key: cord-0825211-u3bshav9 authors: Voisin, N.; Tringali, S.; Fieux, M. title: Dyspnée laryngée et Covid-19 date: 2021-10-31 journal: Annales françaises d'Oto-rhino-laryngologie et de Pathologie Cervico-faciale DOI: 10.1016/j.aforl.2021.03.001 sha: 5a04cbea7938398683d2184d6ed1636f1be0486b doc_id: 825211 cord_uid: u3bshav9 nan Une patiente âgée de 69 ans était adressée aux urgences pour l'apparition d'une dyspnée inspiratoire d'aggravation progressive depuis 6 jours. Un mois avant, elle avait présenté une pneumopathie sévère à SARS-CoV2 (PCR positive) compliquée d'un syndrome de détresse respiratoire aiguë ayant nécessité 7 jours d'intubation en réanimation avec 48 h de décubitus ventral puis 7 jours en hospitalisation conventionnelle. On notait dans ses antécédents, une sténose coronarienne traitée par angioplastie avec stent actif, une hypertension artérielle et un diabète de type 2. Aux urgences, elle était apyrétique mais dyspnéique à la parole avec une voix bitonale et une fréquence respiratoire mesurée à 12. L'examen cervical et endobuccal était sans particularité. La nasofibroscopie notait un oedème glotto-sous-glottique avec un aspect nécrotique de la muqueuse sous-glottique sous la commissure postérieure. Une hypomobilité crico-aryténoïdienne bilatérale était également constatée. La protéine C-réactive et la numération formule sanguine étaient normales. La PCR SARS-CoV2 était négative. Devant l'urgence respiratoire, une corticothérapie systémique à la dose de 1 mg/kg/j accompagnée d'aérosols de corticoïde était mise en place. L'évolution clinique était rapidement favorable. La nasofibroscopie de contrôle retrouvait une amélioration de l'oedème glotto-sous-glottique autorisant le décubitus dorsal. Un examen tomodensitométrique cervico-facial avec injection était alors réalisé (Fig. 1) . Ensuite, une endoscopie des voies aériennes supérieures était réalisée pour confirmer le diagnostic et pour réaliser des prélèvements histologiques et microbiologiques. Au terme de ce bilan, une antibiothérapie probabiliste par amoxicilline/acide clavulanique (Augmentin ® intraveineux à la dose de 1 g fois 3 par jour) était débutée dès la réalisation des prélèvements et un relais per os prévu après 48 h de traitement. Quel est votre diagnostic ? L'histoire clinique est évocatrice d'une chondrite du cricoïde devant l'association d'une intubation et d'un oedème glottosous-glottique persistant chez une patiente apyrétique. L'aspect scanographique note une ulcération muqueuse sous-glottique postérieure, mesurée à 17 × 9 × 15 mm, associée à une lyse de la partie inférieure de la lame du cricoïde, confirmant le diagnostic de chondronécrose du cricoïde. L'analyse anatomopathologique des prélèvements endoscopiques note de simples remaniements oedémateux et inflammatoires sans carcinome. Les prélèvements mycologiques et mycobactériologiques sont stériles. Les analyses bactériologiques notent de rares colonies de germes commensaux (Parvimonas Micra, Atopobium Rimae, Streptococcus constellatus, Streptococcus anginosus) et un Staphylococcus aureus. Devant l'évolution clinique favorable, bien que le Staphylococcus aureus soit résistant à la méticilline, après discussion collégiale avec les infectiologues, aucune modification du traitement n'est réalisée. Ils ont jugé que la présence de staphylocoques aureus dans les prélèvements endoscopiques est liée à son passage en réanimation, il s'agit d'un portage chronique bactérien non pathogène, ce pour quoi ils ne recommandent pas d'antibiothérapie spécifique. Le diagnostic de chondronécrose aseptique du cricoïde est ainsi retenu. Les traumatismes sous glottiques après intubation endotrachéale sont relativement fréquents mais la chondronécrose du cricoïde est rare avec un pronostic incertain. La durée de l'intubation est un facteur de risque reconnu mais le diagnostic doit être évoqué même après une intubation courte (moins de 7 jours), devant l'apparition progressive d'une dyspnée laryngée post-extubation après un intervalle libre [1] . Il est admis que la chondronécrose est due à l'ulcération de la muqueuse en regard du chaton cricoïdien suite à une compression du ballonnet de la sonde d'intubation entraînant un défaut de vascularisation du pédicule laryngé postéro-inférieur [2] . Ce mécanisme mène à une périchondrite puis une chondrite jusqu'à entraîner une nécrose du cricoïde [3] . Cliniquement cela se traduit par une dyspnée laryngée lié à l'oedème glotto-sous-glottique avec hypomobilité cordale bilatérale de contiguïté par extension de l'oedème jusqu'au niveau de l'articulation crico-aryténoïdienne. Cela s'accompagne d'un aspect infiltré voire nécrotique de la muqueuse sous glottique avec présence de granulomes inflammatoires. Lorsque le diagnostic est suspecté, le scanner cervico-thoracique injecté est nécessaire [4] . Les caractéristiques scanographiques varient en fonction de l'importance de l'atteinte et mettent le plus souvent en évidence une déminéralisation du cricoïde, qui apparaît sous la forme d'une hypodensité [4] . D'autres caractéristiques sémiologiques radiologiques sont également décrites dans la littérature [4] : • la chondrolyse avec une fragmentation du cartilage et une rupture de continuité de l'anneau cartilagineux ; • la sclérose du cartilage ; • l'oedème des tissus mous adjacents. La prise en charge est médicochirurgicale. Elle n'est pas standardisée et varie selon la gravité de la chondronécrose. Sur le plan chirurgical, l'endoscopie est systématique pour confirmer le diagnostic avec réalisation d'un examen attentif des voies aériennes supérieures et de prélèvements microbiologiques et histologiques profonds. Elle peut être accompagnée d'une intervention pour améliorer la perméabilité laryngée si le traitement médical n'a pas permis d'amélioration respiratoire. La trachéotomie est privilégiée face à la cordotomie postérieure ou à une aryténoïdectomie pour éviter toute nouvelle mutilation laryngée. La pose d'un stent laryngo-trachéal, type tube de Montgomery, peut parfois être nécessaire [3] . Ce type de stent n'est pas sans danger en raison d'un risque d'obstruction aiguë par torsion. De plus, lorsque le stent dépasse du plan des aryténoïdes, il peut être à l'origine de douleurs ou de fausses routes. L'utilisation de prothèses laryngo-trachéales est donc réservée à des centres hautement spécialisés. Sur le plan médical, les différents auteurs s'accordent sur l'importance d'une corticothérapie systémique à la dose de 1 mg/kg/j pour une durée de 7 jours ainsi qu'une antibiothérapie adaptée aux prélèvements microbiologiques [2] . Cependant, on ne connaît pas l'impact réel de ces thérapeutiques sur l'évolution de la maladie. Notamment l'antibiothérapie, qui, dans notre cas, peut être discutée devant des prélèvements microbiologiques retrouvant la présence d'éléments non pathogènes ou de simples colonisations. Néanmoins, un cartilage à nu qui présente une chondrite est à haut risque de s'infecter même s'il ne l'était pas initialement. Ainsi, une attitude plus interventionniste concernant l'antibiothérapie pourrait être décidée selon les équipes. Une antibiothérapie probabiliste est souvent réalisée devant une arthrite crico-aryténoïdienne débutante pour prévenir l'évolution vers une réelle chondrite. On pourrait donc distinguer l'existence de chondronécroses septiques et aseptiques du cricoïde [5] . Une corticothérapie seule peut aussi favoriser l'extension de la nécrose cartilagineuse dans le cadre d'une chondronécrose septique. Elle ne peut donc être proposée qu'après un scanner cervicothoracique injecté et une endoscopie des voies aériennes supérieures [2] . De plus, depuis le début de la pandémie à SARS-CoV2, la corticothérapie doit être réservée aux formes cliniques sévères des différentes pathologies pour lesquelles il est clairement établi qu'elle permet une amélioration rapide des symptômes [6] . Depuis le début de la pandémie de COVID-19, devant l'augmentation brutale et massive du nombre de patients intubés en réanimation, parfois à plusieurs reprises et dans l'urgence en raison d'une aggravation clinique rapide, une augmentation des cas de chondronécrose du cricoïde pourrait être constatée. Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d'intérêts. Cricoid chondronecrosis: case report and review of literature Serious complication of postextubation laryngeal oedema treated by corticosteroids: septic cricoid chondronecrosis Cricoid chondronecrosis: a complication of endotracheal intubation Imaging appearance of a post-intubation cricoid chondronecrosis Aseptic necrosis of the cricoid: a complication of tracheal intubation Consensus statement. Corticosteroid therapy in ENT in the context of the COVID-19 pandemic