key: cord-0825730-zqkfebhn authors: Nielly, H.; Ezanno, A.-C.; Aimé, A.; Fougerousse, A.-C.; Werkoff, G.; Bessellère, R.; Merens, A.; Giraud, J.-M.; Woloch, A.; Ficko, C. title: Filière ambulatoire COVID-19 aux urgences : retour d’expérience et perspectives date: 2021-01-13 journal: nan DOI: 10.1016/j.jeurea.2021.01.001 sha: e4975be6f97638ed3d40ecd75d913275ae4aa409 doc_id: 825730 cord_uid: zqkfebhn But de l’étude Le SARS-CoV2 a causé une pandémie en 2020. Nous décrivons la création d’une filière ambulatoire COVID-19 au sein du service d’accueil des urgences (SAU). Matériel et méthodes Les patients couchés ou avec signes de gravité étaient pris en charge dans une filière dédiée dans le SAU. Les autres patients suspects de COVID-19 étaient pris en charge dans une filière sous tente, tenue par des médecins et chirurgiens non urgentistes. Des dossiers papier étaient utilisés. Les indications de prélèvement ont suivi les recommandations nationales [Haut Conseil de la santé Publique], ciblées à l’époque sur les patients avec des facteurs de risque de formes graves, les patients à hospitaliser, le personnel soignant et les premiers cas d’investigation de clusters. Résultats Du 16 mars au 7 mai 2020, 57 praticiens non urgentistes de 17 spécialités différentes ont assuré 224 vacations de 5h. Sur cette période, 2039 consultations au SAU étaient en lien avec la COVID-19, dont 1542 ont eu lieu dans la filière ambulatoire sous tente. Au final 1819 (93 %) consultations ont abouti à un retour au domicile, 114 (6 %) à une hospitalisation en secteur conventionnel, et 23 (1 %) à une hospitalisation en réanimation. Conclusion La création de filières dédiées du fait du risque de transmission croisée, et l’afflux de nombreux patients en un court laps de temps, nécessitent des renforts de personnel soignant. L’intégration de ces renforts est d’autant plus facile qu’une procédure précise est établie et qu’ils bénéficient d’une formation et d’un accompagnement initiaux. Le respect de l’organisation en filière permet de répondre efficacement à l’ensemble des demandes de soins. Aims SARS-CoV2 has caused a pandemic in 2020. We describe the creation of an ambulatory sector dedicated to COVID-19 in an emergency department (ED). Procedure Patients on stretcher or with emergency signs were managed in an ED dedicated area by emergency physicians. The other COVID-19-suspect patients were managed in another area, under a tent, by physicians with another specialty. Paper files were used to save time. Following the national recommendations at that time [Haut Conseil de la santé Publique], nasopharyngeal swabs for SARS-CoV-2 RT-PCR were performed for patients being at risk of severe disease, patients being inhospitalized, healthworkers, and first cases of a new cluster. Results From March 16th to May 7th 2020, 57 physicians representing 17 medical or surgical specialties different from emergency medicine realized 224 shifts of 5h. During that period of time, 2039 consultations in the ED were related to COVID-19, of which 1542 took place in the ambulatory care area under the tent. Eventually, 1819 (93 %) consultations led to discharge from hospital, 114 (6 %) to hospitalization in a medical ward, and 23 (1 %) in intensive care unit. Conclusion Creating dedicated area because of contagiousness, and the large number of patients attending the ED in a short period of time, require caregiver reinforcement. Integration of the reinforcements is easier when a precise procedure has been established and when they are provided with initial teaching and mentoring. Respect of the ED organization allows to provide effective care to all patients. En décembre 2019, le Sars-CoV2 a émergé en Chine puis s'est propagé menant l'Organisation Mondiale de la Santé à déclarer une pandémie le 11 mars 2020 [1, 2] . Afin Q2 d'éviter la saturation du système de santé, le gouvernement français a annoncé un confinement prenant effet le 17 mars 2020. Les services d'accueil des urgences (SAU) ont dû créer des filières spécifiques pour éviter le risque de contamination des soignants et des patients non suspects de COVID-19 [3] . D'autre part, le nombre important de patients consultant pour une suspicion de COVID-19, a rendu des renforts nécessaires. Nous rapportons notre expérience de création d'une filière ambulatoire COVID-19 au SAU. Les patients en brancard étaient pris en charge par les urgentistes dans un circuit dédié accolé au SAU (Fig. 1) . Ce circuit était isolé géographiquement du reste du service. Il était composé d'une salle d'attente, de 6 chambres individuelles avec sanitaires individuels et pouvant s'ouvrir sur l'extérieur ou disposant d'un épurateur d'air, et d'un box infectieux avec un sas de déshabillage, armé en salle de déchoquage pour les patients suspects de COVID-19. Lors de la phase 2 de l'épidémie, les patients debout étaient initialement pris en charge sur ce secteur dit « circuit court COVID ». L'augmentation progressive des 2 catégories de patients (les patients ambulatoires et les patients avec des facteurs de risque de gravité ou d'emblée avec des signes de gravité) a cependant nécessité d'individualiser 2 filières différentes et de créer un nouveau circuit, établi sous une tente devant le SAU. Dès l'entrée de l'hôpital, une signalétique guidait les patients ambulatoires vers la tente (Fig. 2) . À l'entrée de la tente, après inscription du patient auprès d'une première secrétaire, l'Infirmière Organisatrice de l'Accueil (IOA) redirigeait tous les patients avec signes de gravité-saturation O 2 < 95 %, fréquence respiratoire > 24/min, tirage respiratoire, pression artérielle systolique < 100 mmHg)-vers le circuit du SAU dédié aux patients couchés. Sous la tente, après une salle d'attente respectant la distanciation sociale, deux postes de consultation et de prélèvement (pouvant chacun être dédoublés) permettaient la prise en charge des patients avant leur sortie (Fig. 3) . Les dossiers papier étaient scannés par une 2 e secrétaire en fin de parcours avant d'être remis aux patients. Le résultat de RT-PCR n'étant pas disponible immédiatement, il était téléphoné le lendemain à chaque patient, à partir d'une liste éditée par le laboratoire. Le résultat était disponible facilement sur le dossier informatique du patient (reporté dans une barre de menu du dossier informatique, sur fond coloré). Les patients confirmés (prélevés avec un résultat positif) et suspects (tableau clinique compatible mais hors des indications de prélèvement retenues à l'époque) étaient inscrits sur une plateforme de suivi par télémédecine (Fig. 1) . Nous avons utilisé la plateforme COVIDOM, développée par l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris et Nouvéal e-santé. Le sol de la tente était constitué d'une toile cirée afin de faciliter le bionettoyage. Les tables étaient recouvertes 3 Figure 2 . Circuit sous tente de la filière ambulatoire COVID-19 du Service d'Accueil des Urgences. d'un film plastique transparent sous lequel étaient placées les diverses procédures. Ce film était changé deux fois par jour et bionettoyé après chaque patient. Les portes de la tente étaient maintenues ouvertes pour assurer une ventilation suffisante. Des paravents étaient placés devant les postes médicaux afin d'assurer la confidentialité. Le personnel soignant situé sous la tente portait en permanence une charlotte, des lunettes ou une visière et un masque respiratoire FFP2. Dans chaque poste médical étaient définies une zone verte où le médecin remplissait les documents médicaux, à environ 2 mètres du patient, et une zone rouge où était situé le patient et où avait lieu le prélèvement (Fig. 3 [5] . De ce fait une RT-PCR n'était pas réalisée si les symptômes étaient trop frustes ou trop récents chez les soignants. Dans ce cas de figure, les soignants étaient invités à rester en isolement, étaient rappelés chaque jour pour déterminer l'évolution des symptômes, et étaient invités à reconsulter pour prélèvement en cas de persistance ou de progression des symptômes. Chaque cas de figure était identifié en suivant un arbre décisionnel (Fig. 4) , et repéré in fine par le codage PMSI. À partir du codage, le service d'information médicale était en mesure d'identifier les patients à inscrire dans COVIDOM (cas probables -non prélevés, et cas confirmés -prélevés positifs). Nous avons recueilli à partir du dossier informatisé le parcours et les caractéristiques des patients ayant consulté aux urgences en lien avec la COVID-19 entre le 16 mars et le 7 mai 2020. Cette étude a été approuvée par le comité d'éthique de l'HIA Bégin. Du 16 mars au 7 mai 2020, 224 vacations de 5 heures ont été réalisées sous la tente par 57 médecins non urgentistes. Chaque jour, 4 à 6 médecins intervenaient sous la tente (2 à 3 de 8 h à 13 h et 2 à 3 de 13 h à 18 h). Le profil des praticiens était varié : médecins, chirurgiens, chirurgiens-dentistes, anatomopathologistes, représentant 17 spécialités ; chefs de service, adjoints, internes ; temps plein, attachés. Sur décision de la direction de l'hôpital, les chirurgiens viscéraux et orthopédiques assurant la garde de chirurgie n'étaient pas autorisés à intervenir sous la tente, et étaient dévolus au rappel des patients, tracé en téléconsultation, et à leur inscription sur COVIDOM. Sur les 3530 consultations au SAU entre le 16 mars et le 7 mai 2020, 2039 (58 %) étaient en lien avec la COVID-19 (Fig. 5) . Le circuit sous tente a permis la réalisation de 1542 consultations, et le circuit dédié du SAU a permis la réalisation de 414 prises en charge. L'âge moyen des patients du circuit sous tente était significativement plus jeune que celui des patients du circuit dédié du SAU : 42 ± 15 ans contre 60 ± 20 ans (p < 10 Les consultations ont été les plus nombreuses semaine 13 avec un pic à 100 consultations pour suspicion de COVID-19 le 23/03/2020. Les consultations étaient moins nombreuses les week-end et jours fériés, et plus nombreuses les lendemains de week-end et jours fériés (Fig. 6 ). La survenue d'une pandémie virale est un événement très déstructurant pour l'hôpital car celui-ci doit s'adapter à une triple contrainte : • respect de secteurs à haute densité virale et à basse densité virale, avec application de mesures barrières rendant les soins-même les plus simples comme la prise des constantes-chronophages ; • augmentation du nombre de consultations en un court laps de temps ; • maintien de la prise en charge pour les soins urgents classiques ou les pathologies médicales ne pouvant souffrir de retard diagnostique ou thérapeutique La première contrainte nécessite pour les SAU une séparation géographique qui souvent fait appel à des structures sous tente. Cette séparation est en soi consommatrice de personnel puisqu'elle dédouble un certain nombre de postes. Notre SAU disposait déjà d'un circuit infectieux accolé pré-identifié. Pourtant, au pic épidémique, un dédoublement de ce circuit a été nécessaire afin de pouvoir répondre à l'ensemble des demandes. L'accueil d'un grand nombre de patients en un laps de temps court nécessite une codification très précise et stéréotypée de la prise en charge. Cette codification précise permet une cohérence de prise en charge. Elle permet aussi d'insérer dans la chaîne de soin des praticiens d'horizons très divers en toute sécurité. Ainsi, des chirurgiens et des médecins non cliniciens ont été inclus avec succès dans la filière ambulatoire COVID-19 du SAU de notre hôpital. Cette participation de praticiens dont l'activité habituelle est très différente de la médecine d'urgence nécessite toutefois, d'une part une formation et un accompagnement initiaux, et d'autre part la garantie d'une intervention rapide d'un urgentiste en cas de signes de gravité. À l'inverse, les praticiens compétents pour prendre en charge des patients avec signes de gravité ne doivent pas le faire au sein de ces filières, sous peine de les engorger. Tout patient dont le profil ne correspond pas à une filière donnée doit être changé de filière. Le respect de l'organisation est nécessaire afin de répondre à l'ensemble des demandes de soins. Le flux important de patients nous a conduits à travailler sur dossier papier, plus rapide à renseigner que les dossiers informatiques. Cependant la traçabilité est restée assurée par la numérisation de ces dossiers dans le dossier médical informatisé du patient. De ce fait, la création de codes d'accès au logiciel du SAU pour les praticiens en renfort est un point à anticiper. Dans notre organisation, c'est une secrétaire qui réalisait les manipulations informatiques (prescription du prélèvement, numérisation, codage, clôture du dossier), sous le contrôle du médecin. On note que malgré l'afflux de patients consultant en lien avec la COVID-19, l'activité totale du SAU a été moindre qu'en période hors pandémie (3530 consultations du 16 mars au 7 mai 2020 contre 4259 du 16 mars au 7 mai 2019, soit une baisse de 17 %), ce qui est parfois nommé le « paradoxe COVID-19 » [6] . La tension sur les approvisionnements en surblouses imperméables et les stocks contraints de masques respiratoires nous ont conduits à adapter nos procédures initiales. En accord avec les recommandations de la Société Française d'hygiène hospitalière, il a été convenu de conserver le même masque FFP2 pour toute la durée d'une vacation de 5 h, sauf en cas de souillure évidente ou de retrait du masque. Les blouses imperméables ont été réservées en priorité aux secteurs de réanimation. Deux alternatives ont été mises en place sur les circuits du SAU : pour le secteur COVID dédié aux patients en brancards, dans le bâtiment du SAU, la surblouse imperméable a été remplacée par une blouse non imperméable sur laquelle était placé un tablier imperméable, changé systématiquement à chaque sortie de chambre. Sous la tente, des combinaisons intégrales en Tyvek adaptées au travail en extérieur étaient conservées pour une vacation de 5 h. Elles étaient complétées par un tablier plastique changé entre chaque patient. L'utilisation de films plastiques transparents bionettoyables et jetables sur les tables a permis de faciliter les mesures d'hygiène et de rendre les procédures accessibles à tout moment. Dans tous les cas, le bionettoyage spécifique entre chaque consultant est toujours resté une priorité afin d'éviter toute transmission croisée. Le rendu différé des résultats de RT-PCR allié à la nécessité de ne pas reconvoquer les patients inutilement du fait du confinement nous a amenés à faire le choix de remettre à tous les patients un arrêt de travail de 14 jours. En effet, un patient peut retravailler avant la fin de son arrêt de travail [7] alors qu'un arrêt de travail ne peut pas être prolongé à distance. Bien que rétrospective, notre étude fournit des données fiables car elles sont récentes et car elles concernent une prise en charge très standardisée. Les patients pris en charge dans la filière sous tente étaient statistiquement plus souvent des femmes et avaient un âge moyen plus faible que les patients pris en charge au SAU, où étaient orientés les patients avec signe de gravité. Ces données sont cohérentes avec celles de la littérature, qui ont permis d'identifier l'âge élevé et le sexe masculin comme des facteurs de risque de forme grave [8] . Le taux de RT-PCR positives est élevé en comparaison avec d'autres expériences [9] . Il résulte des critères restrictifs de prélèvement que nous avons appliqués. Ces critères sont donc pertinents pour réduire le nombre de prélèvements négatifs en période de pénurie de kit de prélèvement, mais n'ont pas d'application en cas de stratégie de recherche active de cas contact, comme c'est le cas depuis le déconfinement débuté en mai 2020. Les données plus récentes démontrant la positivité de la RT-PCR dès le début de symptômes [10] même frustes et chez des patients asymptomatiques, sont en faveur d'un dépistage quelle que soit la durée d'évolution des symptômes, contrairement à notre procédure initiale, décrite plus haut. La procédure ne peut prétendre anticiper tous les cas de figure. Le personnel soignant doit pouvoir joindre un responsable unique afin de trancher les cas litigieux et de faire remonter les points à améliorer. Ce responsable doit régulièrement se rendre au niveau de la filière pour mettre à jour la procédure et détecter les points d'achoppement. Dans l'hypothèse de vagues épidémiques ultérieures, nous espérons que ce retour d'expérience pourra aider les SAU à planifier et calibrer leur organisation face à la COVID-19. À l'instar des filiarisations de la traumatologie dans les services d'urgence, la création d'une filière spécifique pour les patients sans signes de gravité permet une prise en charge rapide et efficace d'un nombre élevé de patients. Les renforts sont une aide précieuse afin de maintenir parallèlement la prise en charge de toutes les urgences. Le matériel complémentaire accompagnant la version en ligne de cet article est disponible sur https://doi.org/10.1016/j.jeurea.2021.01.001. Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d'intérêts. Avis provisoire : patients à risque de formes sévères de COVID-19 et priorisation du recours aux tests de diagnostic virologique Allocution liminaire du Directeur général de l'OMS lors du point presse sur le COVD-19 COVID-19 : organisation des services d'urgences -version n(2-22/03/2020 How to Obtain a Nasopharyngeal Swab Specimen Virological assessment of hospitalized patients with COVID-2019 Emergency department: COVID-19 crisis and organizational aspects Article L323-6 du code de la sécurité sociale Actualisation de l'avis relatif aux personnes à risque de forme grave de COVID-19 et aux mesures barrières spécifiques à ces publics Preliminary Results of Initial Testing for Coronavirus (COVID-19) in the Emergency Department Temporal dynamics in viral shedding and transmissibility of COVID-19