key: cord-0817964-v8nka02d authors: Dufour, Barbara title: Les causes de l’émergence des maladies infectieuses date: 2019-06-16 journal: Bull Acad Natl Med DOI: 10.1016/s0001-4079(19)30410-8 sha: 19e3bb9e0f2e5b6f59a76b080586af5d8de106b2 doc_id: 817964 cord_uid: v8nka02d The most infectious diseases that veterinarians and doctors believed to have vanquished in the 1980s in developed countries, have repeatedly talked about them in an often dramatic way in the 2000s. Foot-and-mouth disease devastated British herds in 2001, bovine tuberculosis, which had been hoped for eradication after 50 years of fighting, has re-emerged in the United Kingdom and France... At the same time, new infectious diseases, often zoonotic, have appeared in animals and in humans : HP avian influenza H5N1 in 2003, SARS in 2003, the MERS-CoVin2012… The reasons for these emergences are multiple because each disease has its own determinants. However, three main groups of factors can be cited: the evolution of pathogens (RNA viruses in particular), environmental changes favoring the development of vectors and reservoirs, and human behavior. The constant movement of humans, animals and their products on the planet, densification of populations and massive displacements linked to conflicts are probably at the heart of these evolutions. For the future, the challenges are to understand the infectious risks linked to these evolutions in order to try to prevent them. Epidemiology through surveillance and investigation will be tomorrow more than ever, at the heart of the prevention of infectious diseases. Les enjeux pour l'avenir sont de comprendre les risques infectieux liés à ces évolutions afin de tenter de les prévenir. L'épidémiologie par la surveillance et l'investigation sera donc demain plus que jamais, au coeur de la prévention des maladies infectieuses. The reasons for these emergences are multiple because each disease has its own determinants. However, three main groups of factors can be cited: the evolution of pathogens (RNA viruses in particular), environmental changes favoring the development of vectors and reservoirs, and human behavior. The constant movement of humans, animals and their products on the planet, densification of populations and massive displacements linked to conflicts are probably at the heart of these evolutions. For the future, the challenges are to understand the infectious risks linked to these evolutions in order to try to prevent them. Epidemiology through surveillance and investigation will be tomorrow more than ever, at the heart of the prevention of infectious diseases. Les maladies émergentes sont définies par l'Organisation mondiale de santé animale (OIE) comme des « infections nouvelles, causées par l'évolution ou la modification d'un agent pathogène ou d'un parasite existant ». Cette définition met clairement l'accent sur l'aspect de nouveauté lié à l'émergence, certes centrée sur l'agent pathogène mais qui peut également se focaliser sur les hôtes ou les éventuels vecteurs. Une définition plus épidémiologique, proposée par Toma et Thiry en 2003 [6] , permet de distinguer l'émergence vraie : « Maladie dont l'incidence réelle augmente de manière significative dans une population donnée, d'une région donnée et pendant une période donnée, par rapport à la situation épidémiologique habituelle de cette maladie », de l'émergence médiatique c'est-à-dire de l'émergence perçue. Pour apprécier si une maladie émerge réellement au sens de la définition de Toma et Thiry, il est donc nécessaire de disposer d'une référence antérieure que la surveillance épidémiologique permet de fournir. La lutte et la prévention de ces émergences passent nécessairement par la compréhension de leurs déterminants. Les déterminants de l'émergence des maladies sont multiples : il peut s'agit de facteurs liés à l'agent pathogène lui-même et à l'immunité qu'il peut induire dans les populations, à l'activité humaine ou encore à des modifications naturelles de l'environnement. Les agents pathogènes infectieux évoluent comme toutes les espèces vivantes. Cependant leurs évolutions sont généralement rapides compte tenu de leur cycle vital très court et de leur mode de reproduction. Qu'il s'agisse de virus ou de bactéries, leur multiplication est dépendante de leurs interactions avec les espèces qu'ils infectent. Plus ces interactions sont nombreuses, plus la multiplication des agents pathogènes est importante et plus l'évolution de ces agents pathogènes sera favorisée. Les virus à ARN (notamment ceux à ARN segmentés comme les virus influenza) sont des candidats privilégiés à ces évolutions. Pour se reproduire, ils doivent transformer leur ARN en ADN. Les inévitables erreurs de transcription peuvent conduire à des modifications évolutives. La multiplicité des virus d'une même famille est également un facteur d'échange de matériel génétique entre eux pouvant conduire à des évolutions adaptatives Au cours des dernières années, plusieurs maladies ont émergé en raison de ces évolutions génétiques. Le franchissement de la barrière d'espèce rendant zoonotiques ces infections, est une possible conséquence de ces évolutions. On peut ainsi citer l'apparition du virus H5N1 HP souche asiatique qui a colonisé rapidement l'Asie du Sud Est puis l'Afrique et l'Europe créant une panzootie sans précédent. Le syndrome respiratoire aigu et sévère (SRAS) est dû à un coronavirus qui provient à l'origine des chauves-souris et se serait propagé à l'Homme via des chats et/ou des civettes ; les chauves-souris infectées ne montraient pas de signes visibles de maladie [7] . Les augmentations récentes et inquiétantes des bactéries multirésistantes aux antibiotiques constituent un autre exemple de l'évolution néfaste des agents pathogènes. Par ailleurs, la résistante naturelle ou induite (par vaccination notamment) des populations animales ou humaines évolue également. Dans les pays développés, le vieillissement de la population et les traitements contre des maladies majeures (cancers, Sida..) induisent une baisse transitoire ou définitive de l'immunité d'individus dont le nombre ne cesse de croitre avec les progrès médicaux. Par ailleurs, l'éradication de certaines maladies par l'amélioration des conditions d'hygiène ou la vaccination généralisée ont certes diminué la mortalité mais les populations sont maintenant « naïves » vis-à-vis de ces agents pathogènes auxquels elles sont encore exposées, au cours de voyages par exemple. L'évolution de l'immunité vis-à-vis de l'hépatite A dans la population française illustre ce propos [4] . La lutte collective contre les grandes maladies animales a également contribué à créer des populations saines mais naïves sur le plan immunologique c'est-à-dire parfaitement réceptives aux agents pathogènes éradiqués de ces pays. La sélection génétique appliquée à certaines productions animales, en améliorant la production, n'a pas non plus contribué significativement à la robustesse des individus vis-à-vis des grandes maladies. Ainsi, la fièvre aphteuse, encore banale et relativement bénigne dans beaucoup de pays du sud, constitue une menace très lourde pour les cheptels améliorés et indemnes des pays du Nord. L'activité humaine est certainement responsable de l'émergence ou de la réémergence de très nombreuses maladies infectieuses ou parasitaires à travers plusieurs facteurs : -L'engouement récent pour les NAC (nouveaux animaux de compagnie) présente également des risques d'émergence ou de réémergence de maladies. Rappelons que les chiens de prairies américains peuvent être porteurs de Yersinia pestis [3] , que les reptiles hébergent de manière silencieuses dans leur intestins des sérotypes peu fréquents de salmonelles, et que la rage à au moins une fois été réintroduite en France par une roussette d'Egypte ! [5] FACTEURS LIÉS À L'ENVIRONNEMENT L'environnement et ses modifications spontanées jouent également un rôle dans l'émergence ou la réémergence de certaines maladies. Au premier chef, il faut citer le réchauffement climatique qui modifie la distribution géographique et les densités des vecteurs volants et de réservoirs de vecteurs aptères (petits rongeurs et leurs tiques). Ainsi, c'est très certainement le réchauffement climatique qui est responsable de l'implantation dans le sud de la France d'Aedes albopictus capable de transmettre de nombreuses arboviroses dont la dengue et le chikungunya. Ces deux maladies étaient des maladies exotiques, mais des épisodes autochtones sont apparus récemment dans la région de Montpellier [1] . Un autre élément marquant de la modification de l'environnement est l'important développement au cours des vingt dernières années du gros gibier en France (sangliers et cervidés) [2] et d'autres animaux de la faune sauvage. Ces animaux sont infectés par différents agents pathogènes (par exemple : les sangliers sont porteurs du virus de la maladie d'Aujeszky, ou les bouquetins dans le massif du Bargy sont infectés par Brucella melitensis, ou encore des blaireaux sont infectés par Mycobacterium bovis dans le Sud-Ouest). Ces animaux ont probablement été des victimes initiales d'infections par des animaux d'élevage mais maintenant que ces infections ont été éradiquées en élevage, la faune sauvage infectée constitue un risque de réémergence, particulièrement pour les élevages de « plein air ». Les maladies infectieuses que l'on croyait vaincues à la fin du xx e siècle connaissent un regain d'actualité en raison de l'émergence de nouvelles maladies ou de leur réémergence. Le plus souvent, la cause de l'évolution de la situation épidémiologique de ces maladies n'est pas unique mais multifactorielle ; cependant, il est important de prendre conscience de l'importance de la part des facteurs humains dans ces évolutions. Pour pouvoir lutter efficacement contre ces émergences ou réémergences, il convient de les détecter le plus précocement possible ; dans ce contexte la surveillance épidémiologique et l'investigation épidémiologique prennent une place capitale. Les bovins et les petits ruminants sont réceptifs et sensibles à B. melitensis qui circule actuellement sur les bouquetins du massif du Bargy. La situation épidémiologique de l'infection sur les bouquetins du Bargy suggère donc l'existence d'un risque pour les élevages de ruminants de la zone. Cependant les experts de l'Anses ont estimé ce risque comme étant très bas (de 1 à 2 sur une échelle comptant 9 niveaux de risque) notamment en raison du fait que l'infection est ancienne chez les bouquetins (elle date probablement de la fin des années 1990 à partir des derniers foyers chez les petits ruminants domestiques) et que depuis cette date, seul un foyer domestique de brucellose a été enregistré en 2012 chez des bovins vivant dans la zone. Pour la brucellose des vétérinaires : les jeunes vétérinaires n'ont effectivement pas été en contact avec l'infection grâce à l'éradication de cette zoonose majeure. Cependant, le risque de contamination de l'Homme à partir du réservoir sauvage semble très improbable dans la mesure où il faudrait qu'il soit en contact direct avec des bouquetins infectés en phase d'excrétion c'est-à-dire essentiellement pendant la mise bas. Les seules personnes actuellement exposés à ce risque sont les gardes de l'ONCFS qui pratiquent des prélèvements sur certains bouquetins notamment pour suivre l'infection sur cette espèce dans le massif du Bargy. Foyer de cas autochtones de chikungunya à Montpellier, 2015. septembreoctobre Rapport de l'Anses sur la tuberculose bovine et la faune sauvage États-Unis : un pitbull transmet la peste à trois personnes. La dépêche vét Séroprévalence de maladies à prévention vaccinale et de cinq autres maladies infectieuses en France. Résultats de deux enquêtes nationales Rapport de l'Afssa sur la rage des Chiroptères en France métropolitaine est-ce qu'une maladie émergente ? Epidémiologie et santé animale Isolation and characterization of a bat SARS-like coronavirus that uses the ACE2 receptor Venant d'une région où la filière canard gras est régulièrement menacée, avec l'euthanasie de milliers d'animaux, n'est-il pas possible de prévenir par la vaccination, comme chez les humains ? Les virus influenza appartiennent à une grande famille qui comprend de très nombreux virus ne présentant pour la plupart d'entre eux pas d'immunité croisée. Il est donc impossible de vacciner préventivement. Par ailleurs lors qu'un virus menace la France