key: cord-0847492-agij41jp authors: Perrin, C.; Savy, N.; Lang, M.; Caron, N.; Labbé, A. title: Acidose lactique chez un nourrisson au cours d’une crise d’asthme grave date: 2014-08-11 journal: Arch Pediatr DOI: 10.1016/j.arcped.2014.06.024 sha: f186d8a424e858baea0259ee6919774963abb2e8 doc_id: 847492 cord_uid: agij41jp Lactic acidosis is a recognized event in adult patients with acute severe asthma (ASA). Only a few cases have been reported in children. Hereinafter is reported the case of a 2-year-old girl hospitalized in the pediatric intensive care unit for ASA, which was treated with high-flow oxygen therapy and intravenous methylprednisolone and salbutamol. During hospitalization, she had metabolic acidosis with a 7.29 pH, a 26 mmHg hypocapnia, and a decrease in bicarbonates to 12 mmol/L. The anion gap was increased to 20 mmol/L and lactates to 8 mmol/L. The work-up for a congenital metabolic disease was normal. Progression was propitious with spontaneous improvement of lactic acidosis, and the child was discharged from the intensive care unit after 72 h. The origin of lactic acidosis during ASA seems to be multifactorial. Although its recovery can be spontaneous, it is important to know how to identify it because it can worsen respiratory symptoms and can lead to incongruous therapeutic escalation. L'acidose lactique est une complication connue dans l'asthme aigu grave (AAG) chez l'adulte, surtout en unité de réanimation, avec une prévalence variable selon les études de 16 à 40 % [1] [2] [3] . Peu de cas ont été décrits chez l'enfant [2, [4] [5] [6] , notamment chez le nourrisson où l'on ne retrouve pas, à notre connaissance, de cas documenté dans la littérature. Pourtant, la fréquence de cette complication chez l'enfant ne semble pas anecdotique avec une prévalence de 30 % [4] . La physiopathologie de ce désordre métabolique dans l'asthme reste discutée. La responsabilité des ß2-mimétiques par hyperstimulation adrénergique est une hypothèse réaliste [1] [2] [3] [4] [5] [6] [7] [8] et cet effet secondaire est le plus souvent méconnu et sous-estimé. Nous rapportons le cas d'une petite fille de 2 ans, hospitalisée en unité de réanimation pédiatrique pour un AAG, qui présentait une acidose lactique dès sa prise en charge, régressive après stabilisation de l'accès dyspnéique et réduction thérapeutique. Nous en discutons l'origine. Lactic acidosis is a recognized event in adult patients with acute severe asthma (ASA). Only a few cases have been reported in children. Hereinafter is reported the case of a 2-year-old girl hospitalized in the pediatric intensive care unit for ASA, which was treated with high-flow oxygen therapy and intravenous methylprednisolone and salbutamol. During hospitalization, she had metabolic acidosis with a 7.29 pH, a 26 mmHg hypocapnia, and a decrease in bicarbonates to 12 mmol/L. The anion gap was increased to 20 mmol/L and lactates to 8 mmol/L. The work-up for a congenital metabolic disease was normal. Progression was propitious with spontaneous improvement of lactic acidosis, and the child was discharged from the intensive care unit after 72 h. The origin of lactic acidosis during ASA seems to be multifactorial. Although its recovery can be spontaneous, it is important to know how to identify it because it can worsen respiratory symptoms and can lead to incongruous therapeutic escalation. ß 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. La survenue d'une acidose lactique dans l'asthme aigu grave (AAG) est classique chez l'adulte mais peu décrite chez l'enfant. Sa reconnaissance peut avoir des conséquences sur la prise en charge thérapeutique de la crise d'asthme. Une petite fille de 2 ans a été hospitalisée en réanimation pédiatrique pour un AAG, traité par oxygénothérapie à haut débit, méthylprednisolone et salbutamol par voie intraveineuse. Elle a présenté une acidose métabolique (pH = 7,29) avec hypocapnie (26 mmHg), chute des bicarbonates (12 mmol/L), trou anionique (20 mmol/L) et augmentation des lactates (8 mmol/L). La recherche d'une maladie métabolique sous-jacente a été négative. L'évolution a été favorable avec amélioration spontanée de l'acidose lactique permettant la sortie de l'unité de réanimation après 72 heures. L'origine d'une acidose lactique au cours de l'AAG est multifactorielle. Bien que sa résolution soit spontanée, il est essentiel de la reconnaître car elle peut modifier la symptomatologie respiratoire et conduire à une escalade thérapeutique inappropriée. Cette petite fille de 2 ans a été hospitalisée en réanimation pédiatrique pour un AAG. Elle était née prématurément à 32 semaines d'aménorrhée (SA) et avait été ventilée 24 h pour une maladie des membranes hyalines. Elle avait été hospitalisée par la suite à 4 reprises pour des bronchiolites à virus respiratoire syncytial (VRS). Ses radiographies pulmonaires étaient alors normales. Son traitement de fond comportait de la fluticasone (50 mg par jour). Ses vaccins étaient à jour. Dans ses antécédents familiaux, on retenait un asthme allergique chez son frère âgé de 6 ans. Elle avait présenté 15 jours auparavant une exacerbation d'asthme mal contrôlée par la fluticasone (100 mg 2 fois par jour) et du salbutamol inhalé (200 mg 3 fois par jour). À son arrivée au service d'accueil des urgences pédiatriques, elle présentait une polypnée à 44 cycles/min, une tachycardie à 152 battements/min, une hypoxémie (saturation pulsée de l'hémoglobine en oxygène à 87 % en air ambiant), une toux spastique et des signes de lutte marqués. À l'auscultation pulmonaire, on notait une diminution bilatérale des bruits respiratoires. Elle était apyrétique avec une hémodynamique conservée. Le traitement initial a comporté une série de 3 nébulisations de 2,5 mg de salbutamol à 20 minutes d'intervalle et une prise orale de 2 mg/kg de prednisone. En raison de la persistance de la symptomatologie par absence de réponse aux nébulisations, elle a été transférée dans le service de réanimation pédiatrique. Un traitement intraveineux (IV) par salbutamol (1 mg/kg/min) a alors été instauré en association avec 40 mg/kg de sulfate de magnésium et de la méthylprednisolone (1 mg/kg/12 h). L'enfant a été ventilée de façon non invasive par oxygénothérapie à haut débit. Le cliché thoracique a révélé une distension sans atélectasie et l'échocardiographie était normale. L'ionogramme sanguin était normal. Les bicarbonates étaient abaissés à 14 mmol/L et il existait une hyperglycémie à 12,8 mmol/L. À la numération sanguine, les leucocytes étaient à 21 Giga/L dont 18 Giga/L de polynucléaires neutrophiles, l'hémoglobine à 13 g/dL et les plaquettes à 323 Giga/L. La protéine C réactive (CRP) était à 10 mg/L. La gazométrie capillaire a révélé une acidose métabolique avec un pH à 7,29 et une hypocapnie à 26 mmHg. Le trou anionique était à 20 mmol/L et les lactates à 8 mmol/L. Au plan infectieux, la recherche de virus respiratoires par réaction de polymérisation en chaîne (PCR) s'est avérée positive pour le bocavirus et le coronavirus. En raison de l'âge de l'enfant, et malgré un développement psychomoteur et un examen neurologique normaux, un bilan complet à la recherche d'une maladie métabolique a été effectué (bilan hépatique, ammoniémie, chromatographie des acides aminés et organiques, carnitines et profil des acylcarnitines sanguines et urinaires). L'ensemble de ce bilan était normal. L'acidose lactique s'était installée rapidement puisqu'elle était présente à l'admission en réanimation et s'était aggravée progressivement. La thérapeutique initiale par salbutamol IV n'a pas été modifiée en raison de la symptomatologie spastique intense de l'enfant. Par la suite, parallèlement à l'amélioration de la symptomatologie et donc à la diminution de la pression thérapeutique, on a pu constater une amélioration rapide du pH en moins de 24 heures et une normalisation en moins de 12 heures après l'arrêt du salbutamol IV (tableau I). La sortie de réanimation a été autorisée à 72 heures. L'anomalie acido-basique la plus fréquemment rencontrée dans les crises d'asthme de l'enfant est l'alcalose respiratoire avec hypocapnie par hyperventilation. Lorsque la situation s'aggrave, on peut être confronté à une acidose respiratoire par hypoventilation et hypercapnie. La constatation d'une acidose métabolique avec hypocapnie et baisse des bicarbonates doivent faire rechercher une acidose lactique [7] . L'acide lactique est produit selon deux voies. L'acidose lactique de type A survient en cas d'hypoxie tissulaire. L'hypoxie ou l'hypoperfusion tissulaire augmente la glycolyse anaérobie et l'oxydation terminale du pyruvate en lactate accroît le travail des muscles respiratoires [1, 2, 7, 8] . La production d'acide lactique de type A serait la conséquence d'une inadéquation entre la quantité d'oxygène reçue et des besoins élevés [8] . Dans l'acidose lactique de type B, des altérations du métabolisme cellulaire généreraient un flux accru de pyruvate en lactate ou une diminution du métabolisme des lactates, en l'absence d'hypoxie ou d'hypoperfusion tissulaire [1, 4, 7] . Ce type d'acidose lactique peut être favorisé par une anomalie congénitale du métabolisme comme un déficit en pyruvatedéshydrogénase ou par une défaillance hépatique transitoire [1, 4, 7, 8] . Il peut également être lié à une stimulation adrénergique excessive [1, 4, 7] . L'hyperadrénergie dans l'asthme peut être d'origine endogène et exogène. La détresse respiratoire et l'anxiété dans la crise d'asthme grave entraînent une stimulation sympathique d'origine neuro-endocrine [1, 7] . L'administration de doses importantes de ß2-agonistes inhalés ou intraveineux accentuerait cette stimulation adrénergique. La survenue d'une acidose lactique dans l'AAG, bien connue chez l'adulte, a été peu relevée chez l'enfant alors que son incidence est certainement sous-estimée [4] . Il est essentiel d'en faire le diagnostic bien que cela ne semble pas avoir d'incidence pronostique contrairement aux adultes chez qui l'acidose lactique pourrait être un marqueur de gravité prédictif d'une insuffisance respiratoire sévère [1, 2] . L'acidose lactique survient généralement dans les premières heures suivant l'instauration du traitement [1, 4] . Sa résolution est spontanée et relativement rapide à l'arrêt ou à la diminution de la thérapeutique [8] . Sa reconnaissance est donc utile au plan thérapeutique. En effet, la gestion d'une crise d'asthme dépend de la gravité de l'insuffisance respiratoire. L'acidose métabolique majore les efforts respiratoires par hyperventilation compensatrice. Cette dernière peut être, à tort, interprétée comme une aggravation de l'obstruction bronchique et conduire à une escalade thérapeutique inappropriée avec augmentation des ß2-mimétiques, voire intubation avec ventilation mécanique [4, 7] alors qu'il serait plus approprié dans ce contexte de les diminuer. Une augmentation risque en effet d'aggraver l'acidose lactique qui elle même peut inhiber l'effet bronchodilatateur des ß2-mimétiques et occasionner des troubles ioniques graves. Néanmoins, les bêta-mimétiques restent une thérapeutique très utile et il pourrait être inadéquat de les rejeter au prétexte de situations rares chez l'enfant, l'asthme grave n'étant observé que chez une faible proportion de patients et les crises aiguës étant de plus en plus rares grâce à la qualité des traitements de fond. La place du dosage des lactates dans l'AAG reste donc à définir. Il faut savoir penser à l'acidose lactique devant l'apparition d'une dyspnée atypique ou son aggravation inexpliquée. La persistance d'une acidose malgré une capnie normalisée doit également conduire à doser les lactates. L'AAG prédispose à la survenue d'une acidose lactique, d'origine multifactorielle. Chez l'enfant, l'acidose lactique de type B par hyperstimulation adrénergique n'est certainement pas rare. Il faut savoir y penser devant la persistance d'une acidose métabolique car même si elle n'a pas de conséquence sur le pronostic, elle peut modifier la prise en charge et empêcher une escalade thérapeutique inappropriée. Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d'intérêts en relation avec cet article. Elevated plasma lactate level associated with high dose inhaled albuterol therapy in acute severe asthma Lactic acidosis and status asthmaticus: how common in pediatrics? Lactic acidosis in status asthmaticus: three cases and review of the littérature Mechanism of lactic acidosis in children with acute severe asthma Therapy of acute bronchospasm complicated by lactic acidosis and hypokalemia Lactic acidosis in children with acute exacerbation of severe asthma Lactic acidosis in asthma: report of two cases and review of the literature Acidose lactique sous ß2 mimétiques inhalés et asthme : à propos d'un cas et revue de la littérature