key: cord-0827126-96g9dft9 authors: Paulard, Isabelle Robin title: Des étudiantes sages-femmes engagées pour soutenir les professionnels de santé date: 2020-10-06 journal: nan DOI: 10.1016/j.sagf.2020.07.016 sha: e583e45255e802518f7cabb04d3204c890d28996 doc_id: 827126 cord_uid: 96g9dft9 La pointe de la Bretagne a eu la chance d’être relativement épargnée par la première vague de la pandémie de Covid-19. Néanmoins, conscients de la situation sanitaire nationale, certaines étudiantes sages-femmes brestoises, avec qui nous nous sommes entretenues, se sont engagées, dès le mois de mars 2020, dans des actions concrètes, pour soutenir les professionnels de l’hôpital. The tip of Brittany was fortunate to be relatively unscathed by the first wave of the Covid-19 pandemic. Nevertheless, aware of the national health situation, some student midwives from Brest with whom we spoke have committed themselves, from March 2020, to concrete actions to support hospital professionals. Des étudiantes sages-femmes engagées pour soutenir les professionnels de santé S olenn, Youna, Aziliz, Camille, Irina et Clara étaient étudiantes, durant l'année universitaire 2019-2020, en quatrième année à l'école de sages-femmes de Brest. Sur la base du volontariat, elles ont souhaité apporter leur aide en répondant aux appels reçus par le service d'aide médicale urgente (Samu, centre 15) de Brest (figure 1), dont le standard a, comme dans de nombreuses régions, été pris d'assaut, surtout au début de la pandémie. Solenn témoigne de leur engagement. Comme ses camarades, cela lui apparaissait « comme une évidence d' aider l'hôpital dans cette crise sanitaire ». Naéva, Léonie, Margaux, Alice, Eva et Elsa étaient, quant à elles, étudiantes en deuxième année. Elles ont participé, pendant leur temps libre et leurs vacances, à des ateliers de confection de tabliers jetables (figure 2) destinés à protéger les soignants, conçus à partir de bâches de jardinage. Naéva, Léonie, Margaux et Elsa ont choisi de témoigner ensemble de leur expérience. Pour elles aussi, cela semblait évident, en tant que futures professionnelles de santé, de proposer leur aide. Sages-femmes (SAGF). Comment vous êtes-vous adaptées à la situation ? Solenn (S). Le début du confinement m'a semblé assez long, il m'a fallu apprendre à vivre seule, loin de mes proches, en limitant les sorties. Pendant quelques jours, j'ai eu l'impression d'être déconnectée de la réalité. Cette crise était inédite, mais je m'y suis faite, et j'ai pris de nouvelles habitudes : sport en intérieur, cuisine, etc. Il a fallu trouver de quoi s'occuper. Par la suite, lorsque les stages ont repris, j'ai renoué avec une routine, entre les gardes et les révisions, le quotidien était bien rythmé. Naéva, Léonie, Margaux, Elsa (N, L, M, E). En deuxième année d'études de sages-femmes, nous étions loin d'être les personnes les plus à plaindre durant cette crise. Nous sommes, pour la plupart d'entre nous, rentrées chez nos parents pendant le confinement. Nous avons essayé de conserver un rythme de travail correct et de continuer à faire du sport. Cependant, rester à la maison pour travailler nos cours s'est avéré de plus en plus compliqué au fil des jours. SAGF. Avez-vous éprouvé de l'inquiétude vis-àvis de la poursuite de vos études ? S. Je n'étais pas inquiète concernant les enseignements. Je me doutais que les supports de cours seraient postés sur notre espace numérique de travail, nous devions juste continuer à travailler chez nous, comme nous avons l'habitude de le faire. Mais certaines formations, nécessitant d'être présentes, La périnatalité à l'épreuve du Covid-19 ont dû être annulées à la suite de l'annonce du confinement. Nous n'avions alors aucune certitude qu'elles puissent être reportées à l'année suivante. En revanche, j'étais beaucoup plus soucieuse concernant l'unité d'enseignement clinique. Or, en quatrième année, à Brest, nous avons eu beaucoup de chance de voir nos stages maintenus. Même si ce n'était plus possible de se rendre dans certains établissements, tous les étudiants ont pu être réaffectés, ce qui nous a sécurisés. N, L, M, E. Nous étions assez inquiètes, en parti culier concernant l'organisation de nos examens et de nos stages. De plus, de nombreux travaux pratiques importants ont été annulés. Nous en avons beaucoup discuté entre nous. Heureusement, nos enseignants ont été particulièrement bienveillants et à l'écoute. L'école a activement cherché des solutions. S. Nous étions assistants régulateurs au Samu au sein de la cellule de crise dédiée à la Covid-19, c'està-dire les premiers interlocuteurs des patients qui, pensant être contaminés, appelaient le 15. Nous devions recueillir leur identité exacte (nom, prénom, âge, adresse) et le motif de leur appel. Pour cela, nous réalisions un interrogatoire précis : quels symptômes présentait le patient et depuis quand ? S'étaient-ils aggravés ? Avait-il des antécédents particuliers ? Des cas positifs avaient-ils été diagnostiqués dans son entourage ? Après avoir collecté toutes ces informations, nous transmettions systématiquement l'appel à un médecin de la cellule de crise. Nous avons été formées durant deux demi-journées. Lors de la première session, dédiée à la présentation de la théorie à l'aide d'un diaporama, toutes les étudiantes sages-femmes volontaires brestoises étaient rassemblées. Une carte du département du Finistère, sur laquelle le nom des villes était mentionné, nous a été distribuée. Lors de la deuxième demi-journée, mes camarades et moi étions seules avec un assistant de régulation médicale titulaire, afin de prendre en main le logiciel et de recueillir nos premiers appels. La crise sanitaire que nous avons vécue au printemps 2020 a mis en lumière des disparités sur l'ensemble du territoire. Les établissements de formation se sont organisés afin de maintenir une continuité pédagogique à distance. Les modalités de contrôle des connaissances et des compétences ont été modifiées. Des évaluations cliniques ont ainsi été remplacées par des travaux écrits ou des études de cas. Stages Les stages ont été, pour une majorité d'entre eux, annulés, exceptés pour certains étudiants du second cycle. Les concernant, l' Association nationale des étudiants sagesfemmes s'est positionnée dès la fin du mois d'avril 2020 [1] . Si le stage était maintenu, les modalités suivantes devaient être respectées : • il devait avoir des objectifs définis atteignables dans le contexte de crise et être cadré par une convention de stage ; • il devait permettre à l'étudiant de valider des European credit transfert system (ECTS) ; • l'étudiant devait être encadré pendant toute la durée de son stage ; • les conditions de sécurité sanitaire recommandées devaient être respectées [2] ; • ne pas réaliser leur stage ne devait pas être pénalisant pour ceux dont l'état de santé les exposait à la Covid-19 et ceux qui étaient confinés avec des personnes à risque ; • enfin, des modalités de rattrapage devaient être proposées aux personnes n'ayant pas pu le poursuivre. Préparation des examens L'organisation à distance des examens des étudiants sagesfemmes a été largement privilégiée. Cependant, certains établissements de formation n'ont pas souhaité suivre les recommandations officielles du ministère des Solidarités et de la Santé [3, 4] . Ils ont imposé des examens en présentiel avant le 20 juin 2020, date butoir choisie par les pouvoirs publics. Les soutenances des futurs diplômés ont été effectuées par visioconférence ou en présentiel. Au plus fort de la crise sanitaire, la situation était, de ce point de vue aussi, très hétérogène. Toutefois, de nombreux étudiants sages-femmes ont effectué des astreintes, voire du volontariat en tant qu'aides-soignantes ou auxiliaires de puériculture au sein des services hospitaliers sous tension. À noter que cela s'est parfois déroulé sans respect des délais entre la réception du planning et le début de la prise de poste. La plupart des établissements hospitaliers et de formation ont permis aux étudiants de bénéficier de tenues hospitalières au même titre que les soignants. Cependant, certains centres hospitaliers universitaires leur ont imposé de rapporter leurs tenues souillées chez eux, ce qui nous a paru inacceptable dans cette situation [3] . Cette crise sanitaire a été à l'origine de beaucoup de stress pour les étudiants sages-femmes. En effet, les inconnues étaient nombreuses et les informations arrivaient au comptegouttes, la communication avec les équipes pédagogiques a semblé parfois compliquée. Nous avons dû, en tant qu'association représentative, faire entendre notre voix auprès du ministère afin de ne pas être oubliés en ce qui concerne la dotation en masques et autres. Nous en avons informé les intéressés à chaque étape. Les taux de cas de défense des droits sont en augmentation constante d'une année à l'autre. Mais de mars à mai 2020, nous avons observé une hausse de 240 % des demandes par rapport à la même période de l'année 2019. Ce chiffre témoigne des réelles inquiétudes et des difficultés rencontrées par les étudiants sages-femmes (manque d'informations précises notamment). Bilan Cette crise laissera un souvenir mitigé. En fin d'année universitaire, tout n'était malheureusement pas réglé : de nombreuses incertitudes persistaient concernant le rattrapage de certains stages et épreuves. Des étudiants sages-femmes ayant contracté la Covid-19 ont dû suspendre leur stage et se sont vu, dans certains établissements, dans l'obligation de l'effectuer durant leur période de vacances estivales, contrairement aux recommandations en vigueur [5] et ce que vivaient d'autres étudiants en santé. Toutefois, nous avons appris avec satisfaction que nous étions éligibles à la prime exceptionnelle liée à la Covid-19 [6] . Enfin, alors que le Ségur de la santé [7] aurait pu être une véritable opportunité d'amélioration de la condition de nos études et de notre exercice, nous n'avons pas été conviés à participer aux débats… La périnatalité à l'épreuve du Covid-19 S. Cette mission a renforcé des compétences que nous pourrons développer durant notre future pratique professionnelle. Nous avons également pu appréhender le fonctionnement du Samu, ce qui est très intéressant pour notre culture personnelle. Ce fut également une très bonne expérience de vie. C'est une réelle fierté d'avoir pu participer, à notre manière, à la "gestion" de cette crise. Pour ma part, cette mission m'a également permis de maintenir des liens sociaux. Étant, comme beaucoup, confinée seule dans un petit appartement ne disposant pas d'ouverture sur l'extérieur, cela me permettait de sortir de chez moi avec un véritable objectif et de rencontrer d'autres personnes. N, L, M, E. Avec cette mission nous nous sommes senties utiles, de rendre service et de découvrir l'entraide professionnelle. De plus, des soignants nous ont expliqué que, grâce aux blouses, ils se sentaient très bien protégés, même s'il faisait chaud sous un tel équipement… Ces témoignages nous ont donné envie de continuer ! Plus égoïstement, nous avons été contentes de sortir un peu de chez nous durant la période de confinement et de voir du monde. SAGF. Cette mission n'était pas spécifiquement en lien avec la profession de sage-femme. Pensezvous qu'elle vous a néanmoins apporté quelque chose en tant que future professionnelle de la périnatalité ? S. Oui, complètement ! La mission m'a permis de réaliser de nombreux interrogatoires, donc d'apprendre à cibler les questions à poser aux patients. En quelques minutes, je devais recueillir toutes les informations essentielles, anamnèse que nous devons également réaliser en tant que sages-femmes auprès de nos patientes, que ce soit en consultation, aux urgences gynéco-obstétricales ou en suites de couches. Je dirais aussi qu'aujourd'hui, j'appréhende mieux le contact téléphonique. Il n'est pas toujours facile de parler au téléphone, cela peut être stressant. J'espère qu'à l'avenir, la formation sur les gestes d'hygiène sera renforcée et approfondie au cours des études. Il serait également intéressant que les étudiants en santé bénéficient d'enseignements complémentaires sur les épidémies et les pandémies, et leur prévention. N, L, M, E. Oui, bien sûr, notre mission nous a beaucoup apporté, d'abord parce qu'elle était basée sur la solidarité et l'entraide ! Nous avosn appris à nous adapter rapidement à une situation inédite. SAGF. Retirez-vous des éléments positifs de la situation particulière que vous avez vécue ? S. D'un point de vue général, certainement. Pendant la crise sanitaire, nous avons pu constater que l'entraide -entre voisins, avec les personnes âgées, etc. -s'est développée. Des chaînes de solidarité se sont créées dans toute la France. Par ailleurs, en stage dans une maternité où les conjoints étaient autorisés à rester avec leurs femmes 24 heures sur 24, à partir du moment où ils restaient confinés dans la chambre, j'ai remarqué que les mères étaient plus reposées, apaisées, se sentaient moins seules. Cela pourrait être une piste de réflexion pour l'avenir. Dans davantage de maternités, les pères pourraient être autorisés à rester dormir, à condition que la question des contraintes de place, de nombre de "lits de camp" disponibles, soit résolue bien sûr. Cela serait certainement bénéfique pour tout le monde : la maman, le papa et le nouveau-né. N, L, M, E. Lors de cette crise, les gens se sont rendu compte de la situation des hôpitaux et s'y sont intéressés. De plus, la pandémie nous a rappelé que nous avons de la chance de vivre en France, d'avoir un système de santé développé et bien meilleur que dans d'autres pays, mais aussi de pouvoir voir nos proches et sortir, d'habiter près de la mer, etc. • Déclaration de liens d'intérêts L'auteur déclare ne pas avoir de liens d'intérêts. Association nationale des sagesfemmes libérales. Les étudiant.e.s sages-femmes mobilisé.e.s demandent à être reconnu.e.s. Communiqué Centre national de ressources et de résilience (CN2R). Recommandations épidémie Covid-19 Dans les établissements de santé : recommandations Covid-19 et prise en charge Maladies infectieuses Arrêté du 11 mars 2013 relatif au régime des études en vue du diplôme d'État de sagefemme versement d'une prime exceptionnelle aux agents des établissements publics de santé et à certains agents civils et militaires du ministère des Armées et de l'Institution nationale des invalides dans le cadre de l'épidémie de covid-19