key: cord-0841198-st3ge2b8 authors: Arlet, J. B.; De Luna, G.; Khimoud, D.; Cheminet, G.; Garou, A.; Cannas, G.; Cougoul, P.; Guitton, C.; Holvoet, L.; Odièvre, M. H.; Joseph, L.; Santin, A.; De Montalembert, M.; Bartolucci, P.; Bernit, E.; Lionnet, F. title: Caractéristiques des patients drépanocytaires infectés par le SARS-CoV-2 en fonction de leur prise en charge ambulatoire ou en hospitalisation : étude nationale chez 536 patients date: 2021-12-31 journal: La Revue de Médecine Interne DOI: 10.1016/j.revmed.2021.10.280 sha: 57919386f9194a219724af829b1397b48ae0b732 doc_id: 841198 cord_uid: st3ge2b8 Introduction Les patients drépanocytaires ont très tôt été considérés comme personnes “fragiles” vis-à-vis de la COVID-19 car, indépendamment du risque propre de l’infection, il est bien établi que toute infection peut déclencher une crise vaso-occlusive (CVO). Il y a cependant peu d’études descriptives sur larges cohortes décrivant les caractéristiques des patients drépanocytaires avec COVID-19. Nous avons voulu comparer les caractéristiques des patients drépanocytaires infectés par le SARS-Cov2 suivant qu’ils aient été ou non hospitalisés afin d’établir un profil des patients ayant nécessité une hospitalisation. Matériels et méthodes Étude de cohorte prospective, multicentrique et observationnelle Française. Dès le 13 mars 2020, nous avons établi en France grâce au réseau des centres de référence/compétence et de la filière de santé MCGRE (pédiatrie et médecine adulte), un appel à déclaration de toutes infections à SARS-CoV-2 consécutives confirmées par test RT-PCR sur écouvillon naso-pharyngé. Les caractéristiques cliniques simples concernant la drépanocytose et son traitement et les signes cliniques de l’infection ont été recueillis sur une fiche de recueil standardisée. Un modèle univarié a été utilisé pour comparer les caractéristiques des patients, par génotypes de drépanocytose et selon qu’ils aient été pris en charge en ambulatoire ou hospitalisés (passage au minimum d’une nuit aux urgences). Résultats 536 patients drépanocytaires infectés par le SARS-CoV-2 ont été inclus : 319 patients hospitalisés et 217 non hospitalisés. Il s’agissait de 431 drépanocytaires de génotypes S/S ou S/b0-thalassémie (âge moyen 27±12,7 ans), 82 de génotype SC (âge moyen de 33,6±15 ans) et 23 de génotype S/b±halassémie (29,7±15,4 ans). Nous détaillons dans ce résumé les données concernant les patients majoritaires, de génotype S/S ou S/b0-thalassémie. Chez ces patients, l’âge moyen, le sexe, l’index de masse corporelle, les antécédents de syndrome thoracique aigu (STA), d’HTA ou de diabète, le traitement par hydroxyurée ou immunosuppresseurs étaient identiques entre patients infectés hospitalisés et infectés ambulatoires. Les patients hospitalisés avaient très nettement plus de crises vaso-occlusives osseuses (67 % vs. 13 %, P <0,001) et étaient moins transfusés dans les 60jours avant la PCR (10,1 % vs. 24,5 %, P =0,01). Ils étaient plus anémiques que les patients ambulatoires (-0,8g/dl d’hémoglobine en médiane, P =0,003). Parmi les symptômes de l’infection, les patients hospitalisés avaient plus souvent de la fièvre (55 % vs. 35 %, P <0,001) et de la dyspnée (19,2 % vs 6,4 %, p <0,001), mais beaucoup moins de symptômes ORL (incluant rhinorrhée et/ou agueusie et/ou anosmie) (11,8 vs. 36,9 %, p <0,001). Chez les patients SC les mêmes tendances étaient observées même si elles n’étaient pas toujours significatives du fait d’un effectif plus faible (33 hospitalisés vs. 49 non hospitalisés). C’est le cas des CVO osseuses présentes chez 57,6 % des SC hospitalisés vs 12,8 % des non hospitalisés (P <0,001) et de la dyspnée (24,2 % vs 6,8 %, p <0,045). Conclusion Les CVO osseuses expliquent l’hospitalisation d’un grand nombre d’infections COVID-19 chez le patient drépanocytaire. La transfusion dans les 2 mois pourrait prévenir ces CVO « viro-induites » et ces hospitalisations alors que l’ hydroxyurée ne semble pas être un facteur protecteur. La présence de signes ORL est associée à moins d’hospitalisations, comme l’ont montré d’autres études en population générale avec COVID-19. Cela pourrait être un élément de « tri » des malades en cas de forte affluence épidémique, en plus des éléments de gravité classiques de la COVID-19 ou de la CVO. cognitifs patents de cause psychiatrique ou neurologique étaient exclus. Le score a été calculé par un neurologue et, corrigé pour le niveau d'étude (+ 1 si < 12 ans d'études). Nous avons évalué par régression logistique les associations entre un score < 26 (seuil des troubles cognitifs légers) ou < 18 (seuil de la démence) et les caractéristiques des patients et de leur maladie. Résultats 96 adultes drépanocytaires ont été inclus dont 55 femmes (57 %), 64 de génotype SS ou S␤0 (67 %) et 32 SC ou S␤+ (33 %), l'âge moyen était de 37 ans, 27 (28 %) avaient étudié moins de 12 ans et 50 (52 %) étaient nés hors de France (Tableau 1). Le temps médian de passation du test était de 12 minutes. Le score corrigé était < 26 chez 60 patients (63 %), dont 8 (8 %) < 18. Les fonctions exécutives et visuospatiales et la mémoire à long terme étaient les plus touchées. Les caractéristiques associées de faç on indépendante au risque d'avoir un score bas étaient (Tableau 1) : l'âge plus avancé, une durée d'études < 12 ans chez les patients nés en France, le génotype SS/S␤0 et le génotype SC/S␤+ en cas de nécessité de saignées. En revanche, la profondeur de leur anémie et les complications microvasculaires (rétinopathie, glomérulopathie) n'identifient pas des patients à plus haut risque d'avoir un score bas. Sans surprise, un âge plus avancé est associé à un risque plus élevé d'avoir un score du MoCA bas. Les patients de génotype SC/S␤+ en programme de saignées, indiqué par un phénotype d'hyperviscosité, ont un risque plus élevé d'avoir un score bas que ceux qui ne sont pas en programme de saignées et similaire aux patients SS/S␤0. Une scolarité courte est prédictive de troubles cognitifs chez les patients nés et scolarisés en France, alors qu'une scolarité courte chez les patients nés en Afrique est plus souvent la conséquence de conditions socio-économiques défavorables et n'a pas la même valeur prédictive. Le MoCA est réalisable chez les adultes drépanocytaires au cours de leur suivi de routine. Le score est bas chez un grand pourcentage de ces patients représentatif des adultes drépanocytaire suivi en France métropolitaine. Nous prévoyons une étude pour valider la valeur prédictive positive des scores bas du MoCA avec comme référence une évaluation neurocognitive complète. 11 1 Médecine interne, hôpital Europeen Georges-Pompidou, Paris 2 Umggr, centre de référence « syndromes drépanocytaires majeurs », médecine interne, hôpital Henri-Mondor AP-HP, Créteil 3 Médecine interne, centre de référence de la drépanocytose, hôpital Européen Georges Pompidou AP-HP, Paris 4 Pédiatrie, Centre hospitalier de Mayotte, Mayotte 5 Médecine interne, Hospices Civils de Lyon -HCL, Lyon 6 Immunopathologie-medecine interne, IUCT Oncopole, Toulouse 7 Pédiatrie, hôpital Bicêtre AP-HP, Le Kremlin-Bicêtre 8 Pédiatrie, hôpital Robert-Debré AP-HP, Paris 9 Pédiatrie, hôpital Armand-Trousseau AP-HP, Paris 10 Service de biothérapie, hôpital Necker-Enfants malades AP-HP, Paris 11 Médecine interne, hôpital Tenon, Paris 12 Pédiatrie, hôpital Necker, Paris 13 Unité transversale de la drépanocytose, CHU de Guadeloupe, Les Abymes * Auteur correspondant. Adresse e-mail : jean-benoit.arlet@aphp.fr (J.B. Arlet) Les patients drépanocytaires ont très tôt été considérés comme personnes "fragiles" vis-à-vis de la COVID-19 car, indépendamment du risque propre de l'infection, il est bien établi que toute infection peut déclencher une crise vaso-occlusive (CVO). Il y a cependant peu d'études descriptives sur larges cohortes décrivant les caractéristiques des patients drépanocytaires avec COVID-19. Nous avons voulu comparer les caractéristiques des patients drépanocytaires infectés par le SARS-Cov2 suivant qu'ils aient été ou non hospitalisés afin d'établir un profil des patients ayant nécessité une hospitalisation. Étude de cohorte prospective, multicentrique et observationnelle Franç aise. Dès le 13 mars 2020, nous avons établi en France grâce au réseau des centres de référence/compétence et de la filière de santé MCGRE (pédiatrie et médecine adulte), un appel à déclaration de toutes infections à SARS-CoV-2 consécutives confirmées par test RT-PCR sur écouvillon naso-pharyngé. Les caractéristiques cliniques simples concernant la drépanocytose et son traitement et les signes cliniques de l'infection ont été recueillis sur une fiche de recueil standardisée. Un modèle univarié a été utilisé pour comparer les caractéristiques des patients, par génotypes de drépanocytose et selon qu'ils aient été pris en charge en ambulatoire ou hospitalisés (passage au minimum d'une nuit aux urgences). Résultats 536 patients drépanocytaires infectés par le SARS-CoV-2 ont été inclus : 319 patients hospitalisés et 217 non hospitalisés. Il s'agissait de 431 drépanocytaires de génotypes S/S ou S/b0thalassémie (âge moyen 27 ± 12,7 ans), 82 de génotype SC (âge moyen de 33,6 ± 15 ans) et 23 de génotype S/b ± halassémie (29,7 ± 15,4 ans). Nous détaillons dans ce résumé les données concernant les patients majoritaires, de génotype S/S ou S/b0-thalassémie. Chez ces patients, l'âge moyen, le sexe, l'index de masse corporelle, les antécédents de syndrome thoracique aigu (STA), d'HTA ou de diabète, le traitement par hydroxyurée ou immunosuppresseurs étaient identiques entre patients infectés hospitalisés et infectés ambulatoires. Les patients hospitalisés avaient très nettement plus de crises vaso-occlusives osseuses (67 % vs. 13 %, P < 0,001) et étaient moins transfusés dans les 60 jours avant la PCR (10,1 % vs. 24,5 %, P = 0,01). Ils étaient plus anémiques que les patients ambulatoires (-0,8 g/dl d'hémoglobine en médiane, P = 0,003). Parmi les symptômes de l'infection, les patients hospitalisés avaient plus souvent de la fièvre (55 % vs. 35 %, P < 0,001) et de la dyspnée (19,2 % vs 6,4 %, p < 0,001), mais beaucoup moins de symptômes ORL (incluant rhinorrhée et/ou agueusie et/ou anosmie) (11, 8 vs. 36,9 %, p < 0,001). Chez les patients SC les mêmes tendances étaient observées même si elles n'étaient pas toujours significatives du fait d'un effectif plus faible (33 hospitalisés vs. 49 non hospitalisés). C'est le cas des CVO osseuses présentes chez 57,6 % des SC hospitalisés vs 12,8 % des non hospitalisés (P < 0,001) et de la dyspnée (24,2 % vs 6,8 %, p < 0,045). Les CVO osseuses expliquent l'hospitalisation d'un grand nombre d'infections COVID-19 chez le patient drépanocytaire. La transfusion dans les 2 mois pourrait prévenir ces CVO « viro-induites » et ces hospitalisations alors que l' hydroxyurée ne semble pas être un facteur protecteur. La présence de signes ORL est associée à moins d'hospitalisations, comme l'ont montré d'autres études en population générale avec COVID-19. Cela pourrait être un élément de « tri » des malades en cas de forte affluence épidémique, en plus des éléments de gravité classiques de la COVID-19 ou de la CVO. Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d'intérêts. https://doi.org/10.1016/j.revmed.2021.10.280 Les patients drépanocytaires sont à risque de surinfection bactérienne du fait de l'asplénie fonctionnelle induite par la maladie. Leur fragilité vis-à-vis d'une infection virale n'a jamais bien été établie si ce n'est que celle-ci augmente le risque de crise vaso-occlusive (CVO) et donc d'hospitalisation. Les patients drépanocytaires ont très tôt été considérés comme personnes "fragiles" vis-à-vis de la COVID-19 mais cela reste controversé et les facteurs de gravité dans cette population sont mal connus. Nous avons voulu identifier les facteurs de risque associés à des formes sévères de COVID-19 dans une cohorte de patients drépanocytaires infectés par le SARS-Cov2 et hospitalisés. Cohorte prospective, multicentrique et observationnelle Franç aise incluant des patients drépanocytaires hospitalisés avec une infection SARS-CoV-2 confirmée (par test RT-PCR sur écouvillon naso-pharyngé) entre mars 2020 et mai 2021. Les données cliniques et le devenir durant l'hospitalisation ont été recueillis. Un modèle de régression logistique multivarié a été utilisé pour identifier les facteurs associés aux formes sévères de COVID-19 définies par le recours à une ventilation mécanique ou un décès intra-hospitalier. Nous avons effectué des comparaisons en fonction des génotypes de drépanocytose. Résultats 319 patients drépanocytaires, d'âge moyen 27,4 ans (de 2 mois à 85,5 ans), ont été hospitalisés concomitamment à la découverte d'une infection par le SARS-CoV-2. Sept (2,2 %) sont décédés, uniquement des adultes. Chez les adultes, les patients âgés de plus de 40 ans (n = 59) présentaient un risque 8,3 fois plus élevé [IC 95 % 2,6-31,2] de décès ou d'intubation par rapport aux patients âgés de 20 à 40 ans (n = 153) (P < 0,001). Aucun patient de moins de 20 ans n'a été intubé. Lorsque l'on stratifie en fonction de la présence ou non d'une CVO (67 % des patients) ou d'un syndrome thoracique aigu (STA 30,5 %), la survenue d'une intubation ou d'un décès était plus faible chez les patients pour lesquels une CVO ou un STA était présents (aOR : 0,24 [0,06-0,92] ; p = 0,037 pour la CVO ; aOR : 0,71 [0,08-6,16] ; p = 0,760 pour le STA). En analyse multivariée, le génotype SC (n = 33 patients) était indépendamment associé à un risque plus élevé de nécessiter une ventilation mécanique ou de mourir (24,2 % contre 3,6 % pour les patients SS/S␤0, P < 0,001 ; aOR : 6,99 [IC 95 % 1,42-34,5]). L'âge était l'autre facteur significatif. Par rapport aux patients SS/S␤0, les patients SC présentaient également un risque plus élevé de survenue de thromboses (28,1 % vs 6,3 % pour les SS/S␤0, P < 0,001 ; aOR : 5,86 [IC 95 % 1,59-21,59]). Dans le sous-groupe SS/S␤0 (n = 276), les facteurs associés à la ventilation mécanique ou au décès étaient l'âge, l'indice de masse corporelle, l'hypertension artérielle, le diabète et l'utilisation de médicaments immunosuppresseurs. L'âge plus élevé était le principal facteur de risque de ventilation mécanique ou de décès chez les patients SC. Nos résultats montrent que les patients drépanocytaires SC hospitalisés avec la COVID-19 ont un risque beaucoup plus élevé d'évolution sévère, associé à davantage de complications thrombo-emboliques. Ces résultats sont surprenant tant ce génotype (20 % des drépanocytaires en France) est considéré comme le moins sévère, associé à une espérance de vie meilleure que les homozygotes. Ces patients SC devraient, avec l'ensemble des drépanocytaires de plus de 40 ans, constituer un groupe de patients ultraprioritaires pour la vaccination, notamment dans des pays où la vaccination est peu accessible. L'utilisation d'une anticoagulation curative chez un patient SC hospitalisé avec la COVID est une question ouverte par ce travail. Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d'intérêts. Les patients drépanocytaires adultes sont considérés depuis le début de l'épidémie comme plus fragiles face à la COVID-19. L'analyse de la littérature et des travaux Franç ais montrent que les patients de génotype SC et les plus de 40 ans Médecine interne, centre de référence de la drépanocytose Service de biothérapie, hôpital Necker-Enfants malades AP-HP Médecine interne, Hospices Civils de Lyon -HCL, Lyon 7 Immunopathologie-médecine interne, IUCT Oncopole, Toulouse 8 Pédiatrie, hôpital Bicêtre AP-HP Umggr, centre de référence « syndromes drépanocytaires majeurs », médecine interne, hôpital Henri-Mondor AP-HP, Créteil 12 Unité transversale de la drépanocytose Adresse e-mail