key: cord-0810728-55ycz33f authors: FRENKEL, Stephen J.; SCHUESSLER, Elke S. title: Du Rana Plaza au COVID‐19: handicaps et atouts pour un nouveau système de gouvernance du travail dans les chaînes d'approvisionnement mondiales de l'habillement date: 2021-10-28 journal: Revue internationale du Travail DOI: 10.1111/ilrf.12208 sha: 6cfbfc96fe07b4ed382686a1b2fe625da6081480 doc_id: 810728 cord_uid: 55ycz33f En 2013, la tragédie du Rana Plaza mettait en lumière les défaillances de la réglementation du travail dans les chaînes d'approvisionnement mondiales de l'habillement. Qu'en est‐il aujourd'hui, à l'ère du COVID‐19? Et les travailleurs, comment s'en sortent‐ils? Pour les auteurs, le système de gouvernance du travail (SGT), concept qu'ils définissent précisément, reste insuffisant, malgré le renforcement des règles de sécurité, et, sous l'angle des salaires, du temps de travail et des relations avec l'encadrement, la situation ne s'est guère améliorée. Cependant, la pandémie, facteur aggravant, pourrait jouer un rôle de détonateur en vue d'un renforcement du SGT. Les auteurs font plusieurs recommandations à cet effet. Les articles paraissant dans la Revue internationale du Travail n'engagent que leurs auteurs, et leur publication ne signifie pas que le BIT souscrit aux opinions qui y sont exprimées. Travail, vol. 160 (2021) , n o 4 Du Rana Plaza au COVID-19: handicaps et atouts pour un nouveau système de gouvernance du travail dans les chaînes d'approvisionnement mondiales de l'habillement Le drame du Rana Plaza, en avril 2013, du nom de ce bâtiment dont l'effondrement fit plus d'un millier de morts et d'innombrables blessés graves, a exposé au grand jour les insuffisances de la réglementation applicable à la sécurité des bâtiments dans les usines de vêtements travaillant pour l'exportation au Bangladesh. Cette tragédie a aussi relancé le débat sur les mécanismes à mettre en place pour assurer le respect de normes relatives au travail dans des pays où les institutions de gouvernance existantes sont trop peu développées pour protéger la main-d'oeuvre des effets de la concurrence mondiale et où les fournisseurs continuent d'être mis sous pression par les donneurs d'ordres occidentaux, toujours en position de force. Dans notre analyse, nous commencerons par définir précisément le concept de système de gouvernance du travail (SGT dans la suite du texte), en établissant une distinction entre deux variantes de ce modèle, le SGT optimal, plus contraignant et complet, et le SGT a minima, moins développé, aux effets moins poussés (voir titre 2). Nous montrerons également que ces deux variantes s'appuient sur des institutions nationales et transnationales particulières et qu'elles ont des «résultats» différents, à savoir des effets distincts sur la situation des travailleurs des chaînes de valeur mondiales. Dans la partie suivante (titre 3), nous exploiterons plusieurs séries de données, rassemblées par nos soins ou par d'autres, sur les nouveaux mécanismes de régulation introduits à la suite de l'accident du Rana Plaza, en cherchant à savoir quelles sont les composantes du SGT du secteur de l'habillement au Bangladesh qui ont évolué ces dernières années et à déterminer dans quelle mesure ces changements ont amélioré la situation des travailleurs, à la fois par rapport à certains éléments matériels et concrets et en ce qui concerne les moyens d'action mis à leur disposition (mécanismes de participation et de consultation). Ce bilan nous montrera que les règles relatives à la sécurité des bâtiments se sont renforcées mais que le SGT de la branche doit toujours être considéré comme a minima. En effet, la réglementation reste lacunaire, et le rapport de forces entre les partenaires de la chaîne d'approvisionnement est toujours aussi déséquilibré. Dans la partie suivante (titre 4), nous reviendrons sur l'effet de la pandémie de COVID-19, qui a mis ces défaillances en évidence et freiné les réformes, tout en soulignant que cette crise pourrait constituer un événement «focalisant» (focusing event), soit un fait soudain, exceptionnel et particulièrement frappant pour les esprits, qui crée l'occasion de s'attaquer à des problèmes anciens, dans notre cas le système de production de la fast fashion et le défaut d'organisation de la main-d'oeuvre. Dans une dernière partie (titre 5), nous proposons plusieurs réformes susceptibles de renforcer le SGT de l'industrie de l'habillement au Bangladesh et de le rendre plus durable. La mondialisation de l'économie et la prolifération des chaînes de valeur mondiales de ces vingt dernières années ont débouché sur plusieurs initiatives destinées à empêcher l'érosion des normes relatives au travail (voir Hendrickx et al., 2016, par exemple) . Ces initiatives visaient notamment à instituer une Pour une nouvelle gouvernance du travail au Bangladesh 3 gouvernance transnationale du travail, un projet qui n'a pas été sans mal, notamment à cause des problèmes de compatibilité entre les différentes formes de régulation (privées et publiques) cohabitant au sein de l'architecture multiniveaux créée en conséquence (Marginson, 2016) . Cette architecture, c'est celle des SGT, un concept que nous définissons en nous inspirant de la théorie des relations professionnelles de Clegg (1976) . Ainsi, pour nous, ce système s'entend de l'ensemble des institutions (au sens de relations sociales stables, régies par un appareil de règles de droit et de normes sociales) qui influent sur la relation de travail prise en compte et sur la situation des travailleurs au quotidien. Envisager les choses sous la forme d'un système est utile quand on cherche à analyser les caractéristiques des différentes composantes de l'architecture de gouvernance, la façon dont elles interagissent et leurs effets concrets. Le développement rapide des chaînes de valeur mondiales a fait évoluer les modes d'encadrement des questions relatives au travail, en partie du moins. Aujourd'hui, la gestion de ces aspects dépend de moins en moins des systèmes de relations professionnelles nationaux, et de plus en plus de mécanismes transnationaux (Hyman, 1999) , dans lesquels plusieurs acteurs se côtoient: l'employeur, dont la figure se fragmente (il peut s'agir de l'entreprise donneuse d'ordres, située au sommet de la chaîne, essentiellement dans les pays développés, ou alors d'une entreprise sous-traitante, plutôt implantée dans les pays en développement), des représentants des travailleurs, des organisations non gouvernementales (ONG), des syndicats nationaux et des fédérations syndicales internationales. Les règles issues des conventions internationales du travail viennent s'ajouter aux autres strates de réglementation au niveau national et sectoriel. L'Organisation internationale du Travail (OIT) joue un rôle essentiel dans le domaine, parce qu'elle contribue à l'élaboration des conventions relatives au travail et à leur ratification par les États nations 1 , mais aussi en tant qu'organe public ayant la représentativité et la légitimité nécessaires pour appuyer des initiatives privées sur la question (Niforou, 2014; Thomas, 2021) . En outre, certaines institutions internationales telles que l'Organisation des Nations Unies (ONU), l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et l'Union européenne (UE) jouent un rôle de plus en plus important dans le domaine, contribuant à l'élaboration de normes, de lignes directrices et de procédures qui viennent compléter la législation existante, les politiques publiques et différentes formes d'encadrement privées, dont les codes de bonne conduite (voir notamment OCDE, 2018). Plusieurs études ont montré que des éléments de contexte spécifiques (l'intervention de groupes de pression et l'activité syndicale par exemple) ainsi que les caractéristiques de l'interaction entre dispositifs publics et dispositifs privés (une forte implication des pouvoirs publics, ou l'existence d'une coordination formelle, notamment), associés à un environnement de politique économique favorable, contribuent au respect des normes relatives au travail définies au niveau national ou international, ainsi qu'au contrôle de leur application. Dans une étude portant sur la situation des sous-traitants des filières de l'électronique, Locke, Rissing et Pal (2013) montrent que la réglementation publique, lorsqu'elle est suffisamment développée, tend à compléter les initiatives privées aux fins de l'encadrement des questions sociales dans les usines des fournisseurs, mais que celles-ci visent à remplacer l'État dans son rôle réglementaire quand ce n'est pas le cas. Des mécanismes parallèles peuvent se compléter même en l'absence de systèmes de coordination formels (Amengual, 2010) . En outre, lorsque les syndicats sont actifs, on a plus de coordination formelle, la réglementation est plus rigoureuse, et son application ainsi que son contrôle sont plus stricts. Dans une étude sur l'Indonésie, Amengual et Chirot (2016) établissent ainsi que l'action menée par les syndicats locaux, avec l'appui de partenaires extérieurs (des représentants de l'OIT en l'espèce), a favorisé l'application de la réglementation et mis fin à certains comportements des employeurs. Bartley et Egels-Zandén (2015) mettent aussi l'accent sur le rôle des syndicats, alors que Thomas (2021) explique qu'au Sri Lanka, dans le secteur du thé, les ouvriers ont su mobiliser leurs ressources structurelles, associatives et institutionnelles, en s'appuyant sur les conventions de l'OIT, ainsi que sur les services consultatifs et les programmes de formation mis en place par l'Organisation, pour négocier collectivement avec leurs employeurs et obtenir des pouvoirs publics qu'ils s'engagent en faveur du travail décent. Inversement, Bair (2017) montre que, lorsque les syndicats n'ont pas de prise sur la dynamique des chaînes de production mondiales, la réglementation locale est souvent moins stricte. Le concept de SGT, concept pluridimensionnel, constitue une grille d'analyse qui permet d'observer empiriquement les différentes configurations institutionnelles évoquées ci-dessus et l'interaction entre leurs composantes, sur une période donnée, et de mettre en évidence les évolutions tendant à améliorer le respect des normes internationales du travail dans la pratique. Les institutions qui contribuent à l'encadrement des aspects relatifs au travail au sein des chaînes d'approvisionnement peuvent être distinguées selon plusieurs dimensions (voir Berliner et al., 2015 , pour une synthèse sur la question): la portée, plus ou moins large, de l'intervention (au niveau local ou mondial, limitée aux fournisseurs de premier rang ou applicable à tous les échelons de la chaîne), le nombre des institutions en présence et leur nature (administrations publiques, entreprises donneuses d'ordres, structures intermédiaires, entreprises sous-traitantes, syndicats, cabinets d'audit et autres parties prenantes). Du fait de cette diversité, la nature des mécanismes mis en place varie, de même que leur façon de se combiner (dispositifs publics ou privés, applicables à certaines unités de production ou à l'ensemble d'entre elles), ainsi que le niveau de l'intervention (niveau local, national, régional ou mondial). Parallèlement, les interactions interinstitutions (et les stratégies qui y sont associées) peuvent varier sur quatre plans: a) l'intensité des échanges (par exemple la coordination entre dispositifs privés et réglementation publique peut être étroite ou lâche, selon le degré de consensus sur les règles instituées et leur application); b) leur caractère plus ou moins formel, ou formalisme (les modes de relation peuvent être décrits précisément ou rester tacites); c) la structure de coordination, qui peut être autoritaire (imposée du sommet vers la base) ou démocratique, ou alors totalement absente; et, enfin, d) la nature de la coordination (faire le lien entre des objectifs complémentaires ou opposés, ou alors entre des objectifs qui tendent à se superposer). Les évolutions survenant dans un contexte plus large sont susceptibles d'influer sur une ou plusieurs des dimensions du système, modifiant ses résultats, à savoir l'évolution de la situation effective de la main-d'oeuvre dans les usines des fournisseurs de premier rang. Ces résultats doivent être envisagés sous l'angle des moyens d'action mis à la disposition des travailleurs et des éléments matériels de leurs conditions de travail. Les moyens d'action englobent le droit d'être associé formellement aux décisions (ou droit à la participation), qui repose sur les syndicats et sur la négociation collective, mais aussi les autres possibilités d'expression, par des mécanismes consultatifs ou des contacts informels avec les directions d'entreprises. Le droit à la participation formel revêt une importance particulière, car il permet au travailleur d'obtenir des améliorations en ce qui concerne les éléments matériels, qui constituent l'autre versant des résultats des SGT. Ces éléments comprennent notamment le salaire, la durée du travail, la sécurité et la santé au travail et les autres conditions de travail, qui doivent être mis en conformité avec les normes internationales promues par l'OIT et d'autres organisations internationales. La notion de SGT s'applique exclusivement au marché du travail formel. Dans les ateliers clandestins qui alimentent le marché local et, parfois, des usines plus importantes produisant pour l'exportation, l'emploi informel domine, et les conditions de travail sont très nettement au-dessous des normes internationales (Dewey, 2018) . Nous ne considérons pas cette réalité dans notre étude, qui ne porte que sur la situation dans les établissements d'une certaine taille, dont la production est destinée à l'exportation, au Bangladesh. Par conséquent, les deux variantes de SGT que nous présentons dans le tableau 1 (SGT a minima et SGT optimal) ne s'appliquent qu'à l'économie formelle. Avec le SGT a minima, la protection offerte aux travailleurs n'atteint pas un niveau de base, alors qu'avec le SGT optimal la situation des travailleurs est favorable et stable. Dans les SGT a minima, la gouvernance ne s'applique qu'à une minorité des unités de production de la chaîne d'approvisionnement, au cas par cas, si bien que seuls quelques fournisseurs en bénéficient. Ce type de SGT est le plus probable lorsque l'entreprise sous-traitante organise son approvisionnement surtout en passant par des agents ou d'autres intermédiaires, qui se soucient peu, voire pas du tout, de l'encadrement des conditions de travail. Dans cette configuration, le donneur d'ordres estime qu'il n'est pas responsable de cet aspect et tend à fermer les yeux sur les problèmes éventuels dans les établissements de ses fournisseurs. L'encadrement des conditions de travail dépend alors entièrement des industriels locaux, qui sont tenus de gérer les relations professionnelles conformément à la réglementation applicable au plan local. Cependant, le dispositif visant à assurer l'application de cette réglementation peut laisser à désirer, parce que l'État manque de moyen ou de détermination, ou parce qu'il se soucie moins des droits des travailleurs que des investissements étrangers, qu'il s'agit d'attirer. Dans ces circonstances, et si les clients étrangers ne prennent pas position en faveur du respect du droit, les fournisseurs ne sont pas particulièrement incités à s'y conformer. La coordination entre les partenaires est alors limitée: elle reste informelle et tacite. Les directions d'entreprises sous-traitantes, soumises par ailleurs à une forte pression concurrentielle à cause des pratiques des acheteurs, ont la haute main sur les conditions de travail. La situation effective Revue internationale du Travail 6 des travailleurs dépend donc des objectifs privilégiés par les directeurs d'usine: le contrôle est unilatéral, les travailleurs ont peu voire pas d'occasions de faire entendre leur point de vue, les salaires sont bas et les conditions de travail n'atteignent pas un niveau minimal. Dans un SGT optimal, au contraire, la gouvernance s'applique à l'intégralité des entreprises de la chaîne d'approvisionnement et elle couvre des organisations et institutions nombreuses et variées, à savoir les entreprises donneuses d'ordres, leurs sous-traitants, des syndicats nationaux, des fédérations syndicales internationales et des ONG. En outre, cette gouvernance est collective, et elle suppose des négociations entre des organisations représentatives, y compris les gouvernements des pays des acheteurs, qui peuvent subordonner les relations commerciales et l'accès à leurs programmes d'assistance au respect de conditions de travail minimales et des principes en vigueur au niveau international. Dans un SGT optimal, le gouvernement du pays de production est tenu de faire en sorte que la législation du travail soit bien appliquée et de promouvoir le respect des normes internationales dans les usines locales. En outre, l'interaction entre les institutions du système est fortement coordonnée, car leurs représentants communiquent beaucoup et régulièrement. Les décisions (mesures incitatives ou dissuasives visant à promouvoir la solidarité entre membres par exemple) et les procédures (en ce qui concerne le règlement des différends notamment) sont codifiées; ce caractère explicite permet de promouvoir des normes communes et de veiller à ce que des mesures soient mises en place pour contrôler leur bonne application. Les décisions sont prises à l'issue de discussions organisées de sorte à y associer toutes les parties prenantes, placées sur un pied d'égalité. Les négociations sont axées sur la recherche du consensus et doivent favoriser l'adhésion des acteurs en présence aux processus et résultats du SGT sur le long terme. Un SGT optimal est celui qui produit le plus de résultats, c'est-à-dire qui a le plus d'effets positifs sur la situation effective des travailleurs, compte tenu des contraintes financières et des particularités de la production sur le marché considéré. Dans les chaînes d'approvisionnement de l'habillement, on observe souvent des formes de gouvernance hybrides, qui débouchent sur des résultats intermédiaires. Les diverses configurations que l'on peut rencontrer en la matière dépendent essentiellement de différences au niveau des conditions institutionnelles dans les pays de production, de la taille des établissements et de la mesure dans laquelle les fournisseurs sont considérés par les clients principaux comme essentiels ou périphériques. En outre, les SGT sont dynamiques et évoluent en fonction de divers facteurs: la pression des syndicats ou des consommateurs (voir notamment Reinecke et Donaghey, 2015; Zajak, 2017) , l'évolution du droit dans les pays des entreprises donneuses d'ordres (Evans, 2020) ou des mouvements sociaux isolés (Anner, 2015) . Souvent, ces évolutions n'ont pas de conséquences directes. Parfois, elles font changer les choses, débouchant sur des initiatives réglementaires qui renforcent l'action collective à plusieurs niveaux, au profit des travailleurs (Ashwin et al., 2020) . Avant la tragédie du Rana Plaza, le SGT de l'habillement au Bangladesh était de type a minima: la législation du travail au niveau national était peu développée, et les mécanismes visant à assurer son application étaient aléatoires. Des codes de conduite à l'efficacité contestable constituaient la forme d'encadrement prédominante, et les mécanismes de régulation privés et publics n'étaient pas coordonnés pour l'essentiel (Rahman, 2014) . L'effondrement du Rana Plaza a constitué un événement focalisant, qui a joué un rôle de détonateur en vue d'une réforme du SGT (Anner, Bair et Blasi, 2013; Donaghey et Reinecke, 2018; Schuessler, Frenkel et Wright, 2019) . Dans notre article, nous nous demanderons si cet événement a permis de renforcer le SGT de l'habillement au Bangladesh et si la pandémie de COVID-19 pourrait jouer un rôle similaire en précipitant sa réforme. Si l'industrie de l'habillement ignore souvent les frontières nationales, nous avons choisi ici de nous concentrer sur le SGT qui régit les aspects relatifs au travail au Bangladesh uniquement, et seulement dans les usines qui travaillent pour l'exportation, à savoir des établissements relativement importants, traitant avec des clients occidentaux pour l'essentiel. L'analyse ne porte donc pas sur les usines de production textile ou fabriquant des accessoires, ni sur les nombreuses unités de production informelles de plus petite taille. La portée du SGT que nous étudions est donc limitée. Comme nous l'indiquons dans le tableau 2, le SGT du Bangladesh fait intervenir trois types de mécanismes d'encadrement. Le premier de ces mécanismes, c'est le droit applicable. À cet égard, il convient de souligner que le Bangladesh a ratifié toutes les conventions fondamentales du travail telles que définies par l'OIT, qui sont au nombre de huit, à l'exception de la convention (n o 138) sur l'âge minimum, 1973. En revanche, il a ratifié moins d'un tiers des autres conventions de l'OIT. La convention (n o 190) sur la violence et le harcèlement, 2019, adoptée récemment, n'en fait pas partie 2 . Par ailleurs, en 2019, les moyens déployés pour assurer la mise en oeuvre des dispositions applicables étaient toujours limités, ce qui contribuait certainement à rendre le pays attractif aux yeux des clients étrangers. La loi sur le travail du Bangladesh de 2006 régit les contrats de travail et les autres aspects relatifs au travail, dont les mesures de consultation, l'activité syndicale, la fixation des salaires et le règlement des différends. La loi a été amendée en 2013, après l'accident du Rana Plaza, et des règlements d'application ont été promulgués en 2015. En vertu des modifications introduites, de nouvelles mesures de sécurité sont entrées en vigueur, les inspecteurs sont désormais tenus de déclarer les incidents graves, les établissements au-delà d'une certaine taille (5 000 travailleurs ou plus) doivent se doter de services médicaux, et les prestations de décès ont été améliorées. Les effectifs de l'inspection du travail ont été augmentés mais restent insuffisants. La nouvelle législation a aussi renforcé les comités participatifs, organes constitués de représentants du personnel élus à bulletins secrets, qui doivent être convoqués six fois par an au moins et sont maintenant obligatoires dans les établissements de plus de 50 travailleurs (Manzur et al., 2017) . D'autres modifications visaient à faciliter l'enregistrement des syndicats et la négociation collective (Rubya, 2015) . Cependant, les autorités n'ont pas donné suite comme il convient à ces réformes. Ainsi, en 2016 et 2017, des employeurs qui avaient eu des pratiques antisyndicales, dont des violences contre des dirigeants syndicaux et des licenciements de travailleurs syndiqués, n'ont pas été poursuivis (Anner, 2018; Chowdhury, 2017) . Le mouvement syndical reste peu développé (le taux de syndicalisation est de 3 pour cent environ), et la négociation collective n'existe pas dans les faits. À certains moments, le mécontentement ouvrier s'est exprimé de façon retentissante, donnant lieu à des Si les autorités bangladaises mettent peu d'empressement à appliquer la législation du travail, c'est parce qu'elles ont besoin de l'appui politique et économique des employeurs du secteur de l'habillement. Cette dépendance persiste malgré les efforts déployés par les pays occidentaux pour faire pression sur le gouvernement par le jeu des accords commerciaux. Ainsi, peu après l'accident du Rana Plaza, le gouvernement des États-Unis a répondu aux appels des ONG et des syndicats en suspendant plusieurs des avantages accordés au Bangladesh en vertu du Système généralisé de préférences, un accord commercial ayant des conséquences pour d'autres productions que l'habillement. Un peu plus tard, l'UE et l'OIT (rejointes ensuite par les États-Unis et le Canada) ont négocié un pacte sur la durabilité au Bangladesh (Sustainability Compact) visant à améliorer l'application des normes relatives au travail dans le pays. En application de ce pacte, un programme national d'inspections du travail, connu sous le nom de National Initiative, devait être mis en place. Dans l'ensemble, le pacte a été peu appliqué et son respect peu contrôlé. Les autorités bangladaises ont pu constater que les manquements ne débouchaient sur aucune sanction économique (Vogt, 2017) . En parallèle, certains pays étrangers ont financé des programmes visant à améliorer la situation sur certains points, dans des établissements spécifiques 3 . Les pays occidentaux ont aussi invité les entreprises donneuses d'ordres à prendre plus au sérieux la question du respect des normes relatives au travail et des droits de l'homme dans leurs chaînes d'approvisionnement. Cependant, les initiatives en la matière, par exemple les plans d'action nationaux pour l'application des Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme, élaborés par l'ONU (ci-après les Principes directeurs des Nations Unies), restent essentiellement non contraignantes, et limitées aux entreprises cotées en Bourse les plus en vue. Le Parlement européen a également appelé à l'adoption de dispositions imposant le respect du devoir de diligence 4 , et plusieurs pays -l'Allemagne, les Pays-Bas et la Suisse -ont envisagé ou envisagent de se doter de législations allant dans ce sens, sur le modèle de la loi sur le devoir de vigilance des sociétés mères que la France a adoptée en 2017 5 . En outre, l'OIT a mis sur pied un programme visant à améliorer les conditions de travail et les relations professionnelles dans l'industrie du vêtement au Bangladesh 6 . Le deuxième mécanisme d'encadrement ce sont les règles introduites par des entités privées, applicables à certaines entreprises spécifiques. En effet, à la suite de la catastrophe du Rana Plaza, les entreprises ont dû s'adapter aux nouvelles réglementations mises en place par les pouvoirs publics et répondre aux interpellations des parties prenantes et des médias, ce qui les a conduites à revoir leurs politiques et leurs pratiques en matière de sous-traitance (Schuessler, Frenkel et Wright, 2019) . Ainsi, elles ont commencé à réduire le nombre de leurs fournisseurs et à travailler en collaboration plus étroite avec ceux qu'elles avaient retenus. Aux systèmes d'audit par des vérificateurs indépendants, qui ont été développés, elles ont ajouté des programmes d'inspection plus poussés. Dans les enquêtes que nous avons utilisées, les directions d'usines déclarent qu'elles appliquent un peu plus de quatre codes de conduite par usine en moyenne et reçoivent la visite d'auditeurs, opérant pour le compte d'entreprises donneuses d'ordres ou de tiers neuf fois par an environ (Schuessler et al., 2019, pp. 16-17) . Pourtant, comme Anner (2018) l'a souligné, les mesures visant à renforcer les activités d'audit et de contrôle de la conformité sont généralement corrélées à une baisse des prix d'achat, si bien que les fournisseurs sont soumis à deux sources de pressions qui les poussent à réduire le coût du travail. En outre, les clients font peser sur leurs fournisseurs de nouvelles obligations en matière de renforcement des capacités et de sensibilisation. Cependant, l'approche privilégiée repose toujours sur des vérifications de la conformité au moyen de systèmes d'audit, plutôt que sur des approches visant à susciter un engagement réel, en oeuvrant pour un renforcement des capacités, en vue d'une évolution de la situation dans les faits (Locke, Amengual et Mangla, 2009; Oka, Egels-Zandén et Alexander, 2020) . Quant au troisième mécanisme d'encadrement, il s'agit également de formes de réglementation privées, mais dont l'application est collective cette fois. La tragédie du Rana Plaza a mis en lumière les limites de la réglementation publique et des systèmes privés visant des entreprises isolées, notamment en ce qui concerne la sécurité des bâtiments. Pour remédier au problème, un nouveau système de réglementation privé collectif a été mis sur pied, chapeauté par deux institutions: l'accord sur la sécurité incendie et la sécurité des bâtiments au Bangladesh (Accord on Fire and Building Safety au Bangladesh, ciaprès «l'Accord») et l'alliance pour la sécurité des travailleurs au Bangladesh (Alliance for Bangladesh Worker Safety, ci-après «l'Alliance»). En principe, l'Accord, entré en vigueur en 2013, devait cesser ses activités en 2018. Son mandat a été prorogé pour finir, mais de quelques mois seulement, du fait de l'opposition d'industriels et de responsables politiques au plus haut niveau (Bair, Anner et Blasi, 2020; Bartley, 2021) . Ces acteurs ont joué un rôle clé dans la mise en place d'une nouvelle instance, le conseil pour la durabilité de l'industrie du prêt-à-porter au Bangladesh (Ready-Made Garments Sustainability Council ou RSC), qui a remplacé l'Accord à partir de 2020. Auparavant, les règles édictées par l'Accord, qui était financé par plus de 200 entreprises donneuses d'ordres, européennes pour la plupart, s'appliquaient à quelque 1 650 établissements industriels. Ceux-ci travaillaient exclusivement ou principalement pour les sociétés membres de l'Accord. En cas de différend, des procédures d'arbitrage étaient prévues. Les décisions adoptées étaient contraignantes. Avec l'Accord, à la différence de ce qui prévalait avec les codes de conduite, la responsabilité des propriétaires d'usines était engagée, grâce à des procédures d'inspection et de mise en conformité, dont les conclusions étaient rendues publiques. Il convient de souligner aussi que l'Accord introduisait certaines obligations tendant à encourager la collaboration entre les fournisseurs et leurs clients, en vue d'améliorer la sécurité dans les usines (Scheper, 2017) . Quant à l'Alliance, initiative parallèle à l'Accord lancée par 29 entreprises, états-uniennes pour la plupart, son mandat courait sur cinq ans (2013) (2014) (2015) (2016) (2017) (2018) . Dans le cadre de l'Alliance, la négociation avec les syndicats ne jouait qu'un rôle secondaire, et les mécanismes de consultation étaient privilégiés (Donaghey et Reinecke, 2018) . Il faut noter que la coopération entre les représentants de l'Accord et ceux de l'Alliance était étroite, du fait que ce deuxième système avait une portée relativement plus limitée et faisait doublon avec le premier dans un certain sens, puisqu'un quart des fournisseurs qui en relevaient travaillaient aussi pour les entreprises de l'Accord. De ce point de vue, l'Alliance a joué un rôle complémentaire en vue d'une amélioration de la sécurité des bâtiments et de la sécurité au travail. Malgré son mandat plutôt limité (celui-ci portait uniquement sur la sécurité des bâtiments), l'Accord visait aussi à renforcer la participation des travailleurs, à la fois directement, puisqu'il devait déboucher sur la création de comités de sécurité, et indirectement, en instituant une forme de protection pour les travailleurs signalant des risques en la matière, liée à la crainte que les plaintes suscitent des réactions (Bair, Anner et Blasi, 2020; Zajak, 2017 Zajak, , p. 1009 ). Dans les Principes directeurs des Nations Unies, il est dit que les États devraient «envisager un assortiment judicieux de mesures -nationales et internationales, contraignantes et volontaires -pour favoriser le respect des droits de l'homme par les entreprises» (Nations Unies, 2011, p. 5) . En 2019, on aurait cherché en vain un tel assortiment de mesures dans le SGT du secteur de l'habillement au Bangladesh. En effet, malgré l'évolution des relations entre les différents mécanismes d'encadrement présentés ci-dessus et entre les principales parties prenantes, manifeste après la tragédie du Rana Plaza, les caractéristiques fondamentales du système n'avaient pas changé, comme le montrent clairement les informations compilées dans le tableau 2. Ainsi, la coordination interinstitutions était toujours limitée, les règles exprimées formellement restaient rares, elles étaient imposées depuis le sommet vers la base essentiellement, et elles n'étaient pas vraiment complémentaires. Alors que les clients étrangers et les fournisseurs locaux continuaient de privilégier les approches à bien plaire, le système était toujours peu charpenté, malgré des améliorations sur certains points, principalement en ce qui concerne la sécurité des bâtiments (des initiatives comme l'Accord et l'Alliance ayant largement contribué à renforcer la transparence et à sensibiliser les directions d'usines et les travailleurs en ce qui concerne les obligations découlant de la loi et des codes de conduite dans le domaine). Cependant, on observait encore des lacunes importantes du côté des politiques publiques. Ainsi, dans la plupart des pays occidentaux, les dispositions visant à encadrer le fonctionnement des chaînes d'approvisionnement étaient toujours inexistantes ou embryonnaires, et il était encore rare que l'on envisage de suspendre les préférences commerciales en cas de violation des normes relatives au travail. Parallèlement, le dispositif visant à assurer l'application de la loi au Bangladesh restait très limité. Le SGT était plus explicite depuis la révision de la loi sur le travail du Bangladesh de 2006, l'élaboration des Principes directeurs des Nations Unies applicables aux entreprises donneuses d'ordres et la publication des procédures de l'OCDE sur la transparence et le contrôle de l'application du droit. En outre, un dialogue s'était établi entre les parties prenantes. Grâce à cela, les directeurs d'usines et les travailleurs déclaraient être mieux informés des règles de sécurité et des droits au travail (Frenkel, Rahman et Rahman, non publié; Kabeer, Huq et Sulaiman, 2020) . La structure de coordination était généralement imposée de façon autoritaire: les entreprises donneuses d'ordres, les pays occidentaux et d'autres parties prenantes exigeaient un respect rigoureux des nouvelles règles relatives à la sécurité des bâtiments. Il n'y avait pas de mécanisme de dialogue social permanent, réunissant ces acteurs et des représentants des entreprises locales et des travailleurs, en vue de résoudre les problèmes et d'imaginer de nouvelles stratégies réglementaires. Cependant, l'Accord -en association avec l'OIT -et l'Alliance avaient amené les représentants des entreprises donneuses d'ordres, des fédérations syndicales internationales et des organisations locales à dialoguer et entrer en consultation avec les ONG. Les représentants des entreprises locales étaient tenus informés régulièrement des activités (même s'ils n'étaient pas associés à la prise de décision au sein de l'Accord et de l'Alliance). Dans le cas de l'Accord, des mécanismes de coordination étaient prévus explicitement. En effet, les évaluations de fournisseurs et les plans de mise à niveau réalisés d'un côté et de l'autre étaient reconnus formellement. La coordination entre l'Accord et l'Alliance d'une part et le programme d'inspection mis en place par le gouvernement de l'autre est restée limitée. De son côté, l'OIT a contribué à l'organisation de fréquentes discussions en vue d'une amélioration de la formation en matière de sécurité, avec l'appui de gouvernements étrangers. Cependant, le rapport de forces est resté déséquilibré, au profit des entreprises donneuses d'ordres et aux dépens des syndicats et des organisations d'employeurs locaux. Ce sont donc plutôt les entreprises étrangères qui ont pris l'initiative de la coordination, en collaboration avec les fédérations syndicales internationales. En l'absence de mécanismes de coopération globaux, la complémentarité entre les différentes initiatives n'a pas vraiment été assurée. Il semblerait que les entreprises étrangères répartissaient leurs fonds entre les unes et les autres en privilégiant celles qui servaient le mieux les objectifs fixés par leur direction. En outre, les directeurs d'usines sur place devaient se soumettre à de nombreuses visites d'audit, réalisées pour le compte de clients exigeant toujours plus de transparence et de coordination, afin de vérifier le respect de codes de conduite différents et parfois contradictoires, ce qui leur revenait cher. Le contrôle de l'application de la réglementation du travail officielle laissait toujours à désirer. Les améliorations les plus notables concernent la sécurité des bâtiments. L'Accord (en association avec l'Alliance) a coordonné plusieurs initiatives dans le domaine, encourageant le dialogue entre les organisations et en leur sein et contribuant à la création d'un climat caractérisé par une meilleure application des normes internationales relatives au travail dans les usines du secteur travaillant pour les sociétés affiliées à ces structures (Frenkel, Rahman et Rahman, non publié) . Cependant, les employeurs et les cercles politiques du Bangladesh ont fait bloc contre le maintien de cette forme d'encadrement collectif, axé sur la transparence et sur la participation des travailleurs (Bair, Anner et Blasi, 2020) , avec l'appui tacite des entreprises et des gouvernements des pays occidentaux (Vogt, 2017) . Par conséquent, le SGT est resté fragmenté et peu cohérent. Nous proposons dans le tableau 3 une synthèse de l'évolution de la situation des travailleurs du secteur de l'habillement au Bangladesh après l'accident du Rana Plaza. L'accent est mis sur certains aspects spécifiques, présentés séparément selon qu'il s'agit d'éléments matériels ou d'évolutions relatives aux moyens d'action. Les informations sont tirées des données rassemblées par Kabeer, Huq et Sulaiman (2019 et 2020) et se fondent sur les déclarations des travailleurs. Dans ce tableau, nous ne nous limitons pas aux éléments codifiés (par exemple les systèmes de représentation formels, le niveau des salaires et la durée du travail), mais présentons aussi les aspects non codifiés relatifs aux moyens disponibles et à la justice interactionnelle. Pour commencer, nous consignons l'appréciation donnée par les travailleurs quant à l'importance d'une série d'éléments matériels, en allant du plus important au moins important (voir les deux premières colonnes). Nous commentons ces réponses dans la troisième colonne. Les colonnes 4 à 6 présentent l'opinion des travailleurs sur l'évolution de la situation depuis la catastrophe du Rana Plaza. Parmi les éléments de satisfaction, il y a la sécurité des bâtiments et l'environnement de travail, ce qui atteste des effets de l'Accord et de l'Alliance. De même, il n'y a pas de précarité de l'emploi particulière, même si on peut noter qu'un peu moins de 6 travailleurs sur 10 seulement sont satisfaits de leur ancienneté dans leur poste, alors qu'ils sont pourtant quasiment tous employés sur une base permanente. D'autres aspects semblent poser plus de problèmes. C'est le cas des salaires: s'ils sont bien supérieurs au minimum légal (qui est très faible), ils sont en deçà du minimum vital, soit ce qui serait nécessaire pour assurer des conditions d'existence convenables, et la durée du travail est très importante. Les travailleurs disent faire beaucoup d'heures supplémentaires en période de pointe (3,3 heures par jour en moyenne), ce qui est plus que le maximum autorisé (mais nous ne savons pas si cette situation se présente fréquemment). En ce qui concerne les moyens d'action, la tendance ne semble pas très favorable, malgré quelques améliorations. Ainsi, les violences verbales, qui émanent des responsables hiérarchiques directs le plus souvent, sont fréquentes. Quant aux cas de harcèlement sexuel, ils sont difficiles à évaluer et sans doute sous-déclarés (Walby, 2005) ; 6 travailleurs sur 10 environ seulement se déclarent satisfaits de la qualité des relations avec leurs supérieurs. Ils évoquent à ce sujet une attitude axée sur le respect des règles (49,3 pour cent) ou caractérisée par une domination unilatérale (27,8 pour cent) plutôt que bienveillante (14,3 pour cent) ou ouverte à la consultation (8,6 pour cent). Cependant, près des deux tiers des répondants disent pouvoir présenter des réclamations. Il est intéressant de noter que 71 pour cent d'entre eux se déclarent informés de la teneur des codes de conduite appliqués par l'entreprise, alors que 40 pour cent seulement disent être au courant du contenu de la législation du travail. En outre, malgré une implantation syndicale quasi inexistante et l'absence de négociation collective, Les comités participatifs tendent à remplacer les syndicats (4,3 % des répondants disent qu'il y a un syndicat dans l' établissement); la consultation tend à remplacer la négociation collective 68,4 30,1 1,5 Note: Le pourcentage de satisfaction correspond à la proportion des travailleurs qui déclarent être satisfaits de leur situation (autres réponses possibles: ni satisfait ni insatisfait, très insatisfait). Pour le salaire, le taux de change au 6 septembre 2021 était de 85 taka pour 1 dollar É-U. Pour ce qui est de l' opinion sur l' évolution de la situation depuis le Rana Plaza, on notera que les répondants n' étaient pas interrogés sur les changements en ce qui concerne la durée du travail, les violences verbales et la possibilité de présenter des réclamations. Pour les rubriques correspondantes, les données qui figurent dans la dernière colonne portent donc uniquement sur l' évolution relative aux heures supplémentaires, aux problèmes de harcèlement sexuel et au fonctionnement des comités participatifs. Source: Repris et adapté de Kabeer, Huq et Sulaiman (2019 . une grande partie des travailleurs déclarent que les comités participatifs sont opérationnels et constitués de représentants élus, alors que près de deux tiers d'entre eux jugent ces instances efficaces. En ce qui concerne l'évolution dans le temps, la tendance est plus claire et positive, même s'il faut rappeler que la situation de départ, avant le Rana Plaza, était particulièrement mauvaise. Pour cinq des huit éléments pris en compte dans le tableau 3, plus de la moitié des travailleurs interrogés indiquent que les choses se sont améliorées à l'échelle de leur établissement depuis l'accident. Ce n'est que pour les possibilités d'heures supplémentaires qu'une proportion non négligeable des travailleurs (40 pour cent) signalent une détérioration. En outre, pour les points pour lesquels les améliorations sont signalées par moins de deux tiers des répondants -sécurité de l'emploi, salaires, harcèlement sexuel et relations avec les supérieurs -, une minorité importante fait état d'un statu quo. Pour Kabeer, Huq et Sulaiman (2020) , les évolutions favorables sont essentiellement imputables aux efforts concertés déployés dans le cadre de l'Accord et de l'Alliance. Ils observent que les ouvriers des usines assujetties à ces programmes sont nettement plus susceptibles de signaler des améliorations pour ce qui est de la sécurité des bâtiments et de l'environnement de travail. Il en va de même en ce qui concerne la possibilité de présenter des réclamations pour dénoncer un harcèlement sexuel. Ainsi, ces programmes, pourtant principalement axés sur la sécurité, ont eu des retombées dans d'autres domaines, en créant un climat de relations professionnelles globalement plus favorable en comparaison avec les autres usines. En revanche, on n'observe pas de différences notables pour les salaires, les heures supplémentaires et la sécurité de l'emploi, autant d'aspects qui dépendent dans une large mesure de la demande des acheteurs et des exigences de la production. (Thomas, 2021) . En outre, on observe au sein du système un fort degré de coordination, tant avec les organisations d'employeurs qu'avec les syndicats. Ceux-ci jouent du reste un rôle important, en partie grâce aux particularités de la production (produit qualitatif, valeur à l'exportation, denrée périssable), et ils exercent une influence sur le plan politique, grâce au jeu des solidarités ethniques. En 2020, l'industrie de l'habillement a été touchée par la crise du COVID-19. Les exportations de vêtements des producteurs du Bangladesh ont plongé, au fur et à mesure que les marques annulaient ou reportaient leurs commandes et retardaient leurs paiements (Anner, 2020; BIT, 2020a) . Plusieurs grandes enseignes ont fait faillite. À l'appel de syndicats et d'ONG, certains clients importants ont accepté de payer les commandes déjà passées. D'autres ont demandé des ristournes à leurs fournisseurs, ou alors elles se sont défaussées de leurs responsabilités en s'abritant derrière les clauses de force majeure figurant dans les contrats. Sur place, après un mois de confinement, décrété par les autorités en mai 2020, les usines ont rouvert, dans le respect des directives sanitaires officielles, la production tombant à 55 pour cent de la capacité ordinaire. Selon des estimations, 11 pour cent des travailleurs auraient perdu leur emploi en conséquence entre décembre 2019 et septembre 2020, et le salaire moyen aurait chuté de quelque 8 pour cent (CCC, 2021) . Face au mécontentement des travailleurs, le gouvernement a annoncé le 31 mars 2020 qu'il allait lancer un plan d'assistance de 595 millions de dollars É.-U. Parmi les mesures envisagées, il était prévu d'offrir des crédits assortis d'un taux d'intérêt de 2 pour cent aux industriels locaux afin qu'ils puissent verser les salaires pendant trois mois (Rahman, à paraître). Cependant, la reprise a été poussive, notamment au sein des petits établissements. De leur côté, les entreprises donneuses d'ordres ont revu leurs stratégies commerciales et leur système de production (BoF et McKinsey, 2020) . Soucieuses de rendre leurs chaînes d'approvisionnement plus résilientes, et de limiter les risques pour leurs opérations et leur réputation, elles ont accéléré le tournant entamé après l'accident du Rana Plaza, en cherchant à collaborer plus étroitement avec des fournisseurs moins nombreux et plus importants en taille (Schuessler et al., 2019) . En outre, en raison des contraintes pesant sur les voyages, les marques confient plus volontiers le contrôle du respect des règles à des partenaires locaux, parfois en s'appuyant sur les nouvelles technologies (Rankin, 2020) . Le recours à l'intelligence artificielle et à l'impression 3D est aussi envisagé pour rapprocher la fabrication des points de vente, ce qui menacerait sur le long terme l'emploi dans l'industrie de l'habillement au Bangladesh. Pendant ce temps, les exportations de vêtements se sont beaucoup développées au Viet Nam, pays qui a réussi à endiguer la pandémie au moment de la première vague, et qui a supplanté le Bangladesh dans le classement en 2020, en se positionnant au deuxième rang des exportateurs de vêtements dans le monde (Ishty et Tasneem, 2020) . Cette progression a alarmé les industriels bangladais. Ceux-ci se sont montrés plus solidaires et plus ouverts aux nouvelles technologies permettant de se tourner vers des productions respectueuses de l'environnement, complexes et à forte valeur ajoutée. Ces différentes évolutions conjuguées -notamment l'annulation de commandes et les retards de paiement -sont autant de sources d'inquiétudes et d'incertitudes (BoF et McKinsey, 2020) pour les acheteurs comme pour les sous-traitants, ce qui ne contribue pas à amener la confiance et l'esprit de coopération qui seraient nécessaires pour parvenir à une transformation réelle du SGT (BIT, 2020b). Cependant, une fois que les programmes de vaccination auront été déployés largement, on pourra passer des stratégies de survie à des stratégies de croissance véritables, la période devenant alors propice à la réforme du SGT. Il faudra pour ce faire organiser des discussions avec les principales parties prenantes du système, en cherchant à corriger les éléments qui conduisent à un travail «indécent», à la fois du côté de l'offre et du côté de la demande (LeBaron, 2021) . L'action devra viser trois objectifs: relever systématiquement les prix de vente jusqu'à un niveau raisonnable, lancer un programme de modernisation des installations et renforcer les mécanismes visant à assurer la représentation des travailleurs. Premièrement, la législation des pays où sont implantées les entreprises donneuses d'ordres devrait instaurer un niveau plancher au-dessous duquel le coût du travail ne pourrait pas tomber dans les chaînes d'approvisionnement de ces dernières. De telles dispositions revêtent une importance particulière au vu des conséquences de la pandémie sur l'emploi. Elles devraient prévoir la responsabilité extraterritoriale des donneurs d'ordres, qui devraient rendre des comptes en cas de violation des normes internationales du travail dans les usines de leurs fournisseurs (Bartley, 2018) . Des propositions allant dans ce sens sont à l'examen dans plusieurs pays européens, mais les entreprises qu'elles visent ne les voient pas d'un bon oeil. Ces réformes législatives sont pourtant urgentes si l'on veut exploiter le mouvement lancé par les initiatives de réglementation privées actuelles, dont le programme Action Collaboration Transformation, qui vise à instaurer un salaire décent dans les chaînes d'approvisionnement de l'industrie textile et de l'habillement (Ashwin et al., 2020) , ou encore, en Allemagne, l'alliance pour des textiles durables (Bündnis für nachhaltige Textilien) (Grimm, 2019) , destinée à institutionnaliser une négociation collective sectorielle et à élaborer des directives pour des pratiques d'achat transparentes et responsables. Des règles exemplaires régissant la passation des marchés publics et des systèmes de label transparents compléteraient la législation, en contribuant à faire évoluer le comportement des consommateurs (Lohmeyer et Schuessler, 2018) . Toutes les enseignes de l'habillement implantées dans les pays dotés de ces règles seraient alors obligées de payer des prix suffisants pour que les normes convenues soient respectées, si elles veulent traiter avec des fournisseurs au Bangladesh. Elles devraient aussi revoir leurs politiques d'achat à la lumière des principes de la responsabilité sociale et récompenser les fournisseurs qui offrent des bonnes conditions de travail à leur personnel sur la durée en leur accordant des conditions préférentielles (commandes plus importantes, à plus long terme) et en prenant part à des programmes de promotion économique et sociale conjoints susceptibles d'attirer l'investissement de gouvernements étrangers (Barrientos, Gereffi et Rossi, 2011; Amengual, Distelhorst et Tobin, 2020) . En parallèle, il conviendrait de mettre en oeuvre des réformes à l'échelon des établissements industriels, comme indiqué plus bas. Les accords commerciaux internationaux pourraient jouer un rôle en la matière, en prévoyant des possibilités d'exonération fiscale pour les acheteurs qui respectent certaines normes en matière de gouvernance dans leur chaîne de valeur, et la suppression des concessions tarifaires aux dépens des fournisseurs qui ne respectent pas les normes relatives au travail. De telles réformes seront sans doute combattues par les entreprises donneuses d'ordres, soucieuses de multiplier les commandes dans un marché déprimé, alors que les États ont plutôt pour objectif de stimuler l'économie nationale et d'empêcher de nouvelles pertes d'emploi. Quant aux consommateurs, ils auront peut-être pour priorité de protéger leur niveau de bien-être, plutôt que d'exprimer leur solidarité avec les ouvriers de pays bien éloignés du leur. Cependant, avec la pandémie, les ONG et les syndicats tirent la sonnette d'alarme, et les consommateurs prennent conscience de la situation particulièrement difficile des travailleurs de l'industrie de l'habillement dans le monde. À ce titre, on peut imaginer que le COVID-19 constituera un événement focalisant, comme la tragédie du Rana Plaza il y a huit ans, et jouera un rôle de détonateur, favorisant l'adoption de réformes. Mais cela ne sera le cas que si les parties prenantes maintiennent la pression (Schuessler, Frenkel et Wright, 2019) . Deuxièmement, pour répondre aux exigences de prix et de qualité, tout en respectant les normes relatives au travail convenues, les usines devront mettre à niveau leur capacité de production, afin de maintenir ou réduire le coût salarial par unité produite. Il leur faudra pour cela moderniser leurs installations, ce pour quoi elles devront éventuellement solliciter des prêts à des conditions de faveur à la Société financière internationale (Groupe de la Banque mondiale) ainsi que des financements de pays étrangers, dans le cadre du dialogue multiniveaux que nous avons évoqué précédemment. Ce programme devrait mettre l'accent sur les améliorations dans trois domaines spécifiques: les stratégies d'entreprise, notamment en ce qui concerne les nouveaux marchés de produits, l'établissement de relations commerciales débouchant sur des prix équitables et des processus de nature à renforcer la productivité, grâce à des techniques de gestion modernes ou à des consultations entre travailleurs et directions d'entreprises, dans les deux cas en association avec des programmes de formation appropriés et des mécanismes permettant à la main-d'oeuvre d'avoir une forme d'expression collective plus poussée au niveau de l'établissement, éventuellement avec l'appui du Programme Better Work (Pike, 2020) . Troisièmement, il faut transformer en profondeur les relations professionnelles dans les usines. À cet effet, il conviendrait de promouvoir un dialogue multiniveaux, au moyen d'une commission rassemblant des représentants de toutes les parties prenantes, placée sous la présidence de l'OIT, instance collaborative qui devrait déboucher sur un changement véritable. En outre, il faudrait convaincre les directions d'usines de l'intérêt de la négociation collective, qui doit être accompagnée de mécanismes de consultation, par l'intermédiaire de comités participatifs et de comités de sécurité opérationnels. De même, il faut remplacer la multitude de codes de conduite et de procédures d'audit qui cohabitent aujourd'hui et dépendent d'entreprises donneuses d'ordres différentes par des accords et des systèmes de contrôle unifiés. En outre, si l'on veut que la négociation et la consultation soient efficaces, il faut que les syndicats revoient leur façon de fonctionner, en analysant les avantages et les désavantages des différentes possibilités d'organisation (au niveau du lieu de travail ou de la branche ou encore en lien avec une formation politique) et en réfléchissant à la façon de collaborer avec les fédérations syndicales internationales comme IndustriALL. Cette instance a joué un rôle important dans la dénonciation des comportements répréhensibles des entreprises donneuses d'ordres pendant la pandémie de COVID-19 (par exemple avec la campagne #PayUp). Elle a aussi largement contribué à la conclusion d'accords entre ces sociétés et les acteurs de l'industrie au niveau local, afin d'éviter les licenciements et d'assurer le versement des salaires (BIT, 2020b). Avec la pandémie, le recours aux outils numériques et aux pratiques connexes s'est accru, ce qui a facilité les actions de mobilisation de la main-d'oeuvre depuis la base (voir l'analyse de l'initiative ExChains dans Lohmeyer, Schuessler et Helfen, 2018) , une évolution qui pourrait renforcer la position des travailleurs dans le rapport de forces à l'avenir (Helmerich, Raj-Reichert et Zajak, 2021) . Depuis l'effondrement tragique du bâtiment du Rana Plaza en 2013, que l'on peut assimiler à un événement focalisant, des progrès ont certes été enregistrés. Cependant, le système de gouvernance du travail (SGT) présente toujours de nombreuses lacunes dans le secteur de l'habillement au Bangladesh, si bien que les ouvriers sont toujours exposés à l'exploitation et continuent de risquer leur vie. Avec la crise du COVID-19, les problèmes structurels entachant la gouvernance des chaînes de valeur mondiales perdurent, et l'emploi dans les établissements industriels, qui constitue l'objet même du système, est sur la sellette. Les nouvelles institutions, publiques ou privées, doivent se fixer les priorités suivantes: promouvoir un développement de la branche fondé sur des relations équilibrées entre acheteurs et fournisseurs, constituer un réseau de fournisseurs efficaces, soucieux de la durabilité sociale et environnementale, et donner plus de moyens d'expression aux travailleurs. Ces nouveaux objectifs représentent une évolution majeure, qui n'est pas susceptible de se concrétiser tant que les donneurs d'ordres, les fournisseurs et les travailleurs peinent à assurer leur survie économique, notamment à cause de la pandémie. Cependant, lorsque la crise sera passée, nous découvrirons peut-être qu'elle a constitué un événement focalisant, créant ainsi des conditions favorables pour que les parties prenantes et les responsables de l'élaboration des politiques travaillent ensemble à l'édification d'un SGT optimal, capable d'encadrer comme il convient les activités des chaînes de valeur de l'industrie de l'habillement au Bangladesh. «Contested Compliance Regimes in Global Production Networks: Insights from the Bangladesh Garment Industry «Complementary Labor Regulation: The Uncoordinated Combination of State and Private Regulators in the Dominican Republic «Reinforcing the State: Transnational and State Labor Regulation in Indonesia «Global Purchasing as Labor Regulation: The Missing Middle «Labor Control Regimes and Worker Resistance in Global Supply Chains CSR Participation Committees, Wildcat Strikes and the Sourcing Squeeze in Global Supply Chains State College (États-Unis): PennState Center for Global Workers' Rights Rachel Alexander et Nora Lohmeyer. 2020. «Spillover Effects across Transnational Industrial Relations Agreements: The Potential and Limits of Collective Action in Global Supply Chains «Contextualising Compliance: Hybrid Governance in Global Value Chains «The Political Economy of Private and Public Regulation in Post-Rana Plaza Bangladesh Nouveau paradigme du progrès économique et social dans les réseaux de production mondiaux Rules without Rights: Land, Labor, and Private Authority in the Global Economy et Niklas Egels-Zandén. 2015. «Responsibility and Neglect in Global Production Networks: The Uneven Significance of Codes of Conduct in Indonesian Factories», Global Networks «Governing Global Supply Chains: What We Know (and Don't) about Improving Labor Rights and Working Conditions «Effet d'entraînement au sein de la chaîne d'approvisionnement: les répercussions du COVID-19 sur les travailleurs et les usines du secteur de l'habillement en Asie et dans le Pacifique What Next for Asian Garment Production after COVID-19? 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