key: cord-0813715-pmwvly6s authors: Villani, A. P. title: Traitements systémiques et risque infectieux dans le contexte de pandémie COVID-19 Systemic treatments and infection risk in the context of the COVID-19 pandemic date: 2021-10-31 journal: Annales de Dermatologie et de Vénéréologie - FMC DOI: 10.1016/s2667-0623(21)00897-7 sha: 6a5776484f04ab3c513dee91f0eb4c407a434b0e doc_id: 813715 cord_uid: pmwvly6s La pandémie provoquée par le coronavirus 2019 (COVID-19, Coronavirus Disease 2019) est une menace sanitaire mondiale grave causée par le coronavirus 2 du syndrome aigu respiratoire sévère (SARS-CoV-2) avec plus de 219 millions de cas. Si la majorité des patients présente des symptômes légers de type grippal, certains patients vont développer des formes sévères, souvent associées à une pneumopathie aiguë. Cette infection pulmonaire peut se compliquer dans un second temps d’un syndrome de détresse respiratoire aiguë ou d’une défaillance multiviscérale avec risque élevé de décès. La mortalité des patients atteints de COVID-19 est fortement liée à l’âge, au tabagisme et à la présence de comorbidités telles que le diabète, l’hypertension artérielle, l’obésité et les maladies cardiopulmonaires chroniques. Les traitements systémiques qui affectent les cellules B et T et leurs voies de régulation peuvent également être à l’origine d’un surrisque de formes sévères et de mortalité chez les patients COVID-19. Les traitements systémiques associés au risque le plus élevé sont le rituximab et la plupart des immunosuppresseurs (dont le mycophénolate mofétil et la corticothérapie au long cours > 10 mg/j). Une étude récente suggère également un risque augmenté en cas de traitement par inhibiteurs de JAK. Les biothérapies anticytokines et notamment celles prescrites dans le psoriasis ne sont pas associées à un surrisque de mortalité liée au COVID-19 et leur prescription ne doit pas être retardée dans le contexte de pandémie COVID-19. © 2021 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Coronavirus pandemic 2019 (COVID-19, Coronavirus Disease 2019) is a serious global health threat caused by the severe acute respiratory syndrome coronavirus 2 (SARS-CoV-2) with more than 219 million cases confirmed to this day. While the majority of patients present with mild flu-like symptoms, some patients will develop severe forms, often associated with acute lung disease. This lung infection may be complicated by acute respiratory distress syndrome or multivisceral failure with a high risk of death. Mortality in patients with COVID-19 is strongly related to age, smoking, and the presence of comorbidities such as diabetes, hypertension, obesity, and chronic cardiopulmonary disease. Systemic therapies that target B and T cells and their regulatory pathways may also be responsible for an increased risk of severe forms and mortality in COVID-19 patients. The systemic treatments associated with the highest risk are rituximab and most of the immunosuppressants (including mycophenolate mofetil and long-term corticosteroid therapy > 10 mg/d). A recent study also suggests an increased risk when patients are treated with JAK inhibitors. Biologic agents targeting cytokines, particularly those prescribed for psoriasis, are not associated with an increased risk of severe COVID-19 and their prescription should not be delayed in the context of the COVID-19 pandemic. © 2021 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Annales de dermatologie et de vénéréologie -FMC 1 (2021), 5S6-5S12 La pandémie provoquée par le coronavirus 2019 (COVID-19, Coronavirus Disease 2019) est une menace sanitaire mondiale grave causée par le coronavirus 2 du syndrome aigu respiratoire sévère (SARS-CoV-2) avec plus de 219 millions de cas et 3,99 millions de décès confirmés dans le monde à la date du 7 juillet 2021. Si la majorité des patients présente des symptômes légers de type grippal, certains patients vont développer des formes sévères, souvent associées à une pneumopathie aiguë. Cette infection pulmonaire peut se compliquer dans un second temps d'un syndrome de détresse respiratoire aiguë ou d'une défaillance multiviscérale avec risque élevé de décès [1] . La mortalité des patients atteints de COVID-19 est fortement liée à l'âge, au tabagisme et à la présence de comorbidités telles que le diabète, l'hypertension artérielle, l'obésité et les maladies cardiopulmonaires chroniques [2] . Les cellules B et T ayant un rôle clé dans l'immunité anti-COVID-19, il est logique de se poser la question du risque de développer des formes sévères en cas de traitements ciblant ces cellules ou leurs voies de régulation. Dans cette revue, nous aborderons rapidement les mécanismes immunologiques décrits au cours des infections aiguës par SARS-CoV-2 puis nous détaillerons le risque de développer des formes sévères pour les patients traités par les différentes classes de traitements systémiques, notamment les immunomodulateurs (IMD), les immunosuppresseurs (IMS) et les biothérapies, avec un focus sur les principaux traitements utilisés en dermatologie. Réponse immunitaire au cours de la phase aiguë de la COVID-19 L'immunité innée et l'immunité adaptative vont toutes les deux jouer un rôle en cas d'infection virale et donc lors de la phase aiguë de l'infection à SARS-CoV-2 ( Fig. 1 ). L'immunité innée agit en seulement quelques heures et est surtout caractérisée par la production de médiateurs antiviraux comme l'interféron (substance à activité antivirale, qui va stimuler les défenses naturelles de chaque cellule, en induisant la synthèse de protéines qui vont les protéger de l'infection), et par l'intervention des cellules Natural Killer (NK), des monocytes et des polynucléaires. Quelques jours après, l'immunité adaptative va se mettre en place, avec la production d'anticorps anti-SARS-CoV-2 neutralisant l'entrée du virus dans les cellules (immunité humorale) et le recrutement de lymphocytes T (LT) auxiliaires mémoires activés (immunité cellulaire, c'est-à-dire LT cytotoxiques, capables de détruire les cellules infectées). Plusieurs mécanismes peuvent aboutir au décès des patients COVID-19 en cas de formes sévères, notamment (i) la réplication non contrôlée du virus par défaut de réponse antivirale et (ii) un état « hyper-inflammatoire », aussi appelé « orage cytokinique » (CSS, Cytokine Storm Syndrome). Le CSS se caractérise par une élévation des taux plasmatiques de nombreuses molécules inflammatoires, parmi lesquelles on trouve les interleukines (IL)-1β, IL-2, IL-6, IL-7, IL-8, IL-10, IL-17, le Granulocyte Colony Stimulating Factor (G-CSF), le Monocyte Chemoattractant Protein 1 (MCP-1) et le Tumor Necrosis Factor Alpha (TNFα) [3] . Plusieurs anomalies du système immunitaire ont été observées de façon concomitante et pourraient donc jouer un rôle dans le développement de ces complications sévères : • la présence d'une neutrophilie au décours des formes sévères a fait suspecter un rôle des polynucléaires neutrophiles activés dans le développement de l'orage cytokinique (via la production de cytokines pro-inflammatoires), et de thromboses vasculaires (via la production de Neutrophils Extracellular Traps -NET) [3] ; • la présence de nombreuses cytopénies suggère un défaut de la réponse antivirale au cours des formes sévères de COVID-19, contribuant à la réplication non contrôlée 5S8 [9] . Ces données ont même conduit à l'essai des anti-IL-17 pour limiter les complications des formes sévères de COVID-19 [10] . L'ensemble de ces données souligne l'extrême complexité de la réaction immunitaire au cours des formes sévères de COVID-19, oscillant entre réponse immunitaire protectrice antivirale et pathologique aboutissant à un CSS [11] . Dans ce contexte pandémique, il est essentiel de comprendre l'effet des traitements IMS et notamment des biothérapies sur l'évolution clinique de la COVID-19. Les patients traités par IMS sont-ils plus à risque de développer une forme sévère de COVID-19 ? Les IMS ou biothérapies doivent-ils être arrêtés en cas de COVID-19 ? Réponse immunitaire au cours de la phase aiguë de la COVID-19. Les principaux traitements systémiques discutés dans cette revue sont indiqués en jaune. NK = Natural Killer, MAIT = lymphocytes T invariants associés aux muqueuses, PNN = polynucléaires neutrophiles, CSS = Cytokine Storm Syndrome. Concernant le traitement par corticothérapie systémique, l'étude PsoProtect n'a pas trouvé de surrisque, mais a évalué tous les traitements systémiques non biologiques, dont la prednisolone, dans le même groupe [12] . D'autres études, portant sur des patients non psoriasiques (rhumatisme inflammatoire, maladie de Crohn) et avec une proportion de patients sous corticothérapie plus importante, ont cependant rapporté un surrisque significatif d'aggravation chez les patients COVID-19 traités par corticothérapie systémique au long cours à des doses supérieures à 10 mg/ jour d'équivalent prednisone [15, 17, 20, 21] . Mais l'analyse de la cohorte française RMD (694 patients dont 73 traités par une corticothérapie d'au moins 10 mg/j d'équivalent prednisone et 23 ayant développé une forme sévère) met en évidence un surrisque significatif avec OR = 1,93 (IC95 % [1,01-3,68]). Cependant, cet OR diminue à 1,69 et n'est plus significatif quand les résultats sont ajustés sur l'âge et le sexe. Au total, il est difficile de se prononcer sur le surrisque de COVID-19 chez les patients sous corticothérapie au long cours. Ces patients restent donc considérés comme à risque de COVID-19 sévère, ne serait-ce que du fait de leur pathologie auto-immune sous-jacente. En revanche, les dermocorticoïdes ne sont pas associés à un surrisque de forme sévère de COVID-19 [22] . De façon similaire, le risque d'aggravation du COVID-19 sous ciclosporine, tacrolimus, mycophénolate mofétil (MMF) et azathioprine est complexe à évaluer, les études ayant le plus souvent porté sur des effectifs réduits. Une étude qui a analysé 93 patients atteints de myasthénie a montré un risque significatif d'aggravation pour les patients sous corticothérapie mais pas sous ciclosporine, azathioprine ou MMF. En revanche l'odds ratio pour le MMF était élevé (IC95 % = [0, [9] [10] [11] [12] 5] ) laissant craindre un surrisque non détecté du fait de la taille de l'échantillon [23] . L'analyse des 694 patients de la cohorte française RMD (dont 16 traités par MMF) a, elle, mis en évidence un surrisque significatif de forme sévère (OR = 7,67 avec IC95 % [1,73-28,04]) pour le MMF. Enfin, dans une large étude ayant porté sur 3 729 patients, le groupe traité par IMS (azathioprine, ciclosporine, tacrolimus, cyclophosphamide, MMF) était associé à un surrisque de décès en cas d'infection COVID-19 (OR = 2,22 [1, 46] ). Bien que nombreuses, les données concernant le risque de forme sévère de COVID-19 sous IMS restent d'interprétation difficile quand on essaie de comparer les traitements. Le MMF semble bien être associé à un surrisque d'aggravation de COVID-19. Si ce risque est plus difficile à évaluer pour les autres IMS, les patients traités par ces molécules sont considérés en France comme à risque et doivent être vaccinés selon les dernières recommandations de la FAI2R (utilisation d'un vaccin à ARNm avec 3 doses espacées de 4 semaines et réalisation d'une 4 e dose entre 3 et 6 mois après la 4 e dose ; recommandation du 27 août 2021) [24] . [13, 23, [25] [26] [27] . L'OR est environ de 4 pour le risque de décès comparativement à des patients traités par méthotrexate en monothérapie [25] . Les données concernant le bélimumab, un anti-BlyS, sont extrêmement limitées. Une seule étude a rapporté une prévalence plus faible de COVID-19 chez les patients traités par bélimumab au sein d'une cohorte de patients traités pour des rhumatismes inflammatoires [28] . L'ANSM ne rapporte qu'un seul cas suspect d'aggravation de COVID-19 sous bélimumab [29] . Même si ces données sont rassurantes, le niveau de preuve reste insuffisant pour conclure définitivement concernant le bélimumab et un risque potentiel de forme sévère de COVID-19. [13] . De plus, le tocilizumab (anti-IL-6) a été testé dans le traitement et la prévention des formes sévères de COVID-19 dans plusieurs études sans qu'un surrisque de décès n'ait été mis en évidence (et avec des résultats divergents concernant son efficacité) [30] [31] . L'anakinra (anti-IL-1) a également été testé dans cette indication sans montrer de surrisque de mortalité ni d'amélioration de la pathologie [32] . Plusieurs études ont analysé les cas de COVID-19 chez les patients traités par dupilumab (anti-IL-4Rα) sans trouver de surrisque de forme sévère [33, 34] . Certaines équipes proposent d'ailleurs de remplacer les traitements IMD et IMS des patients atteints de dermatite atopique par du dupilumab d'emblée [35] . Une étude teste également l'intérêt du dupilumab dans le traitement des patients hospitalisés pour une infection COVID-19 (NCT04920916). Une étude récente vient d'analyser le risque de forme sévère de COVID-19 au sein du registre Global Rheumatology Alliance (6132 patients traités pour une polyarthrite rhumatoïde) : sur les 563 patients traités avec des inhibiteurs de JAK (tofacitinib, baricitinib, upadacitinib) au sein de cette cohorte, 28 ont été hospitalisés sans oxygénothérapie, 86 ont nécessité une oxygénothérapie ou une hospitalisation en réanimation et 40 sont décédés. L'analyse statistique a rapporté un surrisque significatif de forme sévère de COVID-19 sous ces traitements avec un OR supérieur à 2 quelle que soit la méthode d'ajustement utilisée (OR = 2,28 ; IC95[1,80-2,88] ; p < 0,01) [36] . Peu de données sont disponibles concernant le risque d'aggravation de COVID-19 sous ces traitements. Les premières données ne rapportent pas de surrisque mais ne concernent qu'un nombre limité de patients [37, 38] . Covid-19 in Critically Ill Patients in the Seattle Region -Case Series The triumvirate: why hypertension, obesity, and diabetes are risk factors for adverse effects in patients with COVID-19 Monocyte-driven atypical cytokine storm and aberrant neutrophil activation as key mediators of COVID-19 disease severity Outcome of SARS-CoV-2 infection is linked to MAIT cell activation and cytotoxicity Natural killer cell immunotypes related to COVID-19 disease severity Impaired natural killer cell counts and cytolytic activity in patients with severe COVID-19 The role of CD4(+)FoxP3(+) regulatory T cells in the immunopathogenesis of COVID-19: implications for treatment Insufficient type I IFN immunity underlies life-threatening COVID-19 pneumonia The Role of Th17 Response in COVID-19 Anti-IL-17 monoclonal antibodies in hospitalized patients with severe COVID-19: A pilot study SARS-CoV-2: a storm is raging Factors associated with adverse COVID-19 outcomes in patients with psoriasis-insights from a global registry-based study Severity of COVID-19 and survival in patients with rheumatic and inflammatory diseases: data from the French RMD COVID-19 cohort of 694 patients Association Between Administration of IL-6 Antagonists and Mortality Among Patients Hospitalized for COVID-19: A Meta-analysis Patients with Inflammatory Bowel Disease Are Not at Increased Risk of COVID-19: A Large Multinational Cohort Study Clinical outcomes of COVID-19 in patients taking tumor necrosis factor inhibitors or methotrexate: A multicenter research network study Characteristics associated with hospitalisation for COVID-19 in people with rheumatic disease: data from the COVID-19 Global Rheumatology Alliance physician-reported registry COVID-19 patients with psoriasis and psoriatic arthritis on biologic immunosuppressant therapy vs apremilast in North Spain Clinical efficacy, speed of improvement and safety of apremilast for the treatment of adult Psoriasis during COVID-19 pandemic But Not TNF Antagonists, Are Associated With Adverse COVID-19 Outcomes in Patients With Inflammatory Bowel Diseases: Results From an International Registry COVID-19 in Patients With Inflammatory Arthritis: A Prospective Study on the Effects of Comorbidities and Disease-Modifying Antirheumatic Drugs on Clinical Outcomes Topical steroids and topical tacrolimus appear safe regarding the COVID-19 epidemic Predictive factors for a severe course of COVID-19 infection in myasthenia gravis patients with an overall impact on myasthenic outcome status and survival FAI2R Factors associated with COVID-19-related death in people with rheumatic diseases: results from the COVID-19 Global Rheumatology Alliance physician-reported registry Associations of baseline use of biologic or targeted synthetic DMARDs with COVID-19 severity Global Rheumatology Alliance physician registry COVID-19 outcomes in patients with inflammatory rheumatic and musculoskeletal diseases treated with rituximab: a cohort study Biological agents for rheumatic diseases in the outbreak of COVID-19: friend or foe? ANSM Interleukin-6 Receptor Antagonists in Critically Ill Patients with Covid-19 Tocilizumab in Hospitalized Patients with Severe Covid-19 Pneumonia Effect of anakinra versus usual care in adults in hospital with COVID-19 and mildto-moderate pneumonia (CORIMUNO-ANA-1): a randomised controlled trial Atopic dermatitis in adolescents: Effectiveness and safety of dupilumab in a 16-week real-life experience during the COVID-19 pandemic in Italy Management of patients with atopic dermatitis undergoing systemic therapy during COVID-19 pandemic in Italy: Data from the DA-COVID-19 registry Transitioning From Immunosuppressants to Dupilumab in Pediatric Atopic Dermatitis Associations of baseline use of biologic or targeted synthetic DMARDs with COVID-19 severity Global Rheumatology Alliance physician registry Clinical impact of COVID-19 on patients with cancer (CCC19): a cohort study Impact of PD-1 Blockade on Severity of COVID-19 in Patients with Lung Cancers ANSM