pourcentage plus élevé de patients atteints de cancer dans la cohorte COVID-19 (n = 18, soit 1 %) que dans la population générale (0,29 %). Par ailleurs, les patients ayant un antécédent de cancer avaient des formes plus sévères de covid (7/18 soit 39 %) que les patients sans antécédents de cancer (124/1572, soit 8 %). Enfin, parmi les 4 patients ayant une chirurgie ou une chimiothérapie dans le mois précédent l'infection à COVID-19, 3 patients (75 %) avaient développé une forme sévère. Cependant, cette série n'est pas suffisante pour conclure que les patients atteints de cancer avaient un risque plus élevé de COVID-19. L'incidence de COVID-19 chez les patients atteints de cancer serait plus informative pour évaluer si les patients atteints de cancer ont ou non un risque accru de COVID-19. Pour d'autre type de coronavirus, cela ne semble pas le cas avec 9 % (41/455) de pneumopathie à coronavirus pour les patients ayant un cancer et 9,6 % (101/1048) pour les patients sans cancer [3] . La pneumopathie à coronavirus était tout de même marquée d'un risque de mortalité plus élevé chez les patients avec un cancer. Or, le nouveau coronavirus 2019-nCoV possède des caractéristiques épidémiologiques et biologiques différents [4] , ne permettant pas d'extrapoler les conséquences avec d'autres souches. Certains auteurs chinois [5] n'attribuent pas ce risque accru au cancer lui-même, mais pourrait être dû à mesures de prévention de l'infection à SARS-CoV-2, et de l'adaptation de l'organisation des soins au sein des établissements de santé. Il s'agit bien de proposer une adaptation de l'organisation des soins et non une adaptation des stratégies thérapeutiques. La pandémie à COVID-19 ne doit pas amener à proposer des stratégies thérapeutiques ou des séquences thérapeutiques non validées. Là encore, l'HSPC préconise de prioriser les prises en charge (hospitalière si nécessaire) des patients atteints de cancers en traitement curatif selon les recommandations classiques. Publication chinoise à l'appui [8] (cas clinique contre 3 patients avec un cancer ayant fait une forme grave dans le papier de Liang et al.), la colectomie pour cancer peut se passer très bien même chez le patient COVID+. En période de pandémie COVID-19, il se pose donc la question de repousser raisonnablement une prise en charge oncologique qu'elle soit chirurgicale ou médicale sans perte de chance. Pour estimer les risques encourus à proposer un report d'une prise en charge, il faut avant tout savoir quel délai est considéré. Les chirurgiens et oncologues sont le plus souvent en fin de parcours thérapeutiques et il ne faudrait pas prendre en compte uniquement le délai entre sa consultation et la mise en oeuvre du traitement mais intégré l'ensemble du parcours [9] (15 temps différents sont rapportés dans ce travail qui analyse les conséquences des délais sur les résultats oncologiques). Certaines chirurgies complexes ou très spécialisées avec une hospitalisation postopératoire en réanimation relevant le plus souvent de centres spécialisés, actuellement totalement occupés par la lutte contre le COVID-19, n'ont peu d'alternative au choix d'être repoussées, ou bien d'être adressées à d'autres centres nationaux dans une zone endémique permettant encore une activité limitée. Mais une partie de la chirurgie oncologique ne justifie pas de place en réanimation et peut être réaliser dans l'ensemble des établissements privés et publics. Structurer une filière de soins sous l'égide de l'ARS permettrait de maintenir un nombre limité d'établissement pouvant contribuer à l'effort collectif non pas en créant des lits de réanimations dont les conditions seraient parfois très dégradées mais en assurant un service sanitaire minimal afin de répondre à la directive ministérielle : « La déprogrammation de toute activité chirurgicale ou médicale non urgente et sans préjudice de perte de chance pour les patients » (adressage de patients ou voir convention temporaire pour accueillir des opérateurs extérieurs à la structure de soin). L'arrêt quasiment de toute activité chirurgicale oncologique [1] ne serait pas sans conséquence avec des pertes de chance certaines mais difficiles à évaluer à ce stade. L'échéance de fin de crise est inconnue ; s'ajouteront à cela les listes d'attentes générées par la paralysie du système de soins, et des professionnels de santé usés physiquement et psychologiquement par cette séquence. Il faut également anticiper que le secteur public, où certaines activités chirurgicales sont réalisées préférentiellement, sera le dernier à se remettre en ordre de marche du fait de la prise en charge d'un nombre important de malades (due à l'augmentation massive de lit de réanimation) et de la gestion de l'aval post-réanimation, avec un hôpital qui avant cette crise sanitaire était déjà très revendicatif. Nous n'avons pas pu malheureusement éviter cette crise sanitaire liée au COVID-19, mais nous ne pouvons pas nous permettre une 2 e crise sanitaire qui pourrait être amortie par une intelligence collective et la mise en commun de l'ensemble des ressources avant de stopper une offre de soins en oncologie digestive. C'est de notre devoir, pour le bien de nos patients, de tout mettre en oeuvre et faire preuve d'imagination afin de ne pas laisser des patients laissés pour compte. L'auteur déclare ne pas avoir de liens d'intérêts. Strategy for the practice of digestive and oncological surgery during the Covid-19 epidemic Cancer patients in SARS-CoV-2 infection: a nationwide analysis in China High mortality from viral pneumonia in patients with cancer Novel coronavirus 2019-nCoV: prevalence, biological and clinical characteristics comparison with SARS-CoV and MERS-CoV Risk of COVID-19 for patients with cancer Clinical characteristics of 2019 novel coronavirus infection in China Host susceptibility to severe COVID-19 and establishment of a host risk score: findings of 487 cases outside Wuhan Management of a colon cancer patient infected with corona virus disease 2019 Is increased time to diagnosis and treatment in symptomatic cancer associated with poorer out-comes? Systematic review Unité de chirurgie hépato-biliaire et pancréatique, service de chirurgie digestive et endocrinienne, nouvel hôpital civil Adresse e-mail : patrick.pessaux@chru-strasbourg