key: cord-0851808-ob6tbssh authors: Lassalle, Sandra; Hofman, Véronique; Butori, Catherine; Sicard, Dominique; Hofman, Paul title: Diagnostic histologique des infections bactériennes nécrosantes extensives du poumon Étude de 4 observations d’évolution fulminante date: 2005-10-31 journal: Annales de Pathologie DOI: 10.1016/s0242-6498(05)80143-9 sha: e901a714482d59f50fc5d510b4c76eadaebb3da1 doc_id: 851808 cord_uid: ob6tbssh Résumé Nous rapportons les aspects anatomo-cliniques et histologiques de 4 observations d’infection bactérienne pulmonaire associée à des lésions de nécrose extensive, dont l’évolution a été foudroyante en quelques heures (2 cas d’infections à streptocoque béta hémolytique du groupe A, 1 cas d’infection à Staphylococcus aureus et un cas d’infection à Haemophilus influenzae). Ces infections bactériennes nécrosantes extensives (IBNE) sont gravissimes compte tenu de la production de toxines nécrosantes. Les aspects histologiques sont stéréotypés, combinant une nécrose hémorragique extensive et diffuse, des nappes de bactéries et une réaction inflammatoire cellulaire quasi inexistante. Ces infections sont extrêmement rares et elles surviennent sans cause apparente, chez le sujet immunodéficient ou immunocompétent. Elles posent des problèmes de diagnostic différentiel parfois difficile à résoudre en histologie faisant discuter une infection virale associée. Le diagnostic positif repose sur une confontation anatomopathologique et microbiologique. Summary We report the clinical and histopathological features of four cases of pulmonary bacterial infections associated with extensive necrosis, which were fatal within a few hours (two cases of group A Streptococcus, one case of Staphyloccocus aureus and one case of Haemophilus influenzae infection). These bacterial infections are extremely severe conditions due to the production of necrotizing toxins. Histological findings are distinctive, showing extensive hemorrhagic necrosis, widespread layers of bacteria, and very few or no inflammatory cell components. These dramatic infections are extremely rare, occuring with no apparent underlying disease, both in immunodeficient and immunocompetent patients. The main differential diagnosis is a viral infection, difficult to diagnose on histological examination alone. The diagnosis is based on histological and microbiological results. Sandra Lassalle (1) , Véronique Hofman (1) , Catherine Butori (1) , Dominique Sicard (2) , Paul Hofman (1) ( Certaines bactéries sont capables, grâce à la production de toxines, de déclencher chez l'homme une réaction inflammatoire nécrosante extensive gravissime, dont l'évolution peut être fatale en quelques heures [1] [2] [3] [4] [5] [6] [7] [8] [9] [10] . Si les tableaux anatomo-cliniques de certaines de ces infections bactériennes sont bien connus, comme ceux associés à Clostridium spp., d'autres sont plus exceptionnels. Ainsi, certains streptoccoques béta hémolytique du groupe A ou Vibrio vulnificus peuvent être responsables de nécrose tissulaire très extensive, en particulier de fasciite nécrosante, conduisant au décès ou à des mutilations chirurgicales très sévères [1, 9] . Ces tableaux cliniques peuvent entrer alors dans le cadre du « flesh-eating bacterial disease » ou de la maladie bactérienne « mangeuse de chair fraîche » [1, 11, 12] . Un petit garçon de 23 mois, sans antécédents, présentait une convulsion fébrile rapidement résolutive. L'examen clinique postcritique, l'examen tomodensitométrique cérébral et l'étude du liquide céphalo-rachidien étaient normaux. Après une période apyrétique de 48 heures apparaissait une rhinite purulente associée à un fébricule à 38 °C. L'enfant était retrouvé sans vie l'aprèsmidi dans son lit. L'examen du carnet de santé permettait de vérifier que cet enfant était normalement vacciné, en particulier avec l'Act-hib r Pentacoq. Un homme de 78 ans était hospitalisé pour une polypnée associée à une fièvre à 40 °C. Il existait comme antécédents une néphrectomie gauche pour un adénocarcinome à cellules claires. L'examen clinique montrait un état de choc avec collapsus. La radiographie pulmonaire révélait un syndrome alvéolaire diffus des deux champs pulmonaires. Le patient était transféré dans le service de réanimation et décédait brutalement un jour après son admission. Un enfant de 9 ans ayant bénéficié 3 ans auparavant d'une autogreffe de moelle osseuse pour une leucémie aiguë lymphoblastique, présentait brutalement un syndrome fébrile à 41 °C et décédait dans un tableau de défaillance multiviscérale. 1. - × 400) . 2. nécrosantes [1, 2, 11, 12, 17, 18, 20] . Certaines de ces fasciites nécrosantes ont été initialement décrites en association à une infection par des streptocoques du groupe A [1] . Ces infections gravissimes, souvent fatales, entraînent une nécrose diffuse de la peau, des tissus mous, et des muscles. Cette infection nécrosante a été très médiatisée il y a quelques années, particulièrement en Angleterre, responsable d'une véritable psychose dans la population. Elle a été surnommée « the flesh-eating bacterial disease » ou maladie bactérienne « mangeuse de chair fraiche » ! [1] . En fait, certaines souches de nombreuses bactéries peuvent également être responsables de nécrose tissulaire extensive : Staphylococcus aureus, et parmi les bactéries Gram négatif, Clostridium spp, Bacteroides spp, Escherichia coli, Fusobacterium spp, Prevotella spp, Porphyromonas spp, Vibrio vulnificus, Vibro cholerae, et Haemophilus influenzae [2, 17, 20, 21] . Au niveau de l'arbre broncho-pulmonaire, la grande majorité des bactéries pathogènes déterminent des lésions classiquement très riches en polynucléaires neutrophiles, conduisant à des images de pneumonie et de bronchopneumonie, et à la formation d'abcès [13] . Ainsi, les IBNE pulmonaires sont rares. Elles se caractérisent, comme dans nos observations, par de vastes territoires de nécrose hémorragique, responsables d'une inondation alvéolaire hémorragique. La réaction cellulaire, en particulier l'infiltrat à polynucléaires neutrophiles est souvent totalement absente. De véritables tapis de bactéries s'observent au sein de ces foyers. Ces bactéries s'agencent en volumineux amas alvéolaires, ou en « coulées » le long des cloisons interalvéolaires ou le long des feuillets pleuraux. Ces bactéries, compte tenu de leur nombre, sont bien visibles sur la coloration par l'HES. Les colorations de Gram (Gram « classique », Gram modifié selon les techniques de Brown Brenn et de Brown Hopps) ne font que confirmer leur présence. L'analyse morphologique attentive permet de distinguer les cocci, les coccobacilles, et les bacilles. Les colorations de Gram modifié permettent de mieux visualiser les bactéries Gram négatif. En fait, l'analyse histologique a ses limites pour une identification précise de ces bactéries. Malgré les tentatives de développement des techniques de PCR pour la caractérisation des bactéries à partir de matériel fixé et inclus en paraffine, seule l'analyse au laboratoire de microbiologie permet actuellement de définir la souche responsable, et d'affirmer le caractère pathogène de ces bactéries. Compte tenu de l'extrême gravité [16, [22] [23] [24] . Les infections à H. influenzae de l'arbre respiratoire et du parenchyme pulmonaire peuvent être responsables d'une inflammation nécrosante, détruisant de façon diffuse l'épithélium du larynx, de la trachée, des bronches et des bronchioles, puis le parenchyme pulmonaire. Les bactéries sont observées sur coupes histologiques : il s'agit de bacilles Gram négatif, de 0, 5 à 2, 5 microns, polymorphes, parfois coccobacillaires, plus rarement filamenteux. Rien ne permet histologiquement de distinguer cette infection d'autres infections bactériennes de l'arbre respiratoire. Toutefois, la présence d'une épiglottite associée doit obligatoirement faire rechercher une infection à H. influenzae [25] . Il faut rechercher une association avec une infection virale (virus respiratoire syncitial ou virus parainfluenza en particulier). Cette association est classiquement admise et augmente la pathogénicité de H. influenzae [26] . Compte tenu du tableau histologique, mais aussi de leur évolution foudroyante, les IBNE du poumon posent des problèmes de diagnostic différentiel. Il faut éliminer des lésions nécrotiques d'origine vasculaire, infarctus ou infarcissement liés à des emboles ou à des microemboles. Sur les prélèvements autopsiques, l'absence de réaction à polynucléaires neutrophiles au contact des amas bactériens peut parfois en imposer pour une pullulation bactérienne post mortem. Il faut également écarter une infection virale, associée ou non à une surinfection bactérienne [26] [27] [28] [29, 30] . L'étude histologique montre alors une infiltration massive par des polynucléaires neutrophiles avec des foyers abcédés, une nécrose vasoconcentrique, et assez souvent des images de vasculites avec la présence d'agents pathogènes dans les parois vasculaires. Des bacilles Gram négatifs, de petite taille (de 1, 5 à 5 µm) sont fréquemment observés au sein des foyers purulents. En conclusion, nos 4 observations entrent dans le cadre d'un tableau anatomo-clinique très rare, méconnu, mais bien stéréotypé : syndrome fébrile d'apparition brutale, polypnée évoluant vers un état de choc avec collapsus et décès. Les images observées associent : une nécrose hémorragique diffuse, un tapis de bactéries, une absence de réaction cellulaire associée, et une absence de cellules géantes multinucléées et/ou d'inclusions cellulaires. Ce tableau impose de réaliser de manière systématique une étude immunohistochimique afin d'éliminer une cause virale, avant de porter le diagnostic d'IBNE isolée. L'analyse histologique présente toujours à l'heure actuelle d'importantes limites pour l'identification précise des bactéries, ce qui impose de manière impérative un examen direct et une mise en culture au sein du laboratoire de bactériologie. Le diagnostic microbiologique des IBNE est une urgence, et, selon la bactérie responsable (par exemple en cas d'infection par un streptocoque béta hémolytique du groupe A), une antibiothérapie prophylactique des sujets ayant été au contact du patient peut se discuter. I Necrotizing fasciitis and myositis caused by group A streptococci. Epidemiology, diagnosis, and treatment of « flesh-eating bacteria » Cellulitis syndromes : an update Streptococcal toxic shock syndrome : a description of 14 cases from North Yorkshire Toxic shock syndrome related to simultaneous Staphylococcus aureus epiglottic abscess and group A streptococcal pharyngitis with bacteremia Another toxic shock syndrome. Streptococcal infection is even more dangerous than the staphylococcal form Clinical syndromes associated with adult pneumococcal cellulitis Invasive Haemophilus influenzae disease in adults Rapid infectious killers Necrotizing fasciitis. 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