key: cord-0847271-3epcmnzh authors: Evrard, Anne title: Crise sanitaire et transgression date: 2020-10-06 journal: nan DOI: 10.1016/j.sagf.2020.07.014 sha: 87a28a376a3fa9aff357c8fc58df4537b5c1c09b doc_id: 847271 cord_uid: 3epcmnzh Le parcours en périnatalité a subi une réorganisation complète pendant la crise sanitaire. Le suivi de grossesse a été assuré en totalité, mais pas toujours la préparation à la naissance et à la parentalité. Cette situation, associée à l’absence de l’accompagnant en salle de naissance, a provoqué des incertitudes fortes et, chez certains couples, des angoisses majeures. Pour prévenir les risques de fragilisation des liens conjugaux et parents-enfant, une écoute attentive de la part des soignants s’est avérée nécessaire. The perinatal care program underwent a complete reorganization during the health crisis. Pregnancy follow-up was fully ensured, but not always preparation for birth and parenthood. This situation, associated with the absence of the second parent in the delivery room, caused great uncertainty and, for some couples, major anxiety. In order to prevent the risks of weakening the conjugal and parent-child bonds, careful listening by the caregivers proved to be necessary. Le parcours en périnatalité a subi une réorganisation complète pendant la crise sanitaire. Le suivi de grossesse a été assuré en totalité, mais pas toujours la préparation à la naissance et à la parentalité. Cette situation, associée à l'absence de l'accompagnant en salle de naissance, a provoqué des incertitudes fortes et, chez certains couples, des angoisses majeures. Pour prévenir les risques de fragilisation des liens conjugaux et parents-enfant, une écoute attentive de la part des soignants s'est avérée nécessaire. de choses pendant cette crise. Et la première, c'est d' avoir transgressé la façon dont les professionnels de santé veulent pratiquer leur métier », exprimait un soignant. Une fois n'est pas coutume, voici un article écrit par des usagères qui commence par la citation d'un professionnel de santé. Ce n'est pas un hasard, car la sécurité des femmes, des couples et de leurs bébés ne peut s'envisager sans une approche en miroir de celle des soignants. Or, la crise sanitaire due à l'épidémie de Covid-19 lui a porté une atteinte sérieuse : exposition personnelle élevée au risque infectieux, conditions de travail dégradées et largement compliquées, situation terriblement anxiogène. Malgré toute la bonne volonté à l'oeuvre, il était logique que cela rejaillisse sur les patients. Nous ne souhaitons pas faire ici une analyse exhaustive de ces mois exceptionnels à plus d'un titre, mais plutôt souligner quelques éléments essentiels et les points de vigilance à venir. Un début de confinement chaotique et anxiogène J Le début du confinement a été marqué par une désorganisation liée à la brutalité de sa mise en place. Les discours officiels ont, pendant quelque temps, minimisé l'ampleur de l'épidémie. De ce fait, lorsque le confinement a été instauré, les solutions de repli pour le suivi des femmes enceintes n'étaient, La périnatalité à l'épreuve de la Covid-19 accentué leurs inquiétudes quant à l'accouchement et limité le dialogue avec les soignants à propos de leurs souhaits. La persistance de mesures difficiles à comprendre J Les incertitudes ont perduré sur les conditions d'accouchement et la place de l'accompagnant, même lorsque le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) a édicté des consignes claires à ce propos [4] . D'ailleurs, ce ne sont pas forcément les maternités ou les professionnels les plus exposés au risque de Covid-19 qui ont adopté les règles les plus strictes. Les positions publiées par le CNGOF prévoyaient la présence de l'accompagnant aux échographies, pendant l'accouchement et le séjour. Elles ont été diversement interprétées et pas seulement en fonction de l'intensité locale de l'épidémie. Si les restrictions au plus fort de la crise et sur les territoires les plus durement touchés étaient plutôt comprises, elles ont déclenché une vague intense de protestations dans des zones moins atteintes et alors que les soignants savaient comment minimiser les risques liés à la présence du coparent. J Ainsi, indépendamment des situations tendues sur le plan sanitaire, des interdictions de cette sorte ont perduré pendant les échographies et en suites de couches. Les moments où le conjoint pouvait être présent à l'accouchement ont également été restreints ; certains n'ont été autorisés à entrer en salle de naissance qu'à la fin du travail, alors que cette mesure avait été prévue pour des personnes qui ne souhaitaient pas y rester de nombreuses heures sans en sortir. Il est aussi surprenant que, face à des situations particulières et à des parents spécifiquement vulnérables, certains professionnels aient maintenu des positions très dures : des pères se sont vu interdire d'assister à des écho graphies de référence dans des situations de diagnostic anténatal complexes et terriblement angoissantes, et des femmes sont restées sans accompagnant pendant la quasi-totalité d'une interruption médicale de grossesse ou isolées en suites de couches alors qu'elles ne supportaient pas d'être séparées de leur famille et qu'elles auraient pu prétendre à une sortie très précoce. Que dire aussi des situations dénoncées par l'association SOS Préma [5] , où des bébés prématurés ont été privés de la présence de leurs parents, alors même que la Société française de néonatalogie avait publié très tôt des recommandations en faveur du respect de la place des parents en néonatalogie [6] ? Des situations potentiellement traumatiques J Il ne s'agit nullement pour nous de généraliser, et nous savons que bien des situations délicates ont été traitées avec finesse et ajustement. Mais nous avons recueilli, en juin, les premiers retours à distance de ces événements, et ils montraient que la vigilance s'impose face aux conséquences de ce que les couples ont eu à traverser. J L'absence de l'accompagnant choisi n'a que rarement pu être compensée par une présence plus accrue des soignants, ce qui n'a rien de surprenant puisque le ratio femmes/sage-femme n'est déjà pas satisfaisant en temps normal. Les femmes accouchant seules sont, en temps habituel, très minoritaires, et les sagesfemmes veillent à leur consacrer plus de temps. Cela n'a pas été possible, alors que toutes leurs patientes étaient dans la même situation. Certaines parturientes ont donc traversé leur accouchement seules, ce qui a pu être fort mal vécu. Si, sur le moment, elles se sont avant tout mobilisées autour de la naissance de leur bébé, les conséquences ont pu se manifester au bout de plusieurs semaines. J Dans notre société qui a, depuis longtemps, normalisé la présence des conjoints en salle de naissance, il était illusoire d'imaginer que cette mesure serait sans conséquences. Oui, la naissance est bien un événement conjugal, intime et familial, et, pour la grande majorité des femmes, l'absence de l'accompagnant de leur choix ne peut être compensée par la présence de soignants, même attentionnés. Chacun tient auprès de la mère et de son bébé une place spécifique, et si une parturiente exprime le besoin d'être soutenue par un proche, c'est bien pour le rôle particulier qu'il aura auprès d'elle. J Si la grande majorité des couples ont paru s'adapter correctement aux contraintes sanitaires, la séparation au moment de l'arrivée de leur bébé et dans ses premiers jours de vie a pu provoquer des failles dans leurs relations mutuelles. De très nombreuses études ont montré l'intérêt de la présence des parents auprès des nouveau-nés hospitalisés, tant pour la création du lien que pour leur développement [7] . La douleur intense de ces couples séparés d'un bébé vulnérable est susceptible de laisser des traces non négligeables. La périnatalité à l'épreuve de la Covid-19 Enfin, pour beaucoup, le retour à domicile s'est fait sans le soutien des proches ou des structures étayantes. Maman Blues, association d'usagères oeuvrant autour des diffi cultés maternelles, a mesuré, à travers l'accroissement des prises de contact et l'augmentation de la participation à ses groupes de parole, les conséquences de cette crise sanitaire sur les parents [8] . Les couples, les femmes plus particulièrement, ont évoqué les incertitudes, les angoisses et l'isolement de cet accompagnement iatrogène qui ont parfois majoré leurs difficultés parentales. Certains couples ont évoqué les incertitudes, les angoisses et l'isolement de cet accompagnement iatrogène qui ont parfois majoré leurs difficultés parentales. Collectif interassociatif autour de la naissance Association Doulas de France Fédération nationale des éducateurs.trices de jeunes enfants Collège national des gynécologues et obstétriciens français Société française de néonatalogie Des recommandations francophones sur l'environnement des nouveau-nés hospitalisés : une nécessité pour soutenir leur développement, leur bien-être et leur famille. Paris: Société française de néonatalogie Sur le front d'une guerre biologique. La santé mentale du personnel hospitalier face au coronavirus